Chapitre 6

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Chapitre 4

L’ordonnancement juridique de l’Union européenne

Premièrement, il en convient d’aborder la notion d’ordre juridique. Celle-ci est très


diverse, mais peut s’illustrer par Santi Romano qui expose l’idée de relevance. Selon lui,
tout ce qui touche l’ordre juridique est l’ordre juridique. Cette définition très vaste peut
aussi être abordée de manière plus classique : l’ordre juridique est un système qui
organise la production et la mise en œuvre de normes de façon organisée et
cohérente.

Les conséquences d’un tel ordre juridique sont notamment :

● Principalement une hiérarchie des normes, même si elle n’est pas toujours
présente
● Une autonomie dans la création et la mise en œuvre des normes

Du point de vue de l’Union, trois questions peuvent se poser :

L’ordre juridique de l’UE existe-t-il ? (Section préliminaire)


Quelles sources de l’ordre juridique de l’UE? (Section 1)
Quelle effectivité de l’ordre juridique de l’UE? (Section 2)

Section préliminaire
L’ordre juridique européen

L’Union européenne poursuit un ordre autonome distinct de l’ordre juridique national et


du droit interne des États-membres. Mais cette vision n’est-elle pas trop idéologique ?
Aujourd’hui, cette idée semble être pourtant le reflet d’une réalité

I. L’affirmation d’un ordre juridique européen

Cette affirmation reste ici aussi, liée à la nature juridique de l’Union. Considérer que
l’Union est un ordre juridique autonome suppose de la délier du droit international et du
statut de simple organisation internationale

A. Une affirmation jurisprudentielle européenne


A. Une affirmation jurisprudentielle européenne

Cette affirmation résulte de l’arrêt de la CJCE, 1964, Costa c/ ENEL :

« À la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE a


institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres
lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leurs juridictions (...) En
instituant une Communauté de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la
personnalité, de la capacité juridique, d'une capacité de représentation
internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d'une limitation de
compétence ou d'un transfert d'attributions des États à la Communauté, ceux-ci
ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et créé
ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes ».

D’après la Cour, l’Union européenne bénéficie d’un ordre juridique propre, c’est dans ce
sens qu’il doit être considéré comme autonome et qu’il ne dépend ni des ordres juridique
nationaux, ni de l’ordre juridique international. Même si ici, la Cour retient dans cette
affaire une conception un peu militante du droit de l’Union en exposant des critères qui
se rapprochent concrètement de ceux que présentent les organisations internationales.
Cette solution peut être appuyée par un nouvel arrêt de la CJCE, 1963, Van Gend en
Loos.

Pendant longtemps, tel était l’état du droit, mais plusieurs nouveaux critères
apparaitront ensuite. Dans de futurs arrêts, la Cour relèvera que l’Union européenne est
une Communauté de droit, qui peut s’approprier des préceptes de l’État de droit. Les
traités sont aussi qualifiés de Charte constitutionnelle : ceux-ci ne se reflètent pas
seulement dans un ordre juridique simple, mais au sein d’un ordre juridique particulier,
qui a une nature constitutionnelle. Cette dynamique constitutionnelle dispose de
multiples incidences sur la vie sociale, juridique et constitutionnelle nationale.

Le renouveau dans cette conception constitutionnaliste se produira en plusieurs étapes :

● Dans les années 2010, avec un avis de la CJUE, 2/13, 2013, Adhésion à la
CEDH. Depuis cet avis, l’Union européenne dispose d’un ordre juridique d’un
genre nouveau, ayant une nature qui lui est spécifique, un cadre
constitutionnel et des principes fondateurs propres.

● Cette décision sera réitérée dans un avis de 2019 ou l’autonomie face aux deux
ordres juridiques préexistant à l’Union sera affirmée (CJCE, Avis 1/17, 2019,
CETA).
● En 2022, dans un arrêt de la CJUE datant du 16 février - Hongrie et Pologne
c/Parlement européen et Conseil celle-ci affirme de nouveau « l’identité
même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun ». Même si la Cour
n’emploie pas le terme de cadre constitutionnel et d’ordre juridique spécifique,
sa formulation expose l’idée d’un pouvoir public commun qui rattache l’Union à
ses États-membres.

