Que Choisir Pratique 2023 03
Que Choisir Pratique 2023 03
Que Choisir Pratique 2023 03
ALIMENTATION
Halte a u
gasp illa ge !
En régions,
les initiatives
DOM surface : 8,20 € TOM : 960 XPF
à suivre
ENQUÊTE Face à l’inflation,
les stratégies des Français
Consultez chaque trimestre nos
NUMÉROS
PRATIQUES
Vous avez entre les mains la toute dernière édition
de Que Choisir Pratique. Mais ce n’est pas la seule !
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131 Familles - Traditionnelle, monoparentale… 6,95 €
132 Chiens & chats 6,95 €
133 Auto - Roulez moins cher 6,95 €
134 Habitat - Bien gérer vos travaux 6,95 €
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E
t si on jetait à la poubelle nos mauvaises habitudes?
Celles qui, par méconnaissance, par manque de temps,
par flemme aussi avouons-le, nous poussent à nous
débarrasser trop facilement de produits qui auraient
encore pu réjouir des papilles. En France, 10 millions
de tonnes de nourriture sont ainsi jetées chaque année. Si vous êtes
comme moi, ce chiffre très grand ne vous parle pas. Mais si je vous
dis que cela correspond à plus de 150 kg de déchets par personne
et par an, soit plus d’une centaine de repas, c’est tout de suite
plus marquant! Un tiers du gaspillage alimentaire est directement
imputable aux consommateurs. Mais chaque maillon de la chaîne
a sa part de responsabilité – de l’agriculteur qui ne sait pas comment
écouler sa surproduction jusqu’à l’industriel qui doit gérer
ses invendus en passant par le chef restaurateur sommé de calculer
au plus juste les quantités à commander pour nourrir ses convives.
Produire en trop, comme consommer en excès, a un impact négatif
sur l’environnement, cela engendre pollution et effet de serre.
Mais ce n’est pas la seule raison qui doit nous inciter à revoir
nos habitudes. Car ne plus gaspiller, cela a également un effet positif
sur le porte-monnaie. Ce numéro de Que Choisir Pratique vous indique,
entre autres, les trucs et astuces pour adopter les bons gestes, les
adresses utiles pour acheter mieux et moins cher, les initiatives prises
dans vos régions… et même des recettes antigaspi pour accommoder
les restes sans en perdre une miette. Alors, on s’y met?
Pascale Barlet
Quechoisir.org
Service abonnements : 01 55 56 71 09
Tarifs : 1 an, soit 11 numéros : 44 € • 1 an + 4 hors-séries : 62 €
1 an + 4 hors-séries + 4 numéros Que Choisir Pratique : 90 €
RÉDACTRICES-GRAPHISTES JURIDIQUE
Sandrine Barbier, Clotilde Raphaël Bartlomé (responsable),
Gadesaude, Capucine Ragot Gwenaëlle Le Jeune,
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LE POIDS DU GÂCHIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
LES BONS GESTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
DES REPÈRES POUR VOUS GUIDER . . . . . . . . . . . . . . . . 42
LA TECHNOLOGIE, GADGET OU RÉVOLUTION ? . . . .64
LE TOUR DES INITIATIVES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
L
ongtemps négligé,
le gaspillage alimentaire
est désormais un enjeu
de société, et même un défi
planétaire. Du champ à l’assiette,
grands et petits gestes nourrissent
une aberration économique,
éthique et écologique: chaque
année, en France, 10 millions
de tonnes de denrées alimentaires
partent à la benne, qu’elles
soient délibérément jetées
ou involontairement perdues.
Soit, par an, 16 milliards d’euros
mis par les fenêtres et plus
de 15 millions de tonnes de CO2
inutilement produits (3% des
émissions nationales de gaz
à effet de serre), et ce en dépit de
la loi sur le gaspillage alimentaire.
Des agriculteurs aux industriels,
des enseignes de la grande
distribution aux restaurateurs,
des gestionnaires de cantines
aux consommateurs, tous
doivent s’emparer du sujet. Mais
pour réduire, voire éliminer
le gaspi, un vrai changement doit
s’opérer dans les comportements
individuels et collectifs.
REPENSER L’AGRICULTURE
Aléas climatiques, ravageurs, volatilité des prix, évolution de la demande…
Si les causes des pertes en production agricole sont clairement identifiées,
force est de constater qu’elles restent difficiles à maîtriser.
L
a perte au champ concentre un tiers du productions, végétales comme ani-
gaspillage alimentaire; l’aléa climatique, males, impropres à la transforma-
par définition variable et non maîtri- tion, et même à la consommation.
sable, en est la raison principale. Son En témoignent les 16 millions de
impact sur le rendement est plus ou moins fort, volailles abattues en France l’hiver
et parfois catastrophique si un épisode de grêle, dernier en raison d’une contamination
de gel, de chaleur ou de sécheresse a lieu à une à la grippe aviaire – sans compter une
période où les cultures sont sensibles. «Or, avec résurgence de cette épizootie (épidémie
le changement climatique, ça ne va pas s’arranger. frappant le monde animal) cette année. Côté
Non seulement ce phénomène décale dans le temps produits de la mer, la problématique est toute
les périodes de sensibilité des plantes, mais il rend autre. Selon un rapport de l’Organisation des
les événements climatiques plus intenses», décrypte Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
l’agroclimatologue Serge Zaka. (FAO), un poisson sur trois pêché en mer n’arrive
Le monde agricole doit également composer avec jamais dans nos assiettes, jeté par-dessus bord en
une foule de maladies et de ravageurs (insectes, raison de sa taille ou de son espèce. Ainsi, non
rongeurs, moisissures…), capables de rendre les seulement la surpêche industrielle vide les océans,
mais elle est aussi grande source de gâchis.
place dans les assiettes à l’au- Grâce à un partenariat signé avec Parmentine, une
tomne dernier, qui fut le deuxième entreprise rassemblant plus de 400 producteurs,
plus chaud jamais enregistré. De Les Restos n’ont plus besoin d’acheter des pommes
fait, qui voudrait manger des endives de terre depuis trois ans. Ils aimeraient aller plus
au jambon quand les températures frisent les loin, notamment avec les marchés de gros. «Si l’on
20 °C ? L’illustration la plus emblématique de pouvait récupérer ne serait-ce que 10000 tonnes parmi
cette versatilité du marché reste le recul inédit de les invendus de Rungis, cela suffirait à nourrir les
la consommation de produits bios. Comment personnes que les Restos du cœur accueillent en région
imaginer une telle situation après huit années de parisienne», assure Thierry Jacques.
croissance ininterrompue dans ce secteur? Enfin, la valorisation en alimentation animale peut
Fort heureusement, tout n’est pas perdu. Les pro- contribuer à réduire le gaspillage. «C’est ni plus ni
ducteurs ont la possibilité de valoriser leurs excé- moins ce que l’on faisait il y a 50 ans, en nourrissant
dents de fruits et de légumes de diverses façons. les cochons avec les fruits et légumes cabossés»,souligne
Des structures comme le grossiste Atypique ou le sociologue Jean-Pierre Poulain. Avant que l’on
la société Bene Bono (ex-Hors Normes) œuvrent considère plus commode de les nourrir avec des
pour recycler les primeurs «hors calibre» et granulés à base de céréales et d’oléoprotéagineux…
«déclassés». D’autres entreprises les transforment, En ultime recours, les récoltes seront utilisées pour
dans des ateliers spécialisés, en soupes, compotes faire du compost ou de la méthanisation.
ou plats cuisinés. Les agriculteurs peuvent aussi Le saviez-vous ? L’été dernier, la France a connu
donner leurs surplus aux personnes dans le besoin, l’un de ses plus graves épisodes de sécheresse.
notamment via l’association Solaal, qui met en Les cultures de blé et de maïs ont particulière-
I. BARTUSSEK-RONSTIK/ADOBE STOCK
relation organisations dédiées à l’aide alimentaire ment souffert, mais aussi celles de pommes de
et agriculteurs. Les dons se font aussi parfois en terre, dont bon nombre ont été déclassées car
direct. «L’avantage, c’est que ce sont des produits de jugées trop petites par rapport aux exigences du
saison, fraîchement récoltés, donc de première qualité», cahier des charges des chaînes de restauration
explique Thierry Jacques, bénévole en charge du rapide. De fait, il faut des patates d’un certain
pôle alimentaire aux Restos du cœur. calibre pour des frites fines et longues…
U
ne faute de frappe sur l’étiquette, un mieux nos stocks nécessite du temps pour vendre. C’est
chiffre erroné dans le tableau des valeurs pourquoi nous avons pris l’initiative d’allonger les dates
nutritionnelles, un logo mal placé: il limites de consommation sur une partie de nos produits
en faut peu pour condamner une frais commercialisés sous notre marque, explique
palette entière de produits alimentaires à sortir Bertrand Swiderski, directeur de la responsabilité
du circuit de vente, alors même que leur qualité sociale des entreprises (RSE) du groupe
intrinsèque n’est pas mise en cause. À cela s’ajoute Carrefour. Par exemple, 6 jours de plus pour le
une contrainte: la règle du un tiers/deux tiers ins- gruyère, 10 jours pour les yaourts ou encore
crite dans les contrats entre la grande distribution 5 jours pour le jambon. J’espère que cette ini-
et ses fournisseurs. Elle stipule que le fabricant tiative inspirera d’autres acteurs.»
peut détenir la marchandise pendant le premier
tiers de sa durée de vie, mais pas plus, afin de laisser Course effrenée
les deux tiers restant au distributeur.Autrement Outre la date de péremption,
dit, les denrées doivent avoir, au sortir des entrepôts, c’est la temporalité même de
au moins les deux tiers de leur durée de consom- certains produits qui pose pro-
mation devant elles afin de maximiser leurs chances blème. Ainsi, tous les aliments
d’être écoulés dans les temps. «À un jour près, une qui débarquent en rayon à l’approche des fêtes ou
palette peut se voir refusée. À charge alors pour le des rendez-vous sportifs (foies gras à Noël, œufs
fabricant de la recycler», souligne Marie Mourad, de Pâques au printemps, boissons siglées Jeux
chercheuse associée à Sciences Po. olympiques ou produits à l’effigie des Bleus pen-
Au siège de la Fédération du commerce et de la dant la Coupe du monde de foot…) se «périment»
distribution (FCD), on considère que « cette règle très rapidement. Un événement a vite fait de
relève des relations contractuelles ». Sous
entendu, elle fait partie des marges
de négociations commerciales,
circulez il n’y a rien à voir.
Et pourtant, des aména-
gements peuvent être
trouvés pour limiter les
pertes et prévenir le
gaspillage. « Gérer au
U
n produit en rupture, c’est du chiffre mais c’est devenu une obligation inscrite dans
d’affaires en moins. Pire, un consom- la loi. Et au début, cela a plutôt bien fonctionné.
mateur qui, à plusieurs reprises, ne Entre 2016 et 2019, par exemple, les dons aux
trouve pas sa marque favorite de Restos du cœur ont augmenté de 24 %, et ceux
céréales, de yaourts ou de soda est capable de aux banques alimentaires, de 23 %. Puis « la
changer d’enseigne. C’est la raison pour laquelle mobilisation et l’engagement contre le gaspillage
les supermarchés préfèrent jouer le trop-plein ont commencé à s’essouffler. Alors que 91 % des
(qui représenterait, selon Too Good To Go, 1 à acteurs donnaient en 2019, ils n’étaient plus que
3% de leur chiffre d’affaires) plutôt que de risquer 75% en 2020, et en plus, pas tous les jours», explique
la rupture de stock. Que deviennent alors les Pierre-Yves Pasquier, le cofondateur de Comerso,
invendus ? Autrefois, ni vu ni connu, ils termi- start-up valorisant les invendus.
naient dans une poubelle, aspergés d’eau de Javel
pour les rendre impropres à la consommation. Changement de mentalité des clients
Jusqu’à ce que la loi Garot, en 2016, oblige les En réalité, la grande distribution a retourné la lutte
distributeurs à les donner à des associations antigaspi à son profit. Car le regard des consom-
d’aide alimentaire, qui les redistribuent à leurs mateurs a changé : ce qui autrefois était considéré
bénéficiaires. En échange de quoi, les enseignes comme ringard est devenu synonyme d’achat malin.
peuvent décompter 60 % de la valeur des dons Bertrand Swiderski, directeur de la responsabilité
de leur assiette fiscale. Certaines le faisaient déjà, sociale des entreprises (RSE) du groupe Carrefour,
en convient:«Il n’y a plus de honte à s’approvisionner casse en bout de chaîne. Ce sont des informations
dans les corners antigaspi. On assiste à un réel chan- «contractuelles», estime la Fédération du com-
gement de mentalité de nos clients.» Dès lors, plutôt merce et de la distribution (FCD), et «générale-
que de donner leurs produits, les distributeurs ment confidentielles», dit-on chez Casino. Mais
cherchent aujourd’hui à optimiser leur fin de «nous jetons très peu, assure-t-on chez Carrefour.
vie. Ils s’appuient pour cela sur des start-up ayant Les directeurs de nos magasins y sont d’ailleurs for-
recours à l’intelligence artificielle pour définir tement sensibilisés. Les rares aliments mis à la pou-
la meilleure option possible, entre la commer- belle sont ceux que nous ne sommes pas autorisés à
cialisation à prix réduit en magasin (des stickers donner, comme les steaks hachés ou les pâtisseries.
affichant - 30 à - 50 %), la revente via des applis D’ailleurs, on a déjà fait reculer le gaspillage ali-
de type Too Good To Go ou Phenix (avec des mentaire de 31 % en volume.» Un chercheur sou-
rabais compris entre 50 et 70 %) et le don aux ligne toutefois que «si on obligeait les entreprises
associations. L’idée est de générer le maximum à rendre publique ce qu’elles jettent, la lutte contre
de marges tout en réduisant les pertes. le gaspillage serait plus efficace, car leur réputation
«L’économie a rejoint l’écologie !», s’enthousiasme serait alors en jeu. On ne mesure pas à quel point
Thierry Desouches, le porte-parole de Système U. le regard de la société est important pour elles.»
«Grâce à l’intelligence artificielle, tous les acteurs Certes, ce ne sont pas les distributeurs qui gas-
de la chaîne sont gagnants», se félicite de son côté pillent le plus, contrairement à une idée répandue.
Auchan dans un communiqué de presse. Des «C’est la partie la plus visible, mais ça ne pèse fina-
affirmations qui restent à vérifier, car au passage, lement que 14 % du gaspillage alimentaire», note
non seulement les dons des supermarchés aux Matthieu Riché, responsable RSE de Casino. Il
associations se sont raréfiés, mais leur qualité rappelle aussi qu’aucune enseigne n’a intérêt à
s’est dégradée (lire aussi p. 52-55). générer du gaspillage: «Si un distributeur ne vend
pas un produit, il perd de l’argent.» Enfin, mettre
Des résultats troubles
AB-7272-SZMULI /ADOBE STOCK
S
elon le dernier rapport de l’Observatoire p. 59-61). Parmi ces dernières, la gestion prévi-
national de la restauration collective sionnelle du nombre d’élèves inscrits à la cantine
bio et durable, publié en octobre 2022, se révèle la plus efficace. L’adaptation des portions
beaucoup de gens se préoccupent du aux nécessités physiologiques des convives consti-
gaspillage alimentaire, mais peu le mesurent. Or, tue un autre axe de travail: au collège en parti-
c’est essentiel. «Un diagnostic établi sur une semaine, culier, les besoins nutritionnels ne sont pas les
selon une méthodologie précise, permet à la fois de mêmes entre, par exemple, une jeune fille de
prendre conscience de l’ampleur du gaspillage et 11 ans en sixième et un gaillard de 14 ans dépas-
d’identifier les leviers d’action», souligne Pierre sant déjà 1,70 m en troisième… La qualité du
Ravenel, consultant en développement durable. repas végétarien, désormais servi une fois par
Voyons comment divers secteurs s’y prennent. semaine dans les écoles, est également détermi-
nante, car elle peut induire du gaspillage par
À L’ÉCOLE manque de formation et/ou d’inspiration des
chefs, et ce malgré toutes les bonnes volontés
À chacun sa portion du monde. Enfin, le tri et la mesure des restes
Nombreuses sont les collectivités locales à s’être des repas se révèlent intéressants à plus d’un
emparées du problème et à développer de bonnes titre. «Visualiser le gaspillage a une vertu pédago-
pratiques antigaspi en milieu scolaire (lire aussi gique», souligne Christophe Hebert, le président
Q
u’on ne se méprenne pas. «Le consom-
mateur n’est pas indifférent au gaspillage.
Fondamentalement, il n’aime pas jeter»,
assure la sociologue et chercheuse
Séverine Gojard. Quand il le fait, c’est souvent
un acte inconscient. Depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale, notre système agroalimentaire
nous a habitués à avoir une alimentation variée,
abondante et bon marché. Nous sommes passés
du choix à l’hyper-choix. Une évolution qui se
retrouve plus ou moins dans nos placards et réfri-
gérateurs… et dans nos comportements: les ali-
ments ayant perdu leur dimension sacrée, on jette
plus facilement qu’avant un légume abîmé ou
un reste de repas plutôt que d’essayer de les accom-
moder – contrairement aux personnes qui ont sur l’autre. Enfin, «au sein d’un foyer, la pression
connu le manque dû à la guerre. Difficile de peut-être forte pour ne pas servir plusieurs fois le même
changer des habitudes profondément ancrées ! plat durant la même semaine. Et que les restes soient
jetés à la poubelle.» La manière de faire ses courses
Le casse-tête de la gestion a changé, elle aussi. «Le plein pour la semaine réalisé
Lutter contre le gaspillage est aussi délicat avec des le samedi au supermarché a été remplacé par des
enfants à la maison. «La gestion prévisionnelle des achats plus fréquents, explique le sociologue Jean-
repas peut s’avérer très compliquée lorsqu’on a des Pierre Poulain. Or cette manière de stocker, voire de
ados. On ne sait jamais s’ils seront là, s’ils ne vont pas surstocker, peut générer indirectement du gaspillage.»
ramener des copains. Au final, on a tendance à prévoir Il y a, enfin, des ressorts psychologiques. L’angoisse
trop», poursuit Séverine Gojard. La situation n’est de manquer conduit parfois à accumuler de la
pas plus simple avec de jeunes enfants, dont les nourriture – on l’a encore vu récemment pendant
goûts changent parfois radicalement d’une semaine les confinements dus au covid.
