B Bonnefoy Vie Po C
B Bonnefoy Vie Po C
B Bonnefoy Vie Po C
SESSION 2022
FRANÇAIS
ÉPREUVE ANTICIPÉE
CORRIGÉ
Commentaire
PRÉAMBULE
Il ne saurait donc, en aucun cas, représenter ce qu’une copie d’élève pourrait produire.
A sa manière et à son niveau, un candidat de 1ère abordera sans doute et développera quelques-
uns de ces éléments. S’il proposait d’autres pistes d’interprétation, s’il adoptait un angle de lecture
que ce document ne présente pas, il conviendrait bien entendu de les examiner dans un esprit
d’ouverture et en toute bienveillance.
Le poème décrit un tableau apparu dans un ciel après un orage, à la tombée de la nuit.
Une copie pourra étudier la capacité du poète démiurge à créer un monde à la fois
mystérieux et inquiétant dans lequel les figures représentées, grâce aux images et aux
synesthésies, s’animent et se métamorphosent en musique et en sons, avant de finalement
disparaître. Une copie pourra notamment être sensible à l’aspect inquiétant de la fin de la
deuxième strophe : le « drap d’oiseaux noirs, piaillant, la nuit » installe une atmosphère sombre
et inquiétante, voire macabre si l’on voit dans la métaphore du drap l’image d’un linceul noir qui
se déploierait sur le monde avec l’arrivée de la nuit.
La forme courte du poème traduit finalement la fugacité des « impressions » esthétiques
dont le poète fait part, spectacle qu’on imagine rapide mais dont la puissance est décuplée
par l’écriture poétique. Ainsi, la deuxième phrase de la deuxième strophe marque la disparition
progressive du spectacle avec l’arrivée de la nuit. L’apparition a disparu, mais il demeure
quelques restes de sa beauté dans des derniers feux avant l’oubli. Le caractère sporadique de
ces restes est d’ailleurs rendu sensible par l’utilisation d’un vers très court (« Ici ou là ») et par
la construction averbale de la phrase composant la dernière strophe. La métaphore est quant à
elle réduite à sa plus simple expression dans ces trois vers, elle est presque implicite et requiert
un travail de recomposition pour comprendre que se reflètent dans quelques flaques éparses
les derniers feux du spectacle apparu et sitôt envolé par la tombée de la nuit.
Le lexique employé est celui de la destruction comme en témoignent les expansions nominales
« trouée » et « en cendres », mais les derniers restes font fusionner les contraires, le feu
semblant survivre à l’élément aqueux des flaques, rendant toute sa magie à la beauté du
spectacle et traduisant ainsi la puissance créatrice de la poésie.
On valorisera :
- Une copie capable de développer des références explicites à des œuvres picturales ou
poétiques dont le poème de Bonnefoy est héritier.
- Une copie capable de mettre avec pertinence les analyses poétiques au service de
l’interprétation du texte.
Et plus généralement :
les plans qui proposent une complexification progressive dans les niveaux de lecture ;
la finesse des analyses et la pertinence des interprétations ;
une langue fine et sensible à la dimension littéraire de l’exercice.
Dissertation
PRÉAMBULE
Son objectif est d’accompagner la réflexion des professeurs, qui auront pu choisir d’étudier
avec leurs élèves une autre œuvre du programme.
Il ne saurait donc, en aucun cas, représenter ce qu’une copie d’élève pourrait produire.
A sa manière et à son niveau, un candidat de 1ère abordera sans doute et développera quelques-
uns de ces éléments.
La commission d’harmonisation académique appréciera la qualité des copies en examinant :
- d’une part, ce qui relève des attentes liées à l’exercice (une réflexion organisée et rédigée
dans une langue correcte, en réponse à la question posée, fondée sur la connaissance de l’œuvre
éclairée par le parcours associé).
- d’autre part, tous les éléments qui pourraient valoriser, jusqu’à l’excellence, le travail du
candidat (une finesse d’analyse ; une réflexion particulièrement nuancée ; la mobilisation pertinente
d’une culture littéraire solide).