Toutes ces affaires démontrent que l’ordre constitutionnel de l’Union n’est pas
simplement un ordre juridique formel, il est un véritablement groupement d’institutions et
de valeurs qualifié depuis 2022 de véritable identité. Pour autant, cette vision n’a pas
directement été partagée par les États-membres.

B. Un accueil partiel dans les ordres juridiques nationaux

Ces jurisprudences ont reçu un accueil plutôt froid par les ordres juridiques nationaux,
qui admettaient difficilement d’admettre la position imposante de la CJUE contre les
cours constitutionnelles nationales qui ont elles-mêmes étés crées par les Constitutions
nationales. Mais malgré tout, les choses ont évolués :

1. Les clauses européennes dans les constitutions nationales

Petit à petit, les normes internes intégreront l’idée d’appartenance à l’Union européenne,
comme l’illustre l’article 88-1 de la Constitution française :

« La République participe aux Communautés européennes et à l'Union


européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui
les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences »

Malgré que cet article reste un peu léger et peu ambitieux, il démontre surtout que les
États restent maîtres de leurs compétences et de leur souveraineté. Aucune référence
n’est réalisée à la dynamique de l’intégration européenne, les seules obligations qui
découlent de cet article sont l’obligation de transposer les directives et la mise en oeuvre
des règlements

2. La position des juridictions constitutionnelles nationales

Cependant, les choses ont évoluées par la positon des juridictions constitutionnelles
nationales, puisqu’elles ont été chargées d’interpréter ces dispositions. Celles-ci
tendaient dans un premier temps à assimiler l’Union à n’importe quelle autre organisation
internationale :

● Cour constit. Allemande, 30 juin 2009 : l’Union européenne est une union
d'États fondée sur le droit international. Les États membres restent souverains
comme le souligne notamment le droit de retrait qui leur est reconnu
● Conseil constitutionnel, 9 avril 1992, Maastricht + 31 décembre 1997,
Amsterdam : qui décrit l’Union comme « une organisation internationale
permanente dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de
décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États
membres »
● Conseil constitutionnel, 19 novembre 2004 : la France peut « participer à la
création et au développement d'une organisation européenne permanente
dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet
de transferts de compétences consentis par les États membres »

L’évolution se produira en plusieurs temps :

● Conseil constitutionnel, 2004, TECE ou il reconnaît « l'existence d'un ordre


juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre
juridique international ».
● Cette affirmation sera reprise dans une décision de 2007, Traité de Lisbonne
● Tout comme en 2012 concernant le Pacte budgétaire européen et en 2019 pour
le Accord économique et commercial global (CETA)

Mais ce n’est pas vraiment la même chose pour la Cour constitutionnelle allemande, qui
reste, de ce point de vue, très nationaliste. Dans son arrêt sur le traité de Lisbonne, elle
évoque en 2009 :

La Constitution allemande poursuit une ouverture de l’ordre étatique à la


coopération pacifique entre les nations et à l’intégration européenne. Ni
l’intégration entre États égaux au sein de l’Union européennes, ni la participation à
des systèmes collectifs de maintien de la paix comme les Nations Unies ne
constituent une soumission à des pouvoirs étrangers. Il s’agit plutôt d’un
engagement libre, mutuel et égal, qui maintient la paix et renforce les marges de
manœuvre politiques par la voie d’actions communes concertées.