4,7
dans la restauration que pourraient millions d’hectares
collective par repas et par tirer les entreprises de terres agricoles
convive, en moyenne (160 g agroalimentaires en activant sauvées si l’on réduisait
dans les établissements des leviers antigaspi (1). de moitié le gaspillage
alimentaire d’ici à 2030 (4).
DANS LE MONDE
RÉPARTITION DES SOURCES
DE GASPILLAGE EN FRANCE 74 kg de nourriture
jetés par personne
et par an (5).
28
Consommation * % des terres agricoles
dont la production
33 % sera perdue ou gaspillée (5).
14 %
32 % Production
agricole
38 % de l’énergie
dédiée à nos systèmes
de production alimentaires
Distribution
21 % qui seront utilisés
pour produire des aliments
Industrie perdus ou gaspillés (5).
agroalimentaire
Sources : (1) Ademe, (2) Cour des
KPN1968/ADOBE STOCK
Q
vie des denrées en limitant leur altération. Côté
u’est donc devenue la «puce fraîcheur»
face, elle représente «15 % de la consommation
de Monoprix? Cette pastille collée sur
les emballages de certains produits frais changeait d’électricité en Europe. En effet, plus de 60 % de nos
de couleur lorsque l’aliment devenait impropre aliments font appel à la chaîne du froid à un stade
à la consommation. Vert c’était bon, rouge c’était ou un autre du système », souligne Stéphane
trop tard. L’enseigne en avait fait un argument Guilbert, professeur émérite en sciences de l’ali-
marketing à la fin des années 1990… qui n’a pas ment à Montpellier SupAgro. Et ce n’est pas tout:
rencontré le succès espéré. Non seulement ce «Ensemble, la réfrigération et la congélation de
dispositif était coûteux, mais il manquait de lisibilité l’alimentation émettent en Europe autant de gaz à
et donnait des indications qui se télescopaient effet de serre que l’aviation.» La chaîne de produits
parfois avec les dates de péremption. surgelés Picard n’hésite pas à se vanter: «Le gas-
Le consommateur n’y comprenait plus rien. pillage alimentaire représente moins de 1 % de la
production Picard, là où il est à 10 % au niveau
national», peut-on lire sur le site internet de la ses qualités organoleptique et nutritionnelle – on
marque. De fait, ses articles ne génèrent pas trouve notamment des jus de fruits stabilisés à
d’épluchures, disposent de dates de péremption froid par haute pression. «Sauf que cette technique
très longues et n’entraînent pas de surconsom- nécessite des investissements spécifiques et des dépenses
mation grâce à une commercialisation en por- d’énergie supplémentaires, alors qu’il n’est pas du
tions. Oui, mais… pour qu’ils demeurent à -18 °C tout prouvé qu’augmenter la durée de vie d’un produit
à cœur en magasin, il faut que les congélateurs permet de réduire le risque de gaspillage. Ainsi, ce
affichent entre - 23 et - 25 °C. Pas franchement n’est pas parce qu’un yaourt affiche deux semaines
un modèle de sobriété énergétique ! La congé- de consommation supplémentaires qu’il a moins de
lation, souvent présentée comme l’un des meil- chance de terminer à la poubelle», explique Stéphane
leurs alliés de la lutte contre le gaspillage alimen- Guilbert. La recherche doit continuer.
taire, impacte la planète de façon non négligeable. Le saviez-vous ? Certaines filières agricoles sont
Picard en a conscience, c’est pourquoi l’enseigne particulièrement énergivores. Par exemple, pour
remonte de 2 °C la température de ses bacs la que l’on puisse les consommer toute l’année,
nuit, lorsqu’il y a moins de manipulations et les pommes sont stockées de longs mois dans
donc de déperdition de froid. des chambres froides. Nombre de tomates, elles,
Les nouveaux procédés de conservation ne font sont cultivées sous serres chauffées l’hiver. Quant
pas mieux. Ainsi, le traitement par haute pression aux endives, leurs racines doivent être conservées
(appelé également «pasteurisation à froid») n’est dans des hangars réfrigérés pendant des mois
pas la panacée. Certes, en soumettant l’aliment à avant d’être placées dans des caves chauffées.
W. BEAUCARDET/REA
des pressions très élevées (environ 6000 bars, soit Or, comme si les agriculteurs ne payaient pas
six fois la pression dans les profondeurs des océans), déjà un lourd tribut aux aléas climatiques, ils
il va tripler sa durée de vie tout en maintenant doivent désormais encaisser la crise énergétique. >>
X. POPY/REA
de nourriture, fixée au « les journées antigaspi ».
>> Le couperet que constituent les tarifs prix, ils sont déjà moins enclins à
de l’énergie pourrait en amener plus gaspiller ce qui prend de la valeur. Un
d’un à laisser au champ une partie de sa récolte. véritable changement de paradigme est d’ail-
leurs en train de s’opérer chez les Français.
SUR L’ÉCONOMIE Comment comptent-ils réorienter leurs choix
de consommation ? La réduction du gaspillage
La facture est salée alimentaire arrive en tête du top 10 des bonnes
Le gaspillage alimentaire représente en France intentions, selon une enquête Kantar de fin 2021.
un coût total d’environ 16 milliards d’euros, qui Ainsi, 46 % des foyers envisagent de le limiter
se répartit de la manière suivante: 3,2 milliards
pour la production agricole; 2,1 milliards pour
l’industrie agroalimentaire; 4,5 milliards pour
la grande distribution; 4,1 milliards pour les
ménages et 2,9 milliards pour la consommation
hors foyer (milieux scolaires, hôpitaux, Ehpad,
restaurants, etc.). Ces chiffres prennent aussi en
compte l’argent qui a été investi dans la récolte,
le transport, l’emballage, le refroidissement et
l’achat de cette nourriture qui finira à la poubelle.
Selon l’Ademe, à titre individuel, un tel gâchis
coûte en moyenne 108 € par an au consomma-
teur en valeur d’achat des aliments perdus. Si
l’on y ajoute le coût de l’énergie nécessaire à les
acheter, les conserver et les cuisiner, la facture
monte à 160 € par personne et par an.
De l’intention… à la pratique
Tout cela pourrait bien évoluer à l’heure où le
S. ORTOLA/REA
dans les mois à venir, quand 44 % veulent pri- des ressources naturelles», expliquaient les Nations
vilégier le «fait maison» (une tendance déjà Unies sur leur site, le 29 septembre 2022, à l’occa-
observée lors de la crise économique de 2008), sion de la troisième Journée internationale de
38 %, acheter davantage en promotion, et 36 %, sensibilisation aux pertes et gaspillages.
dresser une liste précise avant de faire leurs
courses. S’y tiendront-ils ? Un levier considérable
En France, 1 habitant sur 10 a du mal à se nourrir
SUR LA SOCIÉTÉ correctement. Environ 3,5 millions de personnes
ont eu recours à l’aide alimentaire en 2021, et
Combattre la faim parmi eux, de plus en plus de jeunes. La préca-
Plus personne ne le conteste aujourd’hui: la risation des étudiants était passée un peu sous
réduction des pertes agricoles et du gaspillage les radars avant la pandémie de Covid-19, mais
apparaît comme un enjeu majeur pour la sécu- depuis leur détresse est apparue au grand jour,
rité et contre la précarité alimentaires. «Plusieurs soulignent les associations. Ces derniers mois,
publications scientifiques récentes concluent que l’inflation et les répercussions de la guerre en
notre système, tel qu’il fonctionne actuellement, ne Ukraine sur le coût de l’énergie n’ont fait qu’ag-
nourrirait au mieux que 4 milliards de personnes graver la situation des plus démunis.
si l’on respectait toutes les limites planétaires… Ce Autant de raisons d’agir sur les pertes et les
qui signifie que près de la moitié de la population gaspillages alimentaires, car il n’est pas tolérable
mondiale consomme des denrées avec un crédit gagé de monopoliser des terres agricoles pour rien
sur les générations futures», analyse le professeur quand des millions de personnes souffrent de
Stéphane Guilbert, spécialiste de la transforma- la faim. Ces dernières étaient près de 828 mil-
tion des agroressources. lions dans le monde en 2021 selon l’Organisa-
Le gâchis alimentaire constitue donc un défi tion des Nations Unies pour l’alimentation et
urgent à l’échelle mondiale. «Selon les experts, s’il l’agriculture (FAO), soit une augmentation de
n’est pas maîtrisé, cela aura de graves conséquences 150 millions d’individus en l’espace de deux
sur le climat, la souveraineté alimentaire et la gestion ans. Une situation d’autant plus injuste et aber-
rante que si l’on arrêtait immédiatement de
jeter la nourriture dans les pays industrialisés,
la question de la faim dans le monde serait
réglée… D’après l’International Food Policy
Research, la réduction des pertes et gaspillages
permettrait en effet de nourrir 2 milliards de
personnes supplémentaires. On le voit, ce levier
est donc considérable.
Bon à savoir Fondée il y a six ans, l’association
Linkee porte secours aux étudiants démunis
en luttant contre le gaspillage alimentaire. Elle
collecte des invendus ou des surplus auprès
d’artisans, de traiteurs, de grossistes, d’agricul-
teurs, de cantines et de supermarchés, mais
également de festivals, puis les redistribue, en
Île-de-France et à Bordeaux, sous la forme de
colis repas aux étudiants. Une action solidaire
indispensable, alors que les deux tiers d’entre
Des associations comme Linkee (qui eux disposeraient, selon l’association, de seu-
s’adresse aux étudiants) luttent contre lement 50 € de reste à vivre par mois pour se
le gaspillage en distribuant des invendus.
nourrir, se vêtir et se soigner.
A
gir contre le gaspillage
alimentaire est à la portée
de tous. Les solutions
SOMMAIRE se cachent un peu partout,
24 À la maison, éviter le gâchis dans nos assiettes, notre frigo,
nos placards et jusqu’au fond
30 Stockage : dans les placards
de nos poubelles. Certes,
ou au frigo ?
cela implique de questionner
34 Conservation : quelques nos gestes du quotidien,
règles à respecter de parfois lutter contre nos a priori,
39 Valorisation : le tri à la de sortir de notre zone de confort
source bientôt obligatoire souvent. Pas évident, mais comme
on l’a vu précédemment, il en va
de la durabilité de nos systèmes
alimentaires. Et même si le chemin
est long, chacun peut contribuer,
à son rythme, selon ses possibilités,
ses convictions, ses envies aussi.
Au fil de ces pages,
vous trouverez
de quoi vous
inspirer et vous
accompagner.
En particulier
des habitudes
à repenser, des
astuces pour adopter
de bonnes pratiques et
des conseils qui vous permettront
de progresser pas à pas. Bref, des
idées pour faire bouger les choses
et vous rapprocher au maximum
du zéro déchet en cuisine.
ÉVITER LE GÂCHIS
Vous aimez concocter de bons petits plats ou, au contraire,
c’est une corvée ? Diverses solutions peu chronophages ou solidaires
vous aideront à gaspiller moins de nourriture.
E
t si nous adoptions quelques gestes simples enchaînez avec une recette où vous pourrez les
afin de ne plus nourrir nos poubelles ? utiliser (pâtes à la carbonara, crème brûlée, mayon-
Fruits trop mûrs, épluchures, pâtes de la naise… que vous réaliserez dans les 24 heures, car
veille: ces rebuts peuvent servir, et il suffit ils ne se conservent pas plus longtemps). Et dans le
parfois de pas grand-chose pour faire rimer anti- cas où vous n’avez pas encore adopté cette habitude,
gaspi et plaisir. Ainsi, rien ne se perd, tout se trans- il conviendra d’apprendre à accommoder les restes
forme, comme le fameux pain perdu, savoureux (vous trouverez de quoi vous inspirer p. 104-112).
dessert concocté à partir de morceaux de baguette, «Voilà le grand art du cuisinier», clamait d’ailleurs,
de restes de brioche ou d’une «vieille» miche qui il y a 200 ans, le «cuisinier des rois et le roi des
a séché (on les taille en tranches, les plonge dans cuisiniers», Marie-Antoine Carême (1784-1833),
du lait sucré mélangé à des œufs, puis on les fait auteur de L’art de la cuisine française au XIXe siècle
dorer à la poêle). Ou bien le velouté d’endives, et l’un des premiers théoriciens sur le sujet.
parfait moyen de recycler celles qui ont perdu de Mais bon, on n’aime pas tous enfiler un tablier.
leur fermeté et de leur blancheur… Pour certains, il s’agit même d’une corvée. D’autres
n’ont simplement pas le temps de se mettre aux
Travailler les produits fourneaux – confire des écorces d’agrumes ou sécher
de bout en bout du pain à basse température peut effectivement
D’autres «trucs» aident à moins gâcher de nourri- demander de disposer de plusieurs heures devant
ture. Par exemple, quand les feuilles de salade ont soi. Alors, comment faire, lorsque nos modes de vie
flétri, laissez-les tremper une heure dans l’eau froide, nous bousculent? Pas de panique, il existe diverses
cela leur redonnera un peu de vigueur. Si vous ne façons de lutter contre le gaspillage, et nous les
savez que faire des jaunes d’œufs abandonnés détaillons dans les pages suivantes.
dans un bol après la confection d’une meringue,
PLANIFIER
SES REPAS
Astuce anti-inflation
Cuisiner soi-même coûte souvent moins Vous en avez assez de vous retrouver avec des tonnes
cher que d’acheter des plats tout préparés. de nourriture que vous finissez par jeter? Adoptez
Et il y a moins de risques que les restes d’un plat le «batch cooking»! Venue des États-Unis, cette
fait maison terminent à la poubelle. méthode consiste à planifier et à préparer en amont
tous les dîners de la semaine.
Voici à quoi ressemble une semaine type, choisie Black recommande de disposer de boîtes de 30 cl,
parmi d’autres dans le livre de Keda Black au de 75 cl et de 1,5 l (quatre pour chaque taille).
sortir de l’hiver: lundi, pot-au-feu persillade;
cuire et mixent des légumes cabossés ou abî- Selon Too Good To Go,
més récupérés auprès des commerçants et les dates de péremption
des maraîchers des marchés de plein vent. des denrées alimentaires
Le tout directement sur la voie publique grâce seraient à l’origine de
à du matériel roulant, et en musique puisque 20 % des mises au rebut.
des artistes viennent prêter main-forte. Chacun
est invité à apporter sa vaisselle pour la dégusta-
tion, et s’il le souhaite, ses ustensiles de cuisine
(couteau, économe, planche à découper, etc.).
On mange sur place, tous ensemble.
3 questions à…
ÉRIC BIRLOUEZ
Ingénieur agronome et
sociologue de l’alimentation
« IL FAUT REDONNER
DE LA VALEUR ET
DU SENS À L’ALIMENTATION »
Comment le gaspillage consacrée à l’alimentation a baissé de 36 % à
alimentaire s’est-il invité dans 20 %. Ensuite, le lien entre le monde agricole et
nos sociétés ? les consommateurs s’est distendu. On a perdu
Éric Birlouez Contrairement à ce que l’on l’idée selon laquelle derrière une pomme, un
pourrait penser, ce n’est pas un phénomène nou- poireau ou un steak, il y a des hommes et des
veau. Le gaspillage alimentaire a toujours existé, femmes. Dans le même ordre d’idées, on ne sait
toutefois pas dans les proportions que l’on connaît pas toujours d’où viennent ni comment sont pro-
aujourd’hui. Nos ancêtres du paléolithique, duits les plats cuisinés. Ils sortent d’une « boîte
lorsqu’ils chassaient, laissaient une partie de la noire » et n’ont donc plus de valeur identitaire.
viande faute de pouvoir la conserver. Cependant, La valeur sociale des repas s’est, en outre,
il s’agissait alors de pertes non volontaires, pas réduite. De plus en plus, ils sont pris de manière
de gaspillage. Dans l’Antiquité grecque et romaine, solitaire. Enfin, les valeurs culturelles, hédoniques,
on ne tolérait pas le gaspillage à tel point que symboliques et sacrées de la nourriture ont, elles
des lois dites « somptuaires » étaient promul- aussi, reculé. Pour toutes ces raisons, le gaspillage
guées afin de le limiter. Au XVIIe siècle, à la cour est devenu un phénomène de masse.
de Versailles, pour témoigner du pouvoir du roi,
les tables devaient, certes, crouler sous les vic- Quels leviers doit-on actionner
tuailles de manière ostentatoire. Mais rien n’était pour que les ménages puissent réduire
perdu : ceux que l’on appelait à l’époque les le gaspillage ?
regrattiers récupéraient les restes, les recondi- E. B. Il faut redonner de la valeur et du sens à
tionnaient, puis les revendaient aux pauvres. l’acte alimentaire, en aidant les consommateurs
à se réapproprier les aliments. Ça passe par l’édu-
Quels sont les ressorts profonds cation alimentaire dès le plus jeune âge, en y asso-
de ce phénomène? ciant les parents. Cela passe également par des
E. B. On gaspille ce à quoi on accorde peu expériences concrètes: jardiner, cuisiner, manger
de valeur. Or, les valeurs traditionnelles de l’ali- ensemble. On aura toujours plus d’états d’âme
mentation ont décliné. D’abord, à partir des à jeter un reste de pot-au-feu maison qui a mijoté
années 1960, on est entré dans une société plusieurs heures qu’un bout de pizza industrielle
d’abondance qui nous a fait oublier à quel point surgelée. Mais pour cela, il faut déconstruire le
la nourriture avait une valeur vitale. Dans le modèle hérité des années 1960 basé sur la sur-
même temps, la part des dépenses des ménages production et l’hyperconsommation.
