Université Du Québec Montréal: Étude
Université Du Québec Montréal: Étude
Université Du Québec Montréal: Étude
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
DE LA MAÎTRISE EN COMMUNICATION
PAR
MA THIEU ARSENAUL T
AVRIL 2015
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques
Avertissement
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le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles
supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006) . Cette autorisation stipule que «conformément à
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intellectuelle. Sauf entente contraire, [l 'auteur] conserve la liberté de diffuser et de
commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
REMERCIEMENTS
Je n' aurai pas pu mener à bien cette maîtrise sans l' apport de personnes
exceptionnelles. D' abord et avant tout, je veux remercier mon directeur de recherche,
André Mondoux, sans qui ce mémoire n' aurait pas cette profondeur. Merci pour les
nombreuses conversations et ton ouverture qui ont servi à rn ' orienter et à me faire
avancer.
Un merci tout spécial aussi à mon ami Nicolas Jourdain, qui a pu m' aider sur le plan
technique sans compter son temps pour réaliser des manœuvres que je n'aurai pas cru
possibles. J'en profite aussi pour remercier tous les amis et amies de la maîtrise que
j ' ai pu côtoyer au J-3805 et qui ont rendu cette maîtrise agréable.
4.1 Portrait de #polQC ... ..... ..... .... ...................... .......... ... ... .. ... .. .................... .. ............ 55
4.2 Portrait de #UPAC ................. .................... ...... .. ...... ........... .......... ...... ... .. .. .... ... .... 58
4.3 Portrait de #CEIC ......... .. ........ ................. ... .. .......... ... .... .............. .......................... 62
4.4 Portrait de #Normandeau ....... ... ... ....... .. .. ... .. ............ ............ .... .... .......... ... .... ........ 65
4.5 Portrait de #budget2014 ........................................... ..... ........................................ 69
4.6 Portrait de #Orsainville .... .............. ... ............................................................. .. ..... 72
4.7 Consolidation et analyse des résultats ... ....... ...... .............................................. ..... 75
CHAPITRE V
DISCUSSION DES RÉ SUL TA TS .................................................. .... .... ...... .. .. ...... ... 83
5.1 Le gatekeeping à l' ère de Twitter. .... ........ .................. ....... .... ............ .............. ...... 84
5.2 Les effets de l'agenda-setting sur Twitter ............................................................ 87
5.3 Twitter, entre liberté et régulation .. ...... .......................... .. .... .. .... ............ ...... ...... ... 92
CONCLUSION .................................................. ................................ ..................... .. .. 95
LEXIQUE ............................................... ........ ......... .. .. .. .. ..... .... .. ........ ........ ... ..... ...... 104
LISTE DES TABLEAUX
Tableau Page
4.1 Utilisateurs-vecteurs de #polQC ........................... ................... ... .... ....... ........ 56
4.2 Noms de domaine de #polQC .... .. .......................... .. ... ............. .. ........ ............ 57
4.3 Utilisateurs-vecteurs de #UPAC .............. .......... ......................................... ... 59
4.4 Noms de domaine de #UPAC .................... .. .................................................. 60
4.5 Utilisateurs-vecteurs de #CEIC ...................................................................... 62
4.6 Noms de domaine de #CEIC .................. .... ...................... .. ....... .................... . 63
4.7 Utilisateurs-vecteurs de #Normandeau ... .. ... ......... ..................... ......... ... ........ 66
4.8 Noms de domaine de #Normandeau ........................................................ .... .. 67
4.9 Utilisateurs-vecteurs de #budget2014 ..... ... .. .. ................ ................... ............. 70
4.1 0 Noms de domaine de #budget2014 ...... ............................. ...... .. .................... . 71
4.11 Utilisateurs-vecteurs de #Orsainville .............. ....... .. ... .. ...................... .... ....... 73
4.12 Noms de domaine de #Orsainville ...... ...... .......... ........................................... 74
4.13 Portrait général des utilisateurs-vecteurs des cas étudiés ........ .... ........ ... ....... 77
4.14 Portrait général des contenus des tweets ............................ ....................... ..... 78
4.15 Portrait général des noms de domaine des cas étudiés .................................. 79
4.1 6 Types de contenu des cas étudiés ................................................................... 81
4.17 Utilisation de mots-clics additionnels .. .... ..................................................... . 82
RÉSUMÉ
Ce mémoire s'intéresse aux nouveaux rapports d' influence introduits par les médias
socionumériques, en particulier Twitter, par la réévaluation de la théorie de 1'agenda-
setting de McCombs et Shaw, conceptualisé au tournant des années 1970. Les aspects
ouverts et accessibles de Twitter représentent la possibilité d'une plus grande
visibilité pour des sujets peu ou pas couverts par les médias de masse. Nous
proposons d' une part de s' interroger sur la pertinence de la théorie pour éclairer les
rapports de pouvoir actuels et d' autre part nous cherchons à savoir s' il existe de
nouveaux rapports d' influence en matière d'agenda-s etting liés aux règles de
fonctionnement et aux pratiques au sein des médias socionumériques. La clé pour
comprendre les enjeux est d' étudier l'évolution du gatekeeping, à savoir qui contrôle
l' infonnation et comment les pratiques se transforment.
Pour comprendre le phénomène, nous nous intéressons aux mots-clics (hashtags) sur
Twitter, qui sont ici conceptualisés comme des sujets d'actualité au sens de l'agenda-
setting. Une étude de cas de six mots-clics traitant de l' actualité sociopolitique
québécoise francophone, incluant une observation participante périphérique et une
analyse de contenu, permet d' évaluer les acteurs, le type de contenu et les sources
d' information utilisées dans les publications. Les milliers de tweets observés et
analysés de façon quantitative et qualitative sont extraits des mots-clics suivant :
#polQC, #CEIC, #UPAC, #budget2014, #Normandeau et #Orsainville.
Ce qui ressort de cette étude est d'abord la complexité du phénomène, mais aussi les
nuances que nous devons apporter devant l' aspect révolutionnaire des médias
socionumériques. Les acteurs du gatekeeping changent, car plus de citoyens ont la
possibilité de créer et de partager du contenu, en s' inspirant à même les sources
d' information brute. Toutefois, notre recherche démontre la prégnance qu' occupent
les médias de masse même sur Twitter, reconduisant en partie les rapports d' influence
et les effets d'agenda-s etting qui existent hors ligne.
Pour bien saisir la problématique, nous proposons la réévaluation d'une théorie qui
sert depuis les années 1970 à étudier l' influence des médias de masse : la théorie de
l' agenda-setting conceptualisée par McCombs et Shaw lors de la publication de
1' article « The agenda-setting function of mass media » (1972). Cette théorie a
rapidement fait sa place dans le champ des études en communication et en politique
pour expliquer et mesurer les effets des médias de masse par rapport aux différents
enjeux sociopolitiques sur l' agenda public, en plus de s' associer à divers concepts et
théories connexes. L ' agenda-setting repose sur le principe de la construction d' un
agenda médiatique qui agit presque à sens unique en influençant par la suite d' autres
2
agendas selon divers facteurs. L' ensemble de règles et de structures sur lequel son
fonctionnement s'appuie rappelle les rapports de pouvoir foucaldiens, où les
institutions, les médias de masse dans notre cas, tirent parti de ces règles et structures
pour renouveler leur influence. En ce sens, les principes de base doivent être
reconsidérés étant donné les nouvelles possibilités des médias socionumériques, qui
permettent à leurs utilisateurs de défier ces rapports en créant et en partageant du
contenu sans barrière apparente.
Nous proposons ainsi d' évaluer les liens entre l'agenda-setting et Twitter par une
étude de cas de six mots-clics (hashtags). Notre mémoire tentera d' apporter une
perspective concrète à propos des rapports d' influence sur Twitter grâce à un
repérage objectif de mots-clics traitant de l' actualité sociopolitique québécoise
francophone par une observation participante périphérique et grâce à une analyse de
contenu de ceux-ci.
Nous sommes d' avis que de repenser l' agenda-setting en tenant compte de Twitter et
de ses 242 millions d' utilisateurs actifs 1 est essentiel à la compréhension du cycle
médiatique actuel et de 1' essor des médias socionumériques. Cette recherche
permettra également de mieux saisir la circulation et le contrôle de 1' information dans
ce contexte et dressera un portrait plus précis des acteurs-clés et des processus de
mise en visibilité des sujets d' actualité.
Dans un premier temps, nous exposerons notre problématique, qui fait des liens entre
l' émergence des médias socionumériques et les enjeux que cela sous-tend en matière
1
PeerReach, octobre 201 3
3
Au final, ce mémoire cherche à comprendre le phénomène actuel qu ' est 1' essor des
médias socionumériques dans le paysage médiatique, causant potentiellement un
glissement dans les rapports d'influence. Nous tentons de faire la lumière sur la
situation qui, d' un côté, est perçue comme une révolution dont les résultats
mèneraient à une forme d'émancipation et, de l'autre côté, comme une reproduction
des structures de pouvoir ne conduisant à rien de concret. La théorie de 1' agenda-
setting occupe ici un rôle double, puisque, d' une part, nous souhaitons l' utiliser pour
étudier les enjeux en cours et regarder les rapports de pouvoir et. d' autre part, nous
voulons confronter épistémologiquement cette théorie et la mettre à l' épreuve dans le
contexte actuel.
CHAPITRE I
PROBLÉMATIQUE
Les effets des médias de masse ont depuis longtemps intéressé les chercheurs en
sociologie. D'abord, la recherche béhavioraliste, dès les années 1920, qui applique les
résultats du béhaviorisme de Pavlov aux sciences sociales, s' est penchée sur
l' influence des médias de masse sur les individus (Gingras, 2003 , p. 16) : « le
béhavioralisme s'inscrit dans un contexte de perfectionnement des méthodes en
sciences sociales fondé sur le positivisme » (Ibid.). Dès lors, des chercheurs,
membres de 1'École de Columbia en tête, souhaitent mesurer le contrôle des médias
de masse sur l' opinion publique « décrit comme la théorie des effets de masse, des
effets directs ou encore de la seringue hypodermique » (Ibid.).
Au fi l du temps, d'autres études s' intéressent plutôt à l' influence personnelle comme
l' une des sources principales de formation de l' opinion. C' est Katz et Lazarsfeld
(1955) qui sont le plus souvent cités en exemple, avec, entre autres, leur théorie du
two-step flow of communication : ils mettent en valeur les leaders d' opinion et la
« dynamique de l' influence des médias par l' intermédiaire des relations
interpersonnelles » (Ibid. , p. 17) pour expliquer la formation de l' opinion publique.
En rupture avec ces deux principaux modèles, McCombs et Shaw (1972) ont
conceptualisé une nouvelle façon d' envisager les effets des médias de masse dans la
société par la théorie de 1' agenda-s etting : « the ultimate goal of agenda-setting
theory [is] a comprehensive view of mass communication and public opinion in the
5
life of each community and nation. » (McCombs, 2004, p. 32) Ils attribuent une
inévitable (et non préméditée) influence des médias, mais sortent également de la
perception des journalistes « neutres », du genre « we just report the news about what
is happening in the world » (Ibid. , p. 21). Pour les deux professeurs de la North
Carolina University, l' influence des médias s' identifie par la force qu ' ils exercent sur
l' agenda public grâce à la prépondérance des sujets couverts.
Anne-Marie Gingras résume bien leur théorie : « les médias ne dictent pas la pensée
des gens, croient-ils, mais indiquent les sujets sur lesquels les citoyens et les
citoyennes doivent pouvoir opiner. L ' agenda des médias, c' est-à-dire la liste des
préoccupations socialement ou politiquement importantes, devient l' agenda des
individus » (2003 , p. 20).
Les médias dans cette optique, sans toutefois exercer un rôle d' influence directe,
peuvent réellement contribuer à la formation de l' opinion publique grâce au cadrage
médiatique (jraming) qui indique au public non pas quoi penser, mais plutôt à quoi
penser.
Le courant d ' études des médias a été pensé et élaboré dans w1 contexte où les
quotidiens, la radio et la télévision régnaient en maitres dans la vie des gens.
Cependant, aujourd'hui, la situation semble grandement changée avec l'émergence
des médias socionumériques, nous an1enant à nous interroger sur la pertinence de la
théorie de 1' agenda-s etting. Dans ce premier chapitre, nous proposons donc les bases
de notre questionnement qui serviront à cerner notre problématique.
L' essor exponentiel des nouvelles technologies au cours des dernières armées, menant
entre autres à la création d' Internet et à son ouverture au grand public, semble
6
L'une des caractéristiques qu ' il utilise pour présenter ce nouveau paradigme est « the
networking logic of any system or set of relationships using these new information
technologies » (Ibid.). Il insiste aussi sur la plus grande flexibilité permise de même
que sur la convergence croissante de nouvelles technologies en systèmes hautement
intégrés à 1' intérieur desquels les anciennes technologies se fondent. L ' essor des
technologies numériques esquisse donc en ce sens une frontière entre sa possibilité
7
José van Dijck insiste aussi sur les changements en cours : « The transformation from
networked communication to "platformed" sociality, and from a participatory culture
to a culture of connectivity, took place in a relatively short time span of ten years »
(Dijck, 2013 , p. 4-5). La Néerlandaise plaide donc pour une culture of connectivity:
« Ali platforms combined constitute what 1 cali the ecosystem of connective media -
a system that nourishes and, in tum, is nourished by social and cultural norms that
simultaneously evolve in our everyday world. » (Ibid. , p. 21)
majorité des usages s' inscrivent dans une perspective de consommation ludique et
non dans une perspective politique » (Ibid.).
Dans ce contexte, que l' on envisage les médias socionumériques selon Castells ou
selon Dijck, leur essor n' a rien de négligeable. Ces deux points de vue mettent en
lumière les bouleversements qu 'ils projettent dans les théories de la communication.
