DPS 2021

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DROIT PENAL SPECIAL

AVERTISSEMENT :
Ce cours est toujours en relecture et connaîtra
certainement des modifications

1
INTRODUCTION GENERALE

L’évolution du droit pénal ou droit criminel 1 a été marquée par plusieurs étapes
dont les plus importantes sont les suivantes2 :

1°) la période de la répression vindicative privée : elle est marquée par une
réaction vindicative spontanée de l’homme face à l’offense. Les sociétés primitives
fonctionnaient sur une base vindicative qui évoluait souvent à des guerres entre tribus
ou entre groupes ethniques. C’est le plus fort qui déterminait la nature de l’offense, la
sanction et la procédure de son administration.

2°) la période de la répression vindicative étatique ou ‘’l’Etat’’ (puissance


organisée) intervient pour proportionner la réaction à l’attaque en réduisant les excès et
en apportant une certaine forme dans cette réaction. C’est le règne de la loi du talion
« œil pour œil, dent pour dent » et des duels. La répression était automatique et
s’appliquait non pas sur l’individu uniquement, mais dans certains cas sur tous ses
proches. L’importance était accordée à certaines infractions telles que celles portant
sur l’honneur, la sûreté de l’Etat (conspiration, trahison ; déstabilisation…).

3°) la période de la répression expiatoire ou du repentir : Le délinquant est


perçu comme la personne qui a non seulement offensé la victime, mais aussi et surtout
celle qui a troublé l’ordre public. L’accent était toujours mis sur la lourdeur de la peine
et les conditions particulièrement difficiles de son exécution avec comme objectifs : le
repentir (éviter la récidive) et l’exemplarité (intimider tous ceux qui seront tentés de
suivre la même voie)

4°) la période de la répression perfectionnelle où la sanction est


proportionnée à la gravité de la faute et la peine qui est individualisée permet au
délinquant de se convertir. La sanction est édictée en tenant compte de l’avenir du
condamné. Elle permet d’améliorer et de corriger le délinquant, d’où le rejet de la
peine de mort et le respect d’une certaine procédure. Plusieurs mécanismes
interviennent pour moduler l’exécution de la peine dans le sens de l’adoucissement.
L’origine de cette conception de la sanction est canonique en ce sens que l’objectif
visé est la purification, la conversion à la vie sociale du délinquant.

Cette dernière conception du droit pénal est toujours d’application avec


cependant quelques variantes. C’est ainsi que l’on peut appréhender la notion du droit
pénal qui peut s’entendre comme « l’ensemble des règles juridiques qui organisent
la réaction de l’Etat vis-à-vis des infractions et des délinquants… »3. C’est la
1
Entendu au sens large
2
MERLE Roger, VITU André, Traité de droit criminel, Cujas, Paris, 1967, pp 10-13
3
MERLE Roger, VITU André, Op. cit. P. 94 ;
2
réaction de l’Etat face à certains comportements jugés suffisamment graves qu’il a au
préalable incriminé, c'est-à-dire, érigé en infraction

ETAT-INFRACTION-DELINQUANT constitue le triptyque qui forme


l’ossature du droit pénal dont le fondement est la défense de l’ordre public. Dès lors,
se dégage naturellement une diversité de branches de ce droit pénal. Le premier souci
des gouvernants est celui de dresser clairement la liste des interdits c'est-à-dire, les
actions ou les omissions pénalement répréhensibles dans un Etat. Ces actions et ces
omissions qui varient selon les circonstances et les personnes sont les infractions. La
nomenclature ou le catalogue qui en découle forme une branche qui est le Droit pénal
spécial (DPS). Cette branche comporte également des sous branches telles que le doit
pénal des affaires, du travail…

On peut retenir que le Droit Pénal Spécial, la branche la plus ancienne du droit
pénal en même temps qu’il donne la liste des infractions, prévoit et analyse de manière
détaillée, leurs éléments constitutifs et dans une certaine mesure, les particularités de la
répression. C’est donc la matière qui présente le catalogue ou la nomenclature des
incriminations. La difficulté et l’originalité de la matière tiennent au fait que le nombre
des incriminations est immense et quasiment impossible à chiffrer avec exactitude.
Chaque année, les lois et les règlements ne cessent de changer, sécrétant ainsi de
nouvelles incriminations et anéantissant en même temps un certain nombre d’entre
elles.1 Beaucoup d’exemples peuvent être trouvés dans notre législation 2. D’autres
infractions par contre sans être expressément abrogées, tombent en désuétude et
peuvent être totalement oubliées des praticiens3.

« Nul n’est censé ignorer la loi » dit-on. Où la retrouver pour s’en approprier
reste un défi auquel sont confrontés acteurs judiciaires et citoyens anonymes. En
matière pénale, la loi de référence est le code pénal. Toutefois, un nombre important
d’incriminations se trouvent dans des lois particulières. Cette multiplicité de textes qui
entraîne une inflation d’infractions pose un véritable problème pour les praticiens. Au-
delà des difficultés liées à leur disponibilité, posent les problèmes de leur cohérence et

1
MERLE Roger, VITU André, Traité de droit criminel, droit pénal spécial, Editions Cujas, Paris, 1982 , p. 9

2
Un Décret du 19 novembre 1947 rendu applicable dans les colonies françaises a érigé en infraction, les
pratiques de sorcellerie, de magie et de charlatanisme. Le Code pénal de 1996 n’a pas estimé nécessaire de
garder cette infraction pour diverses raisons. Celui de 2018, sans retenir l’infraction de sorcellerie comme
pratique, incrimine cependant l’accusation de sorcellerie et sa complicité.

3
C’est finalement en 2014 que le Président français Nicolas SARKOZY a demandé au Parlement d’abroger les
dispositions interdisant le port féminin du pantalon. En effet, une des dispositions de la loi du 26 brumaire AN
VIII disait ceci : « toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en
obtenir l’autorisation ». Les réformes de 1892 et de 1909 qui ont assoupli cette disposition n’autorisaient les
femmes à porter le pantalon que pour pousser le guidon d’une bicyclette ou pour tenir les rênes d’un cheval.
3
de leur maîtrise. En France, le Guide des infractions1, recueil édité et mis à jour
annuellement est conçu comme un aide-mémoire à l’attention des acteurs judiciaires
(OPJ, magistrats, avocats, étudiants, juristes…). Ce document de référence recense les
infractions tout en les définissant clairement et en déclinant leurs éléments constitutifs.
Le mérite de ce recueil qui est devenu un livre de chevet des praticiens est qu’il reste
accessible et met en exergue les nouvelles incriminations. Le Code pénal de 2018 a
fait un grand effort en regroupant une bonne partie de la multitude des lois qui
existaient en matière pénale.

Les différentes branches du droit pénal sont en réalité liées à tel point qu’il est illusoire
de penser s’enfermer hermétiquement dans une approche solitaire. Le droit pénal
spécial fixe le cadre dans lequel s’exercera la répression d’un fait contraire à l’ordre
public, en déterminant le texte précis en vertu duquel s’appliquera cette répression. En
effet, la Constitution et le code pénal rappellent ce principe à travers les dispositions
suivantes :
- article 3 de la Constitution « Nul ne peut être privé de sa liberté s'il n'est poursuivi
pour des faits prévus et punis par la loi.
Nul ne peut être arrêté, gardé, déporté ou exilé qu'en vertu de la loi. » ;

- article 111-1 du Code pénal, « nulle infraction ne peut être punie et nulle peine
prononcée si elles ne sont légalement prévues ».

Le principe de la légalité criminelle2 qui gouverne le droit pénal spécial signifie


qu’aucun fait ne peut être qualifié d’infraction, qu’aucune peine ne peut être
prononcée et qu’aucune procédure appliquée à un individu sans au préalable un texte
légal. De ce principe, découlent les conséquences suivantes :

- une faute n’est punissable que si la loi l’érige en infraction ;

- le juge pénal, qui doit appliquer la loi à des faits précis, dispose d’une marge de
manœuvre étroite. Il ne peut déclarer un prévenu coupable d’une infraction et le
condamner de ce chef, que dans la mesure où ce comportement constitue une
contravention, un délit ou un crime prévu par la loi (loi au sens stricte et le
règlement) ;

- le juge pénal ne peut prononcer une peine différente de celle prévue par la loi
avec toutefois une certaine possibilité de l’adapter à la situation du condamné. Si la loi
l’autorise à prononcer une peine en deçà du minimum légal, il lui est cependant
interdit de sanctionner au-delà du maximum prévu par la loi. Le juge a la possibilité
d’assortir la peine du sursis dans la situation d’un délinquant primaire. L’évolution
récente fait ressortir que le L’actuel Code pénal a institué les peines mixes. La peine
1
Confère, CROCQ Jean-Christophe, le guide des infractions, Dalloz, 4ème édition, Paris, 2002

2
MERLE Roger, VITU André, op. cit. p. 17 ;
4
mixte consiste à prononcer une peine d’emprisonnement ou d’amende dont une partie
est ferme et l’autre assortie de sursis.

Le fait réprimé par la loi pénale peut consister dans l’accomplissement d’un acte
prohibé ou dans l’omission d’un devoir imposé. Il existe donc des ‘’délits’’ d’action et
des ‘’délits’’ d’inaction ou d’omission.

Exemples :

- délit d’action : abus de confiance, escroquerie, coups et blessures volontaires, viol,


attentat à la pudeur ;

- délit d’omission : non-assistance à personne en danger.

Le système pénal burkinabè était dans un passé récent marqué par une législation
vieillotte, disparate et non en phase avec nos réalités sociales et politiques. Le Code
pénal de 19961 a remplacé celui de 1810 rendu applicable dans les colonies 2 avec
toutefois quelques réadaptations.

Le Code pénal actuel3 marque un tournant décisif dans l’histoire du système pénal
de notre pays de par les importantes innovations apportées quant à la forme qu’au
fond. Il compte en tout 893 articles répartis dans 08 livres éclatés en 23 titres qui sont
subdivisés en 97 chapitres.
Dans la forme, la particularité de ce Code pénal réside en sa nouvelle
numérotation. C’est une numérotation analytique qui présente deux grands avantages
par rapport à la numérotation classique et chronologique. D’une part, elle permet une
meilleure maîtrise du document par l’insertion d’une numérotation qui va du Livre à
l’article. D’autre part, elle facilite le travail de codification par l’insertion de nouvelles
lois sans modifier la structure du plan d’ensemble. Les nouveaux articles s’intègrent
facilement sans changer la numérotation des anciens articles. De façon concrète, le
Code pénal se présente de la manière suivante : avant le tiret séparatif, le premier
chiffre à gauche correspond au numéro du Livre tandis que le deuxième chiffre
correspond au numéro du Titre à l’intérieur du Livre et le troisième chiffre correspond
au numéro du Chapitre à l’intérieur du Titre. En guise d’exemple, le vol est une
infraction prévue à l’article 611-1 du Code pénal. Cela signifie que l’infraction de vol
relève du Livre 6 (consacré aux crimes et délits contre les biens) en son Titre 1 (relatif
aux vols, extorsions, grand banditisme, escroquerie, abus de confiance, usure, recel,
contrefaçon), consacrée au Chapitre 1 de ce Titre (qui porte sur les vols et extorsions).
Dans ce chapitre I, c’est l’article 1 qui définit l’infraction de vol. L’autre innovation du
Code en la forme porte sur le plan. Une partie du Code est consacrée au droit pénal
général, tandis qu’une autre traite du droit pénal spécial avec des incriminations
1
Loi n° 043-96/ADP du 13 novembre 1996 portant code pénal, modifiée par la loi n° 06-2004/AN du 6 avril
2004
2
Par Décret du 06 mai 1877
3
Loi n° n° 025-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal au Burkina, promulguée par Décret n°
2018-0503/PRES du 22 juin 2018, et publiée au J.O.BF. Spécial n° 07 du 26 juin 2018.
5
nouvelles portant sur la cybercriminalité et les Actes uniformes de l’OHADA. La
dernière partie du Code est réservée aux dispositions diverses et finales.
Au fond, le Code pénal comporte quatre importantes innovations qui sont :
1. L’abolition de la peine de mort, avec la peine maximale qui est
l’emprisonnement à vie ;
2. La révision à la hausse du quantum des peines d’emprisonnement et d’amende
en matière de crimes et de délits à l’effet de l’adapter à l’évolution de la société,
à l’élévation du niveau de vie de la population et à la hausse du flux monétaire
national et international. Ainsi, la peine d’emprisonnement maximale fixée à 5
ans pour le délit dans l’ancien code est désormais de 10 ans. D’un montant de
50.000 francs comme maximum de la peine, l’amende est dorénavant portée à
un maximum de 200.000 francs.
3. La codification à droit constant des lois spéciales (telles que la traite des
personnes, la répression du grand banditisme, ou du terrorisme ;
4. La codification de nouvelles infractions, telles que les crimes contre l’humanité,
les infractions prévues dans les actes uniformes de l’OHADA, ou encore les
dispositions spéciales de protection des victimes et des témoins.

Le droit pénal spécial que nous allons développer tire principalement ses bases
juridiques dans ce Code pénal. La diversité et la multitude des infractions nous ont
amenés à faire une option consistant tout d’abord à étudier les infractions commises
contre les particuliers (Première Partie), ensuite les comportements qui heurtent les
prescriptions relatives à la protection de la chose publique (Deuxième partie). La
spécificité et l’importance de certaines infractions pour les acteurs judiciaires, nous ont
conduits à les regrouper dans une dernière rubrique (Troisième Partie).

PREMIERE PARTIE : LES INFRACTIONS CONTRE LES PARTICULIERS


6
La propriété (Titre II) et aussi bien les personnes physiques (Titre I) peuvent être
victimes d’atteinte.

TITRE I : LES ATTEINTES A LA PERSONNE PHYSIQUE

Dans nos sociétés, attenter à la personne humaine est l’acte le plus grave.
Aucune forme de réparation ne saurait compenser entièrement le préjudice subi des
suites de cette atteinte. De la perte en vie humaine aux voies de fait, injures en passant
par les blessures graves, les atteintes à l’intégrité physique varient selon plusieurs
critères tels que le moyen utilisé pour commettre l’infraction, la nature, la forme et le
degré du préjudice, la personne de la victime et de l’auteur…

L’acte peut découler d’une intention volontaire ferme de porter atteinte à la


personne ou tout simplement d’un geste maladroit ou d’imprudence aux conséquences
inattendues. On distinguera alors les infractions intentionnelles (Chapitre I) de celles
non intentionnelles (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES INFRACTIONS INTENTIONNELLES


‘’Pécher par action’’, s’entend comme le fait pour une personne de poser un
acte répréhensible en connaissance de cause. C'est-à-dire, le fait d’avoir conscience
des conséquences de son acte ou d’être en mesure de le savoir ou encore, se mettre
dans une situation dont on sait ne pas contrôler son comportement (in alcolium par
exemple). Les infractions intentionnelles contre les personnes sont nombreuses. Dans
ce cours, nous nous contenterons d’étudier successivement l’homicide volontaire,
l’usage d’un poison ou d’une substance toxique, les coups et blessures volontaires,
l’avortement, les violences sexuelles et les atteintes à la pudeur et enfin, les délits de
diffamation et d’injure.

SECTION I : L’HOMICIDE VOLONTAIRE OU MEURTRE ET SES


CIRCONSTANCES PARTICULIERES (articles 512-11 à 512-17 du Code pénal)

La meilleure formule pour désigner le meurtre est celle de GARRAUD R. qui le


définit comme « la destruction volontaire et injuste de la vie d’un homme par le
fait d’un autre homme »1. Au plan légal, l’article 512-11 du Code pénal précise que
l’homicide commis volontairement est qualifié meurtre. Ainsi, l’homicide volontaire
ou meurtre est le fait pour une personne de donner volontairement la mort à autrui. Il
est toujours punissable, sauf cause d’irresponsabilité ou de justifications légalement
admises.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs du meurtre

1
GARRAUD R., cité par PRADEL Jean et DANTI-JUAN Michel, Droit pénal spécial, 6 ème édition, Cujas, Paris,
2014, p. 31
7
A- L’élément matériel

L’élément matériel qui est la suppression de la vie implique nécessairement


l’existence d’une victime causée par un acte homicide.

- L’existence d’une victime

Ici, la victime doit être une personne humaine qui était en vie et non un animal.
Un fœtus n’est pas une personne humaine, bien qu’il ait des droits ; en effet, un
principe ne dit-il pas que « dès que l’enfant est conçu, il est tenu pour être né ».
L’identification de la victime n’est pas nécessaire, il doit s’agir d’une personne
humaine1. Dans nos contrées où plusieurs personnes circulent sans documents
d’identité, il peut arriver des difficultés d’identification d’une victime. Il appartient
alors aux enquêteurs de prendre toutes les dispositions utiles pour procéder à
l’identification quelle que soit l’étape de la procédure.

Ici, il s’agit de l’atteinte à la vie humaine qui est sanctionnée. Si l’auteur


ignorait que la victime était déjà morte, on le retient pour tentative de meurtre car on
ne tue pas un cadavre. Pendant longtemps, la théorie du crime impossible était
invoquée pour relaxer l’auteur de tels faits. Une personne agonisante est toujours en
vie et donner la mort à un malade qui n’a plus que quelques instants à vivre est un
meurtre.

Le moment précis de la mort de la personne mérite interrogation du moment où


le Code pénal ne dit pas ce que c’est que la mort.

En droit, la mort est l’état de la personne dont le système cérébral peut être
considéré par les artériographies et par les électroencéphalogrammes convergents,
comme irrémédiablement détruits. La personne qui débranche les appareils d’une
personne maintenue artificiellement en vie ne peut être poursuivie s’il est
médicalement prouvé que les deux encéphalogrammes sont plats, en d’autres termes,
c’est la mort du cerveau.

Celui qui débranche les appareils commet-il un meurtre ?

Actuellement, la médecine définit la mort par la constatation de deux


encéphalogrammes plats. C’est donc la mort du cerveau qui, même si les organes sont
maintenus en activité, détermine la mort d’une personne.

- l’acte homicide ou l’acte matériel

1
Crim, 15 mai 1946. BC, n° 120 ; Gaz. Pal, 1946.I.237
8
L’acte matériel s’apprécie en acte positif posé qui est de nature à entraîner la
mort de la victime. Il est important de faire la différence entre l’acte matériel et la
simple volonté avouée de donner la mort sans pour autant passer à l’acte.

L’acte matériel est posé quel que soit le moyen utilisé : coup de main, de pied,
armes blanches, à feu, objet… Bref tout moyen matériel de nature à donner la mort. Il
est important que l’enquêteur accorde beaucoup d’attention dans l’appréciation de
l’objet et de la technique utilisés pour donner la mort. De nos jours, de nouvelles
méthodes peuvent être utilisées dans l’objectif de laisser moins de traces possibles,
telle qu’une décharge électrique à distance. Également, l’usage en connaissance de
cause d’un objet réfléchissant qui déroute la victime en un lieu où elle perd la vie (du
haut d’un échafaudage par exemple). La police technique et scientifique et la médecine
légale seront d’un grand secours à l’enquêteur pour une meilleure appréciation de la
situation. Il n’y a pas meurtre si voyant un cambrioleur armé d’un fusil, la victime par
surprise et dans la panique meurt d’une crise cardiaque ou de la rupture d’une artère. 1
Il appartient au juge de décider souverainement en s’appuyant sur les rapports
d’expertise.

L’acte d’homicide peut être un acte unique ou séquencé commis dans le temps
ou à des lieux différents. Il ne peut pas être réalisé par de simples sortilèges ou
maléfiques. Un acte positif est toujours exigé pour qu’il y ait homicide. Aussi, le lien
de causalité doit être clairement établi ; c'est-à-dire que la relation de cause à effet
entre l’acte et le décès doit être certaine.

Quid de la pluralité d‘auteurs ? Chaque acteur est censé avoir à lui seul causé la
mort en cas d’impossibilité d’identifier de manière précise, l’auteur qui a donné les
coups. On déduit alors que chaque coup a contribué à donner la mort. La mort peut
survenir longtemps après l’administration des coups. De par le passé (ancien droit), on
estimait qu’une mort qui survient plus de quarante jours après les faits n’était plus
imputable à l’auteur de l’acte2.

B - L’intention coupable

L’importance de l’intention coupable dans l’incrimination et la répression des


comportements a fait dire à un auteur que : « les actes délictueux ne sont pas des
péchés par eux-mêmes. Ils ne le deviennent que par l’intention de celui qui les
commet »3.

1
François GOYET, Droit pénal spécial 8 ème édition par marcel Rousselet, Pierre Arpaillange et Jacques patin,
Sirey, Paris, 1972, p. 14
2
Jean PRADEL et Michel DANTI-JUAN, op. cit. p. 33

3
Pierre ABELARD : œuvres choisies. Ethique, Chapitre V, AUBIER, p 15
9
L’animus necandi ou l’intention mortifère doit exister en ce sens que l’agent
doit avoir eu l’intention de donner la mort. Le mobile, à savoir ce qui a motivé son
action est en principe inopérant. Il est important de faire la différence entre le mobile
d’un crime qui est le motif qui a poussé l’agent à poser l’acte (appréciation subjective)
et l’intention coupable qui est la volonté de tuer.

L’intention homicide peut résulter d’un aveu, d’un témoignage ou d’indices.


L’usage d’un moyen de nature à donner la mort tel qu’une arme à feu peut seul
caractériser l’intention mortifère. Aussi, le fait de viser et d’atteindre une partie vitale
du corps avec un moyen fût-il non dangereux, peut caractériser l’intention coupable.

Mais le seul usage de l’objet si la victime n’est pas atteinte, est insuffisant à
prouver l’intention criminelle ; l’usage d’un gourdin, qui peut être employé pour faire
mal et non nécessairement pour tuer, ne permettra pas à lui seul de prouver l’intention
homicide. Il conviendra de rechercher les indices dans la motivation de l’acte, les
paroles ou tous autres éléments relatifs aux faits.

Peu importe le mobile ; qu’il soit passionnel, émotionnel ou de défense tel le


cas d’un cambrioleur électrocuté par un piège placé sur le mur ou le portail. Ce n’est
qu’en cas de légitime défense qu’il n’y aura pas de culpabilité, mais il est alors
nécessaire que la défense soit proportionnée à l’attaque. L’acte préparé, pour le cas où
il n’y aurait pas une attaque, ne peut constituer la légitime défense.

Aussi, le consentement de la victime n’opère pas. Ainsi, l’homicide est retenu


en cas de duel. La victime bien qu’ayant consenti à l’affrontement en connaissance de
la mort probable ne peut disposer de son corps et autoriser autrui à lui porter atteinte.

L’acte d’homicide commis à la demande de la victime ou l’euthanasie est un


meurtre. Certains auteurs de nos jours soutiennent que la victime, personne physique
capable peut disposer de sa vie. Ils justifieraient alors l’euthanasie qu’ils présentent
comme une assistance, une aide à une personne dans le besoin. Il est constant que
personne ne peut disposer de sa vie et solliciter une aide dans ce sens ; le corps humain
n’étant pas dans le commerce.

Toutefois, le suicide qui est le meurtre commis par l’auteur sur sa personne n’est pas
punissable. C’est ainsi que la tentative de suicide non plus n’est pas punissable. La
personne qui a été sauvée d’une pendaison ne peut être poursuivie pour avoir tenté de
se donner la mort. Au contraire, un psychologue ou un psychiatre pourrait l’aider à se
stabiliser car sa situation est celle d’une personne en détresse qu’il faut assister et
aider. Par contre, l’article 512-28 du Code pénal punit d’une peine de un à cinq ans et
d’une amende de 250.000 à 1.000.000 de francs, le fait de provoquer ou d’aider au
suicide une personne quel que soit le moyen utilisé.

10
Sous l’ancien régime (18ème siècle ), la personne qui se suicide ou qui a tenté de se
suicider devait être traduite en jugement et condamnée à la peine de mort. L’intention
mortifère de la personne est traduite officiellement et légalement en résultat. Le corps
du suicidé sera traité comme celui d’un condamné à mort. Quant à celui qui a raté son
coup, la peine de mort prononcée par la juridiction sera exécutée. Leurs biens seront
confisqués au bénéfice de la communauté et la sentence affichée à la potence de la
ville. La Cour organisera une cérémonie particulièrement dégradante avec leur
cadavre ; le suicide étant un outrage à Dieu ainsi qu’à la justice royale1.
Qu’en est-il de celui qui commet un homicide par erreur ?
L’erreur portant sur l’identité de la victime est punissable car il s’agit d’un cas
d’homicide. Toutefois, le fait de s’être trompé de moyen et occasionné la mort ne
saurait constituer un cas d’homicide à moins que d’autres indices corroborent
l’homicide. C’est le cas de la personne qui pensait que l’arme utilisée n’était pas
chargée alors qu’elle a occasionné la mort.
Paragraphe 2 : La répression de l’homicide volontaire

Aux termes de l’article 512-16 du Code pénal, le crime de meurtre est puni de
l’emprisonnement de onze à trente ans.

Des circonstances particulières peuvent par ailleurs aggraver le meurtre et


exposer son auteur à des sanctions plus sévères.

Ces causes d’aggravation peuvent tenir soit aux conditions de commission du


meurtre, soit à la qualité de la victime.

A. Les circonstances d’aggravation tenant aux conditions dans lesquelles le


meurtre a été commis

Ces circonstances d’aggravation sont au nombre six (6) et emportent


l’emprisonnement à vie (article 512-15 et 17 du Code pénal) :

1°) la préméditation ou guet-apens ;

2°) la commission d’actes de barbarie, de tortures ou de viol ;

3°) la concomitance du meurtre avec un autre crime ;

4°) Le délit corrélatif ;

5°) le meurtre commis par la personne dépositaire de l’autorité publique à


l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions ;

1
Jean-Bernard Lang, La justice criminelle sous l’Ancien Régime dans la généralité de Metz : 1744-
1780, Thèse Université de Nancy 2, Paris, Novembre 2005, pages 356 et suivant

11
6°) Le meurtre commis dans un but d’anthropophagie

Lorsque le meurtre a été commis avec préméditation ou guet-apens, il prend le


nom d’« assassinat » (articles 512-11, 512-15 du code pénal). A la lumière des
dispositions du Code pénal (articles 216-5 et 6) qui définissent la préméditation et le
guet-apens, on peut retenir ce qui suit :

- la préméditation est le dessein formé avant l’action d’attenter soit à la personne


d’un individu déterminé, soit même à la personne de tout individu sans identification
préalable. Elle implique une résolution prise de sang froid, réfléchie, délibérée à
l’avance de commettre le crime. Il n’est pas indispensable qu’un long espace de temps
se soit écoulé entre la conception du crime et son accomplissement. Il suffit que
l’agent ait pu réfléchir, planifier avant d’accomplir son acte. La préméditation suppose
une méditation préalable c'est-à-dire, une décision prise après mûre réflexion.

La préméditation est caractérisée quand bien même le dessein d’attenter à la vie


d’autrui serait dépendant de quelque circonstance ou de quelque condition.

Il y’a préméditation si pour commettre un vol dans une maison habitée, l’auteur
des faits prend le soin de s’armer d’un fusil pour éliminer l’éventuel témoin qui le
surprendrait. Peu importe que l’agent se soit proposé de tuer une personne déterminée
ou toute autre personne qu’il rencontrerait. Peu importe même qu’il ait tué une
personne autre que celle qu’il croyait ou voulait atteindre. En effet, l’erreur sur la
personne est sans influence sur la préméditation.

La préméditation peut également s’entendre comme l’achat d’une arme, de


munitions ou de menaces de mort proférées avant les faits.

- Le guet-apens consiste à attendre un certain temps dans un lieu un individu pour


lui donner la mort ou exercer sur lui des actes de violence. Le guet-apens suppose donc
la préméditation ; c’est un des actes extérieurs qui peuvent la révéler.

L’assassinat est puni de la peine de l’emprisonnement à vie (article 512-15 du code


pénal).

- Le meurtre accompagné ou précédé de viol, d’actes de barbarie ou de tortures :

Le fait qu’un meurtre ait été précédé ou accompagné de viol, de tortures ou d’actes de
barbarie est considéré par l’article 512-17 du code pénal comme une circonstance
aggravante. Il n’est pas nécessaire que les actes de barbarie, les tortures aient eu pour
but de donner la mort. Aux actes de barbaries et à la torture, le nouveau Code pénal a
ajouté le viol, prenant en compte certaines réalités sociales qui existent de nos jours.
Le viol longtemps banalisé au regard du tabou qui l’entoure est de plus en plus

12
considéré comme une arme de guerre d’où la nécessité de le sanctionner sévèrement.
La loi punit sévèrement l’agent qui choisit de violer, mutiler, torturer sa victime avant
ou pendant le meurtre, démontrant ainsi, sa perversité, son insensibilité et le non
respect des valeurs humaines et sociales.

- La concomitance du meurtre avec un autre crime ;

Le meurtre est aggravé et puni de l’emprisonnement à vie, s’il a été précédé,


accompagné ou suivi d’un autre crime. Cette circonstance aggravante exige la réunion
de deux (2) conditions essentielles : il faut la simultanéité du meurtre avec un autre
crime c’est-à-dire que l’acte punissable, concomitant au meurtre soit un autre crime. Il
est nécessaire que l’auteur du meurtre soit en même temps, l’auteur du crime
concomitant. En situation de pluralité d’agents, il est nécessaire qu’eux tous aient
participé aux deux (2) crimes comme auteurs, coauteurs ou complices.

- Le délit corrélatif

Il s’agit ici du meurtre commis pour faciliter, préparer ou exécuter un délit ou pour
favoriser la fuite ou d’assurer l’impunité des auteurs ou complices de ce délit. Le
concours du meurtre avec un délit constitue une cause d’aggravation du meurtre, si
celui-ci a eu pour objet soit de préparer, faciliter ou exécuter le délit, soit de favoriser
la fuite ou d’assurer l’impunité du coupable. C’est alors une forme d’assassinat et puni
de l’emprisonnement à vie. Il ne suffit pas, comme dans le cas précédent, qu’il y ait eu
simultanéité entre les deux (2) infractions. Il faut de plus, que le meurtre soit en
corrélation avec le délit et ait eu pour objet d’en favoriser l’exécution ou d’en assurer
l’impunité. Mais il importe peu que le meurtre et le délit aient été ou non commis par
un même auteur. Il suffit que le meurtre ait eu pour but de préparer le délit, tel est le
cas du malfaiteur qui, surpris au moment où il se dispose à commettre un vol, tue le
témoin. La corrélation doit être retenue si l’infraction que le meurtre a eu pour but de
préparer est non un simple délit, mais un crime non concomitant.

Peu importe la nature du délit corrélatif : un vol, un délit de chasse etc. Il peut s’agir
d’un vol couvert par l’impunité des articles 616-1, 2, 3, du Code pénal.

- Le nouveau Code pénal aggrave le meurtre commis par certaines


autorités à l’occasion de l’exercice ou en raison de leurs fonctions. Il s’agit des
magistrats, des fonctionnaires de la police nationale, des militaires de la gendarmerie,
des membres du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute personne
dépositaire de l’autorité publique. Le législateur a voulu décourager les abus constatés
dans l’exécution de certaines missions de service public. Les faits doivent avoir été
commis à l’occasion de l’exercice des fonctions ou en raison de leur exercice.

13
- le meurtre commis dans un but d’anthropophagie, de culte, de pratiques
occultes ou de commerce est également aggravé et sanctionné de l’emprisonnement à
vie au même titre que l’assassinat. En Afrique, certaines pratiques occultes avec usage
d’organes humains ou de la chair humaine sont régulièrement révélées au quotidien.
En reconduisant l’alinéa 2 de l’article 324 de l’ancien Code pénal, le législateur a
voulu sanctionner plus sévèrement à travers l’article 512-15 du Code pénal actuel,
l’immoralité, la cruauté qui entourent de tels comportements à but mystique ou
financier.

B. Les causes d’aggravation tenant à la qualité de la victime

1. Meurtre d’un nouveau-né : infanticide (articles 512-13, 512-15 du Code pénal)

Aux termes de l’article 512-13 du Code pénal, l’infanticide s’entend comme le


meurtre ou l’assassinat d’un nouveau-né.1 C’est donc un homicide volontaire
comportant les mêmes éléments que ce crime et soumis aux mêmes causes
d’aggravation. Le seul élément particulier est que la victime est un enfant nouveau-né.
Le même article définit le nouveau-né comme l’enfant nouvellement né et dont le délai
prescrit pour la déclaration de naissance n’est pas encore expiré. On considère que la
loi a voulu protéger l’enfant dont la naissance n’est pas connue et qui ne bénéficie pas
totalement de ce fait de la protection sociale ou ne disposant pas d’acte d’état civil. Il
ne serait donc plus question d’infanticide dès que la naissance de l’enfant aura été
déclarée à l’état civil. Il s’agit dans ce cas d’un meurtre quel que soit l’auteur des faits.
Le meurtre de l’enfant qui n’aura pas été déclaré à l’expiration du délai de déclaration
de deux (2) mois prévu par l’article 106 du Code des personnes et de la famille ne peut
être qualifié d’infanticide. Il appartient à l’enquêteur de réunir les éléments nécessaires
pour faciliter la qualification.

La question de savoir si l’enfant était encore nouveau-né lors de sa mort est une
question de fait laissée à l’appréciation des juges. Pour qu’il y ait infanticide, il faut
que l’enfant soit né vivant et non mort-né. Il s’agira d’un avortement si l’enfant a été
tué avant son expulsion. C’est le médecin légiste qui recherchera si l’enfant a respiré
pour dire que l’enfant était né vivant. Toute manifestation de vie est suffisante, car il
n’est pas nécessaire que l’enfant soit né viable.

L’infanticide suppose un acte positif. Il faut donc un fait véritable, matériel.


Ainsi, seraient coupables d’infanticide, ceux qui laisseraient volontairement un
nouveau-né mourir de faim, de froid ou dans des conditions difficiles ayant entraîné sa

1
Cette infraction spécifique d’infanticide a connu plusieurs fortunes en France : crime en 1810, délit en 1943,
crime à nouveau en 1954 et abrogation pure et simple avec la loi du 27 janvier 1993. Cette abrogation a
entraîné également la disparation de l’excuse atténuante accordée à la mère qui encourt la même peine
comme tout autre coupable.
14
mort. Il faut un élément intentionnel qui se déduit des circonstances, telles que le
comportement de l’auteur avant, pendant ou après la délivrance, les propos tenus…

Quant à la sanction, la peine applicable aux auteurs, complices du crime


d’infanticide ou à la tentative est la même que l’assassinat, c’est à dire
l’emprisonnement à vie.

Le seul intérêt de distinguer l’infanticide de l’homicide volontaire proprement


dit consiste dans la circonstance que la mère bénéficie dans une certaine mesure, d’une
véritable excuse légale qui d’ailleurs lui est personnelle. Lorsqu’elle est auteur
principal de l’assassinat ou du meurtre de son nouveau-né, la mère est punie comme
toutes autre personne de la peine d’emprisonnement. En cas de complicité, elle encourt
la peine d’emprisonnement de onze (11) à vingt un (21) ans, (article 512-15, in fine du
Code pénal). On remarque avec curiosité que la mère convaincue d’infanticide en
qualité d’auteur principal encourt la même peine que toute autre personne, tandis
qu’en qualité de complice, elle bénéficie d’une excuse légale. C’est une exception à
l’article 131-5 du Code pénal qui dispose que le complice d’un crime ou d’un délit est
punit comme l’auteur du crime ou du délit. Nous constatons également une rupture
avec l’ancien code pénal qui étendait cette excuse légale à la mère auteur principal
d’infanticide. S’agit-il d’une simple erreur du législateur ou s’achemine-t-on vers la
suppression de l’excuse légale au bénéfice de la mère en cas d’infanticide ?

2. Meurtre d’un ascendant : le parricide (articles 512-12, 512-15 Code pénal)

Le parricide est le meurtre d’un ascendant qui peut être le père ou la mère
biologique, adoptif ou de tout autre ascendant légitime ou biologique sans limitation
de degré. Ainsi sont également concernés, les grands parents et arrière-grands parents
biologiques ou légitimes. Il s’agit là d’une infraction sui generis c'est-à-dire, distincte
du meurtre et non une circonstance aggravante dont le lien de parenté forme un
élément constitutif.

Au-delà de la volonté délibérée d’attenter à la vie humaine, le législateur a


voulu sanctionner spécialement la violation très grave du devoir que toute personne
doit à celui ou à celle qui lui a donné la vie. Il appartient alors à l’enquêteur et au
procureur de veiller à mettre en exergue, le lien de filiation qui peut être biologique ou
adoptif pour les père et mère et légitime ou biologique pour les ascendants. On note
une rupture avec l’ancienne législation qui fait état de père et mère légitimes ou
naturels. Il est important de démontrer que l’auteur a eu clairement connaissance de ce
lien de filiation1. Le lien de filiation qui unit le coupable à la victime est la particularité
de cette infraction. Ce lien de filiation n’est pas extensible aux poches et autres
1
Crim. 23 déc. 1986, Bull. n° 389 et Rev. Sc. Crim. 1987. 425, note du prof. LEVASSEUR
15
membres de la famille (frères, sœurs, conjoint, beaux parents…) contrairement à une
certaine opinion qui qualifie de parricide, le meurtre de ces derniers. La loi limite à
certains ascendants et il faut s’en tenir à cette précision pour être en accord avec le
droit pénal spécial qui est d’interprétation stricte.

Les éléments constitutifs du parricide sont les mêmes que le meurtre excepté
l’élément psychologique qui est caractérisé par la volonté de tuer une personne que
l’auteur sait être l’un de ses ascendants. Plusieurs hypothèses peuvent alors se
présenter :

- tuer une personne dont on ignorait qu’il est son père est un meurtre ou un
assassinat (selon les cas) et non un parricide. On note l’absence de l’élément
particulier qui est la volonté manifeste de l’auteur d’attenter la vie de son
ascendant1 ;
- tuer par erreur son père alors que l’on visait une autre personne ne pourrait être
qualifié de parricide. L’élément psychologique consistant à vouloir attenter à la vie
de son ascendant fait défaut également ;
- quant est-il de l’agent qui tue un tiers par erreur alors qu’il recherchait la mort
de son ascendant ? On retiendrait dans ce cas contre lui deux infractions qui sont le
meurtre pour la mort du tiers et une tentative de parricide 2. Cette double qualification
sur la base des mêmes faits excepté le lien de parenté a fait l’objet de vives critiques.
C’est cette complexité du parricide qui a amené le législateur français à le supprimer
en tant qu’infraction spécifique. En effet, le lien de filiation constitue une circonstance
aggravante du meurtre et non une infraction spécifique en France.

Au regard de sa gravité caractérisée par une question morale sensible de


parenté, l’article 512-15 du Code pénal sanctionne le parricide de la peine de prison à
vie. Dans le même sens, l’article 512-42 du Code pénal précise que le parricide n’est
pas excusable. En d’autres termes, le fils qui a subi lui-même des violences graves de
la part de son père ne peut invoquer l’excuse de provocation pour justifier le meurtre
de ce dernier. Cette sévérité dans la sanction du parricide a toujours été observée dans
le temps. Le Code pénal français de 1810 avait prévu l’amputation de la main gauche
du condamné de parricide avant de le mettre à mort. Un cérémonial affligeant,
inhumain et horrible précédait la mise à mort du condamné pour parricide. Une
procession lente et silencieuse avec au milieu le condamné de parricide, aux pieds nus
et au visage couvert d’un voile noir était organisée pour l’escorter jusqu’à l’échafaud.
Le législateur français a supprimé ce cérémonial atroce en 19583.

1
Roger MERLE et André VITU, op. cit. p. 1387

2
Roger MERLE et André VITU, op. cit. p. 1387, note bas de page qui renvoie à Garçon, aussi, Dé Albert
MILLOGO, op cit. p. 217, 218
16
C. Les causes de justification et d’excuses

Pendant que les excuses absolutoires assurent l’impunité totale, celles


atténuantes entraînent une modération de la peine.

1. Les excuses atténuantes

L’effet de l’excuse atténuantes est de réduire la peine criminelle à une peine


correctionnelle, mais l’infraction reste un crime, notamment au regard de la
prescription ou de l’amnistie. L’article 217-1 du Code pénal pose la règle de la légalité
des excuses. Ainsi, le meurtre, les blessures et les coups sont excusables s’ils sont
commis en repoussant pendant le jour, l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou
entrée d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances. En temps de
nuit, il y’a légitime défense. De même, en matière d’adultère commis au domicile
conjugal, le meurtre, les coups administrés et les blessures faites par un conjoint sur
l’autre ou sur son complice au moment où il les surprend, en flagrance sont
excusables. La provocation n’exige pas que la défense soit proportionnée à l’attaque.

2. Les excuses absolutoires


Aux termes de l’article 217-2 du Code pénal, les excuses absolutoires assurent
l’impunité totale des auteurs de l’infraction. Toutefois, des mesures éducatives ou de
sûreté peuvent être appliquées. C’est ainsi que bénéficient d’excuses absolutoires,
l’auteur ou le complice d’une ou de plusieurs infractions relatives à la corruption
d’agent publics, la personne qui, avant toute poursuite, révèle une infraction aux
autorités administratives ou judiciaires ou aux instances concernées et permet
d’identifier les personnes mises en cause1. Aussi, les auteurs qui, avant toute tentative
de crime faisant l’objet de l’association ou de l’entente et avant toute poursuite, sont
les premiers à révéler aux autorités, l’entente établie ou l’existence de l’association.

3. Les causes de non imputabilité

L’article 132-4 du Code pénal qui prévoit les causes de non imputabilité précise
qu’il n’y a ni crime, ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au moment de
l’action ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister.

 la démence est un état constaté et attesté par l’expert que doit requérir l’enquêteur ou
le magistrat. Elle consiste en diverses formes d’aliénation mentale se traduisant surtout
par des troubles ou des maladies de l’intelligence qui suppriment la capacité de
discernement. L’état apparent de démence ne dispense pas d’une expertise qui est la
seule preuve attestant scientifiquement de la situation.

3
Roger MERLE et André VITU, op. cit. p. 1388 ;

1
Article 335-2 du Code pénal
17
 morale ou physique, la contrainte se caractérise par l’abolition de la liberté sous
l’influence d’un événement imprévisible et irrésistible. Celle-ci doit se manifester au
temps de l’action pour être prise en considération et justifier l’irresponsabilité.

Reste punissable, la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un
trouble psychique ou neuropsychique qui a altéré son discernement ou entravé le
contrôle de ses actes. Toutefois, le juge tiendra compte de cette circonstance au
moment de la détermination de la peine et de son régime (article 132-5 du Code
pénal).

4. Les faits justificatifs (articles 132-1, 2, 3 du Code pénal)

Le fait justificatif se définit comme étant « une circonstance qui enlève son
caractère illégal à un acte volontaire contraire à l’ordre social et qui, sans cette
circonstance, devrait constituer une infraction ».

Les homicides, les blessures et les coups cessent d’être punissables, lorsqu’ils
sont accomplis pour un certain nombre de motifs jugés légitimes.

Ainsi, selon l’article 132-1 du Code pénal, il n’y a ni crime, ni délit lorsque
l’homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par la Loi ou commandés par
l’autorité légitime.

De même, il n’y a ni crime, ni délit lorsque l’homicide, les blessures et les


coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même
ou d’autrui.

Aux termes de l’article 132-2 du Code pénal, sont commandés par la nécessité
de la légitime défense, les actes commis pour repousser, de nuit, l'entrée par escalade,
effraction, violence ou ruse dans une maison, un appartement habité ou leurs
dépendances ou dans tout autre lieu habité. Les actes commis également pour se
défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence bénéficient
du même régime.

La légitime défense doit être appréciée en fonction de l’agression et de la


riposte. L’agression doit être réelle, actuelle et injuste tandis que la riposte qui
intervient après ou concomitamment doit être nécessaire et proportionnelle, c'est-à-dire
qu’elle ne doit pas dépasser la mesure suffisante pour arrêter l’agression.

L’état de nécessité doit répondre à une nécessité véritable et doit prévenir un


danger réel. Se trouve donc exclu du champ d’application des homicides, blessures et
coups non qualifiés, crimes ou délits, l’état de simple convenance ou un danger futur
ou éventuel.

18
Important : Il appartient à l’enquêteur d’être très vigilant dans le cas de suicide
car certains crimes sont maquillés en suicide.

Evitez les qualifications telles que, agression, mort d’homme ;

 Relever le lien de filiation entre la victime et l’auteur des faits au besoin ;

 Se rappeler qu’à partir de la déclaration de la naissance à l’état civil, l’enfant


n’est plus un nouveau-né ;

 Avoir le réflexe de recourir aux services du médecin légiste, du psychiatre, du


psychologue ou de tout autre expert pour établir ou attester d’une situation
qui déterminera la qualification ou le traitement du dossier.

SECTION II - L’USAGE D’UN POISON ET AUTRES NUISANCES A LA


SANTE (articles 512-14, 512-15, 512-29 à 512-35 du Code pénal)

Paragraphe 1. L’empoisonnement

Ne dit dit-on pas que « l’héritier c’est un homme qui vous prend le pouls
chaque fois qu’il vous serre la main ? ». L’histoire de l’empoisonnement en Europe est
liée aux questions d’héritage. C’est ainsi qu’à une certaine époque, l’arsenic était
qualifié de « poudre à succession »1. Dans nos sociétés africaines, “la sanction des
ancêtres’’ consistait le plus souvent à l’administration d’un produit mortifère au fautif.
Une telle solution permettait de sauver l’honneur du défunt et renforçait la crainte des
interdits. L’empoisonnement est l’une des infractions qui fait le plus peur au regard de
son caractère sournois. Il est commis la plupart du temps par des familiers, des proches
et sa preuve est très difficile à rapporter.

L’empoisonnement est défini par l’article 512-14 du Code pénal comme :

 tout attentat à la vie d’une personne ;

 par l’effet de substances qui peuvent donner la mort plus ou moins promptement ;

 de quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées ;

 et quelles qu’en aient été les suites.

(- attenter à la vie - moyen de substance pouvant donner la mort – administrer de


quelque moyen que ce soit – quel que soit la suite).

L’homicide par l’administration d’une substance mortelle fait l’objet d’une


infraction particulière dans le Code pénal, qui le distingue du meurtre. L’acte matériel

1
Crim., 8 juin 1993, B.C., n° 203 ; Dr. Pénal, 1993Comm. 211, obs. M. Véron
19
est accompli sournoisement, alors que la victime est sans méfiance et ne sent pas le
danger arriver. Ne dit-on pas que les toxiques constituent l’arme des faibles ?

La loi punit sévèrement le crime d’empoisonnement, en raison du caractère


particulier de gravité qu’il présente. C’est par la proximité de l’auteur avec la victime
que cette infraction se réalise. Profitant de la connaissance, des habitudes ou de la
familiarité, l’auteur commet l’acte dans des circonstances de surprise, on parle d’acte
de traitrise. Ce crime est généralement d’une préparation longue et minutieuse qui
demande une certaine ingéniosité.

A. Les éléments constitutifs

1. L’administration de substance mortelle

Il s’agit d’une substance qui peut donner la mort, quelle que soit sa nature à
savoir, végétale, animale ou minérale, médicale.

Certainement qu’avec l’évolution de la science, le législateur n’a pas voulu


donner une définition précise de la substance. Ainsi, l’analyse toxicologique permettra
de déterminer la nature de la substance utilisée. Il ne paraît pas nécessaire que la
substance administrée soit une substance vénéneuse, c’est-à-dire de nature à causer la
mort par des réactions chimiques.

Il s’agit, en général, de ce qu’il est convenu d’appeler des poisons, mais aussi
de toute substance mortelle, un virus, une matière radioactive etc. Même, si chaque
dose n’est pas mortelle, l’usage répété de la substance peut devenir mortel. En effet, il
existe des substances dont l’unique dose ne peut donner la mort ; c’est suite à une série
d’administrations qui provoquent pendant un certain temps, la mort 1. L’effet mortifère
de certaines substances se manifeste longtemps après l’administration. Dans pareille
situation, il est difficile de réunir les preuves et retrouver la personne qui en est la base.

Relativement à la nature de la substance, un tribunal français a retenu les coups


et blessures volontaires contre une personne atteinte du virus du Sida qui a mordu un
policier dans l’intention de le contaminer2.