3
de consommation affichée. En revanche, si
LES PRODUITS elle provient de la boucherie ou du rayon détail
D’ORIGINE ANIMALE du supermarché, il est préférable de demander
conseil au boucher. Une chose est sûre, il faut
> Les œufs Contrairement à une idée reçue, la consommer le plus rapidement possible, dans
il n’est pas nécessaire de les garder au réfrigérateur, les 12 heures qui suivent l’achat. Les volailles
car leur coquille est poreuse et absorbe les odeurs. crues entières, elles, ne se gardent pas plus de
D’ailleurs, vous aurez remarqué qu’au supermar- deux jours au frais dans leur emballage d’origine.
ché, ils ne sont pas rangés au rayon frais. Si on le Et, une fois ouverte, la charcuterie doit être
souhaite, on peut tout de même les mettre au mangée dans les deux à trois jours.
frigo, à condition que ce soit dans sa partie la plus > Le fromage Le meilleur endroit pour ranger
tempérée, c’est-à-dire la porte (entre 6 et 10 °C). ses fromages affinés? Le bac à légumes du frigo.
Par contre, ne les lavez surtout pas ! En effet, La température y est idéale et permet de préserver
lorsque la poule pond, elle enrobe ses œufs leur texture, leur arôme et leur goût. L’humidité
d’un film protecteur. Sinon ils deviendraient et la condensation pouvant les altérer, on prendra
perméables aux bactéries. C’est aussi pourquoi soin de les laisser dans leur conditionnement initial.
les jaunes crus ne se conservent qu’un à deux Une fois ouvert, le fromage frais sera consommé
jours au frais, pas plus, et les blancs, jusqu’à quatre sous trois à quatre jours, alors que l’affiné, correc-
jours, dans un contenant hermétique. Les œufs tement emballé, se gardera plus longtemps, nous
durs, eux, tiennent deux à trois jours. Enfin, pour dit l’Agence de la transition écologique.
QUELQUES RÈGLES
À RESPECTER
Plusieurs techniques permettent de garder
plus longtemps les aliments. Encore faut-il adopter
les bonnes pratiques pour éviter qu’ils ne
se gâtent plus vite que prévu.
1 DU BON USAGE
DU RÉFRIGÉRATEUR
Depuis la nuit des temps, l’homme cherche des
techniques afin d’accroître la «durée de vie» de
ses réserves alimentaires. Séchage, salage, fumage,
réfrigération, congélation, appertisation (traite-
ment thermique dans un conditionnement
étanche): au fil des siècles, les procédés se sont
diversifiés et améliorés. «On ne le répétera jamais
assez, mais une des règles d’or pour lutter contre
le gaspillage, c’est la conservation», estime l’appli-
cation mobile Too Good To Go. en conséquence pour optimiser leur conservation.
Respecter la chaîne du froid évite que nos produits Ainsi, lorsque vous rangez vos produits, veillez à
frais ne se gâtent trop vite. Afin d’y parvenir au poser les plus récents systématiquement derrière
mieux, lisez nos recommandations. Le froid joue les plus anciens. Cela vous aidera à suivre le principe
un rôle essentiel dans la conservation des ali- de base d’un stockage réussi: premier entré, premier
ments. «Il permet de ralentir la croissance des micro- sorti. Le tout sans oublier de garder un œil sur
organismes et la survenue de toxi-infections alimentaires, les dates limites de consommation, qui peuvent
tout en préservant les qualités nutritionnelles et orga- fortement varier d’un aliment à un autre.
noleptiques des denrées», affirme l’Agence nationale
de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). Quel étage est approprié ?
Encore faut-il distinguer celles qui ont leur place Il convient aussi de placer ses produits au bon
au frais, prendre soin de bien les emballer, ou de endroit dans le frigo. Référez-vous à sa notice d’uti-
les enfermer dans des boîtes hermétiques, avant lisation, afin d’identifier le compartiment le plus
de les mettre au réfrigérateur, et organiser ce dernier adapté à chacun. En effet, selon la technologie
LE FROID, C’EST
PAS SYSTÉMATIQUE
L e réfrigérateur est bien l’allié
de la conservation des aliments
dans nos foyers. Mais, on l’a vu
précédemment avec les fruits
et légumes, certains produits
ne doivent pas y être gardés,
tels que les tablettes de chocolat
(qui s’y couvrent d’une fine pellicule
blanche), le café (le froid altère
ses saveurs et détruit ses arômes)
ou le miel (en deçà de 10 °C,
il durcit et perd son goût).
A
qu’on les plongera deux ou trois minutes dans de
vant de consommer une
l’eau bouillante salée avant de les placer sous un
conserve, traquez les signes
jet glacé, ce qui interrompra leur cuisson. L’objectif?
d’une mauvaise stérilisation: un
Garder intactes leur saveur, leur texture et leur
changement de couleur excessif
des produits ; la présence d’écume couleur. On les déposera sur une plaque à pâtisserie
à la surface du liquide ; une capsule sans qu’ils se chevauchent et les laissera ainsi au
bombée et convexe en son centre ; congélateur durant une nuit entière. Il faudra alors
un bruit démesuré à l’ouverture loin les emballer méticuleusement dans des sacs dédiés
du discret « pop » attendu ; enfin, ou des boîtes hermétiques, si possible en petites
une odeur nauséabonde. Les causes portions de manière à ajuster les quantités à
d’échec ? Un bocal trop ou pas assez ses besoins au moment de les sortir.
rempli, une durée de stérilisation
insuffisante, une température trop « Premier entré, premier sorti »
basse ou un défaut d’étanchéité. Ensuite, on prendra soin d’indiquer lisiblement
le contenu et la date de congélation, car le principe
du «premier entré, premier sorti» vaut également
3
pour le congélo. Enfin, sachez que les délais de
CONGÉLATION : stockage varient de 1 à 24 mois. À noter que le
LES GRANDS PRINCIPES grand froid ne fait que suspendre la détérioration
des aliments; une fois décongelés, ils seront à
Efficace et facile, cette solution prolonge de beau- nouveau soumis au processus naturel de vieillis-
coup la conservation des aliments. Il y a néan- sement. Les bactéries «endormies» (Salmonella,
moins quelques règles à suivre. Listeria…) se réveilleront et proliféreront à une
Le processus de congélation permet d’amener vitesse stupéfiante, leur nombre doublant toutes
les aliments à une température très basse, qui oscille les 20 minutes! À ce rythme, des denrées risquent
entre - 18 et - 24 °C. Cela bloque leur dégradation vite de devenir impropres à la consommation,
en stoppant la croissance des micro-organismes. c’est pourquoi il est impératif de les décongeler
Utile pour conserver ce que l’on ne consomme pas 24 heures au frigo plutôt qu’à température
rapidement (notamment ce que l’on a acheté en ambiante. Il n’est d’ailleurs pas conseillé de placer
grande quantité, dans le cadre d’offres au congélo des produits périmés, ou trop
promotionnelles) et en profiter proches de leur date limite de consom-
toute l’année, cette méthode mation, car vous seriez obligé
exige toutefois d’adopter de les manger de toute urgence.
quelques bonnes pra- Si ce n’est pas le cas, il est pos-
tiques. D’abord, à condi- sible de les déguster dans les
tion de respecter la règle deux à trois jours.
d’or – on ne recongèle
jamais un produit qui Organiser
a été décongelé –, le rangement
on peut tout aussi bien Nul besoin, ici, de disposer
ESBEN468635/ADOBE STOCK
L
deux jours avant de partir, un verre rempli d’eau.
es fruits et les légumes surgelés ne seront pas
Une fois qu’elle a gelé, placez une pièce de mon-
moins bons pour la santé, une fois décongelés,
que les végétaux frais. Ayant été récoltés à maturité naie sur la glace. Si, à votre retour, elle figure
et immédiatement transformés, ils sont restés toujours au-dessus, c’est le signe qu’aucune défail-
gorgés de nutriments. «Entre le champ et l’usine, lance n’est survenue. À l’inverse, si elle se retrouve
il ne se passe guère plus de six heures», assure figée au milieu du verre, ou au fond, c’est que
Éric Ternisien, directeur de celle de Bonduelle la chaîne du froid a été rompue… Il vous faudra
à Estrées-Mons (Somme), dont les camions alors jeter toute la nourriture.
tournent 24 heures sur 24 pendant les campagnes Le saviez-vous ? Tous les aliments ne tolèrent
de légumes. À l’inverse, les denrées transportées pas le grand froid. Les œufs crus dans leur
et stockées en chambre froide avant d’atterrir coquille, par exemple, risqueraient d’éclater
dans les rayons des supermarchés ont subi – on peut néanmoins congeler le blanc et le jaune
une déperdition très importante en vitamine C. séparément, chacun placé dans une boîte her-
métique durant quatre mois. On évite aussi les
pommes de terre, les panais et les topinambours
>> y est homogène partout. Il est cependant recom- (sauf s’ils sont cuisinés en purée ou en gratin),
mandé de bien organiser le rangement, en mettant car l’amidon supporte mal la glace. Les fruits et
devant (ou au-dessus) les produits les plus fragiles légumes contenant beaucoup d’eau (concombres,
et ceux dont la date de péremption est la plus pastèques, fraises, tomates), eux, deviendront
proche. Et de dégivrer et de nettoyer l’intérieur flasques et sans saveur. Le traitement ne réussit
au moins une fois par an, surtout si le congélateur pas non plus aux huîtres entières, aux yaourts
est à froid statique. L’occasion de vérifier toutes les et aux crèmes desserts. Enfin, les fromages frais
dates auxquelles les denrées y ont été stockées… ou à pâte molle y résistent mal.
GRAHAM/ADOBE STOCK
La valorisation
LE TRI À LA SOURCE
BIENTÔT OBLIGATOIRE
Il y a toujours des déchets alimentaires qui terminent dans les ordures
ménagères. Mais dans un peu moins d’un an, il faudra faire autrement.
À
compter du 1er janvier 2024, les particu- ont opté majoritairement pour des poubelles classiques
liers devront trier leurs biodéchets, afin au bas des immeubles (ramassage en porte-à-porte);
que les collectivités puissent les recueil- d’autres, telles que la Métropole de Lyon, ont privilégié
lir dans des bacs dédiés ou des points les points d’apport volontaire répartis dans les rues.
d’apport volontaire. Il s’agit d’une disposition de Ce qui se développe beaucoup et fonctionne bien, c’est
la loi Agec de 2020, dite antigaspillage. L’objectif? un mixte des deux, selon la typologie du territoire»,
Valoriser ces résidus triés «à la source» en compost constate Mathilde Borne, déléguée générale du
pour les agriculteurs ou en énergie via la métha- réseau Compostplus, constitué de collectivités
nisation (lire l’encadré « Des biodéchets au gaz territoriales engagées dans le tri des déchets organi-
vert» p. 40). Il était temps. Car non seulement ques et leur transformation en compost.
leur enfouissement et leur incinération produisent
des gaz à effet de serre, mais nos déchets alimen- Des expérimentations en cours
taires représentent aujourd’hui un tiers du Afin de tester différents dispositifs et de préparer
contenu de nos ordures ménagères ! les esprits, des expérimentations ont vu le jour ici
Début 2024, les collectivités locales seront donc ou là. Plus d’une centaine de collectivités réparties
tenues d’avoir mis à la disposition de leurs admi- à travers l’Hexagone, y compris au sein de territoires
nistrés des solutions individuelles ou collectives denses, se sont déjà lancées dans une démarche
de collecte. Cela n’est pas une mince affaire, notam- de tri à la source et de collecte séparée des biodéchets.
ment dans les grandes villes. Deux possibilités Comment cela se passe-t-il? Plusieurs villes pro-
existent: «Certaines, comme la Métropole de Grenoble, posent aux ménages des kits composés d’un bio-
seau en plastique recyclé et de sacs compostables
pour récupérer certains résidus alimentaires (lire
l’encadré «Que mettre dans le sac à compost ?»
SUBSTITUT AUX ENGRAIS p.40). Ensuite, selon l’endroit où ils habitent, ils les
DE SYNTHÈSE portent dans des points fixes ou mobiles. D’autres
L
es promotions du type «2 + 1 gratuit», se souvient Thierry Desouches, le porte-parole
proposées par les enseignes de la grande de Système U. Tout cela est bien terminé. Avec
distribution, poussent à la dépense et le retour de l’inflation, la clientèle se rue sur les
engendrent souvent du gaspillage. On démarques «à consommer le jour même». Dans
n’est donc pas obligé de se laisser tenter. En certains hypermarchés, après 11 h, on ne trouve
revanche, inutile de se limiter sur les produits plus aucun aliment frais bradé…
frais à date courte, vendus en moyenne à 30 % Il y a un an, un sondage de l’institut YouGov
moins cher, car c’est une façon de consommer pour la start-up Phenix révélait que 97 % des
malin. Pendant longtemps, les corners antigaspi, Français étaient prêts à acheter des produits à
généralement placés près des caisses, ont rebuté dates limite de consommation (DLC) courtes.
les consommateurs. Ils étaient perçus comme Les acteurs du secteur ont intégré cette donnée,
contenant des aliments de moindre qualité. «À et la lutte contre le gaspillage alimentaire s’affiche
une époque, les supermarchés faisaient du retrait de dorénavant en grand. Certains magasins déploient
produits avec une date limite de consommation à J-5 même d’importantes zones réfrigérées antigaspi,
un argument marketing. C’était un gage de fraîcheur», à l’image du supermarché E.Leclerc de Blagnac
(31). Une voie d’avenir? À condition d’«être certain
de les manger à temps, car les DLC sont souvent
ultracourtes», avertit Barbara Redlingshöfer, cher-
L’AMAP, UN MODE cheuse à l’Institut national de la recherche agro-
DE VENTE VERTUEUX ? nomique (Inrae). Autre bémol, cette manière
S ’abonner à une association pour le maintien d’optimiser la fin de vie des produits détourne
d’une agriculture paysanne (Amap) permet en partie les denrées autrefois destinées aux asso-
de limiter le gaspillage aux champs. En effet, ciations d’aide alimentaire (lire aussi p. 52-55).
en échange d’un panier hebdomadaire de
produits frais et de saison, le consommateur Donner leur chance aux biscornus
s’engage financièrement pour une période Une évolution des habitudes peine, quant à elle,
donnée (entre six mois et un an, en général). à s’installer: l’achat de fruits et légumes cabossés.
Ainsi, l’agriculteur ne fournit que ce qui a été De fait, les Français ont une fâcheuse tendance
commandé ; production et consommation à se détourner des primeurs «mal fichus». Les
sont mieux synchronisées. À une nuance campagnes de communication lancées par le passé
près toutefois : les paniers peuvent comporter n’ont jamais vraiment marché, ni l’opération
des primeurs que l’abonné n’apprécie pas «Fruits et légumes moches» d’Intermarché, ni
forcément, ou qu’il ne sait pas cuisiner. celles des «Gueules cassées» de Nicolas Chabanne
(le fondateur de la marque C’est qui le patron?!).
Pourtant, ces végétaux trop petits, parfois biscor- pour certains produits secs dont la date de dura-
nus, sont généralement tout aussi savoureux que bilité minimale est dépassée. L’enseigne propose
ceux de taille standard. L’agroclimatologue Serge aussi à ses clients d’acheter des œufs à l’unité,
Zaka l’assure: «La qualité gustative d’un fruit ou issus de boîtes en contenant des cassés et donc
d’un légume dépend de sa variété et de sa maturité, invendables en l’état. Une autre façon de lutter
pas de son apparence.» S’agirait-il d’un blocage contre le gaspillage… À l’inverse, acheter des fruits
psychologique «spécial supermarché» à surmon- et légumes importés du bout du monde est à
ter? Car après tout, lorsque l’on achète en direct éviter, car plus la chaîne d’approvisionnement
auprès des producteurs, à la ferme ou sur les est longue, plus les risques de pertes au cours du
marchés de plein vent, on ne fait pas la fine bouche transport s’avèrent importants. Enfin, on jettera
devant des produits non calibrés… Et les études toujours moins ce qu’on aura acheté chez un
montrent que ces circuits courts ont la cote. producteur local que dans un supermarché.
Dans le même ordre d’idée, il faudrait davantage Le saviez-vous ? De retour dans les rayons, les
soutenir les denrées donnant une seconde vie pénuries pourraient changer la donne. On les
aux «déchets» de production, comme le marc croyait disparues dans les vestiges du confinement,
de raisin, la mélasse issue de l’industrie sucrière, elles sont revenues de plus belle avec la guerre en
la drêche de bière ou encore la pulpe de cabosse Ukraine et le dérèglement climatique. On s’est
de cacao. Les entreprises qui revalorisent ces même habitué à voir des produits disparaître
«coproduits» les transforment en biscuits, en brutalement des linéaires au gré de l’actualité,
crackers, en nouilles instantanées, en farine, etc. qu’il s’agisse de l’huile de tournesol, de la moutarde
On appelle cela l’upcycling. ou encore du riz. Autrement dit, c’est un peu la
À considérer également: les aliments recondition- fin de la profusion et de l’opulence à tous les étages.
nés par les enseignes. Chez Carrefour, par exemple, Serait-ce alors le moment de questionner notre
ISTOCKPHOTO
les paquets de céréales endommagés sont rem- système alimentaire, qui nous a habitués à avoir
ballés et vendus avec une démarque de 50%. Idem tout sous la main, partout, tout le temps?
N
ombre de so ciétés prop osent La start-up n’en finit pas de traquer les maillons
aujourd’hui à la vente des fruits et faibles de la chaîne alimentaire. « On travaille
légumes cabossés, des emballages en amont avec les filières pour valoriser des aliments
imparfaits, des aliments à base de qui ne sont pas consommables en l’état », explique
coproduits et des denrées reconditionnées. Ces Charles Lottmann. Ainsi, Nous antigaspi met
circuits de commercialisation offrant des rabais en relation des agriculteurs et des transforma-
significatifs et l’inflation faisant son retour, on teurs afin qu’ils coconstruisent des produits
devrait les voir encore prospérer à l’avenir. parfois distribués sous la marque des seconds.
« L’an dernier, par exemple, des agriculteurs du nord
1
de la France se sont retrouvés avec 7 tonnes de fraises
NOUS ANTIGASPI aux champs. On a conçu un yaourt sur un lit de
Rien ne se perd fraises avec une coopérative laitière du Limousin,
qui a récupéré les fruits surgelés pour en faire un
Les fondateurs de la chaîne d’épiceries Nous anti-
gaspi, Vincent Justin et Charles Lottmann, sont
partis d’un constat: plus de la moitié du gaspillage
alimentaire en France provient du monde agricole
et de l’industrie agroalimentaire – deux acteurs
qui, précisément, peinent à se débarrasser de leurs
invendus. Lancée en Bretagne il y a quatre ans,
leur entreprise s’articule autour d’un concept
simple: commercialiser les aliments ne rentrant
pas dans les standards industriels ou de la grande
distribution. Et qui restent donc à la porte des
entrepôts, comme ces œufs trop petits, ces fruits
et légumes hors calibre, ces fins de série, ces pro-
duits transformés déclassés car présentant un
défaut de poids, de couleur ou d’emballage, etc.
