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LES ENJEUX JURIDIQUES DE L’INTEGRATION DES PAYS

EN DEVELOPPEMENT DANS LE REGIME CLIMATIQUE


POST-KYOTO
VAN TRIEN LAM∗

Pour faire face à une forte croissance des émissions de CO 2 des pays en développement, l’intégration de ces
pays dans le régime climatique post-Kyoto est cruciale. Il est donc nécessaire d’adopter une nouvelle
approche pour le principe des « responsabilités communes mais différenciées » et de sortir de
l’interprétation dualiste de ce principe retenue dans le Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques. En outre, pour surmonter les divergences entre les pays
développés et les pays en développement, la seule façon de procéder est de renforcer le transfert de
ressources financières et technologiques vers les pays en développement, ce qui leur permettra à la fois
d'améliorer leur situation socio-économique et de réduire leur impact négatif sur l'environnement global.
Dans ce sens, le Mécanisme pour un développement propre (MDP) et la Réduction des émissions liées à la
déforestation et à la dégradation des forêts (REDD) constituent les mécanismes clés afin d’intégrer les
pays en développement. En soulignant l’importance de ces mécanismes, l’article vise à préciser les
principaux points de la négociation: l’approche sectorielle liée au MDP, l’inclusion des activités de captage
et de stockage de carbone dans le MDP ainsi que les mécanismes de financement de la REDD (le marché
du carbone ou le mécanisme de fonds).

In order to cope with the strong increase of CO2 emissions in developing countries, particularly in emerging
countries, the integration of these countries in the post-Kyoto climate regime is crucial. To this end, it is
necessary to seek a new approach for the principle of "common but differentiated responsibilities" and
abandon the dualistic interpretation of this principle entrenched in the Kyoto Protocol to the United Nations
framework convention on climate change. In addition, in order to overcome divergences between
developed and developing countries, the only way forward is to strengthen the transfer of technology and
financial resources to developing countries, enabling them at the same time to improve their socioeconomic
status and reduce their negative impact on the global environment. In this sense, the Clean Development
Mechanism (CDM) and the United Nations collaborative program on reducing emissions from
deforestation and forest degradation (REDD) constitute the key mechanisms for the integration of
developing countries. By stressing the importance of these mechanisms, this article aims to clarify the main
points of negotiation, which are the cross-section approach to the CDM, the inclusion of carbon capture and
storage in the CDM as well as the funding modalities of REDD (the carbon market mechanism or fund-
based approach).

*
Doctorant en droit à l’Université de Rouen. Attaché temporaire d'enseignement et de recherche
(ATER) à l’Université de Caen Basse-Normandie. LL.M « Pratique européenne du droit » (Université
de Rouen et Université catholique du Portugal à Lisbonne). L’auteur peut être contacté à l’adresse
suivante : <[email protected]>. Mes remerciements à M. Philippe Guillot pour ses précieux
conseils et commentaires.
32 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

Les accords adoptés récemment à la Conférence des parties de la Convention


cadre des Nations Unies sur les changements climatiques 1 à Copenhague2 et à
Cancun3 continuent à souligner que les changements climatiques représentent un des
plus grands défis de notre temps. L’enjeu des changements climatiques qui n’est pas
seulement écologique, mais également économique et social aura des effets néfastes
importants sur le développement durable de tous les pays. Sur ce point, le quatrième
rapport d’évaluation du groupe d'experts intergouvernemental des Nations Unies sur
l'évolution du climat (GIEC) en 2007 a précisé :
Il est très probable que les changements climatiques risquent de ralentir les
progrès accomplis sur la voie du développement durable, soit directement
par une exposition accrue à leurs effets néfastes, soit indirectement par une
altération de la capacité d’adaptation. Ils pourraient d’ailleurs empêcher la
réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement au cours du
prochain demi-siècle. Le changement climatique interagira à toutes les
échelles avec d’autres sujets de préoccupation évolutifs concernant
l’environnement et les ressources naturelles, dont la pollution des eaux, des
sols et de l’air, les dangers sanitaires, les risques de catastrophes et le
déboisement. En l’absence de mesures d’atténuation et d’adaptation
intégrées, leurs effets conjugués pourraient s’exacerber à l’avenir 4.

En outre, il faut ajouter que ce sont les pays en développement qui sont les
plus vulnérables et supportent l’essentiel des conséquences des changements
climatiques5. Du point de vue économique, le Rapport Stern sur l’économie des
changements climatiques considère que les coûts de la lutte contre les changements
climatiques sont importants, mais l’inaction serait dangereuse et beaucoup plus
coûteuse6. Donc, ce rapport appelle une action ambitieuse et immédiate pour lutter
contre les changements climatiques.
Pour atteindre l’objectif ultime de la CCNUCC7, conformément aux
1
Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 9 mai 1992, 999 R.T.N.U.. 171
(entrée en vigueur : 21 mars 1994) [CCNUCC].
2
Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques [CCNUCC], Rapport de la
quinzième session de la Conférence des Parties tenue à Copenhague du 7 au 19 décembre 2009 :
Première partie, Délibérations, 30 mars 2010, FCCC/CP/2009/11, en ligne:
<http://unfccc.int/resource/docs/2009/cop15/fre/11f.pdf> [Conférence de Copenhague].
3
CCNUCC, Rapport de la seizième session de la Conférence des Parties tenue à Cancun du 29
novembre au 10 décembre 2010 : Première partie, Délibérations, 20 avril 2011,
FCCC/CP/2010/7/Corr. 1, en ligne: <http://unfccc.int/resource/docs/2010/cop16/fre/07c01f.pdf>
[Conférence de Cancun].
4
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Bilan 2007 des changements
climatiques : Rapport de synthèse, Genève, GIEC, 2007 à la p.70. [GIEC, Bilan 2007].
5
Programme des Nations Unies pour le développement, Rapport mondial sur le développement humain
2007/2008: La lutte contre le changement climatique: un impératif de solidarité humaine dans un
monde divisé, Paris, La Découverte, 2007 à la p. 2. [PNUD, Rapport mondial sur le développement
humain]..
6
R.-U., UK Treasury, Stern Review: the Economics of Climate Change par Nicholas Stern, Londres,
2006 à la p.vii. [R.-U., Stern Review].
7
CCNUCC, supra note 1, art. 2. prévoit que « l’objectif ultime de la présente Convention et de tous
instruments juridiques connexes que la Conférence des Parties pourrait adopter est de stabiliser,
conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre
dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 33

conclusions du GIEC, l’Accord de Copenhague8 ainsi que l’Accord de Cancun9


considèrent que la hausse de la température mondiale devrait être limitée à 2 °C.
Toutefois, ces accords ne mentionnent aucun objectif à long terme de réduction des
émissions mondiales10. Pourtant, selon les estimations, afin d’atteindre cet objectif
stratégique, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient être réduites d'au
moins 50% par rapport aux niveaux de 1990 d'ici 2050. À cette fin, les pays
développés doivent réduire collectivement leurs émissions, en dessous des niveaux de
1990, de 25% à 40 % d'ici à 2020 et de 60% à 80% d'ici 2050. Quant aux pays en
développement, ils doivent réduire leurs émissions de 60% par rapport aux émissions
projetées en 2050 et d’environ 25% par rapport aux niveaux de 199011.
Selon les données statistiques12, les émissions de l’ensemble des pays
développés et en transition ont diminué de 6,1% en 2008 par rapport au niveau de
1990. Ce niveau de réduction des émissions permet de garantir le respect de l’objectif
global fixé par le Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques13. Néanmoins, il convient de considérer que cette tendance
des émissions est principalement due à l’effondrement des émissions dans les pays en
transition (la Russie, l’Ukraine et les pays de l'Europe de l'Est). En effet, ces pays ont
réduit leurs émissions par rapport au niveau de 1990 de 36,8% en 2008. A l’inverse,
les émissions des pays développés, hors les pays en transition, ont augmenté de 7,9%.
Sur la période 1990-2008, les émissions ont augmenté de 13,3% aux États-Unis, de
24,1% au Canada, de 31,4% en Australie et de 96% en Turquie 14. Au niveau de
l’Union européenne-15 (UE-15), les émissions ont considérablement augmenté sur la
même période 1990-2008 en Espagne (42,3%), au Portugal (32,2%), en Grèce
(22,8%) et en Irlande (23%) 15. Toutefois, grâce à des réductions importantes
d’émissions en Allemagne (-22,2%), au Royaume-Uni (-18,6%), en Suède (-11,7%),
climatique. Il conviendra d’atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes
puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit
pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d.une manière durable. »
8
Copenhagen Accord, 18 décembre 2009, Décision -/CP.15, en ligne :
<http://unfccc.int/files/meetings/cop_15/application/pdf/cop15_cph_auv.pdf> [Accord de
Copenhague].
9
Les Accords de Cancun : Résultats des travaux du Groupe de travail spécial de l’action concertée à
long terme au titre de la Convention, 10 décembre 2010, FCCC/CP/2010/7/Add.1 Décision 1/CP.16,
en ligne: <http://unfccc.int/resource/docs/2010/cop16/fre/07a01f.pdf#page=2> [Accord de Cancun].
10
L’Accord de Cancun prévoit qu’un objectif global de réduction des émissions à long terme (2050)
devrait être fixé à la 17 e conférence des parties à la CCNUCC. Voir le rapport du Groupe de travail
spécial de l’action concertée à long terme au titre de la Convention au cours de la treizième session à
Cancun, Doc. off. CCNUCC: 13e session, Doc. UN FCCC/AWGLCA/2010/17, (2010) 2. [Groupe de
travail spécial, Treizième session à Cancun].
11
Aurélie Vieillefosse, Le changement climatique: quelles solutions?, Paris, La Documentation française,
2009 à la p. 23 [Vieillefosse, Le changement climatique].
12
CCNUCC, « Trends in aggregate greenhouse gas emissions, 1990-2008 (excluding LULUCF) »
(2010), en ligne : <http://unfccc.int/ghg_data/ghg_data_unfccc/items/4146.php>.
13
Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unis sur les changements climatiques, 11
décembre 1997, FCCC/INFORMAL/83 (entrée en vigueur le 16 février 2005), en ligne : Convention
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques <http://unfccc.int/resource/docs
/convkp/kpfrench.pdf>. [Protocole de Kyoto]. Dans le cadre du Protocole de Kyoto, les parties visées à
l’Annexe I s’engagent de réduire le total de leurs émissions de ces gaz d’au moins 5% par rapport au
niveau de 1990 au cours de la période d’engagement allant de 2008 à 2012.
14
Groupe de travail spécial, Treizième session à Cancun, supra note 12.
34 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

au Danemark (-7,4%), en Belgique (-7,1%) et en France (-6,4%), les émissions totales


de l’UE-15 ont diminué de 6,5% entre 1990 et 200816. L'UE-15 s'est donc rapprochée
de l'objectif qui lui a été fixé dans le cadre du Protocole de Kyoto (la réduction de ses
émissions de 8 % par rapport au niveau de 1990 pour la période d'engagement 2008-
2012).
Quant aux pays en développement, fin 2007, on estime que la Chine a
dépassé les émissions des États-Unis et est devenue le plus gros émetteur mondial de
gaz à effet de serre. Parmi les quinze plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, les
grands pays émergents, notamment le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine
(BASIC), représentent près de 30% des émissions mondiales. En outre, la croissance
absolue des émissions de CO2 dans les grands pays émergents a été très importante.
Sur la période 1990-2005, les émissions ont augmenté de près de 100% en Chine,
d’environ 70% en Inde, plus de 40% au Brésil et plus de 20% en Afrique du Sud.
D’ici à 2025, on estime que les émissions des pays en développement pourraient
augmenter de 84%. Et les pays avec les plus fortes croissances des émissions seront
encore les pays émergents comme la Chine, le Brésil, le Mexique et l’Inde 17. Donc,
l’intégration des pays en développement, notamment les grands pays émergents, dans
la politique de réduction des émissions mondiales est indispensable pour garantir
l’efficacité environnementale de tout accord international sur les changements
climatiques. Toutefois, il faut bien noter que des pays émergents ont également pris
des mesures efficaces pour mettre en œuvre les objectifs du Protocole de Kyoto bien
qu’ils ne se voient pas imposer des engagements chiffrés de réduction des émissions
en vertu du Protocole de Kyoto. Selon l’édition 2011 de l’Indice de performance des
changements climatiques18, sur un total de 57 pays qui sont responsables pour plus de
90% des émissions globales de CO2 dues à la production et la consommation
d’énergie, le Brésil, l’Inde et le Mexique figurent parmi les quinze meilleurs. Le
Brésil se situe au quatrième rang 19. Cela justifie le fait que les pays en
développements en général et les pays émergents en particulier n’ignorent pas leur
responsabilité dans l’atténuation des changements climatiques 20.

15
U.E., L’Agence européenne pour l’environnement, Annual European Union greenhouse gas inventory
1990 – 2008 and inventory report 2010, 2010 à la p.10, en ligne : European Environment Agency
<http://www.eea.europa.eu/publications/european-union-greenhouse-gas-inventory-2010>.
16
Ibid.
17
Vieillefosse, Le changement climatique, supra note 11 aux pp. 28-37.
18
Le Climate Change Performance Index (en anglais) est préparé par Germanwatch (une association
indépendante et apolitique) et par le Climate Action Network Europe (un groupe des organisations non-
gouvernementales dans le domaine des changements climatiques). Climate Change Performance Index
a pour objectif d’encourager la transparence au niveau national et international sur les efforts faits par
les pays pour atténuer les changements climatiques. Informations tirées de : Germanwatch et Climate
Action Network Europe, « Climate Change Performance Index : Results 2011 » (2010) en ligne :
<http://www.germanwatch.org/klima/ccpi11.pdf>.
19
À noter qu’aucun pays n’a obtenu les trois premières positions.
20
Asanga Gunawansa, « The Kyoto protocol and beyond : A south asian perspective » [Gunawansa, «
The Kyoto protocol »] dans Koh Kheng-Lian, Lye Lin-Heng et Jolene Lin, dir., Crucial issues in
climate change and the Kyoto protocol : Asia and the World, Singapour, World Scientific Publishing,
2010, 473 à la p. 485.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 35

Le Protocole de Kyoto à la CCNUCC a été conçu comme un premier pas


permettant la réduction des émissions au niveau global. Dans le cadre du Protocole
de Kyoto, les pays développés et en transition inscrits à l’Annexe I de la CCNUCC se
sont engagés sur un objectif global de réduction de leurs émissions de 5,2% en 2008-
2012 par rapport au niveau de 1990. Cependant, conformément au principe des
« responsabilités communes mais différenciées »21, le Protocole de Kyoto n’impose
aucun engagement de réduction des émissions aux pays en développement. En outre,
les États-Unis qui représentent près de 18% des émissions mondiales en 2005 ont
refusé de ratifier le Protocole de Kyoto. Pourtant, les États-Unis, la Chine, l’Inde et
les autres pays en développement représentent plus de 50% des émissions mondiales.
C’est la raison pour laquelle le Protocole de Kyoto est souvent critiqué pour son
manque d’efficacité22.
Le quatrième rapport d’évaluation du GIEC en 2007 considère que l’une des
faiblesses du Protocole de Kyoto est la non-ratification par certains émetteurs lourds
de gaz à effet de serre 23. La Déclaration d’Hokkaido du Groupe des huit (G8)24 en
2008 a soutenu la position du GIEC en reconnaissant la nécessité d’une action globale
avec les contributions de toutes les grandes économies, conformément au principe des
« responsabilités communes mais différenciées »25 et des capacités respectives de
chaque pays, pour lutter contre les changements climatiques 26. Inversement, la baisse
des émissions dans les pays développés pourrait être neutralisée par l’augmentation
des émissions dans les pays en développement, en particulier les pays émergents.
Autrement dit, il est indispensable d’associer dans le nouveau régime international sur
les changements climatiques l’ensemble des gros émetteurs de gaz à effet de serre du
monde, y compris les États-Unis et les pays émergents27.
Le principal défi des négociations climatiques actuelles est de convaincre les
États-Unis et les pays émergents de se soumettre aux engagements de réduction des
émissions. En fait, l’engagement des uns et des autres est lié. Les États-Unis ont
promis une participation dans la lutte contre les changements climatiques, mais l’ont
subordonnée à des objectifs de réduction vérifiables des grands pays émergents. Les
pays émergents, pour leur part, hésitent à s’engager aux objectifs de réduction qui
pourraient compromettre leur croissance économique. En outre, les pays émergents
exigent les engagements plus forts de réduction des émissions de la part des États-
Unis et le renforcement des engagements financiers et des transferts de technologies
par les pays développés. En ce qui concerne la vérification des actions d’atténuation
21
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
22
Benoît Leguet et Christian de Perthuis, « De la prise de conscience scientifique à l'action politique
internationale » (2009) 38 Questions Internationales, 37 à la p.46.
23
Terry Barker et al., Bilan 2007 des changements climatiques: Contribution du groupe de travail III au
quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat,
New York, Cambridge University Press, 2007 à la p. 34.
24
Déclaration d’Hokkaido du Groupe des huit, 8 juillet 2008, au para. 23, en ligne: G8 Hokkaido Toyako
Summit <http://www.mofa.go.jp/policy/economy/summit/2008/doc/doc080714__en.html>.
25
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
26
Déclaration d’Hokkaido du Groupe des huit, supra note 24. au para. 23.
27
Sandrine Maljean-Dubois et Matthieu Wemaëre, La diplomatie climatique : Les enjeux d'un régime
international du climat, Paris, Pedone, 2010 à la p. 150 [Dubois et Wemaëre, La diplomatie
climatique].
36 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

des changements climatiques des pays en développement, les États-Unis exigent un


contrôle international de ces actions. En revanche, les pays en développement,
notamment les pays émergents, s’opposent à cette proposition en demandant le
respect de leurs souverainetés nationales. Actuellement, les États-Unis et les pays
émergents continuent à s’affronter sur ce point.
En plus, les points de vue entre l’Union européenne et les États-Unis sont
également inconciliables sur de nombreux points. En ce qui concerne les objectifs de
réduction des émissions, l’Union européenne préfère un accord le plus ambitieux et le
plus contraignant possible. Selon les conclusions adoptées par le Conseil de l’Union
européenne le 21 octobre 2009, l’Union européenne considère que les propositions
formulées par les pays développés pour réduire les émissions à moyen terme
demeurent insuffisantes pour satisfaire aux exigences de la lutte contre les
changements climatiques. L’Union européenne affirme sa volonté de réduire jusqu’à
30% des émissions d’ici à 2020 par rapport aux niveaux de 1990 afin de contribuer à
un accord global pour l’après 2012, « pour autant que les autres pays développés
s'engagent à atteindre des réductions d'émissions comparables et que les pays en
développement apportent une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs
capacités »28. L’Union européenne poursuit l’approche top down conformément à la
lettre du Protocole de Kyoto, par l’imposition des objectifs quantifiés de réduction des
émissions en termes absolus dans le cadre d’un traité international contraignant. Au
contraire, les États-Unis préfèrent une approche bottom up, à l’opposé du Protocole
de Kyoto, en fixant le niveau d’engagement nationalement plutôt
qu’internationalement29. Par ailleurs, contrairement à l’Union européenne, les États-
Unis souhaitent choisir l’année 2005 au lieu de 1990 comme l’année de référence de
l’engagement. Le désaccord persistant entre les États parties sur le partage du fardeau
de réduction des émissions et les contributions financières peut bloquer toutes les
négociations climatiques. Dans le cadre du Forum des économies majeures sur
l’énergie et le climat30 à Bruxelles qui s’est tenu les 26 et 27 avril 2011, les États-Unis
et l’Union européenne ont reconnu l’impossibilité de parvenir à un accord
juridiquement contraignant sur le climat à la prochaine Conférence des parties de la
CCNUCC à Durban en Afrique du Sud31. Selon les États-Unis, il n’est pas très
important de parvenir immédiatement à un accord juridiquement contraignant. Par
contre, il est essentiel d’intégrer dans le régime international du climat post-Kyoto les
pays émergents qui ne sont pourtant pas prêts à accepter des obligations
juridiquement contraignantes32.
28
CE, Conseil de l’Union européenne, Position de l'UE en vue de la Conférence de Copenhague sur le
changement climatique : Conclusions du Conseil [2009], Bruxelle, CE à la p. 5, en ligne : Ministère
Français de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement
<http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/09/st14/st14790.fr09.pdf> [U.E., « Position de l'UE en vue
de la Conférence de Copenhague »]..
29
Dubois et Wemaëre, La diplomatie climatique, supra note 27 à la p. 204.
30
Major Economies Forum en anglais.
31
CCNUCC, « COP 17-CMP 7 DURBAN 2011 », en ligne : COP 17- CMP 7
<http://www.cop17durban.com/Pages/default.aspx> [Conférence de Durban].
32
« Durban climate deal impossible, say US and EU envoys » Guardian, (28 avril 2011), en ligne:
guardian.co.uk <http://www.guardian.co.uk/environment/2011/apr/28/durban-climate-deal-
impossible>.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 37

En tenant compte du niveau d’émission et du rôle des pays émergents dans


l’économie globale, la voix des pays en développement en général et des pays
émergents en particulier est beaucoup plus importante dans le cadre des négociations
climatiques actuelles. La prise en compte des positions des pays en développement est
donc incontournable pour parvenir à un nouvel accord climatique après Kyoto. Dans
ce contexte, trouver une solution équitable visant à intégrer les pays en
développement, notamment les pays émergents, dans l’objectif global de réduction
des émissions est cruciale. Cette solution doit tenir à la fois compte de la
responsabilité historique et des capacités économiques des États parties qui
constituent les contraintes juridiques pour la participation des pays en développement
(I). Pour ce faire, il est nécessaire de renforcer et améliorer les mécanismes établis par
le Protocole de Kyoto ainsi que de créer les nouveaux mécanismes (II).

I. Les contraintes juridiques de l’intégration des pays en


développement
Conformément à la position des pays en développement, l’Accord de
Copenhague ainsi que l’Accord de Cancun continuent à confirmer le principe des «
responsabilités communes mais différenciées »33 comme principe de base d’un cadre
climatique international après le Protocole de Kyoto (A). Sur la base de ce principe,
les négociations climatiques se centrent sur le partage équitable du fardeau de lutte
contre les changements climatiques, notamment sur la participation des pays
émergents dans les engagements globaux de réduction des émissions de gaz à effet de
serre (B).