En matière d ' agenda-setting, cela pourrait avoir des répercussions dans le paysage
médiatique si nous pensons aux sites Internet qui présentent des nouvelles d' actualité.
À titre d'exemple, déjà, un projet universitaire s' est penché sur le pluralisme de
1' information offert sur Internet. En 2012, le projet français IPRI (Internet :
Pluralisme et redondance de l' information) s'est attardé à évaluer la présence des
médias sur Internet et la diversité de 1' information en recensant et catégorisant
d' abord 209 sites médiatiques français (Marty et al. , 2012). L 'équipe de chercheurs
sous la direction de Frank Rébillard a ainsi réparti les sites dans les quatre catégories
suivantes:
L' équipe a ensuite pu procéder à la collecte de plus de 37 500 articles pendant une
période de 10 jours en mars 2011. Elle a finalement effectué une classification des
articles en sujets d' actualité. Cette étude révèle des faits importants quant au
pluralisme sur Internet. Principalement, elle « met en relief une dichotomie
permanente entre 1' ultra-médiatisation de certains sujets et la dissémination de sujets
peinant à trouver une visibilité en dehors de leurs sources d' origine » (Ibid. , p. 63).
Ainsi, ajoute-t-on, « selon qu' ils s ' inscrivent pleinement dans le courant médiatique
dominant, ou à l' inverse dans une information alternative, ou encore qu' ils soient à
9
l' interface entre mainstream et originalité éditoriale, les sites concourent à dessiner
des territoires informationnels spécifiques. » (Ibid., p. 63)
Les chercheurs en arrivent ainsi à la conclusion qu' Internet permet d' un côté « une
plus-value informationnelle », mais qu ' il participe également à un « re-traitement »
de l' information (Ibid.). L 'espoir d' un espace alternatif que certains allouent à
Internet en est donc quelque peu atténué à la lumière de cette étude, où 1'on estime
qu' on est « bien loin d' une "peaceful market-place of ideas" » et que le web
« constitue une arène où différents acteurs se livrent une compétition pour l' accès à
une tribune médiatique. » (Ibid. , p. 32) Selon ces chercheurs, une tendance semble
alors déjà se dessiner dans l' écosystème médiatique en ligne, ou à tout le moins en
France.
Dès lors, l'émergence des médias socionumériques permet entre autres d' ouvrir de
plus en plus grand une porte vers la participation du public aux contenus médiatiques.
Il y a d' abord une certaine volonté de participer aux débats publics, ce que Couldry,
Livingstone et Markham appellent public engagement, mais qui se traduit dans les
médias socionumériques : « as citizens, we share an orientation to a public world
where matters of shared concern are, or at !east should be, addressed: we cali this
orientation ' public-connection' . » (Couldry, Livingstone et Markham, 2007, p. 3) La
public-connection est principalement soutenue par la convergence des médias
permise par les technologies émergentes, mais n ' est pas nécessairement nouvelle en
SOl:
In any case, technological change is not the only factor, since history, in the
sedimented form of habits of news consumption, remains vital in shaping how
change occurs: so the older habit, for example, of watching TV news bulletins
at a fixed time and having a newspaper delivered to one' s door is not trivial,
even if it is destined to decline, even disappear, in long-term. (Ibid. , p. 19-20)
10
En fin de compte, cette utilisation peut même avoir une incidence sur leurs opinions :
« as people use the Internet increasingly as a source for news and information, the
quality of news they find will be more specifie for their interests and will encourage
them to change their policy view. » (Ibid. , p. 335)
L' engagement sur les médias socionumériques est particulièrement visible avec la
plateforme socionumérique Twitter, grâce à ses fils agrégateurs, ses fonctions de
following et de retweet. Elle provoquerait, du même coup, des changements dans les
pratiques journalistiques et éditoriales. Rappelons-nous le principe de Twitter : les
utilisateurs s' y inscrivent afin de partager de courtes publications (des tweets, en
moins de 140 caractères) à ses abonnés (followers) pour ensuite « suivre » d' autres
utilisateurs et ainsi voir leurs publications dans un fil agrégateur en temps réels. Le
terme microblogging est associé à ce style de publication.
11
Selon les chercheurs, cela entrouvrirait ainsi une porte à de nouveaux acteurs qm
poutTaient agir sur le contenu médiatique :
Les résultats tirés de leur étude concluraient à une augmentation de la diversité des
nouvelles et de leur visibilité : « une partie non négligeable des utilisateurs de Twitter
trouve sur ce réseau socionumérique le moyen de mettre en avant des informations de
12
nature politique délaissées ou même ignorées par les grands médias. » (Ibid. , p. 129)
Car, en effet, selon un rapport de State of the Media en 2012, de plus en plus de
citoyens s' informent grâce aux contenus partagés ou créés par d' autres utilisateurs sur
Twitter ou Facebook : « presque un internaute étatsunien sur dix déclare suivre très
régulièrement les recommandations concernant l' actualité » (Ibid ., p. 110). Même
constat en France, où « 15% des personnes interrogées ont déclaré s' informer sur la
campagne électorale [de 1' élection présidentielle de 20 12] par le biais de ces deux
services » (Ibid. , p. 11 0).
Toutefois, l' usage de Twitter n' est pas réservé qu ' aux amateurs. Une citation de
Brian Solis est éloquente : « It has even been said that news no longer breaks, it
tweets ». (An et al. , 2011 , p. 1) En effet, les médias de masse et journalistes
professionnels y voient également une tribune sur laquelle ils peuvent gagner
13
davantage de visibilité. An et al. , à la suite d' une étude sur le paysage médiatique sur
Twitter en 2011 , soutiennent cette affirmation : « we identified se veral key changes in
journalistic conventions and cultures taking place in this new world, including active
participation of media joumalists and audience members and increased diversity of
information distributed via social contacts. » (Ibid. , p. 8) Dans cet ordre d' idées,
Rieder et Smymaios parlent aussi de l' utilisation de Twitter par les journalistes :
« dans une enquête universitaire auprès de 667 journalistes britanniques, 70% d ' entre
eux déclarent utiliser Twitter dans leur activité professimmelle quotidienne pour
chercher des sources et des informations et pour promouvoir leur production. »
(Rieder et Smymaios, 2012, p. 11 0)
L ' émergence des médias socionumériques ravive les questions des limites établies
par les médias de masse et relance les perspectives d 'une plus grande diversité des
sources d' information. Cependant, les quelques recherches, qui peinent à faire la
lumière sur les questions de pluralisme et de contrôle de l' information, réduisent
graduellement les hautes attentes faites envers les « nouveaux médias ». Dans ce
contexte, nous nous interrogeons quant à la pertinence de la théorie de 1' agenda-
setting pour éclairer les rapports de pouvoir d' aujourd' hui et quant à la dominance
des institutions traditionnelles, les médias de masse, sur la mise à l' agenda des
problèmes publics. Cela soulève des questions à savoir si Twitter participe à une
redistribution des rapports d' influence dans la sphère publique ainsi qu ' à une
redéfinition des not~ ons de construction de 1'agenda-s etting ou si, au contraire, il
reproduit les rapports d' influence et en prolonge 1' effet d' agenda-setting. Plus
précisément, ce que nous souhaitons comprendre dans cette étude, ce sont les règles
qui changent avec l' essor de Twitter. En clair, y a-t-il de nouveaux rapports
14
Dès lors, les questions du pluralisme et du contrôle de l' information refont surface. Si
un agenda médiatique existe toujours et qu ' il parvient encore à infiltrer l' agenda
public, nous devons aussi nous demander qui sont les acteurs qui participent à la
reconduction des rapports d' influence.
La clé pour comprendre ce contexte, selon nous, est de bien définir le gatekeeping et
son rôle dans la théorie de 1'agenda-setting. Le cadre théorique, expliqué dans le
prochain chapitre, s' appuie alors sur l' évolution de la théorie de l' agenda-setting et
des notions de gatekeeping jusqu' à aujourd ' hui.
CHAPITRE II
CADRE THÉORIQUE
Nous commencerons par définir la théorie principale selon McCombs et Shaw tout en
montrant son origine et son évolution. Nous continuerons en étayant davantage la
théorie par la présentation de concepts connexes qui ont contribué au fil du temps à
bonifier la théorie de 1'agenda-s etting en la rendant plus à même de comprendre les
dynamiques communicationnelles et sociopolitiques. Nous terminerons par la
présentation d' un dernier concept qui est lié presque intrinsèquement à la théorie de
1' agenda-s etting et qui permet encore mieux d' expliquer les changements en cours en
la matière: le gatekeeping. Cela nous plongera au cœur de l' enjeu principal, soit le
contrôle de l'information et du discours ainsi que les rapports d' influence.
La première étude sur les effets de 1' agenda-setting date de 1968 avec la rencontre
entre Donald Shaw et Maxwell McCombs (McCombs, 2004). Les deux professeurs
étaient d'abord préoccupés par les effets des médias sur les intentions de vote et les
orientations des débats politiques. McCombs (Ibid. , p. 3) explique que la source de
leur réflexion concernant l' influence des médias remonte à Walter Lippmann et son
ouvrage Public Opinion (1922) dans lequel il écrit le chapitre « The World Outside
and the Pictures in our Heads ». McCombs y reconnaît la prémisse et 1'origine du
concept de 1' agenda-setting bien que Lippmann ne Je nommait pas ainsi : « his thesis
is that the news media, our windows to the vast world beyond direct experience,
determine our cognitive maps of the world. » (Ibid. , p. 3) Lippmann y voyait un
« pseudo environnement » à partir duquel se formait une opinion publique.
Ainsi, la première étude, la Chape! Hill Study, avait comme objet de recherche les
élections présidentielles étatsuniennes de 1968 et explorait l'influence des médias de
masse sur l' opinion publique. Les objets de recherche dans Je cadre d'études sur
l' agenda-setting varieront beaucoup avec les années, mais auront toujours comme
thématique centrale les effets des médias de masse sur l'agenda public et l' opinion
publique. Ces effets sont décrits par McCombs (Ibid. , p. 1) comme suit :
Through their day-by-day selection and display of the news, editors and news
directors focus our attention and influence our perceptions of what are the most
important issues of the day. This ability to influence the salience of topics on
the public agenda has come to be called the agenda-setting role of the news
media.
comme « l'ensemble de problèmes faisant l' objet d' un traitement, sous quelque forme
que ce soit, de la part des autorités publiques et donc susceptibles de faire l' objet
d' une ou plusieurs décisions » (Garraud, 1990, p. 27). Dès lors, les premières études
sur 1'agenda-setting portaient sur le transfert de la prépondérance (salience) de
1' agenda médiatique sur celui du public. Selon McCombs et Shaw (1972), « agenda-
setting refers to the idea that there is a strong correlation between the emphasis that
mass media place on certain issues [ ... ] and the importance attributed to these issues
by mass audiences » (cité par Scheufele et Tewksbury, 2007, p. 11).
Les issues seront traités par les médias comme des sujets d 'actualité. Ce que nous
entendons par cela est « un fait, une expérience passée au prisme d' un cadrage
médiatique primaire, en amont du cadrage secondaire choisi pour le traiter. » (Marty
et al. , 2012, p. 40) Notons ici que ce terme se distingue d' une simple « information »,
où cette dernière prend trois sens importants à considérer. D' abord, une définition qui
nous vient de l'approche cybernétique envisage l' information comme « une mesure
de l' organisation d' un système : mesure de l' organisation d' un message » (Le Coadic,
2004, p. 5). Puis, une autre définition déclare l' information comme «une
connaissance inscrite (emegistrée) sous forme écrite (imprimée ou numérisée), orale
ou audio-visuelle sur un support spatio-temporel », qui « comporte un élément de
sens », « une signification transmise à un être conscient par le moyen d'un message
inscrit sur un support » (Ibid. , p. 6). Enfin, pour les journalistes, 1' information peut
être une représentation de la réalité : « c' est autour de 1' information que s' organise et
se construit leur perception d'une réalité. C' est 1' information qui constitue pour eux la
voie d' accès à la connaissance du réel. » (Ferenczi, 2007, p. 7) Plus précisément, c'est
« un fait social qu ' un ou plusieurs journalistes choisissent de mettre en évidence [ ... ].
Ce fait social [ ... ] n' est pas un "fait brut" qu' il suffirait d' observer de l' extérieur. Il
est "construit" par les journalistes, sur la base de données qui sont, par elles-mêmes,
dépourvues d' intelligibilité. » (Ibid.) Le terme sujet d 'actualité que nous emploierons
va au-delà du terme « information », puisqu ' il comporte la notion de cadrage et qu 'il
18
n'est pas propre à un journaliste, mais plutôt à un système. Les sujets d 'actualité
rassemblent plusieurs informations, les traitent en nouvelles pour ouvrir une fenêtre
sur une réalité.
Avec l' évolution de la théorie de l' agenda-setting, nous savons maintenant que
l' influence de la prépondérance des sujets d'actualité de l' agenda médiatique se fait
sentir au moins à deux niveaux : d ' abord par leur sélection et leur mise en visibilité et
ensuite par l'angle de traitement qui leur est donné : « The first level is, of course, the
transmission of abject salience. The second leve! is the transmission of attribute
salience. » (McCombs, 2004, p. 70) Si le premier niveau nous indique à quoi penser,
le deuxième nous indique un peu plus comment penser à propos des sujets d'actualité
(issues) (Ibid. , p. 71 ). Ce deuxième niveau est caractérisé par les attributes, selon
McCombs (Ibid. , chapitre 5-6), qui sont des éléments reliés à un sujet en particulier
sur lesquels les médias vont insister dans le traitement de l' information. Tout conune
dans le premier niveau (la sélection des sujets), le choix des attributes aux dépens
d'autres contribuera à cadrer le débat : « specifie aspects of media content about
public affairs are explicitly linked to the shape of public opinion. » (Ibid. , p. 85)
Ce deuxième niveau est très lié au concept de framing , ou cadrage : « McCombs and
Ghanem explored the convergence of agenda-setting and framing by depicting frames
as the transfer of attribute salience. » (Parmelee et Bichard, 2013 p. 170) Selon
Entrnan :
[T]o frame is to select sorne aspects of a perceived reality and make them more
salient in a communicating text, in such a way as to promote a particular
problem definition, causal interpretation, moral evaluation and/or treatrnent
recommandation for the item described . (Ibid ., p. 168)
Tel que mentionné dans le chapitre précédent, 1'agenda-s etting accorde de cette façon
une forte influence aux médias, mais pas dans le sens de la « seringue
hypodermique » (Scheufele et Tewksbury, 2007, p. 10). On lui attribue toutefois un
rôle important : « agenda-setting does assign a central role to the news media in
initiating items for the public agenda. » (McCombs, 2004, p. 6). L' information
transmise par les médias et la manière qu 'elle est transmise au public jouent donc un
rôle-clé dans la création du pseudo environnement décrit par Lippmann (Ibid.).