Dans les boutiques Nous antigaspi, il y a peu de
chances de tomber sur des denrées aux dates de
consommation ultracourtes. En revanche, on
trouve des produits non périssables aux durabilités
minimales légèrement dépassées – ce qui, on l’a
vu, ne présente aucun risque pour la santé. Il
arrive aussi qu’il y ait des aliments en grands
formats; cet hiver par exemple, l’enseigne propo-
sait des meules entières de fromage à raclette.
3
paniers, vendus de 11,50 € (pour environ 2 kg)
BENE BONO à 28 € (8 kg). Une fois commandés, ils sont livrés
Un panier économique dans un point relais de proximité, ou à domicile
pour un coût supplémentaire de 5 €. Ils peuvent
Encore une start-up qui sauve du gaspillage des être complétés par des produits d’épicerie aux
fruits et légumes (bios en l’occurrence), soit parce dates de péremption trop courtes, de fins de
qu’ils ne respectent pas les canons de beauté des série ou d’articles victimes de surstocks. Chaque
industriels et des grandes surfaces, soit parce qu’ils semaine, le site fournit l’équivalent de 20 à
n’ont pas trouvé preneurs. Disponible à Lille, 25 tonnes de produits sauvés. Il souhaite main-
Lyon, Marseille et Paris, le service de livraison tenant lancer sa propre gamme.
L
e vrac permet d’acheter uniquement la frein à un développement plus large: la présence
quantité d’aliments dont on a besoin. En insuffisante des marques. «Les consommateurs
ce sens, ce mode de distribution semble aimeraient trouver en vrac les marques qu’ils ont
idéal pour ne pas gâcher. Sans emballage l’habitude d’acheter emballées», affirme Célia
et conservés dans des contenants réutilisables, les Rennesson, cofondatrice de Réseau Vrac, une
denrées ainsi commercialisées limitent par ailleurs association, créée il y a six ans, qui fédère des
l’impact sur la planète. Pourtant, s’il a connu une acteurs de ce mode de distribution. Un point
forte croissance ces dernières années, le vrac peine compliqué pour les géants de l’industrie agroa-
à s’imposer. Selon une étude menée par limentaire qui ont pris l’habitude de déployer
OpinionWay pour Digi France, seul un Français leurs arguments marketing sur les emballages.
sur cinq achète sans emballage chaque semaine,
tandis que plus d’un tiers déclare ne jamais le Fort enjeu sanitaire
faire. Pour se développer, ce secteur doit donc L’hygiène est aussi un sujet. Il faut dire que les rayons
surmonter plusieurs obstacles. vrac ne sont pas toujours irréprochables. Or, «on
Il y a d’abord les informations délivrées au ne peut pas perdre la confiance du consommateur au
consommateur. C’est peu dire que les étiquettes moment de l’acte d’achat», admet Célia Rennesson.
collées sur les trémies du vrac ne nous apprennent En 2020, la Direction générale de la concurrence,
pas grand-chose ! Toutefois, si le client veut en de la consommation et de la répression des fraudes
savoir plus – d’où vient le produit, jusqu’à quelle (DGCCRF) avait passé au crible cette manière de
date il peut être consommé, quelles sont les commercialiser les denrées. Ses agents voulaient
informations nutritionnelles, le numéro de lot, s’assurer que ses avantages n’étaient pas contreba-
des idées de recettes, des conseils de cuisson, etc. –, lancés par des conditions de mise en vente déloyales,
il peut désormais scanner un QR code. Autre ou susceptibles de comporter un risque pour la >>
PHOTOPQR/LE TELEGRAMME/MAXPPP - P. HIEST
49
>> santé. Ils n’ont pas été déçus! Dans 45% des établis-
sements contrôlés, des manquements ont été consta-
tés. Ils concernaient la gestion des contaminations
croisées par des allergènes, les modalités de net-
toyage des équipements et de stockage des aliments,
la lutte contre les nuisibles ou la conformité des
matériaux utilisés et du tarage des balances (réglage
pour peser le contenu sans le contenant).
À la demande du ministère de l’Économie, Réseau
Vrac travaille à la rédaction d’un guide de bonnes
pratiques d’hygiène. Au programme, notamment,
la question des mites alimentaires, qui ont tendance
à se nicher dans les aliments vendus en vrac, et
encore plus s’ils sont issus de l’agriculture biolo-
gique. «Cela nécessite de contrôler la marchandise de
manière quasi quotidienne, notamment entre avril et
octobre, et de nettoyer en profondeur les bacs jusque
dans les interstices, là où se nichent les œufs de mites», C. WATIER/MAXPPP
reconnaît Didier Onraita, le président de Day by
day, un réseau d’épiceries en franchise.
Le saviez-vous ? La liste des produits interdits
à la vente en vrac pourrait bientôt évoluer. privés d’emballages et de dépenses marketing,
Soucieuse de renforcer la réglementation en la devraient être moins chers. Or, force est de consta-
matière, la DGCCRF a demandé à l’Autorité de ter qu’ils sont souvent plus élevés que l’équivalent
sécurité sanitaire des aliments (Anses) de faire de emballé. «C’est normal. Le vrac ne se résume pas à
nouvelles recommandations. L’agence a jugé «per- un aliment privé d’emballage. C’est un mode de dis-
tinente» la proposition du gouvernement de ne tribution à part entière, qui induit d’importants coûts
pas autoriser ce mode de distribution à des denrées additionnels de manutention et de transport», justifie
très périssables soumises à une date limite de Didier Onraita. Mais, surtout, il s’agit d’un marché
consommation telles que le lait pasteurisé, les peu mature, composé de petits acteurs qui ne
produits d’alimentation infantile, les compléments bénéficient pas encore d’économies d’échelle. Le
alimentaires ou encore les surgelés. positionnement tarifaire varie toutefois selon les
enseignes. Il y a celles pour lesquelles le vrac est
Des tarifs plus élevés un produit d’appel, et qui ne répercutent donc
Enfin, la question du prix reste une barrière. Il pas dessus les coûts additionnels. Et il y a celles
faut dire que c’est encore assez confus. Dans l’esprit qui chargent la barque, misant sur le fait qu’il y
du consommateur, les produits vendus en vrac, aura toujours une clientèle «bobo écolo urbaine»
pour l’acheter, plus sensible aux arguments envi-
ronnementaux qu’au montant de leurs courses.
S
ur le papier, l’idée est belle. Les banques car la défiscalisation des dons est plafonnée à
alimentaires, les Restos du cœur, le hauteur de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxe.
Secours populaire ou encore la Croix- Le législateur avait bien prévu des contrôles et
Rouge récupèrent les produits en fin des sanctions mais, de l’avis général, ils s’avèrent
de vie dans les supermarchés pour les distribuer inefficaces, voire carrément inexistants (lire
aux plus démunis. Beaucoup leur donnaient également l’encadré p. 55).
déjà leurs invendus, mais depuis 2016 et la loi
Garot, c’est devenu une obligation pour les Limites de consommation trop courtes
grandes surfaces de plus de 400 m2. En contre- Plus gênant encore: depuis que des start-up spé-
partie, ces dernières sont autorisées, par la loi cialisées aident les magasins à écouler leurs
Coluche de 1988 (du nom du créateur des Restos invendus, les enseignes de la grande distribution
du cœur), à réduire 60 % de la valeur de leurs mettent désormais en œuvre une gestion au
dons de leur assiette fiscale. Une telle mesure cordeau de leurs produits approchant de la date
était censée favoriser l’augmentation des de péremption. Or, une telle évolution remet
volumes de denrées sauvées des poubelles. en question l’esprit de la loi Garot sur le don
Seulement voilà, dans la réalité, la situation alimentaire, tant sur la quantité que sur la qualité
est moins reluisante. D’abord, si les textes sti- des denrées ramassées. En effet, plus un magasin
pulent que les distributeurs sont tenus de signer optimise la fin de vie de ses produits, plus ce
des conventions de dons avec les associations qu’il reste à donner aux associations affiche
d’aide alimentaire, ils ne précisent pas la part une date limite de consommation (DLC) courte.
d’aliments concernés. Or, au-delà d’un certain Au point que ces dernières n’ont parfois même
seuil, des grandes surfaces ont tendance à lever plus le temps de redistribuer les aliments ! Elles
le pied et à ne pas donner tous leurs invendus, se voient alors contraintes de les jeter.
Le décret d’application de la loi Garot est pour-
tant clair: la DLC des produits donnés aux orga-
nismes caritatifs habilités ne doit pas être infé-
rieure à 48 heures. Malheureusement, sur le
LA LOI S’APPLIQUE À TOUS terrain, les membres associatifs observent un
à consommer le jour même. Il est même prêt, un peu comme leur poubelle.» Ou comment repor-
pour cela, à patienter devant son supermarché ter la responsabilité du gaspillage de la grande
tôt le matin pour profiter de ces bonnes affaires distribution sur les associations… Et on peut
dès l’ouverture des portes… Et cela est encore en dire autant de la gestion des déchets: «Ces
plus vrai depuis le retour d’une inflation galo- denrées finalement jetées par les associations atter-
pante dans notre pays. rissent dans le circuit de gestion des ordures ména-
gères assuré par la collectivité, alors qu’il s’agit
Déclarer ce qui initialement de déchets d’activités économiques»,
est réellement distribué soulignait un rapport d’EY (ex-Ernst & Young),
Théoriquement, les structures d’aide aux per- réalisé en 2019 pour le compte du ministère de
sonnes défavorisées sont censées n’emporter que l’Agriculture. Ces déchets auraient donc dû être
ce qu’elles seront en mesure d’écouler. «Mais, pris en charge par les distributeurs… «C’est pour
dans les faits, elles ne veulent pas se mettre à dos la cela que l’administration fiscale a demandé aux
grande distribution. Donc, elles prennent tout ce qu’on Restos de déclarer les dons réellement distribués.
leur donne, au risque de devoir jeter», constate Elle peut ainsi comparer avec les volumes annoncés
Laurence Gouthière, référente nationale gaspil- par la grande distribution. Car la loi est claire: ne
lage au sein de l’Agence de la transition écolo- doivent être défiscalisés que des produits consom-
gique (Ademe). «Au départ, on acceptait tout, mables», poursuit Thierry Jacques.
confirme Thierry Jacques, responsable bénévole Tout le monde s’accorde à dire que le facteur
du pôle alimentaire des Restos du cœur. On crai- humain est déterminant. «Les directions centrales
gnait que les enseignes n’aillent voir ailleurs. Et puis, des enseignes ne cessent de sensibiliser leur per-
on s’est rendu compte que certaines nous considéraient sonnel à la culture du don», assure la Fédération >>
La grande distribution
a pu parfois considérer
les associations
d’aide alimentaire
comme ses poubelles…
T. SUAREZ/REA
D
estiné à valoriser les initiatives vertueuses
en matière de réduction du gaspillage
alimentaire, un label national dédié sera
lancé début 2023. «Les coauteurs du réfé-
rentiel ont défini trois niveaux d’engagement, afin de
faire la distinction entre ceux qui ont commencé à lancer
une démarche, ceux qui ont mis en place des indicateurs
solides et ceux qui sont engagés de manière pérenne»,
souligne Sandrine Espeillac, responsable du pôle
agroalimentaire de l’Association française de nor-
malisation (Afnor). Comme toute certification, le
label antigaspi a été construit de manière à être
suffisamment exigeant pour devenir valorisant,
mais pas trop quand même, afin de convaincre un
maximum d’entreprises d’y adhérer. Celles de la
grande distribution sont invitées à s’en emparer
en premier. Normal, il ne leur reste que deux ans
pour atteindre les objectifs assignés par le législateur, Un label spécifique peut aider les
soit 50 % de gaspillage en moins d’ici à 2025 par distributeurs à trouver des solutions
rapport à 2015. La démarche sera volontaire, chaque de réduction du gaspillage.
directeur étant libre de labelliser ou non son maga-
sin. À chaque fois, trois domaines d’action seront
passés au crible par les auditeurs: la politique On le voit, la normalisation ne va pas de soi pour
d’approvisionnement, la commercialisation et la tout le monde. S’ils souhaitent s’en prévaloir, les
gestion des invendus et des dons. magasins devront être audités par des organismes
certificateurs agréés par le ministère de la Transition
Une adhésion non garantie écologique, lesquels auront pour mission de
«Un label, c’est structurant. Certaines enseignes peuvent s’assurer du respect des objectifs fixés dans le cahier
s’en saisir pour mobiliser leur chaîne de direction, changer des charges du label, notamment en matière de
de modèle et embarquer tout le monde dans l’entreprise», résultats et de moyens mis en œuvre. Ce qui
veut croire Sandrine Espeillac. « La démarche est inté- revient, pour les commerçants, à jouer carte sur
ressante, mais le coût associé à la certification pourra être table et à rendre publiques des données qu’ils
déterminant dans l’adhésion à ce dispositif», tempère considèrent généralement comme confiden-
la Fédération du commerce et de la distribution. «La tielles… en particulier celles sur la réalité du
lutte contre le gaspillage alimentaire ne doit pas être gaspillage. Le moins que l’on puisse dire, c’est que
vécue comme une contrainte et un processus, mais comme cela n’est pas vraiment dans leurs habitudes !
un engagement des collaborateurs. Il faut leur faire «Pendant les discussions sur la définition des réfé-
J.-C. MOSCHETTI/REA
confiance pour trouver les solutions adaptées aux situations rentiels, la grande distribution n’a cessé de faire un
de terrain, en cultivant l’autonomie», estime pour sa pas en avant et trois pas en arrière», confirme l’un
part Matthieu Riché, responsable RSE de Casino. des participants. Affaire à suivre, donc.
Au menu
RESPONSABLE À TABLE
Que ce soit au bistrot du coin ou à la cantine, nous pouvons tous
adopter certains gestes afin de réduire le gaspillage alimentaire.
EN MILIEU SCOLAIRE,
ON PEUT MIEUX FAIRE !
À l’école, des actions antigaspi sont possibles à chaque étape, du choix
des menus au retour des plateaux des élèves en passant par la commande
des produits et la préparation des repas. Présentation en cinq points.
P
our contribuer à la réduction du gâchis majeur sur la réduction du gaspillage à la source»,
alimentaire, on peut demander à assister, note le dernier rapport de l’Observatoire national
si on est parent d’élève, aux «commissions de la restauration collective.
menus» de la caisse des écoles, où siègent La loi Climat et Résilience (2021) a prévu, à titre
des représentants de la mairie, des parents délégués expérimental pour trois ans, la mise en œuvre
et des animateurs. C’est l’occasion d’interagir et d’un dispositif de réservation de repas. Le but: que
de sensibiliser tous les acteurs présents à l’em- les gestionnaires de restauration collective puissent
preinte écologique du gaspillage. Ou, dans l’autre commander les quantités de denrées adéquates et >>
sens, de faire de la pédagogie en direction des
parents, en leur expliquant les changements opérés
à la cantine et en les impliquant dans la démarche.
Il est aussi possible de partir à la rencontre des
élus locaux, et de les questionner sur les pratiques
antigaspi mises en place dans les écoles de la col-
lectivité. Là où ça n’existe pas, des groupes peuvent
se créer pour défricher et débattre. Bref, il s’agit
de faire appel à l’intelligence collective pour atté-
nuer en partie les surcoûts liés au gaspillage, alors
que les tarifs des repas ne sont pas près de baisser
vu la hausse des prix des matières premières et
de l’énergie. Voici cinq leviers à actionner.
1 AMÉLIORER LA GESTION
PRÉVISIONNELLE
En France, trois enfants sur quatre, soit près de
9 millions d’élèves, mangent à l’école au moins
une fois par semaine. Mieux vaut, dans ces condi-
tions, connaître à l’avance le nombre de ceux qui
fréquenteront réellement la cantine chaque jour
(même s’ils sont inscrits en demi-pension toute
la semaine toute l’année). Parents, sachez-le, la
solution est de prévenir le plus tôt possible de
l’absence de ses enfants le midi! Ce levier n’appa-
C. SITTLER/REA
3
de la restauration collective (Agores). Les commandes
sont en général passées 10 jours avant.» COMBATTRE LES A PRIORI
ET ÉDUQUER AU GOÛT
2 ADAPTER
LES QUANTITÉS
C’est une initiative efficace pour minimiser les
C’est bien connu, il y a des plats qui génèrent plus
de gaspillage que d’autres. Mais beaucoup d’idées
fausses circulent également sur ce que nos têtes
blondes aiment manger… Des établissements ont
restes dans l’assiette: ajuster les doses servies en recours à des caméras qui, grâce à une technologie
fonction de l’âge et de l’appétit des élèves – tout 3D, identifient et quantifient la nourriture laissée
en respectant, bien sûr, l’équilibre alimentaire. sur le plateau. Les données sont ensuite agrégées
Quitte à ce que ceux qui ont encore faim puissent dans un tableau de bord. «Les résultats réservent
aller chercher du rab. Forcément, un tel service bien des surprises. On réalise à quel point les chefs
demande de l’anticipation de la part des gestion- ont des a priori sur ce que les convives apprécient.
naires de restauration, qui doivent revoir les gram- Ça permet de déconstruire quelques idées reçues»,
mages de leurs commandes ainsi que les portions assure Julien Claudel, du collectif Un Plus Bio.
4
d’entre eux reconnaissent ne pas maîtriser les tech-
PROPOSER UN MENU niques de la cuisine végétarienne».
