Le Rapport Des Forces de Défense Et de Sécurité Au Pouvoir Politique, Selon Le Protocole Additionnel de La CEDEAO

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West African Network on Security and Democratic Governance (WANSED)…

Atelier sur la place et le rôle du Protocole additionnel de la CEDEAO


dans la gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique de l’Ouest

Le rapport des Forces de Défense et de


Sécurité au Pouvoir politique, selon le
Protocole additionnel de la CEDEAO
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I. Contexte.................................................................................................... 4
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1.1 Rappel : L’héritage des dynamiques politiques précoloniales et anti-coloniales .. 4


1.2 Evolution des rapports forces armées/pouvoir politique dans la région entre
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1960 et 2005.................................................................................................. 5
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II. Les rapports entre Pouvoir politique et Forces armées dans un contexte
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démocratique : l’approche du Protocole additionnel .............................. 7


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III. Les implications du Protocole additionnel, quelles perspectives


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Politologue
Chef de l’Unité Gouvernance, Dynamique des conflits, Paix et sécurité.
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Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest/OCDE


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A

2005
Edition février 2007
2
Introduction
1 - Qu’est-ce que le Protocole additionnel de la CEDEAO ?

Le terme protocole additionnel désignera dans ce texte le PROTOCOLE


A/SP1//12/01 SUR LA DÉMOCRATIE ET LA BONNE GOUVERNANCE ADDITIONNEL
AU PROTOCOLE RELATIF AU MÉCANISME DE PRÉVENTION, DE GESTION, DE
RÉGLEMENT DES CONFLITS, DE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ1.

Ce Protocole additionnel a été signé en 2001 à Dakar par les Chefs d’Etat et de
Gouvernement de 14 des 15 pays membres de la CEDEAO2. Depuis juillet 2005, les
Etats signataires l’ayant ratifié ont atteint le nombre des 9, nécessaires pour que le
Protocole s’applique à tous.3

Le protocole a pour principal enjeu le développement de l’Etat de droit, la


consolidation de la démocratie et l’adoption de principes communs de bonne
gouvernance dans l’espace CEDEAO constitué par ses 15 pays membres.

Il constitue un tournant dans la construction politique d’une communauté régionale


qui se voulait au départ en 1975 essentiellement économique. Il vient compléter
d’un volet spécifiquement consacré à la gouvernance, le protocole de 1999 qui
créait au niveau de la CEDEAO un mécanisme et des organes chargé de gérer les
question de prévention des conflits, de maintien et construction de la paix et
d’élaboration d’un système régional de sécurité. Le Protocole additionnel constitue à
la fois un moment et une dimension importante dans le processus d’édification
régionale d’un cadre de gouvernance politique démocratique en appui au
développement économique et social de l’Afrique de l’Ouest.

2 - Comment est abordée dans ce protocole la question des forces de


défense et de sécurité ? Comment y sont conçus et régis leurs rapports
au pouvoir politique ?

3 - Quelles sont les implications et la portée de telles positions dans le


contexte de l’évolution politique de l’Afrique de l’Ouest ?

1
Cet instrument de la CEDEAO a été mis en place par les Etats membres en décembre 1999. Il
comporte divers organes et institutions notamment : le Conseil de Médiation et de Sécurité, la
Commission de Défense et de Sécurité, et le Conseil de Sages ; le Sommet annuel des chefs d’Etat
de la CEDEAO, à Accra, en janvier 2005 a fait le point sur la mise en œuvre de ce mécanisme qui
est fondamental dans la construction de la paix et la sécurité au niveau de l’Afrique de l’Ouest.
Voir à ce sujet le Mémorandum du Secrétariat exécutif ; Abuja, janvier 2005.
2
Le Cap-Vert n’avait pas en effet signé. Dans une période récente, il semble que ce pays aurait
manifesté aux autorités de la CEDEAO sa disponibilité à adhérer au Protocole additionnel.
3
En juillet 2005, les deux derniers pays à avoir ratifié (respectivement le Niger et le Togo) n’avaient
pas encore fait parvenir à la CEDEAO les instruments de leur ratification ; les 5 pays n’ayant pas
encore ratifié sont : la Côte d’Ivoire, la Gambie, la Guinée Bissau, le Liberia et le Nigeria.

