Université Du Québec Montréal: Étude

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

REPENSER L'AGENDA-SETTING À L'ÈRE DES MÉDIAS


SOCIONUMÉRIQUES : ÉTUDE DE CAS SUR TWITTER

MÉMOIRE

PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DE LA MAÎTRISE EN COMMUNICATION

PAR

MA THIEU ARSENAUL T

AVRIL 2015
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques

Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé
le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles
supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006) . Cette autorisation stipule que «conformément à
l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à
l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de
publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour
des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l 'auteur] autorise
l'Université du Québec à Montréal à reproduire , diffuser, prêter, distribuer ou vendre des
copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support
que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une
renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété
intellectuelle. Sauf entente contraire, [l 'auteur] conserve la liberté de diffuser et de
commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
REMERCIEMENTS

Je n' aurai pas pu mener à bien cette maîtrise sans l' apport de personnes
exceptionnelles. D' abord et avant tout, je veux remercier mon directeur de recherche,
André Mondoux, sans qui ce mémoire n' aurait pas cette profondeur. Merci pour les
nombreuses conversations et ton ouverture qui ont servi à rn ' orienter et à me faire
avancer.

Un merci tout spécial aussi à mon ami Nicolas Jourdain, qui a pu m' aider sur le plan
technique sans compter son temps pour réaliser des manœuvres que je n'aurai pas cru
possibles. J'en profite aussi pour remercier tous les amis et amies de la maîtrise que
j ' ai pu côtoyer au J-3805 et qui ont rendu cette maîtrise agréable.

Finalement, un merci sincère à ma famille et ma copine, Lena Hübner, de m' avoir


encouragé dans les moments de stress et de m 'avoir permis d' accomplir cette
maîtrise.
TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX ................. ...... .. .................................. ......................... ........ V


RÉSUMÉ ................................................. ....................... .......................................... .. . VI
INTRODUCTION ......... ........ ...... ......................... ...... .... .. ... .... ...... .. ... ..... ..... .... .. .......... . 1
CHAPITRE I
PROBLÉMATIQUE ........................................ .... .. ................................. ........... ...... ..... 4
1.1 L'émergence des médias socionumériques .......... .... ............................................... 5
1.2 Twitter et la participation ............ ... .. .... .................................. ........................... .... 10
1.3 Le problème en général et la question principale ...................... .. .......................... 13
CHAPITRE II
CADRE THÉORIQUE .. .............. ...... ... .... .. ......................... ..... ........................ .......... 15
2.1 Les débuts de 1'agenda-setting .... .......... ................ ... .... ......................................... 16
2.2 La construction de l'agenda médiatique ...................... .. ....................................... 19
2.3 L'évolution de l'agenda-setting: agenda-building, needfor orientation et
1' effet de priming .... ........................................ ... .. .............................................. ... .. 21
2.4 La clé : le gatekeeping et L'ordre du discours ........ ...................... .......... .. ............ 23
2.5 Le gatekeeping et l' agenda-setting à l'ère du journalisme citoyen ...................... 29
2.6 Sous-question de recherche ..... .. ............ ..... ...................... ....... .. ................ ........... :34
CHAPITRE III
MÉTHODOLOGIE ....... ....................... .. ............................. .. .. ............ ....... ........ ......... 39
3.1 La source méthodologique .. ............. ...... ........... ........... ......................................... 39
3.2 La stratégie de recherche retenue : les techniques et les outils ............................. 41
3 .3 Dimensions principales à 1' étude ............ .. ............ ..... ...... ........ ....... ... ..... .............. 44
3 .4 Les étapes de la démarche ..... .............................................................................. .. 4 5
3.5 Crédibilité des résultats et limites de la recherche ............... ................................. 51
CHAPITRE IV
PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS ............................................. 54
lV

4.1 Portrait de #polQC ... ..... ..... .... ...................... .......... ... ... .. ... .. .................... .. ............ 55
4.2 Portrait de #UPAC ................. .................... ...... .. ...... ........... .......... ...... ... .. .. .... ... .... 58
4.3 Portrait de #CEIC ......... .. ........ ................. ... .. .......... ... .... .............. .......................... 62
4.4 Portrait de #Normandeau ....... ... ... ....... .. .. ... .. ............ ............ .... .... .......... ... .... ........ 65
4.5 Portrait de #budget2014 ........................................... ..... ........................................ 69
4.6 Portrait de #Orsainville .... .............. ... ............................................................. .. ..... 72
4.7 Consolidation et analyse des résultats ... ....... ...... .............................................. ..... 75
CHAPITRE V
DISCUSSION DES RÉ SUL TA TS .................................................. .... .... ...... .. .. ...... ... 83
5.1 Le gatekeeping à l' ère de Twitter. .... ........ .................. ....... .... ............ .............. ...... 84
5.2 Les effets de l'agenda-setting sur Twitter ............................................................ 87
5.3 Twitter, entre liberté et régulation .. ...... .......................... .. .... .. .... ............ ...... ...... ... 92
CONCLUSION .................................................. ................................ ..................... .. .. 95
LEXIQUE ............................................... ........ ......... .. .. .. .. ..... .... .. ........ ........ ... ..... ...... 104
LISTE DES TABLEAUX

Tableau Page
4.1 Utilisateurs-vecteurs de #polQC ........................... ................... ... .... ....... ........ 56
4.2 Noms de domaine de #polQC .... .. .......................... .. ... ............. .. ........ ............ 57
4.3 Utilisateurs-vecteurs de #UPAC .............. .......... ......................................... ... 59
4.4 Noms de domaine de #UPAC .................... .. .................................................. 60
4.5 Utilisateurs-vecteurs de #CEIC ...................................................................... 62
4.6 Noms de domaine de #CEIC .................. .... ...................... .. ....... .................... . 63
4.7 Utilisateurs-vecteurs de #Normandeau ... .. ... ......... ..................... ......... ... ........ 66
4.8 Noms de domaine de #Normandeau ........................................................ .... .. 67
4.9 Utilisateurs-vecteurs de #budget2014 ..... ... .. .. ................ ................... ............. 70
4.1 0 Noms de domaine de #budget2014 ...... ............................. ...... .. .................... . 71
4.11 Utilisateurs-vecteurs de #Orsainville .............. ....... .. ... .. ...................... .... ....... 73
4.12 Noms de domaine de #Orsainville ...... ...... .......... ........................................... 74
4.13 Portrait général des utilisateurs-vecteurs des cas étudiés ........ .... ........ ... ....... 77
4.14 Portrait général des contenus des tweets ............................ ....................... ..... 78
4.15 Portrait général des noms de domaine des cas étudiés .................................. 79
4.1 6 Types de contenu des cas étudiés ................................................................... 81
4.17 Utilisation de mots-clics additionnels .. .... ..................................................... . 82
RÉSUMÉ

Ce mémoire s'intéresse aux nouveaux rapports d' influence introduits par les médias
socionumériques, en particulier Twitter, par la réévaluation de la théorie de 1'agenda-
setting de McCombs et Shaw, conceptualisé au tournant des années 1970. Les aspects
ouverts et accessibles de Twitter représentent la possibilité d'une plus grande
visibilité pour des sujets peu ou pas couverts par les médias de masse. Nous
proposons d' une part de s' interroger sur la pertinence de la théorie pour éclairer les
rapports de pouvoir actuels et d' autre part nous cherchons à savoir s' il existe de
nouveaux rapports d' influence en matière d'agenda-s etting liés aux règles de
fonctionnement et aux pratiques au sein des médias socionumériques. La clé pour
comprendre les enjeux est d' étudier l'évolution du gatekeeping, à savoir qui contrôle
l' infonnation et comment les pratiques se transforment.

Pour comprendre le phénomène, nous nous intéressons aux mots-clics (hashtags) sur
Twitter, qui sont ici conceptualisés comme des sujets d'actualité au sens de l'agenda-
setting. Une étude de cas de six mots-clics traitant de l' actualité sociopolitique
québécoise francophone, incluant une observation participante périphérique et une
analyse de contenu, permet d' évaluer les acteurs, le type de contenu et les sources
d' information utilisées dans les publications. Les milliers de tweets observés et
analysés de façon quantitative et qualitative sont extraits des mots-clics suivant :
#polQC, #CEIC, #UPAC, #budget2014, #Normandeau et #Orsainville.

Ce qui ressort de cette étude est d'abord la complexité du phénomène, mais aussi les
nuances que nous devons apporter devant l' aspect révolutionnaire des médias
socionumériques. Les acteurs du gatekeeping changent, car plus de citoyens ont la
possibilité de créer et de partager du contenu, en s' inspirant à même les sources
d' information brute. Toutefois, notre recherche démontre la prégnance qu' occupent
les médias de masse même sur Twitter, reconduisant en partie les rapports d' influence
et les effets d'agenda-s etting qui existent hors ligne.

Mots-clés : agenda-setting, gatekeeping, Twitter, médias socionumériques, mot-clic


(hashtag) .
INTRODUCTION

Le nouveau contexte des médias socionumériques remet en question des paradigmes


en matière d' information, principalement à cause de l' essor des nouveaux rapports
communicationnels bidirectionnels qui s' installent progressivement. Ces nouveaux
rapports semblent redistribuer des pouvoirs d'influence qui auparavant étaient
réservés aux acteurs des médias de masse. Des observateurs de la scène médiatique
ont tôt fait d' y voir un potentiel et de s' emballer sur la place que pourraient prendre
les médias socionumériques dans l' émancipation des individus. Par contre, une
analyse plus large de la situation nous permet d'émettre quelques réserves. Pour
comprendre les réticences, nous choisissons de nous référer à L 'ordre du discours de
Michel Foucault (1971). Selon cette approche, les rapports de pouvoir sont imbriqués
dans les structures composées d'un ensemble de règles et de dispositifs qui
reconduisent les pouvoirs dans les institutions. Ce que nous anticipons avec les
médias socionumériques est la reconduction des rapports de pouvoir de la sphère des
médias traditionnels.

Pour bien saisir la problématique, nous proposons la réévaluation d'une théorie qui
sert depuis les années 1970 à étudier l' influence des médias de masse : la théorie de
l' agenda-setting conceptualisée par McCombs et Shaw lors de la publication de
1' article « The agenda-setting function of mass media » (1972). Cette théorie a
rapidement fait sa place dans le champ des études en communication et en politique
pour expliquer et mesurer les effets des médias de masse par rapport aux différents
enjeux sociopolitiques sur l' agenda public, en plus de s' associer à divers concepts et
théories connexes. L ' agenda-setting repose sur le principe de la construction d' un
agenda médiatique qui agit presque à sens unique en influençant par la suite d' autres
2

agendas selon divers facteurs. L' ensemble de règles et de structures sur lequel son
fonctionnement s'appuie rappelle les rapports de pouvoir foucaldiens, où les
institutions, les médias de masse dans notre cas, tirent parti de ces règles et structures
pour renouveler leur influence. En ce sens, les principes de base doivent être
reconsidérés étant donné les nouvelles possibilités des médias socionumériques, qui
permettent à leurs utilisateurs de défier ces rapports en créant et en partageant du
contenu sans barrière apparente.

Le réseau Twitter, lancé en 2006, incarne parfaitement l'essor des médias


socionumériques et représente 1'espoir d' une visibilité accrue pour des sujets peu
traités par les médias de masse.

Nous proposons ainsi d' évaluer les liens entre l'agenda-setting et Twitter par une
étude de cas de six mots-clics (hashtags). Notre mémoire tentera d' apporter une
perspective concrète à propos des rapports d' influence sur Twitter grâce à un
repérage objectif de mots-clics traitant de l' actualité sociopolitique québécoise
francophone par une observation participante périphérique et grâce à une analyse de
contenu de ceux-ci.

Nous sommes d' avis que de repenser l' agenda-setting en tenant compte de Twitter et
de ses 242 millions d' utilisateurs actifs 1 est essentiel à la compréhension du cycle
médiatique actuel et de 1' essor des médias socionumériques. Cette recherche
permettra également de mieux saisir la circulation et le contrôle de 1' information dans
ce contexte et dressera un portrait plus précis des acteurs-clés et des processus de
mise en visibilité des sujets d' actualité.

Dans un premier temps, nous exposerons notre problématique, qui fait des liens entre
l' émergence des médias socionumériques et les enjeux que cela sous-tend en matière

1
PeerReach, octobre 201 3
3

de contrôle de 1' information. Il sera ensuite question, dans un deuxième temps, de


-
bien expliquer le cadre théorique sur lequel repose ce mémoire, en étalant la théorie
de l' agenda-setting et ses composantes, dont le gatekeeping, concept-clé pour
comprendre l ' évolution de la théorie. Dans un troisième temps, nous ferons part de
notre démarche méthodologique en décrivant chaque étape de notre stratégie de
recherche. Cela nous permettra de recueillir des résultats que nous présenterons et
analyserons dans un quatrième temps. Nous terminerons par une discussion de ces
résultats qui s' ouvrira sur des perspectives plus larges.

Au final, ce mémoire cherche à comprendre le phénomène actuel qu ' est 1' essor des
médias socionumériques dans le paysage médiatique, causant potentiellement un
glissement dans les rapports d'influence. Nous tentons de faire la lumière sur la
situation qui, d' un côté, est perçue comme une révolution dont les résultats
mèneraient à une forme d'émancipation et, de l'autre côté, comme une reproduction
des structures de pouvoir ne conduisant à rien de concret. La théorie de 1' agenda-
setting occupe ici un rôle double, puisque, d' une part, nous souhaitons l' utiliser pour
étudier les enjeux en cours et regarder les rapports de pouvoir et. d' autre part, nous
voulons confronter épistémologiquement cette théorie et la mettre à l' épreuve dans le
contexte actuel.
CHAPITRE I

PROBLÉMATIQUE

Les effets des médias de masse ont depuis longtemps intéressé les chercheurs en
sociologie. D'abord, la recherche béhavioraliste, dès les années 1920, qui applique les
résultats du béhaviorisme de Pavlov aux sciences sociales, s' est penchée sur
l' influence des médias de masse sur les individus (Gingras, 2003 , p. 16) : « le
béhavioralisme s'inscrit dans un contexte de perfectionnement des méthodes en
sciences sociales fondé sur le positivisme » (Ibid.). Dès lors, des chercheurs,
membres de 1'École de Columbia en tête, souhaitent mesurer le contrôle des médias
de masse sur l' opinion publique « décrit comme la théorie des effets de masse, des
effets directs ou encore de la seringue hypodermique » (Ibid.).

Au fi l du temps, d'autres études s' intéressent plutôt à l' influence personnelle comme
l' une des sources principales de formation de l' opinion. C' est Katz et Lazarsfeld
(1955) qui sont le plus souvent cités en exemple, avec, entre autres, leur théorie du
two-step flow of communication : ils mettent en valeur les leaders d' opinion et la
« dynamique de l' influence des médias par l' intermédiaire des relations
interpersonnelles » (Ibid. , p. 17) pour expliquer la formation de l' opinion publique.

En rupture avec ces deux principaux modèles, McCombs et Shaw (1972) ont
conceptualisé une nouvelle façon d' envisager les effets des médias de masse dans la
société par la théorie de 1' agenda-s etting : « the ultimate goal of agenda-setting
theory [is] a comprehensive view of mass communication and public opinion in the
5

life of each community and nation. » (McCombs, 2004, p. 32) Ils attribuent une
inévitable (et non préméditée) influence des médias, mais sortent également de la
perception des journalistes « neutres », du genre « we just report the news about what
is happening in the world » (Ibid. , p. 21). Pour les deux professeurs de la North
Carolina University, l' influence des médias s' identifie par la force qu ' ils exercent sur
l' agenda public grâce à la prépondérance des sujets couverts.

Anne-Marie Gingras résume bien leur théorie : « les médias ne dictent pas la pensée
des gens, croient-ils, mais indiquent les sujets sur lesquels les citoyens et les
citoyennes doivent pouvoir opiner. L ' agenda des médias, c' est-à-dire la liste des
préoccupations socialement ou politiquement importantes, devient l' agenda des
individus » (2003 , p. 20).

Les médias dans cette optique, sans toutefois exercer un rôle d' influence directe,
peuvent réellement contribuer à la formation de l' opinion publique grâce au cadrage
médiatique (jraming) qui indique au public non pas quoi penser, mais plutôt à quoi
penser.

Le courant d ' études des médias a été pensé et élaboré dans w1 contexte où les
quotidiens, la radio et la télévision régnaient en maitres dans la vie des gens.
Cependant, aujourd'hui, la situation semble grandement changée avec l'émergence
des médias socionumériques, nous an1enant à nous interroger sur la pertinence de la
théorie de 1' agenda-s etting. Dans ce premier chapitre, nous proposons donc les bases
de notre questionnement qui serviront à cerner notre problématique.

1.1 L ' émergence des médias socionumériques

L' essor exponentiel des nouvelles technologies au cours des dernières armées, menant
entre autres à la création d' Internet et à son ouverture au grand public, semble
6

remettre en question certaines des pratiques journalistiques et éditoriales. Il en résulte


également des transformations dans les modes de communication, comme le passage
d'une communication de masse (one-ta-many ) vers une communication many-ta-
many (Cardon et Granjon, 2010, p. 82). Ces changements soulèvent alors des
questions quant à la problématisation des théories « traditionnelles » en ces nouveaux
contextes communicationnels.

Manuel Castells en appelle même à un nouveau paradigme intégrant plus


explicitement les technologies de 1' information, qu ' il qualifie de révolution :

My starting-point [ ... ] is that, at the end of the twentieth century, we lived


through one of these rare intervals in history [ . .. ] characterized by the
transformation of our "material culture" by the works of a new technological
paradigm organized around information technologies. (Castells, 2010, p. 28)

Castells y dresse le portrait d' un nouveau mode de communication hérité du courant


cybernétique et décrit maintenant notre monde comme une « société en réseau »
(network society) : un monde interconnecté, où les technologies de l' information
définissent les rapports de communication. Il cible Internet comme une résultante
importante de cette révolution : « The convergence of all these electronic
technologies into the field of interactive communication led to the creation of the
Internet, perhaps the most revolutionary technological medium of the Information
Age » (Ibid., p. 45).

L'une des caractéristiques qu ' il utilise pour présenter ce nouveau paradigme est « the
networking logic of any system or set of relationships using these new information
technologies » (Ibid.). Il insiste aussi sur la plus grande flexibilité permise de même
que sur la convergence croissante de nouvelles technologies en systèmes hautement
intégrés à 1' intérieur desquels les anciennes technologies se fondent. L ' essor des
technologies numériques esquisse donc en ce sens une frontière entre sa possibilité
7

d'émancipation et son pouvoir d' aliénation: « This is because flexibility could be a


liberating force, but also a repressive tendency if the rewriters of rules are al ways the
powers that be » (Ibid., p. 70). Citant Geoffrey Mulgan, « Networks are created not
just to communicate, but also to gain position, to outcommunicate » (Ibid. , p. 71),
Castells met le doigt sur l' un des enjeux principaux de l' émergence des médias
socionumériques : le contrôle et la visibilité de l' information.

José van Dijck insiste aussi sur les changements en cours : « The transformation from
networked communication to "platformed" sociality, and from a participatory culture
to a culture of connectivity, took place in a relatively short time span of ten years »
(Dijck, 2013 , p. 4-5). La Néerlandaise plaide donc pour une culture of connectivity:
« Ali platforms combined constitute what 1 cali the ecosystem of connective media -
a system that nourishes and, in tum, is nourished by social and cultural norms that
simultaneously evolve in our everyday world. » (Ibid. , p. 21)

Cette culture of connectivity représente la façon dont les médias socionurnériques


transforment nos manières de communiquer et de connecter ainsi que la façon qu ' ils
tendent à dessiner une nouvelle économie basée sur les percées technologiques.
L'Internet en ce sens semblerait de plus en plus dominé par des groupes aux intérêts
pécuniaires et aux visées mondiales. Originalement inspiré par la contre-culture pour
être le fruit de productions p eer-ta-peer, Internet a rapidement fait la place au marché
des start-ups en quête de profit : « This "networked public sphere" was fundamentally
different from the existing public and would "emerge alongside" the commercial
mass-media markets » (Ibid. , p. 14). On se demande aujourd 'hui quelle visibilité peut
occuper un discours divergent ou marginal dans un espace, initialement voué à être
alternatif (Ibid., p. 15), mais où « la publicité envahissante sur les réseaux
électroniques renvoie à la promotion du bonheur par la consommation, typique du
système capitaliste » (Gingras, 2006 p. 255). De cette façon, Gingras estime que « la
8

majorité des usages s' inscrivent dans une perspective de consommation ludique et
non dans une perspective politique » (Ibid.).