Qu’en est-il de l’agent qui utilise une substance non mortifère sans le savoir ou
qui s’est trompé dans le choix ou la préparation du produit ? La loi ne fait-elle pas état
de « substances qui peuvent donner la mort » ? Dans pareilles situations, l’agent
pourra être poursuivi pour tentative d’empoisonnement. L’accent est mis ici sur
l’intention coupable dès lors qu’il n’y a aucun doute à ce niveau.

1
PRADEL Jean et DANTI-JUAN Michel, Droit pénal spécial, 6ème édition, Cujas, Paris, 2014, p. 45
2
Trib. Corr. Mulhouse, 6 février 1992, D., 1992. 301, note critique A. Prothais
20
2. L’acte matériel : l’emploi ou l’administration ou l’attentat

Point d’empoisonnement sans administration ; il s’agit par conséquent de


la mise en contact de la substance avec la personne de la victime. Cela suppose un
acte positif de mise à disposition de la victime c’est en cela que l’on dit que
l’empoisonnement est une infraction de commission. Pour cela, laisser une
personne boire de l’eau empoisonnée en le sachant n’est pas un empoisonnement
mais, de la non-assistance à personne en danger. Quel que soit le moyen employé,
l’administration de produit constituera l’acte matériel. De ce fait, l’administration
peut revêtir plusieurs formes à savoir : absorption, inhalation, piqûre, injection,
perfusion, frottement, ou autrement. L’acte peut être unique ou répété ou posé par
l’intermédiaire d’un tiers. La remise de la substance à ce tiers constitue le
commencement d’exécution de l’empoisonnement. Si ce tiers est de bonne foi,
c'est-à-dire ignorait la nature du produit et l’intention de l’agent, il ne sera pas
poursuivable. Si la nature mortelle du produit était connue du tiers, il sera poursuivi
comme co-auteur ou complice selon les cas. L’administration d’un antidote ou le
repentir tardif ne fait pas disparaître le caractère criminel du fait1.

3. L’intention coupable

Le résultat importe peu car l’attentat suffit sans qu’il soit nécessaire que la vie
ait été supprimée. L’infraction est consommée même si la victime ne décède pas ou si
l’antidote administré par l’auteur a sauvé la victime. Attenter à la vie n’exige pas la
mort de la victime ni même une maladie dont elle resterait atteinte. C’est la conscience
d’administrer un produit dont le caractère mortel est connu de l’agent.

L’empoisonnement est une infraction formelle car à la différence du meurtre


qui nécessite que le but recherché (la mort de la personne) soit atteint, il n’est pas
nécessaire qu’il y ait mort d’homme. Le crime est constitué même si par suite d’un
hasard ou en raison de la forte constitution de la personne, la mort ne survient pas2.

Il y’a tentative d’empoisonnement si le poison n’a pas été absorbé par suite de
circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur. Ainsi, le poison aura été
mélangé aux aliments de celui dont on désire la mort ; un breuvage aura été substitué
au médicament que doit prendre la victime ou même le flacon contenant la substance
toxique aura été remis à un tiers chargé de l’administration à la personne choisie
comme victime ; mais la victime se sera abstenue d’absorber le poison par méfiance ou
à la suite d’un avertissement reçu d’un tiers. Si l’intention manquait, les faits
constitueraient simplement un homicide involontaire (par imprudence).

1
Roger MERLE, André VITU, Traité de droit criminel, Droit pénal spécial, Cujas, 1982, p. 1392

2
Roger MERLE, André VITU, op. cit. p. 1390
21
B. La répression

L’empoisonnement est un crime puni de l’emprisonnement à vie.

Paragraphe 2. L’administration de substances nuisibles à la santé (articles 512-33,


512-34 du Code pénal).

Est coupable du délit d’administration de substances nuisibles à la santé, la


personne qui aura occasionné à autrui une maladie ou incapacité de travail personnel
en lui administrant volontairement, de quelque manière que ce soit, des substances qui,
sans être de nature à donner la mort, sont nuisibles à la santé.

- l’acte d’administration volontaire ;

- une substance nuisible à la santé ;

- absence d’intention mortifère

- conséquence : maladie ou incapacité de travail personnel ;

A. Les éléments constitutifs

1. La substance utilisée : le produit doit être nuisible à la santé, c'est-à-dire, capable de


provoquer une maladie plus ou moins grave ou quelque trouble fonctionnel.
Cependant, une même substance peut être soit mortelle, soit nuisible à la santé. Ainsi
la nocivité de la substance est laissée à l’appréciation des juges de fait qui peuvent être
éclairés par l’expert. La toxicologie est la science qui peut aider à connaître les poisons
à travers leur composition, leur nature, leur effet ou le remède à apporter.

2. L’acte matériel d’administration : Le procédé d’administration importe peu et tout acte


peut être retenu de fait, dès l’instant où il est positif.

3. Le résultat : Il faut que la victime soit atteinte physiquement ou psychologiquement


d’une maladie consécutive à l’absorption de la substance. Si la victime est résistante et
n’est pas malade, il n’y a pas d’infraction. Si elle est de santé fragile et qu’elle est
malade alors que la substance est reconnue non nuisible, il n’y a pas non plus
infraction. Ceci exclut toute tentative.

4. L’intention coupable : L’agent doit avoir agi avec intention de nuire à la santé et non
avec une intention mortifère. L’agent sera poursuivi pour blessures involontaires s’il
croyait la substance inoffensive. C’est le cas de certains guérisseurs traditionnels qui
font absorber, inhaler ou purger à leurs patients, certaines décoctions soumises à
fermentation pendant un certain temps et qui se révèlent nuisibles à la santé par la
suite. Si la mort survient bien que la substance ne soit pas mortelle, il n’y aura pas
empoisonnement mais administration de substance nuisible.
22
B. La répression

Les peines varient selon les circonstances énumérées par la loi.

Ainsi, il est prévu une peine d’emprisonnement de deux (02) à trois (3) ans et
une amende de 250 000 F à 3.000 000 F pour quiconque cause à autrui une maladie ou
une incapacité de travail personnel en lui administrant de quelque manière que ce soit,
sciemment mais sans intention de donner la mort, des substances nuisibles à la santé.

Lorsqu’il en est résulté une maladie ou incapacité de travail personnel égale à


vingt et un jour ou plus, la peine est un emprisonnement de deux (2) à cinq (5) ans et
une amende de 2.000 000 F à 5.000 000 F (article 512-33, alinéa 2 du Code pénal).

Si les substances administrées ont occasionné soit une maladie paraissant


incurable, soit la perte de l’usage d’un organe, soit une infirmité permanente, la peine
est un emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et une amende de 5.000.000 F à
10.000.000 F (article 512-33, alinéa 3 du Code pénal).

Lorsque la mort s’en est suivie sans intention mortifère, la peine est un
emprisonnement de onze (11) à vingt un (21) ans et d’une amende de 10.000.000 F à
20.000.000 Frs (article 512-33, alinéa 4 du Code pénal).

En cas d’incapacité ou en cas de mort, la juridiction saisie peut en outre


prononcer l’interdiction d’exercice des droits de famille, l’interdiction de séjour et / ou
l’interdiction professionnelle pour une durée qui ne peut excéder cinq (5) ans.

Paragraphe 3 : Autres atteintes à l’intégrité physique par l’effet du VIH (articles


(512-29 à 512-32 du Code pénal et autres lois)

Longtemps considérées comme un tabou et échappant à toute incrimination


pénale, les infections au VIH ont été utilisées par certaines personnes malsaines tantôt
comme arme de stigmatisation, tantôt pour donner la mort ou semer simplement la
terreur dans certains milieux. C’est la loi n° 049-2005/AN du 21 décembre 2005
portant santé de la reproduction au Burkina Faso qui a posé les premières
incriminations en réprimant un certain nombre de comportements. L’objectif principal
de cette loi est la protection des personnes vivant avec le VIH contre les
stigmatisations et discriminations ainsi que les personnes saines. Au regard des
insuffisances constatées dans cette loi, le législateur est intervenu en 2008 avec une loi
spéciale en matière de lutte contre le SIDA. En effet, l’adoption de la loi n° 030-
2008/AN du 20 mai 2008 portant lutte contre le VIH/SIDA et protection des droits des
personnes vivant avec le VIH/SIDA (PvVIH) a contribué efficacement à la lutte contre
cette pandémie et à la protection des personnes qui en souffrent. Le Code pénal de
2018 a complété certains aspects tout en renforçant les peines.
La personne séropositive c'est-à-dire, celle ayant une présence de VIH ou
d’anticorps anti-VIH dans son organisme est une personne vulnérable qui doit être
23
protégée contre les stigmatisations et toutes exclusions sociales. Compte tenu du
caractère incurable de ce mal et la particularité de sa transmission, il est fortement
demandé à la personne séropositive, de mener une vie saine, rangée sans intention
malveillante vis-à-vis de son (sa) partenaire sexuel et des autres personnes. Elle est
invitée à plus de responsabilité, d’attention dans la gestion de sa situation. Les
professionnels de la santé doivent plus que jamais être en accord avec leur serment
afin d’éviter les écarts. Les personnes saines doivent avoir un respect vis-à-vis des
personnes vivant avec le virus et éviter toute stigmatisation. C’est ainsi que la loi
réprime certains comportements de la personne séropositive :
- La non information de son statut de séropositivité à son conjoint ou à son
partenaire sexuel : L’article 512-30 du Code pénal punit d’une amende de 250.000 à
1.000.000 francs, la personne qui connaît son état sérologique et qui s’abstient d’en
informer son conjoint ou son partenaire sexuel.

Cela suppose dans un premier temps que la personne soit séropositive. Cet état
doit avoir été attesté par des examens médicaux.

Dans un second temps, la personne doit avoir connaissance de son statut


sérologique. Il revient alors à l’accusation de prouver que l’agent avait connaissance
de son statut.

L’intention coupable consiste pour l’agent de refuser de communiquer son


statut à son conjoint ou à son partenaire sexuel tout en étant conscient du risque réel de
contagion. De part ce comportement, il expose son partenaire à de sérieux risques de
contagion. Un couple sérodiscordant peut bel et bien mener une vie sexuelle normale à
condition d’observer un certain nombre de précautions. Si l’information du conjoint va
de soi, il n’en est pas de même de l’information du partenaire sexuel. Le partenaire
sexuel occasionnel bénéficie-t-il de ce droit ? Faute de précision par la loi, nous
pouvons répondre par l’affirmative. Il revient par conséquent à l’agent séropositif
d’informer tout partenaire sexuel de son état. Une certaine opinion estime qu’il faut
assortir cette obligation d’informer d’un délai. L’infraction serait constituée si passer
ce délai, l’agent ne s’acquitte pas de son obligation d’informer. La loi n’ayant pas fixé
de délai, l’information doit être faite de manière diligente.

- La non information de son statut de séropositivité à son conjoint ou à son


partenaire sexuel, occasionnant sa contagion. Au-delà de simple non information de
son état sérologique, l’article 512-31 du Code pénal sanctionne d’une peine
d’emprisonnement de 1 à 10 ans et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 francs, la
personne qui contamine son conjoint ou son partenaire sexuel. Les conditions à réunir
sont les suivantes :

° être séropositif ;

24
° connaître son état de séropositif ;

° refuser d’informer son conjoint ou partenaire ;

° contaminer son conjoint ou partenaire.

- La non information de son statut de séropositivité à son conjoint ou


à son partenaire sexuel, occasionnant sa contagion et sa mort. Il est nécessaire
d’établir le lien de causalité entre le décès de la victime et sa contamination au VIH,
vu que le virus de l’immunodéficience humaine n’est pas une maladie en tant que telle.
Il affaiblit le système immunitaire et laisse le champ libre aux maladies opportunistes
qui causent la mort. Dans cette circonstance de mort, la peine est aggravée de 11 à 30
ans.

- La contamination au VIH par suite de viol : Le législateur sanctionne


lourdement (prison de 11 à 30 ans) l’agent qui contamine le VIH à une victime suite à
un viol. Il faut noter que par le fait de l’agent, la personne est doublement victime. Il
faudra prouver :

° que l’agent est séropositif ;

° que l’agent avait connaissance de statut sérologique ;

° que l’agent a commis un viol sur la victime ;

° que la victime est infectée suite au viol commis par l’agent.

Qu’en est-il du cas du violeur infecté à l’occasion d’un viol ? Nul ne pouvant se
prévaloir de sa propre turpitude, l’auteur du viol ne peut que s’en prendre à lui-même.
Il a commis un délit grave et la victime (séropositive) sera traitée comme toute victime
et ne saurait être poursuivie. L’intention coupable fait défaut.

- La transmission volontaire du VIH : l’article 512-32 du Code pénal punit


d’une peine d’emprisonnement de trois ans à dix ans et d’une amende de 2.000.000 à
20.000.000 de frcs, quiconque, sciemment transmet ou tente de transmettre par
quelque moyen que ce soit, le VIH à une autre personne. Il faut donc :

° une personne, un objet, un organe, un liquide ou autre


produit infecté du virus de l’immunodéficience humaine. L’agent
peut être séronégatif et faire usage d’un objet, d’un liquide ou
d’un produit infecté. Sont particulièrement concernées par cette
incrimination, les personnes en contact avec les objets, liquides…
infectés tel le personnel médical et paramédical.

25
° un acte de transmission du VIH ou de tentative de
transmission par quelque moyen que ce soit. Cette situation
dépasse le cadre du partenaire sexuel et concerne toute personne.
Elle suppose un acte positif quel que soit le résultat final. En effet,
il est bien précisé que la tentative est punissable. L’infraction est
caractérisée peu importe la forme ou la nature du moyen utilisé.
Sont naturellement concernées, les voies standard de
contamination que sont la voie sexuelle, la transfusion sanguine,
les blessures provoquées expressément, les infiltrations du sang
contaminé...

° L’intention coupable : elle se déduit du mot


‘’sciemment’’ utilisé par le législateur. C'est l’intention manifeste
de l’agent de transmettre par tous les moyens, le VIH qui est mise
en exergue. Au-delà de la simple négligence ou imprudence dans
certains milieux médicaux, il est nécessaire de prouver l’intention
coupable. Elle peut se déduire du contexte caractérisé par des
menaces de mort, des injures.

- Discrimination à l’encontre d’un PvVIH : l’article 21 de la loi n° 030-


2008/AN du 20 mai 2008 portant lutte contre le VIH/SIDA et protection des droits des
personnes vivant avec le VIH/SIDA incrimine et réprime les actes de discrimination à
l’encontre des PvVIH. Il punit de 1 à 5 ans et d’une amende de 300.000 à 1.500.000
francs, quiconque est coupable d’actes de discrimination à l’encontre des PvVIH. Pour
ce faire, il faut :
° la connaissance de la situation sérologique de la victime ;
° des actes, gestes ou discours, paroles ou encore un comportement de
nature discriminatoire en rapport avec la situation de la victime ;
° l’intention coupable qui découle de la volonté non équivoque de
stigmatiser la victime au regard de sa situation sérologique.
- La révélation de la situation d’un PvVIH à une personne non qualifiée : De
par leur profession ou fonction, les professionnels de la santé ont accès à toutes sortes
d’informations relatives à la santé des personnes. C’est ainsi qu’ils sont soumis au
secret professionnel et ne peuvent divulguer ces informations que dans le cadre prévu
par la loi. L’article 23 de la loi la loi n° 030-2008/AN du 20 mai 2008 portant lutte
contre le VIH/SIDA et protection des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA
punit de 3 mois à 1 an et ou d’une amende de 400.000 à 1.000.000 francs, toute
personne soit en raison de sa profession, soit en raison d’une fonction ou d’une
mission qui est dépositaire d’une information à caractère confidentiel sur l’état de
santé d’un individu vivant avec le VIH/SIDA et qui la révèle sciemment à une
personne non qualifiée pour en partager le secret. Lorsque l’infraction est commise par
les médias ou multimédia ou autre moyen de communication de masse, le maximum

26
de l’amende est porté à 10 000 000 de francs. Les éléments suivants doivent être mis
en exergue :

° Être un professionnel de la santé ou exercer une fonction ou une


mission qui vous permet d’avoir connaissance d’une information à
caractère confidentiel sur l’état de santé d’un individu vivant avec le
VIH/SIDA ;
° Révéler l’information à caractère confidentiel sur l’état de santé d’un
individu vivant avec le VIH/SIDA à une personne non qualifiée pour
partager ce secret ;
° L’intention coupable découle du mot ‘’sciemment’’ utilisé par la loi
qui est la décision de partager en connaissance de cause, l’information
confidentielle à une personne non qualifiée.
- La diffusion de fausses informations en matière de lutte contre le
VIH/SIDA : Plusieurs initiatives sont développées pour lutter contre le VIH/SIDA et
cela favorise la propagation de fausses informations et un marché sans contrôle de ce
qui est supposé guérir ce mal. C’est ainsi que la loi réprime les messages mensongers
sur les questions du VIH et les marchands d’illusion vendant des produits sensés
guérir le mal. L’article 24 de la loi ci-dessus citée punit d’un emprisonnement de 3
mois à 3 ans et d’une amende de 400 000 à 1.000 000 de francs ou de l’une de ses
deux peines seulement, toute personne coupable :
° de la diffusion d’informations relatives au contrôle et à la
prévention du VIH/SIDA à travers la publicité mensongère ou erronée ;
° de la promotion commerciale de médicaments, supports, agents ou
procédures, sans l’autorisation préalable du ministère chargé de la santé et de la
structure nationale de coordination de la lutte contre le VIH/SIDA et les IST et sans
aucune base médicale et scientifique ;
° de l’inscription et de l’indication sur les médicaments, supports ou
agents que ceux-ci sont destinés à soigner le VIH/SIDA ou à protéger de la maladie
sans base médicale et scientifique.
- L’exploitation de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’un
PvVIH ou d’une personne affectée par le VIH : l’article 25 de la loi ci-dessus citée
punit des peines de l’escroquerie, le fait d’exploiter frauduleusement l’état d’ignorance
ou la situation de faiblesse d’une personne infectée par le VIH ou affectée par le
VIH/SIDA, soit pour lui proposer un traitement fallacieux avec extorsion de fonds, soit
pour faire consentir cette personne à un acte qui lui est manifestement préjudiciable.
L’article 613-2 in fine du Code pénal punit l’escroquerie simple de la peine
d’emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amende de 1 000 000 à 5 000 000 de francs.
- La non prise de dispositions par le Médecin, afin que la personne atteinte
de VIH informe son conjoint : La personne vivant avec le VIH est tenue d’informer
son conjoint sous peine de poursuites pénales. A défaut, il appartient au Médecin de
prendre toutes les dispositions afin que le conjoint soit informé. Le Médecin doit
veiller à ce que l’annonce se fasse faute de quoi il est punissable d’une amende de
27
250.000 à 1.000.000 de francs (article 525-3 du code pénal). Une obligation de résultat
pèse sur le Médecin qui doit veiller à ce que l’annonce soit faite. Cela va des
techniques de counseling pour convaincre la personne atteinte à informer son conjoint,
à l’information directe du conjoint par le Médecin. Ainsi dit, l’annonce peut être faite
par la personne atteinte, un tiers (qui est habilité par son statut à avoir accès à
l’information) ou le Médecin lui-même.

SECTION III. LES COUPS ET BLESSURES VOLONTAIRES (CBV articles


512-18 à 512-26 du Code pénal)
Il s’agit ici des actes par lesquels l’homme exprime son agressivité, sa
brutalité en l’endroit de son semblable en lui occasionnant des lésions ou traumatismes
aux degrés divers. Ces violences qui sont le quotidien des enquêteurs détériorent la
plupart du temps, le climat social et causent des séquelles physiques, et peuvent
handicaper à vie certaines victimes. Nous notons également une croissance inquiétante
des violences collectives aux conséquences démesurées et qui complexifient la tâche
des enquêteurs et des agents de maintien de l’ordre. Il est pris également en compte ici
certains comportements qui ne sont pas tout à fait des coups, ni des blessures, mais qui
sont des violences et voies de fait, susceptibles de causer un dommage à autrui.

Le législateur considère un certain nombre de circonstances objectives telles


que la gravité des blessures sur la personne, la qualité de l’auteur, la qualité de la
victime, les actes ayant préparé ou accompagné les faits et le contexte de la
commission des faits. En prenant en compte ces circonstances qui se caractérisent par
leur diversité, on dénombre plus d’une vingtaine de CBV pouvant être qualifiés de
contravention, de délit ou de crime.

Paragraphe 1. Les coups et blessures volontaires simples

A. L’acte matériel de violence

Il s’agit ici d’actes divers positifs qui s’apprécient en coups, blessures, autres
violences et voies de fait entraînent plus ou moins un contact entre l’agresseur et la
victime. Le contact physique peut être direct ou indirect au moyen d’un objet, d’un
tiers ou d’un animal. Les coups de poing, de pieds, les bousculades, les gifles données
sont manifestement des cas de violence directe. De manière indirecte, lancer un chien
sur la victime ou pousser quelqu’un sachant qu’il causera dans son mouvement un
choc sur la victime constituent des cas de coups. Aussi, le fait de lancer un objet sur
une victime indéterminée ou dans une foule sachant qu’il heurtera manifestement une
personne s’apprécie en violence. La non identification de la victime n’est pas
déterminante.

28
Sans être nécessairement physique, le lien de causalité peut être un
comportement qui impressionne fortement la victime de nature à lui causer un choc
émotif, un trouble psychologique ou dépressif1. Constitue des cas de violences, le fait
de menacer la victime avec une arme, de tirer au-dessus de sa tête, de crier fortement
sur elle ou de débarquer à son domicile à la tête d’un groupe menaçant. Dans le même
sens, des paroles proférées ou des actes posés à distance ont été qualifiés de violence.
La jurisprudence a qualifié de violences les cas de persécutions téléphoniques, l’envoi
de lettres anonymes ou de colis comportant des symboles tels qu’un crâne humain ou
un cercueil.2 Aussi, a été qualifié de violences et voies de fait et condamné comme tel,
le fait :

 de raser les cheveux d’une femme3 ;

 pour une personne en voiture, de glisser la main sous la jupe d’une passagère qui
effrayée, se jette hors du véhicule et se blesse4 ;

Les coups, les violences s’apprécient de manière abstraite en tenant compte


de leur nature et de la personnalité de la victime. Mais encore faut-il que les
conséquences de la violence puissent être constatées par un examen médical.

B. La victime

La victime des coups et blessures doit présenter trois caractères :

 la victime doit être une personne humaine en ce sens qu’une incrimination spéciale
est prévue pour les mauvais traitements ou actes de cruauté sur les animaux ;

 la victime doit être vivante auquel cas on aboutira à une qualification plus grave
telle que, meurtre ou un délit impossible (coups portés sur une personne déjà
morte) ;

 la victime doit être différente de l’auteur des coups car nul ne peut être poursuivi
pour s’être personnellement administré des coups.

C. L’intention coupable

L’élément intentionnel joue un rôle très important ici en ce sens qu’il permet
de distinguer les violences volontaires de celles résultant d’une négligence, d’une
inattention ou d’un manquement à une prescription. L’intention s’apprécie au simple
1
VERON Michel, Droit pénal spécial, 6ème édition, Armand Colin, Paris, 1998, p. 34

2
Crim. 17 juill. 1984, Bull. n° 259 ; Crim. 13 juin 1991, Bull. n° 253 ; cités par VERON Michel, op. cit. p. 35
3
Trib. Corr. Saint-Dié, 7 juin 1945, Gaz. Pal, 1945.I.218, rapporté par PRADEL Jean et DANTI-JUAN Michel,
op. ct. P.57
4

29
fait de vouloir poser l’acte ; le résultat peut avoir dépassé le but recherché par l’agent.
Peu importe le mobile qui l’a guidé ; il suffit qu’il ait agi sans droit et en connaissance
de cause (même s’il s’agit d’une plaisanterie). L’erreur sur la victime est inopérante
dès lors que l’acte dommageable a été volontairement commis.

Le juge doit toujours vérifier et relever le caractère « volontaire » de l’acte


posé en ce sens que le Code pénal ne prévoit pas la tentative du délit.

D. Le lien de causalité

Il faut que l’acte matériel ait atteint ou impressionné la personne d’autrui. Le


lien de causalité doit être rapproché de l’intention.

Ainsi, projeter une personne à terre, laquelle entraîne dans sa chute une autre
personne ne doit pas constituer l’infraction à l’égard de cette dernière.

E. Le consentement de la victime

Le consentement de la victime aux blessures qui lui sont faites n’exonère pas
l’auteur de sa responsabilité. De ce fait, l’accord de la victime pour subir les coups ou
les blessures ne fait pas disparaître l’infraction. Cependant, le domaine médical est
particulier en ce sens que le praticien qui agit selon les règles de sa profession dans un
but curatif ne commet pas l’infraction.
F. La sanction des coups et blessures volontaires simples
Les coups et blessures, violences et voies de fait simples peuvent être des contraventions, des
délits et ce, au regard de la gravité du préjudice qui découlera de l’expertise.
Constitue une contravention de quatrième (4 ème) classe et sanctionné d’une amende de
quinze mille (15.000) à cinquante mille (50.000) francs, le fait de causer des blessures ou des
coups ou toutes autres violences ou voies de fait sur une personne dont il n’est pas résulté une
maladie ou une incapacité totale de travail personnel excédant sept jours, à la condition qu’il
n’y ait pas eu préméditation, guet-apens ou port d’armes (article 8 du Décret n°
97-84/PRES/PM/MJ du 28 février 1997 portant définition et sanction des
contraventions).
Le fait de causer des blessures ou des coups ou toutes autres violences ou voies de fait sur une
personne dont il n’est pas résulté une maladie ou une incapacité totale de travail personnel
excédant sept jours, dans des circonstances de préméditation, guet-apens ou de faits
publiquement commis est puni d’une peine d’emprisonnement de deux mois à un an et d’une
amende de 250.000 à 600.000 francs (article 512-19 du Code pénal).
Les coups, les blessures, les violences ou les voies de faits ayant entraîné une maladie
ou une incapacité de travail personnel supérieure à sept (7) jours et inférieure à vingt-
un (21) jours sont punis de deux (2) mois à trois (3) ans et d’une amende de deux cent
cinquante mille (250.000) à deux millions (2.000.000) francs (article 512-18 du Code

30
pénal). En circonstances de préméditation et de guet-apens, le maximum de la peine
d’emprisonnement est prononcé.
La peine de deux (2) à sept (7) ans d’emprisonnement et de l’amende de
1.000.000 F à 5.000.000 F est appliquée si la maladie ou l’incapacité de travail
personnel causée par l’infraction a duré vingt-un (21) jours ou plus.
Paragraphe 2. Les coups et blessures accompagnés de circonstances aggravantes

L’infraction de coups et blessures volontaires peut être aggravée, soit en


raison du résultat des violences (A), soit en raison des circonstances ayant accompagné
le délit (B), soit en raison de la qualité de la victime (C).

A. Les circonstances aggravantes tenant au résultat des violences

L’importance du dommage subi par la victime déterminera la gravité de la


faute. En effet, le législateur présume que le caractère dangereux du délinquant
détermine la brutalité de son comportement causant de graves dommages corporels
d’où la nécessité de le sanctionner en conséquence.

La gravité du dommage causé est déterminée par l’expertise requise par


l’officier de police judiciaire ou le magistrat. L’expertise déterminera l’incapacité et il
s’agit d’un arrêt d’activité et pas seulement d’un arrêt d’une activité professionnelle
rémunératrice. Ainsi, une mère au foyer sans emploi, peut justifier d’une incapacité de
travail temporaire. Cette incapacité de travail temporaire est un état provisoire qui
s’achève lorsque le médecin fixe la date de consolidation.

1. L’auteur est puni de deux (2) à dix (10) ans d’emprisonnement et d’une amende de
250.000 à 3.000.000 de francs si les violences ont eu pour conséquence :

► une infirmité permanente ;

► des mutilations ;

► une amputation ou privation de l’usage d’un membre ;

► la cécité ou perte d’un œil ;

► autres infirmités permanentes.

2. Les coups volontairement administrés peuvent donner la mort sans intention mortifère
de la part de l’agent. Il s’agit alors de l’infraction de coups mortels. C’est-à-dire, qu’il
y’a intention manifeste d’administrer le coup ; coup qui a entraîné la mort de la
victime sans intention mortifère. Il doit y avoir une relation de cause à effet entre les
violences et le décès de la victime. La mort, quel que soit le moment auquel elle
survient (immédiatement ou plus tard), doit du moins être la conséquence directe de la
31
blessure. Le lien de causalité entre le coup et la mort doit être certain et direct. C’est à
bon droit que la Cour de cassation française n’a pas retenu les coups mortels dans la
situation d’une victime de coups qui a succombé par défaillance de l’appareil de
réanimation1. Le coupable de coups mortels est puni d’un emprisonnement de 7 ans à
10 ans et d’une amende de 300.000 à 5.000.000 francs.

B. Les circonstances aggravantes tenant aux conditions dans lesquelles


l’infraction a été commise

Les coups administrés dans des circonstances de préméditation ou de guet-


apens qui ont entraîné une infirmité permanente, des mutilations, une amputation ou
privation de l’usage d’un membre, une cécité ou perte d’un œil sont punissables de
l’emprisonnement à vie (article 512-22 du Code pénal).

C. Les circonstances aggravantes tenant à la qualité de la victime

Les circonstances aggravantes en l’espèce supposent que l’auteur en posant


l’acte, connaissait la qualité de la victime et qu’il a agi en conséquence.

- la qualité d’ascendant (article 512-12 du Code pénal) :

Il est concerné ici, le père ou la mère adoptifs ou tout autre ascendant. En


plus de la volonté de porter atteinte à l’intégrité physique d’une personne, la loi a
voulu sanctionner plus sévèrement la violation du respect dû aux ascendants.
S’agissant d’un ascendant, les coups portés avec les circonstances d’aggravations ci-
dessus citées sont encore plus sévèrement sanctionnés. A titre d’exemple, les simples
violences ou voies de fait, faites à un ascendant constituent un délit et non une
contravention et sanctionnées de 2 mois à 2 ans et d’une amende de 250.000 à 600.000
francs (article 512-23 du Code pénal).

 la qualité d’enfant de moins de 15 ans accomplis (article 532-5 du Code


pénal) :

Il est pris en compte la particulière vulnérabilité de la victime qui est incapable de


se défendre et qui a besoin de protection. Outre les circonstances aggravantes déjà
énumérées, la loi prend en compte l’enfant privé d’aliments ou de soins. La loi
punit plus sévèrement les père, mère ou toute personne assurant l’autorité
parentale, auteurs de ces violences.

 la qualité de magistrat, assesseur, toute personne siégeant dans une formation


juridictionnelle, tout agent de service public (article 353-1 à 353-4 du Code pénal) :
Pour répondre efficacement aux agressions réitérées contre particulièrement
1
Crim. 8 jan. 1991, B.C. n° 14, rapporté par PRADEL Jean et DANTI-JUAN Michel, op. cit. P. 65

32
certains agents publics, la loi a prévu des peines beaucoup plus sévères. Sont
concernés, les magistrats, assesseurs, toute personne siégeant dans une formation
juridictionnelle, tout agent de service public dans l’exercice ou à l’occasion de
l’exercice des fonctions. La qualité de la victime doit être connue et motiver
l’action de l’auteur.

SECTION IV : LES MENACES ET LA MISE EN DANGER DE LA


PERSONNE D’AUTRUI (articles 521-1 et suivants du Code pénal)

Paragraphe 1 : Les menaces

Les menaces que la loi réprime sont celles dont l’objectif est de déstabiliser
psychologiquement la victime pour l’amener à agir ou à s’abstenir d’agir. Ce sont des
actes de violence morale qui troublent la victime et portent atteinte à sa liberté. Le délit
de menace est toujours intentionnel et peut viser la personne physique ou les biens.
Ainsi, la loi incrimine les menaces avec ordre de remplir une condition sous peine de
porter atteinte à la personne physique ou aux biens ainsi que les menaces de mort.

L’élément matériel qui est la menace de commettre un crime ou un délit doit pouvoir
être prouvé et le moyen utilisé importe peu. La menace doit viser une personne
déterminée ou du moins, déterminable et de nature à l’impressionner.

L’élément intentionnel s’apprécie au regard de la volonté manifeste de l’agent de


troubler la conscience de la victime. Peu importe que la menace soit juste ou injuste à
savoir servir comme moyen pour défendre un droit. La question des menaces
consistant à invoquer des puissances surnaturelles méritent attention. Il n’est pas
demandé au pénaliste d’apprécier la réalité, le sérieux ou la pertinence de la menace. Il
s’agit de prendre en compte ce que la menace produit au niveau de la victime. C’est
ainsi que la plainte d’une victime qui croit aux ‘’tinsés’’ pourra prospérer si l’agent l’a
menacé sous condition de porter atteinte à sa personne par l’effet du ‘’tinsé’’ si
toutefois elle n’accomplira pas tel acte.

La loi incrimine plusieurs sortes de menaces :

1°) menace sous condition d’une atteinte aux personnes constituant une infraction que
la loi réprime d’une peine criminelle (article 521-1 du Code pénal).

L’auteur menace de commettre une infraction qualifiée crime sur la personne de la


victime (mort, castration, CBV aggravés, viol…) si elle n’accomplit pas tel acte ou si
elle ne s’abstient pas de l’accomplir. C’est le cas d’un détenu menaçant de mort son
amie si elle ne lui écrit pas.

33
Cette infraction est utilisée efficacement par le parquet pour poursuivre les cas de
menaces de ‘’tinsé’’ ou fétiches ou les invocations de certains pouvoirs surnaturels sur
les victimes. Dès lors qu’il est vérifié que le moyen utilisé produit un choc chez la
victime, la menace est prise en compte et sanctionnée en conséquence. Exemples : si tu
exploites le terrain, j’invoque le ‘’tinsé’’ ou tels fétiches sur toi et ta descendance. Si tu
refuses de te marier à X, je te laisse avec tel fétiche. S’il est avéré que le fétiche dont il
est question est craint dans la localité et provoque chez la victime la crainte et la peur,
cela suffit pour justifier le trouble causé chez elle.

La sanction ici est une peine d’emprisonnement deux à cinq ans et d’une
amende de 2.000.000 F à 5.000.000 F.

2°) menace sous condition d’une atteinte aux personnes constituant une infraction que
la loi réprime d’une peine délictuelle (article 521-2 du Code pénal).

Est punie de 3 mois à 3 ans de prison et d’une amende de 250.000 F à


2.000.000 F, la menace sous condition de commettre une infraction qualifiée délit sur
la personne de la victime. Exemples : tu me cèdes le terrain sinon je t’insulte
publiquement ou je te gifle.

3°) menace sous condition d’une atteinte aux biens constituant une infraction que la
loi réprime d’une peine criminelle (article 521-3 du Code pénal)

Sont visés ici les biens de la victime. L’infraction que l’auteur menace de commettre
sur les biens de la victime doit être un crime et non un délit. Exemple : J’incendie ta
maison si tu me dénonces ou si tu ne quittes pas le village. La destruction d’une
habitation au moyen d’incendie est un crime. Ce délit est puni de six mois à cinq ans
de prison et d’une amende de 250.000 F à 1.000.000 de francs.

4°) menace de mort par écrit (anonyme ou signé), image, symbole ou emblème
(article 521-4 du Code pénal) ou toute forme d’expression de la mort

La loi retient les menaces de mort proférées contre une personne quelle que soit la
raison invoquée. Elle énumère les moyens utilisés et indique également toute forme
d’expression de la mort. C’est ainsi que l’envoi à une personne d’un bout de papier où
figure un cercueil ou un crâne ou encore des rayons de foudre sans aucun commentaire
constituent des menaces de mort. Ces symboles sont suffisamment parlants et ne
souffrent d’aucune interprétation. L’enquêteur ne doit pas ignorer ces menaces et il
doit les traiter en conséquence. La loi punit à titre de dissuasion d’une peine de deux à
cinq ans de prison et d’une amende de 600.000 F à 1.500.000 F.

5°) menace à l’endroit de magistrat, un officier ou un agent de police judiciaire,


un officier public ou ministériel, un auxiliaire de justice dans l’exercice ou à
34
l’occasion de l’exercice des fonctions, la peine est de deux à cinq ans
d’emprisonnement et d’une amende de 2.000.000 F à 5.000.000 F (article 521-2,
alinéa 2 du Code pénal).

6°) La même peine est prévue lorsque la menace est faite à un témoin, à une
victime, ou à toute autre personne aux fins de ne pas porter plainte, de ne pas dénoncer
des faits ou à ne pas faire de déposition ou soit en raison de la dénonciation, de la
plainte ou de la déposition.

L’objectif visé par le législateur à travers ces deux derniers points est de sanctionner
l’entrave à l’œuvre de la justice et d’encourager les acteurs et toute personne à y
contribuer.

Paragraphe 2 : La mise en danger de la personne d’autrui (articles 521-5 et 521-6


du Code pénal)

La mise en danger de la personne d’autrui s’entend de la commission d’un


quelconque acte positif qui a pour effet de mettre délibérément et directement en
danger la personne d’autrui. Ce danger consiste en des blessures ou à la mort de la
personne. Peu importe la nature de l’acte posé, il suffit qu’il soit de nature à impacter
négativement la personne d’autrui, de nature à l’exposer à la mort ou à des blessures.
Les mots ‘’exposer’’, ‘’délibérément’’ et ‘’directement’’ méritent une attention
particulière. Ce qui fait le délit n’est point le résultat mais, l’exposition à des blessures,
à la mort de manière délibérée et directe. En plus de l’acte positif de nature à
provoquer le danger, il convient de prouver également l’intention coupable de la part
de l’agent.
Constitue également le délit de mise en danger de la personne d’autrui, le fait de
l’exposer directement à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à
entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation délibérée d’une
obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.
Il revient à l’enquêteur de mettre en exergue la dangerosité de l’acte posé et ses
éventuelles conséquences.
Le délit de mise en danger de la personne d’autrui est puni d’une peine
d’emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de deux cent cinquante mille
(250 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA. En plus de la peine d’amende
prononcée contre les personnes morales reconnues coupables de mise en danger de la
personne d’autrui, les juridictions peuvent ajouter des sanctions complémentaires qui
leur sont applicables, notamment l’interdiction d’exercer l’activité qui est à l’origine
de la commission de l’infraction.
SECTION V : L’AVORTEMENT (articles 513-10 à 513-19 du Code pénal)

35
Selon le Lexique des termes juridiques, l’avortement s’entend comme « le
fait de procurer l’interruption de la grossesse d’autrui, avec ou sans son
consentement ». Il s’agit de l’expulsion prématurée volontairement provoquée, du
produit de la conception. Il est à noter que la question de l'avortement est
transdisciplinaire, du moment qu’elle relève à la fois du droit, de la morale, de la
religion, de la philosophie, de la sociologie, de la politique et, bien entendu, de la
médecine.

Jadis sévèrement sanctionné par la loi et qualifié crime, l’avortement a


bénéficié d’un adoucissement avec le temps en France 1. Des actions des mouvements
de libération prônant le désir d’émancipation de la femme aux pétitions signées par
d’illustres personnalités, on a surtout noté un revirement jurisprudentiel significatif. La
décision illustrative est celle d’un tribunal qui relaxe une adolescente qui s’est faite
avorter « en raison de contraintes d’ordre moral, familiales et sociales auxquelles elle
n’a pu résister »2. La célèbre loi du 17 janvier 1975 autorise l’avortement à la
discrétion de la mère jusqu’à la 10ème semaine. Plusieurs réformes législatives et
jurisprudences sont intervenues depuis lors pour dépénaliser l’avortement et consacrer
le principe de la licéité de l’avortement 3. Il subsiste toutefois un volet résiduel
d’incrimination appelé, interruption volontaire de grossesse qui peut être retenue
contre la personne qui fournit à la femme les moyens matériels de pratiquer une
interruption volontaire de grossesse sur elle-même4. C’est l’assistance par la fourniture
de moyens qui est punie. En aucun cas, la femme ne peut être considérée comme
complice ; elle n’est donc pas poursuivable.

Au Burkina Faso, l’avortement est malheureusement une réalité entourée


d’un tabou dont la majorité des victimes sont de jeunes filles inexpérimentées. Le taux
de la criminalité noire en la matière est très élevé. Ce n’est qu’en situation de drame
que la justice intervient et cela pour plusieurs raisons. En effet, la question est marquée
par cette loi du silence qui entoure les actes abortifs exercés dans la plus grande
clandestinité et dans des lieux immondes aux conditions psychologiques

1
Puni de la réclusion criminelle par le code pénal de 1810, l’avortement a été correctionnalisé par une loi de
1923. Un Décret-loi du 29 juillet 1939 a créé un fait justificatif en faisant disparaître la répression lorsque la
continuation de la grossesse est de nature à mettre en péril la vie de la mère.
2
Trib. Corr. Bobigny, 22 novembre 1972, Gaz. Pal, 1972.II.890
3
Cons. const., 27 juin 2001 n° 2001-446 DC, la liberté de la femme d’avorter devient, semble-t-il une exigence à
valeur constitutionnelle, fondée sur l’article 2 D.DH.C. Pour la Cour de cassation française, « l’action des
associations dont l’objet statutaire comporte la défense des droits des femmes inclue nécessairement la
défense des droits des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement ». crim 27 novembre 1996, BCN,
431, arrêt n° 1
4
L’aide à l’interruption illégale de la grossesse est punie par l’article L. 2222-4, du Code de santé publique
français de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende
36
traumatisantes à vie. Pareilles circonstances sont de nature à accroître les risques
d’infanticide, exposant également les victimes à la mort, à la stérilité et à la
stigmatisation. Dans le meilleur des cas, les services de santé parviennent à récupérer
les victimes qui malgré tout ne sont pas promptes à collaborer. Se développe
également un commerce véreux, immoral et qui enrichit intermédiaires, tradipraticiens
malhonnêtes et professionnels de la santé en quête de gain facile.

Une libération dans certaines conditions de l’acte d’avortement ne va-t-elle


pas amoindrir les risques liés à ses multiples conséquences néfastes ? La question bien
que tabou au regard des considérations sociales et religieuses semble d’intérêt. A la
différence de son collège français qui a ‘’légalisé’’ l’interruption volontaire de
grossesse, on note un léger adoucissement dans la position du législateur burkinabè.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

Ce délit comporte trois éléments que sont : l’expulsion prématurée du fœtus,


l’emploi de moyens artificiels, et l’intention coupable.

A. L’expulsion prématurée du fœtus

La loi veut essentiellement protéger contre toute manœuvre criminelle,


l’évolution normale de la grossesse. L’avortement est donc punissable quel que soit le
moment auquel il est pratiqué. Ainsi, que ce soit dans les tous premiers jours de la
conception ou dans les tous derniers jours de la grossesse, la loi incrimine.

Si les manœuvres d’avortement n’ont pas abouti à l’expulsion du fœtus, on


se trouve en présence d’une simple tentative. Mais la loi précise que la tentative est
punissable comme le délit lui-même.

Les manœuvres abortives sont punissables même si elles sont exercées sur
une femme « supposée enceinte ». Il faut toutefois du moins que l’avorteur ait cru la
femme enceinte (dans le cas contraire, il pourrait s’agir de violences volontaires).

B. L’emploi de moyens artificiels

L’avortement suppose l’emploi de moyens artificiels destinés à procurer


l’expulsion prématurée du fœtus.

Peu importe la nature des moyens employés (artificiels, mécaniques,


chimiques…) et cela par l’absorption d’aliments, par breuvage ou au moyen de
médicaments ou d’interventions. En cas d’inefficacité des moyens employés, on
retiendra la tentative. En effet, l’insuffisance ou l’inefficacité des moyens employés
est, dans les termes mêmes de l’article 122-1 du Code pénal « la circonstance
indépendante de la volonté de leur auteur » qui a fait manquer son effet à l’acte.
37
C. L’intention coupable

Le délit d’avortement suppose l’intention coupable. L’auteur des manœuvres


abortives a dû agir sciemment dans le dessein de provoquer un avortement. L’intention
existe alors même que « le but recherché ne pouvait être atteint en raison de
circonstances ignorées de l'auteur ». Il n’y aurait pas délit d’avortement, si l’expulsion
du fœtus est provoquée par les coups administrés.

Paragraphe 2. Les divers cas de participation au délit d’avortement

A. L’avortement effectué par l’auteur principal

Celui qui exerce des manœuvres sur une femme enceinte ou supposée, est
auteur principal du délit d’avortement, que la femme soit consentante ou pas. Il
encourt les peines d’emprisonnement de un (1) à cinq (5) ans et une amende de
1.000.000 F à 3.000.000 F.

La peine d’emprisonnement est de cinq ans à dix ans et l’amende de deux


millions (2 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA si l’auteur se livrait
habituellement à de tels actes. La loi sanctionne beaucoup plus la répétition et la
professionnalisation dans l’interdit.

Si la mort en est résultée, la peine est un emprisonnement de onze (11) ans à


vingt (20) ans et d’une amende de 5.000.000 F à 10.000.000 de F. Dans pareille
situation, la peine est l’emprisonnement à vie si l’auteur se livrait habituellement à de
tels actes.

La juridiction saisie peut en outre prononcer l’interdiction professionnelle et


ou l’interdiction de séjour pour une durée qui ne peut excéder cinq (5) ans.

La personne qui contrevient à l’interdiction d’exercer sa profession


prononcée dans ces conditions est punie d’une peine d’emprisonnement de six mois à
deux ans et d’une amende de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de
francs (article 513-11 du Code pénal).

B. Les complices

Aux termes de l’article 131-4 du Code pénal, les complices sont ceux qui
sans avoir pris activement part à l’avortement, ont provoqué l’action ou donné
sciemment des instruments pour la commettre, ou procuré les moyens qui ont servi à la
perpétrer, ou encore en connaissance de cause, aidé ou facilité les auteurs de
l’infraction dans les faits qui l’ont préparé. Conformément à l’article 131-5 du Code
pénal, les complices sont punis dans les mêmes conditions que les auteurs principaux.

38
Paragraphe 3 : L’interruption volontaire de la grossesse (IVG)

L’interruption volontaire de la grossesse qui s’entend comme le fait


d’expulser volontairement le fœtus peut être illégale ou légale.

1. L’interruption illégale de la grossesse est punie d’une peine


d’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 250.000 frs à 1.500.000
frcs (article 513-12 du Code pénal). La tentative est punie des mêmes peines. Cette
infraction vise principalement la femme qui interrompt volontairement sa grossesse
hors les cas prévus par la loi ainsi que les personnes complices.

2. L’interruption légale de la grossesse ou avortement thérapeutique

L’Etat veille à promotion de la santé maternelle et infantile qui s’entend comme


l’état de bien-être complet physique, mental et social de la femme en grossesse, de la
mère et de l’enfant. La santé maternelle et infantile vise la réduction de la morbidité et
de la mortalité maternelles et infantiles ainsi qu’à promouvoir la santé de la
reproduction, le développement physique et psychosocial de l’enfant dans le cadre de
la famille. Pour atteindre cet objectif, l’Etat est amené à prendre certaines mesures qui
ne résistent pas à la critique au regard des considérations sociales et religieuses. Ainsi,
de la conception de la grossesse à la délivrance, plusieurs situations aux conséquences
graves peuvent subvenir mettant en péril la vie de la mère ou celle de l’enfant. Pour ce
faire, le législateur a autorisé l’interruption de la grossesse sous certaines conditions.
- La santé de la mère et celle de l’enfant (article 513-13 du Code
pénal) : A tout âge gestationnel, l’interruption de la grossesse peut être pratiquée si
après examen, il est attesté par un médecin que le maintien de la grossesse met en péril
la santé de la mère ou qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint
d’une maladie ou d’une infirmité d’une particulière gravité reconnue comme incurable
au moment du diagnostic.