3
I. Contexte
Le Protocole additionnel intervient en 2001 comme expression d’une nouvelle
résolution politique collective des Etats membres de la CEDEAO à faire avancer la
prévention et la résolution des crises et conflits violents et atteindre la paix et la
sécurité par le développement de la démocratie et d’une bonne gouvernance. Le
Protocole marque une étape importante dans l’évolution politique d’une sous région
caractérisée, pendant de longues périodes, par une forte implication des forces
armées dans la gestion du pouvoir politique. Il s’agit à partir de 2001 de marquer
de manière appuyée l’incompatibilité entre la démocratie et la bonne gouvernance
avec une gestion militaire du pouvoir politique et toute implication des militaires
dans la politique. Dans quelle mesure ceci constitue-t-il une rupture ? Quels ont pu
être auparavant les rapports entre forces armées et pouvoir politique en Afrique de
l’ouest ?

1.1 Rappel : L’héritage des dynamiques politiques précoloniales et


anti-coloniales

Pouvoirs politiques précoloniaux et statuts des guerriers

Concernant la période historique précoloniale, les Etats et autres entités politiques


de la sous région rendent compte d’une diversité de formes et types de rapport du
militaire au politique.

Une étude exhaustive et spécifique de cette question est nécessaire4 ; on peut


dores et déjà, sur la base des données historiographiques retenir au moins trois
types récurrents de rapport entre pouvoir politique et forces armées :

- Une subordination sociale et politique des guerriers au monarque détenteur


exclusif du pouvoir. Il n y a pas de pouvoir politique attaché aux capacités
militaires.
- Une participation reconnue au pouvoir comme composante. Les guerriers
ayant dans certaines sociétés un double pouvoir militaire et surnaturel.
Les systèmes politiques caractérisés de monarchies de type oligarchique par
Pathé Diagne5 voient les chefs militaires participer au pouvoir politique et,
en l’occurrence, à l’élection du souverain par les grands électeurs ;
- Une domination militaire du pouvoir dans les monarchies guerrières.
Des situations et contextes de crises et de perturbations exogènes comme
la traite transatlantique ont déterminé certains types de pouvoirs politiques
essentiellement militaires, structurés et monopolisés par une caste ou
couche guerrière qui fait régner ou non un régime d’exception.6
4
Même si notamment elle est abordée indirectement par divers travaux relevant de l’histoire des
pouvoirs et institutions précoloniaux.
5
En l’occurrence dans son ouvrage Pouvoirs politiques traditionnels en Afrique noire ; Paris,
Présence africaine, 1969.
Le royaume Mossi serait selon Diagne une parfaite illustration de ce modèle politique où le pouvoir
politique incorpore diverses composantes socioculturelles dont les représentants occupent une
position importante dans les fonctions politiques exécutives.
6
Le royaume de Ségou (XVIIème–XIXème siècle) illustre bien ce type de système politique
d’autocratie militaire s’appuyant sur un groupe social préposé aux fonctions guerrières et n’étant
plus inscrit dans aucune logique de subordination à une classe supérieure ; le pouvoir se constitue
autour de chefs de guerre qui avaient eu un succès dans des luttes de libération de la tutelle des
pachas marocains dans cette sous-région.

4
Lutte armée de libération anti-coloniale et pouvoir politique

La politisation des armées et leur implication dans la gestion du pouvoir politique


trouve, pour certains pays, ses racines dans l’existence d’un mouvement de
libération armée anti-coloniale. L’accession des pays concernés à l’indépendance a
débouché sur le modelage et/ou l’investissement du pouvoir d’Etat par une force
politique armée.

Dans l’idéologie révolutionnaire des mouvements armés de libération nationale,


certes « le pouvoir est au bout du fusil », mais il y a aussi un autre précepte « la
politique au poste de commandement » qui devait contrebalancer les « déviations
militaristes ».