[Entre crochets figurent quelques références et analyses témoignant d’un travail qui aurait
pu être conduit en classe dans le cadre du parcours associé. Par définition, ces exemples
précis ne peuvent évidemment être considérés comme attendus ; ils cherchent seulement à
illustrer l’un des ressorts de l’exercice : la réponse au sujet de dissertation s’enrichit bien du
travail connexe qui aura été mené autour de l’œuvre inscrite au programme, notamment dans
le cadre du parcours associé.]
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur La
Princesse de Clèves, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé,
et sur votre culture personnelle.
Le roman, inscrit dans les idéaux du Grand Siècle, a bien entendu un but d’édification
morale.
La Princesse de Clèves met en avant les dangers des intrigues et l’aveuglement
des passions.
L’intrigue principale en elle-même montre l’exemple de la force de destruction de la passion,
non seulement celle de la princesse de Clèves pour le duc de Nemours, qui la condamne à se retirer
de la cour, mais aussi celle de M. de Clèves pour sa femme, qui entraîne sa propre mort. Les récits
enchâssés offrent bien d’autres exemples, d’un pouvoir de conviction supérieur, parce ce qu’ils sont
historiques. Ainsi, le lecteur ne manque pas d’être scandalisé par la trahison de la duchesse
d’Etampes qui, envieuse, s’associe à Charles Quint pour s’assurer un avenir à la mort de
François Ier. De même l’histoire de l’Angleterre et des épouses successives d’Henri VIII s’apparente
à un conte horrifiant : « le roi en fut frappé d’une telle jalousie, qu’il quitta brusquement le spectacle,
s’en vint à Londres, et laissa ordre d’arrêter la reine, le vicomte de Rochefort et plusieurs autres […]
En moins de trois semaines, il fit faire le procès à cette reine et à son frère, leur fit couper la tête, et
épousa Jeanne Seimer. Il eut ensuite plusieurs femmes, qu’il répudia, ou qu’il fit mourir ». Ces
exemples des vices les plus sérieux font comprendre au lecteur comment la passion peut guider les
hommes et les mener à l’avilissement.
[On pourra par exemple faire référence à d’autres œuvres qui peignent les dangers de la passion
comme La Princesse de Montpensier, de madame de La Fayette].
Se délivrer de la passion ne semble possible que dans une vie retirée et austère,
à l’abri du regard.
Dans le roman, la véritable passion s’achève toujours dans le malheur ou dans la mort. Et la
vertu ne délivre pas de ce dénouement inéluctable. L’exemple du chevalier de Guise, dont le
comportement est exemplaire, nous le montre. Alors qu’il avait accepté que la princesse ne
l’aimerait jamais car il la croyait incapable de toute passion, il ne supporte pas qu’elle puisse
éprouver des sentiments pour le duc et décide alors de partir : « La mort, ou du moins un
éloignement éternel, m’ôteront d’un lieu où je ne puis plus vivre, puisque je viens de perdre la triste
consolation de croire que tous ceux qui osent vous regarder sont aussi malheureux que moi. ». Le
verbe « regarder » est ici essentiel : la passion communique par le regard, c’est ainsi qu’elle
aveugle. Nous pourrions aussi développer l’exemple de la jalousie mortelle du prince provoquée
par le récit de ce qu’un espion a vu, ou plutôt de ce que le prince croit qu’il a vu. Le roman nous
peint donc ici la faillite de la raison, trompée par les sens. Le seul moyen de trouver le repos serait
donc l’isolement, ce que confirme l’excipit. Puisque la passion pousse la princesse dans une
situation tragique, il ne lui reste plus qu’à renoncer au duc et au monde : « Ayant trouvé que son
devoir et son repos s’opposaient au penchant qu’elle avait d’être à lui, les autres choses du monde
lui avaient paru si indifférentes qu’elle y avait renoncé pour jamais ; qu’elle ne pensait plus qu’à
celles de l’autre vie ». L’auteur semble soutenir l’idée que le refuge de la princesse, un des «
couvents les plus austères », la protège. Cette retraite comparable à celle de Port-Royal est-elle la
seule solution proposée au lecteur ?
Les difficultés racontées dans le roman sont une véritable expérience pour le lecteur.