Une fois que l' on connaît les effets de l' agenda-setting par l' agenda médiatique, il
importe également de se questionner sur la construction de l' agenda médiatique.
D' abord, McCombs le compare à un oignon: « The concentric layers of the onion
represent the numerous influences at play in the shaping of the media agenda which is
the core of the onion. » (Ibid., p. 98) Il identifie principalement dans sa métaphore
trois couches qui enveloppent 1' agenda médiatique : les sources de nouvelles, les
autres médias et les normes journalistiques. Ainsi, à l' extérieur, trouve-t-on les
sources habituelles des médias : les documents officiels émanent des gouvernements,
les groupes de pression, porte-parole de tout acabit, etc. Cette couche est souvent
représentée par des professionnels en relations publiques qui ne ménagent aucun
effort pour atteindre le cœur de l'agenda médiatique: « these communication
professionals subsidize the efforts of news organizations to cover the news by
20
Ensuite, Hassenteufel propose une autre vision de 1'agenda-s etting que le modèle de
McCombs et Shaw, nous permettant d' en saisir également la construction et les
motivations. Pour cela, il identifie trois dynamiques de la publicisation et de la mise à
l' agenda d'un problème qui « facilit[e] sa prise en charge par des autorités
publiques » (Hassenteufel, 2010, p. 51) : la mobilisation, la médiatisation et la
politisation. Ici, 1' on :
stratégiques ... ) attendus » (Ibid.). Ces trois dynamiques sont imbriquées les unes dans
les autres et nous permettent de saisir les nuances de la distribution des pouvoirs
d' influence. Il s' agit ici d' une question de visibilité, car les « problèmes doivent lutter
pour occuper un espace dans les arènes publiques. Cette compétition est permanente;
[ils] doivent à la fois lutter pour entrer et pour rester sur l' agenda public » (Ibid. ,
p. 51).
McCombs et Hassenteufel nous éclairent ici sur les dynamiques à l' intérieur même de
la construction menant à 1'agenda-setting. D ' autres concepts élargiront notre vision
de la théorie de 1' agenda-setting.
2.3 L ' évolution de 1' agenda-setting : agenda-building, need for orientation et 1' effet
de priming
Dans ses débuts, la théorie de 1' agenda-s etting fut critiquée pour son « modèle binaire
et mécaniste mettant en jeu la relation médias-public » (Gingras, 2003 , p . 20). Cela
conduit plusieurs à présenter des ajouts au modèle pour le rendre plus complet. Entre
autres, Lang et Lang ont proposé 1' agenda-building, qui « constitue un modèle
triangulaire et dynamique; il y a influence mutuelle entre les médias, les décideurs et
la population. » (Ibid.) Selon eux, les études basées sur Je modèle de 1'agenda-setting
ne prennent pas en considération les connaissances du public sur un sujet donné, ce
qui mène à une compréhension moins complète du tableau médiatique : « plus un
sujet semble familier du public, moins la couverture médiatique a besoin d' être
importante pour que le sujet s' impose comme priorité et moins grande est l' influence
dans la formation des opinions » (Ibid. , p. 20-21 ).
22
Cette faiblesse a été soulevée par d' autres, qui ont formulé le concept de need for
orientation. C' est en effet un autre concept qui est venu se greffer à la théorie
principale au fil des recherches. Il s' agit ici d' inclure dans le processus les
prédispositions du public. En matière de débats publics, comme dans d' autres
sphères, les individus ressentent un besoin d'information plus ou moins variable d' un
à l' autre : « need for orientation is a psychological concept, which means that it
describes individual differences in the desire for orienting eues and background
information. » (McCombs, 2004, p. 54) Par exemple, un besoin élevé d' orientation
dans un public explique parfois le haut niveau de correspondance entre 1' agenda
médiatique et 1' agenda du public.
L' effet de priming est une autre brique venant solidifier la théorie de l'agenda-
setting. Selon Iyengar et Kinder, cette théorie s' intéresse aux limites des capacités
cognitives de l'humain et la sélection de l' information: «Attention is highly
selective; people notice only particular features of special consequence [ ... ] the
impressions we form of others tend to be organized around a few central themes. »
(Iyengar et Kin der, 2010, p. 63) Selon Gingras, ces travaux « mettent en lumière
1' existence de 1' effet priming, selon lequel les sujets traités par les médias deviennent
en quelque sorte les critères de références à 1'aune desquels les personnages publics et
les gouvernements sont traités » (Gingras, 2003 , p. 20). Il s' agit donc des
changements aux standards en matière d' évaluation politique : « In assessing the
performance of a government, a president, a po licy , or a candidate, citizens can apply
any nurnber of standards. » (Iyengar et Kinder, 2010, p. 63) En bref, l'effet de
priming, selon Gingras, « s' appuie sur l' idée voulant que la prise de décision
politique ne se fasse pas en fonction de l' ensemble des connaissances accumulées sur
une question, mais que certains sujets surdéterminent la décision. » (Gingras, 2003 ,
p. 20)
23
Que 1' on pense à 1' agenda building, au need for orientation ou à 1' effet de priming,
nombreuses sont les pierres à avoir été ajoutées à la théorie de l' agenda-se/ting ou à
avoir été récupérées par ses différents théoriciens. Qu ' il s' agisse de voir les différents
rapports entre les médias, la population et les décideurs, de prendre en compte les
prédispositions du public ou d' évaluer les changements dans les dynamiques ou dans
les standards, ces approches et concepts connexes à 1'agenda-setting auront contribué
à son avancement. Toutefois, un autre concept majeur qui en est relié nous permet
aujourd ' hui de mieux étudier les dynamiques de l'agenda-setting en regardant le
contrôle et la circulation de l' information : le gatekeeping.
Gatekeeping, which describes and explains the flow of news from one media
organization to another, was linked with agenda-setting theory in the early
24
Olivier Voirol, quant à lui, voit dans le gatekeeping une question de lutte pour la
visibilité :
Il attribue en ce sens « un rôle majeur » aux médias qui sont « soumis à des stratégies
d' influence visant, pour les unes, la conquête de l' hégémonie symbolique, la quête
des audiences réduites à leur pouvoir d' achat, pour les autres. » (Ibid .) Cela fait écho
25
Lorsque l' on aborde les luttes et le pouvoir, la théorie du gatekeeping n' est pas sans
évoquer les idées de Foucault. En effet, lorsque l'on parle de discours, celui-ci y voit
une question de pouvo ir, c' est-à-dire de rapports de force : « Discourse does not
simply translate reality into language; rather discourse should be seen as a system
which structures the way that we perceive reality. » (Mills, 2003 , p. 55) Avec
Foucault, le discours n' échappe pas à un ensemble de dispositifs et de règles :
« Discourse is regulated by a set of rules which lead to the distribution and circulation
of certain utterances and statements. » (Ibid. , p. 54). Dès lors, nous sommes face à
une structure qui laisse place à peu de changements dans le discours :
Mais qu'on ne s'y trompe pas; même dans l'ordre du discours vrai, même dans
l'ordre du discours publié et libre de tout rituel, s'exercent encore des formes
d'appropriation de secret et de non-interchangeabilité. Il se pourrait bien que
l'acte d'écrire tel qu'il est institutionnalisé aujourd'hui dans le livre, le système
de l'édition et le personnage de l'écrivain, ait lieu dans une "société de discours"
diffuse peut-être, mais contraignante à coup sûr. (Foucault, 1971 , p. 42)
La doctrine [ ...] tend à se diffuser; et c'est par la mise en commun d'un seul et
même ensemble de discours que des individus, aussi nombreux qu'on veut les
imaginer, définissent leur appartenance réciproque. En apparence, la seule
condition requise est la reconnaissance des mêmes vérités et l'acceptation d'une
certaine règle (Ibid., p. 44) .
Nous pouvons tracer un parallèle avec les sujets d' actualité (issues) , qui peuvent être
conceptualisés comme des produits d'un ensemble de règles et de structures qui
traitent des énoncés (l ' information) en discours grâce à l' appui des médias. Dans la
perspective de McCombs, ce sont les médias de masse qui fournissent les conditions
de régulation où ils jouent trois rôles : « surveillance of the larger environment,
achieving consensus among the segments of society, and transmission of the
culture. » (McCombs, 2004, p . 134) Le rôle des gatekeep ers contribue alors au
processus d' agenda-setting en augmentant la reconnaissance des issues : « The
pro cess of agenda-setting [ ...] is a significant part of the surveillance role,
contributing substantial portions of our pictures about the greater environment »
(Ibid .).
De cette façon, les discours deviennent diffus et continus avec la reconnaissance des
individus ou d' un public, qui y voient des énoncés légitimes. C' est là où se trouve le
« vrai », la fenêtre sur la « réalité » :
Il se peut toujours qu'on dise le vrai dans l'espace d'une extériorité sauvage;
mais on n'est dans le vrai qu'en obéissant aux règles d'une « police » discursive
qu'on doit réactiver en chacun de ses discours. La discipline est un principe de
contrôle de la production du discours. Elle lui fixe des limites par le jeu d'une
identité qui a la forme d'une réactualisation permanente des règles. (Foucault,
1971 , p. 37-38)
27
Ce pouvoir ne s' appuie pas sur la répression, mais bien sur des rapports de pouvoirs
transposés en discours et endossés par une majorité d' individus. Selon Foucault, les
individus ne sont pas des innocents passifs, mais des agents actifs qui peuvent
contester le pouvoir tout en contribuant au maintien des discours dominants (Mills,
2003 , p. 34). Il s' agit de luttes qui font partie intégrante de la société:
L' auteur « comme principe de groupement du discours » (Ibid., p. 28) agit auss1
comme l' une de ces procédures. Il appo1ie une légitimité et une crédibilité au
discours qui autrement ne serait pas reconnu et pourrait être exclu :
Bien que Foucault en parlait davantage en tant que sciences, nous pouvons voir un
rapprochement avec le journalisme en tant que discipline ayant ses règles propres.
L ' auteur et le commentaire peuvent aussi couramment être des procédures de contrôle
du discours en matière de gatekeeping. Le phénomène de 1' auteur est notable dans les
médias si nous pensons aux journalistes qui traînent une réputation rendant légitimes
leurs propos ou à la place réservée aux experts dans les médias. La réputation d' un
média tel que vu dans la section précédente est également importante tant pour les
effets sur l' agenda public que l' agenda des autres médias. Ultimement, le processus
de gatekeeping, qui mène aux effets d' agenda-setting, s' apparente à la
conceptualisation d' un dispositif foucaldien, duquel nous entendons un ensemble de
règles et de dispositifs qui encadrent et rendent possibles les discours en tant
qu' altérité. C ' est par les pouvoirs détenus par les gatekeepers que nous pouvons
comprendre les structures et fonctionnement de 1' agenda-setting qui favorisent les
rapports d' influence dans le discours médiatique.
Dans l' ensemble, dans tous les cas présentés dans cette partie, les auteurs attribuent
un rôle important aux gatekeepers. Dans notre étude, il est important de s' y
intéresser, car « 1' agenda-setting [... ] descend directement de cette approche et
interroge les structures au lieu des personnes. » (Attallah, 1989, p. 308) De plus, il
s'avère aussi important d' envisager l'évolution de leur rôle dans le contexte de l ' essor
des médias socionwnériques, particulièrement de la plateforme Twitter.
29
Plus loin encore, il s' agit parfois de remettre en question les choix médiatiques :
« Once passive, users now filter news and discuss what media publish. » (An et al.,
2011 , p. 1). Habitués à la communication unidirectionnelle, les médias de masse
doivent désormais composer avec une audience plus engagée : « the features of the
' new media' age are reflected in the way journalists and audience engage in new
communication patterns, communicating with each other directly, and tapping into
breaking news. » (Ibid.)