Mais en dernier ressort, il n y a pas de doctrine de séparation entre armée et


pouvoir politique.

La lutte anti-coloniale a ainsi déterminé en partie la politisation postcoloniale de


certaines armées, la militarisation du pouvoir politique et l’implication des militaires
dans la politique comme acteurs.

Amilcar Cabral énoncera, lors de son éloge funèbre à Kwame NKRUMAH, une idée
doctrinalement très représentative : « Tant que l’impérialisme existe, dit-il, un Etat
indépendant en Afrique sera toujours un mouvement de libération au pouvoir ou ne
sera pas ».

Le poids pris par l’armée dans la conquête du pouvoir dans les anciennes colonies
portugaises aura un impact considérable sur l’Etat postcolonial dans les pays
concernés. Il détermine en grande partie, entre autres problèmes, les besoins de
réforme du système de sécurité dans certains pays confrontés à d’importants
effectifs d’anciens combattants à démobiliser.

1.2 Evolution des rapports forces armées/pouvoir politique dans la


région entre 1960 et 2005

En dehors de la lutte anti-coloniale, la violence armée organisée pour la prise et le


contrôle du pouvoir politique a affecté l’Afrique de l’Ouest même dans beaucoup de
pays où il y avait absence ou déficit chronique d’un fonctionnement démocratique
du système politique ; cela rendait difficile des alternances démocratiques et
légitimaient a priori, ou après coup chez certains acteurs, l’idée que « le pouvoir est
au bout du fusil ».

Cette idée trouvera son illustration sous deux formes :

- la généralisation, sur une période de 35 ans, des coups d’Etat comme mode
de prise du pouvoir politique ;
- le développement de conflits violents ayant souvent pour enjeu le pouvoir
politique.

Cette phase est servie par une prolifération et une circulation criminelle des armes
dans la région. Le pouvoir des armes se développe dans un contexte où le déficit ne
porte pas seulement sur la démocratie mais plus gravement encore sur l’Etat.

5
En effet, l’effritement de l’Etat et la faillite des mécanismes de gouvernance se
traduiront par une dispersion et une prolifération des acteurs armés. Militaires
dissidents, paramilitaires, milices, rebelles, et/ou mercenaires disputent aux forces
légales le pouvoir politique.

Le Protocole additionnel organise le rapport des forces de défense et de sécurité


régulièrement constituées avec le pouvoir politique.

Il vient relever le défi de la démocratisation dont on mesure toute l’importance à la


lumière de quelques repères :
- entre 1960 et 2005, sur les 15 pays devenus et restés membres de la
CEDEAO à partir de 1975, seuls 2 n’ont jamais connu de coup d’état et
de régime militaire : le Cap-Vert et le Sénégal.
- Deux périodes ont été marquées par l’absence de coup d’Etat et de contrôle
militaire direct du pouvoir politique :
ƒ de 1960 à 1964 au lendemain des Indépendances ;
ƒ de 2000 à 2005.
- Dans cette nouvelle période exempte de pouvoir militaire dans l’espace
CEDEAO, sur les 15 chefs d’Etat en fonction 7 sont des militaires passés à la
vie civile après ou avant une accession ou une participation au pouvoir.
- Entre 1983 et 1989, 13 pays de l’Afrique de l’Ouest étaient dominés par des
régimes militaires.
- Dans le tournant des années 90, marquées par une forte poussée de
démocratisation concomitante avec le développement de conférences
nationales dans de multiples pays, le nombre de régimes politiques
contrôlés par les militaires connaît une forte décroissance.
- En 1999, il ne restera plus qu’un seul pays de l’espace CEDEAO ayant un
gouvernement issu d’un coup d’Etat militaire.

Ces indications montrent que sur une période de 35 ans, l’Afrique de l’Ouest a été
marquée par la présence de gouvernements et régimes politiques dominés par des
militaires. L’armée s’est posée comme un acteur politique de premier plan ; et elle a
généralement fait mauvais ménage avec les autres acteurs politiques que
constituent les partis politiques.