De cet extrait, on peut remarquer que la Cour constitutionnelle allemande place sur le
même plan l’Union européenne et les Nations Unies, démontrant qu’elle considère
l’Union comme une organisation internationale. Dans cette décision, elle rappelle par
ailleurs le fait que les États membres restent maîtres des traités, etmême si elle fait
référence au « peuple d’Europe », ce n’est pas dans le sens de citoyen européen, mais
plutôt en tant qu’habitant dans un État constitutionnel européen.
Section 1
Les sources de l’ordre juridique européen

Les sources du droit sont très variées. Nous les verrons partiellement :

§ 1– Le droit primaire
§ 2– Le droit dérivé
§ 3– Le droit non écrit : les principes généraux
§ 4– Les accords internationaux (non traité)

I. Le droit primaire

Premièrement, les traités ne représentent qu’une partie du droit primaire. Ce droit


primaire correspond à, d’après la décision de la Cour de Justice de l’Union
européenne, 1986, Les Verts une « charte constitutionnelle d’une communauté de
droit »

A. L’identification du droit primaire

1. Les traités constitutifs

Les traités constitutifs sont nombreux :

● La CECA, disparue en 2002


● Le traité instituant la CEEA (Euratom)
● Le traité sur l’Union européenne (tel que modifié par le Traité de Lisbonne)
● Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ex TCE)

À cela, il faut ajouter les protocoles additionnels, qui disposent de la même valeur
que les traités :

● Protocole sur le statut de la Cour de justice


● Protocole sur le rôle des Parlements nationaux dans l’Union européenne
● Protocole sur les positions du R.U., du Danemark ou de l’Irlande

Par ailleurs, certaines déclarations peuvent être adossées aux traités, mais ne disposent
pas d’une portée conventionnelle. Ces déclarations sont de simples guides interprétatifs
des traités.

2. La Charte des droits fondamentaux

Cette charte a valeur de traité et a été crée suite au développement de la CJCE

3. La question des traités complémentaires

Ces traités sont conclus hors de l’UE, soit entre États membres ou parfois avec des
États tiers sans pour autant que l’Union ne s’en mêle. Ces derniers sont habituellement
réalisés pour renforcer ou faciliter l’intégration européenne et ces accords sont censés
être temporaires

Par exemple :

● Schengen
● Le Pacte budgétaire (TSCG)

B. Le statut du droit primaire

Si l’on devait faire une synthèse, voici ce que l’on dirait :

● Les traités et le droit dérivé : les traités sont supérieurs au droit dérivé. En
témoigne l’existence des différentes voies de recours permettant de
sanctionner la violation des traités par les institutions tels que le recours en
annulation, le recours en carence contre les institutions qui n’adopteraient pas
les actes prévus par les traités, ou encore le renvoi préjudiciel en appréciation
de validité. Cette question préjudicielle permet ainsi au juge national de
demander la validité d’une règle de droit dérivé par rapport au droit primaire

● Les traités et les accords conclus par l’Union : les traités européens sont
également supérieurs aux accords conclus par l’Union. Un avis conforme de la
CJUE peut par ailleurs être délivré à ce sujet, et la Cour de justice s’est aussi
reconnue compétente pour connaître d’un recours en annulation, non pas sur
l’accord mais sur la décision de conclure l’accord. Les actes adoptés par les
institutions européennes en vue de l’exécution des accords internationaux sont
également susceptibles de recours
II.Le droit dérivé

L’article 288 TFUE expose le droit dérivé, on parle ici de nomenclature des actes :

Article 288 du TFUE : Pour exercer les compétences de l'Union, les institutions
adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et
des avis.

● Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments
et il est directement applicable dans tout État membre.
● La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre,
tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et
aux moyens.
● La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des
destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci.
● Les recommandations et les avis ne lient pas.

Ici, il en conviendra surtout de traiter des règlements et des directives.

A. Le règlement

Article 288 TFUE: « Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans
tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre »

1. La diversité des règlements

Même si il existe le seul terme de règlement, il en existe une diversité. Déjà pendant
longtemps, il existait un règlement de base et un règlement d’exécution. Cette division
permettait à la Commission d’adopter seule un règlement d’exécution dont la seule
finalité était de mettre en œuvre certaines clauses du règlement de base.

