Chapitre 6
Chapitre 6
Chapitre 6
● Principalement une hiérarchie des normes, même si elle n’est pas toujours
présente
● Une autonomie dans la création et la mise en œuvre des normes
Section préliminaire
L’ordre juridique européen
Cette affirmation reste ici aussi, liée à la nature juridique de l’Union. Considérer que
l’Union est un ordre juridique autonome suppose de la délier du droit international et du
statut de simple organisation internationale
D’après la Cour, l’Union européenne bénéficie d’un ordre juridique propre, c’est dans ce
sens qu’il doit être considéré comme autonome et qu’il ne dépend ni des ordres juridique
nationaux, ni de l’ordre juridique international. Même si ici, la Cour retient dans cette
affaire une conception un peu militante du droit de l’Union en exposant des critères qui
se rapprochent concrètement de ceux que présentent les organisations internationales.
Cette solution peut être appuyée par un nouvel arrêt de la CJCE, 1963, Van Gend en
Loos.
Pendant longtemps, tel était l’état du droit, mais plusieurs nouveaux critères
apparaitront ensuite. Dans de futurs arrêts, la Cour relèvera que l’Union européenne est
une Communauté de droit, qui peut s’approprier des préceptes de l’État de droit. Les
traités sont aussi qualifiés de Charte constitutionnelle : ceux-ci ne se reflètent pas
seulement dans un ordre juridique simple, mais au sein d’un ordre juridique particulier,
qui a une nature constitutionnelle. Cette dynamique constitutionnelle dispose de
multiples incidences sur la vie sociale, juridique et constitutionnelle nationale.
● Dans les années 2010, avec un avis de la CJUE, 2/13, 2013, Adhésion à la
CEDH. Depuis cet avis, l’Union européenne dispose d’un ordre juridique d’un
genre nouveau, ayant une nature qui lui est spécifique, un cadre
constitutionnel et des principes fondateurs propres.
● Cette décision sera réitérée dans un avis de 2019 ou l’autonomie face aux deux
ordres juridiques préexistant à l’Union sera affirmée (CJCE, Avis 1/17, 2019,
CETA).
● En 2022, dans un arrêt de la CJUE datant du 16 février - Hongrie et Pologne
c/Parlement européen et Conseil celle-ci affirme de nouveau « l’identité
même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun ». Même si la Cour
n’emploie pas le terme de cadre constitutionnel et d’ordre juridique spécifique,
sa formulation expose l’idée d’un pouvoir public commun qui rattache l’Union à
ses États-membres.
Toutes ces affaires démontrent que l’ordre constitutionnel de l’Union n’est pas
simplement un ordre juridique formel, il est un véritablement groupement d’institutions et
de valeurs qualifié depuis 2022 de véritable identité. Pour autant, cette vision n’a pas
directement été partagée par les États-membres.
Ces jurisprudences ont reçu un accueil plutôt froid par les ordres juridiques nationaux,
qui admettaient difficilement d’admettre la position imposante de la CJUE contre les
cours constitutionnelles nationales qui ont elles-mêmes étés crées par les Constitutions
nationales. Mais malgré tout, les choses ont évolués :
Petit à petit, les normes internes intégreront l’idée d’appartenance à l’Union européenne,
comme l’illustre l’article 88-1 de la Constitution française :
Malgré que cet article reste un peu léger et peu ambitieux, il démontre surtout que les
États restent maîtres de leurs compétences et de leur souveraineté. Aucune référence
n’est réalisée à la dynamique de l’intégration européenne, les seules obligations qui
découlent de cet article sont l’obligation de transposer les directives et la mise en oeuvre
des règlements
Cependant, les choses ont évoluées par la positon des juridictions constitutionnelles
nationales, puisqu’elles ont été chargées d’interpréter ces dispositions. Celles-ci
tendaient dans un premier temps à assimiler l’Union à n’importe quelle autre organisation
internationale :
● Cour constit. Allemande, 30 juin 2009 : l’Union européenne est une union
d'États fondée sur le droit international. Les États membres restent souverains
comme le souligne notamment le droit de retrait qui leur est reconnu
● Conseil constitutionnel, 9 avril 1992, Maastricht + 31 décembre 1997,
Amsterdam : qui décrit l’Union comme « une organisation internationale
permanente dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de
décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États
membres »
● Conseil constitutionnel, 19 novembre 2004 : la France peut « participer à la
création et au développement d'une organisation européenne permanente
dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet
de transferts de compétences consentis par les États membres »
Mais ce n’est pas vraiment la même chose pour la Cour constitutionnelle allemande, qui
reste, de ce point de vue, très nationaliste. Dans son arrêt sur le traité de Lisbonne, elle
évoque en 2009 :
De cet extrait, on peut remarquer que la Cour constitutionnelle allemande place sur le
même plan l’Union européenne et les Nations Unies, démontrant qu’elle considère
l’Union comme une organisation internationale. Dans cette décision, elle rappelle par
ailleurs le fait que les États membres restent maîtres des traités, etmême si elle fait
référence au « peuple d’Europe », ce n’est pas dans le sens de citoyen européen, mais
plutôt en tant qu’habitant dans un État constitutionnel européen.