Pour Marty et al., les médias de masse se camperaient maintenant dans un rôle de
gatewatching : « les internautes contributeurs auraient acquis une capacité de
mobilisation collective à même d' influencer les choix opérés par les journalistes dans
la sélection de l' information » (Marty et al. , 20 12), et ce serait « désormais les
30
C' est dans ce contexte que l' on assiste alors à l' arrivée de journalistes citoyens :
« ' Citizen journalism' refers to a range of web-based practices whereby ' ordinary '
users engage in joumalistic practices. Citizen journalism includes practices such as
current affairs-based blogging, photo and video sharing, and posting eyewitness
commentary on current events. » (Ibid. , p. 1287) Ces journalistes non professionnels
modifient à cet égard le cadre de 1'agenda-s etting en ayant la possibilité de créer leur
propre contenu, d ' acquérir une certaine visibilité ou simplement d'user de diverses
tactiques d ' influence vis-à-vis des journalistes professionnels :
Goode nous met alors en garde d' estimer que les gatekeep ers à l' ère numérique
possèderaient les mêmes normes et processus que ceux au sein des médias de masse,
et il s' avère nécessaire, dit-il, d' étudier les différences (Ibid. , p. 1303). Kim et Lee
nous invitent également à ne pas négliger ces nouveaux acteurs :
31
Ce phénomène est particulièrement visible sur Twitter, grâce à 1' utilisation des mots-
clics (hashtags) qui peuvent former des discussions continues sur des intérêts bien
précis :
En ce sens, Twitter revêt un intérêt bien particulier pour ceux et celles désirant
transmettre de 1' information, qu ' ils soient amateurs ou professionnels : « usage and
behavior suggests that Twitter acts as a space for information sharing, among
professional journalists as well as individual commenters, to break and disseminate
news quickly, and to solicit opinions and feedback. » (Ibid. , p. 12)
Kim et Lee (2007) préfèrent le terme netizens pour expliquer ces citoyens qm
s' activent sur Internet pour partager de l' information et des opinions mais abondent
dans le même sens quant à l' importance du rôle de ces acteurs : « netizens on the net
do have a strong influence on the agenda-setting of the internet media and the
traditional media, which reflects that ordinary citizens are not just passive rece,ivers
but active producers of a message. » (Kim et Lee, 2007, p. 25) Ils avancent la théorie
de l'lnternet-mediated reversed agenda-se/ting pour mettre en relation cette nouvelle
32
Ce phénomène, qu ' elle nomme « visibilité générée par les utilisateurs », change la
relation médias-public et transformerait le cadrage établi par les médias de masse :
« This shift toward ' user-generated visibility ' suggests a new way of looking at one
ofthe oldest conceptualizations ofthejournalist's role in our society. » (Singer, 2013 ,
p. 14) An et al. montrent également ce phénomène en parlant du rôle-clé joué par
certains utilisateurs qui s' intéressent à 1' actualité et qui acquièrent une grande
notoriété sur les médias socionurnériques : les power users. Ceux-ci peuvent générer
de la visibilité indirecte pour certains sujets en partageant des contenus à des
utilisateurs : « Since many users follow these power users, power users can play a
role as a connector between journalists and those people who are not interested in
news.» (An et al. , 2011 , p. 5)
Certes, 1' effet de priming et le need for orientation favorisent une compréhension
plus globale des effets de l'agenda-setting. On comprend davantage comment se
traduit l' influence des médias de masse vers le public. L' agenda-building et les
dynamiques de Hassenteufel nous renseignent plutôt sur les processus en amont de
l'influence sur le public, tandis que le cadrage, associé à l'attribute agenda-setting,
nous aide à cerner un deuxième ni veau d' influence de 1' agenda-setting des médias de
masse. Toutefois, c' est avec le gatekeeping que nous sommes vraiment en mesure de
comprendre 1' évolution de la théorie de l' agenda-setting dans le contexte des médias
socionumériques, en lui étant intrinsèquement relié.
gatekeeping à deux niveaux (two-step). Cependant, Marty et al. nous pointent aussi la
possible reconduction du courant médiatique dominant et nous rappellent que la
visibilité n'est pas toujours synonyme d' influence. Nous baignerions encore, même
en ligne, selon Marty et al. , dans un agenda médiatique dominé par une poignée de
sujets seulement, où la grande majorité des sujets traités par les blagues,
infomédiaires, médias en ligne et sites natifs d' Internet sont assez restreints. Cela peut
s' expliquer par le fait que les contenus « sont très souvent liés aux sources que
constituent les services de communication des organisations et les agences de
presse.» (Marty et al. , 2012, p. 32) Cela nous ramène à la problématisation de notre
travail à savoir comment se redéfinissent les rapports d' influence avec Twitter et
comment cela affecte le fonctionnement de 1'agenda-setting.
Selon la littérature présentée dans ce chapitre, nous remarquons que ce problème peut
être circonscrit selon deux angles principaux. D' un côté, nous constatons que les
médias de masse et leurs journalistes, de même que des personnalités influentes
connues en dehors d' Internet, ont assez rapidement pris d' assaut Internet et Twitter,
flairant le potentiel d'exposition supplémentaire.' McCombs nous le rappelle : « Most
of the news sites on the internet are subsidiaries of traditional media. » (McCombs,
2004, p. 148) C'est, selon Marty et al. , ce qui est au cœur de la reconduction du
courant médiatique dominant. Ajoutons à cela l' utilisation des mots-clics (hashtags)
sur Twitter qui créent des sujets tendances (trendings) et pourraient contribuer à
l'effet de cadrage (Parmelee et Bichard, 2013 , p. 168). Parallèlement, les rouages
d' Internet ne sont pas aussi libres que l'on voudrait croire, comme nous le rappelle
Cardon : « les choix d' infrastructures logicielles sont plus contraignants pour les
utilisateurs que les interdits juridiques. » (Cardon, 2010, p. 95) Par exemple, « les
algorithmes qui permettent de hiérarchiser les informations [ ... ] structurent très
profondément la manière que les internautes "voient" les informations et se
représentent le monde numérique dans lequel ils se promènent » (Ibid.). Parmi ces
algorithmes, pensons à celui du moteur de recherche de Google, le PageRank : « il est
36
de plus en plus amené à devenir plébiscitaire et à placer en haut des hiérarchies les
acteurs les plus gros et les plus puissants. » (Ibid.) Google Actualités, qui en hérite,
devient donc un important vecteur du courant médiatique dominant en donnant
comme matière première aux internautes des nouvelles issues des joueurs bien
souvent déjà établis en dehors d' Internet.
D'un autre côté, malgré tout, quelques sujets ignorés par les médias de masse arrivent
à percer au grand jour tandis que d'autres sujets trouvent leur niche auprès d' un
public plus restreint. Nous pouvons citer en exemple deux cas du Québec, la
poursuite de Lassonde contre l'entreprise Olivia' s Oasis et l' embauche d' étrangers
par la RBC où des sujets sont d' abord sortis ou amplifiés sur Twitter, mais ensuite
repris par certains médias de masse, forçant les entreprises concernées à réagir2 . Le
potentiel fourni par Twitter nous permet alors d' entrevoir une atténuation des effets
de l'agenda-setting des médias de masse sur l' agenda public: « Obviously, this high
degree of similarity is not found across the broad array of web sites on the Internet,
leading to a prediction that the era of agenda-setting is coming to an end. »
(McCombs, 2004, p. 147) Ainsi, le public a la possibilité de s' informer à même les
sources brutes d' information, ce qui n' est pas négligeable : « There is no question
that the Internet has already greatly expanded the array of news and information
sources on public issues and just about any other topic you can imagine. » (Ibid .,
p. 146) La fragmentation de l'auditoire est aussi un élément qui change la donne :
« audiences fragment and virtually everyone has a unique media agenda that is a
highly individualized composite constructed from this vast wealth of news and
information sources.» (Ibid. , p. 147) Finalement, l' utilisation de Twitter favorise une
meilleure connaissance sur les hard news (les nouvelles sérieurses, en opposition aux
soft news). En effet, deux chercheuses de l' Université nationale de Séoul ont mis à
2
Les deux cas sont présentés dans cet article : http://www.lapresse.ca!le-so lei l/affaires/actua lite-
economique/20 1304/08/0 1-4638855-le -re eaux- ociaux-font-la-lecon-a- la-banque-ro ale-du-
canada.php
37
jour les recherches sur le need for orientation (NFO) en étudiant leurs effets sur
Twitter, pour découvrir des faits intéressants : « high NFOs might learn more from
Twitter not just because they have greater access to news information, but because
they engage in more thorough message processing. » (Lee et Youn Oh, 2013 , p. 747)
Avec Twitter, 1' utilisateur aurait la possibilité d'aller au-delà du simple besoin
d' information. Il peut apprendre, développer une plus grande expertise dans un
champ donné. Les auteures parlent alors de « need for cognition, the propensity to
enjoy and engage in cognitive activities » (Ibid. , p. 749).
Ceci mis en contexte, nous nous demandons alors quelles sont les rapports qui
changent en matière d'agenda-setting et qui pourraient redistribuer les pouvoirs
d' influence. Nous croyons que la réponse est très nuancée et qu ' il est important
d' éclaircir les zones d' ombre. Nous postulons ainsi que, si les effets d ' un agenda
médiatique influent toujours de façon importante sur l' agenda public, c' est le modèle
du gatekeeping qui se modifie, soit les gatekeepers eux-mêmes et la façon dont
circule l' information qui participent à une transformation des rapports d' influence à
l' essor des médias socionumériques. Pour répondre à notre question principale de
recherche et approfondir notre hypothèse, nous établissons quatre sous-questions qui
guideront notre quête d' information :
CHAPITRE III
MÉTHODOLOGIE
Nous verrons donc d'abord d' où provient notre stratégie pour ensuite bien
l'expliquer. Nous exposerons par la suite les dimensions principales qui nous
intéressent avant de présenter les outils et les différentes étapes. Nous terminerons par
préciser comment s' est faite notre observation ainsi que notre analyse et comment
nous assurons la crédibilité des résultats.
Notre étude de cas s' inscrit dans une stratégie de recherche de type mixte puisqu 'elle
comprendra une collecte de données quantitatives en lien avec une observation
40
participante périphérique, mais elle s' appuie sur une démarche et une analyse à la fois
quantitatives et qualitatives. Avant d' aller plus loin dans la description de notre
stratégie de recherche, nous la présentons dans ses généralités pour en saisir les
caractéristiques principales.
D'abord, mentionnons que selon Woodside et Wilson rapportés par Gagnon, « l' étude
de cas [ .. .] est appropriée pour la description, l' explication, la prédiction et le
contrôle de processus inhérents à divers phénomènes, que ces derniers soient
individuels, de groupe ou d'une organisation. » (Gagnon, 2012, p. 2) Il résume aussi
ses fonctions principales comme suit : « La description répond aux questions qui,
quoi, quand et comment (Eisenhardt, 1989; Kidder, 1982); l' explication vise à
éclairer le pourquoi des choses » (Gagnon, 2012, p. 2).
Gagnon note également trois grandes forces de l' étude de cas qui s' appliquent
parfaitement au contexte de notre recherche. Elle sert à « fournir une analyse en
profondeur des phénomènes dans leur contexte », à offrir « la possibilité de
développer des paramètres historiques » et à « assurer une forte validité interne, les
phénomènes relevés étant des représentations authentiques de la réalité étudiée. »
(Ibid. , p. 2-3) Ces caractéristiques conviennent ainsi bien à la complexité des rapports
d'influence que nous souhaitons étudier en matière de gatekeeping et d' agenda-
setting.
Par ailleurs, selon Latzko-Toth, bien que la définition de 1' étude de cas soit floue, il
ne faut pas se méprendre avec 1'enquête statistique ou 1' étude expérimentale, car la
première « porte sur un grand nombre de cas (ou unités d' analyse) sur lesquels est
relevé un nombre restreint d' informations » tandis que « la recherche expérimentale,
pour sa part, concerne [... ] un nombre réduit de cas, mais ceux -ci sont créés
artificiellement » (Latzko-Toth, 2009, p. 3). Les cas sont ainsi en nombre restreint
(voire un seul), d' origine « naturelle » et « sur lesquels on recueille une grande
quantité d'informations suivant toutes sortes de dimensions ».
41
Toute étude de cas comporte évidemment une analyse des données. Pour notre étude,
1' analyse de contenu est la méthode la plus appropriée pour interpréter nos données à
la fois quantitatives et qualitatives. Si l' analyse de contenu se situe aujourd ' hui « à la
croisée de plusieurs disciplines » (Gagnon, 2012, p. 2-3), c' est d' abord pour répondre
à un besoin de compréhension de « l' apparition et [du] développement des moyens de
communication de masse (presse écrite, radio) » aux États-Unis qu ' elle s' est
constituée comme stratégie de recherche (Derèze, 2009, p. 165). Le premier
chercheur à être associé à l' essor de l' analyse de contenu est Harold D. Lasswell, qui
fait paraître en 1927 son ouvrage « Propaganda Technique in the World War ».Il met
au point un schéma d' analyse qui pose les questions suivantes : « Qu' est-ce qui est
dit? »,« Par qui? »,« Par quel canal? » et « Avec quels effets?» (Ibid ., p. 164). C' est
toutefois Bernard Berelson qui « contribue à fonder épistémologiquement 1' analyse
de contenu » grâce à Content analysis in communication research (Ibid ., p. 164-165).
Il définissait alors cette stratégie comme « une technique de recherche pour la
description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste de la
communication. » (Ibid. , p. 165) Depuis, on note l' ouverture faite aux études
qualitatives avec 1' analyse de contenu.
Notre stratégie de recherche repose ainsi sur la démarche de l' étude de cas quant à la
structure et les techniques qu ' elle emploie pour répondre aux questions de recherche.
Selon Yin rapporté par Latzko-Toth, « il s' agit d 'une stratégie de recherche globale
[ .. .] comportant une logique de conception [ .. .] de la recherche, des techniques de
collecte de données et des approches spécifiques en regard de 1' analyse des données »
(Latzko-Toth, 2009, p. 5). Voici donc les deux techniques essentielles de notre
démarche de même que les outils que nous emploierons.
42
Dans un premier temps, notre étude consiste en une observation qui nous se11 à
récolter les données et à former un corpus précis à analyser. Selon Gagnon, « cette
technique sert à recueillir des données relatives à des comportements ou à des
conditions environnementales observables. », elle peut viser « une collecte de
données formelle, caractérisée par un protocole d' observation. » (Gagnon, 2012,
p. 61) Plusieurs types d' observations sont possibles selon les besoins. Gagnon (20 12,
chap. 5) cite l' observation participante, l' observation participative (ou directe),
l' entrevue et l' analyse documentaire, entre.autres. Derèze propose aussi l' observation
directe, mais également l' observation secondaire et l' observation furtive (Derèze,
2009, p. 89-90). Tandis que certains types demandent une immersion avec les sujets
d' étude ou bien une distance complète, notre approche se situe plutôt entre les deux.