Dans ce contexte, que l' on envisage les médias socionumériques selon Castells ou
selon Dijck, leur essor n' a rien de négligeable. Ces deux points de vue mettent en
lumière les bouleversements qu 'ils projettent dans les théories de la communication.
En matière d ' agenda-setting, cela pourrait avoir des répercussions dans le paysage
médiatique si nous pensons aux sites Internet qui présentent des nouvelles d' actualité.
À titre d'exemple, déjà, un projet universitaire s' est penché sur le pluralisme de
1' information offert sur Internet. En 2012, le projet français IPRI (Internet :
Pluralisme et redondance de l' information) s'est attardé à évaluer la présence des
médias sur Internet et la diversité de 1' information en recensant et catégorisant
d' abord 209 sites médiatiques français (Marty et al. , 2012). L 'équipe de chercheurs
sous la direction de Frank Rébillard a ainsi réparti les sites dans les quatre catégories
suivantes:

• Médias en ligne : le déploiement de la presse écrite sur la toile


• Sites natifs d' Internet : sites exclusivement sur Internet(« pures players »)
• Blagues : publications individuelles exclusivement sur Internet
• Infomédiaires : regroupement automatisé d'information (ex. : Google
Actualités)

L' équipe a ensuite pu procéder à la collecte de plus de 37 500 articles pendant une
période de 10 jours en mars 2011. Elle a finalement effectué une classification des
articles en sujets d' actualité. Cette étude révèle des faits importants quant au
pluralisme sur Internet. Principalement, elle « met en relief une dichotomie
permanente entre 1' ultra-médiatisation de certains sujets et la dissémination de sujets
peinant à trouver une visibilité en dehors de leurs sources d' origine » (Ibid. , p. 63).
Ainsi, ajoute-t-on, « selon qu' ils s ' inscrivent pleinement dans le courant médiatique
dominant, ou à l' inverse dans une information alternative, ou encore qu' ils soient à
9

l' interface entre mainstream et originalité éditoriale, les sites concourent à dessiner
des territoires informationnels spécifiques. » (Ibid., p. 63)

Les chercheurs en arrivent ainsi à la conclusion qu' Internet permet d' un côté « une
plus-value informationnelle », mais qu ' il participe également à un « re-traitement »
de l' information (Ibid.). L 'espoir d' un espace alternatif que certains allouent à
Internet en est donc quelque peu atténué à la lumière de cette étude, où 1'on estime
qu' on est « bien loin d' une "peaceful market-place of ideas" » et que le web
« constitue une arène où différents acteurs se livrent une compétition pour l' accès à
une tribune médiatique. » (Ibid. , p. 32) Selon ces chercheurs, une tendance semble
alors déjà se dessiner dans l' écosystème médiatique en ligne, ou à tout le moins en
France.

Dès lors, l'émergence des médias socionumériques permet entre autres d' ouvrir de
plus en plus grand une porte vers la participation du public aux contenus médiatiques.
Il y a d' abord une certaine volonté de participer aux débats publics, ce que Couldry,
Livingstone et Markham appellent public engagement, mais qui se traduit dans les
médias socionumériques : « as citizens, we share an orientation to a public world
where matters of shared concern are, or at !east should be, addressed: we cali this
orientation ' public-connection' . » (Couldry, Livingstone et Markham, 2007, p. 3) La
public-connection est principalement soutenue par la convergence des médias
permise par les technologies émergentes, mais n ' est pas nécessairement nouvelle en
SOl:

In any case, technological change is not the only factor, since history, in the
sedimented form of habits of news consumption, remains vital in shaping how
change occurs: so the older habit, for example, of watching TV news bulletins
at a fixed time and having a newspaper delivered to one' s door is not trivial,
even if it is destined to decline, even disappear, in long-term. (Ibid. , p. 19-20)
10

La nouvelle technologie peut, par contre, devenir un catalyseur de cet engagement.


Katz et Ri ce (2002, p. 328) soutiennent en effet que 1'Internet fournit des ressources
favorisant les utilisateurs dans la poursuite de leurs objectifs et intérêts : « the Internet
is gradually playing an increasingly important role in extending and enriching
people' s ability to learn about news and topics of interest to them. » (Ibid., p. 332)
Cet intérêt à chercher de l' information peut également se traduire en un plus grand
engagement civil et communautaire : « Individuals follow their self-interest, which
leads them to interact with others. This interaction leads to the creation of new
information and forms of organization. » (Ibid. , p. 353) Ils expliquent cela
principalement par trois facteurs généraux : « (1) the individual situated in a social-
opportunity structure, (2) the nature of digitalized information, and (3) the network of
networks that has been created and is now known as the Internet. »(Ibid. , p. 343)

En fin de compte, cette utilisation peut même avoir une incidence sur leurs opinions :
« as people use the Internet increasingly as a source for news and information, the
quality of news they find will be more specifie for their interests and will encourage
them to change their policy view. » (Ibid. , p. 335)

1.2 Twitter et la participation

L' engagement sur les médias socionumériques est particulièrement visible avec la
plateforme socionumérique Twitter, grâce à ses fils agrégateurs, ses fonctions de
following et de retweet. Elle provoquerait, du même coup, des changements dans les
pratiques journalistiques et éditoriales. Rappelons-nous le principe de Twitter : les
utilisateurs s' y inscrivent afin de partager de courtes publications (des tweets, en
moins de 140 caractères) à ses abonnés (followers) pour ensuite « suivre » d' autres
utilisateurs et ainsi voir leurs publications dans un fil agrégateur en temps réels. Le
terme microblogging est associé à ce style de publication.
11

Rieder et Smymaios, dans le cadre du projet IPRI, se sont intéressés à cette


plateforme. Ils s' avancent sur le concept d'« infomédiation sociale » pour expliquer
les échanges sur Twitter. Celle-ci :

[I]mplique deux composantes : premièrement des plateformes numériques de


sociabilité, qui doivent remplir les trois conditions d'un SNS ou Social
Networking Site; deuxièmement, des communautés ou des regroupements
ponctuels d' internautes qui désirent partager et commenter des contenus
d' actualité. (Rieder et Smyrnaios, 2012, p. 107-1 08)

En se référant à différents auteurs, Rieder et Smymaios parlent d'« "écosystème


conversationnel" où différents niveaux de discours s' entremêlent et les flux
d' information sont continus » (Ibid., p . 107). De plus, ajoutent-ils, « l'usage de
Twitter se caractérise par un contexte de communication instable (context collapse)
dans lequel les visées communicationnelles et les audiences potentielles se
superposent. » (Ibid .) Cela diffère donc des perceptions de « discussion
interpersonnelle » ou de « diffusion médiatique de masse (broadcast) » auxquelles on
pourrait associer les médias socionumériques.

Selon les chercheurs, cela entrouvrirait ainsi une porte à de nouveaux acteurs qm
poutTaient agir sur le contenu médiatique :

Désormais, la présence massive sur Twitter de personnes et d' organisations


particulièrement intéressées par l' actualité et/ou engagées dans la vie politique
(médias, journalistes, blagueurs, activistes, militants politiques, ONG, etc.),
fait de lui un outil indispensable au système de production des nouvelles en
réseaux. (Ibid. , p. 109)

Les résultats tirés de leur étude concluraient à une augmentation de la diversité des
nouvelles et de leur visibilité : « une partie non négligeable des utilisateurs de Twitter
trouve sur ce réseau socionumérique le moyen de mettre en avant des informations de
12

nature politique délaissées ou même ignorées par les grands médias. » (Ibid. , p. 129)
Car, en effet, selon un rapport de State of the Media en 2012, de plus en plus de
citoyens s' informent grâce aux contenus partagés ou créés par d' autres utilisateurs sur
Twitter ou Facebook : « presque un internaute étatsunien sur dix déclare suivre très
régulièrement les recommandations concernant l' actualité » (Ibid ., p. 110). Même
constat en France, où « 15% des personnes interrogées ont déclaré s' informer sur la
campagne électorale [de 1' élection présidentielle de 20 12] par le biais de ces deux
services » (Ibid. , p. 11 0).

L'utilisation de Twitter ferait désormais partie, selon Alfred Hermida, d ' un


« "journalisme ambiant" dans lequel les citoyens et les journalistes co-produisent des
fragments d' information qui, agrégés par les médias, font l' actualité » (Ibid. , p . 109).
En ce sens, la fonction de retweet - les utilisateurs qui republient des tweets
intéressants de leurs amis - qui contribue à la diffusion des contenus est vite devenue
une fonction populaire et qui génère beaucoup de trafic sur Twitter (Dijck, 2013 ,
p. 71). Cette même fonction peut aussi favoriser l'engagement et la participation à des
conversations diffuses. (Rieder et Smyrnaios, 2012, p. 133) Rieder et Smyrnaios
ajoutent que « ce phénomène peut aboutir à l' élargissement du spectre politique et
d' opinions auquel ces individus sont confrontés », car l' utilisateur se retrouve souvent
exposé indirectement ou « en contact non recherch[é] avec des contenus d ' actualité
qui s' apparente à une forme de sérendipité » (Ibid. , p. 111). Ainsi , selon les
chercheurs, au-delà des échanges individuels au niveau micro, il existerait un niveau
macro qui ressemble à « un agenda thématique construit collectivement et largement
partagé » (Ibid. , p. 133-134).

Toutefois, l' usage de Twitter n' est pas réservé qu ' aux amateurs. Une citation de
Brian Solis est éloquente : « It has even been said that news no longer breaks, it
tweets ». (An et al. , 2011 , p. 1) En effet, les médias de masse et journalistes
professionnels y voient également une tribune sur laquelle ils peuvent gagner
13

davantage de visibilité. An et al. , à la suite d' une étude sur le paysage médiatique sur
Twitter en 2011 , soutiennent cette affirmation : « we identified se veral key changes in
journalistic conventions and cultures taking place in this new world, including active
participation of media joumalists and audience members and increased diversity of
information distributed via social contacts. » (Ibid. , p. 8) Dans cet ordre d' idées,
Rieder et Smymaios parlent aussi de l' utilisation de Twitter par les journalistes :
« dans une enquête universitaire auprès de 667 journalistes britanniques, 70% d ' entre
eux déclarent utiliser Twitter dans leur activité professimmelle quotidienne pour
chercher des sources et des informations et pour promouvoir leur production. »
(Rieder et Smymaios, 2012, p. 11 0)

1.3 Le problème en général et la question principale

L ' émergence des médias socionumériques ravive les questions des limites établies
par les médias de masse et relance les perspectives d 'une plus grande diversité des
sources d' information. Cependant, les quelques recherches, qui peinent à faire la
lumière sur les questions de pluralisme et de contrôle de l' information, réduisent
graduellement les hautes attentes faites envers les « nouveaux médias ». Dans ce
contexte, nous nous interrogeons quant à la pertinence de la théorie de 1' agenda-
setting pour éclairer les rapports de pouvoir d' aujourd' hui et quant à la dominance
des institutions traditionnelles, les médias de masse, sur la mise à l' agenda des
problèmes publics. Cela soulève des questions à savoir si Twitter participe à une
redistribution des rapports d' influence dans la sphère publique ainsi qu ' à une
redéfinition des not~ ons de construction de 1'agenda-s etting ou si, au contraire, il
reproduit les rapports d' influence et en prolonge 1' effet d' agenda-setting. Plus
précisément, ce que nous souhaitons comprendre dans cette étude, ce sont les règles
qui changent avec l' essor de Twitter. En clair, y a-t-il de nouveaux rapports
14

d'influence en matière d' agenda-setting liés aux règles de fonctionnement et aux


pratiques au sein de Twitter?

Dès lors, les questions du pluralisme et du contrôle de l' information refont surface. Si
un agenda médiatique existe toujours et qu ' il parvient encore à infiltrer l' agenda
public, nous devons aussi nous demander qui sont les acteurs qui participent à la
reconduction des rapports d' influence.

La remise en question des effets de 1'agenda-setting et de la théorie développée par


McCombs et Shaw est aujourd ' hui plus pertinente que jamais. Les recherches ont
montré par le passé toute leur importance pour analyser les dynamiques de 1' agenda
public et la formation d' opinion. Par contre, peu de recherches incluent la nouvelle
dynamique des médias socionumériques, ce pour quoi d' ailleurs une longue revue de
littérature est impossible.

La clé pour comprendre ce contexte, selon nous, est de bien définir le gatekeeping et
son rôle dans la théorie de 1'agenda-setting. Le cadre théorique, expliqué dans le
prochain chapitre, s' appuie alors sur l' évolution de la théorie de l' agenda-setting et
des notions de gatekeeping jusqu' à aujourd ' hui.
CHAPITRE II

CADRE THÉORIQUE

Comme vu dans le chapitre précédent, notre étude se penchera principalement sur la


théorie de 1'agenda-setting afin d 'évaluer sa pertinence dans le contexte de 1' essor
des médias socionumériques.

Nous commencerons par définir la théorie principale selon McCombs et Shaw tout en
montrant son origine et son évolution. Nous continuerons en étayant davantage la
théorie par la présentation de concepts connexes qui ont contribué au fil du temps à
bonifier la théorie de 1'agenda-s etting en la rendant plus à même de comprendre les
dynamiques communicationnelles et sociopolitiques. Nous terminerons par la
présentation d' un dernier concept qui est lié presque intrinsèquement à la théorie de
1' agenda-s etting et qui permet encore mieux d' expliquer les changements en cours en
la matière: le gatekeeping. Cela nous plongera au cœur de l' enjeu principal, soit le
contrôle de l'information et du discours ainsi que les rapports d' influence.

Cet approfondissement de 1' agenda-setting et du gatekeeping nous servira de cadre de


références et nous permettra de construire des sous-questions de recherche qui
alimenteront la question principale soulevée dans la problématique.
16

2.1 Les débuts de 1'agenda-s etting

La première étude sur les effets de 1' agenda-setting date de 1968 avec la rencontre
entre Donald Shaw et Maxwell McCombs (McCombs, 2004). Les deux professeurs
étaient d'abord préoccupés par les effets des médias sur les intentions de vote et les
orientations des débats politiques. McCombs (Ibid. , p. 3) explique que la source de
leur réflexion concernant l' influence des médias remonte à Walter Lippmann et son
ouvrage Public Opinion (1922) dans lequel il écrit le chapitre « The World Outside
and the Pictures in our Heads ». McCombs y reconnaît la prémisse et 1'origine du
concept de 1' agenda-setting bien que Lippmann ne Je nommait pas ainsi : « his thesis
is that the news media, our windows to the vast world beyond direct experience,
determine our cognitive maps of the world. » (Ibid. , p. 3) Lippmann y voyait un
« pseudo environnement » à partir duquel se formait une opinion publique.

Ainsi, la première étude, la Chape! Hill Study, avait comme objet de recherche les
élections présidentielles étatsuniennes de 1968 et explorait l'influence des médias de
masse sur l' opinion publique. Les objets de recherche dans Je cadre d'études sur
l' agenda-setting varieront beaucoup avec les années, mais auront toujours comme
thématique centrale les effets des médias de masse sur l'agenda public et l' opinion
publique. Ces effets sont décrits par McCombs (Ibid. , p. 1) comme suit :

Through their day-by-day selection and display of the news, editors and news
directors focus our attention and influence our perceptions of what are the most
important issues of the day. This ability to influence the salience of topics on
the public agenda has come to be called the agenda-setting role of the news
media.

En influençant les perceptions et l' opinion publique, les effets de J'agenda-setting


peuvent donc transparaître sur l'agenda public qui peut, en ce sens, être définit
17

comme « l'ensemble de problèmes faisant l' objet d' un traitement, sous quelque forme
que ce soit, de la part des autorités publiques et donc susceptibles de faire l' objet
d' une ou plusieurs décisions » (Garraud, 1990, p. 27). Dès lors, les premières études
sur 1'agenda-setting portaient sur le transfert de la prépondérance (salience) de
1' agenda médiatique sur celui du public. Selon McCombs et Shaw (1972), « agenda-
setting refers to the idea that there is a strong correlation between the emphasis that
mass media place on certain issues [ ... ] and the importance attributed to these issues
by mass audiences » (cité par Scheufele et Tewksbury, 2007, p. 11).

Les issues seront traités par les médias comme des sujets d 'actualité. Ce que nous
entendons par cela est « un fait, une expérience passée au prisme d' un cadrage
médiatique primaire, en amont du cadrage secondaire choisi pour le traiter. » (Marty
et al. , 2012, p. 40) Notons ici que ce terme se distingue d' une simple « information »,
où cette dernière prend trois sens importants à considérer. D' abord, une définition qui
nous vient de l'approche cybernétique envisage l' information comme « une mesure
de l' organisation d' un système : mesure de l' organisation d' un message » (Le Coadic,
2004, p. 5). Puis, une autre définition déclare l' information comme «une
connaissance inscrite (emegistrée) sous forme écrite (imprimée ou numérisée), orale
ou audio-visuelle sur un support spatio-temporel », qui « comporte un élément de
sens », « une signification transmise à un être conscient par le moyen d'un message
inscrit sur un support » (Ibid. , p. 6). Enfin, pour les journalistes, 1' information peut
être une représentation de la réalité : « c' est autour de 1' information que s' organise et
se construit leur perception d'une réalité. C' est 1' information qui constitue pour eux la
voie d' accès à la connaissance du réel. » (Ferenczi, 2007, p. 7) Plus précisément, c'est
« un fait social qu ' un ou plusieurs journalistes choisissent de mettre en évidence [ ... ].
Ce fait social [ ... ] n' est pas un "fait brut" qu' il suffirait d' observer de l' extérieur. Il
est "construit" par les journalistes, sur la base de données qui sont, par elles-mêmes,
dépourvues d' intelligibilité. » (Ibid.) Le terme sujet d 'actualité que nous emploierons
va au-delà du terme « information », puisqu ' il comporte la notion de cadrage et qu 'il
18

n'est pas propre à un journaliste, mais plutôt à un système. Les sujets d 'actualité
rassemblent plusieurs informations, les traitent en nouvelles pour ouvrir une fenêtre
sur une réalité.

Avec l' évolution de la théorie de l' agenda-setting, nous savons maintenant que
l' influence de la prépondérance des sujets d'actualité de l' agenda médiatique se fait
sentir au moins à deux niveaux : d ' abord par leur sélection et leur mise en visibilité et
ensuite par l'angle de traitement qui leur est donné : « The first level is, of course, the
transmission of abject salience. The second leve! is the transmission of attribute
salience. » (McCombs, 2004, p. 70) Si le premier niveau nous indique à quoi penser,
le deuxième nous indique un peu plus comment penser à propos des sujets d'actualité
(issues) (Ibid. , p. 71 ). Ce deuxième niveau est caractérisé par les attributes, selon
McCombs (Ibid. , chapitre 5-6), qui sont des éléments reliés à un sujet en particulier
sur lesquels les médias vont insister dans le traitement de l' information. Tout conune
dans le premier niveau (la sélection des sujets), le choix des attributes aux dépens
d'autres contribuera à cadrer le débat : « specifie aspects of media content about
public affairs are explicitly linked to the shape of public opinion. » (Ibid. , p. 85)

Ce deuxième niveau est très lié au concept de framing , ou cadrage : « McCombs and
Ghanem explored the convergence of agenda-setting and framing by depicting frames
as the transfer of attribute salience. » (Parmelee et Bichard, 2013 p. 170) Selon
Entrnan :

[T]o frame is to select sorne aspects of a perceived reality and make them more
salient in a communicating text, in such a way as to promote a particular
problem definition, causal interpretation, moral evaluation and/or treatrnent
recommandation for the item described . (Ibid ., p. 168)

Scheufele et Tewksbury abondent en ce sens: « Framing [ .. .] is based on the


assumption that how an issue is characterized in news reports can have an influence
19

on how it is understood by audiences. » (Scheufele et Tewksbury, 2007, p. 11)


L' attribute agenda-setting s' inscrit alors dans un courant plus critique de l'analyse
des médias: « this new approach [... ] examines the patterns of emphasis and tone in
media messages and the consequences of these attribute agendas for public thought
and behaviour. » (McCombs, 2004, p. 96-97)

Tel que mentionné dans le chapitre précédent, 1'agenda-s etting accorde de cette façon
une forte influence aux médias, mais pas dans le sens de la « seringue
hypodermique » (Scheufele et Tewksbury, 2007, p. 10). On lui attribue toutefois un
rôle important : « agenda-setting does assign a central role to the news media in
initiating items for the public agenda. » (McCombs, 2004, p. 6). L' information
transmise par les médias et la manière qu 'elle est transmise au public jouent donc un
rôle-clé dans la création du pseudo environnement décrit par Lippmann (Ibid.).

2.2 La construction de 1' agenda médiatique

Une fois que l' on connaît les effets de l' agenda-setting par l' agenda médiatique, il
importe également de se questionner sur la construction de l' agenda médiatique.
D' abord, McCombs le compare à un oignon: « The concentric layers of the onion
represent the numerous influences at play in the shaping of the media agenda which is
the core of the onion. » (Ibid., p. 98) Il identifie principalement dans sa métaphore
trois couches qui enveloppent 1' agenda médiatique : les sources de nouvelles, les
autres médias et les normes journalistiques. Ainsi, à l' extérieur, trouve-t-on les
sources habituelles des médias : les documents officiels émanent des gouvernements,
les groupes de pression, porte-parole de tout acabit, etc. Cette couche est souvent
représentée par des professionnels en relations publiques qui ne ménagent aucun
effort pour atteindre le cœur de l'agenda médiatique: « these communication
professionals subsidize the efforts of news organizations to cover the news by
20

providing substantial amounts of organized information, frequently in the form of


press release prepared in the exact style of news story . » (Ibid. , p. 102) Au milieu,
nous retrouvons l' interinfluence des différents médias, que McCombs appelle
intermedia agenda-setting : « The elite news media frequently exert a substantial
influence on the agenda of the other news media. » (Ibid. , p. 113) Il explique cette
résultante par la façon qu 'ont les journalistes de s' observer entre eux pour valider leur
propre jugement et de s'assurer de ne rater aucune information importante. Puis, les
normes et traditions journalistiques font normalement figure de dernière barrière
avant qu ' un sujet d' actualité se retrouve à l' agenda médiatique. Il s' agit des codes de
déontologie des journalistes, de principes comme la recherche de l'objectivité, mais
aussi des valeurs personnelles du journaliste ou de 1' éditeur.