VÉGÉTARIEN SAVOUREUX
Depuis un peu plus d’un an, les écoles ont l’obli-
gation de proposer aux élèves un menu végétarien
une fois par semaine. C’est un levier de la transition
alimentaire. Toutefois, selon l’UFC-Que Choisir,
5 SENSIBILISER
AU GASPILLAGE
On n’imagine pas à quel point les actions de
qui a analysé 800 menus, la mise en œuvre non sensibilisation aux aliments portent leurs fruits
auprès des enfants. Lorsque des agriculteurs ou
des producteurs interviennent dans les écoles,
l’effet est immédiat. Car un jeune élève qui peut
mettre un visage derrière une pomme, un fro-
SURCOÛT COMPENSÉ mage ou un morceau de pain, va attribuer ins-
P our en finir avec la malbouffe dans tantanément à ces aliments de la valeur. Il lui
les cantines, la loi Egalim, issue des sera ainsi plus difficile de les traiter ensuite
États généraux de l’alimentation, impose comme de vulgaires ordures. Dans le même ordre
de mettre dans l’assiette des enfants d’idée, certains établissements trient et pèsent
plus de produits locaux et sous signes les déchets organiques à la fin du service, avant
de qualité (50%, dont 20% de bios). d’afficher les résultats. Cela permet de quantifier
Objectif: leur fournir une alimentation le gaspillage alimentaire et de sensibiliser les
«saine, de qualité et durable». Certes, cela enfants qui, dès lors, s’engagent dans une
fait monter le coût «matières» des repas, démarche de progrès. Autre astuce pédagogique:
mais il a été démontré que la réduction empiler, dans un container transparent, placé
S. AUDRAS/REA
du gaspillage compensait ce surcoût. bien en vue, les restes de pain jetés, afin que tous
visualisent l’ampleur de ce qu’ils gâchent.
L
e glanage est un usage ancestral, autrefois encadrant cette pratique. L’article 131-13 du
très répandu dans les campagnes. «À Code pénal établit de fait un barème des contra-
l’origine, c’était une pratique individuelle ventions pour ceux qui ne les respecteraient
ou familiale consistant à ramasser les épis pas. Dit autrement, le glanage des fruits et
de blé restés au champ après le passage des mois- légumes est autorisé de jour, après le passage
sonneurs», lit-on dans Marketing et pauvreté - Être des machines agricoles, à la vue de tout le monde,
pauvre dans la société de consommation, un à la main et dans des quantités somme toute
ouvrage coordonné par Éva Delacroix et Hélène limitées. À noter qu’il est interdit sur un terrain
Gorge (EMS, 2017). Le célèbre tableau du peintre clôturé, et qu’une commune peut très bien avoir
Jean-François Millet, Des glaneuses (1857), repré- banni sa pratique par un arrêté municipal.
sentant des femmes, le dos cassé, en train de «Aussi, et afin d’éviter la naissance de conflit, il est
ramasser un à un les épis de blé négligés au sol conseillé de se rapprocher au préalable du proprié-
avant le coucher du soleil, en offre une parfaite taire du terrain, notamment pour vérifier que la
illustration. L’activité a certes évolué, mais l’idée récolte est bien achevée», poursuivait le ministère.
demeure bel et bien la même. La réalisatrice Et que le glanage y est bien permis.
Agnès Varda le montre d’ailleurs à travers une Le saviez-vous ? La cueillette des mûres dans
série de portraits de personnes s’adonnant au les haies, le long des routes ou des chemins, est
glanage, par nécessité, hasard ou choix, autorisée lorsque ces haies se trouvent dans le
dans son documentaire Les glaneurs domaine public. Mais il est interdit de pénétrer
et la glaneuse (2000). dans un champ pour les cueillir, sauf à obtenir
l’autorisation du propriétaire. De même dans les
Rester dans les clous vignes: après les vendanges, il arrive que de nom-
Mais quelles précautions doit- breuses grappes de raisins soient laissées au sol,
on prendre avant de s’aven- mais mieux vaut demander l’accord du domaine
turer dans les champs ? En avant de les ramasser, par précaution.
1554, « le droit de glaner est
autorisé aux pauvres, aux mal- Une activité solidaire
heureux, aux gens défavorisés, aux La pratique du glanage, un temps tombée en
personnes âgées, aux estropiés et désuétude, a visiblement retrouvé un second
aux petits enfants», stipule un édit souffle. Elle peut prendre différentes formes:
CANECORSO/ADOBESTOCK - P. GLEIZES/REA
royal. Il a, depuis, connu quelques «Certaines personnes glanent pour répondre à des
adaptations. «Le glanage est autorisé après besoins alimentaires (les leurs ou ceux de bénéfi-
récolte, en journée, et lorsqu’il est réalisé sans outil, ciaires), d’autres pour mener des actions sociales,
sauf arrêté municipal contraire», a expliqué en pédagogiques et militantes», peut-on lire sur le
2017 le ministère de l’Agriculture à l’Assemblée site de la Fédération nationale de l’environne-
nationale, en réponse à une question d’un ment. Il n’est plus rare, en effet, de voir des gens
député qui s’interrogeait sur les règles précises récupérer des pommes de terre, des carottes ou
des légumes déclassés dans les champs après le de bénévoles de La tente des glaneurs récupère,
passage des machines. Le glanage solidaire s’est tous les dimanches matin, les invendus du mar-
tout particulièrement développé. Il représente ché Saint-Pierre afin de les redistribuer à des
en effet une solution pertinente pour lutter contre personnes en difficulté. À Paris, plusieurs asso-
le gaspillage alimentaire, et un axe de travail pour ciations mettent en place des actions de glanage
de nombreuses associations. De quoi s’agit-il ? quand sonne la fin des marchés; c’est le cas
De bénévoles qui viennent ramasser les fruits et notamment de Moissons solidaires et du
légumes laissés aux champs pour ensuite les redis- Chaînon manquant, qui sauvent des poubelles
tribuer via des organismes d’aide alimentaire, des tonnes de fruits et légumes pour les plus
telles que le Secours populaire ou les banques démunis. Un bon moyen de lutter contre le
alimentaires. La pratique est alors souvent enca- gaspillage tout en créant du lien social…
drée par une convention établie avec le producteur
et l’organisme en charge du glanage.
Par ailleurs, il est de tradition, en ville, de laisser
les «glaneurs» récupérer les fruits et légumes
abandonnés par les commerçants ambulants à LEXIQUE À CONNAÎTRE
chaque fin de marché de plein air. Ce ramassage Si le glanage est toléré, le fait de récupérer, après
peut parfois être pris en charge par des associa- maraudage, grappillage récolte, ce qu’il reste
tions (le phénomène se développe de plus en et râtelage sont, eux, sur les arbres fruitiers ou
plus). Comme à Rennes, sur le marché des Lices: illicites. Le maraudage ceps de vigne et qui est
à l’initiative de plusieurs structures caritatives, consiste à voler des fruits susceptible de constituer
le stand des Glaneurs rennais y centralise les et légumes cultivés une seconde récolte.
denrées abîmées et les invendus, afin que le fruit quand ils ne sont pas Enfin, le râtelage est
du glanage soit rendu accessible au plus grand détachés du sol. l’usage d’un râteau pour
nombre, sans qu’il y ait besoin de jouer des Le grappillage, lui, est récupérer les denrées.
coudes. À Caen, voilà 10 ans que la quinzaine
L
a technologie appliquée
au domaine alimentaire
(food tech) se veut une
alliée de taille dans la lutte contre
le gaspillage. Le secteur regorge
de start-up qui nous promettent
d’apporter des solutions
concrètes en la matière.
Certaines misent sur des
applications mobiles pour sauver
des poubelles les invendus
des magasins. D’autres, sur
de l’électroménager innovant,
pour nous aider à moins gâcher
à la maison (réfrigérateurs
connectés, machines de mise
sous vide, déshydrateurs,
stérilisateurs, extracteurs
de jus…). D’autres encore font
de la recherche et expérimentent
leurs idées en laboratoire,
notamment en ce qui concerne
la conservation des aliments:
emballages actifs et intelligents,
procédés d’extraction et
de valorisation des coproduits,
optimisation des stocks
via l’intelligence artificielle…
Des propositions efficaces?
A
vec elles, en quelques clics, on devient
les rois du zéro déchet ! Il y a les
applications qui mettent en relation
consommateurs et commerçants
(supermarchés, épiceries de quartier, boulange-
ries, boucheries, restaurants…) pour écouler les
aliments qui n’ont pas trouvé preneur; celles Mieux acheter, mieux stocker ou encore
dédiées à l’art d’accommoder les restes quand aider les plus démunis… Pour tout cela,
il existe aujourd’hui une application.
on se trouve à court d’idées; celles qui aident
les particuliers à bien utiliser le contenu de leurs
placards et frigo au rythme des dates de péremp- alentours de 4 € – la réservation et le paiement
tion; enfin, il y a celles qui permettent de réserver se faisant directement sur l’application. Avec
sa place à la cantine, pour une meilleure gestion quelque 13 millions d’utilisateurs et actuellement
des commandes et des repas produits. Ces applis 40000 commerçants partenaires (indépendants
peuvent devenir des boussoles pour consommer et grandes enseignes), Too Good To Go a connu
malin… à condition de bien s’en servir. une croissance éclair. L’entreprise dit avoir sauvé,
depuis son lancement dans l’Hexagone, 47 mil-
lions de paniers. L’année dernière, elle a décidé
Too Good To Go d’intervenir plus en amont dans la chaîne ali-
● Gratuite ● sur OS et Android mentaire. Elle a pour cela racheté CodaBene, une
Fondée au Danemark en 2015 par Lucie Basch start-up spécialisée dans la gestion digitalisée des
et lancée en France l’année suivante, Too Good dates de péremption. Grâce à un logiciel, elle
To Go (TGTG) est aujourd’hui présente dans traque, dans les rayons de la grande distribution,
15 pays à travers l’Europe, ainsi qu’aux États-Unis les produits dont la limite de consommation
et au Canada. Elle propose aux particuliers les approche, et peut ensuite proposer aux gérants
invendus du jour de commerçants partenaires à des magasins la meilleure solution possible pour
prix réduits. Le principe est simple: une fois télé- éviter qu’ils ne terminent à la poubelle: promos,
chargée sur votre smartphone, l’appli vous indique dons aux associations ou paniers antigaspi. Sarah
où acheter des paniers «surprise» à proximité Chouraqui, directrice générale de Too Good To Go
(dans des hôtels, des supermarchés, des boulan- France, s’en explique: «On croit à la complémentarité
geries, des restaurants, etc.). D’une valeur de des solutions. On veut apporter une réponse holistique,
12 € en moyenne, ils sont commercialisés aux et devenir leader de la lutte antigaspi.»
à la disposition des
public. «Donner ne suffisait pas à écouler tous les
enseignants de primaire.
invendus, notamment ceux des magasins de proximité
qui ont des volumes plus petits. Seuls les grandes >>
Geev
● Gratuite ● sur OS et Android FREINS PSYCHOLOGIQUES
L
L’application de dons d’objets entre particuliers a démarche de récupérer de la nourriture
Geev, lancée en 2017 et téléchargée par 4 mil- chez quelqu’un n’est pas assez
lions d’utilisateurs, a ajouté en 2019 une fonc- décomplexée», constate Hakim Baka,
tionnalité dédiée au don de nourriture. Le un des deux fondateurs de Geev. Il y a encore
parcours client est clair: quand un usager poste beaucoup de freins psychologiques.
une annonce, il est contacté par un particulier Pour preuve, l’alimentation n’a représenté
intéressé par messagerie interne, afin de fixer que 8% des 9 millions de dons réalisés
ensemble les modalités de retrait. Mais comme l’an dernier via cette plateforme.
on ne donne pas un paquet de yaourts ou un
pot de crème fraîche comme une console de
jeux ou un canapé convertible, Geev vérifie, À moins de payer une formule d’abonnement
avant que les annonces alimentaires ne soient «premium» à 24,99 € par an, il faut donc s’at-
publiées, que les denrées sont bien conformes tendre à recevoir de la publicité.
à la réglementation (interdiction de donner de
la viande hachée, des pâtisseries réfrigérées à
base de crème pâtissière, etc.), et que les dates Save Eat
limites de consommation sont renseignées (les ● Gratuite ● sur OS et Android
annonces sont automatiquement supprimées Fruit d’une start-up fondée en 2017 par deux
dès qu’elles sont dépassées). ingénieures, Dorothée Bessière et Isaure Tsassis,
Le modèle économique de l’appli cette appli permet de surveiller le contenu de
Notre repose sur la publicité et les parte- votre frigo et de vos placards comme du lait sur
avis
nariats avec des marques qui com- le feu. Il suffit de scanner les produits que vous
muniquent sur leur politique en matière de venez d’acheter ainsi que les ingrédients en vrac.
responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Grâce à une base de données, Save Eat leur associe
une durée de vie supposée. «À partir de là, elle va
prioriser les aliments, alerter l’utilisateur lorsque l’un
Save Eat se
d’entre eux approche de la date de péremption et lui
concentre sur
les dates proposer une recette pour le cuisiner», explique
de péremption. Isaure Tsassis. L’appli annonce 300 000 téléchar-
gements et, en moyenne, 30 % d’utilisateurs s’en
servant au moins une fois par semaine. La start-up
se rémunère en proposant des ateliers de cuisine
antigaspi participatifs et ludiques (team building,
quiz, dégustation, etc.) aux salariés (activités que
les entreprises insèrent dans leur politique RSE).
Un livre de cuisine, qui compile les recettes zéro
déchet, est en vente sur le site.
Idéale pour les têtes en l’air ! Et un
Notre outil précieux si l’on songe que 20%
avis
du gâchis alimentaire proviendrait
d’une mauvaise compréhension des dates de
consommation. Notons toutefois que l’utilisateur
doit lui-même corriger l’indication de péremp-
tion s’il a acheté le produit en date courte, par
exemple, ou si, à l’inverse, la limite est plus longue
que celle supposée par l’appli. >>
Frigo Magic
peut vous aider
à mieux gérer
vos provisions
et le réassort
des placards.
Meal Canteen
● Gratuite ● sur OS et Android
Les applis déboulent aussi dans la restauration
Les responsables
collective. Créée en 2016 par l’entrepreneur Denis
de la restauration
Olivier, Meal Canteen permet de connaître à collective peuvent
l’avance la présence et les choix des convives dans désormais calculer
un restaurant d’entreprise ou une cantine scolaire. au plus juste les
Sur la base de ces indications, l’équipe en cuisine quantités de repas
peut ensuite ne sortir des frigos que ce qui va à produire.
être réellement consommé. Une fois l’appli télé-
chargée, les utilisateurs vont découvrir le menu
du jour et ceux de la semaine, réserver une place
et porter leurs choix sur tel plat, telle entrée ou
tel dessert. Ils ont aussi accès à tout un tas d’infor-
mations sur les allergènes, la composition des
mets et l’origine des ingrédients. Enfin, ils ont
la possibilité de noter chaque plat dégusté sur
une échelle de cinq étoiles. « Ça challenge les cui-
sines au quotidien. Mais ce n’est pas un défouloir »,
précise l’entrepreneur. D’ailleurs, en dessous de
quatre étoiles, les convives n’ont pas la possibilité
de laisser de commentaires, ils peuvent juste
cocher des cases s’ils ont trouvé que les plats
étaient trop froids, trop salés, etc.
L’appli se rémunère sur les économies réalisées
par les cantines après optimisation. «Nous sommes
partis d’une étude de l’Agence de la transition écolo-
gique (Ademe), qui estime que les pertes de la restau-
ration collective liées au gaspillage alimentaire
s’élèvent à 68 centimes par plateau-repas, explique
Denis Olivier. Cela comprend l’achat des matières
avis
menu et de le communiquer d’un clic d’attente (les convives ne passent pas
au chef restaurateur, qui commandera des heures à choisir parmi le menu proposé, car
et préparera les justes quantités. On ils l’ont consulté au préalable) et le choix limité
pourra aussi informer de son absence. d’entrées, de plats et de desserts en fin de service
(puisqu’est préparé tout ce qui a été réservé).
E
n définitive, nous n’avons facteurs structurels. Changer les pas forcément une bonne affaire.
pas d’information sur normes sociales est indispensable Si on additionne les rabais – entre
ce que deviennent pour une réduction durable des 50 et 70% – et les commissions
les invendus récupérés chez les pertes et gaspillages alimentaires», prélevées par les applis (25% pour
commerçants via les applis. On l’a préconisait ainsi, en 2020, Too Good to Go, 18% pour Phenix),
vu, ce sont des paniers «surprise», un rapport du think-tank X-Food. il ne leur reste plus grand-chose.
ce qui signifie qu’un client ne sait Et encore moins si on compte
pas ce qui s’y trouvera. Cela peut Question de valeur le personnel mobilisé. Mais alors,
être des produits qu’il n’a jamais Et elles ont beau dire, les applis à quoi bon? En réalité, les
cuisinés, qui ne sont pas à son d’optimisation des invendus distributeurs doivent mettre tout
goût ou, à ses yeux, trop abîmés captent une partie des denrées en œuvre pour lutter contre
pour être consommés. Bref, des qui, autrefois, étaient destinées aux le gaspi. Paniers et bacs à dates
aliments qu’il n’aurait pas achetés structures caritatives. «Il faudrait courtes répondent à cette
de lui-même. Le risque? Qu’une un minimum de régulation obligation; ils font aussi venir en
partie du panier termine vraiment pour réserver à la solidarité ce qui magasin des clients qui, sans cela,
à la poubelle. Pas forcément peut l’être. C’était l’esprit de la loi n’y seraient pas allés. Mais quel
de quoi en faire un plat, vu que Garot», rappelle Anne Tison, impact ont les promos sur la
l’utilisateur l’a payé à moitié prix, directrice d’Excellents Excédents, valeur perçue des aliments? Dans
voire au tiers. Mais, dans ces cas- société collectant des repas de sa thèse sur la sensibilité des
là, il est clair que la responsabilité la restauration collective pour les ménages au gaspillage alimentaire,
du gaspillage est reportée du donner aux associations d’aide Guillaume Leborgne, maître de
distributeur vers le consommateur. alimentaire. Laurence Gouthière, conférences à l’université Savoie
de l’Ademe, en convient, tout en Mont Blanc, estime qu’elles
Le problème à la source précisant que les applis peuvent peuvent nous faire considérer
En outre, en donnant une jouer un rôle positif dans la nourriture comme un service
seconde vie à des aliments, la l’accompagnement des ménages peu cher, voire gratuit. Un peu
société pallie un problème sans vers des comportements comme l’eau du robinet, dont la
s’attaquer aux racines du mal: la alimentaires plus durables. Par «contrainte prix», quasi absente,
surproduction. Pour satisfaire des ailleurs, pour les commerçants, les conduit souvent à peu d’attention
consommateurs qui demandent paniers antigaspi ne représentent en termes de consommation.
toujours plus de choix, l’agriculture
et l’industrie agroalimentaire
produisent plus que nécessaire. UNE CERTAINE FRAGILITÉ
L
Jean Moreau, l’un des fondateurs a question du modèle économique des applis antigaspi doit
de la start-up Phenix, l’admet être posée. La pionnière, Optimiam, lancée dès 2014, n’a pas
volontiers: «Nous agissons trouvé le sien; elle a fermé l’an dernier. Green Code, qui aidait les
davantage comme un médicament particuliers à gérer les dates limites de consommation, non plus.
que comme un vaccin.» Or, dans Quant à Zéro Gâchis, elle a changé de nom (pour Smartway)
la hiérarchie établie par la loi Garot, et sert désormais aux distributeurs pour optimiser les produits
la prévention du gaspillage doit en fin de vie. On le voit, les applis « grand public » des pages
l’emporter sur toute autre action. précédentes doivent encore faire la preuve de leur pérennité.
