Que Choisir Pratique 2023 03

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Numéro 135 • Mars 2023 • 6,95 € • ISSN 1773-9713

ALIMENTATION
Halte a u
gasp illa ge !

Les enseignes les plus vertueuses


Que valent les applis ?
Nos recettes zéro déchet
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les Que Choisir Pratique traitent la question abordée
de manière approfondie, et sous tous ses aspects.
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orienter vos choix et vos actions, tout en déjouant les pièges.

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Édito
TOUS CONCERNÉS

E
t si on jetait à la poubelle nos mauvaises habitudes?
Celles qui, par méconnaissance, par manque de temps,
par flemme aussi avouons-le, nous poussent à nous
débarrasser trop facilement de produits qui auraient
encore pu réjouir des papilles. En France, 10 millions
de tonnes de nourriture sont ainsi jetées chaque année. Si vous êtes
comme moi, ce chiffre très grand ne vous parle pas. Mais si je vous
dis que cela correspond à plus de 150 kg de déchets par personne
et par an, soit plus d’une centaine de repas, c’est tout de suite
plus marquant! Un tiers du gaspillage alimentaire est directement
imputable aux consommateurs. Mais chaque maillon de la chaîne
a sa part de responsabilité – de l’agriculteur qui ne sait pas comment
écouler sa surproduction jusqu’à l’industriel qui doit gérer
ses invendus en passant par le chef restaurateur sommé de calculer
au plus juste les quantités à commander pour nourrir ses convives.
Produire en trop, comme consommer en excès, a un impact négatif
sur l’environnement, cela engendre pollution et effet de serre.
Mais ce n’est pas la seule raison qui doit nous inciter à revoir
nos habitudes. Car ne plus gaspiller, cela a également un effet positif
sur le porte-monnaie. Ce numéro de Que Choisir Pratique vous indique,
entre autres, les trucs et astuces pour adopter les bons gestes, les
adresses utiles pour acheter mieux et moins cher, les initiatives prises
dans vos régions… et même des recettes antigaspi pour accommoder
les restes sans en perdre une miette. Alors, on s’y met?

Pascale Barlet

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 3


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UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS – QUE CHOISIR


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RÉDACTRICE EN CHEF ICONOGRAPHIE 2780, route de Villey-St-Étienne
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DE LA RÉDACTION ILLUSTRATIONS BLG Toul, 2780, route de
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4 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Sommaire

LE POIDS DU GÂCHIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
LES BONS GESTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
DES REPÈRES POUR VOUS GUIDER . . . . . . . . . . . . . . . . 42
LA TECHNOLOGIE, GADGET OU RÉVOLUTION ? . . . .64
LE TOUR DES INITIATIVES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

POUR ALLER PLUS LOIN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

ENQUÊTE LE POUVOIR D’ACHAT DES FRANÇAIS . . . . . . . . . . . 113

Infos conso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124


Associations locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 5


SOMMAIRE
8 Repenser l’agriculture
10 Trop d’invendus de l’usine
aux rayons
12 En magasin, optimiser la fin de vie
des produits
14 À la cantine, s’adapter au public
16 Et chez vous ?
18 Il est urgent d’agir

6 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Le poids
du gâchis

L
ongtemps négligé,
le gaspillage alimentaire
est désormais un enjeu
de société, et même un défi
planétaire. Du champ à l’assiette,
grands et petits gestes nourrissent
une aberration économique,
éthique et écologique: chaque
année, en France, 10 millions
de tonnes de denrées alimentaires
partent à la benne, qu’elles
soient délibérément jetées
ou involontairement perdues.
Soit, par an, 16 milliards d’euros
mis par les fenêtres et plus
de 15 millions de tonnes de CO2
inutilement produits (3% des
émissions nationales de gaz
à effet de serre), et ce en dépit de
la loi sur le gaspillage alimentaire.
Des agriculteurs aux industriels,
des enseignes de la grande
distribution aux restaurateurs,
des gestionnaires de cantines
aux consommateurs, tous
doivent s’emparer du sujet. Mais
pour réduire, voire éliminer
le gaspi, un vrai changement doit
s’opérer dans les comportements
individuels et collectifs.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 7


État des lieux

REPENSER L’AGRICULTURE
Aléas climatiques, ravageurs, volatilité des prix, évolution de la demande…
Si les causes des pertes en production agricole sont clairement identifiées,
force est de constater qu’elles restent difficiles à maîtriser.

L
a perte au champ concentre un tiers du productions, végétales comme ani-
gaspillage alimentaire; l’aléa climatique, males, impropres à la transforma-
par définition variable et non maîtri- tion, et même à la consommation.
sable, en est la raison principale. Son En témoignent les 16 millions de
impact sur le rendement est plus ou moins fort, volailles abattues en France l’hiver
et parfois catastrophique si un épisode de grêle, dernier en raison d’une contamination
de gel, de chaleur ou de sécheresse a lieu à une à la grippe aviaire – sans compter une
période où les cultures sont sensibles. «Or, avec résurgence de cette épizootie (épidémie
le changement climatique, ça ne va pas s’arranger. frappant le monde animal) cette année. Côté
Non seulement ce phénomène décale dans le temps produits de la mer, la problématique est toute
les périodes de sensibilité des plantes, mais il rend autre. Selon un rapport de l’Organisation des
les événements climatiques plus intenses», décrypte Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
l’agroclimatologue Serge Zaka. (FAO), un poisson sur trois pêché en mer n’arrive
Le monde agricole doit également composer avec jamais dans nos assiettes, jeté par-dessus bord en
une foule de maladies et de ravageurs (insectes, raison de sa taille ou de son espèce. Ainsi, non
rongeurs, moisissures…), capables de rendre les seulement la surpêche industrielle vide les océans,
mais elle est aussi grande source de gâchis.

Des prix de gros trop bas


COMPARAISON IMPOSSIBLE L’instabilité des prix des denrées sur les marchés

E n France, le gaspillage correspond à «toute


nourriture destinée à la consommation
humaine qui, à un endroit de la chaîne alimentaire,
peut inciter des agriculteurs à laisser leur produc-
tion aux champs, où elle pourrira et se perdra.
C’est notamment le cas lorsque les tarifs d’achat
est perdue, jetée ou dégradée». Les Nations Unies de gros, trop bas, ne permettent pas de couvrir
font, elles, la différence entre «pertes», soit les coûts de la récolte. Il n’y aura alors aucun intérêt
tout ce qui est perdu lors de la production et de économique à la ramasser. La volatilité de la
la transformation, et «gaspillage», qui intervient demande est tout aussi complexe à gérer. Qu’on
dans la distribution, la restauration et chez en juge: «Au printemps 2019, il a fait tellement froid
les ménages. Quant à l’Union européenne, que les consommateurs se sont détournés des tomates.
elle exclut de sa définition les denrées valorisées Résultat, des producteurs ont dû les laisser aux
en alimentation animale. Il est donc ardu
champs», explique Benjamin Perdreau, directeur
d’établir des comparaisons chiffrées entre États.
adjoint de la Coopération agricole. De même,
certains légumes ont eu du mal à trouver leur

8 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Le réchauffement climatique entraîne
des pertes de production importantes.

place dans les assiettes à l’au- Grâce à un partenariat signé avec Parmentine, une
tomne dernier, qui fut le deuxième entreprise rassemblant plus de 400 producteurs,
plus chaud jamais enregistré. De Les Restos n’ont plus besoin d’acheter des pommes
fait, qui voudrait manger des endives de terre depuis trois ans. Ils aimeraient aller plus
au jambon quand les températures frisent les loin, notamment avec les marchés de gros. «Si l’on
20 °C ? L’illustration la plus emblématique de pouvait récupérer ne serait-ce que 10000 tonnes parmi
cette versatilité du marché reste le recul inédit de les invendus de Rungis, cela suffirait à nourrir les
la consommation de produits bios. Comment personnes que les Restos du cœur accueillent en région
imaginer une telle situation après huit années de parisienne», assure Thierry Jacques.
croissance ininterrompue dans ce secteur? Enfin, la valorisation en alimentation animale peut
Fort heureusement, tout n’est pas perdu. Les pro- contribuer à réduire le gaspillage. «C’est ni plus ni
ducteurs ont la possibilité de valoriser leurs excé- moins ce que l’on faisait il y a 50 ans, en nourrissant
dents de fruits et de légumes de diverses façons. les cochons avec les fruits et légumes cabossés»,souligne
Des structures comme le grossiste Atypique ou le sociologue Jean-Pierre Poulain. Avant que l’on
la société Bene Bono (ex-Hors Normes) œuvrent considère plus commode de les nourrir avec des
pour recycler les primeurs «hors calibre» et granulés à base de céréales et d’oléoprotéagineux…
«déclassés». D’autres entreprises les transforment, En ultime recours, les récoltes seront utilisées pour
dans des ateliers spécialisés, en soupes, compotes faire du compost ou de la méthanisation.
ou plats cuisinés. Les agriculteurs peuvent aussi Le saviez-vous ? L’été dernier, la France a connu
donner leurs surplus aux personnes dans le besoin, l’un de ses plus graves épisodes de sécheresse.
notamment via l’association Solaal, qui met en Les cultures de blé et de maïs ont particulière-
I. BARTUSSEK-RONSTIK/ADOBE STOCK

relation organisations dédiées à l’aide alimentaire ment souffert, mais aussi celles de pommes de
et agriculteurs. Les dons se font aussi parfois en terre, dont bon nombre ont été déclassées car
direct. «L’avantage, c’est que ce sont des produits de jugées trop petites par rapport aux exigences du
saison, fraîchement récoltés, donc de première qualité», cahier des charges des chaînes de restauration
explique Thierry Jacques, bénévole en charge du rapide. De fait, il faut des patates d’un certain
pôle alimentaire aux Restos du cœur. calibre pour des frites fines et longues…

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 9


TROP D’INVENDUS
DE L’USINE AUX RAYONS
Chaque année, l’Ademe estime à plus de 2 millions de tonnes les denrées gâchées
par l’industrie agroalimentaire. Erreurs de process, mauvaises manipulations,
conditionnements défectueux… les problèmes sont connus.

U
ne faute de frappe sur l’étiquette, un mieux nos stocks nécessite du temps pour vendre. C’est
chiffre erroné dans le tableau des valeurs pourquoi nous avons pris l’initiative d’allonger les dates
nutritionnelles, un logo mal placé: il limites de consommation sur une partie de nos produits
en faut peu pour condamner une frais commercialisés sous notre marque, explique
palette entière de produits alimentaires à sortir Bertrand Swiderski, directeur de la responsabilité
du circuit de vente, alors même que leur qualité sociale des entreprises (RSE) du groupe
intrinsèque n’est pas mise en cause. À cela s’ajoute Carrefour. Par exemple, 6 jours de plus pour le
une contrainte: la règle du un tiers/deux tiers ins- gruyère, 10 jours pour les yaourts ou encore
crite dans les contrats entre la grande distribution 5 jours pour le jambon. J’espère que cette ini-
et ses fournisseurs. Elle stipule que le fabricant tiative inspirera d’autres acteurs.»
peut détenir la marchandise pendant le premier
tiers de sa durée de vie, mais pas plus, afin de laisser Course effrenée
les deux tiers restant au distributeur.Autrement Outre la date de péremption,
dit, les denrées doivent avoir, au sortir des entrepôts, c’est la temporalité même de
au moins les deux tiers de leur durée de consom- certains produits qui pose pro-
mation devant elles afin de maximiser leurs chances blème. Ainsi, tous les aliments
d’être écoulés dans les temps. «À un jour près, une qui débarquent en rayon à l’approche des fêtes ou
palette peut se voir refusée. À charge alors pour le des rendez-vous sportifs (foies gras à Noël, œufs
fabricant de la recycler», souligne Marie Mourad, de Pâques au printemps, boissons siglées Jeux
chercheuse associée à Sciences Po. olympiques ou produits à l’effigie des Bleus pen-
Au siège de la Fédération du commerce et de la dant la Coupe du monde de foot…) se «périment»
distribution (FCD), on considère que « cette règle très rapidement. Un événement a vite fait de
relève des relations contractuelles ». Sous
entendu, elle fait partie des marges
de négociations commerciales,
circulez il n’y a rien à voir.
Et pourtant, des aména-
gements peuvent être
trouvés pour limiter les
pertes et prévenir le
gaspillage. « Gérer au

Un événement (Noël, une promo, etc.)


chasse vite l’autre. Les associations caritatives
récupèrent certains des invendus.

10 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Le poids du gâchis

le gaspillage alimentaire introduit ainsi une


hiérarchie des actions à mener, de la prévention
au don en passant par la transformation.

Le recyclage, une voie d’avenir


Au-delà de la question des invendus, les fabricants
ont la possibilité de lutter contre le gaspillage
directement dans leurs usines. En donnant, par
exemple, une seconde vie à des produits issus de
la transformation (marc de raisin, mélasse, pulpe
de cabosses de cacao) ou à des coproduits (talons
de pain de mie, entames de jambon, chutes de
saumon, etc.). Autrefois, ils étaient considérés
comme des déchets, et « tout partait directement
dans la nutrition animale, indique Benjamin
Perdreau, directeur adjoint de la Coopération
agricole. Mais aujourd’hui, le défi est de développer
la valorisation destinée à l’alimentation humaine.»
Cette démarche dite d’ d’upcycling (« recyclage »), à
l’image de ce qui se fait dans l’habillement, où
de vieux vêtements sont reconditionnés en
articles neufs, s’incarne dans l’exemple
suivant, particulièrement développé: la
pulpe de céréales issue du brassage de
la bière, appelée drêche, est transfor-
mée en farine et utilisée dans la fabri-
chasser l’autre en tête de gondole et, l’air de rien, cation de biscuits. Sachant qu’avec
ces opérations marketing s’enchaînent à un rythme 1 000 litres de bière on récolte 300 kg de drèches,
effréné ! Dès la mi-décembre, il faut pousser cham- le marché est loin d’être anecdotique ! Pour per-
pagnes, saumons et autres mets « de fête » pour mettre aux entreprises de se lancer, l’Agence de
laisser place aux galettes des rois, qui elles-mêmes la transition écologique (Ademe) a conçu un outil
devront bientôt s’effacer devant les chocolats de d’aide au diagnostic. « Forcément, la valorisation a
la saint Valentin. Il est alors inévitable que ces un coût au départ. Mais c’est comme pour les audits
denrées produites en très grande quantité, mais à énergétiques: à terme, il y a un vrai retour sur inves-
la durée de vie éphémère, voire aléatoire, restent tissement », souligne Benjamin Perdreau. Le gain
«sur les bras» des magasins une fois la fête finie. économique pour les industriels est d’ailleurs
Elles atterrissent, en général, dans des enseignes estimé à 13 % en moyenne.
hard-discount de type Noz ou Action. Bon à savoir Lorsque les douaniers ou les agents
FRAMARZO-FRESHIDEA/ADOBE STOCK ; M. NASCIMENTO/REA

Les industriels de l’agroalimentaire dont le de la répression des fraudes interceptent des


chiffre d’affaires dépasse les 50 millions d’euros marchandises impropres à la consommation
et qui se retrouvent, malgré les débouchés en (présence de corps étrangers, de colorants inter-
low cost, avec d’importants stocks d’invendus, dits, de métaux lourds…), celles-ci passent for-
ont l’obligation de faire des dons aux associa- cément par pertes et profits. Le phénomène peut
tions d’aide alimentaire. Viennent ensuite la prendre une dimension considérable, comme
valorisation en nutrition animale (pour les on le voit avec le rappel en Europe, depuis l’au-
produits qui peuvent l’être) et, en dernier ressort, tomne 2020, de milliers de lots contaminés à
la valorisation énergétique. La loi Garot contre l’oxyde d’éthylène (un pesticide interdit).

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 11


EN MAGASIN, OPTIMISER
LA FIN DE VIE DES PRODUITS
Afin d’offrir un maximum de choix au consommateur, les grandes surfaces
maintiennent leurs stocks à des niveaux légèrement supérieurs à ce dont elles
ont besoin. Or qui dit surplus, dit pertes… et recherche de valorisation.

U
n produit en rupture, c’est du chiffre mais c’est devenu une obligation inscrite dans
d’affaires en moins. Pire, un consom- la loi. Et au début, cela a plutôt bien fonctionné.
mateur qui, à plusieurs reprises, ne Entre 2016 et 2019, par exemple, les dons aux
trouve pas sa marque favorite de Restos du cœur ont augmenté de 24 %, et ceux
céréales, de yaourts ou de soda est capable de aux banques alimentaires, de 23 %. Puis « la
changer d’enseigne. C’est la raison pour laquelle mobilisation et l’engagement contre le gaspillage
les supermarchés préfèrent jouer le trop-plein ont commencé à s’essouffler. Alors que 91 % des
(qui représenterait, selon Too Good To Go, 1 à acteurs donnaient en 2019, ils n’étaient plus que
3% de leur chiffre d’affaires) plutôt que de risquer 75% en 2020, et en plus, pas tous les jours», explique
la rupture de stock. Que deviennent alors les Pierre-Yves Pasquier, le cofondateur de Comerso,
invendus ? Autrefois, ni vu ni connu, ils termi- start-up valorisant les invendus.
naient dans une poubelle, aspergés d’eau de Javel
pour les rendre impropres à la consommation. Changement de mentalité des clients
Jusqu’à ce que la loi Garot, en 2016, oblige les En réalité, la grande distribution a retourné la lutte
distributeurs à les donner à des associations antigaspi à son profit. Car le regard des consom-
d’aide alimentaire, qui les redistribuent à leurs mateurs a changé : ce qui autrefois était considéré
bénéficiaires. En échange de quoi, les enseignes comme ringard est devenu synonyme d’achat malin.
peuvent décompter 60 % de la valeur des dons Bertrand Swiderski, directeur de la responsabilité
de leur assiette fiscale. Certaines le faisaient déjà, sociale des entreprises (RSE) du groupe Carrefour,

PRIMEURS : LES MOCHES N’ONT PAS LA COTE


C arottes biscornues, pommes trop petites, concombres
à la courbure trop prononcée… des tas de fruits et légumes
sont laissés aux champs car ils ne répondent pas aux canons
de beauté des grandes surfaces. La faute à la réglementation
européenne qui, pour garantir au consommateur une qualité
minimale concernant une dizaine de sortes de fruits et
légumes, exige qu’ils soient «intacts, sains, propres et exempts
de parasite». Or, les cahiers des charges des centrales d’achat
peuvent être encore plus stricts sur ces critères. Des choix
incontestables lorsque la qualité sanitaire de ces primeurs est
en jeu, mais plus discutables lorsqu’il s’agit de couleur,
de taille ou de forme, car sources de gaspillage alimentaire.

12 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Le poids du gâchis

L’appli antigaspi Too Good to Go


valorise les invendus.

en convient:«Il n’y a plus de honte à s’approvisionner casse en bout de chaîne. Ce sont des informations
dans les corners antigaspi. On assiste à un réel chan- «contractuelles», estime la Fédération du com-
gement de mentalité de nos clients.» Dès lors, plutôt merce et de la distribution (FCD), et «générale-
que de donner leurs produits, les distributeurs ment confidentielles», dit-on chez Casino. Mais
cherchent aujourd’hui à optimiser leur fin de «nous jetons très peu, assure-t-on chez Carrefour.
vie. Ils s’appuient pour cela sur des start-up ayant Les directeurs de nos magasins y sont d’ailleurs for-
recours à l’intelligence artificielle pour définir tement sensibilisés. Les rares aliments mis à la pou-
la meilleure option possible, entre la commer- belle sont ceux que nous ne sommes pas autorisés à
cialisation à prix réduit en magasin (des stickers donner, comme les steaks hachés ou les pâtisseries.
affichant - 30 à - 50 %), la revente via des applis D’ailleurs, on a déjà fait reculer le gaspillage ali-
de type Too Good To Go ou Phenix (avec des mentaire de 31 % en volume.» Un chercheur sou-
rabais compris entre 50 et 70 %) et le don aux ligne toutefois que «si on obligeait les entreprises
associations. L’idée est de générer le maximum à rendre publique ce qu’elles jettent, la lutte contre
de marges tout en réduisant les pertes. le gaspillage serait plus efficace, car leur réputation
«L’économie a rejoint l’écologie !», s’enthousiasme serait alors en jeu. On ne mesure pas à quel point
Thierry Desouches, le porte-parole de Système U. le regard de la société est important pour elles.»
«Grâce à l’intelligence artificielle, tous les acteurs Certes, ce ne sont pas les distributeurs qui gas-
de la chaîne sont gagnants», se félicite de son côté pillent le plus, contrairement à une idée répandue.
Auchan dans un communiqué de presse. Des «C’est la partie la plus visible, mais ça ne pèse fina-
affirmations qui restent à vérifier, car au passage, lement que 14 % du gaspillage alimentaire», note
non seulement les dons des supermarchés aux Matthieu Riché, responsable RSE de Casino. Il
associations se sont raréfiés, mais leur qualité rappelle aussi qu’aucune enseigne n’a intérêt à
s’est dégradée (lire aussi p. 52-55). générer du gaspillage: «Si un distributeur ne vend
pas un produit, il perd de l’argent.» Enfin, mettre
Des résultats troubles
AB-7272-SZMULI /ADOBE STOCK

en place des actions antigaspi en magasin mobilise


Et finalement, les enseignes gaspillent-elles du personnel, et donc des sommes non négli-
moins ? Difficile de le savoir. Toutes se targuent geables. «Si ce coût est supérieur à la marge escomptée,
d’en faire un de leurs combats prioritaires, mais la tentation de jeter peut être forte», indique Barbara
refusent de communiquer sur l’ampleur de la Redlingshöfer, chercheuse à l’Inrae.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 13


À LA CANTINE,
S’ADAPTER AU PUBLIC
Cantines, établissements de santé et restaurants concentrent en moyenne
14 % du gaspillage alimentaire en France. Il y a cependant une réelle prise
de conscience de l’enjeu, et les pratiques commencent à évoluer.

S
elon le dernier rapport de l’Observatoire p. 59-61). Parmi ces dernières, la gestion prévi-
national de la restauration collective sionnelle du nombre d’élèves inscrits à la cantine
bio et durable, publié en octobre 2022, se révèle la plus efficace. L’adaptation des portions
beaucoup de gens se préoccupent du aux nécessités physiologiques des convives consti-
gaspillage alimentaire, mais peu le mesurent. Or, tue un autre axe de travail: au collège en parti-
c’est essentiel. «Un diagnostic établi sur une semaine, culier, les besoins nutritionnels ne sont pas les
selon une méthodologie précise, permet à la fois de mêmes entre, par exemple, une jeune fille de
prendre conscience de l’ampleur du gaspillage et 11 ans en sixième et un gaillard de 14 ans dépas-
d’identifier les leviers d’action», souligne Pierre sant déjà 1,70 m en troisième… La qualité du
Ravenel, consultant en développement durable. repas végétarien, désormais servi une fois par
Voyons comment divers secteurs s’y prennent. semaine dans les écoles, est également détermi-
nante, car elle peut induire du gaspillage par
À L’ÉCOLE manque de formation et/ou d’inspiration des
chefs, et ce malgré toutes les bonnes volontés
À chacun sa portion du monde. Enfin, le tri et la mesure des restes
Nombreuses sont les collectivités locales à s’être des repas se révèlent intéressants à plus d’un
emparées du problème et à développer de bonnes titre. «Visualiser le gaspillage a une vertu pédago-
pratiques antigaspi en milieu scolaire (lire aussi gique», souligne Christophe Hebert, le président

La volonté de réduire le gaspillage s’affiche


X. POPY/REA

un peu partout, mais il reste beaucoup à faire.

14 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Le poids du gâchis

de l’Association des directeurs de la restauration


publique territoriale (Agores). Et cela permet TOUT LE MONDE NE GÂCHE
aussi de constater les progrès. PAS DE LA MÊME MANIÈRE…
À L’HÔPITAL S elon l’Agence de la transition écologique,
si les pertes en restauration collective
Un immense défi représentent 120 g de produits par convive
et par repas, cette moyenne cache de fortes
La restauration collective hospitalière a la répu- disparités : 160 g dans les établissements
tation d’être une grande pourvoyeuse de déchets de santé, 110 g dans les établissements scolaires
alimentaires. Là aussi, certains établissements et 95 g dans les entreprises. La loi enjoint aux
de santé se montrent exemplaires, mais beaucoup opérateurs du secteur d’engager une démarche
demeurent hors des clous. Il faut dire que la de lutte antigaspi dès lors qu’ils préparent plus
lutte contre le gaspillage représente un véritable de 3 000 repas par jour. Ils ont aussi l’obligation
changement de paradigme pour les hôpitaux de donner leur surplus à des associations.
qui, pendant longtemps, ont préparé des repas D’ici à 2025, ils devront avoir réduit leurs déchets
comme s’ils étaient au maximum de leur capa- alimentaires de 50 % par rapport à 2015.
cité, sans tenir compte des patients sortant plus
tôt ou ayant des examens à l’heure du déjeuner.
La simplification des menus se met aussi en fini de la cuisine dispendieuse des années 1980.
place, mais il en existe encore parfois jusqu’à Aujourd’hui, je ne connais aucun chef disposé à laisser
55 déclinaisons pour répondre à tous les régimes sa brigade gaspiller», assure Luc Dubanchet, direc-
alimentaires possibles, même s’il n’y en a pas teur de la division Sirha Food chez GL events.
le besoin ! D’ailleurs, tous les acteurs du secteur «Les cuisiniers sont concernés par le sujet, c’est un
s’accordent à dire que sans une impulsion com- prérequis de bonne gestion», renchérit Jean Terlon,
mune et une approche pluridisciplinaire, les vice-président de l’Union des métiers et des indus-
hôpitaux n’y arriveront pas. Le défi est tout aussi tries de l’hôtellerie (Umih). Toutefois, «tant qu’ils
immense dans les établissements d’hébergement n’ont pas fait de diagnostic, ils sont convaincus
pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad). qu’ils ne gaspillent rien», constate Sébastien Robin,
Et le paradoxe n’y est pas absent: entre les pertes consultant pour le label Ecotable. Les leviers
de goût et d’appétit des résidents et leurs régimes d’action sont, pour leur part, clairement identifiés:
personnalisés (sans sel, mixé, etc.), les sources de un approvisionnement au cordeau – le meilleur
gaspillage alimentaire sont nombreuses, alors déchet restant celui qui n’est pas produit –; un
qu’il faut recourir à une très grande quantité de recyclage des épluchures, fanes et parures (dans
compléments alimentaires pour prévenir la un fond, une sauce, un jus…); une convergence
dénutrition des personnes âgées ! des menus et des cartes. «On peut, par exemple,
servir de la langoustine un jour et une bisque le
AU RESTAURANT lendemain», explique Luc Dubanchet.
Le saviez-vous ? Le chef cuisinier Auguste
Résistance au changement Escoffier (1846-1935), un des pères de la gastrono-
Mauvaise gestion des stocks, méconnaissance du mie moderne, était également roi dans l’art d’ac-
travail du produit de bout en bout, cartes à ral- commoder les restes, et avant-gardiste dans la lutte
longe, assiettes trop généreuses… les sources du antigaspi. En poste au Savoy, un palace de Londres,
gaspillage abondent dans les restaurants (lire il remettait chaque matin à l’association Les Petites
aussi p. 57). Il faut dire qu’en cuisine, les chefs Sœurs des Pauvres le marc de café, les feuilles de
ont peiné à faire leur transition écologique. Car thé peu infusées et le pain provenant de parures
dans ce milieu relativement clos, les pratiques de toast, racontent Justine Escudero et Michel
se transmettent comme des traditions et la résis- Escoffier sur Le Blog Gallica (portail de numéri-
tance au changement est forte. Cela dit, «c’en est sation de documents et collections de la BnF).

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 15


ET CHEZ VOUS ?
Dernier maillon de la chaîne, le consommateur gaspille, en moyenne,
30 kg de denrées par an. Question d’organisation, d’inattention sur les dates
de péremption ou encore de précipitation devant les promotions.

Q
u’on ne se méprenne pas. «Le consom-
mateur n’est pas indifférent au gaspillage.
Fondamentalement, il n’aime pas jeter»,
assure la sociologue et chercheuse
Séverine Gojard. Quand il le fait, c’est souvent
un acte inconscient. Depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale, notre système agroalimentaire
nous a habitués à avoir une alimentation variée,
abondante et bon marché. Nous sommes passés
du choix à l’hyper-choix. Une évolution qui se
retrouve plus ou moins dans nos placards et réfri-
gérateurs… et dans nos comportements: les ali-
ments ayant perdu leur dimension sacrée, on jette
plus facilement qu’avant un légume abîmé ou
un reste de repas plutôt que d’essayer de les accom-
moder – contrairement aux personnes qui ont sur l’autre. Enfin, «au sein d’un foyer, la pression
connu le manque dû à la guerre. Difficile de peut-être forte pour ne pas servir plusieurs fois le même
changer des habitudes profondément ancrées ! plat durant la même semaine. Et que les restes soient
jetés à la poubelle.» La manière de faire ses courses
Le casse-tête de la gestion a changé, elle aussi. «Le plein pour la semaine réalisé
Lutter contre le gaspillage est aussi délicat avec des le samedi au supermarché a été remplacé par des
enfants à la maison. «La gestion prévisionnelle des achats plus fréquents, explique le sociologue Jean-
repas peut s’avérer très compliquée lorsqu’on a des Pierre Poulain. Or cette manière de stocker, voire de
ados. On ne sait jamais s’ils seront là, s’ils ne vont pas surstocker, peut générer indirectement du gaspillage.»
ramener des copains. Au final, on a tendance à prévoir Il y a, enfin, des ressorts psychologiques. L’angoisse
trop», poursuit Séverine Gojard. La situation n’est de manquer conduit parfois à accumuler de la
pas plus simple avec de jeunes enfants, dont les nourriture – on l’a encore vu récemment pendant
goûts changent parfois radicalement d’une semaine les confinements dus au covid.

POUR DES DATES DE PÉREMPTION LISIBLES !


S i l’on en croit l’Agence
de la transition écologique,
un quart des aliments que
To Go, une personne sur deux
ne fait pas la différence entre
date limite de consommation
secs, mais sans caractère
impératif. On peut vite se
tromper… «C’est pourquoi
les Français jettent est encore (DLC), apposée sur les produits l’UFC-Que Choisir réclame
emballé. La faute reviendrait frais et à ne pas dépasser, que les dates de péremption
à la mauvaise compréhension et date de durabilité minimale soient plus explicites», déclare
PIXAVRIL/ADOBE STOCK

des dates de péremption. (DDM), affichée de manière Olivier Andrault, chargé


Selon l’application Too Good indicative sur des produits de mission à l’association.

16 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Le poids du gâchis

LES CHIFFRES FOUS


DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE
EN FRANCE
10 millions de tonnes
d’aliments mis
au rebut chaque année,
de santé; 110 g dans
les établissements
scolaires, de la maternelle
soit 150 kg par personne (1). au lycée, et 95 g

3 % des gaz à effet dans les cantines


de serre émis par le pays (1). d’entreprises) (1).

16 milliards d’euros (Md€)


dépensés; la part des
ménages s’élève à 4,1 Md€ (1).
30 %: part d’un
plateau-repas
de patient qui finit

29 kg de denrées à la poubelle dans


comestibles jetées certains hôpitaux (1).
à domicile chaque année, dont
75 kg de déchets EN EUROPE
153,5
7 kg encore emballées (1). alimentaires jetés millions

21 kg de nourriture dans les ordures ménagères de tonnes


gâchée au restaurant résiduelles (soit 30%) par d’aliments jetés par an.
par an et par personne, habitant et par an, alors qu’ils C’est plus que ce que le
alors que nous n’y prenons pourraient être compostés continent importe en produits
que 15% de nos repas (1). ou méthanisés (2). agricoles pour se nourrir

120 g d’aliments jetés


13 %: gain économique (138 millions de tonnes) (3).

4,7
dans la restauration que pourraient millions d’hectares
collective par repas et par tirer les entreprises de terres agricoles
convive, en moyenne (160 g agroalimentaires en activant sauvées si l’on réduisait
dans les établissements des leviers antigaspi (1). de moitié le gaspillage
alimentaire d’ici à 2030 (4).
DANS LE MONDE
RÉPARTITION DES SOURCES
DE GASPILLAGE EN FRANCE 74 kg de nourriture
jetés par personne
et par an (5).

28
Consommation * % des terres agricoles
dont la production
33 % sera perdue ou gaspillée (5).

14 %
32 % Production
agricole
38 % de l’énergie
dédiée à nos systèmes
de production alimentaires
Distribution
21 % qui seront utilisés
pour produire des aliments
Industrie perdus ou gaspillés (5).
agroalimentaire
Sources : (1) Ademe, (2) Cour des
KPN1968/ADOBE STOCK

* Dont 14 % hors foyer comptes, (3) Feedback EU, (4) Bureau


Source : Ademe et 19 % à domicile. européen de l’environnement, (5) FAO.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 17


Impacts
IL EST URGENT D’AGIR
En Europe, le gaspillage alimentaire est à l’origine de 6% des émissions de gaz
à effet de serre, et il coûte 143 milliards d’euros aux entreprises et aux ménages.
Un non-sens absolu alors que tant de gens peinent à se nourrir.

SUR L’ENVIRONNEMENT celui du dioxyde de carbone (CO2). Et s’ils sont


incinérés, ces éléments organiques émettent
L’enjeu, c’est la planète
également du CO2 lors de leur combustion. Ce
Jeter un reste d’endives au jambon ne revient n’est donc pas un hasard si la lutte contre le
pas seulement à mettre à la poubelle une endive, gaspillage alimentaire fait partie des objectifs
une tranche de jambon, une cuillère de béchamel de développement durable fixés par l’Organisa-
et quelques grammes de gruyère râpé. C’est éga- tion des Nations unies en 2015.
lement gaspiller les ressources (eau, engrais,
terres agricoles…) et l’énergie qui ont été néces- Pas encore de solution idéale
saires pour produire, emballer, transporter, À l’échelle de la France, les émissions de gaz à
distribuer et transformer les ingrédients de ce effet de serre liées aux 10 millions de tonnes de
plat. Et c’est encore augmenter la quantité de nourriture perdues annuellement forment
déchets, ce qui n’est pas sans conséquence sur 15,5 millions de tonnes équivalent carbone, soit
l’environnement. Lorsqu’ils sont mis en décharge, 3 % des émissions polluantes du pays. Selon
les rebuts alimentaires fermentent et émettent l’Agence de la transition écologique (Ademe),
du méthane, un gaz à effet de serre doté d’un pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon
pouvoir de réchauffement 25 fois supérieur à 2050, il faudrait diviser par deux ces résultats.
Seulement voilà, la lutte contre le gaspillage ali-
mentaire se heurte parfois à l’impératif de sobriété
énergétique concomitant…
Prenons l’exemple de la conservation des aliments
LA PUCE A DISPARU par le froid. Côté pile, elle prolonge la durée de

Q
vie des denrées en limitant leur altération. Côté
u’est donc devenue la «puce fraîcheur»
face, elle représente «15 % de la consommation
de Monoprix? Cette pastille collée sur
les emballages de certains produits frais changeait d’électricité en Europe. En effet, plus de 60 % de nos
de couleur lorsque l’aliment devenait impropre aliments font appel à la chaîne du froid à un stade
à la consommation. Vert c’était bon, rouge c’était ou un autre du système », souligne Stéphane
trop tard. L’enseigne en avait fait un argument Guilbert, professeur émérite en sciences de l’ali-
marketing à la fin des années 1990… qui n’a pas ment à Montpellier SupAgro. Et ce n’est pas tout:
rencontré le succès espéré. Non seulement ce «Ensemble, la réfrigération et la congélation de
dispositif était coûteux, mais il manquait de lisibilité l’alimentation émettent en Europe autant de gaz à
et donnait des indications qui se télescopaient effet de serre que l’aviation.» La chaîne de produits
parfois avec les dates de péremption. surgelés Picard n’hésite pas à se vanter: «Le gas-
Le consommateur n’y comprenait plus rien. pillage alimentaire représente moins de 1 % de la
production Picard, là où il est à 10 % au niveau

18 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Le poids du gâchis

Incinérés, les déchets


alimentaires contribuent
aux émissions de CO2.

national», peut-on lire sur le site internet de la ses qualités organoleptique et nutritionnelle – on
marque. De fait, ses articles ne génèrent pas trouve notamment des jus de fruits stabilisés à
d’épluchures, disposent de dates de péremption froid par haute pression. «Sauf que cette technique
très longues et n’entraînent pas de surconsom- nécessite des investissements spécifiques et des dépenses
mation grâce à une commercialisation en por- d’énergie supplémentaires, alors qu’il n’est pas du
tions. Oui, mais… pour qu’ils demeurent à -18 °C tout prouvé qu’augmenter la durée de vie d’un produit
à cœur en magasin, il faut que les congélateurs permet de réduire le risque de gaspillage. Ainsi, ce
affichent entre - 23 et - 25 °C. Pas franchement n’est pas parce qu’un yaourt affiche deux semaines
un modèle de sobriété énergétique ! La congé- de consommation supplémentaires qu’il a moins de
lation, souvent présentée comme l’un des meil- chance de terminer à la poubelle», explique Stéphane
leurs alliés de la lutte contre le gaspillage alimen- Guilbert. La recherche doit continuer.
taire, impacte la planète de façon non négligeable. Le saviez-vous ? Certaines filières agricoles sont
Picard en a conscience, c’est pourquoi l’enseigne particulièrement énergivores. Par exemple, pour
remonte de 2 °C la température de ses bacs la que l’on puisse les consommer toute l’année,
nuit, lorsqu’il y a moins de manipulations et les pommes sont stockées de longs mois dans
donc de déperdition de froid. des chambres froides. Nombre de tomates, elles,
Les nouveaux procédés de conservation ne font sont cultivées sous serres chauffées l’hiver. Quant
pas mieux. Ainsi, le traitement par haute pression aux endives, leurs racines doivent être conservées
(appelé également «pasteurisation à froid») n’est dans des hangars réfrigérés pendant des mois
pas la panacée. Certes, en soumettant l’aliment à avant d’être placées dans des caves chauffées.
W. BEAUCARDET/REA

des pressions très élevées (environ 6000 bars, soit Or, comme si les agriculteurs ne payaient pas
six fois la pression dans les profondeurs des océans), déjà un lourd tribut aux aléas climatiques, ils
il va tripler sa durée de vie tout en maintenant doivent désormais encaisser la crise énergétique. >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 19


JOURNÉES DE SENSIBILISATION ET INITIATIVES ANTIGASPI
E n France, la Journée
nationale de lutte contre
le gaspillage alimentaire voit
29 septembre. Le ministère
de l’Agriculture et de
l’alimentation s’est aligné
dizaines de collectivités
locales continuent
d’organiser, à la mi-octobre,
le jour en 2013. Elle est fixée sur cette date, mais des des initiatives antigaspi.
au 16 octobre, comme La start-up Phenix,
la Journée mondiale spécialisée dans
de l’alimentation. En 2020, la valorisation d’invendus
l’Assemblée générale alimentaires a, quant
des Nations unies à elle, pris le parti
instaure à son tour une d’occuper l’espace
journée internationale du 29 septembre
de sensibilisation aux au 16 octobre, pour
pertes et gaspillages ce qu’elle appelle

X. POPY/REA
de nourriture, fixée au « les journées antigaspi ».

>> Le couperet que constituent les tarifs prix, ils sont déjà moins enclins à
de l’énergie pourrait en amener plus gaspiller ce qui prend de la valeur. Un
d’un à laisser au champ une partie de sa récolte. véritable changement de paradigme est d’ail-
leurs en train de s’opérer chez les Français.
SUR L’ÉCONOMIE Comment comptent-ils réorienter leurs choix
de consommation ? La réduction du gaspillage
La facture est salée alimentaire arrive en tête du top 10 des bonnes
Le gaspillage alimentaire représente en France intentions, selon une enquête Kantar de fin 2021.
un coût total d’environ 16 milliards d’euros, qui Ainsi, 46 % des foyers envisagent de le limiter
se répartit de la manière suivante: 3,2 milliards
pour la production agricole; 2,1 milliards pour
l’industrie agroalimentaire; 4,5 milliards pour
la grande distribution; 4,1 milliards pour les
ménages et 2,9 milliards pour la consommation
hors foyer (milieux scolaires, hôpitaux, Ehpad,
restaurants, etc.). Ces chiffres prennent aussi en
compte l’argent qui a été investi dans la récolte,
le transport, l’emballage, le refroidissement et
l’achat de cette nourriture qui finira à la poubelle.
Selon l’Ademe, à titre individuel, un tel gâchis
coûte en moyenne 108 € par an au consomma-
teur en valeur d’achat des aliments perdus. Si
l’on y ajoute le coût de l’énergie nécessaire à les
acheter, les conserver et les cuisiner, la facture
monte à 160 € par personne et par an.