A la différence de l’ancien code pénal (article 387 du Code pénal de 1996)


qui exigeait l’avis de deux médecins dont l’un exerce dans le public, le législateur de
2018 n’exige que la décision d’un seul médecin qu’il soit du public ou du privé. Il faut
rappeler que le Code de Santé publique en vigueur (Loi n° 23/94/ADP du 19 mai
1994) autorisait l’avortement thérapeutique, c'est-à-dire, celui provoqué dans le but de
sauver la vie d’une mère menacée par la poursuite d’une grossesse, sous certaines
conditions. En plus du constat du médecin traitant, il fallait nécessairement la
confirmation de deux autres médecins qui dressent procès-verbal. On note alors en
quelques décennies, un assouplissement des conditions de l’avortement thérapeutique.
S’achemine-t-on vers la libéralisation de l’avortement tel qu’il dans certains pays ?
Pour le moment, notre législation exige qu’il soit attesté par examen soit que la
grossesse est de nature à mettre en péril la santé de la mère ou que l’enfant à naître
sera exposé à une maladie ou à une infirmité d’une particulière gravité incurable.
39
 La situation de détresse (article 513-14) : L’IVG peut être
pratiquée à la demande de la mère, en cas de détresse causée par un viol ou un inceste.
Il appartient au ministère public d’établir la matérialité de la détresse. Ce n’est
qu’après ce constat que le médecin peut interrompre la grossesse dans les quatorze
premières semaines.

Il est exigé une condition de détresse qui doit être établie par le ministère public
et ce, après une enquête. Le viol et l’inceste étant punis par la loi, le législateur a voulu
protéger la mère et surtout, l’avenir d’un enfant qui va naître dans ces conditions
sociales et psychologiques.

Au-delà de la quatorzième semaine, la grossesse est censée avoir atteint un


niveau d’évolution et le fœtus jugé suffisamment formé. Il ne peut donc y avoir
d’interruption après ce délai. L’ancien code pénal fixe la durée de la grossesse à dix
semaines. On note également un assouplissement des conditions de l’interruption
volontaire de grossesse en ce sens que le délai a augmenté de quatre semaines. Il faut
rappeler que l’intervention se fait à la demande de la mère et non du ministère public
ou d’autorité par le médecin. En cas de minorité de la mère, la demande est formulée
par la ou les personnes qui assurent l’autorité parentale.

L’article 94 du Code de Santé publique 1 punit d’un emprisonnement de trois (3)


mois à deux (2) ans et d’une amende de cent mille (100 000) à un million (1 000 000)
de francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, tout médecin qui aura dressé
un certificat médical de complaisance pour un avortement thérapeutique ou qui serait
complice d’un tel acte.

Paragraphe 4 : L’incitation à l’avortement

L’avortement étant puni par la loi, il est tout à fait logique que le législateur
incrimine le fait d’inciter par quelque moyen que ce soit, une personne à commettre
cette infraction. Ainsi, l’article 513-15 punit de deux mois à deux ans et d’une amende
de un million (1.000.000) à deux millions (2.000.000) de francs, toute personne qui
incite à l’avortement par tout moyen de diffusion ou de publicité.

Les juridictions prononcent dans tous les cas, la confiscation des objets,
substances, instruments, remèdes saisis. Ils peuvent en outre prononcer à l’égard du
condamné, l’interdiction d’exercer la profession à l’occasion de laquelle, le délit a été
commis. Est puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de un
million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs (article 513-17 du Code
pénal), quiconque contrevient à l’interdiction ci-dessus prononcée.

1
Loi n° 23/94/ADP du 19 mai 1994 portant Code de Santé publique
40
Paragraphe 5 : la non dénonciation de faits d’avortement et les obstacles à la
dénonciation de faits d’avortement (article 513-18 et 513-19 du Code pénal)

Relativement à la non dénonciation de faits d’avortement, sont concernés les


personnes qui à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ont connaissance de l’une
des infractions en matière d’avortement ou d’IVG et n’en informent pas les autorités
judiciaires ou administratives compétentes. Les coupables sont punis d’une peine
d’emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende de 300.000 francs. Au-
delà de l’obligation faite à toute autorité constituée qui a connaissance d’une infraction
de donner avis au Procureur du Faso, cette infraction spécifique de non dénonciation
concerne les faits d’avortement ou assimilés découverts dans l’exercice des fonctions.
Sont principalement visés, le personnel médical ou paramédical qui à l’occasion de
l’exercice des fonctions constate régulièrement des cas d’avortement. Le personnel
enseignant de par sa proximité avec les jeunes filles est également porté à faire certains
constats.

Est puni d’une peine d’emprisonnement de deux ans à cinq ans et d’une
amende de 2.000.000 de francs à 5.000.000 de francs, celui qui par des menaces de
représailles, fait obstacle à une dénonciation de la part des personnes concernées ci-
dessus. L’intention de faire échec à la dénonciation doit être manifeste à travers les
menaces de représailles qui peuvent revêtir plusieurs formes. Sont particulièrement
visés ici, les proches parents ou amis de la femme, les auteurs de l’avortement et toute
personne intéressée par la clandestinité de l’acte. En même temps que le législateur
réprime l’acte de menaces, on note avec intérêt la forte mesure de protection légale de
la personne qui a connaissance d’un cas d’avortement à l’occasion de l’exercice de ses
fonctions. Cette protection devrait stimuler les cas de dénonciations.

SECTION VI : LES VIOLENCES SEXUELLES ET LES ATTEINTES A LA


PUDEUR

Paragraphe 1 : Le viol (articles 533-10 à 533-14 du Code pénal)

Selon l’article 533-10 du Code pénal constitue un viol, tout acte de


pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par
violence, contrainte, menace ou surprise. Ainsi, le viol peut être appréhendé sous
plusieurs angles. D’un côté, la dimension familiale ou sociale qui met à nue une
offense à toute une famille manifestée par l’opprobre qui en résulte. Un certain tabou
entoure le viol et le plus souvent, la victime vit en marge de la société qui voit en elle
la personne qui est responsable de sa situation et qui ne présente aucune séquelle.
Ainsi, les conséquences sociales et médicales qui en découlent sont terribles du
moment où la victime peut tomber enceinte ou être atteinte d’une maladie très grave. Il

41
est également pris en compte l’aspect psychique de la meurtrissure infligée à une
personne et résultant d’une atteinte à sa dignité d’homme.

A. Les éléments constitutifs

1. 1. L’acte matériel

 L’acte de pénétration : Le viol est caractérisé par l’acte de pénétration sexuelle de


quelque nature qu’il soit. Ainsi les actes de fellation ou de sodomie imposés sont
des actes de pénétration. Peu importe le sexe de la victime ; peu importe la nature
de l’objet pénétrant, membre viril ou autre objet.

Etant un acte de pénétration impudique qui porte atteinte à la liberté sexuelle


de l’Homme, la victime doit être un être humain vivant car le viol d’un cadavre
constitue une violation de sépulture.

Peut-il y avoir viol entre mari et femme ? Affirmatif, pouvons-nous répondre


car la base d’une relation sexuelle se situe au niveau du consentement. On ne saurait
parler de présomption de consentement aux relations sexuelles du fait du mariage ou
de la vie de concubins. Le viol entre mari et femme et concubins et spécialement réglé
par l’article 533-12 du Code pénal. Le viol commis de manière répétitive sur un (e)
partenaire intime et habituel avec qui on entretient des relations sexuelles stables et
continues est puni d’une amende de 250.000 à 600.000 francs. La même peine est
appliquée lorsque la (le) partenaire est dans une incapacité physique quelconque
d’accomplir une relation sexuelle.

Dans la perspective de maintenir les liens familiaux, le législateur n’a prévu


qu’une peine d’amende relativement légère. La peine de prison est exclue dans ce cas,
ce qui facilite la reprise de la vie conjugale.

Un homme qui entraîne sa femme dans un lieu désert et entretient des


rapports sexuels avec elle est coupable de viol avec violence 1. Le mariage ne donne
pas un blanc-seing à l’acte sexuel. Le (la) partenaire doit consentir à l’acte sous peine
de poursuite pour viol.

 L’acte de contrainte, menaces, violence, menaces ou surprise ou


l’absence de consentement de la victime : La violence est l’essence même du
viol. Elle peut se traduire par une violence physique ou par une violence morale ou par
pures menaces. Il peut s’agir aussi d’une contrainte par abus d’autorité ou encore une
surprise.

1
Cf Tribunal de Grenoble, 4 juin 1990 – Dalloz 1990 – p. 154
42
C’est l’absence de consentement qui constitue en fait la contrainte. C’est
ainsi qu’un consentement donné par crainte ou sous l’effet de la violence ne fait pas
disparaître l’infraction si, à l’origine, il n’y avait pas consentement.

2. L’intention coupable

Elle consiste dans l’intention d’agir contre le consentement de la victime. La


difficulté subsiste si la victime reste passive et subit toutes les étapes de l’acte sans
réagir. La jurisprudence reste assez protectrice des victimes sur ce point car elle estime
que dans certaines situations, un trouble, un choc peut empêcher la victime de réagir
physiquement. Un quelconque handicap peut également justifier cette passivité. Mais
il n’y a pas d’intention coupable lorsque le comportement même de la victime a pu
faire croire qu’elle était consentante. D’où l’importance d’analyser sereinement le
comportement de la victime en vue d’éviter les plaintes fallacieuses et les règlements
de compte.

B. La répression

Au regard de sa gravité, la loi punit le viol d’une peine emprisonnement de


sept (7) à dix (10) ans et d’une amende de 600.000 francs à 2.000.000 de francs. La loi
prévoit cependant des causes d’aggravation dans un certain nombre de circonstances.
En effet, plus d’une dizaine de cas de viol sont répertoriés et sévèrement sanctionnés
au regard de la particularité de leur gravité.

Une peine de 11 à 21 ans et d’une amende de 1.000.000 de francs à


3.000.000 de francs est prévue lorsque le viol est commis dans les circonstances
suivantes (article 533-11 du code pénal) :

 lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la
victime une autorité de droit ou de fait ;
 lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses
fonctions ;
 lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de
complices ;
 lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme ;
 lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation,
pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau
de communication électronique ;

43
 lorsqu'il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur
d'autres victimes ;
 lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
 lorsqu’il est commis sur un mineur âgé de treize à quinze ans au plus ;
 lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son
âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un
état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ;
 lorsqu'il est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous
l'emprise manifeste de produits stupéfiants.

Le viol est puni d’un emprisonnement de onze (11) à trente (30) ans et d’une
amende de 3.000.000 à 10.000.000 de francs lorsqu’il est commis sur une personne
mineure de treize (13) ans de l’un ou de l’autre sexe.

La tentative de viol est sanctionnée au même titre que l’infraction elle-


même.

Au regard de l’actualité dans le milieu scolaire qui est marquée par les
grossesses précoces et la responsabilité de certains encadreurs dans de tels faits, le
législateur a prévu une incrimination spéciale. En effet, l’article 533-14 du Code pénal
punit de 5 à 10 ans et d’une amende de 900.000 à 5.000.000 francs, le personnel de
l’enseignement ou de tout système éducatif qui a une relation sexuelle avec un élève,
un apprenti ou un stagiaire mineur de l’un ou de l’autre sexe.

S’il en est résulté une grossesse, la peine est de 7 ans à 10 ans et d’une amende
d 3.000.000 à 6.000.000 de francs. La peine complémentaire d’interdiction d’exercer
la profession d’enseignant ou de membre du système éducatif pour une période qui ne
peut excéder 5 ans pourra être prononcée.

Paragraphe 2. Le délit d’adultère (article 533-15 à 533-17 du Code pénal)

Aux termes de l’article 533-15 du Code pénal, constitue le délit d’adultère le


fait pour une personne mariée d’avoir des relations sexuelles avec une personne autre
que son conjoint.

La personne convaincue d’adultère est punie d’une amende de 250.000


francs à 600.000 francs. Il faut noter que la peine de l’adultère a été adoucie en ce sens
que l’ancien Code pénal punissait cette infraction d’une peine emprisonnement de
deux (2) à six (6) mois et d’une amende de 50.000 F à 150.000 F ou de l’une de ces

44
deux (2) peines seulement. Le législateur n’a gardé que la peine d’amende tout en
relevant son quantum.

Les poursuites ne peuvent être engagées que sur plainte du conjoint et le


retrait de la plainte met fin aux poursuites exercées contre le conjoint adultère et son
complice.

De même, tout retrait de plainte survenue postérieurement à une


condamnation devenue définitive, arrête les effets de cette condamnation tant à l’égard
du conjoint adultère que de son complice.

Contrairement au droit commun des infractions dont la preuve est librement


administrée et appelle l’intime conviction du juge, les mécanismes de la preuve de
l’adultère sont déterminés par la loi. En effet, la preuve de l'adultère se fait soit par
constat d'huissier, soit par procès-verbal de flagrant délit dressé par un officier de
police judiciaire, soit par l'aveu relaté dans des lettres, correspondances ou documents
émanant du prévenu ou de son complice ou par l'aveu judiciaire. Il convient toutefois
de rappeler qu’en procédure de divorce, le droit civil n’admet pas les preuves de
l’adultère obtenues par la violence ou par la fraude. De nos jours, l’adultère est
rarement poursuivi dans nos juridictions. On constate toutefois que le conjoint
plaignant recherche non pas une sanction du mis en cause, mais une preuve pour
poursuivre une procédure de divorce déjà entamée.

En France, l’infidélité conjugale n’est plus une infraction depuis la loi n° 75-
617 du 11 juillet 1975. Les partisans de la dépénalisation de l’adultère ont eu raison
des conservateurs qui invoquaient un certain nombre de raisons pour justifier son
maintien.

Auparavant, l’adultère de la femme était sanctionné plus sévèrement que


celui du mari qui d’ailleurs n’était constitué que si ce dernier entretenait une concubine
dans le domicile conjugal. Cette sévérité s’expliquerait par le fait que l’adultère de la
femme était socialement plus dangereux que celui du mari parce qu’il risquait de
perturber la vérité des filiations1.

Paragraphe 3. Le délit d’inceste

Selon l’article 533-18 du Code pénal, constitue le délit d’inceste, le fait


d’avoir des rapports sexuels avec ses ascendants ou descendants sans limite de degré
ou avec une sœur ou un frère germains, consanguins ou utérins. A l’exception des cas
de concubinage notoire ou de mariage incestueux, les poursuites ne peuvent être
engagées que sur la plainte d’un parent et uniquement contre la ou les personnes
désignées dans la plainte.
1
J. PRADEL, M. DANTI-JUAN, op. cit. p. 372
45
Les éléments importants à établir dans cette infraction sont la preuve des
rapports sexuels et la réalité du lien de parenté.

Le délit d’inceste est puni d’un emprisonnement de (1) à cinq (5) ans et
d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 de francs.

En droit français, l’inceste en tant qu’infraction n’existe que si les relations


sexuelles sont suivies de violences, contrainte, surprise ou de minorité. Les relations
entre ascendants et descendants, frères et sœurs ne sont pas incriminées1.

Paragraphe 4. L’attentat à la pudeur (article 533-2 à 533-8 du Code pénal)

L’article 533-2 du Code pénal définit l’attentat à la pudeur comme étant tout
acte de nature sexuelle, contraire aux bonnes mœurs, exercé directement et
intentionnellement sur un mineur ou sur un adulte avec ou sans violence, contrainte ou
surprise.

Le Lexique des termes juridiques définit les bonnes mœurs comme des « règles
imposées par la morale sociale à une époque donnée et dont la violation,
éventuellement constitutive d’infractions pénales, est susceptible de provoquer
l’annulation d’une convention »2. Les bonnes mœurs qui constituent la référence pour
cette infraction est de nature changeante et il revient par conséquent au juge d’y mettre
un contenu.

A. Les éléments constitutifs

Il doit s’agir d’un acte de nature sexuelle, impudique exercé sur une
personne ou tout acte contraire aux bonnes mœurs exercé sur une personne de l’un ou
l’autre sexe. Il faut qu’il y ait une atteinte corporelle : attouchement ou geste
impudique, par exemple relever la jupe. Il est important de faire ressortir le caractère
immoral et choquant de l’acte. Pour les victimes majeures, la preuve de la violence, de
la contrainte ou de la surprise doit être apportée. Il n’y a pas d’attentat à la pudeur si
les actes (quel que soit leur caractère impudique) sont exercés sur un adulte
consentant.

Relativement à la victime mineure, il n’est pas exigé la condition de


violence, contrainte ou de surprise. Seule la situation de minorité doit être prouvée de
telle sorte que l’erreur sur l’âge de la victime ne constitue pas une cause d’impunité.
L’attentat à la pudeur exige pour être caractérisé, une intention criminelle chez
l’auteur. Cette intention consiste en la connaissance que l’agent a du caractère immoral

1
M. VERON, droit pénal spécial, op.cit., p. 182

2
Lexique des termes juridiques, 25ème édition, 2017-2018, Dalloz, 2017, p.
46
ou choquant de l’acte qu’il accomplit ou la conscience d’attenter à la personne d’un
mineur. Le consentement de la victime mineure importe peu. Mais l’attouchement
effectué par un professionnel selon les règles de son art, exclut l’infraction.

Il faut rappeler que la tentative d’attentat à la pudeur est punissable

B. Les pénalités (article 533-3 et suivants du Code pénal)

Les sanctions de l’attentat à la pudeur varient selon l’âge de la victime, la


qualité de l’auteur et l’usage de la contrainte, violence et surprise. Dans certaines
situations, le législateur aggrave la sanction et en fait de l’attentat à la pudeur, un
crime.

 Victime majeure :

° L’attentat à la pudeur commis par violence, contrainte ou surprise contre


une personne de l’un ou de l’autre sexe est puni d’une peine d’emprisonnement de
un (1) à trois (3) ans et d’une amende de 500.000 à 1.000.000 de francs ;

° L’attentat à la pudeur commis par violence, contrainte ou surprise contre


un adulte de l’un ou de l’autre sexe par une personne qui a autorité sur la victime
ou si elle a abusé de l’autorité que lui confère sa fonction ou si elle a agi en
réunion, est puni d’une peine d’emprisonnement de un (1) à trois (3) ans et d’une
amende de 500.000 à 1.000.000 de francs ;

 Victime Mineure :

° attentat à la pudeur commis sans violence, ni contrainte, ni surprise :

La peine est de un (1) à sept (7) ans d’emprisonnement et d’une amende de


500.000 à 1.000.000 de francs si la victime est mineure de moins de 13 ans de l’un ou
l’autre sexe.

Si l’auteur est un ascendant du mineur de treize (13) ans ou s’il est de ceux
qui ont autorité que lui confère sa fonction ou s’il a agi en réunion, la peine est un
emprisonnement de sept (7) à dix (10) ans et d’une amende de 1.000.000 à 3.000.000
de francs.

Si la victime est un mineur de âgé 13 à 15 ans de l’un ou de l’autre sexe, la


peine est de un (1) an à cinq (5) d’emprisonnement et d’une amende de 500.000 à
1.000.000 de francs.

Si la victime est un mineur âgé de plus de 15 ans et moins de 18 ans de l’un


ou l’autre sexe, l’auteur est puni d’une peine d’emprisonnement de six (6) mois à cinq
(5) ans et d’une amende de 250.000 à 600.000 francs.
47
Si l’auteur des actes commis sur un mineur de plus de 13 ans et de moins de
18 ans est son ascendant ou s’il est de ceux qui ont autorité que lui confère sa fonction
ou s’il a agi en réunion, la peine est un emprisonnement de quatre (4) ans à dix (10)
ans et d’une amende de 1.000.000 à 3.000.000 de francs.

° attentat à la pudeur commis ou tenté avec violence, contrainte, ou


surprise :

La peine est de trois (3) ans à dix (10) ans d’emprisonnement et d’une
amende de 500.000 à 1.000.000 de francs si la victime est mineure de moins de 13 ans
de l’un ou l’autre sexe.

Si l’auteur est un ascendant du mineur de moins de treize (13) ans ou s’il est
de ceux qui ont autorité que lui confère sa fonction ou s’il a agi en réunion, la peine est
un emprisonnement de onze (11) ans à vingt (21) ans et d’une amende de 1.000.000 à
3.000.000 de francs.

Si la victime est un mineur âgé de treize (13) à quinze (15) ans de l’un ou de
l’autre sexe, la peine est de deux (2) ans à dix (10) ans d’emprisonnement et d’une
amende de 500.000 à 1.000.000 de francs.

Si la victime est un mineur âgé de plus de 15 ans et de moins de 18 ans de


l’un ou l’autre sexe, l’auteur est puni d’une peine d’emprisonnement de un (1) an à dix
(10) ans et d’une amende de 1.000.000 à 3.000.000 francs.

Si l’auteur des actes commis sur un mineur de plus de quinze (15) ans et de
moins de (18) ans est son ascendant ou s’il est de ceux qui ont autorité que lui confère
sa fonction ou s’il a agi en réunion, la peine est un emprisonnement de onze (11) ans à
trente (30) ans et d’une amende de 3.000.000 à 10.000.000 de francs.

Paragraphe 5 : L’outrage public à la pudeur (article 533-1 du Code pénal)

Constitue un outrage public à la pudeur, toute exhibition sexuelle ou tout


acte intentionnel contraire aux bonnes mœurs commis publiquement ou dans un lieu
privé accessible au regard du public et susceptible d’offenser la pudeur et le sentiment
moral des personnes qui en sont les témoins involontaires.

Cette infraction a évolué en France et revêt présentement une portée limitée.


Elle se limite uniquement à l’aspect exhibition sexuelle et est qualifiée
d’exhibitionnisme sexuel. La dimension ‘’contraire aux bonnes mœurs’’ a été
purement et simplement occultée.

A. Les éléments constitutifs

48
1. L’acte scandaleux

Il suppose un fait matériel qui est l’exhibition sexuelle ou l’acte contraire


aux bonnes mœurs. Il ne s’agit pas d’attenter au corps d’une personne, mais de la
choquer par une exhibition de nature sexuelle scandaleuse. Des paroles, des chants ou
des écrits ne constituent pas un acte. Par contre, le fait de s’exhiber même sans bouger
est incriminé. L’acte doit être scandaleux, choquant et de nature sexuelle. L’exhibition
des parties sexuelles ou des gestes impudiques ou obscènes est par conséquent
incriminée. L’acte impudique peut résulter d’un acte indécent commis sur autrui ou sur
soit même. C’est ainsi qu’uriner en public est un acte outrageant et impudique. Cette
infraction sanctionne une forme d’agression sexuelle dont sont victimes des témoins
involontaires.1

2. La publicité de l’acte

Pour qu’il soit scandaleux, l’acte doit pouvoir être vu ; c’est le cas des actes
commis dans la rue, les bois, les jardins, espaces publics. Il s’agit d’une publicité dite
absolue ou permanente dans un lieu où le public peut avoir accès à tout moment. Ces
lieux sont les lieux publics par nature. Il en est ainsi des restaurants, cafés, cinés,
musés, églises etc… Il est donc nécessaire de constater que l’acte a été commis à un
moment où le public était admis à pénétrer dans le lieu. Il en est de même des lieux
privés où le public n’est admis que par moment. Ex : un véhicule de transport en
commun.

S’il s’agit d’un véhicule privé, il convient de rechercher si des tiers peuvent
voir l’acte normalement sans qu’il soit nécessaire de s’aider d’un subterfuge pour
regarder ce qui se passe dans le lieu privé. Il n’y a pas d’infraction s’il est établi que
les témoins ont recherché le spectacle en fournissant des efforts pour en avoir accès.

Il convient toutefois de relativiser certaines situations car un certain


habillement peut être toléré dans des espaces comme les boîtes de nuit, les piscines ou
les plages et choqué en certains lieux tels les marchés, les lieux de culte… Il appartient
au juge du fond d’apprécier souverainement l’état des bonnes mœurs qui varient dans
l’espace et dans le temps.

3. L’intention coupable

L’auteur doit avoir eu l’intention de froisser la pudeur publique. Une simple


faute, une négligence dans l’habillement ou les actes posés peut constituer cette
intention. L’intention coupable peut découler du comportement de la personne. Ce qui
a permis de dire que l’intention n’était pas nécessaire pour qu’il y ait le délit d’outrage
public à la pudeur.
1
M. VERON, Droit pénal spécial, op. cit. p. 54
49
B. La répression

Le délit d’outrage public à la pudeur est puni d’une peine d’emprisonnement


de trois (3) mois à deux (2) ans et d’une amende de 250.000 F à 2.000.000 F. Sa
tentative est punissable.

Paragraphe : La stimulation des passions d’autrui

A. La prostitution

Le commerce de la chair, au grand damne des bonnes mœurs a atteint le seuil


critique dans nos villes et nos compagnes. Il présente toutefois des formes différentes
et concerne de plus en plus des nationales adolescentes qui ne gênent plus à se montrer
publiquement. Aussi, des moyens modernes tels les motocyclettes et les réseaux
sociaux sont mis à contribution pour assurer la mobilité et atteindre le maximum de
clients.

Ainsi au nom de la crise économique, la prostitution, qu’on dit être le plus


vieux métier du monde, semble être une activité légale. Personne ne semble choquée
que de jeunes filles aux abords des services publics arborant des tenues légères
interpellent et même pourchassent des hommes pour offrir leurs prestations sexuelles.
Il n’est donc pas excessif de dire que ces déviations et pratiques sexuelles interpellent
les différents acteurs de la société.

La prostitution être définie par l’article 533-20, alinéa 1 du Code pénal


comme étant le fait pour une personne de l’un ou l’autre sexe de se livrer
habituellement à des actes sexuels avec autrui moyennant rémunération.

Doit-on la réprimer ? L’admettre tout simplement ou la réglementer ?

Mais comment appréhender ce comportement si l’on ne veut pas laisser


subsister un marché parallèle et comment ne pas porter atteinte alors à la liberté
individuelle ? Dans la mesure où toute personne majeure est libre de se conduire
comme elle l’entend dès l’instant où elle ne nuit pas à autrui ?

La prostitution doit être analysée sous un angle médical et social. Il convient


donc de prévenir la prostitution en assurant le redressement de la prostituée et d’éviter
la prolifération des maladies sexuellement transmissibles et le sida.

La prostitution en tant que fait social n’est pas pénalement punie.

Toutefois, l’article 533-20, alinéa 2, du Code pénal punit d’une amende de


250.000 à 600.000 francs et d’un emprisonnement de un mois à 3 mois, le fait par tout
moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au

50
racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une
rémunération ou d’une promesse de rémunération. Cette infraction suppose un certain
nombre de conditions qui sont :

- le racolage public qui nécessite que la personne se positionne à un lieu


public ou en un lieu ouvert au public pour interpeller, inviter ou simplement attirer
l’attention de ses cibles. La loi a évolué en admettant ‘’par tout moyen, y compris
par une attitude passive’’. Le simple regard suggestif peut suffire à établir cette
volonté. Avec l’usage des TIC, le racolage public peut se traduire par le fait de
rechercher au moyen des réseaux sociaux, des partenaires en mettant en exergue, le
physique.

- l’incitation à des relations sexuelles : Cette incitation peut être ouverte ou


simplement voilée et toutes les formes de relations sexuelles sont concernées.

- la rémunération ou la promesse de rémunération : La contrepartie


recherchée doit être une rémunération ou une promesse de rémunération. Cette
rémunération qui peut être en promesse peut également être en espèce ou en nature
(téléphone portable, crédits de communication, bons de carburant ou autres).

La tentative de prostitution avec racolage est punissable.

B. La corruption de la jeunesse (article 533-19 du Code pénal)

La corruption de la jeunesse ou l’incitation de mineurs à la débauche est le


fait pour une personne, de manière habituelle, d’inciter à la débauche ou de favoriser
la corruption de mineurs de 13 à 18 ans de l’un ou de l’autre sexe.

L’article 422 de l’ancien Code pénal qui incrimine ce comportement


sanctionne la corruption de manière occasionnelle du mineur de moins de 13 ans. Il
nous semble que l’actuel Code pénal comporte une erreur car il retient le mineur de
moins de 18 ans, au lieu de 13 ans. Nous retenons simplement que si la loi sanctionne
la corruption du mineur de 13 à 18 ans, il va de soi que celle du mineur de moins de 13
soit également sanctionnée.

L’acte matériel qui favorise la débauche du mineur doit être établi et ce, de
manière habituelle. Il s’agit de n’importe quel acte ou conduite tendant à soumettre le
mineur à la débauche, à favoriser cette débauche. L’objectif visé est la satisfaction de
la passion d’autrui.

L’intention coupable se déduit du comportement de l’auteur. L’erreur sur


l’âge de la victime ne saurait être invoquée pour échapper aux poursuites.

51
L’incitation du mineur à la débauche ou la corruption de mineur est punie
d’une peine d’emprisonnement de 2 ans à 5 ans et d’une amende de 1.500.000 à
5.000.000 francs. La tentative est punissable.

C. Le proxénétisme et les infractions assimilées (article 533-22 à 533-30 du Code


pénal)

Le proxénétisme est un comportement incriminé par la loi qui a un lien étroit


avec la prostitution. En profitant ou en entretenant la débauche d’autrui, le proxénète
va faire travailler pour son compte la prostituée, ou contraindre une personne à faire le
commerce du sexe. Sur le plan international on a pu parler d’une traite d’êtres humains
au regard des questions morales, de l’assujettissement ou de la contrainte.

Le proxénète

Est qualifié proxénète, celui qui :

 d’une manière quelconque aide, assiste ou protège sciemment la prostitution d’autrui


ou le racolage en vue de la prostitution. Il importe peu que l’aide soit onéreuse ou
bénévole ;

 sous une forme quelconque, partage les produits de la prostitution ou reçoit des
subsides de prostitution. Exemple : du mari dépendant de l’argent de sa femme qui se
livre à la prostitution ;

 sciemment vit en concubinage avec une prostituée. « Vivre avec », c’est partager la vie
intime de la prostituée et non pas seulement cohabiter. Ainsi, les enfants de la
prostituée ne vivent pas avec ;

 étant en relation habituelle avec des prostituées ne peut justifier de ressources


correspondant à son train de vie. Exemple : faire embaucher une personne par la
tenancière d’une maison de tolérance ;

 fait office d’intermédiaire entre les prostituées et ceux qui les exploitent ;

Exemple : l’organisation d’un réseau de call-girls ou de spectacle pornographique qui


ne sont payants que par des hommes.

 entrave l’action de prévention, de contrôle, d’assistance, de rééducation d’organismes


qualifiés au profit de personnes se livrant à la prostitution

Au regard de la gravité de ce comportement immoral qui non seulement se


base sur le commerce du sexe, mais aussi et surtout exploite injustement des personnes
humaines, la loi a prévu de lourdes sanctions. Le proxénétisme est puni d’une peine

52
d’emprisonnement de 3 ans à 10 ans et d’une amende de 1.000.000 à 6.000.000 de
francs.

1. Le proxénétisme hôtelier (article 533-27 du Code pénal)

Est concernée, la personne qui met des locaux pour permettre la prostitution
d’autrui. Il peut s’agir :

 d’un établissement de prostitution, qualifié de maison de tolérance, c’est-à-dire un


local où est exploitée la prostitution d’autrui ;

 d’un établissement ouvert au public en tant qu’hôtel, débit de boisson, restaurant,


pension, maison des hôtes, auberge, club, dancing, etc… lorsque le propriétaire, le
préposé y tolère la présence de prostituées, y recherchant leur clientèle ou y exerçant.

Qu’en est-il de la tenancière d’un bar qui de temps en temps a des rapports
sexuels avec des clients dans son établissement ? La tenancière d’un bar qui a des
rapports sexuels avec des clients dans son établissement, n’est pas concernée puisque
c’est elle qui se prostitue.

La peine est un emprisonnement de 2 ans à 5 ans et une amende de


1.500.000 à 5.000.000 de francs. Il est en outre obligatoirement ordonné le retrait de la
licence autorisant l’ouverture de l’établissement. La fermeture temporaire ou définitive
de l’établissement pourra être prononcée.

2. Le proxénétisme immobilier (article 533-26 du Code pénal)

Il s’agit ici de l’utilisation d’un lieu non ouvert au public à des fins de
prostitution d’autrui. Ainsi sont concernés, le fait :

 de détenir, gérer, exploiter, diriger, faire fonctionner, financer ou contribuer à


financer un établissement de prostitution ;

 de vendre ou de tenir à la disposition d'une ou de plusieurs personnes des locaux ou


emplacements non utilisés par le public, en sachant qu'elles s'y livreront à la
prostitution ;

 de vendre, de louer ou de tenir à la disposition, de quelque manière que ce soit,


d'une ou plusieurs personnes, des véhicules de toute nature en sachant qu'elles s'y
livreront à la prostitution.

L’infraction n’existe que si le vendeur ou le bailleur sait que le local sera


utilisé pour la prostitution ou si, informé de cet état, il continue à mettre le local à
disposition. Une personne, propriétaire d’un appartement, ne commet pas l’infraction,
si, elle s’y livre à la prostitution. L’infraction concerne l’aide à autrui.
53
Ces comportements sont passibles de la peine d’emprisonnement de cinq ans à
dix ans et d’une amende de trois millions (3 000 000) à dix millions (10 000 000) de
francs.
Le propriétaire, le gérant, le préposé, le locataire… d’un local non utilisé par le
public qui ‘’ferme les yeux’’ sur l’exercice clandestin et habituel de la débauche est
également sanctionné. En effet, l’article 533-29 du Code pénal sanctionne de deux
mois à deux ans et d'une amende de 250 000 à 2 000 000 de francs CFA, la personne
qui tolère l'exercice habituel et clandestin de la débauche dans les locaux ou
emplacements non utilisés par le public dont il dispose à quelque titre que ce soit.
La loi sanctionne ici, le silence, la passivité de la personne qui de par sa
responsabilité vis-à-vis du local (propriétaire, locataire, gérant, préposé…) est en
mesure de mettre fin à la débauche qui s’y exerce.

3. Le proxénétisme aggravé

Le proxénétisme est dit aggravé lorsqu’il est commis dans des circonstances
relatives à la situation de la victime, au lien de parenté avec celle-ci, aux moyens
employés, à la réunion, à la situation d’extranéité… Ainsi l’article 533-24 du Code
pénal punit de 5 à 10 ans et d’une amende de 1.000.000 à 10.000.000 de francs, le
proxénétisme commis :

 à l'égard d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une
maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de
grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;

 à l'égard de plusieurs personnes ;

 à l'égard d'une personne qui a été incitée à se livrer à la prostitution soit hors du
territoire du Burkina Faso, soit à son arrivée sur le territoire burkinabè ;

 par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la personne qui se prostitue ou par


une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses
fonctions ;

 par une personne appelée à participer, de par ses fonctions, à la lutte contre la
prostitution, à la protection de la santé ou au maintien de l'ordre public ;

 par une personne porteuse d'une arme ;

 avec l'emploi de la contrainte, de violences ou de manœuvres dolosives ;


54
 par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices, sans qu'elles
constituent une bande organisée ;

 grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non


déterminé, d'un réseau de communication électronique.

L’extrême gravité retenue par la loi est le proxénétisme commis dans les
circonstances ci-dessus citées et en bande organisée. La sanction qui découle de
l’article 533-25 du Code pénal est une peine d’emprisonnement de 11 ans à 30 ans
et d’une amende de 3.000.000 de francs à 10.000.000 de francs. Aussi, est
gravement sanctionné de la peine de l’emprisonnement à vie, le proxénétisme
commis en ayant recours à la torture et aux actes de barbarie.

SECTION VII : LES ATTEINTES A L’HONORABILITE

La loi assure la protection de l’honneur vu que chacun a le droit d’exiger des


tiers, son respect. La protection répressive de l’honorabilité des personnes se décline à
travers trois incriminations que sont la diffamation, l’injure et la dénonciation
calomnieuse. Il faut toutefois rappeler que les infractions relatives aux entreprises de
presse qui portent atteinte à l’honorabilité sont prévues et réprimées par les lois
relatives à la presse1.

Paragraphe I : la diffamation

L’article 524-1 du Code pénal définit la diffamation comme « toute


allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération
de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

A– Les éléments constitutifs du délit de diffamation

1. La publicité

La diffamation ne devient un délit que si elle est publique. La publicité peut


résulter soit de discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics,
soit d’écrits, imprimés vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans les lieux ou
réunions publics ou de placards ou affiches exposés au regard du public. Elle peut
résulter aussi de dessins, gravures, peintures, distribués ou exposés dans des lieux au
regard du public.

1
Une série de 6 lois votées en 2015 relatives à la presse écrite, à la presse en ligne et à la radiodiffusion sonore
et télévisuelle règlementent et punissent les actes portant atteinte à l’honorabilité dans le domaine de la
presse.
55
Les lieux publics sont outre les lieux publics par nature, ceux qui sont
affectés à l’usage de tous et accessibles à chacun à tout moment. Exemple : les rues,
les bus... Sont des lieux publics par destination, les cafés, les églises, les salles
d’audience, les bureaux qui sont ouverts au public à certains moments déterminés. Un
lieu privé peut devenir occasionnellement public par le fait de la présence d’un certain
nombre de personnes. Exemple : de la boulangerie ou le super marcher où n’importe
qui peut entrer.

S’il s’agit de paroles, il faut qu’elles soient prononcées sur un ton assez
élevé, audible pour être entendues des tiers.

S’il s’agit d’écrits, de dessins, la vente ou la distribution constitue par elle-


même la publicité exigée par la loi. Même l’envoi sous pli fermé et par poste peut
constituer la publicité s’il est fait à un certain nombre de personnes.

2. Allégation ou imputation d’un fait déterminé et précis

Une allégation est une assertion ou une affirmation produite sur la foi
d’autrui, sur la rumeur publique, sur des hypothèses ou une reprise d’écrit ou de
propos d’autrui.

L’imputation au contraire, est une affirmation personnelle, une accusation


ferme. L’allégation ou l’imputation, doit porter sur un fait précis qui puisse faire
l’objet d’une preuve, d’un débat contradictoire pour en établir la réalité ou la fausseté
et, à défaut, de faits précis, il peut y avoir injure.

L’allégation ou l’imputation est punissable même si le fait est présenté sous


forme dubitative, hypothétique, par insinuation ou même négative ou pas, sous-
entendu, entre guillemets…

3. Fait de nature à porter atteinte à l’honneur ou la considération

Un fait porte atteinte à l’honneur, quand il est contraire à la probité, ou à la


loyauté. Exemples : X a prélevé à des fins personnelles la dotation des éléments ; X a
usé d’influences pour obtenir une dispense au SND. Par contre, un fait porte atteinte à
la considération lorsqu’il constitue un manquement aux principes qu’un homme est
tenu d’observer en raison de sa situation sociale ou de sa profession. Il reste entendu
que l’appréciation est subjective car elle diffère d’une personne à une autre.

Cependant, la nécessité de protéger l’honneur et la considération des


personnes doit se concilier avec les droits de libre discussion et de critiques qui
appartiennent aux citoyens surtout à l’égard de ceux qui, se livrant à des travaux

56
littéraires ou scientifiques ou prenant part aux luttes politiques, s’offrent eux-mêmes à
l’appréciation du public.

La loi protège essentiellement les valeurs morales plutôt que les valeurs
intellectuelles et professionnelles. Il appartient au juge de vérifier compte tenu des
circonstances intrinsèques si le propos, l’écrit, la caricature ou le dessein publié est
attentatoire à l’honneur ou à la considération de telle ou telle personne.

4. Désignation de la personne ou du corps contre lequel l’allégation ou


l’imputation est dirigée

La diffamation peut être aussi bien dirigée contre une personne morale que
contre une personne physique, mais il n’est pas nécessaire que le corps ou la personne
soit nommé(e) expressément ; il suffit qu’on puisse le reconnaître à travers ce qui a été
publié. Ce corps ou cette personne doit être personnellement atteint. C’est ainsi que
lorsqu’une collectivité non visée par la loi et non dotée de la personnalité morale est
concernée, on retient que chacun des membres de cette collectivité a pu être
directement atteint. Dans pareil cas, chacun d’eux a le droit de porter plainte.

5. L’intention de nuire

L’intention coupable, ou dol spécial, consiste dans la connaissance chez le


diffamateur que les propos, les dessins ou les écrits atteindraient autrui dans son
honneur et sa considération. Cette intention coupable est présumée et il appartient au
prévenu de prouver sa bonne foi. Ni la volonté d’informer le public, ni l’absence
d’animosité personnelle envers le diffamé, ni les réserves ou restrictions ultérieures ne
suffisent à détruire la présomption de mauvaise foi, car le devoir d’objectivité d’une
personne raisonnable lui impose de vérifier avant la publication, l’exactitude des faits
qui sont publiés.

La loi accorde une place à la production de la preuve de la vérité du fait


diffamatoire.

B – preuve de la vérité du fait diffamatoire et d’immunité

La diffamation n’est pas punissable en cas de vérité des faits et d’immunité.

1. L’exceptio veritatis ou l’exception de vérité

D’une manière générale, si la vérité du fait diffamatoire est établie, et que ce


fait a été commis par une autorité publique dans l’exercice ou à l’occasion de
l’exercice de ses fonctions, l’auteur de l’infraction est renvoyé des fins de la poursuite.

57
En matière de presse, la preuve de la vérité du fait diffamatoire efface
l’infraction. C’est ainsi que le journaliste sera renvoyé des fins des poursuites s’il
prouve la véracité des faits publiés dans son journal sur une personne. Toutefois, il
n’en sera pas le cas lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne ou
qu’elle se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a
donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision. Ne dit-on
pas que toute vérité n’est pas bonne à dire ? Dans le cas d’interférence entre la vie
privée et les fonctions exercées, la jurisprudence admet que l’exceptio veritatis puisse
être invoquée.1
2- L’immunité
L’immunité enlève au fait concerné, son caractère répréhensible et aucune
poursuite pour diffamation ne peut être accueillie. Ainsi, sont couverts par
l’immunité :
 les débats parlementaires ;
 les débats judiciaires ;
 les prononcés ou les écrits produits devant les juridictions ;
 le compte rendu fidèle et de bonne foi de ces débats et discours à l’exception des
procès en diffamation ;
 la publication des décisions judiciaires y compris celles rendues en matière de
diffamation ;
 le rapport officiel fait de bonne foi par une personne régulièrement désignée pour
procéder à une enquête et dans le cadre de cette enquête ;
 l’imputation faite de bonne foi par un supérieur ou son subordonné ;
 le renseignement donné de bonne foi sur une personne ou un tiers qui a un intérêt
personnel ou officiel à le connaître ou qui a le pouvoir de remédier à une injustice
alléguée ;
 la critique d’une œuvre, d’un spectacle, d’une opinion quelconque manifestée
publiquement à condition que ladite critique ne traduise pas une atteinte
personnelle.
C– Les personnes et les corps protégés contre la diffamation
Les corps et les personnes protégés contre la diffamation sont énumérés par les
articles 524-4 du Code pénal, 115 et suivants de la loi n° 057-2015/CNT du 04
septembre 2015 portant régime juridique de la presse écrite au Burkina Faso.

1. Les personnes publiques collectives

1
Crim. 18 novembre 1986, B.C., n° 345
58
L’article énumère les cours et tribunaux, les forces armées, les corps
constitués et les administrations publiques. La diffamation doit atteindre ces diverses
personnes collectives dans la fonction que la loi leur attribue.

2. Les fonctionnaires publics et les citoyens chargés d’un service ou d’un


mandat

La loi protège des personnes ayant une certaine qualité ou disposant d’une
partie de l’autorité publique. Ce sont : les membres des organes de la direction
politique ou du gouvernement, les membres de l’instance nationale de la magistrature,
les citoyens chargés d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, les
juges, les jurés et les témoins en raison de leur déposition.

La diffamation doit avoir été commise en raison de leur fonction ou de leur


qualité. Les propos doivent incriminer la vie publique plutôt que la vie privée. Ils
doivent s’apprécier d’après la nature du fait sur lequel ils portent (exemple : les
critiques d’acte de la fonction ou d’abus de la fonction).

3. La diffamation envers les particuliers

Les particuliers ne sont pas seulement les personnes physiques mais aussi les
collectivités lorsqu’elles ont la personnalité morale (les syndicats, les associations…).

4. La diffamation commise par le biais d’un moyen de communication


électronique

Nous assistons à un véritable engouement dans l’utilisation des moyens de


communication électroniques. Leur accès est de plus en plus facilité, ce qui pose la
problématique du contrôle dans un contexte d’Etat de droit. La question est plus que
d’actualité du moment où ces peuvent être utilisés pour commettre des infractions telle
que la diffamation. Ces moyens favorisent la publicité du fait diffamatoire et l’auteur a
le loisir de publier de façon anonyme, de se cacher derrière un pseudonyme ou
simplement de se présenter sous une fausse identité.

5. La diffamation à la mémoire des morts

Cette diffamation n’est punissable que si l’auteur en attaquant la personne


décédée a voulu atteindre l’honneur des héritiers, époux et légataires universels.

De par le passé, la diffamation à la personne du Chef de l’Etat était


spécialement incriminée et lourdement sanctionnée. De même, contrairement à
l’ancien Code pénal, le présent ne réprime pas spécifiquement la diffamation ethnique,
nationale, sociale, religieuse envers un groupe. C’est la diffamation commise par voie
de presse qui prend en compte cette spécificité et la réprime.
59
D- la procédure

Au regard de sa spécificité, la loi imprime une procédure particulière en


matière de poursuite pour diffamation. L’action pénale en matière de diffamation est
attitrée en ce sens que la poursuite est engagée sur plainte de la victime ou de son
représentant légal. La conséquence est que jusqu’à la condamnation définitive, le
retrait de la plainte met fin à l’action publique. En matière de prescription de l’action
publique, la loi fixe un délai de trois mois qui court à compter de la commission des
faits ou du denier acte de poursuite ou d’instruction.

La diffamation par voie de presse est soumise à une autre procédure


beaucoup plus rigoureuse, ce qui nécessite l’intervention de professionnels tels que les
avocats et les huissiers.

E- la répression

Les peines applicables en matière de diffamation varient suivant la qualité


des personnes ou des corps protégés et contre lesquels le délit a été commis ou le
moyen utilisé pour commettre l’infraction.

 La diffamation envers les personnes publiques collectives (cours, tribunaux, forces


armées, corps constitués, administration publiques), les membres du gouvernement,
toute personne chargée d’un service ou d’un mandaté public temporaire ou permanent
en raison de ses fonctions ou de ses qualités ou les témoins en raison de leur déposition
est punie d’une peine d’emprisonnement de 2 mois à un an et d’une amende de
250.000 à 1.000.000 de francs.

 La diffamation envers un particulier est punie d’une peine d’emprisonnement de 2


mois à 6 mois et d’une amende de 250.000 à 500.000 francs.

 Quant à la diffamation commise par le biais d’un moyen de communication


électronique, elle est punie d’une peine d’emprisonnement de 1 an à 5 ans et d’une
amende de 500.000 à 2.000.000 de francs. En sanctionnant plus sévèrement la
diffamation commise à l’aide d’un moyen de communication électronique, le
législateur cherche à décourager la personne qui se cache derrière les réseaux sociaux
ou autres, pour atteindre autrui dans son honneur tout en bénéficiant d’une sorte
d’anonymat. La facilité d’accès à ce moyen et la vitesse de la propagation des propos
caractérisent son usage. Il apparaît logique que la sanction qui en découle soit plus
sévère.

 La diffamation dirigée contre la mémoire d’un mort est sanctionnée selon les cas ci-
dessus cités si l’auteur des faits a eu l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la
considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants.
60
 La diffamation envers un groupe de personnes en raison de leur race ou de leur
religion est punie d’un emprisonnement de un (1) mois à un (1) ans et une amende de
10.000 F à 2.000.000 F.

 Au nom de la ‘’dépénalisation’’ des délits de presse, toutes les sanctions en matière de


délit de presse y compris la diffamation sont des amendes. Le maximum de la peine
qui puisse être prononcé est une amende de 5.000.000 de francs.

Paragraphe 2 : L’injure (article 524-2, 524-5, 524-6, 524-8 du Code pénal)

Constitue une injure aux termes de l’article 524-2 du Code pénal, « toute
expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme
l’imputation d’aucun fait ».

A– Les éléments constitutifs

1. La publicité

Comme la diffamation, l’injure ne constitue un délit que si elle est publique


et à défaut de publicité, elle se confond dans la contravention d’injure non publique 1.
Sa publicité se caractérise par les propos proférés dans les lieux, réunions publics, au
moyen d’écrits, imprimés vendus ou distribués mis en vente ou exposés dans des lieux
publics ou tout autre moyen de diffusion.