Ensuite, Hassenteufel propose une autre vision de 1'agenda-s etting que le modèle de
McCombs et Shaw, nous permettant d' en saisir également la construction et les
motivations. Pour cela, il identifie trois dynamiques de la publicisation et de la mise à
l' agenda d'un problème qui « facilit[e] sa prise en charge par des autorités
publiques » (Hassenteufel, 2010, p. 51) : la mobilisation, la médiatisation et la
politisation. Ici, 1' on :

[S]uppose de prendre en compte notamment les logiques de mobilisation


collective, de médiatisation et de politisation, [ ... ] et conduit à élargir le spectre
des acteurs aux mouvements sociaux, aux médias et aux élus. L' ensemble de
ces acteurs participe ainsi au cadrage de 1' action publique, y compris dans sa
phase décisionnelle, en formulant et en construisant des problèmes publics.
(Ibid.)

La première correspond à des « groupes plus ou moins fortement organisés » à la


recherche du soutien de l' opinion publique « afm de faire pression sur l'État » (Ibid.) .
La deuxième, découlant souvent de la première, concerne les « logiques du champ
médiatique » (Ibid. , p. 52) soit le modèle initial de McCombs et Shaw. La troisième
dynamique, c' est le rapport avec les « bénéfices politiques (électoraux, symboliques,
21

stratégiques ... ) attendus » (Ibid.). Ces trois dynamiques sont imbriquées les unes dans
les autres et nous permettent de saisir les nuances de la distribution des pouvoirs
d' influence. Il s' agit ici d' une question de visibilité, car les « problèmes doivent lutter
pour occuper un espace dans les arènes publiques. Cette compétition est permanente;
[ils] doivent à la fois lutter pour entrer et pour rester sur l' agenda public » (Ibid. ,
p. 51).

McCombs et Hassenteufel nous éclairent ici sur les dynamiques à l' intérieur même de
la construction menant à 1'agenda-setting. D ' autres concepts élargiront notre vision
de la théorie de 1' agenda-setting.

2.3 L ' évolution de 1' agenda-setting : agenda-building, need for orientation et 1' effet
de priming

Dans ses débuts, la théorie de 1' agenda-s etting fut critiquée pour son « modèle binaire
et mécaniste mettant en jeu la relation médias-public » (Gingras, 2003 , p . 20). Cela
conduit plusieurs à présenter des ajouts au modèle pour le rendre plus complet. Entre
autres, Lang et Lang ont proposé 1' agenda-building, qui « constitue un modèle
triangulaire et dynamique; il y a influence mutuelle entre les médias, les décideurs et
la population. » (Ibid.) Selon eux, les études basées sur Je modèle de 1'agenda-setting
ne prennent pas en considération les connaissances du public sur un sujet donné, ce
qui mène à une compréhension moins complète du tableau médiatique : « plus un
sujet semble familier du public, moins la couverture médiatique a besoin d' être
importante pour que le sujet s' impose comme priorité et moins grande est l' influence
dans la formation des opinions » (Ibid. , p. 20-21 ).
22

Cette faiblesse a été soulevée par d' autres, qui ont formulé le concept de need for
orientation. C' est en effet un autre concept qui est venu se greffer à la théorie
principale au fil des recherches. Il s' agit ici d' inclure dans le processus les
prédispositions du public. En matière de débats publics, comme dans d' autres
sphères, les individus ressentent un besoin d'information plus ou moins variable d' un
à l' autre : « need for orientation is a psychological concept, which means that it
describes individual differences in the desire for orienting eues and background
information. » (McCombs, 2004, p. 54) Par exemple, un besoin élevé d' orientation
dans un public explique parfois le haut niveau de correspondance entre 1' agenda
médiatique et 1' agenda du public.

L' effet de priming est une autre brique venant solidifier la théorie de l'agenda-
setting. Selon Iyengar et Kinder, cette théorie s' intéresse aux limites des capacités
cognitives de l'humain et la sélection de l' information: «Attention is highly
selective; people notice only particular features of special consequence [ ... ] the
impressions we form of others tend to be organized around a few central themes. »
(Iyengar et Kin der, 2010, p. 63) Selon Gingras, ces travaux « mettent en lumière
1' existence de 1' effet priming, selon lequel les sujets traités par les médias deviennent
en quelque sorte les critères de références à 1'aune desquels les personnages publics et
les gouvernements sont traités » (Gingras, 2003 , p. 20). Il s' agit donc des
changements aux standards en matière d' évaluation politique : « In assessing the
performance of a government, a president, a po licy , or a candidate, citizens can apply
any nurnber of standards. » (Iyengar et Kinder, 2010, p. 63) En bref, l'effet de
priming, selon Gingras, « s' appuie sur l' idée voulant que la prise de décision
politique ne se fasse pas en fonction de l' ensemble des connaissances accumulées sur
une question, mais que certains sujets surdéterminent la décision. » (Gingras, 2003 ,
p. 20)
23

Que 1' on pense à 1' agenda building, au need for orientation ou à 1' effet de priming,
nombreuses sont les pierres à avoir été ajoutées à la théorie de l' agenda-se/ting ou à
avoir été récupérées par ses différents théoriciens. Qu ' il s' agisse de voir les différents
rapports entre les médias, la population et les décideurs, de prendre en compte les
prédispositions du public ou d' évaluer les changements dans les dynamiques ou dans
les standards, ces approches et concepts connexes à 1'agenda-setting auront contribué
à son avancement. Toutefois, un autre concept majeur qui en est relié nous permet
aujourd ' hui de mieux étudier les dynamiques de l'agenda-setting en regardant le
contrôle et la circulation de l' information : le gatekeeping.

2.4 La clé : le gatekeeping et L'ordre du discours

La circulation et le contrôle de l' information sont des éléments à prendre en


considération si nous souhaitons évaluer la pertinence de 1' agenda-setting
aujourd 'hui, car, selon nous, il s'agit là d' un grand changement dans le domaine
médiatique. Pour cela, il faut donc s' intéresser au gatekeeping, soit le rôle
traditionnellement endossé par les médias « de rendre visible ce qu ' ils considéraient
comme public » (Cardon, 2010, p. 36) ce qui implique également de laisser de côté de
l' information que l'on estime non digne d'être publiée (Singer, 2013 , p. 2). En fm de
compte, le public n' a souvent accès qu 'à de l' information transformée : « Most of
what people know cornes to them "second" or "third" hand from the mass media or
from other people » (McCombs et Shaw, 1972, p. 176).

Selon McCombs, en explorant le gatekeeping, nous nous questionnons sur la


construction de l'agenda médiatique :

Gatekeeping, which describes and explains the flow of news from one media
organization to another, was linked with agenda-setting theory in the early
24

1980s when scholars opened a new phase of intellectual map-making by asking


' Who sets the media' s agenda? (McCombs, 2004, p. 86)

Le gatekeeping agirait ici comme un intermédia (intermedia) autant sur le premier


niveau de l' agenda-setting que le deuxième (Ibid .). S' intéresser à ce phénomène
revient donc à s' intéresser en quelque sorte à la matière première des médias, les
sources d' information ainsi qu' à son processus de circulation. De cette façon, le rôle
des gatekeep ers tel que démontré par les effets de 1' agenda-s etting peut s' avérer
« décisif et envié » : il donne le pouvoir de rendre publics et visibles des discours
(Cardon, 2010, p. 36) pour influer, ultimement, sur les décisions de l' État.

McCombs y voit une question de pouvoir, surtout au deuxième niveau de l'agenda-


setting : « Setting the agenda of attributes for an issue is the epitome of political
power. Controlling the perspective of the political debate on any issue is the ultirnate
influence on public opinion. » (McCombs, 2004, p. 82)

Olivier Voirol, quant à lui, voit dans le gatekeeping une question de lutte pour la
visibilité :

[L]es médias de communication canalisent en grande partie 1'accès à la scène


de visibilité et procèdent à une sélection de ce qui est digne de médiatisation.
Mais ils contribuent également à délimiter le spectre de la visibilité médiatisée
en excluant ce qui ne leur est pas digne d' attention publique. Leur rôle croissant
dans la définition du pourtour de 1'univers des apparences médiatisées a fait
apparaître, on le sait, de nouvelles formes de pouvoir, mais aussi ouvert
simultanément la voie à des pratiques de lutte visant la visibilité. (V oirol, 2005 ,
p. 105)

Il attribue en ce sens « un rôle majeur » aux médias qui sont « soumis à des stratégies
d' influence visant, pour les unes, la conquête de l' hégémonie symbolique, la quête
des audiences réduites à leur pouvoir d' achat, pour les autres. » (Ibid .) Cela fait écho
25

à la définition que donne Jane Singer en parlant de « régime de contrôle » : « This


role as gatekeeper [ ... ] rests on an interaction of influences from the ideological to
the individualistic, resulting in choices that are organizationally efficient and
culturally acceptable inside and outside the newsroom. » (Singer, 2013 , p. 2) Les
choix idéologiques faits par les gatekeepers leur confèrent un pouvoir d' influencer ce
qui circulera ou non dans le public.

Lorsque l' on aborde les luttes et le pouvoir, la théorie du gatekeeping n' est pas sans
évoquer les idées de Foucault. En effet, lorsque l'on parle de discours, celui-ci y voit
une question de pouvo ir, c' est-à-dire de rapports de force : « Discourse does not
simply translate reality into language; rather discourse should be seen as a system
which structures the way that we perceive reality. » (Mills, 2003 , p. 55) Avec
Foucault, le discours n' échappe pas à un ensemble de dispositifs et de règles :
« Discourse is regulated by a set of rules which lead to the distribution and circulation
of certain utterances and statements. » (Ibid. , p. 54). Dès lors, nous sommes face à
une structure qui laisse place à peu de changements dans le discours :

Mais qu'on ne s'y trompe pas; même dans l'ordre du discours vrai, même dans
l'ordre du discours publié et libre de tout rituel, s'exercent encore des formes
d'appropriation de secret et de non-interchangeabilité. Il se pourrait bien que
l'acte d'écrire tel qu'il est institutionnalisé aujourd'hui dans le livre, le système
de l'édition et le personnage de l'écrivain, ait lieu dans une "société de discours"
diffuse peut-être, mais contraignante à coup sûr. (Foucault, 1971 , p. 42)

Le gatekeeping peut participer de cette façon à réguler l'ordre, car la sélection de


1' information se fait avec des critères qui reproduisent un discours dominant : « dans
toute société la production du discours est à la fois contrôlée, sélectionnée, organisée
et redistribuée par un certain nombre de procédures qui ont pour rôle d' en conjurer
les pouvoirs et les dangers, d'en maîtriser l'événement aléatoire, d' en esquiver la
lourde, la redoutable matérialité.» (Ibid. , p. 10-11) Pour Foucault, des règles tacites
26

et implicites de production du contenu favorisent la dominance de discours et forment


le tissu social :

La doctrine [ ...] tend à se diffuser; et c'est par la mise en commun d'un seul et
même ensemble de discours que des individus, aussi nombreux qu'on veut les
imaginer, définissent leur appartenance réciproque. En apparence, la seule
condition requise est la reconnaissance des mêmes vérités et l'acceptation d'une
certaine règle (Ibid., p. 44) .

Nous pouvons tracer un parallèle avec les sujets d' actualité (issues) , qui peuvent être
conceptualisés comme des produits d'un ensemble de règles et de structures qui
traitent des énoncés (l ' information) en discours grâce à l' appui des médias. Dans la
perspective de McCombs, ce sont les médias de masse qui fournissent les conditions
de régulation où ils jouent trois rôles : « surveillance of the larger environment,
achieving consensus among the segments of society, and transmission of the
culture. » (McCombs, 2004, p . 134) Le rôle des gatekeep ers contribue alors au
processus d' agenda-setting en augmentant la reconnaissance des issues : « The
pro cess of agenda-setting [ ...] is a significant part of the surveillance role,
contributing substantial portions of our pictures about the greater environment »
(Ibid .).

De cette façon, les discours deviennent diffus et continus avec la reconnaissance des
individus ou d' un public, qui y voient des énoncés légitimes. C' est là où se trouve le
« vrai », la fenêtre sur la « réalité » :

Il se peut toujours qu'on dise le vrai dans l'espace d'une extériorité sauvage;
mais on n'est dans le vrai qu'en obéissant aux règles d'une « police » discursive
qu'on doit réactiver en chacun de ses discours. La discipline est un principe de
contrôle de la production du discours. Elle lui fixe des limites par le jeu d'une
identité qui a la forme d'une réactualisation permanente des règles. (Foucault,
1971 , p. 37-38)
27

Ce pouvoir ne s' appuie pas sur la répression, mais bien sur des rapports de pouvoirs
transposés en discours et endossés par une majorité d' individus. Selon Foucault, les
individus ne sont pas des innocents passifs, mais des agents actifs qui peuvent
contester le pouvoir tout en contribuant au maintien des discours dominants (Mills,
2003 , p. 34). Il s' agit de luttes qui font partie intégrante de la société:

[I]l n' y a pas de relations de pouvoirs sans résistance, sans échappatoire ou


fuite, sans retournement éventuel; toute relation de pouvoir implique donc, au
moins de façon virtuelle, une stratégie de lutte, sans que pour autant elles en
viennent à se superposer, à perdre leur spécificité et finalement à se confondre.
Elles constituent l'une pour l' autre une sorte de limite pem1anente, de point de
renversement possible. (Foucault, 1982, p. 1060)

Il existe toutefois des « procédures de contrôle et de délimitation du discours » qui


excluent de facto des énoncés. Foucault cible d' abord le commentaire qui agit comme
une superposition sur le discours et qui dérive du discours dominant, mais le
reconduit à 1' infini en même temps : « Le moutonnement indéfini des commentaires
est travaillé de l'intérieur par le rêve d'une répétition masquée » (Foucault, 1971 ,
p. 27). Ainsi, le commentaire remet en scène le discours jusqu ' à parfois le rendre
invisible : « Bien des textes majeurs se brouillent et disparaissent, et des
commentaires parfois viennent prendre la place première. » (Ibid. , p. 25)

L' auteur « comme principe de groupement du discours » (Ibid., p. 28) agit auss1
comme l' une de ces procédures. Il appo1ie une légitimité et une crédibilité au
discours qui autrement ne serait pas reconnu et pourrait être exclu :

Ce principe ne joue pas partout ni de façon constante : il existe, tout autour de


nous, bien des discours qui circulent, sans détenir leur sens ou leur efficacité
d'un auteur auquel on les attribuerait : propos quotidiens, aussitôt effacés;
décrets ou contrats qui ont besoin de signataires, mais pas d'auteur, recettes
techniques qui se transmettent dans l'anonymat. (Ibid., p. 28)
28

Finalement, il note l' organisation des disciplines comme principe de contrôle de la


production du discours : « Elle lui fixe des limites par le jeu d'une identité qui a la
forme d'une réactualisation permanente des règles. » (Ibid ., p. 31) Elle agit comme
une barrière que le discours doit franchir pour apparaître « vrai » : « À l'intérieur de
ses limites, chaque discipline reconnaît des propositions vraies et fausses ; mais elle
repousse, de l'autre côté de ses marges, toute w1e tératologie du savoir. » (Ibid. , p. 35)

Bien que Foucault en parlait davantage en tant que sciences, nous pouvons voir un
rapprochement avec le journalisme en tant que discipline ayant ses règles propres.
L ' auteur et le commentaire peuvent aussi couramment être des procédures de contrôle
du discours en matière de gatekeeping. Le phénomène de 1' auteur est notable dans les
médias si nous pensons aux journalistes qui traînent une réputation rendant légitimes
leurs propos ou à la place réservée aux experts dans les médias. La réputation d' un
média tel que vu dans la section précédente est également importante tant pour les
effets sur l' agenda public que l' agenda des autres médias. Ultimement, le processus
de gatekeeping, qui mène aux effets d' agenda-setting, s' apparente à la
conceptualisation d' un dispositif foucaldien, duquel nous entendons un ensemble de
règles et de dispositifs qui encadrent et rendent possibles les discours en tant
qu' altérité. C ' est par les pouvoirs détenus par les gatekeepers que nous pouvons
comprendre les structures et fonctionnement de 1' agenda-setting qui favorisent les
rapports d' influence dans le discours médiatique.

Dans l' ensemble, dans tous les cas présentés dans cette partie, les auteurs attribuent
un rôle important aux gatekeepers. Dans notre étude, il est important de s' y
intéresser, car « 1' agenda-setting [... ] descend directement de cette approche et
interroge les structures au lieu des personnes. » (Attallah, 1989, p. 308) De plus, il
s'avère aussi important d' envisager l'évolution de leur rôle dans le contexte de l ' essor
des médias socionwnériques, particulièrement de la plateforme Twitter.
29

2.5 Le gatekeeping et l' agenda-setting à l' ère du journalisme citoyen

Internet conduirait à modifier le gatekeeping des médias de masse : « opening the


do or to further exploration of the agenda-setting pro cess, [ .. .] experimenters also
argued that contemporary incarnations of Internet news are subtly, but
consequentially, altering the way that the news media set the public agenda »
(McCombs, 2004, p. 18). De cette façon, « en levant le voile des gatekeepers, Internet
ouvre un espace de visibilité à des publications qui n' ont pas été soumises à une
vérification préalable » (Cardon, 2010, p. 40). Il y aurait en ce sens un glissement
dans le gatekeeping, qui deviendrait plutôt collectif puisque « les internautes font le
tri eux-mêmes, une fois les propos publiés » (Ibid. , p. 41). Toutefois, cela
s'accompagne « d'un abaissement des contraintes qui avaient fondé les formes du
discours public en le plaçant dans l'horizon régulateur de la raison, de l' autocontrôle,
de l'argumentation et du détachement vis-à-vis des intérêts particuliers » (Ibid. ,
p. 40). Selon Cardon, l' important ici serait de « publier d'abord, filtrer ensuite »
(Ibid. , p. 38).

Plus loin encore, il s' agit parfois de remettre en question les choix médiatiques :
« Once passive, users now filter news and discuss what media publish. » (An et al.,
2011 , p. 1). Habitués à la communication unidirectionnelle, les médias de masse
doivent désormais composer avec une audience plus engagée : « the features of the
' new media' age are reflected in the way journalists and audience engage in new
communication patterns, communicating with each other directly, and tapping into
breaking news. » (Ibid.)

Pour Marty et al., les médias de masse se camperaient maintenant dans un rôle de
gatewatching : « les internautes contributeurs auraient acquis une capacité de
mobilisation collective à même d' influencer les choix opérés par les journalistes dans
la sélection de l' information » (Marty et al. , 20 12), et ce serait « désormais les
30

internautes qui définissent eux-mêmes la frontière, souple et mouvante, du public et


du privé. » (Cardon, 2010, p. 36) Le contrôle de l' information se dérobe alors de plus
en plus des médias de masse, devenant davantage un rôle de surveillance que de
contrôle. Goode plaide également en ce sens, sans utiliser le terme gatewatching,
pour mieux saisir la réalité d ' Internet : « reflecting the user practice of publicizing
rather than controlling information under conditions of infom1ation abundance in
contrast to the scarcity of the pre-digital age. » (Goode, 2009, p. 1295) Cela ouvre la
voie à un « métajoumalisme » (metajournalism) , dans lequel les amateurs peuvent
intervenir sur la sphère médiatique pour commenter, influencer ou même créer du
contenu.