A. Le principe des « responsabilités communes mais différenciées »34


Le principe des « responsabilités communes mais différenciées » est un reflet
de la notion d’équité et de justice dans le droit international public 35. Ce principe se
compose de deux éléments. Le premier concerne la responsabilité commune qui
demande à toutes les parties de participer aux mesures de protection de
l’environnement. Le second concerne la responsabilité différenciée qui demande la
prise en considération des situations spécifiques et des capacités différentes des pays
dans la prévention, la réduction et le contrôle des problèmes environnementaux. Selon
ce principe, l’égalité des États ne signifie pas que tous les États ont la même
obligation. En revanche, en reconnaissant la responsabilité plus grande de certains
pays par rapport aux autres pays, le principe des « responsabilités communes mais
différenciées »36 a été créé pour répondre à deux exigences. En premier lieu, il vise à
concilier les responsabilités dans la dégradation de l’environnement et les capacités
33
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
34
Ibid.
35
Christina Voigt, Sustainable Development as a Principle of International Law - Resolving conflicts
between Climate measures and WTO law, Leiden-Boston, Martinus Nijhoff, 2009 à la p. 62.
36
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
38 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

financières et technologiques différentes des États pour y faire face. En second lieu,
l’utilisation de ce principe peut encourager une participation plus large des pays en
développement au regard d’un régime environnemental global 37. En fait, les pays en
développement trouvent peu d’avantages à l’acceptation des obligations
environnementales globales qui sont à la fois coûteuses et un obstacle à leur
développement économique. Par contre, les pays en développement exigent que les
obligations environnementales soient imposées aux pays développés qui,
historiquement, ont causé le problème. Pourtant, dans le contexte de
l’industrialisation rapide des pays en développement, les problèmes
environnementaux globaux, en particulier les changements climatiques, continuent de
s’aggraver. Donc, il est important que les pays en développement, notamment les pays
émergents, soient encouragés à participer aux accords environnementaux
internationaux aussi tôt que possible38.
Dans la pratique, le principe des « responsabilités communes mais
différenciées »39 a été largement reconnu par la communauté internationale dans la
protection de l’environnement en général et dans la lutte contre les changements
climatiques en particulier. La Déclaration finale de la conférence des Nations Unies
sur l’environnement40 a confirmé la nécessité de mettre à disposition des pays en
développement « une assistance internationale supplémentaire, aussi bien technique
que financière »41, pour préserver et améliorer l’environnement. Cette même année, en
1972, la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de
l'immersion des déchets42 demande aux Parties contractantes de prendre « toutes les
mesures appropriées pour prévenir la pollution des mers due à l'immersion,
individuellement, selon leurs possibilités scientifiques, techniques et économiques »43.
En outre, en tenant compte « des intérêts et des besoins spécifiques des pays en
développement »44, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer 45 demande
aux Parties contractantes de promouvoir et fournir une assistance appropriée aux pays
en développement « dans les domaines de la science, de l'éducation, de la technique et
dans d'autres domaines, en vue de protéger et de préserver le milieu marin et de
prévenir, réduire et maîtriser la pollution marine »46. La CNUDM a également prévu

37
Sophie Lavallée, « Le principe des responsabilités communes mais différenciées à Rio, Kyoto et
Copenhague : Essai sur la responsabilité de protéger le climat » (2010) 41 Études internationales, 51 à
la p. 54 [Lavallée, « Le principe des responsabilités communes mais différenciées »].
38
Duncan French, « Developing States and International Environmental Law: The Importance of
Differentiated Responsibilities » (2000) 49 International and Comparative Law Quarterly, 35 à la p.
57.[French, « Developing State »].
39
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
40
Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, 16 juin 1972, en ligne :
Programme des Nations Unies pour l’environnement <http://www.unep.org/Documents.Multilingual/
Default.asp?DocumentID=97&ArticleID=1503&l=fr>. [Déclaration de Stockholm].
41
Ibid. principe 12.
42
Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets, 29
décembre 1972, 1046 R.T.N.U. 154 (entrée en vigueur : 30 août 1975) [Convention de Londres].
43
Ibid. art. 2.
44
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, 1834 R.T.N.U. 3, préambule,
(entrée en vigueur : 16 novembre 1994) [CNUDM].
45
Ibid.
46
Ibid. art. 202.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 39

un « traitement préférentiel à l'intention des Etats en développement » selon lequel


« les organisations internationales accordent un traitement préférentiel aux pays en
développement en ce qui concerne l'allocation de fonds et de moyens d'assistance
technique appropriées et l'utilisation de leurs services spécialisés »47. Puis, la
résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies à la convocation de la
conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement déclare
clairement : « la responsabilité de limiter, réduire et éliminer les dommages subis par
l’environnement mondial incombe aux Etats qui en sont la cause, doit être en
proportion des dommages qu’ils ont causés et doit correspondre à leurs possibilités et
responsabilités respectives »48. Ensuite, dans la Déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement 49 adoptée à la Conférence des Nations Unies sur
l'environnement et le développement à Rio de Janeiro en juin 199250, le principe des
« responsabilités communes mais différenciées » 51 a été explicitement consacré 52. En
particulier, dans le domaine des changements climatiques, étant incorporé dans le
dispositif de la CCNUCC, le principe des « responsabilités communes mais
différenciées »53 a été considéré comme la pierre angulaire du cadre international de la
lutte contre les changements climatiques.
En général, la responsabilité commune fournit la base d’une action
internationale pour la préservation de l’environnement global, mais c'est le concept de
différenciation qui peut promouvoir l'efficacité d'une telle action54. Les responsabilités
différenciées sont inévitables. Ils permettent à la communauté internationale d’agir
comme une véritable société des États. Tous les États sont conscients de leur
contribution à la dégradation de l’environnement global. Mais leurs obligations sont
différenciées sur la base de la prise en compte des responsabilités historiques, des
capacités techniques, des tendances futures de l’environnement et la nécessité de se
développer durablement de tous les États55.

47
Ibid.
48
United Nations Conference on Environment and Development, Rés. AG 228/44, Doc. off. AGNU, 44e
sess., Doc. NU A/746/Add.7 (1989), 151 à la p. 152.
49
La déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, 12 août 1992, A/CONF.151/26, en
ligne : Assemblée générale des Nations Unies, <http://www.un.org/french/events/rio92/acon
f15126vol1f.htm>.
50
Confédération suisse, « 1992: La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le
développement, Rio de Janeiro », en ligne : <http://www.are.admin.ch/themen/nachhaltig/
00266/00540/00543/index.html?lang=fr>.
51
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
52
La Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, CCNUCC, juin 1992, Programme des
Nations Unies pour l’environnement, principe 7 prévoit que « les États doivent coopérer dans un esprit
de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l'intégrité de
l'écosystème terrestre. Etant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l'environnement
mondial, les Etats ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés
admettent la responsabilité qui leur incombe dans l'effort international en faveur du développement
durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l'environnement mondial et des
techniques et des ressources financières dont ils disposent. »
53
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
54
French, « Developing State », supra note 38 à la p. 46.
55
Ibid. à la p. 59.
40 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

1. LE PRINCIPE DES « RESPONSABILITÉS COMMUNES MAIS DIFFÉRENCIÉES » 56 DANS LE CADRE


ACTUEL DE LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

En prenant en compte les différents contextes économiques et sociaux, les


responsabilités historiques, et les émissions par habitant des pays, la CCNUCC
prévoit:
Il incombe aux parties de préserver le système climatique dans l’intérêt des
générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de
leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités
respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays développés parties
d’être à l’avant garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs
effets néfastes57.

En outre, la CCNUCC affirme également la nécessité « de tenir pleinement


compte des besoins spécifiques et de la situation spéciale des pays en développement
Parties »58. Donc, aucune mesure ne pourra être prise sans tenir compte de la situation
des pays en développement dont les écosystèmes fragiles sont extrêmement
vulnérables aux effets des changements climatiques.
En concrétisant le principe des « responsabilités communes mais
différenciées »59, la CCNUCC a prévu des engagements financiers et technologiques
des pays développés au bénéfice des pays en développement. Sur le plan financier, les
pays développés doivent fournir des ressources financières nouvelles et additionnelles
pour couvrir la totalité des coûts convenus encourus par les pays en développement du
fait de l’exécution de leur obligation dans la communication d’informations
concernant l’application de la CCNUCC60. Selon la CCNUCC, les pays en
développement ont l’obligation de communiquer les éléments d’information
concernant la mise en place d’un inventaire national des émissions, la description
générale des mesures à prendre pour appliquer la CCNUCC et toute information utile
pour atteindre l’objectif de la CCNUCC61. Les pays développés doivent également
aider les pays en développement particulièrement vulnérables aux effets néfastes des
changements climatiques à faire face au coût d’adaptation auxdits effets 62. Sur le plan
technologique, les pays développés doivent faciliter et financer, selon les besoins, le
transfert ou l’accès de technologies et de savoir-faire écologiquement rationnels aux
pays en développement63. Aux fins de l’exécution des engagements énoncés ci-dessus,
les États parties sont tenus d’étudier les mesures nécessaires concernant notamment le
financement, l’assurance et le transfert de technologie pour répondre aux besoins et
préoccupations spécifiques des pays en développement face aux effets néfastes des
changements climatiques et à l’impact des mesures de riposte 64. Par ailleurs, les États
56
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
57
CCNUCC, supra note 1, art. 3.1.
58
French, « Developing State », supra note 38, art. 3.2.
59
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
60
French, « Developing State », supra note 38, art. 4.3.
61
Ibid. art. 12.1.
62
Ibid. art. 4.4.
63
Ibid. art. 4.5.
64
Ibid. art. 4.8.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 41

parties doivent tenir pleinement compte des besoins particuliers et de la situation


spéciale des pays les moins avancés dans les actions concernant le financement et le
transfert de technologie65.
Avec l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto à la CCNUCC en 2005, pour
la première fois dans l’histoire, le principe des « responsabilités communes mais
différenciées »66 a acquis une valeur juridique contraignante. Conformément au
principe des « responsabilités communes mais différenciées »67, selon le Protocole de
Kyoto, seuls les pays développés énumérés dans la liste de l’Annexe I de la CCNUCC
(les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)
et les pays de l’ancien bloc de l’Est en transition vers une économie de marché) sont
soumis aux engagements quantifiés de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En revanche, le Protocole de Kyoto ne fixe aucun objectif contraignant de réduction
des émissions aux pays en développement – rassemblés au sein du Groupe des 77.
Cependant, la mise en œuvre du principe des « responsabilités communes mais
différenciées »68 prévu par le Protocole de Kyoto a rencontré l’opposition du Congrès
américain à cause de l’absence des engagements quantifiés des pays émergents 69. Les
États-Unis font valoir que l’exemption des engagements de réduction des émissions
pour les pays émergents crée des distorsions de concurrence inéquitables pour
l’économie américaine70.

2. LES APPROCHES DIFFÉRENTES SUR LE PARTAGE DU FARDEAU DE LUTTE CONTRE LES


CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Depuis l’origine, les négociations climatiques ont été le siège de débats entre
les pays développés et les pays en développement pour parvenir à un accord sur le
partage du fardeau de lutte contre les changements climatiques. En fait, les pays
développés et les pays en développement ont toujours poursuivi les approches
différentes qui ont été identifiées dans un document préparé conjointement par le
Royaume-Uni et l’Afrique du Sud71. Selon ce document, il existe quatre approches
principales pour l’architecture du régime climatique jusqu’en 2012 et après 2012 :
65
Ibid. art. 4.9.
66
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
67
Ibid.
68
Ibid.
69
Tel qu’indiqué dans É.-U., Byrd-Hagel resolution Expressing the sense of the Senate regarding the
conditions for the United States becoming a signatory to any international agreement on greenhouse
gas emissions under the United Nations... , 105e Cong., 1997, en ligne: nationalcenter.org
<http://www.nationalcenter.org/KyotoSenate.html> : « the United States should not be a signatory to
any protocol to, or other agreement regarding, the United Nations Framework Convention on Climate
Change of 1992, […] which would mandate new commitments to limit or reduce greenhouse gas
emissions for the Annex I Parties, unless the protocol or other agreement also mandates new specific
scheduled commitments to limit or reduce greenhouse gas emissions for Developing Country Parties
within the same compliance period. »
70
Marie-Pierre Lanfranchi, « Le statut des pays en développement dans le régime climat : le principe de
la dualité des normes revisité ? » dans Sandrine Maljean-Dubois, Le droit international face aux
enjeux environnementaux, Paris, Pedone, 2010, Société française pour le droit international, 277 à la p.
286.
42 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

« l’Atmosphère d’abord »72, « l’Équité d’abord »73, le « Développement d’abord »74 et


la « Technologie d’abord »75. En ce qui concerne les engagements quantifiés de
réduction d’émission, la position des pays développés repose notamment sur
l’approche de « l’Atmosphère d’abord » tandis que les pays en développement
poursuivent l’approche de « l’Équité d’abord ». Selon l’approche de « l’Atmosphère
d’abord », les objectifs de réduction des émissions imposés aux pays sont déterminés
sur la base du niveau d’émissions actuel et futur des pays. Conformément à cette
approche, l’imposition des objectifs de réduction des émissions aux pays émergents
est indispensable pour que le cadre international sur le climat soit effectif.
Contrairement à l’approche de « l’Atmosphère d’abord », l’approche de
« l’Équité d’abord » considère que le partage du fardeau de lutte contre les
changements climatiques doit prendre en compte la responsabilité historique des pays.
L’approche de « l’Équité d’abord » est fondée sur le principe d’équité consacré par
l’article 3.1 de la CCNUCC76. Dans le cadre de l’approche de « l’Équité d’abord »,
avant la Conférence de Kyoto en 199777, la délégation brésilienne a annoncé la
« Proposition brésilienne »78. Conformément au préambule de la CCNUCC, la
« Proposition brésilienne » souligne des « injustices climatiques »79 sous l’angle
environnemental et économique. Sous l’angle environnemental, l’injustice climatique
se traduit par le fait que la plus grande part des émissions historiques et actuelles de
gaz à effet de serre est à l'origine dans les pays développés largement moins
nombreux et représentant une population beaucoup moins importante. Les émissions
par habitant dans les pays en développement sont encore relativement faibles. Et la
part des émissions mondiales en provenance des pays en développement augmentera
pour répondre à leurs besoins sociaux et de développement. Selon les estimations, les
pays développés sont collectivement responsables d’environ 70 % des émissions du
71
R.-U. et Afrique du Sud, Department of Food and Rural Affairs (U.K.) and Department of
Environmental Affairs & Tourism (South Africa), Scenarios for future international climate change
policy: Discussion paper presented at the Midnight Sun Dialogue on Climate Change, Riksgräsen,
Suède, (2007) dans : Harald Winkler, « Négociations sur l’atténuation des changements climatiques,
axées sur les options d’atténuation pour les pays en développement » (juilet 2008), en ligne :
<http://www.undp.org/climatechange/docs/French/UNDP_Mitigation _final_fr.pdf> aux pp. 19-20.
[Winkler, « Négociations sur l’atténuation des changements climatiques »].
72
Atmosphere first en anglais.
73
Equity first en anglais.
74
Development first en anglais.
75
Technology first en anglais.
76
CCNUCC, supra note 1, art. 3.1. prévoit que : « Il incombe aux Parties de préserver le système
climatique dans l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de
leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. »
77
CCNUCC, Rapport de la Conférence des parties sur les travaux de sa troisième session, tenue à Kyoto
du 1er au 11 décembre 1997 : Première partie, délibérations , 6 mars 1998, FCCC/CP/1997/7, en ligne:
<http://unfccc.int/resource/docs/french/cop3/g9860810.pdf>.
78
Florence Loozen, Répartition des efforts de réduction dans le cadre des négociations post-Kyoto :
analyse de la Proposition Brésilienne et des Régimes alternatifs, thèse pour le diplôme d’études
spécialisé en gestion de l’environnement, Université libre de Bruxelles, 2006, en ligne : <http://mem-
envi.ulb.ac.be/Memoires_en_pdf/MFE_05_06/MFE_Loozen_05_06.pdf>.
79
Voir aussi Agnès Michelot, « À la recherche de la justice climatique - perspectives à partir du principe
de responsabilités communes mais différenciées » dans Christel Cournil et Catherine Colard-
Fabregoule, dir., Changements climatiques et défis du droit, Bruxelles, Bruylant, 2010, 183 aux pp.
183-212.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 43

CO2 depuis le début de l’ère industrielle. Actuellement, les pays développés qui ne
comptent que 15 % de la population mondiale sont responsables de 45 % des
émissions de CO2. En revanche, l’Afrique subsaharienne représentant environ 11 %
de la population mondiale ne contribue que 2 % des émissions mondiales. Le groupe
des pays à faible revenu représentant un tiers de la population mondiale contribue
seulement 7 % des émissions mondiales80. Sous l’angle économique, les économies
faibles des pays en développement seront plus rapidement altérées par les
changements climatiques que celles des pays développés dont les capacités
d’adaptation sont meilleures. Pour autant, les pays industrialisés devraient prendre les
devants dans la mise en place de mesures de réduction des émissions. Ce débat
resurgit aujourd’hui dans une perspective « après 2012 » alors que les conférences
internationales sur le climat ont lancé les discussions sur les engagements pour la
seconde période (2013-2017).
Il est vrai que les États ont souvent des intérêts différents dans la mise en
œuvre du principe des « responsabilités communes mais différenciées » 81. Les pays
développés insistent sur leur inquiétude de compétitivité internationale et la nécessité
de la participation des pays en développement pour une protection effective de
l’environnement global. En revanche, les pays en développement mettent souvent
l’accent sur la responsabilité historique des pays développés, leurs ressources limitées
pour la mise en œuvre des mesures de protection de l’environnement et leur droit au
développement économique82.

3. VERS DE NOUVELLES APPROCHES SUR LE PRINCIPE DES « RESPONSABILITÉS COMMUNES


MAIS DIFFÉRENCIÉES »83 POUR LA PÉRIODE APRÈS 2012
Lors de la Conférence de Copenhague, les pays en développement ont
exprimé la position claire qu’ils n’adopteront aucun traité climatique qui ne se
conformerait pas au principe des « responsabilités communes mais différenciées » 84
concrétisé dans la CCNUCC et le Protocole de Kyoto. C’est la raison pour laquelle les
pays en développement se sont opposés fortement à la proposition danoise de
l’Accord de Copenhague qui a été le résultat des discussions entre un petit groupe des
pays développés. En effet, cette proposition veut imposer des objectifs contraignants
de réduction d’émissions aux pays en développement (sauf les pays les moins avancés
[PMA]), mais n'inclut pas d'objectifs fixes pour les pays industrialisés à court terme.

80
PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, supra note 5 aux pp. 40 et 42.
81
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
82
Tuula Kolar, « The principle of common but differentiated responsibilities as contributing to
sustainable development through multilateral environmental agreements » dans Hans Christian Bugge
& Christina Voigt, dir., Sustainable development in international and national law, Groningen, Europa
Law Publishing, 2008, 249 à la p. 261. [Kolar, « The principle of common but differentiated
responsibilities »].
83
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
84
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
44 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

En ce qui concerne la mise en œuvre du principe des « responsabilités


communes mais différenciées »85, la proposition danoise de l’Accord de Copenhague
et les États-Unis ont suivi une même approche. Dans une communication du 4 juin
2009 au Secrétariat de la CCNUCC86, les États-Unis demandent une plus grande
responsabilité de la part des pays en développement. Selon les États-Unis, un nouvel
accord climatique devrait inclure les engagements quantifiés de réduction d’émissions
pour les pays émergents conformément au niveau d’ambition nécessaire pour
atteindre l’objectif de la CCNUCC. D’autres pays en développement Parties devraient
mettre en œuvre au niveau national les mesures d'atténuation appropriées et élaborer
des stratégies à faible émission de carbone en fonction de leurs capacités.
Cependant, la Chine considère qu’ « il est totalement injustifié de leur (les
pays en développement) demander d'adopter des objectifs de réduction des émissions
de gaz à effet de serre au-dessus de leurs obligations et capacités, en ne tenant pas
compte des responsabilités historiques, des émissions per capita et des différents
niveaux de développement »87. En outre, quatre grands pays émergents (la Chine, le
Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud) ont adopté une déclaration commune le 28
novembre 200988 qui indique qu’ils ne souhaitent pas se fixer des objectifs
contraignants de réduction d’émissions qui pénaliseraient leur économie. En fait, les
émissions per capita des pays émergents sont encore beaucoup plus faibles que celles
des pays développés.
TABLEAU 1 : Emissions de CO2 per capita en 200789
Pays Emissions de CO2per capita en 2007
(en tonnes)
Chine 4,9
Etats-Unis 18,9
France 6,02
Royaume-Uni 8,86
Allemagne 9,56
Australie 17,93
Russie 10,83
Inde 1,38
Japon 9,84
Brésil 1,93
85
Ibid.
86
É.-U., Framework Convention on Climate Change (UNFCCC), Draft implementing agreement under
the Convention prepared by the Government of the United States of America for adoption at the
fifteenth session of the Conference of the Parties: Note by the secretariat, 15e sess., (6 juin 2009) à la
p.6.
87
Wen Jiabao, Discours d’ouverture de la réunion finale, conférence de Copenhague de 2009 sur les
changements climatiques, Beijing, 19 décembre 2009. Transcription d’extraits disponible en ligne :
L’ambassade de la Chine en Mauritanie <http://mr.china-embassy.org/fra/xwdt/t647842.htm>.
88
Le Monde, « Une déclaration commune des pays émergents avant Copenhague » (1 décembre 2009),
en ligne : Le Monde.fr < http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-
1107890,0.html#xtor=RSS-3244>.
89
ONU, « Indicateurs des Objectifs du Millénaire pour le développement : site officiel des Nations Unies
sur les indicateurs OMD » (2007), en ligne : mdgs.un.org <http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Data.aspx>.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 45

Canada 16,91
Afrique du Sud 8,81
Mexique 4,38

NU, «Indicateurs des Objectifs du Millénaire pour le développement : site


officiel des Nations Unies sur les indicateurs OMD» (2007), en ligne :
<http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Data.aspx>.
Les pays émergents ont également présenté un texte 90, élaboré avant la
Conférence de Copenhague par la Chine, en accord avec l’Inde, le Brésil, l’Afrique
du Sud et le Soudan91. Intitulé « Copenhagen Accord (draft) », le texte des pays
émergents réaffirme le principe des « responsabilités communes mais différenciées »92
en proposant la continuation du Protocole de Kyoto pour une deuxième période
d’engagement 2013-2020. Le texte confirme que « le développement économique et
l'éradication de la pauvreté sont la priorité indiscutable des pays en
développement »93, tout en admettant que « l'augmentation de la température globale
ne devrait pas excéder 2 °C »94. Sur ce fondement, le texte prévoit que les pays
développés qui sont parties au Protocole de Kyoto doivent prendre les objectifs
contraignants de réduction des émissions pour la période 2013-2020. Pour les pays
développés qui ne sont pas parties au Protocole de Kyoto (les États-Unis), ils doivent
prendre des engagements domestiques comparables aux engagements des autres pays
développés. Le texte prévoit également les actions d’atténuation nationalement
appropriées (NAMAS)95 pour les pays en développement. Cependant, ces actions
d’atténuation des pays en développements doivent être supportées par les pays
développés en matière de technologie et de financement. Le texte prévoit la création
d’un Fonds global du climat contribué par les pays développés et la responsabilité des
pays développés en matière de financement de l’adaptation et du transfert
technologique dans les pays en développement. En général, le texte proposé par les
pays émergents pour la Conférence de Copenhague poursuit l’approche du Protocole
de Kyoto.
Les divergences persistantes entres les pays développés et les pays en
développements en matière de partage des responsabilités ont conduit à l’échec de la
Conférence de Copenhague. Aucun accord juridiquement contraignant n’a été adopté
à Copenhague. Cependant, les États parties sont parvenus à un accord politique,