CRÉDIT PHOTO
LE RÉFRIGÉRATEUR
Un allié de poids
Le froid freinant la croissance des micro-organismes
tout en préservant les qualités nutritionnelles et
organoleptiques des aliments, on peut considérer
qu’un réfrigérateur est une véritable aide dans la
lutte contre le gaspillage – si on en fait bon usage
bien sûr. Car un modèle à froid statique ne s’utilise
pas de la même manière qu’un autre à froid ventilé
(lire aussi p. 35). Quoi qu’il en soit, les fabricants
d’électroménager n’en finissent pas de truffer leurs
frigos d’innovations technologiques, comme on
pouvait le découvrir au dernier salon IFA (foire
internationale de l’électronique), à Berlin. Une
nouveauté parmi d’autres: la réduction des varia-
tions de température à l’intérieur des appareils,
afin d’augmenter la durée de vie des denrées
stockées. Le développement de l’intelligence arti-
ficielle est aussi de la partie. Certaines références
sont désormais capables d’analyser les ouvertures
de portes sur sept jours pour modifier, en consé- de contrôler à distance la température des diffé-
quence et en prévision, le niveau de froid dans rents compartiments de notre réfrigérateur, ou
l’appareil, l’objectif étant toujours d’optimiser la de vérifier l’état des stocks de notre frigo grâce à
conservation des aliments. une caméra embarquée et une application dédiée.
À terme, nous dit-on, ils pourront générer auto-
La connectivité, quel intérêt ? matiquement une liste de courses des produits
Mais ce sont surtout les frigos connectés, avec venant à manquer, voire les commander en ligne.
GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO
leurs écrans tactiles et leurs multiples fonction- Mais si le champ des possibles est vaste, force est
nalités, qui continuent de défrayer la chronique. de constater que les frigos connectés n’ont pas
Ayant déboulé sur le marché en même temps (encore?) trouvé leur public au sein des ménages.
que d’autres objets connectés pour la cuisine, ils «Ce n’est pas surprenant. La durée de vie des réfri-
nous promettent des tas de choses. Notamment gérateurs est plus longue que celle des tablettes, et le >>
D es réfrigérateurs sont dotés de revêtement alimentaire. Une solution qui tombe à pic au
à base de nanoparticules d’argent. Invisibles moment où le télétravail rend complexe la gestion
à l’œil nu mais connues pour leurs vertus des restaurants d’entreprise ?
antibactériennes et antifongiques, elles permettent
de conserver les aliments plus longtemps.
LE PETIT ÉLECTROMÉNAGER
Plus ou moins utile
>> fait d’être connecté ne crée pas, en définitive, beaucoup ● Extracteur de jus (ou centrifugeuse)
de valeur pour l’usager», analyse Matthieu Vincent, Souvent présenté comme un équipement incon-
expert et cofondateur du DigitalFoodLab, un tournable de la lutte antigaspi, cet appareil per-
cabinet de conseil en stratégie dans l’agroalimen- met en effet de recycler en jus et smoothies des
taire. Le Groupement des marques d’appareils fruits et des légumes en excès ou légèrement
pour la maison (Gifam) l’admet, mais tempère flétris. Gardons toutefois à l’esprit qu’avec cette
aussi: «On n’en est qu’aux prémices en matière de technique, seul le liquide contenu dans les végé-
connectivité dans les cuisines. Seulement 5% des gros taux est récupéré. Pour participer réellement à
appareils électroménagers sont connectés, et 10% des la réduction du gaspillage alimentaire, il faut
petits. C’est un marché qui se développe doucement. donc aussi utiliser la pulpe restante, chargée en
Assez logique vu le taux de renouvellement d’un nutriments et en vitamines, en l’intégrant à des
réfrigérateur, qui est en moyenne de 10 ans.» recettes (quiche, soupe, boulettes, muffins, etc.).
S’ils peinent à s’imposer dans nos cuisines, les On peut aussi déshydrater cette pulpe et la réduire
modèles connectés s’invitent plus volontiers dans en poudre, puis confectionner avec des pâtisseries
les entreprises. Plusieurs start-up – Melchior, NU!, ou des bouillons de légumes maison. Avant de
Foodles, Le Bon Bocal, etc. –, qui souhaitent réin- choisir votre modèle, n’hésitez pas à consulter
venter le marché de la pause déjeuner en propo- le guide d’achat sur Quechoisir.org.
sant à toute heure une offre de restauration, ● Déshydrateur Cet appareil peut lui aussi
vendent aux sociétés des frigos connectés en libre- s’avérer utile pour prolonger la durée de conser-
service pour leurs salariés. Grâce à des capteurs vation des aliments. Son principe ? Il élimine
et des balances, l’appareil identifie les plats retirés l’eau des denrées avec de l’air chaud ventilé, et
et débite automatiquement le compte de l’utili- empêche ainsi bactéries, champignons et moi-
sateur. Des algorithmes permettent même d’opti- sissures de s’y développer. Une grande variété de
produits est «déshydratable» sans que leur goût
Recyclez soit altéré: herbes aromatiques, fruits, légumes,
en jus ou viande, poisson… Cette technique de conserva-
smoothies tion ancestrale (à l’époque, on faisait sécher les
vos fruits un denrées en les plaçant de longues heures au soleil)
peu flétris… s’est modernisée, et l’on trouve aujourd’hui dans
le commerce des tas de modèles présentant une
STARMAN963/ADOBE STOCK - ANTONIVANO/ADOBE STOCK
Asséchez vos
vieilles pommes et
faites-en des chips
pour l’apéritif…
auparavant (racines, choux, courges, etc.). Selon de sa limite de consommation, et une liste de
les aliments, l’opération peut prendre plusieurs courses est automatiquement remplie au gré de
heures. Il est ensuite possible de les conserver l’état des stocks. Notez toutefois que le système
plusieurs mois en bocaux hermétiques dans un suppose de répertorier au départ le contenu de
endroit frais, sec et sombre. ses placards, ainsi que de reposer les contenants
● Robot cuiseur tout-en-un À l’origine, il sur la balance après chaque utilisation pour
a été conçu pour faciliter la vie en cuisine. Peser, mettre à jour l’inventaire.
hacher, pétrir, émulsionner, rissoler, cuire, ● Machine sous vide Appréciées des profes-
mijoter… le robot cuiseur (Thermomix TM6, sionnels de la restauration, les appareils de mise
Companion XL, Monsieur Cuisine Connect…) sous vide servent à conserver plus longuement
sait faire beaucoup de choses. Les fonctionnalités les aliments à l’abri de l’air tout en préservant
récentes, du type écran tactile ou connexion wifi, leurs saveurs. Jusqu’à cinq fois plus longtemps,
peuvent aider à adopter de bonnes pratiques promettent les fabricants d’électroménager, qui
antigaspi. Par exemple, vous entrez le nom d’un ont décliné des gammes compactes pour le grand
aliment dont la date limite de consommation public. L’idée est simple: l’absence d’oxygène
arrive à grand pas, et l’appli liée au robot se charge bloque les micro-organismes à l’origine de la
de trouver des recettes adaptées. fermentation des aliments, ce qui prolonge effi-
● Balance connectée Squikit, une start-up cacement la durée de vie des légumes, des fruits,
créée par trois jeunes entrepreneurs, ambitionne de la viande, du poisson, mais aussi des plats
d’aider les consommateurs à gérer leurs stocks préparés, des sauces, des jus, etc. Le tout, sans en
de provisions. Elle commercialise un assistant altérer les qualités organoleptiques. Un allié pré-
connecté qui permet de savoir, au gramme près, cieux pour ceux qui s’adonnent au batch cooking
combien il nous reste de sucre, de riz ou de yaourt (lire aussi p. 25). Seule ombre au tableau, ces
encore consommables. Bref, de tenir à jour machines sous vide requièrent souvent l’emploi
l’inventaire des denrées stockées dans nos pla- de sachets plastique à usage unique. Dans la res-
cards, notre frigo, jusque dans notre congélateur. tauration commerciale et collective, des entre-
Pour cela, on affecte aux aliments une puce RFID prises commencent à vendre des sacs alimentaires
(radio fréquence identification), on les pèse et compostables, fabriqués en cellulose. À la maison,
les identifie dans une appli, puis on leur attribue on peut, si l’on préfère, opter pour des modèles
une date de péremption. L’utilisateur est ensuite qui font le vide dans des poches réutilisables ou
averti en temps réel lorsqu’un produit approche des récipients en verre.
S
igne des temps, les États-Unis ont vu ralentit le mûrissement. Une pépite française,
apparaître, l’automne dernier, la pre- Proteme, a elle aussi imaginé un enrobage d’ori-
mière licorne antigaspi de la Tech, soit gine végétale susceptible de prolonger la durée
une start-up valorisée plus d’un milliard de vie des primeurs. Incubée dans la pépinière
de dollars. Elle est née du rapprochement de Misfit d’entreprises de Rungis (94), elle a conçu une
Market et d’Imperfect food, deux jeunes pousses solution qui s’applique soit par pulvérisation, soit
spécialisées dans la livraison de fruits et légumes par trempage. Ses premières expérimentations
déclassés. «De plus en plus de fonds dédiés se créent ont été menées sur la banane et le citron.
autour du gaspillage alimentaire », confirme
Matthieu Vincent, cofondateur du cabinet de Ça avance plein gaz
conseil DigitalFoodLab. Tour d’horizon de ce qui Autre champ d’innovation dans la conservation
se prépare en laboratoire pour combattre le gâchis. des aliments, l’éthylène, un gaz inodore relâché
par certains fruits et légumes et responsable de
CONSERVATION Les fruits leur mûrissement. La start-up BluApple a mis au
point un produit en forme de pomme bleue qui,
des jeunes pousses une fois placée au réfrigérateur, absorbe le gaz
Pour prolonger la durée de conservation des fruits éthylène de certains fruits et légumes pour mieux
et légumes, des start-up travaillent sur des solutions conserver les autres. L’objet, déjà commercialisé
d’enrobages comestibles. Une sorte de seconde outre-Atlantique, serait capable de multiplier la
peau fabriquée à partir de sous-produits composés durée de vie des fruits et légumes par trois.
tantôt de mouture de maïs, tantôt de marc de Lorsqu’il n’agit plus – en général au bout de trois
fruits, de microalgues vertes ou d’œufs. La plus mois – il suffit de se procurer des recharges.
connue est Apeel, une société californienne qui La société américaine Hazel Technologies Inc. a
a fait de la maturité des fruits et légumes sa spé- mis au point, pour sa part, une solution capable
cialité. Elle a notamment mis au point un spray de bloquer jusqu’à trois semaines les récepteurs
capable de former une couche protectrice qui piège d’éthylène des fruits et légumes grâce à un régu-
l’humidité à l’intérieur des fruits et légumes et lateur végétal de synthèse susceptible de retarder
empêche l’oxygène d’entrer. Appliqué sur les avo- le processus de maturation. Cette innovation se
cats et les agrumes, cet enrobage bio et comestible présente sous la forme d’un sachet qui, posé dans
nombreux emballages utilisés par l’industrie agroa- qualité. Un outil indispensable pour réagir en cas
limentaire. Mais certains peuvent s’avérer utiles de défaut de conservation. Les emballages dits actifs,
lorsqu’il s’agit de lutter contre le gaspillage… Encore eux, interagissent avec les aliments. Ils intègrent >>
D u champ à l’assiette,
la lutte contre le gaspillage
alimentaire s’inscrit pleinement
à l’échelle des régions. Que
ce soit à travers les associations
de terrain, les collectivités,
les entreprises, les projets
alimentaires territoriaux (PAT) ou
encore les réseaux de lutte contre
le gaspillage alimentaire (Régal).
En agissant à l’échelon local,
on mobilise plus facilement
les acteurs, on partage les savoirs
collectifs et les bonnes pratiques,
on fait émerger des démarches
innovantes. «Ça permet aussi
de connecter les citoyens à des
enjeux écologiques, économiques
et sociétaux qui leur échappent
parfois», souligne Xavier Corval,
le fondateur d’Eqosphère, une
entreprise pionnière de la lutte
contre le gaspillage en France.
Bref, c’est une clé d’accélération.
On peut juste regretter qu’à
tous les niveaux, on travaille
encore souvent en silos et sans
coordination… Tour d’horizon
des initiatives prises dans chacune
des régions de l’Hexagone
ainsi que dans les outre-mer.
ASSOCIATIONS À Lyon, Récup et Gamelles atelier nous permet de disposer de plats cuisinés de
mène des actions participatives contre le qualité et diversifiés, confectionnés avec des légumes
gaspillage alimentaire: collecte d’invendus, mise frais », explique-t-on au siège de la Fédération
en bocaux de fruits et légumes bios, animations, française des banques alimentaires. Les repas
accompagnement zéro déchet, etc. Elle a, entre sont distribués à des associations caritatives, des
autres, porté le projet de la Maison engagée et centres d’hébergement ou encore des épiceries
solidaire de l’alimentation, inaugurée l’automne solidaires. Parmi les autres initiatives dans la
dernier à Lyon aux côtés de l’association Vrac. région, un agriculteur de Teilhet (Puy-de-Dôme)
Récup et Gamelles recherche régulièrement des réserve un hectare de son exploitation afin que
bénévoles et des volontaires en service civique. des bénévoles y ramassent des pommes de terre
pour la banque alimentaire d’Auvergne.
COLLECTIVITÉS Avec le soutien du
département, la banque alimentaire de ENTREPRISES Atypique récupère, auprès
l’Isère et Pierre Pavy, un restaurateur grenoblois, des agriculteurs, les fruits et légumes qui
sauvent de la benne jusqu’à 200 kg par jour de seront boudés par l’industrie et la grande distri-
viande à date courte. Comment? En les récupé- bution pour les proposer à la restauration col-
rant dans les grandes surfaces et en les préparant lective, des épiceries, des restaurants… La start-
avec des bénévoles dans les cuisines du collège up est hébergée par FoodShaker, l’incubateur de
Marc-Sangnier, à Seyssins. «Il faut un agrément l’école d’ingénieurs en agronomie, agroalimen-
sanitaire pour faire de la découpe de viande. Cet taire et environnement (Isara) à Lyon, mais elle
devrait bientôt voler de ses propres ailes. «En
2023, nous allons déployer notre modèle à l’échelon
national grâce à des plateformes logistiques »,
raconte Thibault Kibler, un de ses fondateurs.
Depuis 2021, Atypique a sauvé 700 tonnes de
primeurs. «Aujourd’hui, on est sur un rythme de
25 tonnes par semaine», se félicite-t-il.
L’initiative originale
Dans l’ancienne manufacture d’armes
de Saint-Étienne, La Fabuleuse Cantine
est un tiers-lieu qui sert à petits prix des plats
réalisés à partir d’invendus. Elle fabrique aussi
des bocaux pour y recycler ses propres surplus.
Les bénévoles de la banque alimentaire Le concept a été décliné à Lyon, Villeurbanne,
A. FREITAS
Franche-Comté
UNE FOULE DE PROJETS
De la récupération des invendus au tri des déchets alimentaires des ménages
en passant par l’installation de frigos solidaires, la région fédère moult projets.
DOC RE-BON
Bourgogne-Franche-Comté. Objectif : imaginer le pain de la poubelle.
des dispositifs répondant à la volonté des pou-
voirs publics d’obliger les particuliers à trier le monde est gagnant : les boulangers se débar-
leurs déchets alimentaires dès le 1er janvier 2024. rassent de leurs invendus à bon compte (ça
Dijon Métropole y a répondu en conduisant allège leur redevance d’ordures) et les consom-
une expérience originale avec la caserne de mateurs trouvent, dans les boulangeries et les
gendarmerie Deflandre. Des bacs d’apport épiceries locales partenaires, des produits gour-
volontaire y ont été installés pour que les mands sains et écoresponsables à petits prix. On
militaires y déposent leurs déchets. Le compost peut même commander des coffrets apéro sur
est ensuite collecté afin de fertiliser une parcelle le site de l’association. Créée en 2021, Re-Bon
de terre maraîchère où les Restos du cœur disposera prochainement de son propre atelier
cultivent fruits et légumes. Si l’essai est concluant, de production à Lons-le-Saunier.
l’opération sera reproduite ailleurs.
L’initiative originale
Pour ne plus jeter ses invendus,
le gérant de La table de Florine, à Saint-Avé
(Morbihan), vend les restes de plats de
la veille à petit prix (4 € contre 10 €) sur la page
Facebook de son restaurant. Une astuce
Ce réseau d’insertion récupère antigaspi qui permet au restaurateur
JMLPROD
LE TERRITOIRE S’ENGAGE
En Centre-Val de Loire, on appréhende la prévention du gaspillage non pas comme
une question de filière alimentaire, mais comme une question de territoire.
L’initiative originale
Manghjemu Corsu est une marque qui agit
comme un label valorisant le patrimoine
culinaire corse dans la restauration collective.
Pour s’en prévaloir, les plats servis à la cantine
doivent être composés d’au moins 25%
Le Syvadec distribue de produits agricoles corses. Une façon
des composteurs. de lutter contre le gaspillage: les élèves sont
moins tentés de jeter la production locale.
PARTAGE AU PROGRAMME
Les acteurs de la transition alimentaire dans le Grand Est peuvent notamment
s’appuyer sur le réseau Partaage, animé par l’association Citoyens & Territoires.
