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Le Syndicat National Autonome

de l’Enseignement Secondaire (SNAES)

En collaboration avec la Friedrich Ebert Stiftung


Cameroun et Afrique Centrale

LE MANUEL SCOLAIRE
AU CAMEROUN :
Enjeux, diagnostic et esquisses de solutions
pour une politique sectorielle
Le Syndicat National Autonome
de l’Enseignement Secondaire (SNAES)

En collaboration avec la Friedrich Ebert Stiftung


bureau du Cameroun/ Afrique Centrale

LE MANUEL SCOLAIRE AU CAMEROUN :


Enjeux, diagnostic et esquisses de solutions
pour une politique sectorielle

Conception et coordination technique


Roger KAFFO FOKOU

Evaluation scientifique
Pr Jacques CHATUE
Chef de département de Philosophie, Psychologie, Sociologie,
Université de Dschang-Cameroun

Contributions
Robert Fotsing Mangoua (Pr), Patricia Bissa Enama (Pr), Lilian Lem Atanga (Pr), Solange
Renée Nkeck Bidias (MC), Jacques Evouna (M.C.), Appolinaire Foulla Damna (Dr), Basile
Difouo (Dr), Grace A. Ghemkam T. (Master)

©Friedrich Ebert Stiftung, Yaoundé (Cameroun) 2019.


B.P. 11939 Yaoundé/ Cameroun
Tel.: +237 222 21 52 92/ 678 26 45 78 / 685 13 46 85
E-mail : [email protected]
Les Grandes Editions Sarl
B.P. : 5577 Yaoundé-Cameroun
Tél. : (237) 672343325/699276911/696573292
Email : [email protected]
ISBN : 978-9956-450-20-6

3
Tout usage à but commercial des publications, brochures ou autres imprimés de la Friedrich Ebert
Stiftung est formellement interdit à moins d’une autorisation écrite délivrée préalablement par la
Friedrich Ebert Stiftung.
La présente publication n’est pas destinée à la vente.
Tous droits de traduction, de production et d’adaptation réservés pour tous les pays.

4
Table Des Matières

Remerciement 7

Liste des abréviations 9


Avant-propos parMme Nina NETZER 11

Introduction par Roger KAFFO FOKOU 13


1. Contenus des manuels scolaires, compétences du XXIième siècle et
éducation à la citoyenneté : états des lieux et perspectives par Robert 17
FOTSING MANGWA, Pr, Université de Dschang

2. La problématique du manuel scolaire au Cameroun : Le cri d’alerte et de


détresse du parent d’élève par Dr Basile DIFOUO, Yaoundé I 31
3.
Gouverner le contenu du manuel scolaire au Cameroun : entre questions
d’éthique et de société par Dr Appolinaire FOULLA DAMNA,
59
Université de Dschang
4. La production du manuel scolaire : acteurs clés et processus par Renée
Solange NKECK BIDIAS, MC, Yaoundé 1 69

5. La sélection du livre/manuel scolaire :


Cadre, acteurs et fonctions par Patricia BISSA ENAMA, Pr, Yaoundé 1 83

6. Access to school textbooks: a critical analysis of availability,


affordability, commitment to provision and approaches to sustainable
solutions par Lilian LEM ATANGA, Associate Pr, University of 99
Bamenda

7. Culture et économie au Cameroun : Quelle est la place du livre en


général et du manuel scolaire en particulier ? par Grace A. GHEMKAM
113
T. Masters recherche et professionnel, IUG Douala

8. Des déréglages de la filière du manuel scolaire au livre unique :


l’impératif d’une réforme systémique par Jacques EVOUNA, MC, 127
Université de Douala
137
Annexes

5
6
Remerciements

Cette publication résulte des recherches organisées par Le Syndicat National


Autonome de l’Enseignement Secondaire (SNAES) de 2018 à 2019, et supportées par
la Friedrich Ebert Stiftung (FES) Cameroun/Afrique Centrale.