Avec le traité de Lisbonne, cette distinction est reprise et refonte avec la distinction entre
actes législatifs et non législatifs (art. 297 TFUE). Les règlements, directives, décisions,
peuvent être à la fois des actes législatifs et des actes non-législatifs. Mais à côté de
ceux-ci, il faut aussi distinguer les actes délégués et d’exécution :

● L’acte d’exécution permet de mettre en œuvre, de manière classique


● L’acte délégué est possible d’être exercé par à la Commission, que si et
seulement si elle y a été habilitée par le règlement de base et s’il s’agit de
modifier ou de compléter les éléments non-essentiels de ce dernier.

Par exemple, le règlement ci-dessous est un règlement délégué datant de 2021. Il vient
notamment modifier la liste des biens à double-usage. Ces biens peuvent servir à la fois
pour les civils ou bien pour les militaires. Dans ce règlement, le Parlement européen et le
Conseil ont donné une habilitation à la Commission pour qu’elle puisse modifier cette
liste sans passer par la procédure législative ordinaire, mais par un acte délégué.

2. Les caractéristiques des règlements

Article 288 TFUE: « Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans
tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre »

L’article 288 du TFUE expose certaines de ces caractéristiques :


● Le règlement dispose d’une portée générale est abstraite, à la manière de la loi
en droit interne. Malgré tout, certains actes peuvent avoir une portée spéciale,
mais ceux-ci restent limités et se distinguent par la manière dont ils sont
formulés.

● Le règlement est obligatoire dans tous ses éléments, aucune transposition n’est
possible. Ils peuvent être d’ailleurs très détaillés

● Le règlement est directement applicable dans tous les États membres et y sont
obligatoires. D’ailleurs, il viennent généralement créer des droits et obligations
de manière directe, caractéristique leur permettant de disposer d’un effet direct
à l’égard des États et des particuliers. Cet effet direct permet dès lors aux
particuliers d’invoquer un règlement, non seulement envers un particulier, mais
également contre un État.

Cette caractéristique a par ailleurs été rappelée dans un arrêt de la CJUE, 2017, MS c/
PS, aff. C-283/16. Ainsi, le règlement est directement applicable dans tous ses
éléments, n’a pas besoin d’être transposé et par lui-même, si jamais le juge estime
qu’une règle de droit national est contraire à ce règlement, alors il devra écarter cette
même règle contraire.

B. La directive

Article 288 TFUE: « La directive lie tout État membre destinataire quant au
résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant
à la forme et aux moyens ».

À la différence des règlements, la directive peut viser certains destinataires. Mais


désormais, on remarque que les plupart sont générales et impersonnelles, celles-ci se
rapprochent donc des règlements. D’après cet article, on remarque que la directive
dispose de plusieurs caractéristiques :

● Elle est obligatoire, mais elle laisse les États membres libres quant aux moyens
à mettre en œuvre. Elle fixe donc simplement une obligation de résultat.

● Les objectifs de la directive doivent être nécessairement transposés

En pratique, la directive est devenue l’instrument le plus courant de la législation


européenne. Ces dernières sont de plus en plus détaillées, ce qui inquiète quelque peu
les autorités nationales qui accusaient l’Union de rédiger la finalité de ces directives,
sans laisser de grande marge de manoeuvre aux États.

Pour autant, cette donne reste contraire au principe de subsidiarité, c’est pour cela que
l’Union essaye désormais de laisser une plus grande marge de manoeuvre aux États.
Pour que la directive soit fonctionnelle, elle doit être une expression du principe de
subsidiarité. Cette transposition se réalisera en France par une loi, si jamais la question
ne relève pas du domaine de l’article 34 de la Constitution.