Section 1
Les sources de l’ordre juridique européen
Les sources du droit sont très variées. Nous les verrons partiellement :
§ 1– Le droit primaire
§ 2– Le droit dérivé
§ 3– Le droit non écrit : les principes généraux
§ 4– Les accords internationaux (non traité)
I. Le droit primaire
À cela, il faut ajouter les protocoles additionnels, qui disposent de la même valeur
que les traités :
Par ailleurs, certaines déclarations peuvent être adossées aux traités, mais ne disposent
pas d’une portée conventionnelle. Ces déclarations sont de simples guides interprétatifs
des traités.
Ces traités sont conclus hors de l’UE, soit entre États membres ou parfois avec des
États tiers sans pour autant que l’Union ne s’en mêle. Ces derniers sont habituellement
réalisés pour renforcer ou faciliter l’intégration européenne et ces accords sont censés
être temporaires
Par exemple :
● Schengen
● Le Pacte budgétaire (TSCG)
● Les traités et le droit dérivé : les traités sont supérieurs au droit dérivé. En
témoigne l’existence des différentes voies de recours permettant de
sanctionner la violation des traités par les institutions tels que le recours en
annulation, le recours en carence contre les institutions qui n’adopteraient pas
les actes prévus par les traités, ou encore le renvoi préjudiciel en appréciation
de validité. Cette question préjudicielle permet ainsi au juge national de
demander la validité d’une règle de droit dérivé par rapport au droit primaire
● Les traités et les accords conclus par l’Union : les traités européens sont
également supérieurs aux accords conclus par l’Union. Un avis conforme de la
CJUE peut par ailleurs être délivré à ce sujet, et la Cour de justice s’est aussi
reconnue compétente pour connaître d’un recours en annulation, non pas sur
l’accord mais sur la décision de conclure l’accord. Les actes adoptés par les
institutions européennes en vue de l’exécution des accords internationaux sont
également susceptibles de recours
II.Le droit dérivé
L’article 288 TFUE expose le droit dérivé, on parle ici de nomenclature des actes :
Article 288 du TFUE : Pour exercer les compétences de l'Union, les institutions
adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et
des avis.
● Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments
et il est directement applicable dans tout État membre.
● La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre,
tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et
aux moyens.
● La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des
destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci.
● Les recommandations et les avis ne lient pas.
A. Le règlement
Article 288 TFUE: « Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans
tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre »
Même si il existe le seul terme de règlement, il en existe une diversité. Déjà pendant
longtemps, il existait un règlement de base et un règlement d’exécution. Cette division
permettait à la Commission d’adopter seule un règlement d’exécution dont la seule
finalité était de mettre en œuvre certaines clauses du règlement de base.
Avec le traité de Lisbonne, cette distinction est reprise et refonte avec la distinction entre
actes législatifs et non législatifs (art. 297 TFUE). Les règlements, directives, décisions,
peuvent être à la fois des actes législatifs et des actes non-législatifs. Mais à côté de
ceux-ci, il faut aussi distinguer les actes délégués et d’exécution :
Par exemple, le règlement ci-dessous est un règlement délégué datant de 2021. Il vient
notamment modifier la liste des biens à double-usage. Ces biens peuvent servir à la fois
pour les civils ou bien pour les militaires. Dans ce règlement, le Parlement européen et le
Conseil ont donné une habilitation à la Commission pour qu’elle puisse modifier cette
liste sans passer par la procédure législative ordinaire, mais par un acte délégué.