Ces recherches ont rassemblé des experts multidisciplinaires dans le but


d’apporter un éclairage et des voies d’amélioration à la politique du manuel scolaire au
Cameroun, thématique d’actualité depuis 2017, toujours en cours d’ailleurs. Les
contributeurs, tous Camerounais, sont des universitaires. Dans le cadre de leurs
investigations, ils ont, entre autres, enquêté des représentants des parents et d'élèves,
des enseignants et des éditeurs de manuels scolaires. La Friedrich Ebert Stiftung (FES) les
remercie tous pour leurs contributions individuelles et collectives.

La FES exprime sa profonde gratitude à M. Roger KAFFO FOKOU, Secrétaire


Général du SNAES, et à son équipe composée de : Pr Robert FOTSING MANGOUA,
Université de Dschang, Pr Patricia BISSA ENAMA, Université de Yaoundé I, Pr Lilian
Lem Atanga, University of Bamenda, Renée Solange NKECK BIDIAS, Maître de
Conférences, Université de Yaoundé I, Dr Apollinaire FOULLA DAMNA, Chargé de
Cours/Maître-Assistant (CAMES), Université de Dschang, Dr. Jacques EVOUNA,
Université de Douala, Dr. Basile DIFOUO, Université de Yaoundé I, GHEMKAM T. Grace
Alvine, Institut Universitaire du Golfe de Guinée. La FES est reconnaissante de
l’évaluation des travaux de ces chercheurs faite par le Professeur JACQUES CHATUE,
chef du département de Philosophie, Psychologie et Sociologie de l’université de
Dschang.

Enfin, un remerciement particulier est adressé à la chargée des programmes


socio-économiques à la FES, Mme Susan BAMUH APARA, pour tout le temps et le
travail fourni pour l’organisation des rencontres, le suivi, la rédaction et la publication de
cet ouvrage.
Madame Nina NETZER
Représentante Résidente
Friedrich Ebert Stiftung
Cameroun/Afrique Centrale

7
8
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

AAU : Actes Administratifs Unilatéraux


APC : Approche Par la Compétence
CEPER : Centre d’Edition et de Production pour l’Enseignement et la recherche
CEPMAE : Centre d’Edition et de Production des Manuels et Auxiliaires d’Enseignement
CERLAC : Centre for the promotion of books in Latin America and Carribbean
CFA : Franc de la Coopération Financière en Afrique centrale
CLE : Centre de Littérature Evangélique
CM2 : Cours Moyen 2
CNAMSMD : Conseil National d’Agrément des Manuels Scolaires et Matériels
Didactiques
CONFEMEN : Conférence des Ministres de l’Education National
CP : Cours Préparatoire
CREPLA : Centre for book Promotion in Africa
CRTV : Cameroon Radio Television
DSCE : Document de stratégie pour la croissance et l’Emploi
DSSEF : Document de Stratégie du Secteur de l’Education et de la Formation
ECM : Education à la Citoyenneté et la Morale
EDT : Enquête De Terrain
EEL : Enquête En Ligne
ENS : Ecole Nationale Supérieure
ENIEG : Ecole Nationale des Instituteurs de l’Enseignement Général
ENIET : Ecole Nationale des Instituteurs de l’Enseignement Technique
ENSET : Ecole Nationale Supérieure de l’Enseignement Technique
FEICOM : Fonds spécial d’Equipement et d’Intervention Intercommunale
FMI : Fond Monétaire International
GDP : Gross Domestic Product (Produit National Brut)
IGE : Inspection Générale des Enseignements
INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
IPAR : Institut de Pédagogie Appliquée à vocation Rurale
IPN : Inspecteur de Pédagogie National
IPR : Inspecteur de Pédagogie Régional
LTM : Learning and TeachingMaterials
MINEDUB : Ministère de l’Education de Base
MINAT : Ministère de l’administration territoriale
MINESEC : Ministère de l’enseignement Secondaire
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economiques
PIB : Produit Intérieur Brut
PM : Premier Ministre
PME : Petites et Moyennes Entreprises

9
PPO : Pédagogie Par Objectifs
PUY : Presses Universitaires de Yaoundé
QCM : Question à Choix Multiple
QFD : Quality Function Deployment
RESEN : Rapport d’Etat du Système Educatif National camerounais
RNB : Revenu National Brut
SNE : Syndicat National de l’Edition
SSA : Sub-Saharan Africa
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture

10
Avant-propos

Qui n’a utilisé un manuel scolaire à l’école ? Cet outil semble être un simple
support pédagogique de résultats scientifiques dont l’enseignant seul profite. On
s’intéresse le plus souvent à sa forme ou à son prix, mais peu à son utilité à l’école. Le
travail dont la présentation des résultats suit s’inscrit dans un cadre didactique de
l’enseignement constructiviste des sciences naturelles, et porte, en particulier, sur le
processus de l’élaboration des contenus des manuels scolaires. Il s’interroge
essentiellement sur la nature du message scientifique diffusé par les manuels scolaires et
leur rôle dans le développement d’un style éducatif participatif chez l’élève, et par
conséquent questionne leur participation à la construction d’un savoir propre chez ce
dernier.
Le manuel scolaire, élément central dans la pratique pédagogique, est reconnu
comme l’un des facteurs les plus efficaces pour améliorer la qualité de l’enseignement,
particulièrement dans les Etats où le système éducatif manque de moyens. En effet, des
recherches ont montré qu’une amélioration dans la fourniture de manuels scolaires aux
écoles avait une influence positive sur le rendement scolaire (Seguin, 1989). Ainsi les
manuels scolaires sont des outils de réussite scolaire. Pour Gérard et Roegiers, ils sont
« intentionnellement structuré[s] pour s’inscrire dans un processus d’apprentissage en
vue d’en améliorer l’efficacité. » (1993, 35). Ceci permet d’offrir à l’élève un recueil de
connaissances où il peut découvrir, apprendre et comprendre de nouvelles choses. Et à
l’enseignant, une aide à la gestion de ses cours et une banque d’exercices, tout en
permettant, aux parents d’élèves, l’accompagnement et le suivi des apprentissages de
leurs enfants.
Mais cet outil pédagogique fondamental n’est pas un simple support de
transmission des connaissances, puisque par son contenu il participe non seulement à
l’instruction mais également à l’éducation « par la transmission, de manière plus ou
moins explicite, de modèles de comportement sociaux, de normes et de valeurs.»
(UNESCO, 2008, 14). C’est dire qu’il renferme un aspect cognitif et un aspect idéologique,
et c’est ce qui donne au manuel scolaire un pouvoir considérable.
Il apparait que loin d’être un simple outil pédagogique, le manuel scolaire est
également un objet politico-social puissant et le véhicule « d’un système de valeurs,
d’une idéologie, d’une culture ; [qu’il] participe au processus de socialisation - voire
d’endoctrinement - des jeunes générations auxquelles il s’adresse » (Choppin, 1980, 1).
C’est pourquoi il est pertinent d’y consacrer des recherches, et d’alimenter sans cesse le
débat autour de cet objet.
La Friedrich Ebert Stiftung (FES), en tant qu’institution éducative, ne peut donc
rester indifférente face aux discussions sur la politique du manuel scolaire pour le
Cameroun. Son vœu est de voir ce pays se doter de manuels scolaires fiables, lisibles,
didactiques, qui développent des compétences, et sont conçus et rédigés par des équipes
pluridisciplinaires. D’une part, le manuel scolaire, selon la FES, doit permettre une
cohérence verticale et une grande liberté d’utilisation. Il doit également être expérimenté
et adapté à la variété des élèves - tout en évitant l’excès de contenus (la gloutonnerie
11
disciplinaire) -, être présenté de manière pratique et agréable en respectant le droit et les
valeurs morales. D’autre part, la FES aimerait contribuer à une éducation qui prépare les
jeunes pour le marché du travail aux niveaux national et international. Pour toutes ces
raisons, la FES a soutenu le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire
(SNAES) pour la production de cette publication intitulée « LE MANUEL SCOLAIRE AU
CAMEROUN : Enjeux, diagnostic et esquisses de solutions pour une politique sectorielle »

Mme Susan Bamuh Apara,


Chargée du projet ; FES Cameroun/ACET
Mme Nina Netzer
Représentante Résidente
Friedrich Ebert Stiftung Cameroun/Afrique Centrale