L’obligation de transposition a pour fonction de modifier le droit national pour que celui-
ci soit conforme aux objectifs de la directive, en laissant une marge de manoeuvre pour
le reste aux États. Elle ne doit pas se confondre avec les traités internationaux, qui
doivent être quant à eux réceptionnés et appliqués pour faire foi dans l’État. L’obligation
de transposition suppose que :

● Les États ont pour obligation d’abroger les dispositions nationales contraires
● Tout comme l’obligation d’intégrer les nouvelles dispositions. Et ne doivent pas
faire de mauvaise transposition

Malgré tout, la liberté d’action des États dans la transposition de la directive reste une
liberté encadrée par des modalités de transposition. Effectivement, les États doivent
respecter le principe d’effectivité et d’équivalence du droit de l’Union. L’idée est ici que
les États doivent réellement changer leur droit pour transposer une directive si jamais il
n’est pas conforme, de simples pratiques administratives ne suffisent pas (CJCE, 1985
Commission c/Allemagne)

Le délai de transposition

Ce délai est impératif et est variable en fonction de la complexité de la directive, il


suppose plusieurs caractères :

La directive doit d’abord être transposée dans les délais. Celui-ci est généralement situé
entre 6 mois et deux ans et si la directive n’est pas appliquée durant ce temps, alors
l’État viole le droit de l’Union. Cette caractéristique a été relevée dans une affaire CJCE,
1979, Ratti :

« qu'en conséquence l'État membre qui n'a pas pris, dans les délais, les
mesures d'exécution imposées par la directive, ne peut opposer aux particuliers le
non-accomplissement, par lui-même, des obligations qu'elle comporte »

Selon cet arrêt, lorsque l’État ne transpose pas une directive dans le délai imparti, alors
le particulier pourra se prévaloir de la directive non transposée, si celle-ci dispose d’un
caractère clair, précis et inconditionnel. Cette possibilité est une forme de sanction
pour l’État, puisque même du fait de sa non-transposition, la directive pourra être
opposée à ce dernier.

À côté de cela une autre affaire CJCE, 1997, Inter-environnement Wallonie révèle le
cas ou une législation nationale, avant la fin du délai de transposition, a pris des
dispositions de nature à compromettre sérieusement les résultats prescrits par la
directive. Dans cet arrêt, la Cour de justice évoquera qu’un particulier peut tout de même
invoquer une directive, dans ce cas la, même avant la fin du temps de transposition et
ainsi, sans disposer d’effet direct puisque celui-ci ne s’obtient qu’à la fin du délai de
transposition pour les directives.

III. Le droit non écrit : les principes généraux

A. La catégorie juridique des principes généraux

Ces principes généraux du droit (PGD) sont inspirés des PGD du droit administratif : ils
sont non écrits, dégagés par le juge et font partie du droit UE. L’une des catégorie
essentielle des PDG se rapporte aux droits fondamentaux. Pour autant, une difficulté est
présente suite à la prise de conscience de la dévolution des compétences à l’Union, qui
n’a pas entraîné de compétences de contrôle du respect des droits fondamentaux par la
Cour de justice.

Cour constitutionnelle allemande, 1974, So Lange : pouvoir de censurer les actes


de droit dérivé « tant qu’ il n’y aurait pas de protection adéquate des droits
fondamentaux au niveau de l’Union européenne » Cet arrêt permet à la Cour
constitutionnelle allemande d’affirmer que tant que l’Union ne garantissait pas la
protection des droits fondamentaux aussi bien que la Constitution allemande, elle
se réservait le droit de contrôler le droit de l’Union par rapport à sa Constitution et
ses droits fondamentaux.

Dans un même mouvement, la Cour constitutionnelle italienne développe la théorie dite


des « contre-limites », qui lui permet de se réserver le droit de contrôler la conformité
du droit de l’Union face à ses propres règles constitutionnelles et à ses droits
fondamentaux.