Est définie comme injure, toute expression outrageante, termes de mépris ou


invective ne renfermant l’imputation d’aucun fait précis. Elle ne peut donc pas être
effacée par la vérité du fait.

2. Expression outrageante, terme de mépris ou invective

La loi n’exige pas comme en cas de diffamation, l’allusion à un fait précis.


Peu importe que l’expression incriminée porte ou non atteinte à l’honneur ou à la
considération.

Son caractère injurieux résulte de sa violence ou de sa grossièreté.

La notion d’injure peut varier dans le temps et dans l’espace. Ainsi, il peut y
avoir injure ou non selon l’appartenance à une certaine philosophie ou doctrine, selon
l’endroit ou même le milieu social. Exemple : traiter quelqu’un de fasciste, boche,
communiste, capitaliste…

Les articles 3 et 4 du Décret n° 97-84/PRES/PM/MJ du 28 février 1997 portant définition et sanction des
contraventions sanctionnent la contravention d’injure non publique d’une amende de 1.000 à 5.000 francs.

61
3. Désignation de la personne visée

L’injure doit avoir été adressée par écrit, dessin ou discours, cris, imprimés
directement à une personne ou à un corps protégé par la loi. Même le parent de la
personne injuriée peut s’estimer injurié lui-même. Exemple : bâtard, fils de pute…

4. L’intention coupable

L’auteur de l’injure doit avoir agi avec l’intention coupable. Cette intention
est présumée. La présomption de mauvaise foi ne disparaît qu’en présence de faits
justificatifs, ainsi, l’injure n’est pas punie si elle a été provoquée.

La provocation constitue donc en matière d’injure un fait justificatif que le


prévenu doit expressément invoquer. Mais cette provocation ne joue que si l’injure
n’intervient pas trop longtemps après ladite provocation et qu’elle soit proférée à
l’adresse de l’auteur même de la provocation. La provocation est un fait justificatif si
l’injure intervient immédiatement après ladite provocation.

B – Les personnes et corps protégés contre l’injure

Les personnes protégées contre l’injure sont les particuliers et la mémoire


d’un mort lorsque l’auteur de l’injure a eu l’intention de porter atteinte à l’honneur ou
à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants.

C – La répression

L’injure commise envers les particuliers et la mémoire d’un mort est punie
d’un d’une peine d’emprisonnement de 2 mois à 6 mois et d’une amende de 250.000 F
à 1.000.000 F (article 524-6 du Code Pénal).

Paragraphe 3 : Diffamation et injures en matière électorale (articles 336-8 et 336-


13 du Code pénal)
Au regard de la spécificité et de la sensibilité de la matière électorale, le
législateur a prévu des sanctions plus sévères pour les injures et diffamations
commises dans ce contexte.
En effet, l’article 336-8 du Code pénal sanctionne d’une peine
d’emprisonnement de 1 mois à 1 an et d’une amende de trois cent mille (300 000) à un
million (1 000 000) de francs CFA ainsi que de la privation des droits civiques pendant
deux ans au moins et cinq ans au plus, tout candidat ou militant des partis ou
formations politiques qui use de diffamation, d’injures ou de tout acte de provocation
pouvant entacher la moralité et la sérénité de la campagne électorale. Il reste entendu
que cette sanction ne peut avoir un effet sur la validité de l’élection qui est soumise à
des conditions spéciales devant le juge administratif ou constitutionnel selon les cas.

62
Paragraphe 4 : la dénonciation calomnieuse (articles 524-3, 524-7 et 524-8 du Code
pénal)
La loi pénale oblige le citoyen ayant eu connaissance de faits repréhensibles, de
les dénoncer auprès des autorités compétentes. En revanche, elle punit celui qui
sciemment se livre à des dénonciations calomnieuses, mensongères.
Aux termes de l’article 524-3 du Code pénal, « est calomnieuse la
dénonciation intentionnellement mensongère d’un fait faux de nature à exposer
celui qui en est l’objet à une sanction de l’autorité administrative ou de son
employeur ou à des poursuites judiciaires ».
A- La dénonciation
Relativement à sa forme, la dénonciation peut être écrite ou verbale et
dirigée au moyen d’une lettre, une plainte adressée à l’administration ou aux autorités
judiciaires (police, gendarmerie, procureur, juge d’instruction) contre une personne
identifiable directement ou de par l’allusion faite.
Quant à son contenu, la dénonciation doit comporter l’énoncé d’un fait
contre une personne déterminée ou déterminable et qui est de nature à entraîner des
sanctions ou des poursuites. La dénonciation constitue en réalité, une véritable
accusation. Toutefois, il n’est pas nécessaire que des sanctions soient prononcées pour
que l’infraction soit constituée.
La dénonciation doit être adressée à l’un de ces destinataires que sont :
 les autorités judiciaires ;
 les officiers de police administrative et judiciaire ;
 aux autorités ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente ;
 aux supérieurs hiérarchiques ;
 Aux employeurs du dénoncé
Il s’agit d’autorités ayant le pouvoir de donner suite à la dénonciation. C’est
l’arrivée de la dénonciation à son destinataire qui marque le point du départ du délai de
prescription.
B- L’élément intentionnel : la calomnie
L’auteur des faits doit avoir connaissance de la fausseté des faits dénoncés.
C’est au moment de la dénonciation des faits que l’on apprécie cette connaissance de
leur fausseté. La mauvaise foi de l’auteur doit être prouvée en ce qu’il dénonce des
faits matériellement faux ou juridiquement erronés de par la qualification.

Si le fait dénoncé est susceptible de sanction pénale ou disciplinaire, les


poursuites du chef de dénonciation calomnieuse peuvent être engagées par la victime
soit après jugement ou arrêt d’acquittement ou de relaxe, soit après ordonnance ou
arrêt de non-lieu, soit après classement de la dénonciation par le magistrat,
fonctionnaire, autorité supérieure ou employeur compétent pour lui donner la suite
63
qu’elle était susceptible de comporter. Au cas où les faits dénoncés sont toujours
pendants, la juridiction saisie pour dénonciation calomnieuse est tenue de surseoir à
statuer jusqu’à la décision définitive.

C- La répression

La dénonciation calomnieuse commise envers un ou plusieurs individus est


punie d’une peine d’emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de cinq cent
mille (500 000) à deux millions (2 000 000) de francs CFA. La juridiction saisie peut,
en outre, ordonner l’insertion de sa décision intégralement ou par extraits dans un ou
plusieurs journaux aux frais du condamné.

Le délai de prescription de l’action publique est de trois mois à compter de


la commission des faits ou du dernier acte de poursuite ou d’instruction ou encore
selon les cas, de la date de l’ordonnance ou l’arrêt de non-lieu, de l’avis de classement
sans suite, du jugement ou l’arrêt d’acquittement ou de relaxe.

SECTION VIII : LES ATTEINTES SPECIFIQUES A L’ENFANCE, A LA


FILLE, A LA FEMME , A LA PERSONNE AGEE ET A LA FAMILLE

Paragraphe 1 : Les atteintes à l’enfance

Au regard de son immaturité et de sa fragilité, la loi pénale protège


particulièrement l’enfance1 contre l’incurie de certaines personnes en édictant un
certain nombre d’infractions.

Pour une meilleure protection de l’enfance, le législateur a adopté la loi n° 015-


2014/AN du 13 mai 2014 portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en
danger. Cette loi complétée par des dispositions du Code pénal décline la procédure en
matière d’enfance en danger et en conflit avec la loi, institue des juridictions spéciales
compétentes en la matière et décline les mesures appropriées qui peuvent être prises au
profit de l’enfance.

A- L’entrave aux mesures judiciaires de protection des mineurs (articles 341-


16 et 341-17 du Code pénal)

Dans le cadre de la protection de l’enfant en conflit avec la loi et de l’enfant en


danger, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants peut prendre toutes mesures
appropriées. De par leurs attributions, un certain nombre d’acteurs sont responsabilités
1
L’article 2 de la loi n° 015-2014/AN du 13 mai 2014 portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en
danger définit l’enfant comme tout être humain âgé de moins de 18 ans.
64
dans la bonne exécution de ces mesures. C’est ainsi qu’un défaut de surveillance ou
une entrave à cette surveillance caractérisés de la part des parents, du tuteur ou du
gardien, de toute personne sont sanctionnés par la loi pénale. C’est ainsi que toute
personne qui tombe sous le coup de cette incrimination est punie d’une peine
d’emprisonnement de un mois à deux mois et d’une amende de deux cent cinquante
mille (250 000) à un million (1 000 000) de francs CFA.

B- La traite des personnes, le trafic illicite de migrants, les pratiques


assimilées dont sont victimes les mineurs

L’article 511-1 du Code pénal définit la traite des personnes comme le fait de
recruter, transporter, héberger ou d’accueillir des personnes, par le recours à la menace
ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude,
tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou
l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une
personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. Pour la victime mineure,
la traite est constituée même si aucun des moyens ci-dessus décrits n’est utilisé.

Les éléments constitutifs de cette infraction s’articulent autour des actes, des
moyens employés et de la finalité ou objectif poursuivi.

Au titre des actes matériels nous avons :

 le recrutement ;

 le transport ;

 le transfert ;

 l’accueil ;

 et l’hébergement.

Relativement aux moyens, il s’agit :

 de la menace ;

 du recours à la force ou à la violence ;

 des autres formes de contrainte par l’enlèvement, la fraude, la


tromperie, l’abus de situation de vulnérabilité, l’offre de paiement ou avantages.
65
Il convient de rappeler que le consentement d’une victime de traite ne supprime
pas l’infraction ; aussi, en ce qui concerne, le mineur l’infraction est constituée même
si aucun des moyens ci-dessus listés n’est utilisé.

La finalité ou l’objectif : aux fins d’exploitation et cette exploitation peut être :

 l’exploitation de la mendicité d’autrui ;

 l’exploitation sexuelle ;

 le travail / services forcés ;

 l’esclavage ;

 les pratiques analogues à l’esclavage ;

 les servitudes ;

 les prélèvements d’organes…

Relativement à la sanction, si la victime de traite est un mineur d’au plus 15


ans, l’auteur est puni d’une peine d’emprisonnement de 11 ans à 21 ans et d’amende
de 2 000 000 à 10 000 000 de francs. L’auteur de traite de personnes portant sur un
mineur de plus de 15 ans est sanctionné d’une peine d’emprisonnement de cinq ans à
dix ans et d’une amende de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de
francs CFA. Il s’agit de la même peine si la victime est majeure.

L’article 511-7 du Code pénal qui incrimine la mendicité la punit de la peine


d’emprisonnement de 2 mois à 6 mois. La mendicité sanctionnée ici s’entend comme
le fait d’avoir des moyens de subsistance ou d’être en mesure de se les procurer par le
travail, et de se livrer à la mendicité en quelque lieu que ce soit. Il faudra prouver que
l’auteur a des moyens de subsistance ou est en même de se les procurer de par le
travail.
Le fait pour un mendiant même invalide ou dénué de ressources, de solliciter
l’aumône en se faisant accompagner par un ou plusieurs jeunes enfants est puni par
l’article 511-8 du Code pénal d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à 1 an.
La personne qui a autorité sur un mineur assume une responsabilité dont le
manquement l’expose à des sanctions pénales. Sont ainsi visés, les parents (directs ou
famille élargie) ou toute personne assurant l’autorité parentale de droit ou de fait. C’est
ainsi que l’article 511-10 du Code pénal punit le fait pour une personne qui a autorité
66
sur un mineur et qui le livre à des individus qui l’incitent ou l’emploient à la mendicité
d’une peine d’emprisonnement de 6 mois à 2 ans et d’une amende de 250.000 à
3.000.000 de francs. Il s’agit de l’infraction d’exposition à la délinquance ou le fait de
livrer un enfant à des individus qui l’emploient à la mendicité. Comme sanction
complémentaire, les auteurs père et mère peuvent écoper de la déchéance de l’autorité
parentale.
Les parents qui utilisent leur progéniture pour solliciter l’aumône sont
également punis par la loi. L’article 511-11 du Code pénal sanctionne de 3 mois à 3
ans et d’une amende de 250.000 à 3.000.000 de francs, les père et mère de famille qui
maintiennent un enfant de moins de 6 ans sur la voie publique ou dans un espace
affecté au transport collectif de voyageurs, dans le but de solliciter la générosité des
passants.
Les personnes qui influencent les mineurs à quitter la famille pour les exposer à
la délinquance sont également averties. C’est en cela que l’article 511-12 du Code
pénal sanctionne de 6 mois à 2 ans et d’une amende de 250.000 à 3.000.000 francs,
quiconque incite un mineur à quitter le domicile de ses parents, tuteur ou patron ou
favorise sa délinquance.
Sous le couvert de maître coranique, certaines personnes cupides se sont
spécialisées dans l’exploitation de la mendicité d’autrui dont la majorité des victimes
sont des enfants. Au-delà du fait qu’ils s’enrichissent sur l’effort d’autrui, ils
corrompent la jeunesse de ces victimes tout en les exposant à la délinquance et à un
avenir incertain. Le Code pénal en ses articles 511-13, 511-14 et 511-15 sanctionne au
maximum de la peine d’emprisonnement de 1 à 10 ans et d’une amende de 500.0000 à
10.000.000 de francs, la personne qui exploite la mendicité d’un mineur en :
 organisant ou exploitant sa mendicité ;
 l’entraînant ou le détournant pour le livrer à la mendicité ;
 exerçant sur lui une pression pour qu’il mendie ou continue de le faire ;
 se faisant accompagner par un ou plusieurs jeunes enfants en vue d’en tirer
directement ou indirectement un avantage financier, matériel ou tout autre
avantage.
Au regard de sa gravité, la tentative de l’exploitation de la mendicité d’autrui
est punissable.

C- La fourniture à des mineurs d’inhalants chimiques toxiques


La corruption de la jeunesse passe également par la mise à sa disposition, de
produits dangereux tels les inhalants chimiques. Ils sont des produits très dangereux
dont la toxicité au-delà des conséquences négatives sur la santé peuvent donner la
mort. La liste des produits chimiques toxiques est fixée par le ministère de la santé.
67
Aux termes de l’article 386-1 du Code pénal, le fait de fournir sciemment à un
mineur des inhalants chimiques toxiques est passible de la peine d’emprisonnement de
2 ans à 5 ans et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 de francs.

D- Des crimes de guerre communs aux conflits armés internationaux et non


internationaux commis à l’encontre des mineurs
Au regard de sa particulière vulnérabilité, le mineur est beaucoup exposé en
temps de guerre. Certains sont recrutés et engagés dans les combats au même titre que
les majeurs. Des dispositions spécifiques sont prises pour assurer sa protection en
sanctionnant sévèrement la conscription et l’enrôlement de mineurs dans les forces
armées et les groupes armés. C’est ainsi que l’article 411-6 du code pénal punit d’une
peine d’emprisonnement de 11 à 30 ans et de 1.000.000 à 10.000.000 de francs, la
personne qui procède à la conscription ou à l’enrôlement de mineurs dans les forces
armées ou dans des groupes armés ou les fait participer activement à des hostilités.
Toutefois, la loi autorise l’enrôlement volontaire de mineurs de plus de quinze ans
dans les forces armées nationales.
E- La non exécution d’une obligation alimentaire au profit d’un mineur
L’obligation de prendre en charge le mineur qui découle des obligations
familiales relève de la compétence du juge civil. Cette prise en charge peut se traduire
en paiement de pension alimentaire, de subsides ou de toutes autres contributions. Au
regard de son caractère alimentaire, la non exécution d’une telle obligation est érigée
en infraction. Ainsi, l’article 531-14 du Code pénal punit d’une peine de 3 mois à 3 ans
et d’une amende de 250.000 à 3.000.000 de francs, la personne qui n’exécute pas une
décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée qui lui impose de
verser au profit d'un enfant mineur, d'un descendant, d'un ascendant ou du conjoint
une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en
raison de l'une des obligations familiales prévues par la loi, en demeurant plus de deux
mois sans s'acquitter intégralement de cette obligation. Les poursuites ne peuvent être
entamées qu’après un délai de deux mois de non paiement intégral de cette obligation
alimentaire.
Pour décourager les personnes qui veulent se soustraire à cette obligation en
changeant de domicile de manière clandestine, la même sanction va leur être
appliquée. Pour y échapper, obligation leur est faite de notifier au créancier d’aliment
dans un délai d’un mois, ce changement de domicile.
F- Autres atteintes à la personne du mineur
 L’exposition ou le délaissement d’enfant d’incapable en un lieu
solitaire : Le fait d’exposer, de délaisser ou de faire délaisser en un lieu solitaire un
enfant ou un incapable hors d'état de se protéger lui-même en raison de son état
physique ou mental constitue un délit. Est incriminé, tout acte ou décision dont le but
est de délaisser, d’exposer ou de faire délaisser en un lieu solitaire, un enfant, un
incapable qui n’est pas en mesure de se protéger et ce en raison de son état physique
ou mental. La simple négligence suffit à caractériser le délaissement ou l’exposition.
68
C’est le caractère solitaire du lieu qui est de nature à exposer la victime à un
quelconque danger. Ce comportement constitue un délit est puni d’une peine
d’emprisonnement de 1 à 3 ans et d’une amende de 500.000 à 7.000.000 de francs.
Cette infraction comporte des circonstances aggravantes qui sont de nature à
augmenter la sanction. C’est ainsi que la peine d’emprisonnement est de deux à cinq
ans s'il est résulté de l'exposition ou du délaissement, une maladie, une infirmité ou
une incapacité totale de vingt et un jours ou plus. En cas de mutilation ou d’infirmité
permanente consécutives au délaissement ou à l’exposition, l’infraction devient un
délit aggravé et la peine d’emprisonnement est portée de cinq ans à dix ans.
Si l'exposition ou le délaissement a occasionné la mort de la victime, il s’agit
d’un crime et la peine d’emprisonnement portée de onze ans à vingt et un ans.
L’amende quant à elle ne change pas.
L’article 532-2 du Code pénal s’intéresse particulièrement à la qualité de
l’auteur des faits en sanctionnant plus sévèrement les ascendants et toute personne
ayant une autorité sur l’enfant ou qui assure sa garde. Ainsi, si les auteurs du
délaissement ou de l’exposition sont les ascendants ou toutes autres personnes ayant
une autorité sur l'enfant ou l'incapable ou exerce le droit de garde, les sanctions
suivantes sont prévues :
 un emprisonnement de 2 ans à 5 ans dans le cas de délaissement ou d’exposition
simple ;
 un emprisonnement de cinq ans à dix ans s'il est résulté de l'exposition ou du
délaissement une maladie, une infirmité ou une incapacité totale de vingt et un
jours ou plus ;
 un emprisonnement de onze ans à vingt-cinq ans s’il en est résulté une mutilation
ou une infirmité permanente ;
 un emprisonnement à vie si l'exposition ou le délaissement a occasionné la mort.
 L’exposition ou le délaissement d’enfant, d’incapable en un lieu non solitaire :
Cette situation est moins grave que la précédente car elle suppose que l’enfant
ou l’incapable soit exposé ou délaissé dans un lieu non solitaire. Ainsi, le fait
d’exposer, de délaisser ou de faire délaisser en un lieu non solitaire un enfant ou un
incapable hors d’état de se protéger lui-même en raison de son état physique ou mental
est puni par l’article 532-3 du Code pénal d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à
3 ans et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 de francs.
Il convient de relever que toutes les hypothèses ci-dessus énumérées sont
prévues dans les cas de délaissement de mineur ou d’incapable en un lieu non
solidaire. Elles sont sanctionnées moins sévèrement que le cas de lieu non solitaire.
 Les coups et blessures volontaires administrés à un enfant de moins de 15 ans
ou le fait de le priver d’aliments (confère la partie du cours sur les CBV
aggravés).
 Incitation à l’abandon d’un enfant né ou à naître aux fins
d’adoption : Pour lutter contre les ventes d’enfants et l’adoption illégale d’enfants,
69
l’article 532-7 du Code pénal sanctionne l’action de certains intermédiaires motivés
par la recherche du gain. Ainsi, il punit d'une peine d’emprisonnement de un an à trois
ans et d'une amende de un million cinq cent mille (1 500 000) à trois millions (3 000
000) de francs CFA, la personne qui dans un but lucratif ou pour tout autre avantage,
provoque ou incite les parents ou l'un d'eux à abandonner leur enfant né ou à naître ou
apporte ou tente d'apporter son entremise pour faire recueillir ou adopter un enfant né
ou à naître.
- L’empêchement à l’identification d’un enfant : L’article 532-13 du Code
pénal sanctionne d’une peine d’emprisonnement de deux ans à cinq ans et d’une
amende de cinq cent mille (500 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA, celui
qui, sciemment, dans des conditions de nature à rendre impossible son identification,
déplace un enfant, le recèle, le fait disparaître ou lui substitue un autre enfant ou le
présente matériellement comme né d’une femme qui n’est pas accouchée ou d’un
homme qui, de toute évidence, ne saurait être le père. Cette prévention vise
principalement, les personnes qui attribuent faussement la maternité d’un à une femme
ou qui lui substitue un autre enfant.
Lorsque l’auteur des faits ci-dessus visés est un personnel de santé, la peine est
un emprisonnement de trois ans à dix ans et une amende de trois millions (3 000 000)
à cinq millions (5 000 000) de francs CFA. En guise de peine complémentaire, il peut
en outre être prononcé l’interdiction de l’exercice de la profession pour une durée qui
ne peut excéder cinq ans.
S'il est établi que l'enfant n'a pas vécu, la peine est plus légère et l’auteur est
puni d'une peine d’emprisonnement de deux mois à six mois et d'une amende de deux
cent cinquante mille (250 000) à cinq cent mille (500 000) francs CFA
 L’enlèvement ou la non-représentation de mineur : La loi prévoit plusieurs cas
d’enlèvement de mineur selon les circonstances. Ainsi, l’article 532-14 du Code pénal
sanctionne gravement l’enlèvement ou la non-représentation de mineur. Ainsi, est puni
d'une peine d’emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende de cinq cent
mille (500 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA, quiconque par violences,
menaces ou fraudes enlève ou fait enlever un mineur ou l'entraîne, le détourne ou le
déplace ou le fait entraîner, détourner ou déplacer des lieux où il était mis par l'autorité
ou à la direction desquels il était soumis ou confié. Sont visés, les cas d’enlèvement
qualifiés abusivement de ‘’vol d’enfants’’ ou les simples querelles entre parents qui
amènent la plupart des cas certains parents à prendre par la force, par la fraude le
mineur avec eux nonobstant une décision de garde d’enfant.
L’article 532-15 quant à lui prévoit la peine d’emprisonnement de onze ans à vingt
et un ans et d’une amende de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de
francs CFA si le mineur ainsi enlevé ou détourné est âgé de moins de treize ans.
Toutefois, s’il est retrouvé vivant avant qu'ait été rendue la décision de condamnation,
la peine d’emprisonnement est ramenée de cinq ans à dix ans.
L’article 532-16 du Code pénal punit de la peine d'emprisonnement à vie, quel que
soit l'âge du mineur, si l’auteur se fait payer ou a eu pour but de se faire payer une
rançon par les personnes sous l'autorité ou la surveillance desquelles le mineur était
70
placé. La même peine est appliquée si le but de l'enlèvement était l'exécution d'un
ordre ou d'une condition. Toutefois, si le mineur est retrouvé vivant avant le prononcé
de la décision de condamnation, la peine est un emprisonnement de onze ans à vingt et
un ans et une amende de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs
CFA.
Dans la situation où le mineur trouve la mort, dans les cas d’enlèvement prévus par
les articles 532-14 à 532-16 du Code pénal, il est prévu la peine d’emprisonnement à
vie.
Dans les cas d’enlèvement de mineur sans violences, menace ou fraude, l’article
532-18 du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement de un an à dix ans et d’une
amende de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA.
En matière de garde d’enfant judiciairement décidée, les peines sont relativement
faibles. Ainsi, l’article 532-19 du Code pénal punit d'une peine d’emprisonnement de
deux mois à un an et d'une amende de deux cent cinquante mille (250 000) à un
million (1 000 000) de francs CFA, quand il a été statué sur la garde d'un mineur par
décision de justice exécutoire par provision ou définitive, ou par convention
judiciairement homologuée, le père, la mère, ou toute autre personne qui ne représente
pas ce mineur à ceux qui ont le droit de le réclamer ou qui, même sans fraude ou
violence, l'enlève, le détourne ou le fait enlever ou détourner des mains de ceux
auxquels sa garde a été confiée, ou des lieux où ces derniers l'ont placé. Si l’auteur
avait été déclaré déchu de l'autorité parentale, l'emprisonnement peut être porté à trois
ans.
Dans le même sens, l’article 532-20 du Code pénal punit toute personne qui transfère
son domicile en un autre lieu après divorce, séparation de corps ou annulation de
mariage alors que les enfants résident habituellement chez elle, doit notifier tout
changement de son domicile et tout changement de la résidence des enfants à ceux qui
peuvent exercer à leur égard un droit de visite ou d'hébergement en vertu d'un
jugement ou d'une convention judiciairement homologuée.
Si la personne s'abstient de faire cette notification dans le mois, elle est punie d'une
peine d’emprisonnement de deux mois à six mois et d'une amende de deux cent
cinquante mille (250 000) à six cent mille (600 000) francs CFA.
Enfin, est puni par l’article 532-21 du Code pénal d'une peine
d’emprisonnement de un an à dix ans et d'une amende de cinq cent mille (500 000) à
un million (1 000 000) de francs CFA, hors le cas où le fait constitue un acte
punissable de complicité, quiconque aura sciemment caché ou soustrait aux recherches
un mineur qui a été enlevé ou détourné ou qui l'aura dérobé à l'autorité à laquelle il est
légalement soumis.
 Le détournement de la pension du mineur orphelin ou de la veuve ou du veuf :
Le Code pénal en son article 532-9 punit d’une peine d’emprisonnement de trois ans à
cinq ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à cinq millions (5 000 000) de
francs CFA, la personne qui détourne frauduleusement des sommes d’argent dues aux
veufs ou veuves et/ou aux enfants orphelins au titre d’une pension ou de l’exécution
d’une décision de justice.
71
 Abus de l’état d’ignorance d’un mineur ou d’une personne faible : l’article
532-11 du Code pénal punit d’une peine d’emprisonnement de un an à trois ans et
d’une amende de trois cent mille (300 000) à deux millions cinq cent mille (2 500 000)
francs CFA, celui qui commet un abus de l’état d’ignorance ou de la situation de
faiblesse, soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité due à
son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à
un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. Est également concernée,
la personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de
pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour
conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont
gravement préjudiciables.
Si l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement
qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou
d’exploiter la sujétion psychologique ou psychique des personnes qui participent à ces
activités, la peine est un emprisonnement de deux ans à cinq ans et une amende de six
cent mille (600 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA. Sont notamment
concernés ici, les dirigeants d’association qui exploitent les faiblesses, l’ignorance des
membres : cas d’associations des handicapés, de filles mères, maraichères,
d’agriculteurs….

Paragraphe 2 : les atteintes à la fille et à la femme

Au regard de la situation particulière de la femme et de la fille, le législateur a


pris un certain nombre de mesures protectrices dont la loi n° 061-2015/CNT du 06
septembre 2015 portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des
femmes et des filles et prise en charge des victimes. Cette loi définit les cadres de la
prévention, de la répression des violences et institue un mécanisme de prise en charge.
Le cadre répressif qui innove par l’érection de nouvelles incriminations a été
entièrement repris par le Code pénal qui abroge expressément les articles 5, 8 à 14, 18
et 19 de cette loi.
Sont prévus et punis par le Code pénal en ses articles 513-2 à 513-6, les
infractions de rapt, de sévices, d’esclavage sexuel et de violences morales à l’endroit
de la femme et des filles.
- Du rapt de fille ou de femme : Aux termes de l’article 513-2 du Code pénal, le
rapt est le fait pour une personne d’enlever de force une femme ou une fille en vue de
lui imposer le mariage ou une union sans son consentement. Le rapt est puni d’une
peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de cinq cent mille
(500 000) à un million (1 000 000) de francs CFA, tout auteur de rapt.
Si l’auteur du rapt s’est livré à des sévices sexuels ou à un viol sur la victime, il
s’agit d’un délit aggravé et la peine est un emprisonnement de cinq ans à dix ans et
d’une amende de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA.
- Des sévices ou tortures sexuelles : Au sens de l’article 513-3 du Code pénal, est
constitutif de sévices ou des tortures sexuels le fait d’introduire une substance dans les

72
organes génitaux d’une femme ou une fille, ou d’appliquer un objet ou une substance
sur les seins d’une femme ou d’une fille en vue de lui infliger des brûlures, des lésions
ou des souffrances. Ces faits sont punis d’une peine d’emprisonnement de deux ans à
cinq ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à un million (1 000 000) de
francs CFA.
- De l’esclavage sexuel : L’article 513-4 du Code pénal définit
l’esclavage sexuel comme le fait de conduire par la contrainte une fille ou une femme à
se soumettre ou à s’adonner à diverses pratiques sexuelles. Il se différencie du viol en ce
sens qu’ici il n’est pas exigé un acte de pénétration sexuel. Il est concerné, le fait de
contraindre une personne à1 s’adonner ou à se soumettre à des pratiques sexuelles. Le
délit d’esclavage sexuel est puni d’une peine d’emprisonnement de deux ans à cinq ans
et d’une amende de 1 000 000 à deux millions (2 000 000) de francs CFA.
- du mariage forcé : le mariage forcé est toujours une réalité dans certains
milieux et le législateur a opté de le sanctionner pour décourager cette pratique qui
relève d’une certaine époque. Le mariage s’entend comme celui célébré devant l’officier
de l’état civil, selon les coutumes et le mariage religieux. C’est ainsi que l’article 531-4
du Code pénal punit d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans, celui qui
contraint une personne au mariage. Un jugement de référence a retenu que pour que
l’infraction de mariage forcé soit constituée, il faut établir, non seulement qu'il y a eu
une contrainte exercée par une personne sur une autre, mais aussi que cette
contrainte visait au mariage (Jugement du tribunal de grande instance de Kaya du 25
janvier 2001, Revue Burkinabè de Droit n° 42, 2ème semestre 2002, p. 147).
La peine est un emprisonnement de un à trois ans si la victime est mineure. Le
maximum de la peine est encouru si la victime est âgée de moins de treize ans. La
personne qui contracte ou favorise un mariage dans de telles conditions est considéré
comme complice.
- des violences morales et psychologiques envers une fille ou une femme :
L’article 513-5 du Code pénal définit les violences morales et psychologiques envers
une fille ou une femme comme tout propos ou attitude, accompagné ou non
d’agression physique, dont l’objectif est de porter atteinte à l’amour propre de la
femme ou de la fille, de la dénigrer et la réduisant à un état d’impuissance ou de
soumission. Les actes et paroles ci-dessous listés sont constitutifs de violence morale
et psychologique envers une femme ou une fille :
 les gestes, paroles, écrits, par lesquels on signifie une intention indécente ou
malveillante ou une volonté manifeste de causer des dommages matériels, de blesser
ou de tuer la femme ou la fille ;
 l’atteinte aux droits de la santé sexuelle et de la santé de la reproduction de la
femme ou de la jeune fille, la limitation de la jouissance de ces droits, au moyen de la
contrainte, du chantage, de la corruption ou de la manipulation, notamment
l’interdiction d’utiliser des méthodes contraceptives ;
 la répudiation ou les mauvais traitements infligés à une femme qui accouche
d’un enfant de sexe non désiré par son époux ;
1

73
 les mauvais traitements infligés aux femmes stériles ;
 l’interdiction sans motifs tirés de l’intérêt ou de la stabilité du ménage, de
rendre visite à ses parents ou de recevoir leurs visites ;
 l’interdiction sans raison fondée d’exercer une profession, de pratiquer une
activité génératrice de revenus, une activité associative et politique ;
 le traitement inégalitaire des épouses dans le cadre d’un mariage polygamique.
Les violences morales et psychologiques constituent un délit simple punissable
uniquement d’une peine d’amende de deux cent cinquante mille (250 000) à six cent
mille (600 000) francs CFA.
 Accusation d’une femme ou d’une fille de sorcellerie : L’article 513-6 du Code
pénal punit d’une peine d’emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de six
cent mille (600 000) à un million cinq cent mille (1 500 000) francs CFA la personne
qui chasse, renvoie, rejette ou inflige des mauvais traitements à une fille ou à une
femme accusée ou soupçonnée de sorcellerie.
- L’exclusion sociale d’une fille enceinte ou qui s’oppose au mariage forcé :
Au regard de la persistance de cette pratique et de ses conséquences néfastes, le
législateur l’a érigé en infraction spécifique. L’article 532-12 du Code pénal punit
d’une peine d’emprisonnement de deux mois à six mois et d’une amende de trois cent
mille (300 000) à un million cinq cent mille (1 500 000) francs CFA, toute personne
coupable d’exclusion du milieu familial à l’égard d’une fille enceinte ou qui refuse un
mariage forcé.
- Des mutilations génitales féminines : Le législateur a reconduit cette
infraction tout en prenant le soin de sanctionner les personnes qui l’encouragent par
leurs discours et actes. C’est ainsi que l’article 513-7 du Code pénal punit d’une peine
d’emprisonnement de un à dix ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à trois
millions (3 000 000) de francs CFA, toute personne qui porte ou tente de porter
atteinte à l’intégrité de l’organe génital féminin par ablation, par excision, par
infibulation, par insensibilisation ou par tout autre moyen. En cas de décès de la
victime, la peine est un emprisonnement de onze ans à vingt et un ans et une amende
de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA. Les peines sont
portées au maximum si l’auteur est du corps médical ou paramédical. A titre de peine
complémentaire, la juridiction saisie peut en outre prononcer contre l’auteur,
l’interdiction d’exercer sa profession pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.
- L’apologie aux mutilations génitales féminines : Le législateur a innové en
sanctionnant la personne qui encourage les mutilations génitales féminines de par ses
actes, discours, écrits… Ainsi, l’article 513-9 du Code pénal punit d’une peine
d’emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de deux cent cinquante mille
(250 000) à un million (1 000 000) de francs CFA, toute personne qui, à travers son
discours, propos ou écrit publics, encourage les mutilations génitales féminines.

- De la circulation des mineurs : Les mineurs sont interdits d’accès à certains


milieux tels que les salles de cinéma projetant des séances interdites à leur âge ou à

74
certains lieux sans être accompagnés. Aussi, à partir d’une certaine heure de la nuit, ils
ne doivent pas circuler. Il est également interdit de leur servir de la boisson alcoolisée
dans les établissements de vente de boisson. Les articles 532-22 à 532-24 du Code
pénal prévoient et punies toutes les personnes qui d’une manière ou d’une autre
transgressent ces interdictions. A titre de peine complémentaire, il peut être ordonné la
fermeture de l’établissement.

Paragraphe 3 : les atteintes à la personne âgée

La personne âgée fait l’objet d’une protection spéciale par le législateur. Cette
protection vise à la sécuriser contre certaines pratiques sociales néfastes et contre
l’ingratitude de certains de leurs proches. Sa vulnérabilité qui se rapproche de celle du
mineur explique cette protection dont le but ultime est de renforcer la cohésion sociale
pour un monde plus juste. C’est dans cette dynamique que le législateur a adopté la loi
n° 024-2016/AN du 17 octobre 2016 portant protection et promotion des droits des
personnes âgées. D’autres dispositions du Code pénal sont venues renforcées ce cadre
protecteur.
 Le détournement de prestations et aides sociales au préjudice de la personne
âgée : Relativement à la personne de la personne âgée, l’article 2 de la loi sus dessus
visée la définit comme toute personne âgée de 60 ans et plus. Compte tenu de sa
particulière vulnérabilité, la personne âgée peut bénéficier de prestations sociales
provenant de l’Etat ou d’autres structures œuvrant dans le domaine du social. C’est
également en général à partir de cet âge que les débiteurs des cotisations sociales et
autres prestations sociales telles les assurances, les pensions sont reversées à la
personne âgée. Les problèmes de mobilité amènent quelque fois la personne âgée à
solliciter l’aide et l’assistance de personnes valides pour certaines tâches. C’est pour
décourager les personnes malveillantes qui n’hésitent pas à s’approprier des biens des
personnes âgées que le législateur a prévu cette infraction. Ainsi, l’article Article 532-
8 du Code pénal punit d’une peine d’emprisonnement de un an à cinq ans et d’une
amende de cinq cent mille (500 000) à un million cinq cent mille (1 500 000) francs
CFA, la personne qui bénéficie de façon frauduleuse, des prestations et aides sociales
destinées à une personne âgée.
 L’abandon ou l’exclusion de la personne âgée : Au-delà de la solidarité qui peut
être manifestée au profit de la personne âgée, la loi exige que la personne âgée ne soit
abandonnée ni moralement, ni matériellement. Cette prescription est encore plus ferme
en ce qui concerne les descendants des personnes âgées. L’article 532-10 du Code
pénal punit d’une peine d’emprisonnement de un an à trois ans et d’une amende de
trois cent mille (300 000) à un million cinq cent mille (1 500 000) francs CFA,
quiconque commet un abandon ou exclusion du milieu familial à l’égard d’une
personne âgée. Si l’auteur est un descendant naturel ou légitime de la personne âgée, la
peine est l’emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de un million (1
000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA.
Paragraphe 4 : les atteintes à la famille

75
Aux termes de l’article 231 du Code des personnes et de la famille, la famille
fondée sur le mariage est la cellule de base de la société. Dans le but d’assurer une
meilleure protection de la famille en prenant en compte l’ensemble des réalités
sociales, le Code pénal à travers l’article 531-1 reconnait toutes les formes d’union en
définissant le mariage comme toute forme d’union entre un homme et une femme,
célébrée par un officier d’état civil ou célébrée selon les règles coutumières ou
religieuses (mariage civil, mariage coutumier, mariage religieux). Cela constitue une
grande innovation dont le but final est la prise en compte d’une certaine réalité sociale
longtemps ignorée.
Les violences familiales sont des comportements jugés négatifs exercés dans le
cadre d’une relation entre conjoints, concubins, ascendants ou descendants qui
s’expriment par des agressions physiques, psychologiques, sexuelles, économiques et
spirituelles. En incriminant ces comportements anti-sociaux qui sont souvent le
quotidien de certaines familles, le législateur a voulu assurer une protection aux
personnes vulnérables ce qui contribue à renforcer la stabilité des familles. C’est ainsi
que l’article 531-8 du Code pénal appréhende les violences familiales comme pouvant
être :
- les coups et blessures volontaires ;
- les viols ;
- les privations d’aliments ou de soins ;
- les confiscations de pièces d’état civil servant à l’identification de la personne ;
- les atteintes aux droits de propriété ;
- les violations graves des dispositions relatives aux droits de la famille ;
- les atteintes à la liberté de travail et de croyance.

Il s’agit là d’un ensemble d’actes difficilement dénombrables qui sont érigés en


infractions. A titre d’exemple, beaucoup de comportements impossibles à dénombrer
peuvent être qualifiés d’atteintes au droit de la propriété, de violations graves des
dispositions relatives aux droits de la famille. Dans chacune des situations, on veillera
à mettre en exergue l’intention criminelle de l’auteur. Pour éviter des poursuites tout
azimut préjudiciables à la personne dont on est censé protéger, l’article 531-15 du
Code pénal précise que pour les violences familiales, la poursuite est engagée sur
plainte de la victime ou de son représentant légal.
L’article 531-10 du Code pénal sanctionne d’une peine d’amende de deux cent
cinquante mille (250 000) à six cent mille (600 000) francs, toute personne qui a
connaissance des actes de violences familiales et qui s’abstient de les dénoncer aux
autorités compétentes. Il est concerné ici les voisins, les parents qui se mirent
habituellement dans un silence disant ne pas vouloir s’interférer dans les relations
familiales.
- Le harcèlement du conjoint ou de la conjointe : Il est pris en compte ici un
certain comportement tendant à déstabiliser le conjoint ou la conjointe par des acte,
propos malveillants ou malsains. L’article 531-11 du Code pénal sanctionne d’une
peine d’emprisonnement de deux ans à quatre ans et une amende de trois cent mille
76
(300 000) à trois millions (3 000 000) de francs le fait de harceler son conjoint ou sa
conjointe, son ou sa compagne, son concubin ou sa concubine par des agissements
répétés ayant pour but ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se
traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale lorsque ces faits ont
causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné
aucune incapacité de travail.
La peine est un emprisonnement de trois ans à cinq ans et une amende de trois cent
mille (300 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA, lorsque les faits ont causé
une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.
Les mêmes peines sont encourues lorsque l’infraction est commise par un(e)
ancien(ne) conjoint(e), un(e) ancien(ne) concubin(e) de la victime, ou une ancienne
compagne ou un ancien compagnon.

CHAPITRE II : LES INFRACTIONS COMMISES SANS INTENTION DE


NUIRE

L’importance des infractions prévues et punies par les articles 522-1 et


suivants du Code pénal s’accroît de jour en jour. L’intervention de « l’instrument »
mis à la disposition de l’homme n’est pas étrangère à cette évolution. Lorsqu’un
ivrogne ou un imprudent prend place au volant de son véhicule dans un état qui ne lui
permet pas de le maîtriser et cause un accident, les conséquences peuvent être
dramatiques. Il n’avait nullement l’intention de nuire à une personne en particulier,
mais son comportement reste nuisible et le résultat prévisible.

De même lorsqu’un automobiliste franchit un feu rouge, il provoque un


accident, le résultat n’était-il pas voulu ?

La personne qui stocke ou transporte une matière dangereuse (carburant, gaz,


explosifs, matière radioactive…) dans des conditions hasardeuses et qui provoque une
explosion occasionnant des pertes en vie humaine et des dégâts matériels très
importants invoquera certainement son impuissance, la catastrophe pour chercher à se
débiner. Sans pour autant retenir son intention coupable dans la commission de ces
faits, le législateur sanctionne son impudence, son inattention et surtout l’inobservation
des règlements dans la détention et la gestion de telles substances. De par ce
comportement, inapproprié, une telle catastrophe était prévisible.

SECTION I : LES HOMICIDES, LES BLESSURES INVOLONTAIRES


(articles 522-1 à 522-3 du Code pénal)

77
Paragraphe I : l’homicide involontaire

L’homicide involontaire est le fait de donner la mort à une personne de


manière involontaire. Il est défini par l’article 522-1 du Code pénal comme le fait de
« causer par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation
d’une loi ou d’un règlement, la mort d’autrui ». L’actuel Code pénal a innové sur la
notion d’homicide involontaire comparativement à l’ancien qui la définissait en son
article 353 comme le fait de commettre « par maladresse, imprudence, inattention,
négligence ou inobservation des règlements involontairement un homicide, ou en
est involontairement la cause ». L’ancienne définition n’est pas sans poser des
difficultés en ce sens qu’il suffisait d’être « involontairement la cause d’un
homicide », pour être retenu dans les liens de la prévention.

L’énonciation des dispositions de l’article 522-1 fait apparaître trois


éléments constitutifs interdépendants à savoir : la faute, le préjudice et le lien de
causalité qui les relie.

Ce sont ces éléments qui constituent également le délit civil prévu à l’article
1382 du Code Civil selon lequel tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

A quelles conditions la faute serait-elle incriminée ?

A : La faute

Les fautes selon l’énumération de l’article 522-1 du Code pénal peuvent être
classées en trois catégories :

a) il peut s’agir d’actes positifs accomplis par maladresse ou imprudence, défaut


d’adresse ou de précaution ;

b) il peut en outre s’agir d’actes d’omission, d’inattention ou de négligence. A t-on le


droit d’être distrait ?

Certainement pas dans l’exercice d’une profession et c’est en cela que le


chirurgien qui oublie une pince dans le corps d’un patient, au cours d’une opération,
commet une faute engageant sa responsabilité.

A-t-on le droit d’être maladroit ?

Le développement du machinisme et des techniques a multiplié les


conséquences de la défaillance humaine. Ainsi, c’est au juge qu’il appartiendra de dire
s’il y a ou non maladresse, puisque le législateur n’a établi aucune liste des
maladresses possibles. L’existence d’un préjudice peut amener le juge à retenir une

78
faute qui n’aura pas été appréciée s’il n’avait pas existé. De nombreuses fautes ne sont
pas incriminées dès lors qu’il n’existe pas de préjudice. De nos jours, on note que la
plupart des cas d’homicides et blessures involontaires proviennent de l’utilisation de la
machine plus précisément, des engins motorisés

c) Il peut s’agir d’inobservation des règlements.

L’automobiliste qui circule à une vitesse supérieure à la vitesse


réglementaire commet la contravention de dépassement de vitesse autorisée, mais
l’inobservation de la réglementation sera constitutive d’une faute si elle a causé à
autrui un préjudice.

Le règlement peut être une loi (Code de la route), un décret, un arrêté


(règlement) ou une règle professionnelle (déontologie médicale).

On admet facilement qu’enfreindre une disposition réglementaire puisse


constituer une faute, à condition de connaître la réglementation applicable. Certes, nul
n’est censé ignorer la loi, mais la prolifération des dispositions réglementaires suscite
leur inobservation tant il est difficile de savoir ce qu’il faut faire. La conséquence est
que l’auteur d’une faute par inobservation d’un règlement qu’il ignorait, estimera
n’avoir pas commis de faute et avoir été condamné par présomption d’imputabilité. Il a
tort mais dans son esprit, le sentiment d’injustice subsistera.

Quel que soit la gravité de la faute, l’auteur n’a jamais eu l’intention de nuire
à autrui, même s’il devait avoir conscience de parvenir à ce résultat.

B : Le préjudice

L’infraction n’existe que s’il y a atteinte à l’intégrité corporelle, c’est


l’homicide, c’est-à-dire l’atteinte à la vie.

Quelle que soit la gravité de la faute, il n’y aura infraction d’homicide ou de


blessures que si ce résultat est atteint. Le résultat sera déterminant de la répression, car
ce n’est pas la gravité de la faute qui décidera de la répression, mais la gravité du
préjudice.

C : Le lien de causalité

La faute doit être la cause directe ou indirecte du préjudice subi. Qu’en est-il
lorsque le préjudice résulte de la commission de plusieurs fautes ou lorsqu’il n’a été
possible que par un concours d’interventions ou d’omission.

On peut distinguer plusieurs situations :

 Cas des fautes simultanées


79
Deux chasseurs tirent dans un fourré sur ce qu’ils croient être un gibier et
découvrent en définitive, une personne morte. Tous les deux ont commis une faute, car
on ne doit pas tirer sans voir. La victime qui a reçu une (des) décharge de plomb, mais
il est impossible d’identifier le fusil d’où elle provient. Tous les deux chasseurs ont tiré
sans prendre les précautions nécessaires et cela a occasionné mort d’homme.

Il en est de même lorsqu’un premier automobiliste heurte un piéton et le


projette au sol et un deuxième vient l’écraser.

 La faute de la victime est-elle exonératoire ?

Si cette faute constitue un cas de force majeure, c’est-à-dire qu’elle résulte


d’un événement imprévisible et irrésistible et aux conséquences duquel l’auteur ne
pouvait pas remédier, il n’y aura pas d’infraction.

A défaut, le juge pourra en tenir compte pour atténuer la peine, mais


l’infraction sera constituée. La victime sera indemnisée de son préjudice même si elle
a commis une faute, mais il y aura partage de responsabilité entre l’auteur et la
victime.

En effet, il résulte de deux arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de


cassation française du 16 juin 1981 qu’en matière de fautes conjuguée, du prévenu et
de la victime, le quantum des réparations doit être fixé conformément au partage des
responsabilités dont les juges ont reconnu l’existence1.

D : L’intention coupable

Il n’y a pas d’intention de nuire. Cette intention est la conscience de


commettre une faute, peu importe que les conséquences aient été ou non prévisibles.
L’intention sera donc examinée, analysée en même temps que la faute. Il est
sanctionné ici, la maladresse de l’agent. Cette maladresse se traduisant par le fait
d’avoir été imprudent, de n’avoir pas fait attention, d’avoir été négligeant ou de
n’avoir pas observé le règlement.

E : La répression

Toutes les fautes d’imprudence sont de la compétence des juges répressifs.