Bien que les utilisateurs de Twitter ne sont pas directement informés de notre
présence sur le terrain d' investigation, il s' agit tout de même d' une observation
participante au sens où « l'observation participante implique, à des degrés divers, que
le chercheur prenne un rôle, participe à la vie de la communauté qu'il étudie. »
(Coulon cité dans Serpereau, 2011 , p . 81) En effet, dans notre cas, un compte
personnel a été paramétré pour profiter des fonctions de Twitter, mais notre
« observation participante [est] marquée par la volonté d'interférer le moins possible
avec le terrain social étudié. » (Serpereau, 2011 , p. 81 ). Plus précisément, nous
pouvons qualifier notre observation participante de « périphérique » au sens de Adler
et Adler, cités par Serpereau, puisque « le chercheur n'occupe pas de rôle actif dans la
situation » (Ibid. , p. 82). L ' avantage d ' étudier les interactions sur Twitter est double :
cela nous permet d' être au cœur des échanges, grâce aux données ouvertes et
publiques, tout en étant invisible, en périphérie.
43
1
3.2.2 Analyse de contenu
Dans un deuxième temps, nous effectuons une analyse de contenu puisqu ' il s' agit
ainsi d' un « ensemble d' instruments méthodologiques de plus en plus raffinés et en .
constante amélioration s' appliquant à des "discours" (contenus et contenants)
extrêmement diversifiés. » (Dépelteau, 1998, p. 342) et qu ' elle permet de
« s' intéresser aussi au contexte, pas seulement au texte » (Bardin, 1996, p. 13). Cela
nous donne aussi la flexibilité nécessaire pour répondre à notre question de recherche
et nos sous-questions qui se situent dans un vaste terrain encore peu découvert : « en
tant qu' effort d' interprétation, l' analyse de contenu se balance entre les deux pôles de
la rigueur de l' objectivité et de la fécondité de la subjectivité. » (Derèze, 2009,
p. 162) Puisque l'analyse qualitative « correspond à une procédure plus intuitive,
mais aussi plus souple, plus adaptable à des indices non prévus ou à l' évolution des
hypothèses » (Bardin, 1996, p . 13), nous la préférons à une analyse strictement
quantitative qui nous limiterait dans notre exploration des questions établies
précédemment. Finalement, nous sommes plutôt devant une posture mixte, car nous
intégrons des données quantitatives fournies par notre observation pour alimenter
notre démarche.
3 .2.3 Outils
Ainsi, pour réaliser notre stratégie, nous avons besoin d' outils précis. Nous effectuons
d' abord une recherche documentaire et une veille active pour déterminer notre corpus
de travail et d' élection puis nous procédons à 1' extraction des données avec 1' outil
Tweet Archivist. Twitter permet un accès direct aux données publiées sur sa
44
Les dimensions et les étapes précises de la méthodologie sont décrites dans les
sections suivantes.
3
www.tweetarchi vist.co m
45
Une autre dimension à l' étude ici consiste à évaluer les acteurs en matière de
gatekeeping. Pour cela, nous devons surtout voir si les auteurs reliés aux tweets sont
issus du journalisme professionnel ou non. Ici, nous avons comme prémisse que le
retweet et la mention (l ' action de mentionner un autre utilisateur en marquant son
compte avec le symbole « @ ») sont des mesures d' influence qui peuvent produire
des effets d'agenda-setting, en ce qu' ils entraînent comme comportements et comme
résultantes de diffusion.
Enfin, une troisième dimension que nous étudions concerne le contenu des
publications. Nous évaluons le contenu des tweets issus de notre corpus d'élection
pour vérifier s'ils correspondent à du contenu journalistique.
Nous établissons des étapes claires pour effectuer notre étude, tout en permettant une
flexibilité qui permettra d' atteindre les objectifs.
Notre observation participante périphérique nous sert à cerner un corpus précis pour
déterminer nos cas et faire la collecte de données pour des fins d'analyse. Cette étape
est inspirée de Derèze (2009, chapitre 7).
46
3.4.1 .1 Corpus existant: Le corpus existant est l' ensemble des twe ets publiés pendant
la période de recherche. Avec plus de 500 000 000 tweets publiés en moyenne par
jour4 , nous aurons besoin de bâtir un corpus de références plus restreint qui nous
permettra une lecture plus accessible de l' évolution des mots-clics.
Les utilisateurs sont dans un fil agrégateur (grâce à la fonction « Listes » sur Twitter)
qui nous sert à repérer les tendances. Nous pouvons voir en temps réel si un mot-clic
éclot et est repris par ces utilisateurs-clés. Les données ne sont pas recueillies, mais
serviront à préparer le corpus de travail.
3. 4.1. 3 Corpus de travail : Le corpus de travail contient deux volets. Le premier volet
consiste à recueillir les tweets correspondants aux trois mots-clics mentionnés ci-
dessus en les entrant dans l' outil Tweet Archivist. Pour le deuxième volet, nous
4
https ://blog.twitter.com/20 13/ new-tweets-per- econd-record-and-how
5
http://www .ledevo ir .com/po 1itiq ue/quebec/404844/cam pagne-e lectorale-le-pq-s-est- iso le-dans- la-
twittosphere
6
http: //pro jetj .ca/article/ceic-la-%C2%A B tw itterisation%C2% B B-de- la-comm ission-charbon neau
47
Les mots-clics du deuxième volet sont sélectionnés selon les critères suivants :
Nous avons ainsi deux volets complémentaires, qui, grâce à l'approche qualitative,
nous permettent d' avoir une vision d' ensemble et de comprendre le contexte :
« contexte du message, mais aussi contexte extérieur à celui-ci : quelles sont les
conditions de production, autrement dit, qui parle à qui, dans quelles circonstances,
quel est le moment et le lieu de la communication, quels sont les événements
antérieurs ou parallèles. » (Bardin, 1996, p. 14 7)
3.4.1.4 Corpus d 'élection: Le corpus d'élection est tiré de ce corpus de travail. Nous
sélectionnons certains tweets desquels nous en analysons l'auteur (son identité, sa
48
profession, son nombre d' abonnés) et le contenu dans son contexte temporel. Nous
voulons cibler les tweets d'origine ainsi que les tweets ayant contribué à l'essor du
mot-clic en sujet tendance.
Pour effectuer notre analyse, nous travaillons à la fois avec le corpus de travail et
avec le corpus de l' élection. Premièrement, nous utilisons le corpus de travail afin
d'analyser quantitativement les plus grands utilisateurs-vecteurs, c' est-à-dire les
utilisateurs contribuant à la popularité d' un mot-clic selon trois critères. Ces trois
critères sont en fonction du nombre de tweets partagés, du nombre de mentions 7 et du
nombre d' ab01més. Ils représentent différentes façons d' influencer l' agenda de
Twitter.
Deuxièmement, nous nous servons aussi de ce grand volume de données pour trouver
les médias à être le plus souvent intégrés aux publications, en effectuant une
compilation de tous les noms de domaines. Pour des fms d' analyse précises, nous
devons également renverser les hyperliens raccourcis pour qu ' elles entrent dans la
compilation grâce à un script développé en langage Rubl . Pour une comptabilisation
équitable entre les différents volumes de données recueillies pour chaque cas, nous
retenons les 30 meilleurs résultats pour chaque critère et pour les noms de domaines
(en cas d' égalité pour le 30e rang, nous conservons tous les résultats équivalents) .
7
Notons que les retweets sont aussi comptabi lités comme une mention . Seu ls les retweets effectués à
l' aide du bouton prévu à cet effet sont comptabi li sés . Nous ne sommes pas en mesure de calculer ceux
qui ont édité un tweet et l' ont « retweeté ».
8
Ruby est un langage de prog rammation libre.
49
Nous retirons également les résultats de moins de 5 (nombre de tweets partagés, noms
de domaines cités) pour une meilleure pertinence de données .
Finalement, nous sélectionnons des tweets précis pour créer le corpus de l' élection
pour lesquels nous procéderons à une analyse de contenu. Il s'agit, pour chaque mot-
clic, du tweet d' origine (dans le cas des nouveaux mots-clics) et des tweets
« vecteurs», c' est-à-dire les tweets ayant le plus grand nombre de retweets. Nous
cumulons de cette façon 5 tweets par cas pour un total de 30 que nous pouvons
insérer dans une grille d' analyse.
Afm d' interpréter les données recueillies et classées avec la grille d' analyse, nous
devons les catégoriser. Nous catégorisons à la fois notre corpus de travail et notre
corpus d 'élection. En lien avec le cœur de notre réflexion et de notre question
principale de recherche, nos catégories servent à connaître les acteurs, les sources
médiatiques les plus partagées, quel type de contenu devient populaire et qui en sont
les auteurs.
• Média en ligne : les comptes associés aux médias de masse (télévision, radio,
journaux, magazines).
• Site natif d' Internet : les comptes associés à des sites exclusivement sur
Internet («pures players »)traitant de l'actualité, incluant les sites sociaux de
nouvelles (social news websites).
• Blague : les comptes associés à des publications individuelles exclusivement
sur Internet.
• Infomédiaire : les comptes associés à un regroupement automatisé
d' information.
• Communication : les comptes associés au monde des médias qui ne sont pas
journalistes à proprement parler (chroniqueur, auteur, émission de télévision
ou radio, autre personnalité médiatique, etc.).
• Politique : les comptes associés à des fonctions officielles de partis politiques.
• Groupe de pression : les comptes associés à des organismes, associations ou
tout autre groupe de pression.
• Citoyen : les comptes associés à des individus identifiés ou anonymes ne
faisant pas partie des catégories précédentes.
3.4.3.2 Les noms de domaines: Les catégories pour les noms de domaines sont plus
restreintes comme nous souhaitons évaluer seulement les sites d' information.
• Média en ligne : les domaines associés aux médias de masse (télévision, radio,
journaux, magazines).
• Site natif d' Internet: les domaines associés à sites exclusivement sur Internet
(« pures players ») traitant de l' actualité, incluant les sites sociaux de
nouvelles (social news websites).
• Blague : les domaines associés à des publications individuelles exclusivement
sur Internet.
51
3.4.3.3 Les contenus des tweets: Pour l'analyse de contenu, nous retenons les mêmes
catégories que pour les utilisateurs-vecteurs pour classer les auteurs puis nous
catégorisons le contenu en deux types : information et opinion. Il est important de les
distinguer, car :
Cette méthodologie se fonde sur les principes de base en ce qui concerne la stratégie
de l' étude de cas ainsi que les deux méthodes utilisées, soit l' observation participante
périphérique et l'analyse de contenu. Le respect des procédures et des étapes
présentées justifiées et présentées plus haut assurera la crédibilité des résultats. Bien
que la stratégie comporte une part de subjectif dans l'interprétation des données, les
critères établis pour la détermination du corpus ainsi que pour la catégorisation
permettront une recherche objective et fiable.
52
Notre choix de cibler l' actualité sociopolitique francophone au Québec repose quant à
lui sur une plus grande facilité à cibler un corpus pertinent grâce à la langue, à un
échantillon de données plus réduit et à une plus grande familiarité des enjeux
d' actualités et des acteurs. Nous comptons sur l'abondance de sujets d' actualité
divers pendant la période de recherche comme facteur principal de réussite. Nous
pouvons constater les résultats dans le chapitre suivant.
CHAPITRE IV
Le chapitre qui suit présente les résultats consolidés obtenus grâce à la méthodologie
expliquée au chapitre précédent. Nous vous exposons ici les résultats d' une analyse
quantitative et une analyse qualitative basées sur un corpus de tweets liés à six mots-
clics (hashtags).
Dans un premier temps, nous présentons les résultats individuels des six cas étudiés.
Parmi les six mots-clics analysés, nous retrouvons ceux considérés comme « méta »
et décrits plus haut : #polQC, #UP AC, #CEIC. Grâce à la liste des utilisateurs actifs
par rapport à ces mots-clics, nous avons également été en mesure de· repérer
#Normand eau, #budget20 14 ainsi que #Orsainville pendant la période de terrain. Le
premier traite principalement du passage de Nathalie Normandeau, ancienne vice-
première ministre du Québec, à la Commission Charbonneau. Le deuxième couvre le
dévoilement du budget 2014 par le ministre des Finances Carlos Leitao. Le troisième
est relié à l'évasion de trois détenus de la prison d' Orsainville. Pour chaque cas, nous
présenterons trois types de résultats, soit les utilisateurs-vecteurs, les noms de
domaines et le contenu, et nous ferons une analyse partielle pour alimenter nos sous-
questions 1 et 2 (QI et Q2) .
Dans un deuxième temps, nous consoliderons les résultats pour répondre à chacune
de nos sous-questions de recherche présentées plus tôt. Les résultats feront également
55
l'objet d' une discussion dans le chapitre subséquent afin de répondre à la question de
recherche.
Avec plus de 75 000 données publiées entre le 1er juin et le 8 juillet, il s' agit du plus
gros corpus analysé. Globalement, ce mot-clic est utilisé pour accompagner toutes
sortes de sujets reliés à l' actualité sociopolitique québécoise.
4.1.1 Utilisateurs-vecteurs
Pour le nombre de tweets publiés, c' est la catégorie « Citoyen » qui domine en
occupant 83,3 % des trente premiers rangs. Pour le nombre de mentions, la catégorie
« Citoyen » arrive première également avec 36,7 %, mais suivi de près par
56
Média en ligne 0 4 7
Site natif 1 2 1
Blogue 0 1 0
Infomédiaire 2 0 0
Communication 1 2 12
Politique 1 10 7
Gr. de pression 0 0 0
Citoyen 25 11 3
Nb. de récurrence
Média en ligne 14
Site natif 4
Blogue 2
Infomédiaire 0
Média socionumérique 2
Autres 8
4.1.3 Contenu
Comme il s' agit d' un mot-clic récmrent, il n 'y a pas de tweet d' origine pom ce cas.