Pour répondre à ces vagues, la CJCE dans un arrêt Internationale Handelsgesellschaft


du 17 décembre 1970 évoque que les droits fondamentaux font partie des PGD. À partir
de là, la CJCE a développé toute une série de jurisprudence protectrice des droits
fondamentaux qu’elle va ériger en tant que PGD. Elle va notamment les créer en
s’inspirant de deux sources :

● De la CEDH
● Des traditions constitutionnelles communes des États membres

C’est dans ce sens que les Cours constitutionnelles reconnaîtront que l’Union garantit de
manière efficace les droits fondamentaux et se rangeront à son interprétation.

B. La concurrence des principes généraux par la Charte des droits fondamentaux

Cette Charte prévue en 2000 dispose d’une valeur égale à celle des traités comme
l’affirme le traité de Lisbonne :

« L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte
des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, telle
qu'adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique
que les traités »

Cette charte qui énonce une liste garantie de droit fondamentaux, doit pour autant
s’articuler avec la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH). La liste des
droits entre ces deux textes ne sont pas exactement les mêmes, et la Charte des droits
fondamentaux peut s’inscrire dans un courant plus récent puisqu’elle contient
notamment des questions relatives à la protection de l’environnement, l’accès aux SIEG
ou encore à la propriété intellectuelle.

● Le contenu des droits

Préambule: « il est nécessaire, en les rendant plus visibles dans une Charte, de
renforcer la protection des droits fondamentaux à la lumière de l'évolution de la
société, du progrès social et des développements scientifiques et technologiques
»

Les droits énoncés par la Charte ne supposent pas la volonté de créer de nouveaux
droits. Ces droits relèvent seulement des traditions constitutionnelles ainsi que de la
CEDH. Six titres sont présents dans la Charte et déclarent chacun des droits
fondamentaux. Pour autant, cette charte distingue aussi entre les droits et les principes,
droits qui peuvent seuls être invocables
Section 2
L’effectivité de l’ordre juridique européen

Trois mécanismes garantissent cette effectivité :

● Le principe d’immédiateté
● Le principe de primauté
● Le principe d’invocabilité

I. L’immédiateté

L’ensemble du droit de l’Union européen est immédiatement applicable dans les ordres
juridiques internes. Ainsi, tout le droit de l’Union existe dans les ordres nationaux, il est
donc théoriquement applicable. Il n’y a donc pas besoin de réceptionner le droit dérivé
pour que celui-ci produise ses effets, il existe dans les États dès son entrée en vigueur.

II. La primauté

C’est n’est pas une nouveauté en droit de l’UE, celui-ci prime sur le droit national. Le
droit de primauté d’une règle internationale n’est effectivement pas nouveau. Pour
autant, ce principe enrichi est, dans le cadre de l’Union, un principe cardinal et
existentiel. Malgré tout, ce principe ne dispose pas de référence dans les traités, excepté
dans une déclaration n°17 relative à la primauté.

Au fond, le principe de primauté est un conflit de normes qui vise à déterminer laquelle
prime sur l’autre. Pour autant, cet aspect n’a aucune incidence sur la validité, ni sur la
hiérarchie des normes. Effectivement, une norme nationale contraire à norme
européenne ne sera pas abrogée, mais seulement écartée de l’affaire en question. Cet
aspect a d’ailleurs entraîné un net désaccord entre la Cour de justice et les juridictions
nationales

A. La primauté selon la Cour de justice

1. Un fondement autonome
La Cour de justice considère la primauté du droit de l’Union comme
inhérente à la nature de ce droit, comme le démontre l’affaire Costa c/ ENEL (1964) ce
droit est ici considéré comme autonome et distinct de celui des États membres :

« À la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C.E.E a institué


un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres lors de
l’entrée en vigueur du traité et qui s’impose à leurs juridictions ». À propos de
l’intégration immédiate du droit communautaire au sein des droits internes.