C' est dans ce contexte que l' on assiste alors à l' arrivée de journalistes citoyens :
« ' Citizen journalism' refers to a range of web-based practices whereby ' ordinary '
users engage in joumalistic practices. Citizen journalism includes practices such as
current affairs-based blogging, photo and video sharing, and posting eyewitness
commentary on current events. » (Ibid. , p. 1287) Ces journalistes non professionnels
modifient à cet égard le cadre de 1'agenda-s etting en ayant la possibilité de créer leur
propre contenu, d ' acquérir une certaine visibilité ou simplement d'user de diverses
tactiques d ' influence vis-à-vis des journalistes professionnels :

Citizen journalism allows members of the public to engage in agenda-setting


not merely by producing original content[ .. .] but also by rendering the agenda-
setting processes of established professional media outlets radically provisional,
malleable and susceptible to critical intervention. (Ibid ., p. 1293)

Goode nous met alors en garde d' estimer que les gatekeep ers à l' ère numérique
possèderaient les mêmes normes et processus que ceux au sein des médias de masse,
et il s' avère nécessaire, dit-il, d' étudier les différences (Ibid. , p. 1303). Kim et Lee
nous invitent également à ne pas négliger ces nouveaux acteurs :
31

[D]ominant groups exert considerable influence on the gatekeeping process of


news selection whereas ordinary citizens and progressive groups have little
influence on the process. However, the above-mentioned technologies enabling
interactive communication on the internet provided the potential to elevate the
structurally marginalized to the status of groups with real power to affect
agenda-setting process. (Kim et Lee, 2007, p. 10)

Ce phénomène est particulièrement visible sur Twitter, grâce à 1' utilisation des mots-
clics (hashtags) qui peuvent former des discussions continues sur des intérêts bien
précis :

In this sense, the group-curated model of a Twitter hashtag can be seen as


citizen journalism, with retweets making more prominent what the community
is most interested in. In a highly contentious environrnent, this type of
aggregate curation may also be part of the broader process of argumentation, as
a hashtag 's overall tone shifts to reflect users opinion. (Veenstra et al., 2014,
p. 5)

En ce sens, Twitter revêt un intérêt bien particulier pour ceux et celles désirant
transmettre de 1' information, qu ' ils soient amateurs ou professionnels : « usage and
behavior suggests that Twitter acts as a space for information sharing, among
professional journalists as well as individual commenters, to break and disseminate
news quickly, and to solicit opinions and feedback. » (Ibid. , p. 12)

Kim et Lee (2007) préfèrent le terme netizens pour expliquer ces citoyens qm
s' activent sur Internet pour partager de l' information et des opinions mais abondent
dans le même sens quant à l' importance du rôle de ces acteurs : « netizens on the net
do have a strong influence on the agenda-setting of the internet media and the
traditional media, which reflects that ordinary citizens are not just passive rece,ivers
but active producers of a message. » (Kim et Lee, 2007, p. 25) Ils avancent la théorie
de l'lnternet-mediated reversed agenda-se/ting pour mettre en relation cette nouvelle
32

dynamique : « In prevwus agenda-setting theories, the media affects the public


agenda. lnternet-mediated reversed agenda-setting, however, is premised on reversed
agenda-setting because agendas in cyberspace affect agendas of the traditional
media. » (Ibid. , p. 24-25) Elles postulent que les sujets issus des médias sociaux ou
du web peuvent influencer 1' agenda des médias de masse qui produira un effet
d' agenda-setting à son tour, autant sur les publics en ligne que hors ligne. Cela
stipule en effet trois étapes où un journaliste citoyen (netizen dans leur cas) avance un
sujet d' actualité sur un blogue ou un forum en ligne pour être ensuite repris par un
site de nouvelles en ligne bénéficiant déjà d' un public considérable et pour finalement
être diffusé dans des médias de masse avec une visibilité en ligne et hors ligne (Kim
et Lee, 2007).

Par ailleurs, le contexte des médias socionumériques et du journalisme citoyen fait


croire à Singer (2013) à la naissance d' un secondary gatekeeping, rappelant le two-
step flow de Katz et Lazarsfeld. Les internautes acquièrent l' habilité de faire de la
post-modération en signifiant leur accord ou leur intérêt par différents outils ou
techniques, montrant ainsi leur pouvoir croissant d' influencer l' agenda des médias et
du public : « another indication of a shift toward increased user ability to shape the
content of news websites, with users making decisions about what others are to see or
not see. » (Singer, 2013 , p. 6) En exemple, les médias socionumériques qu 'elle
mentionne (Facebook, Twitter, etc.) participent à l'accroissement de la visibilité de
certains sujets grâce au partage facile et direct à un réseau de contacts (Ibid. , p. 12).
Singer cite aussi en exemple les outils de social bookmarking : « the social
bookmarking tools now common on newspaper websites enable users to tag items
they fmd valuable and make them ' visible' to anyone who visits those aggregate
sites. » (Ibid.) Comme le trafic des articles consultés se mesure en temps réel , les sites
de médias en ligne peuvent s' ajuster en tout moment pour mettre en valeur des sujets
qui semblent plaire au public. On ne fait plus que proposer des sujets « d'intérêt
public »; on peut de plus en plus anticiper des sujets « populaires ». Il en résulte alors
33

un processus de two-step gatekeeping « in which initial editorial decisions to reject or


include an item in the news product are followed by user decisions to upgrade or
downgrade the visibility of that item for a secondary audience. » (Ibid. , p. 13) Selon
Singer, les nouveaux gatekeepers voient donc l' information comme une opportunité
d' engagement et de participation plutôt que comme un produit fmal, figé (Volders,
2013 , p. 39).

Ce phénomène, qu ' elle nomme « visibilité générée par les utilisateurs », change la
relation médias-public et transformerait le cadrage établi par les médias de masse :
« This shift toward ' user-generated visibility ' suggests a new way of looking at one
ofthe oldest conceptualizations ofthejournalist's role in our society. » (Singer, 2013 ,
p. 14) An et al. montrent également ce phénomène en parlant du rôle-clé joué par
certains utilisateurs qui s' intéressent à 1' actualité et qui acquièrent une grande
notoriété sur les médias socionurnériques : les power users. Ceux-ci peuvent générer
de la visibilité indirecte pour certains sujets en partageant des contenus à des
utilisateurs : « Since many users follow these power users, power users can play a
role as a connector between journalists and those people who are not interested in
news.» (An et al. , 2011 , p. 5)

Ces différentes visions de la transformation du gatekeeping convergent dans la même


direction. Dans la pensée de Cardon, nous serions face à un glissement dans le
gatekeeping, où le pouvoir de sélection et de mise en visibilité se transfère à de
nouvelles personnes qui, collectivement, pourraient influer sur 1'agenda-s etting et
rendre visibles de nouveaux sujets d' actualité à mettre à l' agenda public. Selon
Singer, il s'agit d' un processus à deux niveaux où le rôle du public est accru : cela
permet d' une part, une plus grande accessibilité à des sujets d' actualité délaissés par
les médias de masse et, d' autre part, une nouvelle influence sur les choix éditoriaux.
C' est dans ce même ordre d' idées que Marty et al. et Goode s' orientent vers le
gatewatching, où les acteurs des médias de masse se contentent parfois d' observer et
34

d'intervenir plutôt que de contrôler. Tous ces concepts mettent en lumière de


véritables changements en matière de gatekeeping et de pratiques journalistiques et
éditoriales. Ils ont incidemment des conséquences sur la construction de l'agenda
médiatique et en fin de compte dans le processus d' agenda-setting. La prochaine
section permet d'envisager ces conséquences, de présenter un dernier tour d' horizon
et d'émettre des sous-questions de recherche.

2.6 Sous-question de recherche

Nous avons vu au cours de ce chapitre l'évolution de l' agenda-setting. Au départ


plutôt « binaire et mécaniste », la théorie de l' agenda-setting s'est vue profiter du
développement d'autres concepts connexes qui peuvent lui être associés tout en la
bonifiant. C'est grâce à cette évolution que nous considérons pertinent d' observer
comment celle-ci se prolonge avec 1' essor des médias socionumériques et la
popularité de Twitter en toile de fond.

Certes, 1' effet de priming et le need for orientation favorisent une compréhension
plus globale des effets de l'agenda-setting. On comprend davantage comment se
traduit l' influence des médias de masse vers le public. L' agenda-building et les
dynamiques de Hassenteufel nous renseignent plutôt sur les processus en amont de
l'influence sur le public, tandis que le cadrage, associé à l'attribute agenda-setting,
nous aide à cerner un deuxième ni veau d' influence de 1' agenda-setting des médias de
masse. Toutefois, c' est avec le gatekeeping que nous sommes vraiment en mesure de
comprendre 1' évolution de la théorie de l' agenda-setting dans le contexte des médias
socionumériques, en lui étant intrinsèquement relié.

Les auteurs vus précédemment annoncent un assouplissement dans le contrôle de


l' information pour le public, amenant un glissement dans le gatekeeping ou un
35

gatekeeping à deux niveaux (two-step). Cependant, Marty et al. nous pointent aussi la
possible reconduction du courant médiatique dominant et nous rappellent que la
visibilité n'est pas toujours synonyme d' influence. Nous baignerions encore, même
en ligne, selon Marty et al. , dans un agenda médiatique dominé par une poignée de
sujets seulement, où la grande majorité des sujets traités par les blagues,
infomédiaires, médias en ligne et sites natifs d' Internet sont assez restreints. Cela peut
s' expliquer par le fait que les contenus « sont très souvent liés aux sources que
constituent les services de communication des organisations et les agences de
presse.» (Marty et al. , 2012, p. 32) Cela nous ramène à la problématisation de notre
travail à savoir comment se redéfinissent les rapports d' influence avec Twitter et
comment cela affecte le fonctionnement de 1'agenda-setting.

Selon la littérature présentée dans ce chapitre, nous remarquons que ce problème peut
être circonscrit selon deux angles principaux. D' un côté, nous constatons que les
médias de masse et leurs journalistes, de même que des personnalités influentes
connues en dehors d' Internet, ont assez rapidement pris d' assaut Internet et Twitter,
flairant le potentiel d'exposition supplémentaire.' McCombs nous le rappelle : « Most
of the news sites on the internet are subsidiaries of traditional media. » (McCombs,
2004, p. 148) C'est, selon Marty et al. , ce qui est au cœur de la reconduction du
courant médiatique dominant. Ajoutons à cela l' utilisation des mots-clics (hashtags)
sur Twitter qui créent des sujets tendances (trendings) et pourraient contribuer à
l'effet de cadrage (Parmelee et Bichard, 2013 , p. 168). Parallèlement, les rouages
d' Internet ne sont pas aussi libres que l'on voudrait croire, comme nous le rappelle
Cardon : « les choix d' infrastructures logicielles sont plus contraignants pour les
utilisateurs que les interdits juridiques. » (Cardon, 2010, p. 95) Par exemple, « les
algorithmes qui permettent de hiérarchiser les informations [ ... ] structurent très
profondément la manière que les internautes "voient" les informations et se
représentent le monde numérique dans lequel ils se promènent » (Ibid.). Parmi ces
algorithmes, pensons à celui du moteur de recherche de Google, le PageRank : « il est
36

de plus en plus amené à devenir plébiscitaire et à placer en haut des hiérarchies les
acteurs les plus gros et les plus puissants. » (Ibid.) Google Actualités, qui en hérite,
devient donc un important vecteur du courant médiatique dominant en donnant
comme matière première aux internautes des nouvelles issues des joueurs bien
souvent déjà établis en dehors d' Internet.

D'un autre côté, malgré tout, quelques sujets ignorés par les médias de masse arrivent
à percer au grand jour tandis que d'autres sujets trouvent leur niche auprès d' un
public plus restreint. Nous pouvons citer en exemple deux cas du Québec, la
poursuite de Lassonde contre l'entreprise Olivia' s Oasis et l' embauche d' étrangers
par la RBC où des sujets sont d' abord sortis ou amplifiés sur Twitter, mais ensuite
repris par certains médias de masse, forçant les entreprises concernées à réagir2 . Le
potentiel fourni par Twitter nous permet alors d' entrevoir une atténuation des effets
de l'agenda-setting des médias de masse sur l' agenda public: « Obviously, this high
degree of similarity is not found across the broad array of web sites on the Internet,
leading to a prediction that the era of agenda-setting is coming to an end. »
(McCombs, 2004, p. 147) Ainsi, le public a la possibilité de s' informer à même les
sources brutes d' information, ce qui n' est pas négligeable : « There is no question
that the Internet has already greatly expanded the array of news and information
sources on public issues and just about any other topic you can imagine. » (Ibid .,
p. 146) La fragmentation de l'auditoire est aussi un élément qui change la donne :
« audiences fragment and virtually everyone has a unique media agenda that is a
highly individualized composite constructed from this vast wealth of news and
information sources.» (Ibid. , p. 147) Finalement, l' utilisation de Twitter favorise une
meilleure connaissance sur les hard news (les nouvelles sérieurses, en opposition aux
soft news). En effet, deux chercheuses de l' Université nationale de Séoul ont mis à

2
Les deux cas sont présentés dans cet article : http://www.lapresse.ca!le-so lei l/affaires/actua lite-
economique/20 1304/08/0 1-4638855-le -re eaux- ociaux-font-la-lecon-a- la-banque-ro ale-du-
canada.php
37

jour les recherches sur le need for orientation (NFO) en étudiant leurs effets sur
Twitter, pour découvrir des faits intéressants : « high NFOs might learn more from
Twitter not just because they have greater access to news information, but because
they engage in more thorough message processing. » (Lee et Youn Oh, 2013 , p. 747)
Avec Twitter, 1' utilisateur aurait la possibilité d'aller au-delà du simple besoin
d' information. Il peut apprendre, développer une plus grande expertise dans un
champ donné. Les auteures parlent alors de « need for cognition, the propensity to
enjoy and engage in cognitive activities » (Ibid. , p. 749).

Ceci mis en contexte, nous nous demandons alors quelles sont les rapports qui
changent en matière d'agenda-setting et qui pourraient redistribuer les pouvoirs
d' influence. Nous croyons que la réponse est très nuancée et qu ' il est important
d' éclaircir les zones d' ombre. Nous postulons ainsi que, si les effets d ' un agenda
médiatique influent toujours de façon importante sur l' agenda public, c' est le modèle
du gatekeeping qui se modifie, soit les gatekeepers eux-mêmes et la façon dont
circule l' information qui participent à une transformation des rapports d' influence à
l' essor des médias socionumériques. Pour répondre à notre question principale de
recherche et approfondir notre hypothèse, nous établissons quatre sous-questions qui
guideront notre quête d' information :

Ql -L' influence majeure sur le plan de la diffusion des mots-clics (hashtags)


populaires provient-elle du milieu traditionnel ou de la sphère « populaire »,
c' est-à-dire des citoyens?

Q2 - Les effets de l'agenda-se/ting se font-ils encore sentir sur Twitter, c'est-


à-dire, y a-t-il reconduction du courant médiatique dominant ou bien n 'y a-t-il
pas une place pom des contenus issus de la sphère « populaire »?

Q3 - Par qui les mots-clics sont-ils originalement produits et quels types de


contenu y sont associés?
38

Q4 - Les publications sont-elles davantage teintées par l' opinion à cause la


limitation du nombre de caractères dans les publications?

Grâce à la théorie présentée dans ce chapitre, nous avons pu élaborer un cadre de


références pour répondre à notre question principale de recherche. Nous nous
retrouvons aussi avec des sous-questions qui seront à 1' étude dans le cadre de ce
mémoire. Pour y arriver, nous proposons une étude de cas sur des mots-clics reliés à
des sujets traitant de 1'actualité sociopolitique québécoise francophone. Le chapitre
suivant expliquera davantage la démarche méthodologique qui nous permettra d'avoir
un portrait de la situation de la théorie de 1' agenda-s etting sur Twitter.
39

CHAPITRE III

MÉTHODOLOGIE

Dans ce chapitre, nous verrons comment nous appliquerons notre stratégie de


recherche de type mixte découlant d' un raisonnement hypothético-déductif. Nous
faisons appel à une étude de cas pour trouver des réponses à notre question de
recherche. Notre terrain d' investigation est Twitter où nous avons observé l'évolution
de mots-clics (hashtags) récurrents préalablement identifiés et en avons repéré des
nouveaux. Cela nous sert à construire notre corpus de données que nous pouvons
ensuite analyser pour en déterminer ses composantes ainsi que les acteurs
d'influences afin d'en saisir les rapports d'influences et pour y réévaluer le
fonctionnement de 1' agenda-setting.

Nous verrons donc d'abord d' où provient notre stratégie pour ensuite bien
l'expliquer. Nous exposerons par la suite les dimensions principales qui nous
intéressent avant de présenter les outils et les différentes étapes. Nous terminerons par
préciser comment s' est faite notre observation ainsi que notre analyse et comment
nous assurons la crédibilité des résultats.

3.1 La source méthodologique

Notre étude de cas s' inscrit dans une stratégie de recherche de type mixte puisqu 'elle
comprendra une collecte de données quantitatives en lien avec une observation
40

participante périphérique, mais elle s' appuie sur une démarche et une analyse à la fois
quantitatives et qualitatives. Avant d' aller plus loin dans la description de notre
stratégie de recherche, nous la présentons dans ses généralités pour en saisir les
caractéristiques principales.

D'abord, mentionnons que selon Woodside et Wilson rapportés par Gagnon, « l' étude
de cas [ .. .] est appropriée pour la description, l' explication, la prédiction et le
contrôle de processus inhérents à divers phénomènes, que ces derniers soient
individuels, de groupe ou d'une organisation. » (Gagnon, 2012, p. 2) Il résume aussi
ses fonctions principales comme suit : « La description répond aux questions qui,
quoi, quand et comment (Eisenhardt, 1989; Kidder, 1982); l' explication vise à
éclairer le pourquoi des choses » (Gagnon, 2012, p. 2).

Gagnon note également trois grandes forces de l' étude de cas qui s' appliquent
parfaitement au contexte de notre recherche. Elle sert à « fournir une analyse en
profondeur des phénomènes dans leur contexte », à offrir « la possibilité de
développer des paramètres historiques » et à « assurer une forte validité interne, les
phénomènes relevés étant des représentations authentiques de la réalité étudiée. »
(Ibid. , p. 2-3) Ces caractéristiques conviennent ainsi bien à la complexité des rapports
d'influence que nous souhaitons étudier en matière de gatekeeping et d' agenda-
setting.

Par ailleurs, selon Latzko-Toth, bien que la définition de 1' étude de cas soit floue, il
ne faut pas se méprendre avec 1'enquête statistique ou 1' étude expérimentale, car la
première « porte sur un grand nombre de cas (ou unités d' analyse) sur lesquels est
relevé un nombre restreint d' informations » tandis que « la recherche expérimentale,
pour sa part, concerne [... ] un nombre réduit de cas, mais ceux -ci sont créés
artificiellement » (Latzko-Toth, 2009, p. 3). Les cas sont ainsi en nombre restreint
(voire un seul), d' origine « naturelle » et « sur lesquels on recueille une grande
quantité d'informations suivant toutes sortes de dimensions ».
41

Toute étude de cas comporte évidemment une analyse des données. Pour notre étude,
1' analyse de contenu est la méthode la plus appropriée pour interpréter nos données à
la fois quantitatives et qualitatives. Si l' analyse de contenu se situe aujourd ' hui « à la
croisée de plusieurs disciplines » (Gagnon, 2012, p. 2-3), c' est d' abord pour répondre
à un besoin de compréhension de « l' apparition et [du] développement des moyens de
communication de masse (presse écrite, radio) » aux États-Unis qu ' elle s' est
constituée comme stratégie de recherche (Derèze, 2009, p. 165). Le premier
chercheur à être associé à l' essor de l' analyse de contenu est Harold D. Lasswell, qui
fait paraître en 1927 son ouvrage « Propaganda Technique in the World War ».Il met
au point un schéma d' analyse qui pose les questions suivantes : « Qu' est-ce qui est
dit? »,« Par qui? »,« Par quel canal? » et « Avec quels effets?» (Ibid ., p. 164). C' est
toutefois Bernard Berelson qui « contribue à fonder épistémologiquement 1' analyse
de contenu » grâce à Content analysis in communication research (Ibid ., p. 164-165).
Il définissait alors cette stratégie comme « une technique de recherche pour la
description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste de la
communication. » (Ibid. , p. 165) Depuis, on note l' ouverture faite aux études
qualitatives avec 1' analyse de contenu.

3.2 La stratégie de recherche retenue : les techniques et les outils

Notre stratégie de recherche repose ainsi sur la démarche de l' étude de cas quant à la
structure et les techniques qu ' elle emploie pour répondre aux questions de recherche.
Selon Yin rapporté par Latzko-Toth, « il s' agit d 'une stratégie de recherche globale
[ .. .] comportant une logique de conception [ .. .] de la recherche, des techniques de
collecte de données et des approches spécifiques en regard de 1' analyse des données »
(Latzko-Toth, 2009, p. 5). Voici donc les deux techniques essentielles de notre
démarche de même que les outils que nous emploierons.
42

3 .2.1 Observation participante périphérique

Dans un premier temps, notre étude consiste en une observation qui nous se11 à
récolter les données et à former un corpus précis à analyser. Selon Gagnon, « cette
technique sert à recueillir des données relatives à des comportements ou à des
conditions environnementales observables. », elle peut viser « une collecte de
données formelle, caractérisée par un protocole d' observation. » (Gagnon, 2012,
p. 61) Plusieurs types d' observations sont possibles selon les besoins. Gagnon (20 12,
chap. 5) cite l' observation participante, l' observation participative (ou directe),
l' entrevue et l' analyse documentaire, entre.autres. Derèze propose aussi l' observation
directe, mais également l' observation secondaire et l' observation furtive (Derèze,
2009, p. 89-90). Tandis que certains types demandent une immersion avec les sujets
d' étude ou bien une distance complète, notre approche se situe plutôt entre les deux.
Bien que les utilisateurs de Twitter ne sont pas directement informés de notre
présence sur le terrain d' investigation, il s' agit tout de même d' une observation
participante au sens où « l'observation participante implique, à des degrés divers, que
le chercheur prenne un rôle, participe à la vie de la communauté qu'il étudie. »
(Coulon cité dans Serpereau, 2011 , p . 81) En effet, dans notre cas, un compte
personnel a été paramétré pour profiter des fonctions de Twitter, mais notre
« observation participante [est] marquée par la volonté d'interférer le moins possible
avec le terrain social étudié. » (Serpereau, 2011 , p. 81 ). Plus précisément, nous
pouvons qualifier notre observation participante de « périphérique » au sens de Adler
et Adler, cités par Serpereau, puisque « le chercheur n'occupe pas de rôle actif dans la
situation » (Ibid. , p. 82). L ' avantage d ' étudier les interactions sur Twitter est double :
cela nous permet d' être au cœur des échanges, grâce aux données ouvertes et
publiques, tout en étant invisible, en périphérie.
43

1
3.2.2 Analyse de contenu

Dans un deuxième temps, nous effectuons une analyse de contenu puisqu ' il s' agit
ainsi d' un « ensemble d' instruments méthodologiques de plus en plus raffinés et en .
constante amélioration s' appliquant à des "discours" (contenus et contenants)
extrêmement diversifiés. » (Dépelteau, 1998, p. 342) et qu ' elle permet de
« s' intéresser aussi au contexte, pas seulement au texte » (Bardin, 1996, p. 13). Cela
nous donne aussi la flexibilité nécessaire pour répondre à notre question de recherche
et nos sous-questions qui se situent dans un vaste terrain encore peu découvert : « en
tant qu' effort d' interprétation, l' analyse de contenu se balance entre les deux pôles de
la rigueur de l' objectivité et de la fécondité de la subjectivité. » (Derèze, 2009,
p. 162) Puisque l'analyse qualitative « correspond à une procédure plus intuitive,
mais aussi plus souple, plus adaptable à des indices non prévus ou à l' évolution des
hypothèses » (Bardin, 1996, p . 13), nous la préférons à une analyse strictement
quantitative qui nous limiterait dans notre exploration des questions établies
précédemment. Finalement, nous sommes plutôt devant une posture mixte, car nous
intégrons des données quantitatives fournies par notre observation pour alimenter
notre démarche.