12
INTRODUCTION

Depuis de nombreuses années, le manuel scolaire cristallise toutes les tensions


en période de rentrée scolaire au Cameroun. A la base de ces exaspérations récurrentes,
le dysfonctionnement réel ou présumé d'un certain nombre de paramètres liés à cet outil
pédagogique, didactique, scientifique et culturel.
En 2015, c'est un éditeur pilier de la place - le directeur de CLÉ– qui, dans les
colonnes de la presse locale, convoque l’image "d’une mafia" pour parler des acteurs qui
opèrent dans l'univers du livre au Cameroun. A quelques temps de là, un reporter de la
CRTV radio - média gouvernemental ! -lui emboîte le pas, décrivant le secteur du manuel
scolaire comme une « filière scolaire plus proche du fric que de l’éthique ». En 2016, dans
un ouvrage retentissant1, un enseignant de l'ENS de Yaoundé n'hésite pas à affirmer,
parlant des aspects scientifiques et pédagogiques des manuels sélectionnés par le
CNAMSMD2, que « 90 % des livres officiellement inscrits au programme méritent d'être
suspendus » !
Ces enjeux pédagogiques, scientifiques et culturels n'occultent pas toutefois
l'enjeu économique: sur Cameroon-info.net, un éditorialiste3 rappelle que le manuel
scolaire est un marché juteux qui, au Cameroun, pèse en moyenne 134 milliards de FCFA.
Le livre n'est pas, n'a jamais été un bien comme les autres. Conscient de ce fait,
l'UNESCO inaugure sur la scène internationale dès sa création en 1945 ce que certains
ont pu considérer à raison comme « une politique mondiale du livre ». Le consensus est
alors en effet général dans cette institution onusienne sur le rôle bienfaiteur du livre pour
l'être humain. D'un côté - tradition française -, le livre est perçu comme « émancipateur
de l'individu, à qui il apporte connaissance, épanouissement et capacité décuplée de
réflexion »4, et en cela est susceptible de contribuer à bâtir une véritable civilisation
universelle gage de la paix. De l'autre, - tradition anglo-saxonne -, le livre, plus qu’un
outil indispensable à l'éducation des individus, est vu comme un accessoire du
développement économique.
Ces deux visions du livre, complémentaires plutôt qu’opposées, allaient aboutir
à l'élaboration et l'adoptionde normes internationales avec pour objectif d'encadrer un
domaine considéré unanimement comme sensible et stratégique. Il s'agit notamment de :
- l’Accord en vue de la suppression des droits de douane pour l’importation de
matériel de caractère éducatif, scientifique et culturel, dit « Accord de Florence »
(1950);
- la Convention universelle sur le droit d’auteur (1955) ;
- la Convention concernant les échanges internationaux de publications (1958) ;
- la Recommandation sur la normalisation internationale des statistiques de
l’édition de livres et de périodiques (1964) ;
- la Recommandation sur les statistiques relatives aux bibliothèques (1970).