Dès lors qu’« issu d’une source juridique autonome, le droit né du traité ne pourrait
donc se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son
caractère communautaire, et sans que soit mise en cause la base juridique de la
Communauté elle-même ». À propos de l’autonomie et de la nécessaire uniformité
du droit communautaire

Ainsi, la primauté est donc autonome et ne repose pas sur les ordres juridiques
nationaux. Elle repose sur l’ensemble du droit de l’Union, à l’égard de l’ensemble des
droits nationaux et doit être assurée par l’ensemble des juges nationaux. Cette primauté
est la conséquence juridique de l’unité et de l’identité européenne.

2. Une portée absolue

La portée de ce principe est absolue :

● Costa c/ ENEL, 1964 : à propos de la primauté des traités sur la loi postérieure
contraire
● CJCE, 1970, Internationale Handelsgesellschaft, qui révèle la primauté des
règlements sur la Constitution nationale.
● CJCE,7 juillet 1981, Rewe : la primauté est aussi portée devant les directives.
Les justiciables ne peuvent pas se voir opposer par les autorités nationales des
dispositions non conformes à des obligations inconditionnelles et suffisamment
précises des directives
● CJCE, 1991, Stephen Grogan à propos de la primauté des principes généraux
du droit

Ce principe de primauté s’impose d’ailleurs à toutes les autorités nationales :


● Aux autorités législatives: Cf. CJCE, 1978, Simmenthal
● Aux autorités réglementaires, puisque les administrations nationales doivent
abroger les règlements contraires au droit de l’Union et ne doivent pas
appliquer les lois contraires au droit de l’Union.
● Aux juridictions nationales, puisque le juge national a l’obligation d’écarter toute
loi contraire à une norme communautaire, qu’elle lui soit antérieure ou
postérieure. Le juge national doit également donner une interprétation en
conformité des dispositions du droit de l’Union.

B. La primauté telle qu’appliquée par les juridictions internes

La vision des États membres reste distincte de celle de la Cour de justice. Les
juridictions nationales étaient auparavant très réticentes et souhaitent garantir la défense
de la loi nationale au nom de la démocratie. Malgré tout, avec l’arrêt Jacques Vabre
rendu par la Cour de cassation en 1975 et l’arrêt du Conseil d’État Nicolo de 1989 le
juge acceptera de reconnaitre la primauté du droit de l’Union sur les lois nationales.

Quant à la Constitution, son caractère suprême lui confère une autorité qui concurrence
le droit de l’Union européenne. Le plus souvent, elle prime sur le droit de l’Union, malgré
la forte contradiction que celle implique avec le droit communautaire.

III. L’invocabilité

A. Les formes d’invocabilité

1. Une invocabilité protéiforme

L’invocabilité permet de s’appuyer sur une norme à l’appui d’une prétention, en


particulier devant un juge. Une norme est alors invocable lorsque l’on peut fonder une
prétention dessus. Mais il existe différentes formes d’invocabilité en fonction des
prétentions que l’on veut réaliser devant le juge :

● L’invocabilité d’interprétation conforme : qui suppose de demander au juge


la conformité d’une norme par rapport au droit de l’Union européenne

● L’invocabilité d’exclusion : il s’agit plus de tirer toutes les conséquences de la


primauté que de faire valoir des droits subjectifs. Ici, le justiciable invoque le
droit de l’Union afin d’écarter une norme nationale qui serait contraire au droit
communautaire

● L’invocabilité de réparation : qui suppose de demander au juge de réparer un


dommage en invoquant le droit de l’Union

● L’invocabilité de substitution : qui suppose de demander au juge national


d’écarter le droit national mais aussi d’appliquer en lieu et à la place du droit
national le droit de l’Union.

L’applicabilité de la norme est d’ailleurs la condition indispensable à son invocabilité.