Article 288 TFUE: « Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans
tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre »
● Le règlement est obligatoire dans tous ses éléments, aucune transposition n’est
possible. Ils peuvent être d’ailleurs très détaillés
● Le règlement est directement applicable dans tous les États membres et y sont
obligatoires. D’ailleurs, il viennent généralement créer des droits et obligations
de manière directe, caractéristique leur permettant de disposer d’un effet direct
à l’égard des États et des particuliers. Cet effet direct permet dès lors aux
particuliers d’invoquer un règlement, non seulement envers un particulier, mais
également contre un État.
Cette caractéristique a par ailleurs été rappelée dans un arrêt de la CJUE, 2017, MS c/
PS, aff. C-283/16. Ainsi, le règlement est directement applicable dans tous ses
éléments, n’a pas besoin d’être transposé et par lui-même, si jamais le juge estime
qu’une règle de droit national est contraire à ce règlement, alors il devra écarter cette
même règle contraire.
B. La directive
Article 288 TFUE: « La directive lie tout État membre destinataire quant au
résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant
à la forme et aux moyens ».
● Elle est obligatoire, mais elle laisse les États membres libres quant aux moyens
à mettre en œuvre. Elle fixe donc simplement une obligation de résultat.
Pour autant, cette donne reste contraire au principe de subsidiarité, c’est pour cela que
l’Union essaye désormais de laisser une plus grande marge de manoeuvre aux États.
Pour que la directive soit fonctionnelle, elle doit être une expression du principe de
subsidiarité. Cette transposition se réalisera en France par une loi, si jamais la question
ne relève pas du domaine de l’article 34 de la Constitution.
L’obligation de transposition a pour fonction de modifier le droit national pour que celui-
ci soit conforme aux objectifs de la directive, en laissant une marge de manoeuvre pour
le reste aux États. Elle ne doit pas se confondre avec les traités internationaux, qui
doivent être quant à eux réceptionnés et appliqués pour faire foi dans l’État. L’obligation
de transposition suppose que :
● Les États ont pour obligation d’abroger les dispositions nationales contraires
● Tout comme l’obligation d’intégrer les nouvelles dispositions. Et ne doivent pas
faire de mauvaise transposition
Malgré tout, la liberté d’action des États dans la transposition de la directive reste une
liberté encadrée par des modalités de transposition. Effectivement, les États doivent
respecter le principe d’effectivité et d’équivalence du droit de l’Union. L’idée est ici que
les États doivent réellement changer leur droit pour transposer une directive si jamais il
n’est pas conforme, de simples pratiques administratives ne suffisent pas (CJCE, 1985
Commission c/Allemagne)
Le délai de transposition
La directive doit d’abord être transposée dans les délais. Celui-ci est généralement situé
entre 6 mois et deux ans et si la directive n’est pas appliquée durant ce temps, alors
l’État viole le droit de l’Union. Cette caractéristique a été relevée dans une affaire CJCE,
1979, Ratti :
« qu'en conséquence l'État membre qui n'a pas pris, dans les délais, les
mesures d'exécution imposées par la directive, ne peut opposer aux particuliers le
non-accomplissement, par lui-même, des obligations qu'elle comporte »
Selon cet arrêt, lorsque l’État ne transpose pas une directive dans le délai imparti, alors
le particulier pourra se prévaloir de la directive non transposée, si celle-ci dispose d’un
caractère clair, précis et inconditionnel. Cette possibilité est une forme de sanction
pour l’État, puisque même du fait de sa non-transposition, la directive pourra être
opposée à ce dernier.
À côté de cela une autre affaire CJCE, 1997, Inter-environnement Wallonie révèle le
cas ou une législation nationale, avant la fin du délai de transposition, a pris des
dispositions de nature à compromettre sérieusement les résultats prescrits par la
directive. Dans cet arrêt, la Cour de justice évoquera qu’un particulier peut tout de même
invoquer une directive, dans ce cas la, même avant la fin du temps de transposition et
ainsi, sans disposer d’effet direct puisque celui-ci ne s’obtient qu’à la fin du délai de
transposition pour les directives.