L’avènement de pouvoirs militaires a quelquefois été justifié par la nécessité de


pouvoirs forts et le besoin d’implication de la force la plus organisée, et/ou la mieux
disciplinée dans la société, à prendre les rennes du pouvoir pour conduire le
processus de développement.

Mais dans les faits les pouvoirs militaires n’ont pas fait de miracles économiques ; ils
ont dévitalisé ou empêché tout jeu politique fondé sur le pluralisme, la liberté et la
démocratie. Ils ont été souvent synonymes de répression politique sélective ou
aveugle selon les pays et/ou les conjonctures. Ils ont induit ou aggravé une crise
aigue de gouvernance politique.

6
Les régimes militaires ou les gouvernements dominés par des membres des forces
armées et de sécurité ont quelquefois cherché à se légitimer par une volonté
déclarée de restaurer l’ordre et de procéder à une mise au travail des populations.
En réalité, ces raisons avancées ont fonctionné comme un véritable « cache-sexe »
pour un pouvoir politique inefficace au plan de la gouvernance et en porte à faux
avec l’Etat de droit. 7

La militarisation de la gouvernance politique est généralement allée de pair avec


une inhibition ou régression de la démocratie.

Il est vrai que dans certains contextes nationaux la prise du pouvoir par les
militaires a pu être perçue et/ou vécue par l’opinion et les observateurs comme un
facteur de déblocage par une libéralisation post-autocratique.

Mais le passage de nombre de leaders politiques d’origine militaire à la vie civile, et


leur création ou intégration d’un parti ou mouvement politique, indiquent clairement
le caractère nécessairement civil de la démocratie8.

II. Les rapports entre Pouvoir politique et Forces armées dans


un contexte démocratique : l’approche du Protocole
additionnel

Comme le montrent les indications sur l’évolution politique, malgré les


discontinuités avérées du processus de démocratisation dans certains pays, les
années 2000 semblent marquer un nouveau tournant d’extinction des régimes
militaires.

Mais le mal semble s’être métamorphosé dans la région puisqu’il y a, à travers les
rebellions, guerres civiles et conflits armés une militarisation de la politique qui
hypothèque la démocratie, entrave une véritable gouvernance et déstabilise la
société.9

7
Dans une communication intitulée « Armée et politique », faite lors d’un atelier de
GERDDES-AFRIQUE-CIRD, à Cotonou, en 1996, les colonels Bio-Kpo Lafia et Zinzou ont
fait une approche critique et équilibrée des rapports entre Forces armées et Pouvoir
politique. Ils ont recensé les différents types d’impact de l’implication des militaires et
fait ressortir les préjudices que cela peut porter aux forces armées ; ils mentionnaient
aussi parmi les effets nocifs « le bâillonnement du peuple et la violation des Droits de
l’homme. » (p. 7 Doc atelier GERDDES).
8
Mais le multipartisme et les conférences nationales n’ont pas induit partout le même
niveau de démocratisation. Dans les années 90, des blocages ont subsisté ou se sont fait
jour dans des pays comme le Togo où l’avènement d’une nouvelle majorité
parlementaire tourna court et ne déboucha pas sur une alternance politique
démocratique. Les Forces armées jouèrent un rôle important au plan politique dans le
maintien d’un statu quo. S’étant senties exclues de la dynamique politique enclenchée
par la conférence nationale, elles furent, selon certains observateurs et analystes, à la
base de contre actions qui déstabilisèrent le Gouvernement du Premier Ministre de la
transition d’alors, M. J. Koffigoh. Le cas de ce pays est très illustratif de la concomitance
susceptible d’exister entre l’existence de partis comme acteurs reconnus du jeu politique
et l’armée comme acteur d’arrière plan impliquée dans la gouvernance politique et
publique et se manifestant comme protagoniste des autres forces.
9
D’ailleurs, le cas ivoirien, en 2002, montre comment le putsch peut être inducteur de
rebellions et déterminer des risques de conflit armé.