Le roman propose une mise en abyme : les récits malheureux encouragent une
conduite vertueuse.
Le roman laisse l’espoir qu’une bonne éducation protège des pires dangers. En effet, on ne
peut manquer de comparer le projet de Mme de La Fayette à celui de Mme de Chartres ; elle raconte
à sa fille ce que l’amour a d’agréable et ce qu’il a d’horrible, lui montre ce qu’est la vertu et la lui
rend agréable, « mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que
par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s’attacher à ce qui seul peut faire
le bonheur d’une femme, qui est d’aimer son mari et d’en être aimée. ». La Princesse de Clèves
nous impose un constat similaire. Les récits maternels ne protègent pas le personnage de sa
passion malheureuse mais ils la mettent en garde et lui permettent de conserver sa vertu jusqu’à la
fin.
On valorisera :
On pénalisera :
Toute copie qui témoignerait d’une connaissance fragile et superficielle de l’œuvre.
Toute copie qui se limiterait au résumé ou à la narration.
Une langue mal maîtrisée.
Dissertation
PRÉAMBULE
Son objectif est d’accompagner la réflexion des professeurs, qui auront pu choisir d’étudier
avec leurs élèves une autre œuvre du programme.
Il ne saurait donc, en aucun cas, représenter ce qu’une copie d’élève pourrait produire.
A sa manière et à son niveau, un candidat de 1 ère abordera sans doute et développera quelques-
uns de ces éléments.
La commission d’harmonisation académique appréciera la qualité des copies en examinant :
- d’une part, ce qui relève des attentes liées à l’exercice (une réflexion organisée et rédigée
dans une langue correcte, en réponse à la question posée, fondée sur la connaissance de l’œuvre
éclairée par le parcours associé).
- d’autre part, tous les éléments qui pourraient valoriser, jusqu’à l’excellence, le travail du
candidat (une finesse d’analyse ; une réflexion particulièrement nuancée ; la mobilisation pertinente
d’une culture littéraire solide).
[Entre crochets figurent quelques références et analyses témoignant d’un travail qui aurait
pu être conduit en classe dans le cadre du parcours associé. Par définition, ces exemples
précis ne peuvent évidemment être considérés comme attendus ; ils cherchent seulement à
illustrer l’un des ressorts de l’exercice : la réponse au sujet de dissertation s’enrichit bien du
travail connexe qui aura été mené autour de l’œuvre inscrite au programme, notamment dans
le cadre du parcours associé.]
Sujet B
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur Le
Rouge et le noir, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et
sur votre culture personnelle.
Julien Sorel est loin d’être exemplaire : il figure d’abord comme un « jeune ambitieux », sans
valeurs ni morale.
Julien, un conquérant orgueilleux. Avec Julien Sorel, Stendhal choisit un héros dont les valeurs
sont contestables et qui est finalement fort peu sympathique. Enfant battu, humilié et offensé,
façonné par un milieu extrêmement hostile, « le fils du charpentier » désire prendre sa revanche sur
la société et devient pour cela un ambitieux qui ruse, calcule ses investissements affectifs et
intellectuels. Faute de batailles glorieuses et d’habit rouge napoléonien, il endosse l’habit noir du
séminariste, sans en avoir la vocation, loin s’en faut. Pour lui, la vie est un combat de chaque
instant : tout est quête, et conquête. Il entreprend de séduire Mme de Rênal par orgueil, par désir
de revanche sociale ; même s’il finit par l’aimer vraiment, l’amour pour lui reste une passion
secondaire, et c’est avec enthousiasme qu’il saisit l’opportunité de monter à Paris.
Julien, un « Tartuffe ». Pour réussir à s’élever dans la société, Julien endosse un rôle : celui de
l’hypocrite. Tout au long du roman, il va parfaire ce rôle. Le narrateur exhibe à plusieurs reprises
cette hypocrisie du personnage, qui sans cesse travaille son corps et son esprit et s’évertue à jouer
son rôle de jeune prêtre dévot. On pourra prendre pour exemple les nombreuses scènes où Julien
épate son public en récitant par cœur des pages de la Bible, en latin. À plusieurs reprises Julien
ment (par exemple lorsqu’il calomnie Élisa pour sauver sa réputation). Devenu secrétaire du
marquis de La Mole, il se laisse acheter par des « cadeaux », et va jusqu’à trahir sa classe d’origine
quand il accepte de présenter au marquis le nouveau baron de Valenod. Son histoire d’amour avec
Mathilde trouve parfaitement sa place dans le tableau de chasse de l’ambitieux. À travers Julien,
c’est l’odieuse vérité de l’ambition que Stendhal donne à voir.