1
Livre et manuel scolaires au Cameroun, du Professeur Marcelin Vounda Etoa
2
Conseil National d’Agrément du Manuel Scolaire et du Matériel Didactique
3
Patrick Dongo
4
Céline Giton, "Quel impact pour la politique du livre de l'UNESCO?"
13
Le plus célèbre de ces textes, l'accord de Florence, d'inspiration libérale, voit
cette orientation renforcée en 1976 à travers le "Protocole de Nairobi". En étendant
l'exemption de taxes à tous les livres et non plus seulement aux matériels éducatifs,
scientifiques et culturels, ce protocole contribue en effet à l'aggravation de l'inégalité des
flux de livres, au détriment des pays à faible capacité de production. Plus que jamais,
dans l’arène internationale, les acteurs s’affrontent dans une véritable bataille du livre.
Celle-ci y oppose une vision humaniste à une vision libérale.
Instrument d'éducation mais aussi, bien économique bénéficiant de surcroît
d'un marché captif, le manuel scolaire se trouve concerné au premier chef par cette
dualité du livre. Du point de vue libéral, il est un produit industriel même si spécifique,
destiné à être commercialisé sur des marchés qu'il faut conquérir et monopoliser.
Le sous-secteur du manuel scolaire constitue pourtant un élément clé de la
politique culturelle et un segment important des industries de la culture dans n'importe
quel pays au monde. Comme l'affirme Álvaro Garzón, ancien chef de la section du livre et
des industries culturelles de l'UNESCO, « la production des manuels scolaires est une
priorité pour les gouvernements qui se préoccupent légitimement de leur qualité, de leur
adéquation au programme d'études, de la ponctualité de leur livraison et de leur prix de
vente ». L'intérêt attaché à cet instrument va d'ailleurs plus loin et revêt une dimension
stratégique: dans le domaine du manuel scolaire, la prééminence des éditeurs étrangers
ne contribue pas à l'affirmation de l'identité nationale, et est préjudiciable au
développement de la créativité et de l'édition endogène, affirme ÁlvaroGarzón5.
C'est pour cela qu'il serait questionnable pour le moins, de concevoir une
politique du manuel scolaire sans tenir compte de l'industrie de l'édition dans son
ensemble. Or, la politique camerounaise du livre en général, laquelle serait incomplète
sans celle particulière du manuel scolaire, est encore à élaborer6. Ce qui en tient lieu pour
l’instant se retrouve, épars, dans divers textes stratégiques mais de portée trop générale :
Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE 2010), Document de
Stratégie du Secteur de l’Education et de la Formation (DSSEF 2013-2020).
De ces textes, il ressort, outre le constat que les manuels scolaires sont coûteux
et le plus souvent à la charge des familles, que le Gouvernement est décidé à encourager
une politique du livre qui entend favoriser la promotion de l’édition locale et
l’accessibilité des livres ;qu’il se propose d’accompagner ces mesures de la simplification
maximale des circuits de distribution de ces outils, de l’appel à des prestataires de
services privés pour garantir l’efficacité dans la distribution et l’atteinte effective des
bénéficiaires.

5
Álvaro Garzón, La Politique nationale du livre, un guide pour le travail sur le terrain, Editions
UNESCO, 2005
6
En 2012 à l'occasion du forum national du manuel scolaire et du matériel didactique, Mme
Youssouf Hadjidja Alim, Ministre de l'Education de base, reconnaissant l'importance d'une
politique nationale du manuel scolaire qu'elle décrivait comme " un plan ou un ensemble d’actions
orientés suivant une approche logique vers le développement du livre scolaire et autres matériels
didactiques de qualité", admettait que celle-ci était encore en cours d'élaboration: "l’élaboration
de ce document, affirmait-elle alors, s’inspire des expériences existantes et tient compte des
suggestions de toutes les parties concernées".

14
À ce jour et en dépit des promesses de ces textes, les crises se multiplient. La
question du manuel scolaire ne peut donc plus être évitée, et exige d’être traitée avec
sérieux et responsabilité.
Dans les analyses qui vont suivre, 8 experts triés sur le volet, enseignants
d’université et chercheurs, se sont penchés sur le manuel scolaire sous ses différents
aspects, de l’élaboration de ses contenus à sa distribution en passant par sa production
et sa sélection. Ils l’ont examiné comme un outil pédagogique, didactique, scientifique et
culturel, mais aussi comme un bien économique. En partant d’un diagnostic de crise
largement partagé et documenté, les auteurs se montrent particulièrement lucides sur les
« impasses des pratiques actuelles ». Ils en indiquent les anomalies et en sondent à
chaque fois l’inquiétante profondeur. Comme le dit si bien le professeur Chatué, « S’ils
ont le mérite de sortir un tel sujet de son apparente banalité, en même temps, ils
proposent une analyse implacable des multiples déterminants en cause, et disent la
nécessité d’une reconsidération multi-acteurs des dimensions administrative et
gestionnaire, économique et comptable, épistémologique et pédagogique, idéologique et
finalement politique, de la nécessaire réforme touchant en premier le rapport de la
communauté éducative au manuel scolaire. »

Roger Kaffo Fokou, écrivain,


Secrétaire Général du SNAES.