Ces principes généraux du droit (PGD) sont inspirés des PGD du droit administratif : ils
sont non écrits, dégagés par le juge et font partie du droit UE. L’une des catégorie
essentielle des PDG se rapporte aux droits fondamentaux. Pour autant, une difficulté est
présente suite à la prise de conscience de la dévolution des compétences à l’Union, qui
n’a pas entraîné de compétences de contrôle du respect des droits fondamentaux par la
Cour de justice.
● De la CEDH
● Des traditions constitutionnelles communes des États membres
C’est dans ce sens que les Cours constitutionnelles reconnaîtront que l’Union garantit de
manière efficace les droits fondamentaux et se rangeront à son interprétation.
Cette Charte prévue en 2000 dispose d’une valeur égale à celle des traités comme
l’affirme le traité de Lisbonne :
« L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte
des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, telle
qu'adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique
que les traités »
Cette charte qui énonce une liste garantie de droit fondamentaux, doit pour autant
s’articuler avec la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH). La liste des
droits entre ces deux textes ne sont pas exactement les mêmes, et la Charte des droits
fondamentaux peut s’inscrire dans un courant plus récent puisqu’elle contient
notamment des questions relatives à la protection de l’environnement, l’accès aux SIEG
ou encore à la propriété intellectuelle.
Préambule: « il est nécessaire, en les rendant plus visibles dans une Charte, de
renforcer la protection des droits fondamentaux à la lumière de l'évolution de la
société, du progrès social et des développements scientifiques et technologiques
»
Les droits énoncés par la Charte ne supposent pas la volonté de créer de nouveaux
droits. Ces droits relèvent seulement des traditions constitutionnelles ainsi que de la
CEDH. Six titres sont présents dans la Charte et déclarent chacun des droits
fondamentaux. Pour autant, cette charte distingue aussi entre les droits et les principes,
droits qui peuvent seuls être invocables
Section 2
L’effectivité de l’ordre juridique européen
● Le principe d’immédiateté
● Le principe de primauté
● Le principe d’invocabilité
I. L’immédiateté
L’ensemble du droit de l’Union européen est immédiatement applicable dans les ordres
juridiques internes. Ainsi, tout le droit de l’Union existe dans les ordres nationaux, il est
donc théoriquement applicable. Il n’y a donc pas besoin de réceptionner le droit dérivé
pour que celui-ci produise ses effets, il existe dans les États dès son entrée en vigueur.
II. La primauté
C’est n’est pas une nouveauté en droit de l’UE, celui-ci prime sur le droit national. Le
droit de primauté d’une règle internationale n’est effectivement pas nouveau. Pour
autant, ce principe enrichi est, dans le cadre de l’Union, un principe cardinal et
existentiel. Malgré tout, ce principe ne dispose pas de référence dans les traités, excepté
dans une déclaration n°17 relative à la primauté.
Au fond, le principe de primauté est un conflit de normes qui vise à déterminer laquelle
prime sur l’autre. Pour autant, cet aspect n’a aucune incidence sur la validité, ni sur la
hiérarchie des normes. Effectivement, une norme nationale contraire à norme
européenne ne sera pas abrogée, mais seulement écartée de l’affaire en question. Cet
aspect a d’ailleurs entraîné un net désaccord entre la Cour de justice et les juridictions
nationales
1. Un fondement autonome
La Cour de justice considère la primauté du droit de l’Union comme
inhérente à la nature de ce droit, comme le démontre l’affaire Costa c/ ENEL (1964) ce
droit est ici considéré comme autonome et distinct de celui des États membres :
Dès lors qu’« issu d’une source juridique autonome, le droit né du traité ne pourrait
donc se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son
caractère communautaire, et sans que soit mise en cause la base juridique de la
Communauté elle-même ». À propos de l’autonomie et de la nécessaire uniformité
du droit communautaire
Ainsi, la primauté est donc autonome et ne repose pas sur les ordres juridiques
nationaux. Elle repose sur l’ensemble du droit de l’Union, à l’égard de l’ensemble des
droits nationaux et doit être assurée par l’ensemble des juges nationaux. Cette primauté
est la conséquence juridique de l’unité et de l’identité européenne.