De l’intention… à la pratique
Tout cela pourrait bien évoluer à l’heure où le
S. ORTOLA/REA

retour de l’inflation incite les ménages à tout faire


pour maîtriser leur budget. Avec la hausse des

20 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Le poids du gâchis

dans les mois à venir, quand 44 % veulent pri- des ressources naturelles», expliquaient les Nations
vilégier le «fait maison» (une tendance déjà Unies sur leur site, le 29 septembre 2022, à l’occa-
observée lors de la crise économique de 2008), sion de la troisième Journée internationale de
38 %, acheter davantage en promotion, et 36 %, sensibilisation aux pertes et gaspillages.
dresser une liste précise avant de faire leurs
courses. S’y tiendront-ils ? Un levier considérable
En France, 1 habitant sur 10 a du mal à se nourrir
SUR LA SOCIÉTÉ correctement. Environ 3,5 millions de personnes
ont eu recours à l’aide alimentaire en 2021, et
Combattre la faim parmi eux, de plus en plus de jeunes. La préca-
Plus personne ne le conteste aujourd’hui: la risation des étudiants était passée un peu sous
réduction des pertes agricoles et du gaspillage les radars avant la pandémie de Covid-19, mais
apparaît comme un enjeu majeur pour la sécu- depuis leur détresse est apparue au grand jour,
rité et contre la précarité alimentaires. «Plusieurs soulignent les associations. Ces derniers mois,
publications scientifiques récentes concluent que l’inflation et les répercussions de la guerre en
notre système, tel qu’il fonctionne actuellement, ne Ukraine sur le coût de l’énergie n’ont fait qu’ag-
nourrirait au mieux que 4 milliards de personnes graver la situation des plus démunis.
si l’on respectait toutes les limites planétaires… Ce Autant de raisons d’agir sur les pertes et les
qui signifie que près de la moitié de la population gaspillages alimentaires, car il n’est pas tolérable
mondiale consomme des denrées avec un crédit gagé de monopoliser des terres agricoles pour rien
sur les générations futures», analyse le professeur quand des millions de personnes souffrent de
Stéphane Guilbert, spécialiste de la transforma- la faim. Ces dernières étaient près de 828 mil-
tion des agroressources. lions dans le monde en 2021 selon l’Organisa-
Le gâchis alimentaire constitue donc un défi tion des Nations Unies pour l’alimentation et
urgent à l’échelle mondiale. «Selon les experts, s’il l’agriculture (FAO), soit une augmentation de
n’est pas maîtrisé, cela aura de graves conséquences 150 millions d’individus en l’espace de deux
sur le climat, la souveraineté alimentaire et la gestion ans. Une situation d’autant plus injuste et aber-
rante que si l’on arrêtait immédiatement de
jeter la nourriture dans les pays industrialisés,
la question de la faim dans le monde serait
réglée… D’après l’International Food Policy
Research, la réduction des pertes et gaspillages
permettrait en effet de nourrir 2 milliards de
personnes supplémentaires. On le voit, ce levier
est donc considérable.
Bon à savoir Fondée il y a six ans, l’association
Linkee porte secours aux étudiants démunis
en luttant contre le gaspillage alimentaire. Elle
collecte des invendus ou des surplus auprès
d’artisans, de traiteurs, de grossistes, d’agricul-
teurs, de cantines et de supermarchés, mais
également de festivals, puis les redistribue, en
Île-de-France et à Bordeaux, sous la forme de
colis repas aux étudiants. Une action solidaire
indispensable, alors que les deux tiers d’entre
Des associations comme Linkee (qui eux disposeraient, selon l’association, de seu-
s’adresse aux étudiants) luttent contre lement 50 € de reste à vivre par mois pour se
le gaspillage en distribuant des invendus.
nourrir, se vêtir et se soigner.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 21


22 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023
Les bons
gestes

A
gir contre le gaspillage
alimentaire est à la portée
de tous. Les solutions
SOMMAIRE se cachent un peu partout,
24 À la maison, éviter le gâchis dans nos assiettes, notre frigo,
nos placards et jusqu’au fond
30 Stockage : dans les placards
de nos poubelles. Certes,
ou au frigo ?
cela implique de questionner
34 Conservation : quelques nos gestes du quotidien,
règles à respecter de parfois lutter contre nos a priori,
39 Valorisation : le tri à la de sortir de notre zone de confort
source bientôt obligatoire souvent. Pas évident, mais comme
on l’a vu précédemment, il en va
de la durabilité de nos systèmes
alimentaires. Et même si le chemin
est long, chacun peut contribuer,
à son rythme, selon ses possibilités,
ses convictions, ses envies aussi.
Au fil de ces pages,
vous trouverez
de quoi vous
inspirer et vous
accompagner.
En particulier
des habitudes
à repenser, des
astuces pour adopter
de bonnes pratiques et
des conseils qui vous permettront
de progresser pas à pas. Bref, des
idées pour faire bouger les choses
et vous rapprocher au maximum
du zéro déchet en cuisine.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 23


À la maison

ÉVITER LE GÂCHIS
Vous aimez concocter de bons petits plats ou, au contraire,
c’est une corvée ? Diverses solutions peu chronophages ou solidaires
vous aideront à gaspiller moins de nourriture.

E
t si nous adoptions quelques gestes simples enchaînez avec une recette où vous pourrez les
afin de ne plus nourrir nos poubelles ? utiliser (pâtes à la carbonara, crème brûlée, mayon-
Fruits trop mûrs, épluchures, pâtes de la naise… que vous réaliserez dans les 24 heures, car
veille: ces rebuts peuvent servir, et il suffit ils ne se conservent pas plus longtemps). Et dans le
parfois de pas grand-chose pour faire rimer anti- cas où vous n’avez pas encore adopté cette habitude,
gaspi et plaisir. Ainsi, rien ne se perd, tout se trans- il conviendra d’apprendre à accommoder les restes
forme, comme le fameux pain perdu, savoureux (vous trouverez de quoi vous inspirer p. 104-112).
dessert concocté à partir de morceaux de baguette, «Voilà le grand art du cuisinier», clamait d’ailleurs,
de restes de brioche ou d’une «vieille» miche qui il y a 200 ans, le «cuisinier des rois et le roi des
a séché (on les taille en tranches, les plonge dans cuisiniers», Marie-Antoine Carême (1784-1833),
du lait sucré mélangé à des œufs, puis on les fait auteur de L’art de la cuisine française au XIXe siècle
dorer à la poêle). Ou bien le velouté d’endives, et l’un des premiers théoriciens sur le sujet.
parfait moyen de recycler celles qui ont perdu de Mais bon, on n’aime pas tous enfiler un tablier.
leur fermeté et de leur blancheur… Pour certains, il s’agit même d’une corvée. D’autres
n’ont simplement pas le temps de se mettre aux
Travailler les produits fourneaux – confire des écorces d’agrumes ou sécher
de bout en bout du pain à basse température peut effectivement
D’autres «trucs» aident à moins gâcher de nourri- demander de disposer de plusieurs heures devant
ture. Par exemple, quand les feuilles de salade ont soi. Alors, comment faire, lorsque nos modes de vie
flétri, laissez-les tremper une heure dans l’eau froide, nous bousculent? Pas de panique, il existe diverses
cela leur redonnera un peu de vigueur. Si vous ne façons de lutter contre le gaspillage, et nous les
savez que faire des jaunes d’œufs abandonnés détaillons dans les pages suivantes.
dans un bol après la confection d’une meringue,

PLANIFIER
SES REPAS
Astuce anti-inflation
Cuisiner soi-même coûte souvent moins Vous en avez assez de vous retrouver avec des tonnes
cher que d’acheter des plats tout préparés. de nourriture que vous finissez par jeter? Adoptez
Et il y a moins de risques que les restes d’un plat le «batch cooking»! Venue des États-Unis, cette
fait maison terminent à la poubelle. méthode consiste à planifier et à préparer en amont
tous les dîners de la semaine.

24 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


UTILISEZ
LES APPLIS !
À court d’idées pour cuisiner
les restes ? Des applications
mobiles – Frigo Magic, Save Eat, etc. –
promettent de sublimer le contenu
de votre frigo et de vos placards (lire
aussi p. 66). À partir d’un ingrédient
bientôt périmé, elles présentent
des tas de recettes réalisables très vite.
Ces applis gratuites se rémunèrent
de diverses manières. Par exemple,
Frigo Magic propose à des marques
Oubliés, le casse-tête quotidien du repas du soir, de produire du contenu sponsorisé.
les courses faites à la hâte en sortant du bureau
et les heures à s’activer derrière les fourneaux.
Avec le batch cooking, on réalise le plus gros du mardi, salade de pot-au-feu; mercredi, risotto;
travail de préparation le week-end, afin de ne jeudi, nouilles en bouillon et sauce à la citronnelle;
plus consacrer trop de temps, les soirs de semaine, vendredi, croque-monsieur salade. En bonus,
à confectionner un dîner, explique Keda Black, des sablés pour les gourmands. Concrètement,
autrice de Batch Cooking facile ! (Marabout). le bouillon du pot-au-feu permettra, en dehors
Le moment venu, on a tous les ingrédients sous de ce premier plat, de concocter et de parfumer
la main, il n’y a plus qu’à les assembler et à les le risotto puis les nouilles chinoises. La viande
cuire, ou à les réchauffer. Outre la sérénité gagnée, et les pommes de terre seront servies fumantes
cela permet de mieux gérer son temps et de ratio- en pot-au-feu, puis froides en salade le lendemain,
naliser les tâches en cuisine. Ainsi, on épluche, coupée en cubes. Vous pourrez utiliser les écha-
coupe et fait revenir des oignons pour trois recettes lotes à la fois pour la persillade du pot-au-feu et
différentes d’un coup, plutôt que de recommencer le risotto, et la persillade elle-même assaisonnera
à chaque fois. Idem concernant l’effeuillage des les salades du mardi et du vendredi.
herbes aromatiques. Grâce à cette organisation, Bref, le batch cooking permet de proposer à
il devient plus facile de manger du fait maison sa tribu des plats variés, équilibrés et faits main.
tous les jours. En deux ou trois heures le samedi Outre l’amélioration de la qualité nutritionnelle
ou le dimanche, c’est plié! «Hors temps de cuisson, de notre alimentation, cela lui donne de la valeur
il n’y a pas de raison de passer plus de 10 minutes et n’incite pas à jeter. «C’est ni plus ni moins ce que
en cuisine. Ça n’empêche pas de laisser la place à faisaient nos grands-mères autrefois», estime Keda >>
l’improvisation un jour par semaine», assure Keda
Black. Enfin, en planifiant ses repas, on optimise
la fraîcheur des aliments, car ils sont rapidement
travaillés et cuisinés. Pas de risque d’abandonner Pensez-y !
des fruits ou des légumes au fond du bac du frigo. Avant de vous lancer dans le batch cooking,
équipez-vous. Vous aurez besoin de contenants
Menus pour une semaine – plutôt en verre – de différentes dimensions. Keda
RH2010/ADOBE STOCK

Voici à quoi ressemble une semaine type, choisie Black recommande de disposer de boîtes de 30 cl,
parmi d’autres dans le livre de Keda Black au de 75 cl et de 1,5 l (quatre pour chaque taille).
sortir de l’hiver: lundi, pot-au-feu persillade;

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 25


>> Black. Certains Français ont déjà pris le pli de
l’anticipation. Selon une étude Ifop commandée INITIATIVE LOCALE,
par la plateforme de livraison de repas Just Eat, MODE D’EMPLOI
S
58 % d’entre eux passeraient deux à trois heures i le cœur vous en dit, vous pouvez
en cuisine le week-end pour réaliser la majorité lancer un frigo solidaire dans votre
des repas de la semaine. Reste à convaincre les quartier. Il suffit de trouver un commerçant
42 % restants de s’y mettre ! ou un restaurant prêt à s’engager dans la
démarche. Il devra installer le frigo devant
chez lui, assumer les frais d’électricité et
DONNER ET PARTAGER vérifier la conformité des produits déposés.
LE SURPLUS L’association Les Frigos solidaires signe
alors une convention de partenariat et
Quand vous avez fait vos courses, vous avez vu collecte des fonds pour financer le projet
trop gros et il vous reste plein d’aliments sur (budget participatif ou subvention publique).
les bras ? Ou vous partez en vacances et n’avez
pas consommé tous vos produits frais ? Pensez
aux «frigos collaboratifs». Ce sont des réfrigéra- En accès libre 24 heures/24 sans justificatif, ces
teurs installés sur la voie publique. Ils permettent «restos du cœur 2.0» représentent un excellent
aux particuliers d’y déposer des denrées qu’ils moyen d’allier antigaspillage et solidarité. Ils créent
sont sûrs de ne pas manger pour ceux qui en ont du lien entre les bénéficiaires et les personnes qui
besoin. Et aux commerçants, restaurateurs, ges- apportent des aliments. C’est Dounia Mebtoul, la
tionnaires de cantines, de structures d’accueil et cofondatrice de La Cantine du 18, un restaurant
d’événements, d’y donner leurs invendus alimen- associatif parisien, qui a lancé le concept il y a
taires. Mais pas n’importe lesquels. Uniquement cinq ans, après un voyage à Londres où elle a décou-
des fruits, des légumes, des aliments secs, des vert les «frigos de rue» (community fridges). «Environ
produits frais à la date limite de consommation 80 personnes viennent chaque jour visiter le frigo
non dépassée et encore emballés. Sont exclus les solidaire placé devant le restaurant, raconte la jeune
plats faits maison, l’alcool ainsi que la viande et femme. Ce sont des retraités, des étudiants, des familles
le poisson achetés au détail. monoparentales… Bref, pas uniquement des sans-abris.
La précarité alimentaire touche beaucoup de monde.»
Dounia Mebtoul a lancé le Afin de déployer son projet à l’échelle du territoire,
concept des frigos solidaires Dounia Mebtoul a créé une association baptisée
en France. Objectif : réduire Les Frigos solidaires, qui a fait des petits depuis.
le gaspi et aider les démunis. Au total, 110 sont en service actuellement en
France, dont une dizaine à Paris (localisables sur
le site internet de l’association). Il semble qu’on
en est qu’au tout début. «Le partage est encore peu
DOC LES FRIGOS SOLIDAIRES - B. CHIBANE/LA VOIX DU NORD/MAXPPP

pratiqué sous nos latitudes, mais il l’est davantage dans


les cultures méditerranéennes», souligne Morgane
Innocent, ingénieure de recherche au Laboratoire
d’économie et de gestion de l’Ouest (Lego).

Soupe populaire en musique


Vous voulez sensibiliser ses voisins? Vous pouvez
aussi organiser une «Disco Soupe» avec le soutien
d’une association de quartier. Ce concept solidaire,
militant et festif, né en Allemagne, rassemble des
participants qui lavent, épluchent, taillent, font

26 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Les bons gestes

cuire et mixent des légumes cabossés ou abî- Selon Too Good To Go,
més récupérés auprès des commerçants et les dates de péremption
des maraîchers des marchés de plein vent. des denrées alimentaires
Le tout directement sur la voie publique grâce seraient à l’origine de
à du matériel roulant, et en musique puisque 20 % des mises au rebut.
des artistes viennent prêter main-forte. Chacun
est invité à apporter sa vaisselle pour la dégusta-
tion, et s’il le souhaite, ses ustensiles de cuisine
(couteau, économe, planche à découper, etc.).
On mange sur place, tous ensemble.

SAVOIR LIRE LES DATES


DE PÉREMPTION
Entre le dogme de l’ultrafrais et le bon usage
des dates de péremption, il y a de la marge. Mais
quelle mention indique le jour au-delà duquel
le produit devient vraiment impropre à la dégus- Seulement voilà, les dates de péremption, imaginées
tation ? Théoriquement, dépasser la date limite au départ pour garantir la sécurité de la popula-
de consommation (DLC) est susceptible de pré- tion, sont responsables de 20 % du gaspillage
senter un danger pour la santé. Elle s’exprime alimentaire dans les foyers, selon l’application
par la mention «À consommer jusqu’au…», mobile Too Good To Go. «Un Français sur deux
suivie du jour et du mois. Bien entendu, elle ne ne fait pas la différence», rapporte Sarah Chou-
constitue une garantie que si les conditions de raqui, directrice générale de l’appli. En effet,
conservation ont été respectées, notamment sans elles sont souvent mal interprétées: les consom-
rupture de la chaîne du froid. mateurs confondent DDM et DLC. Pas éton-
La date de durabilité minimale (DDM), quant à nant, dès lors, que 25 % des denrées jetées par
elle, n’a pas le caractère impératif de la DLC. les ménages soient encore emballées.
Appelée autrefois date limite d’utilisation opti-
male (DLUO), elle s’applique à des produits à la Gaspillage et mesures sanitaires
durabilité plus longue. Elle est indiquée sur les Dans le but d’éviter ce gâchis, les DDM peuvent
emballages par la mention «À consommer de désormais être accompagnées d’une indication
préférence avant le…», suivie du jour, du mois plus explicite, du type «Ce produit peut-être
et/ou de l’année. Au-delà, la denrée va perdre ses consommé après cette date», ou encore «Pour
qualités nutritives et gustatives, mais il reste pos- une dégustation optimale avant le…». «Il faut
sible de la manger sans risque d’intoxication, dès dire que c’est un vrai jeu de piste. Les entreprises agro-
lors que son emballage n’a pas été altéré ou alimentaires ont dépensé beaucoup d’argent en lobbying
endommagé. Par exemple, le café a légèrement afin que la taille des mentions obligatoires soit la plus
moins de goût, et les céréales du petit-déjeuner petite possible. La Commission européenne avait prévu
se ramollissent un peu. Notons tout de même de les rendre plus lisibles, cependant les lignes direc-
que les teneurs en vitamines des aliments de dié- trices ne sont toujours pas sorties. Ça laisse aux indus-
tétique infantile peuvent être affectées une fois triels de la place pour alléguer des tas d’autres choses
la DDM dépassée, nous signale le site du minis- qui relèvent du marketing», déplore Olivier Andrault,
tère de l’Économie. Enfin, la date de consomma- chargé de mission à l’UFC-Que Choisir.
tion recommandée (DCR) a été inventée pour Une fois qu’on a dit ça, peut-on manger un ali-
les œufs. Elle est fixée à 28 jours après la ponte ment au-delà de sa DLC? Il faut savoir qu’à l’excep-
(pour un œuf extra-frais, comptez-en 9). tion de certaines denrées spécifiques, ce sont >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 27


INSOLITE : L’AVENTURE
EN TOUT-PÉRIMÉ
A fin de prouver que l’on peut consommer
des produits dont la date limite est
dépassée, Baptiste Dubanchet a parcouru,
Les œufs affichent une date
de consommation recommandée il y a cinq ans, 12 000 km à vélo et en pédalo,
(DCR) fixée à 28 jours après de Paris à New York en passant par le
la ponte (9 pour les extra-frais). Maroc et la Guadeloupe, en ne mangeant
que des aliments périmés. Objectif :
montrer que certaines DDM sont inutiles.
>> les fabricants qui fixent ces dates. Plus ces dernières
Il a terminé son périple en bonne santé.
sont courtes, plus les produits frais risquent de
ne pas être consommés dans les temps, et donc
de finir à la poubelle. Autrement dit, «les DLC accé-
lèrent parfois malheureusement le gaspillage», estime au groupe de la recherche et développement sur la
Olivier Andrault. En 2014, l’UFC-Que Choisir qualité, mais il y est arrivé», s’enthousiasme Sarah
avait examiné l’évolution de la qualité sanitaire Chouraqui. Vous n’êtes pas convaincu ? Sachez
de 10 produits frais porteurs d’une DLC. « Dans qu’il fut un temps où certains fabricants apposaient
3 cas sur 10 – une crème dessert et deux yaourts –, sur un même produit à sa sortie d’usine une DLC
elle est restée parfaite plusieurs semaines après le différente selon qu’il était vendu en métropole
délai», se souvient Olivier Andrault. Et d’ajouter ou destiné aux territoires d’outre-mer… Et les écarts
que « c’est la raison pour laquelle nous demandons pouvaient osciller entre huit jours pour une crème
que les DLC soient établies exclusivement sur la dessert et quatre mois pour un sachet d’emmental
base de critères sanitaires et non pour de prétendus râpé. «Certains fromages nécessitent 18 mois d’affinage
motifs organoleptiques.» et il faudrait ensuite les consommer en huit jours ?»,
ironise Mélisande Seyzériat, coordinatrice de
Reculer les limites l’association Zero Waste France.
La société Too Good To Go ne se contente pas Le saviez-vous ? Des produits sont exemptés
de vendre, via son appli, des paniers d’invendus. de dates de péremption: les fruits et légumes
Elle accompagne également les industriels et tente frais; les boissons alcoolisées; les vinaigres; les sels
de faire bouger les lignes. «Nous avons ainsi travaillé de cuisine; les sucres solides; les produits de bou-
avec Danone pour l’aider à transformer les DLC de langerie et de pâtisserie à consommer dans les
ses yaourts Les 2 Vaches en DDM. Ça a demandé 24 heures et certaines confiseries.

UN PICTO POUR VÉRIFIER AVANT DE JETER


P our les denrées
non périssables,
l’appli Too Good To Go
vérifient que les aliments
dont la DDM est dépassée
sont encore mangeables
a convaincu certains avant de les jeter. Il est
industriels d’afficher encore peu déployé,
ILLUSTREZ-VOUS/ADOBE STOCK

le picto « Observez, mais il figure sur quelques


sentez, goûtez ». Objectif : produits comme La Vache
que les consommateurs, qui rit, Kellogg’s, Mousline
par des gestes simples, ou encore Lesieur.

28 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Les bons gestes

3 questions à…
ÉRIC BIRLOUEZ
Ingénieur agronome et
sociologue de l’alimentation

« IL FAUT REDONNER
DE LA VALEUR ET
DU SENS À L’ALIMENTATION »
Comment le gaspillage consacrée à l’alimentation a baissé de 36 % à
alimentaire s’est-il invité dans 20 %. Ensuite, le lien entre le monde agricole et
nos sociétés ? les consommateurs s’est distendu. On a perdu
Éric Birlouez Contrairement à ce que l’on l’idée selon laquelle derrière une pomme, un
pourrait penser, ce n’est pas un phénomène nou- poireau ou un steak, il y a des hommes et des
veau. Le gaspillage alimentaire a toujours existé, femmes. Dans le même ordre d’idées, on ne sait
toutefois pas dans les proportions que l’on connaît pas toujours d’où viennent ni comment sont pro-
aujourd’hui. Nos ancêtres du paléolithique, duits les plats cuisinés. Ils sortent d’une « boîte
lorsqu’ils chassaient, laissaient une partie de la noire » et n’ont donc plus de valeur identitaire.
viande faute de pouvoir la conserver. Cependant, La valeur sociale des repas s’est, en outre,
il s’agissait alors de pertes non volontaires, pas réduite. De plus en plus, ils sont pris de manière
de gaspillage. Dans l’Antiquité grecque et romaine, solitaire. Enfin, les valeurs culturelles, hédoniques,
on ne tolérait pas le gaspillage à tel point que symboliques et sacrées de la nourriture ont, elles
des lois dites « somptuaires » étaient promul- aussi, reculé. Pour toutes ces raisons, le gaspillage
guées afin de le limiter. Au XVIIe siècle, à la cour est devenu un phénomène de masse.
de Versailles, pour témoigner du pouvoir du roi,
les tables devaient, certes, crouler sous les vic- Quels leviers doit-on actionner
tuailles de manière ostentatoire. Mais rien n’était pour que les ménages puissent réduire
perdu : ceux que l’on appelait à l’époque les le gaspillage ?
regrattiers récupéraient les restes, les recondi- E. B. Il faut redonner de la valeur et du sens à
tionnaient, puis les revendaient aux pauvres. l’acte alimentaire, en aidant les consommateurs
à se réapproprier les aliments. Ça passe par l’édu-
Quels sont les ressorts profonds cation alimentaire dès le plus jeune âge, en y asso-
de ce phénomène? ciant les parents. Cela passe également par des
E. B. On gaspille ce à quoi on accorde peu expériences concrètes: jardiner, cuisiner, manger
de valeur. Or, les valeurs traditionnelles de l’ali- ensemble. On aura toujours plus d’états d’âme
mentation ont décliné. D’abord, à partir des à jeter un reste de pot-au-feu maison qui a mijoté
années 1960, on est entré dans une société plusieurs heures qu’un bout de pizza industrielle
d’abondance qui nous a fait oublier à quel point surgelée. Mais pour cela, il faut déconstruire le
la nourriture avait une valeur vitale. Dans le modèle hérité des années 1960 basé sur la sur-
même temps, la part des dépenses des ménages production et l’hyperconsommation.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 29


Le stockage
DANS LES PLACARDS
OU AU FRIGO ?
Chaque produit a ses spécificités. Certains doivent rester à température
ambiante, d’autres, être placés au frais. D’où l’intérêt de savoir où et comment
les ranger pour allonger leur « durée de vie ».

1 LES FRUITS Ainsi, il y a les légumes qu’il convient de garder à


température ambiante (lire aussi l’encadré «Ils ne
ET LÉGUMES vont pas au frigo» p. 32). C’est le cas notamment
Si les primeurs sont les aliments que l’on jette des pommes de terre, de l’ail, des oignons et des
le plus souvent à la maison, c’est qu’ils sont par- cucurbitacées (potimarrons, potirons, etc.), que
ticulièrement fragiles. «Mais également parce que l’on rangera dans un endroit frais, sec et à l’abri
les ménages ont tendance à en acheter des quantités de la lumière. Quant aux fruits, beaucoup se
trop importantes, en réponse aux recommandations sentiront à l’aise dans une corbeille, à condition
nutritionnelles – manger cinq fruits et légumes toutefois de ne pas tous les mélanger. Certains,
par jour», explique Morgane Innocent, ingénieure telles la banane, la poire ou la pomme, dégagent
de recherche au Laboratoire d’économie et de en effet de l’éthylène, une substance gazeuse qui
gestion de l’Ouest (Lego). Pour tenter de renverser fait mûrir plus rapidement les autres fruits à proxi-
la vapeur, il faut déjà bien connaître leurs diffé- mité, et qui peut en outre leur donner un goût
rences en matière de conservation… et s’astreindre d’amertume. On n’oubliera pas, non plus, de
à les stocker correctement ! placer les plus lourds en dessous et les plus délicats
au-dessus. Enfin, on retirera ceux qui sont abîmés,
afin d’éviter qu’ils ne contaminent les intacts.
Pensez-y !
À placer au réfrigérateur
Il ne faut pas mélanger inhibe la germination.
pommes et bananes On sépare aussi D’autres végétaux ont, eux, intérêt à être rangés
avec d’autres fruits, les oignons des pommes au réfrigérateur. Une température comprise entre
car elles dégagent de de terre, pour éviter 8 et 10 °C leur permettra de ne pas mûrir trop
l’éthylène et accélèrent qu’elles ramollissent rapidement. Cependant, attention, il faut les
leur mûrissement. et pourrissent. Enfin, placer dans le bac prévu à cet effet, et non sur
Une pomme placée on ne garde pas ses les clayettes du haut, où le froid est plus dense:
au milieu de patates fruits et légumes dans cela pourrait provoquer des blessures sur leur
empêche, en revanche, des sacs en plastique, peau, elles-mêmes devenant des portes d’entrée
ces dernières de germer car cela favorise aux micro-organismes. Les herbes aromatiques
trop vite, car ce gaz leur pourrissement. devront, pour leur part, avant de gagner le bac
à légumes, être lavées et séchées puis enveloppées

30 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Les bons gestes

dans une feuille de papier essuie-tout humidifiée.


Stéphane Lagorce, ingénieur agronome et pro- FRUITS PROTÉGÉS OU
fesseur des sciences de l’aliment à AgroParisTech,
prévient tout de même que «le froid freine ou
GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS
immobilise les composés d’arôme.»

L’épineuse question des emballages


E n Suisse, le Laboratoire fédéral d’essai
des matériaux et de recherche (Empa)
a développé une couche de protection
Si trier les primeurs en fonction de leurs spéci- en cellulose pour les fruits et légumes.
ficités de conservation peut sembler fastidieux, Fabriquée à partir d’épluchures de fruits
une fois ancrée dans les habitudes, cette bonne et légumes pressés, elle prolonge, selon
les premiers tests, la durée de conservation
pratique réduit sensiblement le gaspillage ali-
des bananes de plus d’une semaine. À terme,
mentaire. Elle est d’autant plus essentielle que
les chercheurs n’excluent pas d’incorporer
certains fruits et légumes vendus en supermar-
à cette protection des éléments tels que
ché ne sont désormais plus conditionnés dans
des vitamines ou des antioxydants. Ce qui
du plastique, mais commercialisés en vrac,
serait quand même mieux que de miser
comme au marché. Objectif ? Supprimer plus sur les aliments OGM, comme c’est le cas
d’un milliard d’emballages inutiles chaque aux États-Unis. En effet, sous couvert de lutter
année. En l’annonçant lors du Congrès mondial contre le gaspillage alimentaire, le ministère
de la nature, en septembre 2021, Emmanuel américain de l’Agriculture a autorisé, en 2015,
Macron avait qualifié cette mesure de «vraie la vente de l’Arctic, une pomme génétiquement
révolution». Mais la filière agro-industrielle ne modifiée qui ne brunit pas quand elle est
cesse, depuis, de batailler contre cette décision, épluchée. Autant dire que ce fruit
en invoquant un risque de détérioration de «inoxydable» n’a pas fait l’unanimité auprès
primeurs fragiles (fruits rouges, champignons, des associations de consommateurs locales.
endives, haricots verts, tomates cerises, etc.). Pour Mais le pays vient à nouveau de donner
répondre à ces inquiétudes, le gouvernement son aval (octobre 2022) à une tomate violette
a débloqué un fonds de 40 millions d’euros transgénique enrichie en antioxydants…
visant à favoriser l’investissement dans des qui doublent sa «durée de vie».
conditionnements non plastiques. >>
GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 31


ATTENTION, ILS NE VONT
PAS AU FRIGO !
2 LES ALIMENTS
SECS
C’
En général non périssables, ils sont dotés de dates
est le cas de la pomme de terre car,
de péremption longues. On l’a vu précédemment,
à basse température, les tubercules
peuvent pourrir. De même, mis au frais, l’oignon dépasser les délais, quand il s’agit de pâtes, de riz,
a tendance à ramollir; l’ail, à voir sa germination de légumineuses, d’épices ou de gâteaux secs, ne
s’accélérer; les tomates, à perdre leurs arômes; compromet pas notre santé. En effet, ces aliments
le concombre, à flétrir; l’abricot, la pêche contiennent moins d’eau que les produits frais et
et la nectarine, à devenir moins fermes et moins sont donc moins susceptibles de développer des
goûtus; la banane, à noircir; les fruits exotiques, bactéries. Il convient malgré tout de préserver leurs
le melon et la pastèque, à perdre leur saveur. nutriments, leurs saveurs et leurs textures (leurs
qualités organoleptiques) au maximum, afin qu’ils
ne terminent pas au fond d’une poubelle. Pour
>> En parallèle, des emballages «intelligents» ont cela, on les conservera bien au sec et à couvert, car
été créés récemment. Ils libèrent des molécules ils craignent la chaleur, l’humidité et la lumière.
ou, au contraire, en absorbent, en vue d’une meil-
leure conservation des aliments. Par exemple, Bocaux en verre et étiquettes maison
l’oxyde de fer va capter l’oxygène et empêcher Avec le temps, les produits secs peuvent malgré
la croissance des moisissures. Seulement voilà, tout se détériorer, notamment s’ils ont été achetés
ces nouveaux produits sont principalement conçus en vrac. On respectera donc quelques consignes,
en plastique. « La question des effets sur la santé en l’occurrence de les transvaser aussitôt après ses
de ces conditionnements intelligents, notamment courses dans des récipients hermétiques, idéalement
les risques de migration de nanoparticules, est traitée en verre. Neutre au contact des aliments, ce matériau
par les agences de sécurité sanitaire. Mais pas leur impact ne garde pas les odeurs, est réutilisable et recyclable,
sur l’environnement», regrette Stéphane Guilbert, et protège mieux des mites alimentaires (lire aussi
professeur émérite en sciences de l’aliment à l’encadré ci-dessous). Si ces contenants sont tota-
Montpellier SupAgro. On le voit, l’objectif d’abais- lement étanches, scellés par un anneau en caout-
ser de moitié les déchets alimentaires d’ici à 2025 chouc, c’est mieux. Les pots de confitures et les
se heurte parfois à celui, tout aussi primordial bocaux de conserves font très bien l’affaire.
dans le même temps, de réduire de 20% les embal- Il faut aussi bien étiqueter les récipients en pré-
lages à usage unique. Bref, lutte antigaspi et chasse cisant sur chacun de quelle denrée il s’agit et la date
au plastique ne font pas forcément bon ménage. à laquelle elle a été stockée. Sinon, on a vite fait

COMBATTRE LES MITES ALIMENTAIRES


V éritable fléau de
nos cuisines, les mites
(vers, puis papillons argentés
ni produits chimiques.
Les mites sont faciles
à repérer, car elles forment
mieux vaut jeter les paquets
entamés, car elles ont pu
y pondre leurs œufs. Afin
à l’âge adulte) se nichent des filaments blanchâtres de vous en débarrasser,
partout. En particulier dans caractéristiques dans placez des clous de girofle,
la farine, le riz, les pâtes, les boîtes. Elles réussissent à un répulsif naturel efficace,
le sucre, les fruits secs et les percer le carton et le plastique partout où vous stockez. Les
épices, et encore davantage des emballages pour accéder pièges à phéromones, à coller
s’ils sont bios, donc cultivés aux produits secs. Si vous sur la paroi intérieure des
ou fabriqués sans pesticides en trouvez dans un placard, armoires, fonctionnent aussi.

32 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Les bons gestes

LES PORTIONS INDIVIDUELLES,


UN REMÈDE ANTIGASPI ?
À la différence du fromage à la coupe, celui
commercialisé en parts individuelles, souvent
emballées dans des feuilles d’aluminium, est
régulièrement présenté comme un atout dans la lutte
contre le gaspillage alimentaire. Non seulement
il permet une conservation optimale, mais il offre une
dose adaptée aux besoins de chacun. Ces emballages
en aluminium ont beau être «prêts au recyclage»,
les fabricants de produits laitiers planchent cependant
sur des alternatives en carton ou en papier.
PISEL-SHOT/ADOBE STOCK

savoir s’il est encore possible d’utiliser un œuf


une fois sa date de consommation recommandée
dépassée, plongez-le dans un verre rempli d’eau.
Il reste couché au fond? Il est encore frais. Il se
tient debout ? Mangez-le rapidement. Et dans
d’oublier ce qu’il y a à l’intérieur et de l’utiliser. le cas où il flotte, il faut le jeter.
La probabilité que les produits soient finalement > La viande De retour des courses, on la place
jetés n’est pas, là non plus, totalement négligeable. au plus vite dans la zone la plus froide de son
Enfin, on évite de remplir à nouveau un pot avant réfrigérateur. La durée de conservation au frais
de l’avoir complètement vidé, au risque d’accumu- varie sensiblement selon les morceaux, les types
ler des aliments, certes comestibles, mais à la saveur de viande et leur mode de commercialisation.
fanée. Et de finir par balancer le tout aux ordures. Quand vous l’avez achetée préalablement embal-
lée, il suffit de vous conformer à la date limite

3
de consommation affichée. En revanche, si
LES PRODUITS elle provient de la boucherie ou du rayon détail
D’ORIGINE ANIMALE du supermarché, il est préférable de demander
conseil au boucher. Une chose est sûre, il faut
> Les œufs Contrairement à une idée reçue, la consommer le plus rapidement possible, dans
il n’est pas nécessaire de les garder au réfrigérateur, les 12 heures qui suivent l’achat. Les volailles
car leur coquille est poreuse et absorbe les odeurs. crues entières, elles, ne se gardent pas plus de
D’ailleurs, vous aurez remarqué qu’au supermar- deux jours au frais dans leur emballage d’origine.
ché, ils ne sont pas rangés au rayon frais. Si on le Et, une fois ouverte, la charcuterie doit être
souhaite, on peut tout de même les mettre au mangée dans les deux à trois jours.
frigo, à condition que ce soit dans sa partie la plus > Le fromage Le meilleur endroit pour ranger
tempérée, c’est-à-dire la porte (entre 6 et 10 °C). ses fromages affinés? Le bac à légumes du frigo.
Par contre, ne les lavez surtout pas ! En effet, La température y est idéale et permet de préserver
lorsque la poule pond, elle enrobe ses œufs leur texture, leur arôme et leur goût. L’humidité
d’un film protecteur. Sinon ils deviendraient et la condensation pouvant les altérer, on prendra
perméables aux bactéries. C’est aussi pourquoi soin de les laisser dans leur conditionnement initial.
les jaunes crus ne se conservent qu’un à deux Une fois ouvert, le fromage frais sera consommé
jours au frais, pas plus, et les blancs, jusqu’à quatre sous trois à quatre jours, alors que l’affiné, correc-
jours, dans un contenant hermétique. Les œufs tement emballé, se gardera plus longtemps, nous
durs, eux, tiennent deux à trois jours. Enfin, pour dit l’Agence de la transition écologique.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 33


La conservation

QUELQUES RÈGLES
À RESPECTER
Plusieurs techniques permettent de garder
plus longtemps les aliments. Encore faut-il adopter
les bonnes pratiques pour éviter qu’ils ne
se gâtent plus vite que prévu.

1 DU BON USAGE
DU RÉFRIGÉRATEUR
Depuis la nuit des temps, l’homme cherche des
techniques afin d’accroître la «durée de vie» de
ses réserves alimentaires. Séchage, salage, fumage,
réfrigération, congélation, appertisation (traite-
ment thermique dans un conditionnement
étanche): au fil des siècles, les procédés se sont
diversifiés et améliorés. «On ne le répétera jamais
assez, mais une des règles d’or pour lutter contre
le gaspillage, c’est la conservation», estime l’appli-
cation mobile Too Good To Go. en conséquence pour optimiser leur conservation.
Respecter la chaîne du froid évite que nos produits Ainsi, lorsque vous rangez vos produits, veillez à
frais ne se gâtent trop vite. Afin d’y parvenir au poser les plus récents systématiquement derrière
mieux, lisez nos recommandations. Le froid joue les plus anciens. Cela vous aidera à suivre le principe
un rôle essentiel dans la conservation des ali- de base d’un stockage réussi: premier entré, premier
ments. «Il permet de ralentir la croissance des micro- sorti. Le tout sans oublier de garder un œil sur
organismes et la survenue de toxi-infections alimentaires, les dates limites de consommation, qui peuvent
tout en préservant les qualités nutritionnelles et orga- fortement varier d’un aliment à un autre.
noleptiques des denrées», affirme l’Agence nationale
de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). Quel étage est approprié ?
Encore faut-il distinguer celles qui ont leur place Il convient aussi de placer ses produits au bon
au frais, prendre soin de bien les emballer, ou de endroit dans le frigo. Référez-vous à sa notice d’uti-
les enfermer dans des boîtes hermétiques, avant lisation, afin d’identifier le compartiment le plus
de les mettre au réfrigérateur, et organiser ce dernier adapté à chacun. En effet, selon la technologie

34 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Les bons gestes

LE FROID, C’EST
PAS SYSTÉMATIQUE
L e réfrigérateur est bien l’allié
de la conservation des aliments
dans nos foyers. Mais, on l’a vu
précédemment avec les fruits
et légumes, certains produits
ne doivent pas y être gardés,
tels que les tablettes de chocolat
(qui s’y couvrent d’une fine pellicule
blanche), le café (le froid altère
ses saveurs et détruit ses arômes)
ou le miel (en deçà de 10 °C,
il durcit et perd son goût).

Les plats que vous avez préparés vous-même seront


traités spécifiquement. Ainsi, évitez de les placer
encore chauds au frigidaire, car la chaleur crée
de la condensation, et donc augmente la tempé-
rature à l’intérieur de l’appareil. Pas question,
pour autant, de les laisser refroidir à l’air ambiant
pendant plus de deux heures, parce que certaines
bactéries s’y développeraient à la vitesse grand V!
Si les restaurateurs disposent de cellules de refroi-
P. LESPRIT/PLAINPICTURE

dissement, les particuliers, eux, peuvent baigner


leurs récipients dans l’eau glacée afin de les rafraî-
chir avant de les stocker au frais.

et le modèle, les préconisations des constructeurs


diffèrent. «Les frigidaires à froid statique nécessitent
de mettre les denrées les plus périssables dans la zone
la plus froide de l’appareil, qui se situe en bas»,
2 RÉUSSIR SA MISE
EN CONSERVE
Le traitement par la chaleur est le moyen le plus
explique Patrick Esnouf, le directeur technique utilisé pour conserver plus longtemps les denrées.
du Groupement interprofessionnel des fabricants Une mise en conserve comprend néanmoins des
d’équipement ménager (Gifam). Les réfrigérateurs contraintes. Il existe principalement deux
à froid brassé et ventilé délivrent, quant à eux, méthodes de conservation longue durée: la pas-
une température plus ou moins homogène partout teurisation et la stérilisation. La première consiste
– il est donc possible de ranger ses aliments indif- à détruire les micro-organismes pathogènes
féremment en haut, au milieu ou en bas. Quoi en portant les aliments à une température com-
qu’il en soit, on n’oublie pas de nettoyer son frigo prise entre 62 et 97 °C pendant une durée déter-
régulièrement, car cela ralentit le processus de minée, puis à les refroidir rapidement. «Cette
dégradation de son contenu. technique préserve leurs caractéristiques, notamment >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 35


DUFFAS/PHOTOCUISINE
>> leur saveur», précise le ministère de l’Économie. Les produits de saison à privilégier
Les produits pasteurisés (lait, yaourts, bière, jus Moins intéressante d’un point de vue nutritionnel,
de fruits, compotes…) présentent cependant une la mise en conserve chez soi est toutefois plus éco-
date limite de consommation et doivent être nome en énergie que la congélation, puisque les
stockés au frais. De même, la seconde technique bocaux, une fois stérilisés, sont stockés à tempé-
(celle que l’on pratique à la maison) soumet rature ambiante. Autre atout de ce procédé: une
les denrées à une haute température, cette fois panne de courant n’altère pas le contenu d’un pot,
à 100 °C, durant un certain temps, afin d’éliminer alors qu’elle peut mettre en péril tout ce que l’on
toute forme microbienne. Cela altère quelque a stocké dans le congélateur. Réaliser ses propres
peu leur valeur nutritionnelle, en particulier conserves est, par ailleurs, un brin plus écologique,
les teneurs en vitamine C, mais c’est le prix à puisque l’on recourt à des contenants en verre,
payer quand on veut savourer des tomates au jus recyclables à l’infini, plutôt qu’à des boîtes en métal
en hiver, des cèpes à l’huile au printemps, ou des sachets en plastique.
une purée de butternut au cours de l’été ou une Quand on envisage de procéder à une stérilisa-
confiture de fraises à l’automne. tion, mieux vaut acheter ses produits au cœur
de la saison, en circuit court, fraîchement récoltés,
pour préserver au maximum leurs propriétés
nutritives et gustatives, recommande le chef
ASTUCE ANTI-INFLATION Yves Camdeborde, auteur de Conservez, cuisinez !
Mettre en conserve des fruits et des (Albin Michel, 2022). Lors du premier confine-
légumes frais de pleine saison, achetés ment, il s’était retrouvé avec des tas de denrées
en grande quantité à la fin du marché, n’est périssables inutilisées, issues de ses établissements
pas qu’une technique antigaspi : c’est un vrai parisiens. « Plutôt que de rester les bras ballants,
coup de pouce pour le pouvoir d’achat. j’ai pris mes cageots, j’ai filé dans le Sud et j’ai tout
mis en bocaux», se souvient-il.