SOLUTIONS ENCOURAGÉES
Parmi les six nouveaux projets alimentaires territoriaux sélectionnés par France
Relance, trois soutiennent des initiatives contre le gaspillage.
ASSOCIATIONS À Lille, voilà plus de gaspillage et de leur donner les clés pour
10 ans que l’association la Tente des gla- réduire d’au moins 25 % le volume de leurs
neurs installe son stand sur l’immense marché déchets alimentaires. Rien n’est laissé au
de plein air du quartier Wazemmes, véritable hasard : ateliers, visites de sites de compostage,
institution qui attire tous les dimanches entre pesée hebdomadaire… «Lors de la dernière édi-
30 000 et 50 000 personnes. À la fin de chaque tion, en 2021-2022, les ménages ont été encoura-
édition, équipés de chariots de supermarchés, gés à diminuer également leur consommation
une dizaine de bénévoles sillonnent les allées d’eau et d’énergie », souligne un porte-parole
pour collecter les invendus des marchands de de la métropole. Le nombre de foyers partici-
pain, de fruits et de légumes. Vers 14 heures, pant à l’opération est passé de 50 à 100.
une fois triés, ils sont distribués gratuitement,
sous une tente dressée pour l’occasion, à des ENTREPRISES Enjoindre à la restaura-
personnes en grande précarité qui n’ont pas tion collective de limiter le gaspillage ali-
accès à l’aide alimentaire. L’association a fait mentaire, c’est bien. Encore faut-il l’accompa-
des émules un peu partout en France, notam- gner dans cette démarche. C’est la mission que
ment à Caen, Strasbourg et Grenoble. L’idée s’est assignée la société de restauration Mille
est de structurer un réseau national. et un repas du Nord, située à Villeneuve-
d’Ascq. Pour encourager les cantines et les
COLLECTIVITÉS Depuis 2017, Amiens cafétérias d’entreprise à s’engager dans une
Métropole mène, avec l’association En démarche vertueuse, la société a créé son
savoir plu,s une expérience baptisée Défi zéro propre référentiel, basé sur plus de 70 critères
gaspi. Il s’agit d’accompagner des familles pen- et validé par un label privé, Zéro gaspil’ - col-
dant plusieurs mois afin de les sensibiliser au lectivement responsable. «L’objectif est d’avoir
moins de 20 g de gaspillage par repas et par per-
Amiens Métropole a lancé sonne là où, selon l’Ademe, la moyenne est de 167 g
le Défi zéro gaspi. en restauration collective », décrypte un représen-
tant de Mille et un repas du Nord.
L’initiative originale
Le collège Jean-Jaurès à Aire-sur-la-Lys,
dans le Pas-de-Calais, a trouvé
un moyen économique et écologique
de se débarrasser de ses déchets
alimentaires. En accord avec le principal,
les écodélégués ont construit un poulailler.
Le traitement des déchets ne coûte plus
L. ROUSSELIN
IL FAUT SE MOBILISER !
L’Île-de-France serait la région qui gaspille le plus, selon un sondage réalisé l’an
dernier par l’institut Censuswide. Raison de plus pour faire bouger les choses.
L’initiative originale
À Caen, Hors’Norm, une coopérative
créée en 2021, accompagne particuliers
et professionnels dans l’organisation
d’événements écoresponsables. Objectif:
réduire l’impact carbone, notamment
BinHappy s’est spécialisé dans la en matière de gaspillage alimentaire, des
valorisation des déchets en biogaz.
mariages ou des séminaires, par exemple.
ASSOCIATIONS Pro-portion sensibilise orange, elle s’ajoute au bac vert, dédié au tout-
les professionnels et le grand public à la venant, et au bac jaune, réservé aux papiers et
problématique du gaspillage et les aide à le aux emballages. Les ménages y jettent leurs
réduire. «On part du principe que le gaspillage déchets alimentaires, ou biodéchets. Objectif :
alimentaire n’est pas une fatalité. Par contre, il est «Réduire autant que possible la partie des ordures
multi-acteur et multifactoriel. On ne peut pas faire vouées aujourd’hui à l’incinération, alors qu’elles
grand-chose tout seul », expose Florence Flies, sont potentiellement compostables », annonce-
la fondatrice de Pro-Portion. Cette dernière a t-on au Sydetom66. Une fois collectés et contrô-
construit une méthode d’accompagnement lés, ces déchets organiques ont vocation à
personnalisé, notamment pour la restauration être valorisés en biogaz.
collective. «On réalise un diagnostic, on fait des
préconisations et on bâtit un plan d’action adapté à ENTREPRISES Green Spot Technologies
la structure », poursuit Florence Flies. Elle inter- a mis au point un procédé de transforma-
vient dans des écoles de la communauté de tion des coproduits à base de fermentation.
communes des Hauts Tolosans, mais aussi à «C’est une technologie écoconçue qui a l’avantage
Léguevin ou à Castanet-Tolosan. de demander peu d’eau, peu d’énergie et peu de
surface », affirme Manon Ledoux, cheffe de
COLLECTIVITÉS Dans quelques localités produit. Grâce à cette innovation, on obtient,
des Pyrénées-Orientales, le Sydetom66, à partir de pulpe, de pelures, de peaux ou de
syndicat chargé de la collecte, du traitement pépins de fruits et légumes, un ingrédient
et de la valorisation des ordures ménagères, goûtu destiné aux industriels de l’agro -
expérimente une nouvelle poubelle. De couleur alimentaire. «Green Spot commercialise déjà trois
produits issus de la drêche de bière, de la tomate et
de la pomme », poursuit Manon Ledoux. Créée
en 2018 en Nouvelle-Zélande, la start-up est
aujourd’hui située à côté de Toulouse et a ins-
tallé son outil industriel à Carpentras.
L’initiative originale
La start-up PimpUp propose des paniers
antigaspi aux particuliers, sur Internet
et par abonnement (sans engagement).
Ils sont composés d’une sélection
de fruits et légumes de saison refusés
par les circuits de distribution classique
et collectés auprès des producteurs.
L’association Pro-portion promeut Créée en 2021 à Montpellier, la jeune
la réduction du gaspillage alimentaire.
pousse a déboulé fin 2022 à Toulouse.
L’initiative originale
L’Association nationale pour la formation
permanente du personnel hospitalier
(ANFH) a lancé un grand plan antigaspi
en Paca. Dans les établissements de santé
Pour sensibiliser les plus jeunes, et les maisons de retraite qui le souhaitent,
L’Économe organise des ateliers le personnel sera initié aux bonnes pratiques
de cuisine dans les écoles. de la lutte contre le gaspillage alimentaire.
L
a France est pionnière dans la lutte antigaspi. Or, cette question de la mesure est essentielle.
Elle a été la première à se doter d’une légis- D’abord, parce qu’elle permet de sensibiliser ceux,
lation ambitieuse et d’un arsenal complet, encore nombreux, qui n’ont pas conscience des
et le gaspillage a été hissé dans notre pays quantités jetées. «La compréhension des enjeux est
au rang de «grande cause nationale». Cela lui a la clé pour accompagner les changements de comporte-
notamment valu d’être classé en 2018, par l’heb- ment», souligne Xavier Corval, rapporteur du comité
domadaire The Economist, en tête des systèmes de pilotage du Pacte national de lutte contre le
alimentaires durables dans le monde. Les différentes gaspillage alimentaire de 2013 et fondateur de la
lois – Garot, Egalim, Agec, Climat et résilience – ont start-up Eqosphere. Ensuite, parce que calculer sert
permis une prise de conscience, tant dans l’opinion à apprécier les efforts dans la durée. «La politique
publique qu’auprès des acteurs de la chaîne ali- antigaspi en France est axée sur les moyens. Elle ne
mentaire. Bref, tout le monde s’est mis en mouve- mesure pas le résultat», déplore Barbara Redlingshöfer,
ment. Mais comment savoir si les actions engagées chercheuse à l’Inrae. «C’est extrêmement compliqué
portent leurs fruits? Car, il faut le rappeler, l’État à évaluer, fait remarquer Laurence Gouthière.
s’est fixé un objectif ambitieux: réduire le gaspillage, Beaucoup de choses nous échappent, que ce soient les
d’ici à 2025, de 50% par rapport à son niveau de restes de repas jetés par les particuliers ou les cultures
2015 dans la distribution et la restauration collec- laissées aux champs par les agriculteurs.»
tive. Et, d’ici à 2030, de 50 % par rapport à son À défaut de statistiques, on aurait pu constater les
niveau de 2015 chez les consommateurs, les agri- avancées à l’aune des contrôles. Toutefois, tout le
culteurs, les industriels et les restaurateurs. monde s’accorde à dire qu’ils sont rares ou ineffi-
caces… Au ministère de l’Agriculture, on le recon-
Peu d’outils de mesure naît à demi-mot: «Des contrôles ponctuels ont été
Afin de mesurer le chemin parcouru, il faudrait des effectués.»Pourtant, la loi Garot prévoit des amendes
données pertinentes, exhaustives et comparables. pour ceux qui rendent volontairement impropres
C’est là que ça se complique. La quasi-totalité des à la consommation des denrées sûres. «La volonté
chiffres qui circulent aujourd’hui, lorsque l’on parle politique est là, mais c’est dans l’exécution de la loi
de gaspi, provient d’une étude réalisée par l’Agence que ça ne suit pas tout le temps», analyse Pierre-Yves
de la transition écologique (Ademe) en… 2016. Pasquier, fondateur de Comerso.
Depuis, c’est le grand flou. Pourtant, la loi est claire. Le flou entretenu sur la réalité du gâchis pourrait
«Chaque secteur est censé faire un état des lieux pour ne pas persister. L’Union européenne a décidé d’obli-
vérifier qu’il respecte bien les objectifs», confirme ger les États membres à le mesurer, selon une métho-
Laurence Gouthière, référente nationale Ademe. dologie commune à tous. Oublié, le temps où chacun
2023), «on reste dans un modèle qui génère des gaspil- et la Nouvelle-Zélande – ont vu leur gaspillage
lages». Le meilleur déchet alimentaire étant celui et leurs pertes alimentaires augmenter
qu’on ne produit pas, il est nécessaire de franchir depuis 2015, d’après une enquête de l’agence
un nouveau palier dans la lutte contre le gaspillage. Reuters publiée lors de la Cop 27 en Égypte.
C’est peu dire que la marche est haute…
GUILLAUME GAROT
Député PS de la Mayenne
« LES CONSOMMATEURS
TIENNENT UNE PLACE CENTRALE »
À l’origine de la loi fondatrice contre le gaspillage alimentaire de 2016,
le député Guillaume Garot se félicite de la prise de conscience collective
qu’elle a engendrée. Mais il faut, dit-il, nourrir la dynamique dans
le temps. Il en appelle pour cela à une « volonté politique durable ».
>>
2022
officielle dans les actions contre le gaspillage
18 novembre
alimentaire et interdit aux distributeurs
de rendre leurs invendus impropres
- Décret publié
à la consommation. Elle les oblige à les donner au Journal officiel
aux associations d’aide alimentaire. Il vise à mieux informer le consommateur
sur la date de durabilité minimale (DDM).
Cette dernière sera accompagnée d’une mention
2023
à la restauration collective (> 3000 repas/jour)
et aux industries agroalimentaires de plus Lancement
de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. annoncé du label
national antigaspi
2020
Conçu pour valoriser les bonnes pratiques
Loi Agec des acteurs de la chaîne, comment ce label
Elle étend les obligations sera-t-il décerné aux distributeurs ?
ANCHIY/ISTOCK
de dons aux opérateurs de commerce de gros Au total, 17 critères devraient être retenus,
de plus de 50 millions d’euros de chiffre répartis en 4 grandes catégories.
TOUT RESTE
À DÉCOUVRIR !
P ar ignorance, par manque
de temps ou par flemme,
on jette un reste de poulet,
une pomme ridée, des endives
ramollos, des fanes de radis…
Quel gâchis et quel dommage!
Moins gaspiller, cuisiner un peu
et se faire plaisir, ce n’est pas
sorcier, même un peu magique.
On commence par acheter de
bons produits, à savoir de saison,
en circuit court et sans traitement
(pour nous, pour le producteur
et pour les sols). Légèrement
plus onéreux à l’achat (et encore),
ces chouettes légumes, cette
viande bien élevée ou ce poisson
des côtes françaises offrent de
bonnes qualités organoleptiques,
se conservent mieux et, pour
certains, ne fondent pas comme
neige au soleil à la cuisson
(comparez une saucisse de
supermarché et une de votre
boucher, vous verrez). Ensuite,
on inspecte régulièrement le frigo,
car les restes ne se gardent pas
indéfiniment. Enfin, on improvise
velouté, rillettes ou pizza…
avec nos rogatons. Voici quelques
recettes pour ne pas jeter,
vous inspirer et vous régaler.
Lavez et essorez les fanes d’1 botte de radis (en ayant mis ces derniers
de côté). Faites-les fondre 5 min dans une poêle avec 3 cuil. à s. d’huile
d’olive. Ajoutez 8 olives noires coupées en rondelles, 3 pincées de
piment d’Espelette, 1 cuil. à s. de pignons et 100 g de feta coupée en dés.
Salez, poivrez, mélangez et poursuivez la cuisson 2 min. Disposez
sur des tartines de pain grillées. Décorez de rondelles de radis.
+
Le Que Choisir Cette poêlée est aussi délicieuse sur des spaghettis (pour
2 personnes, doublez les proportions des ingrédients indiqués ci-dessus).
Un reste de saucisses
POMMES DE TERRE FARCIES
AU PORC ET À LA MIMOLETTE
Pour 4 personnes Préparation : 30 minutes
Céréales
Riz (blanc et complet),
Huiles boulgour, semoule
Olive, sésame, noix (couscous), polenta, quinoa,
Vinaigres petit épeautre, sarrasin
Balsamique, de cidre, (sans gluten)
xérès, de riz Légumes secs
Épices Cumin, Lentilles vertes et corail,
gingembre, curcuma, pois cassés
piment, paprika, Conserves
muscade, vanille Pulpe de tomates, maïs,
Graines Sésame, pois chiches, sardines, thon
tournesol, courge ou maquereau
Sucres à l’huile
Blond de canne, roux, Briques
miel, sirop d’érable Crème UHT, lait de coco,
Parfums Eau de fleur crème de soja
d’oranger, peanut butter Fruits secs
(pâte d’arachides), Noix, noisettes, pignons,
citrons confits cacahuètes, raisins
DVID/ADOBE STOCK
Un reste de crevettes
ŒUFS MIMOSA MARINS
Pour 4 personnes Préparation : 10 minutes
Un reste de riz
RIZ FRIT ET ROULÉS D’OMELETTE
Pour 2 personnes Préparation : 20 minutes
Battez 2 œufs, salez, poivrez, versez dans une poêle avec 1 cuil. à s. d’huile
de sésame. Faites cuire 2-3 min et arrosez d’1 cuil. à s. de sauce soja
sucrée pour caraméliser 1 min. Roulez l’omelette et coupez-la en lanières.
Faites revenir 1 échalote émincée dans un wok avec 2 cuil. à s. d’huile
de sésame 1 min. Ajoutez 250-300 g de riz cuit (de la veille) et faites frire
ADOBE STOCK-NOUN PROJECT
Un reste de purée
GALETTES AUX OLIVES
Pour 2 personnes Préparation : 20 minutes
Un reste de spaghettis
BEIGNETS AUX ANCHOIS
Pour 2 personnes Préparation : 20 minutes
1 ou 2 pommes ridées
GÂTEAU 5-4-3-2-1
Pour 4 personnes Préparation : 20 minutes
POUVOIR
D’ACHAT
DES FRANÇAIS
Que Choisir a voulu mesurer l’impact
de l’inflation sur le porte-monnaie
des Français. Via notre service l’Observatoire
de la consommation (ODLC), une enquête
en ligne a été lancée du 20 au 25 mai 2022
auprès d’un échantillon représentatif
de la population de 1004 personnes. Nous
vous présentons une partie des résultats.
Enquête réalisée par Grégory Caret avec Pascale Barlet et Elsa Casalegno
O
n peut classer les ménages en deux catégories
selon leurs ressources. D’une part, les plus modestes,
aux revenus mensuels nets inférieurs à 2 000 €,
qui représentent 40 % de la population. D’autre part,
les classes moyennes et supérieures, qui réunissent 60 %
de la population, avec des revenus de plus de 2 000 € par mois.
}
a continué (de 6,1 %
sur un an en mai 2022,
Dont 33 % :
oui,
elle est passée à 7,1 %
tout à fait
sur un an en janvier 2023).
Logiquement, les faillites
de commerces sont
en augmentation, tout
comme le nombre
de ménages en difficulté.
NON
19 } Dont 16 % : non, plutôt pas
L
es postes de
dépenses qui
impactent
le plus le budget LA FLAMBÉE DES PRIX
des foyers sont l’énergie
(en particulier pour les
DE L’ÉNERGIE FAIT MAL
Cla & s
déplacements quotidiens
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et le chauffage du logement)
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ul
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OUI, TRÈS FORTEMENT 40% 34% 33% 45% 45% 19% 34%
L
e poids de l’inflation varie
selon le type de logement,
il est plus élevé pour une
maison. Il est aussi fonction
de la nature de l’énergie: le gaz
GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO ; BILLIONPHOTOS.COM/ADOBE STOCK.
Pour 31 %
des ménages, la hausse
des prix des denrées
alimentaires pèse très
lourdement. Notamment
chez les plus modestes :
44 % (contre 23 % pour
les classes moyennes
ou supérieures).
i
t ais
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LES RAYONS LES PLUS
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Fr gum e IMPACTÉS PAR L’INFLATION
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M. NIVELET/ADOBE STOCK ; GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO ; NOUN PROJECT
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36 32
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% 29
%
46 %
achètent moins
42 %
achètent moins de
de viande produits d’épicerie
Hygiène Produits
et entretien laitiers
et œufs
38 %
ciblent promos
41 %
ne changent
et premiers prix rien
84
ménages les moins chères ou,
français sont motorisés. plus marginalement, en
PÈSE-T-ELLE
Logiquement, faisant de petits pleins LOURDEMENT SUR
la flambée du prix
des carburants pèse
ou en roulant moins
vite. Un cinquième
% VOS DÉPENSES ?
lourdement dans
les dépenses de la très
d’irréductibles
ne change rien à ses } Dont 48 % :
oui, tout à fait
}
grande majorité d’entre habitudes. Mais qu’en
eux. Et ce, quel que soit sera-t-il cette année, Dont 36 % :
leur niveau de revenus. avec la fin de la remise oui, plutôt
Les automobilistes à la pompe et
réagissent donc en l’instauration d’un
utilisant moins souvent chèque carburant ciblé
leur véhicule (pour un pour les plus modestes ?