Nous avons plutôt sélectimmé cinq tweets vectems.
Tous les tweets contenaient d' autres mots-clics traitant un sujet connexe tel que
#AssNat, #CEIC ou #manifencoms. Un seul tweet contenait un hyperlien (vers
lapresse.ca) et un seul autre était accompagné d' une photo (d ' une manifestation).
58
Le cas #polQC vient déjà alimenter notre réflexion quant à la sous-question 1 (Ql) .
La catégorie « Citoyen », bien que dominante pour le nombre de tweets, ne convainc
pas autant pour le nombre de mentions. Selon les données recueillies, les utilisateurs
« Citoyen » partagent la tête du classement des utilisateurs-vecteurs par nombre de
mentions avec « Politique », qui ont pourtant beaucoup moins publié de contenu. Il
faut dire également que ce mot-clic touche directement des sujets reliés à la politique.
La catégorie « Communication », quant à elle, arrive première pour le nombre
d' abonnés, lui conférant une influence quant au nombre d ' impressions.
Ce cas compte près de 1800 tweets, ce qui donne un corpus beaucoup plus faible que
le précédent. Il concerne surtout des sujets variés en lien avec la corruption et les
enquêtes policières.
59
4.2.1 Utilisateurs-vecteurs
Média en ligne 0 5 14
Site natif 0 0 1
Blogue 0 0 0
Infomédiaire 1 0 0
Communication 1 3 8
Politique 2 4 2
Gr. de pression 0 1 0
Citoyen 30 18 5
60
Nb. de récurrence
Média en ligne 11
Site natif 3
Bio gue 3
Infom édiaire 0
Média socionumérique 3
Autres 2
61
4.2.3 Contenu
Parmi les cinq tweets vecteurs recueillis (ce cas n'ayant pas d' origine), quatre sur
cinq étaient du contenu de catégorie « Opinion ». Concernant les auteurs, tous étaient
de catégorie « Citoyen ».
L' utilisation de plusieurs autres mots-clics était également chose courante dans les
cinq tweets étudiés: on y retrouve entre autres #PLQ, #CEIC, #polQC, #AssNat et
#électionQC2014. Des photos ont été ajoutées dans trois tweets, où il s'agissait de
caricatures dans deux cas et d' une citation dans w1 cas. Un seul hyperlien était présent
et celui-ci menait à un article de radio-canada.ca.
Le cas de #UPAC nous donne une réponse semblable au cas précédent quant à Q 1,
même que la catégorie « Citoyen » occupe encore davantage le classement. Même
scénario quant aux nombres de mentions, où cette catégorie reste première, mais perd
beaucoup de positions. La catégorie « Média en ligne », absente du classement pour
le nombre de tweets apparaît ici avec cinq positions. Ici, c'est « Média en ligne » qui
se retrouve première pour le nombre d ' abonnés ;« Communication » arrive deuxième.
Pour ce qui est de Q2, les sites de médias de masse sont majoritairement utilisés
comme source d' information. Notons qu' ils occupent cinq des six premiers rangs. Par
ailleurs, on y retrouve aussi des liens de contenu « alternatif», issus de blogues et de
sites natifs.
62
Ce cas aussi touche des sujets en lien avec la corruption, mais plus spécifiquement
des cas reliés aux passages de témoins devant la Commission Charbonneau. Avec
plus de 45 000 données comptabilisées pendant la période couverte, il constitue le 2e
plus gros corpus analysé.
4. 3 .1 Utilisateurs-vecteurs
C'est encore une fois la catégorie « Citoyen » qui domine le classement du nombre de
tweets publiés, mais avec une plus faible majorité, à 70 %, suivie par « Média en
ligne » à 26,7 %. Pour le nombre de mentions, c' est partagé entre « Média en ligne »
à 40% et « Citoyen » à 36,7 %. « Média en ligne » arrive également première dans le
classement du nombre d' abonnées avec 50%, suivi de près par « Communication »
avec 40 %. Il reste un peu de place dans le classement pour « Politique » et « Site
natif » seulement.
63
Média en ligne 8 12 15
Site natif 0 1 1
Bio gue 0 0 0
Infomédiaire 0 0 0
Communication 1 5 12
Politique 0 1 2
Gr. de pression 0 0 0
Citoyen 21 11 0
Le classement des noms de domaine est dominé ici aussi par « Média en ligne » qui
occupe 46,7 % des positions, en plus d'occuper 10 des 15 premières positions. Les
autres positions sont réparties à parts presque égales entre « Autres », « Site natif »,
« Blague » et « Média socionumérique ».
64
Nb. de récurrence
Média en ligne 14
Site natif 4
Bio gue 4
Infomédiaire 0
Média socionumérique 3
Autres 5
4.3.3 Contenu
Le cas #CEIC ne contient pas non plus de tweet d' origine, étant un mot-clic récurrent.
Trois des contenus des tweets vecteurs sont de catégorie « Opinion » et avaient
comme catégorie d'auteur « Communication». Les deux autres sont plutôt
« Information » avec comme auteur « Média en ligne ».
Ici aussi d' autres mots-clics accompagnent les tweets, mais seulement dans trois des
tweets étudiés. Aussi, un seul contenait une photo (une citation) et aucun hyperlien
n'est utilisé.
65
Les données fournies par ce cas renforcent Je constat concernant Q1 des deux
précédents cas avec les utilisateurs « Citoyen » dominants pour le nombre de tweets
diffusés. La baisse de la catégorie « Citoyen » pour le nombre de mentions est
d' autant plus accentuée parce ce qu 'elle passe en deuxième position, derrière « Média
en ligne ». La catégorie « Communication », bien qu ' occupant 12 positions dans Je
classement du plus grand nombre d'abonnés, n' occupe que 5 positions dans Je
classement du nombre de mentions. Autre fait notable, « Citoyen» n'occupe aucune
position dans le classement du plus grand nombre d'abonnés.
Le classement des noms de domaines pousse également vers les mêmes conclusions
que dans les cas précédents pour notre sous-question Q2. Ici aussi, « Média en ligne »
domine le classement total en plus d' occuper les huit des dix premiers rangs.
4.4.1 Utilisateurs-vecteurs
On retrouve la catégorie « Citoyen » loin devant toutes les autres pour le nombre de
tweets avec 91 ,9 %. Le classement du nombre de mentions est aussi dominé par
« Citoyen », mais avec un taux plus faib le de 57,3 %, devant « Communication » à
19, 4% et « Média en ligne » à 13,9 %. La tête classement du nombre d'abonnés est
disputée entre« Citoyen » à 33 ,3 %et« Communication » à 30 %. « Média en ligne »
suit de près avec « 23 ,3 % ».
Média en ligne 0 5 7
Site natif 0 1 1
Bio gue 0 0 0
Infomédiaire 0 0 0
Communication 2 7 9
Politique 1 2 3
Gr. de pression 0 0 0
Citoyen 34 21 10
67
Encore ici, vu la taille du corpus, nous n' avons pu recenser 30 domaines ayant plus de
cinq occurrences. C' est « Média en ligne » qui domine avec 72,7 % des positions du
classement qui contient 11 positions.
Nb. de récurrence
Média en ligne 8
Site natif 1
Blogue 1
Infomédiaire 0
Média socionumérique 1
Autres 0
4.4.3 Contenu
Le tweet d' origine pour ce cas est celui d'un « Citoyen » et son contenu est
« Information ». Le f'rvee t, qui contient d'autres mots-clics et un hyperlien vers
lapresse.ca, n' a toutefois pas été « retweeté ».
68
Parmi les quatre tweets vecteurs, trois sont de catégorie « Opinion » et ont comme
auteur «Média en ligne », « Communication » et « Groupe de pression ». L' autre
tweet « Information » a comme auteur « Communication ».
Des mots-clics sont utilisés dans chacun des tweets et deux photos ont été partagées
(deux caricatures) . Aucun hyperlien n' est utilisé (sauf dans le cas du tweet d' origine).
Nous sommes face ici à une domination quasi exclusive de « Citoyen » pour le
nombre de tweet, et, comme dans les cas de mots-clics récurrents, cette domination
devient une majorité plus faible pour le nombre de mentions . « Média en ligne »,
catégorie absente du premier classement, apparaît avec cinq positions et
« Communication » obtient sa part également. Ce cas repéré pendant l' étude semble
donc faire écho aux réponses fournies par les mots-clics récurrents en ce qui a trait à
Ql.
4.5.1 Utilisateurs-vecteurs
Ici aussi, la catégorie « Citoyen » remporte le classement, mais avec un score plus
humble de 42,2 %, suivi par « Politique » à 27,2 %. Pour le nombre de mentions,
c' est plutôt « Politique » qui arrive premier à 43 ,3 %, sans qu' il y ait une deuxième
position qui se détache clairement. Du côté du nombre d' abonnés,« Communication »
à 33,3 %, « Média en ligne » à 26,7% et « Politique » à 23 ,3 %se partagent les trois
premiers rangs.
70
Média en ligne 2 4 8
Site natif 2 2 2
Bio gue 0 0 0
Infomédiaire 1 0 0
Co mm uni ca ti on 4 3 10
Politique 9 13 7
Gr. de pression 1 5 3
Citoyen 14 3 0
En ce qui concerne les noms de domaine, ce cas est assez unique, car ici c'est la
catégorie « Autres » qui domine le classement avec 58,8 %. Comme il s'agissait du
dépôt d' un budget, beaucoup de liens pointent vers des communiqués de presse
hébergés par des groupes de pression et diverses associations ainsi que sur des sites
gouvernementaux. Notons que « Média en ligne » occupe quand même 20,6% du
classement.
71
Nb. de récurrence
Média en ligne 7
Site natif 2
Bio gue 1
Infomédiaire 0
Média socionumérique 4
Autres 20
4.5.3 Contenu
Le tweet d' origine est aussi ici de catégorie « Information », mms son auteur est
plutôt « Communication ». D'autres mots-clics ont été utilisés, mais il n' y a eu qu ' un
seul retweet.
Les quatre autres tweets sont catégorisés « Opinion » et les auteurs sont « Politique »
deux fois , « Groupe de pression » et « Citoyen ».
D' autres mots-clics sont employés partout sauf dans un tweet. Une image a été
utilisée (une représentation graphique), mais aucun hyperlien n'est employé.
72
Avec près de 900 tweets, c' est le cas comprenant le plus faible nombre de données
recueillies. Il a d' abord servi à couvrir l' évasion spectaculaire puis à comprendre
comment ceux-ci y sont parvenus.
4.6.1 Utilisateurs-vecteurs
À cause d'un corpus plus petit, nous n'avons pas été en mesure d' obtenir 30
utilisateurs ayant publié plus de cinq tweets avec ce mot-clic pendant la période
73
Média en ligne 3 10 18
Site natif 1 1 2
Blogue 0 0 0
Infomédiaire 2 0 0
Communication 2 5 3
Politique 3 6 4
Gr. de pression 0 1 0
Citoyen 17 lü 3
74
Ici, c' est encore une fois « Média en ligne » qui domine le palmarès avec 69,2 %.
Notons que nous n ' avons pu obtenir 30 résultats pour ce classement, mais seulement
13.
Nb. de récurrence
Média en ligne 9
Site natif 1
Blogue 1
Infomédiaire 0
Média socionumérique 1
Autres 1
4.6.3 Contenu
Le tweet d' origine pour ce cas-ci est également de catégorie « Information » et c' est
un « Média en ligne » qui en est l' auteur. La publication est accompagnée d' une
photo de presse, mais pas d' hyperlien ou d' un autre mot-clic.
75
Deux des tweets vecteurs sont d'auteurs « Média en ligne » et ont du contenu
« Information », tandis que les deux autres ont des auteurs « Communication » et du
contenu « Opinion ».
Outre le tweet d'origine, aucun tweet n'était accompagné de photo et un seul d'un
hyperlien. L'utilisation de mots-clics n'est ici présente que dans 2 tweets.
Concernant les noms de domaines, c'est une fois de plus « Média en ligne » qui est
plus que présent dans le classement.
Des réponses plus complètes à nos sous-questions abordées dans nos analyses
partielles (Ql et Q2) seront présentées dans la prochaine section, de même que des
réponses aux autres sous-questions.
Bien que chaque cas étudié nous éclaire un peu plus sur nos sous-questions, nous
présentons ici les résultats consolidés pour une meilleure interprétation.
76
Les données compilées selon les trois différents types d' utilisateurs-vecteurs et
1' analyse de contenu effectuée nous permettent de répondre à notre sous-question 1
(Q 1) concernant la provenance et la diffusion des mots-clics.
Tout d' abord, afin de mieux comprendre, les trois types d'utilisateurs-vecteurs pour
tous les cas ont été compilés dans le tableau ci-dessous (4.13). À la lueur des analyses
partielles et de la compilation des résultats, nous voyons clairement que la catégorie
« Citoyen » est dominante concernant le nombre de tweets . C'est aussi la catégorie
qui contient le plus d' utilisateurs. Nous remarquons également que sa présence est
réduite de près de la moitié lorsqu ' il est question du nombre de mentions, même si
elle demeure la catégorie la plus importante. Tandis que « Média en ligne »,
« Politique » et « Commwùcation » obtiennent tme part beaucoup plus grande dans le
deuxième classement que dans le premier. C' est donc dire que, malgré le faible
nombre de publications associées pour chacun des mots-clics, ces trois catégories
auraient w1e plus grande influence que la catégorie « Citoyen ». Cela s' explique en
partie par le fait que les utilisateurs de ces trois catégories ont plus d'abonnés, comme
le montre la compilation du troisième classement. « Infomédiaire », quant à elle, fait
pâle figure, puisque malgré les quelques positions qu 'elle gagne pour le nombre de
tweets publiés, elle est absente des autres classements. « Groupe de pression » et
« Site natif » de leur côté connaissent une légère augmentation entre les deux
premiers classements, pour obtenir chacun une petite part du classement du nombre
de mentions. Enfm, la catégorie « Blogue » est globalement quasi absente, n' obtenant
qu ' un rang dans le classement du nombre de mentions.