● Costa c/ ENEL, 1964 : à propos de la primauté des traités sur la loi postérieure
contraire
● CJCE, 1970, Internationale Handelsgesellschaft, qui révèle la primauté des
règlements sur la Constitution nationale.
● CJCE,7 juillet 1981, Rewe : la primauté est aussi portée devant les directives.
Les justiciables ne peuvent pas se voir opposer par les autorités nationales des
dispositions non conformes à des obligations inconditionnelles et suffisamment
précises des directives
● CJCE, 1991, Stephen Grogan à propos de la primauté des principes généraux
du droit
La vision des États membres reste distincte de celle de la Cour de justice. Les
juridictions nationales étaient auparavant très réticentes et souhaitent garantir la défense
de la loi nationale au nom de la démocratie. Malgré tout, avec l’arrêt Jacques Vabre
rendu par la Cour de cassation en 1975 et l’arrêt du Conseil d’État Nicolo de 1989 le
juge acceptera de reconnaitre la primauté du droit de l’Union sur les lois nationales.
Quant à la Constitution, son caractère suprême lui confère une autorité qui concurrence
le droit de l’Union européenne. Le plus souvent, elle prime sur le droit de l’Union, malgré
la forte contradiction que celle implique avec le droit communautaire.
III. L’invocabilité
2. L’effet direct
L’effet direct des normes de l’Union européenne résulte d’un arrêt Van Gend en Loos
(1963) dans lequel la Cour de justice évoque pour la première fois cette notion :
Cet arrêt suppose que l’ordre juridique européen ne s’applique pas seulement aux États,
mais également aux particuliers. Ces-derniers peuvent donc s’en prévaloir devant les
juridictions nationales pour faire valoir leurs droits. Les particuliers deviennent alors des
instruments de défense de l’ordre juridique de l’Union européenne. L’effet direct se
retrouve également un avis de la CJCE 1/17, 2019, CETA.
Pour cela, 3 critères doivent être déterminés pour prouver qu’une norme est dotée de
l’effet direct :
La réunion de ces trois critères permet dès lors d’accorder le caractère d’effet direct à
une norme européenne. Cet effet direct permettra alors à cette même norme
européenne de se substituer à la norme nationale contraire à cette dernière.
Il faut également distinguer l’effet direct vertical de l’effet direct horizontal. L’effet direct
vertical est toujours possible dans un sens ascendant, c’est-à-dire entre particulier
contre les pouvoirs publics. En revanche, l’effet direct horizontal (entre particuliers) ne
fonctionne pas vraiment, et notamment pour les directives. Effectivement, il n’est pas
possible d’invoquer l’effet direct d’une directive entre particuliers.
Pour prouver qu’une norme est d’effet direct, il faut remplir les trois conditions vues
précédemment. L’effet direct des traités est souvent horizontal et vertical, mais il n’est
parfois que vertical, puisque les destinataires des normes européennes sont d’abord les
États. Ici, il en convient d’aborder l’interdiction des droits de douane ou de taxes d’effet
équivalent, qui en ce qu’elles concernent directement les États membres, ne pourront
pas être invoquées par les particuliers.
Mais d’autres normes conventionnelles sont dépourvues d’effet direct, pour la simple
raison qu’elles n’attribuent pas de droits aux particuliers. Ici, il faut par exemple citer les
normes institutionnelles.
2. L’effet direct du droit dérivé: le cas des directives
Une règle directement applicable veut dire que les effets sont complets et ne
nécessitent pas de transpositions. Les règlements sont donc tous réputés d’effet direct
car ils sont directement applicables. Pour autant, les directives ne sont quant à elles pas
nécessairement complètes. C’est pour cela que la Cour de justice estime dans ce genre
de situations, avant l’écoulement du délai de transposition d’une directive, celle-ci ne
peut pas être d’effet direct. Ce n’est qu’une fois que ce délai est épuisé que l’on peut
considérer que la directive invoquée est d’effet direct, malgré qu’il faudra toujours
prouver qu’elle est précise, claire et inconditionnelle.
En ce qui concerne la position du juge français, depuis 2009, le Conseil d’État dans
l’affaire Perreux abandonne la jurisprudence Cohn-Bendit et consacre aussi pour la
première fois l’effet direct des directives de l’Union européenne