3 .2.3 Outils

Ainsi, pour réaliser notre stratégie, nous avons besoin d' outils précis. Nous effectuons
d' abord une recherche documentaire et une veille active pour déterminer notre corpus
de travail et d' élection puis nous procédons à 1' extraction des données avec 1' outil
Tweet Archivist. Twitter permet un accès direct aux données publiées sur sa
44

plateforme par l'entremise de ses interfaces de programmation (API) « Search » et


« Stream ». La première donne accès «aux 2000 derniers tweets d'une recherche
environ, ou à une semaine de tweets »3 , tandis que la deuxième permet d'enregistrer
toutes les publications à venir selon le mot-clic enregistré. Tweet Archivist paramètre
pour nous les API et nous permet de les extraire sous format Excel. En plus de
l' extraction de données, Tweet Archivist peut analyser celles-ci. En entrant un mot-
clic dans leur moteur de recherche, l' outil nous permet d' y recenser les utilisateurs
principaux, les mots-clics reliés, les sources du tweet, le volume du mot-clic, les
utilisateurs mentionnés, le nombre de retweets, les influenceurs, etc. Nous utiliserons
également Microsoft Excel et un script Ruby pour traiter et analyser les données
brutes fournies par Tweet Archivist.

Les dimensions et les étapes précises de la méthodologie sont décrites dans les
sections suivantes.

3.3 Dimensions principales à l'étude

La théorie de 1'agenda-setting est prin ci paiement basée sur les transferts de


prépondérance des sujets à l'agenda des médias de masse qui produisent de fortes
corrélations vers l'agenda public. Un sujet qui atterrit sur l'agenda public a
normalement été relayé par un ensemble de médias qui s'appuient sur des principys
journalistiques et des sources d' information pour former un agenda médiatique
collectif où chaque grand joueur influence les autres. C' est pourquoi l'une des
dimensions à 1' étude dans ce mémoire sera les sources médiatiques utilisées dans la
diffusion et le partage de contenu sur Twitter. Pour cela, nous relevons les noms de
domaines Internet, c' est-à-dire les noms des sites webs. Nous souhaitons ainsi voir si

3
www.tweetarchi vist.co m
45

la reconduction du courant médiatique dominant se dessine selon les différents mots-


clics utilisés. Cette dimension sous-tend la prémisse selon laquelle le mot-clic peut
être étudié comme un sujet d' actualité au sens de la théorie de l'agenda-setting.

Une autre dimension à l' étude ici consiste à évaluer les acteurs en matière de
gatekeeping. Pour cela, nous devons surtout voir si les auteurs reliés aux tweets sont
issus du journalisme professionnel ou non. Ici, nous avons comme prémisse que le
retweet et la mention (l ' action de mentionner un autre utilisateur en marquant son
compte avec le symbole « @ ») sont des mesures d' influence qui peuvent produire
des effets d'agenda-setting, en ce qu' ils entraînent comme comportements et comme
résultantes de diffusion.

Enfin, une troisième dimension que nous étudions concerne le contenu des
publications. Nous évaluons le contenu des tweets issus de notre corpus d'élection
pour vérifier s'ils correspondent à du contenu journalistique.

3 .4 Les étapes de la démarche

Nous établissons des étapes claires pour effectuer notre étude, tout en permettant une
flexibilité qui permettra d' atteindre les objectifs.

3 .4.1 Détermination du corpus et observation participante périphérique

Notre observation participante périphérique nous sert à cerner un corpus précis pour
déterminer nos cas et faire la collecte de données pour des fins d'analyse. Cette étape
est inspirée de Derèze (2009, chapitre 7).
46

3.4.1 .1 Corpus existant: Le corpus existant est l' ensemble des twe ets publiés pendant
la période de recherche. Avec plus de 500 000 000 tweets publiés en moyenne par
jour4 , nous aurons besoin de bâtir un corpus de références plus restreint qui nous
permettra une lecture plus accessible de l' évolution des mots-clics.

3.4.1. 2 Corpus de références : Le corpus de références correspond aux tweets


envoyés par des utilisateurs sélectionnés parmi les plus actifs à partager du contenu
avec les mots-clics #polQC, #CEIC et #UPAC. Ce sont des mots-clics choisis lors
d' une observation préliminaire parce qu ' ils agissent en quelque sorte comme des
« méta » mots-clics dans la Twittosphère politique québécoise; ils sont utilisés de
façon récurrente dans divers sujets d' actualité sociopolitique.

• Le premier (#polQC) est utilisé pour faire référence à la politique québécoise 5.


• Le deuxième (#CEIC) est relié à la Conunission d' enquête sur l'octroi et la
gestion des contrats publics dans 1' industrie de la construction6 .
• Le troisième (#UPAC) concerne les perquisitions et développements dans les
enquêtes de l' Unité permanente anticorruption.

Les utilisateurs sont dans un fil agrégateur (grâce à la fonction « Listes » sur Twitter)
qui nous sert à repérer les tendances. Nous pouvons voir en temps réel si un mot-clic
éclot et est repris par ces utilisateurs-clés. Les données ne sont pas recueillies, mais
serviront à préparer le corpus de travail.

3. 4.1. 3 Corpus de travail : Le corpus de travail contient deux volets. Le premier volet
consiste à recueillir les tweets correspondants aux trois mots-clics mentionnés ci-
dessus en les entrant dans l' outil Tweet Archivist. Pour le deuxième volet, nous
4
https ://blog.twitter.com/20 13/ new-tweets-per- econd-record-and-how
5
http://www .ledevo ir .com/po 1itiq ue/quebec/404844/cam pagne-e lectorale-le-pq-s-est- iso le-dans- la-
twittosphere
6
http: //pro jetj .ca/article/ceic-la-%C2%A B tw itterisation%C2% B B-de- la-comm ission-charbon neau
47

sélectionnons les tweets utilisant 3 des mots-clics apparus dans le corpus de


références. Pour les deux volets, l 'outil se connecte aux interfaces de programmation
de Twitter (API) pour récupérer les publications déjà existantes et effectue ensuite
une veille systématique pour récupérer toutes les données à venir.

Les mots-clics du deuxième volet sont sélectionnés selon les critères suivants :

• Temps : pendant la période couvrant le 1er juin 2014 au 8 juillet 2014 .


• Pertinence : les mots-clics doivent référer à 1' actualité sociopolitique
québécoise. L' actualité événementielle (comme un rassemblement politique,
une manifestation ou autre) sera exclue puisqu'il s' agit d' un acte planifié et
organisé avec souvent un volet promotionnel.
• Popularité: un seuil d' environ 500 tweets en 24 h sera considéré comme
« populaire ». Ce chiffre correspond à la moyenne quotidienne des trois
« méta » mots-clics déjà observés.
• Variété : les mots-clics devront couvrir des sujets différents .
• Nouveauté: Le mot-clic doit « naître » ou « renaître », c'est-à-dire qu' il
n'existait pas avant (ou n ' était pas employé sémantiquement pour la même
raison) ou qu' il n' était plus actif.

Nous avons ainsi deux volets complémentaires, qui, grâce à l'approche qualitative,
nous permettent d' avoir une vision d' ensemble et de comprendre le contexte :
« contexte du message, mais aussi contexte extérieur à celui-ci : quelles sont les
conditions de production, autrement dit, qui parle à qui, dans quelles circonstances,
quel est le moment et le lieu de la communication, quels sont les événements
antérieurs ou parallèles. » (Bardin, 1996, p. 14 7)

3.4.1.4 Corpus d 'élection: Le corpus d'élection est tiré de ce corpus de travail. Nous
sélectionnons certains tweets desquels nous en analysons l'auteur (son identité, sa
48

profession, son nombre d' abonnés) et le contenu dans son contexte temporel. Nous
voulons cibler les tweets d'origine ainsi que les tweets ayant contribué à l'essor du
mot-clic en sujet tendance.

3.4.2 Le traitement des données

Pour effectuer notre analyse, nous travaillons à la fois avec le corpus de travail et
avec le corpus de l' élection. Premièrement, nous utilisons le corpus de travail afin
d'analyser quantitativement les plus grands utilisateurs-vecteurs, c' est-à-dire les
utilisateurs contribuant à la popularité d' un mot-clic selon trois critères. Ces trois
critères sont en fonction du nombre de tweets partagés, du nombre de mentions 7 et du
nombre d' ab01més. Ils représentent différentes façons d' influencer l' agenda de
Twitter.

Deuxièmement, nous nous servons aussi de ce grand volume de données pour trouver
les médias à être le plus souvent intégrés aux publications, en effectuant une
compilation de tous les noms de domaines. Pour des fms d' analyse précises, nous
devons également renverser les hyperliens raccourcis pour qu ' elles entrent dans la
compilation grâce à un script développé en langage Rubl . Pour une comptabilisation
équitable entre les différents volumes de données recueillies pour chaque cas, nous
retenons les 30 meilleurs résultats pour chaque critère et pour les noms de domaines
(en cas d' égalité pour le 30e rang, nous conservons tous les résultats équivalents) .

7
Notons que les retweets sont aussi comptabi lités comme une mention . Seu ls les retweets effectués à
l' aide du bouton prévu à cet effet sont comptabi li sés . Nous ne sommes pas en mesure de calculer ceux
qui ont édité un tweet et l' ont « retweeté ».

8
Ruby est un langage de prog rammation libre.
49

Nous retirons également les résultats de moins de 5 (nombre de tweets partagés, noms
de domaines cités) pour une meilleure pertinence de données .

Finalement, nous sélectionnons des tweets précis pour créer le corpus de l' élection
pour lesquels nous procéderons à une analyse de contenu. Il s'agit, pour chaque mot-
clic, du tweet d' origine (dans le cas des nouveaux mots-clics) et des tweets
« vecteurs», c' est-à-dire les tweets ayant le plus grand nombre de retweets. Nous
cumulons de cette façon 5 tweets par cas pour un total de 30 que nous pouvons
insérer dans une grille d' analyse.

3 .4 .3 La catégorisation et 1' interprétation

Afm d' interpréter les données recueillies et classées avec la grille d' analyse, nous
devons les catégoriser. Nous catégorisons à la fois notre corpus de travail et notre
corpus d 'élection. En lien avec le cœur de notre réflexion et de notre question
principale de recherche, nos catégories servent à connaître les acteurs, les sources
médiatiques les plus partagées, quel type de contenu devient populaire et qui en sont
les auteurs.

3.4.3.1 Les utilisateurs-vecteurs: Nous pouvons établir différentes catégories quant


aux types d' utilisateurs-vecteurs que nous retrouvons pour chaque cas selon les trois
critères présentés à la section précédente. Lorsqu ' il s'agit de compte utilisateur relié à
un média, nous nous inspirons des catégories de Ré billard (Marty et al. , 20 12). Pour
identifier chaque utilisateur dans la bonne catégorie, nous devons nous fier à la
description de son profil en n' excluant pas une recherche sur le web au besoin.
50

• Média en ligne : les comptes associés aux médias de masse (télévision, radio,
journaux, magazines).
• Site natif d' Internet : les comptes associés à des sites exclusivement sur
Internet («pures players »)traitant de l'actualité, incluant les sites sociaux de
nouvelles (social news websites).
• Blague : les comptes associés à des publications individuelles exclusivement
sur Internet.
• Infomédiaire : les comptes associés à un regroupement automatisé
d' information.
• Communication : les comptes associés au monde des médias qui ne sont pas
journalistes à proprement parler (chroniqueur, auteur, émission de télévision
ou radio, autre personnalité médiatique, etc.).
• Politique : les comptes associés à des fonctions officielles de partis politiques.
• Groupe de pression : les comptes associés à des organismes, associations ou
tout autre groupe de pression.
• Citoyen : les comptes associés à des individus identifiés ou anonymes ne
faisant pas partie des catégories précédentes.

3.4.3.2 Les noms de domaines: Les catégories pour les noms de domaines sont plus
restreintes comme nous souhaitons évaluer seulement les sites d' information.

• Média en ligne : les domaines associés aux médias de masse (télévision, radio,
journaux, magazines).
• Site natif d' Internet: les domaines associés à sites exclusivement sur Internet
(« pures players ») traitant de l' actualité, incluant les sites sociaux de
nouvelles (social news websites).
• Blague : les domaines associés à des publications individuelles exclusivement
sur Internet.
51

• Infomédiaire : les domaines associés à un regroupement automatisé


d' information.
• Média socionumérique : les domaines associés à des médias socionumériques.
• Autres : tous les autres domaines associés à autre chose qu ' à un site
d'information.

3.4.3.3 Les contenus des tweets: Pour l'analyse de contenu, nous retenons les mêmes
catégories que pour les utilisateurs-vecteurs pour classer les auteurs puis nous
catégorisons le contenu en deux types : information et opinion. Il est important de les
distinguer, car :

[L]e journalisme politique revêt un double visage : les rédacteurs, reporters ou


enquêteurs sont chargés de raconter les événements sur lesquels les
éditorialistes, chroniqueurs et autres commentateurs sont appelés à donner
leur point de vue. Les deux fonctions sont distinctes, elles correspondent à
deux approches différentes de l'actualité: l' une qui établit des faits, l' autre
qui les juge. (Ferenczi, 2007)

3.5 Crédibilité des résultats et limites de la recherche

Cette méthodologie se fonde sur les principes de base en ce qui concerne la stratégie
de l' étude de cas ainsi que les deux méthodes utilisées, soit l' observation participante
périphérique et l'analyse de contenu. Le respect des procédures et des étapes
présentées justifiées et présentées plus haut assurera la crédibilité des résultats. Bien
que la stratégie comporte une part de subjectif dans l'interprétation des données, les
critères établis pour la détermination du corpus ainsi que pour la catégorisation
permettront une recherche objective et fiable.
52

Nous sommes toutefois conscient de certaines limites dans notre démarche.


Principalement, l'étude de cas « présente des lacunes importantes quant à la
généralisation des résultats qu'elle permet d' obtenir » (Gagnon, 2012, p. 3). Notre
échantillon empêche une généralisation de la situation puisqu ' il est non probabiliste
et qu' il se limite à la situation du Québec francophone. Toutefois, tel n'est pas le but
avancé ici. Les données recueillies et 1' interprétation qui en résulteront ne cherchent
qu'à étudier la pertinence de 1' agenda-setting dans la sphère des médias
socionumériques, d'en explorer son fonctionnement et de saisir au final les rapports
d'influence. En ce qui nous concerne, « l' étude de cas peut servir à raffiner une
théorie, par 1' addition de particularités, ou à établir les limites d' une généralisation. »
(Ibid. , p. 4)

La pertinence de Twitter dans la reconsidération de la théorie de 1'agenda-setting et


sa place dans les changements en cours ont été soutenues dans les chapitres
précédents. Toutefois, il est important aussi de justifier Twitter comme terrain
d'investigation. Non seulement Twitter est-il un terreau fertile pour la diffusion et la
discussion de sujets d' actualité en comparaison avec d'autres médias sociaux
d'envergure (Volders, 2013 , p. 18), mais en plus l' analyse d' un mot-clic permet des
comparaisons comme sujet d' actualité dans le sens de la théorie de McCombs et
Shaw. De surcroît, son volume important de données ouvertes, quantifiables et
exportables place la plateforme comme un terrain privilégié pour des recherches en
communication sociopolitique et médiatique. Notons que pour des considérations
éthiques, nous avons protégé l' anonymat des utilisateurs dans notre étude en ne
présentant que les résultats analysés et consolidés. En effet, bien que Twitter soit un
« lieu public », l'Association of Internet Researchers (AOIR) explique que :

People may operate in public spaces but maintain strong perceptions or


expectations of privacy. Or, they may acknowledge that the substance of the ir
communication is public, but that the specifie context in which it appears
implies restrictions on how that information is - or ought to be - used by
other parties. (Markham et Buchanan, 20 12)
53

Notre choix de cibler l' actualité sociopolitique francophone au Québec repose quant à
lui sur une plus grande facilité à cibler un corpus pertinent grâce à la langue, à un
échantillon de données plus réduit et à une plus grande familiarité des enjeux
d' actualités et des acteurs. Nous comptons sur l'abondance de sujets d' actualité
divers pendant la période de recherche comme facteur principal de réussite. Nous
pouvons constater les résultats dans le chapitre suivant.
CHAPITRE IV

PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

Le chapitre qui suit présente les résultats consolidés obtenus grâce à la méthodologie
expliquée au chapitre précédent. Nous vous exposons ici les résultats d' une analyse
quantitative et une analyse qualitative basées sur un corpus de tweets liés à six mots-
clics (hashtags).

Dans un premier temps, nous présentons les résultats individuels des six cas étudiés.
Parmi les six mots-clics analysés, nous retrouvons ceux considérés comme « méta »
et décrits plus haut : #polQC, #UP AC, #CEIC. Grâce à la liste des utilisateurs actifs
par rapport à ces mots-clics, nous avons également été en mesure de· repérer
#Normand eau, #budget20 14 ainsi que #Orsainville pendant la période de terrain. Le
premier traite principalement du passage de Nathalie Normandeau, ancienne vice-
première ministre du Québec, à la Commission Charbonneau. Le deuxième couvre le
dévoilement du budget 2014 par le ministre des Finances Carlos Leitao. Le troisième
est relié à l'évasion de trois détenus de la prison d' Orsainville. Pour chaque cas, nous
présenterons trois types de résultats, soit les utilisateurs-vecteurs, les noms de
domaines et le contenu, et nous ferons une analyse partielle pour alimenter nos sous-
questions 1 et 2 (QI et Q2) .

Dans un deuxième temps, nous consoliderons les résultats pour répondre à chacune
de nos sous-questions de recherche présentées plus tôt. Les résultats feront également
55

l'objet d' une discussion dans le chapitre subséquent afin de répondre à la question de
recherche.

Avant de poursuivre, notons que certains comptes ou tweets considérés comme


« spams » (comptes partageant du contenu promotionnel en détectant des mots-clics
populaires) ou non reliés à l'actualité sociopolitique québécoise ont été retirés du
corpus lorsqu ' ils se retrouvaient dans les résultats analysés afin d' obtenir une
meilleure pertinence des résultats. Certains noms de domaine ont également été
retirés de l' analyse pour diverses raisons : des liens raccourcis ne pouvaient pas être
ouverts par le script Ruby (dlvr.it, feed.ly), des liens qui ne font qu ' héberger les
images accompagnant les publications (whatsupic, twitpic.com), des liens ne pouvant
être identifiés (no-ip.biz) et ceux menant à twitter.com, étant plus apparentés à une
forme de retweet que de partage de liens externes.

4.1 Portrait de #polQC

Avec plus de 75 000 données publiées entre le 1er juin et le 8 juillet, il s' agit du plus
gros corpus analysé. Globalement, ce mot-clic est utilisé pour accompagner toutes
sortes de sujets reliés à l' actualité sociopolitique québécoise.

4.1.1 Utilisateurs-vecteurs

Pour le nombre de tweets publiés, c' est la catégorie « Citoyen » qui domine en
occupant 83,3 % des trente premiers rangs. Pour le nombre de mentions, la catégorie
« Citoyen » arrive première également avec 36,7 %, mais suivi de près par
56

« Politique » avec 33,3 %. Quant au nombre d ' abonnés, la catégorie « Citoyen » se


retrouve en queue de peloton, et c ' est « Communication» à 40% suivi par « Média
enligne » et « Politique », ex aequo à 23 ,3 %.