36 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Les bons gestes

Les légumes et les fruits, eux, devront être congelés,


QUELS SIGNES idéalement, dès que l’on rentre des courses, afin
D’UNE MAUVAISE de préserver leurs qualités nutritionnelles. On
STÉRILISATION ? blanchira les premiers au préalable, c’est-à-dire

A
qu’on les plongera deux ou trois minutes dans de
vant de consommer une
l’eau bouillante salée avant de les placer sous un
conserve, traquez les signes
jet glacé, ce qui interrompra leur cuisson. L’objectif?
d’une mauvaise stérilisation: un
Garder intactes leur saveur, leur texture et leur
changement de couleur excessif
des produits ; la présence d’écume couleur. On les déposera sur une plaque à pâtisserie
à la surface du liquide ; une capsule sans qu’ils se chevauchent et les laissera ainsi au
bombée et convexe en son centre ; congélateur durant une nuit entière. Il faudra alors
un bruit démesuré à l’ouverture loin les emballer méticuleusement dans des sacs dédiés
du discret « pop » attendu ; enfin, ou des boîtes hermétiques, si possible en petites
une odeur nauséabonde. Les causes portions de manière à ajuster les quantités à
d’échec ? Un bocal trop ou pas assez ses besoins au moment de les sortir.
rempli, une durée de stérilisation
insuffisante, une température trop « Premier entré, premier sorti »
basse ou un défaut d’étanchéité. Ensuite, on prendra soin d’indiquer lisiblement
le contenu et la date de congélation, car le principe
du «premier entré, premier sorti» vaut également

3
pour le congélo. Enfin, sachez que les délais de
CONGÉLATION : stockage varient de 1 à 24 mois. À noter que le
LES GRANDS PRINCIPES grand froid ne fait que suspendre la détérioration
des aliments; une fois décongelés, ils seront à
Efficace et facile, cette solution prolonge de beau- nouveau soumis au processus naturel de vieillis-
coup la conservation des aliments. Il y a néan- sement. Les bactéries «endormies» (Salmonella,
moins quelques règles à suivre. Listeria…) se réveilleront et proliféreront à une
Le processus de congélation permet d’amener vitesse stupéfiante, leur nombre doublant toutes
les aliments à une température très basse, qui oscille les 20 minutes! À ce rythme, des denrées risquent
entre - 18 et - 24 °C. Cela bloque leur dégradation vite de devenir impropres à la consommation,
en stoppant la croissance des micro-organismes. c’est pourquoi il est impératif de les décongeler
Utile pour conserver ce que l’on ne consomme pas 24 heures au frigo plutôt qu’à température
rapidement (notamment ce que l’on a acheté en ambiante. Il n’est d’ailleurs pas conseillé de placer
grande quantité, dans le cadre d’offres au congélo des produits périmés, ou trop
promotionnelles) et en profiter proches de leur date limite de consom-
toute l’année, cette méthode mation, car vous seriez obligé
exige toutefois d’adopter de les manger de toute urgence.
quelques bonnes pra- Si ce n’est pas le cas, il est pos-
tiques. D’abord, à condi- sible de les déguster dans les
tion de respecter la règle deux à trois jours.
d’or – on ne recongèle
jamais un produit qui Organiser
a été décongelé –, le rangement
on peut tout aussi bien Nul besoin, ici, de disposer
ESBEN468635/ADOBE STOCK

mettre du pain, de la les aliments à une place spé-


viande et du poisson cifique. Quelle que soit la tech-
que des plats cuisinés au nologie de l’appareil – froid sta-
congélateur. tique ou ventilé –, la température >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 37


Vous devez vous absenter plusieurs jours et sou-
DES FRUITS PLUS VITAMINÉS… haitez vous assurer que votre congélo n’a subi
AU CONGÉLATEUR aucune coupure de courant prolongée? Placez-y,

L
deux jours avant de partir, un verre rempli d’eau.
es fruits et les légumes surgelés ne seront pas
Une fois qu’elle a gelé, placez une pièce de mon-
moins bons pour la santé, une fois décongelés,
que les végétaux frais. Ayant été récoltés à maturité naie sur la glace. Si, à votre retour, elle figure
et immédiatement transformés, ils sont restés toujours au-dessus, c’est le signe qu’aucune défail-
gorgés de nutriments. «Entre le champ et l’usine, lance n’est survenue. À l’inverse, si elle se retrouve
il ne se passe guère plus de six heures», assure figée au milieu du verre, ou au fond, c’est que
Éric Ternisien, directeur de celle de Bonduelle la chaîne du froid a été rompue… Il vous faudra
à Estrées-Mons (Somme), dont les camions alors jeter toute la nourriture.
tournent 24 heures sur 24 pendant les campagnes Le saviez-vous ? Tous les aliments ne tolèrent
de légumes. À l’inverse, les denrées transportées pas le grand froid. Les œufs crus dans leur
et stockées en chambre froide avant d’atterrir coquille, par exemple, risqueraient d’éclater
dans les rayons des supermarchés ont subi – on peut néanmoins congeler le blanc et le jaune
une déperdition très importante en vitamine C. séparément, chacun placé dans une boîte her-
métique durant quatre mois. On évite aussi les
pommes de terre, les panais et les topinambours
>> y est homogène partout. Il est cependant recom- (sauf s’ils sont cuisinés en purée ou en gratin),
mandé de bien organiser le rangement, en mettant car l’amidon supporte mal la glace. Les fruits et
devant (ou au-dessus) les produits les plus fragiles légumes contenant beaucoup d’eau (concombres,
et ceux dont la date de péremption est la plus pastèques, fraises, tomates), eux, deviendront
proche. Et de dégivrer et de nettoyer l’intérieur flasques et sans saveur. Le traitement ne réussit
au moins une fois par an, surtout si le congélateur pas non plus aux huîtres entières, aux yaourts
est à froid statique. L’occasion de vérifier toutes les et aux crèmes desserts. Enfin, les fromages frais
dates auxquelles les denrées y ont été stockées… ou à pâte molle y résistent mal.

GRAHAM/ADOBE STOCK

38 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Les bons gestes

La valorisation
LE TRI À LA SOURCE
BIENTÔT OBLIGATOIRE
Il y a toujours des déchets alimentaires qui terminent dans les ordures
ménagères. Mais dans un peu moins d’un an, il faudra faire autrement.

À
compter du 1er janvier 2024, les particu- ont opté majoritairement pour des poubelles classiques
liers devront trier leurs biodéchets, afin au bas des immeubles (ramassage en porte-à-porte);
que les collectivités puissent les recueil- d’autres, telles que la Métropole de Lyon, ont privilégié
lir dans des bacs dédiés ou des points les points d’apport volontaire répartis dans les rues.
d’apport volontaire. Il s’agit d’une disposition de Ce qui se développe beaucoup et fonctionne bien, c’est
la loi Agec de 2020, dite antigaspillage. L’objectif? un mixte des deux, selon la typologie du territoire»,
Valoriser ces résidus triés «à la source» en compost constate Mathilde Borne, déléguée générale du
pour les agriculteurs ou en énergie via la métha- réseau Compostplus, constitué de collectivités
nisation (lire l’encadré « Des biodéchets au gaz territoriales engagées dans le tri des déchets organi-
vert» p. 40). Il était temps. Car non seulement ques et leur transformation en compost.
leur enfouissement et leur incinération produisent
des gaz à effet de serre, mais nos déchets alimen- Des expérimentations en cours
taires représentent aujourd’hui un tiers du Afin de tester différents dispositifs et de préparer
contenu de nos ordures ménagères ! les esprits, des expérimentations ont vu le jour ici
Début 2024, les collectivités locales seront donc ou là. Plus d’une centaine de collectivités réparties
tenues d’avoir mis à la disposition de leurs admi- à travers l’Hexagone, y compris au sein de territoires
nistrés des solutions individuelles ou collectives denses, se sont déjà lancées dans une démarche
de collecte. Cela n’est pas une mince affaire, notam- de tri à la source et de collecte séparée des biodéchets.
ment dans les grandes villes. Deux possibilités Comment cela se passe-t-il? Plusieurs villes pro-
existent: «Certaines, comme la Métropole de Grenoble, posent aux ménages des kits composés d’un bio-
seau en plastique recyclé et de sacs compostables
pour récupérer certains résidus alimentaires (lire
l’encadré «Que mettre dans le sac à compost ?»
SUBSTITUT AUX ENGRAIS p.40). Ensuite, selon l’endroit où ils habitent, ils les
DE SYNTHÈSE portent dans des points fixes ou mobiles. D’autres

L a valorisation sous forme de compost apporte


aux terres agricoles un amendement organique
naturel. Un retour au sol de qualité, donc, mais
systèmes ont également été mis en place.
À Paris, la Direction de la propreté et de l’eau
(DPE) de la ville, qui gère la récolte et le traitement
surtout un substitut aux engrais de synthèse, dont des ordures ménagères, dispose pour les particuliers,
la fabrication repose notamment sur des ressources les jours de marché, des poubelles marron destinées
minières non renouvelables (phosphore et potasse). aux déchets alimentaires. Dans les 13e et 15e arron-
dissements, des bornes fixes ont été installées; >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 39


DES BIODÉCHETS
AU GAZ VERT
Composter, c’est transformer
par fermentation des biodéchets
en amendement organique
pour nourrir le sol (compost,
fumier, engrais verts…).
Méthaniser, c’est produire du
méthane à partir de biodéchets,
entaires
lequel sera ensuite transformé Chez soi, on met ses déchets alim t…
en électricité ou en biogaz. 1 dans un bio-seau ou un sac à com
pos
Le résidu de la méthanisation,
appelé digestat, peut être
épandu sur les sols agricoles.
QUE METTRE
DANS LE SAC À COMPOST ?
>> elles sont relevées cinq fois par semaine. Dans
les 2e, 12e et 19e, c’est le ramassage en porte-à-porte
D es aliments biodégradables, comme
les épluchures de végétaux, les restes
de repas ou le marc de café, doivent être
qui est testé. «On propose aux immeubles qui le
triés à la source. Mais aussi les serviettes
peuvent d’accueillir un quatrième bac réservé aux en papier et les produits périmés sans
biodéchets, en plus de ceux dédiés au tout-venant, au leur emballage. Ces biodéchets seront
verre et aux emballages», indique Colombe Brossel, rassemblés dans des sacs compostables,
adjointe à la mairie de Paris en charge de la pro- à l’image de ceux disponibles au rayon
preté et de la réduction des déchets. Ces nouvelles fruits et légumes des supermarchés.
poubelles (de couleur verte et dotées d’un cou- On peut également utiliser du papier kraft.
vercle marron) font l’objet d’une tournée spéci-
fique de la part des camions-bennes, qui passent
à deux reprises dans la semaine. particulièrement denses. Et dans le 19e, où l’on compte
Cependant, le projet a eu du mal à démarrer, freiné 190 000 habitants, il y a aussi 40 % de logements
par la pandémie de covid. «C’est très compliqué. sociaux, du coup nous n’avons pu équiper en poubelles
Entre les gardiens d’immeuble qui rechignent, les gens marron que 60 % des immeubles.»
qui utilisent des sacs en plastique non compostables et
la collecte parfois irrégulière, cette expérimentation Un créneau porteur
génère pas mal de mécontentement», reconnaît En ce qui concerne la collecte, plusieurs prestataires
Mélisande Seyzériat, coordinatrice de l’association proposent leurs services aux collectivités. Aux côtés
Zero Waste France. Le défi est immense, Colombe des spécialistes du secteur – Suez, Veolia, Paprec,
Brossel en convient: «Certains arrondissements sont Nicollin…–, des dizaines d’entreprises ont vu le jour
ces dernières années. Équipées de camions, de
vélos-cargos, voire de charrettes à cheval, elles récu-
pèrent les résidus alimentaires auprès des particu-
Pensez-y ! liers, mais aussi des restaurants, des cantines et des
Trier ses déchets alimentaires pour maisons de retraite, pour les transformer en com-
les valoriser, c’est bien. Les limiter, c’est mieux! post ou en énergie (via la méthanisation). Les
Car ce n’est pas parce qu’on trie correctement Alchimistes, une jeune pousse créée en 2016 et
qu’il faut jeter à tout va… Le meilleur déchet présente à Angers, Lille, Lyon, Marseille, Nantes,
reste toujours celui qu’on ne produit pas. Paris, Toulouse, La Réunion, etc., a ainsi fait «le choix
de valoriser les matières organiques uniquement sous

40 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


une usine
La collec te sera acheminée dans
3 de méthanisation pour transfo rma tion.

… que l’on dépose après dans UNE COULEUR DE POUBELLE


2 un point d’apport volontaire.
QUI VARIE ENCORE
L es bacs de collecte des biodéchets s’affichent
aussi bien en orange, en vert ou en marron.
Il avait été question que ce dernier soit leur teinte
la forme de compost, car ça contribue à la régénération dédiée. «Pour faciliter l’appropriation de ce geste de
des sols», explique Benjamin Pollet, responsable tri par tous, et permettre une meilleure compréhension,
Pays de la Loire. Elle le distribue ensuite aux appor- il serait bien d’uniformiser la couleur des bacs. En effet,
teurs de déchets (particuliers, écoles, etc.) pour leurs lorsque les gens partent en vacances, ils sont perdus»,
espaces verts et à des agriculteurs du coin. affirme Mathilde Borne, déléguée générale
Autre exemple: Moulinot, pionnier dans le recyclage du réseau Compostplus. Sera-t-elle entendue?
des matières organiques issues de la restauration
commerciale. Il faut dire que cette société a été
fondée par Stephan Martinez, appartenant à la nantaise, afin que « des particuliers, des publics
troisième génération d’une famille de restaura- scolaires et des professionnels y voient le processus
teurs… «Depuis la création, en 2014, nous avons valorisé à l’œuvre», raconte Benjamin Pollet.
en compost ou en énergie plus de 55000 tonnes de déchets Clarifier le mode opératoire sera aussi nécessaire.
alimentaires», affirme-t-il. Des cuisines de l’Élysée De fait, le tri des résidus alimentaires peut, dans des
aux cantines de l’AP-HP en passant par McDonald’s, situations particulières, être source de pollution.
Moulinot est partout! Le groupe répond également Cet hiver, l’Agence nationale de sécurité sanitaire
aux appels d’offres des collectivités locales dans le de l’alimentation, de l’environnement et du travail
cadre des marchés publics. Car il va bien falloir, d’ici (Anses) a tiré la sonnette d’alarme: la décomposi-
à 2024, collecter à grande échelle les déchets des tion des sacs «biodégradables» ou «compostables»,
particuliers, des administrations, des établissements dans lequel les Français sont invités à déposer leurs
scolaires et des restaurants pour respecter la loi. déchets, ne serait pas garantie à 100%. «Lors de
LARISIKSTEFANIA/ADOBE STOCK ; S. AUDRAS - L. GRANDGUILLOT/REA

l’épandage d’un compost dans un potager de particulier,


Accompagnement requis par exemple, une contamination de l’environnement
Les Français seront-ils prêts à jouer le jeu ? ou des cultures locales n’est pas exclue», note l’Agence.
Une chose est sûre, ils auront besoin d’être accom- Elle recommande de ne pas mettre de tels sacs
pagnés. «Si l’on veut que les citoyens s’emparent de dans les composteurs. Mathilde Borne précise,
la question, il faudra lancer une vaste campagne toutefois, que cette mise en garde ne concerne que
d’information, car le 1er janvier 2024 va arriver très les bacs de proximité, et non les biodéchets ramassés
vite», prévient Mathilde Borne. «On devra faire par les collectivités territoriales, qui sont traités
de la pédagogie », confirme-t-on au siège des sur de grands sites industriels. Là, le process appli-
Alchimistes. La start-up a déjà lancé une «école qué et la montée en température permettent de
du compostage» en plein cœur de la métropole dégrader le plastique desdits sacs.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 41


SOMMAIRE
44 Changer ses habitudes
46 Les enseignes antigaspi
ont la cote
49 Le vrac peine à s’imposer
52 Distributeurs : entre efforts
et obligations
56 Un label national
57 Responsable à table
59 En milieu scolaire, on peut
mieux faire !
62 Glaner au champ
comme au marché

42 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères
pour vous guider

N ous garnissons parfois nos


caddies, tels des automates,
attirés par des promotions ici,
des formats familiaux là… mais
les denrées concernées peuvent
ensuite rester stockées au fond
de nos placards ou de nos frigos,
car elles n’ont pas été planifiées.
«Quand la valeur (financière,
symbolique…) du produit perçue
par le consommateur est
diminuée (par une promotion…),
cela amène à l’hypothèse
selon laquelle ce produit sera
plus facilement gaspillé», écrit
Guillaume Leborgne, maître
de conférences à l’université
Savoie Mont-Blanc et auteur
d’une thèse sur le sujet. Et si l’on
repensait notre façon de faire
les courses? Au supermarché,
mais aussi dans ces enseignes
antigaspi qui nous promettent
de faire de sacrées économies.
On peut également changer
de comportement au restaurant
ou au bureau, ou encore à
la campagne, en glanant dans
les champs des fruits et légumes
hors calibre ou abîmés. Enfin,
si l’on a des enfants, pourquoi
ne pas s’intéresser aux
menus servis à la cantine?

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 43


Au quotidien

CHANGER SES HABITUDES


Avec l’inflation, les consommateurs évitent de gaspiller et s’intéressent aux promos sur
les produits à dates courtes. Mais les primeurs cabossées n’ont toujours pas la cote.

L
es promotions du type «2 + 1 gratuit», se souvient Thierry Desouches, le porte-parole
proposées par les enseignes de la grande de Système U. Tout cela est bien terminé. Avec
distribution, poussent à la dépense et le retour de l’inflation, la clientèle se rue sur les
engendrent souvent du gaspillage. On démarques «à consommer le jour même». Dans
n’est donc pas obligé de se laisser tenter. En certains hypermarchés, après 11 h, on ne trouve
revanche, inutile de se limiter sur les produits plus aucun aliment frais bradé…
frais à date courte, vendus en moyenne à 30 % Il y a un an, un sondage de l’institut YouGov
moins cher, car c’est une façon de consommer pour la start-up Phenix révélait que 97 % des
malin. Pendant longtemps, les corners antigaspi, Français étaient prêts à acheter des produits à
généralement placés près des caisses, ont rebuté dates limite de consommation (DLC) courtes.
les consommateurs. Ils étaient perçus comme Les acteurs du secteur ont intégré cette donnée,
contenant des aliments de moindre qualité. «À et la lutte contre le gaspillage alimentaire s’affiche
une époque, les supermarchés faisaient du retrait de dorénavant en grand. Certains magasins déploient
produits avec une date limite de consommation à J-5 même d’importantes zones réfrigérées antigaspi,
un argument marketing. C’était un gage de fraîcheur», à l’image du supermarché E.Leclerc de Blagnac
(31). Une voie d’avenir? À condition d’«être certain
de les manger à temps, car les DLC sont souvent
ultracourtes», avertit Barbara Redlingshöfer, cher-
L’AMAP, UN MODE cheuse à l’Institut national de la recherche agro-
DE VENTE VERTUEUX ? nomique (Inrae). Autre bémol, cette manière

S ’abonner à une association pour le maintien d’optimiser la fin de vie des produits détourne
d’une agriculture paysanne (Amap) permet en partie les denrées autrefois destinées aux asso-
de limiter le gaspillage aux champs. En effet, ciations d’aide alimentaire (lire aussi p. 52-55).
en échange d’un panier hebdomadaire de
produits frais et de saison, le consommateur Donner leur chance aux biscornus
s’engage financièrement pour une période Une évolution des habitudes peine, quant à elle,
donnée (entre six mois et un an, en général). à s’installer: l’achat de fruits et légumes cabossés.
Ainsi, l’agriculteur ne fournit que ce qui a été De fait, les Français ont une fâcheuse tendance
commandé ; production et consommation à se détourner des primeurs «mal fichus». Les
sont mieux synchronisées. À une nuance campagnes de communication lancées par le passé
près toutefois : les paniers peuvent comporter n’ont jamais vraiment marché, ni l’opération
des primeurs que l’abonné n’apprécie pas «Fruits et légumes moches» d’Intermarché, ni
forcément, ou qu’il ne sait pas cuisiner. celles des «Gueules cassées» de Nicolas Chabanne
(le fondateur de la marque C’est qui le patron?!).

44 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères pour vous guider

Pourtant, ces végétaux trop petits, parfois biscor- pour certains produits secs dont la date de dura-
nus, sont généralement tout aussi savoureux que bilité minimale est dépassée. L’enseigne propose
ceux de taille standard. L’agroclimatologue Serge aussi à ses clients d’acheter des œufs à l’unité,
Zaka l’assure: «La qualité gustative d’un fruit ou issus de boîtes en contenant des cassés et donc
d’un légume dépend de sa variété et de sa maturité, invendables en l’état. Une autre façon de lutter
pas de son apparence.» S’agirait-il d’un blocage contre le gaspillage… À l’inverse, acheter des fruits
psychologique «spécial supermarché» à surmon- et légumes importés du bout du monde est à
ter? Car après tout, lorsque l’on achète en direct éviter, car plus la chaîne d’approvisionnement
auprès des producteurs, à la ferme ou sur les est longue, plus les risques de pertes au cours du
marchés de plein vent, on ne fait pas la fine bouche transport s’avèrent importants. Enfin, on jettera
devant des produits non calibrés… Et les études toujours moins ce qu’on aura acheté chez un
montrent que ces circuits courts ont la cote. producteur local que dans un supermarché.
Dans le même ordre d’idée, il faudrait davantage Le saviez-vous ? De retour dans les rayons, les
soutenir les denrées donnant une seconde vie pénuries pourraient changer la donne. On les
aux «déchets» de production, comme le marc croyait disparues dans les vestiges du confinement,
de raisin, la mélasse issue de l’industrie sucrière, elles sont revenues de plus belle avec la guerre en
la drêche de bière ou encore la pulpe de cabosse Ukraine et le dérèglement climatique. On s’est
de cacao. Les entreprises qui revalorisent ces même habitué à voir des produits disparaître
«coproduits» les transforment en biscuits, en brutalement des linéaires au gré de l’actualité,
crackers, en nouilles instantanées, en farine, etc. qu’il s’agisse de l’huile de tournesol, de la moutarde
On appelle cela l’upcycling. ou encore du riz. Autrement dit, c’est un peu la
À considérer également: les aliments recondition- fin de la profusion et de l’opulence à tous les étages.
nés par les enseignes. Chez Carrefour, par exemple, Serait-ce alors le moment de questionner notre
ISTOCKPHOTO

les paquets de céréales endommagés sont rem- système alimentaire, qui nous a habitués à avoir
ballés et vendus avec une démarque de 50%. Idem tout sous la main, partout, tout le temps?

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 45


LES ENSEIGNES
ANTIGASPI ONT LA COTE
Nos comportements sont en train de changer… Le succès rencontré
par les pros de la chasse au gâchis, dont les entreprises fleurissent un peu
partout en France, en témoigne. Focus sur trois spécialistes du secteur.

N
ombre de so ciétés prop osent La start-up n’en finit pas de traquer les maillons
aujourd’hui à la vente des fruits et faibles de la chaîne alimentaire. « On travaille
légumes cabossés, des emballages en amont avec les filières pour valoriser des aliments
imparfaits, des aliments à base de qui ne sont pas consommables en l’état », explique
coproduits et des denrées reconditionnées. Ces Charles Lottmann. Ainsi, Nous antigaspi met
circuits de commercialisation offrant des rabais en relation des agriculteurs et des transforma-
significatifs et l’inflation faisant son retour, on teurs afin qu’ils coconstruisent des produits
devrait les voir encore prospérer à l’avenir. parfois distribués sous la marque des seconds.
« L’an dernier, par exemple, des agriculteurs du nord

1
de la France se sont retrouvés avec 7 tonnes de fraises
NOUS ANTIGASPI aux champs. On a conçu un yaourt sur un lit de
Rien ne se perd fraises avec une coopérative laitière du Limousin,
qui a récupéré les fruits surgelés pour en faire un
Les fondateurs de la chaîne d’épiceries Nous anti-
gaspi, Vincent Justin et Charles Lottmann, sont
partis d’un constat: plus de la moitié du gaspillage
alimentaire en France provient du monde agricole
et de l’industrie agroalimentaire – deux acteurs
qui, précisément, peinent à se débarrasser de leurs
invendus. Lancée en Bretagne il y a quatre ans,
leur entreprise s’articule autour d’un concept
simple: commercialiser les aliments ne rentrant
pas dans les standards industriels ou de la grande
distribution. Et qui restent donc à la porte des
entrepôts, comme ces œufs trop petits, ces fruits
et légumes hors calibre, ces fins de série, ces pro-
duits transformés déclassés car présentant un
défaut de poids, de couleur ou d’emballage, etc.
Dans les boutiques Nous antigaspi, il y a peu de
chances de tomber sur des denrées aux dates de
consommation ultracourtes. En revanche, on
trouve des produits non périssables aux durabilités
minimales légèrement dépassées – ce qui, on l’a
vu, ne présente aucun risque pour la santé. Il
arrive aussi qu’il y ait des aliments en grands
formats; cet hiver par exemple, l’enseigne propo-
sait des meules entières de fromage à raclette.

46 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères pour vous guider

produit laitier », poursuit le cofondateur. D’autres


fois, l’entreprise travaille à la valorisation de
« déchets ». Comme avec cet industriel qui reje-
EN DIRECT DES USINES
tait de la pulpe de myrtilles au cours de son
cycle de production primaire pour ne garder D es fabricants vendent des « paniers
antigaspi » issus de leurs usines. Danone
propose ainsi, via l’appli Phenix, des spécialités
que la peau des fruits et en extraire le pigment:
laitières provenant de sa laiterie de Bailleul (59),
Nous antigaspi lui a présenté un producteur
vendues à prix réduit car présentant de petits
de sirop… et les deux ont fait aff aire. Autres
défauts esthétiques. De la même façon,
exemples issus de ces alliances vertueuses: des
les laiteries H. Triballat Rians donnent une
biscuits apéritifs à base de drèche de bière, des
seconde vie à leurs invendus dans les boutiques
barquettes de chutes de truites fumées, de jam- des sites de production, là aussi via Phenix.
bon sec ou de chorizo, etc. On les retrouve en Enfin, le fabricant de friandises Carambar & Co
rayons sous la marque de distributeur. organise chaque année à Bondues (59) des
ventes d’usine qui rencontrent un franc succès.
50 tonnes de produits
sauvés des poubelles
Question prix, les clients des 25 épiceries de la
chaîne bénéficient de remises jusqu’à 50 %. «On de proposer au moins une référence par famille
estime qu’une famille de quatre personnes peut faire de produits et quelques articles de première néces-
jusqu’à 2 000 € d’économies par an», déclare Charles sité (lessive, papier toilette, essuie-tout, etc.).
Lottmann. Par contre, il ne faut pas s’attendre à En moyenne, ce sont 50 tonnes d’aliments que
remplir son cabas avec une liste de courses arrêtée, les magasins Nous antigaspi réussissent à sauver
car les arrivages quotidiens se font au gré des des poubelles chaque mois. Cependant, il reste
opportunités. Les magasins s’efforcent toutefois encore beaucoup à faire pour écouler tous les
surplus des acteurs du secteur… C’est pourquoi
la start-up a passé un accord avec Carrefour,
qui distribue dorénavant la marque Nous anti-
gaspi sous la forme de corners dans une tren-
taine de ses hypermarchés. Objectif : garantir
aux transformateurs suffisamment de volume.
« Ouvrir des magasins dédiés, cela prend du temps.
En attendant, ce partenariat avec Carrefour, c’est
aussi un moyen pour le distributeur de tester le
consommateur, de s’assurer qu’il est prêt à évoluer »,
conclut Charles Lottmann.
Le saviez-vous ? Nous antigaspi est né dans
l’écosystème de la start-up Phenix, qui accom-
pagne les enseignes de la grande distribution
dans la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Les deux fondateurs, Charles Lottmann et
Vincent Justin, se sont rencontrés là-bas.
Progressivement, ils ont volé de leurs propres
ailes, et leurs liens avec l’entreprise portant le
nom de l’oiseau mythique se sont distendus. Par
Nous antigaspi vend dans la force des choses aussi: le succès de Nous anti-
ses épiceries ou en corners gaspi est tel que ses épiceries commencent à
des produits déclassés, hors concurrencer les enseignes de la grande distri-
normes, voire un peu périmés.
bution avec lesquelles collabore Phenix… >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 47


>>
2 WILLY ANTIGASPI
Du bio déstocké
Ce site d’e-commerce a été lancé il y
a un an à peine par Clément Mery et
Jonathan Negrin. Au départ, les deux
entrepreneurs ne s’étaient pas position-
nés sur le gaspillage alimentaire, mais sur
la vente de produits bio à prix réduits, à
travers un site nommé Goodmarche.fr.
«C’est en constatant le succès dispropor-
tionné de notre offre de déstockage que nous avons
eu l’idée de faire évoluer notre modèle», raconte
Clément Mery. Et une nouvelle plateforme est
née, baptisée Willyantigaspi.fr. On y compte
aujourd’hui plus de 500 références alimentaires
du quotidien à prix réduits (- 30 à - 50 %): des UNE BOX BIEN CALIBRÉE
E
produits secs en dates de durabilité courtes, en lles s’appellent Hello Fresh,
surstocks ou qui présentent des défauts d’embal- Qui Toque ou encore Les Commis.
lage ou d’étiquetage. «Notre catalogue se compose Ces start-up proposent, parmi un vaste
uniquement d’articles bios et/ou d’origine France», catalogue, des box culinaires prêtes
précise Clément Mery. La livraison est gratuite à cuisiner accompagnées de fiches
à partir de 30 € de commande sur tout le territoire, recettes. Un bon moyen de se décharger
par Collissimo, en points relais ou en drive à de la contrainte des courses et du manque
l’entrepôt de stockage, à Saint-Ouen (93). d’inspiration… mais aussi une autre
Le saviez-vous ? Spécialisé dans le commerce façon de lutter contre le gaspillage
en ligne de produits bios, le site Greenweez alimentaire. Les ingrédients sont livrés à
s’est lancé à son tour dans l’antigaspi. Depuis domicile dans des quantités précisément
quelques mois, il ajoute gratuitement, dans les calculées en fonction du nombre de
commandes du jour de ses clients, des produits convives. Oubliés, les restes de repas
frais dont la date limite de consommation dont on ne sait plus que faire !
approche (J-1 ou J-2). Pour les identifier, un
sticker «Ouf je suis sauvé» est collé sur l’embal-
lage. «Pour les produits secs abîmés, le principe Hors normes, rebaptisé Bene Bono cet hiver,
est le même, sauf qu’on les donne aux Restos du récupère des denrées auprès de producteurs
cœur d’Évreux», raconte Stéphanie Leonor, res- locaux, qu’il propose ensuite à la vente pour un
ponsable RSE de Greenweez.com. prix jusqu’à 40 % moins élevé qu’en magasin.
Les clients ont le choix entre six formats de

3
paniers, vendus de 11,50 € (pour environ 2 kg)
BENE BONO à 28 € (8 kg). Une fois commandés, ils sont livrés
Un panier économique dans un point relais de proximité, ou à domicile
pour un coût supplémentaire de 5 €. Ils peuvent
Encore une start-up qui sauve du gaspillage des être complétés par des produits d’épicerie aux
fruits et légumes (bios en l’occurrence), soit parce dates de péremption trop courtes, de fins de
qu’ils ne respectent pas les canons de beauté des série ou d’articles victimes de surstocks. Chaque
industriels et des grandes surfaces, soit parce qu’ils semaine, le site fournit l’équivalent de 20 à
n’ont pas trouvé preneurs. Disponible à Lille, 25 tonnes de produits sauvés. Il souhaite main-
Lyon, Marseille et Paris, le service de livraison tenant lancer sa propre gamme.

48 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


LE VRAC PEINE
À S’IMPOSER
La vente en vrac de pâtes, de riz ou encore de céréales peut être vue
comme une solution antigaspi. Elle présente en effet de réels avantages…
mais aussi des inconvénients qui la pénalisent. On fait le point.

L
e vrac permet d’acheter uniquement la frein à un développement plus large: la présence
quantité d’aliments dont on a besoin. En insuffisante des marques. «Les consommateurs
ce sens, ce mode de distribution semble aimeraient trouver en vrac les marques qu’ils ont
idéal pour ne pas gâcher. Sans emballage l’habitude d’acheter emballées», affirme Célia
et conservés dans des contenants réutilisables, les Rennesson, cofondatrice de Réseau Vrac, une
denrées ainsi commercialisées limitent par ailleurs association, créée il y a six ans, qui fédère des
l’impact sur la planète. Pourtant, s’il a connu une acteurs de ce mode de distribution. Un point
forte croissance ces dernières années, le vrac peine compliqué pour les géants de l’industrie agroa-
à s’imposer. Selon une étude menée par limentaire qui ont pris l’habitude de déployer
OpinionWay pour Digi France, seul un Français leurs arguments marketing sur les emballages.
sur cinq achète sans emballage chaque semaine,
tandis que plus d’un tiers déclare ne jamais le Fort enjeu sanitaire
faire. Pour se développer, ce secteur doit donc L’hygiène est aussi un sujet. Il faut dire que les rayons
surmonter plusieurs obstacles. vrac ne sont pas toujours irréprochables. Or, «on
Il y a d’abord les informations délivrées au ne peut pas perdre la confiance du consommateur au
consommateur. C’est peu dire que les étiquettes moment de l’acte d’achat», admet Célia Rennesson.
collées sur les trémies du vrac ne nous apprennent En 2020, la Direction générale de la concurrence,
pas grand-chose ! Toutefois, si le client veut en de la consommation et de la répression des fraudes
savoir plus – d’où vient le produit, jusqu’à quelle (DGCCRF) avait passé au crible cette manière de
date il peut être consommé, quelles sont les commercialiser les denrées. Ses agents voulaient
informations nutritionnelles, le numéro de lot, s’assurer que ses avantages n’étaient pas contreba-
des idées de recettes, des conseils de cuisson, etc. –, lancés par des conditions de mise en vente déloyales,
il peut désormais scanner un QR code. Autre ou susceptibles de comporter un risque pour la >>
PHOTOPQR/LE TELEGRAMME/MAXPPP - P. HIEST

49
>> santé. Ils n’ont pas été déçus! Dans 45% des établis-
sements contrôlés, des manquements ont été consta-
tés. Ils concernaient la gestion des contaminations
croisées par des allergènes, les modalités de net-
toyage des équipements et de stockage des aliments,
la lutte contre les nuisibles ou la conformité des
matériaux utilisés et du tarage des balances (réglage
pour peser le contenu sans le contenant).
À la demande du ministère de l’Économie, Réseau
Vrac travaille à la rédaction d’un guide de bonnes
pratiques d’hygiène. Au programme, notamment,
la question des mites alimentaires, qui ont tendance
à se nicher dans les aliments vendus en vrac, et
encore plus s’ils sont issus de l’agriculture biolo-
gique. «Cela nécessite de contrôler la marchandise de
manière quasi quotidienne, notamment entre avril et
octobre, et de nettoyer en profondeur les bacs jusque
dans les interstices, là où se nichent les œufs de mites», C. WATIER/MAXPPP
reconnaît Didier Onraita, le président de Day by
day, un réseau d’épiceries en franchise.
Le saviez-vous ? La liste des produits interdits
à la vente en vrac pourrait bientôt évoluer. privés d’emballages et de dépenses marketing,
Soucieuse de renforcer la réglementation en la devraient être moins chers. Or, force est de consta-
matière, la DGCCRF a demandé à l’Autorité de ter qu’ils sont souvent plus élevés que l’équivalent
sécurité sanitaire des aliments (Anses) de faire de emballé. «C’est normal. Le vrac ne se résume pas à
nouvelles recommandations. L’agence a jugé «per- un aliment privé d’emballage. C’est un mode de dis-
tinente» la proposition du gouvernement de ne tribution à part entière, qui induit d’importants coûts
pas autoriser ce mode de distribution à des denrées additionnels de manutention et de transport», justifie
très périssables soumises à une date limite de Didier Onraita. Mais, surtout, il s’agit d’un marché
consommation telles que le lait pasteurisé, les peu mature, composé de petits acteurs qui ne
produits d’alimentation infantile, les compléments bénéficient pas encore d’économies d’échelle. Le
alimentaires ou encore les surgelés. positionnement tarifaire varie toutefois selon les
enseignes. Il y a celles pour lesquelles le vrac est
Des tarifs plus élevés un produit d’appel, et qui ne répercutent donc
Enfin, la question du prix reste une barrière. Il pas dessus les coûts additionnels. Et il y a celles
faut dire que c’est encore assez confus. Dans l’esprit qui chargent la barque, misant sur le fait qu’il y
du consommateur, les produits vendus en vrac, aura toujours une clientèle «bobo écolo urbaine»
pour l’acheter, plus sensible aux arguments envi-
ronnementaux qu’au montant de leurs courses.

Convaincre les consommateurs


MOIS DU VRAC Il n’empêche, «lorsque la filière se sera développée
Du 1er au 31 mars 2023 a lieu la deuxième édition plus massivement, il n’y aura aucune raison pour
du Mois du vrac. L’occasion, pour les professionnels que le vrac coûte plus cher », pronostique Célia
du secteur, de faire découvrir ce mode de Rennesson. Encore faut-il qu’il s’impose. Certes,
commercialisation. Au programme: portes ouvertes, ce mode de vente a fait son entrée dans le Code
dégustations, conférences et autres animations. de la consommation à la faveur de la loi Agec
(2020). «Cela a consacré son existence officielle»,

50 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères pour vous guider

DES LABELS SUR LES TRÉMIES


P our répondre aux enjeux de réduction des
emballages, les produits non périssables sous
signes officiels de qualité (AOP, IGP, etc.) doivent
désormais étudier, dans leurs cahiers des charges,
la possibilité d’être vendue en vrac. C’est chose
faite pour le riz de Camargue, dont le logo IGP
peut désormais être apposé sur les trémies.

en effet, d’ici à 2030, les magasins de plus de


400 m2 à dédier au moins 20 % de leur surface
au vrac. Objectif: réduire le recours aux sachets
de plastique à usage unique. La grande distribu-
tion, qui occupe une place prépondérante (50%
du chiffre d’affaires du vrac est réalisé dans ses
rayons), s’y prépare en multipliant les tests.

Les marques nationales se lancent


À Montesson et à Voisins-le-Bretonneux (78),
s’enthousiasme Célia Rennesson. Mais la crise Carrefour a, par exemple, décidé de répondre aux
sanitaire a mis un coup d’arrêt à la forte crois- attentes du consommateur avec une promesse
sance du vrac. Alors que le chiffre d’affaires réalisé claire: «Votre produit préféré moins cher en vrac».
par les épiceries et les rayons spécialisés avait Finies les cachotteries, les prix au kilo des marques
progressé de 40 % entre 2018 et 2019, il a depuis nationale en vrac sont aussi clairement affichés
lors marqué le pas. En 2021, les ventes sont restées qu’ils le sont en rayon. Une vingtaine d’entre elles
stables, à 1,3 milliard d’euros, mais elles devraient a décidé de jouer le jeu, parmi lesquelles Ancel,
revenir sous la barre du milliard pour tomber à Bénénuts, Bjorg, Garofalo, Kit Kat, Michel &
850 millions d’euros en 2022, selon les premières Augustin, M & M’s, Nescafé, Panzani, Tipiak,
estimations de Réseau Vrac. Vahiné, etc. C’est Franprix qui, le premier, avait
Comme beaucoup d’autres modes de consom- lancé un concept de vente en vrac incluant de
mation «responsables» – agriculture biologique, grandes marques, à travers une opération baptisée
circuits courts, etc. –, ce marché souffre actuel- «Les marques toutes nues». Monoprix lui avait
lement de la baisse du pouvoir d’achat des emboîté le pas dans son magasin rénové de Marcq-
Français. Il est encore trop tôt pour savoir si l’on en-Barœul (59). «Elles ont décidé de jouer le jeu.
assiste à un changement profond de comporte- Ça leur permet de répondre à leurs objectifs RSE
ment des consommateurs ou s’il s’agit seulement et d’aller chercher de nouveaux consommateurs»,
d’un ralentissement. Une chose est sûre cepen- se félicite Célia Rennesson. E.Leclerc, pour sa part,
dant: après un développement fulgurant, nombre a préféré miser sur du vrac accessible en y
de boutiques ont jeté l’éponge. Selon Célia déployant sa propre marque Repère.
Rennesson, 135 magasins auraient ainsi baissé Cela dit, ne nous leurrons pas. Quoiqu’il arrive,
le rideau l’année dernière. Pour accélérer le déve- la vente en vrac «ne représentera jamais plus de
loppement de la filière, la cofondatrice de Réseau 20 % de nos courses. Il y a des tas de produits pour
Vrac mise sur l’implication grandissante des lesquels elle est impossible, question d’hygiène
enseignes de la grande distribution, qui vont, – comme le lait ou l’alimentation infantile – ou
quoi qu’il en soit, devoir se conformer au légis- de praticité – comme la bière», reconnaît Didier
lateur. La loi Climat et Résilience (2021) oblige Onraita, de Day by day.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 51


DISTRIBUTEURS: ENTRE
EFFORTS ET OBLIGATIONS
C’est l’une des mesures phares de la loi Garot : interdire à la grande distribution
de rendre ses invendus impropres à la consommation, et lui imposer une
convention de don avec des associations caritatives. Qu’en est-il dans les faits ?