7
Cela appelle donc un double traitement pour d’une part maîtriser la prévention, la
gestion et la résolution des conflits, et d’autre part relever le défi de la
démocratisation et de la bonne gouvernance.

Le protocole de la CEDEAO traitant du Mécanisme de prévention et le Protocole


additionnel sont les instruments venus répondre respectivement à ces deux
exigences d’action pour la paix, la sécurité, la démocratie et la bonne gouvernance.

- Le Protocole additionnel traite-il du rapport entre les Forces armées et le


Pouvoir politique dans un contexte démocratique ?
- Quels sont les principes édictés et leur portée ?
- Comment s’inscrivent-ils dans le processus de consolidation de la
démocratie en Afrique de l’Ouest ?

Le Protocole additionnel montre l’importance que les Etats membres accordent à la


question d’une reprise en main démocratique des forces armées dans le cadre d’une
gouvernance du secteur de la sécurité et d’une consolidation de l’Etat de droit. Le
protocole établit la reconnaissance par les 14 Etats signataires d’importantes
convergences constitutionnelles qui fondent la légalité et la légitimité des principes
édictés par le document.
Ces convergences constitutionnelles concernent entres autres :

1 - Le principe de la subordination de l’Armée au pouvoir civil légal.

2 - Une dépolitisation et une « neutralisation » de l’armée sans préjudice


pour les droits citoyens reconnus aux membres des forces de défense
et de sécurité.

3 - Une gouvernance démocratique du secteur de sécurité avec une


promotion et un respect des droits de l’homme et de la personne.

Parmi ces principes constitutionnels recensés comme faisant l’objet de convergence


entre les Etats membres, figurent des éléments de dépolitisation de l’armée et son
exclusion du champ d’exercice du pouvoir.

Le protocole édicte en effet que :

- « L’armée est apolitique et soumise à l’autorité politique régulièrement


établie » ;
- « Tout militaire en activité ne peut prétendre à un mandat politique
électif » 10.

Le centre de gravité de la légitimité s’est déplacé vers le peuple, et les élections


sont posées comme le seul mode légitime et légal d’accession au pouvoir.
Corrélativement, il y a une condamnation sous-jacente des coups d’État :

- « Toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres,


honnêtes et transparentes ».
- « Tout changement anti-constitutionnel est interdit de même que tout
mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir... »

10
Voir Article 1er du Chapitre I du Protocole qui traite en Section I des Principes de convergence
constitutionnelle.

8
- « La participation populaire aux prises de décision, le strict respect des
principes démocratiques et la décentralisation du pouvoir à tous les niveaux
de gouvernement constituent une approche politique alternative à l’érection
de la force militaire comme centre du pouvoir politique».

Le Protocole consacre de manière spécifique une importante partie (la section IV


notamment) au « Rôle de l’armée et des forces de sécurité dans la démocratie ».

L’activité des forces armées est inscrite dans un cadre républicain, apolitique et
d’emblée non partisan. La « défense des institutions démocratiques » et le « rôle de
l’armée dans le développement » sont mis en exergue. Il en est de même
concernant sa participation aux missions de maintien de la paix de la CEDEAO, de
l’Union Africaine et de la Communauté internationale.

L’article 19 du Protocole stipule que :

1. L’armée est républicaine et au service de la Nation. Sa mission est de défendre


l’indépendance, l’intégrité du territoire de l’Etat et ses institutions démocratiques.
2. Les forces de sécurité publique ont pour mission de veiller au respect de la loi,
d’assurer le maintien de l’ordre, la protection des personnes et des biens.
3. L’armée et les forces de sécurité publique participent à l’ECOMOG dans les
formes prévues à l’Article 28 du Protocole.
4. Elles peuvent également sur décision des autorités constitutionnelles participer à
toute autre mission de paix sous l’égide de l’Union Africaine ou de l’ONU.
5. Les forces armées peuvent être employées à des tâches de développement
national.