Pour l’invocabilité d’interprétation conforme et d’exclusion, il suffit que la norme soit
applicable dans l’ordre juridique interne. Mais pour l’invocabilité de substitution, on
retrouve deux situations, il faut non seulement prouver que la norme donne directement
des droits, mais aussi prouver son effet direct

2. L’effet direct

L’effet direct des normes de l’Union européenne résulte d’un arrêt Van Gend en Loos
(1963) dans lequel la Cour de justice évoque pour la première fois cette notion :

« Le droit communautaire, indépendant de la législation des États membres, de


même qu’il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à
engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique »

Cet arrêt suppose que l’ordre juridique européen ne s’applique pas seulement aux États,
mais également aux particuliers. Ces-derniers peuvent donc s’en prévaloir devant les
juridictions nationales pour faire valoir leurs droits. Les particuliers deviennent alors des
instruments de défense de l’ordre juridique de l’Union européenne. L’effet direct se
retrouve également un avis de la CJCE 1/17, 2019, CETA.

Mais comment déterminer l’effet direct d’une norme européenne ?

Pour cela, 3 critères doivent être déterminés pour prouver qu’une norme est dotée de
l’effet direct :

● Une norme claire


● Une norme précise
● Une norme inconditionnelle
● Une norme inconditionnelle

La réunion de ces trois critères permet dès lors d’accorder le caractère d’effet direct à
une norme européenne. Cet effet direct permettra alors à cette même norme
européenne de se substituer à la norme nationale contraire à cette dernière.

Il faut également distinguer l’effet direct vertical de l’effet direct horizontal. L’effet direct
vertical est toujours possible dans un sens ascendant, c’est-à-dire entre particulier
contre les pouvoirs publics. En revanche, l’effet direct horizontal (entre particuliers) ne
fonctionne pas vraiment, et notamment pour les directives. Effectivement, il n’est pas
possible d’invoquer l’effet direct d’une directive entre particuliers.

B. Les normes invocables

Il faut premièrement observer deux choses sur l’invocabilité et la primauté :

● Limiter l’invocabilité permet logiquement de limiter les effets de la primauté.


Moins une norme sera invocable (exemple : par des conditions d’invocabilité
très compliquées) moins les particuliers pourront s’en prévaloir, et logiquement
le principe de primauté s’appliquera à moindre mesure.
● Limiter l’invocabilité permet de limiter la cohérence des ordres juridiques
nationaux et européen. Par exemple une norme française contraire au droit de
l’Union, mais qui est difficilement invocable, sera maintenue dans l’ordre
juridique.

1. L’effet direct du droit primaire

Pour prouver qu’une norme est d’effet direct, il faut remplir les trois conditions vues
précédemment. L’effet direct des traités est souvent horizontal et vertical, mais il n’est
parfois que vertical, puisque les destinataires des normes européennes sont d’abord les
États. Ici, il en convient d’aborder l’interdiction des droits de douane ou de taxes d’effet
équivalent, qui en ce qu’elles concernent directement les États membres, ne pourront
pas être invoquées par les particuliers.

Mais d’autres normes conventionnelles sont dépourvues d’effet direct, pour la simple
raison qu’elles n’attribuent pas de droits aux particuliers. Ici, il faut par exemple citer les
normes institutionnelles.
2. L’effet direct du droit dérivé: le cas des directives

Une règle directement applicable veut dire que les effets sont complets et ne
nécessitent pas de transpositions. Les règlements sont donc tous réputés d’effet direct
car ils sont directement applicables. Pour autant, les directives ne sont quant à elles pas
nécessairement complètes. C’est pour cela que la Cour de justice estime dans ce genre
de situations, avant l’écoulement du délai de transposition d’une directive, celle-ci ne
peut pas être d’effet direct. Ce n’est qu’une fois que ce délai est épuisé que l’on peut
considérer que la directive invoquée est d’effet direct, malgré qu’il faudra toujours
prouver qu’elle est précise, claire et inconditionnelle.

En ce qui concerne la position du juge français, depuis 2009, le Conseil d’État dans
l’affaire Perreux abandonne la jurisprudence Cohn-Bendit et consacre aussi pour la
première fois l’effet direct des directives de l’Union européenne

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