S
ur le papier, l’idée est belle. Les banques car la défiscalisation des dons est plafonnée à
alimentaires, les Restos du cœur, le hauteur de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxe.
Secours populaire ou encore la Croix- Le législateur avait bien prévu des contrôles et
Rouge récupèrent les produits en fin des sanctions mais, de l’avis général, ils s’avèrent
de vie dans les supermarchés pour les distribuer inefficaces, voire carrément inexistants (lire
aux plus démunis. Beaucoup leur donnaient également l’encadré p. 55).
déjà leurs invendus, mais depuis 2016 et la loi
Garot, c’est devenu une obligation pour les Limites de consommation trop courtes
grandes surfaces de plus de 400 m2. En contre- Plus gênant encore: depuis que des start-up spé-
partie, ces dernières sont autorisées, par la loi cialisées aident les magasins à écouler leurs
Coluche de 1988 (du nom du créateur des Restos invendus, les enseignes de la grande distribution
du cœur), à réduire 60 % de la valeur de leurs mettent désormais en œuvre une gestion au
dons de leur assiette fiscale. Une telle mesure cordeau de leurs produits approchant de la date
était censée favoriser l’augmentation des de péremption. Or, une telle évolution remet
volumes de denrées sauvées des poubelles. en question l’esprit de la loi Garot sur le don
Seulement voilà, dans la réalité, la situation alimentaire, tant sur la quantité que sur la qualité
est moins reluisante. D’abord, si les textes sti- des denrées ramassées. En effet, plus un magasin
pulent que les distributeurs sont tenus de signer optimise la fin de vie de ses produits, plus ce
des conventions de dons avec les associations qu’il reste à donner aux associations affiche
d’aide alimentaire, ils ne précisent pas la part une date limite de consommation (DLC) courte.
d’aliments concernés. Or, au-delà d’un certain Au point que ces dernières n’ont parfois même
seuil, des grandes surfaces ont tendance à lever plus le temps de redistribuer les aliments ! Elles
le pied et à ne pas donner tous leurs invendus, se voient alors contraintes de les jeter.
Le décret d’application de la loi Garot est pour-
tant clair: la DLC des produits donnés aux orga-
nismes caritatifs habilités ne doit pas être infé-
rieure à 48 heures. Malheureusement, sur le
LA LOI S’APPLIQUE À TOUS terrain, les membres associatifs observent un

O utre les supermarchés, la loi Egalim, issue des


États généraux de l’alimentation de 2018, a
élargi les dispositions de la loi Garot en matière de
manque de respect de cette limite. «Tôt le matin,
nos bénévoles récupèrent des caisses toutes préparées.
Lorsqu’ils les ouvrent pour faire le tri, il arrive que
don aux acteurs de la restauration collective les dates limites de consommation soient inférieures
et de l’industrie agroalimentaire. Et la loi Agec à deux jours », confirme Laurence Champier,
(loi antigaspillage pour une économie circulaire) directrice générale de la Fédération des banques
l’a étendue aux grossistes dont le chiffre d’affaires alimentaires. Il faut dire que l’équation pour les
annuel est supérieur à 50 millions d’euros. grandes surfaces est compliquée, car un consom-
mateur, lui, va accepter sans rechigner une denrée

52 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères pour vous guider

à consommer le jour même. Il est même prêt, un peu comme leur poubelle.» Ou comment repor-
pour cela, à patienter devant son supermarché ter la responsabilité du gaspillage de la grande
tôt le matin pour profiter de ces bonnes affaires distribution sur les associations… Et on peut
dès l’ouverture des portes… Et cela est encore en dire autant de la gestion des déchets: «Ces
plus vrai depuis le retour d’une inflation galo- denrées finalement jetées par les associations atter-
pante dans notre pays. rissent dans le circuit de gestion des ordures ména-
gères assuré par la collectivité, alors qu’il s’agit
Déclarer ce qui initialement de déchets d’activités économiques»,
est réellement distribué soulignait un rapport d’EY (ex-Ernst & Young),
Théoriquement, les structures d’aide aux per- réalisé en 2019 pour le compte du ministère de
sonnes défavorisées sont censées n’emporter que l’Agriculture. Ces déchets auraient donc dû être
ce qu’elles seront en mesure d’écouler. «Mais, pris en charge par les distributeurs… «C’est pour
dans les faits, elles ne veulent pas se mettre à dos la cela que l’administration fiscale a demandé aux
grande distribution. Donc, elles prennent tout ce qu’on Restos de déclarer les dons réellement distribués.
leur donne, au risque de devoir jeter», constate Elle peut ainsi comparer avec les volumes annoncés
Laurence Gouthière, référente nationale gaspil- par la grande distribution. Car la loi est claire: ne
lage au sein de l’Agence de la transition écolo- doivent être défiscalisés que des produits consom-
gique (Ademe). «Au départ, on acceptait tout, mables», poursuit Thierry Jacques.
confirme Thierry Jacques, responsable bénévole Tout le monde s’accorde à dire que le facteur
du pôle alimentaire des Restos du cœur. On crai- humain est déterminant. «Les directions centrales
gnait que les enseignes n’aillent voir ailleurs. Et puis, des enseignes ne cessent de sensibiliser leur per-
on s’est rendu compte que certaines nous considéraient sonnel à la culture du don», assure la Fédération >>

La grande distribution
a pu parfois considérer
les associations
d’aide alimentaire
comme ses poubelles…
T. SUAREZ/REA

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 53


>> du commerce et de la distribution (FCD). Il
n’y a pas de secret, lorsque les équipes sont
correctement formées et qu’un lien étroit s’éta-
blit entre un distributeur et une association,
cela fonctionne très bien. Même s’il suffit d’un
rien pour gripper le dispositif… De fait, en 2020,
47 % des magasins interrogés indiquaient ne
pas être collectés quotidiennement, alors que
les produits frais constituent un enjeu clé du
gaspillage alimentaire. C’est la raison pour
laquelle certaines enseignes ont choisi de se
faire accompagner par des start-up spécialisées
dans la valorisation des invendus auprès d’asso-
ciations – Comerso, Eqosphere, Linkee, Phenix,
etc. Cela leur permet d’avoir un seul interlo-
cuteur, de faire gagner du temps aux équipes
et de déléguer la gestion des volets sanitaire,
fiscal et administratif du don. «Mais il y a encore
des trous dans la raquette qui, au quotidien, peuvent
générer des couacs opérationnels», admet Pierre-
Yves Pasquier, cofondateur de Comerso.
Les banques alimentaires, elles, ont trouvé la
Certains magasins font parade. Elles s’efforcent, autant qu’elles le
appel à des start-up peuvent, de s’approvisionner directement auprès
pour la gestion des dons. des plateformes logistiques des enseignes, en
récupérant le contenu des camions qui se voient
refuser l’entrée des entrepôts. L’avantage est
double: non seulement les produits sont moins
manipulés et leurs dates limites de consomma-
tion plus longues, mais en outre les banques
alimentaires, plutôt que de faire le tour des
magasins, récupèrent d’un coup de grandes
quantités d’aliments qu’elles peuvent ensuite
transformer. Elles disposent pour cela d’une
vingtaine d’ateliers répartis dans toute la France,
où des chefs confectionnent des plats cuisinés
diversifiés et équilibrés à destination de centres
d’hébergement et d’épiceries solidaires.
Le saviez-vous ? Publié au printemps 2022,
le baromètre de la start-up antigaspi Phenix
montre que les rayons en libre-service des
supermarchés les plus touchés par le gaspillage
alimentaire sont, dans l’ordre, la boucherie, la
volaille, les produits de la mer, la charcuterie
et la boulangerie, devant les fruits et légumes.
En cause ? La fragilité de ces denrées, mais
également leur assortiment très abondant, afin
de satisfaire l’exigence de large choix du

54 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères pour vous guider

consommateur. Certains magasins préfèrent de généraliser l’obligation de fournir des bilans


en effet «jouer la casse» plutôt que courir le chiffrés sur le gaspillage alimentaire, afin de
risque de perdre un client non satisfait. rendre compte des progrès réalisés. De son côté,
pour faire un état des lieux complet, l’Ademe a
Moins de dons aux associations lancé une vaste étude sur la qualité du don. Elle
Depuis que les enseignes optimisent la fin de doit rendre ses conclusions prochainement.
vie de leurs produits, les dons aux associations En attendant, certains s’interrogent sur les tensions
caritatives ont tendance à se raréfier. Au siège à l’œuvre dans le dispositif du don. Et si l’on
de la Fédération des banques alimentaires, arrêtait de lier l’aide alimentaire et les invendus?
Laurence Champier le dit: «Nous récupérons moins Car après tout, on l’a vu précédemment, ces deux
de dons depuis que la grande distribution maîtrise enjeux répondent à des logiques radicalement
mieux sa chaîne logistique. Ils ne représentent plus différentes et qui s’affrontent. Les associations
aujourd’hui que 37,4 % de nos approvisionnements, ont pour mission de lutter contre la précarité
contre 44 % il y a trois ans.» Même constat du alimentaire; les enseignes, quant à elles, consi-
côté des Restos du cœur, où la ramasse a baissé dèrent le don comme un moyen d’écouler leurs
de 20 % entre 2020 et 2021. «Avec nos actions de invendus tout en répondant à des engagements
lutte contre le gaspillage alimentaire, les dons des de lutte contre le gaspillage alimentaire. Elles ne
enseignes aux associations sont passés de 180 millions visent donc pas les besoins nutritionnels des plus
de repas en 2018 à 130 millions en 2020, admet défavorisés… Faire du don un acte de solidarité
Émilie Tafournel, directrice qualité de la FCD. à part entière permettrait aussi de ne pas aider
Mais nous restons les premiers donateurs.» indirectement, avec nos impôts, la grande distri-
Cette évolution s’avère assez dramatique pour bution à se débarrasser de ses invendus.
les associations au moment où le nombre de Le saviez-vous ? Les distributeurs ne peuvent
bénéficiaires de l’aide augmente. «Ils ont progressé pas tendre vers le zéro gaspi. En effet, ils ne sont
de 10 % pendant les deux années Covid. À tel point pas autorisés à donner des aliments jugés «sen-
que nous nous sommes mis à acheter de la nourriture sibles», c’est-à-dire susceptibles de ne pas survivre
pour compléter les approvisionnements», témoigne à la collecte, au transport et à la redistribution
Laurence Champier. Fort de ce constat, le député aux associations. Il s’agit notamment de la viande
Guillaume Garot a porté, en 2021, une propo- hachée et de celle qui n’est pas préemballée, des
sition de loi «pour une nouvelle étape contre produits de la mer, mais aussi des pâtisseries à
le gaspillage alimentaire». Il s’agissait de rendre base de crème pâtissière, de chantilly, etc. Par
effectif, par des procédures, le suivi et le contrôle contre, ils peuvent être vendus en date courte en
de la qualité des invendus donnés, mais aussi magasin, ou via des applis antigaspi.

À QUAND UNE POLICE DU GASPILLAGE ?


L a loi Garot avait prévu
des sanctions en cas de
non-respect de ses dispositions.
une vraie police du gaspillage,
les enseignes n’auront pas
peur du gendarme», assure
E.Leclerc dans les Landes.
Bilan: des tas de produits frais
arrivés le jour même à la date
Elles ont été renforcées par la loi Jean Moreau, cofondateur limite de consommation,
Agec, pour atteindre jusqu’à de la start-up Phenix, spécialisée donc encore mangeables…
0,1 % du chiffre d’affaires. Encore dans la lutte contre le gaspillage. «Les supermarchés continuent
faut-il que des contrôles soient En 2019, l’avocat Arash à ne pas jouer le jeu
réalisés… «Personne n’a jamais Derambarsh avait fait constater et à ne pas appliquer la loi»,
été pris le doigt dans le pot de par huissier le contenu des avait alors dénoncé l’avocat,
confiture. Tant qu’il n’y aura pas poubelles d’un hypermarché avant de porter plainte.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 55


UN LABEL NATIONAL
Afin d’orienter nos choix et de nous guider dans la jungle des promesses,
le législateur a créé un label antigaspi, qui doit voir le jour début 2023.
Les enseignes de la grande distribution s’en empareront-elles ?

D
estiné à valoriser les initiatives vertueuses
en matière de réduction du gaspillage
alimentaire, un label national dédié sera
lancé début 2023. «Les coauteurs du réfé-
rentiel ont défini trois niveaux d’engagement, afin de
faire la distinction entre ceux qui ont commencé à lancer
une démarche, ceux qui ont mis en place des indicateurs
solides et ceux qui sont engagés de manière pérenne»,
souligne Sandrine Espeillac, responsable du pôle
agroalimentaire de l’Association française de nor-
malisation (Afnor). Comme toute certification, le
label antigaspi a été construit de manière à être
suffisamment exigeant pour devenir valorisant,
mais pas trop quand même, afin de convaincre un
maximum d’entreprises d’y adhérer. Celles de la
grande distribution sont invitées à s’en emparer
en premier. Normal, il ne leur reste que deux ans
pour atteindre les objectifs assignés par le législateur, Un label spécifique peut aider les
soit 50 % de gaspillage en moins d’ici à 2025 par distributeurs à trouver des solutions
rapport à 2015. La démarche sera volontaire, chaque de réduction du gaspillage.
directeur étant libre de labelliser ou non son maga-
sin. À chaque fois, trois domaines d’action seront
passés au crible par les auditeurs: la politique On le voit, la normalisation ne va pas de soi pour
d’approvisionnement, la commercialisation et la tout le monde. S’ils souhaitent s’en prévaloir, les
gestion des invendus et des dons. magasins devront être audités par des organismes
certificateurs agréés par le ministère de la Transition
Une adhésion non garantie écologique, lesquels auront pour mission de
«Un label, c’est structurant. Certaines enseignes peuvent s’assurer du respect des objectifs fixés dans le cahier
s’en saisir pour mobiliser leur chaîne de direction, changer des charges du label, notamment en matière de
de modèle et embarquer tout le monde dans l’entreprise», résultats et de moyens mis en œuvre. Ce qui
veut croire Sandrine Espeillac. « La démarche est inté- revient, pour les commerçants, à jouer carte sur
ressante, mais le coût associé à la certification pourra être table et à rendre publiques des données qu’ils
déterminant dans l’adhésion à ce dispositif», tempère considèrent généralement comme confiden-
la Fédération du commerce et de la distribution. «La tielles… en particulier celles sur la réalité du
lutte contre le gaspillage alimentaire ne doit pas être gaspillage. Le moins que l’on puisse dire, c’est que
vécue comme une contrainte et un processus, mais comme cela n’est pas vraiment dans leurs habitudes !
un engagement des collaborateurs. Il faut leur faire «Pendant les discussions sur la définition des réfé-
J.-C. MOSCHETTI/REA

confiance pour trouver les solutions adaptées aux situations rentiels, la grande distribution n’a cessé de faire un
de terrain, en cultivant l’autonomie», estime pour sa pas en avant et trois pas en arrière», confirme l’un
part Matthieu Riché, responsable RSE de Casino. des participants. Affaire à suivre, donc.

56 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères pour vous guider

Au menu
RESPONSABLE À TABLE
Que ce soit au bistrot du coin ou à la cantine, nous pouvons tous
adopter certains gestes afin de réduire le gaspillage alimentaire.

AU RESTAURANT, Green Food, etc. – ont déboulé sur la scène gas-

LES BONS RÉFLEXES tronomique. Parmi eux, seul Framheim, créé en


2017, labellise les restaurants spécifiquement
Il faut commencer par jeter un coup d’œil sur les engagés dans la lutte contre le gaspillage alimen-
assiettes des voisins, histoire de se faire une idée taire. Tout est passé au crible : la durabilité de
du volume des plats principaux avant de comman- l’approvisionnement, les initiatives prises pour
der une entrée. De plus en plus de restaurants écouler les invendus, le tri et la valorisation des
proposent à leur carte deux tailles pour certains déchets, mais aussi la taille des portions et la lon-
mets; idéal si l’on n’a qu’une petite faim ou un gueur de la carte. Le label Ecotable, quant à lui,
appétit d’oiseau. Et mieux vaut cacher sa déception prend en compte le gaspillage alimentaire parmi
si un mets n’est plus disponible. Cela signifie, la d’autres critères de durabilité. Créée en 2019,
plupart du temps, que la cuisine du restaurant est la start-up qui l’a conçu élabore sa certification >>
faite maison, au jour le jour.

Chacun a un rôle à jouer


De leur côté, les chefs peuvent actionner ce que
Luc Dubanchet, directeur de Sirha Food chez
GL events, appelle la « convergence des cartes ».
Autrement dit, concevoir un menu du jour à partir
des plats à la carte, ou encore recycler un même
aliment dans différentes recettes. «Si l’on sert une
langouste un jour, on peut faire une bisque le lendemain.
Cela demande une certaine agilité, mais c’est la garantie
de ne pas se retrouver avec de la marchandise sur les
bras quand tout n’est pas parti dès le jour J», décrypte-
t-il. En tant que client, préférons les établissements
qui ne se contentent pas de denrées commandées
par téléphone à des grossistes et travaillent en direct
avec des producteurs. Les cuisiniers y seront en effet
sûrement moins tentés de jeter ce qu’ils ont acheté
à des maraîchers ou des éleveurs qu’ils connaissent.
«On assiste à une réappropriation du produit par les
restaurateurs», affirme d’ailleurs Luc Dubanchet.
Pour identifier les restaurants aux démarches Il est aujourd’hui possible
écoresponsables, une série de labels – Ecotable,
de choisir un restaurant
labellisé écoresponsable.
Etiquettable, Food Index For Good, Framheim,

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 57


>> avec trois niveaux d’engagement, à la manière Si vous n’avez pas très faim, n’hésitez pas non
des étoiles du guide Michelin: de la «transition plus à le signaler à la personne qui vous sert,
écologique entamée» à l’«exemplaire» en passant afin qu’elle adapte la portion à votre appétit.
par la «démarche avancée». C’est toujours mieux que de la laisser trop rem-
Rappelons néanmoins qu’il s’agit là d’initiatives plir l’assiette par défaut…
privées: elles ne sont pas adossées à un cahier
des charges transparent, validé par les pouvoirs Des expérimentations au menu
publics et audité par un organisme indépendant, En quantité, le pain n’est pas la composante la
comme c’est le cas avec les sigles officiels de qua- plus importante du gaspillage, mais il possède
lité. Un tel label national antigaspi vient bien une charge symbolique extrêmement forte, et
d’être conçu, mais il ne concerne pas encore les constitue par conséquent un excellent levier de
restaurateurs (lire également p. 56). Cela dit, ces sensibilisation. Le cabinet de conseil Mazars,
diverses démarches ont au moins le mérite de qui a réduit de moitié, en 2021, la quantité de
faire évoluer les pratiques d’une profession tra- nourriture jetée, n’a pas hésité à diviser par deux
ditionnellement résistante au changement. la taille des pains mis à la disposition de ses
Le saviez-vous ? Depuis le 1er juillet 2021, les salariés à la cantine. Autre astuce: placer le pain
restaurateurs sont tenus de permettre à leurs en fin de cheminement du self, plutôt qu’au
clients qui en font la demande de repartir avec début, afin que les convives adaptent leur
le contenu de leur assiette emballé s’ils ne l’ont consommation au menu choisi.
pas vidée. C’est le fameux doggy bag, courant Certaines entreprises mettent également à la
depuis longtemps déjà dans les pays anglo-saxons. disposition de leurs salariés des frigos connectés
Seul hic, les contenants en plastique à usage disponibles à toute heure. Le vendredi, les pro-
unique sont encore trop souvent utilisés… duits peuvent être proposés à moitié prix, et
les invendus redistribués à des associations
d’aide alimentaire. D’autres organisent des
AU TRAVAIL, PRATIQUES journées de team building autour de la sensibi-
ET HABITUDES À CHANGER lisation au gaspillage alimentaire. Au pro-
gramme: ateliers avec des chefs spécialisés en
Au déjeuner comme à la pause-café, il est possible zéro déchet, conférences courtes et ludiques,
de limiter le gaspillage alimentaire sur son lieu quiz et astuces pour moins gaspiller au quoti-
de travail. Selon l’Agence de la transition écolo- dien… Des modules qui s’intègrent très bien
gique (Ademe), dans les restaurants d’entreprises, dans les politiques de responsabilité sociétale
le gâchis représente en moyenne 95 g d’aliments et environnementale (RSE) des sociétés.
par convive et par jour. Certes, c’est assez peu,
comparé aux cantines scolaires (110 g) et aux
établissements de santé (160 g), mais cela reste
beaucoup trop ! En 2018, l’Ademe avait réalisé
un diagnostic inédit, en auditant le service res- BIENVENUE DANS
tauration de cinq grandes sociétés du quartier MON ÉQUIPE DÉJEUNER…
S
d’affaires de La Défense, près de Paris, réunissant i votre société ne dispose pas d’un
quelque 180 000 salariés. Le bilan n’était pas restaurant d’entreprise, vous pouvez
fameux: entre 6 et 9 tonnes de nourriture encore former une équipe déjeuner avec
consommable jetées à la poubelle ! quelques collègues. L’idée ? Chacun
Si les employés ne peuvent guère agir sur ce qui prépare, à tour de rôle, un plat à partager.
se trame dans les cuisines, ils ont, en revanche, La pause repas reprend de la valeur,
la possibilité d’adapter leur comportement. «Au et il y a bien moins de risque
self, ne surchargez pas votre plateau, car l’appétit que les restes finissent à la poubelle!
évolue au cours du repas», rappelle ainsi l’Ademe.

58 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères pour vous guider

EN MILIEU SCOLAIRE,
ON PEUT MIEUX FAIRE !
À l’école, des actions antigaspi sont possibles à chaque étape, du choix
des menus au retour des plateaux des élèves en passant par la commande
des produits et la préparation des repas. Présentation en cinq points.

P
our contribuer à la réduction du gâchis majeur sur la réduction du gaspillage à la source»,
alimentaire, on peut demander à assister, note le dernier rapport de l’Observatoire national
si on est parent d’élève, aux «commissions de la restauration collective.
menus» de la caisse des écoles, où siègent La loi Climat et Résilience (2021) a prévu, à titre
des représentants de la mairie, des parents délégués expérimental pour trois ans, la mise en œuvre
et des animateurs. C’est l’occasion d’interagir et d’un dispositif de réservation de repas. Le but: que
de sensibiliser tous les acteurs présents à l’em- les gestionnaires de restauration collective puissent
preinte écologique du gaspillage. Ou, dans l’autre commander les quantités de denrées adéquates et >>
sens, de faire de la pédagogie en direction des
parents, en leur expliquant les changements opérés
à la cantine et en les impliquant dans la démarche.
Il est aussi possible de partir à la rencontre des
élus locaux, et de les questionner sur les pratiques
antigaspi mises en place dans les écoles de la col-
lectivité. Là où ça n’existe pas, des groupes peuvent
se créer pour défricher et débattre. Bref, il s’agit
de faire appel à l’intelligence collective pour atté-
nuer en partie les surcoûts liés au gaspillage, alors
que les tarifs des repas ne sont pas près de baisser
vu la hausse des prix des matières premières et
de l’énergie. Voici cinq leviers à actionner.

1 AMÉLIORER LA GESTION
PRÉVISIONNELLE
En France, trois enfants sur quatre, soit près de
9 millions d’élèves, mangent à l’école au moins
une fois par semaine. Mieux vaut, dans ces condi-
tions, connaître à l’avance le nombre de ceux qui
fréquenteront réellement la cantine chaque jour
(même s’ils sont inscrits en demi-pension toute
la semaine toute l’année). Parents, sachez-le, la
solution est de prévenir le plus tôt possible de
l’absence de ses enfants le midi! Ce levier n’appa-
C. SITTLER/REA

raît que très peu dans les actions mises en œuvre


en milieu scolaire, «alors qu’il peut avoir un impact

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 59


>>
ALIMENTS IRRÉCUPÉRABLES
L a lutte contre le gaspillage à la cantine est
d’autant plus importante que les règles
d’hygiène de la restauration collective empêchent
de redistribuer à des associations la majorité
des denrées non consommées. «C’est simple,
dès qu’un aliment est présenté aux convives, il n’est
plus récupérable – à l’exception des produits
non frais et encore emballés, comme les compotes
de fruits, après avoir été désinfectés», explique
Anne Tison, directrice d’Excellents Excédents.
Son entreprise, qui collecte des repas de cantine
pour les redistribuer aux associations d’aide
alimentaire (Restos du cœur, Armée du Salut, etc.),
a donc choisi de s’approvisionner «en amont,
directement auprès des cuisines centrales, pour
distribuées. De l’avis général, c’est plus facile à
récupérer des plats préconditionnés en barquette
mettre en place dans les petites cantines, où la
ou des productions stockées au frais ».
cuisine est intégrée et le personnel connaît mieux
les habitudes des enfants, que dans les très grands
selfs ravitaillés par des cuisines centrales. Mais de
>> proposer un nombre de repas calculé au plus juste. plus en plus d’établissements scolaires s’y mettent,
Divers systèmes sont expérimentés, plus ou moins et réduisent leurs déchets grâce à de petits «outils».
souples. Ainsi, quand certaines collectivités per- Ainsi, dans certains collèges et lycées, il est possible
mettent aux parents d’annuler ou de réserver de déposer sur son plateau une pastille de couleur
jusqu’à 9h30 le jour même, d’autres n’acceptent différente selon que l’on a une grosse ou une
plus de modifications à partir du mercredi de la petite faim. Dans d’autres, ce sont des bars à salades
semaine précédente (le repas étant dû ensuite). qui ont été instaurés, pour que les convives choi-
Dans tous les cas, «il faudrait faire davantage pour sissent eux-mêmes la quantité de crudités dont
que les parents comprennent comment fonctionne la ils ont envie et deviennent ainsi davantage acteurs
restauration scolaire, estime Christophe Hébert, de leur consommation.
président de l’Association nationale des directeurs

3
de la restauration collective (Agores). Les commandes
sont en général passées 10 jours avant.» COMBATTRE LES A PRIORI
ET ÉDUQUER AU GOÛT

2 ADAPTER
LES QUANTITÉS
C’est une initiative efficace pour minimiser les
C’est bien connu, il y a des plats qui génèrent plus
de gaspillage que d’autres. Mais beaucoup d’idées
fausses circulent également sur ce que nos têtes
blondes aiment manger… Des établissements ont
restes dans l’assiette: ajuster les doses servies en recours à des caméras qui, grâce à une technologie
fonction de l’âge et de l’appétit des élèves – tout 3D, identifient et quantifient la nourriture laissée
en respectant, bien sûr, l’équilibre alimentaire. sur le plateau. Les données sont ensuite agrégées
Quitte à ce que ceux qui ont encore faim puissent dans un tableau de bord. «Les résultats réservent
aller chercher du rab. Forcément, un tel service bien des surprises. On réalise à quel point les chefs
demande de l’anticipation de la part des gestion- ont des a priori sur ce que les convives apprécient.
naires de restauration, qui doivent revoir les gram- Ça permet de déconstruire quelques idées reçues»,
mages de leurs commandes ainsi que les portions assure Julien Claudel, du collectif Un Plus Bio.

60 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères pour vous guider

maîtrisée de cette mesure augmente les risques


nutritionnels et sanitaires, ainsi que le gaspillage.
En cause: le recours important à des produits
industriels certes sans viande ni poisson, mais
ultratransformés et contenant de nombreux addi-
tifs; l’élaboration de menus à partir de soja, «une
source de composés soupçonnés d’être des perturba-
teurs endocriniens»; et, enfin, la «non-maîtrise»
de la préparation des plats végétariens, qui occa-
sionne de grandes pertes.
Illustration à l’automne dernier, dans un collège
parisien cochant, sur le papier, toutes les cases: le
Les enfants sont prêts à découvrir chef y confectionne les repas sur place, avec des
de nouvelles saveurs et à faire produits en partie frais et bios, et dispose d’une
des efforts… si on les guide !
table de tri pour collecter et valoriser les restes.
Sauf que le jour où nous nous y rendons, la quasi-
Évidemment, il convient d’accompagner les totalité du plat principal végétarien servi aux
enfants dans leur découverte de saveurs différentes. 300 élèves finit à la poubelle: les lentilles vertes,
Mais s’obstiner à leur servir régulièrement et en cuisinées avec du potimarron et des tomates, étaient
grande quantité des plats qu’ils n’apprécient pas insuffisamment cuites et à peine assaisonnées. Un
ne fait que remplir les poubelles des écoles! exemple qui pose la question de la formation des
chefs cuisiniers. Selon l’UFC-Que Choisir, «79 %

4
d’entre eux reconnaissent ne pas maîtriser les tech-
PROPOSER UN MENU niques de la cuisine végétarienne».
VÉGÉTARIEN SAVOUREUX
Depuis un peu plus d’un an, les écoles ont l’obli-
gation de proposer aux élèves un menu végétarien
une fois par semaine. C’est un levier de la transition
alimentaire. Toutefois, selon l’UFC-Que Choisir,
5 SENSIBILISER
AU GASPILLAGE
On n’imagine pas à quel point les actions de
qui a analysé 800 menus, la mise en œuvre non sensibilisation aux aliments portent leurs fruits
auprès des enfants. Lorsque des agriculteurs ou
des producteurs interviennent dans les écoles,
l’effet est immédiat. Car un jeune élève qui peut
mettre un visage derrière une pomme, un fro-
SURCOÛT COMPENSÉ mage ou un morceau de pain, va attribuer ins-

P our en finir avec la malbouffe dans tantanément à ces aliments de la valeur. Il lui
les cantines, la loi Egalim, issue des sera ainsi plus difficile de les traiter ensuite
États généraux de l’alimentation, impose comme de vulgaires ordures. Dans le même ordre
de mettre dans l’assiette des enfants d’idée, certains établissements trient et pèsent
plus de produits locaux et sous signes les déchets organiques à la fin du service, avant
de qualité (50%, dont 20% de bios). d’afficher les résultats. Cela permet de quantifier
Objectif: leur fournir une alimentation le gaspillage alimentaire et de sensibiliser les
«saine, de qualité et durable». Certes, cela enfants qui, dès lors, s’engagent dans une
fait monter le coût «matières» des repas, démarche de progrès. Autre astuce pédagogique:
mais il a été démontré que la réduction empiler, dans un container transparent, placé
S. AUDRAS/REA

du gaspillage compensait ce surcoût. bien en vue, les restes de pain jetés, afin que tous
visualisent l’ampleur de ce qu’ils gâchent.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 61


GLANER AU CHAMP
COMME AU MARCHÉ
Produits en surplus ou non conformes aux standards de la grande distribution
et de l’industrie agroalimentaire, trop de fruits et légumes sont laissés
au champ, faute de bras pour les ramasser. Et si nous allions les glaner?

L
e glanage est un usage ancestral, autrefois encadrant cette pratique. L’article 131-13 du
très répandu dans les campagnes. «À Code pénal établit de fait un barème des contra-
l’origine, c’était une pratique individuelle ventions pour ceux qui ne les respecteraient
ou familiale consistant à ramasser les épis pas. Dit autrement, le glanage des fruits et
de blé restés au champ après le passage des mois- légumes est autorisé de jour, après le passage
sonneurs», lit-on dans Marketing et pauvreté - Être des machines agricoles, à la vue de tout le monde,
pauvre dans la société de consommation, un à la main et dans des quantités somme toute
ouvrage coordonné par Éva Delacroix et Hélène limitées. À noter qu’il est interdit sur un terrain
Gorge (EMS, 2017). Le célèbre tableau du peintre clôturé, et qu’une commune peut très bien avoir
Jean-François Millet, Des glaneuses (1857), repré- banni sa pratique par un arrêté municipal.
sentant des femmes, le dos cassé, en train de «Aussi, et afin d’éviter la naissance de conflit, il est
ramasser un à un les épis de blé négligés au sol conseillé de se rapprocher au préalable du proprié-
avant le coucher du soleil, en offre une parfaite taire du terrain, notamment pour vérifier que la
illustration. L’activité a certes évolué, mais l’idée récolte est bien achevée», poursuivait le ministère.
demeure bel et bien la même. La réalisatrice Et que le glanage y est bien permis.
Agnès Varda le montre d’ailleurs à travers une Le saviez-vous ? La cueillette des mûres dans
série de portraits de personnes s’adonnant au les haies, le long des routes ou des chemins, est
glanage, par nécessité, hasard ou choix, autorisée lorsque ces haies se trouvent dans le
dans son documentaire Les glaneurs domaine public. Mais il est interdit de pénétrer
et la glaneuse (2000). dans un champ pour les cueillir, sauf à obtenir
l’autorisation du propriétaire. De même dans les
Rester dans les clous vignes: après les vendanges, il arrive que de nom-
Mais quelles précautions doit- breuses grappes de raisins soient laissées au sol,
on prendre avant de s’aven- mais mieux vaut demander l’accord du domaine
turer dans les champs ? En avant de les ramasser, par précaution.
1554, « le droit de glaner est
autorisé aux pauvres, aux mal- Une activité solidaire
heureux, aux gens défavorisés, aux La pratique du glanage, un temps tombée en
personnes âgées, aux estropiés et désuétude, a visiblement retrouvé un second
aux petits enfants», stipule un édit souffle. Elle peut prendre différentes formes:
CANECORSO/ADOBESTOCK - P. GLEIZES/REA

royal. Il a, depuis, connu quelques «Certaines personnes glanent pour répondre à des
adaptations. «Le glanage est autorisé après besoins alimentaires (les leurs ou ceux de bénéfi-
récolte, en journée, et lorsqu’il est réalisé sans outil, ciaires), d’autres pour mener des actions sociales,
sauf arrêté municipal contraire», a expliqué en pédagogiques et militantes», peut-on lire sur le
2017 le ministère de l’Agriculture à l’Assemblée site de la Fédération nationale de l’environne-
nationale, en réponse à une question d’un ment. Il n’est plus rare, en effet, de voir des gens
député qui s’interrogeait sur les règles précises récupérer des pommes de terre, des carottes ou

62 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Des repères pour vous guider

Le glanage est toujours


autorisé par la loi sous
certaines conditions.

des légumes déclassés dans les champs après le de bénévoles de La tente des glaneurs récupère,
passage des machines. Le glanage solidaire s’est tous les dimanches matin, les invendus du mar-
tout particulièrement développé. Il représente ché Saint-Pierre afin de les redistribuer à des
en effet une solution pertinente pour lutter contre personnes en difficulté. À Paris, plusieurs asso-
le gaspillage alimentaire, et un axe de travail pour ciations mettent en place des actions de glanage
de nombreuses associations. De quoi s’agit-il ? quand sonne la fin des marchés; c’est le cas
De bénévoles qui viennent ramasser les fruits et notamment de Moissons solidaires et du
légumes laissés aux champs pour ensuite les redis- Chaînon manquant, qui sauvent des poubelles
tribuer via des organismes d’aide alimentaire, des tonnes de fruits et légumes pour les plus
telles que le Secours populaire ou les banques démunis. Un bon moyen de lutter contre le
alimentaires. La pratique est alors souvent enca- gaspillage tout en créant du lien social…
drée par une convention établie avec le producteur
et l’organisme en charge du glanage.
Par ailleurs, il est de tradition, en ville, de laisser
les «glaneurs» récupérer les fruits et légumes
abandonnés par les commerçants ambulants à LEXIQUE À CONNAÎTRE
chaque fin de marché de plein air. Ce ramassage Si le glanage est toléré, le fait de récupérer, après
peut parfois être pris en charge par des associa- maraudage, grappillage récolte, ce qu’il reste
tions (le phénomène se développe de plus en et râtelage sont, eux, sur les arbres fruitiers ou
plus). Comme à Rennes, sur le marché des Lices: illicites. Le maraudage ceps de vigne et qui est
à l’initiative de plusieurs structures caritatives, consiste à voler des fruits susceptible de constituer
le stand des Glaneurs rennais y centralise les et légumes cultivés une seconde récolte.
denrées abîmées et les invendus, afin que le fruit quand ils ne sont pas Enfin, le râtelage est
du glanage soit rendu accessible au plus grand détachés du sol. l’usage d’un râteau pour
nombre, sans qu’il y ait besoin de jouer des Le grappillage, lui, est récupérer les denrées.
coudes. À Caen, voilà 10 ans que la quinzaine

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 63


SOMMAIRE
66 Notre sélection
d’applis
73 L’apport
de l’électroménager
76 La recherche
en pleine ébullition

64 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


La technologie
Gadget ou révolution ?

L
a technologie appliquée
au domaine alimentaire
(food tech) se veut une
alliée de taille dans la lutte contre
le gaspillage. Le secteur regorge
de start-up qui nous promettent
d’apporter des solutions
concrètes en la matière.
Certaines misent sur des
applications mobiles pour sauver
des poubelles les invendus
des magasins. D’autres, sur
de l’électroménager innovant,
pour nous aider à moins gâcher
à la maison (réfrigérateurs
connectés, machines de mise
sous vide, déshydrateurs,
stérilisateurs, extracteurs
de jus…). D’autres encore font
de la recherche et expérimentent
leurs idées en laboratoire,
notamment en ce qui concerne
la conservation des aliments:
emballages actifs et intelligents,
procédés d’extraction et
de valorisation des coproduits,
optimisation des stocks
via l’intelligence artificielle…
Des propositions efficaces?

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 65


Les applis
NOTRE SÉLECTION
Le nombre d’applications mobiles antigaspi
alimentaire a explosé. Petit tour d’horizon
de ce qui vous est proposé sur le marché.

A
vec elles, en quelques clics, on devient
les rois du zéro déchet ! Il y a les
applications qui mettent en relation
consommateurs et commerçants
(supermarchés, épiceries de quartier, boulange-
ries, boucheries, restaurants…) pour écouler les
aliments qui n’ont pas trouvé preneur; celles Mieux acheter, mieux stocker ou encore
dédiées à l’art d’accommoder les restes quand aider les plus démunis… Pour tout cela,
il existe aujourd’hui une application.
on se trouve à court d’idées; celles qui aident
les particuliers à bien utiliser le contenu de leurs
placards et frigo au rythme des dates de péremp- alentours de 4 € – la réservation et le paiement
tion; enfin, il y a celles qui permettent de réserver se faisant directement sur l’application. Avec
sa place à la cantine, pour une meilleure gestion quelque 13 millions d’utilisateurs et actuellement
des commandes et des repas produits. Ces applis 40000 commerçants partenaires (indépendants
peuvent devenir des boussoles pour consommer et grandes enseignes), Too Good To Go a connu
malin… à condition de bien s’en servir. une croissance éclair. L’entreprise dit avoir sauvé,
depuis son lancement dans l’Hexagone, 47 mil-
lions de paniers. L’année dernière, elle a décidé
Too Good To Go d’intervenir plus en amont dans la chaîne ali-
● Gratuite ● sur OS et Android mentaire. Elle a pour cela racheté CodaBene, une
Fondée au Danemark en 2015 par Lucie Basch start-up spécialisée dans la gestion digitalisée des
et lancée en France l’année suivante, Too Good dates de péremption. Grâce à un logiciel, elle
To Go (TGTG) est aujourd’hui présente dans traque, dans les rayons de la grande distribution,
15 pays à travers l’Europe, ainsi qu’aux États-Unis les produits dont la limite de consommation
et au Canada. Elle propose aux particuliers les approche, et peut ensuite proposer aux gérants
invendus du jour de commerçants partenaires à des magasins la meilleure solution possible pour
prix réduits. Le principe est simple: une fois télé- éviter qu’ils ne terminent à la poubelle: promos,
chargée sur votre smartphone, l’appli vous indique dons aux associations ou paniers antigaspi. Sarah
où acheter des paniers «surprise» à proximité Chouraqui, directrice générale de Too Good To Go
(dans des hôtels, des supermarchés, des boulan- France, s’en explique: «On croit à la complémentarité
geries, des restaurants, etc.). D’une valeur de des solutions. On veut apporter une réponse holistique,
12 € en moyenne, ils sont commercialisés aux et devenir leader de la lutte antigaspi.»

66 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


La technologie, gadget ou révolution ?