90
Afrique du Sud et al., « Copenhagen Accord (draft) : COP decisions under the Convention » (2009), en
ligne : aidh.org <http://www.aidh.org/climat/Images/Draft%20pays%20emergents.pdf>. [Afrique du
Sud et al., « Copenhagen Accord (draft) »].
91
Celui qui présidait le groupe G77 lors de la conférence de Copenhague.
92
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
93
Afrique du Sud et al., « Copenhagen Accord (draft) », supra note 90 au préambule.
94
Ibid. art. 1.
95
Le terme « les actions d’atténuation nationalement appropriées» est dénommé en anglais « nationally
appropriate mitigation actions (NAMAS) ». Ce terme, qui a été utilisé pour la première fois dans le
Plan d'action de Bali, se définit comme l’ensemble de politiques et de mesures que les pays en
développement élaborent dans le cadre d'un engagement volontaire de réduction des émissions de gaz à
effet de serre.
46 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

appelé l’Accord de Copenhague96. Cet accord continue à confirmer la «volonté


politique de lutter sans tarder contre [les changements climatiques] conformément au
principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités
respectives. »97. En plus, l’Accord de Copenhague reconnaît qu’« il faudra plus de
temps aux pays en développement pour atteindre le pic des émissions» 98 et rappelle
que «le développement social et économique et l’élimination de la pauvreté sont les
priorités premières et essentielles de ces pays» 99. Comme l’Accord de Copenhague,
l’Accord de Cancun réaffirme les besoins légitimes des pays en développement pour
le développement social et économique et l’élimination de la pauvreté. L’Accord de
Cancun rappelle aussi les principes, dispositions et engagements dans le cadre de la
CCNUCC, en particulier les articles 3 et 4, qui ont consacré le principe des «
responsabilités communes mais différenciées » 100. Donc, il convient de relever que le
principe des « responsabilités communes mais différenciées » 101 reste un principe
fondamental qui dirige les négociations climatiques 102. La prise en compte de ce
principe est indispensable pour encourager une participation plus forte des pays en
développement dans un régime climatique post-Kyoto.
Toutefois, l’urgence des enjeux climatiques exige les efforts de réduction des
émissions de tous les pays, les pays développés ainsi que les pays en
développement103. Il faut bien noter que l’objectif de la CCNUCC visant à «stabiliser
[…] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui
empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique» 104 est
commun à tous les États parties à la CCNUCC105. Donc, il est important de
reconnaître que la différenciation des obligations n’implique pas les engagements
additionnels pour les pays développés à l’infini. La responsabilité « différenciée » ne
devrait pas être interprétée comme responsabilité « exclusive » pour les pays
développés106. Les pays en développement devraient renforcer leur niveau de
participation dans les efforts de réduction des émissions lorsque leur contribution au
96
L’Accord de Copenhague est un accord politique proposé par les États-Unis, le Brésil, la Chine, l’Inde
et l’Afrique du Sud. Il ne peut pas être considéré comme un accord de mise en œuvre de la CCNUCC.
En effet, cette proposition de l’accord n’a été négociée que par un groupe de 26 Etats Parties présents à
la conférence de Copenhague. De nombreux pays en développement s’y sont opposés. Donc, l’Accord
de Copenhague n’a pas été adopté par la conférence des parties qui a finalement seulement pris note de
cet accord juste avant la fin de la conférence.
97
Accord de Copenhague, 19 décembre 2009 au para. 1.
98
Ibid. au para. 2.
99
Ibid.
100
Les accords de Cancun : Résultats des travaux du Groupe de travail spécial de l’action concertée à
long terme au titre de la Convention, Déc. 1/CP.16, Doc. off. CCNUCC, 2010, Doc.
FCCC/CP/2010/7/Add.1, 2 à la p. 2.
101
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
102
Harald Winkler, « An architecture for long-term climate change: North-South cooperation based on
equity and common but differentiated responsibilities » dans Frank Biermann, Philipp Pattberg et
Fariborz Zelli, dir., Global Climate Governance beyond 2012: Architecture, Agency and Adaptation,
New York, Cambridge University Press, 2010, 97 à la p. 112.
103
R.-U.., Stern Review, supra note 6 à la p. 460.
104
CCNUCC, supra note 1, art. 2.
105
Laurence Boisson de Chazournes, « Le droit international au chevet de la lutte contre le réchauffement
planétaire: éléments d’un régime » dans Mélanges offerts à Hubert Thierry – L’évolution du droit
international, Paris, Pedone, 1998, 43 à la p. 50.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 47

problème et leur capacité augmentent 107. A cette fin, il est nécessaire de chercher un
équilibre, « d’une part, entre la responsabilité historique et la responsabilité actuelle
des États dans le réchauffement du climat et, d’autre part, entre ces deux
responsabilités temporelles et la capacité différente des Etats d’y répondre »108.
Autrement dit, il faudrait harmoniser deux approches différentes, l’approche de
« l’Atmosphère d’abord » et l’approche de « l’Équité d’abord ». Dans ces conditions,
les pays développés devraient s’engager sur des objectifs plus ambitieux de réduction
des émissions. Les pays émergents qui se développent à un rythme très rapide et
représentent 30% des émissions globales, de leur part, devraient assumer une
responsabilité plus grande en matière de réduction des émissions globales. En tenant
compte du niveau d’émission faible et de la capacité économique limitée, les autres
pays en développement, notamment les pays les moins avancés, pourraient être
exonérés des engagements de réduction des émissions. Cependant, ces pays en
développement devraient élaborer et réaliser les actions d’atténuation nationalement
acceptables. L’équité serait assurée par le financement des actions réalisées par les
pays en développement ainsi que le transfert de technologie des pays développés aux
pays en développement109. En ce cas, le principe des «responsabilités communes mais
différenciées»110 pourrait être considéré comme un découplage entre la responsabilité
commune et la participation différenciée. Tous les pays devraient prendre les mesures
d’atténuation des changements climatiques car ils partagent la responsabilité
commune. La participation des pays est différenciée selon leurs capacités respectives.
En général, la différenciation des engagements des pays selon de nouvelles
approches dans le régime climatique après Kyoto est essentielle pour assurer une
mobilisation à l’échelle mondiale de toutes les parties dans la lutte contres les
changements climatiques111. Cette position a été inspirée par le Plan d’action de
Bali112 adopté lors de la treizième Conférence des parties de la CCNUCC à Bali en
2007113. En employant pour la première fois les termes de pays « développés » et « en
développement » plutôt que pays « visés et non visés à l’Annexe I », le Plan d’action
de Bali a structuré les négociations sur des bases nouvelles. En effet, les résultats
acquis à la conférence de Bali en 2007 ont marqué « un changement d’attitude assez
net des émergents qui deviennent des partenaires actifs, avec une acceptation
106
Bryan A. Green, « Lessons from the Montreal Protocol: guidance for the next international climate
change agreement » (2009) 39 Environmental Law 253 à la p. 278.
107
Kolar, « The principle of common but differentiated responsibilities », supra note 82 à la p. 262.
108
Lavallée, « Le principe des responsabilités communes mais différenciées », supra note 37 à la p. 60.
109
Niels B. Bekkhus, « Kyoto and beyond, international burden-sharing in the fight against climate
change » (2008) 61 Studia Diplomatica, 177 à la p. 191.
110
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
111
Sandrine Maljean-Dubois, « Les suites de Kyoto : Le « post-2012 »: quelles perspectives pour le
régime juridique international de lutte contre le réchauffement climatique? » (2009) 2 Cahiers Droit,
Sciences & Technologies 111 aux pp. 111-126.
112
CCNUCC, Rapport de la treizième session de la Conférence des Parties tenue à Bali du 3 au 15
décembre 2007: Décisions adoptées par la Conférence des Parties, FCCC/CP/2007/6/Add.1, 2008 aux
pp. 3-7, en ligne : unfccc.int <http://unfccc.int/resource/docs/2007/cop13/fre/06a01f.pdf>. [Plan
d’action de Bali].
113
CCNUCC, Rapport de la treizième session de la Conférence des Parties tenue à Bali du 3 au 15
décembre 2007 : Première partie: Compte rendu des débats, 14 mars 2008, FCCC/CP/2007/6, en
ligne : unfccc.int <http://unfccc.int/resource/docs/2007/cop13/fre/06f.pdf > [Conférence de Bali].
48 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

notamment par la Chine et le Brésil de leur responsabilité, et le développement de


politiques climatiques »114. Aussi, le Plan d’action de Bali envisageait-il des
engagements d’atténuation pour les pays développés et des « actions » d’atténuation
pour les pays en développement. Sur la base du Plan d’action de Bali, le texte adopté
à la Conférence de Poznan sur les changments climatiques 115 en 2008 a précisé
l’approche d’une différenciation entre les pays en développement. Concrètement, les
pays émergents devraient prendre des « engagements plus ambitieux » que les autres
pays en développement116.

B. Les objectifs quantifiés de réduction d’émission face au manque de


volonté politique de la part des pays émergents
Il convient de rappeler que le Protocole de Kyoto n’arrive pas à inclure les
objectifs quantifiés de réduction d’émission pour les pays en développement à cause
de l’opposition forte de ces pays dans les négociations. Par contre, dans le cadre du
Protocole de Kyoto, les pays développés et les pays en développement ont souscrit
des engagements distincts, procédant à un « découpage bipolaire du monde » 117. D’un
côté, les pays développés ont souscrit des engagements spécifiques de réduction de
leurs émissions de gaz à effet de serre. De l’autre, les pays en développement sont
exemptés d’engagements quantifiés.

114
Dubois et Wemaëre, La diplomatie climatique, supra note 27 à la p. 173.
115
CCNUCC, Rapport de la quatorzième session de la Conférence des Parties tenue à Poznan du 1er au
12 décembre 2008 Première partie: Délibérations, 19 mars 2009, FCCC/CP/2008/7, en ligne : un.org
<http://www.un.org/french/climatechange/balicopenhagen/poznan.shtml> [Conférence de Poznan].
116
Selon le Groupe de travail spécial de l’action concertée à long terme au titre de la Convention : Idées
et propositions relatives au paragraphe 1 du Plan d’action de Bali, FCCC/AWGLCA/2008/16/Rev.1,
Doc. off. CCNUCC, 4e session (2008), 1 au point 42.b.
Concernant la nature des NAMAS, « Les mesures devraient/peuvent :
i) Être volontaires et non contraignantes, et être adaptées aux capacités de chaque Partie (Brésil,
MISC.1; Afrique du Sud, MISC.1/Add.1; Singapour, MISC.2; Afrique du Sud, Chine, ...République de
Corée, MISC.5; AOSIS, MISC.5/Add.2);
ii) Être distinctes des engagements d’atténuation pris par les Parties visées à l’Annexe I (G-77 et
Chine, MISC.5/Add.2);
iii) Être à la mesure des capacités et des responsabilités et s’accorder avec le potentiel . .d’atténuation et
le contexte national (CE et ses États membres, MISC.5/Add.1);
iv) Correspondre à des engagements plus ambitieux pour les Parties possédant des capacités nationales
appropriées (Australie, MISC.5/Add.2) et du même type que celles des pays développés (États-Unis,
MISC.5/Add.2) pour certains pays en développement au moins (notamment les principaux émetteurs et
les pays émergents);
v) Être juridiquement de même nature (mesures juridiquement contraignantes ou volontaires, par
exemple) pour tous les pays, développés ou en développement, indépendamment de leur contenu
(États-Unis, MISC.5);
vi) Être différentes de par la nature des mesures ou des engagements, pour différents groupes de pays
en développement (Égypte, MISC.1; Australie, MISC.1/Add.2; CE et ses États membres, Japon,
MISC.2; Fédération de Russie, Japon, Turquie, MISC.5); ».
117
Béatrice Quenault, « Protocole de Kyoto et gouvernance écologique mondiale : enjeux et perspectives
des engagements post-2012 » (2006) 34 Monde en développement 29 à la p.34.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 49

1. LES FAIBLESSES DU PROTOCOLE DE KYOTO DANS L’ATTRIBUTION DES OBJECTIFS DE


RÉDUCTION D’ÉMISSION

Dans le cadre du Protocole de Kyoto, trente-neuf pays développés répertoriés


dans son annexe B118 se voient imposer des engagements chiffrés de réduction des
émissions. Une moyenne de 5% de réduction a été arrêtée pour un ensemble de pays à
l’annexe B du Protocole de Kyoto119. Cependant, les engagements sont différenciés
par pays. Autrement dit, les engagements chiffrés des pays développés exprimés à
l’annexe B du protocole en pourcentage des émissions de l’année de référence varient
dans une fourchette allant de 92% à 110%. Les États parties ayant un engagement
inférieur à 100% s’engagent à réduire la moyenne de leurs réductions annuelles en
dessous de leur niveau de 1990 à l’échéance 2008-2012. En revanche, les États parties
ayant un engagement égal ou supérieur à 100% ne doivent pas réduire leurs émissions
annuelles, mais doivent veiller à ce qu’elles ne dépassent pas le seuil fixé.

TABLEAU 2- Les engagements chiffrés en matière de réduction et de limitation


des émissions de gaz à effet de serre des parties au Protocole de Kyoto120
- États membres de l’Union européenne 15 (« bulle ») -8%
- Nouveaux États membres de l’Union européenne
accédés en Mai 2004(*)
 Estonie, Lettonie, Lituanie -8%
 Hongrie, Pologne -6%
 République tchèque, Slovaquie, Slovénie -8%
- Suisse, Bulgarie, Roumanie -8%
- Monaco, Liechtenstein -8%
- États-Unis (**) -7%
- Japon, Canada -6%
- Croatie -5%
- Russie, Nouvelle-Zélande, Ukraine +0%
- Norvège +1%
- Australie +8%
- Islande +10%
(*) Chypre et Malte ne figurant pas à l’annexe B du Protocole de Kyoto
(**) États-Unis n’ayant pas ratifié le Protocole de Kyoto

Les engagements de réduction d’émissions des gaz à effet de serre établis par

118
Dans le Protocole de Kyoto, les pays formellement engagés dans une politique de réduction des
émissions sont ceux de l’Annexe I de la Convention. L’annexe B correspond au chiffrage de cet
engagement.
119
Le Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 3.1. prévoit que « les parties visées à l’Annexe I font en
sorte, individuellement ou conjointement, que leurs émissions anthropiques agrégées (…) des gaz à
effet de serre (…) ne dépassent pas les quantités qui leur sont attribuées, calculées en fonction de leurs
engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction des émissions inscrits à l’annexe B (…)
en vue de réduire le total de leurs émissions de ces gaz d’au moins 5% par rapport au niveau de 1990
au cours de la période d’engagement allant de 2008 à 2012 ».
120
Protocole de Kyoto, supra note 13, annexe B.
50 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

le Protocole de Kyoto ont satisfait aux exigences des pays en développement sur la
mise en œuvre du principe des « responsabilités communes mais différenciées »121. En
effet, les pays en développement sont exonérés de tout effort de réduction d’émission.
Cependant, la différenciation des engagements établie par le Protocole de Kyoto ne
tient pas compte d’une manière suffisante de la diversité des situations des pays. D’un
point de vue économique, certains États non parties à Annexe I (comme Singapour, la
Corée du Sud, Israël…) sont plus riches que des pays de l’Annexe I (comme Grèce,
Hongrie…). Donc, l’inclusion de ces pays dans les objectifs de réduction des
émissions est nécessaire. Par ailleurs, les États non parties à l’Annexe I constituent
également un groupe hétérogène qui se composent des pays à revenu faible, peu
émetteurs de gaz à effet de serre et des pays émergents à niveau de revenu plus
important avec un total important de gaz à effet de serre émis. Concrètement, le
groupe des pays en développement peut être distingué en trois groupes de pays
principaux ayant des préoccupations distinctes et il convient de différencier les
engagements pour chaque groupe122:
Les pays émergents (comme la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique…) sont
fortement peuplés et contribuent le plus à l’augmentation des émissions de
gaz à effet de serre par les pays en développement. Cependant, la majorité
de ces pays ont réduit l’intensité carbone de leur économie depuis 1990 en
utilisant plus rationnellement les sources d’énergies fossiles. A cause de la
croissance forte des émissions de ces pays, l’inclusion de ces pays à la
stratégie de réduction mondiale des émissions est indispensable pour
atteindre l’objectif ultime de la CCNUCC.
Les pays pétroliers hésitent à s’engager sur des objectifs de réduction des
émissions. En outre, ces pays ne souhaitent pas la généralisation de la
contrainte carbone sous forme de plafonds d’émissions qui pourrait limiter
la consommation des sources d’énergie fossiles et réduire la rente
pétrolière. Ces pays subordonnent l’inclusion de leur part dans les objectifs
de réduction des émissions à des compensations financières. Pourtant, ils
disposent actuellement d’abondantes ressources financières.
Le groupe des pays les moins avancés est le plus important numériquement.
Ces pays qui contribuent le moins aux changements climatiques sont les
plus affectés par ces phénomènes. L’un des enjeux principaux pour ce
groupe de pays est renforcer les ressources financières additionnelles pour
aider ces pays à s’adapter aux impacts des changements climatiques.

En outre, ce cadre fait également ressortir un point faible principal dans la


mise en œuvre du Protocole de Kyoto. Il s’agit de la question de l’efficacité
environnementale. L’absence des engagements des pays émergents est l’une des
raisons principales du refus des États-Unis de ratifier le Protocole de Kyoto. Pourtant,
les États-Unis représentent 18% des émissions mondiales et les grands pays
émergents, notamment les « BASIC », représentent 27% des émissions mondiales. En
plus, lors des négociations à Kyoto, pour obtenir l’accord de la Russie et de l’Ukraine,

121
Ibid., art. 10.
122
Christian de Perthuis et Anaïs Delbosc, « Négociations climatiques : les enjeux du post-Copenhague »
(2010) no46 L’économie politique 70 à la p. 74. [Perthuis et Delbosc, « Négociations climatiques »].
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 51

le Protocole de Kyoto n’impose qu’un objectif de stabilisation de leur niveau


d’émissions égal à celui de 1990. Mais à la suite de l’effondrement de l’activité
industrielle qui a suivi la chute du bloc soviétique en 1990, les émissions de ces pays
avaient déjà beaucoup chuté. Par exemple, selon les estimations, les émissions de la
Russie sont aujourd’hui de près de 30% inférieures au niveau de 1990 123. Donc, la
Russie et l’Ukraine disposent d’une importante quantité de quotas d’émission
excédentaires sans devoir fournir aucun effort de réduction. Or, ces pays, en tant que
les pays de l’Annexe I, sont autorisés à revendre ces quotas d’émission excédentaires.
Cette situation est connue sous le nom d’« air chaud »124. En plus, il convient de
rappeler que les dix premiers émetteurs 125 représentent 70% des émissions
mondiales126. Par conséquent, l’efficacité environnementale du Protocole de Kyoto est
remise en cause dans la mesure où la part des émissions mondiales couverte par les
engagements de Kyoto est très limitée.

2. LES EFFORTS DES ACCORDS DE COPENHAGUE ET DE CANCUN VISANT À INTÉGRER LES PAYS
ÉMERGENTS DANS LES OBJECTIFS GLOBAUX DE RÉDUCTION D’ÉMISSION

Avec l’effort d’intégrer les pays émergents dans les objectifs globaux de
réduction des émissions, l’Accord de Copenhague permet des engagements à
géométrie variable selon les pays 127. En théorie, cet accord permet d’intégrer les États-
Unis ainsi que les pays émergents et couvre une part des émissions mondiales (un peu
plus de 75%) beaucoup plus large que le Protocole de Kyoto. Concrètement, a été
retenue l’approche volontaire et ascendante qui permet à chaque pays développé
d’établir ses propres engagements de réduction d’émissions et sa propre année de
référence. Les pays en développement, pour leur part, doivent inscrire leurs actions
d’atténuation nationalement appropriées (NAMAS).
Durant les négociations, il faut bien rappeler que les États-Unis exigent un
contrôle international des actions d’atténuation faites par les pays en développement,
notamment par les pays émergents. En revanche, les pays émergents s’opposent
fortement à la proposition des États-Unis en invoquant le principe du respect de la
souveraineté nationale. Pour harmoniser les positions différentes entre les États-Unis
et les pays émergents, selon l’Accord de Copenhague, les NAMAS des pays en
développement ne sont pas soumises à des vérifications par le dispositif des Nations
Unies sauf les actions bénéficiant de financements internationaux. En réaffirmant
l’Accord de Copenhague, l’Accord de Cancun prévoit que les NAMAS appuyées par
des moyens de financement des pays développés sont soumis au contrôle
international. Les NAMAS autonomes des pays en développement appuyées par leurs
propres ressources sont mesurées et vérifiées au niveau national conformément aux
123
Patrick Criqui, Benoît Faraco et Alain Grandjean, Les États et le carbone, Paris, Presse Universitaire
de France, 2009 à la p. 209.
124
hot air en anglais.
125
La Chine, les États-Unis, l’Union européenne, la Russie, l’Inde, le Japon, le Brésil, le Canada, la Corée
du Sud et le Mexique.
126
Aurélie Vieillefosse, Le changement climatique, supra note 89 à la p. 26.
127
Perthuis et Delbosc, « Négociations climatiques », supra note 122 à la p. 72.
52 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

modalités développées dans le cadre de la CCNUCC. En outre, l’Accord de Cancun


invite les Parties à soumettre leurs points de vue sur les modalités et procédures
d'évaluation internationale des actions d’atténuation des émissions des pays en
développement128.
En répondant à la demande de l’Accord de Cancun, les États parties ont
soumis leurs points de vue sur cette question dans le cadre de la 14 ème session du
Groupe de travail spécial de l'action concertée à long terme au titre de la Convention à
Bangkok (5-8 avril 2011)129. Selon la Chine, un grand défi est que les pays en
développement n'ont pas les capacités nécessaires pour améliorer leurs rapports
nationaux tandis que le financement actuel des pays développés n'est pas suffisant.
Pour surmonter ces obstacles, la Chine considère que le mécanisme actuel de
financement devrait être réformé pour simplifier la procédure, améliorer l'efficacité et
l'ampleur de financement. Par contre, selon les États-Unis, la crédibilité du
mécanisme de financement ne dépend pas seulement sur le fonds mais aussi sur la
comptabilité transparente de ce qui est fait, et les résultats obtenus. Mais les
informations actuelles communiquées par les pays bénéficiaires du soutien financier
sont très limitées. En raison du manque d'informations communiquées par les pays
bénéficiaires, il est difficile de démontrer aux contribuables des pays donateurs que ce
soutien financier a été utilisé d'une manière efficace et transparente. Donc, les États-
Unis considèrent que les pays bénéficiaires devraient fournir des informations plus
détaillées et fréquentes sur les impacts du soutien financier international pour
l'atténuation des émissions et l’adaptation aux changements climatiques. En outre, il
faudrait intégrer dans le cadre des rapports communs les résultats d'atténuation et
d'adaptation associés au soutien financier fourni. L’Union européenne, de sa part,
exprime sa volonté de soutenir la mise en œuvre des mesures de vérification
internationale dans les pays en développement par les voies multilatérales et
bilatérales. En plus, l’Union européenne propose l’amélioration des informations
communiquées par les deux côtés : les pays développés et les pays en développement.
Ces informations devraient se compléter pour aider à mieux comprendre les lacunes et
les besoins du soutien financier de la part des pays en développement.
En fait, pour être véritablement efficace, le contrôle doit être organisé au
plan international130. Avec un contrôle partiel qui ne s’applique que pour les actions
financièrement soutenues, il n’est pas possible d’évaluer le niveau d’émissions de
l’ensemble de l’économie des pays en développement, ce qui ne permettra pas de
savoir si les émissions globales sont sur la bonne trajectoire pour respecter l’objectif
de l’Accord de Copenhague. En ce qui concerne la souveraineté, selon la Déclaration
de Stockholm, la souveraineté nationale doit être exercée d’une manière harmonisée

128
Accord de Cancun, supra note 9, au point III(B).
129
CCNUCC, Ad Hoc Working Group on Long-term Cooperative Action under the Convention, Views on
the items relating to a work programme for the development of modalities and guidelines listed in
decision 1/CP.16, paragraph 66, Bangkok and Bonn, 2011, en ligne: unfccc.int:
<http://unfccc.int/resource/docs/2011/awglca14/eng/misc07.pdf>.
130
Jean-Pierre Beurier, Droit international de l’environnement, 4e édition, Paris, Pedone, 2010 à la p. 155.
[Beurier, Droit international]
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 53

dans le respect de l’environnement à l’extérieur des limites de la juridiction


nationale131. Comme les changements climatiques constituent un problème
environnemental global, ce principe devrait être souligné. Autrement dit, la nature
intrinsèquement internationale des atteintes à l’environnement comme les
changements climatiques appelle « nécessairement une réaction de la communauté
internationale dans son ensemble ou, au moins, de tous les Etats concernés par une
pollution donnée et limitent du même coup la liberté des Etats d’agir individuellement
dans ce domaine »132. Pour surmonter les divergences entre les États-Unis et les pays
émergents concernant la vérification des NAMAS, il faudra que les États coopèrent de
bonne foi avec les organisations internationales et entre eux pour préserver
l’environnement, conformément à l’esprit de la Déclaration de Stockholm 133.
À la Conférence de Copenhague, les pays développés n’ont pas réussi à
convaincre les pays émergents d’accepter les objectifs contraignants de réduction des
émissions. En fait, les pays émergents ont rejeté toute obligation de réduction des
émissions et toute différenciation entre eux et les autres pays en développement en
demandant le respect de la CCNUCC et du Protocole de Kyoto. Finalement, l’Accord
de Copenhague a maintenu la répartition des pays en deux groupes (Annexe I et non-
Annexe I) comme la CCNUCC. Toutefois, il a accordé la priorité aux pays en
développement les plus vulnérables (les pays les moins avancés, les petits États
insulaires en développement et les pays d’Afrique) dans le cadre du financement de
l’adaptation134.
Conformément à l’Accord de Copenhague, la plupart des pays, notamment
les dix premiers émetteurs du monde, ont transmis leurs objectifs nationaux au
secrétariat de la CCNUCC avant le 1er février 2010. Toutefois, à cause de l’absence de
l’effet contraignant135, l’Accord de Copenhague ne change pas grand-chose aux
engagements de réduction d’émissions en pratique. Dans une notification aux parties,
le secrétaire exécutif de la CCNUCC a précisé que comme la Conférence des Parties à
la CCNUCC n'a ni adopté ni approuvé, mais a simplement pris note de l’Accord de
Copenhague, cet accord est un simple accord politique et n’a pas de porté juridique 136
dans le cadre de la CCNUCC137.
131
Déclaration de Stockholm, supra note 40 principe 21: « Conformément à la Charte des Nations Unies
et aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres
ressources selon leur politique d'environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités
exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à
l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions ne relevant d'aucune juridiction nationale ».
132
Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Mathias Forteau et Alain Pellet, Droit international public, 8e éd.,
Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2009 à la p. 1419.
133
Déclaration de Stockholm, supra note 40 principe 24: « Les questions internationales se rapportant à la
protection et à l'amélioration de l'environnement devraient être abordées dans un esprit de coopération
par tous les pays, grands ou petits sur un pied d'égalité. Une coopération par voie d'accords
multilatéraux ou bilatéraux ou par d'autres moyens appropriés est indispensable pour limiter
efficacement, prévenir, réduire et éliminer les atteintes à l'environnement résultant d'activités exercées
dans tous les domaines, et ce dans le respect de la souveraineté et des intérêts de tous les Etats.»
134
Accord de Copenhague, supra note 8 au para. 8.
135
Beurier, Droit international, supra note 130 à la p. 306.
136
legal standing en anglais.
137
Secrétaire exécutif de la CCNUCC, « Clarification relating to the notification of 18 January 2010 » (25
janvier 2010), en ligne: <http://unfccc.int/files/parties_and_observers/notifications/application/pdf/
54 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