77
Blogue 0 0% 1 0,5% 0 0%
Ensuite, pour approfondir la question, il faut regarder les réponses obtenues grâce à
1' analyse de contenu effectuée. Le tableau 4.14 présente la compilation des catégories
d' auteurs pour tous les tweets vecteurs repérés (les tweets d' origine n' y sont pas
comptabilités) . Ainsi, « Communication », « Citoyen » et « Média en ligne » sont les
trois catégories à tirer leur épingle du jeu. Les catégories « Politique » et « Groupe de
pression » occupent quelques positions, mais sont beaucoup moins présentes, tandis
que « Site natif », « Blogue » et « Infomédiaire » sont totalement absentes du
classement.
9
Pour alléger le tab leau, nous avons arrondi à une décimal, ce qui donn e un tota l de 99,9 %.
10
Ici , le résu ltat arrondi donne un tota l de 100, 1 %.
78
Site natif 0 0%
Bio gue 0 0%
Infomédiaire 0 0%
Communication 9 33 ,3%
Politique 3 10 %
Citoyen 7 26,7
Total 27 100 %
Finalement, ces deux compilations nous éclairent quant à la diffusion des mots-clics.
Nous témoignons que les utilisateurs « Citoyen » ont collectivement un impact
significatif et certains d'entre eux ont même un impact individuel considérable. Les
utilisateurs de la catégorie « Site natif », bien qu 'occupant quelques rangs, ne
convainquent pas entièrement. Parallèlement, les utilisateurs issus du milieu
traditionnel y ont une plus grande part : « Média en ligne », « Communication » et
« Politique » occupent 73 % du classement selon le nombre de mentions. « Média en
ligne » occupe à elle seule 40,6% du classement selon le nombre d' abonnées. Nous
avons également vu que des citoyens parviennent tout de même à publier quelques
tweets qui « performent » autant que ceux d'utilisateurs issus de la sphère
traditionnelle.
79
Tableau 4.15 Portrait général des noms de domaine des cas étudiés
Infomédiaire 0 0,0%
Autres 36 25 ,7%
L' analyse de contenu nous donne quelques pistes quant à l' origine des tweets et des
contenus associés, mais, vu le trop faible échantillon, nous permet de répondre que
partiellement à notre sous-question 3 (Q3). Parmi les trois cas étudiés où il était
possible de trouver l'origine, nous retrouvons un auteur de catégorie
« Communication », un de « Média en ligne >> et un dernier de « Citoyen ». Les
contenus associés aux trois publications sont de catégorie « Information » et deux
d' entre elles contiennent soit une photo de presse ou un hyperlien menant à un site
d'information. Nous n'avons donc pas d' utilisateur type pour qualifier le tweet
d' origine, mais, dans les trois cas, nous constatons la présentation de faits et non
d' opinions.
81
Une dernière comptabilisation nous sert à analyser le type de contenu associé aux
tweets vecteurs afm de répondre à la sous-question 4 (Q4). Lors de notre analyse de
contenu, nous avons pu qualifier d' information et d' opinion les 27 publications.
Comme le démontre Je tableau ci-dessous (4.16), les trois quarts étaient de l' ordre de
« Opinion » et le quart des tweets restants étaient de catégorie « Information ». Cela
pointe Je caractère orienté des tweets les plus populaires.
Information 7 25,9%
Opinion 20 74,1%
Total 27 100%
Nous avons par ailleurs remarqué que l' utilisation d'autres mots-clics était très
répandue. Dans 82,5 % des données issues de notre analyse de contenu, il y a
utilisation de plusieurs mots-clics supplémentaires, comme nous voyons dans le
tableau 4.17.
82
0 5 18,5%
1 13 48 ,1%
2 2 7,4%
3 et plus 7 25,9%
Total 27 100%
Les rapports d' influence sont quelque peu altérés, mais poursuivent les effets de
l'agenda-setting et la domination de l'agenda des médias de masse. Nous verrons,
d'abord, ce qu ' il en est de notre concept-clé en matière d' agenda-setting, le
gatekeeping, à savoir qui profite du nouvel espace de visibilité pour y faire circuler
l' information et comment se transforment les pratiques journalistiques sur Twitter.
Ensuite, il sera question des conséquences que cela cause aux deux niveaux de
1' agenda-s etting, soit la tendance que prennent les médias de masse à reproduire le
courant médiatique dominant ainsi que la place qu ' occupe 1'opinion, renforçant du
coup I'attribute agenda-setting. Finalement, nous aborderons les nouveaux enjeux
que soulève notre démarche.
84
Toutefois, comme le dit également Cardon, « certaines choses visibles ne sont pas
pour autant publiques » (Ibid.), c' est-à-dire, bien que les utilisateurs-citoyens publient
ou diffusent des tweets , ils n'auront pas nécessairement le caractère public, le statut
officiel , et ne seront pas pour autant lus par beaucoup d'utilisateurs. Cardon nous
85
rappelle qu' « Internet substitue un continuum dans lequel certains propos sont très
publics , d'autres moins et d 'autres pas du tout . » (Ibid.) Comme nous avons pu
l'observer, les actions de ces utilisateurs-citoyens peuvent ainsi parfois demeurer en
vain , car elles suscitent peu ou pas de réponse ou de partage. Par ailleurs, un coup
d'œil à la liste des utilisateurs ayant le plus d'abonnés confirme que ce sont ceux
issus de la sphère traditionnelle qui en ont le plu s, leur conférant defacto davantage
de visibilité.
(issues), sans passer par les médias. En effet, beaucoup de sources « Autres », comme
vues dans le chapitre précédent, pointaient vers des sites de groupes de pression, de
partis politiques ou de gouvernements. Toutefois, il aurait fallu avoir des catégories
de noms de domaines plus précises que « Autres » pour être en mesure de mieux
comprendre le type de sources qui y sont associées.
Our findings suggest a strong core of committed individuals at the center of the
#wiunion protest network. [ .. .] Through the informational and expressive
motivations they cited, their thoughts on information credibility and t:raditional
media, and their qualified acceptance of the « journalism » label (Veenstra et
al. , 2014, p. 12)
87
Comme expliqué dans le cadre théorique, la clé pour comprendre les changements en
matière d' agenda-setting est de regarder ces transformations en ce qui a trait au
gatekeeping. Les phénomènes observés ici sont reliés à ce qui suit.
Nos données recueillies permettent d 'en connaître davantage sur la nature des
changements dans le fonctionnement de l' agenda-setting, selon deux niveaux de
I'agenda-setting, dont les effets, rappelons-le, s'observent autant lors du transfert de
la prépondérance des sujets couverts par l'agenda médiatique vers l'agenda du public
(les choix des nouvelles) que lors du transfe11 des attributs vers ce même agenda
(l'angle et le traitement des nouvelles).
88
Les résultats obtenus lors de notre recherche nous éclairent aussi à propos de l' agenda
médiatique sur Twitter. En étudiant la question des changements dans le gatekeeping,
nous avons vu que des acteurs presque absents de la sphère des médias traditionnels
se taillaient une place sur Twiter, tout en constatant la forte présence des acteurs issus
de la sphère traditionnelle (voir le tableau 4.13).
parvenaient pas à infiltrer l' agenda public, car ils n' obtenaient pas une visibilité
suffisante. Ainsi, les effets de 1' agenda-s etting se font sentir de façon imposante et les
auteurs concluent à une véritable reproduction du courant médiatique dominant sur le
web, avec comme acteurs principaux les médias en ligne.
Nous retrouvons un phénomène semblable sur Twitter. Les sources majoritaires qui
en ressortent sont les médias de masse. Non seulement occupent-ils beaucoup plus de
positions dans le classement que les autres catégories du tableau 4.15 , mais ils
occupent aussi les premières positions. En ce sens, n' est-il pas rare de voir dans
chaque cas étudié les quatre ou cinq premières positions occupées par un domaine de
catégorie « Média en ligne ». Nous sommes alors plutôt face à une tendance au
prolongement de 1' agenda-setting ayant comme sources prépondérantes celles des
médias de masse. Cela rejoint d' ailleurs les prédictions de McCombs (2004, p. 146-
147) qui croit que la diversité de l'information pourrait être améliorée avec Internet,
mais que ce sont les médias de masse encore qui détiennent toujours un rôle plus
grand.
s' il s' agit de contenu nouveau ou si nous sommes plutôt face à un « re-traitement » de
1' information. En ce sens, les données recueillies exposent des faits intéressants quant
à la place de 1' opinion dans le contenu et peuvent nous foumir une piste de réflexion
intéressante. La prochaine section résume nos observations et analyses à ce sujet.
Nous avons pu apprécier plusieurs phénomènes quant à la place de l' opinion sur
Twitter, ce qui, nous croyons, entraîne plusieurs changements en ce qui concerne
1'agenda-setting. Nous estimons que le deuxième niveau de 1' agenda-s etting, que
l'on nomme attribute agenda-setting, est plus proéminent que le cadre traditionnel de
la théorie. Dans ce niveau, il ne s' agit pas seulement de circonscrire les sujets sur
lesquels les gens peuvent opiner ou partager, mais d' en orienter également les débats
et discussions par le traitement que donnent les gatekeepers à l' information. Trois
phénomènes ont été observés lors de notre étude pern1ettant d' en valider l' existence
et la plus grande présence.
D' abord, nous avons vu la place des publications de catégorie « Opinion » dans le
tableau 4.16, où notre analyse de contenu démontre qu ' elles représentent près des
trois quarts des données analysées. Twitter en ce sens est moins soumis aux principes
d' objectivité journalistique et de recherche de faits vérifiés qui prévalent dans les
médias traditionnels. Bien qu ' il y ait une place pour l' opinion ou la chronique, mais
celle-ci est généralement bien évidente : il y a séparation entre les deux types de
traitement par la mise en page et les sous-titres, par exemple, ainsi que par les rôles
des personnes qui s' y emploient. Sur Twitter, la distinction n'est pas explicitement
visible. Les utilisateurs peuvent à la fois mêler information et opinion lors d ' une
séquence de tweets en traitant d' un même sujet. Pour Cardon, il s' agit de la libération
91
des subjectivités, qui est accrue par le transfert des pouvoirs de gatekeeping vers une
plus grande masse de personnes. Ce phénomène entraîne toutefois un éloignement
des intérêts communs, selon l'auteur : « L' élargissement de l' accès à la visibilité sur
Internet s' est en quelque sorte "payé" d'un abaissement des contraintes qui avaient
fondé les formes du discours public en le plaçant dans l' horizon régulateur de la
raison, de l' autocontrôle et du détachement vis-à-vis des intérêts particuliers. »
(Cardon, 2010, p. 40) Contrôler les perspectives semble très important en ce sens, car,
comme nous l'expliquait McCombs, c' est l' ultime influence sur l'opinion publique
(McCombs, 2004, p. 82).
Enfm, notre recherche a mis en lumière l' importance du mot-clic comme unificateur
des discussions et informations reliées aux sujets d'actualité (issues). Il permet de
réunir des tweets qui autrement seraient d' autant plus diffus et il contribue à orienter
les discussions. Ceci dénote la présence du cadrage (jraming) , le concept selon lequel
les auteurs mettent 1' accent sur certains aspects, favorisant 1' adoption d' une vision
orientée d' un sujet. Le concept de cadrage, tel que présenté dans le chapitre II, est
associé de près à 1' attribute agenda-s etting et contribue à augmenter 1' influence des
92
Ces trois phénomènes observés témoignent de l' orientation de l' information sur
Twitter qui contribue de cette manière au pseudo environnement de Lippmann et ses
« pictures in our head » (Ibid. , p. 3). Le court espace de 140 caractères qui encadre les
publications sur Twitter y renforce l' attribute agenda-setting, car 1' utilisateur ne peut
pas étayer ses propos et faire un portrait exhaustif d'un sujet d' actualité. Il est souvent
forcé de mettre l' accent sur un élément en particulier ou de « re-traiter » l' information
existante.
Nos recherches soulèvent également des enjeux que nous nous devons d'aborder afin
de mieux comprendre nos résultats et d'évaluer l'impact des changeme~ts dans les
rapports d' influence de 1'agenda-setting.
matière d'agenda-setting, à propos de l' influence des médias sur l' agenda public, ont
tôt fait de mettre à jour l' un des rouages principaux de la communication politique,
soit la façon dont certains enjeux atterrissent sur l' agenda des décideurs. Les médias
de masse sont de cette façon la pierre angulaire de la communication entre le public et
les décideurs politiques. Le pouvoir dont ils bénéficient en est un très important et
c' est pourquoi nous nous sommes attardé à étudier leur évolution dans le contexte de
l' essor des nouveaux médias. Ces derniers remettent en perspective cet enjeu
principal : leur avènement est-il un prolongement naturel des médias de masse déjà
existants ou bien s'agit-il d' une rupture avec le cadre traditionnel des médias de
masse? Les résultats obtenus à la suite de notre recherche nous orientent dans cette
réflexion, mais celle-ci doit se poursuivre.
Nous avons vu comment le nouvel espace médiatique permis par Twitter libérait le
public d' un certain contrôle de l' information auparavant détenu très majoritairement
par les journalistes et éditeurs de médias de masse. Les nouveaux gatekeepers ont
maintenant la chance de s' abreuver directement aux sources d' information en plus de
partager à bon escient les sujets qui les concernent ou qui seraient selon eux d' intérêt
général. Nous avons également appris que de nouveaux médias plus marginaux ont
quand même une influence (mais moindre que les médias de masse en ligne) auprès
des utilisateurs de Twitter.
its own collective memory of the past. » (McCombs, 2004, p. 139) Est-ce dire ici que
Twitter a le potentiel de mener à une forme d'émancipation qui contribuerait au
pluralisme et à la diversité de l' information grâce à une plus grande participation des
citoyens à la production de l' information et, par conséquent, à changer de plus en plus
jusqu'à réécrire les rapports d' influence de base de la théorie de 1' agenda-s etting?