La plus connue du grand public est


Notre bien plus qu’une appli. L’ambition de
avis
la fondatrice de Too Good To Go est de
DES OUTILS POUR
transformer la société en profondeur, en sensibili- FAIRE DE LA PÉDAGOGIE
sant tous les acteurs – des ménages aux entreprises –
à la lutte contre le gaspillage (lire aussi l’encadré
ci-contre). Et d’agir sur les politiques publiques
D epuis 2020, Lucie Basch,
la fondatrice charismatique de
Too Good to Go, porte le Pacte sur
pour bâtir un système alimentaire durable. les dates de consommation, signé
par une soixantaine d’acteurs
de la filière alimentaire.
Phenix Elle a aussi poussé
● Gratuite ● sur OS et Android au développement
C’est un peu le chemin inverse qu’a emprunté d’un pictogramme
Phenix, autre acteur majeur du secteur. La start-up, intitulé «Observez,
créée en 2014 par Jean Moreau et Baptiste Corval, sentez, goûtez»
pour sensibiliser
s’est d’abord employée à aider la grande distribu-
le consommateur, et
tion dans la gestion de ses dons aux associations
d’un kit pédagogique
caritatives. Ce n’est que dans un deuxième temps,
sur l’antigaspi mis
en 2019, que Phenix a lancé une appli grand
RH2010/ADOBE STOCK

à la disposition des
public. «Donner ne suffisait pas à écouler tous les
enseignants de primaire.
invendus, notamment ceux des magasins de proximité
qui ont des volumes plus petits. Seuls les grandes >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 67


pour écouler les invendus des commerçants, une
de ses spécialités. «Nous avons signé des partenariats
avec la Société protectrice des animaux (SPA), le Jardin
des Plantes à Paris, mais aussi avec des zoos et des
fermes pédagogiques, pour les mettre en relation avec
des enseignes», raconte Clément Carreau, le res-
ponsable des affaires publiques de Phenix. De
fait, si la lutte antigaspi doit être portée en priorité
pour l’alimentation humaine, celle dédiée aux
animaux arrive, dans la hiérarchie introduite par
Phenix offre la loi Garot, en deuxième position, avant la métha-
un large choix nisation et le compostage.
de produits. Certes, Phenix applique des rabais
Notre moins importants en moyenne (50%,
avis
contre 70% pour Too Good To Go).
>> surfaces et les industriels sont capables de massifier», Mais elle propose plusieurs filtres de tri à l’achat
justifie Jean Moreau. Et d’ajouter: «Par ailleurs, des paniers antigaspi: type d’aliments (pain, fruits
les consommateurs sont plus agiles pour transformer et légumes, produits laitiers, viande, poisson,
ou congeler rapidement des aliments arrivés en toute salade, etc.), préférence alimentaire (veggie, hallal,
fin de vie.» Phenix revendique aujourd’hui bio, kasher, sans gluten), local ou non, etc.
5,4 millions de téléchargements, dont 20% d’uti-
lisateurs actifs, et 16 700 partenaires (supermar-
chés, primeurs, boulangeries, restaurants, etc.). HopHopFood
L’entreprise applique des rabais de 50 % en ● Gratuite ● sur OS et Android
moyenne. À l’avenir, elle ambitionne d’intervenir Développée en 2016 par l’association reconnue
directement auprès des industriels de l’agroali- d’intérêt général de Michel Montagu, Sybille
mentaire; elle a d’ailleurs déjà signé des parte- Azandossessy et Jean-Claude Mizzi, HopHopFood
nariats avec Danone, Florette, Lutti ou encore avait pour vocation, au départ, de faciliter le don
Rians pour valoriser leurs produits non com- entre particuliers d’aliments bientôt périmés.
mercialisables en l’état. Proposés sur l’application Une sorte d’outil pratique lorsque l’on part en
mobile à petits prix, ces paniers peuvent être vacances ou que l’on a cuisiné pour un régiment…
retirés dans les boutiques des sites de production Puis, à la faveur de la crise sanitaire, l’appli s’est
engagés dans la démarche. La start-up a aussi fait progressivement ouverte aux commerçants, pour
de l’alimentation animale, en tant que débouché favoriser le don des invendus aux personnes en
situation de précarité, auxquelles elle est
aujourd’hui dédiée (lire l’encadré ci-contre). Sur
les 95 000 particuliers l’ayant téléchargé, 30 %
l’utilisent régulièrement. Parrainée par Guillaume
PUBLIC PRIORITAIRE Gomez, l’ancien chef de l’Élysée, HopHopFood

P our identifier les personnes en difficulté,


seules autorisées à réserver des paniers
sur HopHopFood, l’association s’appuie
revendique 4 millions de dons alimentaires (équi-
valents repas) depuis sa création.
Cette appli est la plus solidaire car
sur des acteurs reconnus de la solidarité Notre
avis elle est destinée aux plus démunis,
– centres régionaux des œuvres universitaires mais aussi parce que les commerçants
et scolaires (Crous), cités U, centres communaux reversent à l’association la moitié des économies
d’action sociale (CCAS)… –, qui délivrent
d’impôts réalisées grâce à la défiscalisation. Ce qui
un code d’accès aux bénéficiaires.
lui permet de ne pas dépendre uniquement des
subventions publiques et des fondations privées.

68 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


La technologie, gadget ou révolution ?

Geev
● Gratuite ● sur OS et Android FREINS PSYCHOLOGIQUES
L
L’application de dons d’objets entre particuliers a démarche de récupérer de la nourriture
Geev, lancée en 2017 et téléchargée par 4 mil- chez quelqu’un n’est pas assez
lions d’utilisateurs, a ajouté en 2019 une fonc- décomplexée», constate Hakim Baka,
tionnalité dédiée au don de nourriture. Le un des deux fondateurs de Geev. Il y a encore
parcours client est clair: quand un usager poste beaucoup de freins psychologiques.
une annonce, il est contacté par un particulier Pour preuve, l’alimentation n’a représenté
intéressé par messagerie interne, afin de fixer que 8% des 9 millions de dons réalisés
ensemble les modalités de retrait. Mais comme l’an dernier via cette plateforme.
on ne donne pas un paquet de yaourts ou un
pot de crème fraîche comme une console de
jeux ou un canapé convertible, Geev vérifie, À moins de payer une formule d’abonnement
avant que les annonces alimentaires ne soient «premium» à 24,99 € par an, il faut donc s’at-
publiées, que les denrées sont bien conformes tendre à recevoir de la publicité.
à la réglementation (interdiction de donner de
la viande hachée, des pâtisseries réfrigérées à
base de crème pâtissière, etc.), et que les dates Save Eat
limites de consommation sont renseignées (les ● Gratuite ● sur OS et Android
annonces sont automatiquement supprimées Fruit d’une start-up fondée en 2017 par deux
dès qu’elles sont dépassées). ingénieures, Dorothée Bessière et Isaure Tsassis,
Le modèle économique de l’appli cette appli permet de surveiller le contenu de
Notre repose sur la publicité et les parte- votre frigo et de vos placards comme du lait sur
avis
nariats avec des marques qui com- le feu. Il suffit de scanner les produits que vous
muniquent sur leur politique en matière de venez d’acheter ainsi que les ingrédients en vrac.
responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Grâce à une base de données, Save Eat leur associe
une durée de vie supposée. «À partir de là, elle va
prioriser les aliments, alerter l’utilisateur lorsque l’un
Save Eat se
d’entre eux approche de la date de péremption et lui
concentre sur
les dates proposer une recette pour le cuisiner», explique
de péremption. Isaure Tsassis. L’appli annonce 300 000 téléchar-
gements et, en moyenne, 30 % d’utilisateurs s’en
servant au moins une fois par semaine. La start-up
se rémunère en proposant des ateliers de cuisine
antigaspi participatifs et ludiques (team building,
quiz, dégustation, etc.) aux salariés (activités que
les entreprises insèrent dans leur politique RSE).
Un livre de cuisine, qui compile les recettes zéro
déchet, est en vente sur le site.
Idéale pour les têtes en l’air ! Et un
Notre outil précieux si l’on songe que 20%
avis
du gâchis alimentaire proviendrait
d’une mauvaise compréhension des dates de
consommation. Notons toutefois que l’utilisateur
doit lui-même corriger l’indication de péremp-
tion s’il a acheté le produit en date courte, par
exemple, ou si, à l’inverse, la limite est plus longue
que celle supposée par l’appli. >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 69


>> Frigo Magic
● Gratuite ● sur OS et Android APPLIS EN BONUS
P
Vous avez un produit en fin de vie et vous ne savez our la bonne gestion du contenu
qu’en faire ? L’appli Frigo Magic promet de subli- de votre réfrigérateur, il existe
mer le contenu de votre réfrigérateur et de vos deux autres solutions : Frigloo et Frizor
placards tout en démystifiant la cuisine du quo- (la seconde appli étant plus axée
tidien. Créée en 2015 par deux entrepreneurs, sur le congélateur). Et, pour vous
Christophe Boisselier et Sébastien Burel, elle aider à suivre les dates de péremption
totalise 2,4 millions de téléchargements et, en de vos achats, une troisième vous
moyenne, 10 % d’utilisateurs actifs. À partir d’un est proposée : « À consommer ».
ou de plusieurs ingrédients bientôt périmés, elle
génère des dizaines de recettes réalisables en deux
temps trois mouvements. «Une sorte de pédagogie
douce pour apprendre à cuisiner sans gaspiller », réalisées à partir des données anonymisées col-
explique Sébastien Burel. L’appli tient compte des lectées. «On questionne de temps en temps nos utili-
différents régimes alimentaires du foyer (sans sateurs. Lorsqu’ils ont deux minutes à nous accorder,
lactose, sans gluten, végétarien, etc.), mais aussi on leur demande leur avis sur le lancement d’un nou-
des préférences en matière de goût. veau produit, par exemple. Récemment, nous l’avons
Gratuite, Frigo Magic se rémunère grâce à du fait pour une marque qui voulait commercialiser un
contenu sponsorisé. Ainsi, lorsqu’un utilisateur aliment à base de chanvre», indique le cofondateur
scanne un produit d’une marque partenaire, de l’appli. Enfin, celle-ci accompagne des entre-
celle-ci peut afficher ses engagements RSE, publier prises dans leur stratégie antigaspi.
des recettes à partir de l’article en question ou Avant de pouvoir utiliser Frigo Magic,
encore délivrer des conseils de conservation. «C’est Notre il faut préalablement y avoir ren-
avis
d’autant plus utile pour les marques que la réduction seigné le contenu de vos placards
des emballages les prive d’un espace pour communi- en précisant, pour chaque aliment, si vous en
quer», poursuit Sébastien Burel. Frigo Magic vend disposez « toujours », « parfois » ou « jamais ». Un
aussi des études à l’industrie agroalimentaire, exercice qui peut s’avérer fastidieux.

Frigo Magic
peut vous aider
à mieux gérer
vos provisions
et le réassort
des placards.

70 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


La technologie, gadget ou révolution ?

Meal Canteen
● Gratuite ● sur OS et Android
Les applis déboulent aussi dans la restauration
Les responsables
collective. Créée en 2016 par l’entrepreneur Denis
de la restauration
Olivier, Meal Canteen permet de connaître à collective peuvent
l’avance la présence et les choix des convives dans désormais calculer
un restaurant d’entreprise ou une cantine scolaire. au plus juste les
Sur la base de ces indications, l’équipe en cuisine quantités de repas
peut ensuite ne sortir des frigos que ce qui va à produire.
être réellement consommé. Une fois l’appli télé-
chargée, les utilisateurs vont découvrir le menu
du jour et ceux de la semaine, réserver une place
et porter leurs choix sur tel plat, telle entrée ou
tel dessert. Ils ont aussi accès à tout un tas d’infor-
mations sur les allergènes, la composition des
mets et l’origine des ingrédients. Enfin, ils ont
la possibilité de noter chaque plat dégusté sur
une échelle de cinq étoiles. « Ça challenge les cui-
sines au quotidien. Mais ce n’est pas un défouloir »,
précise l’entrepreneur. D’ailleurs, en dessous de
quatre étoiles, les convives n’ont pas la possibilité
de laisser de commentaires, ils peuvent juste
cocher des cases s’ils ont trouvé que les plats
étaient trop froids, trop salés, etc.
L’appli se rémunère sur les économies réalisées
par les cantines après optimisation. «Nous sommes
partis d’une étude de l’Agence de la transition écolo-
gique (Ademe), qui estime que les pertes de la restau-
ration collective liées au gaspillage alimentaire
s’élèvent à 68 centimes par plateau-repas, explique
Denis Olivier. Cela comprend l’achat des matières

premières, mais aussi l’énergie utilisée, la main-


d’œuvre mobilisée et le coût du traitement des biodé-
chets. Sur ces 0,68 €, les cuisines nous en reversent
OUTIL DE PRÉVISION 0,33 € par plateau-repas.» L’application a séduit

A près une expérimentation


dans des lycées d’Occitanie,
une nouvelle appli, YOC, devrait être
les Armées françaises, des lycées et des entreprises.
Avec la crise sanitaire, les confinements et le télé-
travail, « on a mis un genou à terre. Mais depuis
commercialisée cette année. Conçue septembre, c’est bien reparti », s’enthousiasme le
pour anticiper et mieux cerner les cofondateur de Meal Canteen.
besoins des usagers des cantines, Cette appli permet de régler deux
elle permet de choisir à l’avance son Notre soucis majeurs à la cantine : la file
PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP

avis
menu et de le communiquer d’un clic d’attente (les convives ne passent pas
au chef restaurateur, qui commandera des heures à choisir parmi le menu proposé, car
et préparera les justes quantités. On ils l’ont consulté au préalable) et le choix limité
pourra aussi informer de son absence. d’entrées, de plats et de desserts en fin de service
(puisqu’est préparé tout ce qui a été réservé).

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 71


QUEL BILAN POUR LES APPLIS ?
Donner une seconde chance à des produits en fin de vie est essentiel.
Mais peut-on se contenter d’optimiser les invendus via des applis?

E
n définitive, nous n’avons facteurs structurels. Changer les pas forcément une bonne affaire.
pas d’information sur normes sociales est indispensable Si on additionne les rabais – entre
ce que deviennent pour une réduction durable des 50 et 70% – et les commissions
les invendus récupérés chez les pertes et gaspillages alimentaires», prélevées par les applis (25% pour
commerçants via les applis. On l’a préconisait ainsi, en 2020, Too Good to Go, 18% pour Phenix),
vu, ce sont des paniers «surprise», un rapport du think-tank X-Food. il ne leur reste plus grand-chose.
ce qui signifie qu’un client ne sait Et encore moins si on compte
pas ce qui s’y trouvera. Cela peut Question de valeur le personnel mobilisé. Mais alors,
être des produits qu’il n’a jamais Et elles ont beau dire, les applis à quoi bon? En réalité, les
cuisinés, qui ne sont pas à son d’optimisation des invendus distributeurs doivent mettre tout
goût ou, à ses yeux, trop abîmés captent une partie des denrées en œuvre pour lutter contre
pour être consommés. Bref, des qui, autrefois, étaient destinées aux le gaspi. Paniers et bacs à dates
aliments qu’il n’aurait pas achetés structures caritatives. «Il faudrait courtes répondent à cette
de lui-même. Le risque? Qu’une un minimum de régulation obligation; ils font aussi venir en
partie du panier termine vraiment pour réserver à la solidarité ce qui magasin des clients qui, sans cela,
à la poubelle. Pas forcément peut l’être. C’était l’esprit de la loi n’y seraient pas allés. Mais quel
de quoi en faire un plat, vu que Garot», rappelle Anne Tison, impact ont les promos sur la
l’utilisateur l’a payé à moitié prix, directrice d’Excellents Excédents, valeur perçue des aliments? Dans
voire au tiers. Mais, dans ces cas- société collectant des repas de sa thèse sur la sensibilité des
là, il est clair que la responsabilité la restauration collective pour les ménages au gaspillage alimentaire,
du gaspillage est reportée du donner aux associations d’aide Guillaume Leborgne, maître de
distributeur vers le consommateur. alimentaire. Laurence Gouthière, conférences à l’université Savoie
de l’Ademe, en convient, tout en Mont Blanc, estime qu’elles
Le problème à la source précisant que les applis peuvent peuvent nous faire considérer
En outre, en donnant une jouer un rôle positif dans la nourriture comme un service
seconde vie à des aliments, la l’accompagnement des ménages peu cher, voire gratuit. Un peu
société pallie un problème sans vers des comportements comme l’eau du robinet, dont la
s’attaquer aux racines du mal: la alimentaires plus durables. Par «contrainte prix», quasi absente,
surproduction. Pour satisfaire des ailleurs, pour les commerçants, les conduit souvent à peu d’attention
consommateurs qui demandent paniers antigaspi ne représentent en termes de consommation.
toujours plus de choix, l’agriculture
et l’industrie agroalimentaire
produisent plus que nécessaire. UNE CERTAINE FRAGILITÉ
L
Jean Moreau, l’un des fondateurs a question du modèle économique des applis antigaspi doit
de la start-up Phenix, l’admet être posée. La pionnière, Optimiam, lancée dès 2014, n’a pas
volontiers: «Nous agissons trouvé le sien; elle a fermé l’an dernier. Green Code, qui aidait les
davantage comme un médicament particuliers à gérer les dates limites de consommation, non plus.
que comme un vaccin.» Or, dans Quant à Zéro Gâchis, elle a changé de nom (pour Smartway)
la hiérarchie établie par la loi Garot, et sert désormais aux distributeurs pour optimiser les produits
la prévention du gaspillage doit en fin de vie. On le voit, les applis « grand public » des pages
l’emporter sur toute autre action. précédentes doivent encore faire la preuve de leur pérennité.
CRÉDIT PHOTO

«Il est essentiel de faire face aux

72 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


À la maison
L’APPORT DE
L’ÉLECTROMÉNAGER
À la maison, toute une série d’appareils prétendent nous aider à lutter
contre le gaspi. Lesquels le permettent vraiment ? On fait le tri.

LE RÉFRIGÉRATEUR
Un allié de poids
Le froid freinant la croissance des micro-organismes
tout en préservant les qualités nutritionnelles et
organoleptiques des aliments, on peut considérer
qu’un réfrigérateur est une véritable aide dans la
lutte contre le gaspillage – si on en fait bon usage
bien sûr. Car un modèle à froid statique ne s’utilise
pas de la même manière qu’un autre à froid ventilé
(lire aussi p. 35). Quoi qu’il en soit, les fabricants
d’électroménager n’en finissent pas de truffer leurs
frigos d’innovations technologiques, comme on
pouvait le découvrir au dernier salon IFA (foire
internationale de l’électronique), à Berlin. Une
nouveauté parmi d’autres: la réduction des varia-
tions de température à l’intérieur des appareils,
afin d’augmenter la durée de vie des denrées
stockées. Le développement de l’intelligence arti-
ficielle est aussi de la partie. Certaines références
sont désormais capables d’analyser les ouvertures
de portes sur sept jours pour modifier, en consé- de contrôler à distance la température des diffé-
quence et en prévision, le niveau de froid dans rents compartiments de notre réfrigérateur, ou
l’appareil, l’objectif étant toujours d’optimiser la de vérifier l’état des stocks de notre frigo grâce à
conservation des aliments. une caméra embarquée et une application dédiée.
À terme, nous dit-on, ils pourront générer auto-
La connectivité, quel intérêt ? matiquement une liste de courses des produits
Mais ce sont surtout les frigos connectés, avec venant à manquer, voire les commander en ligne.
GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO

leurs écrans tactiles et leurs multiples fonction- Mais si le champ des possibles est vaste, force est
nalités, qui continuent de défrayer la chronique. de constater que les frigos connectés n’ont pas
Ayant déboulé sur le marché en même temps (encore?) trouvé leur public au sein des ménages.
que d’autres objets connectés pour la cuisine, ils «Ce n’est pas surprenant. La durée de vie des réfri-
nous promettent des tas de choses. Notamment gérateurs est plus longue que celle des tablettes, et le >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 73


miser la quantité de denrées à déposer quoti-
REVÊTUS D’ARGENT diennement et, ce faisant, limitent le gaspillage

D es réfrigérateurs sont dotés de revêtement alimentaire. Une solution qui tombe à pic au
à base de nanoparticules d’argent. Invisibles moment où le télétravail rend complexe la gestion
à l’œil nu mais connues pour leurs vertus des restaurants d’entreprise ?
antibactériennes et antifongiques, elles permettent
de conserver les aliments plus longtemps.
LE PETIT ÉLECTROMÉNAGER
Plus ou moins utile
>> fait d’être connecté ne crée pas, en définitive, beaucoup ● Extracteur de jus (ou centrifugeuse)
de valeur pour l’usager», analyse Matthieu Vincent, Souvent présenté comme un équipement incon-
expert et cofondateur du DigitalFoodLab, un tournable de la lutte antigaspi, cet appareil per-
cabinet de conseil en stratégie dans l’agroalimen- met en effet de recycler en jus et smoothies des
taire. Le Groupement des marques d’appareils fruits et des légumes en excès ou légèrement
pour la maison (Gifam) l’admet, mais tempère flétris. Gardons toutefois à l’esprit qu’avec cette
aussi: «On n’en est qu’aux prémices en matière de technique, seul le liquide contenu dans les végé-
connectivité dans les cuisines. Seulement 5% des gros taux est récupéré. Pour participer réellement à
appareils électroménagers sont connectés, et 10% des la réduction du gaspillage alimentaire, il faut
petits. C’est un marché qui se développe doucement. donc aussi utiliser la pulpe restante, chargée en
Assez logique vu le taux de renouvellement d’un nutriments et en vitamines, en l’intégrant à des
réfrigérateur, qui est en moyenne de 10 ans.» recettes (quiche, soupe, boulettes, muffins, etc.).
S’ils peinent à s’imposer dans nos cuisines, les On peut aussi déshydrater cette pulpe et la réduire
modèles connectés s’invitent plus volontiers dans en poudre, puis confectionner avec des pâtisseries
les entreprises. Plusieurs start-up – Melchior, NU!, ou des bouillons de légumes maison. Avant de
Foodles, Le Bon Bocal, etc. –, qui souhaitent réin- choisir votre modèle, n’hésitez pas à consulter
venter le marché de la pause déjeuner en propo- le guide d’achat sur Quechoisir.org.
sant à toute heure une offre de restauration, ● Déshydrateur Cet appareil peut lui aussi
vendent aux sociétés des frigos connectés en libre- s’avérer utile pour prolonger la durée de conser-
service pour leurs salariés. Grâce à des capteurs vation des aliments. Son principe ? Il élimine
et des balances, l’appareil identifie les plats retirés l’eau des denrées avec de l’air chaud ventilé, et
et débite automatiquement le compte de l’utili- empêche ainsi bactéries, champignons et moi-
sateur. Des algorithmes permettent même d’opti- sissures de s’y développer. Une grande variété de
produits est «déshydratable» sans que leur goût
Recyclez soit altéré: herbes aromatiques, fruits, légumes,
en jus ou viande, poisson… Cette technique de conserva-
smoothies tion ancestrale (à l’époque, on faisait sécher les
vos fruits un denrées en les plaçant de longues heures au soleil)
peu flétris… s’est modernisée, et l’on trouve aujourd’hui dans
le commerce des tas de modèles présentant une
STARMAN963/ADOBE STOCK - ANTONIVANO/ADOBE STOCK

base chauffante ventilée sur laquelle se super-


posent des plateaux perforés. Mais il est tout
aussi possible de se servir d’un four, dans lequel
vous déposerez vos champignons, tomates à chair
ferme, bananes, poires, pommes, prunes, cour-
gettes, aubergines, figues, etc., épluchés et taillés
en tranches, sur une grille à mi-hauteur, que vous
ferez sécher très lentement à 30 ou 40 °C. Notez
que certains légumes nécessitent d’être blanchis

74 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


La technologie, gadget ou révolution ?

Asséchez vos
vieilles pommes et
faites-en des chips
pour l’apéritif…

auparavant (racines, choux, courges, etc.). Selon de sa limite de consommation, et une liste de
les aliments, l’opération peut prendre plusieurs courses est automatiquement remplie au gré de
heures. Il est ensuite possible de les conserver l’état des stocks. Notez toutefois que le système
plusieurs mois en bocaux hermétiques dans un suppose de répertorier au départ le contenu de
endroit frais, sec et sombre. ses placards, ainsi que de reposer les contenants
● Robot cuiseur tout-en-un À l’origine, il sur la balance après chaque utilisation pour
a été conçu pour faciliter la vie en cuisine. Peser, mettre à jour l’inventaire.
hacher, pétrir, émulsionner, rissoler, cuire, ● Machine sous vide Appréciées des profes-
mijoter… le robot cuiseur (Thermomix TM6, sionnels de la restauration, les appareils de mise
Companion XL, Monsieur Cuisine Connect…) sous vide servent à conserver plus longuement
sait faire beaucoup de choses. Les fonctionnalités les aliments à l’abri de l’air tout en préservant
récentes, du type écran tactile ou connexion wifi, leurs saveurs. Jusqu’à cinq fois plus longtemps,
peuvent aider à adopter de bonnes pratiques promettent les fabricants d’électroménager, qui
antigaspi. Par exemple, vous entrez le nom d’un ont décliné des gammes compactes pour le grand
aliment dont la date limite de consommation public. L’idée est simple: l’absence d’oxygène
arrive à grand pas, et l’appli liée au robot se charge bloque les micro-organismes à l’origine de la
de trouver des recettes adaptées. fermentation des aliments, ce qui prolonge effi-
● Balance connectée Squikit, une start-up cacement la durée de vie des légumes, des fruits,
créée par trois jeunes entrepreneurs, ambitionne de la viande, du poisson, mais aussi des plats
d’aider les consommateurs à gérer leurs stocks préparés, des sauces, des jus, etc. Le tout, sans en
de provisions. Elle commercialise un assistant altérer les qualités organoleptiques. Un allié pré-
connecté qui permet de savoir, au gramme près, cieux pour ceux qui s’adonnent au batch cooking
combien il nous reste de sucre, de riz ou de yaourt (lire aussi p. 25). Seule ombre au tableau, ces
encore consommables. Bref, de tenir à jour machines sous vide requièrent souvent l’emploi
l’inventaire des denrées stockées dans nos pla- de sachets plastique à usage unique. Dans la res-
cards, notre frigo, jusque dans notre congélateur. tauration commerciale et collective, des entre-
Pour cela, on affecte aux aliments une puce RFID prises commencent à vendre des sacs alimentaires
(radio fréquence identification), on les pèse et compostables, fabriqués en cellulose. À la maison,
les identifie dans une appli, puis on leur attribue on peut, si l’on préfère, opter pour des modèles
une date de péremption. L’utilisateur est ensuite qui font le vide dans des poches réutilisables ou
averti en temps réel lorsqu’un produit approche des récipients en verre.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 75


Dans les labos
LA RECHERCHE
EN PLEINE ÉBULLITION
Si la lutte contre le gaspillage alimentaire est l’affaire de tous, une partie
de la solution se trouve sans doute dans des technologies émergentes.
Le foisonnement des start-up dans ce domaine en atteste.

S
igne des temps, les États-Unis ont vu ralentit le mûrissement. Une pépite française,
apparaître, l’automne dernier, la pre- Proteme, a elle aussi imaginé un enrobage d’ori-
mière licorne antigaspi de la Tech, soit gine végétale susceptible de prolonger la durée
une start-up valorisée plus d’un milliard de vie des primeurs. Incubée dans la pépinière
de dollars. Elle est née du rapprochement de Misfit d’entreprises de Rungis (94), elle a conçu une
Market et d’Imperfect food, deux jeunes pousses solution qui s’applique soit par pulvérisation, soit
spécialisées dans la livraison de fruits et légumes par trempage. Ses premières expérimentations
déclassés. «De plus en plus de fonds dédiés se créent ont été menées sur la banane et le citron.
autour du gaspillage alimentaire », confirme
Matthieu Vincent, cofondateur du cabinet de Ça avance plein gaz
conseil DigitalFoodLab. Tour d’horizon de ce qui Autre champ d’innovation dans la conservation
se prépare en laboratoire pour combattre le gâchis. des aliments, l’éthylène, un gaz inodore relâché
par certains fruits et légumes et responsable de
CONSERVATION Les fruits leur mûrissement. La start-up BluApple a mis au
point un produit en forme de pomme bleue qui,
des jeunes pousses une fois placée au réfrigérateur, absorbe le gaz
Pour prolonger la durée de conservation des fruits éthylène de certains fruits et légumes pour mieux
et légumes, des start-up travaillent sur des solutions conserver les autres. L’objet, déjà commercialisé
d’enrobages comestibles. Une sorte de seconde outre-Atlantique, serait capable de multiplier la
peau fabriquée à partir de sous-produits composés durée de vie des fruits et légumes par trois.
tantôt de mouture de maïs, tantôt de marc de Lorsqu’il n’agit plus – en général au bout de trois
fruits, de microalgues vertes ou d’œufs. La plus mois – il suffit de se procurer des recharges.
connue est Apeel, une société californienne qui La société américaine Hazel Technologies Inc. a
a fait de la maturité des fruits et légumes sa spé- mis au point, pour sa part, une solution capable
cialité. Elle a notamment mis au point un spray de bloquer jusqu’à trois semaines les récepteurs
capable de former une couche protectrice qui piège d’éthylène des fruits et légumes grâce à un régu-
l’humidité à l’intérieur des fruits et légumes et lateur végétal de synthèse susceptible de retarder
empêche l’oxygène d’entrer. Appliqué sur les avo- le processus de maturation. Cette innovation se
cats et les agrumes, cet enrobage bio et comestible présente sous la forme d’un sachet qui, posé dans

76 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Ralentir le mûrissement des fruits,
garder la fraîcheur des primeurs…
sans mettre sa santé en danger ?

un cageot, libère lentement le composé chimique.


Elle est notamment utilisée outre-Atlantique pour
ralentir le mûrissement des pommes, du raisin,
FOOD TECH : QUAND LA LOI
des pêches et des avocats. Jugée sans danger pour DOPE L’INNOVATION
E
la santé humaine par l’Agence américaine de ncouragées par la loi antigaspillage pour une
protection de l’environnement, elle n’en reste pas économie circulaire (Agec) de 2020, nombre
moins un produit de synthèse. d’entreprises ont mis au point des procédés
Enfin, une jeune pousse de Philadelphie, Strella destinés à valoriser fruits et légumes déclassés,
Biotechnology, ambitionne, elle, de se servir de résidus et coproduits issus de la transformation
l’éthylène pour mesurer, grâce à des capteurs, le des aliments. Les recherches portent sur les
degré de maturité des fruits et légumes. Son objec- propriétés de ces coproduits, sur les techniques
tif est d’éviter qu’ils ne se gâtent en identifiant le d’extraction et les voies de valorisation.
meilleur moment pour les expédier d’un entrepôt
aux rayons des supermarchés.
Bon à savoir Les couches protectrices appliquées faut-il en analyser la balance bénéfice/risque. Les
sur les fruits et légumes pour retarder leur pour- emballages dits intelligents «sont capables de com-
rissement sont aussi positives pour l’environne- muniquer de précieuses informations sur les conditions
ment. En effet, elles évitent l’emploi de produits de conservation d’un produit, comme sa température
phytosanitaires post-récolte et facilitent le trans- ou son état de fraîcheur», explique Valérie Guillard,
port par bateau plutôt que par avion. professeure en génie alimentaire à l’université de
Montpellier. Et ce tout au long de la chaîne d’appro-
EMBALLAGES visionnement, y compris durant le stockage et le
transport. Ils peuvent ainsi détecter le développe-
Un paquet de questions ment de bactéries ou des changements de tempé-
On a coutume de jeter l’anathème sur les trop rature, autant d’éléments susceptibles d’affecter la
M. IRVINE/AP/SIPA

nombreux emballages utilisés par l’industrie agroa- qualité. Un outil indispensable pour réagir en cas
limentaire. Mais certains peuvent s’avérer utiles de défaut de conservation. Les emballages dits actifs,
lorsqu’il s’agit de lutter contre le gaspillage… Encore eux, interagissent avec les aliments. Ils intègrent >>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 77


>> pour cela des matériaux qui tantôt libèrent, tantôt de l’ingénieur. Certes, pour l’instant, rien ne
assimilent des composés, afin de prolonger la durée prouve que les nanomatériaux présents dans les
de conservation des denrées. «Il s’agit, le plus sou- emballages contaminent les aliments. «Il y a
vent, d’absorber de l’oxygène ou d’émettre des composés encore beaucoup d’incertitude car la littérature
antimicrobiens. Cela évite de rajouter des conservateurs scientifique est, sur ce point, controversée», constate
ou des antioxydants directement dans les produits, aujourd’hui Stéphane Peyron. Par contre, «on
pour des recettes “au naturel”», détaille Valérie sait que certaines nanoparticules comme le nano-
Guillard. Le but est de bloquer les réactions de argent peuvent se solubiliser et migrer vers l’aliment
dégradation de l’oxydation des lipides, tout comme sous une forme ionique. Or, l’ion-argent est bien plus
la prolifération microbienne. Parmi les matériaux toxique que le nano-argent», poursuit le professeur.
employés figurent des nanoparticules, très recher- D’un point de vue toxicologique, cela peut donc
chées par les industriels pour leurs propriétés. représenter un risque indirect.
Invisibles à l’œil nu, certaines sont déjà couram-
ment utilisées, comme celles de fer, que l’on L’environnement va-t-il trinquer ?
retrouve dans le film d’emballage ou dans le joint Autre sujet de préoccupation: l’impact environ-
des capsules et des couvercles métalliques et qui nemental de ces conditionnements en plastique
servent d’antioxydants. Les nanoparticules d’argent actifs et intelligents. L’analyse de la balance bénéfice/
jouent, elles, le rôle d’antimicrobiens. Ces dernières risque n’est pas immédiate. «Quand on utilise un
sont, et de loin, les plus répandues, du fait de leur emballage, on ajoute mécaniquement un impact envi-
large spectre d’action vis-à-vis des champignons, ronnemental négatif. Mais celui-ci peut être contre-
des moisissures, des bactéries, etc. balancé par un effet positif potentiel sur la réduction
des pertes alimentaires», souligne Valérie Guillard.
Des risques pour la santé ? Il en va de même avec les emballages intelligents.
Reste à connaître l’impact sur la santé de ces La présence d’indicateurs de température ou de
nanomatériaux. «Dans un contexte réglementaire puces RFID n’est pas neutre pour la planète.
encore en construction, la question des risques pour
le consommateur et l’environnement générés par
l’incorporation de ces nanomatériaux dans l’embal-
lage est posée», écrivait en 2020 Stéphane Peyron,
professeur à l’université de Montpellier, dans
un article paru sur le portail web Techniques

DES ALIMENTS QUI


SE GARDENT… DEUX ANS !
U ne start-up hongkongaise, Ixon Food
Technology, a mis au point un procédé
qui permet de conserver des vivres jusqu’à
deux ans à température ambiante. Y compris
de la viande! Son emballage aseptique sous
vide stérilise les denrées à basse température
via un processus assisté par micro-ondes.
La société s’est dotée d’une usine pilote aux
États-Unis et a commencé à collaborer avec des
industriels, comme le géant de la viande Cargill.

78 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


La technologie, gadget ou révolution ?

«Ce sera alors au cas par cas. Il y aura un intérêt


certain pour des aliments à fort impact environne- NANOMATÉRIAUX :
mental et dont la réduction des pertes est essentielle,
comme la viande bovine. Moins pour des fraises, par
ÉTIQUETAGE
exemple», estime la professeure. À GÉOMÉTRIE VARIABLE

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE L es industriels ne sont pas tenus


d’informer les consommateurs
de l’utilisation des nanomatériaux
Des débuts prometteurs dans les emballages. Depuis 2014,
Pour les professionnels, l’intelligence artificielle le règlement européen sur l’information
est riche de promesses en matière de lutte contre du consommateur (Inco) rend
le gaspillage alimentaire. Entre l’automatisation obligatoire l’étiquetage « nano »,
des flux, la connaissance des stocks et la prédiction mais uniquement lorsqu’ils sont
des invendus et des besoins, nombreuses sont les ajoutés en tant qu’ingrédients
entreprises qui y ont recours. Normal, elle permet dans les aliments. Règlement qui,
d’adapter au plus juste la production à la demande. soit dit en passant, n’est pas toujours
Un atout précieux dans leur stratégie antigaspi. Et respecté. Soyez vigilant !
ce n’est qu’un début. Les enseignes de la grande
distribution y ont recours pour écouler leurs pro-
duits en fin de vie. Elles s’appuient sur des start-up un de ses cofondateurs. Mais les algorithmes
comme Smartway, qui a développé une solution peuvent tout aussi bien être utilisés plus en amont,
basée sur l’intelligence artificielle. «On les aide à par les marchés de gros, pour prédire la demande.
repérer les dates courtes en rayon, à choisir la meilleure L’enjeu est alors vertigineux: il s’agit, ni plus ni
option pour les valoriser et à appliquer la bonne remise moins, d’optimiser à grande échelle les flux et les
au bon moment», commente Paul-Adrien Menez, stocks de Rungis et des autres marchés d’intérêt
national (Bordeaux, Lille, Montpellier, etc.).
Dans la restauration collective, l’intelligence arti-
Le développement ficielle fait des miracles pour anticiper le nombre
des algorithmes de repas à confectionner, en analysant les jours
d’optimisation des et les horaires creux. Mais aussi pour revoir les
flux et des stocks plats à la carte en fonction des préférences culi-
change la donne naires des convives… C’est sur ce dernier levier
pour les acteurs que Kikleo, une start-up créée en 2019, a bâti son
de l’alimentaire. modèle. Elle a mis au point un outil qui permet,
au moyen d’une caméra, d’identifier et de quan-
tifier ce qui est laissé sur le plateau et va finir à
la poubelle. Les données sont ensuite agrégées
et, avec une intelligence artificielle, le système
aide à ajuster les quantités distribuées.
Le saviez-vous ? La restauration collective peut
désormais s’appuyer sur la connectique. Des start-
up commercialisent des chariots intelligents,
notamment dans les maisons de retraite. Chaque
assiette est attribuée à un résident, et grâce à des
balances connectées, l’établissement connaît la
quantité de viande, de légumes et de féculents
X. POPY/REA

qu’il aura ingérés. Au passage, on lutte contre la


dénutrition des personnes âgées.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 79


SOMMAIRE
82 Auvergne-Rhône-Alpes
83 Bourgogne-Franche-Comté
84 Bretagne
85 Centre-Val de Loire
86 Corse
87 Grand Est
88 Hauts-de-France
89 Île-de-France
90 Normandie
91 Nouvelle-Aquitaine
92 Occitanie
93 Pays de la Loire
94 Provence-Alpes
-Côte d’Azur
95 Les outre
-mer

80 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Le tour des
initiatives

D u champ à l’assiette,
la lutte contre le gaspillage
alimentaire s’inscrit pleinement
à l’échelle des régions. Que
ce soit à travers les associations
de terrain, les collectivités,
les entreprises, les projets
alimentaires territoriaux (PAT) ou
encore les réseaux de lutte contre
le gaspillage alimentaire (Régal).
En agissant à l’échelon local,
on mobilise plus facilement
les acteurs, on partage les savoirs
collectifs et les bonnes pratiques,
on fait émerger des démarches
innovantes. «Ça permet aussi
de connecter les citoyens à des
enjeux écologiques, économiques
et sociétaux qui leur échappent
parfois», souligne Xavier Corval,
le fondateur d’Eqosphère, une
entreprise pionnière de la lutte
contre le gaspillage en France.
Bref, c’est une clé d’accélération.
On peut juste regretter qu’à
tous les niveaux, on travaille
encore souvent en silos et sans
coordination… Tour d’horizon
des initiatives prises dans chacune
des régions de l’Hexagone
ainsi que dans les outre-mer.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 81


Auvergne-
Rhône-Alpes
LE DÉFI EST RELEVÉ
Cette région fourmille d’initiatives. C’est là qu’il y a deux ans, l’Ademe et la CCI ont
embarqué une vingtaine d’acteurs pour participer au premier « défi antigaspi ».

ASSOCIATIONS À Lyon, Récup et Gamelles atelier nous permet de disposer de plats cuisinés de
mène des actions participatives contre le qualité et diversifiés, confectionnés avec des légumes
gaspillage alimentaire: collecte d’invendus, mise frais », explique-t-on au siège de la Fédération
en bocaux de fruits et légumes bios, animations, française des banques alimentaires. Les repas
accompagnement zéro déchet, etc. Elle a, entre sont distribués à des associations caritatives, des
autres, porté le projet de la Maison engagée et centres d’hébergement ou encore des épiceries
solidaire de l’alimentation, inaugurée l’automne solidaires. Parmi les autres initiatives dans la
dernier à Lyon aux côtés de l’association Vrac. région, un agriculteur de Teilhet (Puy-de-Dôme)
Récup et Gamelles recherche régulièrement des réserve un hectare de son exploitation afin que
bénévoles et des volontaires en service civique. des bénévoles y ramassent des pommes de terre
pour la banque alimentaire d’Auvergne.
COLLECTIVITÉS Avec le soutien du
département, la banque alimentaire de ENTREPRISES Atypique récupère, auprès
l’Isère et Pierre Pavy, un restaurateur grenoblois, des agriculteurs, les fruits et légumes qui
sauvent de la benne jusqu’à 200 kg par jour de seront boudés par l’industrie et la grande distri-
viande à date courte. Comment? En les récupé- bution pour les proposer à la restauration col-
rant dans les grandes surfaces et en les préparant lective, des épiceries, des restaurants… La start-
avec des bénévoles dans les cuisines du collège up est hébergée par FoodShaker, l’incubateur de
Marc-Sangnier, à Seyssins. «Il faut un agrément l’école d’ingénieurs en agronomie, agroalimen-
sanitaire pour faire de la découpe de viande. Cet taire et environnement (Isara) à Lyon, mais elle
devrait bientôt voler de ses propres ailes. «En
2023, nous allons déployer notre modèle à l’échelon
national grâce à des plateformes logistiques »,
raconte Thibault Kibler, un de ses fondateurs.
Depuis 2021, Atypique a sauvé 700 tonnes de
primeurs. «Aujourd’hui, on est sur un rythme de
25 tonnes par semaine», se félicite-t-il.

L’initiative originale
Dans l’ancienne manufacture d’armes
de Saint-Étienne, La Fabuleuse Cantine
est un tiers-lieu qui sert à petits prix des plats
réalisés à partir d’invendus. Elle fabrique aussi
des bocaux pour y recycler ses propres surplus.
Les bénévoles de la banque alimentaire Le concept a été décliné à Lyon, Villeurbanne,
A. FREITAS

de l’Isère aident à la confection de repas.