En intégrant les acquis de l’Accord de Copenhague, l’Accord de Cancun a


reconnu des objectifs nationaux de réduction fixés par les pays développés et les pays
en développement à Copenhague dans le cadre de la CCNUCC. Dans l’objectif
d’améliorer la transparence, l’Accord de Cancun a élaboré et renforcé les mécanismes
internationaux de notification et de vérification des efforts de réduction entrepris par
tous les États parties, notamment les pays en développés. En outre, l’Accord de
Cancun a créé un registre qui permet de recenser les mesures d’atténuation
nationalement appropriées pour lesquelles les pays en développement sollicitent un
appui international et de faciliter la mise en adéquation de l’aide fournie par les pays
développés en matière de renforcement des capacités, de financement et de
technologie pour ces mesures138. En concrétisant l’Accord de Copenhague en matière
de renforcement de l’adaptation pour les pays les moins avancés, l’Accord de Cancun
a créé un Cadre d’adaptation de Cancun 139140 qui comprend un processus spécifique
pour appuyer les pays les moins avancés dans l’élaboration et la mise en œuvre de
plans nationaux d’adaptation. L’Accord de Cancun a également permis d’établir un
programme de travail visant à considérer les approches appropriées pour remédier aux
pertes et préjudices liés aux impacts des changements climatiques dans les pays en
développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes de ces
changements. Sur le plan institutionnel, l’Accord de Cancun a établi un comité de
l’adaptation pour promouvoir la mise en œuvre des actions d’adaptation 141. Le comité
pour l’adaptation a pour mission de fournir un appui technique aux pays en
développement, de favoriser les échanges d’expériences entre les centres et les
réseaux sur l’adaptation et d’élaborer les recommandations sur la mise en œuvre des
actions d’adaptation appropriées142.
Toutefois, malgré l’intégration des États-Unis et des pays émergents dans les
objectifs de réduction des émissions, les engagements de l’Accord de Copenhague
sont encore très faibles et imprécis. Les États-Unis et le Canada ont annoncé un
objectif chiffré de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 17 % pour
l'horizon 2020 par rapport à 2005, ce qui ne fait que 4 % par rapport à 1990, l’année
de référence dans le cadre du Protocole de Kyoto. Il faut noter que les États-Unis ont
intérêt à choisir 2005 comme année de référence au lieu de 1990 comme dans le
Protocole de Kyoto : entre 1990 et 2005, les émissions de gaz à effet de serre des
Etats-Unis ont augmenté de 5,8 à 7 millions de tonnes annuels 143. Pourtant, l’objectif
fixé par le Protocole de Kyoto est de -7% pour les États-Unis et -6% pour le Canada
par rapport à 1990 au cours de la période d’engagement 2008-2012. Le Japon et la
Russie s’engagent à réduire jusqu’à 25% par rapport à 1990, mais à condition des
engagements équivalents des principales économies. Les pays émergents ont transmis

100125_noti_clarification.pdf>.
138
Accord de Cancun, supra note 9, au point III.
139
Commission du bassin du Lac Tchad « Conférence de Cancun sur les changements climatiques, du 29
novembre au 11 décembre 2010.» (2010), en ligne : cblt.org <http://www.cblt.org/cbltDOCpdf/
RapportChangementClimatConference.fr.pdf>.
140
Cancun Adaptation Framework en anglais.
141
Accord de Cancun, supra note 9, art. 20.
142
Ibid. au point II.
143
Dubois et Wemaëre, La diplomatie climatique, supra note 27 à la p. 157.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 55

des engagements, non pas exprimés en valeur absolue en termes relatifs, soit sous
forme de réduction de l’intensité carbone du Produit intérieur brut (PIB) (la Chine et
l’Inde), soit sous forme de réduction par rapport au scénario « business as usual » (le
Brésil, le Mexique). En outre, la Chine, l’Inde et le Brésil confirment que leurs
engagements dans le cadre de l’Accord de Copenhague sont en nature volontaires. De
plus, jusqu’ici, 43 pays en développement qui représentent un tiers du nombre des
pays en développement parties de la CCNUCC n’ont pas transmis les engagements de
limitation d’émissions144. Il convient de relever que l’Accord de Copenhague n’a pas
obtenu le soutien de la majorité des pays en développement alors que les engagements
de réduction des émissions des pays émergents portent seulement un caractère
symbolique. Par ailleurs, les objectifs de réduction d’émission des pays développés
sont loin de satisfaire aux exigences du GIEC145.

TABLEAU 3- Les engagements pris par les dix premiers émetteurs dans le
cadre de l’Accord de Copenhague146
Objectif de réduction d’émissions pour 2020 Année de
référence
Chine Réduction de l’intensité carbone du PIB de 40 à 2005
45%
Etats-Unis 17% 2005
UE 20% ou 30% (en cas d’engagements significatifs 1990
de ses partenaires internationaux dans ce sens)
Russie 15 à 25% en cas de la comptabilisation des forêts 1990
et de l’engagement des principaux émetteurs à
réduire leurs émissions
Inde Réduction de l’intensité carbone du PIB de 20 à 2005
25%
Japon 25% (si les gros émetteurs s’engagent à des efforts 1990
significatifs)
Brésil 36 à 39% par rapport au scénario «business as 2020
usual»
Canada 17% 2005
Corée du Sud 30% par rapport au scénario «business as usual» 2020

Mexique 30% par rapport au scénario «business as usual» 2020


144
US Climate Action Network, « Who's On Board With The Copenhagen Accord? », en ligne:
<http://www.usclimatenetwork.org/policy/copenhagen-accord-commitments>.
145
Par rapport à l’objectif de stabilisation de la température moyenne à 2°C, selon le GIEC, les pays
développés doivent réduire collectivement leurs émissions, en dessous des niveaux de 1990, de 25%
à 40 % d'ici à 2020 et de 80% à 95% d'ici 2050.
146
CCNUCC, Ad Hoc Working Group on Long-term Cooperative Action under the Convention,
« Compilation of information on nationally appropriate mitigation actions to be implemented by
Parties not included in Annex I to the Convention » (18 mars 2011), en ligne: unfccc.int
<http://unfccc.int/resource/docs/2011/awglca14/eng/inf01.pdf>.
56 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

Sur la base des engagements communiqués par les parties dans le cadre de
l’Accord de Copenhague, le Climate Action Tracker (CAT)147 considère que les
parties ne sont pas collectivement sur la bonne trajectoire pour respecter la limite de 2
ou 1,5°C148. En fait, afin de respecter les limites de 2°C ou 1,5°C, selon le CAT, il est
nécessaire de réduire les émissions mondiales d’ici 2020 à environ 44 Gigatonnes de
CO2 par an (GtCO2-éq/an). Selon les estimations, les émissions mondiales en 2008
s’élevaient à 46 GtCO2-éq/an. Selon les projections, les engagements communiqués
dans le cadre de l’Accord de Copenhague devraient les faire passer à 52-56 GtCO 2-
éq/an : soit un écart de 8 à 12 GtCO 2-éq/an en 2020 par rapport à ce qui est nécessaire
pour respecter la limite de 2°C ou 1,5°C. Sans l’Accord de Copenhague, les émissions
mondiales « business as usual » sont estimées à 59 GtCO2-éq/an en 2020. Donc, il
convient de relever que les contributions de l’Accord de Copenhague sur les objectifs
de réduction des émissions sont très limitées. Dans le cadre des négociations
climatiques à Bangkok (3-8 avril 2011), le secrétaire exécutif de la CCNUCC,
Madame Christiana Figueres, a souligné que « jusqu’à présent, la somme des
promesses nationales ne représentait que 60 % de ce qui devrait être fait, selon les
scientifiques, d’ici 2020, pour satisfaire l’objectif des deux degrés »149.
L’échec de la Conférence de Copenhague avait montré des limites des
négociations climatiques dans le cadre du système onusien : le fonctionnement lourd
et inconfortable reposé sur l’idée d’un consensus de tous les États parties. En
supplément, il s’agit de la complexité des négociations « en raison de
l’enchevêtrement des institutions de la Convention –cadre et du Protocole de Kyoto,
ne serait-ce qu’entre la Réunion des Parties au Protocole et la Conférence des Parties
à la Convention, qui se tiennent en parallèle au cours d’une même conférence » 150. En
effet, pour parvenir à un nouveau traité international sur le climat après Kyoto, la
«feuille de route de Bali»151 prévoit deux voies de négociations : la voie de la
CCNUCC sous les auspices du « groupe de travail spécial sur l’action concertée à
long terme au titre de la Convention » (ci-après « AWG LCA ») créé à Bali et la voie

147
Le Climate Action Tracker est un outil de calcul développé conjointement par Climate Analytics,
Ecofys, et l’Institut de recherche de Potsdam sur les impacts du changement climatique (PIK) en 2009.
Il permet de suivre, mettre à jour et évaluer les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de
serre proposés par les pays développés et les pays en développement. L’initiative a été financée par la
Fondation européenne pour le climat. Voir Climate Action Tracker, « Emissions gap unchanged since
Cancun. Emissions and CO2 concentrations at record highs.», en ligne: climateactiontracker.org
<http://www.climateactiontracker.org/>.
148
Climate Action Tracker, « Les États sont-ils sur le cap des 2 ou 1,5°C » (octobre 2010), en ligne :
climateactiontracker.org
<http://www.climateactiontracker.org/CAT_Overview_SomFR_20101009.pdf.>.
149
CCNUCC, Communiqué, « Négociations sur les changements climatiques à Bangkok : le plus haut
responsable des questions climatiques au sein des Nations Unies appelle les gouvernements à avancer
volontairement sur la voie tracée en 2010 et à éliminer les lacunes » (4 avril 2011), en ligne : unfccc.int
<http://unfccc.int/files/press/press_releases_advisories/application/pdf/pr20110404bkk_fr.pdf>.
150
Dubois et Wemaëre, La diplomatie climatique, supra note 27 à la p. 186.
151
Programme des Nations Unies pour le développement, Groupe environnement et énergie, « La feuille
de route de bali: Les questions clés en cours de négociation » (octobre 2008), en ligne : undp.org
<http://www.undp.org/climatechange/docs/French/Feuille_de_Route_de_Bali_questions_cles_en_cour
s_de_negociation.pdf>.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 57

du Protocole de Kyoto sous les auspices du « groupe de travail spécial des nouveaux
engagements des Parties visées à l’Annexe I au titre du Protocole de Kyoto » (ci-après
« AW GKP ») établi à la Conférence de Montréal en 2005 152. La voie de la CCNUCC
est axée sur quatre éléments principaux : l’adaptation, l’atténuation, le transfert de
technologie et le financement. En outre, dans le cadre de cette voie de négociation, les
parties ont également discuté sur le mécanisme de la réduction des émissions dues à la
déforestation et à la dégradation des forêts (REDD), des actions d’atténuation des
pays en développement et des engagements d’atténuation des pays développés. Dans
le cadre de la voie du Protocole de Kyoto, les parties ont discuté sur les objectifs de
réduction des émissions des pays développés pour la période après 2012 et les
mécanismes pour atteindre ces objectifs.
En fait, la voie de la CCNUCC permet aux États-Unis, qui n’ont pas ratifié le
Protocole de Kyoto, de participer aux négociations. En revanche, les pays en
développement souhaitent négocier dans le cadre du Protocole de Kyoto qui n’impose
pas d’objectif de réduction des émissions pour ces pays. En outre, les pays en
développement souhaitent voir les pays développés prendre les engagements
contraignants de réduction plus importants à long terme 153. Lors de la réunion de
Bangkok en 2009, les États-Unis ont affirmé que les objectifs globaux à long terme
devraient être inscrits dans le cadre de la CCNUCC tandis que les pays en
développement souhaitent garder le Protocole de Kyoto pour ceux qui l’avaient
ratifié. Pourtant, la mise en œuvre de deux instruments différents aux pays d’un même
groupe créerait une différenciation entre les États-Unis et les autres pays développés,
ce qui n’était pas acceptable pour l’Union européenne. Donc, l’Union européenne et
les autres pays développés comme le Japon, le Canada, l’Australie et la Nouvelle
Zélande souhaitent une fusion des voies de négociation pour parvenir un nouvel
instrument juridique contraignant dans le cadre de la CCNUCC en intégrant les
éléments essentiels du Protocole de Kyoto. Toutefois, les parties à la Conférence de
Copenhague ne sont pas parvenues à fusionner ces deux voies de négociation. Il
convient de considérer que la complexité des négociations dans le cadre de l’approche
à deux voies a largement contribué à l’impasse des négociations à Copenhague 154.
En montrant les limites du système onusien dans le cadre de la Conférence
de Copenhague, la France a proposé la création d'un groupe « Copenhague+ », un
forum restreint, rassemblant les États favorables à un objectif de réduction de 50%
des émissions de GES d'ici à 2050. Cette idée a été rejetée par le groupe des 77 qui a
estimé que les négociations climatiques devaient se poursuivre dans le seul cadre de
l’ONU. Les États-Unis, pour leur part, ont considéré que les négociations devraient se
fonder sur l’Accord de Copenhague qui peut servir « de plateforme commune pour les
futures conférences »155. En fait, cette initiative n’est pas nouvelle. Au temps de
152
CCNUCC, Rapport de la onzième session de la conférence des parties tenue à Montréal du 28
novembre au 10 décembre 2005, 30 mars 2006, FCCC/CP/2005/5, en ligne: unfccc.int
<http://unfccc.int/resource/docs/2005/cop11/fre/05f.pdf>.
153
Matthieu Wemaëre, « Des alternatives à Kyoto ? Quelle architecture juridique pour un futur accord
international de lutte contre le changement climatique » (2009) 2Cahiers Droit, Sciences &
Technologies 127 à la p. 129.
154
Dubois et Wemaëre, La diplomatie climatique, supra note 27 à la p. 195.
155
Beurier, Droit international, supra note 130 à la p. 307.
58 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

l’administration Bush, les États-Unis ont également lancé l’initiative sur le Forum des
économies majeures sur l’énergie et le climat. Cette initiative a visé à contourner les
négociations dans le cadre des Nations Unies et à privilégier plutôt des engagements
volontaires et nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Actuellement, le Forum des économies majeures sur l’énergie et le climat réunissent
17 pays qui émettent plus de 80% des gaz à effet de serre mondiaux 156. Sous
l’administration Obama, la perspective de ce forum a changé. Il ne vise plus à
concurrencer mais à favoriser les dialogues entre les pays développés et les pays
émergents et à soutenir les conférences sur le climat dans le cadre des Nations Unies.

3. LES PROPOSITIONS POUR L’INTÉGRATION DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT


Actuellement, les pays en développement ne veulent pas mettre en péril leur
croissance économique en acceptant des contraintes en matière de réduction des
émissions de gaz à effet de serre. Selon les estimations économiques, les politiques
climatiques sont susceptibles d'induire des plus grandes pertes économiques dans les
pays en développement que dans les pays développés 157. En outre, en raison du
manque de ressources nécessaires, l’acceptation des engagements de réduction
demande aux pays en développement de détourner les ressources du développement à
la réduction d’émission, ce qui pourrait affaiblir leur capacité d’adaptation qui reste
très faible158. Donc, pour intégrer les pays en développement dans les objectifs de
réduction des émissions, les mesures contraignantes ne seraient pas équitables sur le
plan économique. Par ailleurs, l’imposition d’une manière unilatérale de ces mesures
aux pays en développement serait irréaliste et contraire au principe de souveraineté
nationale du droit international. Dans ce contexte, sur la base de quatre approches
principales (l’Atmosphère d’abord, l’Equité d’abord, le Développement d’abord et la
Technologie d’abord), plusieurs différentes propositions visant à intégrer les pays en
développement ont été présentées, y compris les propositions principales suivantes 159 :
les allocations de quotas d’émission par habitant ;
des objectifs liés à l’intensité des émissions par rapport à la performance économique
(GES/PIB) ;
le principe des « convergences communes mais différenciées »160 ;

156
Les 17 pays participant au Forum des économies majeures sont: Australie, Brésil, Canada, Chine,
l'Union européenne, France, Allemagne, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Corée du Sud, Mexique, Russie,
Afrique du Sud, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Voir États-Unis, US Department of State, Major
Economies Forum on Energy and Climate, en ligne: US Department of State
<http://www.state.gov/g/oes/climate/mem/>.
157
Jing Cao, « Beyond Copenhagen : Reconciling International Fairness, Economic Development, and
Climate Protection » (2010) Discussion Paper 10-44 The Harvard Project on International Climate
Agreements 1 à la p. 6.
158
Manish Kumar Shrivastava et Nitu Goel, « Shaping the architecture of future climate governance:
perspectives from the South » dans Frank Biermann, Philipp Pattberg et Fariborz Zelli, Global Climate
Governance beyond 2012: Architecture, Agency and Adaptation, New York, Cambridge University
Press, 2010, 116 à la p. 120.
159
Winkler, « Négociations sur l’atténuation des changements climatiques », supra note 71 à la p. 19.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 59

les politiques et mesures de développement durable ;


des engagements volontaires de réduction des émissions aux pays en développement;
L’approche « multi-stage » (ou multi-étapes); et
L’approche sectorielle.

a) Les allocations de quotas d’émission par habitant


L’approche fondée sur les émissions par habitant 161 fait référence à un budget
mondial d’émission réparti à égalité entre les pays suivant le nombre d’habitants. Ce
budget mondial d'émission reflète la quantité de gaz à effet de serre qui peut être sans
risque émise dans l'atmosphère tout en répondant à l'objectif final de la CCNUCC.
Les quotas d’émissions répartis sont échangeables. Il convient de considérer que cette
proposition apporte de grands avantages pour les nations très peuplées avec un faible
niveau d’émissions par habitant. Donc, au cours de la huitième Conférence des Parties
à New Delhi, l’Inde et la Chine ont déclaré qu’ils n’envisageraient aucune autre
approche à l’exception de celle fondée sur les émissions par habitant162. Cependant,
cette proposition n’est pas intéressante pour les pays moins peuplés. En outre, elle
risquerait d’entraîner une « surallocation » des quotas d’émission (le risque d’« air
chaud ») pour les pays émergents comme la Chine et l’Inde dont la population
augmente très rapidement.

b) Le principle des « convergences communes mais différenciées »163


Une variante de l’approche basée sur les émissions par habitant, le principe
des « convergences communes mais différenciées »164, serait plus acceptable pour
intégrer les pays en développement. Selon le principe des « convergences communes
mais différenciées »165, les objectifs de réduction d’émission des pays seraient
déterminés sur la base du niveau des émissions par habitant. Ce principe estime que
les émissions par habitant des pays développés convergent au cours d'une période de

160
Niklas Höhne, Michel den Elzen et Martin Weiss, « Common but differentiated convergence (CDC), a
new conceptual approach to long-term climate policy » (2006) 6 Climate Policy, 181 aux pp. 181-199
[« Common but differentiated convergence »].
161
Malik Amin Aslam, « Equal per capita entitlements: A key to global participation on climate change? »
dans K. Baumert, et al., dir., Building on the Kyoto Protocol: Options for protecting the climate,
Washington,DC, World Resources Institute, 2002, 175 aux pp. 175-202. [Baumert, Building on the
Kyoto Protocol].
162
Premier ministre indien Shri Atal Bihari Vajpayee, High level segment speech, Eight Session of
Conference of the Parties to the UN Framework Convention on Climate Change New Delhi, New
Delhi, 30 octobre 2002, Transcription disponible en ligne: National Institute of Ecology (Mexico)
<http://unfccc.int/cop8/latest/ind_pm3010.pdf>. : « nous ne pensons pas que la philosophie de la
démocratie puisse appuyer une toute autre norme que celle de l’égalité des droits des individus aux
ressources mondiales de l’environnement ».
163
Höhne, Elzen et Weiss, « Common but differentiated convergence », supra note 160.
164
Ibid.
165
Ibid.
60 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

convergence, par exemple 40 ans (2010-2050), des niveaux actuels à un niveau égal.
Les émissions par habitant des pays en développement convergent au cours d'une
même période de convergence au même niveau, mais la convergence commence à
partir de la date où leurs émissions par habitant atteignent un certain seuil de
pourcentage de la moyenne globale (graduellement en baisse). Sur la base de la
responsabilité, de la capacité et du potentiel de réduction d’émission, le principe des
« convergences communes mais différenciées »166 distingue trois groupes de
convergence : les pays développés visés à l’Annexe I de la CCNUCC, les pays
émergents et les autres pays en développement. Les pays développés seraient
immédiatement imposés des objectifs quantifiés de réduction d’émission. En
revanche, les pays en développement se verraient imposer des objectifs quantifiés
lorsque le niveau de leurs émissions par habitant deviendra supérieur à la moyenne
mondiale. En ce cas, pour les pays émergents dont le niveau des émissions par
habitant augmente rapidement, des objectifs quantifiés de réduction seraient imposés
beaucoup plus tôt que pour les autres pays en développement. Le principal argument
en faveur de cette approche est que chaque individu doit disposer du même droit
d’utiliser la capacité d’absorption de l’atmosphère167. Avec la possibilité de
l’inclusion des pays émergents dans les objectifs quantifiés de réduction d’émission,
la mise en place du principe des « convergences communes mais différenciées »168
serait une bonne option pour le cadre climatique futur. Néanmoins, il y a aussi des
critiques et des doutes sur le réalisme de cette approche 169. L’argument de ces
critiques est que l’émission de gaz à effet de serre ne pourrait pas constituer un droit
essentiel de la personne dont la reconnaissance s’imposerait au nom de l’équité. En
outre, selon ces critiques, la convergence à long terme des émissions par habitant est
une utopie. A cause des différences entre les pays sur le niveau du développement
industriel, les modes de transport, les types d’agriculture, les technologies de
production électrique, la taille et le climat du pays (etc.), les émissions par habitant à
long terme devraient différer d’un pays à l’autre.

c) Les objectifs liés à l’intensité des émissions par rapport à la performance


économique
Selon la proposition de l’intensité des émissions 170, les engagements peuvent
être formulés sous forme de pourcentage de baisse de l’intensité des émissions de
chaque pays, ce qui se traduit par des réductions d’émissions par rapport à la
performance économique (GES/PIB). Cette proposition estime que l’approche de
l’objectif fixe de réduction des émissions peut être excessivement rigide face aux
situations économiques des pays en développement. En effet, dans des économies
instables des pays en développement, les prévisions de la croissance économique et
166
Höhne, Elzen et Weiss, « Common but differentiated convergence », supra note 160.
167
Winkler, « Négociations sur l’atténuation des changements climatiques », supra note 71 à la p. 23.
168
Höhne, Elzen et Weiss, « Common but differentiated convergence », supra note 160.
169
Olivier Godard, « L'équité dans les négociations post-Kyoto : critères d'équité et approches
procédurales » (2004) 2004-008 Cahier du Laboratoire d'économétrie de l'école polytechnique 1 2.
170
Yong-Gun Kim et Kevin A. Baumert, « Reducing uncertainty through dual-intensity targets » dans
Baumert, Building on the Kyoto Protocol, supra note 161, 109 aux pp. 109 -134.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 61

des émissions sont particulièrement difficiles. En raison de ces incertitudes,


l’approche de l’objectif fixe de réduction des émissions peut avoir comme
conséquence le risque d’« air chaud » dans le cas de la croissance économique plus
faible que prévu ou des contraintes strictes sur le développement économique dans le
cas de la croissance économique plus rapide que prévu. Donc, selon cette proposition,
l’approche de l’intensité des émissions peut être la stratégie à faible risque pour les
pays en développement pour participer pleinement au cadre international de lutte
contre les changements climatiques. Cette approche a été retenue par la Chine et
l’Inde qui ont transmis au secrétariat de la CCNUCC des engagements sous forme de
réduction de l’intensité carbone du PIB dans le cadre de l’Accord de Copenhague.
Cependant, l’objectif en termes d’intensité des émissions est incertain puisqu’il
dépend de la croissance économique. Si la croissance économique est plus faible que
prévu, cet objectif serait plus difficile à atteindre, étant donné la capacité réduite.

d) Les politiques et mesures de développement durable


Dans le cadre de l’approche fondée sur les politiques de développement
durable171, les pays en développement pourraient s’engager sur des objectifs de
moyens plutôt que de résultats. Concrètement, les pays en développement définissent
des politiques et mesures de développement plus durables et s’engagent à les mettre
en œuvre avec un appui financier de la part des pays développés 172. Cette approche
prend en compte du besoin du développement durable des pays en développement
mais son incidence sur l’environnement est incertaine parce qu’elle dépend
entièrement de l’efficacité des politiques et mesures élaborées. Pourtant, le problème
dans les pays en développement n’est pas d’élaborer des politiques mais de les
appliquer.

e) Les engagements volontaires de réduction des émissions aux pays en


développement
A la douzième Conférence des parties à la CCNUCC à Nairobi en Novembre
2006173, la Russie a déposé une proposition visant à imposer des engagements
volontaires de réduction des émissions aux États parties non Annexe I 174. En
contrepartie, les pays qui acceptent ces engagements volontaires pourraient recevoir
171
Harald Winkler et al.,, « Sustainable development policies and measures: starting from development to
tackle climate change » dans Baumert, Building on the Kyoto Protocol, supra note 161, 61 aux pp.31-
87.
172
Cette approche a un fondement dans CCNUCC, supra note 1, art. 3.4. : « Les Parties ont le droit
d’œuvrer pour un développement durable et doivent s’y employer. Il convient que les politiques et
mesures destinées à protéger le système climatique contre les changements provoqués par l’homme
soient adaptées à la situation propre de chaque Partie et intégrées dans les programmes nationaux de
développement, le développement économique étant indispensable pour adopter des mesures destinées
à faire face aux changements climatiques. »
173
CCNUCC, Rapport de la douzième session de la Conférence des Parties, tenue du 6 au 17 novembre
2006 : Première partie: Délibérations, 26 janvier 2007, FCCC/CP/2006/5, en ligne :
<http://unfccc.int/resource/docs/2006/cop12/fre/05f.pdf> [Conférence de Nairobi] .
62 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

une assistance financière concernant le transfert des technologies. Cependant, ces


propositions ont rencontré l’opposition de la part du G77. En effet, à Nairobi, les pays
en développement estiment que cette proposition constitue un moyen supplémentaire
de les obliger à prendre à l’avenir des engagements contraignants. Pourtant, il
convient de relever que cette initiative n’est pas inacceptable si les pays développés
pourraient fournir des incitations financières importantes pour les pays en
développement.

f) L’approche « multi-stage » (ou multi-étapes)


L’approche « multi-stage », qui a été développée au début des années 2000, a
retenu l’attention considérable de la communauté internationale. En reconnaissant la
diversité des situations, des responsabilités et des capacités des pays dans la réduction
d’émission, l’approche « multi-stage » vise à associer les différents types
d’engagements à différentes catégories de pays en fonction de leur niveau de
développement et de leur niveau d’émission. Selon les groupes de pays, cette
approche distingue trois catégories d’engagements :
les engagements fixés en valeur absolue pour les pays développés et fortement
émetteurs (par habitant);
les engagements relatifs en termes d’intensité d’émissions ou d’efficacité énergétique
pour les pays émergents à revenus et niveaux d’émission moyens et croissants; et
les engagements souples purement incitatifs pour les autres pays en développement à
revenus et niveaux d’émission bas.