15
16
CONTENUS DES MANUELS SCOLAIRES, COMPETENCES DU XXI IEME
SIECLE ET EDUCATION A LA CITOYENNETE : ETATS DES LIEUX ET
PERSPECTIVES

Robert FOTSING MANGOUA,


Professeur, université de Dschang
Robert FOTSING MANGOUA est un ancien élève de l’École Normale Supérieure de
Yaoundé dont il est sorti nanti d’un DIPES II. Après avoir enseigné dans le secondaire, il a
été détaché à l’Enseignement Supérieur en 1999. Il a gardé un grand intérêt pour les
questions relatives à la pédagogie et à la gestion des systèmes éducatifs. Auteur de
plusieurs articles et ouvrages, il enseigne les littératures d’expression française
comparées à l’université de Dschang où il est professeur titulaire des universités.

Résumé
Au cœur de tout système éducatif se trouve le manuel scolaire, outil
pédagogique fondamental, dont l’importance ne vaut que par la pertinence de ses
contenus et sa capacité à intégrer l’apprenant dans l’environnement local et global. La
présente réflexion a tenté d’interroger la pertinence des contenus des manuels dans la
formation à la citoyenneté et aux compétences du 21ème siècle. Une enquête auprès
d’enseignants a révélé dans certains cas une satisfaction partielle et dans d’autres des
insuffisances notoires qui commandent que la question des contenus soit prise en main
afin que les manuels sélectionnés pour exécuter les programmes soient à la hauteur des
finalités de l’éducation définies pour la nation.
Mots clés : Manuel scolaire, programme, citoyenneté, compétences XXIième siècle,

Introduction

La problématique du contenu des manuels scolaires est au cœur de tout


système éducatif responsable car c’est lui qui moule le produit final qui sortira des écoles.
Longtemps restée loin des projecteurs, la question du choix des manuels a été portée sur
la place publique en 2016 avec la publication par Marcelin Vounda Etoa de Livre et
manuels scolaires au Cameroun. La dérive mercantile. L’auteur soulevait alors les dérives
multiples dont les violations des textes réglementaires en matière de sélection des
manuels ne sont pas des moindres. Il écrit notamment « le nombre de plus en plus élevé
de livres agréés par matière et par niveau d’étude, la qualité de leurs contenus, leur
accessibilité et leur disponibilité sont quelques-uns des points qui cristallisent les
débats »7. Cette situation a pris un tour particulier à la rentrée scolaire 2018 avec la
polémique autour d’un manuel, L’excellence en sciences de la classe de 5e,dont les
auteurs étaient accusés de faire la promotion de pratiques sexuelles jugées immorales, en

7
Vounda Etoa, Marcelin, Livre et manuel scolaire au Cameroun. La dérive mercantiliste, Yaoundé,
PUY, 2016, p. 11
17
contexte camerounais, par nombre d’observateurs et de parents. Cette affaire fait voir la
complexité de la question du manuel scolaire au vu du nombre de disciplines et d’acteurs
engagés et commande son évaluation périodique. La présente réflexion, sans avoir la
prétention à un travail exhaustif, se bornera à évaluer la capacité des manuels au
programme de l’année 2018 à atteindre les objectifs d’intégration terminale attendue en
ce qui concerne les compétences du 21ème siècle et l’éducation à la citoyenneté. Elle
s’appuiera essentiellement sur une enquête par questionnaire auprès d’un échantillon
d’enseignants. La présentation des résultats des deux enquêtes sera précédée par
quelques préalables terminologiques et une rapide vue du cadre réglementaire en
relation avec les questions de contenus. Quelques pistes de remédiation aux problèmes
relevés clôtureront la réflexion.