Si le juge répressif estime qu’il n’y a pas de faute pénale, il ne pourra davantage y
avoir de faute civile. Seule la responsabilité civile par présomption de l’article 1384 du
Code Civil pourra être invoquée devant le juge civil.

1
Recueil D. Sirey, 1982, Conclusion de Jean CANANES et des notes de François Sabas, p.25-39, conclusions 50-
93 pour les notes.
80
La sanction dépendra des circonstances de la commission de la faute et de la
gravité du préjudice subi :

 L’homicide involontaire simple : L’homicide involontaire sans aucune circonstance


particulière est puni d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de
250.000 à 2.000.000 de francs.

 L’homicide involontaire aggravé ; il intervient dans les circonstances suivantes :

° la peine est un emprisonnement de un an à 7 ans et une amende de


500 000 à 5 000 000 de francs CFA lorsque l’auteur du délit d’homicide involontaire a
agi en état d’ivresse, a commis un délit de fuite ou a tenté par tout autre moyen
d’échapper à la responsabilité qu’il peut encourir.
Le conducteur de véhicule convaincu d’homicide involontaire est puni des
mêmes peines lorsque :
° il se trouvait en état d’ivresse ou était sous l’empire d’un état alcoolique
caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou
supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de
la route ou d’autres lois et règlements. Le décret n°
2017-0826/PRES/PM/MTMUSR/MSECU/MDNAC/MATD/MJDHPC/MINEFID/MS
du 19 septembre 2017 définissant les taux maxima d’alcoolémie autorisés en conduite
automobile au Burkina Faso et rendant obligatoire l’installation d’éthylotests dans les
gares routières de voyageurs est une solution à ce vide qui a existé pendant des
décennies. Toutefois, ce décret qui indique que les modalités de son application seront
précisées par un arrêté interministériel n’est toujours pas d’application. Aucun texte
d’application n’a été pris jusqu’à présent pour le rendre opérationnel.
° l’homicide involontaire est intervenu en raison du fait que le conducteur
a tenté d’échapper ou a refusé de se soumettre à un contrôle de sécurité routière ;
° il résulte d’une analyse sanguine ou d’une vérification que le conducteur
avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants ;
° le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi
ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;
° le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale
autorisée ;
° le conducteur, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un
accident, ne s’est pas arrêté et a tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou
civile qu’il peut encourir.
Les peines sont portées de 1 à 10 ans de 600 000 à 10 000 000 de francs
CFA, lorsque l’homicide involontaire a été commis par le conducteur avec plusieurs
des circonstances mentionnées ci-dessus.

81
Paragraphe II : Les blessures involontaires (articles 522-2 et 522-3 du Code
pénal)

Les blessures involontaires sont celles causées à autrui par maladresse,


imprudence, inattention, négligence ou inobservation d’une loi ou d’un règlement.

A- Les circonstances

Les blessures involontaires répondent au même régime juridique que


l’homicide involontaire quant à ses éléments constitutifs à l’exception du résultat qui
ici suppose des blessures et non la mort. Ainsi, elles supposent la faute, le préjudice et
le lien de causalité. Il est nécessaire d’établir avec certitude le lien de causalité entre la
faute et le préjudice. Le préjudicie se prouve par certificat médical ou tout autre
document tenant lieu. Il peut s’agir donc d’actes positifs accomplis par maladresse ou
imprudence, défaut d’adresse ou de précaution, d’actes d’omission, d’inattention ou de
négligence ou encore des actes d’inobservation des règlements.

L’intention coupable est inexistante et c’est d’ailleurs ce qui fait la différence


avec les coups et blessures volontaires. La faute de base peut être volontaire ou
involontaire mais le préjudice est toujours involontaire. La personne qui
volontairement ne respecte pas un panneau stop et qui commet des blessures sur la
personne d’autrui sera retenu pour blessures involontaires. Les blessures seront
qualifiées de volontaires si la preuve est établie que la personne a délibérément
recherché les blessures sur la personne de la victime. La faute peut être une infraction
telle que le non respect du panneau stop ou un acte quelconque. C’est ainsi qu’a été
condamnée pour blessures involontaires, une personne qui a émis des cris perçants
ayant occasionné une déchirure du tympan de la victime 1. Aussi, l’auteur du placage
d’une porte qui a fait sursauter une victime entrainant une entorse à sa cheville sera
poursuivi pour blessures involontaires.

B- La répression

Constitue une contravention de 4ème classe et puni d’une amende de 15.001


francs à 50.000 francs, le fait de causer involontairement des maladies, coups et
blessures par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des
règlements, n’entraînant pas une incapacité totale de travail personnel supérieure à
trois mois2.

1
Crim., 6 novembre 1985, B.C., n° 347

Articles 3 et 8 du Décret n°97-84/PRES/PM/MJ du 28 février 1997 portant définition et sanction des


contraventions.

82
La peine est de 3 mois à 2 ans d’emprisonnement et d’une amende 250.000 à
2.000.000 de francs si l’incapacité totale de travail (ITT) est supérieure à trois mois.
En circonstance d’ITT supérieure à trois mois, la peine est portée de 6 mois à 3 ans
d’emprisonnement et l’amende de 300.000 à 3.000.000 de francs, si les faits ont été
commis avec l’une des circonstances suivantes :
 l’état d’ivresse ;

 le cas de délit de fuite ;


 le fait pour l’auteur de tenter frauduleusement d’échapper à la responsabilité qu’il
pouvait encourir.
Il est important de ne pas confondre la fuite constitutive de circonstance
aggravante et les précautions prises par l’auteur des faits pour éviter une éventuelle
vindicte populaire. Il revient alors à l’enquêteur, de mettre en exergue ces
circonstances spécifiques dans sa procédure afin que le juge tire les conséquences.
En matière d’accident de la circulation routière, la situation est toute particulière
au regard des circonstances spécifiques. Les spectacles de lynchage et d’incendie de
véhicules en cas d’accident grave de la circulation routière ont certainement amené le
législateur à prévoir des peines plus fortes. Ainsi, la peine est de 6 mois à 3 ans
d’emprisonnement et d’une amende 300.000 à 3.000.000 de francs pour tout
conducteur de véhicule lorsque :
 il se trouvait en état d’ivresse ou était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé
par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure
aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du Code de la
route ou d’autres lois et règlements ;

 le délit est intervenu en raison du fait qu’il a tenté d’échapper ou a refusé de se


soumettre à un contrôle de sécurité routière ;

 il résulte d’une analyse sanguine ou d’une vérification qu’il avait fait usage de
substances ou de plantes classées comme stupéfiants.
IMPORTANT :
 En cas d’atteinte à la personne physique, l’OPJ doit toujours établir une
réquisition à personne qualifiée (notamment un agent de santé ; le traitement
des procédures d’homicide, de CBV et de blessures involontaires nécessite la
production d’un document médical (certificat médical…) ;

 L’OPJ doit comprendre que les coups et blessures (volontaires ou


involontaires) ne sont pas uniquement physiques ;

 En cas de coups et blessure réciproques, recevoir les deux plaintes et les traiter
en conséquence ;
83
 Toujours se rappeler que le retrait de la plainte n’a aucun effet sur les
infractions de CBV et de blessures involontaires

CHAPITRE III : LES INFRACTIONS PAR ABSTENTION

Face aux difficultés de sanctionner le comportement passif d’une personne


qui a porté atteinte à l’intégrité physique, le législateur a prévu des incriminations
spécifiques. Traduisant toujours le caractère répréhensible de certaines passivités, le
grand pénaliste LOYSEL soutenait que « qui peut et n’empêche, pêche ».

SECTION I : LA NON ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER OU LA


MISE EN DANGER D’AUTRUI PAR ABSTENTION

L’article 521-7 du Code pénal qui incrimine certains faits d’abstention


qualifiés « refus de porter secours » par la doctrine se rapproche d’une certaine forme
de complicité. En effet, l’article 131-4, cinquièmement du Code pénal retient comme
complice, la personne qui a connaissance de la commission ou de la tentative de
commission de crime ou de délit qui pourraient se répéter et dont une dénonciation
peut prévenir, n’avertit pas aussitôt les autorités judiciaires ou administratives.

Le législateur a voulu de par cette incrimination, sanctionner l’égoïsme et


encourager la solidarité, le vivre-ensemble et le sens de l’humain

La non-assistance à personne en danger s’apprécie à deux niveaux au regard


de l’article 521-7 du Code pénal.

Il s’agit dans un premier cas de figure, du non obstacle à la commission


d’une infraction. C’est le fait de s’abstenir volontairement sans risque pour soi ou
pour les tiers, d’empêcher par son action personnelle, la commission d’un crime ou
d’un délit, contre l’intégrité corporelle d’une personne. Dans ce premier cas, la menace
doit être un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle d’une personne.
L’intervention doit avoir pour objectifs de faire échec à la commission du crime ou du
délit. Se pose alors la question du moment propice pour intervenir. La jurisprudence
retient que le délit est constitué et l’intervention justifiée dès lors que le projet est
certain1. Les contraventions échappent alors à cette incrimination. Aussi, il est
nécessaire que l’intervention soit une action personnelle et non celle d’un tiers.

Dans le second cas de figure, c’est le fait de s’abstenir volontairement de


porter personnellement assistance ou de provoquer un secours, au profit d’une
personne en péril sans risque pour soi ou pour les tiers. La particularité ici réside au

1
Crim., 18 janvier 1951, 4 mai 1951, 17 décembre 1959, 27 novembre 1996, J.C.P., 1950.II.5827 ; D., 1950.695
84
fait qu’il s’agit d’une personne en péril. La personne concernée doit apporter
personnellement l’assistance ou la provoquer tout simplement.

Sur un autre plan, en matière de catastrophe et de crise humanitaire, certains


comportements sont qualifiés de non-assistance à personne en danger ou en péril par la
loi et punis comme tels. En effet, l’article 74 de la loi n° 012-2014/AN du 22 avril
2014 portant loi d’orientation relative à la prévention et à la gestion des risques,
des crises humanitaires et des catastrophes punit conformément au Code pénal,
pour non-assistance à personne en danger, quiconque aura refusé ou se sera abstenu
volontairement de porter assistance à une personne en péril lors d’une catastrophe,
sans risque actuel et sérieux pour lui ou pour les tiers, assistance qu'il pouvait prêter,
soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
Dans un tout autre domaine en matière de crimes de guerre propres aux conflits
armés internationaux, l’article 412-7 du Code pénal incrimine le fait d’affamer
volontairement des civils. En effet, cet article punit d’une peine d’emprisonnement de
11 à 30 ans, le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les
privant de biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant
intentionnellement l’envoi des secours prévus par les Conventions de Genève. C’est
l’abstention, c'est-à-dire la privation d’aliments et autres besoins dans l’objectif
d’affamer des civils qui est incriminé.
Au regard de son immaturité et de sa vulnérabilité, l’enfance est
particulièrement protégée par le législateur. En effet, l’article 100 de la loi n° 015-
2014/AN du 13 mai 2014 portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en
danger fait obligation à toute personne majeure d’aider chaque enfant qui se présente
à elle en informant le juge des enfants, le procureur du Faso ou le travailleur social
d’une situation de danger qui le menace ou qui menace tout autre enfant. Selon
l’article 97 de la même loi, un enfant est en danger lorsque sa condition de vie ne lui
permet pas un bon développement physique ou psychologique. L’article 100 sus visé
érige en infraction, le non respect de cette prescription. Il s’agit du délit de non
assistance à personne en danger ou de mauvais traitements à enfant.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs


A – L’existence d’un risque d’infraction qualifiée crime ou délit ou d’un péril
Le risque d’infraction s’apprécie au regard de la situation de risque de
commission d’un crime ou d’un délit sur l’intégrité corporelle de la personne. Ne sont
donc pas concernés, les faits relatifs à l’atteinte aux biens. La contravention n’est pas
prévue car l’atteinte à la personne doit revêtir une certaine gravité à telle enseigne que
la personne puisse craindre pour sa vie dans les instants qui vont suivre. Il doit y avoir
péril de perdre la vie ou de souffrir d’une grave lésion corporelle.

Le péril ou le danger qui n’est pas défini par la loi doit être réel, constant et
nécessiter un secours. Peu importe la cause du péril, il doit être réel. Les faits
constitutifs du danger ou du péril peuvent émaner de tiers ou de la victime elle-même
85
(cas du suicide), ou de tout autre évènement. Il peut provenir de n’importe quelle
cause et doit menacer une personne vivante. La notion de personne vivante a été
étendue par la jurisprudence, à l’enfant à naître qui a trouvé la mort par défaut de
césarienne. En effet, un médecin a été condamné pour non-assistance à personne en
danger pour avoir tardé à intervenir alors que la sage-femme l’a informé de la
nécessité d’une césarienne urgente1. La doctrine s’est interrogée sur le traitement à
réserver à un mari qui s’oppose à la pratique d’une césarienne sur sa défunte épouse
porteuse d’un enfant dont les chances de vie sont sérieuses. Une certaine opinion s’est
montrée favorable à ce que des poursuites pour non-assistance soient engagées contre
le médecin et le mari2.

Un automobiliste auteur de blessures involontaires qui prend la fuite, est


poursuivable pour blessures involontaires, mais également pour non-assistance à
personne en danger. En effet, conscient de l’état de cette personne, il a opté de s’enfuir
au lieu de l’assister tout en sachant que son état nécessite un secours. Il sera toutefois
relaxé de ce dernier chef s’il s’est avéré qu’il encourrait des menaces telle la vindicte
populaire. Cependant, en cas d’intention manifeste de nuire telle que porter atteinte à
la vie, on ne saurait retenir la non-assistance de personne en danger. Il s’agira alors
d’un cumul qui est pénalement proscrit.

B – L’acte d’abstention

C’est l’abstention qui fait le délit en ce sens que l’action aurait pu empêcher
l’infraction ou la survenue du péril. L’acte doit être volontaire, mais il n’est pas
nécessaire qu’il y ait eu intention de nuire bien que souvent, l’abstention résulte de
cette intention. L’acte est caractérisé par le côté négatif de ce qu’il fallait faire pour
éviter le crime ou l’atteinte corporelle ou pour arrêter le péril. S’il s’agit de prévenir un
crime ou un délit, il faut une action personnelle. S’il s’agit d’un péril, l’action peut être
personnelle ou provoquée, c'est-à-dire, provoquer des secours. Pour que l’abstention
soit volontaire, encore faut-il que l’auteur ait eu conscience de la nécessité
d’intervenir. L’auteur doit être au courant du péril et la Cour de cassation française
soutient qu’il faut qu’il « ait eu personnellement connaissance du caractère
d’imminente gravité du péril auquel se trouvait exposée la personne… et qu’il ait
pu mettre en doute la nécessité d’intervenir immédiatement en vue de la
conjurer »3. La connaissance du péril s’apprécie in concreto, c’est-à-dire, en tenant
compte de la personnalité de l’auteur et des circonstances de fait. Le médecin ne

1
Crim, 2 avril 1992, B.C., n° 140, cité par PRADEL Jean et DANTI-JUAN Michel, op. cit. p. 152

2
Jean LARGUIER, RSC, 1953. 154, cité par PRADEL Jean et DANTI-JUAN Michel, op. cit. p. 152

3
Crim, 3 nov. 1954, B.C., n° 311 ;
86
saurait être retenu dans les liens de la prévention dans la situation où le patient refuse
manifestement le traitement prescrit.

C – L’absence de risque ou de danger

Le législateur condamne certes l’indifférence, la passivité mais n’impose pas


l’héroïsme. On ne peut exiger d’une personne qu’elle mette sa vie ou celle des autres
en péril pour venir en aide à autrui.

L’auteur de l’abstention peut donc s’exonérer de l’obligation d’agir en


justifiant d’un risque encouru. Le risque doit être encouru soit par celui qui doit agir,
soit par des tiers ou la victime. Le risque doit être réel et sérieux. Le risque est entendu
comme la situation « qui ferait reculer l’homme honnête et pondéré, placé dans les
mêmes circonstances »1.

Paragraphe 2 – La répression

La loi sanctionne des mêmes peines, la non-assistance à personne en péril et


le non obstacle à la commission d’une infraction. La peine applicable est un
emprisonnement de trois (3) mois à trois (3) ans et une amende de 250.000 F à
3.000.000 F.

SECTION II : LA NON REVELATION DE L’INNOCENCE D’UNE


PERSONNE (article 374-11 du Code pénal)

La non révélation de l’innocence d’une personne est la face opposée de la


non dénonciation d’un crime. La non révélation de l’innocence d’une personne ou
l’omission de témoigner en faveur d’une personne innocente est le fait de détenir la
preuve de l’innocence d’une personne incarcérée, soit à la suite d’un jugement ou
d’une détention provisoire et de s’abstenir volontairement d’apporter son témoignage
aux autorités de justice ou de police. Le témoignage tardif et fait de manière prompte
est pris en compte en ce sens que le législateur encourage le repentir tardif.

Echappent à cette incrimination, les parents en ligne directe jusqu’au


quatrième degré inclusivement et leurs conjoints ainsi que les frères et sœurs et leurs
conjoints.

La sanction de la non révélation de l’innocence d’une personne varie selon la


gravité de l’infraction :

 la non révélation de l’innocence d’une personne poursuivie pour crime est


punissable d’un emprisonnement de deux (2) ans à cinq (5) ans et d’une amende de
600.000 F à 1.500.000 F ;
1
PRADEL Jean et DANTI-JUAN Michel, op. cit. p. 157
87
 la non révélation de l’innocence d’une personne poursuivie pour délit est
punissable d’un emprisonnement de deux (2) mois à deux (2) ans et d’une amende
de 250.000 F à 600.000 F ;

La non révélation de l’innocence d’une personne poursuivie pour


contravention n’est pas punissable.

SECTION III : L’ABSTENTION DU TEMOIN (articles 341-10 du Code pénal,


261-39, 314-24, 321-60 du Code de procédure pénale)

Le témoin en justice est la personne qui a entendu ou vu un événement et sa


comparution est nécessaire pour éclairer la religion du juge. Le témoin joue un rôle
très déterminant dans le traitement des dossiers judiciaires. C’est ainsi qu’une
protection particulière est prévue par la loi au bénéfice du témoin. Un tel dispositif
vise à faciliter et à encourager sa contribution à l’œuvre de justice. Au nom du devoir
de contribution au service de la justice, la loi sanctionne le témoin défaillant. Plusieurs
infractions sont prévues à ce propos :

 Le refus de comparaître, le refus de prêter serment et le refus de


faire sa déposition : Devant le juge d’instruction, le tribunal correctionnel ou la
chambre de l’instruction, le témoin peut être contraint par la force publique. C’est ainsi
que la non comparution, le refus de prêter serment et le refus de faire la déposition du
témoin sont punis par les articles 261-39, 314-24, 321-60 du Code de procédure pénale
d’une amende de 250.000 à 600.000 francs. Il s’agit de trois infractions distinctes.

Pour la non comparution simple du témoin, il faut tout d’abord avoir la qualité
de témoin (par l’acte du juge ou du procureur qui vous convoque) et ensuite n’avoir
pas comparu devant le juge à la date indiquée.

Pour le refus de prêter serment, il s’agit du témoin qui a comparu devant le juge
et qui refuse de prêter le serment requis. C’est le refus d’avoir la qualité de témoin
assermenté qui est sanctionné. Le témoin non assermenté ne peut être poursuivi pour
faux témoignage.

Bien que s’étant présenté devant le juge, le témoin refuse de déposer. La loi
reconnait au délinquant le droit de fuir en refusant purement et simplement de parler ;
ce qui n’est pas le cas pour le témoin qui requis, doit déposer. Aucun mobile ne saurait
être invoqué pour justifier le refus de déposer du témoin.

 La non comparution du témoin suivie de fausses allégations :


S’agissant de la non comparution suivie d’une fausse allégation, il est nécessaire qu’en
plus de la qualité de témoin et de la non comparution, on note un mensonge consistant
à invoquer un motif imaginaire ou mensonger pour ne pas se présenter. Le mensonge
comme moyen de justification aggrave la situation. L’article 341-10 du Code pénal
punit la non comparution du témoin suivie de fausses allégations d’une peine
d’emprisonnement de un (1) mois à trois (3) mois.

88
TITRE II : LES INFRACTIONS CONTRE LES BIENS

Les infractions contre les biens constituent, avec celles contre les personnes, les
infractions socialement les plus importantes, parce que les plus fréquentes et celles
auxquelles les victimes sont plus sensibles, en ce qu’elles portent directement atteinte
à leur droit de propriété. Aussi, comprend-on, que les sociétés, dès qu’elles furent
suffisamment organisées et que le mien et le tien ont pu être distingués sans
équivoque, aient assuré la répression de ces agissements.

L’évolution du Code Pénal tourne autour des deux (2) idées suivantes :

- d’une part, on assiste, de la part du législateur, à un travail d’analyse et de


différenciation dans les procédés utilisés pour porter atteinte aux biens, ce qui le
conduit à multiplier les qualifications distinctes là où il n’y avait à l’origine qu’une
seule infraction par exemple : le vol, l’escroquerie et l’abus de confiance étaient
confondus dans le furtum (vol). Il faut d’ailleurs ajouter que le législateur s’y est
trouvé contraint par les délinquants eux-mêmes, qui ont sans cesse imaginé des
procédés nouveaux, voisins mais différents des précédents et ne pouvant faire l’objet
de poursuites en raison de l’interprétation stricte des textes portant des incriminations.

- D’autre part, on constate un certain affinement dans les procédés utilisés par les
délinquants. Selon la formule de M. VOUIN « les atteintes matérielles » ou atteintes
grossières aux biens sous forme de pillage, incendies ou destructions, sont en
régression au profit « des atteintes juridiques » plus subtiles. Il est devenu habituel de
souligner l’augmentation considérable de la délinquance surtout en matière financière,
la délinquance « en col blanc » : escroquerie, abus de confiance, abus de biens
sociaux… en face de laquelle l’arsenal répressif burkinabè apparaît souvent dépassé et
mal adapté (ex : les cas d’utilisation abusive des distributeurs automatiques de billets).

Les infractions contre les biens sont nombreuses. Dans ce cours, il sera seulement
question des atteintes à la propriété d’autrui, de la remise de fonds par chantage, des
destructions, dégradations et dommages.

CHAPITRE I : LES ATTEINTES A LA PROPRIETE D'AUTRUI

Les infractions étudiées dans le présent chapitre aboutissent à priver le


propriétaire de son bien. Cependant, le mode d’expropriation est différent d’une de ces
infractions à l’autre. Il s’agit essentiellement du vol, de l'escroquerie, et de l'abus de
confiance, auxquelles sera ajouté le recel, infraction qui leur est directement liée.
L’étude de ces infractions se terminera par des informations sur les immunités
familiales.
89
SECTION 1 : LE VOL (article 611-1 et suivants du Code pénal)

Le vol est l’une des infractions les plus courantes. Mais paradoxalement, le
milieu d’affaires connaît très peu cette infraction. Son étude en droit pénal des affaires
est toutefois indispensable car elle permet de bien comprendre certaines infractions
liées au monde des affaires.

Aux termes de l’article 611-1 du Code pénal « est coupable de vol, quiconque
soustrait frauduleusement une chose appartenant à autrui ». Le vol peut donc se
définir comme la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Cette définition, en
apparence simple, cache beaucoup de subtilités qui seront révélées par l’examen en
détails des éléments constitutifs du vol. Une fois que ces éléments sont réunis, des
peines seront appliquées à l’auteur de l’infraction. Enfin, il n’est pas sans intérêt
d’étudier certaines infractions proches du vol.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs du vol

Comme toute infraction, l’existence du vol est subordonnée à l’existence de


trois éléments : l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral. S’agissant de
l’élément légal ou préalable légal, il suffit d’indiquer qu’il s’agit de l’article 611-1 du
Code pénal. Les éléments matériel et moral méritent en revanche une étude
approfondie.

A. L’ÉLÉMENT MATÉRIEL
Au sens matériel, voler signifie soustraire une chose appartenant à autrui.

1. La soustraction

La soustraction consiste à enlever, à s’emparer de la chose contre le consentement


de la victime du vol et à son insu. C’est l’usurpation de la possession se manifestant
par une prise en main de la chose. Dans ce sens, la soustraction suppose donc que la
chose ne soit pas remise volontairement par la victime au voleur ; il n’y a pas, en
principe, vol lorsque la chose est remise au voleur.

Il y a cependant des hypothèses où la soustraction peut exister à la suite d’une


remise « volontaire ».

Il en est ainsi, tout d’abord, lorsque le propriétaire n’a voulu transférer qu’une
simple détention et non la possession de la chose, celui qui en use comme possesseur
peut être poursuivi de vol. Par exemple, si un commerçant remet à un client un
cyclomoteur pour un essai de quelques minutes, il y a vol lorsque le client s’enfuit
avec le cyclomoteur. Autre exemple, dans les magasins libre service, les clients
peuvent détenir la chose jusqu’à l’encaissement du prix à la caisse. Commet un vol
90
celui qui détient la chose et dépasse la caisse sans payer le prix. De même, si un
portefeuille a été remis à quelqu’un pour qu’il enlève une pièce de 200 F. Il y’aura vol
si la personne soutire une pièce de 500 F en lieu et place.

Il en est ainsi, ensuite, lorsque la remise n’a pas été libre et consciente. C’est le cas
si la chose a été remise sous la menace d’une arme ou sous la contrainte. C’est
également le cas lorsque le possesseur ou le propriétaire qui remet est en état de
démence ou est un incapable (mineur et majeurs placés sous tutelle ou curatelle) et se
trouve dans l’impossibilité de transférer la possession.

Mais, y a-t-il soustraction en cas de remise par erreur ? Si l’erreur résulte du fait du
propriétaire, il n’y a pas soustraction : le commerçant devait donner 1000 F CFA
comme monnaie se trompe et donne 2000 F CFA. Le client qui reçoit, même en
connaissance de cause, cette somme ne peut être poursuivi de vol. Il y a, par contre,
soustraction si l’erreur a été provoquée par celui qui reçoit. En réalité, il s’agit plutôt
de l’infraction de l’escroquerie. Mais si celle-ci ne peut être retenue, les juges font
appel à la notion de vol pour punir le délinquant.

2. La chose susceptible de soustraction : la chose appartenant à autrui.

La chose susceptible d’être soustraite est une chose mobilière appartenant à autrui.

► Une chose mobilière

Il doit s’agir d’un bien meuble, c’est-à-dire une chose susceptible d’être déplacée,
ou transformée en meuble (par exemple les matériaux d’une maison détruite ou
endommagée). Il ne peut y avoir de vol portant sur un immeuble. En outre, la chose
doit être matérielle. Ainsi, les biens meubles incorporels ou droits ne peuvent faire
l’objet de vol. On peut cependant commettre le vol sur un titre de créance. De même,
l’eau et l’électricité, dont on peut estimer la quantité au moyen d’un compteur, peuvent
faire l’objet de vol.

► Une chose appartenant à autrui

La chose soustraite doit appartenir à autrui pour que l’infraction de vol soit
constituée. Il résulte de ce principe plusieurs conséquences.

D’abord, il ne saurait y avoir de vol commis par le propriétaire sur ses propres
biens ; la dissipation de biens saisis entre les mains de son propriétaire est punie par
une autre infraction à savoir le délit de détournement de biens saisis.

Ensuite, Il n’y a pas vol en cas d’appropriation d’une chose dont on est
propriétaire, dès lors qu’elle n’appartient à personne. C’est le cas des choses
abandonnées et des choses communes.
91
En revanche, il y a vol lorsque, en cas de copropriété, on soustrait tout ou partie de
la chose qui appartient aux autres copropriétaires.

De même, l’infraction de vol peut être retenue contre un vendeur d’articles


ménagers qui, sans réserver la propriété, reprend la chose de force en cas de non-
paiement, car il n’était plus propriétaire de la chose.

B. L’ÉLÉMENT MORAL
Aux termes de l’article 611-1, la mention du terme « frauduleusement » traduit
que le vol est une infraction intentionnelle. L’intention est donc une condition
nécessaire et suffisante.

L’intention est une condition nécessaire dans la mesure où si on prend par


erreur une chose croyant être la sienne, il n’y a pas vol. C’est le cas d’échange
involontaire d’engin qui se produit régulièrement au niveau des parkings. Il n’y a
également pas vol, si on s’empare d’une chose en croyant que son propriétaire a
accepté cette appropriation. L’intention coupable ne pourra pas être prouvée.

L’intention est suffisante en ce sens où le mobile importe peu ; il suffit qu’au moment
de la soustraction l’intention soit présente. Que le voleur se livre après à un repentir
actif n’efface pas l’existence de l’infraction. Ainsi, le fait de prendre un véhicule sans
le consentement de son propriétaire constitue un vol ou un usage frauduleux, même si
le véhicule est ramené intact, avec un mot aimable sur le pare-brise.

Paragraphe 2 : Les peines applicables au vol

L’échelle des peines dépend des circonstances d’aggravation et c’est ainsi que
nous avons le vol simple ou correctionnel et le vol aggravé.

A. LE VOL SIMPLE OU CORRECTIONNEL


Le vol correctionnel peut être simple ou aggravé. Le vol simple est celui qui n’est pas
accompagné de circonstances aggravantes. Il est puni d’un emprisonnement de un à
cinq ans et d’une amende de 500 000 F CFA à 1 000 000 F CFA. Le vol correctionnel
aggravé est celui commis avec certaines circonstances et sa peine est plus aggravée
mais reste néanmoins un délit. On note plusieurs cas de vols correctionnels aggravés.
Est un vol correctionnel aggravé, lorsqu’il :
˗ est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices,
sans qu'elles constituent une bande organisée ;

˗ est commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une
mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions
ou de sa mission ;

92
˗ est commis par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne
dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ;

˗ est précédé, accompagné ou suivi de menaces de violences ou de violences sur autrui


n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail ;

˗ est commis dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises
ou matériels ;

˗ est commis dans un véhicule affecté au transport public de voyageurs ou dans un lieu
destiné à l'accès à un moyen de transport public de voyageurs ;

˗ est précédé, accompagné ou suivi d'un acte de destruction, dégradation ou


détérioration ;

˗ est commis à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée,


de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;

˗ est commis par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage
afin de ne pas être identifiée ;

˗ est commis dans les établissements d'enseignement ou d'éducation ainsi que, lors des
entrées ou sorties des élèves ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de
ces établissements ;

˗ est précédé, accompagné ou suivi de violence sur autrui ayant entraîné une incapacité
totale de travail pendant huit jours au plus ;

- est commis à l'aide d'escalade, d'effraction extérieure ou intérieure, d'ouverture


souterraine ou de fausses clés dans un édifice même ne servant pas à l'habitation ;

- est commis de nuit ;

˗ est commis avec port illégal d'uniforme ou usurpation d'une fonction d'autorité ;

-est commis au cours d'un incendie ou après une explosion, un effondrement, une
inondation, une catastrophe, une révolte, une émeute ou tout autre trouble ;
˗ a porté sur un objet qui assurait la sécurité d'un moyen de transport quelconque
public ou privé.
Commis dans les circonstances ci-dessus citées, le vol correctionnel aggravé est
puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans à dix ans, et d'une amende de un
million (1 000 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA.
Le vol correctionnel aggravé est également puni d’une peine d’emprisonnement
de cinq ans à sept ans et d’une amende de deux cent cinquante mille (250 000) à deux
93
millions (2 000 000) de francs CFA lorsqu'il est commis par un majeur avec l'aide d'un
ou plusieurs mineurs âgés de treize à moins de dix-huit ans, agissant comme auteurs
ou complices.
Les peines sont portées de cinq ans à dix ans d'emprisonnement et d'une amende
de un million (1 000 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA lorsque le majeur
est aidé d'un ou plusieurs mineurs âgés de moins de treize ans. Le mineur est incarné
de manière exceptionnelle et la procédure pénale le concernant prévoit un mécanisme
spécial pour encadrer l’action engagée contre lui. L’objectif visé par cette sanction qui
peut être prise à l’encontre du majeur est de décourager les majeurs qui s’entourent de
mineurs pour les amener de manière inconsciente à commettre des vols, hypothéquant
ainsi leur avenir.
Le vol commis en certains lieux et portant sur certains objets bien que
constituant un délit reste gravement sanctionné. Ainsi, est puni d'une peine
d’emprisonnement de trois ans à dix ans et d'une amende de un million (1 000 000) à
trois millions (3 000 000) de francs CFA, la personne qui vole dans les champs des
animaux, bêtes de charge ou de trait, gros et menu bétail ou des instruments agricoles.
Les mêmes peines sont applicables au vol de bois dans les coupes, de pierres dans les
carrières, ainsi qu'au vol de poissons en étang, vivier ou réservoir.

B. LE VOL CRIMINEL OU VOL AGGRAVÉ


Le vol est aggravé ou criminel lorsqu’il est commis dans certaines circonstances
qualifiées de circonstances aggravantes. Ces circonstances ont pour effet de
transformer le délit, en un crime.

 Ainsi, aux termes de l’article 611-8 du Code pénal, est puni d’un
emprisonnement de onze à trente ans, tout individu coupable de vol avec au
moins trois des circonstances suivantes :
˗ si le vol a été commis avec violences ou menaces de violences ou port illégal
d'uniforme ou usurpation d'une fonction d'autorité ;
˗ si le vol a été commis de nuit ;
˗ si le vol a été commis en réunion par deux ou plusieurs personnes ;
˗ si le vol a été commis à l'aide d'escalade, d'effraction extérieure ou intérieure,
d'ouverture souterraine ou de fausses clés dans une maison, un appartement, une
chambre ou un logement habité ou servant à l'habitation ou à leurs dépendances ;
- si l'auteur du vol s'est assuré la disposition d'un véhicule motorisé en vue de
faciliter son entreprise ou de favoriser sa fuite ;
˗ si l'auteur est un domestique même lorsqu'il a commis le vol envers des personnes
qu'il ne servait pas, mais qui se trouvaient soit dans la maison de son employeur,
soit dans celle où il l'accompagnait ;
˗ si l'auteur est un employé ou apprenti dans la maison, l'atelier ou le magasin de
son employeur ou s'il est un individu travaillant dans l'habitation où il a volé.

94
 Quant à l’article 611-9 du Code pénal, il punit d’une peine d’emprisonnement de
vingt à trente ans et d'une amende de cinq millions (5 000 000) à dix millions (10
000 000) de francs CFA, la personne qui commet un vol sur les chemins publics ou
dans les véhicules servant au transport des voyageurs, des correspondances ou des
bagages ou dans l'enceinte des gares, aéroports, quais de débarquement ou
d'embarquement lorsque le vol a été commis dans les circonstances visées à l'article
précédent.
S’il est résulté pour la victime des blessures la peine est l’emprisonnement à
vie.

 L’article 611-14 du Code pénal puni d’une peine d’emprisonnement de onze ans à
vingt et ans et d’une amende de un million cinq cent mille (1 500 000) à cinq
millions (5 000 000) de francs CFA, le vol commis dans les cas suivants :
˗ lorsqu'il est facilité par l'état d'une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique
ou psychique, est apparente ou connue de son auteur ;
- lorsqu'il est facilité par l'état d'une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
 L’article 611-13 du Code pénal punit d’une peine d’emprisonnement de onze ans
à vingt et un ans et d’une amende de un million cinq cent mille (1 500 000) à cinq
millions (5 000 000) de francs CFA lorsque le vol porte sur :
- un objet mobilier classé ou inscrit en application des dispositions de la loi
relative à la protection du patrimoine culturel au Burkina Faso, ou un document
d'archives privées classé en application des dispositions de la même loi ;
- une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement ;
- un bien culturel qui relève du domaine public mobilier ou qui est exposé,
conservé ou déposé, même de façon temporaire, soit dans un musée du Burkina
Faso, une bibliothèque, une médiathèque ou un service d'archives, soit dans un
lieu dépendant d'une personne publique ou d'une personne privée assurant une
mission d'intérêt général, soit dans un édifice affecté au culte.
La peine d’emprisonnement est de vingt et un ans à trente ans et l’amende de
cinq millions (5 000 000) à dix millions (10 000 000) de francs CFA lorsque
l'infraction prévue dans ces circonstances a été commise à l’aide d’une arme apparente
ou cachée ou que l’auteur détenait une arme dans un véhicule motorisé utilisé pour se
rendre au lieu de l’infraction ou pour assurer sa fuite.
Les peines d'amende mentionnées au présent article peuvent être élevées jusqu'à
la moitié de la valeur du bien volé.
Paragraphe 3 : Le grand banditisme
Au regard de la persistance du grand banditisme et l’inadaptation de la loi
pénale de droit commun aux réalités du terrain, le législateur a adopté spécialement la
loi n°17-2009/AN du 05 mai 2009 portant répression du grand banditisme. Cette loi

95
institue tout un mécanisme spécifique procédurale en matière répressive contre les
actes de grand banditisme. Le Code pénal qui a abrogé les dispositions répressives de
cette loi consacre ses article 612-1 à 612-6 au grand banditisme. Cette loi a été
entièrement abrogée par le nouveau Code de procédure pénale.
L’article 612-1 du Code pénal définit le grand banditisme comme les vols
caractérisés par l'usage d'armes quelconques, de toutes formes de violences sur les
personnes ou de tous autres procédés mécaniques ou chimiques. C’est ainsi que
l’article suivant donne cette liste non exhaustive d’actes de grand banditisme :
- le vol, lorsqu'il a été commis sur les chemins publics ou dans les véhicules
particuliers ou servant de transport de voyageurs, de correspondances ou de
bagages, dans les circonstances prévues à l'article 612-1 ci-dessus ;
- le vol, lorsqu'il a été précédé, accompagné ou suivi d'autre crime ;
- le vol commis avec usage d'arme ;
- le vol commis avec port d'arme apparente ou cachée ;
- le vol commis avec violence ou accompagné de tout acte de barbarie ou de
torture ;
- le vol commis en faisant usage de procédés mécaniques ou chimiques.
Relativement à la répression, la personne reconnue coupable de grand
banditisme est punie d’une peine d’emprisonnement de onze ans à l'emprisonnement à
vie et d'une amende de cinq millions (5 000 000) à cinquante millions (50 000 000) de
francs CFA.
Il convient de préciser que les dispositions relatives au grand banditisme ne sont
pas applicables en cas d'atteinte à la vie.
De manière exceptionnelle, le pôle judiciaire spécialisé dans la répression des
infractions économiques et financières et de la criminalité organisée est compétent en
matière de grand banditisme. De ce fait, les procédures d’enquête, de poursuite,
d’instruction et de jugement sont celles applicables devant cette juridiction.
Paragraphe 4 : Les infractions spécifiques
Dérivées du vol dans une certaine mesure avec cependant des spécificités, ces
infractions sont multiples. L’on n’examinera que la filouterie, l’extorsion et le
chantage qui sont des infractions liées au monde des affaires ou faisant recours à la
contrainte.

 La filouterie d’aliments, de boisson, d’hôtel, de moyen de locomotion, de


carburant ou de lubrifiants (articles 611-25 à 611-27 du Code pénal)

Avant l’adoption de la loi portant répression de la filouterie d’aliments le 26 juillet


1873, une personne avait la possibilité de se faire servir un repas dans un restaurant
tout en sachant ne pas être en mesure d’honorer la facture. Au nom du principe de
l’interprétation stricte de la loi pénale, cette personne ne pouvait être poursuivie pour
vol, ni pour escroquerie, encore moins pour abus de confiance. La filouterie ou
96
grivèlerie consiste, pour une personne qui se sait dans l’impossibilité de payer ou qui
est déterminée à ne pas payer :

- à se faire servir des boissons ou des aliments dans un restaurant et en consomme tout
ou partie ;

- à prendre en location une ou plusieurs chambres d’hôtel, auberge, campagne, et les


occupe effectivement sans que cela excède 15 jours ;

- à prendre en location une voiture de place ou prend place dans un véhicule de transport
public ;

- à se faire servir des carburants ou lubrifiants par des professionnels de la distribution.

- Ne pas être en mesure de payer ou être déterminé à ne pas payer.

Quel que soit le bien sur lequel elle porte, la filouterie est punie d’une peine
d’emprisonnement de deux mois à six mois et d’une amende de 250 000 à 600.000
francs.

L’ancien code pénal à travers les articles 470 à 472 ne punissait la filouterie que
dans la mesure où la personne se savait dans l’impossibilité de payer le prix. Face à la
difficulté de l’accusation de prouver cette impossibilité de payer le prix, la nouvelle loi
a étendu l’incrimination à la personne « déterminée à ne pas payer ».

 L’extorsion de signature, d’actes, de données informatiques, de titre, de


pièce (article 611-28 du Code pénal) : consiste pour une personne à extorquer par
force, violence, ou contrainte, la signature ou la remise d’un écrit, d’un acte, d’un titre,
d’une pièce quelconque contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge ou de
données informatiques. La violence ou la contrainte qui peut être physique ou morale,
doit exister, même si l’acte est nul. Son degré varie d’une personne à une autre et
s’apprécie cas par cas. L’extorsion peut ne pas concerner la personne de la victime
mais toute autre personne dont la situation est susceptible d’influencer la victime.
L’intention coupable s’apprécie en la conscience du délinquant d’atteindre le résultat
au moyen de la force, contrainte sans lesquelles la victime n’aurait pas librement
consenti.

Au regard de sa gravité, l’extorsion de signature, d’actes, de données


informatiques, de titre ou de pièce est punie d’une peine d’emprisonnement de 5 à 10
ans et d’une amende de 1.000.000 à 3.000.000 de francs.

 Le chantage ou l’extorsion de fonds par le chantage (article 611-29 du code pénal)


Est qualifié chantage, le fait d’obtenir soit la remise de fonds ou valeurs, soit la remise
de données informatiques, soit la signature ou la remise des écrits, acte, titre ou pièce
97
quelconque contenant ou opérant obligations, dispositions ou décharges au moyen de
la menace écrite ou verbale de révélation ou d'imputation diffamatoire. La victime est
obligée de s’exécuter par crainte de révélation d’un fait diffamatoire, c’est-à-dire de
faits de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération. Il s’agit de la
menace de révéler ou d’imputer des faits qui peuvent être réels ou simplement
imaginaires. La remise doit avoir été déterminée par la menace qui lui est antérieure ou
tout au moins, concomitante. Il suffit que la crainte de la révélation ait pu exercer sur
la victime, une contrainte de nature à l’obliger à s’exécuter. Il y’a chantage, le fait de
menacer une mère de divulguer le faux commis par son fils si elle ne verse pas une
certaine somme d’argent1. L’imputation qui doit être non-équivoque doit se référer à
un fait déterminé. En effet, il n’y a pas chantage si l’auteur sans précision dit ceci : « je
saurai bien vous faire marcher ». L’auteur doit être de mauvaise foi, c’est-à-dire avoir
conscience d’employer des moyens illégitimes pour atteindre un objectif. Cependant,
la dénonciation de faits illégaux n’est pas condamnable.

Le délit de chantage est puni d’une peine d’emprisonnement de 1 à 10 ans et


d’une amende de 1.000.000 à 3.000.000 de francs.

La tentative des délits de vol, de filouterie, d’extorsion et de chantage sont


punissables.

Très important :

Mot clé pour l’infraction de vol : la soustraction

- l’enquête doit mettre en évidence l’élément matériel ;

- l’enquête doit mettre en évidence le bien objet du vol ;

- l’enquête doit relever le lien existant entre la victime et le mis en cause ;

- l’enquête doit mettre en évidence selon les cas, la ou les circonstances


aggravantes ;

- faire la différence entre le vol aggravé et le grand banditisme ;

- l’identification du propriétaire du bien n’est pas nécessaire pour que l’infraction


de vol soit constituée ;

- il existe une multitude d’infractions connexes à celle du vol ;

- Evitez les qualifications telles que : malversations financières, brigandage,


banditisme ;

1
Cass. 25 avril 1896, S. 96.1. 535, D. 98. 1. 92
98
SECTION 2 : L’ESCROQUERIE (articles 613-1 et 613-2 du Code pénal)

L'escroquerie est un délit tendant, comme le vol, à l'appropriation frauduleuse


de la fortune d'autrui, mais la méthode d'appropriation diffère nettement. Alors que
dans le vol, c'est la notion de soustraction qui est importante, dans l'escroquerie, c'est
la tromperie déterminant le consentement de la victime qui retient l'attention. L'article
613-1 du Code pénal incrimine donc « quiconque soit en faisant usage d'un faux
nom ou d'une fausse qualité, soit en abusant d'une qualité vraie, soit en
employant des manœuvres frauduleuses pour tromper une personne physique ou
morale et la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’autrui, à
remettre des fonds, des valeurs, des données informatiques ou un bien
quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou
décharge »
L'analyse de cette définition révèle une grande diversité dans les moyens mis en
œuvre par les auteurs pour tromper les victimes et obtenir la remise d'une chose. Le
législateur a élargi la définition de l’escroquerie en intégrant un certain nombre
d’éléments tels que l’usage abusif d’une qualité vraie, la tromperie d’une personne
morale, au préjudicie d’autrui, la remise de données informatiques ou un bien
quelconque et la fourniture d’un service.
Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs
Au regard de l'article 613-1 du Code pénal, le délit d'escroquerie consiste à
utiliser sciemment un moyen faux, abuser d’une qualité vraie ou utiliser des
manœuvres frauduleuses dans le but d'obtenir la remise d'une chose. Le législateur n'a
pas précisé la notion de « manœuvres frauduleuses ». Ce n'est que par la jurisprudence
que ses contours ont été déterminés.
A. La tromperie

Elle peut résulter, soit de l'emploi d'un faux nom ou d'une fausse qualité,
de l’abus d’une qualité vraie, soit de l'emploi de manœuvres frauduleuses.
1. L'emploi d'un faux nom, d'une fausse qualité ou l’usage abusif d’une qualité vraie

Le premier procédé de l'escroquerie est l'emploi d'un faux nom ou d'une


fausse qualité ou l’utilisation abusive une vraie qualité. Et l'escroquerie par faux nom
est commise par un simple mensonge dans la mesure où l'escroc se contente d'utiliser
un nom qui n'est pas le sien. L'usage d'une fausse identité par un faux nom ou prénom
suffit à caractériser l'escroquerie. Peu importe que le nom utilisé existe. Le faux nom
peut être purement imaginaire ou appartenir effectivement à un tiers. La qualité peut
être une fonction, une nationalité. Lorsqu'un faux nom a été pris par écrit, ce fait peut
être constitutif du délit de faux et usage de faux en même temps que l'escroquerie. Il y
aura alors cumul réel d'infractions et la poursuite doit être exercée sous la plus haute
qualification qui est celle du faux.