Tableau 4.1 Utilisateurs-vecteurs de #polQC

Nb. de tweets Nb.de mentions Nb. d'abonnés

Média en ligne 0 4 7

Site natif 1 2 1

Blogue 0 1 0

Infomédiaire 2 0 0

Communication 1 2 12

Politique 1 10 7

Gr. de pression 0 0 0

Citoyen 25 11 3

4.1.2 Noms de domaines

La catégorie « Média en ligne » domine largement le palmarès avec 46,7 %. La


catégorie « Autres » est elle aussi importante avec 26,7 %.
57

Tableau 4.2 Noms de domaine de #polQC

Nb. de récurrence

Média en ligne 14

Site natif 4

Blogue 2

Infomédiaire 0

Média socionumérique 2

Autres 8

4.1.3 Contenu

Comme il s' agit d' un mot-clic récmrent, il n 'y a pas de tweet d' origine pom ce cas.
Nous avons plutôt sélectimmé cinq tweets vectems.

Parmi ceux-ci, quatre sont catégorisés « Opinion » contre un seul qm est


« Information ». Notons que ce dernier est celui qui a été le plus populaire, en plus
d'avoir comme autem un « Citoyen ». Les quatre autres se déclinent en
« Communication » deux fois, « Politique » et « Média en ligne ».

Tous les tweets contenaient d' autres mots-clics traitant un sujet connexe tel que
#AssNat, #CEIC ou #manifencoms. Un seul tweet contenait un hyperlien (vers
lapresse.ca) et un seul autre était accompagné d' une photo (d ' une manifestation).
58

4.1.4 Analyse partielle

Le cas #polQC vient déjà alimenter notre réflexion quant à la sous-question 1 (Ql) .
La catégorie « Citoyen », bien que dominante pour le nombre de tweets, ne convainc
pas autant pour le nombre de mentions. Selon les données recueillies, les utilisateurs
« Citoyen » partagent la tête du classement des utilisateurs-vecteurs par nombre de
mentions avec « Politique », qui ont pourtant beaucoup moins publié de contenu. Il
faut dire également que ce mot-clic touche directement des sujets reliés à la politique.
La catégorie « Communication », quant à elle, arrive première pour le nombre
d' abonnés, lui conférant une influence quant au nombre d ' impressions.

Ce premier cas nous informe aussi par rapport à la sous-question 2 (Q2) et


l' utilisation des noms de domaines utilisés dans les publications. Nous constatons que
le courant médiatique dominant semble se reproduire ici étant donné que la catégorie
« Média en ligne » occupe près de la moitié du classement, en plus d' occuper les
quatre premières positions. Toutefois, on y voit quatre sources de « Site natif » et
deux sources de « Blague » qui font leur place dans le classement. On retrouve aussi
plusieurs sources « Autres », qui occupent également une part importante du
classement et dont plusieurs sont en lien avec des sites de partis politiques ou du
gouvernement.

4.2 Portrait de #UPAC

Ce cas compte près de 1800 tweets, ce qui donne un corpus beaucoup plus faible que
le précédent. Il concerne surtout des sujets variés en lien avec la corruption et les
enquêtes policières.
59

4.2.1 Utilisateurs-vecteurs

En termes de nombre de tweets, la catégorie « Citoyen » se détache largement des


autres avec 88,2% des positions. Pour le nombre de mentions, c' est aussi « Citoyen»
qui arrive en tête, mais plus modestement avec 58,1 % des tweets. Puis, pour le
nombre d'abonnés, la tendance se renverse avec la catégorie « Média en ligne » en
première place avec 46,7 % ainsi que « Communication » en deuxième place avec
26,7 %. Rappelons qu' en cas d'égalité pour le 30e rang, comme ici, nous conservons
tous les résultats équivalents.

Tableau 4.3 Utilisateurs-vecteurs de #UPAC

Nb. de tweets Nb.de mentions Nb. d'abonnés

Média en ligne 0 5 14

Site natif 0 0 1

Blogue 0 0 0

Infomédiaire 1 0 0

Communication 1 3 8

Politique 2 4 2

Gr. de pression 0 1 0

Citoyen 30 18 5
60

4.2.2 Noms de domaines

Le corpus présent étant plus faible et le mot-clic inspirant moms de partage


d' hyperliens, il ne nous a pas été possible d' établir 30 positions dans le classement
selon les conditions déterminées dans le chapitre III. En effet, seulement 22 domaines
obtenaient plus de cinq occurrences lors du décompte. Dans ce cas-ci, c' est aussi la
catégorie « Média en ligne » qui est la plus populaire avec 50 %. Le reste se distribue
presque équitablement entre « Site natif », « Blogue », « Média socionumérique » et
« Autres ».

Tableau 4.4 Noms de domaine de #UPAC

Nb. de récurrence

Média en ligne 11

Site natif 3

Bio gue 3

Infom édiaire 0

Média socionumérique 3

Autres 2
61

4.2.3 Contenu

Parmi les cinq tweets vecteurs recueillis (ce cas n'ayant pas d' origine), quatre sur
cinq étaient du contenu de catégorie « Opinion ». Concernant les auteurs, tous étaient
de catégorie « Citoyen ».

L' utilisation de plusieurs autres mots-clics était également chose courante dans les
cinq tweets étudiés: on y retrouve entre autres #PLQ, #CEIC, #polQC, #AssNat et
#électionQC2014. Des photos ont été ajoutées dans trois tweets, où il s'agissait de
caricatures dans deux cas et d' une citation dans w1 cas. Un seul hyperlien était présent
et celui-ci menait à un article de radio-canada.ca.

4.2.4 Analyse partielle

Le cas de #UPAC nous donne une réponse semblable au cas précédent quant à Q 1,
même que la catégorie « Citoyen » occupe encore davantage le classement. Même
scénario quant aux nombres de mentions, où cette catégorie reste première, mais perd
beaucoup de positions. La catégorie « Média en ligne », absente du classement pour
le nombre de tweets apparaît ici avec cinq positions. Ici, c'est « Média en ligne » qui
se retrouve première pour le nombre d ' abonnés ;« Communication » arrive deuxième.

Pour ce qui est de Q2, les sites de médias de masse sont majoritairement utilisés
comme source d' information. Notons qu' ils occupent cinq des six premiers rangs. Par
ailleurs, on y retrouve aussi des liens de contenu « alternatif», issus de blogues et de
sites natifs.
62

4.3 Portrait de #CEIC

Ce cas aussi touche des sujets en lien avec la corruption, mais plus spécifiquement
des cas reliés aux passages de témoins devant la Commission Charbonneau. Avec
plus de 45 000 données comptabilisées pendant la période couverte, il constitue le 2e
plus gros corpus analysé.

4. 3 .1 Utilisateurs-vecteurs

C'est encore une fois la catégorie « Citoyen » qui domine le classement du nombre de
tweets publiés, mais avec une plus faible majorité, à 70 %, suivie par « Média en
ligne » à 26,7 %. Pour le nombre de mentions, c' est partagé entre « Média en ligne »
à 40% et « Citoyen » à 36,7 %. « Média en ligne » arrive également première dans le
classement du nombre d' abonnées avec 50%, suivi de près par « Communication »
avec 40 %. Il reste un peu de place dans le classement pour « Politique » et « Site
natif » seulement.
63

Tableau 4.5 Utilisateurs-vecteurs de #CEIC

Nb. de tweets Nb.de mentions Nb. d'abonnés

Média en ligne 8 12 15

Site natif 0 1 1

Bio gue 0 0 0

Infomédiaire 0 0 0

Communication 1 5 12

Politique 0 1 2

Gr. de pression 0 0 0

Citoyen 21 11 0

4.3 .2 Noms de domaines

Le classement des noms de domaine est dominé ici aussi par « Média en ligne » qui
occupe 46,7 % des positions, en plus d'occuper 10 des 15 premières positions. Les
autres positions sont réparties à parts presque égales entre « Autres », « Site natif »,
« Blague » et « Média socionumérique ».
64

Tableau 4.6 Noms de domaine de #CEIC

Nb. de récurrence

Média en ligne 14

Site natif 4

Bio gue 4

Infomédiaire 0

Média socionumérique 3

Autres 5

4.3.3 Contenu

Le cas #CEIC ne contient pas non plus de tweet d' origine, étant un mot-clic récurrent.
Trois des contenus des tweets vecteurs sont de catégorie « Opinion » et avaient
comme catégorie d'auteur « Communication». Les deux autres sont plutôt
« Information » avec comme auteur « Média en ligne ».

Ici aussi d' autres mots-clics accompagnent les tweets, mais seulement dans trois des
tweets étudiés. Aussi, un seul contenait une photo (une citation) et aucun hyperlien
n'est utilisé.
65

4.3.4 Analyse partielle

Les données fournies par ce cas renforcent Je constat concernant Q1 des deux
précédents cas avec les utilisateurs « Citoyen » dominants pour le nombre de tweets
diffusés. La baisse de la catégorie « Citoyen » pour le nombre de mentions est
d' autant plus accentuée parce ce qu 'elle passe en deuxième position, derrière « Média
en ligne ». La catégorie « Communication », bien qu ' occupant 12 positions dans Je
classement du plus grand nombre d'abonnés, n' occupe que 5 positions dans Je
classement du nombre de mentions. Autre fait notable, « Citoyen» n'occupe aucune
position dans le classement du plus grand nombre d'abonnés.

Le classement des noms de domaines pousse également vers les mêmes conclusions
que dans les cas précédents pour notre sous-question Q2. Ici aussi, « Média en ligne »
domine le classement total en plus d' occuper les huit des dix premiers rangs.

4.4 Portrait de #Normandeau

Le cas du passage de Nathalie Normandeau à la Commission Charbonneau a généré


plus de 1100 tweets pour la période analysée.
66

4.4.1 Utilisateurs-vecteurs

On retrouve la catégorie « Citoyen » loin devant toutes les autres pour le nombre de
tweets avec 91 ,9 %. Le classement du nombre de mentions est aussi dominé par
« Citoyen », mais avec un taux plus faib le de 57,3 %, devant « Communication » à
19, 4% et « Média en ligne » à 13,9 %. La tête classement du nombre d'abonnés est
disputée entre« Citoyen » à 33 ,3 %et« Communication » à 30 %. « Média en ligne »
suit de près avec « 23 ,3 % ».

Tableau 4.7 Utilisatems-vecteurs de #Normandeau

Nb. de tweets Nb.de mentions Nb. d'abonnés

Média en ligne 0 5 7

Site natif 0 1 1

Bio gue 0 0 0

Infomédiaire 0 0 0

Communication 2 7 9

Politique 1 2 3

Gr. de pression 0 0 0

Citoyen 34 21 10
67

4.4.2 Noms de domaines

Encore ici, vu la taille du corpus, nous n' avons pu recenser 30 domaines ayant plus de
cinq occurrences. C' est « Média en ligne » qui domine avec 72,7 % des positions du
classement qui contient 11 positions.

Tableau 4.8 Noms de domaine de #Normandeau

Nb. de récurrence

Média en ligne 8

Site natif 1

Blogue 1

Infomédiaire 0

Média socionumérique 1

Autres 0

4.4.3 Contenu

Le tweet d' origine pour ce cas est celui d'un « Citoyen » et son contenu est
« Information ». Le f'rvee t, qui contient d'autres mots-clics et un hyperlien vers
lapresse.ca, n' a toutefois pas été « retweeté ».
68

Parmi les quatre tweets vecteurs, trois sont de catégorie « Opinion » et ont comme
auteur «Média en ligne », « Communication » et « Groupe de pression ». L' autre
tweet « Information » a comme auteur « Communication ».

Des mots-clics sont utilisés dans chacun des tweets et deux photos ont été partagées
(deux caricatures) . Aucun hyperlien n' est utilisé (sauf dans le cas du tweet d' origine).

4.4.4 Analyse partielle

Nous sommes face ici à une domination quasi exclusive de « Citoyen » pour le
nombre de tweet, et, comme dans les cas de mots-clics récurrents, cette domination
devient une majorité plus faible pour le nombre de mentions . « Média en ligne »,
catégorie absente du premier classement, apparaît avec cinq positions et
« Communication » obtient sa part également. Ce cas repéré pendant l' étude semble
donc faire écho aux réponses fournies par les mots-clics récurrents en ce qui a trait à
Ql.

Pour les noms de domaines, « Média en ligne » occupe encore davantage le


classement que dans les cas précédents et ne laisse qu ' une seule place pour
« Blogue » et une seule pour « Site natif », nous indiquant la reconduction du courant
médiatique dominant dans ce cas comme réponse à Q2.
69

4.5 Portrait de #budget2014

Ce cas a été traité de façon particulière puisque le mot-clic #budget2014 ne traitait


pas exclusivement de l' actualité sociopolitique québécoise. Cela correspondait au
budget provincial déposé par le gouvernement provincial québécois, mais également
au budget du gouvernement australien et indien. Pour avoir un corpus pertinent, nous
avons dû séparer les données par langue, en ne conservant que les données en
français. Il y a bien sûr quelques données en anglais qui traitaient de l' actualité
québécoise qui ne sont pas prises en compte dans l' analyse, mais cela n ' affecte pas la
pertinence des quelque 3000 tweets analysés. Mentionnons également que malgré le
retrait des tweets en anglais, certains tweets concernant l' Inde et d'autres concernant
la France se sont retrouvés dans les classements. Nous les avons effacés
manuellement lorsque ceux-ci y étaient.

4.5.1 Utilisateurs-vecteurs

Ici aussi, la catégorie « Citoyen » remporte le classement, mais avec un score plus
humble de 42,2 %, suivi par « Politique » à 27,2 %. Pour le nombre de mentions,
c' est plutôt « Politique » qui arrive premier à 43 ,3 %, sans qu' il y ait une deuxième
position qui se détache clairement. Du côté du nombre d' abonnés,« Communication »
à 33,3 %, « Média en ligne » à 26,7% et « Politique » à 23 ,3 %se partagent les trois
premiers rangs.
70

Tableau 4.9 Utilisateurs-vecteurs de #budget2014

Nb. de tweets Nb.de mentions Nb. d'abonnés

Média en ligne 2 4 8

Site natif 2 2 2

Bio gue 0 0 0

Infomédiaire 1 0 0

Co mm uni ca ti on 4 3 10

Politique 9 13 7

Gr. de pression 1 5 3

Citoyen 14 3 0

4.5.2 Noms de domaines

En ce qui concerne les noms de domaine, ce cas est assez unique, car ici c'est la
catégorie « Autres » qui domine le classement avec 58,8 %. Comme il s'agissait du
dépôt d' un budget, beaucoup de liens pointent vers des communiqués de presse
hébergés par des groupes de pression et diverses associations ainsi que sur des sites
gouvernementaux. Notons que « Média en ligne » occupe quand même 20,6% du
classement.
71

Tableau 4.10 Noms de domaine de #budget2014

Nb. de récurrence

Média en ligne 7

Site natif 2

Bio gue 1

Infomédiaire 0

Média socionumérique 4

Autres 20

4.5.3 Contenu

Le tweet d' origine est aussi ici de catégorie « Information », mms son auteur est
plutôt « Communication ». D'autres mots-clics ont été utilisés, mais il n' y a eu qu ' un
seul retweet.

Les quatre autres tweets sont catégorisés « Opinion » et les auteurs sont « Politique »
deux fois , « Groupe de pression » et « Citoyen ».

D' autres mots-clics sont employés partout sauf dans un tweet. Une image a été
utilisée (une représentation graphique), mais aucun hyperlien n'est employé.
72

4.5.4 Analyse partielle

Dans le cas #budget20 14, « Citoyen » occupe majoritairement le classement du


nombre de tweets, mais dégringole dans le classement du nombre de mentions
derrière « Groupe de pression » et « Média en ligne ». C' est la catégorie « Politique »
qui domine, ce qui diffère des autres réponses à Q1 obtenues précédemment.
« Politique » est toutefois plus présent également pour le nombre de tweets publiés.

La présence plus importante des utilisateurs « Groupe de pression » dans les


classements des utilisateurs-vecteurs se fait sentir dans les noms de domaines,
puisque la catégorie « Autres », dominante ici, mène souvent vers des sites qui leur
sont reliés. Cela diffère des précédentes réponses obtenues pour Q2. « Média en
ligne » termine toutefois deuxième.

4.6 Portrait de #Orsainville

Avec près de 900 tweets, c' est le cas comprenant le plus faible nombre de données
recueillies. Il a d' abord servi à couvrir l' évasion spectaculaire puis à comprendre
comment ceux-ci y sont parvenus.

4.6.1 Utilisateurs-vecteurs

À cause d'un corpus plus petit, nous n'avons pas été en mesure d' obtenir 30
utilisateurs ayant publié plus de cinq tweets avec ce mot-clic pendant la période
73

étudiée. Ainsi, sur les 28 positions obtenues, la catégorie « Citoyen » en occupe


60,7 %, laissant les autres catégories se partager quelques positions restantes.
Concernant le nombre de mentions, « Média en ligne » et « Citoyen » se partagent la
première position avec 30,3 %chacune. Pour le nombre d' abonnées, c' est « Média en
ligne » qui domine avec 60 %, loin devant les autres.

Tableau 4.11 Utilisateurs-vecteurs de #Orsainville

Nb. de tweets Nb.de mentions Nb. d'abonnés

Média en ligne 3 10 18

Site natif 1 1 2

Blogue 0 0 0

Infomédiaire 2 0 0

Communication 2 5 3

Politique 3 6 4

Gr. de pression 0 1 0

Citoyen 17 lü 3
74

4.6.2 Noms de domaines

Ici, c' est encore une fois « Média en ligne » qui domine le palmarès avec 69,2 %.
Notons que nous n ' avons pu obtenir 30 résultats pour ce classement, mais seulement
13.

Tableau 4.12 Noms de domaine de #Orsainville

Nb. de récurrence

Média en ligne 9

Site natif 1

Blogue 1

Infomédiaire 0

Média socionumérique 1

Autres 1

4.6.3 Contenu

Le tweet d' origine pour ce cas-ci est également de catégorie « Information » et c' est
un « Média en ligne » qui en est l' auteur. La publication est accompagnée d' une
photo de presse, mais pas d' hyperlien ou d' un autre mot-clic.
75

Deux des tweets vecteurs sont d'auteurs « Média en ligne » et ont du contenu
« Information », tandis que les deux autres ont des auteurs « Communication » et du
contenu « Opinion ».

Outre le tweet d'origine, aucun tweet n'était accompagné de photo et un seul d'un
hyperlien. L'utilisation de mots-clics n'est ici présente que dans 2 tweets.

4.6.3 Analyse partielle

Pour une sixième et dernière fois, la catégorie « Citoyen » remporte le classement du


nombre de tweets publiés. Une fois de plus, cette catégorie glisse dans le deuxième
classement : « Citoyen » se retrouve nez à nez dans le classement du nombre de
mentions avec« Média en ligne ». Cette dernière domine également le classement du
nombre d' abonnés.

Concernant les noms de domaines, c'est une fois de plus « Média en ligne » qui est
plus que présent dans le classement.

Des réponses plus complètes à nos sous-questions abordées dans nos analyses
partielles (Ql et Q2) seront présentées dans la prochaine section, de même que des
réponses aux autres sous-questions.

4.7 Consolidation et analyse des résultats

Bien que chaque cas étudié nous éclaire un peu plus sur nos sous-questions, nous
présentons ici les résultats consolidés pour une meilleure interprétation.
76

4.7.1 Diffusion des mots-clics

Les données compilées selon les trois différents types d' utilisateurs-vecteurs et
1' analyse de contenu effectuée nous permettent de répondre à notre sous-question 1
(Q 1) concernant la provenance et la diffusion des mots-clics.

Tout d' abord, afin de mieux comprendre, les trois types d'utilisateurs-vecteurs pour
tous les cas ont été compilés dans le tableau ci-dessous (4.13). À la lueur des analyses
partielles et de la compilation des résultats, nous voyons clairement que la catégorie
« Citoyen » est dominante concernant le nombre de tweets . C'est aussi la catégorie
qui contient le plus d' utilisateurs. Nous remarquons également que sa présence est
réduite de près de la moitié lorsqu ' il est question du nombre de mentions, même si
elle demeure la catégorie la plus importante. Tandis que « Média en ligne »,
« Politique » et « Commwùcation » obtiennent tme part beaucoup plus grande dans le
deuxième classement que dans le premier. C' est donc dire que, malgré le faible
nombre de publications associées pour chacun des mots-clics, ces trois catégories
auraient w1e plus grande influence que la catégorie « Citoyen ». Cela s' explique en
partie par le fait que les utilisateurs de ces trois catégories ont plus d'abonnés, comme
le montre la compilation du troisième classement. « Infomédiaire », quant à elle, fait
pâle figure, puisque malgré les quelques positions qu 'elle gagne pour le nombre de
tweets publiés, elle est absente des autres classements. « Groupe de pression » et
« Site natif » de leur côté connaissent une légère augmentation entre les deux
premiers classements, pour obtenir chacun une petite part du classement du nombre
de mentions. Enfm, la catégorie « Blogue » est globalement quasi absente, n' obtenant
qu ' un rang dans le classement du nombre de mentions.
77

Tableau 4.13 Portrait général des utilisateurs-vecteurs des cas étudiés

Catégorie Nb. de tweets Nb.de mentions Nb. d'abonnés

Média en ligne 13 6,8 % 40 21 ,1 % 69 40,6%

Site natif 4 2,1 % 7 3,7 % 8 4,7%

Blogue 0 0% 1 0,5% 0 0%

Infom édiaire 6 3,1 % 0 0% 0 0%

Communication 10 5,2 % 25 13,2 % 44 25,9 %

Politique 16 8,4 % 36 18,9 % 25 14,7 %

Gr. de pression 1 0,5 % 7 3,7 % 3 1,8 %

Citoyen 141 73 ,8 % 74 38,9% 21 12,4%

Total 191 100 %, 190 100% 170 100 % 10

Ensuite, pour approfondir la question, il faut regarder les réponses obtenues grâce à
1' analyse de contenu effectuée. Le tableau 4.14 présente la compilation des catégories
d' auteurs pour tous les tweets vecteurs repérés (les tweets d' origine n' y sont pas
comptabilités) . Ainsi, « Communication », « Citoyen » et « Média en ligne » sont les
trois catégories à tirer leur épingle du jeu. Les catégories « Politique » et « Groupe de
pression » occupent quelques positions, mais sont beaucoup moins présentes, tandis
que « Site natif », « Blogue » et « Infomédiaire » sont totalement absentes du
classement.