NON
} Dont 14 % : non,
plutôt pas
16 } Dont 2 % : non,
% pas du tout
35 % 6% font le plein
plus souvent pour des
utilisent moins
leur véhicule montants plus faibles
10 %
roulent moins
vite pour
consommer
moins
27 % 22 %
KANPISUT/ADOBE STOCK
« LES FRANÇAIS
N’ONT PAS LE MORAL »
Que savons-nous du profil la viande, les œufs ou la volaille. Là encore,
des ménages les plus touchés le paradoxe, c’est que les Français demeurent
par l’inflation ? très soucieux de manger sains. Par ailleurs,
P. M. Ce sont, comme souvent, les classes les grosses dépenses – un déménagement,
sociales les plus défavorisées (ouvriers, des travaux dans la maison, l’achat
employés, chômeurs). Or ces personnes de meubles, de gros électroménager ou
ont déjà souffert de la crise sanitaire d’une voiture – sont bien souvent reportées.
(temps partiel, chômage…), puis Enfin, ce sont les loisirs les plus touchés.
des pénuries de matières premières et, La restauration n’a toujours pas repris son
enfin, de l’inflation. Ces catégories sont niveau d’avant-covid; même chose pour
assommées par la perte de pouvoir d’achat. le cinéma. En parallèle, on a vu émerger
un nouveau phénomène: la « numérisation »
Comment font-elles face ? de nos modes de vie. Les abonnements
P. M. Le premier réflexe est de taper dans à Netflix, par exemple, compensent
l’épargne de précaution quand il y en a. sans doute les déplacements au cinéma…
Les Français sont de plus en plus nombreux À Noël dernier, selon un sondage mené par
à y puiser très régulièrement pour boucler l’ObSoCo, les Français ont été 57 % à vouloir
leurs fins de mois. Et, paradoxalement, faire moins de cadeaux, 40 % à consacrer
on n’observe pas de recours significatif moins d’argent à la déco et 40 % à souhaiter
au crédit à la consommation. En revanche, moins dépenser pour les repas de fêtes.
ce qui est certain, c’est que les gens
sont contraints de faire des arbitrages. Que peut-on dire
du moral des Français ?
Quels sont les postes P. M. Il est à peu près au même niveau
de dépenses sacrifiés ? qu’en 2008, au moment de la crise financière
P. M. Les enseignes de la grande distribution des subprimes. Cela dit, cette dernière avait
observent quasiment toutes une baisse des duré moins longtemps. Aujourd’hui, si
volumes d’achats, notamment dans le secteur le moral est très bas, c’est aussi justement
de l’alimentation. Les quantités consommées parce que l’on ne sait pas combien de temps
sont moindres. Je ne parle même pas la crise actuelle va se prolonger.
des denrées devenues onéreuses comme Propos recueillis par Pascale Barlet
}
ménages, notamment chez la moitié des consommateurs
les plus modestes (31 %, ont réduit leurs achats, en OUI Dont 46 % :
oui, plutôt
67 }
contre 15 % pour les classes particulier concernant les
moyennes ou supérieures). sorties et loisirs – la chute de Dont 21 % :
Depuis, de fortes la fréquentation des théâtres oui,
augmentations ont été
relevées, en premier lieu
et cinémas en témoigne –, et
un tiers cible des promotions
% tout à fait
NON } Dont
28 % :
33 non,
plutôt
CRISTIAN - SOHO A STUDIO/ADOBE STOCK
%
NON
pas
} Dont
5%:
non, pas
du tout
51 % C
ôté vacances, on modestes), les choses ont
reconsidère aussi ses changé l’été dernier. À cause
limitent les achats envies. Si, en moyenne, de l’inflation, les trois quarts
d’équipements les Français passent 12 jours des personnes sont parties
36 %
par an hors de leur domicile moins longtemps ou moins
pendant leurs congés loin, ou ont réduit leur
revoient leurs (n’oublions pas toutefois que budget vacances. Seul un
abonnements 27% ne partent pas – une petit quart entendait
à la baisse proportion qui s’élève même maintenir ses projets initiaux,
à 42% parmi les foyers quitte à payer plus cher.
L
es contribuables ne payent plus la taxe Si, au 30 juin, vous ne vous êtes pas exécuté,
d’habitation sur leur résidence principale une amende forfaitaire de 150 € par local
en 2023. Par contre, cet impôt demeure pourra vous être appliquée. Par la suite, vous
applicable aux autres biens, notamment ne renouvellerez votre déclaration qu’en cas
secondaires. Il en va de même de la taxation de changement de situation.
des logements vacants. Pour identifier les locaux
imposables, la loi de finances pour 2020, adoptée Chasse aux logements vacants
fin 2019, a mis en place une nouvelle obligation Cette nouvelle obligation permettra au fisc de
déclarative à destination des propriétaires. En repérer les biens qui restent taxables, que ce soit
tout, 34 millions de personnes et 73 millions au titre de la taxe d’habitation sur les résidences
de logements sont concernés. secondaires ou au titre de la taxe annuelle sur
La mesure est entrée en vigueur le 1er janvier 2023 les logements vacants. Vous êtes en effet rede-
et la déclaration est accessible depuis le 23 jan- vable de la première en tant que propriétaire
vier. En pratique, vous devez vous connecter à d’une résidence de villégiature, même si vous
votre espace personnel sur le site des impôts ne l’occupez que quelques jours par an ou la
puis cliquer sur la rubrique «Gérer mes biens louez de manière saisonnière. Et redevable de
immobiliers» pour la compléter. Vous y retrou- plein droit de la seconde si vous possédez un
verez tous les logements dont vous êtes pro- local situé en zone tendue que vous laissez vide
priétaire et indiquerez, pour chacun, à quel titre et inoccupé depuis plus d’un an.
vous l’occupez: résidence principale, secondaire La taxe sur les logements vacants est étendue à
ou local vacant. Pour faciliter votre démarche, davantage de communes à compter de 2023. Elle
le formulaire sera prérempli avec les données s’applique dans celles qui connaissent des tensions
d’occupation déjà connue du fisc. Vous n’aurez sur le marché locatif, y compris si elles se trouvent
qu’à les modifier si elles sont inexactes. En ce dans une petite agglomération, et plus seule-
qui concerne les biens que vous n’utilisez pas vous- ment si elles font partie d’une grande de plus
même (prêtés ou loués), vous devrez renseigner de 50 000 habitants. Si vous êtes propriétaire
l’identité des occupants au 1er janvier 2023 ainsi d’une demeure secondaire dans une telle ville,
que leur période d’occupation. vous risquez aussi de devoir payer la surtaxe
d’habitation sur les résidences principales à comp-
ter de cette année, car le périmètre des communes
LE SAVIEZ-VOUS qui peuvent l’instaurer est, lui aussi, étendu à
C
e signal apparaît chez la grande majo- l’assureur. Ce dernier peut décider de puiser un
rité des compagnies qui ont com- peu plus dans ses réserves à certaines périodes,
mencé à publier leur taux, en parti- afin d’exhiber un taux plus attractif et de séduire
culier les mutuelles. Celles-ci tirent ainsi de nouveaux épargnants.
très clairement leur épingle du jeu en ce début
d’année. Elles affichent quasiment toutes des Des performances inférieures
hausses de taux de rendement d’au moins au niveau de l’inflation
0,4 point de base. Leur taux moyen se situe Les premiers bons résultats publiés doivent
ainsi autour de 2 %. La palme revient, pour malgré tout être relativisés au regard de la forte
l’instant, à la MACSF, qui caracole en tête avec inflation de l’année dernière (+ 6%), qui aboutit
un taux de rendement net de 2,5 %. Une nuance actuellement à un appauvrissement des épar-
cependant: beaucoup de bancassureurs et gnants. Les livrets réglementés, notamment le
d’assureurs privés traditionnels n’ont pas encore livretA, s’en tirent ainsi aujourd’hui mieux que
livré leurs résultats 2022. Ceux qui l’ont fait les assurances-vie pour les rendements versés
communiquent certes des taux plus élevés qu’en – le livret A arbore en effet, depuis peu, un taux
2021 (entre 1,2 et 2 %) mais, dans l’ensemble, de 3 %. Logique: il est revalorisé directement
ils restent moins ambitieux que ceux des en fonction de l’inflation.
mutuelles d’assurances. À noter que le fonds Mais cela ne devrait pas forcément durer. Car
Vivaccio de la Banque postale, dont le rende- les taux des assurances-vie varient, eux, en fonc-
ment sombrait dans les abysses (autour de tion de la performance réalisée l’année passée
0,65 %), n’est plus commercialisé. par les obligations d’État (et par quelques actions
souscrites en part minoritaire), dans lesquelles
Les rendements grimperont-ils aussi les fonds en euros ont investi. Or, ces taux ne
du côté de l’assurance-vie en ligne ? sont pas réajustés par rapport à l’inflation. Ils
Il n’y a pas encore beaucoup d’informations fluctuent selon les taux des nouvelles obligations
du côté des assurances-vie en ligne. On a seu- souscrites chaque année; les effets de l’inflation
lement appris que le contrat Linxea Zen, un se font ainsi sentir beaucoup plus lentement.
fonds en euros, a vu son rendement remonter Rien ne serait cependant joué. Il se dit déjà
notablement, de 0,86 à 1,3 %. Il faut rappeler qu’il est possible que l’inflation s’essouffle dans
que le niveau du taux annoncé n’est pas uni- les mois à venir… Les obligations sécurisées
quement lié à la performance des fonds en pourraient, quant à elles, connaître une nouvelle
euros de l’assurance-vie, mais qu’il dépend hausse de la demande.
également de la politique commerciale de Élisa Oudin
U
n centre dentaire Medidental, situé au Les indus s’élèvent, pour le centre du Blanc-
65, avenue Paul-Vaillant-Couturier, à Mesnil, à 160 000 €. Une paille, est-on tenté de
Trappes (Yvelines), et un centre oph- dire, comparés à ceux du cabinet de Trappes qui,
talmologique et dentaire du Blanc- en neuf mois d’existence seulement, aurait causé
Mesnil (Seine-Saint-Denis), dont l’adresse est le un préjudice de 1,5 million d’euros !
16, avenue Henri-Barbusse, viennent d’être décon-
ventionnés pour une durée de cinq ans. Cela Restaurer l’agrément de l’Agence
signifie que les soins qui y sont réalisés ne sont régionale de santé
plus couverts qu’à la marge par la Sécurité sociale. Plusieurs centres du même type, qui se sont
Cette sanction a été prise en raison de leurs pra- multipliés ces dernières années sous statut
tiques tarifaires douteuses. La décision est effective associatif, sont dans le viseur de l’Assurance
depuis le 23 janvier pour la structure du Blanc- maladie: 88 d’entre eux subissent actuellement
Mesnil et le 1er février pour celle de Trappes. des contrôles de facturation. De son côté, Abdel
Dans les faits, le déconventionnement entraîne Aouacheria, responsable de l’association d’usa-
le déremboursement quasi total des soins réalisés. gers La dent bleue, alerte sur le sort des patients
L’objectif est clairement de dissuader les patients restés sur le carreau: «Il faut s’assurer de leur
de s’y faire suivre, en attendant que la justice prise en charge administrative et clinique, sans
passe, puisque des plaintes pour fraude ont été quoi il y a un risque d’errance thérapeutique, les
déposées. Pour l’heure, plus personne ne décroche autres dentistes n’étant pas toujours partants pour
le téléphone au centre de Trappes (le répondeur reprendre les soins.» Très au fait des dérives
y annonce une réouverture le… 2 janvier). Il occasionnées par la loi de 2016 autorisant
n’est plus possible d’y prendre rendez-vous par l’ouverture de tels centres dentaires (qui pro-
Internet. Tout indique qu’il ne reçoit plus per- posent aussi parfois des soins ophtalmolo-
sonne. Au Blanc-Mesnil, impossible d’obtenir giques), l’association appelle à des contrôles
un rendez-vous par Internet, et personne ne plus appuyés. En parallèle, un texte en discus-
prenait les appels le 27 janvier. sion au Parlement prévoit de rétablir l’agrément
La sanction de l’Assurance maladie résulte des de l’Agence régionale de santé (ARS) avant toute
contrôles ayant mis en évidence des actes facturés ouverture. S’il était adopté, il permettrait de
plusieurs fois ou carrément des soins fictifs, c’est- vérifier les liens des structures avec des sociétés
à-dire qu’ils n’ont pas été réalisés mais bel et bien lucratives, les diplômes des dentistes y exerçant
codés et adressés à la Sécurité sociale pour rem- et le passé du ou des gestionnaires.
boursement grâce à la carte Vitale des patients. Anne-Sophie Stamane
D
ès l’automne 2022, Netflix s’attaquait court terme. Mais les ménages activeront ensuite leurs
au partage de compte en lançant la propres comptes et ceux de membres supplémentaires»,
fonction «transfert de profil». Le géant a promis Netflix à ses investisseurs.
du streaming vidéo passe à la vitesse
supérieure. Lors de la présentation des résultats Repérage automatique via les adresses IP
annuels de l’entreprise, le 19 janvier dernier, le Netflix n’a pas encore officiellement révélé les
directeur financier, Spencer Neumann, a confirmé contours du système prévu en France, mais l’on
la généralisation du paid sharing, c’est-à-dire le sait déjà qu’il sera en mesure de détecter les profils
partage de compte payant lorsque les utilisateurs concernés. Comment? En géolocalisant chaque
additionnels ne vivent pas sous le même toit. connexion via son adresse IP, que les clients
Pour rappel, les conditions d’utilisation du ser- acceptent de partager en signant les conditions
vice interdisent de donner ses identifiants à des générales du service. Théoriquement, l’activation
personnes extérieures au foyer. Mais, selon pourrait donc être automatique. Mais la plate-
Netflix, dans les faits 100 millions d’abonnés forme, qui a déjà préparé les pages d’aide dédiées
partagent leurs identifiants avec des proches, ce sur son site (1), se veut rassurante: «Nous ne vous
qui représente un énorme manque à gagner facturerons pas systématiquement si vous partagez
(des analystes américains de Citi l’évaluaient à votre compte avec quelqu’un qui ne vit pas avec vous.»
6 milliards de dollars par an en 2021). Une question demeure: les invités auront-ils
Concrètement, l’abonné principal serait facturé les mêmes droits que l’hôte, notamment en ce
pour tous les profils de compte hors foyer ajoutés. qui concerne les connexions simultanées au
Ces derniers se connecteront alors avec leurs service, ou le téléchargement de films et de séries
propres identifiants. En Amérique du Sud, où pour les visionner hors connexion ? Dans les
cette option est déjà déployée et disponible (au pays où l’option est activée, les utilisateurs sup-
même prix) pour les abonnés standards et pre- plémentaires bénéficient des contenus en illi-
mium, le surcoût mensuel oscille entre 20 et mité sur n’importe quel appareil (smartphone,
30 % de l’abonnement selon les pays. Pour les tablette, TV, console de jeux, etc.), et dans la
Français, qui paient 13,49 €/mois (en standard) même qualité. Cependant, contrairement à
ou 17,99 €/mois (en premium), le surcoût devrait l’abonné principal, ils ne peuvent regarder
donc logiquement s’établir autour de 3 à 4 € Netflix et télécharger du contenu que sur un
mensuels. «Nous nous attendons à ce que, comme seul appareil à la fois, et n’ont pas le droit de
en Amérique latine, la première réaction des utili- créer eux-mêmes de sous-profils. Difficile d’ima-
sateurs concernés soit de déserter la plateforme, ce giner qu’il en soit autrement en France.
qui aura un impact sur la croissance des abonnés à Camille Gruhier
(1) En anglais pour l’instant.
L
e tribunal administratif de Montpellier a une étude pour définir les débits du fleuve auxquels
tranché: le débit minimal biologique de se tenir.Sur un tronçon de 7 km identifié «en situation
la Têt, fleuve qui traverse les Pyrénées- préoccupante de déséquilibre structurel», elle fixait ainsi
Orientales et alimente les deux tiers de leurs un seuil de 1500litres/seconde à respecter. Or, c’est
surfaces agricoles irriguées, doit être respecté. précisément sur cette portion que le préfet a ensuite
L’affaire remonte à 2017, quand le préfet du dépar- permis de descendre à 609litres/seconde entre le
tement décide, à la demande des agriculteurs irri- 1er juillet et le 31 octobre! Ne parvenant pas à le
gants, d’abaisser cette limite à 600 litres/seconde en convaincre de revenir sur sa décision, France nature
période d’étiage (l’été). L’association France nature environnement de Languedoc-Roussillon a engagé
environnement voit rouge! Car avec cette déroga- un recours auprès du tribunal administratif. Avec
tion, le représentant de l’État contrevient aux raison, puisque le jugement impose un débit mini-
conclusions des études menées par l’Agence de mal biologique supérieur à 1500litres/seconde et
l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et ses propres supprime, à compter du 1er avril 2023, la modulation
services : dès 2010, le bassin-versant de la Têt a été estivale autorisée par le préfet. Il s’appuie en cela
déclaré en «déséquilibre quantitatif», les prélève- sur le Code de l’environnement, qui exige «un débit
ments d’eau y étant trop importants pour garantir minimal garantissant en permanence la vie, la circu-
le bon fonctionnement des milieux aquatiques. lation et la reproduction des espèces vivant dans les
eaux». La profession agricole, vent debout contre
Une dérogation abusive cette décision, a manifesté à Perpignan le 24 janvier
Sachant que les canaux qui irriguent en goutte à dernier. Et le préfet a fait appel du jugement
goutte les vergers et les cultures maraîchères ne pré- quelques jours plus tard, le 30 janvier.
lèvent de l’eau que dans la Têt, le préfet avait piloté Élisabeth Chesnais
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