La Rochelle et le sera bientôt à Paris, Roanne…

82 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Bourgogne- Le tour des initiatives

Franche-Comté
UNE FOULE DE PROJETS
De la récupération des invendus au tri des déchets alimentaires des ménages
en passant par l’installation de frigos solidaires, la région fédère moult projets.

ASSOCIATIONS La Marmite solidaire, à


Pontarlier, récupère des fruits et légumes
défraîchis et des produits à date courte auprès de
magasins pour en faire des plats cuisinés desti-
nés aux personnes défavorisées. Épaulée par des
bénévoles, l’association s’approvisionne via la
banque alimentaire. Les plats sont distribués sur
ce territoire par des structures comme la Croix-
Rouge. C’est Préval Haut-Doubs, établissement
public en charge du recyclage des déchets, qui a
eu l’idée de valoriser ces invendus.

COLLECTIVITÉS La région et l’Ademe ont


lancé un appel à projets visant à généraliser
le tri à la source des biodéchets des ménages en Dans le Jura, Re-Bon sauve

DOC RE-BON
Bourgogne-Franche-Comté. Objectif : imaginer le pain de la poubelle.
des dispositifs répondant à la volonté des pou-
voirs publics d’obliger les particuliers à trier le monde est gagnant : les boulangers se débar-
leurs déchets alimentaires dès le 1er janvier 2024. rassent de leurs invendus à bon compte (ça
Dijon Métropole y a répondu en conduisant allège leur redevance d’ordures) et les consom-
une expérience originale avec la caserne de mateurs trouvent, dans les boulangeries et les
gendarmerie Deflandre. Des bacs d’apport épiceries locales partenaires, des produits gour-
volontaire y ont été installés pour que les mands sains et écoresponsables à petits prix. On
militaires y déposent leurs déchets. Le compost peut même commander des coffrets apéro sur
est ensuite collecté afin de fertiliser une parcelle le site de l’association. Créée en 2021, Re-Bon
de terre maraîchère où les Restos du cœur disposera prochainement de son propre atelier
cultivent fruits et légumes. Si l’essai est concluant, de production à Lons-le-Saunier.
l’opération sera reproduite ailleurs.

ENTREPRISES À Moutoux, dans le Jura, L’initiative originale


Re-Bon sauve de la poubelle des pains Lancés par Dounia Mebtoul en 2017, les Frigos solidaires
artisanaux pour en faire des biscottes, des tar- sont placés en libre-service dans des lieux publics un peu
tines apéritives, de la chapelure ou encore de la partout dans l’Hexagone. Tout un chacun peut y déposer
farine torréfiée. «Nous valorisons, en moyenne, des denrées destinées aux plus démunis. À Dijon, il y en
300 kg de pain par semaine. L’objectif est d’atteindre a quatre: dans les quartiers des Grésilles et de la Fontaine
les 500 kg d’ici à l’été », annonce Émeric Bossis, d’Ouche, au centre social Le Tempo et devant l’épicerie
le fondateur de la start-up franc-comtoise. Tout Au gramme près, rue du Général-Fauconnet.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 83


Bretagne

UNE RÉGION PILOTE


La Bretagne compte beaucoup d’associations, de collectivités et d’entreprises mobilisées
contre le gaspillage. Elle est région pilote pour l’opération «Moins de gaspi au resto».

ASSOCIATIONS Bientôt 17 ans qu’Aux transformé, surgelé et conditionné en portions


goûts du jour, installée à Quimper, accom- individuelles par des salariés en insertion, le pro-
pagne des entreprises, sensibilise des ménages, duit est distribué à des associations d’aide alimen-
organise des événements contre le gaspillage taire. Une alternative astucieuse à la fabrication
alimentaire et intervient dans les cantines sco- de farine animale… Le premier atelier a vu le
laires. À la manœuvre, une maison de l’alimen- jour en 1997 au Guilvinec. Il en existe désormais
tation itinérante, qui fait étape pendant à Saint-Malo, Lorient et Penmarc’h, mais aussi à
quelques semaines dans un des territoires de Boulogne-sur-Mer et Fécamp. Ensemble, ils ont
Bretagne. L’association s’emploie également à transformé, en 2022, près de 400 tonnes de pois-
former des «ambassadeurs du bien manger ». son, soit environ 2,2 millions de repas.
«Ce sont des jeunes de 16 à 25 ans que l’on sensibi-
lise à l’alimentation durable, et notamment à l’anti- ENTREPRISES Créée en 2018 par deux
gapi, qui vont ensuite être chargés de transmettre à anciens cadres de l’agroalimentaire, Beesk
leur tour à des jeunes du même âge. L’idée est de se veut la référence de la distribution alimen-
créer ainsi un réseau », explique Emmeline Ver- taire 100 % antigaspi pour la restauration com-
riest, la directrice de l’association. merciale et collective. La start-up tire son nom
de la bisque de homard, un plat savoureux
COLLECTIVITÉS La technopole Quimper- confectionné à partir de carcasses vouées à la
Cornouaille, financée notamment par la poubelle. Elle rachète aux agriculteurs et aux
région et les agglomérations, a accompagné les industriels de l’agroalimentaire, en circuit
Paniers de la mer, un réseau d’insertion profes- court, des denrées déclassées – viande, poisson,
sionnelle qui récupère, les lendemains de fruits et légumes, viennoiseries, fromage, etc. –
pêche, le surplus des criées bretonnes. Une fois afin de les revendre à moindre coût aux établis-
sements scolaires, aux cantines d’entreprise, aux
Ehpad… Bretonne à l’origine, Beesk dispose
désormais de trois plateformes logistiques, à
Paris, Lyon et Bordeaux. Elle ambitionne de
couvrir tout le territoire et de s’ouvrir à l’hôtel-
lerie et au tourisme de plein air.

L’initiative originale
Pour ne plus jeter ses invendus,
le gérant de La table de Florine, à Saint-Avé
(Morbihan), vend les restes de plats de
la veille à petit prix (4 € contre 10 €) sur la page
Facebook de son restaurant. Une astuce
Ce réseau d’insertion récupère antigaspi qui permet au restaurateur
JMLPROD

les surplus des criées bretonnes.


de couvrir le coût de ses matières premières.

84 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Centre-Val de Loire Le tour des initiatives

LE TERRITOIRE S’ENGAGE
En Centre-Val de Loire, on appréhende la prévention du gaspillage non pas comme
une question de filière alimentaire, mais comme une question de territoire.

ASSOCIATIONS Déjà présente dans plu-


sieurs régions, l’association Solaal organise
les dons entre agriculteurs et structures d’aide
alimentaire. En Indre-et-Loire, elle mène des
opérations de glanage solidaire avec l’accord
des maraîchers. Les Restos du cœur sont parte-
naires. «Ils nous envoient des bénéficiaires enca-
drés par des bénévoles pour récolter fruits et
légumes », explique Angélique Delahaye, prési-
dente de Solaal. Un moyen de lutter à la fois
contre le gaspillage et la précarité.

COLLECTIVITÉS En application de la loi


Climat et résilience, le gouvernement a
invité les gestionnaires de restauration collec- NoFilter fait des jus
tive, publics ou privés, à expérimenter des solu- avec des fruits et des
tions de réservation de repas. L’objectif est de légumes invendus.
commander puis de préparer les justes quanti-
tés, afin d’en finir avec un important gaspillage des végétaux, pour donner une seconde vie à
alimentaire. En Centre-Val de Loire, un quart ses propres coproduits (drêche de pommes,
des lycées a mis en place un système de réserva- tige de tomates, fanes de carottes, etc.). Répon-
tion obligatoire. François Bonneau, le président dant à des exigences sociétales et environne-
de la région, a l’ambition de le généraliser aux mentales, la société est certifiée B Corp. Enfin,
cantines des lycées des six départements, les- elle implique les agriculteurs avec lesquels elle
quelles produisent 9 millions de repas par an. travaille en leur ouvrant son capital (ils en
détiennent un peu moins de 5 %).
ENTREPRISES Depuis 2019, NoFilter
achète carottes, tomates et pommes inven-
dues à des agriculteurs, des maraîchers et des L’initiative originale
arboriculteurs du Centre-Val de Loire pour les Au château de la Corroirie, près de Tours,
transformer en jus naturels. La start-up s’est où se tient chaque année le Sarcus festival,
associée à un producteur artisanal, Les Façon- les organisateurs ont installé une aire
niers, implanté à Sepmes, non loin de Chinon. de compostage afin de récupérer les tonnes
«On travaille aussi avec l’atelier des Apprentis de déchets générés par les festivaliers. Ils sont
givrés, en Indre-et-Loire, afin de développer une transformés en amendement pour le château.
gamme de glaces à partir de produits valorisés », «Un écogeste désormais incontournable
explique Marin Mulliez, le fondateur de NoFil- de l’événementiel», selon Rudy Guilhem-
ter. L’entreprise collabore également avec La Ducléon, expert dans le management
Ressourceraie, spécialisée dans la valorisation environnemental des festivals de musique.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 85


Corse

L’HEURE EST À L’ACTION


La lutte contre le gaspillage alimentaire en Corse est d’autant plus impérieuse
que la gestion des déchets y reste un sujet épineux.

ASSOCIATIONS Grâce au centre commu- territoire », explique un porte-parole. Le but est


nal d’action sociale de Bastia, des associa- de réduire le volume des ordures ménagères
tions peuvent, depuis l’automne dernier, récu- enfouies. La question des déchets est loin d’être
pérer les plateaux-repas confectionnés par la anecdotique en Corse, car l’île ne compte que
cuisine centrale des écoles et des crèches qui deux centres d’enfouissement « aux capacités
n’ont pas été consommés. Objectif : les redistri- maximales de stockage quasi atteintes », selon le
buer aux déshérités. En moyenne, selon Corse- dernier rapport de la chambre régionale des
Matin, 180 repas sur les quelque 1 700 concoctés comptes. L’envoi, en 2020, de 21000 tonnes d’or-
quotidiennement ne sont pas distribués pour dures mises en balles vers des sites de traitement
diverses raisons. Parmi les associations intéres- sur le continent avait marqué les esprits.
sées par l’opération baptisée «Gaspi alim »: la
banque alimentaire agricole de Moriani, les Res- ENTREPRISES Sous indication géogra-
tos du cœur, le Secours populaire, le Restaurant phique protégée (IGP), la clémentine de
social de Bastia ou encore A Fratellanza. Corse doit respecter un cahier des charges
strict. Plutôt que de jeter les fruits écartés de la
COLLECTIVITÉS Pour doper le taux d’équi- vente, le GIE Corsica Comptoir, installé à San-
pement des ménages, le Syvadec (établisse- Nicolao (Haute-Corse), a décidé d’en revalori-
ment public de valorisation des déchets de la ser une partie en jus. « Nous sommes dans la
Corse) a renouvelé l’opération «Compostage in phase de test de notre site de transformation. La pro-
giru », qui vise à distribuer gratuitement des duction va démarrer prochainement », annonce
composteurs. «Le nombre de composteurs indivi- son président, François-Xavier Ceccoli. Les jus
duels en service est actuellement de 43 000, et seront expédiés congelés (pour éviter un traite-
65 composteurs partagés sont répartis sur tout le ment thermique) à des entreprises chargées de
les commercialiser sous leur marque comme
NoFilter ou encore Moi, moche et bon. L’autre
partie des agrumes invendus est donnée à des
associations d’aide alimentaire et à des centres
communaux d’action sociale.

L’initiative originale
Manghjemu Corsu est une marque qui agit
comme un label valorisant le patrimoine
culinaire corse dans la restauration collective.
Pour s’en prévaloir, les plats servis à la cantine
doivent être composés d’au moins 25%
Le Syvadec distribue de produits agricoles corses. Une façon
des composteurs. de lutter contre le gaspillage: les élèves sont
moins tentés de jeter la production locale.

86 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Grand Est Le tour des initiatives

PARTAGE AU PROGRAMME
Les acteurs de la transition alimentaire dans le Grand Est peuvent notamment
s’appuyer sur le réseau Partaage, animé par l’association Citoyens & Territoires.

ASSOCIATIONS À Metz, l’association Par-


tage ton frigo a entrepris, voilà quatre
ans, de mettre en bocaux des fruits et légumes Marie Eppe,
issus des surplus agricoles et des invendus de
la fondatrice
d’In Extremis.
la grande distribution. Elle s’est dotée pour
cela d’un atelier, La conserverie locale, instal-
lée dans les cuisines de l’ancienne base
aérienne de Metz-Frescaty. Au menu : confec-
tion de tartinades, sauces, confitures, etc. À
l’origine, Partage ton frigo montait des disco-
soupes, des événements organisés sur la voie
publique où tout le monde peut cuisiner en
musique à partir d’invendus. Mais les volumes
M. TRICART

étaient tels qu’il s’avérait impossible de tout


écouler. Les bocaux sont revendus aux maraî-
chers, qui les commercialisent, ou bien en cir-
cuits courts par l’association. Une partie est ENTREPRISES Une start-up de Lunéville
donnée à la banque alimentaire. transforme les invendus de pain en cookies
et en biscuits apéritifs. In Extremis a été créée
COLLECTIVITÉS Au guidon de leurs en 2020 par Marie Eppe, une ingénieure en
vélos-cargos, les bénévoles de l’entreprise agroalimentaire partie du constat que le pain
à but non lucratif Sikle ramassent, depuis était un des aliments les plus consommés par
bientôt quatre ans, les déchets organiques des les Français, mais aussi le deuxième le plus jeté
restaurants strasbourgeois pour les composter après les fruits et légumes. L’entreprise, certifiée
au cœur de la ville sur un site mis à disposi- bio, vend ses biscuits en ligne et dans des épice-
tion par la collectivité. Le compost prend ries partenaires répertoriées sur son site. Elle
ensuite la direction d’une exploitation maraî- organise également des ateliers de sensibilisa-
chère à 3 km du centre, des nombreux jardins tion au gaspillage alimentaire dans les entre-
familiaux aux alentours ou encore des jardi- prises, les écoles et les collectivités.
nières des restaurants, hôtels et commerces qui
participent à la collecte. Portée par l’association
Bretz’selle, Sikle propose également aux habi- L’initiative originale
tants de déposer leurs déchets alimentaires Avec le soutien de la municipalité,
lors de ces tournées. «Nos vélos à remorque font des habitants de Mulhouse ont installé
office de point d’apport volontaire deux fois deux des collecteurs dans les rues pour récupérer
heures par semaine dans l’hypercentre de Stras- le pain rassis, afin de nourrir les animaux de
bourg. On en profite pour accompagner les gens et la ferme Schnebelen, à Heimersdorf. L’initiative
les inciter à avoir le réflexe du tri », commente a remporté un tel succès que d’autres
Joakim Dangel, le fondateur de Sikle. exploitations agricoles pourraient s’y greffer.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 87


Hauts-de-France

SOLUTIONS ENCOURAGÉES
Parmi les six nouveaux projets alimentaires territoriaux sélectionnés par France
Relance, trois soutiennent des initiatives contre le gaspillage.

ASSOCIATIONS À Lille, voilà plus de gaspillage et de leur donner les clés pour
10 ans que l’association la Tente des gla- réduire d’au moins 25 % le volume de leurs
neurs installe son stand sur l’immense marché déchets alimentaires. Rien n’est laissé au
de plein air du quartier Wazemmes, véritable hasard : ateliers, visites de sites de compostage,
institution qui attire tous les dimanches entre pesée hebdomadaire… «Lors de la dernière édi-
30 000 et 50 000 personnes. À la fin de chaque tion, en 2021-2022, les ménages ont été encoura-
édition, équipés de chariots de supermarchés, gés à diminuer également leur consommation
une dizaine de bénévoles sillonnent les allées d’eau et d’énergie », souligne un porte-parole
pour collecter les invendus des marchands de de la métropole. Le nombre de foyers partici-
pain, de fruits et de légumes. Vers 14 heures, pant à l’opération est passé de 50 à 100.
une fois triés, ils sont distribués gratuitement,
sous une tente dressée pour l’occasion, à des ENTREPRISES Enjoindre à la restaura-
personnes en grande précarité qui n’ont pas tion collective de limiter le gaspillage ali-
accès à l’aide alimentaire. L’association a fait mentaire, c’est bien. Encore faut-il l’accompa-
des émules un peu partout en France, notam- gner dans cette démarche. C’est la mission que
ment à Caen, Strasbourg et Grenoble. L’idée s’est assignée la société de restauration Mille
est de structurer un réseau national. et un repas du Nord, située à Villeneuve-
d’Ascq. Pour encourager les cantines et les
COLLECTIVITÉS Depuis 2017, Amiens cafétérias d’entreprise à s’engager dans une
Métropole mène, avec l’association En démarche vertueuse, la société a créé son
savoir plu,s une expérience baptisée Défi zéro propre référentiel, basé sur plus de 70 critères
gaspi. Il s’agit d’accompagner des familles pen- et validé par un label privé, Zéro gaspil’ - col-
dant plusieurs mois afin de les sensibiliser au lectivement responsable. «L’objectif est d’avoir
moins de 20 g de gaspillage par repas et par per-
Amiens Métropole a lancé sonne là où, selon l’Ademe, la moyenne est de 167 g
le Défi zéro gaspi. en restauration collective », décrypte un représen-
tant de Mille et un repas du Nord.

L’initiative originale
Le collège Jean-Jaurès à Aire-sur-la-Lys,
dans le Pas-de-Calais, a trouvé
un moyen économique et écologique
de se débarrasser de ses déchets
alimentaires. En accord avec le principal,
les écodélégués ont construit un poulailler.
Le traitement des déchets ne coûte plus
L. ROUSSELIN

rien, les poules se régalent, et familles et


personnel récupèrent de bons œufs frais !

88 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Île-de-France Le tour des initiatives

IL FAUT SE MOBILISER !
L’Île-de-France serait la région qui gaspille le plus, selon un sondage réalisé l’an
dernier par l’institut Censuswide. Raison de plus pour faire bouger les choses.

ASSOCIATIONS Créé en 2014, Le Chaînon l’après-midi à des associations d’aide alimen-


manquant collecte les plats non servis des taire d’Île-de-France. La différence avec ce qui
restaurants d’entreprise pour les redistribuer le se fait ailleurs ? «On considère que le problème
jour même en liaison froide à des associations de la précarité, ce n’est pas tant la quantité que
ou à des sites d’hébergement d’urgence. Parmi la qualité des repas distribués aux plus démunis.
les défis auxquels s’est attaquée l’association, Or, des tas de gens n’ont pas accès à du poisson, à
La Défense et ses quelque 180 000 salariés. Le des produits laitiers de qualité et à des fruits et
Chaînon manquant fait même partie d’un légumes frais », déclare Anne Tison, la cofonda-
projet collaboratif baptisé La Défense des ali- trice d’Excellents excédents. Autre différence :
ments, qui vise à réduire le gaspillage l’entreprise ne se rémunère pas,
dans les cantines du quartier d’af- comme tant d’autres intermé-
faires. Au programme : forma- diaires, sur la défiscalisa-
tion du personnel et sensibi- tion des invendus prévus
lisation des convives. par le législateur. « On
demande aux bénéfi-
L
COL ECTIVITÉS Et ciaires une participa-
de trois. Après Cour- tion modique à la logis-
bevoie et Poissy, c’est au tique», poursuit Anne
tour de la ville de Puteaux Tison.
d’avoir fait voter, l’au-
tomne dernier, une charte
contre le gaspillage alimen- Excellents excédents recueille
taire. Initiée par Arash Deram- les surplus de la restauration
barsh, adjoint au maire de Cour- collective et les redistribue
bevoie, cette charte engage fortement aux associations caritatives.
les communes qui l’adoptent. Ainsi, à
Courbevoie, les grandes surfaces alimentaires
ont été incitées à appliquer la loi qui les oblige L’initiative originale
à donner leurs invendus aux associations
À Stains, en Seine-Saint-Denis,
locales grâce à un partenariat avec la start-up Les Alchimistes collectent à cheval les
spécialisée Phenix. Une charte contre le gaspil- déchets alimentaires des habitants du quartier
lage a également été signée avec les trois sites de Clos Saint-Lazare. «La carriole est devenue
du centre hospitalier des Rives de Seine, qui la mascotte locale, les enfants guettent
produisent 800 repas par jour. son passage sur le chemin», souligne
Alexandre Guilluy, cofondateur des Alchimistes.
ENTREPRISES À Fontenay-sous-Bois, Une partie du compost obtenu plus tard
la société Excellents excédents collecte est redistribuée gratuitement aux habitants,
le reste est revendu à des maraîchers,
G. CARTIER

le matin les surplus des cuisines centrales de la


restauration collective pour les redistribuer à des fermes urbaines ou à des magasins.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 89


Normandie

AGIR AUPRÈS DES JEUNES


La région s’est dotée d’un réseau de lutte contre le gaspillage alimentaire (Régal). Animé
par France nature environnement Normandie, il est très actif en milieu scolaire.

ASSOCIATIONS Née du constat de la pré- denrées préparées et non consommées. En


carité croissante chez les étudiants, l’asso- novembre 2021, les écoles primaires nor-
ciation Équipage solidaire a vu le jour, en 2020, mandes avaient gaspillé 94 g de nourriture par
pendant le confinement. Implantée dans plu- élève et par repas. Un résultat moins bon que
sieurs villes, dont Le Havre, elle soutient les lors de l’édition précédente, où le gâchis était
étudiants en difficulté. Grâce à son application tombé à 61 g. Toutefois, cela reste mieux que
Delivr’aide, ces jeunes peuvent bénéficier de la moyenne de 120 g calculée par l’Ademe
paniers de courses de première nécessité livrés pour les établissements de toute la France…
gratuitement à leur domicile. La lutte contre «Ça montre que le gaspillage n’est pas une fata-
le gaspillage fait partie de la démarche. «Le kit lité », souligne Christophe Hébert, le respon-
alimentaire est composé de dons, mais également sable de la restauration municipale d’Harfleur,
d’invendus récupérés auprès de commerçants du très engagée dans l’éducation à l’alimentation.
quartier et d’entreprises partenaires », explique
Benjamin Seguin, le secrétaire général de ENTREPRISES Dans les secteurs de Caen,
l’association. Cette dernière recherche réguliè- du Havre et de Rouen, BinHappy collecte
rement des livreurs bénévoles. les déchets alimentaires des restaurants, des
commerçants, des collectivités et des entre-
COLLECTIVITÉS Deux fois par an, depuis prises pour les valoriser notamment en biogaz.
2017, le Régal Normandie organise le Objectif: éviter que ces biodéchets ne terminent
Défi assiettes vides, une sorte de compétition enfouis ou incinérés, ce qui génère d’impor-
opposant plusieurs écoles. C’est à celle qui tantes émissions de gaz à effet de serre. Pour ce
générera le moins de gaspillage alimentaire au faire, la société, créée en 2017, dispose d’une
cours d’une semaine. Tout est pesé au gramme flotte de trois camions et a noué un partena-
près : les restes des plateaux-repas, et aussi les riat avec un agriculteur de Cléville, à l’ouest
d’Yvetot, qui possède une unité de méthanisa-
tion. Alors que l’obligation du tri à la source
des déchets organiques sera étendue aux parti-
culiers le 1er janvier 2024, BinHappy entend
bien se développer à l’échelle de la région.

L’initiative originale
À Caen, Hors’Norm, une coopérative
créée en 2021, accompagne particuliers
et professionnels dans l’organisation
d’événements écoresponsables. Objectif:
réduire l’impact carbone, notamment
BinHappy s’est spécialisé dans la en matière de gaspillage alimentaire, des
valorisation des déchets en biogaz.
mariages ou des séminaires, par exemple.

90 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Nouvelle-Aquitaine Le tour des initiatives

SUR TOUS LES FRONTS


En Nouvelle-Aquitaine, de nombreuses actions contribuent à la lutte contre
le gaspillage et la précarité. Sans oublier de soutenir le tri à la source des déchets.

ASSOCIATIONS L’inflation et le coût de ENTREPRISES NoGasp ! est le premier


l’énergie continuent à peser lourd dans le magasin antigaspi de Nouvelle-Aquitaine.
budget des étudiants les plus modestes. Pour Situé à Champniers, à côté d’Angoulême, il est
leur venir en aide, La Cuvée des écolos orga- un peu calqué sur le modèle de l’enseigne natio-
nise, depuis le second confinement, une distri- nale Nous anti-gaspi. Depuis 2020, il propose,
bution alimentaire gratuite sous la forme d’un sur environ 400 m2, des denrées écartées habi-
marché se tenant le vendredi, de 13 h à 14 h 30, tuellement des supermarchés à petits prix. «On
à la Maison des étudiants de l’université Bordeaux- sauve tout ce qu’on peut. Forcément, on n’a pas tous
Montaigne. Au menu : des fruits et légumes les produits de première nécessité », déclare Séléna
«hors calibre » et des produits invendus dont Baudron, responsable de la communication. En
la date de péremption approche. Pour s’appro- moyenne, 70 % des fruits et légumes viennent
visionner, l’association passe par les supermar- de producteurs locaux. Une deuxième boutique
chés bios du coin et l’appli antigaspi Phenix. a vu le jour à Niort l’an dernier.
« On arrive à fournir une centaine d’étudiants
mais guère plus. C’est la raison pour laquelle il est
nécessaire de s’inscrire en ligne sur l’application
Framaforms », conseille Willy Couvert, chargé
L’initiative originale
de mission à La Cuvée des écolos. Linkee, une Depuis 2018, une vingtaine de frigos zéro gaspi
association implantée sur un autre campus à et de garde-mangers ont fait leur apparition
Bordeaux, récupère également des invendus en Nouvelle-Aquitaine (à Bordeaux, Angoulême,
Poitiers, etc.). Ils sont en libre-service, 24 h sur 24.
afin de les redistribuer sous forme de colis ali-
Chacun peut y déposer ou y retirer de la nourriture.
mentaires aux étudiants.
Une initiative du Crepaq, fabrique citoyenne qui
œuvre contre la précarité et le gaspillage alimentaire.
COLLECTIVITÉS À Bayonne, on a notam-
ment retenu le compostage collectif parmi
les solutions pour réduire les déchets alimen-
taires. Le premier composteur collectif a été
installé dans le quartier Lautrec en 2020.
D’autres ont suivi. La ville a été accompagnée
techniquement par le syndicat Bil ta garbi.
« On conduit notamment la formation des réfé-
rents. Ils sont indispensables pour veiller aux
bonnes pratiques de compostage, mais aussi pour
brasser le compost, ajouter du structurant quand
c’est nécessaire et maintenir un bon taux d’humi-
dité », détaille un porte-parole de Bil ta garbi.
Les caissons en bois destinés à recueillir les Le magasin NoGasp ! de
déchets organiques sont fabriqués par l’atelier
Champniers vend des produits
écartés des supermarchés.
d’insertion Atherbea, à Anglet.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 91


Occitanie

LA GRANDE CAUSE RÉGIONALE


L’Occitanie a fait de l’alimentation la grande cause régionale dès 2018. Normal,
la production agricole et l’agroalimentaire y occupent une place essentielle.

ASSOCIATIONS Pro-portion sensibilise orange, elle s’ajoute au bac vert, dédié au tout-
les professionnels et le grand public à la venant, et au bac jaune, réservé aux papiers et
problématique du gaspillage et les aide à le aux emballages. Les ménages y jettent leurs
réduire. «On part du principe que le gaspillage déchets alimentaires, ou biodéchets. Objectif :
alimentaire n’est pas une fatalité. Par contre, il est «Réduire autant que possible la partie des ordures
multi-acteur et multifactoriel. On ne peut pas faire vouées aujourd’hui à l’incinération, alors qu’elles
grand-chose tout seul », expose Florence Flies, sont potentiellement compostables », annonce-
la fondatrice de Pro-Portion. Cette dernière a t-on au Sydetom66. Une fois collectés et contrô-
construit une méthode d’accompagnement lés, ces déchets organiques ont vocation à
personnalisé, notamment pour la restauration être valorisés en biogaz.
collective. «On réalise un diagnostic, on fait des
préconisations et on bâtit un plan d’action adapté à ENTREPRISES Green Spot Technologies
la structure », poursuit Florence Flies. Elle inter- a mis au point un procédé de transforma-
vient dans des écoles de la communauté de tion des coproduits à base de fermentation.
communes des Hauts Tolosans, mais aussi à «C’est une technologie écoconçue qui a l’avantage
Léguevin ou à Castanet-Tolosan. de demander peu d’eau, peu d’énergie et peu de
surface », affirme Manon Ledoux, cheffe de
COLLECTIVITÉS Dans quelques localités produit. Grâce à cette innovation, on obtient,
des Pyrénées-Orientales, le Sydetom66, à partir de pulpe, de pelures, de peaux ou de
syndicat chargé de la collecte, du traitement pépins de fruits et légumes, un ingrédient
et de la valorisation des ordures ménagères, goûtu destiné aux industriels de l’agro -
expérimente une nouvelle poubelle. De couleur alimentaire. «Green Spot commercialise déjà trois
produits issus de la drêche de bière, de la tomate et
de la pomme », poursuit Manon Ledoux. Créée
en 2018 en Nouvelle-Zélande, la start-up est
aujourd’hui située à côté de Toulouse et a ins-
tallé son outil industriel à Carpentras.

L’initiative originale
La start-up PimpUp propose des paniers
antigaspi aux particuliers, sur Internet
et par abonnement (sans engagement).
Ils sont composés d’une sélection
de fruits et légumes de saison refusés
par les circuits de distribution classique
et collectés auprès des producteurs.
L’association Pro-portion promeut Créée en 2021 à Montpellier, la jeune
la réduction du gaspillage alimentaire.
pousse a déboulé fin 2022 à Toulouse.

92 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Pays de la Loire Le tour des initiatives

POUR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE


La région, fortement agricole, regorge
d’initiatives pour limiter le gaspillage
alimentaire tout en défendant
une alimentation durable pour tous.
ASSOCIATIONS Avec Solidarifood, rien
ne se perd. « L’association a été créée en
2015, dès l’annonce de la loi Garot [sur le gaspil-
lage alimentaire] », raconte sa chargée de mis-
sion, Maëlis Bénéteau. Elle mène diverses opé-
rations : sensibilisation en milieu scolaire et
auprès du grand public ; installation d’une
tente antigaspi sur le marché de la place
Leclerc, à Angers, afin de récupérer des inven- À Angers, Solidarifood
dus puis de les redistribuer gratuitement ; installe sa tente
transformation d’autres invendus pour les antigaspi sur le marché.
commercialiser auprès de collectivités, d’entre-
prises et d’associations. Solidarifood déve- ENTREPRISES Comerso, start-up angevine
loppe également une plateforme numérique à la base, facilite la récupération des inven-
de glanage, baptisée Éco-Glan’, qui met en dus des supermarchés pour les distribuer aux
relation les producteurs ayant des restes aux associations caritatives. Elle est née en 2013, avant
champs et les consommateurs. la loi antigaspillage de 2016, dite loi Garot.
«Nous sommes partis du constat que les associations
COLLECTIVITÉS La commune de Saint- passaient plus de temps à aller chercher des invendus
Père-en-Retz (Loire-Atlantique) est mobi- que de s’occuper des bénéficiaires. Il fallait mettre de
lisée de longue date dans la lutte contre le gas- l’huile dans les rouages», raconte Pierre-Yves Pas-
pillage alimentaire. Elle a d’ailleurs reçu le quier, l’un des cofondateurs. L’entreprise, dont la
prix de l’innovation territoriale dans la caté- plateforme technologique reste à Angers, a connu
gorie transition alimentaire, lors du Salon de une croissance forte. Avec l’entrée en vigueur de
l’Association des maires de France, l’automne la loi antigaspillage pour une économie circulaire
dernier. Voilà déjà un an que le restaurant sco- (Agec) – qui interdit aux entreprises de détruire
laire municipal revend à petits prix, sous leurs invendus non alimentaires –, il y a un an,
forme de barquettes, le surplus des repas elle s’est aussi positionnée sur les objets du quo-
non consommés par les élèves. La transaction tidien (textiles, cosmétiques, mobilier, etc.).
s’effectue via l’application Too Good To Go,
les bénéfices sont reversés aux associations
de parents d’élèves des deux écoles. La collecte L’initiative originale
se déroule en fin d’après-midi à La Cantoche, Dans la Sarthe, Frais malin récupère des aliments
le nom choisi par les écoliers pour leur restau- qui n’entrent pas dans les cahiers des charges et
rant scolaire, en référence à une bande dessi- des produits à date courte. Créée en 2011, l’enseigne
née parue en 2016 et qui sensibilise les jeunes dispose déjà de quatre magasins (Le Mans, Arnage,
au gaspillage alimentaire. Savigné-l’Évêque et Noyen-sur-Sarthe).

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 93


Provence-Alpes-
Côte d’Azur
SOUTENIR L’INNOVATION
La région fédère les acteurs de la lutte contre le gaspillage dans le réseau Regalim.
L’idée? Généraliser les bonnes pratiques et faire émerger des projets créatifs.

ASSOCIATIONS Domiciliée à Toulon, COLLECTIVITÉS Sous l’impulsion de la


L’Économe valorise les invendus d’agri- banque alimentaire des Bouches-du-Rhône,
culteurs et de maraîchers du Var. Grâce à une le marché d’intérêt national (MIN) des Arna-
conserverie itinérante, elle est en mesure de vaux, à Marseille, accueille l’atelier de l’association
transformer directement sur les exploitations Fruits et légumes solidarité qui y transforme les
entre 50 et 100 kg de légumes par jour. La par- invendus des grossistes. «Nous fabriquons des com-
tie des invendus encore consommables est potes, des jus, des confitures, des purées et des soupes
réservée aux dons à des organisations carita- que nous commercialisons en bouteilles et en bocaux.
tives. L’autre partie est transformée sur place Nous avons même une petite unité de surgélation pour
pour le compte des producteurs et de l’associa- confectionner des frites », raconte Fourat Troudi,
tion. «Ça évite les déplacements et ça permet aux son directeur. Destination: la banque alimentaire
exploitants de faire des ajustements sur leurs à 75 %, le reste étant écoulé en grandes surfaces
recettes », souligne Julie Hermet, la directrice. sous la marque Les Marmites solidaires. Financé
L’Économe propose également des ateliers de par le conseil départemental, le projet a vocation
sensibilisation à l’alimentation durable dans à être dupliqué un peu partout en France.
les écoles et les collectivités. Enfin, elle organise
des buffets antigaspi et zéro déchet. ENTREPRISES La société Les Jardins de
Solène, à Pernes-les-Fontaines dans le Vau-
cluse, achète aux agriculteurs leurs fruits et
légumes invendus pour les transformer et les
proposer, taillés, lavés et assemblés sous vide, à
la restauration collective (des écoles, des hôpi-
taux, des Ehpad…). À l’avenir, Solène Espitalie,
sa fondatrice, entend aider de jeunes exploitants
à s’installer en contractant avec eux en amont,
afin qu’ils puissent sécuriser leurs débouchés
et rationaliser leur production.

L’initiative originale
L’Association nationale pour la formation
permanente du personnel hospitalier
(ANFH) a lancé un grand plan antigaspi
en Paca. Dans les établissements de santé
Pour sensibiliser les plus jeunes, et les maisons de retraite qui le souhaitent,
L’Économe organise des ateliers le personnel sera initié aux bonnes pratiques
de cuisine dans les écoles. de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

94 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Les outre-mer Le tour des initiatives

DES ENJEUX DIFFÉRENTS


Les enjeux du gaspillage alimentaire dans les outre-mer sont très différents de ceux
de l’Hexagone. Ne serait-ce qu’en raison d’une forte dépendance aux importations.

ASSOCIATIONS Dans le cadre d’un appel


à projets lancé notamment par l’Ademe,
l’Association éducation populaire saint Martin
de Porrès, en Guadeloupe, intervient dans les
établissements scolaires. « On forme des réfé-
rents et on les accompagne dans la mise en place
des composteurs », indique Hermann Molongo,
coordinateur des actions et formateur. L’an
dernier, la structure était aux côtés du lycée
Gerville-Réache, à Basse-Terre, lorsque l’éta-
blissement a inauguré une aire dédiée au com- Sur le même principe que
postage des biodéchets. Un dispositif qui s’ins- Too Good To Go, Glan’Market
crit dans une politique plus large de lutte optimise les invendus
contre le gaspillage alimentaire. en paniers à petits prix.

COLLECTIVITÉS À La Réunion, le nombre à date courte et leurs fruits et légumes cabos-


de personnes aidées augmente. Pour amé- sés avec des consommateurs en quête d’achats
liorer la composition des colis distribués, la malins. Le principe est, plus ou moins, le
banque alimentaire des Mascareignes a noué même que celui des applis antigaspi de type
un partenariat avec la chambre d’agriculture. Too Good To Go ou Phenix. Le client réserve
L’idée ? Ouvrir une unité de transformation et paie en ligne son Glan bag, puis le récupère
destinée à valoriser les fruits et légumes pro- chez un des commerçants partenaires de la
venant des exploitations agricoles. Créée l’été start-up. Cette dernière prélève une commis-
dernier, elle va conditionner, chaque année, sion sur la transaction. Fondée en 2020 en
de 15 à 20 tonnes de primeurs fournies par Guadeloupe, Glan’Market s’est lancée en Mar-
une trentaine de producteurs. «Notre mission tinique au mois de juillet 2022. «Nous comp-
première est de venir en aide aux personnes tons nous développer ensuite dans les Caraïbes »,
démunies, tout en luttant contre le gaspillage ali- assure Clessy Blanquet, sa fondatrice. Comme
mentaire et en privilégiant une alimentation son nom l’indique, Glan’Market organise éga-
saine, équilibrée et de qualité. Cette action réu- lement des opérations de glanage.
nionnaise s’inscrit pleinement dans cet objectif »,
a affirmé Claude Baland, le président de la
Fédération française des banques alimen- L’initiative originale
taires, lors de son inauguration. À Fort-de-France, en Martinique,
l’épicerie P’tit Pannyé propose des produits
ENTREPRISES Via une plateforme numé- alimentaires que les grandes surfaces,
rique collaborative, Glan’Market met en les grossistes et les producteurs locaux
relation les commerçants des Antilles sou- n’ont pas réussi à écouler dans les circuits
cieux d’écouler leurs invendus, leurs produits de vente traditionnels.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 95


SOMMAIRE
98 La situation en France
100 Interview Guillaume Garot
102 Les lois antigaspillage
103 Chez soi, les recettes
de restes

96 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Pour aller
plus loin

L a bataille contre le gaspillage


alimentaire a été officiellement
lancée en France il y a sept ans.
En dresser le bilan en 2023 prend
une dimension particulière, car
s’il est un non-sens écologique
et économique, ce gâchis
est aussi, plus que jamais, une
aberration sociétale. Mais alors
que l’inflation impacte durement
le pouvoir d’achat des Français,
jette-t-on moins à la poubelle?
Difficile de le dire avec précision,
tant le plus grand flou règne
autour des chiffres du gaspi, issus
de méthodologies différentes.
Le législateur avait bien demandé
aux acteurs de procéder à des
diagnostics; tous ne l’ont pas fait.
Or, comment mobiliser
les énergies si on n’a pas une idée
précise de l’ampleur des dégâts?
Championne pour faire voter
des lois ambitieuses, la France
ne se donne pas toujours
les moyens de les appliquer.
Dans l’entretien qu’il nous
a accordé, le député Guillaume
Garot, à l’origine de la loi
contre le gaspillage alimentaire
de 2016, en convient: la partie
ne pourra pas se gagner sans
«une volonté politique durable».

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 97


Mesures
politiques
LA SITUATION EN FRANCE
Les différentes lois sont censées ancrer les enjeux en matière de gaspillage
alimentaire dans l’esprit des Français. De là à dire qu’elles sont efficaces
à le réduire… Les données pertinentes manquent, faute d’outils d’évaluation.