[On pourra, par exemple, faire référence à d’autres figures de « jeunes ambitieux » de la
littérature réaliste et naturaliste du XIXe siècle : Rastignac chez Balzac, le Bel - Ami de
Maupassant.]
Mais Julien Sorel est un personnage plus complexe qu’il n’y paraît et accède finalement à
une forme d’exemplarité.
Un jeune homme énergique et lucide. Si Julien endosse le rôle de l’hypocrite, c’est que la société
dans laquelle il vit ne lui en laisse pas le choix. Il n’a qu’une solution pour cheminer dans le monde :
faire preuve d’audace et d’héroïsme. Julien est avant tout un homme d’action, qui se montre capable
1 Termes employés par Jules Janin, dans un article du Journal des Débats paru en décembre 1830.
2 Grahame C. Jones, L’ironie dans les romans de Stendhal, Lausanne, éditions du Grand chêne, 1966.
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de saisir les occasions qui se présentent à lui. Il se distingue par son intelligence et par le regard
lucide qu’il porte sur la société, par ses talents d’observateur. Ainsi, Julien comprend très vite les
avantages qu’il peut tirer de la rivalité entre M. de Rênal et Valenod : se jouant de la philautie du
maire de Verrière, il parvient à obtenir « cinquante francs d’appointement par mois ». Conscient du
rôle qu’il joue dans la comédie sociale, il ressent toutefois une indignation sincère face aux
bassesses et aux injustices dont il est le témoin. Il doit se réfréner pour ne pas montrer son dégoût
lors du dîner chez Valenod (1ère partie, chapitre 22), durant lequel on empêche les pauvres de
chanter afin de laisser les bourgeois manger en paix. Ce n’est que lorsqu’il se trouve hors du monde
que Julien peut être véritablement lui-même, comme lors du voyage qui le conduit chez son ami
Fouqué (1ère partie, chapitres 11 et 12) ; à l’abri des regards, il connaît dans une « petite grotte »
« au sommet de la grande montagne » un rare moment d’authentique bonheur.
[On pourra, par exemple, faire référence à Octave Mouret, le héros du Bonheur des Dames
de Zola : son intelligence vive et pratique lui ouvre le chemin de la fortune.]
Un héros sublime ? Cerner la trajectoire de Julien, qui se révèle un héros plus amoureux
qu’ambitieux, plus maladroit que calculateur, n’est pas chose simple, et lire Le Rouge et le Noir,
c’est aussi faire l’expérience de l’opacité du héros. S’il gravit peu à peu les échelles de la société et
se montre un hypocrite de plus en plus accompli, Julien conserve toutefois une vraie noblesse de
cœur, qui reprendra le dessus à la fin du roman. Ainsi, son ascension finit par se réaliser de manière
extrêmement paradoxale : c’est en tirant sur Mme de Rênal que Julien choisit la verticalité plutôt
que la simple ambition. À partir de là, on pourrait dire que son destin « bascule ». Le Julien qui tire
sur Mme de Rênal est un homme qui met d’autres valeurs (une certaine morale, les rêves, le devoir,
l’honneur, le bonheur, la liberté, la vérité) au-dessus de la réussite et de la reconnaissance sociales.
La prison est pour lui le lieu d’une purification. Son procès constitue une étape décisive dans la
reconquête de soi qu’il entreprend à la fin du roman. Julien prend la parole et improvise un discours
d’une grande sincérité, à travers lequel il ne cherche pas à excuser son « crime », mais à dénoncer
une société fondée sur l’injustice de classes. Le propos de Julien apparaît ainsi comme un plaidoyer
en faveur des jeunes gens défavorisés par leur naissance, dont il se présente comme un
« exemple » ; sa portée politique est manifeste. Julien accède ici à une forme de sublime, devenant
un modèle pour sa génération et celles à venir.