9
Pour alléger le tab leau, nous avons arrondi à une décimal, ce qui donn e un tota l de 99,9 %.
10
Ici , le résu ltat arrondi donne un tota l de 100, 1 %.
78

Tableau 4.14 Portrait général des contenus des tweets

Catégorie d'auteur Nb. de récurrence

Média en ligne 6 23 ,3%

Site natif 0 0%

Bio gue 0 0%

Infomédiaire 0 0%

Communication 9 33 ,3%

Politique 3 10 %

Gr. de pression 2 6,7%

Citoyen 7 26,7

Total 27 100 %

Finalement, ces deux compilations nous éclairent quant à la diffusion des mots-clics.
Nous témoignons que les utilisateurs « Citoyen » ont collectivement un impact
significatif et certains d'entre eux ont même un impact individuel considérable. Les
utilisateurs de la catégorie « Site natif », bien qu 'occupant quelques rangs, ne
convainquent pas entièrement. Parallèlement, les utilisateurs issus du milieu
traditionnel y ont une plus grande part : « Média en ligne », « Communication » et
« Politique » occupent 73 % du classement selon le nombre de mentions. « Média en
ligne » occupe à elle seule 40,6% du classement selon le nombre d' abonnées. Nous
avons également vu que des citoyens parviennent tout de même à publier quelques
tweets qui « performent » autant que ceux d'utilisateurs issus de la sphère
traditionnelle.
79

4. 7.2 Effets de 1'agenda-setting sur Twitter

Grâce à la recension de tous les noms de domaines accompagnant les tweets


recueillis, nous avons pu élaborer un classement des hyperliens les plus utilisés pour
chaque cas. Le tableau 4.15 ci-dessous les comptabilise tous et nous aide à répondre à
notre sous-question 2 (Q2). Nous voyons rapidement la prégnance de « Média en
ligne » qui occupe près de la moitié du classement. Cela nous indique d' emblée une
forte présence du courant médiatique dominant et ainsi présumons-nous de la
reconduction des effets de 1' agenda-s etting et du transfert de la prépondérance de
l' agenda médiatique des mêmes acteurs qu ' en dehors d' Internet. Par contre, en
regardant le reste du classement, nous constatons deux choses. D' abord, la présence
de nombreux liens de catégorie « Autres », souvent liés à des groupes de pression,
sites de partis politiques ou document gouvernementaux, révèle l'accessibilité
permise par Twitter de diffuser directement les sources d' information. Ensuite,
l' utilisation de sources de catégorie « Site natif » ou « Blague » n ' est pas à négliger
puisqu ' ils représentent ensemble près de 20% du classement.
80

Tableau 4.15 Portrait général des noms de domaine des cas étudiés

Catégorie Nb. de récurrence

Média en ligne 63 45%

Site natif 15 10,7%

Bio gue 12 8,6%

Infomédiaire 0 0,0%

Média socionumérique 14 10,0%

Autres 36 25 ,7%

Total 140 100%

4.7.3 Origine des mots-clics

L' analyse de contenu nous donne quelques pistes quant à l' origine des tweets et des
contenus associés, mais, vu le trop faible échantillon, nous permet de répondre que
partiellement à notre sous-question 3 (Q3). Parmi les trois cas étudiés où il était
possible de trouver l'origine, nous retrouvons un auteur de catégorie
« Communication », un de « Média en ligne >> et un dernier de « Citoyen ». Les
contenus associés aux trois publications sont de catégorie « Information » et deux
d' entre elles contiennent soit une photo de presse ou un hyperlien menant à un site
d'information. Nous n'avons donc pas d' utilisateur type pour qualifier le tweet
d' origine, mais, dans les trois cas, nous constatons la présentation de faits et non
d' opinions.
81

4.7.4 Type de contenu associé aux tweets vecteurs

Une dernière comptabilisation nous sert à analyser le type de contenu associé aux
tweets vecteurs afm de répondre à la sous-question 4 (Q4). Lors de notre analyse de
contenu, nous avons pu qualifier d' information et d' opinion les 27 publications.
Comme le démontre Je tableau ci-dessous (4.16), les trois quarts étaient de l' ordre de
« Opinion » et le quart des tweets restants étaient de catégorie « Information ». Cela
pointe Je caractère orienté des tweets les plus populaires.

Tableau 4.16 Types de contenu des cas étudiés

Catégorie de contenu Nb. de récurrence

Information 7 25,9%

Opinion 20 74,1%

Total 27 100%

Nous avons par ailleurs remarqué que l' utilisation d'autres mots-clics était très
répandue. Dans 82,5 % des données issues de notre analyse de contenu, il y a
utilisation de plusieurs mots-clics supplémentaires, comme nous voyons dans le
tableau 4.17.
82

Tableau 4.17 Utilisation de mots-clics additionnels

Mots-clics additionnels Nb. de récurrence

0 5 18,5%

1 13 48 ,1%

2 2 7,4%

3 et plus 7 25,9%

Total 27 100%

En conclusion, les données recueillies grâce à notre stratégie d'étude de cas, qm


comprenait, d'une part, une observation participante périphérique et, d' autre part une
analyse de contenu, nous éclairent quant à nos quatre sous-questions de recherche.
Les cas étudiés séparément nous donnent matière à analyse, mais leur consolidation
nous renseigne davantage. Les réponses fournies par rapport à la diffusion et à
l' origine des mots-clics, aux effets de l' agenda-setting sur Twitter et aux types de
contenu publiés nous permettront, dans le chapitre qui suit, de répondre plus
globalement à notre question principale, à savoir quels sont les rapports d'influence
qui changent en matière d' agenda-setting.
CHAPITRE V

DISCUSSION DES RÉSULTATS

Afin de mieux comprendre l'évolution des concepts présentés dans Je cadre


théorique, ce dernier chapitre interprétera et approfondira les résultats de notre
recherche présentés au chapitre IV.

Les données recueillies nous aiguillent quant à la problématique soulevée en début de


parcours et éclairent nos questionnements . Plus précisément, nous sommes en mesure
ici d' interpréter celles-ci en regard à notre question générale de recherche concernant
les rapports qui changent en matière d ' agenda-setting.

Les rapports d' influence sont quelque peu altérés, mais poursuivent les effets de
l'agenda-setting et la domination de l'agenda des médias de masse. Nous verrons,
d'abord, ce qu ' il en est de notre concept-clé en matière d' agenda-setting, le
gatekeeping, à savoir qui profite du nouvel espace de visibilité pour y faire circuler
l' information et comment se transforment les pratiques journalistiques sur Twitter.
Ensuite, il sera question des conséquences que cela cause aux deux niveaux de
1' agenda-s etting, soit la tendance que prennent les médias de masse à reproduire le
courant médiatique dominant ainsi que la place qu ' occupe 1'opinion, renforçant du
coup I'attribute agenda-setting. Finalement, nous aborderons les nouveaux enjeux
que soulève notre démarche.
84

5.1 Le gatekeeping à l'ère de Twitter

À première vue, les données présentées dans le chapitre IV confirment partiellement


les changements dans le gatekeeping annoncés par certains auteurs, mais ne remettent
pas en question ses fondements.

5.1.1 Nouvel espace de visibilité pour les citoyens?

En substance, nos observations confirment le nouvel espace de visibilité annoncé par


certains auteurs, affirmant que « le web a en effet élargi l' espace public en décuplant
les notions de visibilité et de publicité » (Cardon, 2010, p . 36). Nos observations
quant à la place qu'occupent les citoyens-utilisateurs, ces utilisateurs de Twitter que
nous avons catégorisés comme « Citoyen », en tant qu ' utilisateurs-vecteurs dans les
trois classements du tableau 4.13 montre que Twitter le permettrait aussi. Cette place,
qui confirme un glissement dans le gatekeeping, doit être considérée, car bien que les
utilisateurs-citoyens arrivent difficilement à partager de 1' information nouvelle, ils
peuvent à tout le moins la redistribuer, la partager et l' orienter. En ce sens, ils
incarnent un groupe hétérogène qui se différencie des acteurs issus de la sphère des
médias traditionnels. Selon nos données, ils occupent une place beaucoup plus
importante que les utilisateurs de sites natifs ou de blogues, même si ceux-ci ne sont
pas à négliger.

Toutefois, comme le dit également Cardon, « certaines choses visibles ne sont pas
pour autant publiques » (Ibid.), c' est-à-dire, bien que les utilisateurs-citoyens publient
ou diffusent des tweets , ils n'auront pas nécessairement le caractère public, le statut
officiel , et ne seront pas pour autant lus par beaucoup d'utilisateurs. Cardon nous
85

rappelle qu' « Internet substitue un continuum dans lequel certains propos sont très
publics , d'autres moins et d 'autres pas du tout . » (Ibid.) Comme nous avons pu
l'observer, les actions de ces utilisateurs-citoyens peuvent ainsi parfois demeurer en
vain , car elles suscitent peu ou pas de réponse ou de partage. Par ailleurs, un coup
d'œil à la liste des utilisateurs ayant le plus d'abonnés confirme que ce sont ceux
issus de la sphère traditionnelle qui en ont le plu s, leur conférant defacto davantage
de visibilité.

La participation des utilisateurs-citoyens sur Twitter présente donc un prem1er


changement important dans les rapports de la théorie de 1'agenda-setting, bien que
-
l' influence de celle-ci reste encore à explorer. Le pouvoir des gatekeepers semble
alors plus diffus . Comme les utili sateurs-citoyens représentent le groupe majoritaire ,
ils peuvent participer au secondary gatekeeping de Singer. En effet , la popularité d' un
mot-clic (hashtag) est très variable: entre 900 et 75 000 tweets par cas dans notre
étude. Leur participation en terme quantitatif peut mener à une forme d' influence que
Singer appelle post-modération : les médias de masse , sensibles aux clics qu ' ils
peuvent récolter sur Internet , se sentent interpellés par les sujets générant beaucoup
d'i ntérêt.

5 .1.2 Gatewatching et journalisme citoyen

Un autre phénomène que nous avons pu observer, et même mesurer, c'est la


publication de tweets avec comme hyperlien la source directe. L'utilisation à 25 ,7 %
d' hyperliens de catégorie «Autres » au tableau 4.15 suggère qu ' une proportion
importante des utilisateurs accompagnent leurs tweets de sources directes, c'est-à-dire
des sources provenant des parties prenantes relativement à des sujets d' actualité
86

(issues), sans passer par les médias. En effet, beaucoup de sources « Autres », comme
vues dans le chapitre précédent, pointaient vers des sites de groupes de pression, de
partis politiques ou de gouvernements. Toutefois, il aurait fallu avoir des catégories
de noms de domaines plus précises que « Autres » pour être en mesure de mieux
comprendre le type de sources qui y sont associées.

Cela s' apparente à du metajournalism décrit par Goode (2009) ou au gatewatching de


Marty et al. (2012) permis par l' abaissement des barrières avec l' accès libre aux
contenus rassemblés sous les mots-clics. Comme nous avons vu au chapitre II, ces
deux concepts tentent de théoriser la production collective d ' information qui met la
table à un journalisme ambiant, où les joueurs ne sont plus que des professionnels
reconnus. Ainsi, nos utilisateurs qui emploient des sources directes peuvent en
quelque sorte créer collectivement du contenu journalistique, à coup de 140
caractères ou moins. Puisque nous avons observé la forte présence des utilisateurs de
catégorie « Citoyen », nous pouvons présumer d ' une forme de journalisme citoyen.
Goode nous dit par ailleurs que même s' ils n' agissent pas comme des créateurs de
contenu, ceux-ci peuvent quand même faire partie de la production d' information
(Goode, 2009, p. 1288). Nous avons effectivement remarqué au tableau 4.16 que le
format s' éloignait des principes journalistiques, car le contenu se rapproche souvent
d' une opinion plutôt que d' une information dans 74,1 %des cas (nous développerons
davantage sur cet aspect dans w1e section subséquente).

Nous avons observé également qu ' il y a un noyau d' utilisateurs de catégorie


« Citoyen » participe plus activement que la majorité. Cela rejoint les conclusions de
Veenstra et al. concernant leur étude du cas #wiunion :

Our findings suggest a strong core of committed individuals at the center of the
#wiunion protest network. [ .. .] Through the informational and expressive
motivations they cited, their thoughts on information credibility and t:raditional
media, and their qualified acceptance of the « journalism » label (Veenstra et
al. , 2014, p. 12)
87

En effet, nous avons vu que plusieurs utilisateurs-citoyens, bien qu 'ayant peu


d'abonnés, se retrouvent dans le classement des utilisateurs-vecteurs selon le nombre
de tweets publiés et selon le nombre de mentions. De plus, certains d' entre eux se
retrouvaient dans les mêmes classements d' utilisateurs-vecteurs d ' un cas à l' autre.

Cet aspect de notre étude de cas sur les utilisateurs et la transformation du


gatekeeping nous révèle aussi certainement des changements sur le plan de l'agenda-
setting. Une citation de Goode résume cette tendance:

Citizen journalism allows members of the public to engage in agenda-setting


not merely by producing original content (though this is certainly a significant
development) but also by rendering the agenda-setting processes of established
professional media outlets radically provisional, malleable and susceptible to
critical intervention. (Goode, 2009, p. 1293)

Comme expliqué dans le cadre théorique, la clé pour comprendre les changements en
matière d' agenda-setting est de regarder ces transformations en ce qui a trait au
gatekeeping. Les phénomènes observés ici sont reliés à ce qui suit.

5.2 Les effets de l' agenda-setting sur Twitter

Nos données recueillies permettent d 'en connaître davantage sur la nature des
changements dans le fonctionnement de l' agenda-setting, selon deux niveaux de
I'agenda-setting, dont les effets, rappelons-le, s'observent autant lors du transfert de
la prépondérance des sujets couverts par l'agenda médiatique vers l'agenda du public
(les choix des nouvelles) que lors du transfe11 des attributs vers ce même agenda
(l'angle et le traitement des nouvelles).
88

5.2.1 Le courant médiatique dominant ou le prolongement de 1' agenda-s etting


par les médias de masse

Les résultats obtenus lors de notre recherche nous éclairent aussi à propos de l' agenda
médiatique sur Twitter. En étudiant la question des changements dans le gatekeeping,
nous avons vu que des acteurs presque absents de la sphère des médias traditionnels
se taillaient une place sur Twiter, tout en constatant la forte présence des acteurs issus
de la sphère traditionnelle (voir le tableau 4.13).

Toutefois, cela a des répercussions en matière d' agenda-setting, et nos résultats


concernant l' utilisation des hyperliens accompagnant les publications par les
utilisateurs dressent un portrait intéressant. En effet, dans le tableau 4.15 , nous avons
relevé que 45 % des noms de domaines les plus utilisés étaient issus de médias
traditionnels en ligne, c' est-à-dire de sites Internet de nouvelles gérés par des médias
de masse ayant une plateforme existante hors ligne. Ces sites de nouvelles,
radio-canada.ca, lapresse.ca ou tvanouvelles.ca par exemple, ne sont que des
déclinaisons d' un autre média. Nous avons aussi noté dans ce même tableau que les
sites natifs représentaient 10,7% du classement, les blagues 8,6% et les médias
socionumériques 10 %. Ces dernières statistiques démontrent une certaine ouverture
du champ de la diversité de l' information, mais ne permettent pas de conclure à une
révolution en terme d' agenda médiatique et ultimement des effets de 1' agenda-
setting.

Pour mieux comprendre, rappelons-nous les conclusions du projet IPRl. Les


chercheurs participant au projet ont déterminé qu ' il y avait bien une concentration de
l' attention médiatique envers une poignée de sujets. Ils ont calculé que 20% des
sujets rassemblaient entre 80% et 83 % des articles publiés sur le web (Marty et al. ,
2012, p. 44). Les autres sujets ne bénéficiaient souvent que d' un article ou deux et ne
89

parvenaient pas à infiltrer l' agenda public, car ils n' obtenaient pas une visibilité
suffisante. Ainsi, les effets de 1' agenda-s etting se font sentir de façon imposante et les
auteurs concluent à une véritable reproduction du courant médiatique dominant sur le
web, avec comme acteurs principaux les médias en ligne.

Nous retrouvons un phénomène semblable sur Twitter. Les sources majoritaires qui
en ressortent sont les médias de masse. Non seulement occupent-ils beaucoup plus de
positions dans le classement que les autres catégories du tableau 4.15 , mais ils
occupent aussi les premières positions. En ce sens, n' est-il pas rare de voir dans
chaque cas étudié les quatre ou cinq premières positions occupées par un domaine de
catégorie « Média en ligne ». Nous sommes alors plutôt face à une tendance au
prolongement de 1' agenda-setting ayant comme sources prépondérantes celles des
médias de masse. Cela rejoint d' ailleurs les prédictions de McCombs (2004, p. 146-
147) qui croit que la diversité de l'information pourrait être améliorée avec Internet,
mais que ce sont les médias de masse encore qui détiennent toujours un rôle plus
grand.

Néanmoins, la place qu'occupent les utilisateurs de catégories « Blogue » et « Site


natif » dans le classement du tableau 4.15 nous laisse entrevoir une ouverture pour de
nouvelles sources et formes de médias. Par exemple, leurs effets pourraient se voir au
niveau de l' intermedia agenda-setting, soit les effets mutuels des médias sur l'agenda
médiatique, mais l'avenir nous dira si cette ouverture est grandissante ou bien si la
place des nouveaux médias est stagnante. Si cela s' avère concluant, il s' agira alors
d'une prémisse pour étudier davantage la théorie de l' Internet-mediated reversed
agenda-setting, qui soutient que des informations peuvent émerger des médias
socionumériques et influencer directement 1' agenda médiatique autant en ligne que
hors ligne (Kim et Lee, 2007; Volders, 2013).

Il faut cependant se demander comment les utilisateurs non issus de la sphère


traditionnelle s'inscrivent dans l' influence de la construction de l' agenda médiatique,
90

s' il s' agit de contenu nouveau ou si nous sommes plutôt face à un « re-traitement » de
1' information. En ce sens, les données recueillies exposent des faits intéressants quant
à la place de 1' opinion dans le contenu et peuvent nous foumir une piste de réflexion
intéressante. La prochaine section résume nos observations et analyses à ce sujet.

5.2.2 La place de l' opinion et le cadrage

Nous avons pu apprécier plusieurs phénomènes quant à la place de l' opinion sur
Twitter, ce qui, nous croyons, entraîne plusieurs changements en ce qui concerne
1'agenda-setting. Nous estimons que le deuxième niveau de 1' agenda-s etting, que
l'on nomme attribute agenda-setting, est plus proéminent que le cadre traditionnel de
la théorie. Dans ce niveau, il ne s' agit pas seulement de circonscrire les sujets sur
lesquels les gens peuvent opiner ou partager, mais d' en orienter également les débats
et discussions par le traitement que donnent les gatekeepers à l' information. Trois
phénomènes ont été observés lors de notre étude pern1ettant d' en valider l' existence
et la plus grande présence.

D' abord, nous avons vu la place des publications de catégorie « Opinion » dans le
tableau 4.16, où notre analyse de contenu démontre qu ' elles représentent près des
trois quarts des données analysées. Twitter en ce sens est moins soumis aux principes
d' objectivité journalistique et de recherche de faits vérifiés qui prévalent dans les
médias traditionnels. Bien qu ' il y ait une place pour l' opinion ou la chronique, mais
celle-ci est généralement bien évidente : il y a séparation entre les deux types de
traitement par la mise en page et les sous-titres, par exemple, ainsi que par les rôles
des personnes qui s' y emploient. Sur Twitter, la distinction n'est pas explicitement
visible. Les utilisateurs peuvent à la fois mêler information et opinion lors d ' une
séquence de tweets en traitant d' un même sujet. Pour Cardon, il s' agit de la libération
91

des subjectivités, qui est accrue par le transfert des pouvoirs de gatekeeping vers une
plus grande masse de personnes. Ce phénomène entraîne toutefois un éloignement
des intérêts communs, selon l'auteur : « L' élargissement de l' accès à la visibilité sur
Internet s' est en quelque sorte "payé" d'un abaissement des contraintes qui avaient
fondé les formes du discours public en le plaçant dans l' horizon régulateur de la
raison, de l' autocontrôle et du détachement vis-à-vis des intérêts particuliers. »
(Cardon, 2010, p. 40) Contrôler les perspectives semble très important en ce sens, car,
comme nous l'expliquait McCombs, c' est l' ultime influence sur l'opinion publique
(McCombs, 2004, p. 82).