L
a France est pionnière dans la lutte antigaspi. Or, cette question de la mesure est essentielle.
Elle a été la première à se doter d’une légis- D’abord, parce qu’elle permet de sensibiliser ceux,
lation ambitieuse et d’un arsenal complet, encore nombreux, qui n’ont pas conscience des
et le gaspillage a été hissé dans notre pays quantités jetées. «La compréhension des enjeux est
au rang de «grande cause nationale». Cela lui a la clé pour accompagner les changements de comporte-
notamment valu d’être classé en 2018, par l’heb- ment», souligne Xavier Corval, rapporteur du comité
domadaire The Economist, en tête des systèmes de pilotage du Pacte national de lutte contre le
alimentaires durables dans le monde. Les différentes gaspillage alimentaire de 2013 et fondateur de la
lois – Garot, Egalim, Agec, Climat et résilience – ont start-up Eqosphere. Ensuite, parce que calculer sert
permis une prise de conscience, tant dans l’opinion à apprécier les efforts dans la durée. «La politique
publique qu’auprès des acteurs de la chaîne ali- antigaspi en France est axée sur les moyens. Elle ne
mentaire. Bref, tout le monde s’est mis en mouve- mesure pas le résultat», déplore Barbara Redlingshöfer,
ment. Mais comment savoir si les actions engagées chercheuse à l’Inrae. «C’est extrêmement compliqué
portent leurs fruits? Car, il faut le rappeler, l’État à évaluer, fait remarquer Laurence Gouthière.
s’est fixé un objectif ambitieux: réduire le gaspillage, Beaucoup de choses nous échappent, que ce soient les
d’ici à 2025, de 50% par rapport à son niveau de restes de repas jetés par les particuliers ou les cultures
2015 dans la distribution et la restauration collec- laissées aux champs par les agriculteurs.»
tive. Et, d’ici à 2030, de 50 % par rapport à son À défaut de statistiques, on aurait pu constater les
niveau de 2015 chez les consommateurs, les agri- avancées à l’aune des contrôles. Toutefois, tout le
culteurs, les industriels et les restaurateurs. monde s’accorde à dire qu’ils sont rares ou ineffi-
caces… Au ministère de l’Agriculture, on le recon-
Peu d’outils de mesure naît à demi-mot: «Des contrôles ponctuels ont été
Afin de mesurer le chemin parcouru, il faudrait des effectués.»Pourtant, la loi Garot prévoit des amendes
données pertinentes, exhaustives et comparables. pour ceux qui rendent volontairement impropres
C’est là que ça se complique. La quasi-totalité des à la consommation des denrées sûres. «La volonté
chiffres qui circulent aujourd’hui, lorsque l’on parle politique est là, mais c’est dans l’exécution de la loi
de gaspi, provient d’une étude réalisée par l’Agence que ça ne suit pas tout le temps», analyse Pierre-Yves
de la transition écologique (Ademe) en… 2016. Pasquier, fondateur de Comerso.
Depuis, c’est le grand flou. Pourtant, la loi est claire. Le flou entretenu sur la réalité du gâchis pourrait
«Chaque secteur est censé faire un état des lieux pour ne pas persister. L’Union européenne a décidé d’obli-
vérifier qu’il respecte bien les objectifs», confirme ger les États membres à le mesurer, selon une métho-
Laurence Gouthière, référente nationale Ademe. dologie commune à tous. Oublié, le temps où chacun

98 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Pour aller plus loin

faisait sa petite cuisine dans son coin! Selon Eurostat,


le gaspillage alimentaire serait passé, en France, de
10 millions de tonnes en 2016 à 9 millions en 2020.
Le saviez-vous ?
Cependant, il représenterait, pour les ménages, en CHEZ NOUS Une proposition de loi
moyenne, 61 kg par habitant et par an: si on fait Deux députés, Philippe Juvin (LR) et Karl Olive
mieux qu’en Europe (70 kg), c’est aussi le double (Renaissance), ont déposé, l’automne dernier,
de ce qu’avait compilé l’Ademe en 2016 (30 kg jetés une proposition de loi s’inscrivant dans la lutte
par Français/an)! «Leurs données sont issues de sources contre le gaspillage. L’idée? Obliger les
et d’un champ de quantification totalement différents commerces de plus de 200 m2 à donner leurs
invendus (actuellement, seuls ceux de plus
de celui exigé par la Commission européenne», plaide-
de 400 m2 doivent le faire). Les élus plaident
t-on au ministère de l’Agriculture. Il faut aussi recon-
aussi pour que des contrôles inopinés
naître que l’année 2020, marquée par la pandémie
soient menés, et les sanctions, renforcées.
de covid, a mis sous tension la chaîne alimentaire.
On le voit, la bataille est loin d’être gagnée… AILLEURS On est loin du compte
«Les efforts existent, ils doivent être salués, mais aussi Selon les Nations unies, peu de pays sont
renforcés», a admis Thomas Lesueur, commissaire sur la bonne voie pour réduire de moitié
général au développement durable du ministère le gaspillage alimentaire d’ici à 2030,
de la Transition écologique, en présentant cet hiver conformément à l’objectif que s’est fixé
le label national antigaspi. Surtout, comme le sou- l’organisation internationale en 2015. Parmi
ligne l’autrice Marie Mourad (De la poubelle à les plus grands gaspilleurs (par habitant),
l’assiette: contre le gaspillage alimentaire, L’harmattan, au moins trois – les États-Unis, l’Australie
HIGHWAYSTARZ/ADOBE STOCK

2023), «on reste dans un modèle qui génère des gaspil- et la Nouvelle-Zélande – ont vu leur gaspillage
lages». Le meilleur déchet alimentaire étant celui et leurs pertes alimentaires augmenter
qu’on ne produit pas, il est nécessaire de franchir depuis 2015, d’après une enquête de l’agence
un nouveau palier dans la lutte contre le gaspillage. Reuters publiée lors de la Cop 27 en Égypte.
C’est peu dire que la marche est haute…

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 99


Interview

GUILLAUME GAROT
Député PS de la Mayenne

« LES CONSOMMATEURS
TIENNENT UNE PLACE CENTRALE »
À l’origine de la loi fondatrice contre le gaspillage alimentaire de 2016,
le député Guillaume Garot se félicite de la prise de conscience collective
qu’elle a engendrée. Mais il faut, dit-il, nourrir la dynamique dans
le temps. Il en appelle pour cela à une « volonté politique durable ».

À votre initiative, la France Selon le dernier classement


a été le premier pays à légiférer pour de The Economist sur la durabilité
lutter contre le gaspillage alimentaire. des systèmes alimentaires dans le monde,
Quel bilan peut-on en faire? la France se situe au 15e rang pour le
gaspillage alimentaire alors qu’elle était en
Guillaume Garot La loi a permis une réelle tête en 2018. Comment expliquer ce recul?
prise de conscience dans l’opinion et a incité tous
les acteurs de la chaîne alimentaire à se mobiliser, G. G. Nous sommes incontestablement pion-
dans tous les territoires. Tout le monde s’en est niers dans la loi et dans la création des outils.
saisi. C’est sa première réussite, il n’y a pas à en Je regrette néanmoins que la volonté politique
douter. Par contre, la mise en œuvre de la loi doit d’avancer en permanence fasse défaut. La dyna-
être améliorée. Au début, on a obtenu des résultats mique antigaspillage est puissante en France
tangibles. Mais la grande distribution, qui a glo- chez les entreprises, les citoyens et les associa-
balement bien joué le jeu, a parfois habilement tions, mais ces acteurs ne peuvent pas porter
retourné la lutte contre le gaspillage alimentaire seuls une politique publique nationale: il faut
à son profit. Depuis qu’elle a entrepris de maximiser aussi que l’impulsion et les moyens viennent
sa politique antigaspi par des promotions et des d’en haut. L’engagement européen sur le sujet,
rayons dédiés, la qualité et la diversité des dons dans le Green Deal et dans la stratégie Farm to
laissent trop souvent à désirer. Ça revient à consi- Fork, est une bonne chose, qui pourrait pousser
dérer les associations comme des centres de tri le gouvernement français à relancer son action.
chargées d’assumer elles-mêmes le coût de l’enlè-
vement des invendus non distribuables. Autre La loi est pourtant claire,
écueil de la loi, le plafonnement de la défiscalisation et elle prévoit des contrôles. Or, de l’aveu
du don alimentaire. Au-delà d’un certain seuil, général, ils sont rares ou inefficaces
certaines grandes surfaces font le service minimum, et les sanctions, quasi inexistantes…
ou bien arrêtent tout simplement de donner. G. G. Le contrôle de la loi n’a pas été au rendez-
Il faudrait revoir le régime de la défiscalisation vous. Le rapport d’évaluation réalisé en 2019
des dons pour lisser ces effets de seuil. l’avait souligné, et avait préconisé davantage de

100 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Pour aller plus loin

faire pour casser les ressorts


sociologiques du gaspillage
des consommateurs à domicile?
G. G. Les consommateurs tiennent une place
centrale dans la lutte contre le gaspillage ali-
mentaire. Afin de faire bouger les lignes, je pro-
pose de rendre obligatoire l’éducation à l’ali-
mentation à l’école, du primaire au lycée. J’avais
contrôles et des sanctions plus fermes. La loi ne déposé une proposition de loi dans ce sens en
précisait pas quels étaient les services compétents 2021. Cependant, en commission, de nombreux
pour mener les contrôles et appliquer des sanc- articles avaient été rejetés. Parmi eux, l’éducation
tions. Il aurait fallu clairement ajouter le gaspil- à l’alimentation sur le temps scolaire. La loi
lage alimentaire aux missions du ministère de Climat et résilience a bien prévu de promouvoir
l’Agriculture et de la DGCCRF. l’éducation au développement durable, mais pas
celle à l’alimentation proprement dite. Or, pour
Afin de tenir les objectifs ambitieux lui redonner de la valeur, l’éducation dès le plus
de réduction du gaspillage alimentaire, jeune âge est primordiale. Il nous faut aider les
la loi impose que les acteurs du secteur citoyens à s’emparer du sujet pour faire évoluer
rendent des comptes chiffrés des progrès les comportements des consommateurs.
réalisés. Il semble que ça ne soit pas
le cas, alors que la question de la mesure Une première étape a été franchie
est essentielle pour évaluer le chemin dans la lutte antigaspillage. Il faut
parcouru. Qu’en pensez-vous? désormais aller plus loin, mais la marche
G. G. La mesure du gaspillage alimentaire est est haute, visiblement…
pratiquée en France, mais elle n’est pas systématique. G. G. La lutte contre le gaspillage alimentaire
Un groupe de travail de l’Ademe a pourtant n’aura pas d’effet durable sans volonté politique
rendu, en 2019, un travail complet et rigoureux durable pour la mettre en œuvre. La loi avait été
sur les indicateurs du gaspillage pouvant être votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale,
mis en place, secteur par secteur, au sein des comme au Sénat, dépassant tous les clivages poli-
entreprises. La proposition de loi «pour une tiques. Cela aurait dû la mettre à l’abri des alter-
nouvelle étape contre le gaspillage alimentaire», nances. Mais à quoi bon si, ensuite, il n’y a pas
que j’ai défendue en 2021, rejoint ces mesures, de portage politique pour appliquer réellement
en les généralisant à tous les acteurs de l’ali- les engagements ou les mesures votées… Or,
mentation. Le texte avait hélas été vidé de sa la lutte contre le gaspillage alimentaire, c’est une
substance, mais l’idée d’une mesure systématique dynamique qu’il faut nourrir dans le temps. C’est
fait son chemin parmi les parlementaires. d’autant plus nécessaire que les Français sont prêts.
C’est le moment d’accélérer. Toutes les enquêtes
Seuls les ménages ne sont pas d’opinion le confirment: la lutte contre le gaspil-
soumis à des obligations réglementaires lage est extrêmement populaire dans l’opinion
en matière de réduction des déchets publique. Le cadre posé par la loi de 2016 est clair
alimentaires. Ils y sont simplement et efficace: j’ai confiance dans notre capacité col-
« fortement » encouragés. Que faudrait-il lective à amplifier cette dynamique positive.

>>

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 101


CHRONOLOGIE
LES LOIS ANTIGASPILLAGE
Comme le souligne Guillaume Garot dans l’entretien
accordé à Que Choisir Pratique, la lutte contre le gaspillage
alimentaire est d’abord un combat politique, mené en France
depuis des années. Il a connu des avancées certaines…
mais beaucoup reste à faire pour atteindre les objectifs.

2013 Pacte national


de lutte contre
le gaspillage alimentaire
d’affaires. Et fixe des objectifs de réduction :
moins 50 % de gaspillage en 2025
par rapport à 2015 pour la grande distribution
et la restauration collective ; en 2030
Il entérine l’engagement des acteurs de la chaîne
pour les consommateurs, les industriels
alimentaire dans une feuille de route.
et les restaurateurs.

2015 Loi relative à la


transition énergétique
pour la croissance verte
2021 Loi Climat
et résilience
Elle prévoit une expérimentation de solution
Elle introduit l’obligation pour la restauration
de réservation de repas en restauration
collective publique d’engager une démarche
collective sur la base du volontariat.
de lutte contre le gaspillage alimentaire.
Elle oblige également les magasins
de plus de 400 m2 à dédier 20 %

2016 Loi dite « Garot »


Elle établit une hiérarchie
de leur surface au vrac d’ici à 2030.

2022
officielle dans les actions contre le gaspillage
18 novembre
alimentaire et interdit aux distributeurs
de rendre leurs invendus impropres
- Décret publié
à la consommation. Elle les oblige à les donner au Journal officiel
aux associations d’aide alimentaire. Il vise à mieux informer le consommateur
sur la date de durabilité minimale (DDM).
Cette dernière sera accompagnée d’une mention

2018 Loi Egalim


L’obligation de donner
des denrées encore consommables est étendue
claire indiquant qu’un produit alimentaire
reste consommable après cette date.

2023
à la restauration collective (> 3000 repas/jour)
et aux industries agroalimentaires de plus Lancement
de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. annoncé du label
national antigaspi

2020
Conçu pour valoriser les bonnes pratiques
Loi Agec des acteurs de la chaîne, comment ce label
Elle étend les obligations sera-t-il décerné aux distributeurs ?
ANCHIY/ISTOCK

de dons aux opérateurs de commerce de gros Au total, 17 critères devraient être retenus,
de plus de 50 millions d’euros de chiffre répartis en 4 grandes catégories.

102 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Chez soi

TOUT RESTE
À DÉCOUVRIR !
P ar ignorance, par manque
de temps ou par flemme,
on jette un reste de poulet,
une pomme ridée, des endives
ramollos, des fanes de radis…
Quel gâchis et quel dommage!
Moins gaspiller, cuisiner un peu
et se faire plaisir, ce n’est pas
sorcier, même un peu magique.
On commence par acheter de
bons produits, à savoir de saison,
en circuit court et sans traitement
(pour nous, pour le producteur
et pour les sols). Légèrement
plus onéreux à l’achat (et encore),
ces chouettes légumes, cette
viande bien élevée ou ce poisson
des côtes françaises offrent de
bonnes qualités organoleptiques,
se conservent mieux et, pour
certains, ne fondent pas comme
neige au soleil à la cuisson
(comparez une saucisse de
supermarché et une de votre
boucher, vous verrez). Ensuite,
on inspecte régulièrement le frigo,
car les restes ne se gardent pas
indéfiniment. Enfin, on improvise
velouté, rillettes ou pizza…
avec nos rogatons. Voici quelques
recettes pour ne pas jeter,
vous inspirer et vous régaler.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 103


On ne jette pas ...

... Un blanc d’œuf


AMARETTI AU MIEL ET AU CITRON
Pour 4 personnes Préparation : 25 minutes

Mélangez dans un saladier 90 g de poudre d’amandes, 60 g


de sucre, les zestes finement râpés d’1/2 citron, 2 gouttes d’extrait
d’amande amère et 1 pincée de sel. Montez 1 blanc d’œuf en neige
avec 1 cuil. à c. de miel liquide et ajoutez-le au saladier.
Mélangez et formez avec vos mains une quinzaine de petites boules.
Roulez-les dans du sucre glace et disposez-les sur une plaque.
Faites cuire 10 min dans un four préchauffé à 170 °C.
Le + Que Choisir
Ces biscuits se conservent très bien
dans une boîte fermée.

... Un jaune d’œuf


LAIT DE POULE À LA FLEUR D’ORANGER
Pour 1 personne Préparation : 5 minutes

Fouettez dans un bol 1 jaune d’œuf et 15 g de sucre de canne.


Versez dessus 20 cl de lait bien chaud (mais non bouillant)
additionné d’1 cuil. à c. d’eau de fleur d’oranger. Fouettez. Buvez !
Le + Que Choisir À tester avec du lait de vache, d’amande,
de soja, de riz, etc.

... Un œuf qui n’est plus extra-frais


PÂTE BRISÉE
À partager Préparation : 15 minutes

Mélangez 100 g de beurre salé en dés, 200 g de farine et 1 œuf,


jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène. Ajoutez si besoin
ADOBE STOCK-ISTOCK-NOUN PROJECT

un peu d’eau froide. Formez une boule. Filmez-la.


Réservez 30 min au frais.
Le + Que Choisir Une fois la pâte étalée sur un plan de travail fariné,
disposez-la dans un moule à tarte. Piquez-la. Garnissez de fruits ou
de légumes au bout de leur vie, assaisonnez. Faites cuire 35 min à 180 °C.

104 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Pour aller plus loin

... Les fanes de radis


CROSTINI AUX FANES, OLIVES,
PIGNONS ET FETA
Pour 4 personnes Préparation : 15 minutes

Lavez et essorez les fanes d’1 botte de radis (en ayant mis ces derniers
de côté). Faites-les fondre 5 min dans une poêle avec 3 cuil. à s. d’huile
d’olive. Ajoutez 8 olives noires coupées en rondelles, 3 pincées de
piment d’Espelette, 1 cuil. à s. de pignons et 100 g de feta coupée en dés.
Salez, poivrez, mélangez et poursuivez la cuisson 2 min. Disposez
sur des tartines de pain grillées. Décorez de rondelles de radis.
+
Le Que Choisir Cette poêlée est aussi délicieuse sur des spaghettis (pour
2 personnes, doublez les proportions des ingrédients indiqués ci-dessus).

... La tige du brocoli


VELOUTÉ DE BROCOLI AUX NOISETTES
Pour 2 personnes Préparation : 20 minutes

Nettoyez et détaillez en tronçons 1 belle tige de brocoli. Faites


revenir 1 oignon pelé et émincé dans une casserole avec 2 cuil. à s. d’huile
d’olive. Ajoutez la tige de brocoli et 1 grosse pomme de terre épluchée
et coupée en morceaux. Versez de l’eau à hauteur et faites cuire 25 min.
Salez, poivrez et ajoutez 1 cuil. à s. de crème fraîche et 1 râpée de noix
de muscade. Mélangez et mixez. Versez dans 2 bols et parsemez
de noisettes concassées, de persil ciselé et de croûtons.
Le + Que Choisir
Même recette avec des tiges et des parures de chou-fleur,
du cumin et 5 cl de jus d’orange. Parsemez de zestes d’orange.

... Le vert des poireaux


SAMOSAS AUX POIREAUX ET AU CHÈVRE
Pour 2-3 personnes Préparation : 20 minutes

Émincez les parties vertes de 2 poireaux (env. 80 g). Faites-les


fondre à feu doux 5 min dans une poêle à couvert avec 1 cuil. à s.
d’huile et 1 noix de beurre. Versez 3 cl de vin blanc. Poursuivez
la cuisson 15 min. Ajoutez hors du feu 1/2 crottin de chèvre coupé
en dés, 1 cuil. à s. de sirop d’érable et 3 cerneaux de noix concassés.
Salez, poivrez, mélangez. Coupez 3 feuilles de brick en 2 et déposez
en haut de chaque morceau un peu de farce. Pliez en triangle et faites
dorer à la poêle dans un fond d’huile 2-3 min de chaque côté.
+
Le Que Choisir Ces samosas se dégustent chauds à l’apéritif ou sur une
salade. Confectionnez-les à l’avance et faites-les dorer au dernier moment.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 105


On ne jette pas ...
... Du pain rassis
CROÛTONS THYM-CUMIN
À partager Préparation : 15 minutes

Versez dans un saladier 80 à 100 g de pain rassis coupé en cubes.


Arrosez de 2 cuil. à s. d’huile d’olive, ajoutez 1/2 cuil. à c. de cumin et
2 brins de thym effeuillés. Mélangez. Faites dorer 5 min à la poêle
ou étalez sur une plaque recouverte de papier cuisson et passer 4-5 min
au four à 180 °C. Laissez refroidir. Stockez dans une boîte fermée.
+
Le Que Choisir Pain de seigle, de campagne, aux graines, complet… tous
les restes conviennent aux croûtons, même la baguette. Mélangez-les et
parsemez-les sur une soupe, une salade, une omelette, ou encore à l’apéritif .

... De la brioche rassise


PUDDING POIRE-CHOCOLAT
Pour 4-6 personnes Préparation : 25 minutes

Faites revenir 6 poires pelées et coupées en lamelles 10 min


dans une poêle avec 40 g de beurre. Versez-les dans un plat à gratin.
Parsemez de 120 g de chocolat blanc concassé. Placez entre
les lamelles de poires 6 tranches de brioche rassise, coupées en 2 ou 3.
Fouettez dans un saladier 3 œufs, 30 cl de lait, 20 cl de crème liquide
et 2 cuil. à soupe de sucre roux. Versez sur les poires. Faites cuire
35 min dans un four préchauffé à 180 °C. Servez tiède ou froid.
+
Le Que Choisir Le pudding, idéal pour recycler tout ce qui a séché (pain,
brioche, croissant, pain d’épices…) et les restes de tablettes de chocolat.

... Des chutes de pâte feuilletée


TORSADES CURRY-SÉSAME
À partager Préparation : 5 minutes

Humectez d’eau, avec un pinceau, des bandes de pâte feuilletée


(2 cm environ de largeur) des 2 côtés. Saupoudrez-les de curry
et de graines de sésame. Torsadez-les et remettez des pincées
ADOBE STOCK-NOUN PROJECT

de curry, de sésame et de sel. Faites cuire 10 minutes au four à 180 °C.


Servez à l’apéro ou posé sur un bol de soupe ou une salade.
+
Le Que Choisir À tester avec du cumin, du paprika, de la cannelle,
du curcuma, des graines de pavot, de tournesol… variez les plaisirs !

106 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Pour aller plus loin

... Un fond de café


FONDANT CHOCOLAT-CAFÉ-NOISETTE
Pour 4 personnes Préparation : 20 minutes

Faites fondre 100 g de beurre demi-sel et 220 g de chocolat noir


en morceaux dans une casserole. Fouettez 4 jaunes d’œuf et 130 g
de sucre de canne. Ajoutez le chocolat fondu, 5 cl de café et 90 g
de poudre de noisettes. Incorporez 4 blancs d’œufs battus en neige.
Versez dans un moule beurré. Faites cuire 35 min au four à 180 °C.
Le + Que Choisir
Ce gâteau fonctionne très bien avec de la poudre
d’amandes à la place de la poudre de noisettes.

... Un fond de thé


COMPOTÉE DE POIRES, ORANGES
ET PRUNEAUX
Pour 4 personnes Préparation : 15 minutes

Versez dans une casserole 3 poires et 2 pommes pelées


et coupées en morceaux, 1 orange pelée et coupée en demi-rondelles,
8 pruneaux, 1 cuil. à s. de miel et 10 à 15 cl de reste de thé (earl grey,
darjeeling, fumé…). Faites cuire à feu doux et à couvert 15 min.
Coupez le feu et laissez tiédir à couvert.
+
Le Que Choisir Servez tiède avec une sauce de récup : fouettez
les restes de yaourt, de fromage blanc et de crème fraîche (12-15 cl en tout)
avec 1 cuil. à s. de miel et 1 filet de jus de citron ou d’orange.

... Un fond de pot de confiture


VINAIGRETTE SUCRÉE-SALÉE
À partager Préparation : 3 minutes

Versez, dans un pot où il reste environ 1 cuil. à s. de confiture,


3 cuil. à s. de vinaigre de cidre, 1 cuil. à s. de vinaigre balsamique,
1 cuil. à s. d’huile de sésame, 4 cuil. à s. d’huile d’olive et 1 cuil. à s. d’eau.
Salez, poivrez. Fermez le pot et secouez !
Le + Que ChoisirCela fonctionne avec tous les restes de confiture,
quels qu’ils soient. Amusez-vous en associant une épice à chacun :
fraise-baies de Sichuan ; prune-cannelle ; orange-4 épices ;
abricot-gingembre ; poire-badiane…

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 107


Un reste = une recette

Un reste de viande blanche (poulet, dinde…)


RILLETTES CITRON VERT-MOUTARDE
Pour 4 personnes Préparation : 15 minutes

Mixez par à-coups (ou hachez au couteau) 100 à 150 g de restes


de volaille cuits. Mélangez-les dans un saladier avec 2 cuil. à s.
de fromage frais (type Philadelphia), la peau d’½ citron confit coupée
en petits dés, le jus d’1 citron vert, 1 cuil. à s. de moutarde au miel,
les feuilles ciselées d’1/2 botte de coriandre (ou basilic), sel, poivre.
Servez avec des crackers ou du pain grillé.
+
Le Que Choisir Tout est permis : ajoutez des épices, des herbes,
des graines, des câpres, des cornichons ou des mini-dés de pomme.

Un reste de bœuf (filet, steak…)


SALADE ASIATIQUE SAUCE CACAHUÈTE
Pour 2 personnes Préparation : 25 minutes

Plongez 40 g de vermicelles de riz dans l’eau frémissante 4 min.


Égouttez et rincez à l’eau froide. Répartissez-les dans 2 bols évasés
avec 1 poignée de salade mélangée et 2 carottes râpées. Fouettez,
dans un bol, 1 cuil. à s. de beurre de cacahuète, 1 cuil. à s. d’huile
de sésame, 1 cuil. à s. de sauce soja, 1 cuil. à s. de vinaigre de riz,
1 cuil. à c. de sucre roux et 1 cuil. à s. d’eau puis poivrez. Saisissez
dans une poêle 180 g de reste de bœuf cuit (filet, entrecôte, steak,
rôti, etc.) coupé en lamelles, avec 1 cuil. à s. d’huile de sésame et 1 cm
de gingembre ciselé. Versez sur la salade et nappez de vinaigrette.
Le + Que Choisir Parsemez de cacahuètes et de feuilles de roquette.

Un reste de poisson blanc


BOULETTES DE POISSON À LA RICOTTA
Pour 2-3 personnes Préparation : 20 minutes

Mixez par à-coups 200 g de filet de poisson cuit, 2 cuil. à s.


bombées de ricotta, 30 g de beaufort râpé, 2 cuil. à s. de persil,
ADOBE STOCK-ISTOCK-NOUN PROJECT

1 cuil. à s. de moutarde en grains, 1 cuil. à s. bombée de fécule de pomme


de terre. Salez, poivrez. Formez une dizaine de boulettes
et roulez-les dans 40 g de chapelure. Déposez-les dans un plat
et enfournez pour 20 min à 180 °C.
Le + Que Choisir Servez sur des lentilles vertes, une salade verte, du riz…

108 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Pour aller plus loin

Un reste de saucisses
POMMES DE TERRE FARCIES
AU PORC ET À LA MIMOLETTE
Pour 4 personnes Préparation : 30 minutes

Coupez 4 grosses pommes de terre cuites à l’eau en 2.


Évidez-les légèrement sans les percer. Hachez au couteau
environ 120 g de reste de saucisses cuites. Mélangez dans
un saladier la chair des pommes de terre, les saucisses et 100 g
de fromage blanc. Salez, poivrez. Garnissez-en
les demi-pommes de terre et déposez-les dans un plat à four huilé.
Parsemez de 70 g de mimolette râpée. Faites cuire
25 min au four à 180 °C. Servez avec une salade.
+
Le Que Choisir Restes de saucisses (chipos, merguez, Toulouse,
Morteau, etc.), de côte, de filet ou de rôti de porc, de jambon,
de bacon… Tout passe dans ces super patates-là !

Le placard Des assortiments de produits bien choisis permettent de transformer


quelques restes en plats de rêve… Enfin, presque ! En tout cas,
magique qu’ils assaisonnent, parfument ou agrémentent nos recettes,
ces ingrédients méritent leur place dans notre placard.

Céréales
Riz (blanc et complet),
Huiles boulgour, semoule
Olive, sésame, noix (couscous), polenta, quinoa,
Vinaigres petit épeautre, sarrasin
Balsamique, de cidre, (sans gluten)
xérès, de riz Légumes secs
Épices Cumin, Lentilles vertes et corail,
gingembre, curcuma, pois cassés
piment, paprika, Conserves
muscade, vanille Pulpe de tomates, maïs,
Graines Sésame, pois chiches, sardines, thon
tournesol, courge ou maquereau
Sucres à l’huile
Blond de canne, roux, Briques
miel, sirop d’érable Crème UHT, lait de coco,
Parfums Eau de fleur crème de soja
d’oranger, peanut butter Fruits secs
(pâte d’arachides), Noix, noisettes, pignons,
citrons confits cacahuètes, raisins
DVID/ADOBE STOCK

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 109


Un reste = une recette
Un reste de saumon fumé
(ou autres poissons fumés : truite, flétan…)
CROQUES AU SAUMON PANÉS
Pour 2 personnes Préparation : 10 minutes

Tartinez 4 tranches de pain de mie de 4 cuil. à c. bombées de


mascarpone. Répartissez sur 2 d’entre elles 70 g de chutes de saumon
fumé coupées en lamelles et quelques feuilles de persil. Arrosez
d’1 filet de citron vert et poivrez. Refermez avec les 2 autres tranches
et appuyez. Trempez les croques des 2 côtés dans 1 œuf battu avec
1 cuil. à s. de lait puis dans 30 g de chapelure. Faites-les dorer 4 min
de chaque côté dans une poêle avec 25 g de beurre.
+
Le Que Choisir Soutenez les artisans et privilégiez le pain de mie
du boulanger, tellement meilleur !

Un reste de crevettes
ŒUFS MIMOSA MARINS
Pour 4 personnes Préparation : 10 minutes

Coupez 4 œufs durs en 2. Mélangez les jaunes avec 2 cuil. à s.


bombées de mayonnaise, les zestes râpés finement et le jus d’un 1/2 citron
vert, 3 feuilles de basilic ciselées, 2 pincées de piment d’Espelette.
Ajoutez 4 crevettes roses cuites décortiquées et hachées au couteau.
Salez, poivrez. Garnissez-en les blancs. Décorez de basilic.
+
Le Que Choisir Pour une version légère, remplacez la mayonnaise
par du fromage blanc.

Un reste de riz
RIZ FRIT ET ROULÉS D’OMELETTE
Pour 2 personnes Préparation : 20 minutes

Battez 2 œufs, salez, poivrez, versez dans une poêle avec 1 cuil. à s. d’huile
de sésame. Faites cuire 2-3 min et arrosez d’1 cuil. à s. de sauce soja
sucrée pour caraméliser 1 min. Roulez l’omelette et coupez-la en lanières.
Faites revenir 1 échalote émincée dans un wok avec 2 cuil. à s. d’huile
de sésame 1 min. Ajoutez 250-300 g de riz cuit (de la veille) et faites frire
ADOBE STOCK-NOUN PROJECT

5 min. Ajoutez les roulés d’omelette et 2 cuil. à s. de sauce soja salée,


laissez caraméliser 3 min. Parsemez de noix de cajou et de coriandre.
+
Le Que Choisir Ajoutez à ce riz vos restes de légumes cuits, en dés ou
en lamelles (champignon, carotte, brocoli, navet…), et de viandes blanches.

110 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Pour aller plus loin

Un reste de purée
GALETTES AUX OLIVES
Pour 2 personnes Préparation : 20 minutes

Mélangez dans un saladier 250 g de reste de purée, 1 œuf, 3 cuil. à s.


de farine, 40 g de parmesan et 10 olives noires coupées en rondelles.
Salez, poivrez. Prélevez 6-8 boules de purée et aplatissez-les
légèrement en galettes. Faites-les bien dorer 4-5 min de chaque côté
dans une poêle avec 2 cuil. à s. d’huile d’olive.
Le + Que Choisir Farinez bien vos mains pour prélever les boules de purée.

Un reste de spaghettis
BEIGNETS AUX ANCHOIS
Pour 2 personnes Préparation : 20 minutes

Battez dans un saladier 1 œuf, 20 g de parmesan, ½ gousse d’ail


hachée, 2 cuil. à s. d’herbes ciselées (ciboulette, basilic, coriandre…),
2 anchois à l’huile émincés et 1 pincée de piment. Ajoutez 250 g
de spaghettis cuits, poivrez et mélangez. Prélevez des petits tas
de spaghettis. Faites-les dorer 4-5 min de chaque côté en appuyant
un peu dans une poêle avec 4 cuil. à s. d’huile d’olive.
+
Le Que Choisir Remplacez les anchois par des tomates confites,
du citron confit, des câpres…

8 astuces Astuce 3 Mixez des


morceaux de pain rassis
pour les réduire en poudre
Astuce 6 Pressez
un demi-citron esseulé.
Répartissez le jus dans
(procédez par à-coups un bac à glaçons et stockez
Astuce 1 Assemblez afin d’éviter la surchauffe). au congélateur (idem
en fagots du thym, du laurier Une chapelure maison avec un reste de bouillon).
et des tiges de persil, coriandre, à conserver dans un bocal
céleri… Enroulez le tout dans en verre fermé. Astuce 7 Poivrez
une feuille de vert de poireau et de préférence en fin
ficelez. Conservez ces bouquets Astuce 4 Utilisez le papier de cuisson : cette épice
garnis au congélateur. d’emballage du beurre précieuse supporte mal
pour graisser un plat ou la chaleur, peut devenir
Astuce 2 Faites cuire une poêle avant de le jeter. âcre et perd sa saveur.
durs des œufs plus trop
frais. Écalez-les, hachez-les Astuce 5 Effeuillez Astuce 8 Laissez sécher
et parsemez-les sur une salade un reste de fines herbes, une gousse de vanille utilisée
verte, de pommes de terre, mettez-les dans un sachet puis mixez-la, vous obtiendrez
des poireaux vinaigrette, etc. et congelez-les. une délicieuse poudre de vanille.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 111


Un reste = une recette

Des endives flétries


PIZZA BLANCHE
À partager Préparation : 20 minutes

Ôtez les feuilles abîmées de 3-4 endives. Émincez-les.


Faites-les fondre dans une poêle avec 2 cuil. à s. d’huile d’olive 10 min.
Salez, poivrez, ajoutez 1 cuil. à c. de miel et poursuivez la cuisson 5 min.
Tartinez 1 pâte à pizza de 2 cuil. à s. de crème fraîche.
Répartissez les endives. Parsemez de 125 g de mozzarelle coupée
en lamelles et de 10 g de pignons. Arrosez d’1 filet d’huile d’olive.
Faites cuire 15 à 20 min dans un four à 200 °C.
+
Le Que Choisir Réalisez cette pizza en achetant une boule de pâte à pain
crue chez votre boulanger, bien meilleure qu’une pâte industrielle.

Des fines herbes raplaplas


PESTO AU GINGEMBRE
À partager Préparation : 10 minutes

Mixez 0,5 cm de gingembre émincé, 2 cuil. à s. de pignons,


2 cuil. à s. de parmesan, 5-6 cuil. à s. de fines herbes effeuillées
(basilic, coriandre, persil…), 2 glaçons et 1 filet de jus de citron.
Salez, poivrez et ajoutez 3 cuil. à s. d’huile d’olive.
Réservez au frais ou congelez dans un bac à glaçons.
Le + Que ChoisirServez sur des pâtes, du riz, en tartine, avec un blanc
de poulet ou un filet de poisson, sur une boule de mozzarella…

1 ou 2 pommes ridées
GÂTEAU 5-4-3-2-1
Pour 4 personnes Préparation : 20 minutes

Fouettez dans un saladier 5 cuil. à s. de farine, 4 cuil. à s. de sucre,


3 cuil. à s. de lait, 2 cuil. à s. d’huile et 1 œuf. Ajoutez ½ sachet de levure
et 1 pincée de sel. Versez dans un moule à manqué beurré.
Répartissez sur le dessus de la pâte 1 ou 2 pommes pelées et coupées
ADOBE STOCK-ISTOCK-NOUN PROJECT

en lamelles. Enfournez à froid à 140 °C pour 30 min. Fouettez


1 œuf, 5 cuil. à s. de sucre roux et 80 g de beurre fondu et versez
sur le gâteau. Enfournez à nouveau pour 15 minutes à 160 °C.
+
Le Que Choisir Remplacez les pommes par des poires, des pêches,
des prunes, des abricots… bref, videz le compotier.

112 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


ENQUÊTE
LE QUE CHOISIR

POUVOIR
D’ACHAT
DES FRANÇAIS
Que Choisir a voulu mesurer l’impact
de l’inflation sur le porte-monnaie
des Français. Via notre service l’Observatoire
de la consommation (ODLC), une enquête
en ligne a été lancée du 20 au 25 mai 2022
auprès d’un échantillon représentatif
de la population de 1004 personnes. Nous
vous présentons une partie des résultats.
Enquête réalisée par Grégory Caret avec Pascale Barlet et Elsa Casalegno

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 113


DE QUI PARLE-T-ON ?

O
n peut classer les ménages en deux catégories
selon leurs ressources. D’une part, les plus modestes,
aux revenus mensuels nets inférieurs à 2 000 €,
qui représentent 40 % de la population. D’autre part,
les classes moyennes et supérieures, qui réunissent 60 %
de la population, avec des revenus de plus de 2 000 € par mois.

114 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Titre Le pouvoir d’achat des Français

INFLATION Beaucoup de foyers


la ressentent fortement
E
n mai 2022, l’inflation
était déjà fortement LA HAUSSE GÉNÉRALE DES PRIX PÈSE-T-ELLE
ressentie par un tiers LOURDEMENT SUR LES DÉPENSES
des foyers, et ce chiffre OUI DE VOTRE MÉNAGE ?
81 }
grimpait même à 45 %
chez les ménages
Dont 48 % :
%
modestes. Depuis,
la hausse des prix oui, plutôt

}
a continué (de 6,1 %
sur un an en mai 2022,
Dont 33 % :
oui,
elle est passée à 7,1 %
tout à fait
sur un an en janvier 2023).
Logiquement, les faillites
de commerces sont
en augmentation, tout
comme le nombre
de ménages en difficulté.

NON
19 } Dont 16 % : non, plutôt pas

% Dont 3 % : non, pas du tout

L
es postes de
dépenses qui
impactent
le plus le budget LA FLAMBÉE DES PRIX
des foyers sont l’énergie
(en particulier pour les
DE L’ÉNERGIE FAIT MAL
Cla & s

déplacements quotidiens
s s up é
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Les hausses de prix


de

et le chauffage du logement)
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ainsi que les produits de


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GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO ; COMPOSER/ADOBE STOCK.

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sur votre budget


mb

nn
ge

grande consommation
es
le

(alimentation et hygiène). CARBURANTS 42 % 47 % 40 %


Si l’ensemble des Français
est concerné, les moins aisés LOGEMENT - ÉNERGIE 38 % 47 % 32 %
encaissent plus difficilement PRODUITS DE GRANDE CONSO. 31 % 44 % 23 %
les hausses sur ces postes,
mais aussi sur les
ÉQUIPEMENT & LOISIRS 21 % 31 % 14 %
équipements et les loisirs. ENSEMBLE DES PRIX 33 % 45 % 22 %

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 115


ÉNERGIE Le bouclier
tarifaire limite la casse
L
es produits énergétiques d’octobre 2021 tout au long de de plus par foyer. C’est beaucoup,
du logement ont pris 21% 2022. Mais depuis le 1er janvier mais la note aurait pu être bien
en moyenne sur un an 2023, ils accusent une hausse de plus salée… La Commission de
en 2022. Néanmoins, selon 15% (soit environ 25 € de plus régulation de l’électricité (CRE)
la source d’énergie, l’inflation par mois pour les ménages). préconisait en effet une hausse
n’a pas été la même. S’agissant Le bouclier a été étendu à de 99,36% des TRV d’électricité!
du gaz, le gouvernement a l’électricité au 1er février 2022, Le fioul a aussi connu une
instauré un bouclier tarifaire à plafonnant l’augmentation envolée en 2022. Aux boucliers
partir de l’automne 2021. Avec des TRV à 4% l’année dernière. tarifaires gaz et électricité ont
ce dispositif, les tarifs réglementés Depuis le 1er février 2023 donc été ajoutées des mesures
de vente (TRV) du gaz sont néanmoins, ils ont progressé de de compensation financière
restés figés à leur niveau 15%, soit environ 20 € par mois pour les ménages.

FACTURES DE CHAUFFAGE : LES SONDÉS PRENNENT UN COUP SUR LA TÊTE


VOTRE TYPE
D’HABITATION VOTRE SOURCE D’ÉNERGIE PRINCIPALE

La hausse des prix de


in d

Ch ur b a
Éle
L o ll e c

l’énergie pour le logement


ivi

co

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ge t i f
M a e ll e

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du

Au
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me

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pèse-t-elle sur votre budget ?


ici
is o

Ga

tre
ge
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ul
n

OUI, TRÈS FORTEMENT 40% 34% 33% 45% 45% 19% 34%

L
e poids de l’inflation varie
selon le type de logement,
il est plus élevé pour une
maison. Il est aussi fonction
de la nature de l’énergie: le gaz
GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO ; BILLIONPHOTOS.COM/ADOBE STOCK.

et le fioul ont un impact sur


le budget très fort pour près de
la moitié des ménages qui en
sont tributaires, contre un tiers
pour ceux qui se chauffent
à l’électricité, et un peu moins
pour ceux qui bénéficient du
chauffage urbain. Et encore,
en 2022, les boucliers tarifaires
avaient limité la casse…

116 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


FINANCES ET CONSO
Quelles stratégies ?
F
ace à l’inflation,
différentes stratégies
se mettent en place en DANS LE CONTEXTE ACTUEL, QUELLE SERA VOTRE
matière de crédit et d’épargne, ATTITUDE EN MATIÈRE DE CRÉDIT ET D’ÉPARGNE ?
selon les ressources de chaque
ménage. D’après notre 4%
étude, un tiers d’entre eux
(en général les plus aisés)
33 %
J’envisage
Je vais souscrire
un crédit conso
ne changerait rien à ses de ne rien
projets. En revanche, un tiers
épargnerait moins. Certains
changer
à mes projets 9 % Je vais
épargner plus
(9 %), à l’inverse, mettraient
davantage de côté pour
se constituer des réserves
de secours. Parmi les plus 29
Je vais
% 25 %
modestes, un quart puiserait épargner Je vais puiser
dans son bas de laine, tandis moins dans mon
que 4 % souscriraient qu’espéré épargne
un crédit à la consommation.