Le Protocole additionnel traite de manière dialectique la question du rapport des


armées à la politique en développant une démarche équilibrée consistant à édicter
d’une part, la subordination des forces militaires au pouvoir civil régulièrement
constitué et d’autre part, la nécessité pour celui-ci de respecter « l’apolitisme de
l’armée ».11

Au niveau du Protocole additionnel, il y a une conception du rapport des militaires à


la politique qui les exclut donc d’emblée de l’exercice du pouvoir d’Etat. Elle leur
interdit aussi « toutes activités et propagande, politiques ou syndicales dans les
casernes et au sein des forces armées ».

Ces restrictions sont édictées sans préjudice pour leurs droits citoyens.

Ainsi, « les personnels des forces armées et des forces de sécurité publique sont
des citoyens bénéficiant de tous les droits reconnus aux citoyens par la constitution
sous les réserves édictées par leur statut spécial ».

- Quelles sont la nature et les limites de ces droits ?


- Les pays membres de la CEDEAO ne pourraient-ils pas définir des
convergences ou élaborer des positions harmonisées concernant les
restrictions et les droits dévolus aux militaires en matière de citoyenneté ?

11
Protocole additionnel, Section IV article 20.

9
- Comment, par exemple, traiter dans ce cadre de la question du droit de
vote ?
- Quelle est la pertinence de l’exercice de ce droit dans un contexte
d’apolitisme du corps et d’inéligibilité de ses membres à des fonctions
politiques ?
- Comment développer l’information politique et la formation civique sans
politiser les corps de défense et de sécurité ?

Dans le cadre de ses objectifs de consolidation de la démocratie par un respect des


droits et libertés, le Protocole additionnel, en son article 22 interdit « l’usage des
armes pour la dispersion de réunions ou de manifestations non violentes ».

La nécessité de préserver la fonction de maintien de l’ordre tout en le contenant


dans un cadre légal et une pratique modérée, débouche sur les précisions suivantes
du Protocole additionnel : « En cas de manifestation violente, seul est autorisé le
recours à l’usage de la force minimale et/ou proportionnée. »

Ces indications et orientations sont très importantes pour l’exercice effectif des
libertés démocratiques par les citoyens, les organisations politiques et celles de la
société civile. Elles aident à lever l’absence de tolérance des manifestations
publiques pacifiques comme cadre et formes d’expression indispensables à
l’effectivité de la démocratie.

L’interdiction du « recours à des traitements cruels, inhumains et dégradants», la


nécessité édictée d’un respect scrupuleux des droits de l’homme et du droit
humanitaire constituent des indications importantes concernant la volonté et
l’option démocratiques et de bonne gouvernance que cherche à promouvoir le
Protocole additionnel.

III. Les implications du Protocole additionnel, quelles


perspectives d’action ?

Le Protocole additionnel énonce de manière pertinente les principes et règles qui


doivent régir les relations des forces de défense et de sécurité avec le pouvoir
politique et leur rapport à la politique.

Aujourd’hui, les conditions juridiques et politiques de sa mise en œuvre et de son


application intégrale sont réunies puisqu’au moins 9 des 14 Etats membres
signataires l’ont ratifié. Ces quatorze Etats ont solennellement renouvelé en 2003
leur engagement12 :

- « à promouvoir et à consolider dans la sous-région, la bonne gouvernance


et l’Etat de droit » ;
- de « Refus de reconnaissance de toute prise du pouvoir par la force »;

12
Notamment dans la « Déclaration sur une approche sous-régionale pour la paix et la sécurité »
faite à Abuja, le 28mai 2003, lors d’une session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et
de gouvernement ; voir pages 4 et 5.

10
- de « Respect de la légalité constitutionnelle de l’Etat de droit et des Droits
de l’Homme ainsi que des Protocoles de la CEDEAO sur la Libre circulation
des personnes, des biens et des services. »

Le processus d’application interpelle tous les acteurs sociaux et politiques,


individuels et institutionnels. Les parlementaires, les partis politiques, les médias, la
société civile dans sa diversité et les pouvoirs politiques sont tous concernés par la
même nécessité d’une mise en œuvre et d’une dissémination des principes et règles
édictés par le Protocole additionnel.