[On pourra, par exemple, faire référence à d’autres récits qui développent cette fatalité de
l’ambition, comme Z. Marcas de Balzac.]
On valorisera :
Toute copie sensible à l’exemplarité littéraire du personnage de Julien Sorel.
Stendhal invente un personnage romanesque d’un nouveau genre, tiré directement de la société
telle qu’elle était lors de la Restauration. Il s’est probablement inspiré des affaires Berthet et
Lafargue pour créer Julien, en proie comme les deux criminels à la frustration sociale et au désir de
revanche. Le Rouge et le Noir figure comme le premier roman « réaliste », avant même la naissance
officielle de ce courant en 1850.
Stendhal révolutionne également la conception que l’on se faisait jusque-là du « héros »
romanesque. Grâce à Julien Sorel, Le Rouge et le Noir nous amène à nous interroger sur l’énigme
du moi qui se construit au fil des pages. C’est cette complexité qui fait tout l’intérêt du personnage
de Julien et qui lui confère, d’un point de vue esthétique cette fois-ci, une dimension exemplaire : il
peut figurer comme le premier anti-héros.
Et plus généralement :
Toute copie manifestant une finesse d’analyse, une réflexion particulièrement nuancée, la
mobilisation pertinente d’une culture littéraire solide.
On pénalisera :
Toute copie qui témoignerait d’une connaissance fragile et superficielle de l’œuvre.
Toute copie qui se limiterait au résumé ou à la narration.
Une langue mal maîtrisée.
Dissertation
PRÉAMBULE
Son objectif est d’accompagner la réflexion des professeurs, qui auront pu choisir d’étudier
avec leurs élèves une autre œuvre du programme.
Il ne saurait donc, en aucun cas, représenter ce qu’une copie d’élève pourrait produire.
A sa manière et à son niveau, un candidat de 1 ère abordera sans doute et développera quelques-
uns de ces éléments.
La commission d’harmonisation académique appréciera la qualité des copies en examinant :
- d’une part, ce qui relève des attentes liées à l’exercice (une réflexion organisée et rédigée
dans une langue correcte, en réponse à la question posée, fondée sur la connaissance de l’œuvre
éclairée par le parcours associé).
- d’autre part, tous les éléments qui pourraient valoriser, jusqu’à l’excellence, le travail du
candidat (une finesse d’analyse ; une réflexion particulièrement nuancée ; la mobilisation pertinente
d’une culture littéraire solide).
[Entre crochets figurent quelques références et analyses témoignant d’un travail qui aurait
pu être conduit en classe dans le cadre du parcours associé. Par définition, ces exemples
précis ne peuvent évidemment être considérés comme attendus ; ils cherchent seulement à
illustrer l’un des ressorts de l’exercice : la réponse au sujet de dissertation s’enrichit bien du
travail connexe qui aura été mené autour de l’œuvre inscrite au programme, notamment dans
le cadre du parcours associé.]
Sujet C
Œuvre : Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien
Parcours : soi-même comme un autre.
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur
Mémoires d’Hadrien, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé,
et sur votre culture personnelle.
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La citation est empruntée à un article de Stéphane Chaudier : « Yourcenar, une poétique de
l’intellectualité ». L’intitulé du sujet invite à s’interroger sur la finalité du projet que mènent le
personnage d’Hadrien écrivant ses mémoires, et Marguerite Yourcenar écrivant un roman sous
forme de mémoires. Stéphane Chaudier considère que ses mémoires constituent pour Hadrien un
défi stimulant, celui de donner un sens, et, partant, du sens, à une vie déjà accomplie mais encore
informe : l’intérêt de Mémoires d’Hadrien ne tiendrait pas tant au récit rétrospectif qui se déroule
sous les yeux du lecteur qu’à la (re)construction de cette vie dont Marguerite Yourcenar fait
d’Hadrien le maître. Le roman jouant sur une double distance créatrice (Marguerite Yourcenar
reconstituant à la première personne la vie d’un empereur qui dit la raconter), le sujet incite à
questionner le projet même de l’œuvre, qu’éclaire l’intitulé du parcours associé : « Soi-même
comme un autre ». La formulation de la question doit conduire le candidat à s’interroger sur ce qui
est à l’œuvre dans Mémoires d’Hadrien, et se demander si ces mémoires ne se révèlent pas surtout
le roman d’une vie où Hadrien, substitut de Marguerite Yourcenar, endosse le statut d’écrivain.