Ensuite, nous avons pu noter la place importante des utilisateurs de catégories-


« Communication » et « Politique » au tableau 4.13. Nous avons remarqué que ces
deux groupes ont tendance à orienter leurs publications, c' est-à-dire à publier du
contenu davantage de type « Opinion », en plus d'occuper une proportion importante
dans le classement du nombre d' abonnés (25 ,9% et 14,7% respectivement). La
notoriété de ces utilisateurs et de leurs publications leur permet de s' inviter
directement dans le débat sans passer par 1' intermédiaire des médias de masse,
renforçant ainsi notre constat sur la place de l' opinion sur Twitter. Cette
communication sans filtre peut s'avérer plus facile à générer pour ceux-ci : « This use
of media links and direct quotes is an ideal way to offer negative information while
avoiding potential backlash. » (Parmelee et Bichard, 2013 , p. 201)

Enfm, notre recherche a mis en lumière l' importance du mot-clic comme unificateur
des discussions et informations reliées aux sujets d'actualité (issues). Il permet de
réunir des tweets qui autrement seraient d' autant plus diffus et il contribue à orienter
les discussions. Ceci dénote la présence du cadrage (jraming) , le concept selon lequel
les auteurs mettent 1' accent sur certains aspects, favorisant 1' adoption d' une vision
orientée d' un sujet. Le concept de cadrage, tel que présenté dans le chapitre II, est
associé de près à 1' attribute agenda-s etting et contribue à augmenter 1' influence des
92

effets de l'agenda-setting : « These influences on the public include broad sets of


attributes picturing the various aspects of an object, single attributes that define
dominant frames, and single attributes that function as a compelling argument. »
(McCombs, 2004, p. 97) Les mots-clics contribuent au cadrage des nouvelles en
sujets d' actualité, car la mise en exergue d' un mot ou d' un petit groupe de mots
contribue à l' accentuation de cet élément précis. De plus, le fait qu ' il soit cliquable
alimente l' interactivité entre les utilisateurs intéressés par le sujet. D' autant plus que
nous avons relevé que plusieurs utilisateurs employaient plus d' un mot-clic dans une
même publication, favorisant naturellement les publics à associer divers sujets et
augmentant de cette façon les effets de cadrage.

Ces trois phénomènes observés témoignent de l' orientation de l' information sur
Twitter qui contribue de cette manière au pseudo environnement de Lippmann et ses
« pictures in our head » (Ibid. , p. 3). Le court espace de 140 caractères qui encadre les
publications sur Twitter y renforce l' attribute agenda-setting, car 1' utilisateur ne peut
pas étayer ses propos et faire un portrait exhaustif d'un sujet d' actualité. Il est souvent
forcé de mettre l' accent sur un élément en particulier ou de « re-traiter » l' information
existante.

5.3 Twitter, entre liberté et régulation

Nos recherches soulèvent également des enjeux que nous nous devons d'aborder afin
de mieux comprendre nos résultats et d'évaluer l'impact des changeme~ts dans les
rapports d' influence de 1'agenda-setting.

L' enjeu principal que sous-tend la théorie de l'agenda-setting concerne le pouvoir et


le contrôle des médias sur la population. Les quelque 400 études effectuées en
93

matière d'agenda-setting, à propos de l' influence des médias sur l' agenda public, ont
tôt fait de mettre à jour l' un des rouages principaux de la communication politique,
soit la façon dont certains enjeux atterrissent sur l' agenda des décideurs. Les médias
de masse sont de cette façon la pierre angulaire de la communication entre le public et
les décideurs politiques. Le pouvoir dont ils bénéficient en est un très important et
c' est pourquoi nous nous sommes attardé à étudier leur évolution dans le contexte de
l' essor des nouveaux médias. Ces derniers remettent en perspective cet enjeu
principal : leur avènement est-il un prolongement naturel des médias de masse déjà
existants ou bien s'agit-il d' une rupture avec le cadre traditionnel des médias de
masse? Les résultats obtenus à la suite de notre recherche nous orientent dans cette
réflexion, mais celle-ci doit se poursuivre.

Nous avons vu comment le nouvel espace médiatique permis par Twitter libérait le
public d' un certain contrôle de l' information auparavant détenu très majoritairement
par les journalistes et éditeurs de médias de masse. Les nouveaux gatekeepers ont
maintenant la chance de s' abreuver directement aux sources d' information en plus de
partager à bon escient les sujets qui les concernent ou qui seraient selon eux d' intérêt
général. Nous avons également appris que de nouveaux médias plus marginaux ont
quand même une influence (mais moindre que les médias de masse en ligne) auprès
des utilisateurs de Twitter.

Les règles de production de contenu et de la circulation de l'information dans


1' agenda-setting changent, mais, dans 1' ensemble, est-ce que cela affecte les effets de
l' agenda-setting par rapport à l' opinion et l'agenda publics? Est-ce que la nouvelle
génération de citoyens qui grandira de plus en plus avec les médias socionumériques
en arrivera à réfléchir différemment des générations qui ont évolué dans un
environnement de médias de masse? McCombs met en perspective les changements
de paradigme médiatique en nous rappelant l' influence qu ' ils ont sur la mémoire
collective : « In a very real sense, each generation writes its own history and develops
94

its own collective memory of the past. » (McCombs, 2004, p. 139) Est-ce dire ici que
Twitter a le potentiel de mener à une forme d'émancipation qui contribuerait au
pluralisme et à la diversité de l' information grâce à une plus grande participation des
citoyens à la production de l' information et, par conséquent, à changer de plus en plus
jusqu'à réécrire les rapports d' influence de base de la théorie de 1' agenda-s etting?

Les d01mées recueillies nous poussent plutôt vers une conclusion qui s' inscrit dans la
pensée de Foucault et de ses notions de contrôle du discours. D' après notre
observation et notre analyse, Twitter reproduit les règles de la production du discours
plutôt que de réaliser une réelle émancipation. Bien qu ' il donne les pouvoirs de
gatekeeping à des citoyens, il les maintient dans des systèmes régulateurs. Les
rapports de pouvoir y sont reconduits, car nous sommes face aux mêmes acteurs
dominants qui existent en dehors de Twitter. Le principe d' abonnement du média
socionumérique, par exemple, contribue au maintien de ces acteurs comme source
d'influence puisqu ' il favorise des rapports de pouvoir inégaux. D' abord, il augmente
à l' évidence la visibilité des utilisateurs ayant beaucoup d' abonnés; ensuite, il
prolonge l'influence de ceux ayant déjà une popularité en dehors de Twitter, qui en
accumulent très rapidement dès la création de leur compte.

Ainsi, même si les rapports de 1'agenda-s etting changent, nous entrons possiblement
dans un modèle qui intègrerait encore davantage le public au système médiatique. Au
lieu d' influencer les médias de masse par le tirage ou le visionnement, il pourrait
intervenir plus tôt, par le partage et la publication d'information sur Twitter, en
démontrant collectivement un intérêt important pour un sujet d' actualité. Bien que
cela renforcerait la participation du public au processus d'agenda-setting, cela le
maintiendrait également dans le système, puisqu ' il se retrouverait dépendants des
médias de masse. Ainsi, la façon dont circule 1' information changerait, mais les effets
de 1' agenda-s etting demeureraient.
CONCLUSION

Afin de bien saisir la portée de ce travail et de comprendre les théories abordées en


relation avec les résultats de recherche, nous devons résumer chacun des chapitres de
ce mémoire. Nous proposons également à la fin des recommandations et des pistes
pour de futures recherches.

D' abord, rappelons la nature et le but de notre étude. Notre cheminement était
préalablement inspiré par l' essor des médias socionumériques qui mèneraient à des
changements dans les rapports d' influence. Pour en comprendre les fondements, nous
avons étudié L 'ordre du discours de Foucault (1971), qui nous montre comment les
rapports de pouvoir sont soumis à des structures et à des règles. En ce sens, nous
avons vu tout au long des chapitres, l' importance de revoir les notions de la théorie de
l' agenda-setting et des concepts qui 1' entourent dans le contexte actuel de la
communication bidirectionnelle. Ce faisant, d'un côté, nous avons vu la pertinence de
revisiter cette théorie pour comprendre ce contexte et, de 1' autre côté, nous avons été
témoins du potentiel permis par des médias socionumériques collline Twitter, qui
rendent la participation à 1'agenda-s etting plus accessible. En fin de compte, notre
recherche visait à éclairer quelques zones d' ombre quant à l' évolution en cours des
rapports entre Twitter et 1' agenda-setting. Ensuite, pour bien comprendre ce qui
ressort de notre étude, il s' avère important de faire un bilan et de rappeler les grandes
lignes de chaque chapitre.

Nous avons conm1encé par établir la problématique au chapitre I, en introduisant la


théorie de 1' agenda-setting et en exposant les enjeux et les défis de 1' essor des médias
socionumériques. Castells et Dijck, entre autres, ont théorisé la situation actuelle.
96

L' un prône une révolution du paradigme médiatique qu 'il appelle Network society, où
les technologies de l'information déterminent les nouveaux rapports
communicationnels; l' autre estime que nous entrons dans une Culture of connectivity
qui transforment nos façons de communiquer grâce à un écosystème de médias
interconnectés. Selon les deux cas, nous assistons à des rapports de communications
plus réciproques qui permettent plus d' échange et de collaboration, en plus d' offrir un
espace alternatif aux médias de masse. Nous avons aussi vu dans ce chapitre
comment la plateforme Twitter s' inscrit dans cet environnement et représente une
forme de concrétisation de ces théories, surtout par la participation multiple des
utilisateurs à des conversations diffuses qu ' elle rend possibles. Des études
démontrent toutefois que la visibilité permise par les médias socionumériques et
Internet n'est pas nécessairement synonyme d' influence, que des voix qui se lancent
dans la sphère publique ne sont pas entendues pour autant. Ce tour d' horizon nous a
servi à poser les bases de notre problématique et de montrer comment la théorie de
l' agenda-setting peut nous aider à l' analyser, pour ensuite articuler notre question
générale de recherche : y a-t-il de nouveaux rapports d' influence en matière
d' agenda-setting?

Pour y répondre, nous avons présenté au chapitre II le cadre théorique sur lequel
repose cette recherche. Nous avons d'abord montré 1' agenda-setting sous toutes ses
facettes et comment la théorie élaborée par McCombs et Shaw avait été renforcée au
cours des cinquante dernières années. La théorie, à la base un modèle plutôt linéaire
qui explique les hauts taux de corrélation entre l'agenda médiatique et l' agenda
public, s'est vue bonifier de plusieurs autres concepts théoriques, duframing au need
for orientation en passant par 1' agenda building et 1' effet de priming. Or, celle que
nous avons principalement retenue pour comprendre les enjeux actuels est le
gatekeeping. C' est par là que nous comprenons comment s' échange l' information et
se construit l' agenda médiatique. En l'intégrant dans notre réflexion, nous sommes en
mesure de mieux évaluer les rapports d' influence qui changent au sein des médias.
97

Ces rappo1is d' influence et les processus desquels découle 1'agenda-setting, nous les
avons mieux compris grâce aux notions de Foucault. En effet, dans L 'ordre du
discours, il nous fait réfléchir aux règles et processus qui encadrent les discours dans
une structure qui reproduit des rapports de pouvoir. Cela met en perspectives les
études et théories qui se sont penchées sur l' évolution du gatekeeping avec les médias
socionumériques. Nous y voyons que les citoyens adoptent certaines pratiques
journalistiques en intervenant dans les médias socionumériques pour tenter
d' influencer et de promouvoir leur propre agenda, nous donnant des pistes à explorer,
sous forme de sous-questions, pour mieux évaluer notre questionnement général.

C' est à partir de ce cadre théorique que nous avons voulu évaluer, au chapitre III, les
acteurs en place sur Twitter ainsi que les sources médiatiques utilisées dans des mots-
clics (hashtags), que nous conceptualisons comme des sujets d' actualité au sens de
l' agenda-setting. Nous voulions également étudier par qui naissaient les mots-clics et
quel en était le contenu partagé. Pour ce faire, nous avons établi une méthodologie
originale composée d'une stratégie mixte d'étude de cas qui s' appuyait sur une
observation participante périphérique et sur une analyse de contenu. Il a été
particulièrement difficile de construire une méthodologie nous pennettant de récolter
des données pertinentes à notre question de recherche étant donné la nature nouvelle
des recherches en médias socionumériques. Bien que les données brutes sur Twitter
soient ouvertes et accessibles, il n' en demeure pas moins qu ' elles doivent être
récupérées et analysées. Les outils disponibles à 1'heure actuelle sont souvent très
couteux ou difficiles à programmer. Les outils gratuits ou à faibles coûts offrent peu
de fonctionnalités ou un accès partiel aux données. C' est pourquoi il nous a fallu un
certain temps pour trouver notre outil Tweet Archivist et pourquoi la programmation
et le traitement de nos dmmées a prolongé notre période de terrain. De plus, la
période estivale pendant lequel se tenait le terrain n ' était pas favorable à une actualité
sociopolitique florissante, ce qui rendait notre sélection de mots-clics plus limitée.
98

Néanmoins, nous croyons qu ' il s'agit au final d' une méthodologie efficace qm
gagnerait à être bonifiée avec de plus grandes ressources humaines et financières.

Les résultats que nous avons obtenus ont été présentés au chapitre IV. Comme
expliqué dans notre démarche, nous avons fmalement ciblé six mots-clics, desquels
nous en avons extrait tous les tweets qui étaient accompagnés d' un ou plusieurs
d' entre eux pendant la période couverte par notre étude. Il s' agit ici de #polQC,
#CEIC, #UPAC, #budget2014, #Normandeau et #Orsainville. Ces six cas compilés
nous fournissent matière à analyse et interprétation. En ce qui concerne les acteurs,
nous avons constaté la présence massive des citoyens comme utilisateurs-vecteurs
dans le classement selon le nombre de tweets diffusés. Toutefois, cette place dans les
classements s' amenuise fortement dans celui du nombre de mentions et celui selon le
nombre d'abonnés. C' est plutôt les médias de masse en ligne ainsi que les
personnalités médiatiques qui brillent dans ces deux derniers classements. Pour les
noms de domaines, nous avons comptabilisé une majorité de liens accompagnant les
tweets menant vers des noms de domaine appartenant à des médias de masse. Nous
avons également recensé une part importante de liens de catégorie « Autres », c'est-à-
dire qui ne mènent pas vers un site de nouvelles. Cela porte à croire que les
utilisateurs s' informent à même les sources brutes d' information, sans qu 'elles soient
transformées par le prisme des médias, et qu 'ils partagent directement cette
infonnation. Enfin, une dernière donnée importante est le taux important de tweets de
catégorie « opinion », qui expose comment la restriction de 140 caractères de Twitter
ainsi que son mode d'échanges instantanés favorisent des publications orientées.

En fin de compte, ces résultats alimentent notre questionnement général dont nous
avons discuté au chapitre V. Ainsi pouvons-nous répondre à notre question principale
quant aux rapports d'influence dans l' agenda-setting avec Twitter. D' abord, faut-il
mentionner que notre variable principale, le gatekeeping, s'est avérée plutôt
transformée, puisque nos données indiquent que des citoyens et des utilisateurs non
99

issus de la sphère des médias traditionnels investissent beaucoup Twitter. Bien que
nous n' ayons pas de preuve de leur influence réelle, nous avons vu qu ' ils pouvaient
être générateurs de nombreuses publications et mentions, en plus de démontrer une
utilisation importante de liens de source directe. Par contre, nous avons aussi été
témoins de la reproduction du courant médiatique dominant, car la compilation de
noms de domaines nous pousse à croire que les effets de 1' agenda-s etting sont bien
présents. Ainsi, en termes foucaldiens, nous voyons que les rapports d' influence
restent globalement les mêmes, puisque les acteurs influents de la sphère médiatique
hors ligne semblent concourir de façon inégale contre les nouveaux acteurs. Leurs
rapports de pouvoir se transposeraient donc sur Twitter et maintiendraient les
citoyens dans une structure où ils sont encore dominés, mais où les rapports
d' influence sont moins inéquitables. Notons aussi que les données récoltées grâce à
l' analyse de contenu qualitative nous portent à croire que le deuxième niveau de
l' agenda-setting, l' attribute agenda-setting, serait plus important avec Twitter.

Cependant, nos résultats comportent des limites. Il nous est impossible de généraliser
nos résultats, car notre échantillon quantitatif est non probabiliste et notre analyse de
contenu présente un trop faible corpus. De plus, notre recherche ne concernait que
l' actualité sociopolitique québécoise. Malgré cela, ce n' était pas le but que nous
recherchions ici. L' étude de cas sert plutôt à comprendre un phénomène dans son
contexte large, et nous 1' avons utilisée pour explorer la théorie de 1'agenda-setting
dans le contexte de Twitter. Il nous est impossible également de généraliser notre
situation à l' ensemble des médias socionumériques puisque ceux-ci renferment des
fonctions et des utilisations toutes différentes. Enfin, bien que nous prêtions des
intentions aux utilisateurs-citoyens de vouloir contribuer à la sphère publique, cela
reste théorique et mériterait qu'on s'y attarde lors d' une autre étude en les
interrogeant directement.
100

Par ailleurs, cette étude ouvre la voie vers plusieurs autres perspectives de recherche.
D'abord, nos données constituent un portrait instantané de la situation de l 'agenda-
setting sur Twitter : des recherches effectuées sur une autre période avec une
méthodologie semblable permettraient de voir l' évolution de la place des citoyens-
utilisateurs et de regarder si leurs rapports d' influence changent. Ensuite, une autre
avenue envisageable, mais fortement exigeante en termes de ressources, est
d' effectuer une véritable étude d'agenda-setting sur Twitter. Cela impliquerait de
catégoriser les tweets en sujets d' actualité et de voir les corrélations avec les sujets
dont discutent les utilisateurs dans leurs cercles de relations en dehors de Twitter.
Ultimenent, cela permettrait aussi de vérifier un autre concept abordé dans le cadre
théorique qu ' il nous a été impossible de valider avec notre méthodologie: l'Internet-
mediated reversed agenda-setting. Cette théorie stipule que des sujets issus des
médias socionumériques peuvent être repris par des blogues ou des sites de nouvelles
natifs (pure play ers) pour être ultimement repris par des médias traditionnels et
bénéficier d' un rayonnement en ligne comme hors ligne. Si cette théorie s'avère
concluante, il s' agit là d' une autre forme de rapports d' influence.

En fin de compte, cette étude peut servir de base pour d' autres recherches sur Twitter
puisqu 'elle détaille une méthodologie intéressante et renferme des résultats pertinents
aux enjeux actuels en matière de rapports d' influence et de diversité d' information.
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(Mémoire de maîtrise) Tilburg University.
LEXIQUE

Twe et : Une publication en moins de 140 caractères diffusée sur la plateforme Twitter
par un utilisateur. Ce nombre est quantifiable et affiché sur le profil de chaque
utilisateur.

Hashtag : Un hashtag ou un mot-clic prend la forme #motclic. Il s'agit d'un mot-clé


sur lequel on clique; c'est par le clic, associé à un hyperlien, qu'il devient utile et
intéressant. Ajouter un # avant un mot le transforme automatiquement en lien
cliquable menant à une page de recherche contenant tous les messages avec le même
mot-clic. 11

Sujet tendance (trend): Il s' agit d' un mot-clé ou d' un hashtag utilisé par un nombre
massif d'utilisateurs dans un court laps de temps qui incarne un sujet précis. Il n'y a
pas de variable fixe pour déterminer un sujet tendance.

Utilisateur Twitter : Compte créé sur Twitter par une ou plusieurs personnes dans le
but de publier du contenu ou de suivre le contenu d' autres utilisateurs. Chaque
utilisateur possède un identifiant unique composé d'un « @ » et suivi de caractères
alphanumériques. Pour participer aux échanges, l' utilisateur s'abonne à d' autres
utilisateurs et peut permettre à ceux-ci de faire de même. Twitter est caractérisé par la
non-réciprocité des abonnements, c' est-à-dire qu ' un utilisateur a le choix de suivre ou
non en retour un autre utilisateur qui s'est abonné à lui.

11
http://www.granddictionnaire.com/ficheOq lf.aspx? ld Fiche=2650661 0
105

Abonnés (jollower) : Désigne les utilisateurs abonnés aux publications d' un autre
utilisateur. Ce nombre est quantifiable et affiché sur le profil de chaque utilisateur.

Abonnement (jollowing) : Désigne les utilisateurs auxquels un autre utilisateur s'est


abonné. Ce nombre est quantifiable et affiché sur le profil de chaque utilisateur.

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