99
L'escroquerie peut porter aussi bien sur l'utilisation d'une fausse qualité. II suffit
qu'il y ait entre cet usage et la remise de la chose, une relation de cause à effet. L'usage
de la fausse qualité peut donc consister à prendre le faux titre de mandataire ou de
préposé d'un tiers, ou à se parer du faux titre de fonctionnaire public, d'ecclésiastique,
d'avocat, de chômeur, etc., pour inspirer une confiance. Peu importe que l'auteur ait
antérieurement possédé la qualité dont il fait état, dès l'instant où il ne la possède plus.
Mais l'affirmation fallacieuse d'un droit ne constitue pas la fausse qualité. Bien
qu’étant réelle et vraie, si l’auteur fait état de sa qualité de manière abusive, il tombe
sous le coup de la loi.
2. L'emploi de manœuvres frauduleuses

Parfois, le simple mensonge, écrit ou verbal, émanant de l'escroc, ne suffit plus, à


lui seul, pour constituer une manœuvre frauduleuse suffisante pour tromper la victime.
Il faut accréditer ce mensonge par des justifications, manœuvres ou mises en scène.
Par manœuvres frauduleuses, il faut entendre tout acte extérieur, toute machination ou
toute mise en scène qui donne force et crédit à des affirmations ou des allégations
mensongères. Il faut un fait actif, car l'escroquerie est un délit de commission.
L'intervention d'un tiers est souvent utilisée pour persuader l'existence du fait allégué
ou fortifier les allégations mensongères.
Quelle est la nature des manœuvres ?
Aucune énumération n'est donnée par la loi et toute manœuvre peut être retenue,
mais elle doit être antérieure et déterminante pour la remise de la chose. Elle peut
consister en une action positive, une intervention manuelle, une ruse, une machination,
une mise en scène. La mise en scène peut consister en une installation fictive de
bureaux ou dans le fait de faire visiter des maisons à vendre pour finir par demander
une avance. Constitue aussi une manœuvre frauduleuse au sens de l'article 613-1 du
Code pénal, la production à l'appui d'allégations mensongères de documents ou de
pièces délivrés par une administration publique tendant à faire croire à l'existence d'un
crédit imaginaire ou corroborant un mensonge. Il en est ainsi en cas de présentation
d'une attestation de vol délivrée sur une fausse déclaration de vol pour obtenir une
indemnisation de la compagnie d'assurance à laquelle on déclare un vol. La manœuvre
frauduleuse peut consister dans l'intervention d'un tiers, qui peut être de mauvaise foi
et agir de connivence ou qui peut être un témoin malgré lui. Tel est le cas du
comptable qui de bonne foi, transmet un bilan dont il certifie l'exactitude alors qu'il
s'agit d'un faux bilan ou d'un bilan inexact. Ainsi, « la présentation de faux documents,
par le truchement d'un tiers de bonne foi, en vue d'obtenir un paiement indu, est
nécessairement constitutive d'une manœuvre frauduleuse ». Ainsi, si la jurisprudence
exige que le mensonge de l'escroc soit étayé par un élément matériel extérieur qui peut
être l'intervention d'un tiers, elle n'impose pas que ce tiers soit de mauvaise foi, car le
délinquant habile peut utiliser la coopération inconsciente d'un tiers de bonne foi, lui-
même dupé par le prévenu et dont l'intervention sera d'autant plus efficace que ce tiers
apparaîtra sincère et désintéressé et, dans ce cas, il y a manœuvres frauduleuses
constitutives du délit d'escroquerie. Mais, le tiers de bonne foi ne sera pas inquiété
pénalement. Par contre, celui qui apporte une coopération consciente et volontaire à
100
l'action d'un escroc sera poursuivi comme complice. La manœuvre frauduleuse peut,
par ailleurs, consister dans une publication d'annonces attirant les victimes ou dans
l'abus d'une qualité vraie. En effet, l'article 613-1 du Code pénal mentionne « l'abus de
qualité vraie » parmi les manœuvres frauduleuses imputables à l'escroc, parce que
l'usage de la qualité vraie est de nature à imprimer aux faits, l'apparence de la sincérité.
Les exemples d'utilisation de l'abus de la qualité vraie sont nombreux et variés.
Ils sanctionnent, notamment, l'usage abusif d'une qualité de vrai notaire, d'huissier,
d'avocat, de conseil juridique ainsi que celui de toute profession privée.
Il peut y avoir enfin, escroquerie « à la charité publique ». Il en est ainsi,
lorsque le prévenu met en œuvre des procédés tels que la constitution de fausses
associations ou l'abus de fausse qualité de mandataire d'institutions charitables pour
obtenir des donateurs, la remise de dons qui seront par la suite détournés. Dans ce cas,
même si le préjudice subi individuellement par chacune des victimes n'est pas très
important, leur nombre apporte un trouble considérable à l'ordre public. La
multiplication de ce genre d'infractions pourrait, en outre avoir pour effet de faire
naître chez les gens de bonne volonté, un esprit de suspicion généralisée et de
dissuader les donateurs potentiels de verser leurs dons à des organisations caritatives
réputées au-dessus de tout soupçon. Le législateur a innové en prévoyant spécialement
cette forme d’escroquerie au titre des circonstances aggravantes.
Quel est le but ou l'objet de la manœuvre ? C’est la tromperie purement et simplement.
Le précédant Code pénal énumérait limitativement les buts poursuivis par l'auteur.
Ainsi, constitue une fausse entreprise au sens de l'article 613-1 du Code pénal une
société qui, bien qu'ayant une existence réelle, ne poursuit ses opérations que par des
moyens frauduleux. Par exemple, une entreprise est en état de cessation de paiement,
mais pour se procurer une trésorerie, elle achète des marchandises à crédit qu'elle
revend au comptant, sachant que les fonds ne seront pas utilisés pour payer les
marchandises achetées. D'autre part, persuader d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire.
Ces termes sont limitatifs mais suffisamment généraux pour permettre au juge
d’appréhender toutes manœuvres frauduleuses. Il peut s’agir d’une personne qui fait
des annonces permettant de gagner des lots de grande valeur alors que ceux-ci
n’existent pas. Il en est de même, quand le règlement de la loterie est tel qu’il ne peut
exister de gagnant. Par contre celui qui persuade l’existence d’un pouvoir surnaturel
ou qui se prétend « envoyé de Dieu » n’est pas coupable d’escroquerie, faute de
pouvoir vérifier l’affirmation.
B. La remise de la chose

L’ancienne version de l’escroquerie de l’article 477 est plus restrictive sur la notion de
chose à remettre.
1. Les choses susceptibles d’être remises
Il s’agit des fonds, des valeurs, des données informatiques ou un bien
quelconque, ou le fait de fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation
ou décharge. Il peut donc s’agir d’un bien quelconque à l’exception des immeubles.
101
Cependant, le prix de l’immeuble ou les titres de propriété de l’immeuble peuvent faire
l’objet d’escroquerie. Le meuble s’entend donc de toute chose mobilière susceptible
d’appropriation individuelle, que sa valeur soit grande ou petite, matérielle ou morale.
Il peut s’agir enfin des obligations, dispositions, billets, promesses, quittances ou
décharges, c'est-à-dire, tout acte dont peut résulter un lien de droit à l’aide duquel il
peut être porté préjudice à la totalité ou partie de la fortune d'autrui. Peu importe la
valeur de la chose. Un souvenir ou une lettre d'amour qui n'a qu'une valeur
sentimentale, peut faire l'objet d'une escroquerie, puisqu'il y a appauvrissement. Une
escroquerie peut aussi porter sur un jugement. Ainsi, en se prétendant faussement
victime d'un accident et en utilisant des manœuvres frauduleuses pour accréditer cette
déclaration et obtenir du juge des dommages intérêts est une escroquerie au jugement.
Les données informatiques et la fourniture de service sont deux nouveaux éléments
ajoutés par le législateur. C’est ainsi que le fait de voyager gratuitement en employant
des moyens frauduleux s’apprécie en fourniture de service et est punissable pour
escroquerie.
2. La remise proprement dite de la chose

Le délit d'escroquerie est un délit instantané qui se consomme par la


remise de la chose. Elle est implicite. La remise de la chose doit être postérieure à
l'emploi des moyens de l'escroquerie et déterminée par celui-ci.
Mais la notion de décharge a donné lieu à une difficulté d'interprétation. Par
exemple une personne, en utilisant une rondelle de cuivre qu'il introduit dans un
parcmètre, obtient le droit de stationner sans bourse délié. Il n'y a eu aucune remise de
ticket, ni a priori décharge. Mais, il a été jugé que l'auteur a obtenu frauduleusement
une décharge de prix bien qu'il n'y ait eu aucune remise matérielle. Les peines de
l'escroquerie restent donc applicables à l'introduction d'une rondelle de cuivre sans
valeur dans un parcmètre. Le même principe s'applique également pour l'escroquerie
au Taxiphone et aux appareils distributeurs de billets de banques.
C. L'existence d’un préjudice

L'escroquerie suppose chez la victime ou chez un tiers, un préjudice et


chez le coupable l'appropriation de la chose remise. Le législateur exige l'existence
d'un préjudice et le juge doit en faire état de ce préjudice chez la personne physique ou
morale ou chez un tiers et c’est ce que prévoit l'article 613-1 du Code pénal. Mais la
doctrine est partagée sur la nécessité d'un préjudice. Ainsi pour certains auteurs, c'est
le détournement au préjudice du propriétaire qui constitue proprement l'escroquerie.
Pour d'autres, il n'y a pas d'escroquerie si l'objet remis est aussitôt restitué et ajouter la
nécessité d'un préjudice serait ajouté à la loi. Le préjudice peut être moral, matériel,
actuel ou éventuel. Ainsi, il n y a pas escroquerie, si l'auteur des manœuvres se fait
remettre des objets qui lui appartenaient et ont il n'arrivait pas à obtenir la restitution
D'une manière générale, il y a escroquerie lorsque la remise de la chose a été le résultat
de moyens frauduleux et non librement consentie. La notion de préjudice peut donc
s'analyser en un viol du consentement. Ainsi, la restitution des choses remises ne
supprime pas l'infraction, elle ne constitue qu'un repentir actif.
102
D. L'intention frauduleuse

L'escroquerie est un délit intentionnel car l'auteur doit avoir eu


conscience des moyens frauduleux par lui utilisés pour obtenir la remise de la chose.
Une simple négligence ne constitue pas la mauvaise foi et n'engendre donc pas la
responsabilité pénale du chef d'escroquerie. Ainsi, les mensonges, les manœuvres
frauduleuses ou la prise de fausse qualité doivent se traduire par des actes positifs
destinés à induire en erreur la victime et à déterminer la remise de la chose. Il n'existe
donc pas une escroquerie par omission ou par abstention. Par conséquent, le fait de ne
pas détromper une personne qui opère une remise déterminée par erreur spontanée, ne
constitue pas une escroquerie au sens de la loi. De même il n’y a pas de lien de
corrélation entre l'imprudence consistant à laisser son chéquier dans sa voiture et les
escroqueries commises par le voleur du chéquier.
Toutefois, il faut distinguer l'intention et le mobile. Ainsi un créancier
qui ne peut se faire remettre par son débiteur des fonds qu'il ne lui aurait pas délivrés
sans manœuvres frauduleuses est coupable d'escroquerie. Il importe donc peu que les
buts soient légitimes ou illégitimes ou que le mobile auquel l'auteur a obéi soit juste ou
non. La légitimité du but n'excuse pas la malhonnêteté des procédés. Ainsi, réaliser un
détournement au profit d'une œuvre charitable constitue une escroquerie. C'est au juge
qu'il appartient d'apprécier souverainement la mauvaise foi. Peu importe aussi que
l'infraction ait été commise à l'étranger par des nationaux.
Paragraphe 2 : La répression de l'escroquerie
L'escroquerie est un délit instantané qui se présente sous deux formes.
D’une part, l’escroquerie simple est punie d'une peine d’emprisonnement de
deux ans à cinq ans et d'une amende de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000
000) de francs CFA.
D’autre part, la réunion d’un certain nombre de circonstances aggrave les peines
de l’escroquerie et en font un délit aggravé. Ainsi, la peine est de cinq ans à dix ans
d'emprisonnement et l’amende de trois millions (3 000 000) à quinze millions (15 000
000) de francs CFA lorsque l'escroquerie est commise :
˗ par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de
service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa
mission ;
˗ par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne dépositaire de
l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ;
˗ par une personne ayant fait appel au public en vue de l'émission d'actions,
obligations, bons, parts ou titres quelconques, soit d'une société, soit d'une entreprise
commerciale ou industrielle ;
˗ par une personne qui fait appel au public en vue de l'émission de titres ou en vue de
la collecte de fonds à des fins d'entraide humanitaire ou sociale ;
˗ par une personne utilisant un moyen de communication électronique ;
103
˗ au préjudice d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une
maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de
grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
La peine d'emprisonnement est de sept ans à dix ans et l’amende de cinq
millions (5 000 000) à trente millions (30 000 000) de francs CFA lorsque
l'escroquerie est commise en bande organisée.
La tentative d’escroquerie est punissable.
Très important :
- Mot clé pour l‘infraction d’escroquerie : la tromperie ;
- Prouver le lien de causalité entre les manœuvres et la remise, c’est-à-dire que ce
sont les manœuvres qui ont déterminé la remise de la chose ou de la prestation ;
- L’enquête doit mettre en exergue les moyens utilisés par l’auteur (faux nom,
fausse qualité, abus de la qualité vraie, faux documents, manœuvre
frauduleuse…) ;
- L’enquêteur doit se rappeler que l’escroquerie est souvent montée avec des
complices d’où la nécessité d’avoir une vue assez large ;
- L’enquêteur doit mettre sous mains de justice (scellés) toutes pièces, documents
ou objets ayant un lien avec l’affaire.

SECTION 3 : L'ABUS DE CONFIANCE (articles 613-3 et 613-4 du Code pénal)

Selon l'article 613-3 du Code pénal, est coupable d'abus de confiance


« quiconque détourne ou dissipe au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs, des
données informatiques ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'il a acceptés à
charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ».
Relativement à la finalité de l’abus de confiance, il faut rappeler que
l’atteinte à la propriété d’autrui se caractérise par le fait que le possesseur de la chose
remise à titre précaire se comporte comme le véritable propriétaire de celle-ci.
Usurpant les prérogatives du propriétaire, la doctrine qualifiait le délit d'abus de
confiance « d'interversion des titres ».
L'abus de confiance partage des points communs avec les délits d'escroquerie et
de vol. En effet, toutes les trois infractions consistent en des appropriations,
irrégulières, frauduleuses de la chose d'autrui. Aussi, au regard des règles applicables
en matière de récidive, les trois délits sont considérés comme une seule et même
infraction (article 218-4 du Code pénal) de même que les règles de l'immunité
familiale sont applicables dans les trois cas (articles 616-1, 616-2 et 616-3 du Code
pénal).
Toutefois, au-delà cette ressemblance, les qualifications se distinguent très
nettement et c’est ce qui fait leur spécificité. En effet, le vol est caractérisé par la
104
soustraction frauduleuse de la chose d’autrui contre son consentement. Quant à
l'escroquerie, elle implique l'utilisation de moyens frauduleux pour tromper la religion
de la victime et la déterminer à remettre à l'escroc son bien. L'abus de confiance est
consommé par le détournement d'une chose que l'agent détient légitimement (en
vertu d'un contrat ou d'une disposition légale ou encore d'une décision judiciaire), à
titre précaire. A la différence du vol ou de l'escroquerie, la remise du bien est licite,
mais l'auteur va refuser d'exécuter la convention qui assortissait cette remise et qui
était fondée sur la confiance. C'est l'inexécution du contrat qui va être pénalisée. On
peut alors se demander pourquoi le législateur a-t-il voulu ériger en faute pénale cette
inexécution qui peut être sanctionnée sur le plan civil par l'obligation de faire ou
d'indemniser ? C'est la nécessité de maintenir une juste valeur à la foi que l'on accorde
à autrui quand il n'est pas possible de détecter à l'avance une tromperie qui, en
principe, n'existe pas encore, ni de s'en protéger.
Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs
L'acte délictueux constitutif de l'abus de confiance est caractérisé par le
détournement ou la dissipation d’une chose préalablement remise par la victime à titre
précaire et au préjudice de celui qui l'avait remise à l'auteur. C'est, donc une règle
importante de la vie en société.
A. Le détournement ou la dissipation
La dissipation ou le détournement constitue l'élément matériel de l'infraction.
Les deux termes ont un sens différent, bien que, l'un et l'autre sous-entendent la
volonté de ne pas représenter le bien dont on n'avait qu'une détention fondée sur la
confiance. La dissipation implique la perte de la détention alors que le détournement
ne suppose pas nécessairement un changement de possession.
D'une manière générale, on peut dire que détourner ou dissiper au sens de
l'article 613-3 du Code pénal, c'est disposer de la chose en maître, autrement dit, c'est
substituer à la possession précaire dont on était investi, une possession « animo
domini » exclusive de toute dépendance du possesseur actuel vis-à-vis du véritable
maître de la chose. Le coupable a entendu priver le véritable propriétaire de ses droits
sur la chose et faire ainsi échec à son droit de propriété. Il importe de noter, toutefois,
que toute inexécution des obligations imposées à la personne qui a reçu le bien ne
constitue pas un détournement ou une dissipation de sa part.
1. La dissipation de la chose

Dissiper, C'est faire disparaître l'objet, soit par une opération matérielle de
destruction, soit par une opération purement juridique, une aliénation par exemple. Le
fait de détruire, de disposer à titre onéreux ou gratuit de la chose qui n'avait été remise
qu'à titre précaire, par convention va mettre le détenteur dans l'impossibilité de la
restituer et de respecter sa parole. L'impossibilité de restituer s'induit des faits.
Toutefois, ce principe n'est pas valable pour ce qui concerne les choses fongibles,
puisqu'il est de leur nature de pouvoir être restituées en équivalent. La dissipation peut
résulter, soit de la destruction matérielle du bien, de sa détérioration, de son abandon
105
ou de la consommation de la chose, soit d’un acte juridique d’aliénation, de
disposition, de vente, de donation ou de mise en gage du bien. Il en est ainsi de
l’utilisation de la chose à des fins personnelles dont on retire profit ou même sans
profit, par exemple l’abandon sur la voie publique d'un véhicule prêté. Dans tous les
cas le délit résulte de ce que l'auteur se comporte en maître de la chose et s'attribue vis-
à-vis d'elle, un pouvoir juridique qui ne lui appartient pas.

2. Le détournement de la chose

Détourner, c'est affecter la chose confiée à une destination autre que celle
convenue lors de la remise. Par exemple, le locataire d'une automobile qui, au lieu de
la restituer au bailleur à la date convenue l'a abandonnée sur la voie publique, il réalise
le détournement de cette voiture et commet dès lors le délit d'abus de confiance. Le
bien remis existe toujours et pourrait donc être restitué. Il convient alors d'établir le
refus de restitution et la première démarche paraît être de mettre le détenteur en
demeure de restituer.
De ce fait, trois situations peuvent être rencontrées :
Le détenteur refuse de restituer, manifestant ainsi sa volonté de s’approprier le
bien mais ne peut justifier d’aucun droit lui permettant d’exercer une telle rétention. Le
détenteur excipe d’un droit de rétention ou de compensation pour refuser la restitution,
mais ce droit n’est pas juridiquement admissible. Par exemple, un agent immobilier, en
droit de détenir des fonds, ne peut, en cas de non réalisation de l’opération, refuser de
restituer ces fonds. Le détenteur ne restitue pas sur le champ, la jurisprudence estime
que le simple retard à restituer ne constitue pas un détournement. Mais comment
distinguer celui qui, par négligence, tarde à restituer la chose de celui qui, après avoir
commis le délit, et revenu à de meilleurs sentiments, restitue le bien à la victime. C’est
évidemment dans l’étude de l’intention coupable qu’il faudra trouver la solution, car
elle seule peut permettre de donner une coloration pénale ou non à l’inexécution du
contrat. La mise en demeure, bien qu’utile, n’est donc pas déterminante. C’est
pourquoi il a été jugé qu’elle n’est pas nécessaire et la preuve du détournement peut
résulter de tous moyens. Ainsi, l’abus de confiance reste suffisamment caractérisé dès
lors qu’un mandataire omet volontairement de révéler qu’il détient des fonds destinés à
son mandant afin de ne pas les représenter, sans qu’il soit, de surcroît, nécessaire de
constater l’impossibilité de restituer les sommes ainsi détournées.
Admettons maintenant que le détenteur qui n’a pas dissipé le bien et qui ne
refuse pas de restituer en ait fait un usage non conforme à ce qui était prévu, y a-t-il
détournement ? Par exemple vous prêtez un véhicule à un ami pour qu’il effectue un
trajet de 100 kilomètres, il en effectue 500 km. Il a abusé de votre confiance mais a-t-il
commis un abus de confiance ?
Il convient de faire une différence entre l’usage abusif de la chose et sa
jouissance prolongée ou le dépassement des limites d’un droit accordé, ce qui est le
cas de l’exemple donné, et l’exercice d’un droit non prévu et dont on s’investit par
abus, tel le cas du préposé qui utilise à des fins personnelles un véhicule qui lui a été
106
confié pour les besoins professionnels. Dans ce dernier cas, l’utilisateur se conduit
comme un propriétaire de la chose et il y a détournement. Alors que, dans le premier
cas il n’y a pas abus de confiance. De même, le fait pour un utilisateur de carte de
crédit de se faire délivrer des billets de banque par un appareil distributeur, alors que
son compte n’est pas provisionné, ne constitue pas un usage abusif. Par contre, si mis
en demeure de restituer la carte, le titulaire continue à l’utiliser, il y a usage abusif et
délit d’abus de confiance.
B. La notion de préjudice
L'article 613-3 du Code pénal est formel, il faut un préjudice. Mais ce
préjudice peut n'être qu'éventuel, c'est-à-dire lorsqu'il peut être réparé soit à la suite
d'un repentir, soit en exécution d'une décision de justice. Le préjudice doit être subi par
le propriétaire, le possesseur ou le détenteur. Mais, qu'en est-il de celui qui achète un
bien à crédit et qui le dissipe avant d'en avoir payé le prix. Dans ce cas, ne commet-il
pas un abus de confiance ? La réponse est négative car le vendeur non payé n'aura
aucun recours sur le bien qui n’est plus sa propriété, mais il a accepté d'avance cette
éventualité. La confiance n'existe pas au niveau du bien mais de l'obligation de payer
le prix.
C. Les choses susceptibles de faire l’objet d’un abus de confiance

L'article 613-3 du Code pénal n’énumère plus de manière exhaustive


comme de par le passé, la liste des choses dont le détournement ou la dissipation
constitue un abus de confiance. Il s’agit des fonds, des valeurs, des données
informatiques ou un bien quelconque. Sont cependant exclus du champ d'application
de cette disposition, les immeubles par nature et les prestations de service. Mais une
fois détaché de l’immeuble l’élément ainsi séparé prend un caractère mobilier et son
détournement entre dans les prévisions du délit d'abus de confiance. De même, un
fichier de clientèle peut être détourné ainsi que des bandes magnétiques, mais aussi des
titres financiers, deniers, billets, effets et d'une manière générale tout écrit constatant
une obligation ou son exécution. Une donnée informatique peut également faire l’objet
d’abus de confiance. Dans certaines hypothèses, des choses fongibles peuvent
également donner lieu au détournement constitutif de l'abus de confiance. Les animaux
peuvent aussi donner lieu au détournement constitutif du délit d'abus de confiance.
D. La remise de la chose en vertu d’un contrat déterminé
Il n'y a abus de confiance que si les choses détournées ou dissipées ont été au
préalable remises par la victime à titre précaire. A la différence de l’ancien Code
pénal, on ne fait plus état des six contrats préalablement listés. Le délit d’abus de
confiance réside dans l’atteinte injustifiée à la propriété d’autrui et non dans la
sanction de l’inexécution d’un contrat. Ce changement très significatif a le mérite de
mettre fin aux difficultés rencontrées par les juges du fond pour qualifier le contrat
préalable. Dorénavant, il suffit de caractériser l'existence d'un contrat qui sert de
support à la remise de la chose, quelle que soit sa qualification, pour que la condition

107
soit satisfaite. Cette nouvelle rédaction entraîne un élargissement du domaine de
l'infraction, car la liste limitative des contrats qui conditionnait l'existence de
l'infraction a disparu.
Relativement au cadre contractuel, sont uniquement concernés, les contrats
emportant remise précaire de la chose. De ce fait, les contrats qui n’entraînent pas
l’obligation de restituer la chose telle que prise sont exclusifs de l’abus de confiance.
A titre d’exemple, il ne peut y avoir d’abus de confiance en matière de contrat de prêt
de consommation. En effet, le prêteur a transféré son droit de propriété faisant de
l’emprunteur, un propriétaire qui peut disposer à sa guise. Ce dernier est tenu
néanmoins de rendre des choses équivalentes.
Il existe une importante distinction si la relation contractuelle est basée sur le
dépôt. Le dépôt s’entend comme un contrat réel par lequel une personne appelée le
déposant remet une chose mobilière à une autre personne, le dépositaire qui s'engage à
garder la chose durant un certain temps et de la restituer en nature (article 1915 du
Code civil). Le dépositaire acquiert, par l'effet du contrat, la détention de la chose et sa
maîtrise matérielle de manière temporaire sans aucun droit sur elle. Tenu à la
restitution, le dépositaire commet un abus de confiance s’il détourne la chose remise à
titre précaire de sa finalité qui n'était que d'être gardée.
Cependant, il convient de distinguer deux types de dépôt : le dépôt régulier et
le dépôt irrégulier. Cette distinction a une incidence majeure sur la commission de
l'infraction d’abus de confiance. Le dépôt est régulier lorsqu'il porte sur des choses qui
doivent être restituées en nature, c'est-à-dire que le dépositaire ne peut pas restituer un
équivalent. Le dépôt régulier concerne donc les corps certains, mais également des
choses fongibles dont le déposant a confié exclusivement la garde au dépositaire avec
la volonté de récupérer ces choses en nature : par exemple, des pièces, des bijoux.
Le dépôt est irrégulier lorsqu'il est prévu que le dépositaire peut restituer, à la
place de la chose déposée, une chose semblable. L'exemple le plus courant est celui
des sommes d'argent déposées sur un compte bancaire, chez un trésorier ou auprès de
toute autre personne. Cette personne doit restituer à la première demande, un montant
identique mais pas l'argent lui-même qui lui avait été remis. Peu importe les coupures
de billets de banque, l’essentiel est que le montant déposé soit entièrement libéré. De
même, le dépositaire est tenu de restituer un sac de 100 kg de maïs et non
nécessairement le même sac, les mêmes grains. Le dépôt irrégulier porte donc sur des
choses fongibles (choses interchangeables) et est subordonné à la condition que les
parties acceptent la restitution par équivalent. Dans le dépôt irrégulier, il y’a transfert
de propriété et le dépositaire acquiert la propriété des choses reçues. Par conséquent, il
peut en user et en disposer le temps du dépôt, et le déposant devient titulaire d'un droit
de créance à l'encontre du dépositaire. De ce fait, le dépositaire ne commet un abus de
confiance que dans la mesure où il ne peut pas restituer un équivalent à la demande du
108
déposant.
En revanche, si le dépôt est régulier, l'infraction est consommée par le
détournement de la chose remise à titre précaire, caractérisé par une impossibilité de
restitution en nature à la fin.
Il convient de noter que le prêt de somme d’argent et la vente à crédit ne
peuvent pas faire l’objet d’abus de confiance. Le créancier d’une somme d’argent est
uniquement tenu civilement au paiement de cette somme. La vente à crédit opère un
transfert de propriété de la chose et non sa remise précaire. En effet, aux termes de
l’article 1583 du Code civil, la vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise
à l’acheteur dès lors qu’on est convenu de la chose et du prix. Le paiement du prix de
la chose n’est pas une condition de validité du contrat de vente.
Qu’en est-il de la personne qui emporte la chose sans payer que le commerçant
lui a confiée un instant pour appréciation ? La jurisprudence retenait le vol vu
qu’aucun des 6 contrats préalablement listés par l’article 487 de l’ancien Code pénal
ne peut être retenu. Présentement, une certaine doctrine estime qu’avec ce nouvel
article 613-3 du Code pénal qui ne limite plus les contrats, on pourra retenir l’abus de
confiance et ce sur la base d’un ‘’contrat de détention précaire’’1.
E. L'intention coupable
L'article 613-3 du Code pénal n'indique pas que la dissipation ou le
détournement doit être accompli « sciemment » ou « volontairement.» Mais, le délit
n'existe que si l'auteur a eu conscience de la précarité de sa détention, de son
obligation de restituer ou de l'affectation déterminée du bien, ou du préjudice éventuel
dont son détournement pouvait être la cause. Il suffit que cette intention existe lors du
détournement. Elle s'induit des circonstances des faits constituant le détournement ou
la dissipation. La loi établit donc, à partir des éléments de faits, une véritable
présomption de fraude, opérant ainsi un renversement de la charge de la preuve au
détriment du prévenu qui ne pourra guère la renverser que par la preuve d'un cas de
force majeure l'ayant empêché de restituer. La mauvaise foi se déduit généralement
des circonstances ayant entouré l'opération incriminée, et c'est au prévenu qu'il
appartient d'établir le fait justificatif.
Par contre, il a été jugé qu'il n'y avait pas intention coupable pour le dirigeant
d'une société qui tarde à verser les cotisations sociales ouvrières précomptées, en
raison des difficultés financières de l'entreprise. De même, la simple négligence n'est
pas suffisante pour caractériser l'infraction. Cependant, un remboursement volontaire
intervenu après détournement consommé, même avant toute mise en demeure ne
constitue qu'un repentir qui n'assure pas l'impunité de l'auteur du détournement
constitutif du délit d'abus de confiance
Paragraphe 2 : La répression de l'abus de confiance

1
PRADEL Jean et DANTI-JUAN Michel, op.cit. p. 575
109
L’abus de confiance est puni d'une peine d’emprisonnement de un an à cinq ans
et d'une amende de cinq cent mille (500 000) à trois millions (3 000 000) de francs
CFA.
Certaines circonstances si elles sont réunies sont de nature à aggraver les peines
du délit d’abus de confiance. Ainsi, l’abus de confiance est puni d’une peine
d'emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende de trois millions (3 000 000)
à dix millions (10 000 000) de francs CFA lorsqu’il est commis :
˗ par un officier public ministériel, un mandataire judiciaire, un séquestre, un agent
d'affaires, un mandataire commercial ou quiconque faisant profession de gérer les
affaires d'autrui, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa
profession ;
˗ par une personne qui fait appel au public afin d'obtenir la remise de fonds ou de
valeurs soit pour son propre compte, soit comme dirigeant (directeur, administrateur,
gérant notamment) ou préposé de droit ou de fait d'une entreprise industrielle ou
commerciale ;
˗ par toute autre personne qui, de manière habituelle, se livre ou prête son concours,
même à titre accessoire, à des opérations portant sur les biens des tiers pour le compte
desquels elle recouvre des fonds ou des valeurs ;
˗ par une personne utilisant un moyen de communication électronique ;
˗ au préjudice d'une association qui fait appel au public en vue de la collecte de fonds à
des fins d'entraide humanitaire ou sociale ;
˗ au préjudice d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une
maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de
grossesse, apparente ou connue de son auteur.
La prescription court à compter du jour où l'abus de confiance a pu être
constaté et non du jour du détournement, bien qu'il s'agisse d'un délit instantané.
La tentative d’abus de confiance n'est pas punissable, car elle n'est pas
prévue par la loi. La complicité, en revanche, est répréhensible suivant les règles du
droit commun.
Paragraphe 3 : Les infractions spécifiques voisines de l’abus de confiance

Les délits d'abus de blanc-seing, de détournement d'objet saisis ou


d'objets mis en gage sont des infractions fondées, comme l'abus de confiance, sur une
violation de la confiance accordée à autrui, mais dont les éléments constitutifs sont
restrictifs. En effet, outre l'abus de blanc-seing, la loi incrimine les agissements de
propriétaires endettés qui, par quelques malversations, dilapident ou font disparaître un
de leurs biens donnés en gage ou frappés de saisie comme sûreté, frustrant ainsi leurs
créanciers de la légitime garantie qui résultait pour eux de l'exécution en justice de la
saisie ou du gage.

Très important :
110
Mots clé pour l’abus de confiance : précarité de la remise, détournement,
dissipation :

- l’enquête doit mettre en exergue la nature du bien concerné ;

- l’enquête doit mettre en exergue la précarité de la remise ;

- l’enquêteur doit mettre en exergue le détournement ou la dissipation, ce qui est


différent d’un retard dans la restitution ;

- l’enquête doit faire ressortir le lien entre la victime et le mis en cause

- le préjudice peut concerner un tiers ;

Les actes suivants ne constituent pas de cas d’abus de confiance :

- acheter un bien meuble ou immeuble (voiture, mobylette, ordinateur, téléphone


portable, un terrain, des actions…) à crédit et ne pas payer son prix ;

- ne pas payer le salaire d’un ouvrier ;

- ne pas rembourser un prêt d’agent ;

- ne pas payer son loyer ;

- réclamer en vain un don.

A. L'abus de blanc-seing
Aux termes de l'article 613-7 du Code pénal, est coupable d'abus de blanc-
seing quiconque, abusant d'un blanc-seing qui lui aura été remis, aura frauduleusement écrit
au-dessus une obligation ou une décharge ou tout autre acte pouvant compromettre la
personne ou la fortune du signataire. Sans cette incrimination complémentaire, certains
agissements délictueux ne constituant pas à proprement parler un abus de confiance
échapperaient à la répression pénale.
1. Les éléments constitutifs
Le délit d'abus de blanc-seing que le Code pénal classe parmi les abus de
confiance, consiste à abuser de la confiance d'une personne dans l'emploi ou l'usage
d'une chose volontairement remise par cette dernière. Il suppose la remise volontaire
d'un acte incomplet mais sur lequel sera frauduleusement écrite une obligation ou
décharge ou tout acte pouvant compromettre la personne ou la fortune du signataire.
111
a. Les conditions préalables

Le blanc-seing est une signature donnée à l'avance pour ratifier une


écriture qui doit être placée au-dessus. La remise volontaire d'une signature sur papier
blanc constitue donc, la condition préalable et indispensable, car elle marque le lien de
confiance entre le signataire de l'acte et son utilisateur. L'acte doit être incomplet mais
signé. L'acte doit avoir été volontairement remis ou confié à l’auteur de l'abus. Cette
remise s'opère souvent dans le cadre d'un contrat de mandat. Si le blanc seing n’a pas
été confié, mais soustrait, l'auteur sera poursuivi pour vol et ensuite pour faux et
éventuellement pour usage de faux et puni comme tel. De même, la remise d'un blanc-
seing sous la menace, la violence ou la contrainte, constitue le crime d'extorsion de
signature et le coupable est, dans ce cas, poursuivi pour extorsion, pour faux, et
éventuellement pour usage de faux et escroquerie.
Il n'y a pas, non plus, abus de blanc-seing mais plutôt falsification de pièce, si le
support constitue déjà un acte qui a été ultérieurement modifié. Et si ce support a été
soustrait, il y a alors soustraction frauduleuse, et ultérieurement faux et usage de faux
puis éventuellement escroquerie ou tentative d'escroquerie.
a.1. L'acte d'abus
Le délit d'abus de blanc-seing se commet par un acte d'abus et dans une
intention criminelle pouvant causer un préjudice. Le blanc-seing est consommé dès
lors que l'auteur porte indûment une inscription sur l'acte pouvant compromettre la
personne ou la fortune du signataire. Peu importe que l'inscription ait été faite sur la
propre initiative de l'auteur ou sur l'ordre d'un tiers. L'usage frauduleux du blanc-seing
par une personne autre que celle qui a commis l'inscription frauduleuse, consomme
aussi l'infraction d'abus de blanc-seing et non une escroquerie, même si cet usage vaut
manœuvres frauduleuses au sens de l'article 613-1 du Code pénal.

a.2. Le préjudice

L'article 613-7 du Code pénal précise que l'infraction doit avoir une
portée juridique de nature à compromettre la personne ou la fortune du, signataire.
L'inscription frauduleuse portant obligation ou décharge doit donc être de nature à
causer un préjudice à la victime. Ce préjudice peut être d'ordre moral, patrimonial,
actuel ou purement éventuel. Ainsi, l'infraction ne saurait être constituée si le préjudice
est impossible.
b. L'intention coupable

L'abus de blanc-seing, pour être constitué, requiert que le coupable ait eu


conscience du caractère abusif de l'inscription portée sur l'acte portant obligation ou
décharge et pouvant compromettre la personne ou la fortune du signataire, ou de
l'usage qui en est fait ou de la possibilité d'un préjudice.
2. La répression

112
a. Les peines applicables
L'abus de blanc-seing est puni par l’article 613-7 du Code pénal d'une
peine d’emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de trois cent mille (300
000) à un million cinq cent mille (1 500 000) francs CFA. L'usage du document
entaché d'abus de blanc-seing peut être poursuivi même si l'usager n'est pas l'auteur de
l'abus, dès l'instant où il en a eu connaissance.
b. Le régime de la tentative et de la prescription

La tentative du délit d'abus de blanc-seing n'est pas punissable. Par


contre, la complicité reste soumise à l'application de la peine suivant les règles de droit
commun. La prescription de l'action publique court à compter du dernier usage de
l'acte. Mais si la preuve de la fraude peut se faire par tout moyen, la preuve
testimoniale de la remise du blanc-seing est exclue lorsque l'obligation inscrite au-
dessus de la signature est supérieure au montant prévu à l'article 1341 du Code civil.
Toutefois, cette preuve redevient libre lorsque l'acte se rapporte à une opération
commerciale.
Il existe d'autres infractions voisines de l'abus de confiance qui n'ont pas fait
l'objet de développement dans cet ouvrage mais qu'il importe de connaître. Il s'agit
notamment du détournement de pièces dans les procédures prévu et puni par l'article
488 du Code pénal.
B. Le détournement d'objets mis en gage
Le détournement de gage est un délit spécifique prévu et réprimé par
l'article 611-22 du Code pénal. L'incrimination s'apparente à une sorte d'abus de
confiance qui présuppose un contrat ou un autre acte juridique préalablement passé
entre le délinquant et la victime du détournement caractérisant la commission de
l'infraction. L'auteur du détournement de gage est celui qui remet la chose à titre de
garantie de sa dette. L'article 611-22 du Code pénal punit en effet tout débiteur,
emprunteur ou tiers donneur de gage qui détourne ou détruit volontairement un objet
donné en gage, avec ou sans dépossession, dont il est propriétaire.
1. Les éléments constitutifs
a. Le détournement ou la destruction de la chose

Pour être caractérisé, le délit de détournement de gage suppose


l’existence d'une créance garantie par un gage. Selon l'article 2073 du Code civil, le
gage est une convention qui confère au créancier bénéficiaire de cette garantie, le droit
de se faire payer sur la chose qui en est l'objet par privilège et préférence aux autres
créanciers. En matière de détournement de gage, c'est donc le propriétaire débiteur qui
détourne ou détruit la chose qui est demeurée sa propriété. La validité du gage, dans
ses conséquences civiles et commerciales, n'est pas une condition nécessaire à
l'application de la répression pénale.

113
C'est surtout en cas de gage sans dépossession que le débiteur, resté propriétaire,
risque de détruire ou de détourner la chose donnée en gage. Et ce sera au moment de la
demande par le créancier gagiste de la représentation de la chose mise en gage
qu'apparaîtra son détournement ou sa destruction.
b. L'intention coupable

Pour être punissable, le délit de détournement du bien mis en gage


suppose une intention coupable ; Cette mauvaise foi peut se déduire de la matérialité
du détournement ou de l'acte de destruction du bien mis en gage. Par contre, cette
intention ne saurait se déduire d'un simple défaut de représentation. Et dans ce cas,
l'analyse des circonstances de ce refus ou de ce défaut de représentation est laissée à
l'appréciation souveraine des juges du fond.
2. Les peines applicables
L'article 611-22 du Code pénal punit le détournement de gage d'une
peine d'emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de cinq cent mille (500
000) à un million (1 000 000) de francs CFA. La juridiction saisie pourra en outre,
prononcer l'interdiction d'exercice des droits civiques et/ou l'interdiction de séjour pour
une durée qui ne peut excéder cinq ans.
Et contrairement à l'abus de confiance, la tentative de détournement de gage est
punissable dans la mesure où des actes de destruction qui n'ont pas produit leurs effets
peuvent être commis. Toutefois, les règles de la prescription de l'action publique de
l'abus de confiance restent applicables en cas de détournement de gage. Ainsi, le point
de départ du délai de prescription de l'action publique est le moment où le
détournement apparaît.

C. Le détournement d'objets saisis

L'article 611-21 du Code pénal prévoit et réprime, le fait pour un saisi, de


détourner volontairement ou de détruire un objet saisi entre ses mains en garantie des
droits d'un créancier et confié à sa garde ou à celle d'un tiers. La saisie peut être un
acte de procédure civile ou pénale d'immobilisation juridique d'un bien qui empêche
son propriétaire d'en disposer librement.
1. Les éléments constitutifs du délit

Les éléments constitutifs du délit de détournement ou de destruction


d'objets saisis tiennent en la qualité de l'auteur, au fait matériel de détournement ou de
destruction et à l'intention coupable.
a. La qualité de l'auteur du délit

Le délit de détournement ou de destruction d'objet saisis est un délit


spécifique à la saisie. De ce fait, l'infraction ne peut être commise que par le
propriétaire saisi. Ainsi, le délit a pour but de garantir le respect de l'immobilisation du
114
bien saisi. Mais encore faut-il que le saisi ait été constitué gardien des choses saisies
ou qu'un tiers ait été investi de cette fonction à sa place. La qualité de saisi résulte
toujours d'une décision de l'autorité judiciaire et elle peut apparaître dans une variété
de procédure. Même si le saisi conteste la procédure de saisie, il doit s'abstenir de
détourner ou de détruire le bien saisi. Lorsque le saisi en infraction est une personne
morale, cette personne morale ou les mandataires sociaux peuvent être poursuivis
comme auteurs du délit.
b. L'acte matériel de l'infraction

L'acte matériel de l'infraction de détournement de biens saisis consiste,


soit dans le détournement, soit dans la destruction de l'objet saisi. En d'autres termes,
l'élément matériel du délit résulte de tout acte ayant pour effet de « paralyser,
d'entraver ou d'anéantir le droit privatif qu'un créancier tient de la saisie.» La
destruction est nécessairement un acte matériel, alors que le détournement peut résulter
d'un acte juridique d'aliénation ou de donation comme en matière d'abus de confiance.
Il en est ainsi en cas de vente de parts sociales conclue après une décision de saisie, ou
en cas de refus de représenter la chose saisie au moment de l'adjudication.
c. L'intention frauduleuse

Le délit de détournement d'objets saisis est une infraction intentionnelle.


L'existence de la mauvaise foi doit être appréciée et établie souverainement par les
juges du fond, sans quoi leur décision manquerait de base légale. Et pour que cette
intention délictuelle soit retenue comme certaine, il faut que la preuve soit établie que
l'auteur du détournement ou de la destruction a eu connaissance de cette saisie, quel
que soit le moyen par lequel il a eu connaissance de cette saisie.
2. Les pénalités applicables

L'article 611-21 du Code pénal punit d'une peine d’emprisonnement de


un an à cinq ans et d'une amende de cinq cent mille (500 000) à un million (1 000 000)
de francs CFA, le saisi qui détruit volontairement ou détourne des objets saisis et
confiés à sa garde ou à celle d'un tiers. Même si la loi ne le mentionne pas
expressément, les personnes morales peuvent être poursuivies pénalement aux côtés
des dirigeants sociaux ayant détourné ou détruit un objet saisi. La tentative du délit est
punissable. De même, la prescription triennale de l'action publique court à compter de
la découverte de la destruction ou du détournement. Ce sont donc les règles
applicables à l'abus de confiance qui s'appliquent en la matière.
Ces mêmes peines s'appliquent aux complices de l'infraction qui ont provoqué le
saisi ou l'ont aidé dans ses actes de détournement ou de destruction ou leur tentative.
La juridiction saisie pourra en outre prononcer l'interdiction de l'exercice des droits
civiques et/ou de séjour pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. La victime du
détournement ou de la destruction du bien saisi peut demander, en se constituant partie
civile, un dédommagement pour la faute commise lors du délit. Mais, le tribunal

115
correctionnel ne peut, en aucun cas, statuer sur la demande en paiement de la créance
ayant conduit à la saisie.

SECTION 4 : LE RECEL (articles 334-2, 362-4, 614-1 à 614-3 du Code pénal)

« Les receleurs sont pires que les malfaiteurs » Le Roux DE LINCY,


Prov. T. II. p. 3341
Le législateur burkinabè semble avoir épousé cette affirmation quand il
condamne le recel plus sévèrement que certaines infractions comme le vol simple,
l’abus de confiance et l’escroquerie. Dans la même logique, la sanction du recel
consécutif à un crime est la même que celle du crime.
Le receleur et l’auteur de l’infraction principale nous rappellent la logique du
serpent boa. Il n’avale sa proie qu’après s’être rassuré de l’existence dans les
proximités, d’un endroit où il pourra bien s’abriter, se reposer pour digérer
tranquillement sa pitance pendant un certain temps.
Le recel qui dérive du mot latin recelare qui signifie ‘’cacher’’ est entendu
comme le fait d’accepter ou de conserver par devers soi, de transmettre une chose ou
ses fruits dont on connaît ou soupçonne l’origine délictuelle. La notion de recel a
beaucoup évolué car à l’origine, elle impliquait une certaine clandestinité
juridiquement qualifiée de complicité de l’infraction principale. Le receleur était vu
comme la personne qui apportait une aide à l’auteur de l’infraction principale pour
faciliter sa commission en dissimulant ou en écoulant le bien.
De par le passé, la doctrine a estimé que l’acte de recel ne saurait
s’accommoder avec la complicité qui s’apprécie comme un acte intervenant avant la
commission de l’infraction ou concomitamment2. En réaction aux nombreuses
critiques, le législateur a érigé le recel en infraction autonome en vue de sanctionner
certains actes accomplis après la commission d'autres infractions. Ainsi, le recel
sanctionne des actes qui portent sur le produit de tout crime ou délit et dont les auteurs
ont agi en toute connaissance de leur origine délictueuse.
Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

Le recel de choses, aux termes de l'article 614-1 du Code pénal est le fait de
dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose ou des données informatiques, ou
de faire office d’intermédiaire afin de les transmettre, en sachant que cette chose ou
ces données informatiques proviennent d’un crime ou d’un délit ou de bénéficier en
connaissance de cause par tout moyen du produit d’un crime ou d’un délit.
En tout état de cause, le recel est à la fois un délit distinct mais aussi un délit de
conséquence. Ainsi, en tant que délit distinct, le recel comporte un élément matériel et
1
Francis DOMININGUEZ, le recel, délit autonome et imprescriptible ! Édition du Guerrier, Paris, 2003, p. 18

2
Francis DOMININGUEZ, op.cit. p. 21
116
un élément intentionnel, mais il n'est pas nécessaire que le receleur ait tiré un profit
personnel de l'infraction d'où proviennent les choses recelées.
D'une part, cette idée permet de sanctionner, pour recel, des trésoriers de partis
politiques qui utilisent à des fins strictement politiques et sans avantages personnels,
des fonds d'origine délictueuse ou des hommes politiques qui ne tirent qu'un bénéfice
moral des agissements incriminés. D'autre part, la loi fait reposer la preuve de la
connaissance par le prévenu de l'origine délictueuse des choses, des fonds ou des biens
recelés, sur des éléments de fait tirés des circonstances de l'infraction, créant ainsi une
présomption quasi irréfragable de l'intention coupable. Et bien qu'il soit un délit
distinct, le recel demeure un « délit de conséquence ». II suppose donc que l'auteur
détienne ou profite du produit d'un crime ou d'un délit dont la qualification importe
peu. La jurisprudence donne donc au recel une portée très large. Pour que l'infraction
de recel soit constituée, quatre éléments constitutifs doivent être réunis, à savoir, une
infraction préalable, un bien objet du recel, un acte matériel de détention de ce bien et
enfin une intention criminelle.
A. La condition préalable ou l’infraction principale

Le recel a nécessairement pour objet une chose d'origine délictueuse, car, en la


matière, les juges doivent constater l'origine frauduleuse de la chose recelée et la
connaissance qu'avait le prévenu de cette origine douteuse. L'infraction préalable peut
être un crime ou un délit mais non une contravention 1. Ainsi, il peut s'agir d'un vol,
d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'un faux etc., dont l'auteur est
nécessairement un autre que le receleur. Mais, s'il est de vérité criminologique que « le
receleur fait le voleur », il peut arriver qu'un voleur ou un escroc conserve par devers
lui la chose qu'il a volée ou escroquée ; il ne peut donc être voleur et receleur du même
bien. Considérer l'auteur d'un vol ou d'une escroquerie qui conserve l'objet soustrait ou
escroqué comme receleur constituerait pour J. Pradel et A. Varinard, des cas de
qualifications dites « incompatibles ou inconciliables ». Le voleur qui réussit donc à
dissimuler l'objet du vol aux regards pendant le délai de prescription du vol échappera
à la poursuite pénale.
L’autonomie du recel réside au fait que peu importe que l'auteur de l'infraction
première soit déjà puni ou qu'il ne puisse l'être (sauf en cas d'amnistie) même qu'il ne
soit pas connu. En effet, le recel est réalisé alors même que l'auteur du délit à l'aide
duquel a été obtenu l'objet recelé n'est pas poursuivi, lorsque l'existence de ce délit est
constatée. Le recel existe même si l’auteur de l’infraction préalable bénéficie de
circonstances personnelles telles que l’immunité.