Les d01mées recueillies nous poussent plutôt vers une conclusion qui s' inscrit dans la
pensée de Foucault et de ses notions de contrôle du discours. D' après notre
observation et notre analyse, Twitter reproduit les règles de la production du discours
plutôt que de réaliser une réelle émancipation. Bien qu ' il donne les pouvoirs de
gatekeeping à des citoyens, il les maintient dans des systèmes régulateurs. Les
rapports de pouvoir y sont reconduits, car nous sommes face aux mêmes acteurs
dominants qui existent en dehors de Twitter. Le principe d' abonnement du média
socionumérique, par exemple, contribue au maintien de ces acteurs comme source
d'influence puisqu ' il favorise des rapports de pouvoir inégaux. D' abord, il augmente
à l' évidence la visibilité des utilisateurs ayant beaucoup d' abonnés; ensuite, il
prolonge l'influence de ceux ayant déjà une popularité en dehors de Twitter, qui en
accumulent très rapidement dès la création de leur compte.
Ainsi, même si les rapports de 1'agenda-s etting changent, nous entrons possiblement
dans un modèle qui intègrerait encore davantage le public au système médiatique. Au
lieu d' influencer les médias de masse par le tirage ou le visionnement, il pourrait
intervenir plus tôt, par le partage et la publication d'information sur Twitter, en
démontrant collectivement un intérêt important pour un sujet d' actualité. Bien que
cela renforcerait la participation du public au processus d'agenda-setting, cela le
maintiendrait également dans le système, puisqu ' il se retrouverait dépendants des
médias de masse. Ainsi, la façon dont circule 1' information changerait, mais les effets
de 1' agenda-s etting demeureraient.
CONCLUSION
D' abord, rappelons la nature et le but de notre étude. Notre cheminement était
préalablement inspiré par l' essor des médias socionumériques qui mèneraient à des
changements dans les rapports d' influence. Pour en comprendre les fondements, nous
avons étudié L 'ordre du discours de Foucault (1971), qui nous montre comment les
rapports de pouvoir sont soumis à des structures et à des règles. En ce sens, nous
avons vu tout au long des chapitres, l' importance de revoir les notions de la théorie de
l' agenda-setting et des concepts qui 1' entourent dans le contexte actuel de la
communication bidirectionnelle. Ce faisant, d'un côté, nous avons vu la pertinence de
revisiter cette théorie pour comprendre ce contexte et, de 1' autre côté, nous avons été
témoins du potentiel permis par des médias socionumériques collline Twitter, qui
rendent la participation à 1'agenda-s etting plus accessible. En fin de compte, notre
recherche visait à éclairer quelques zones d' ombre quant à l' évolution en cours des
rapports entre Twitter et 1' agenda-setting. Ensuite, pour bien comprendre ce qui
ressort de notre étude, il s' avère important de faire un bilan et de rappeler les grandes
lignes de chaque chapitre.
L' un prône une révolution du paradigme médiatique qu 'il appelle Network society, où
les technologies de l'information déterminent les nouveaux rapports
communicationnels; l' autre estime que nous entrons dans une Culture of connectivity
qui transforment nos façons de communiquer grâce à un écosystème de médias
interconnectés. Selon les deux cas, nous assistons à des rapports de communications
plus réciproques qui permettent plus d' échange et de collaboration, en plus d' offrir un
espace alternatif aux médias de masse. Nous avons aussi vu dans ce chapitre
comment la plateforme Twitter s' inscrit dans cet environnement et représente une
forme de concrétisation de ces théories, surtout par la participation multiple des
utilisateurs à des conversations diffuses qu ' elle rend possibles. Des études
démontrent toutefois que la visibilité permise par les médias socionumériques et
Internet n'est pas nécessairement synonyme d' influence, que des voix qui se lancent
dans la sphère publique ne sont pas entendues pour autant. Ce tour d' horizon nous a
servi à poser les bases de notre problématique et de montrer comment la théorie de
l' agenda-setting peut nous aider à l' analyser, pour ensuite articuler notre question
générale de recherche : y a-t-il de nouveaux rapports d' influence en matière
d' agenda-setting?
Pour y répondre, nous avons présenté au chapitre II le cadre théorique sur lequel
repose cette recherche. Nous avons d'abord montré 1' agenda-setting sous toutes ses
facettes et comment la théorie élaborée par McCombs et Shaw avait été renforcée au
cours des cinquante dernières années. La théorie, à la base un modèle plutôt linéaire
qui explique les hauts taux de corrélation entre l'agenda médiatique et l' agenda
public, s'est vue bonifier de plusieurs autres concepts théoriques, duframing au need
for orientation en passant par 1' agenda building et 1' effet de priming. Or, celle que
nous avons principalement retenue pour comprendre les enjeux actuels est le
gatekeeping. C' est par là que nous comprenons comment s' échange l' information et
se construit l' agenda médiatique. En l'intégrant dans notre réflexion, nous sommes en
mesure de mieux évaluer les rapports d' influence qui changent au sein des médias.
97
Ces rappo1is d' influence et les processus desquels découle 1'agenda-setting, nous les
avons mieux compris grâce aux notions de Foucault. En effet, dans L 'ordre du
discours, il nous fait réfléchir aux règles et processus qui encadrent les discours dans
une structure qui reproduit des rapports de pouvoir. Cela met en perspectives les
études et théories qui se sont penchées sur l' évolution du gatekeeping avec les médias
socionumériques. Nous y voyons que les citoyens adoptent certaines pratiques
journalistiques en intervenant dans les médias socionumériques pour tenter
d' influencer et de promouvoir leur propre agenda, nous donnant des pistes à explorer,
sous forme de sous-questions, pour mieux évaluer notre questionnement général.
C' est à partir de ce cadre théorique que nous avons voulu évaluer, au chapitre III, les
acteurs en place sur Twitter ainsi que les sources médiatiques utilisées dans des mots-
clics (hashtags), que nous conceptualisons comme des sujets d' actualité au sens de
l' agenda-setting. Nous voulions également étudier par qui naissaient les mots-clics et
quel en était le contenu partagé. Pour ce faire, nous avons établi une méthodologie
originale composée d'une stratégie mixte d'étude de cas qui s' appuyait sur une
observation participante périphérique et sur une analyse de contenu. Il a été
particulièrement difficile de construire une méthodologie nous pennettant de récolter
des données pertinentes à notre question de recherche étant donné la nature nouvelle
des recherches en médias socionumériques. Bien que les données brutes sur Twitter
soient ouvertes et accessibles, il n' en demeure pas moins qu ' elles doivent être
récupérées et analysées. Les outils disponibles à 1'heure actuelle sont souvent très
couteux ou difficiles à programmer. Les outils gratuits ou à faibles coûts offrent peu
de fonctionnalités ou un accès partiel aux données. C' est pourquoi il nous a fallu un
certain temps pour trouver notre outil Tweet Archivist et pourquoi la programmation
et le traitement de nos dmmées a prolongé notre période de terrain. De plus, la
période estivale pendant lequel se tenait le terrain n ' était pas favorable à une actualité
sociopolitique florissante, ce qui rendait notre sélection de mots-clics plus limitée.
98
Néanmoins, nous croyons qu ' il s'agit au final d' une méthodologie efficace qm
gagnerait à être bonifiée avec de plus grandes ressources humaines et financières.
Les résultats que nous avons obtenus ont été présentés au chapitre IV. Comme
expliqué dans notre démarche, nous avons fmalement ciblé six mots-clics, desquels
nous en avons extrait tous les tweets qui étaient accompagnés d' un ou plusieurs
d' entre eux pendant la période couverte par notre étude. Il s' agit ici de #polQC,
#CEIC, #UPAC, #budget2014, #Normandeau et #Orsainville. Ces six cas compilés
nous fournissent matière à analyse et interprétation. En ce qui concerne les acteurs,
nous avons constaté la présence massive des citoyens comme utilisateurs-vecteurs
dans le classement selon le nombre de tweets diffusés. Toutefois, cette place dans les
classements s' amenuise fortement dans celui du nombre de mentions et celui selon le
nombre d'abonnés. C' est plutôt les médias de masse en ligne ainsi que les
personnalités médiatiques qui brillent dans ces deux derniers classements. Pour les
noms de domaines, nous avons comptabilisé une majorité de liens accompagnant les
tweets menant vers des noms de domaine appartenant à des médias de masse. Nous
avons également recensé une part importante de liens de catégorie « Autres », c'est-à-
dire qui ne mènent pas vers un site de nouvelles. Cela porte à croire que les
utilisateurs s' informent à même les sources brutes d' information, sans qu 'elles soient
transformées par le prisme des médias, et qu 'ils partagent directement cette
infonnation. Enfin, une dernière donnée importante est le taux important de tweets de
catégorie « opinion », qui expose comment la restriction de 140 caractères de Twitter
ainsi que son mode d'échanges instantanés favorisent des publications orientées.
En fin de compte, ces résultats alimentent notre questionnement général dont nous
avons discuté au chapitre V. Ainsi pouvons-nous répondre à notre question principale
quant aux rapports d'influence dans l' agenda-setting avec Twitter. D' abord, faut-il
mentionner que notre variable principale, le gatekeeping, s'est avérée plutôt
transformée, puisque nos données indiquent que des citoyens et des utilisateurs non
99
issus de la sphère des médias traditionnels investissent beaucoup Twitter. Bien que
nous n' ayons pas de preuve de leur influence réelle, nous avons vu qu ' ils pouvaient
être générateurs de nombreuses publications et mentions, en plus de démontrer une
utilisation importante de liens de source directe. Par contre, nous avons aussi été
témoins de la reproduction du courant médiatique dominant, car la compilation de
noms de domaines nous pousse à croire que les effets de 1' agenda-s etting sont bien
présents. Ainsi, en termes foucaldiens, nous voyons que les rapports d' influence
restent globalement les mêmes, puisque les acteurs influents de la sphère médiatique
hors ligne semblent concourir de façon inégale contre les nouveaux acteurs. Leurs
rapports de pouvoir se transposeraient donc sur Twitter et maintiendraient les
citoyens dans une structure où ils sont encore dominés, mais où les rapports
d' influence sont moins inéquitables. Notons aussi que les données récoltées grâce à
l' analyse de contenu qualitative nous portent à croire que le deuxième niveau de
l' agenda-setting, l' attribute agenda-setting, serait plus important avec Twitter.
Cependant, nos résultats comportent des limites. Il nous est impossible de généraliser
nos résultats, car notre échantillon quantitatif est non probabiliste et notre analyse de
contenu présente un trop faible corpus. De plus, notre recherche ne concernait que
l' actualité sociopolitique québécoise. Malgré cela, ce n' était pas le but que nous
recherchions ici. L' étude de cas sert plutôt à comprendre un phénomène dans son
contexte large, et nous 1' avons utilisée pour explorer la théorie de 1'agenda-setting
dans le contexte de Twitter. Il nous est impossible également de généraliser notre
situation à l' ensemble des médias socionumériques puisque ceux-ci renferment des
fonctions et des utilisations toutes différentes. Enfin, bien que nous prêtions des
intentions aux utilisateurs-citoyens de vouloir contribuer à la sphère publique, cela
reste théorique et mériterait qu'on s'y attarde lors d' une autre étude en les
interrogeant directement.
100
Par ailleurs, cette étude ouvre la voie vers plusieurs autres perspectives de recherche.
D'abord, nos données constituent un portrait instantané de la situation de l 'agenda-
setting sur Twitter : des recherches effectuées sur une autre période avec une
méthodologie semblable permettraient de voir l' évolution de la place des citoyens-
utilisateurs et de regarder si leurs rapports d' influence changent. Ensuite, une autre
avenue envisageable, mais fortement exigeante en termes de ressources, est
d' effectuer une véritable étude d'agenda-setting sur Twitter. Cela impliquerait de
catégoriser les tweets en sujets d' actualité et de voir les corrélations avec les sujets
dont discutent les utilisateurs dans leurs cercles de relations en dehors de Twitter.
Ultimenent, cela permettrait aussi de vérifier un autre concept abordé dans le cadre
théorique qu ' il nous a été impossible de valider avec notre méthodologie: l'Internet-
mediated reversed agenda-setting. Cette théorie stipule que des sujets issus des
médias socionumériques peuvent être repris par des blogues ou des sites de nouvelles
natifs (pure play ers) pour être ultimement repris par des médias traditionnels et
bénéficier d' un rayonnement en ligne comme hors ligne. Si cette théorie s'avère
concluante, il s' agit là d' une autre forme de rapports d' influence.
En fin de compte, cette étude peut servir de base pour d' autres recherches sur Twitter
puisqu 'elle détaille une méthodologie intéressante et renferme des résultats pertinents
aux enjeux actuels en matière de rapports d' influence et de diversité d' information.
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Cambridge, UK : Polity Press .
Twe et : Une publication en moins de 140 caractères diffusée sur la plateforme Twitter
par un utilisateur. Ce nombre est quantifiable et affiché sur le profil de chaque
utilisateur.
Sujet tendance (trend): Il s' agit d' un mot-clé ou d' un hashtag utilisé par un nombre
massif d'utilisateurs dans un court laps de temps qui incarne un sujet précis. Il n'y a
pas de variable fixe pour déterminer un sujet tendance.
Utilisateur Twitter : Compte créé sur Twitter par une ou plusieurs personnes dans le
but de publier du contenu ou de suivre le contenu d' autres utilisateurs. Chaque
utilisateur possède un identifiant unique composé d'un « @ » et suivi de caractères
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utilisateurs et peut permettre à ceux-ci de faire de même. Twitter est caractérisé par la
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non en retour un autre utilisateur qui s'est abonné à lui.
11
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