Cependant, dans le cadre de cette approche, il est nécessaire de définir des


seuils au delà desquels les pays passent d'une catégorie à l'autre pour prendre des
engagements plus ambitieux. A cette fin, une idée consiste à calculer un indicateur de
Capacité - Responsabilité mesuré comme une moyenne pondérée du PIB et des
émissions par habitant175. Même si l’Accord de Copenhague ne contient aucune
référence explicite à l’approche « multi-stage », les engagements formulés par les
pays dans le cadre de cet accord se rapprochent beaucoup de cette approche. Les pays
développés comme les États-Unis et l’Union européenne ont pris les engagements de
réduction absolue. Les pays émergents comme la Chine et l’Inde ont pris les
engagements de réduction de l’intensité carbone du PIB. Il convient de considérer que
l’approche « multi-stage » facilite les négociations dans la mesure où elle s’adapte à
la situation présente de chaque pays. En plus, cette approche est aussi dynamique
parce que les pays devraient progressivement prendre des engagements plus stricts.
174
CCNUCC, Conference of the parties serving as the meeting of the parties to the Kyoto Protocol,
Report of the President on consultations concerning the proposal of the Russian Federation to develop
appropriate procedures for the approval of voluntary commitments, 2006,
FCCC/KP/CMP/2006/MISC.4, en ligne: <http://unfccc.int/resource/docs/2006/cmp2/eng/misc0
4.pdf>.
175
Michel G. J. Den Elzen et al., « Multi-Stage: A Rule-Based Evolution of Future Commitments under
the Climate Change Convention » (2006) 6 International Environmental Agreements: Politics, Law and
Economics 1.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 63

Toutefois, les objectifs en termes d’intensité d’émissions pour les pays émergents
pourraient réduire la certitude quant à l’efficacité environnementale.

g) L’approche sectorielle
L’approche sectorielle est fondée sur la position que la réduction effective
des émissions globales implique le développement, la diffusion et le transfert des
technologies propres dans les secteurs les plus émetteurs au niveau mondial 176. Selon
le rapport du GIEC en 2007, les secteurs les plus émetteurs en 2004 étaient
l’électricité et la chaleur (26% des émissions mondiales), l’industrie (19%), les
transports (13%) et les bâtiments (8%). Ces quatre secteurs représentent deux tiers des
émissions mondiales. En outre, les émissions dans ces secteurs pourraient augmenter
fortement, notamment dans les pays émergents. Selon les estimations, d’ici 2020, les
émissions doubleraient en Chine et en Inde dans le secteur de la production
d’électricité, augmenteraient de 143% en Chine, 67% en Inde, 122% en Indonésie et
71% au Mexique dans le secteur des transports 177. En plus, selon le World Energy
Outlook 2010 de l’Agence Internationale de l’Energie178, les pays en développement,
en particulier la Chine et l’Inde, sont à l’origine de 93% de la croissance de la
demande mondiale d’énergie primaire en raison de l’accélération de la croissance
économique, de la production industrielle, de la population et de l’urbanisation. La
Chine contribue à hauteur de 36% à l’augmentation prévue de la consommation
mondiale d’énergie alors que l’Inde est le deuxième plus gros contributeur de la
demande mondiale d’énergie d’ici à 2035. Donc, la réduction des émissions provenant
des secteurs les plus émetteurs dans les pays émergents est indispensable pour un
cadre climatique effectif.
Dans ce contexte, l’approche sectorielle a été proposée en tant qu’élément
clé d’un cadre de lutte contre les changements climatiques pour la période après 2012.
Le Plan d’action de Bali vise une action renforcée au niveau national et international
pour l’atténuation des changements climatiques en envisageant « des démarches
sectorielles et des mesures par secteur concertées en vue de renforcer l’application de
l’alinéa c du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention »179. Selon cette approche,
les pays en développement, notamment les pays émergents, devraient s’engager aux
objectifs d’émissions de gaz à effet de serre, appelés « sans perdants », dans les
secteurs les plus émetteurs. En cas d’un échec de conformité à ces objectifs, aucune
pénalité ne serait encourue pour les pays en développement. A l’inverse, pour les
réductions d’émissions au-delà du niveau d’engagement, les pays en développement

176
Japon, Special Committee on a Future Framework for Addressing Climate Change, Global
Environmental Sub-Committee, Sustainable Future Framework on Climate Change : Draft of the
Interim Report by the Special Committee on a Future Framework for Addressing Climate Change,
Industrial Structure Council, 2004 à la p. 33, en ligne : meti.go
<http://www.meti.go.jp/english/information/downloadfiles/cPubComFramework.pdf>.
177
Vieillefosse, Le changement climatique, supra note 89 aux pp. 48-53.
178
Agence international de l’énergie, World Energy outlook 2010 : Résumé, Paris, AIE, 2010, en ligne :
iea.org <http://www.worldenergyoutlook.org/docs/weo2010/weo2010_es_french.pdf>.
179
Plan d’action de Bali, supra note 112 au para. 1.b.iv.,
64 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

recevraient des crédits de réductions d’émissions qui pourraient être vendus sur le
marché de carbone. En outre, pour inciter les pays en développement à adopter des
objectifs d’émissions, les pays développés pourraient fournir l’assistance
technologique et financière. L’approche sectorielle vise à inclure tous les pays
émergents dans les objectifs de réduction d’émission. En effet, selon les estimations,
la participation de 10 pays en développement les plus émetteurs dans chaque secteur
pourrait couvrir 80-90% des émissions totales des pays en développement 180. En
intégrant les pays émergents dans les engagements de réduction des émissions,
l’approche sectorielle peut permettre d’avancer les négociations climatiques en
dépassant la division binaire entre les pays de l’Annexe I et les pays hors l’Annexe I.
Aussi, cette approche peut-elle rassurer les pays développés en limitant les distorsions
de concurrence et les risques de délocalisation dans des secteurs ciblés181.
Dans la pratique, pour le financement du transfert des technologies aux pays
en développement, plusieurs grands partenariats technologiques développés ces
dernières années dans le cadre du plan d’action du G8 sont également l’exemple de
l’approche sectorielle. Parmi ces initiatives, les États-Unis ont lancé plusieurs
partenariats comme The International Partnership for the Hydrogen and Fuel Cells in
the Economy (IPHE) sur l’hydrogène (2003)182, The Carbon Sequestration Leadership
Forum (CSLF) sur la séquestration du carbone (2003)183, The Methane to Markets
Partnership sur le méthane provenant des systèmes de gaz et de pétrole, des mines et
charbon souterraines et des décharges (2004) (maintenant Global Methane
Initiative)184 et le Partenariat Asie-Pacifique sur le développement propre et le climat
(2005)185. L’Italie a créé Global Bioenergy Partnership sur la bioénergie (2006)186.
Les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, notamment les grands pays en
développement comme la Chine, l’Inde et le Brésil, participent à ces partenariats. Ces
partenariats visent à renforcer la coopération entre les grands émetteurs dans le
développement, la diffusion et le transfert de technologies propres dans les secteurs
clés comme l’énergie, l’industrie et les transports afin de contribuer aux objectifs de
l’efficacité énergétique et de lutte contre les changements climatiques. Malgré leurs
ressources modestes, ces partenariats constituent des expériences importantes pour la
mise en œuvre d’une approche sectorielle dans le cadre climatique post-Kyoto.

180
Jake Schmidt et al., « Sector-based approach to the post-2012 climate change policy architecture »
(2008) 8 Climate Policy 494 aux pp. 494-515. [Schmidt, « Sector-based approach »].
181
Dubois et Wemaëre, La diplomatie climatique, supra note 27 à la p. 176.
182
International Partnership for the Hydrogen and Fuel Cells in the Economy, « An International Vision
for Hydrogen and Fuel Cells », en ligne : iphe.net <http://www.iphe.net/index.html>.
183
The Carbon Sequestration Leadership Forum, « A Global Response to the Challenge of Climate
Change », en ligne: cslforum.org <http://www.cslforum.org/>.
184
Global Methane Initiative, « The Methane to Markets Partnership is now the Global Methane
Initiative! », en ligne: globalmethane.org <http://www.globalmethane.org/>.
185
Partenariat Asie-Pacifique sur le développement propre et le climat, « Partenariat Asie-Pacifique sur le
développement propre et le climat-Bienvenue », en ligne : asiapacificpartnership.org
<http://www.asiapacificpartnership.org/french/>.
186
Global Bioenergy Partnership, « Welcome to the home page of the Global Bioenergy Partnership
(GBEP) », en ligne: globalbioenergy.org <http://www.globalbioenergy.org/>.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 65

II. Les mécanismes clés visant à intégrer les pays en


développement
En général, une solution idéale sur les changements climatiques consisterait à
élargir et approfondir les engagements de réduction d’émission pour tous les pays 187.
Pourtant, en prenant en considération les contraintes juridiques ci-dessus, une large
participation des pays en développement en général et des pays émergents en
particulier dépend fortement de la profondeur des engagements des pays développés.
Le renforcement de la volonté politique des pays en développement implique le
renforcement des engagements des pays développés sur les objectifs d’émission et
notamment sur les contributions financières. En fait, la seule façon pour surmonter les
divergences entre les pays développés et les pays en développement est de renforcer
le transfert de ressources financières et technologiques de la part des pays développés
aux pays en développement, ce qui permettra aux pays en développement à la fois
d'améliorer leur situation socio-économique et de réduire leur impact négatif sur
l'environnement global188. Actuellement, le Mécanisme pour un développement
propre (MDP) établi par le Protocole de Kyoto constitue le seul mécanisme basé sur
le marché qui a pu intégrer les pays en développement dans les objectifs de réduction
d’émission. En particulier, ce mécanisme est fortement soutenu par les pays
émergents dans la mesure où il encourage les transferts technologiques et financiers
vers ces pays. Il est donc indispensable de renforcer et améliorer le MDP dans le
régime climatique après Kyoto (A). Outre le MDP, un nouveau mécanisme a été
proposé pour promouvoir une plus forte participation des pays en développement dans
la lutte contre les changements climatiques. Il s’agit de la réduction des émissions
liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD) qui a été envisagée dans
le Plan d’action de Bali 189. Ce mécanisme a été également retenu par l’Accord de
Copenhague. Dans le cadre de l’Accord de Copenhague, les parties ont reconnu la
nécessité de la mise en place immédiate du mécanisme REDD pour mobiliser des
ressources financières auprès des pays développés190 (B).

A. Le mécanisme pour un développement propre


Contrairement aux gaz polluants locaux comme le dioxyde de soufre (SO2),
les gaz à effet de serre sont des polluants qui ont un impact à l’échelle mondiale. De
ce fait, la localisation géographique de la source d’émissions de gaz à effet de serre
importe peu. Une réduction des émissions de gaz à effet de serre aura le même effet à

187
Aaron Cosbey, Warren Bell, Deborah Murphy, Jo-Ellen Parry, John Drexhage, Anne Hammill, John
Van Ham, Which way forward? Issues in developing an effective climate regime after 2012, IISD,
2005, p. 8
188
French, « Developing State », supra note 38 à la p. 54.
189
Le Plan d’action de Bali, supra note 112 au para. 1.b.iii. envisage « des démarches générales et des
mesures d’incitation positive pour tout ce qui concerne la réduction des émissions résultant du
déboisement et de la dégradation des forêts dans les pays en développement; ainsi que le rôle de la
préservation et de la gestion durable des forêts et du renforcement des stocks de carbone forestiers dans
les pays en développement ».
190
Accord de Copenhague, supra note 8 au para. 6.
66 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

l’échelle mondiale. En revanche, le coût de réduction ne sera pas le même suivant le


pays, le secteur d’activité ou l’unité de production où la réduction est réalisée. Donc,
pour que les pays développés puissent atteindre leurs objectifs de façon
économiquement efficace, le Protocole de Kyoto a prévu, dans ses articles 6, 12 et 17,
la mise en œuvre de trois mécanismes internationaux basés sur le marché, connus
sous le nom de mécanismes de flexibilité.
Les mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto comprennent l’échange
de droits d’émission191 et deux mécanismes liés à des projets - la mise en œuvre
conjointe192 (MOC) et le mécanisme pour un développement propre 193 (MDP).
L’échange de droits d’émission permet aux États parties de l’Annexe I de la
CCNUCC ayant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (sous
forme de quotas d’émission) de s’échanger une partie de leurs quotas d’émission. Le
MOC et le MDP sont 2 mécanismes par projet qui permettent aux États parties
figurant à l’Annexe I de la CCNUCC d’obtenir des crédits d’émission en réalisant un
projet de réduction des émissions dans un autre pays Partie. Le MOC s’applique pour
les projets réalisés dans les États parties de l’Annexe I tandis que le MDP s’applique
pour les projets réalisés dans les pays en développement.
Dans le cadre des négociations climatiques pour la période après Kyoto, en
ce qui concerne le futur des mécanismes de flexibilité, le Plan d’action de Bali a
envisagé « diverses démarches, y compris des possibilités de recourir aux marchés,
pour améliorer le rapport coût-efficacité des mesures d’atténuation et les promouvoir,
en tenant compte du fait que les pays développés et les pays en développement se
trouvent dans des situations différentes »194. L’Accord de Copenhague réaffirme le
Plan d’action de Bali sur les possibilités de recourir aux marchés pour améliorer le
rapport coût-efficacité des mesures d’atténuation des changements climatiques. En
outre, l’Accord de Copenhague ajoute qu’« il faudrait offrir des incitations aux pays
en développement, en particulier à ceux qui ont une économie peu polluante, pour
qu’ils conservent un mode de développement à faibles émissions »195. Par rapport à
l’Accord de Copenhague, l’Accord de Cancun est plus claire sur le futur des
mécanismes de flexibilité établis par le Protocole de Kyoto en s’engageant à
maintenir et à développer ces mécanismes de Kyoto196.
Parmi les mécanismes de flexibilité établis par le protocole de Kyoto, il
convient de rappeler que seul le MDP implique les pays en développement. Selon le
Protocole de Kyoto, l’objectif du MDP est « d’aider les parties ne figurant pas à
l’Annexe I à parvenir à un développement durable ainsi qu’à contribuer à l’objectif
ultime de la Convention, et d’aider les parties visées à l’Annexe I à remplir leurs
engagements chiffrés de limitation et de réduction de leurs émissions […] »197. En ce
sens, le MDP est une émanation directe du principe des « responsabilités communes
191
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 17 et dénommé en anglais « Emission Trading ».
192
Ibid., art. 6 et dénommé en anglais « Joint Implementation (JI) ».
193
Ibid., art. 12 et dénommé en anglais « Clean Development Mechanism (CDM) ».
194
Plan d’action de Bali, supra note 112 au para. 1.b.v.
195
Accord de Copenhague, supra note 8 au para. 7.
196
Accord de Cancun, supra note 9 au para. 83.
197
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 12.2.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 67

mais différenciées »198. Il repose sur un partenariat entre les pays en développement et
les pays développés pour lutter contre les changements climatiques 199. Les pays en
développement s’acquittent de leur part de « responsabilité commune » en participant
aux projets MDP alors que les pays développés s’acquittent de leur part de
« responsabilité différenciée » en atteignant leurs objectifs de réduction des
émissions200. Le MDP est déjà opérationnel depuis 2000. Les projets MDP réalisés
permettent d’obtenir des crédits d’émission qui peuvent être utilisés ou vendus à partir
de 2008.

1. LES CRITIQUES DU MÉCANISME POUR UN DÉVELOPPEMENT PROPRE


En prenant en compte les résultats acquis du MDP, ce mécanisme a eu des
contributions considérables pour la limitation des émissions de gaz à effet de serre. En
ce moment, 3028 projets MDP ont déjà été enregistrés par le Conseil exécutif du
MDP et pourrait générer 1980 millions de crédits d’ici 2012. Avec 2572 autres projets
qui sont en cours d’examen, les projets MDP pourraient permettre de générer au total
de 2700 millions de crédits d’ici 2012, ce qui est équivalent à environ 3,2% des
émissions des pays développés et en transition en 2005 201. Toutefois, le MDP a
également rencontré des critiques.
En premier lieu, les coûts de transaction sont élevés. En effet, selon le
Protocole de Kyoto, pour qu’un projet MDP soit validé, il faut démontrer que la
réduction des émissions n’aurait pas eu lieu en l’absence de ce projet MDP : c’est le
concept de l’additionnalité environnementale défini par les Accords de Marrakech202.
Pourtant, ce processus est coûteux, car il est très difficile d’établir ce qui se serait
passé en l’absence du projet MDP. Selon les estimations, les coûts de transaction
varient de 16.000€ à 100.000 € pour un petit projet et peuvent représenter jusqu’à 3€
par crédit généré203.
En second lieu, la contribution des projets MDP dans la réalisation de
l’objectif du développement durable a été remise en cause. En effet, les pays et les
entreprises ont tendance à choisir les projets qui sont plus faciles à réaliser, moins
risqués et plus rentables en termes purement économiques sans prendre en compte la
dimension du développement durable des projets. Comme présenté ci-dessus,
l’objectif du développement durable des projets MDP a été prévu à l’article 12.2 du
Protocole de Kyoto. Mais, à cet égard, la conférence des parties à la CCNUCC ainsi

198
Ibid., art. 10.
199
Philippe Cullet, « Differential treatment in international law: towards a new paradigm of inter-state
relations » (1999) 10 European Journal of International Law 549 à la p. 571.
200
Lavanya Rajamani, Differential Treatment in International Environmental Law, New York, Oxford
University Press, 2006 à la p. 244.
201
CCNUCC, « CDM in Numbers », en ligne: unfccc.int <http://cdm.unfccc.int/Statistics/index.html>
[CCNUCC, « CDM in Numbers »].
202
CCNUCC, Rapport de la conférence des parties sur les travaux de sa septième session, tenue à
Marrakech du 29 octobre au 10 novembre 2001, FCCC/CP/2001/13/Add.1, 2002, en ligne : unfccc.int
<http://unfccc.int/resource/docs/french/cop7/cp713a01f.pdf>. [Accord de Marrakech].
203
Arnaud Brohé, Les marchés de quotas de CO2, Larcier, Bruxelles, 2008 aux pp. 62-63.
68 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

que le secrétariat de la CCNUCC n’ont fourni aucune indication officielle. Dans le


cadre du MDP, les pays d'accueil des projets MDP sont responsables pour la sélection
des critères les plus appropriés relatifs au développement durable dans le
développement des projets MDP sur leur propre territoire. En 2004, le Programme des
Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a élaboré les lignes directrices
spécifiques sur les critères du MDP dans un document intitulé « CDM Sustainable
Development Impacts »204. Ce document vise à aider les pays d’accueil des projets
MDP à élaborer leurs propres lignes directrices nationales. Cependant, dans la
pratique, malgré la mise en place des critères liés au développement durable pour les
projets MDP, les pays d'accueil pourraient décider de ne pas les appliquer de manière
stricte en donnant la priorité aux intérêts purement économiques. Donc, il convient de
considérer que la conférence des parties à la CCNUCC ainsi que le secrétariat de la
CCNUCC devraient élaborer les lignes directrices qui imposent aux pays d'accueil des
critères « minimaux » de développement durable pour la sélection des projets MDP205.
En troisième lieu, les projets MDP se concentrent dans le secteur des
industries de l’énergie qui compte 2356 projets MDP enregistrés (65,92%). En
revanche, il y a très peu de projets MDP enregistrés dans les domaines des transports
et du bâtiment. On compte actuellement seulement 6 projets MDP (0,17%) dans le
secteur des transports et il n’y a aucun projet MDP enregistré dans le secteur de la
construction206. Pourtant, il convient de rappeler qu’après l’énergie et l’industrie, le
secteur des transports et celui du bâtiment constituent des secteurs les plus émetteurs
de gaz à effet de serre. En particulier, les émissions de ces secteurs augmentent
considérablement dans les pays en développement. Par ailleurs, le secteur du bâtiment
est responsable de 42% de la consommation d’électricité mondiale 207. Donc,
l’augmentation de l’efficacité énergétique dans les bâtiments pourrait économiser la
consommation d’électricité et réduire les émissions. Pour ces raisons, le renforcement
des projets MDP dans les domaines des transports et du bâtiment est nécessaire.
En quatrième lieu, la répartition géographique des projets MDP est très
critiquée. Depuis sa mise en place, le marché du MDP ne bénéficie qu’aux pays
204
Anne Olhoff et al., CDM Sustainable Development Impacts, Roskilde (Danemark), UNEP Risø Centre,
en ligne : Capacity Development for the Clean Development Mechanism
<http://cd4cdm.org/Publications/CDM%20Sustainable%20Development%20Impacts.pdf> notamment
le Chapitre 4 « Sustainable Development in Relation to CDM » à la p. 68 tableau 4.1. :
Conformément aux lignes directrices du PNUE, il y a 3 critères principaux :
Critères sociaux: Améliorer la qualité de vie; atténuer la pauvreté; améliorer l'équité;
Critères économiques: Fournir des ressources financières aux entités locales; avoir un impact positif
sur la balance des paiements ; le transfert de nouvelles technologies;
Critères environnementaux: Réduire les émissions de GES et l'utilisation de combustibles fossiles,
conserver les ressources locales; réduire la pression sur l'environnement local ; fournir une meilleure
santé et d'autres avantages environnementaux; répondre aux normes locales relatives à l’énergie
renouvelable et à d'autres politiques environnementales.
205
Massimiliano Montini, « Sustainable Development within the Climate Change Regime » dans Hans
Christian Bugge, Christina Voigt et Norges forkningsrad, dir., Sustainable Development in
International and National Law : what did the Brundtland report do to legal thinking and legal
development, and where can we go from here?, Groningen, Europa Law Publishing, 2008, 521 aux
pp.521-543.
206
CCNUCC, « CDM in numbers », supra note 201.
207
Vieillefosse, Le changement climatique, supra note 89 à la p. 51.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 69

émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil qui ont déjà obtenu la majeure partie de
l’investissement direct étranger (voir le tableau 4). Pour s’expliquer, il convient de
noter que le MDP est guidé par la recherche du meilleur rapport coût – efficacité.
Donc, les investisseurs ont l’intérêt de mettre en œuvre les projets MDP dans les pays
disposant d’importantes opportunités de réduction à bas coût. En tenant compte du
niveau d’émission et de la taille de la population, les pays émergents comme la Chine
et l’Inde sont les principaux bénéficiaires du MDP. En revanche, les émissions
actuelles en Afrique sont faibles. En conséquence, les opportunités de réduction en
Afrique sont très limitées. En outre, la faiblesse de l’infrastructure en termes de
transports, de télécommunications, d’énergie dans les pays africains rend les coûts de
négociation et de mise en œuvre des projets MDP élevés. De plus, ce déséquilibre
peut être également imputable au manque de capacité institutionnelle et technique
dans les petits pays en développement et les pays les moins avancés par rapport aux
pays émergents pour examiner les aspects technologique et financier des projets
proposés, surveiller et vérifier l’exécution de ces projets. Autrement dit, à cause du
manque de capacité institutionnelle et technique, les petits pays en développement
sont incapables de concurrencer les pays émergents qui sont plus avancés et mieux
organisés pour attirer les investissements du MDP 208. Par contre, les pays plus petits
où il y a davantage de transparence et un meilleur climat d’investissement (le cas de la
Corée du Sud) peuvent attirer un nombre considérable de projets MDP 209. La
résolution de la question de l’équité du MDP a été prise en considération par les
conférences des parties à la CCNUCC210. La Conférence des parties à Marrakech en
2001211 a décidé d’exempter les projets MDP entrepris dans les pays les moins
avancés du prélèvement de 2% sur les transactions pour l’adaptation 212. En
complément, la Conférence des parties à New Delhi en 2002 a décidé d’adopter les
modalités et procédures simplifiées pour les projets MDP de faible ampleur dans le
domaine de l’énergie213. Dans le cadre des conférences de Copenhague et de Cancun,
un programme de prêts a été également créé pour appuyer les activités MDP dans les
pays accueillant moins de 10 projets MDP enregistrés. Ce programme de prêts est
financé par des ressources prélevées sur les intérêts accumulés sur le Fonds

208
Marianne Moliner-Dubost, « Le mécanisme pour un développement propre : une nouvelle voie de
coopération et de transferts Nord/Sud? » (2005) 108 Revue générale de droit international public, 963
aux pp. 963-986.
209
Nancy Kete, Kevin Baumert et Christiana Figueres, « La conception d’un Mécanisme pour un
Développement Propre en réponse aux besoins des diverses parties concernées », en ligne : (2000)
World Resources Institute, Notes sur le Climat à la,p. 14
<http://pdf.wri.org/cdm_design_francais.pdf>.
210
Selon l’ Accord de Marrakech, supra note 202, art.14. les parties visées à l’Annexe I sont priées de
« prendre des mesures pour aider les parties non visées à l’Annexe I, en particulier les pays les moins
avancés et les petits États insulaires en développement, à renforcer leurs capacités afin de faciliter leur
participation au mécanisme pour un développement propre… ».
211
CCNUCC, Rapport de la Conférence des Parties sur les travaux de sa septième session, tenue à
Marrakech du 29 octobre au 10 novembre 2001 : Première partie : Délibérations, en ligne : unfccc.int
<http://unfccc.int/resource/docs/french/cop7/cp713f.pdf> [Conférence de Marrakech].
212
Accord de Marrakech, supra note 202, art. 15.
213
CCNUCC, Rapport de la conférence des parties sur les travaux de sa huitième session, tenue à New
Delhi du 23 octobre au 1er novembre 2002, FCCC/CP/2002/7/Add.3, 2003, en ligne : unfccc.int
<http://unfccc.int/resource/docs/french/cop8/cp807a03f.pdf#page=3>. à l’Annexe II.
70 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

d’affectation spéciale du MDP214. Il vise à couvrir le coût de la mise au point de


descriptifs de projet ainsi que le coût de la validation et de la première vérification des
activités de projet. Les prêts seront remboursés à partir de la première délivrance
d’unités de réduction certifiée des émissions215. Toutefois, ces mesures ne changent
pas grand-chose au déséquilibre du MDP. A présent, les projets MDP continuent à se
concentrer dans les pays émergents. Près de 80% des crédits générés proviennent de
quatre pays (la Chine, l’Inde, le Brésil et le Mexique). Les pays africains accueillent
très peu de projets MDP et seuls 1,98% des projets MDP viennent de ce continent 216.
Pour ces raisons, il convient de relever que le MDP n’est pas actuellement
l’instrument adéquat pour les pays les moins développés.

TABLEAU 4 – Les projets MDP enregistrés par les pays hôtes217


Pays hôte Nombre des projets Pourcentage
Chine 1351 44,57%
Inde 644 21,25%
Brésil 190 6,27%
Mexique 126 4,16%
Malaisie 90 2,97%
Indonésie 64 2,11%
Viet Nam 56 1,85%
Corée du Sud 55 1,81%
Autres 452 15,01%
Total 3028

2. LES OPTIONS JURIDIQUES POUR LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE ÉQUITABLE DES PROJETS


MDP
Afin de répartir les projets MDP d’une manière équitable dans les pays en
développement, plusieurs options ont été présentées. Parmi ces options, il y a quatre
options les plus évoquées :

214
Le Fonds d’affectation spéciale du MDP a été créé par la décision 17/CP.7 adoptée à la conférence de
Marrakech en 2001 (paragraphe 17) (Selon l’Accord de Marrakech, supra note 202, para 17.)
215
Voir la décision 2/CMP.5 (CCNUCC, Rapport de la cinquième session de la Conférence des Parties
agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto tenue à Copenhague du 7 au 19 décembre
2009, 30 mars 2010, 2/CMP.5, en ligne : unfccc.int
<http://unfccc.int/resource/docs/2009/cmp5/fre/21a01f.pdf#page=4>. aux para.49-50.) adoptée à la
conférence de Copenhague et la décision 3/CMP.6 (CCNUCC, Rapport de la Conférence des Parties
agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto pour sa sixième session, tenue à Cancun
du 29 novembre au 10 décembre 2010, 15 mars 2011, 3/CMP.6, en ligne : unfccc.int
<http://unfccc.int/resource/docs/2010/cmp6/fre/12a02f.pdf#page=>. à la page 7 au point VII.) adoptée
à la conférence de Cancun.
216
CCNUCC, « CDM in numbers », supra note 201.
217
Ibid.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 71

Les quotas de distribution des projets MDP


Les quotas de distribution des fonds pour le renforcement des capacités
La prise en compte du revenu par habitant des pays dans la contribution pour le
Fonds d’adaptation
La création d'une coopération régionale au titre du MDP

La création des quotas de distribution des projets MDP vise à limiter le


nombre des projets MDP pour chaque pays selon le critère de l’équité. Par exemple, il
a été proposé de distribuer un tiers des projets MDP pour les pays africains 218.
Cependant, le problème est que le nombre total de projets MDP n’est pas certain.
Donc, la mise en place d’un quota pour une quantité inconnue des projets MDP n’a
pas de sens. En outre, cette proposition pourrait fausser le marché des crédits MDP et
décourager la participation des investisseurs 219. En effet, les investisseurs seraient
obligés de développer les projets MDP dans les pays où les coûts de la mise en œuvre
des projets seraient plus chers.
Contrairement à la première option, l’établissement des quotas de
distribution des fonds pour le renforcement des capacités est plus faisable comme le
montant des fonds disponibles pour le renforcement des capacités est limité et connu.
Il convient de rappeler que le renforcement des capacités des pays en développement
est très important pour faciliter leur participation au MDP. Et les fonds pour le
renforcement des capacités devraient se concentrer pour les pays les moins avancés et
les petits États insulaires en développement qui accueillent actuellement très peu de
projets MDP. Les Accords de Marrakech ont établi un cadre qui a clairement reconnu
la nécessité du renforcement des capacités dans les pays en développement ainsi que
les besoins spécifiques des pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires
en développement220. Les Accords de Marrakech estiment également qu’ :
[i]l n’existe pas en matière de renforcement des capacités de formule
universellement applicable. Les activités de renforcement des capacités
doivent être impulsées par les pays en développement eux-mêmes; elles
doivent répondre à leurs besoins particuliers, être adaptées aux conditions
qui sont les leurs et tenir compte de leurs stratégies, priorités et initiatives
dans le domaine du développement durable.221.

Toutefois, le cadre établi par les Accords de Marrakech ne précise pas


comment les ressources de renforcement des capacités, qui sont limitées, devraient
être réparties entre les pays en développement. Donc, cette proposition envisage
d’utiliser les indicateurs tels que l’indice de développement humain (l’IDH) et le
revenu par habitant de chaque pays en développement pour l’établissement des quotas
218
Alan Silayan, Equitable Distribution of CDM Projects Among Developing Countries, Hamburg,
Hamburg Institute of International Economics, 2005 à la p. 53. [Silayan, Equitable Distribution].
219
Tariq Banuri et Sujata Gupta., « The clean development mechanism and sustainable development: An
economic analysis » [Banuri, « The clean development »] dans Prodipto Ghosh, dir., Implementation
of the Kyoto protocol: Opportunities and Pitfalls for Developing Countries, Manille, Asian
Development Bank, 2000, 73 à la p. 89.
220
Accord de Marrakech, supra note 202 à l’annexe au para. 9.
221
Ibid. au para. 5.
72 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

de distribution des fonds pour le renforcement des capacités 222.


L’approche fondée sur le revenu par habitant pourrait être également utilisée
pour assurer l'équité du MDP. Selon cette approche, un pourcentage plus élevé serait
fixé à l'égard des frais administratifs et du Fonds d'adaptation pour les pays en
développement avec un niveau du revenu par habitant plus élevé que les autres pays
en développement223. Cela permettra d'accroître le coût des projets MDP entrepris
dans les pays à haut niveau du revenu par habitant vis-à-vis de ceux à faible revenu
par habitant. Par conséquent, les projets MDP entrepris dans les pays les moins
avancés pourraient devenir relativement moins coûteux et plus attrayants pour les
investisseurs224. Toutefois, l’accroissement du coût pourrait restreindre le marché pour
le MDP. En revanche, l’accroissement des projets MDP entrepris dans les pays les
moins avancés n’est pas certain. En effet, comme présenté ci-dessus, la faiblesse de
l’infrastructure en termes de transports, de télécommunications, d’énergie pourrait
rendre les coûts de mise en œuvre des projets MDP élevés dans ces pays.
La quatrième option vise à établir une coopération régionale dans le
développement des projets MDP. Selon cette approche, les pays dans une région
devraient coopérer pour développer ensemble des projets dans le cadre du MDP.
Autrement dit, les projets MDP devraient être alloués en fonction des besoins
régionaux. Ensuite, les pays dans la région pourraient établir les règles et les
modalités de répartition régionale pour assurer une distribution plus équitable des
projets dans la région225. Cette option apporte des avantages. En premier lieu, les
organisations régionales existantes peuvent être utilisées comme une plate-forme pour
une telle coopération, par exemple: l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est
(ANASE), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO),
la Communauté économique des pays de l'Amérique du Sud (le MERCOSUR)… En
second lieu, une coopération régionale pourrait fournir un plus grand poids pour les
pays de la région dans les négociations des projets MDP. Toutefois, cette option
pourrait prolonger la durée des négociations, ce qui fait augmenter les coûts de
transaction des projets. En outre, étant donné que les pays développés ne négocient
pas directement avec chaque pays en développement, ceci pourrait constituer un
obstacle pour le transfert de technologie226.

3. VERS UNE APPROCHE SECTORIELLE LIÉE AU MÉCANISME POUR UN DÉVELOPPEMENT


PROPRE

222
Silayan, Equitable Distribution, supra note 218 à la p. 55.
223
Actuellement, les crédits d’émission générés par les projets MDP feront l’objet d'un prélèvement de
2% qui sera reversé dans des fonds d'adaptation pour aider les pays en développement vulnérables à
s'adapter aux effets adverses des changements climatiques. Cependant, comme présenté ci-dessus, les
projets MDP dans les pays les moins avancés sont exempts du prélèvement pour l'adaptation et des
coûts administratifs.
224
Banuri, « The clean development », supra note 219 à la p. 90.
225
Gunawansa, « The Kyoto protocol », supra note 20 à la p. 500.
226
Silayan, Equitable Distribution, supra note 218 à la p. 56.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 73

Dans le cadre de la Conférence des parties à la CCNUCC à Montréal en


2005227, la question de rendre éligibles au MDP les politiques et mesures nationales
élaborées dans les pays en développement a été posée. Cette proposition, qui a été
présentée dans le cadre de l’approche fondée sur les politiques, a été fortement
soutenue par les pays d’Amérique latine (sauf le Brésil) 228. Selon cette approche, les
pays en développement s’engagent à mettre en œuvre des politiques et mesures
domestiques en matière de réduction des émissions. Les résultats de ces politiques
domestiques seront quantifiés et les pays recevraient les crédits d’émission, équivalent
aux crédits MDP, dans le cas où ils pourraient atteindre ou dépasser leurs
engagements politiques. Cependant, il convient de rappeler que l’incidence de ces
politiques sur la réduction des émissions est incertaine parce qu’elle dépend
entièrement de l’efficacité des politiques et mesures élaborées. En outre, du point de
vue politique, elle ne paraît pas acceptable parce qu’il n’est pas crédible de penser que
les pays développés acceptent de financer l’intégralité des efforts, des politiques de
réduction des émissions dans les pays en développement 229. Pour ces raisons, cette
proposition a été rejetée par la Conférence de Montréal qui a décidé qu’« une
politique ou norme locale/régionale/nationale ne pourra pas être considérée comme
une activité de projet au titre du mécanisme pour un développement propre. »230.
Dans ce contexte, l’approche sectorielle liée au MDP a été lancée comme
une proposition alternative pour améliorer le MDP 231. Cette approche peut être
envisagée comme une extension du MDP à partir d'un niveau du projet à un niveau
sectoriel (comme l’énergie, le transport, la construction résidentielle et
commerciale…)232. L’idée de cette approche est simple. Actuellement, les crédits
d’émission du MDP rémunèrent un projet d’investissement propre mené dans un pays
en développement (MDP projet). Selon l’approche sectorielle proposée, à l’avenir, les
crédits d’émission constitueraient aussi une incitation financière pour un secteur dans
son intégralité atteignant un indicateur de performance préétabli à l’échelle
internationale (MDP sectoriel). Comme le MDP projet, l’objectif de l’approche
sectorielle est de réduire les coûts d'atténuation des émissions en permettant des
projets d’investissement dans les pays en développement où les réductions d’émission
sont moins chères. Dans le même temps, cette approche pourrait engager les pays
émergents dans les engagements de réduction globale des gaz à effet de serre.
Par rapport à la proposition de l’inclusion des politiques dans le MDP,
227
CCNUCC, Rapport de la première session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des
Parties au Protocole de Kyoto tenue à Montréal du 28 novembre au 10 décembre 2005, 30 mars 2006,
FCCC/KP/CMP/2005/8/Add.1, en ligne :
<http://unfccc.int/resource/docs/2005/cmp1/fre/08a01f.pdf#page=93> [Rapport de la CCNUCC à
Montréal].
228
Vieillefosse, Le changement climatique, supra note 89 à la p. 134.
229
Ibid. à la p. 135.
230
Rapport de la CCNUCC à Montréal, supra note 227 au para. 20. (Décision 7/CMP.1.)
231
BASIC Project, « The Sao Paulo Proposal for an Agreement on Future International Climate Policy »
(novembre 2006) à la p. 7, en ligne: basic-project.net <http://www.basic-
project.net/data/SP_prop_rev_nairobi.pdf> [BASIC, « The Sao Paulo Proposal »].
232
Richard Baronet Jane Ellis, Sectoral Crediting Mechanisms for Greenhouse Gas Mitigation:
Institutional and Operational Issues, Paris, Organisation for Economic Co-operation and
Development/International Energy Agency, 2006 à la p. 8.
74 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

l’approche sectorielle est plus acceptable dans la mesure où il est plus facile d’évaluer
la réduction des émissions d’un secteur que de mesurer la réduction engendrée par
une politique nationale233. En outre, le MDP sectoriel pourrait résoudre le problème
du MDP fondé sur des projets qui n’a pas réussi à réduire les émissions dans le
secteur des transports et des bâtiments dont les sources d'émission sont trop petites
pour être considérées comme des projets. En effet, le MDP sectoriel constitue des
incitations financières afin que les gouvernements édictent des normes d'efficacité
pour les véhicules et les appareils ménagers. Les coûts de réduction d’émission
engendrée par ces mesures pourraient être financés a posteriori par la vente des crédits
d'émission sur le marché de carbone234. En général, le MDP sectoriel pourrait être
établi selon de deux manières différentes.
En premier lieu, les crédits d’émission pourraient être générés par l'adoption
et la mise en œuvre des politiques et mesures domestiques de réduction d’émission
dans des secteurs particuliers235. Cette proposition se rapproche à celle de l’inclusion
des politiques dans le MDP mais elle est limitée dans certains secteurs les plus
émetteurs. Cependant, comme mentionné précédemment, les projets basés sur les
politiques ont été exclus du MDP lors de la Conférence de Montréal.
En second lieu, les pays en développement pourraient prendre des
engagements quantitatifs de réduction des émissions dans un secteur défini. Ces
engagements seraient revus par un organe technique similaire au Conseil exécutif du
MDP236. Les engagements quantitatifs des pays en développement pourraient être
formulés sous forme de réduction de l’intensité carbone du PIB ou fixé en valeur
absolue. La réduction des émissions dans le secteur défini supérieure à l'objectif fixé
pourrait générer de crédits d’émission (équivalent aux unités de réduction d'émissions
certifiées dans le cadre du MDP) qui peuvent être échangés sur le marché de
carbone237. Cette idée a été défendue par des centres de réflexion comme le World
Resources Institute238 et le Center for Clean Air Policy239.
L’approche sectorielle du MDP a été officiellement retenue par l’Union
européenne. En présentant ses propositions en vue d'un pacte mondial sur le
changement climatique à Copenhague, la Commission européenne souligna que :
[…] pour les pays en développement avancés et les secteurs économiques
hautement compétitifs, le MDP tel qu’il est conçu actuellement doit être
supprimé progressivement pour faire place à un mécanisme sectoriel
233
Vieillefosse, Le changement climatique, supra note 89 aux pp. 134-135.
234
Axel Michaelowa et Sonja Butzengeiger, « Possibilités et limites des mécanismes sectoriels dans la
politique internationale du climat », La Vie économique Revue de politique économique 12-2009, 19
aux pp. 19-22.
235
Joséluis Samaniego et Christiana Figueres, « Evolving to a sector-based clean development mechanism
» [Samaniego, « Evolving to a sector-based »] dans Baumert, Building on the Kyoto Protocol, supra
note 161 89 aux pp. 89-108.
236
BASIC, « The Sao Paulo Proposal », supra note 231 à la p. 7.
237
Richard Baronet Jane Ellis, Exploring Options for Sectoral Crediting Mechanisms, Paris, Organisation
for Economic Co-operation and Development/International Energy Agency, 2005.
238
Bradley Rob et al., Slicing the Pie: Sector-Based Approaches to International Climate Agreements,
Washington DC, World Resources Institute Report, 2007.
239
Schmidt, « Sector-based approach », supra note 180 aux pp. 494-515.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 75

d’octroi de crédits carbone. Les mécanismes de ce type peuvent contribuer


efficacement au développement et à la mise en œuvre de technologies à
faible émission de carbone dans les pays en développement, et poser les
jalons nécessaires à l’élaboration de systèmes de plafonnement et
d’échange240.

Cette position a été réaffirmée par l’Union européenne dans le cadre de la


14ème session du groupe de travail spécial de l'action concertée à long terme au titre de
la Convention à Bangkok (5-8 avril 2011) 241. Selon l’Union européenne, les nouveaux
mécanismes de marché devraient couvrir toutes les activités d’un large segment de
l'économie au lieu des installations individuelles afin d'encourager les initiatives
d'atténuation dans toutes les activités couvertes. Par exemple, un large segment de
l'économie pourrait être un secteur (comme l’énergie, le fer et l'acier, le ciment…) ou
un sous-secteur (les transports en commun, éclairage…).
Cette approche pourrait accroître les mesures d'atténuation couvertes et
réduire les coûts de transaction causés par l'évaluation des projets individuels. En
outre, la participation aux mécanismes de marché est volontaire. Les émissions réelles
d'un large segment de l'économie dans les pays en développement seront vérifiées par
rapport au niveau de référence pour ce segment. Si les émissions réelles sont
inférieures au niveau de référence, de crédits d'émission seront générés et échangés
sur le marché de carbone. Si les émissions réelles sont supérieures au niveau de
référence, aucune pénalité ne sera appliquée242. En plus, les nouveaux mécanismes de
marché devraient prendre en compte le potentiel de déplacement des activités et des
émissions aux secteurs non couverts par le mécanisme ou les fuites de carbone. Donc,
il faudrait établir un champ d’application le plus large possible pour tous les
nouveaux mécanismes de marché. Pour éviter le double comptage avec les
mécanismes existants, selon l’Union européenne, il est nécessaire d’établir des règles
claires concernant la relation entre les nouveaux mécanismes et les mécanismes
existants fondés sur le marché pour assurer une bonne transition entre les
mécanismes. Ces règles devraient assurer la stabilité du marché de carbone et éviter le
double comptage des réductions d’émissions. En principe, si un nouveau mécanisme
de marché est appliqué, aucun nouvel enregistrement du projet MDP ne sera
admissible pour le même secteur dans le même pays. Par contre, les investissements
existants au titre du MDP dans le secteur concerné, qui sont déjà en fonctionnement,
devraient être garantis. Dans ce cas, une possibilité la plus évoquée est d’exclure les
droits d’émission provenant des projets MDP existants de l’ensemble des projets
MDP sectoriel en vue d'éviter les doubles comptages 243. En particulier, conformément
240
CE, Commission, Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au Comité
économique et social européen et au comité des régions : Vers un accord global en matière de
changement climatique à Copenhague, Bruxelles, CE, 2009 à la p. 14, en ligne : <http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2009:0039:FIN:FR:PDF>.
241
CCNUCC, Ad Hoc Working Group on Long-term Cooperative Action under the Convention
Fourteenth session at Bangkok, Views on the elaboration of market-based mechanisms: Submissions
from Parties, 21 mars 2011 aux pp. 48-57, en ligne : <http://unfccc.int/resource/docs/2011/awglca
14/eng/misc02.pdf>.
242
« no-lose target », en anglais.
243
Voir par exemple: Wolfgang Sterk et Bettina Wittneben, « Enhancing the clean development
mechanism through sectoral approaches: definitions, applications and ways forward » (2006) 6
76 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

au principe des « responsabilités communes mais différenciées »244, l’Union


européenne considère que le renforcement des capacités des pays en développement
est important pour élaborer et mettre en œuvre de nouveaux mécanismes de marché.
Par ailleurs, les pays en développement avec une plus grande capacité (comme les
pays émergents) devraient accepter l’objectif de réduction plus ambitieux que les pays
en développement avec une faible capacité.
Le mécanisme sectoriel d’octroi de crédits carbone est une étape importante
pour intégrer davantage les pays en développement dans les objectifs globaux de
réduction des émissions. Mais cette approche sectorielle ne pourrait pas être
techniquement et politiquement faisable 245. En effet, pour garantir la crédibilité du
MDP sectoriel, les pays en développement doivent avoir la capacité de fournir des
inventaires et projections rigoureuses des émissions dans l’objectif de développer des
lignes de référence sectorielle et le suivi des projets agrégés. Un système comptable
clair et fiable est essentiel dans le mécanisme sectoriel. Pourtant, seuls quelques pays
émergents ont la capacité d’établir et mettre en œuvre des projets MDP sectoriel dans
un futur proche. En revanche, la capacité institutionnelle et technique des autres pays
en développement, notamment les pays les moins avancés, est très faible par rapport
aux pays émergents. Donc, le mécanisme sectoriel d’octroi de crédits carbone risque
de rencontrer l’opposition de la part de ces pays. Toutefois, malgré ses faiblesses sur
le plan technique, ce mécanisme sectoriel pourrait être une bonne option pour la
réduction des émissions des pays émergents dans des secteurs les plus émetteurs tels
que les domaines des transports et des bâtiments qui sont peu visés jusqu’ici par le
MDP.