B. La chose recelée

Il s'agit de la chose obtenue au moyen de la première infraction. Peu importe la


façon dont la réception de l'objet s'est réalisée : achat, don, dépôt, louage etc. Le recel
peut porter sur l'objet matériel ou somme d'argent, chose fongible ou non fongible
1
PRADEL Jean et DANTI-JUAN Michel, op.cit. p. 588
117
provenant de l'infraction originaire. Il peut également provenir de données
informatiques. En application de la subrogation réelle, le recel peut aussi porter sur
l'argent produit par la négociation de l'objet délictueux, tel, par exemple le prix de
vente de la chose volée. Enfin, le recel peut porter sur la chose acquise avec le produit
de la négociation de la chose procurée par l'infraction première.
C. L'acte matériel de détention de la chose

Receler, c'est en quelque sorte cacher, mais la dissimulation n'est pas


nécessaire. Il suffit de détenir la chose, même pour le compte d'autrui, ou de la
recevoir directement de l'auteur de l'infraction d'origine, ou d'un intermédiaire, même
de bonne foi, tout en connaissant son origine délictueuse. Une véritable appropriation
n'est pas nécessaire, car le simple profit de la chose recelée suffit à caractériser le
recel. En effet, la jurisprudence estime que l'article 614-1 du Code pénal, conçu en
termes généraux, « atteint tous ceux qui, en connaissance de cause, ont, par un moyen
quelconque, bénéficié du produit d'un crime ou d'un délit». Ainsi, celui qui tire profit
de la chose, sans la détenir matériellement est un receleur. Il en est ainsi par exemple
du passager d'un véhicule volé.
D. L'intention coupable

Pour que l'intention criminelle soit caractérisée, il suffit que le receleur ait reçu
ou conservé, à un titre quelconque, la chose en connaissant son origine délictueuse.
Mais il n'est pas nécessaire d'établir qu'il connaissait la qualification exacte du crime
ou du délit ayant permis l'obtention des choses recelées. De même, il y a recel
punissable dans le cas où le receleur ne connaît pas l'identité de l'auteur de l'infraction
d'origine, ainsi que dans le cas où celui-ci serait demeuré inconnu. En principe, c'est
lors de la réception de la chose que le receleur aura connaissance des faits précis de la
première infraction. Il suffit qu'il sache qu'elle a été obtenue frauduleusement. En effet,
en matière de recel, les juges du fond doivent constater l'origine frauduleuse de la
chose recelée et la connaissance qu'avait le prévenu de cette origine délictueuse.
Qu'en est-il alors, lorsque l'auteur n'apprend qu'ultérieurement l'origine
délictueuse de la chose ? S'il conserve la chose postérieurement à la connaissance
acquise de l'origine douteuse, il devient receleur. Mais, lorsqu'une personne acquiert
un bien mobilier de bonne foi et apprend ultérieurement qu'il est d'origine délictueuse,
devient-elle un receleur si elle le conserve ? Le principe ci-dessus énoncé se heurte
alors au contenu de l'article 2279 du Code civil qui dispose qu’« en fait de meubles,
possession vaut titre ». Etant donc propriétaire, elle est en droit de conserver la chose.
Sur ce point, les juridictions répressives étaient opposées aux juridictions civiles. C'est
par un arrêt du 24 novembre 1977 que la chambre criminelle de la Cour de cassation
française a consacré un revirement de jurisprudence qui évite le conflit entre le droit
pénal et le droit civil. Ainsi, ne peut être déclaré coupable de recel celui qui a acquis
un bien mobilier régulièrement, même s'il apprend ultérieurement son origine
délictueuse. II en est ainsi lorsqu'un créancier a été remboursé avec de l'argent volé. La
mauvaise foi est appréciée souverainement par le juge.

118
Paragraphe 2 : La répression du recel

A. Les peines du recel simple

L’article 614-1 du Code pénal punit le recel simple d'une peine


d’emprisonnement de un an à dix ans et d'une amende de un million (1 000 000) à trois
millions (3 000 000) de francs CFA.

Toutefois, l'amende peut être élevée au-delà de trois millions (3 000 000) de
francs CFA sans dépasser la moitié de la valeur des objets recelés, le tout sans
préjudice des plus fortes peines s'il y a lieu en cas de complicité de crime.
B. Les sanctions du recel aggravé

Aux termes de l’article 614-3 du Code pénal, dans le cas où une peine
criminelle est applicable au fait qui a procuré les choses recelées, le receleur est puni
de la peine attachée par la loi au crime et aux circonstances du crime dont il aura eu
connaissance au temps du recel. C’est ainsi qu’une personne qui aura recelé des biens
provenant d’un vol qualifié sera punissable de la peine criminelle

C. La prescription

Le recel des choses est un délit continu de sorte que la prescription ne


commence à courir que du jour où la détention des choses ayant une origine
frauduleuse a pris fin.5 En la matière, le recel ne peut commencer à se prescrire tant
que l'infraction dont il procède ne peut elle-même commencer à se prescrire. Ainsi, le
recel d'abus de biens sociaux ne peut commencer à se prescrire avant que cet abus ne
puisse être lui-même découvert et constaté dans des conditions permettant l'exercice de
l'action publique.
Paragraphe 3 : Les recels spéciaux

Certains recels, soumis à des régimes spéciaux sont également prévus par le
Code pénal. Ils sont relatifs à des matières spécifiques et ne portent pas uniquement
sur des biens. Nous notons les cas de recel suivants :
- Recel de cadavre prévu et puni par l'article 356-3 du Code pénal ;
- Recel de biens successoraux, article 614-2 du Code pénal ;
- Recel de malfaiteurs, article 362-4 du Code pénal (délit). Dans l’ancien code
pénal (1996) cette infraction constituait une forme de la complicité de sorte qu’il n’y
avait pas de recel de malfaiteurs en tant qu’infraction ;
- Recel de mineur, article 532-13 du Code pénal ;
- Recel de produits obtenus du détournement, de la corruption, du
blanchissement, de l’enrichissement illicite et des infractions assimilées, article 334-2
du Code pénal ;
119
- Recel de documents publics, article 622-6 du Code pénal ;
- Recel d'objets détournés après saisie ou mise en gage ;
- Recel des biens du débiteur en état de cessation des paiements, article 812-33 et
34 du Code pénal ;
- Recel en matière de chasse ou achat de gibier en temps prohibé.
On peut noter, par ailleurs, que la loi française n° 83-466 du 10 juin 1983
portant modification de certaines dispositions du Code pénal, a introduit un alinéa 1 er à
l'article 460 du Code pénal français pour réprimer les parents qui tolèrent que leurs
enfants mineurs, vivant avec eux, se livrent habituellement à des crimes ou délits
contre les biens d'autrui et qui ne peuvent justifier de ressources correspondant à leur
train de vie.
Attention :

- Il est important de rechercher et de mettre en exergue l’infraction


principale même si son auteur n’est pas punissable ;

- Proscrire l’expression receleur de bonne foi ;

- Le recel découle nécessairement d’un crime ou d’un délit et non d’une


contravention ;

- En cas d’amnistie réelle ou d’abrogation de la loi qui incrimine l’infraction


d’origine, il n’existe pas de recel ;

- La notion de chose obtenue par l’infraction originaire s’entend de manière


large ;

SECTION 5 : LES IMMUNITES LEGALES

Pour un motif de convenances, les articles 616-1 à 3 du Code pénal enlèvent à


la soustraction de la chose d’autrui, à l’abus de confiance, à l’escroquerie, au recel, le
caractère de délit, lorsqu’il existe un degré de parenté ou d’alliance assez proche entre
l’auteur et la victime de la soustraction.

En effet, la communauté de vie entre proches parents, implique la confusion des


patrimoines et il serait parfois difficile de trouver avec certitude, le propriétaire
véritable de la chose soustraite. Mais, il faut aussi tenir compte des raisons morales car
il est préférable de régler ces incidents en famille, et d’éviter le scandale inhérent à la
publicité résultant d’une intervention du tribunal.

L’article 616-1 du Code pénal crée une immunité et non un fait justificatif ou
une excuse absolutoire entraînant exemption de la peine. Les soustractions spécifiées
120
par ce texte ne sont pas incriminables et ne donnent lieu à aucune poursuite pénale.
Mais la loi laisse expressément subsister la possibilité pour la victime de demander des
réparations civiles devant les juridictions civiles.

Paragraphe 1 : Les personnes bénéficiant de l’immunité

Le législateur énumère de manière précise la liste des personnes qui bénéficient


de l’immunité. Aucune interprétation extensive n’est possible et le lien de parenté ou
d’alliance s’établit selon les règles qui découlent de l’état des personnes1.

1./ En premier lieu, l’immunité s’applique aux faits délictueux commis entre les époux
pendant le mariage ; l’article 616-1 l’étend même au cas où, l’époux survivant,
soustrait un objet dépendant de la succession du conjoint décédé ; l’immunité cesse,
lorsqu’il est intervenu un jugement de divorce ; mais elle survit à la séparation de
corps. Le vol doit avoir eu lieu pendant le mariage (antérieur au mariage, il resterait
punissable).

2./ En deuxième lieu, sont à l’abri de toute sanction pénale, les faits délictueux commis
entre ascendants et descendants.

Peu importe, qu’il s’agisse de parenté légitime, adoptive ou naturelle.

3./ En troisième lieu, l’immunité s’étend aux faits délictueux commis entre alliés et
collatéraux jusqu’au 4ème degré (article 516 alinéa 1er) inclusivement pendant la durée
du mariage, à condition que la personne lésée porte plainte.

Paragraphe 2 : Les infractions couvertes par l’immunité

La Loi vise le vol, et toutes les infractions qui, étant de la même nature que le
vol, ont pour objet direct une atteinte à la propriété c’est-à-dire l’abus de confiance,
l’escroquerie, le recel…

Encore faut-il que ces délits aient été commis au seul préjudice des personnes
visées par la Loi. L’immunité ne saurait couvrir, une soustraction, qui porterait
préjudice à un tiers. Ainsi, reste punissable, le vol commis par un fils sur des biens
appartenant à son père, biens faisant l’objet d’une saisie effectuée par un tiers. Aussi,
l’immunité ne couvrirait pas le fils qui aurait volé dans la maison de son père, une
chose appartenant à un tiers ou même à un préposé du père.

L’immunité ne saurait davantage s’étendre au cas où un individu aurait


détourné des fonds ou des objets, que son conjoint ou proche parent, détiendrait pour
le compte d’un tiers : ainsi le fils d’un comptable ou d’un huissier commet un vol, s’il
soustrait l’argent, que son père a reçu, pour son employeur ou pour ses clients.
1
Les dispositions du Code des personnes et de la famille relatives à l’état civil
121
Paragraphe 3 : Les effets de l’immunité

A- L’immunité totale ou absolue

Aux termes de l’article 616-1 du Code pénal, les soustractions commises par les
ascendants au préjudice de leurs descendants et celles commises entre époux sont
totalement couvertes par l’immunité. Elles ne peuvent donner lieu qu’à des
réparations civiles conformément aux dispositions de l’article 1382 Code civil.

La qualité d’époux, d’ascendant ou de descendant de l’auteur n’enlève donc pas


à l’acte tout caractère répréhensible ; elle n’est pas un fait « justificatif » ou « une
excuse absolutoire ». Elle crée seulement une immunité empêchant des poursuites
pénales contre le coupable. Si elle a été opérée par la seule personne jouissant de
l’immunité, la soustraction n’est pas punissable.

Le tiers qui a participé à la soustraction comme « coauteur » ou complice doit


être poursuivi comme coupable de vol ; l’immunité étant personnelle.

Enfin, si l’époux, l’ascendant, le descendant n’a été que le complice, il bénéficie


seul de l’immunité, l’auteur principal et ses autres complices sont punissables.

B- L’immunité conditionnée

Certaines personnes sont couvertes par l’immunité de par la volonté de la


victime. En effet, l’article 616-2 du Code pénal énonce que le vol, l’escroquerie, l’abus
de confiance ou le recel commis par des descendants ou entre collatéraux jusqu'au
quatrième degré inclusivement ou alliés, ne peuvent être poursuivis que sur plainte de
la personne lésée. Le retrait de la plainte met fin aux poursuites.

CHAPITRE II : LA REMISE DE FONDS PAR LE CHANTAGE (article 611-29


du Code pénal)

Sous la violence ou la contrainte, un individu peut se faire remettre des fonds.


Bien qu’il n’y ait pas eu alors soustraction frauduleuse, la remise par la victime n’est
pas pour autant volontaire.

C’est pourquoi l’extorsion de fonds violente a été rapprochée du vol.

Mais l’extorsion de fonds peut intervenir de façon non violente mais tout aussi
pernicieuse par chantage.

SECTION I : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS

Le chantage est retenu contre celui qui, à l’aide de la menace, écrite ou verbale,
de révélation ou d’imputation diffamatoire, aura extorqué ou tenté d’extorquer, soit la
122
remise de fonds ou valeurs, soit la remise de données informatiques, soit la signature
ou remise des écrits visés à l’article 611-28 du Code pénal.

Ce délit suppose l’affirmation de la possibilité d’agir pour nuire même si on n’a


pas la possibilité de nuire. Ce qui rapproche le chantage de la tromperie. Il suppose
aussi la possibilité de nuire au moyen de cette affirmation telle que la révélation de
faits ayant existé et pouvant nuire à l’honneur, à la probité de la victime. Ces faits
peuvent être imaginaires mais susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la
considération de la victime.

L’expression de la menace doit précéder et causer l’extorsion. Ainsi, il n’y a pas


chantage lorsqu’un plaignant, après avoir déposé une plainte, demande de l’argent
pour la retirer. La jurisprudence avait ajouté une autre condition à savoir la poursuite
d’un but illégitime. Mais la Cour de Cassation a, par un arrêt du 22 juin 1972, mis fin à
cette interprétation.

La dénonciation légale des faits n’est pas répréhensible.

Le but poursuivi par l’auteur est d’obtenir la remise de fonds ou de valeurs, une
signature, la reconnaissance d’une obligation ou la renonciation à un droit. Peu
importe le mobile, c’est au juge qu’il appartient d’apprécier la mauvaise foi. Le
législateur de 2018 a inclut à cette liste des biens qui peuvent faire l’objet de chantage,
les données informatiques.

SECTION II : LA REPRESSION

L’article 611-29 du Code pénal punit le chantage d’un emprisonnement de 1 à 5


ans et d’une amende de 1.000.000 à 3.000.000 de francs. Le coupable peut en outre
être privé de l’exercice des droits civiques et/ou l’interdiction de séjour pour une durée
qui ne peut excéder cinq (5) ans au plus.

La tentative de ces infractions est punissable.

CHAPITRE III : LES DESTRUCTIONS, DEGRADATIONS ET DOMMAGES


(articles 622-2 à 622-6 du Code pénal)

Il ne s’agit plus d’une atteinte au droit de propriété, mais d’une atteinte au bien
lui-même.

De nombreuses dispositions répriment la destruction ou la dégradation de


choses immobilières, en dehors de toute pensée de lucre. C’est ainsi que l’infraction
pourra être commise par le propriétaire. La répression va donc frapper, outre
l’intention coupable, la faute simple de négligence ou involontaire ex : l’incendie

123
volontaire, l’incendie involontaire, l’usage d’explosifs, la destruction de maison
d’habitation, de titres, d’objets mobiliers, d’arbres…

SECTION I : L’INCENDIE VOLONTAIRE (articles 622-2 à 622-6 du Code


pénal)

Il y a incendie volontaire, lorsque le feu a été mis volontairement à des biens


spécifiés par la Loi. Les infractions commises au moyen d’incendie sont sévèrement
punies par la loi au regard de leurs conséquences très graves souvent irréversibles. En
effet, l’incendie ravage, menace les personnes et les biens, met en mouvement une
force « aveugle » sans pouvoir mesurer quelles seront les conséquences. La loi
distingue selon que l’incendiaire a mis le feu à sa propre chose ou à la chose d’autrui,
ainsi que le cas où l’incendie a été mis par communication.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

L’inculpé doit avoir mis le feu à une des choses spécifiées par la Loi ; cette chose
devait être la propriété d’autrui ; l’intention criminelle est nécessaire.

A – La destruction, détérioration du bien mobilier ou immobilier appartenant à


autrui par l’effet de substance explosive ou moyen incendiaire (article 622-2 du
Code pénal)

La chose incendiée peut être mobilière ou immobilière et doit appartenir à


autrui. Mais, il suffit que l’auteur de l’incendie ne soit pas propriétaire exclusif.

Ainsi sont punissables, le copropriétaire, l’usufruitier qui ont mis le feu à une
chose sur laquelle ils n’avaient qu’un droit restreint.

La peine est de cinq ans à dix ans d’emprisonnement et d’une amende de un


million (1 000 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA, la personne quiconque
volontairement détruit ou détériore un objet mobilier ou un bien immobilier
appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive ou incendiaire, ou d'un
incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour la sécurité des
personnes.
La peine est portée de onze ans à vingt et un ans et à une amende de un million
cinq cent mille (1 500 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA si les faits sont
commis dans les circonstances suivantes :
- en bande organisée ;
- au préjudice d’un magistrat, ou d'un conseil, en vue d'influencer leur
comportement dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions ;
- au préjudice d'un témoin, d'une victime ou de toute autre personne, soit en vue
de les déterminer à ne pas dénoncer les faits, à ne pas porter plainte, à ne pas

124
faire de déposition ou à faire une déposition mensongère, soit en raison de la
dénonciation, de la plainte ou de la déposition.
Si la destruction ou la détérioration du bien mobilier ou immobilier a entraîné la
mort d’une personne, la peine est l’emprisonnement à vie.
B- la destruction ou la détérioration d’un lieu habité par l'effet d'une substance
explosive ou incendiaire, de nature à créer un danger pour la sécurité des
personnes et ayant entraîné la mort d'une personne (article 622-3 du Code pénal)

L’article 622-3 du Code Pénal cite les maisons d’habitation, les wagons et
voitures abritant ou contenant des personnes. Sont concernés, les wagons contenant
des personnes ou faisant partie simplement d’un convoi. Peu importe la nature ou la
valeur, l’importance des constructions. L’acte doit être de nature à mettre en danger la
vie d’autrui et causé la mort d’une personne. Même si cette mort est involontaire, la loi
sanctionne la volonté d’incendier un lieu servant d’habitant avec la probabilité qu’un
soit occupé. La peine est l’emprisonnement à vie.
La simple menace d’incendier une habitation ou toute autre propriété est punie
d’une peine d’emprisonnement de deux ans à dix ans et d’une amende de un million (1
000 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA.

C- Incendie de forêt, brousse, bois, taillis ou récoltes sur pied ou coupées -article
622-4 du Code pénal)

Il s’agit des forêt, bois, taillis ou récoltes sur pied ou coupées. Par « forêt » ou
« bois », on entend un terrain d’arbres ayant une certaine importance, plantés ou
poussés naturellement et non un simple groupe d’arbres.

L’incendie volontaire des forêt, bois, taillis ou récoltes sur pied ou coupées est
punie d’une peine d’emprisonnement de un an à dix ans et d'une amende de un million
(1 000 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA.
D- La destruction au moyen d’incendie de régistres, minutes, actes
originaux de l'autorité publique, des titres, billets, lettres de change,
effets de commerce ou de banque contenant ou opérant obligations,
dispositions ou décharge (article 622-6 du CPP)

Celui qui volontairement brûle ou détruit d'une manière quelconque des


registres, minutes ou actes originaux de l'autorité publique, des titres, billets, lettres de
change, effets de commerce ou de banque contenant ou opérant obligations,
dispositions ou décharge ou sciemment détruit, soustrait, recèle, dissimule ou altère un
document public ou privé de nature à faciliter la recherche des crimes ou délits, la
découverte des preuves ou le châtiment de leur auteur, est puni par la loi à des peines
selon la nature des actes détruits.
125
Paragraphe 2 : Les conséquences de l’incendie

Le fait que l’incendie a occasionné la mort d’une ou de plusieurs personnes, ou


des infirmités permanentes dans le sens de l’article 622-2 du Code pénal est une
circonstance aggravante et la peine est l’emprisonnement à vie.

Dans le cas où par le fait de l’incendie, l’accusé a voulu faire périr une
personne, il peut être retenu pour assassinat, en même temps que pour l’incendie : il y
aura concours d’infractions.

Paragraphe 3 : Les pénalités

L’article 622-2 du Code pénal punit de la peine de 5 à 10 ans et de 1.000.000 à


3.000.000 de francs la personne qui détruit ou détériore un objet mobilier ou un bien
immobilier appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive ou incendiaire, ou
d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour la sécurité des
personnes.

La peine d’emprisonnement est de 11 ans à 21 ans et d’une amende de


1.500 000 à 5.000.000 de francs, si l'infraction est commise en bande organisée.

Dans la situation où la destruction ou la détérioration a entraîné la mort d'une


personne ou une infirmité, la peine est l'emprisonnement à vie.
Plus grave encore est la sanction prévue par l’article 622-3 du Code pénal. Il
punit de l’emprisonnement à vie, la personne qui détruit ou détériore volontairement
une maison d'habitation, un wagon ou une voiture abritant ou contenant des personnes,
lorsque l'infraction est commise par l'effet d'une substance explosive ou incendiaire,
d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour la sécurité des
personnes et qu'il en est résulté la mort d'une personne.
L’article 622-5 du Code pénal punit la menace d'incendier une habitation ou
toute autre propriété d’une peine d’emprisonnement de 2 ans à 10 ans et d’une amende
de 1 000 000 à 3 000 000 de francs.

L’incendie de forêt, bois, taillis ou récoltes sur pied ou coupées, est puni d’un
emprisonnement de un 1 à 10 ans et d’une amende de 1.000.000 à 3.000.000 de francs.

SECTION II : INCENDIE, DESTRUCTION, DEGRADATION


INVOLONTAIRE (article 357-2 du Code pénal)

Dans la dynamique de la protection de l’environnement, le Code pénal


sanctionne assez sévèrement les personnes involontairement impliquées dans la

126
dégradation, la destruction par l’effet de substances incendiaires. Ainsi, est punie
d’une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende de trois cent mille (300
000) à trois millions (3 000 000) francs, toute personne qui détruit, dégrade ou
détériore involontairement les bois, forêts, landes, maquis, plantations, champs ou
reboisements par l’effet d’une explosion, d’un incendie ou de tout autre moyen
provoqués par manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la
loi ou le règlement.

Ce sont l’imprudence, la négligence, la non observation des règlements ou de la


sécurité qui sont sanctionnées ici.

Si ces faits ont entraîné la mort d’animaux sauvages intégralement protégés, la


peine est de 1 an à 6 ans et de 500 000 à 5 000 000 francs.

SECTION III : L’USAGE D’EXPLOSIFS (article 314-2 du Code pénal)

Cette infraction se différencie de la précédente par l’importance de l’effet


produit par la destruction, la détérioration et les dégradations au moyens d’explosifs.
Le législateur a voulu sanctionner le professionnalisme et surtout la volonté délibérée
de causer le maximum de dégâts. L’article 314-2 punit de 11 à 20 ans et d’une amende
de 1.000.000 à 10.000.000 de francs, toute personne qui détruit par engin explosif des
édifices, magasins, arsenaux ou autres propriétés appartenant à l'État. Si la mort s’en
est suivie, l’emprisonnement est à vie.

Il est nécessaire de prouver que la destruction a été causée par un engin explosif
et que cela a été fait de manière volontaire. La preuve de l’intention coupable doit être
rapportée. Cependant, il n’y a pas lieu à rechercher le mobile qui a guidé l’inculpé.

SECTION IV : LA DEGRADATION DE MONUMENTS ET D’OBJETS


D’INTERETS PUBLICS (article 195 du code pénal)

Il s’agit des biens élevés par l’autorité publique à savoir les monuments, les
statues, les tableaux et autres objets destinés à l’utilité ou à la décoration publique :
pylône de ligne électrique, meubles ou immeubles classés, objets d’art quelconques
placés dans des musées, etc.

DEUXIEME PARTIE : LES INFRACTIONS CONTRE LA CHOSE


PUBLIQUE
127
TITRE I : LES ATTEINTES A LA FOI PUBLIQUE

La valeur attachée à l’écrit qui, de tout temps a été le moyen de preuve


parfait, a conduit certaines personnes malhonnêtes à imaginer de le falsifier pour
obtenir ce à quoi elles n’ont pas droit. Cette attitude doit être incriminée sous peine de
porter atteinte à la crédibilité de l’écrit. Ainsi, le législateur, dans les articles 276 à 287
du Code pénal, réprime deux types d’infractions différentes :

 D’une part est sanctionné, celui qui fabrique le faux qui peut porter sur des écritures
publiques ou authentiques, des écritures de commerce ou de banque, des écritures
privées ;

 D’autre part est sanctionné, celui qui utilise le faux, il s’agit d’une infraction distincte
car le faussaire n’est pas toujours l’utilisateur.

Depuis une ordonnance du 23 décembre 1958, les faux commis dans les
écritures privées de commerce ou de banque ont été correctionnalisés ; seuls sont
maintenus comme crimes les faux en écriture publique ou authentique.

CHAPITRE I : LES FAUX EN ECRITURE

L’infraction de faux suppose l’existence d’un écrit, dont la nature et la teneur


devront être appréciées par les juges. Ne constitue pas un faux l’altération verbale de
la vérité. Celle-ci est réprimée par le délit de faux témoignage (article 288 du Code
Pénal) et le délit de faux serment (article 297 du Code Pénal).

SECTION I : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS

Paragraphe 1 : L’écrit protégé

Les articles 278, 280 et 285 du Code Pénal répriment les faux en écritures
publiques ou authentiques et les faux en écritures privées de commerce ou de banque ;

A – Les écritures publiques ou authentiques

L’écriture publique est l’œuvre ou est réputée l’œuvre d’un fonctionnaire et


l’écriture authentique est l’œuvre qui émane ou est réputée émaner d’un officier public
ou d’une personne désignée par la loi pour dresser certains actes et faire certaines
constatations.

On distingue quatre catégories d’actes publiques ou authentiques à savoir :

 les actes politiques émanant des pouvoirs législatifs ou exécutifs tels que les lois,
décrets, ordonnances et traités internationaux ;

128
 les actes judiciaires dressés par les magistrats ou leurs auxiliaires tels que les
jugements, les arrêts, les procès-verbaux d’enquête de gendarmerie ou de police, les
rapports d’experts désignés en justice, les procès-verbaux d’adjudication… etc.

 les actes administratifs ou extraits d’actes émanant de diverses administrations telles


que les arrêtés ministériels ou préfectoraux, les expéditions d’acte de naissance ou de
décès, les diplômes universitaires, les listes électorales, les billets de loterie, les reçus
de la poste…etc.

 les actes extrajudiciaires établis par les officiers publiques tels que les actes notariés,
les actes d’huissiers, de commissaires priseurs, d’agent de change, etc.

B – Les écritures de commerce ou de banque

L’écriture de commerce ou de banque est l’écriture qui a pour objet de


constater une opération constituant un acte de commerce. On distingue aussi quatre
types d’écriture de commerce et de banque, il s’agit :

 des instruments de crédit et de paiement ou effets de commerce constitués par les


lettres de change ou les billets à ordre ;

 des écritures comptables qui constituent les livres de commerce susceptibles de faire
preuve entre commerçants et les bilans ;

 des écritures sociales constituées par les écrits émis par les commerçants, et relatifs à
leur commerce et qui bénéficient de la présomption de commercialité : exemple : les
correspondances, les titres des sociétés commerciales, les procès-verbaux de
délibération d’une assemblée des porteurs de parts ou du conseil d’administration, les
feuilles de présence d’une assemblée, les pourcentages des commissaires aux
comptes ;

 des divers écrits relatifs au commerce tels que le registre du brocanteur, les bulletins
de salaire, les factures, les bons de livraison.

C – Les écritures privées

Les écritures privées sont toutes celles qui ne sont pas publiques, ni
authentiques, ni commerciales, ainsi on peut citer les reçus et les quittances de
règlement amiable, entre non commerçants, les attestations, les constats amiables, les
testaments olographes, les calques de plan les contrats etc…

D – La teneur de l’écrit

L’altération de la vérité doit être réalisée dans un document source d’un droit
ou d’une obligation et porter sur les mentions substantielles de l’acte. Ainsi le
129
document doit constituer un titre pour être source d’obligation ou avoir une valeur
probatoire. Un écrit peut devenir un titre selon l’usage que l’on en fait. La forme prise
par l’acte importe peu. Ainsi, il peut s’agir d’un document sur lequel est portée une
écriture manuscrite, imprimée ou dactylographiée. Cependant, le document doit avoir
une existence certaine.

Paragraphe 2 : L’altération de la vérité

Pour que l’écrit falsifié soit punissable, trois éléments doivent être réunis, à
savoir l’altération de la vérité, causant un préjudice et un élément intentionnel.

A – L’altération de la vérité

Elle peut se réaliser soit par commission, soit par omission, mais il est
nécessaire que le fait énoncé dans le document soit inexact.

Le législateur distingue deux procédés que la doctrine et la jurisprudence


classent en deux catégories ; ainsi l’altération de la vérité est soit matérielle, soit
intellectuelle.

1. L’altération matérielle

Le faux est dit matériel lorsqu’il s’effectue par une altération physique d’un
écrit laissant des traces et pouvant être décelée par expertise.

Elle peut consister pour une personne, soit à signer un acte non qui ne lui
appartient pas ou de celui d’une personne imaginaire, soit à imiter la signature d’une
autre personne.

Elle peut aussi consister dans un changement matériel pouvant être


caractérisé par une addition ou une suppression de clause, une surcharge, un grattage,
un lavage ou une dissimulation ou tous autres procédés fallacieux.

L’altération de la vérité consiste aussi dans la contrefaçon d’écriture par


l’imitation d’une écriture ou dans la fabrication de conventions, dispositions,
obligations ou décharges.

2. L’altération intellectuelle

A la différence de l’altération matérielle, l’altération intellectuelle ne laisse


aucune trace physique. Le faux intellectuel est donc l’altération de la vérité exprimée
par l’auteur d’un écrit, soit par affirmation, soit par omission. En d’autres termes, c’est
l’altération du sens ou de la portée des faits que l’acte avait pour objet de constater.

Le faux intellectuel peut résulter de plusieurs procédés :


130
 la supposition de personnes ; l’auteur du délit énonce faussement dans l’acte le nom
d’une personne n’ayant pas participé à la rédaction de l’acte ;

 la dénaturation de la substance ou des circonstances : c’est par exemple, l’écriture de


« conventions ou dispositions autres que celles qui avaient été dictées par les parties »,
ou la constatation comme vrais, des faits faux.

 La simulation : elle consiste à créer un acte apparent qui ne correspond à aucune


opération réelle ou à déguiser un acte véritable sous l’apparence d’un autre acte pour
tromper les tiers.

La preuve de l’altération intellectuelle est souvent plus difficile à apporter.

B – Le préjudice

Le faux est punissable quand il est de nature à occasionner à autrui un


préjudice. Il n’est donc pas nécessaire que le préjudice soit réalisé, il suffit qu’il ait été
possible ;

Le préjudice peut résulter de la nature de l’acte. Ainsi il peut être matériel,


moral ou social.

Le préjudice est matériel quand le faux porte atteinte à la société. Ainsi tout
acte authentique faux porte atteinte à la foi publique attachée à cet acte.

C – L’intention frauduleuse

C’est la conscience chez le faussaire d’altérer la vérité et que cette altération


est susceptible de porter préjudice.

Une présomption simple de mauvaise foi est établie lorsque le document


falsifié est un acte authentique ou public. Il importe donc peu qu’il y ait eu ou non
intention de nuire.

SECTION II : LA REPRESSION DU FAUX

Paragraphe 1 : Le faux en écritures authentiques ou publiques :

Aux termes des articles 278 à 282 du Code pénal, le faux en écriture
publique ou authentique est un crime puni de :

 la peine d’emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans si le coupable est un


fonctionnaire ou officier public agissant dans le cadre de ses fonctions ;

 le peine d’emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans si l’infraction a été commise par
des particuliers.
131
Paragraphe 2 : Le faux en écriture privée de commerce ou de banque

Aux termes de l’article 285 du Code Pénal, le faux en écriture privée, de


commerce ou de banque est un délit puni d’un emprisonnement de un (1) à cinq (5)
ans et d’une amende de 300.000 F à 1.500.000 F.

Lorsque le coupable de l’infraction est un banquier, un administrateur de


société ou une personne ayant fait appel au public en vue de l’émission d’actions,
d’obligations, bons, parts, ou titres quelconques, soit d’une société ou d’une entreprise
commerciale ou industrielle, il sera prononcé à son encontre l’interdiction des droits
civiques, professionnels et l’interdiction de séjour pour une durée qui ne peut excéder
cinq (5) ans.

Paragraphe 3 : Le faux commis dans certains documents administratifs

L’article 281 du Code Pénal prévoit une peine d’emprisonnement de trois (3)
mois à trois (3) ans et une amende de 75.000 F à 900.000 F pour celui qui se fait
délivrer indûment des documents authentiques ou publics, soit en faisant de fausses
déclarations, soit en prenant un faux nom ou une fausse qualité, soit en fournissant de
faux renseignements, certificat ou attestation.

CHAPITRE II : L’USAGE DE FAUX

L’usage de faux est une infraction distincte du faux, car le faussaire n’est pas
toujours l’utilisateur du faux. Prévu et réprimé par l’article 283 du Code pénal, l’usage
de faux sera souvent plus facile à poursuivre, l’identité de l’usager étant plus facile à
connaître que celle du faussaire.

SECTION I : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS

L’usage de faux suppose un acte d’usage portant sur une pièce fausse et
causant un préjudice. Ainsi, pour être punissable, l’usage de faux doit remplir quatre
conditions :

 il faut qu’il y ait un acte d’usage, consistant à mettre en circulation, une pièce
falsifiée ;

 la pièce doit présenter matériellement les caractères d’un faux punissable,


indépendamment de toute considération relative à la culpabilité de son auteur ;

 celui qui utilise le document faux doit au moment de l’usage, être de mauvaise foi,
c’est-à-dire qu’il doit avoir connaissance de la falsification de la pièce par lui utilisée ;

 le délit d’usage de faux peut être poursuivi alors que le faux est prescrit, car la
prescription ne court pour l’usage qu’à compter du dernier usage.
132
SECTION II : LES SANCTIONS PENALES

L’usage de faux est puni d’un emprisonnement de deux (2) à cinq (5) ans. La
juridiction saisie peut en outre prononcer, contre les auteurs du fait, l’interdiction des
droits civiques ou professionnels et l’interdiction de séjour qui ne peut excéder cinq
(5) ans.

CHAPITRE III : LES INFRACTIONS CONTRE LA VERITE OU LES


INFRACTIONS CONTRE L’ADMINISTRATION DE LA JUSTICE.

Cette série d’infractions contre la paix publique est constituée par l’ensemble
des délits dirigés contre l’administration de la justice. Il s’agit essentiellement du faux
témoignage, de la subornation de témoin, du faux serment, de la dénonciation
calomnieuse ;

SECTION I : LE FAUX TEMOIGNAGE

Prévu et puni par les articles 288 et 292 du Code pénal, le faux témoignage
est une déposition contraire à la vérité commise dans une déclaration irrévocable, faite
par un témoin devant la justice, sous la foi du serment, dans le but d’égarer les
magistrats.

Pour que le crime ou le délit de faux témoignage soit constitué quatre


éléments constitutifs doivent être retenus.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

A- La nécessité d’un témoignage en justice

Le témoin est la personne appelée à déposer en justice et sous la foi du


serment, d’un fait dont elle a eu connaissance. Le faux témoignage est donc une
infraction qui ne peut être commise qu’en justice et uniquement devant une juridiction
de jugement. La prestation de serment est la condition indispensable de l’infraction.

Les personnes entendues par la justice à titre de simple renseignement, sans


qu’elles aient préalablement prêté serment, soit parce qu’elles étaient âgées de moins
de 16 ans, soit parce qu’elles avaient été condamnées à la dégradation civique ou à
l’interdiction des droits civils, soit en raison de leur parenté avec la personne
poursuivie ne sont pas considérées comme témoins.

Le témoignage doit être reçu à l’audience d’une juridiction de jugement.


Cette juridiction peut être répressive, civile ou de commerce, de droit commun ou
d’exception ou même administrative.

133
La déposition inexacte sciemment faite, même sous la foi du serment, devant
un magistrat instructeur ou un officier de police judiciaire ne peut pas donner lieu à
des poursuites ou à des condamnations pour faux témoignage. Mais il en est autrement
si la déposition a été faite au cours d’une enquête civile, car les résultats de cette
enquête, sont, en effet, destinés à servir de base au jugement définitif.

Peu importe même l’incompétence de la juridiction devant laquelle le faux


témoignage a été commis.

Il n’est pas non plus nécessaire que le faux témoignage ait été commis à
l’audience, car la peine est applicable aux faux témoignages commis soit au cours
d’une enquête civile, soit devant le magistrat chargé par le tribunal correctionnel ou
par la Cour d’Appel d’un complément d’information.

B- La déclaration mensongère

Le faux témoignage est caractérisé par le mensonge exprimé dans la


déposition et l’irrévocabilité de la déclaration.

Ainsi, matériellement, le faux témoignage suppose qu’une chose inexacte a


été donnée pour vraie. De ce point de vue la déposition mensongère doit porter sur une
circonstance relative à l’affaire qui est soumise à la justice. Cette déposition
mensongère doit pouvoir exercer une influence sur la décision à intervenir.

Une simple réticence et la simple inexactitude peuvent constituer un faux


témoignage lorsqu’elles sont de nature à fausser le sens de la déposition et à induire la
conviction du juge en erreur.

Le silence du témoin ne constitue pas un faux témoignage. De même la


déposition négative est parfois présentée comme ne pouvant pas constituer un faux
témoignage. Cependant devant la justice civile toute réponse négative et mensongère
constitue sans aucun doute, le faux témoignage puisque le mensonge est susceptible de
porter préjudice à au moins une des parties en cause.

Par ailleurs le faux témoignage n’est consommé et punissable que lorsque la


déposition mensongère est devenue définitive et irrévocable.

Ainsi, jusqu’à la clôture des débats lorsque les faits sont criminels ou
jusqu’au prononcé du jugement, le témoin garde la possibilité de se soustraire à la
poursuite en rétractant son faux témoignage.

En matière pénale, la rétractation peut intervenir, si la déposition a été faite


devant la chambre criminelle, jusqu’à ce que le président ait prononcé la clôture des
débats. Si la déposition a été reçue par le tribunal correctionnel ou la cour d’appel, la
134
rétractation peut intervenir jusqu’à la lecture du jugement ou de l’arrêt. Devant le
tribunal correctionnel et la cour d’appel, le dernier état des débats n’est
irrévocablement fixé que par le prononcé de la décision.

Toutefois, la déposition faite au cours d’une procédure d’enquête devient


irrévocable dès la signature du procès-verbal de clôture de l’enquête.

L’incident de faux témoignage peut être soulevé au moment même où la


déposition est reçue. Dans ce cas, le juge ordonne un renvoi pour qu’il soit d’abord
statué sur le faux témoignage.

C- Le préjudice

La déposition mensongère n’est punissable qu’à la condition d’être de nature


à causer un préjudice éventuel soit à des particuliers soit à la société. L’article 289 du
Code Pénal impose au juge de constater que le faux témoignage en matière criminelle
a été porté « soit contre l’accusé, soit en sa faveur ». De même, l’éventualité du
préjudice doit être constatée dans le jugement ou l’arrêt de condamnation d’un
individu pour faux témoignage.

D- L’intention coupable

C’est la conscience d’altérer la vérité dans le but d’égarer la justice. Peu


importe le mobile.

Paragraphe 2 : Les règles de procédure

Au cas où un faux témoignage est découvert postérieurement aux débats ou


après la décision sur l’affaire principale, il est poursuivi suivant la procédure ordinaire.
Le ministère public peut poursuivre d’office ou sur plainte de la partie lésée.

Par contre il existe des règles particulières pour le cas où le témoignage


mensonger se révèle au cours des débats.

A- Procédure devant la Chambre Criminelle

Aux termes de l’article 342 du code de procédure pénale, si, d’après les
débats, la déposition d’un témoin paraît fausse, le président, soit d’office, soit à la
requête du Ministère Public ou d’une des parties, peut ordonner spécialement à ce
témoin d’être présent aux débats jusqu’à la clôture, et en outre, de demeurer dans la
salle d’audience jusqu’au prononcé de l’arrêt de la chambre criminelle. En cas
d’infraction à cet ordre, le président fait mettre le témoin en état d’arrestation
provisoire.

135
Après lecture de l’arrêt de la chambre criminelle ou dans le cas de renvoi à
une autre session, le président ordonne que le témoin soit, par la force publique,
conduit sans délai devant le procureur du Faso qui requiert l’ouverture d’une
information pour faux témoignage.

Une expédition du procès-verbal, dressé conformément aux dispositions de


l’article 333 du code de procédure pénale et constatant les additions, changement et /
ou variation qui existent entre les dépositions du témoin et ses précédentes déclarations
est transmise au procureur du faso qui fait ouvrir une information dans les conditions
ordinaires. En tout état de cause, la chambre criminelle peut renvoyer l’affaire soit
d’office, soit à la requête du Ministère Public ou de l’une des parties, à la prochaine
session.

B- Procédure devant les autres juridictions

Devant le tribunal correctionnel, le tribunal de police ou la cour d’appel


lorsque, d’après les débats la déposition d’un témoin paraît fausse, le président soit
d’office, soit à la requête du ministère public ou de l’une des parties, fait consigner aux
notes d’audiences les dires précis du témoin.

Il peut enjoindre spécialement à ce témoin de demeurer à la disposition du


tribunal qui l’entendra à nouveau s’il y a lieu. Et si le jugement doit être rendu le jour
même, le président peut également faire garder ce témoin par la force publique dans ou
hors la salle d’audience.

Après lecture du jugement sur le fond, le tribunal ordonne devant le


procureur du Faso qui requiert l’ouverture d’une information pour faux témoignage.

Il est dressé séance tenante par le tribunal, après lecture du jugement sur le
fond, un procès-verbal des faits ou des dires d’où peut résulter le faux témoignage. Ce
procès-verbal et une expédition des notes d’audience sont transmis sans délai au
procureur.

Paragraphe 3 : Les peines applicables

La peine du faux témoignage dépend de la nature de l’affaire au cours de


laquelle l’infraction a été commise.

A – Les peines applicables à l’infraction simple

a) En matière criminelle

En matière criminelle le faux témoignage constitue toujours un crime. Ainsi


aux termes de l’article 289 du code pénal quiconque sera coupable de faux témoignage

136
en matière criminelle, soit contre l’accusé, soit en sa faveur sera puni
d’emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans. Si néanmoins l’accusé a été condamné à
l’emprisonnement à vie, le faux témoin qui a déposé contre lui subira une peine
d’emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans.

b) En matière correctionnelle

Selon l’article 290 du code pénal quiconque sera coupable de faux


témoignage en matière correctionnelle, soit contre le prévenu, soit en sa faveur sera
puni d’un emprisonnement de deux (2) ans au moins et de cinq (5) ans au plus et d’une
amende de 600.000 à 1.500.000. Si néanmoins, le prévenu a été condamné à plus de
cinq années d’emprisonnement, le faux témoin qui a déposé contre lui subira la même
peine.

Il pourra en outre être privé des droits mentionnés à l’article 37 du code


pénal pendant cinq (5) ans au moins et dix (10) ans au plus à compter du jour où il
aura subi la peine.

c) En matière de police

Aux termes de l’article 291 alinéa 1 du code pénal, quiconque sera coupable
de faux témoignage en matière de police, soit contre le prévenu, soit en sa faveur sera
puni d’un emprisonnement de trois (3) à six (6) mois et d’une amende de 75.000 à
150.000 Francs.

Le coupable pourra en outre être privé des droits mentionnés à l’article 37 du


code pénal pendant cinq (5) ans au moins et dix (10) ans au plus.

d) En matière civile et administrative

Devant les juridictions civiles et administratives, qu’il s’agisse de la Cour


d’Appel, du Tribunal de Grande Instance, du Tribunal d’Instance, du Tribunal de
Commerce, du Tribunal du Travail, le faux témoignage est puni d’un emprisonnement
de deux (2) à cinq (5) ans et d’une amende de 600.000 à 1.500.000.

B./ Les circonstances aggravantes

L’article 289 du code pénal aggrave les peines du faux témoignage à


l’encontre des faux témoins qui auront reçu de l’argent, une récompense quelconque
ou des promesses. Ainsi en matière criminelle, le faux témoin qui aura reçu de
l’argent, une récompense quelconque ou des promesses sera puni d’une peine
d’emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans.

137
De même en matière correctionnelle ou civile, le faux témoin subira le
maximum de la peine.

Enfin, en matière de police, le faux témoin qui aura reçu de l’argent, une
récompense ou des promesses, sera puni du maximum de la peine.

Dans ces trois cas, les coupables pourront en outre être privés des droits
mentionnés à l’article 37 du code pénal et tout ce que le témoin a reçu doit être
confisqué.

C./ Le cas de l’interprète

L’article 294 du code pénal applique les peines du faux témoignage à


l’interprète qui, en matière criminelle, correctionnelle ou civile, aura de mauvaise foi
dénaturé la substance de paroles ou de documents oralement traduits et les peines de la
subornation de témoin à la subornation d’interprète selon les distinctions contenues
dans les articles 289 à 292 du code pénal.

Le fondement est que l’interprète, comme le témoin, prête un serment, celui


de remplir sa mission.

SECTION II : LA SUBORNATION DE TEMOIN

C’est la loi du 28 juillet 1949 qui a érigé la subornation de témoin en un délit


distinct du faux témoignage. L’infraction se caractérise par la provocation à commettre
celle-ci. Le délit prévu et réprimé par l’article 293 du code pénal est punissable
quelqu’en ait été l’effet.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

Aux termes de l’article 293 du code pénal, le fait de subornation de témoins


se réalise par le simple usage de promesses, offres ou présents, menaces, voies de fait,
pressions, manœuvres ou artifices au cours d’une procédure, ou en vue d’une demande
ou d’une défense en justice.

a) Le domaine de l’infraction

Le fait de subornation de témoin peut être commis « soit au cours d’une


procédure et en tout état de cause, soit en toute matière en vue d’une demande ou
d’une défense en justice. La loi est donc applicable en toute matière et à toute
déposition mensongère devant les juridictions administratives, les instances
disciplinaires, le juge d’instruction ou un officier de police judiciaire alors même que
cette déposition ne peut être punie comme faux témoignage.

138
Il y a aussi subornation si le suborneur a simplement recherché une
attestation fausse ou inexacte, ou une déclaration à l’appui d’une demande en révision.

b) Le but de la subornation

Pour être punissable, la subornation doit avoir pour but d’obtenir une
déposition, une déclaration ou une attestation mensongère. Elle doit tendre à
provoquer l’apport et l’expression ou une déposition faite sous la foi du serment.

Le faux témoignage n’est plus nécessaire en ce sens que la subornation de


témoin fait encourir la peine, « que cette subornation ait ou non produit son effet » et
même si le témoin n’a pas déposé.

Ainsi doit être reconnue coupable de subornation toute personne qui soit au
cours d’une procédure et en tout état de cause, soit en toute matière, en vue d’une
demande ou d’une défense en justice, aura usé de promesses, offres ou présents, de
pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices pour déterminer autrui à
faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, que
cette subornation ait ou non produit son effet. Il n’est donc pas nécessaire que le
témoin ait pu déposer.

Ainsi il y a subornation lorsque la pression exercée sur le témoin tend à ce


qu’il présente comme constatés par lui des faits dont il n’a eu qu’une connaissance
indirecte.

La condamnation est également encourue si les menaces sont adressées à une


personne qui a déjà déposé ou fourni une attestation, en vue d’obtenir sa rétractation.

Cependant il n’y a pas subornation de témoin en cas de simple incitation à


s’abstenir de témoigner.

Enfin il est à noter qu’aucun fait justificatif ni immunité ne peut être tiré
du principe de la liberté de la défense par la personne qui a usé de la subornation de
témoin, pour se soustraire à une poursuite pénale dont il fait l’objet, même si la
personne subornée est un coïnculpé. Les avocats qui se prêtent à une telle manœuvre
sont considérés comme des coauteurs.