Au quotidien, les stratégies


conso varient selon
les ressources. Les milieux
modestes arbitrent entre
leurs achats courants, voire y
LES MÉNAGES MODIFIENT
renoncent; les classes moyennes
LEUR FAÇON DE CONSOMMER
adaptent leur comportement. Sur quels postes les sondés font-ils des économies ?
Concernant les déplacements,
un tiers des usagers utiliserait 31 % utilisent moins leur véhicule
moins sa voiture quand
CARBURANTS 23 % cherchent des stations-services
moins chères
un quart serait à l’affût des
stations-services moins chères. LOGEMENT 60 % baissent le chauffage
Ils seraient également 60 %
à baisser le chauffage chez eux, PRODUITS DE GRANDE 64 % consomment moins de bio
plus de la moitié à limiter CONSOMMATION 44 % achètent moins de pain
les sorties et plus du quart LOISIRS & BIENS 58 % sortent moins
à renoncer à partir en vacances. D’ÉQUIPEMENTS 52 % diminuent les dépenses d’habillement
Les achats concernant (réponses des plus 51 % limitent l’achat d’équipements
modestes uniquement) 43 % réduisent leurs vacances
l’habillement et l’équipement
de la maison sont reportés.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 117


ALIMENTATION Les premiers
C
oncernant soient plus fortement
l’alimentation, les touchés par l’inflation.
ménages modestes Les classes moyennes
ont fortement réduit et supérieures, elles,
leur consommation délaissent le haut de
de viande, de poisson gamme pour privilégier
et de fromage, mais le meilleur marché, par
aussi de fruits et légumes exemple en abandonnant
frais. Les promotions le bio au profit du
rencontrent un grand conventionnel, ou les
succès, et les produits marques nationales pour
premiers prix voient celles des distributeurs.
leur part de marché
augmenter, bien qu’ils

Pour 31 %
des ménages, la hausse
des prix des denrées
alimentaires pèse très
lourdement. Notamment
chez les plus modestes :
44 % (contre 23 % pour
les classes moyennes
ou supérieures).

i
t ais
ts e es fr
LES RAYONS LES PLUS
u
Fr gum e IMPACTÉS PAR L’INFLATION
lé iand isson cerie
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Ép lée rée its SELON LES CONSOMMATEURS
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M. NIVELET/ADOBE STOCK ; GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO ; NOUN PROJECT

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36 32
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%
% 29
%

118 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Titre Le pouvoir d’achat des Français

prix gagnent du terrain


LES FRANÇAIS SE SERRENT LA CEINTURE
Viande et épicerie

46 %
achètent moins
42 %
achètent moins de
de viande produits d’épicerie

Hygiène Produits
et entretien laitiers
et œufs

38 %
ciblent promos
41 %
ne changent
et premiers prix rien

Le bio en perte de vitesse


L
e bio a beau être moins
touché par l’inflation DANS LE CONTEXTE ACTUEL, AVEZ-VOUS LIMITÉ
que le conventionnel, L’ACHAT DE PRODUITS BIOS ?
ses prix plus élevés dissuadent
une partie de sa clientèle.
Près des deux tiers des
36 % 29 %
acheteurs habituels limitent
Je n’ai pas J’ai fortement
réduit mes réduit
désormais leurs achats achats mes achats
de produits certifiés bios.
Les ventes en grandes surfaces
comme en magasins spécialisés,
qui fléchissaient déjà en 2021, 35 %
se sont effondrées en 2022, J’ai légèrement
plongeant la filière dans la crise. réduit mes achats

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 119


CARBURANTS
Les ménages s’adaptent
A
ujourd’hui, tiers), en recherchant
LA HAUSSE DE PRIX
88 % des les stations-services OUI SUR LE CARBURANT

84
ménages les moins chères ou,
français sont motorisés. plus marginalement, en
PÈSE-T-ELLE
Logiquement, faisant de petits pleins LOURDEMENT SUR
la flambée du prix
des carburants pèse
ou en roulant moins
vite. Un cinquième
% VOS DÉPENSES ?
lourdement dans
les dépenses de la très
d’irréductibles
ne change rien à ses } Dont 48 % :
oui, tout à fait

}
grande majorité d’entre habitudes. Mais qu’en
eux. Et ce, quel que soit sera-t-il cette année, Dont 36 % :
leur niveau de revenus. avec la fin de la remise oui, plutôt
Les automobilistes à la pompe et
réagissent donc en l’instauration d’un
utilisant moins souvent chèque carburant ciblé
leur véhicule (pour un pour les plus modestes ?
NON
} Dont 14 % : non,
plutôt pas
16 } Dont 2 % : non,

% pas du tout

COMMENT RÉAGISSENT LES AUTOMOBILISTES ?

35 % 6% font le plein
plus souvent pour des
utilisent moins
leur véhicule montants plus faibles

10 %
roulent moins
vite pour
consommer
moins

27 % 22 %
KANPISUT/ADOBE STOCK

cherchent les ne changent


stations-services pas leurs
moins chères habitudes

120 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


Entretien
PHILIPPE MOATI
Professeur d’économie
à l’université Paris Cité,
cofondateur de L’Observatoire
d’études et de conseils (ObSoCo).

« LES FRANÇAIS
N’ONT PAS LE MORAL »
Que savons-nous du profil la viande, les œufs ou la volaille. Là encore,
des ménages les plus touchés le paradoxe, c’est que les Français demeurent
par l’inflation ? très soucieux de manger sains. Par ailleurs,
P. M. Ce sont, comme souvent, les classes les grosses dépenses – un déménagement,
sociales les plus défavorisées (ouvriers, des travaux dans la maison, l’achat
employés, chômeurs). Or ces personnes de meubles, de gros électroménager ou
ont déjà souffert de la crise sanitaire d’une voiture – sont bien souvent reportées.
(temps partiel, chômage…), puis Enfin, ce sont les loisirs les plus touchés.
des pénuries de matières premières et, La restauration n’a toujours pas repris son
enfin, de l’inflation. Ces catégories sont niveau d’avant-covid; même chose pour
assommées par la perte de pouvoir d’achat. le cinéma. En parallèle, on a vu émerger
un nouveau phénomène: la « numérisation »
Comment font-elles face ? de nos modes de vie. Les abonnements
P. M. Le premier réflexe est de taper dans à Netflix, par exemple, compensent
l’épargne de précaution quand il y en a. sans doute les déplacements au cinéma…
Les Français sont de plus en plus nombreux À Noël dernier, selon un sondage mené par
à y puiser très régulièrement pour boucler l’ObSoCo, les Français ont été 57 % à vouloir
leurs fins de mois. Et, paradoxalement, faire moins de cadeaux, 40 % à consacrer
on n’observe pas de recours significatif moins d’argent à la déco et 40 % à souhaiter
au crédit à la consommation. En revanche, moins dépenser pour les repas de fêtes.
ce qui est certain, c’est que les gens
sont contraints de faire des arbitrages. Que peut-on dire
du moral des Français ?
Quels sont les postes P. M. Il est à peu près au même niveau
de dépenses sacrifiés ? qu’en 2008, au moment de la crise financière
P. M. Les enseignes de la grande distribution des subprimes. Cela dit, cette dernière avait
observent quasiment toutes une baisse des duré moins longtemps. Aujourd’hui, si
volumes d’achats, notamment dans le secteur le moral est très bas, c’est aussi justement
de l’alimentation. Les quantités consommées parce que l’on ne sait pas combien de temps
sont moindres. Je ne parle même pas la crise actuelle va se prolonger.
des denrées devenues onéreuses comme Propos recueillis par Pascale Barlet

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 121


LOGEMENT Les projets
Q
uand l’inflation
galope, il ne fait pas
bon être locataire
(c’est-à-dire 39 % des
Français, mais 65 % des
ménages modestes): les
hausses de loyer pèsent
lourdement sur les dépenses
dans la majorité des cas.
Quant à ceux qui avaient

SORTIES ET LOISIRS Des postes


E
n mai 2022, les hausses les biens d’équipement
de prix des biens et et, dès l’automne 2022 LA HAUSSE DES PRIX
services étaient encore dans l’habillement PÈSE-T-ELLE
limitées. Néanmoins, et les abonnements (mobile, LOURDEMENT SUR VOS
elles pesaient déjà dans Internet et plateformes DÉPENSES ?
le budget de 21 % des vidéo). En réaction, plus de

}
ménages, notamment chez la moitié des consommateurs
les plus modestes (31 %, ont réduit leurs achats, en OUI Dont 46 % :
oui, plutôt

67 }
contre 15 % pour les classes particulier concernant les
moyennes ou supérieures). sorties et loisirs – la chute de Dont 21 % :
Depuis, de fortes la fréquentation des théâtres oui,
augmentations ont été
relevées, en premier lieu
et cinémas en témoigne –, et
un tiers cible des promotions
% tout à fait

dans les sorties et loisirs, puis ou des gammes inférieures.

NON } Dont
28 % :

33 non,
plutôt
CRISTIAN - SOHO A STUDIO/ADOBE STOCK

%
NON
pas

} Dont
5%:
non, pas
du tout

122 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


immobiliers entre parenthèses
un projet immobilier, ils
ne sont que la moitié à avoir
LE LOYER PÈSE LOURD COUP DE FREIN SUR L’IMMOBILIER
pu le maintenir en 2022.
L’envolée des taux d’intérêt
en fin d’année, ainsi que
65% des Français
des classes modestes
36% des ménages reportent leur
projet immobilier ou y renoncent,
le durcissement des sont locataires 13 % revoient à la baisse le budget prévu
conditions d’octroi de prêts
par les banques, laisse
présager des conditions
Pour 89% des
locataires, les hausses de loyer
30% des ménages reportent
leur projet de rénovation ou y renoncent,
encore difficiles en 2023. pèsent très lourdement. 30 % réduisent leur budget

qui paient le prix fort


LES FRANÇAIS MOINS D’1 FRANÇAIS SUR 2 EST EN MESURE
RÉDUISENT DE MAINTENIR SON PROJET VACANCES
LEUR BUDGET
33 % 21 %
58 %
des sondés dépensent
n’avaient pas de
projet vacances
réduisent
le budget
moins pour leurs vacances
sorties et loisirs
24 % 22 %
52 %
achètent moins
maintiennent leur
projet de vacances
vont partir en
vacances mais
d’habits moins longtemps

51 % C
ôté vacances, on modestes), les choses ont
reconsidère aussi ses changé l’été dernier. À cause
limitent les achats envies. Si, en moyenne, de l’inflation, les trois quarts
d’équipements les Français passent 12 jours des personnes sont parties

36 %
par an hors de leur domicile moins longtemps ou moins
pendant leurs congés loin, ou ont réduit leur
revoient leurs (n’oublions pas toutefois que budget vacances. Seul un
abonnements 27% ne partent pas – une petit quart entendait
à la baisse proportion qui s’élève même maintenir ses projets initiaux,
à 42% parmi les foyers quitte à payer plus cher.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 123


| INFO CONSO | IMPÔTS

Une nouvelle déclaration


sur votre logement
Les propriétaires d’un bien ont jusqu’au 30 juin 2023 pour indiquer, sur
Impots.gouv.fr, à quel titre ils l’occupent, faute de quoi ils seront sanctionnés.

L
es contribuables ne payent plus la taxe Si, au 30 juin, vous ne vous êtes pas exécuté,
d’habitation sur leur résidence principale une amende forfaitaire de 150 € par local
en 2023. Par contre, cet impôt demeure pourra vous être appliquée. Par la suite, vous
applicable aux autres biens, notamment ne renouvellerez votre déclaration qu’en cas
secondaires. Il en va de même de la taxation de changement de situation.
des logements vacants. Pour identifier les locaux
imposables, la loi de finances pour 2020, adoptée Chasse aux logements vacants
fin 2019, a mis en place une nouvelle obligation Cette nouvelle obligation permettra au fisc de
déclarative à destination des propriétaires. En repérer les biens qui restent taxables, que ce soit
tout, 34 millions de personnes et 73 millions au titre de la taxe d’habitation sur les résidences
de logements sont concernés. secondaires ou au titre de la taxe annuelle sur
La mesure est entrée en vigueur le 1er janvier 2023 les logements vacants. Vous êtes en effet rede-
et la déclaration est accessible depuis le 23 jan- vable de la première en tant que propriétaire
vier. En pratique, vous devez vous connecter à d’une résidence de villégiature, même si vous
votre espace personnel sur le site des impôts ne l’occupez que quelques jours par an ou la
puis cliquer sur la rubrique «Gérer mes biens louez de manière saisonnière. Et redevable de
immobiliers» pour la compléter. Vous y retrou- plein droit de la seconde si vous possédez un
verez tous les logements dont vous êtes pro- local situé en zone tendue que vous laissez vide
priétaire et indiquerez, pour chacun, à quel titre et inoccupé depuis plus d’un an.
vous l’occupez: résidence principale, secondaire La taxe sur les logements vacants est étendue à
ou local vacant. Pour faciliter votre démarche, davantage de communes à compter de 2023. Elle
le formulaire sera prérempli avec les données s’applique dans celles qui connaissent des tensions
d’occupation déjà connue du fisc. Vous n’aurez sur le marché locatif, y compris si elles se trouvent
qu’à les modifier si elles sont inexactes. En ce dans une petite agglomération, et plus seule-
qui concerne les biens que vous n’utilisez pas vous- ment si elles font partie d’une grande de plus
même (prêtés ou loués), vous devrez renseigner de 50 000 habitants. Si vous êtes propriétaire
l’identité des occupants au 1er janvier 2023 ainsi d’une demeure secondaire dans une telle ville,
que leur période d’occupation. vous risquez aussi de devoir payer la surtaxe
d’habitation sur les résidences principales à comp-
ter de cette année, car le périmètre des communes
LE SAVIEZ-VOUS qui peuvent l’instaurer est, lui aussi, étendu à

L es personnes pour lesquelles l’accès


àInternet est difficile, voire impossible,
peuvent se rendre directement
toutes les zones tendues du territoire.
Olivier Puren

à leur centre des impôts fonciers pour


accomplir cetteformalité, ou appeler
le 0809 401 401 (appel non surtaxé).

124 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


| INFO CONSO | ASSURANCE-VIE

Les taux remontent


C’est historique ! Les contrats d’assurance-vie en euros repassent,
en moyenne, la barre des 2 % de rendement net, après des années
de taux bas. Un niveau quasi inatteignable en 2021.

C
e signal apparaît chez la grande majo- l’assureur. Ce dernier peut décider de puiser un
rité des compagnies qui ont com- peu plus dans ses réserves à certaines périodes,
mencé à publier leur taux, en parti- afin d’exhiber un taux plus attractif et de séduire
culier les mutuelles. Celles-ci tirent ainsi de nouveaux épargnants.
très clairement leur épingle du jeu en ce début
d’année. Elles affichent quasiment toutes des Des performances inférieures
hausses de taux de rendement d’au moins au niveau de l’inflation
0,4 point de base. Leur taux moyen se situe Les premiers bons résultats publiés doivent
ainsi autour de 2 %. La palme revient, pour malgré tout être relativisés au regard de la forte
l’instant, à la MACSF, qui caracole en tête avec inflation de l’année dernière (+ 6%), qui aboutit
un taux de rendement net de 2,5 %. Une nuance actuellement à un appauvrissement des épar-
cependant: beaucoup de bancassureurs et gnants. Les livrets réglementés, notamment le
d’assureurs privés traditionnels n’ont pas encore livretA, s’en tirent ainsi aujourd’hui mieux que
livré leurs résultats 2022. Ceux qui l’ont fait les assurances-vie pour les rendements versés
communiquent certes des taux plus élevés qu’en – le livret A arbore en effet, depuis peu, un taux
2021 (entre 1,2 et 2 %) mais, dans l’ensemble, de 3 %. Logique: il est revalorisé directement
ils restent moins ambitieux que ceux des en fonction de l’inflation.
mutuelles d’assurances. À noter que le fonds Mais cela ne devrait pas forcément durer. Car
Vivaccio de la Banque postale, dont le rende- les taux des assurances-vie varient, eux, en fonc-
ment sombrait dans les abysses (autour de tion de la performance réalisée l’année passée
0,65 %), n’est plus commercialisé. par les obligations d’État (et par quelques actions
souscrites en part minoritaire), dans lesquelles
Les rendements grimperont-ils aussi les fonds en euros ont investi. Or, ces taux ne
du côté de l’assurance-vie en ligne ? sont pas réajustés par rapport à l’inflation. Ils
Il n’y a pas encore beaucoup d’informations fluctuent selon les taux des nouvelles obligations
du côté des assurances-vie en ligne. On a seu- souscrites chaque année; les effets de l’inflation
lement appris que le contrat Linxea Zen, un se font ainsi sentir beaucoup plus lentement.
fonds en euros, a vu son rendement remonter Rien ne serait cependant joué. Il se dit déjà
notablement, de 0,86 à 1,3 %. Il faut rappeler qu’il est possible que l’inflation s’essouffle dans
que le niveau du taux annoncé n’est pas uni- les mois à venir… Les obligations sécurisées
quement lié à la performance des fonds en pourraient, quant à elles, connaître une nouvelle
euros de l’assurance-vie, mais qu’il dépend hausse de la demande.
également de la politique commerciale de Élisa Oudin

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 125


| INFO CONSO | ASSURANCE MAL ADIE
Des centres de santé
dans le viseur
À la suite de contrôles menés par l’Assurance maladie, deux centres
de santé, respectivement situés à Trappes (78) et au Blanc-Mesnil (93),
ont été déconventionnés pour pratiques tarifaires frauduleuses.

U
n centre dentaire Medidental, situé au Les indus s’élèvent, pour le centre du Blanc-
65, avenue Paul-Vaillant-Couturier, à Mesnil, à 160 000 €. Une paille, est-on tenté de
Trappes (Yvelines), et un centre oph- dire, comparés à ceux du cabinet de Trappes qui,
talmologique et dentaire du Blanc- en neuf mois d’existence seulement, aurait causé
Mesnil (Seine-Saint-Denis), dont l’adresse est le un préjudice de 1,5 million d’euros !
16, avenue Henri-Barbusse, viennent d’être décon-
ventionnés pour une durée de cinq ans. Cela Restaurer l’agrément de l’Agence
signifie que les soins qui y sont réalisés ne sont régionale de santé
plus couverts qu’à la marge par la Sécurité sociale. Plusieurs centres du même type, qui se sont
Cette sanction a été prise en raison de leurs pra- multipliés ces dernières années sous statut
tiques tarifaires douteuses. La décision est effective associatif, sont dans le viseur de l’Assurance
depuis le 23 janvier pour la structure du Blanc- maladie: 88 d’entre eux subissent actuellement
Mesnil et le 1er février pour celle de Trappes. des contrôles de facturation. De son côté, Abdel
Dans les faits, le déconventionnement entraîne Aouacheria, responsable de l’association d’usa-
le déremboursement quasi total des soins réalisés. gers La dent bleue, alerte sur le sort des patients
L’objectif est clairement de dissuader les patients restés sur le carreau: «Il faut s’assurer de leur
de s’y faire suivre, en attendant que la justice prise en charge administrative et clinique, sans
passe, puisque des plaintes pour fraude ont été quoi il y a un risque d’errance thérapeutique, les
déposées. Pour l’heure, plus personne ne décroche autres dentistes n’étant pas toujours partants pour
le téléphone au centre de Trappes (le répondeur reprendre les soins.» Très au fait des dérives
y annonce une réouverture le… 2 janvier). Il occasionnées par la loi de 2016 autorisant
n’est plus possible d’y prendre rendez-vous par l’ouverture de tels centres dentaires (qui pro-
Internet. Tout indique qu’il ne reçoit plus per- posent aussi parfois des soins ophtalmolo-
sonne. Au Blanc-Mesnil, impossible d’obtenir giques), l’association appelle à des contrôles
un rendez-vous par Internet, et personne ne plus appuyés. En parallèle, un texte en discus-
prenait les appels le 27 janvier. sion au Parlement prévoit de rétablir l’agrément
La sanction de l’Assurance maladie résulte des de l’Agence régionale de santé (ARS) avant toute
contrôles ayant mis en évidence des actes facturés ouverture. S’il était adopté, il permettrait de
plusieurs fois ou carrément des soins fictifs, c’est- vérifier les liens des structures avec des sociétés
à-dire qu’ils n’ont pas été réalisés mais bel et bien lucratives, les diplômes des dentistes y exerçant
codés et adressés à la Sécurité sociale pour rem- et le passé du ou des gestionnaires.
boursement grâce à la carte Vitale des patients. Anne-Sophie Stamane

126 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


| INFO CONSO | STREAMING
Netflix monétise le partage
de compte
Partager gratuitement Netflix avec ses proches n’aura été qu’une parenthèse.
Au printemps 2023, les abonnés devraient être facturés 3 ou 4 € supplémentaires
pour chaque utilisateur ne vivant pas sous le même toit.

D
ès l’automne 2022, Netflix s’attaquait court terme. Mais les ménages activeront ensuite leurs
au partage de compte en lançant la propres comptes et ceux de membres supplémentaires»,
fonction «transfert de profil». Le géant a promis Netflix à ses investisseurs.
du streaming vidéo passe à la vitesse
supérieure. Lors de la présentation des résultats Repérage automatique via les adresses IP
annuels de l’entreprise, le 19 janvier dernier, le Netflix n’a pas encore officiellement révélé les
directeur financier, Spencer Neumann, a confirmé contours du système prévu en France, mais l’on
la généralisation du paid sharing, c’est-à-dire le sait déjà qu’il sera en mesure de détecter les profils
partage de compte payant lorsque les utilisateurs concernés. Comment? En géolocalisant chaque
additionnels ne vivent pas sous le même toit. connexion via son adresse IP, que les clients
Pour rappel, les conditions d’utilisation du ser- acceptent de partager en signant les conditions
vice interdisent de donner ses identifiants à des générales du service. Théoriquement, l’activation
personnes extérieures au foyer. Mais, selon pourrait donc être automatique. Mais la plate-
Netflix, dans les faits 100 millions d’abonnés forme, qui a déjà préparé les pages d’aide dédiées
partagent leurs identifiants avec des proches, ce sur son site (1), se veut rassurante: «Nous ne vous
qui représente un énorme manque à gagner facturerons pas systématiquement si vous partagez
(des analystes américains de Citi l’évaluaient à votre compte avec quelqu’un qui ne vit pas avec vous.»
6 milliards de dollars par an en 2021). Une question demeure: les invités auront-ils
Concrètement, l’abonné principal serait facturé les mêmes droits que l’hôte, notamment en ce
pour tous les profils de compte hors foyer ajoutés. qui concerne les connexions simultanées au
Ces derniers se connecteront alors avec leurs service, ou le téléchargement de films et de séries
propres identifiants. En Amérique du Sud, où pour les visionner hors connexion ? Dans les
cette option est déjà déployée et disponible (au pays où l’option est activée, les utilisateurs sup-
même prix) pour les abonnés standards et pre- plémentaires bénéficient des contenus en illi-
mium, le surcoût mensuel oscille entre 20 et mité sur n’importe quel appareil (smartphone,
30 % de l’abonnement selon les pays. Pour les tablette, TV, console de jeux, etc.), et dans la
Français, qui paient 13,49 €/mois (en standard) même qualité. Cependant, contrairement à
ou 17,99 €/mois (en premium), le surcoût devrait l’abonné principal, ils ne peuvent regarder
donc logiquement s’établir autour de 3 à 4 € Netflix et télécharger du contenu que sur un
mensuels. «Nous nous attendons à ce que, comme seul appareil à la fois, et n’ont pas le droit de
en Amérique latine, la première réaction des utili- créer eux-mêmes de sous-profils. Difficile d’ima-
sateurs concernés soit de déserter la plateforme, ce giner qu’il en soit autrement en France.
qui aura un impact sur la croissance des abonnés à Camille Gruhier
(1) En anglais pour l’instant.

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 127


| INFO CONSO | IRRIGATION
Fleuve: touchez pas au débit!
L’autorisation du préfet des Pyrénées-Orientales donnée à d’importants prélèvements
d’eau dans la Têt, fleuve côtier du département, cristallise les différends entre
exploitants et défenseurs de l’environnement.

L
e tribunal administratif de Montpellier a une étude pour définir les débits du fleuve auxquels
tranché: le débit minimal biologique de se tenir.Sur un tronçon de 7 km identifié «en situation
la Têt, fleuve qui traverse les Pyrénées- préoccupante de déséquilibre structurel», elle fixait ainsi
Orientales et alimente les deux tiers de leurs un seuil de 1500litres/seconde à respecter. Or, c’est
surfaces agricoles irriguées, doit être respecté. précisément sur cette portion que le préfet a ensuite
L’affaire remonte à 2017, quand le préfet du dépar- permis de descendre à 609litres/seconde entre le
tement décide, à la demande des agriculteurs irri- 1er juillet et le 31 octobre! Ne parvenant pas à le
gants, d’abaisser cette limite à 600 litres/seconde en convaincre de revenir sur sa décision, France nature
période d’étiage (l’été). L’association France nature environnement de Languedoc-Roussillon a engagé
environnement voit rouge! Car avec cette déroga- un recours auprès du tribunal administratif. Avec
tion, le représentant de l’État contrevient aux raison, puisque le jugement impose un débit mini-
conclusions des études menées par l’Agence de mal biologique supérieur à 1500litres/seconde et
l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et ses propres supprime, à compter du 1er avril 2023, la modulation
services : dès 2010, le bassin-versant de la Têt a été estivale autorisée par le préfet. Il s’appuie en cela
déclaré en «déséquilibre quantitatif», les prélève- sur le Code de l’environnement, qui exige «un débit
ments d’eau y étant trop importants pour garantir minimal garantissant en permanence la vie, la circu-
le bon fonctionnement des milieux aquatiques. lation et la reproduction des espèces vivant dans les
eaux». La profession agricole, vent debout contre
Une dérogation abusive cette décision, a manifesté à Perpignan le 24 janvier
Sachant que les canaux qui irriguent en goutte à dernier. Et le préfet a fait appel du jugement
goutte les vergers et les cultures maraîchères ne pré- quelques jours plus tard, le 30 janvier.
lèvent de l’eau que dans la Têt, le préfet avait piloté Élisabeth Chesnais

L’UFC-QUE CHOISIR DANS VOTRE VILLE


La force de l’UFC-Que Choisir, ce sont ses publications, son site internet et ses associations locales, animées
par des bénévoles compétents qui tiennent régulièrement des permanences pour vous conseiller et vous
informer. Pour adhérer à l’une d’entre elles, complétez et découpez le coupon ci-dessous, et adressez-le,
accompagné d’un chèque de 30 € minimum pour la première adhésion, à :
UFC-QUE CHOISIR – 233, bd Voltaire – 75555 Paris Cedex 11

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Code postal Ville ......................................................................................................................................

128 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023


N O S A S S O C I AT I O N S L O C A L E S
L’UFC-Que Choisir compte près de 140 associations locales en France, animées
par des militants bénévoles. Ces antennes fournissent à leurs adhérents des conseils juridiques
et techniques et de la documentation sur des questions de vie quotidienne.

01 AIN • 8, boulevard Joliot-Curie 22500 PAIMPOL 32 GERS 40 LANDES


• Maison de la culture 13500 MARTIGUES 02 96 20 58 76 • 44, rue Victor-Hugo • Maison René-Lucbernet
et de la citoyenneté CS 70270 04 42 81 10 21 • 3, rue Pierre-Cléret 32000 AUCH BP 186
4, allée des Brotteaux • 107, rue de Bucarest 22120 YFFINIAC 05 62 61 93 75 6, rue du 8 mai 1945
01006 BOURG- BP 260 02 96 78 12 76 33 GIRONDE 40004 MONT-
EN-BRESSE CEDEX 13666 SALON-DE- 23 CREUSE • 17, cours DE-MARSAN CEDEX
04 74 22 58 94 PROVENCE CEDEX • BP 242 Balguerie-Stuttenberg 05 58 05 92 88
02 AISNE 04 90 42 19 80 11 rue Braconne 33300 BORDEAUX 41 LOIR-ET-CHER
• 31 bis, rue du Gal-Patton 14 CALVADOS 23005 GUÉRET CEDEX 05 56 79 91 94 • Maison des associations
02880 CROUY • 24, rue des Bouchers 05 55 52 82 83 34 HÉRAULT 17, rue Roland-Garros
09 70 96 64 93 14400 BAYEUX 24 DORDOGNE • Maison de la vie 41000 BLOIS
03 ALLIER 02 31 22 82 27 • 1, square Jean-Jaurès 02 54 42 35 66
associative
• 52, rue de la Gironde • 19, quai de Juillet 24000 PÉRIGUEUX 42 LOIRE
Boîte aux lettres n° 15
03100 MONTLUÇON 14000 CAEN 05 53 09 68 24 • 17, rue Brossard
2, rue Jeanne-Jugan
04 70 05 30 38 02 31 86 32 54 42000 SAINT-ÉTIENNE
25 DOUBS 34500 BÉZIERS
• 42, rue du Progrès • Centre socioculturel CAF 04 77 33 72 15
• 8, avenue de Montrapon 04 67 28 06 06
03000 MOULINS 9, rue Anne-Morgan
25000 BESANÇON • BP 2114 43 HAUTE-LOIRE
04 70 20 96 30 14500 VIRE
03 81 81 23 46 3, rue Richelieu • 29, boulevard
02 31 67 73 66
04 ALPES-DE-HAUTE- 26 DRÔME 34026 MONTPELLIER CEDEX 1 Dr Chantemesse
PROVENCE 15 CANTAL 04 67 66 32 96 43000 AIGUILHE
• BP 17 • 10, rue François-Pie
• Château de Drouille 26000 VALENCE • BP 106 04 71 02 29 45
Rue Pasteur Henri-Genatas 19, rue de la Coste 53, boulevard
15000 AURILLAC 04 75 42 58 29 44 LOIRE-ATLANTIQUE
04100 MANOSQUE Chevalier-de-Clerville • Maison des associations
04 92 72 19 01 04 71 48 58 68 27 EURE 34200 SÈTE
• Immeuble Cambrésis 2 bis, rue Albert-de-Mun
07 ARDÈCHE 16 CHARENTE 04 30 41 53 30 44600 SAINT-NAZAIRE
• Immeuble George Sand 17, rue des Aérostiers
• Maison des associations 27000 ÉVREUX 35 ILLE-ET-VILAINE 02 40 22 00 19
Place de la Gare 83, avenue de Lattre- • 8, place du Colombier • 1, place du Martray
de-Tassigny 02 32 39 44 70
07200 AUBENAS 35000 RENNES 44000 NANTES
04 75 39 20 44 16000 ANGOULÊME 28 EURE-ET-LOIR 02 99 85 94 23 02 40 12 07 43
05 45 95 32 84 • La Madeleine • Maison des associations
08 ARDENNES 25, place Saint-Louis 45 LOIRET
• BP 561 17 CHARENTE-MARITIME Surcouf • 39, rue Saint-Marceau
• 3, rue J.-Baptiste-Charcot 28000 CHARTRES 19, rue de la Chaussée
5, rue Jean-Moulin 02 37 30 17 57 45001 ORLÉANS
08000 CHARLEVILLE- 17000 LA ROCHELLE 35400 SAINT-MALO 02 38 53 53 00
MÉZIÈRES CEDEX 05 46 41 53 42 29 FINISTÈRE 02 99 56 80 47 • Maison des associations
03 24 53 70 17 18 CHER • Maison des associations 32, rue Claude-Debussy
36 INDRE
• Maison des associations 6, rue d’Avranches 45120 CHALETTE-
09 ARIÈGE • 34, espace Mendès-France
28, rue Gambon 29200 BREST SUR-LOING
• Maison de la Citoyenneté Avenue François-Mitterrand
18000 BOURGES 02 98 80 64 30 02 38 85 06 83
16, rue de la République 36000 CHÂTEAUROUX
02 48 70 48 02 • 3, allée de Roz-Avel
09200 SAINT-GIRONS 02 54 27 43 57 46 LOT
29000 QUIMPER
05 61 66 03 66 19 CORRÈZE 02 98 55 30 21 37 INDRE-ET-LOIRE • Espace associatif
11 AUDE • Maison du bénévolat • 12, rue Camille-Flammarion Place Bessières
2, boulevard Paul-Painlevé 30 GARD 46000 CAHORS
• 13, rue de la Mairie 37100 TOURS
19100 BRIVE-LA-GAILLARDE • 20, rue du Cdt-Audiber 05 65 53 91 19
11700 CAPENDU 02 47 51 91 12
05 55 23 19 37 30100 ALÈS
04 68 47 64 00 04 66 52 80 80 38 ISÈRE 47 LOT-ET-GARONNE
12 AVEYRON 20 CORSE • Bât. A • 27, rue Bovier-Lapierre • BP 50301
• Maison des associations • Le Golo, bât. A 65, avenue Jean-Jaurès 38300 BOURGOIN-JALLIEU 159, avenue Léon-Blum
15, avenue Tarayre Rue Aspirant-Michelin 30900 NÎMES 06 24 82 35 60 47008 AGEN
12000 RODEZ 20900 AJACCIO 04 66 84 31 87 • 21, avenue du Gal-Champion 05 53 48 02 41
05 65 77 00 01 04 95 22 69 83 38100 GRENOBLE 49 MAINE-ET-LOIRE
31 HAUTE-GARONNE
13 BOUCHES-DU-RHÔNE 21 CÔTE-D’OR • Bât. E2 04 76 46 88 45 • Espace Frédéric Mistral,
• Le Félibrige, bât. B • 2, rue des Corroyeurs 13, square Joséphine-Baker 39 JURA 4, allée des Baladins
4, place Coimbra Maison des associations 31320 CASTANET-TOLOSAN • 3A, avenue Aristide-Briand 49000 ANGERS
13090 AIX-EN-PROVENCE 21000 DIJON 05 61 27 86 33 (adresse de visite) 02 41 88 56 42
04 42 93 74 57 03 80 43 84 56 • BP 70529 • 27, rue de la Sous- 50 MANCHE
•11 bis, rue Saint-Ferréol 22 CÔTES-D’ARMOR 59, boulevard Lascrosses Préfecture (adresse postale) • 167, rue Gal-Gerhardt
13001 MARSEILLE • Villa Labenne 31005 TOULOUSE CEDEX 6 39100 DOLE 50000 SAINT-LÔ
04 91 90 05 52 16, rue Bécot 05 61 22 13 00 03 84 82 60 15 02 33 05 68 76

QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023 129

135-ALs.indd 129 08/02/2023 18:46


N O S A S S O C I AT I O N S L O C A L E S
51 MARNE 62 PAS-DE-CALAIS 72 SARTHE 79 DEUX-SÈVRES • Val d’Orge
• Espace entreprises • Maison des sociétés • 21, rue Besnier • Hôtel de la vie Place du 19 mars 1962
Saint-John-Perse Bureau 39 72000 Le MANS associative 91240 SAINT-MICHEL-
2, cour du Gal-Eisenhower 16, rue Aristide-Briand 02 43 85 88 91 12, rue Joseph-Cugnot SUR-ORGE
51100 REIMS 62000 ARRAS 73 SAVOIE 79000 NIORT 09 67 19 08 13
03 26 08 63 03 03 21 23 22 97 • 25, boulevard des Anglais 05 49 09 04 40
• 536, avenue Yervant- 92 HAUTS-DE-SEINE
52 HAUTE-MARNE 73104 AIX-LES-BAINS 80 SOMME
• 14, rue de Vergy Toumaniantz, bât. 11 • 88, avenue Jean-Jaurès • BP 31
CEDEX 4
52100 SAINT-DIZIER 62100 CALAIS 07 83 74 12 73 80480 SALOUEL 92293 CHÂTENAY-
03 25 56 26 59 06 60 44 00 86 • Maison des associations 03 22 72 10 84 MALABRY CEDEX
• Maison 21, rue Georges-Lamarque 07 61 07 64 97
53 MAYENNE des associations 81 TARN
• 31, rue Oudinot 73200 ALBERTVILLE • 3, place du Palais • 11, rue Hédouin
1, place du Gal-de-Gaulle 92190 MEUDON
53000 LAVAL 04 79 37 11 01 81000 ALBI
62219 LONGUENESSE
02 43 67 01 18 • 67, rue Saint- 05 63 38 42 15 • BP 60025
03 21 39 81 81
54 MEURTHE-ET-MOSELLE François-de-Sales 92276 Bois-Colombes
63 PUY-DE-DÔME 82 TARN-ET-GARONNE
• 76, rue de La-Hache 73000 CHAMBÉRY • 18, rue des Écoles
• 21, rue Jean-Richepin • BP 397
54000 NANCY 04 79 85 27 87 92210 SAINT-CLOUD
63000 CLERMONT- 25, place Charles-Caperan
09 52 19 48 23 74 HAUTE-SAVOIE 82003 MONTAUBAN CEDEX 06 41 06 59 35
FERRAND
56 MORBIHAN • 48, rue des Jardins 05 63 20 20 80 • BP 73
04 73 98 67 90
• Maison des familles 74000 ANNECY 92370 CHAVILLE
• Maison des associations 83 VAR
2, rue du Pr-Mazé 04 50 69 74 67
20, rue du Palais • 1196, boulevard de la Mer 93 SEINE-SAINT-DENIS
56100 LORIENT 63500 ISSOIRE 75 PARIS 83616 FRÉJUS CEDEX • 19, rue Jules Guesde
02 97 84 74 24 04 73 55 06 76 • 1er, 5e, 6e, 7e, 8e, 13e, 14e, 09 63 04 60 44 93140 BONDY
57 MOSELLE 15e, 16e, 17e arr. • 89, rue du
64 PYRÉNÉES- 06 42 01 07 89
• BP 46 ATLANTIQUES 54, rue de l’Ouest Gal-Michel-Audéoud
75014 PARIS 83200 TOULON • Centre Salvador-Allende
1A, impasse de l’École • 9, rue Sainte-Ursule
57470 HOMBOURG-HAUT 01 56 68 97 48 04 94 89 19 07 Rue du Dauphiné
64100 BAYONNE
03 87 81 67 80 76 SEINE-MARITIME 93330 NEUILLY-
05 59 59 48 70 85 VENDÉE
• 4, place de la Nation • 10, rue du P t-Kennedy • 36, rue du Mal-Joffre • 8, boulevard Louis-Blanc SUR-MARNE
57950 MONTIGNY-LÈS-METZ 64300 ORTHEZ 76600 LE HAVRE 85000 LA-ROCHE-SUR-YON 94 VAL-DE-MARNE
03 72 13 73 57 05 59 67 05 80 09 62 51 94 37 02 51 36 19 52 • Centre social Kennedy
• 2, rue d’Austrasie • 16, rue du Cne-Guynemer • 12, rue Jean-Lecanuet 36, boulevard J.-F.-Kennedy
86 VIENNE
57100 THIONVILLE 64000 PAU 76000 ROUEN • 1, rue du 14 juillet 1789 94000 CRÉTEIL
03 82 51 84 29 05 59 90 12 67 02 35 70 27 32 86000 POITIERS 01 43 77 60 45
58 NIÈVRE 65 HAUTES-PYRÉNÉES 77 SEINE-ET-MARNE 09 87 76 39 91 • 26, rue Émile-Raspail
• Maison municipale • 4, rue Alphonse-Daudet • 22, rue du 87 HAUTE-VIENNE 94110 ARCUEIL
des Eduens, bureau 2 65000 TARBES Palais-de-Justice •4, cité Louis-Casimir-Ranson 01 45 47 74 74
Allée des Droits-de-l’Enfant 09 62 34 21 21 77120 COULOMMIERS 87000 LIMOGES
58000 NEVERS 01 64 65 88 70 95 VAL-D’OISE
67 BAS-RHIN 05 55 33 37 32
03 86 21 44 14 • Centre social • Espace Nelson Mandela
• 1A, place 88 VOSGES
59 NORD des Orphelins et culturel Brassens 82, boulevard du Gal-Leclerc
• 104, rue d’Esquerchin 4, patio des Catalpas • Maison des associations
67000 STRASBOURG 95100 ARGENTEUIL
59500 DOUAI BP 1004
03 88 37 31 26 77420 CHAMPS- 01 39 80 78 15
03 27 96 05 15 6, quartier Magdeleine
SUR-MARNE • BP 90001
• Maison de la vie associative 68 HAUT-RHIN 88050 ÉPINAL CEDEX 9
01 64 73 52 07 95471 FOSSES CEDEX
BP 90097 • Carré des associations 03 29 64 16 58
100, avenue de Colmar 78 YVELINES 01 34 72 76 87
Rue du 11 novembre 1918 89 YONNE
68200 MULHOUSE • 3, avenue des Pages • Office culturel du Forum
59942 DUNKERQUE CEDEX 2 • 12, boulevard Vaulabelle
07 82 47 11 58 78110 LE VÉSINET Place François-Truffaut
03 28 20 74 81 89000 AUXERRE
06 08 90 20 16 95210 SAINT-GRATIEN
• 54, rue Jacquemars-Gielée 69 RHÔNE 03 86 51 54 87
• 7, avenue Foch 07 71 71 09 73
59000 LILLE • BP 7055 90 BELFORT
78120 RAMBOUILLET
03 20 85 14 66 1, rue Sébastien-Gryphe • Cité des associations LA RÉUNION
01 78 82 52 12
• Maison des associations 69341 LYON CEDEX 07 2, rue Jean-Pierre-Melville • Résidence Les Vacoas
• BP 56
13, rue du Progrès 04 78 72 00 84 90008 BELFORT
9, Grande-Rue 7, rue Paul-Demange
59600 MAUBEUGE 70 HAUTE-SAÔNE 03 84 22 10 91
78480 VERNEUIL- 97480 SAINT-JOSEPH
06 47 49 53 81 • BP 10357 SUR-SEINE 91 ESSONNE 02 62 45 24 44
60 OISE 22, rue du Breuil 01 39 65 63 39 • 3, rue Alfred-de-Musset
• BP 80059 70006 VESOUL NOUVELLE CALÉDONIE
• 5, impasse 91120 PALAISEAU
60303 SENLIS CEDEX 03 84 76 36 71 des Gendarmes 01 60 11 98 20 •Résidence du Vallon d’Argent
61 ORNE 71 SAÔNE-ET-LOIRE 78000 VERSAILLES • La Ferme BP 2357
• MVA 23, rue Demées • 2, rue Jean-Bouvet 01 39 53 23 69 91800 BOUSSY- 82, rue Capiez
61000 ALENÇON 71000 MÂCON • Mairie - Place Yvon-Esnault SAINT-ANTOINE 98846 NOUMÉA CEDEX
02 33 26 79 47 03 85 39 47 17 78320 LÉVIS-SAINT-NOM 01 69 56 02 49 06 87 28 51 20

130 QUE CHOISIR PRATIQUE • mars 2023

135-ALs.indd 130 08/02/2023 18:46


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