Par la suite, il sera inutile de contribuer au renforcement du cadre analytique de cet


instrument. Par exemple, pour actualiser l’analyse typologique et tendancielle des
forces armées dans le contexte de la sous-région ; notamment pour mieux prendre
en compte la complexité née d’un effritement de certains Etats, avec une
multiplication des groupes armées légaux semi légaux et illégaux qui brouillent les
repères.

Il y a aussi d’autres problèmes qui méritent d’être pris en charge au niveau de la


réflexion pour leur éventuelle prise en compte. Par exemple :
- Comment le Protocole additionnel peut-il renforcer de manière durable sa
dissuasion des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest ?
- Comment, dans le processus de consolidation de la démocratie à l’échelle
régionale, peut-il approfondir son approche en prenant en compte la
tendance des auteurs de coups d’Etat militaires à se convertir à la vie civile
pour se présenter aux élections et rester ainsi éventuellement au pouvoir
en toute légalité ?
- Y a-t-il un seuil et/ou des conditions de tolérance de ces phénomènes ?
- Faut-il tolérer l’entrée des militaires en politique seulement si leur passage
à la vie civile est antérieur à l’exercice du pouvoir politique et à leur
candidature à des élections présidentielles ?

Le traitement de ces questions ne peut, cela va sans dire, constituer un préalable


quelconque à l’application du Protocole additionnel. Comment y contribuer dans le
domaine de la gouvernance du secteur de la sécurité ?

La contribution à la matérialisation du Protocole additionnel de la


CEDEAO dans le domaine de la Gouvernance, du Secteur de la Sécurité
peut se concrétiser entre autres actions par :

- le développement d’un dialogue entre civils et militaires impliqués


de fait, directement ou indirectement, dans la gestion du pouvoir politique
au niveau de certains pays en situation de transition ; il s’agirait notamment
de ceux qui semblent évoluer vers la construction d’un Etat démocratique
dans une dynamique post-conflit, et ceux qui sont dans un processus de
dévolution du pouvoir aux civils démocratiquement élus.
- une sensibilisation aux principes du protocole et un plaidoyer en
faveur de son adoption et son application par tous les acteurs.
- une contribution à la formation civique des forces de défense et de
sécurité, à leur éducation à la Constitution de leur pays, aux
principes et règles de la CEDEAO ;

11
Sur ce plan, le texte du Protocole additionnel balise assez clairement la voie en
matière d’orientation et de contenu indicatif de la formation :

« Les personnels des forces armées et ceux des forces de sécurité publique doivent
recevoir dans le cadre de leur formation une éducation à la Constitution de leur
pays, aux principes et règles de la CEDEAO, aux Droits de la Personne, au Droit
humanitaire et aux principes de la Démocratie. A cet égard, des séminaires et
rencontres périodiques seront organisés entre les éléments de ces forces et les
autres secteurs de la société. De même des formations communes seront
organisées entre armées des Etats membres de la CEDEAO et entre policiers,
universitaires et société civile. »13

En pratique, cela signifie :

- une contribution à la dissémination dans les corps de défense et de


sécurité, des valeurs et principes de la démocratie et de respect du droit
humanitaire et des droits de la personne ;
- une sensibilisation des autorités civiles à la nécessité de cantonner l’usage
des forces de défense et de sécurité à des missions légales,
constitutionnelles et non partisanes ;
- un renforcement des capacités de gouvernance démocratique du secteur de
la sécurité d’une manière qui matérialise le contrôle parlementaire, implique
la société civile et prévienne les dérapages d’usages répressifs clandestins
et illégaux des forces de défense et de sécurité.

Le WANSED et les autres acteurs pouvant venir en appui à la mise en œuvre du


Protocole additionnel doivent contribuer à décliner en actions ces orientations, en
synergie avec la CEDEAO, ses Etats membres et leurs démembrements directement
concernés.

13
Article 24 alinéas 1 et 2 du Protocole additionnel de la CEDEAO.

12

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