4. L’INCLUSION DES ACTIVITÉS DE CAPTAGE ET DE STOCKAGE DE CARBONE (CSC) DANS LE


MDP
Le captage et le stockage du dioxyde de carbone (CSC, également appelée la
séquestration du carbone) peuvent se définir comme « un processus consistant à
séparer le CO2 de ses sources industrielles et énergétiques, à le transporter dans un
lieu de stockage et à l’isoler de l’atmosphère sur le long terme »246. Pour stocker le
CO2, on peut faire appel au stockage géologique ou au stockage océanique. Selon le
rapport spécial du GIEC sur le piégeage et le stockage du dioxyde de carbone, aucune
solution technique prise isolément ne permettra de réduire suffisamment les émissions
de gaz à effet de serre. En outre, l’offre d’énergie continuera d’être dominée par des
combustibles fossiles au moins jusqu’au milieu du XXIe siècle. Donc, les activités de
CSC ont été envisagées comme l’une des solutions les plus prometteuses qui pourrait

International Environmental Agreements 271 à la p. 283.


244
Protocole de Kyoto, supra note 13, art. 10.
245
Samaniego, « Evolving to a sector-based », supra note 235 à la p. 99.
246
Organisation météorologique mondiale, Programme des Nations Unies pour l’environnement, Groupe
de travail III du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Piégeage et
stockage du dioxyde de carbone – Résumé à l’intention des décideurs et résumé technique 2005 à la p.
2, en ligne : Intergovernmental panel on climate change <http://www.ipcc.ch/pdf/special-
reports/srccs/srccs_spm_ts_fr.pdf>. [GIEC, Piégeage et stockage du dioxide de carbone].
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 77

faciliter la réalisation des objectifs de stabilisation des émissions définis par la


CCNUCC. Selon le GIEC, la contribution des activités de CSC pourrait représenter de
15% à 54% des efforts de réduction totale d’émissions jusqu’en 2100 247. L'Agence
internationale de l'énergie considère également que le CSC est la seule technologie
qui permet d’atténuer largement les émissions de CO2 provenant de la consommation
de carburant fossile. Selon des estimations de l'Agence internationale de l'énergie, le
CSC pourrait contribuer environ 20% des efforts globaux de réduction des émissions
d'ici à 2050, et plus de 50% d'ici 2100. S’il n’y a pas de technologies de CSC, le coût
global pour parvenir à une réduction de 50% des émissions de CO2 d'ici à 2050 va
augmenter de 70%248.
Actuellement, de nombreux pays ont mis en place des cadres réglementaires
au niveau national et régional pour le CSC. L’Union européenne a élaboré une
directive en 2009 pour réglementer le stockage géologique du CO2 au niveau
communautaire249. En outre, les cadres réglementaires nationaux pour le CSC sont
également en cours de développement aux États-Unis, en Australie, au Canada, en
Norvège, en Suisse, au Japon…250 Au niveau global, après l’entrée en vigueur du
Protocole de Kyoto, la Conférence des parties à Montréal a lancé des discussions sur
l’inclusion des activités de CSC au sein du MDP 251. En général, les observations
présentées par les parties ont considéré le CSC comme une option acceptable pour la
stabilisation des émissions de gaz à effet de serre, comme indiqué dans le rapport
spécial du GIEC sur le captage et le stockage du dioxyde de carbone252. Toutefois, les
parties ont également exprimé leurs inquiétudes, notamment sur les risques de fuite ou
de non-permanence du stockage du CO2 et sur les impacts environnementaux négatifs
du CSC dans les océans.
En premier lieu, l'une des principales questions est de savoir si le CO 2 stocké
peut être conservé sans fuite sur de longues périodes. Selon Greenpeace, la possibilité
de fuite de CO2 d’un réservoir de stockage est une certitude253. Ce qui est inconnu est
l'ampleur et le taux de fuite. La possibilité de fuite à long terme dépend fortement du
site de stockage choisi. Différentes classes de formations géologiques ont des
247
Ibid. aux pp. 353-354.
248
L'Agence internationale de l'énergie (AIE), Technology Roadmap: Carbon capture and storage, Paris,
AIE, 2009 à la p. 5, en ligne : IEA.org <http://www.iea.org/papers/2009/CCS_Roadmap.pdf>.
249
CE, Directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au stockage
géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du Conseil, les directives
2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et 2008/1/CE et le règlement (CE) no 1013/2006
du Parlement européen et du Conseil, [2009] J.O. L 140/114.
250
L'Agence internationale de l'énergie (AIE), Carbon Capture and Storage Legal and Regulatory
Review, Paris, AIE, 2010 aux pp. 11-46, en ligne : IEA.org
<http://www.iea.org/ccs/legal/regulatory_review_edition1.pdf> [AIE, Carbon Capture Review].
251
Rapport de la CCNUCC à Montréal, supra note 227 au para. 6. (Décision 7/CMP.1)
252
Les observations sont consultables à l’adresse: CCNUCC, « Workshop on carbon dioxide capture and
storage as a CDM project activities » (22 mai 2006), en ligne: unfccc.int
<http://cdm.unfccc.int/workshops/ccs_cdm/index.html>.
253
Les points de vue de Greenpeace soumis au secrétariat de la CCNUCC sur la question de fuite de CO 2
dans les activités de CSC : Voir CCNUCC, Further guidance relating to the clean development
mechanism : carbon dioxide capture and storage technologies (a) Long-term physical leakage levels of
risks and uncertainty, FCCC/KP/CMP/2006/L.8, 2011 aux pp. 48-57, en ligne : unfccc.int
<http://unfccc.int/resource/docs/2007/smsn/ngo/015.pdf >.
78 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

capacités différentes dans le stockage du CO2. Mais même avec un meilleur site de
stockage, le risque de fuite à long terme existe254. Donc, il faudrait préciser la question
de responsabilité des parties en cas de fuite ou de non-permanence du stockage du
CO2255. En ce qui concerne la responsabilité, Greenpeace considère que des projets
MDP génèrent des crédits à court terme256. Après la fin du projet MDP, la
responsabilité liée aux risques de fuite du site de stockage ainsi que les frais de
surveillance à long terme en cas de fuite pourraient être remises aux pays hôtes de
projets MDP en l'absence d'autres accords entre les parties. Cela pourrait contredire
l'objectif du MDP visant à promouvoir le développement durable des pays en
développement. Donc, en tout cas, il est crucial que les industries et les
gouvernements des pays développés prennent la responsabilité à court et à long terme
liée aux projets CSC. En tenant compte de la situation compliquée de la
responsabilité, les exploitants pourraient être tenus de prendre des assurances privées
comme le cas des centrales nucléaires. En outre, tous les exploitants devraient
contribuer à un fonds spécial qui pourrait être utilisé en cas de fuite du site de
stockage257. Contrairement au point de vue de Greenpeace, selon l’Association
internationale des échanges de droit d'émissions (IETA), des projets de stockage
géologique du CO2, qui ont été mis en œuvre avec succès, permettent de stocker des
millions de tonnes de CO2 depuis de nombreuses années sans fuite258. En outre, il est
optimal de lier la responsabilité à long terme de fuite avec le pays hôte. En pratique,
le pays hôte est le plus apte d'assurer les conditions de fonctionnement des sites de
stockage qui relèvent de sa compétence de contrôle. Cependant, l’IETA estime que
les risques de fuite provenant du transfert de responsabilité pour le pays hôte sur le
long terme seraient très faibles. En effet, les risques de fuite de CO2 sont plus élevés
durant la période de mise en œuvre du projet ou juste après la fermeture du site de
stockage259.
En second lieu, il est important de prendre en considération les impacts
environnementaux négatifs du CSC dans les océans. Le rapport spécial du GIEC sur
le captage et le stockage du dioxyde de carbone considère :
[…] une concentration élevée durable de CO2 entraîne le décès
d’organismes océaniques. Les effets du CO 2 sur les organismes marins
auront des conséquences pour les écosystèmes. Les effets chroniques pour
les écosystèmes d’une injection directe de CO 2 dans les océans sur une

254
Ibid.
255
Voir aussi: Sven Bode et Martina Jung, Carbon dioxide capture and storage (CCS): liability for non-
permanence under the UNFCCC, Hamburg, Hamburg Institute of International Economics [HWWA
Discussion Paper no 325], 2005 à la p. 8.
256
Les points de vue de Greenpeace soumis au secrétariat de la CCNUCC sur la question de responsabilité
à long terme pour le site de stockage: Voir CCNUCC, Further guidance relating to the clean
development mechanism : carbon dioxide capture and storage technologies (d) Long-term liability for
storage site, FCCC/KP/CMP/2006/L.8, 2011, en ligne :
<http://unfccc.int/resource/docs/2007/smsn/ngo/016.pdf>.
257
Ibid.
258
Les points de vue d’IETA soumis au secrétariat de la CCNUCC sur la question de l’inclusion des
activités de CSC au sein du MDP, le 21 Février 2011, en ligne:
<http://unfccc.int/resource/docs/2011/smsn/ngo/270.pdf>.
259
Ibid.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 79

grande superficie et sur le long terme n’ont pas encore été étudiés 260.

En conséquence, selon l'Union européenne et la Suisse, le stockage


océanique (stockage dans la colonne d'eau ou au fond de la mer) ne devrait pas être
autorisé comme une activité de projet MDP parce qu’il pourrait être incompatible
avec les conventions maritimes internationales, notamment la Convention de
Londres261. En fait, son protocole, le Protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur
la prévention de la pollution des mers résultants de l’immersion de déchets et
d’autres matières262, demande aux Parties contractantes d’appliquer une approche de
précaution en matière de protection de l'environnement contre l'immersion de déchets
ou autres matières. Conformément à cette approche, les mesures préventives
appropriées doivent être prises lorsqu'il y a des raisons de penser que des déchets ou
autres matières introduits dans le milieu marin risquent de causer un préjudice, et ce,
même en l'absence de preuves concluantes de l'existence d'un lien causal entre les
apports et leurs effets263. En outre, en vertu du protocole, toutes les activités
d'immersion sont interdites, sauf dans le cas des déchets qui peuvent être acceptables
et qui figurent sur une annexe du protocole. Les amendements de 2006 au Protocole
de Londres264 ont ajouté le flux de CO2 provenant des processus de captage du CO2
aux fins de séquestration dans la liste des déchets qui peuvent être acceptables pour
l'immersion. Cependant, le protocole de Londres ne permet pas aux Parties
contractantes d’exporter des déchets vers d'autres pays aux fins d'immersion en
mer265. Les amendements de 2009 au Protocole de Londres permettent le transport
transfrontalier de CO2 à condition qu'un accord ou un arrangement soit conclu par les
pays concernés. Mais les amendements de 2009 ne sont pas encore entrés en vigueur.
Et il y a actuellement peu d'indications que ces amendements pourront être ratifiés par
un nombre suffisant de Parties contractantes dans un proche avenir. Donc, jusqu'à
l'entrée en vigueur de ces amendements, le transport transfrontalier de CO2 aux fins
d'immersion en mer est toujours interdit en vertu du Protocole de Londres266.
Une étude récente publiée par Nature Geoscience a montré que les dangers
du stockage de carbone sont réels. Selon cette étude, il est indispensable de limiter
fortement les émissions de carbone dès maintenant pour réduire les besoins de
séquestration du carbone ainsi que les conséquences indésirables et le fardeau pour
nombreuses générations à venir de la fuite du CO2 séquestré267. En plus, l’inclusion
260
GIEC, Piégeage et stockage du dioxide de carbone, supra note 246 au para. 23.
261
CCNUCC, Consideration of carbon capture and storage as clean development mechanism project
activities: Submissions from Parties, Bonn, Workshop working paper, 2006 aux pp. 8-11 et 33-34, en
ligne: unfccc.int <http://unfccc.int/files/meetings/workshops/other_meetings/application/pdf/
ccs_party_submission.pdf>.,
262
Protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultants de
l’immersion de déchets et d’autres matières, 7 novembre 1996, R.S. 0.814.287.1 (entré en vigueur le
24 mars 2006) [Protocole de Londres].
263
Ibid. art. 3.
264
Ces amendements sont entrés en vigueur le 10 février 2007.
265
Protocole de Londres, supra note 262, art. 6.
266
Voir aussi: AIE, Carbon Capture Review, supra note 250 à la p. 8.
267
Gary Shaffer, « Long-term effectiveness and consequences of carbon dioxide sequestration » (27 juin
2010), en ligne : nature geoscience <http://legalectric.org/f/2010/06/shaffer_long-
term_ccs_leakage100627.pdf>.
80 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

des activités de CSC au sein du MDP a été également critiquée dans la mesure où elle
pourrait prolonger la dépendance mondiale au pétrole et réduire les investissements
dans les énergies renouvelables. Selon des estimations de Greenpeace, depuis
quelques années, la part des budgets de recherche et développement dans les pays
pour le CSC a augmenté. En revanche, le financement pour des recherches de
technologies propres et d’énergies renouvelables a diminué. Par exemple, en 2009, le
budget du Département de l’Énergie des États-Unis pour le financement des
programmes concernant le CSC a augmenté de 26,4% tandis que son budget pour le
financement des programmes liés à l’énergie renouvelable a baissé de 27,1%. En
Norvège, le fonds public pour des recherches dans l’industrie pétrolière est cinq fois
plus élevé que dans le secteur de l’énergie renouvelable268.
Dans ce contexte, à la Conférence de Cancun en décembre 2010, les parties
ont adopté une position prudente en matière de l’inclusion des activités de CSC au
sein du MDP. En tenant compte de ses impacts environnementaux négatifs, le
stockage océanique a été abandonné. La décision adoptée à Cancun considère que « le
captage et le stockage du dioxyde de carbone dans les formations géologiques sont
des technologies pertinentes afin de réaliser l’objectif ultime de la Convention et
peuvent faire partie d’un ensemble d’options possibles pour atténuer les émissions de
gaz à effet de serre »269. Elle permet également d’inclure les activités de CSC dans les
formations géologiques au sein du MDP à condition que les préoccupations liées aux
questions suivantes soient traitées et réglées de manière satisfaisante 270 : la non-
permanence du stockage du CO2, l’impact sur l’environnement, la compatibilité avec
le droit international, la sécurité et la responsabilité en cas de dommages causés par
des déperditions ou des fuites271. Donc, malgré la décision prise à Cancun qui souligne
l’importance du CSC dans la réalisation de l’objectif ultime de la CCNUCC, son
inclusion au sein du MDP n’est pas encore acquise.

B. La réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation


des forêts (REDD)
Aujourd’hui, les forêts couvrent environ 30% des terres émergées de la
planète. Cependant, ce pourcentage baisse rapidement à cause de la déforestation.
Selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture (FAO), quelque 13 millions d'hectares de forêts par an ont été convertis à
268
Greenpeace, « False Hope: Why carbon capture and storage won't save the climate » (2 Mai 2008) aux
pp. 27-29, en ligne: Greenpeace <http://www.greenpeace.org/usa/Global/usa/report/2008/5/false-hope-
why-carbon-capture.pdf>.
269
CCNUCC, Rapport de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de
Kyoto sur sa sixième session, tenue à Cancún du 29 novembre au 10 décembre 2010 : Additif
deuxième partie (Décision 7/CMP.6), FCCC/KP/CMP/2010/12/Add.2, 2011, en ligne : unfccc.int
<http://unfccc.int/resource/docs/2010/cmp6/fre/12a02f.pdf#page=>.
270
Ibid. au point 1 de la décision 7/CMP.6.
271
CCNUCC, Rapport de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de
Kyoto sur sa sixième session, tenue à Copenhague du 7au 19 novembre 2009 : Additif deuxième partie
(Décision 2/CMP.5), FCCC/KP/CMP/2009/21/Add.1, 2010, en ligne :
<http://unfccc.int/resource/docs/2009/cmp5/fre/21a01f.pdf#page=4>.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 81

d'autres utilisations ou ont disparu pour causes naturelles dans le monde pour la
période 2000-2010, contre 16 millions d'hectares par an dans les années 1990. La
déforestation la plus grave a lieu dans les pays en développement en Afrique, en
Amérique du Sud et en Asie du Sud et du Sud-Est 272. Cette situation a des impacts
négatifs considérables sur la biodiversité des forêts et sur les changements
climatiques. Le quatrième rapport d'évaluation du GIEC en 2007 indique que le
secteur forestier, principalement par la déforestation, représente 17,4% des émissions
mondiales de gaz à effet de serre en 2004, ce qui en fait la troisième source
d’émission après les secteurs de l'énergie et de l’industrie 273. Dans ce contexte, le rôle
du secteur forestier dans la lutte contre les changements climatiques, en particulier les
possibilités de réduction des émissions de gaz à effets de serre liées à la déforestation
et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD) a attiré
l’attention considérable de la communauté internationale.
La prise en compte du mécanisme REDD ou « déforestation évitée » est
l’effort de la communauté internationale à offrir des incitations financières pour les
pays en développement visant à réduire les émissions liées à la déforestation et à la
dégradation des forêts. Dans le cadre du mécanisme REDD, les pays en
développement devraient élaborer les politiques nationales, notamment la clarification
et l’application du droit foncier et forestier, la création de réserves ou de parcs, fournir
des indemnités ou des mesures d’incitation afin d’éviter la déforestation. Ces activités
pourraient être financées par les mécanismes financiers internationaux contribués par
les pays développés. Cependant, l’une des questions controversées des négociations
climatiques est le désaccord entre les États parties quant aux modalités de
financement des activités REDD (2). Une approche vise à inclure les activités REDD
dans le marché de carbone. Une autre approche préfère le financement des activités
REDD via le mécanisme de fonds. Avant la prise en considération de ces approches
différentes, il convient d’examiner les dispositions relatives à la REDD dans le cadre
des accords climatiques actuels (1).

1. LA REDD DANS LE CADRE DES ACCORDS CLIMATIQUES ACTUELS


L’article 4 de la CCNUCC ainsi que l’article 2 du Protocole de Kyoto
demandent aux États parties d’appliquer des politiques et des mesures destinées à la
promotion de méthodes durables de gestion forestière, de boisement et de
reboisement. Dans le cadre des Accords de Marrakech adoptés en 2001, les activités
de boisement et de reboisement sont admises au bénéfice du MDP. Cependant, la
CCNUCC et le Protocole de Kyoto ne fournissent ni obligation ni incitation financière
pour la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts.
En outre, les Accords de Marrakech ne permettent pas à créditer les projets de
réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts qui

272
Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), « Évaluation des ressources
forestières mondiales 2010 », en ligne : foris.fao.int <http://foris.fao.org/static/data/fra2010/Key
Findings-fr.pdf>.
273
GIEC, Bilan 2007, supra note 4 à la p. 5.
82 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

constituent pourtant une source importante d’émission de gaz à effet de serre 274.
La REDD a été discutée pour la première fois à la Conférence de Montréal
en 2005. À Montréal, la Coalition des pays à forêt tropicale humide, conduite par le
Costa Rica et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, a proposé la modification des Accords
de Marrakech pour permettre l’inclusion des activités REDD dans le MDP 275. Ensuite,
lors de la Conférence de Bali en 2007, les parties ont adopté une décision spécifique à
la REDD qui prévoit explicitement que la REDD dans les pays en développement
pourrait aider à atteindre l’objectif ultime de la CCNUCC. En outre, la décision
considère également que la mise en œuvre de nouvelles mesures adaptées liées aux
activités REDD est urgente276.
L’Accord de Copenhague reconnaît le rôle crucial des activités REDD ainsi
que « la nécessité de prévoir des incitations positives en faveur de telles mesures par
la mise en place immédiate d’un mécanisme, comprenant l’initiative REDD-plus, qui
permette de mobiliser des ressources financières auprès des pays développés »277.
Conformément au Plan d’action de Bali et aux décisions adoptées à Copenhague,
l’Accord de Cancun demande aux pays en développement de développer une stratégie
nationale ou une plan d’action, un niveau de référence des émissions forestières ainsi
qu’un système national de surveillance forestière solide et transparent pour surveiller
et fournir des estimations cohérentes et précises sur les activités REDD dans ces
pays 278. Toutefois, la question de la « déforestation évitée » reste l’une des questions
les plus controversées des négociations climatiques, notamment sur la question de
financement du mécanisme REDD dans le régime « climat » post-Kyoto. En effet, les
accords adoptés à Copenhague et à Cancun n’ont pas donné une réponse claire pour la
question de financement. En revanche, cette question est reportée à la 17ème session de
la Conférence des parties de la CCNUCC à Durban en Afrique du Sud279.

2. LE FINANCEMENT DE LA REDD DANS LE CADRE CLIMATIQUE FUTUR: L’UNE DES


QUESTIONS LES PLUS CONTROVERSÉES DES NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES

274
CCNUCC, Rapport de la Conférence des Parties sur les travaux de sa septième session, tenue à
Marrakech du 29 octobre au 10 novembre 2001 (Décision 17/CP.7), FCCC/CP/2010/13/Add.2, 2002,
en ligne : unfccc.int <http://unfccc.int/resource/docs/french/cop7/cp713a02f.pdf#page=20> aux pp. 20-
24.Le paragraphe 7 (a) de la décision 17/CP.7 sur les « Modalités et procédures d’application d’un
mécanisme pour un développement propre tel que défini à l’article 12 du Protocole de Kyoto » prévoit
que « parmi les activités de projet liées à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres
et à la foresterie, les seules admissibles au titre du mécanisme pour un développement propre, sont les
activités de boisement et de reboisement ».
275
CCNUCC, Reducing emissions from deforestation in developing countries: approaches to stimulate
action : Submission by the Governments of Papua New Guinea & Costa Rica ,
FCCC/CP/2005/MISC.1, 2005, en ligne : <http://unfccc.int/resource/docs/2005/cop11/eng/misc01.pdf
> à la p. 8.
276
CCNUCC, Réduction des émissions résultant du déboisement dans les pays en développement:
démarches incitatives (2/CP.13), FCCC/CP/2007/6/Add.1, 2008, en ligne :
<http://unfccc.int/resource/docs/2007/cop13/fre/06a01f.pdf> aux pp. 8-10.
277
Accord de Copenhague, supra note 8 au para. 6.
278
Accord de Cancun, supra note 9 au para. 71.
279
Ibid. au para. 77.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 83

a) Les difficultés liées au financement via le mécanisme du marché


Il convient de rappeler que l’approche du financement via le marché de
carbone a été soutenue par la Coalition des pays à forêt tropicale humide, conduite par
le Costa Rica et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, lors de la Conférence de Montréal en
2005. L’idée de cette approche est de rémunérer les pays en développement qui
réduisent la déforestation sur une période donnée via le MDP. Autrement dit, les
projets REDD réalisés dans les pays en développement pourraient bénéficier des
crédits d’émissions certifiés au titre du MDP qui peuvent être commercialisés sur le
marché de carbone. Du point de vue économique, le coût d’opportunité de la
préservation de la forêt est supérieur au bénéfice généré par cette préservation. Donc,
la déforestation continuera à augmenter dans les pays qui n’arrivent pas à donner une
valeur à la préservation des forêts. Dans ce contexte, pour réduire la déforestation, il
faut donner à la préservation des forêts une valeur carbone appropriée 280. Selon
Nicholas Stern, cette valeur carbone appropriée est d’environ 1-5 USD/tCO 2281. En
outre, avec une valeur carbone d’environ 30 USD/tCO2, la déforestation pourrait être
complètement éliminée. Pour ces raisons, le marché de carbone peut jouer un rôle
important en fournissant des incitations financières à la réduction des émissions liées
à la déforestation et à la dégradation des forêts 282. Pour les pays à forêt tropicale,
l’inclusion des projets « forêt » apporte l’opportunité d’attirer les investissements du
MDP. Aussi, ce type de projets est-il soutenu par le Groupe de l’Ombrelle 283 dans la
mesure où il pourrait fournir une source peu onéreuse de crédits d’émission284.
Toutefois, l’inclusion de la « déforestation évitée » dans le MDP paraît
difficile sur le plan technique. En effet, le choix du scénario de référence pour évaluer
les réductions d’émissions issues de la déforestation évitée est très problématique.
Pour déterminer le scénario de référence, deux méthodes principales peuvent être
envisagées: le niveau de déforestation de la période d’engagement serait évalué par
rapport à une période passée ou à un scénario tendanciel (« business as usual »)285.
Les pays qui ont subi une forte déforestation dans le passé (cas de l’Asie du Sud-Est)
ont intérêt à choisir une période passée comme période de référence. Alors cela
donnerait une « prime » aux pays qui ont massivement déboisé dans le passé. A
l’inverse, les pays dont le taux de déforestation a été faible dans le passé (cas de
l’Afrique centrale) devraient choisir un scénario tendanciel (« business as usual ») qui
tente de prédire la déforestation future. Cependant, il est difficile d’évaluer
précisément la déforestation d’un pays à long terme. En effet, outre les facteurs
280
Vieillefosse, Le changement climatique, supra note 89 à la p. 58.
281
R.-U., Stern Review, supra note 6 à la p. 540.
282
Ibid.
283
Il s’agit d’un groupe de négociation composé du Japon, des Etats-Unis, du Canada, de l’Australie, de la
Norvège, de la Nouvelle-Zélande, de l’Islande, de la Russie et de l’Ukraine.
284
Le coût de la réduction d’une tonne de carbone dans le secteur de l’énergie aux États-Unis s’élèverait à
100 USD alors que le coût de la séquestration de la même quantité serait de 10 à 100 USD. (René
Castro, « The Carbon Market : Forests : The best short-term option » (15 juin 2001), en ligne :
<http://www.tierramerica.net/2000/suplemento/page12.htm>.)
285
Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), « Reducing Emissions from
Deforestation in Developing Countries : Submission by the Food and Agriculture Organization of the
United Nations » (30 mars 2006), en ligne : unfccc.int <http://unfccc.int/resource/docs/
2006/smsn/igo/002.pdf >.
84 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

prévisibles (démographie, plan de construction d’infrastructure, taux de croissance


annuel de l’économie…), les taux de déforestation sont également influencés par des
facteurs imprévisibles, comme le niveau des prix de commodités agricoles,
l’évolution des cours des produits miniers, du pétrole ou les phénomènes
climatiques…. Par exemple, la hausse des prix des produits agricoles pourrait stimuler
la déforestation. La hausse du revenu national et la croissance économique pourraient
réduire la pression sur les forêts en améliorant les opportunités d'emploi hors
exploitation agricole mais elles pourraient également augmenter la déforestation en
stimulant la demande pour les produits agricoles et forestiers 286. Donc, la fiabilité des
scénarios « prédictifs » apparaît limitée287.
En général, les pays ont intérêt à choisir un scénario de référence qui pourrait
maximiser les quantités de crédit recevables. Comme le fait le Guyana, alors que son
taux de déforestation annuel est quasiment nul, il a présenté en août 2009 un scénario
de référence prévoyant la conversion jusqu’à 90% de ses forêts en cultures
industrielles dans 25 ans288. Cela entraîne des risques de production de « hot air » dû
au choix arbitraire ou laxiste du scénario de référence sur les différents marchés de
permis d’émissions289. Et la mise en œuvre du mécanisme de marché pour les activités
REDD pourrait être considérée comme la création d’une « fausse monnaie
climatique […] qui affaiblit encore plus le système d’incitation recherché par le
Protocole de Kyoto »290. En outre, comme les projets de REDD sont peu coûteux 291,
les crédits d’émissions obtenus par le biais de ces projets peuvent dissuader de
rechercher des solutions alternatives à l’utilisation de combustibles fossiles qui sont
responsable d’environ 80% des émissions de CO 2. Donc, l’inclusion des projets
« forêt » dans le MDP risque d’avoir des effets négatifs significatifs sur la
compétitivité des projets technologiques 292. En plus, dans la pratique, en tenant
compte des résultats acquis du MDP « forestier » (boisement et reboisement),
l’inclusion des activités REDD dans le MDP ne garantit pas le succès. A ce jour,
selon les statistiques de la CCNUCC, seuls 21 projets MDP « forestier » ont été
enregistrés sur près de 3028 projets MDP enregistrés, ce qui représente seulement
0,59% de projets MDP enregistrés 293. Par ailleurs, en l’absence d’engagements
contraignants sur la protection des forêts, un problème juridique se pose sur la
responsabilité d’un pays qui a reçu des crédits d’émissions pendant une période mais
dont les émissions liées à la déforestation augmentent à nouveau dans la période
286
Arild Angelsen et DavidKaimowitz, « Rethinking the causes of deforestation: lessons from economic
models » (1999) 14 The World Bank Research Observer 73 73-98.
287
Alain Karsenty et Romain Pirard, « Changement climatique : faut-il récompenser la "déforestation
évitée" ? » (2007) 15 Natures Sciences Sociétés 357 361.
288
Ibid. p. 366
289
Ibid.
290
Alain Karsenty, « Ce que le marché (carbone) ne peut faire… » Perspective Forêts/Changement
climatique n°1 – (novembre 2009), en ligne : <http://www.riaed.net/IMG/pdf/Deforestation_et_
changement_climatique_CRAD_Karsenty_1109.pdf > à la p.3 [Karsenty, « Ce que le marché
(carbone) ne peut faire… »].
291
Environ 1,6 GtCO2/an pourraient être atteints à un coût inférieur à 20 USD/tCO2 (Vieillefosse, Le
changement climatique, supra note 89 à la p. 58.)
292
Greenpeace, « Should Forests and other Land Use Change Activities be in the CDM? » (août 2000), en
ligne: greenpeace.org <http://archive.greenpeace.org/climate/politics/lyonsink.html>.
293
CCNUCC, « CDM in numbers », supra note 201,
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 85

suivante.

b) Vers un fonds global pour le financement des activités REDD


En ce qui concerne la question de financement des activités REDD dans les
pays en développement, le Brésil a présenté une approche alternative. Selon le Brésil,
les efforts de réduction de la déforestation pourraient être récompensés non pas par
des crédits d’émission dans le cadre du mécanisme de marché, mais par des paiements
directs provenant d’un fonds contribués par les pays développés294. En présentant une
position similaire, au niveau de l’Union européenne, la Commission européenne
propose de créer un mécanisme mondial pour le carbone forestier 295 pour fournir un
soutien financier aux activités REDD dans les pays en développement296.
Par rapport à l’inclusion des activités REDD dans le mécanisme de marché,
le financement via un fonds contribués par les pays développés paraît plus approprié
sur le plan technique et politique. En effet, la mise en œuvre du mécanisme de fonds
permet d’éviter les difficultés techniques engendrées dans le mécanisme de marché.
Sur le plan politique, le mécanisme de fonds permet également de s’attaquer aux
causes structurelles de la déforestation et de financer les réformes dont l’impact sur la
déforestation ne peut être directement et immédiatement mesuré. En fonction des
priorités différentes des pays en développement, le financement pourrait se concentrer
pour les réformes agro-foncières renforçant le droit de propriété des paysans qui
reconnaît aux communautés vivant dans les forêts des droits fonciers opposables ainsi
que pour les réformes administratives renforçant la gouvernance, la réorganisation de
l’administration forestière, des systèmes de contrôle et l’exécution des lois défendant
les forêts297.

i. Les défis des mécanismes actuels de financement


En ce moment, il existe déjà un mécanisme de financement visant à financer
les projets pour la préservation de l’environnement dans les pays en développement,
comme le Fonds pour l’environnement mondial 298. Créé conjointement par la Banque
294
Présentation Power Point de M. Joao Paulo Ribeiro Capobianco, « Positive incentives to reduce
emissions from deforestation in developing countries: Views from Brazil » (30 août-1 er septembre
2006), en ligne : unfccc.int <http://unfccc.int/methods_and_science/lulucf/items/3764.php>.
295
Le Global Forest Carbon Mechanism [GFCM].
296
CE, La communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique
et social européen et au Comité des régions du 17 Octobre 2008 : Combattre la déforestation et la
dégradation des forêts pour lutter contre le changement climatique et la diminution de la biodiversité
(COM(2008) 645 final), [2008] en ligne : europa.eu <http://europa.eu/legislation_summaries
/agriculture/environment/ev0007_fr.htm>.
297
Karsenty, « Ce que le marché (carbone) ne peut faire… », supra note 290 à la p.4.
298
Le Fonds pour l’environnement mondial [FEM] (en anglais, Global Environment Facility - GEF) est
un organisme financier indépendant qui réunit actuellement 182 pays – en partenariat avec des
institutions internationales, des organisations non gouvernementales et le secteur privé. Le Fonds pour
86 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement 299 et le Programme


des Nations Unies pour l’environnement 300 en 1991, ce fonds a alloué 9,2 milliards
USD sur ses fonds propres et mobilisé plus de 40 milliards USD de cofinancement
pour 2700 projets réalisés dans plus de 165 pays en développement ou en transition 301.
Pour la période 1991-2009, les projets dans le domaine des changements climatiques
représentent 32% des engagements du fonds302. Néanmoins, le Fonds pour
l’environnement mondial est très critiqué par les pays en développement 303. En effet,
le temps de montage d’un projet dans le cadre de ce fonds est extrêmement long (en
moyenne de 66 mois). En outre, le montage du projet est complexe et très coûteux
parce qu’il ne peut être fait que par des consultants internationaux. De plus, les
moyens de ce fonds sont limités. Son montant total engagé dans tous les domaines
n’est que 3,13 milliards USD pour la période 2006-2010 (1,02 milliards USD pour les
projets dans le domaine des changements climatiques). Pour la période 2010-2014,
son montant total prévu est d’environ 4,25 milliards USD (1,36 milliards USD pour
les projets dans le domaine des changements climatiques) 304. Donc, le renforcement
des fonds pour les pays en développement est actuellement indispensable.
A cette fin, l’Accord de Copenhague a décidé d’établir le Fonds vert de
Copenhague pour le climat305. Ce fonds sera créé comme un mécanisme financier de
la CCNUCC en vue d’appuyer les projets, les programmes, les politiques et autres
activités dans les pays en développement, relatifs à l’atténuation, y compris REDD.
L’Accord de Copenhague confirme l’objectif mondial visant à mobiliser ensemble
100 milliards USD par an d’ici à 2020 pour aider les pays en développement à réduire
leurs émissions de gaz à effet de serre et à s'adapter aux changements climatiques. Et
les pays développés s’engagent à contribuer à hauteur de 30 milliards USD pour la
période 2010-2012 en les répartissant de manière équilibrée entre l’adaptation et
l’atténuation306. L’Accord de Cancun prévoit que le Fonds vert de Copenhague pour le
climat sera dirigé par un Conseil d’administration de 24 membres avec une
représentation équitable des pays développés et en développement 307. La Banque
mondiale jouera le rôle de l’administrateur du Fonds vert de Copenhague pour le
climat pour une période liminaire de 3 ans 308. L'Accord de Cancun prend note des
engagements collectifs des pays développés au titre du financement à Copenhague et
invite les pays développés à fournir des documents d'information sur ces versements
l’environnement mondial vise à financer des projets dans les pays en développement et les pays en
transition concernant la biodiversité, les changements climatiques, les eaux internationales, la
dégradation des sols, la couche d’ozone et les polluants organiques persistants.
299
Programme des Nations Unies pour le développement [PNUD]
300
Programme des Nations Unies pour l’environnement [PNUE]
301
Global environment facility [GEF], « What is GEF » (2010), en ligne : thegef.org
<http://www.thegef.org/gef/whatisgef>.
302
Global environment facility [GEF], « 2009 Annual Report » (octobre 2010), en ligne : thegef.org
<http://www.thegef.org/gef/sites/thegef.org/files/publication/2009_GEF-AnnualReport.pdf> à la p. 10.
303
Vieillefosse, Le changement climatique, supra note 89 à la p. 94.
304
Fonds pour l'environnement mondial, « GEF Trust Fund - Climate Change focal area », en ligne :
climatefundsupdate.org <http://www.climatefundsupdate.org/listing/gef-trust-fund>.
305
Accord de Copenhague, supra note 8 au para. 10. (en anglais, Copenhagen Green Climate Fund)
306
Ibid. au para. 8.
307
Accord de Cancun, supra note 9 au para. 103.
308
Ibid. supra note 9 au para. 107.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 87

pour mai 2011, 2012 et 2013 afin d’améliorer la transparence. En outre, l’Accord de
Cancun a créé un Comité de transition309 avec 40 membres (15 membres provenant
des pays développés et 25 membres provenant des pays en développement) pour
définir les modalités du Fonds vert de Copenhague pour le climat310.
Toutefois, les accords adoptés à Copenhague et à Cancun ne fournissent
aucune indication précise sur le mécanisme de contribution des pays développés ainsi
que sur la répartition du fonds vers les pays en développement. En outre, ces
engagements financiers restent très limités par rapport aux besoins financiers globaux
en général et aux besoins financiers des pays en développement en particulier pour la
réduction des émissions de gaz à effet de serre à long terme. Le rapport du secrétariat
de la CCNUCC estime que les besoins financiers pour réduire les émissions globales
sont d’environ 200-210 milliards USD en 2030. Plus de la moitié de ce montant serait
nécessaire pour les pays en développement. Dans le secteur forestier, les besoins
financiers pour réduire les émissions dans les pays en développement sont estimés à
21 milliards USD : 8 milliards pour la gestion durable de la forêt, 12 milliards pour
réduire la déforestation et un milliards pour la reforestation311.
Sur les montants, l’Union européenne considère également qu’il faudra
mobiliser 100 milliards d’euros par an pour financer les actions d’atténuation et
d’adaptation dans les pays en développement jusqu’en 2020 : actions autofinancées
par les pays en développement (22 à 50 milliards d’euros), actions soutenues par le
marché carbone (38 milliards, dans l’hypothèse que le niveau de réduction
d’émissions des pays développés est de 30% en 2020 par rapport à 1990), et actions
soutenues par des financements publics (22-50 milliards) 312. Pourtant, les
engagements financiers actuels de l’Union européenne pour les pays en
développement sont très modestes. Dans le cadre du Conseil européen des 10-11
décembre 2009, l'Union européenne et ses États membres ne s’accordent que sur un
montant global de 7 milliards d'euros par an et un financement à mise en œuvre rapide
de 2,4 milliards d'euros par an pour la période de 2010 à 2012313.
Actuellement, il convient de considérer que les propositions faites par les
pays développés ne permettent pas de garantir suffisamment des ressources
financières additionnelles pour financer les actions dans les pays en développement.
Pourtant, il faut bien noter que selon la CCNUCC, l’exécution par les pays en
309
Ibid. supra note 9 au para. 109.
310
La liste des membres du Comité de transition a été actuellement adoptée par les parties à la CCNUCC.
Voir le communiqué de presse du secrétariat de la CCNUCC le 15 avril 2011 : Organisation des
Nations Unies (Secrétariat de la CCNUCC), Communiqué, « Press Release : Governments agree
Transitional Committee membres for new Green Climate Fund » en ligne :
<http://unfccc.int/files/press/press_releases_advisories/application/pdf/pr20110415gcfcommittee.pdf>.
311
Secrétariat de la CCNUCC, Investment and Financial Flows to Address Climate Change,
FCCC/TP/2008/7, 2008, en ligne : <http://www.forestforclimate.org/attachments/070_inv_fin.pdf> à
la p.18.
312
Emmanuel Guérin et Matthieu Wemaëre, « Négociations climat: Compte-rendu de la conférence de
Barcelone », (2009) 6 Idées pour le débat4 : 17 [Guérin et Wemaëre, « Négociations climat »].
313
CE, Conseil européen - 10 et 11 décembre 2009 – conclusions [2009], CE, EUCO 6/09 au para. 37, en
ligne : consilium.europa.eu
<http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/111886.pdf>.
88 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

développement de leurs engagements « dépendra de l’exécution efficace par les pays


développés de leurs propres engagements en ce qui concerne les ressources
financières et le transfert de technologie »314.

ii. De nouvelles initiatives de financement


Dans ce contexte, d’une part, les conférences des parties dans le cadre de la
CCNUCC devraient continuer à clarifier les engagements financiers établis par les
accords adoptés à Copenhague et à Cancun. D’autre part, le renforcement des
initiatives actuelles pour le financement de la lutte contre les changements climatiques
dans les pays en développement est indispensable. Dans l’objectif de mobiliser les
ressources financières nécessaires, plusieurs initiatives de financement ont été
lancées.
D’abord, il s’agit de la « proposition norvégienne ». Conformément au
Protocole de Kyoto, les pays figurant à l’Annexe I de la CCNUCC peuvent reçoivent
un certain nombre d’unités de gaz à effet de serre (Unités de quantités attribuées,
(UQA)) qu’ils peuvent utiliser ou échanger sur le marché de carbone durant la période
d’engagement 2008-2012. Le principe de la « proposition norvégienne » est la mise
aux enchères d’une partie des Unités de quantité attribuées (UQA) pour générer des
recettes. Cependant, les États-Unis ont rejeté cette proposition parce qu’ils s’opposent
à la création d’un système international centralisé de distribution des UQA315.
Une autre option vise à taxer les émissions des transports aériens et
maritimes internationaux, ou inclure ces secteurs dans un système d’échange des
quotas avec mise aux enchères des quotas. En ce qui concerne les émissions des
secteurs aériens et maritimes internationaux, l’Union européenne a proposé la
réduction globale des émissions de gaz à effet de serre de 10% pour le secteur du
transport aérien et de 20 % pour le secteur du transport maritime, d'ici 2020, par
rapport aux niveaux de 2005. En outre, l’Union européenne soutient l'utilisation
d'instruments internationaux fondés sur le marché, établis respectivement au sein de
l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et de l’Organisation
maritime internationale (OMI), pour réduire les émissions de ces secteurs 316. En plus,
l’Union européenne a adopté la directive 2008/101/CE317 le 19 novembre 2008
modifiant la directive 2003/87/CE318 afin d’intégrer les activités aériennes
internationales dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de

314
CCNUCC, supra note 1, art. 4.7.
315
Guérin et Wemaëre, « Négociations climat », supra note 312 à la p.7.
316
U.E., « Position de l'UE en vue de la Conférence de Copenhague », supra note 28 au para. 19.
317
CE, Directive 2008/101/CE du parlement européen et du conseil du 19 novembre 2008 modifiant la
directive 2003/87/CE afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange
de quotas d’émission de gaz à effet de serre, [2009] J.O. L 8/4, en ligne : Parlement européen
<http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:008:0003:0021:fr:PDF>.
318
CE, Directive 2003/87/CE du parlement européen et du conseil du 13 octobre 2003 établissant un
système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la
directive 96/61/CE du Conseil [2003] J.O. L 275/32, en ligne : Parlement européen <http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2003:275:0032:0046:fr:PDF>.
L'intégration des pays en développement dans le régime Post-Kyoto 89

gaz à effet de serre (SCEQE). L’Union européenne a également confirmé l’intention


de mettre en œuvre une mesure similaire pour le secteur des transports maritimes 319.
Néanmoins, il y a peu de progrès dans le cadre des négociations au sein de l’OACI et
l’OMI sur cette question. Les mesures unilatérales d’inclusion des secteurs aériens et
maritimes internationaux dans le SCEQE au niveau de l’Union européenne ont
rencontré une forte opposition des pays tiers, notamment les pays en développement.
Une troisième option proposée par la France consisterait à taxer les
transactions financières. La France, le Chili, le Brésil et la Norvège sont favorables à
cette proposition tandis que d'autres pays, menés par les États-Unis, sont résolument
méfiants320. La Suisse, pour sa part, propose à mettre en place une taxe uniforme au
niveau mondial de 2 USD par tonne de CO 2 sur toutes les émissions issues de la
production et de l'utilisation de combustibles fossiles. Cette proposition prévoit une
exemption pour les pays dont le niveau d’émissions est extrêmement faible (1,5 tonne
de CO2 par habitant)321. En pratique, cette proposition est difficile à mettre en œuvre
parce qu’elle impliquerait un changement entier de l’approche du Protocole de Kyoto
qui est basée sur les échanges de droits d’émission au lieu des taxes sur les émissions.
Par ailleurs, sur le plan politique, il n’est pas réaliste de penser que les pays ayant un
niveau d’émissions par habitant très élevé comme les États-Unis, le Canada et
l’Australie pourraient accepter cette proposition.
En ce qui concerne le financement particulier des activités REDD dans les
pays en développement, le Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) 322 et
le Programme de collaboration ONU-REDD 323 sont de bons exemples parmi ces
initiatives. Le FCPF, opérationnel depuis juin 2008, est un partenariat mondial
consacré au REDD avec 37 pays membres324 et 14 contributeurs financiers325.
L’objectif du FCPF est d’aider les pays forestiers tropicaux à développer des systèmes
et des politiques relatives au REDD et de leur fournir des financements basés sur les
résultats de réduction des émissions liées à la déforestation. Actuellement, les
contributeurs financiers ont engagé un montant d’environ 160 millions USD pour le
FCPF326. Le Programme de collaboration ONU-REDD est un partenariat de
319
CE, Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et
social européen et au comité des régions : Vers un accord en matière de changement climatique à
Copenhague (SEC(2009 101 et SEC(2009) 102), Bruxelles, CE, 2009, en ligne : Commission des
communautés européennes <http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?
uri=COM:2009:0039:FIN:FR:PDF>.
320
Le Point, « ONU- Nicolas Sarkozy veut "taxer" les transactions financières » (20 septembre 2010), en
ligne : Le Point.fr <http://www.lepoint.fr/economie/onu-nicolas-sarkozy-veut-taxer-les-transactions-
financieres-20-09-2010-1238850_28.php>.
321
OCDE, Forum pour le Partenariat avec l’Afrique, Financement Carbone en Afrique, Addis Abeda,
ODCE, 2009, en ligne : Organisation de coopération et de développement économiques
<http://www.oecd.org/dataoecd/11/11/43551305.pdf>.
322
En anglais: « Forest Carbon Partnership Facility ». [FCPF].
323
En anglais: « UN-REDD Programme » [FCPF].
324
14 en Afrique, 15 en Amérique latine et aux Caraïbes et 8 en Asie-Pacifique.
325
C'est-à-dire : l’Agence française de développement, l’Allemagne, l’Australie, le Danemark, l’Espagne,
les États-Unis, la Finlande, le Japon, The Nature Conservancy, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume
Uni, la Suisse et l’Union européenne.
326
Climate Finance Option, « Forest Carbon Partnership Facility (FCPF) » (2010-2011), en ligne :
climatefinanceoptions.org <http://www.climatefinanceoptions.org/cfo/node/57#>.
90 23.1 (2010) Revue québécoise de droit international

collaboration entre la FAO, le PNUD et le PNUE. Il a été lancé en septembre 2008


comme suite à la Conférence de Bali dans le but d’aider les pays en développement à
mettre en œuvre un futur mécanisme REDD. Actuellement, le Programme ONU-
REDD a été mis en place dans neuf pays pilotes en Afrique 327, en Asie328 et en
Amérique latine329. La Norvège, le Danemark et l’Espagne sont les plus importants
bailleurs du Programme ONU-REDD. En 2009, ces pays ont engagé plus de 50
millions USD pour le programme. Et le Conseil d’orientation du Programme ONU-
REDD a approuvé un financement d’environ 28 millions USD pour les activités
REDD réalisées dans six pays pilotes, y compris la République Démocratique du
Congo, l’Indonésie, le Panama, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Tanzanie et le
Vietnam330. Lors des conférences ministérielles de Paris et d’Oslo en mars et mai
2010, la France a également lancé avec la Norvège l’initiative d’un partenariat
REDD+ intérimaire afin de favoriser la mise en œuvre de l’Accord de Copenhague
dans la protection des forêts des pays en développement. Actuellement, le partenariat
REDD+ intérimaire rassemble 70 pays forestiers et donateurs et mobilise plus de 4
milliards USD de financement sur la période 2010-2012331. Malgré un budget encore
limité, le succès de ces activités dans les pays en développement pourrait accroître la
confiance et la compréhension de la communauté internationale quant à la nécessité et
à la faisabilité sur le plan institutionnel et technique de l’inclusion du mécanisme
REDD dans un cadre climatique global post-Kyoto.

327
La République Démocratique du Congo, la Tanzanie et la Zambie.
328
L’Indonésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Vietnam.
329
La Bolivie, le Panama et le Paraguay.
330
Programme ONU-REDD, Bilan annuel 2009, Genève, Programme ONU-REDD, 2010 à la p. 24, en
ligne : Programme des Nations Unies pour l’environnement <http://www.unep.org/pdf/un-
redd_2009_year_in_review_fr.pdf>.
331
France, Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, Quelle
coopération internationale française pour faire face au défi climatique ? - La lutte contre la
déforestation-REDD+ à la p.1 (novembre 2010), en ligne : gouv.fr <http://www.developpement-
durable.gouv.fr/IMG/pdf/10002_Cancun_fiche_REDD__16-11_DEF_light-2.pdf>.

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