Paragraphe 2 : Les peines applicables

La subornation de témoin est passible d’un emprisonnement de un (1) à trois


(3) ans et d’une amende de 300.000 à 900.000 francs ou de l’une de ces deux peines
seulement.

139
L’article 365 du code pénal réserve cependant la possibilité d’appliquer au
coupable des peines plus fortes prévues par les articles 289, 290 et 292 du code pénal
s’il est complice d’un faux témoignage qualifié crime ou délit. En d’autres termes,
c’est la complicité de faux témoignage et non la subornation de témoin, que la
jurisprudence retient quand le faux témoignage provoqué par la subornation a été
consommé.

Ainsi, il s’en suit que le juge saisi de la poursuite pour subornation devra
surseoir à statuer lorsque l’examen des faits de subornation de témoin serait, en raison
de leur indivisibilité avec eux qui font l’objet de la procédure pénale au cours de
laquelle la subornation a été commise, de nature à compromettre les droits de la
défense et la liberté des témoignages produits devant la juridiction de jugement
appelées à connaître de ladite procédure.

SECTION III : LE FAUX SERMENT

L’article 366 du code pénal prévoit et punit de peines correctionnelles le


faux serment, s’il a été déféré ou référé en matière civile.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

Le premier élément constitutif de l’infraction est caractérisé par un serment


judiciaire prêté devant une juridiction civile au cours d’une instance. Peu importe la
juridiction devant laquelle le serment a été prêté, qu’il s’agisse d’une Cour d’Appel,
d’un Tribunal de Grande Instance, d’un Tribunal de Commerce, d’un Tribunal du
Travail etc.

Quand au serment prêté, il peut s’agir soit d’un « serment décisoire » c’est-à-
dire un serment déféré par une partie en cause, soit un « serment supplétoire » déféré
d’office par le juge pour fortifier sa conviction.

A- La fausseté du fait affirmé sous serment

La déclaration appuyée par le serment doit être fausse. Le serment étant un


mode de preuve admis par la loi civile, sa fausseté ne peut résulter que de la preuve du
fait civil au sujet duquel il a été prêté. Ainsi si l’inculpé n’avoue pas avoir prêté un
faux serment, la preuve par témoin est en principe exclue, sauf si l’intérêt en jeu est
inférieur à 5.000 F CFA s’il s’agit d’un procès commercial ou s’il existe un
commencement de preuve par écrit.

B- La répression

Conformément aux dispositions de l’article 297 du code pénal, le délit de


faux serment est puni d’un emprisonnement de un (1) ans au moins et de cinq (5) cinq
140
ans au plus et d’une amende de 300.000 à 1.500.000 Francs. Le coupable pourra en
outre être privé des droits mentionnés à l’article 37 du code pénal pendant cinq (5) ans
au moins et dix (10) ans au plus à compter du jour où il aura subi sa peine.

La personne lésée qui a déféré ou référé le serment décisoire à son adversaire


ne peut pas se constituer partie civile car elle s’est soumise aux risques d’un faux
serment. Cependant la constitution de partie civile est au contraire recevable s’il s’agit
d’un serment supplétoire.

SECTION IV : LA DENONCIATION CALOMNIEUSE

L’article 369 du code pénal punit quiconque aura, par quelque moyen que ce
soit, fait une dénonciation calomnieuse contre un ou plusieurs individus, aux officiers
de justice ou de police administrative ou judiciaire, ou à toute autorité ayant le pouvoir
d’en donner suite ou de saisir l’autorité compétente, ou encore aux supérieurs
hiérarchiques ou aux employeurs de la personne dénoncée.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

A- La dénonciation

Elle consiste à porter à la connaissance d’une autorité un fait répréhensible.


Lorsqu’elle émane de la partie lésée elle s’appelle plainte. Pour être punissable, la
dénonciation calomnieuse doit être spontanément formulée. Elle doit être le résultat de
la volonté libre de son auteur. Elle doit donc avoir pour objet de provoquer des
sanctions pénales, disciplinaires administratives. Ainsi cette spontanéité fait défaut
lorsqu’il s’agit :

 d’un prévenu qui pour se défendre, accuse même sciemment, un innocent ;

 d’un témoin qui, entendu devant un tribunal ou une juridiction d’instruction ou au


cours d’une enquête officieuse, accuse un innocent ;

 d’un témoin qui, ne pouvant comparaître, adresse une lettre au Président de la


juridiction ;

 d’un fonctionnaire qui, chargé d’une enquête administrative, insère des dénonciations
dans son rapport ;

 d’une personne qui se constitue partie civile lorsque l’action publique est déjà
engagée.

B- Le destinataire de la dénonciation

141
La loi sanctionne que les dénonciations soient faites à certaines autorités et
peu importe que l’autorité saisie soit de nationalité étrangère. Ainsi l’article 369 du
code pénal vise expressément, outre les officiers de justice et de police judiciaire ou
administrative, toute autorité ayant le pouvoir de donner suite à la dénonciation ou
d’en saisir l’autorité compétente, les supérieurs hiérarchiques ou enfin les employeurs
de la personne dénoncée.

L’Officier de police Judiciaire est défini par l’article 16 du code de


procédure pénale.

Quand à l’officier de justice, il doit s’entendre de tout magistrat de l’ordre


judiciaire s’agissant de l’officier de justice administrative, il doit être reconnu dans
toute autorité chargée d’une fonction publique lui permettant de prendre des sanctions
soit contre ses subordonnés, son contre des personnes simplement contrôlées par elle.

C- La victime ou la personne dénoncée

La dénonciation doit être portée contre une personne déterminée même si


celle-ci n’est pas nommément désignée ou contre plusieurs individus. Peu importe
qu’il s’agisse de personnes publiques ou privées. Il suffit que la personne soit aisément
identifiable à travers les termes de l’écrit qui la met en cause.

D- Les moyens de la dénonciation

La dénonciation peut être faite par quelque moyen que ce soit, même
verbalement, émanant de n’importe qui, particulier ou fonctionnaire, personne se
disant victime ou disant avoir été témoin ou informée de manière quelconque.

Si elle est faite par écrit, il n’est pas nécessaire que l’écrit soit rédigé ou
signé par son auteur. L’écrit peut être une citation directe, une pétition, une lettre
anonyme ou une lettre signée publique ou clandestine, un article de journal ou un
document établi par un mandataire légal ne jouant qu’un rôle purement matériel.

E- Caractère du fait dénoncé

La dénonciation d’un fait exact n’est pas punissable. La dénonciation non


calomnieuse est même une obligation légale mise à la charge de toute personne témoin
d’un acte répréhensible.

Ainsi, pour que la dénonciation calomnieuse soit punissable, il est nécessaire


que le fait dénoncé soit de nature à exposer la personne dénoncée à des sanctions.
C’est l’éventualité de la sanction qui distingue la dénonciation calomnieuse de la
diffamation.

142
Peu importe la nature de la sanction. Il peut s’agir indifféremment d’une
sanction pénale, administrative ou disciplinaire. Peu importe aussi que l’éventualité de
la sanction soit écartée par la prescription des faits dénoncés ou par l’immunité de
l’article 370 du code pénal.

Le fait dénoncé doit être calomnieux c’est-à-dire reconnu faux. Cette


fausseté du fait peut correspondre à un simple mensonge donnant pour vraies des
circonstances imaginaires ou imputant des actes réels à une personne autre que leur
auteur.

La fausseté peut aussi résulter de la dénaturation d’un fait exact, soit par
exagération de sa portée, soit par omission sciemment faite de certains détails, soit par
adjonction de précisions imaginaires, en vue de donner au fait exact une apparence
répréhensible.

F- L’intention coupable

Le dénonciateur doit avoir agi de mauvaise foi, c’est-à-dire en connaissant la


fausseté des faits par lui imputés à la personne dénoncée. Peu importe le mobile qui l’a
guidé.

Paragraphe 2 : Les poursuites

A- L’action publique

Le délit de dénonciation calomnieuse peut être poursuivi, soit d’office par le


Ministère Public en dehors de toute plainte de la part de la victime. Mais la personne
lésée peut aussi se constituer partie civile.

Le lieu du délit est celui de la résidence de la personne à qui la dénonciation


est adressée, car le délit n’est consommé que lorsque la dénonciation parvient à son
destinataire.

La prescription court au jour où la dénonciation est parvenue à l’autorité


compétente et non du jour où la fausseté des faits dénoncés est établie. Mais son cours
est suspendu pendant la procédure tendant à démontrer la fausseté des faits dénoncés.

B- L’exception préjudicielle au jugement

La décision sur la fausseté du fait dénoncé est préjudicielle au jugement de


l’action en dénonciation calomnieuse. Ainsi la juridiction saisie en vertu de l’article
369 du code pénal doit surseoir à statuer chaque fois que des poursuites sont pendantes
concernant le dénoncé. Et si la dénonciation a provoqué une poursuite pénale, il faudra
attendre l’épuisement des voies de recours, car la fausseté du fait dénoncé est un

143
élément essentiel du délit. Cette fausseté doit être constatée par la juridiction ou
l’autorité compétente. Il n’en est autrement que si le fait ne peut plus être poursuivi,
par exemple, comme étant amnistié ou prescrit ou encore si le prétendu auteur est
décédé, ou également au cas où le prévenu reconnaît avoir porté une fausse accusation.

 s’il s’agit d’une infraction à la loi pénale, la fausseté du fait doit résulter d’un arrêt ou
d’un jugement d’acquittement ou de relaxe ou d’une décision de non-lieu accordée par
une juridiction d’instruction ou enfin d’un classement sans suite opéré par le Ministère
Public.

 s’il s’agit de fautes disciplinaires, la fausseté de l’accusation résulte de la décision de


la juridiction disciplinaire chargée de statuer sur la poursuite ou de l’autorité
compétente pour classer la plainte.

 S’il s’agit d’une faute administrative, la fausseté du fait reproché résulte de la décision
de l’autorité compétente mais sous réserve d’un contrôle juridictionnel.

 S’il s’agit enfin d’une faute reprochée à un employé d’une entreprise privée, la
fausseté du fait résulte de la décision de l’employeur.

C- L’action civile

L’instance en dénonciation calomnieuse peut être introduite soit devant le


tribunal correctionnel, soit devant la juridiction civile.

L’action portée devant la juridiction répressive : la victime peut choisir la


voie pénale, soit en joignant son action à celle du Ministère Public si ce dernier
poursuit d’office, soit en mettant elle-même l’action publique en mouvement par
citation directe ou par constitution de partie civile devant le juge d’instruction ou
devant la juridiction de jugement.

 L’action portée devant la juridiction civile : la personne lésée par la dénonciation peut
se borner à demander des dommages-intérêts en s’adressant à la juridiction civile.

Dans les deux cas, les demandes peuvent se heurter à l’exception


préjudicielle, et dans ce cas la juridiction devant laquelle l’action a été portée doit
surseoir à statuer et attendre la décision sur le fait dénoncé.

D- Les règles spéciales de compétence

Les articles 90, 371, 472 et 516 du code de procédure pénale permettent à un
prévenu ou accusé qui a été relaxé ou acquitté de demander à la juridiction répressive
des dommages intérêts contre la partie civile qui a mis l’action publique en
mouvement et pour abus de constitution de partie civile.
144
Ainsi une demande reconventionnelle en dommages intérêts peut être faite
par la victime de la dénonciation devant la juridiction répressive qui vient de lui
accorder l’acquittement ou la relaxe.

De même une demande civile peut être faite devant le tribunal correctionnel
par le bénéficiaire d’une ordonnance de non-lieu, rendue au terme d’une information
ouverte contre une personne dénommée sur plainte avec constitution de partie civile.
Cette action, réservée aux victimes personnes physiques, doit être introduite dans les
trois mois du jour où l’ordonnance de non-lieu est devenue définitive. Elle doit être
portée par voie de citation directe devant le tribunal correctionnel où l’affaire a été
instruite. Les débats ont lieu en chambre du conseil, et le jugement est rendu en
audience publique.

Cette action est de nature mixte, car même portée devant le tribunal
correctionnel, elle ne saurait conduire qu’à une décision civile que le Ministère Public
ne peut attaquer. Mais elle ne peut non plus donner lieu à son tour en cas de débouté, à
une demande reconventionnelle basée sur l’article 64 du code de procédure civile qui
est étranger aux juridictions pénales.

Enfin, en cas de condamnation, le tribunal peut ordonner la publication intégrale ou


par extraits de son jugement dans un ou plusieurs journaux qu’il désigne, aux frais du
condamné.

3./ Les pénalités

La dénonciation calomnieuse est un délit puni d’un emprisonnement de deux


(2) mois à trois (3) ans et d’une amende de 300.000 à 1.000.000 Francs.

Le tribunal peut en outre ordonner l’insertion du jugement intégralement ou


par extrait, dans un ou plusieurs journaux et aux frais du condamné.

La tentative n’est pas punissable.

Les infractions contre l’autorité publique sont tantôt le fait de fonctionnaires


publics, tantôt celui de simples particuliers. Ainsi, les uns et les autres peuvent être à la
fois impliqués dans les affaires de détournement de biens publics, de corruption, de
trafic d’influence, de concussion et d’enrichissement illicite.

TITRE II : LES INFRACTIONS CONTRE LA CONSTITUTION ET LA PAIX


PUBLIQUE

145
CHAPITRE I : LES DETOURNEMENTS OU LES DISSIPATIONS COMMIS
PAR LES FONCTIONNAIRES PUBLICS, OU LES PARTICULIERS : LE
DETOURNEMENT DE BIENS PUBLICS

La loi pénale frappe de peines sévères les fonctionnaires qui ont détourné les
fonds ou les titres qui leur ont été confiées : il s’agit de l’ancien crime de « péculat ».
Cette même loi pénale frappe de peines sévères, toute autre personne ayant contribué
d’une manière quelconque à des soustractions de deniers publics.

SECTION I : LA DISSIPATION OU DETOURNEMENT DE BIENS PUBLICS


COMMIS PAR DES DEPOSITAIRES PUBLICS ET DES PARTICULIERS

L’infraction est prévue et punie par l’article 154 du Code Pénal

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

Aux termes de l’article 154 du Code Pénal, « toute personne qui détourne ou
dissipe à des fins personnelles des derniers publics, effets actifs en tenant lieu, titres de
paiement, valeurs mobilières, actes contenant ou opérant obligations ou décharge,
matériels ou objets mobiliers appartenant, destinés ou confiés à l’État, aux collectivités
ou établissements publics, aux organismes ou sociétés bénéficiant d’une participation
de l’État ou une collectivité publique soumise à la tutelle financière de l’État, qu’elle
détient en raison de ses fonctions, est coupable de détournement de biens publics ».

De même, est coupable de soustraction ou de détournement de biens publics,


toute personne qui se trouvera dans l’impossibilité de représenter les deniers, pièces,
titres, acte, effet et objet mobilier qui étaient entre ses mains en raison de ses fonctions
ou de justifier qu’il en a fait un usage conforme à leur destination, sauf à l’intéressé de
prouver que cette impossibilité n’a pas une origine frauduleuse ou ne lui est pas
imputable.

A – Le détournement ou la dissipation

L’article 154 du Code pénal emploie les expressions détournement ou


dissipation ; cela suppose que l’auteur était déjà en possession des objets qu’il
s’approprie. De ce point de vue, l’infraction se rapproche de l’abus de confiance.

B – Les objets ou les biens susceptibles de détournement, de dissipation

Le détournement doit porter sur des choses limitativement déterminées par


l’article 154 du Code Pénal. En faisant varier les pénalités suivant la valeur des choses
détournées ou dissipées, la loi indique nettement que ces choses doivent être des

146
sommes d’argent ou des effets ou objet représentant des sommes d’argent ou ayant une
valeur estimable en argent. Les choses détournées ou dissipées doivent être des
derniers publics, des effets actifs en tenant lieu, des pièces de paiement, des titres de
bourses ou enfin des actes et effets mobiliers, expression vague dans laquelle doivent
rentrer tous objets susceptibles d’estimation et compris les denrées ou marchandises
dont la garde ou la manutention est confiée à des comptables.

C – La qualité de l’auteur

L’auteur du détournement ou de la dissipation peut être un fonctionnaire ou


toute autre personne. Ainsi, la qualité de fonctionnaire n’est pas un élément
caractéristique de l’infraction.

D – La détention des valeurs en raison des fonctions

L’infraction est un délit de fonction. L’auteur doit avoir détourné des valeurs
qu’il détenait en vertu de ses fonctions.

E – L’intention coupable

L’intention frauduleuse est la conscience de commettre un détournement ou


une dissipation. Elle est requise pour que l’infraction soit instituée.

Paragraphe 2 : Les pénalités

Les auteurs de détournement de biens publics encourent une peine


d’emprisonnement de un (1) à cinq (5) et une amende de 300.000 F à 1.000.000 F si la
valeur des biens détournés ou dissipés est inférieure ou égale à 1.000.000 de francs.

Si le montant des valeurs détournées est supérieur à 1.000.000 F et inférieur


à 10.000.000 F, la peine sera un emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et une
amende de 500.000 F à 5.000.000 de francs.

Si le montant est supérieur à 10.000.000 de francs, la peine est un


emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans et une amende de 1.000.000 de francs à
10.000.000 de francs.

Dans les cas prévus aux alinéas 3 et 4 de l’article 154, la juridiction saisie
pourra prononcer l’interdiction d’exercer des droits civiques pour une durée qui ne
peut excéder cinq (5) ans.

SECTION II : L’ENRICHISSEMENT ILLICITE

L’enrichissement illicite est une infraction prévue et réprimée par l’article


160 du Code pénal.
147
Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

Est coupable du délit d’enrichissement illicite, toute personne qui se sera


enrichie en se servant de deniers, matériels, titre, acte, objet et effet ou tout autre
moyen appartenant à l’État et se trouvera dans l’impossibilité de prouver la cause licite
de son enrichissement.

Il en est de même de toute personne qui, en rapport quelconque avec


l’administration ou les bureaux de l’État, se sera enrichi et se trouvera dans
l’impossibilité de prouver la cause licite de son enrichissement.

Paragraphe 2 : Les pénalités

Toute personne reconnue coupable d’enrichissement illicite sera punie


conformément aux dispositions de l’article 154 du Code Pénal.

CHAPITRE II : LA CONCUSSION

Selon l’article 155 du code pénal, la concussion est le fait pour tout
fonctionnaires, tout officier, tout militaire, tout percepteur de droits, taxes,
contributions, deniers, revenus publics ou communaux, leurs commis ou préposés de
percevoir ou d’exiger des taxes ou deniers qu’ils savent ne pas être du ou excéder ce
qui est dû.

SECTION I : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS

Paragraphe 1 : Le coupable

La concussion doit être un abus de la puissance publique ; il est nécessaire


que son auteur soit investi d’une partie de cette puissance. Ainsi, le coupable ne peut
être qu’un fonctionnaire ou officier public tel qu’un maire, un policier, un magistrat,
un commis ou préposé du fonctionnaire agissant au nom de son supérieur.

La loi s’applique à tous les fonctionnaires même s’ils n’ont pas d’attributions
financières.

Paragraphe 2 : La perception indue

L’acte du coupable consiste en principe à recevoir, à exiger ou à ordonner de


percevoir une somme non due ou excédant ce qui était dû en la présentant comme
légalement due sans quoi il y aurait corruption de fonctionnaire.

La victime est normalement un administré et peu importe alors que celui-ci


ait ou non conscience de l’abus commis à son endroit. La victime peut être aussi une
caisse publique. Peu importe que l’indu soit perçu à titre de droit, taxe ou contribution,
148
à titre de traitement ou salaire ou tout simplement à titre de deniers, revenus publics ou
communaux. La tentative est punissable.

Paragraphe 3 : L’intention coupable

Le fonctionnaire, officier publics ou employé n’est concussionnaire que s’il


sait que la somme qu’il perçoit, exige ou ordonne de percevoir n’est pas due ou excède
ce qui est dû.

Peu importe son mobile même désintéressé. Peu importe que la somme ait
été exigée par perception illicite, par excès de zèle et sans l’intention de se
l’approprier.

SECTION II : LES PENALITES

Si la totalité des sommes perçues est inférieure à 500.000 francs, l’auteur


sera puni d’un emprisonnement de deux (2) à cinq (5) ans et d’une amende de 600.000
F à 1.500.000 de francs.

Si le montant des sommes perçues est supérieur à 500.000 F, la peine est un


emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et une amende de 1.000.000 F à 5.000.000
de francs.

CHAPITRE III : LE TRAFIC D’INFLUENCE ET L’INGERENCE DES


FONCTIONNAIRES DANS LES AFFAIRES OU COMMERCE
INCOMPATIBLES AVEC LEUR QUALITE

Dans le cadre de la moralisation du monde des affaires et de la bonne


gouvernance, la loi sanctionne le recours à des procédés frauduleux pour obtenir la
conclusion de certaines affaires. Il en est ainsi en cas de trafic d'influence ou de
favoritisme. Le trafic d'influence suppose que soit établi et sans ambiguïté, l'existence
d'un pacte conclu antérieurement à la remise des fonds ou des dons sollicités ou promis
en échange de l'accomplissement d'un acte promis ou de son abstention. Dès que ce
pacte est établi, peu importe par la suite l'ordre dans lequel seront exécutées les
obligations souscrites par chaque partie au pacte. Quelles sont alors les dispositions
légales dont disposent les institutions burkinabé pour faire face à ces fléaux que sont le
trafic d'influence et autres ingérences des fonctionnaires dans les affaires
incompatibles avec leur qualité ? Les lignes qui suivent répondront à cette question
relativement à chacune de ces infractions.
SECTION I : LE TRAFIC D'INFLUENCE
Le trafic d'influence est une infraction qui peut être commise par toute
personne, et non plus uniquement par celles qui sont investies d'un mandat électif ou
d'une partie de la puissance publique.

149
Paragraphe 1 : La notion de trafic d'influence

La qualification de trafic d'influence suppose que le coupable a sollicité


ou agréé des dons ou promesses et aura abusé de l'influence réelle ou supposée que lui
donne son statut. Ce que la loi punit en matière de trafic d'influence, c'est le fait d'avoir
abusé d'une influence réelle ou supposée indépendamment d'une décision favorable.
Peu importe donc le résultat, c'est-à-dire de la réussite ou de l'échec de l'entreprise.
Paragraphe 2 : Le but du trafic d’influence

Le but du trafic d'influence est défini par l'article 157 du Code pénal
comme étant le fait de faire obtenir ou tenter de faire obtenir des décorations,
médailles, distinctions ou des récompenses, des places, fonctions ou emplois ou des
faveurs quelconques accordées par l'autorité publique, des marchés, entreprises ou
autres bénéfices résultant de traités conclus avec l'autorité publique ou avec
l'administration placée sous le contrôle de la puissance publique ou, de façon générale,
une décision favorable d'une telle autorité ou administration et abuse ainsi d'une
influence réelle ou supposée . En d'autres termes, le trafic d'influence, prévu et puni
par l'article 157 du Code pénal est le délit du tiers qui, moyennant rétribution reçue
d'un autre, intervient dans l'intérêt de celui-ci auprès du dépositaire de l'autorité
publique pour en obtenir la faveur en vue de laquelle lui-même aura été payé.
Paragraphe 3 : Les pénalités

Prévue par les articles 157 du Code pénal, la répression du trafic


d'influence, infraction constitutive aussi d'un manquement grave au devoir de probité
de tout honnête citoyen prévoit, non seulement, des peines principales, mais aussi des
sanctions complémentaires. La peine applicable au trafic d'influence est un
emprisonnement de un à cinq ans et une amende double de la valeur des promesses
agréées ou des choses reçues ou demandées sans que cette amende puisse être
inférieure à 300 000 F. Lorsque le coupable est l'une des personnes visées à l'article
156 du Code pénal à savoir les fonctionnaires ou assimilés, militaires ou assimilés,
experts ou arbitres, médecins, sages-femmes, chirurgiens, dentistes, la peine
d'emprisonnement est le maximum.

SECTION II : L’INGERENCE DES FONCTIONNAIRES DANS LES


AFFAIRES OU COMMERCE INCOMPATIBLES AVEC LEUR QUALITE

L’article 161 qui prévoit et punit cette infraction est destinée à réprimer les
actes par lesquels les fonctionnaires publics au mépris de leur qualité lieraient trop
étroitement leurs intérêts personnels à ceux des entreprises privées que leurs fonctions
les chargent de surveiller ou contrôler.

Ainsi, la loi vise tout fonctionnaire, tout officier public, tout militaire ou
assimilé qui, soit directement soit indirectement, prend ou reçoit quelque intérêt que ce
150
soit dans les actes, adjudications, ou régies dont il a ou avait au temps de l’acte en tout
ou en partie, l’administration, le contrôle ou la surveillance, l’ordonnancement, la
liquidation ou le paiement. Peu importe le caractère temporaire de la fonction ou que
l’auteur du délit agisse directement ou par personne interposée.

Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs

A – Délit du fonctionnaire en exercice

L’affaire dans laquelle toute participation est interdite, s’entend aussi bien
d’un acte, d’une opération juridique comme la vente ou une adjudication d’une
entreprise ou société. Cette adjudication doit être soumise lors de l’acte à
l’administration ou à la surveillance de l’agent ou que celui-ci soit chargé d’en
ordonner le paiement ou d’en faire la liquidation.

L’acte coupable consiste à prendre ou recevoir dans l’affaire administrée ou


surveillée quelque intérêt que ce soit et cela soit ouvertement, soit par des actes
simulés, soit par interposition de personnes.

L’auteur du délit doit avoir agir en connaissance de cause. Le délit est un


délit instantané.

B – Délit de l’ancien fonctionnaire

La loi vise tout fonctionnaire ou agent se trouvant soit en position de congé


ou de disponibilité, ou qui soit après admission à la retraite, soit après démission,
destitution ou révocation, n’a cessé d’exercer sa fonction que depuis moins de cinq (5)
ans.

 L’affaire dans laquelle, l’ancien fonctionnaire, n’a pas le droit de prendre ou de


recevoir une participation, s’entend en principe de l’entreprise privée qui s’est trouvée
soumise pendant un temps quelconque, il y a moins de cinq (5) ans, à un pouvoir de
surveillance ou de contrôle exercé par lui en raison même de sa fonction.

 L’acte coupable, consiste à prendre dans l’entreprise, concession ou régie ou à recevoir


une participation par travail, conseil ou capitaux. Toutefois, la loi excepte l’effet de la
dévolution héréditaire en ce qui concerne les capitaux.

 Il s’agit d’un délit continu ou successif pour lequel la prescription ne court que du jour
où cesse la participation interdite.

Paragraphe 2 : La répression

Le délit du fonctionnaire en exercice est puni d’un emprisonnement de cinq


(5) à dix (10) ans et d’une amende de 300.000 F à 1.500.000 F. De plus, le coupable
151
sera déclaré incapable d’exercer une fonction publique pour une durée qui ne peut
excéder cinq (5) ans.

S’agissant du délit de l’ancien fonctionnaire, la peine d’emprisonnement est


de un (1) à cinq (5) et une amende de 300.000 F à 1.500.000 F.

CHAPITRE IV : LES ABUS D’AUTORITE

SECTION I : LA VIOLATION DE DOMICILE

L’article 165 du Code Pénal protège contre les abus des représentants de
l’autorité le domicile des citoyens, dont l’inviolabilité est une partie des garanties de la
liberté.

L’infraction suppose quatre (4) éléments :

a) Il faut, en premier lieu, que le fonctionnaire se soit introduit au domicile d’autrui. La


notion de domicile est prise au sens large. Le domicile, dont la violation est punie,
n’est pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, c’est le local
qui sert à son habitation, son chez soi. Il importe peu, qu’il s’agisse d’une demeure
purement temporaire, comme une chambre meublée. La loi protège aussi les
dépendances du domicile, tels que la cour ou le jardin, pourvu que ces dépendances
soient comprises dans la clôture. Il ne suffit pas que le local soit destiné à l’habitation,
il faut aussi qu’il soit habité. Mais peu importe que lors de la violation l’habitant soit
présent ou absent.

b) En deuxième lieu, il faut que l’auteur de la violation de domicile soit un fonctionnaire


de l’ordre administratif ou judiciaire, un officier de police, commandant ou un agent
de la force publique. Il faut d’ailleurs que le fonctionnaire ou agent agisse en sa
qualité, abusant ainsi de son autorité. Il faut encore que le fonctionnaire ou agent
pénètre au domicile du particulier en dehors des cas prévus par la loi ou sans observer
les formes légales.

Un fonctionnaire peut pénétrer chez un particulier, lorsqu’il s’agit


d’opérer une arrestation, en exécution soit d’un mandat d’arrêt ou d’amener, soit d’un
jugement portant condamnation à une peine d’emprisonnement ou à la contrainte par
corps.

En outre, la loi permet aux officiers de police de pénétrer dans les lieux
publics, (cafés, auberges, boutiques, etc.) tant qu’en fait ils sont ouverts au public.
Mais cette faculté n’est accordée que pour constater les infractions qui peuvent s’y
commettre, et sauf, le cas de crime flagrant, l’officier ne pourrait ni effectuer une
perquisition, ni opérer une saisie.

152
Les officiers de police peuvent effectuer des visites domiciliaires pour
découvrir les preuves d’un délit. Ils opèrent ces visites, soit de leur propre autorité,
lorsqu’il y a crime flagrant, soit au cas de délit commis dans l’intérieur d’une maison,
lorsque le chef de la maison les requiert de le constater. En dehors de ces hypothèses,
le juge d’instruction peut seul effectuer une perquisition ou donner commission
rogatoire à un juge ou un officier de police judiciaire qui a ainsi les droits du magistrat
instructeur.

Toutefois, une perquisition peut être opérée sans ordre du juge d’instruction,
par un officier de police judiciaire ou même par la gendarmerie, si l’intéressé y
consent librement.

SECTION II : L’EMPLOI DE VIOLENCES SANS NECESSITE (article 167 du


code pénal)

Lorsqu’un fonctionnaire ou agent de la force publique, dans l’exercice ou à


l’occasion de ses fonctions, a, sans motif légitime, use ou fait user de violences envers
les personnes, sa qualité constitue une circonstance aggravante du délit ou du crime
par lui ainsi commis. La peine encourue est celle prévue par la règle à l’article 176 du
Code Pénal.

En revanche, si le fonctionnaire ou l’agent, a eu un motif légitime d’exercer


les violences, il n’encourt aucune peine.

La loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par « motifs légitime » et laisse ce
point à l’appréciation des juges. Ce peut être l’ordre de la loi ou la nécessité de se
défendre. Le motif légitime est plus large que la légitime défense ; ainsi l’agent,
prenant lui-même, l’offensive pour exécuter un ordre de justice, peut user de violences
s’il rencontre une résistance, sans toutefois que la violence soit hors de proportion avec
l’importance de l’ordre. Il semble que la provocation doit être considérée comme un
motif légitime.

Cependant, il paraît bien que, dans l’intention du législateur, l’existence d’un


motif légitime soit un « fait justificatif » enlevant à l’acte tout caractère répréhensible.

SECTION III : LE DENI DE JUSTICE (article 166 du Code pénal)

Le déni de justice est le fait pour un juge de refuser de juger, sous prétexte du silence,
de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, ou le fait de refuser de répondre aux
requêtes ou négligent de juger les affaires en état d’être jugées 1. Le juge a prêté
serment pour rendre la justice. Ne dit-on pas que le juge rend la justice (au peuple)
parce qu’elle ne lui appartient pas ?

1
Article 4 du code civil de 1804, article 352 code de procédure civile
153
Cette infraction suppose une condition préalable à savoir que le juge soit requis de
rendre la justice et qu’il persévère dans son refus après l’avertissement ou l’injonction
à lui faite par ses supérieurs. Le classement sans suite d’une procédure ne peut être
qualifié de déni de justice en ce sens que c’est la loi qui prévoit une telle orientation1.
La loi punit le déni de justice d’une amende de 50.000 F à 300.000 F ; une
interdiction d’exercer les fonctions juridictionnelles d’une durée maximale de cinq (5)
ans peut en outre être prononcée.
SECTION IV : LE REFUS OU LA NEGLIGENCE DE CONSTATER ET DE
METTRE FIN 0 UNE DETENTION ILLEGALE OU ARBITRAIRE (article 146 du
Code pénal)

Toute privation de liberté doit découler d’une décision d’une autorité


légalement investie de ce pouvoir. Cette mesure attentatoire des libertés doit être prise
dans le strict respect de la loi.

La loi incrimine tout fonctionnaire public chargé de la police administrative


ou judiciaire qui ayant connaissance de faits de détentions illégales ou arbitraires en
tout lieu, refusent ou négligent de les constater et de les faire cesser. Il est visé ici,
toute personne chargée des missions de police judiciaire ou de police administrative.

Cette infraction suppose un certain nombre de conditions que sont :

 une détention illégale ou arbitraire en tout lieu c’est-à-dire une détention ordonnée
soit par une autorité non compétente, soit dans des conditions non appropriées
telles que le motif, le lieu de détention… Le lieu de cette privation de liberté
importe peu ;

 un refus ou une négligence de constater la détention et de la faire cesser.

L’objectif de la loi en l’espèce est de sanctionner l’agent chargé des missions


de police judiciaire ou de police administrative (même n’étant pas de service) qui sans
avoir ordonné la mesure de détention illégale, en a eu connaissance mais néglige ou
refuse de la faire cesser. L’agent peut agir directement pour faire cesser la mesure ou
provoquer sa cessation de quelque manière que ce soit.

L’agent coupable de refus ou négligence de constater et de mettre fin à une


détention illégale ou arbitraire encourt une peine d’emprisonnement de un (1) an à
cinq (5) ans.

SECTION V : LE REFUS DE REPONDRE A UNE REQUISITION (article 189 du


code pénal)

1
Michel VERON, op.cit. p. 311
154
La réquisition permet à une autorité, de faire agir les forces de l’ordre pour
prévenir ou faire cesser des troubles ou pour exécuter une mission rentrant dans le
cadre de ses attributions. Ainsi, le législateur condamne le commandant de forces de
sécurité intérieure légalement saisi d’une réquisition de l’autorité civile qui refuse ses
services ou s’abstient de faire agir les forces sous ses ordres. La loi réprime le défaut
de réponse à une réquisition dans des conditions bien précises :

 une réquisition faite par une autorité compétente ;

 une réquisition à accomplir une mission rentrant dans le cadre des attributions des
forces concernées ;

 un refus du service ou une abstention non légitimement motivé de faire agir les
forces sous ses ordres.

Le commandant de forces de sécurité intérieure désigne toute autorité


militaire ou paramilitaire ayant sous ses ordres, des agents publics. Au regard des
éléments de commandement, est puni, le commandant qui n’a pas déféré à la
réquisition ou qui a ordonné l’inexécution. C’est ainsi que la Cour de cassation
française a validé la condamnation d’un commandant de sapeurs-pompiers, qui n’a pas
déféré à la réquisition d’un commissaire de police, d’enlever un corps déchiqueté
gisant sur une voie ferrée1.

Le commandant de forces de sécurité intérieure qui refuse de répondre à une


réquisition est puni d’un emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans.

SECTION VI : LA VIOLATION DU SECRET DES CORRESPONDANCES

L’article 168 du Code Pénal punit d’un emprisonnement de six (6) mois à
cinq (5) ans et d’une amende de 300.000 F à 1.500.000 F tout agent du gouvernement
ou de l’administration des postes qui a supprimé ou ouvert une lettre confiée à la poste.

Le coupable peut être en outre interdit de tout emploi public pour une durée
qui ne peut excéder cinq (5) ans.

Il doit s’agir de la suppression ou de l’ouverture d’une lettre.

A la suppression définitive doivent être assimilés la suppression


momentanée, le retard volontaire dans la transmission ou dans la distribution.

L’ouverture suppose un pli clos et cacheté. Il n’y aura donc pas délit si
l’agent avait pris connaissance du contenu d’un paquet d’imprimés circulant sous pli
non cacheté. De même, s’il avait révélé la correspondance écrite sur une carte postale.

1
Crime. 24 juin 1992, Dr. Pénal 1993, comm. 10 ; Bull. n° 255
155
Toutefois, si la simple ouverture de plis non clos n’est pas visée par le texte, il en est
autrement de leur suppression. La loi s’applique à la suppression de prospectus ou
circulaires sous bandes de cartes postales et même de télégrammes.

TITRE III : LES CRIMES ET DELITS CONTRE LA SURETE DE L’ÉTAT

La loi pénale punit divers agissements qui compromettent la sûreté de l’État,


soit sa sûreté extérieure, en favorisant les entreprises de puissances étrangères, ou en
portant atteinte à la défense nationale, soit sa sûreté intérieure, leurs auteurs, cherchant
à renverser le gouvernement établi, à modifier, par d’autres voies que les voies légales
à l’unité du pays.

CHAPITRE I : LES ATTEINTES A LA SURETE EXTERIEURE DE L’ETAT

SECTION I : LA TRAHISON

Sous le nom de trahison, le Code Pénal punit les infractions suivantes :

Paragraphe 1 : Port d’armes contre le Burkina Faso

Tout Burkinabé, qui prend du service dans une armée ennemie contre l’Etat
Burkinabé, est coupable des faits de trahison aux termes de l’article 88 alinéa 1 du
Code Pénal.

Paragraphe 2 : Intelligences favorisant les armées étrangères

L’article 88 alinéa 2 du Code Pénal, vise tout Burkinabé qui entretient des
intelligences avec une puissance étrangère en vue de l’engager à entreprendre des
hostilités contre le Burkina Faso, ou lui en fournit les moyens, soit en facilitant la
pénétration des forces étrangères sur le territoire, soit en ébranlant la fidélité des
armées de terre ou de l’air, soit de toute autre manière.

Ce texte prévoit deux (2) infractions distinctes :

La première suppose l’entretien d’intelligences avec une puissance étrangère


dans un but déterminé, qui est d’engager cette puissance à entreprendre des hostilités
contre le Burkina Faso. La loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par
« intelligences » et elle laisse au juge le soin d’en constater souverainement
l’existence.

A la différence du cas visé à l’article 88 alinéa 1 er, le crime peut être commis
en temps de paix et il est d’ailleurs caractérisé même si les intelligences n’ont pas
abouti au résultat recherché.

156
La deuxième infraction prévue par l’article 88 alinéa 2, réprime le fait de
fournir à une puissance étrangère des moyens d’entreprendre des hostilités contre le
Burkina.

Elle peut se commettre soit en facilitant la pénétration des forces étrangères


sur le sol burkinabé, soit en ébranlant la fidélité des armées Burkinabé, par exemple en
provoquant des mutineries, soit enfin, dit la Loi, volontairement imprécise, « de toute
autre manière ».

Paragraphe 3 : La livraison de territoire ou matériel à l’ennemi

L’article 88 alinéa 3 punit tout Burkinabé qui livrera à une puissance


étrangère ou à ses agents, soit des troupes Burkinabé, soit des ouvrages, postes,
arsenaux, matériels, munitions ou appareils de navigation aérienne ou de locomotion
ferroviaire, appartenant au Burkina Faso ou affectés à sa défense. On entend par agent
d’une puissance étrangère, tout individu, chargé d’une mission d’un gouvernement
étranger. Mais l’existence de cette mission, qui est généralement secrète, est une
question de fait abandonnée à la conscience des juges.

Paragraphe 4 : la provocation adressée à des militaires de passer au service de


l’ennemi

L’article 89 punit de mort tout Burkinabé qui, en temps de guerre, ou bien


incite des militaires à passer au service d’une puissance étrangère, ou leur en facilitera
les moyens, ou bien fera des enrôlements pour une puissance en guerre avec le
Burkina.

Dans le premier cas, le crime n’est constitué que si la provocation est


adressée à des militaires en activité de service.

Dans le deuxième cas, l’enrôlement pour une puissance en guerre avec le


Burkina est punissable alors même qu’il concerne les civils.

Paragraphe 5 : L’intelligence avec une puissance étrangère

L’article 89 alinéa 4 du Code Pénal, punit tout Burkinabé qui, en temps de


guerre, entretiendra des intelligences avec une puissance étrangère ou avec ses agents
en vue de favoriser les entreprises de cette puissance contre le Burkina Faso.

Paragraphe 6 : La livraison d’un secret de la défense nationale

L’article 97 alinéa 1 du Code Pénal, punit de l’emprisonnement de un (1) à


cinq (5) ans quiconque, qui livrera à une puissance étrangère ou à ses agents, sous
quelque forme et par quelques moyens que ce soit, un secret de la défense nationale,

157
ou qui s’assurera par quelque moyen que ce soit la possession d’un secret de cette
nature en vue de le livrer à une puissance étrangère ou à ses agents.

La livraison ou la prise de possession, prévues par le texte, se fait par « tout


moyens ». La loi, volontairement très large, veut atteindre toutes les formes plus
directes ou dissimulées que peut revêtir la livraison et tous agissements susceptibles
d’entraîner la prise de possession du secret.

La prise de possession, peut, notamment se réaliser par des prises de


photographies, des dessins, des opérations topographiques, ou par la pénétration dans
des ouvrages militaires. La livraison doit être faite à une puissance étrangère, ou la
prise de possession doit être faite en vue de livrer le secret à une puissance étrangère.
Il n’est pas nécessaire que la puissance étrangère soit en état de guerre avec le Burkina.

Aux termes de l’article 101 du Code Pénal, sont réputés secrets de la défense
nationale, dans le cas de l’article 76 alinéa 1er.

1) Les renseignements d’ordre militaire, diplomatique, économique ou industriel qui, par


leur nature, ne doivent être connus que de personnes qualifiées et doivent être tenus
secrets à l’égard de toutes autres personnes dans l’intérêt de la défense nationale.

2) Les objets matériels, écrits, dessins, plans, cartes, levés, photographies ou autres
reproductions et tous autres documents qui doivent également être tenus secrets à
l’égard de toute autre personne comme pouvant conduire à la découverte de
renseignements appartenant à l’une des catégories ci-dessus citées.

3) Les informations militaires de toute autre nature non rendues publiques par le
Gouvernement et dont la publication ou la reproduction aura été interdite par une loi
ou un Décret rendu en conseil des Ministres.

4) Les renseignements relatifs, soit aux mesures prises pour découvrir et arrêter les
auteurs et les complices de crimes ou délits contre la sûreté extérieure de l’Etat, soit à
la marche des poursuites et de l’instruction, soit aux débats devant la juridiction de
jugement.

Paragraphe 7 : La destruction volontaire de matériel

Aux termes de l’article 88 alinéa 5, commet encore un acte de trahison, tout


Burkinabé qui détruira ou détériorera volontairement un appareil de navigation
aérienne, un matériel, une fourniture, une construction ou une installation susceptible
d’être employés pour la défense nationale, ou pratiquera sciemment, soit avant, soit
après leur achèvement, des malfaçons de nature à les empêcher de fonctionner ou à
provoquer un accident.

158
Paragraphe 8 : La participation à une entreprise de démoralisation

Aux termes de l’article 89, est coupable de trahison, tout Burkinabé qui aura
participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l’Armée (ou de la Nation),
ayant pour objet de nuire à la défense nationale. Ce texte a pour but d’atteindre des
propagandes nuisibles à la défense de la patrie.

Paragraphe 9 : La provocation à la trahison

Même non suivie d’effets, est un crime, aux termes de l’article 92 du Code
Pénal et punie comme la trahison elle-même. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit
accompagnée de dons, promesses ou menaces, et peut donc résulter de simples
conseils, mais il faut qu’elle soit intentionnelle. La loi punit comme la provocation,
l’offre même non acceptée de commettre l’un des crimes constitutifs de la trahison.

SECTION II : L’ESPIONNAGE

La distinction entre la trahison et l’espionnage est incertaine.

La jurisprudence adoptait un critère d’ordre subjectif. Le fait était qualifié


trahison, si le coupable avait agi dans l’intention de précipiter un État dans la guerre, et
espionnage s’il avait plutôt agi par cupidité ou légèreté.

Il n’existe plus désormais de différence spécifique entre la trahison et


l’espionnage. Les mêmes faits sont constitutifs de l’un ou l’autre crime selon que
l’auteur est Burkinabé ou étranger.

En conséquence, est coupable d’espionnage tout étranger qui commettra l’un


des crimes énumérés aux articles 88,89 et suivants du Code Pénal, à l’exception du
crime prévu par l’article 88 alinéa 1 qui, caractérisé par le fait de porter les armes
contre le Burkina, n’est punissable que lorsqu’il est commis par un Burkinabé.

En matière d’espionnage comme en matière de trahison, la provocation à


commettre l’un des crimes prévus par la loi (ou l’offre de le commettre) est punie
comme le crime lui-même (article 92 du Code Pénal).

SECTION III : LA JURIDICTION COMPETENTE

Les crimes de la sûreté extérieure de l’État, commis en temps de paix comme


en temps de guerre, relève dans tous les cas des tribunaux militaires, que leurs auteurs
soient civils ou militaires.

CHAPITRE II : LES CRIMES ET DELITS CONTRE LA SURETE


INTERIEURE DE L’ETAT

159
Le Code Pénal réprime les crimes et délits suivants contre la sûreté intérieure
de l’Etat.

SECTION I : LES ATTENTATS ET COMPLOTS TENDANT A DETRUIRE


OU CHANGER LE GOUVERNEMENT OU A INCITER LES CITOYENS A
S’ARMER CONTRE L’AUTORITE

Les articles 109 et 112 du Code Pénal punissent l’attentat ou le complot dont
le but est, soit de détruire ou de changer le gouvernement, soit d’inciter les citoyens ou
habitants à s’armer contre l’autorité ou à s’armer les uns contre les autres.

L’attentat doit se caractériser par un acte d’exécution commencée. C’est ce


qu’exprime la loi en décidant que « l’exécution ou la tentative constituent seules
l’attentat ». la loi ne précise pas quels actes peuvent être considérés comme actes
d’exécution. Elle se borne à indiquer que ces actes doivent tendre à détruire ou
changer le gouvernement, inciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité
(constitutionnelle) (article 110 du Code Pénal).

Le complot se caractérise, en dehors de tout acte d’exécution, par la seule


résolution concertée et arrêtée par deux ou plusieurs personnes de commettre un
attentat. Il est nécessaire qu’il y ait résolution d’agir arrêtée et concertée entre deux ou
plusieurs personnes. Si cette résolution n’existait pas, il n’y aurait qu’un projet, une
pensée criminelle échappant à toute répression.

Cette résolution doit avoir pour but de commettre un attentat et tendant par
conséquent à détruire ou changer le gouvernement ou à inciter à s’armer contre
l’autorité.

L’article 110 du code pénal punit de un (1) à cinq (5) ans et d’une amende de
300.000 à 1.500.000 Francs ou de l’une de ces deux (2) peines seulement, quiconque
fait une proposition non agréée de former un complot pour commettre l’un des crimes
prévus à l’article 109 du code pénal.

Si le complot a été suivi d’un acte commis ou commencé pour en préparer


l’exécution, il y a circonstance aggravante et la peine est l’emprisonnement de dix (10)
à vingt (20) ans.

S’il y a eu simple proposition non agréé de former un complot celui qui a fait
une telle proposition est puni d’un emprisonnement d’un (1) an à cinq (5) ans et d’une
amende de 300.000 F à 1.500.000 F ou de l’une de ces deux (2) peines seulement.

SECTION II : L’EXCUSE ABSOLUTOIRE

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Dans tous les cas de crimes ou délits contre la sûreté intérieure de l’Etat,
établis par le Code pénal, l’excuse absolutoire des articles 76 à 78 du Code Pénal, joue
comme pour les crimes ou délits contre la sûreté extérieure. L’exemption de peine est
établie en faveur de celui qui, avant toute exécution ou tentative d’un crime ou délit,
en donne, le premier, connaissance aux autorités administratives ou judiciaires. Elle
n’est que facultative si la dénonciation intervient après la consommation ou la tentative
du crime ou délit, mais avant l’ouverture des poursuites. Elle est également facultative
en faveur du coupable qui, après l’ouverture des poursuites, procure l’arrestation des
auteurs ou complices de la même infraction ou d’autres infractions de même nature ou
de même gravité.

L’interdiction de séjour peut être prononcée contre ceux qui bénéficient de


cette exemption de peine.

TROISIEME PARTIE : LES INFRACTIONS SPECIFIQUES

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