Plusieurs démarches sont envisageables pour aborder le sujet : le candidat peut s’interroger sur les
figures du mémorialiste et du «je » telles que Marguerite Yourcenar les met en scène. Il peut aussi
s’intéresser à la poétique de l’œuvre, en réfléchissant à sa composition et à son organisation.
Pistes de réflexion
- Écrire ses mémoires constitue le moyen d’accéder à la « vérité » (p.29) d’un homme
par l’Histoire.
Au moment où l’empereur se lance dans l’écriture de sa lettre testament à Marc-Aurèle, dans
laquelle il ambitionne de ne rien cacher, il existe déjà une autobiographie d’Hadrien : « j’ai
composé l’an dernier un compte rendu officiel de mes actes, en tête duquel mon secrétaire
Phlégon a mis son nom. J’y ai menti le moins possible. » (p.29) La mention d’une
autobiographie, officielle et récente, indique clairement que le projet entrepris par Hadrien ici
ne peut être de recommencer ce qui existe déjà ; Hadrien apporte lui-même la réponse : à
ce « compte rendu officiel » qui l’a forcé « à réarranger certains faits » par souci de « l’intérêt
public et la décence », et à donner une image de sa « vie partiellement modifiée par l’image
que le public s’en forme » (p.32), il entend révéler en contrepoint la vérité de son existence :
« j’ai formé le projet de te raconter ma vie » (p.29) et parvenir à façonner « une idée de [s]a
destinée d’homme. » (p.32). Ainsi se justifie le choix d’une forme prétendument
autobiographique, subjective, qui va écrire l’Histoire autant qu’elle va la réécrire. Car si
Hadrien affirme qu’il va adopter envers lui-même la distance qu’on attend de l’historien,
créant entre lui (sujet de l’écriture) et lui (objet de l’écriture) une nouvelle forme de distance
(« J’emploie ce que j’ai d’intelligence à voir de loin et de plus haut ma vie, qui devient alors
la vie d’un autre » (p.32)), la vie qu’il raconte répond aux exigences d’un temps personnel
qui n’est pas celui de l’Histoire : comme l’indique le personnage (p.34), « j’ai ma chronologie
bien à moi, impossible à accorder avec celle qui se base sur la fondation de Rome, ou avec
l’ère des Olympiades ». De fait, certains épisodes, pourtant importants dans la vie de
l’empereur, comme la guerre contre les Daces qui a occupé près d’un quart de son règne,
sont effleurés, concentrés en à peine une page ou un paragraphe.
[On pourrait convoquer Mémoires de De Gaulle, ou le travail de Chateaubriand, qui entend
reconstituer en un ensemble cohérent et structuré par une pensée l’ensemble d’un passé épars.]
On valorisera :
- Toute copie s’intéressant aux mensonges repérables dans l’œuvre et se demandant qui
ment, Hadrien ou Marguerite Yourcenar. En effet, alors même qu’elle exhibe volontiers sa
documentation, Marguerite Yourcenar oriente donc le regard du lecteur pour que le
personnage d’Hadrien (et non plus la figure historique) soit fidèle à l’image qu’elle veut
donner de lui ;
- Toute copie sensible à la haute image de lui-même qu’Hadrien veut donner, et ce qu’on
pourrait appeler son orgueil.
Et plus généralement :
Toute copie manifestant une finesse d’analyse, une réflexion particulièrement nuancée, la
mobilisation pertinente d’une culture littéraire solide.
On pénalisera :
Toute copie qui témoignerait d’une connaissance fragile et superficielle de l’œuvre.
Toute copie qui se limiterait au résumé ou à la narration.
Une langue mal maîtrisée.