1. Préalables terminologiques, cadre réglementaire et questions de


contenus
Il importe, avant de rentrer dans le vif du sujet, de définir un certain nombre de
termes, de dresser le cadre réglementaire relativement à la question des contenus de
manière à bien saisir les enjeux de la problématique ici abordée. Sur le plan de la
terminologie, il s’agira tour à tour des termes contenu, manuel et compétence.
Selon Legendre, en didactique générale, le contenu désigne un « ensemble de
connaissances et des habiletés composant un objet d’apprentissage » (1988 : 120). En
didactique spécifique, « ce qui est appelé contenu dans un objectif d’apprentissage, c’est
un élément ou encore un sous-élément de connaissance qui est objet d’étude pour un
groupe donné d’élèves » (Idem). Ce contenu est décrit dans un programme que le manuel
se charge de matérialiser.
Pour Memaï et Rouag (2017), « Le manuel scolaire est un élément central dans
la pratique pédagogique, il est reconnu comme l’un des facteurs les plus efficaces pour
améliorer la qualité de l’enseignement, particulièrement dans les Etats où le système
éducatif manque de moyens ». Legendre le définit comme « tout ouvrage imprimé,
destiné à l’élève, auquel peuvent se rattacher certains documents audio-visuels et
d’autres moyens pédagogiques, et traitant de l’ensemble ou des éléments importants
d’un programme d’études pour une ou plusieurs années » (1988 : 356).
Outil pédagogique fondamental, le manuel n’est pas un simple support de
transmission des connaissances. Son pouvoir va bien plus loin dans la mesure où par son
contenu il participe non seulement à l’instruction mais également à l’éducation « par la
transmission, de manière plus ou moins explicite, de modèles de comportement sociaux,
de normes et de valeurs. » (Unesco, 2008, 14).
On saisit donc l’importance de l’adéquation entre le programme et le manuel
car d’elle dépend l’atteinte des objectifs terminaux d’intégration. La controverse autour
du manuel de sciences de la vie et de la terre de la classe de 5ème à la rentrée scolaire
2018/2019 illustre cet état de chose. Certains acteurs ont estimé qu’une partie du

18
contenu allait au-delà des connaissances et/ou des compétences à acquérir par les jeunes
enfants du niveau en question.
La compétence en éducation, quant à elle, désigne une « habileté acquise,
grâce à l’assimilation de connaissances pertinentes et à l’expérience, et qui consiste à
circonscrire et à résoudre des problèmes spécifiques » (Legendre, 1988 : 109). Elle occupe
une place importante dans le système éducatif actuel depuis l’adoption de l’Approche par
compétences comme paradigme pédagogique pour l’élaboration des programmes
d’enseignement.
Au terme de ces définitions qui permettent de circonscrire le paysage idéal avec
ses exigences, interrogeons à présent le cadre règlementaire et ses relations avec la
question des contenus. Un certain nombre de textes encadrent l’enseignement au
Cameroun et à des niveaux divers. On peut citer parmi les plus importants la loi n°
98/004 du 14 avril 1998 d'orientation de l'éducation au Cameroun et le Document de
Stratégie pour la croissance et l’Emploi (DSCE) de 2009 en ses sections sur les stratégies
sectorielles dans le domaine de l’éducation et de la formation. En ce qui concerne les
manuels, on a le Décret N° 2017/11737/CAB/PM du 23 Novembre 2017 du Premier
Ministre portant création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale
chargée du Suivi et de l’Évaluation de la mise en œuvre de la Politique Nationale du
Livre, du Manuel Scolaire et autres Matériels Didactiques. On compte également les
différents arrêtés ministériels portant définition des programmes.
Vu les différents niveaux hiérarchiques, la question des contenus n’est pas
évoquée de la même façon par les différents textes. Alors que la loi d’orientation, très
générale, n’y fait aucune allusion, on trouve une mention sous-jacente dans le Document
de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi dans le cadre réservé au développement
humain en matière d’éducation et de formation : « Les actions visant le développement
de l’éducation et de la formation professionnelle concernent : (i) l’amélioration de l’accès
à l’éducation de base, (ii) l’amélioration de la qualité des enseignants et de leurs
conditions de travail, (iii) les choix des programmes appropriés et (iv) l’accroissement et
la maintenance des infrastructures scolaires »8. En effet, le terme programme évoque en
sous-main les contenus. Le décret du Premier Ministre portant Création, Organisation et
Fonctionnement de la Commission Nationale chargée du suivi et de l’évaluation de la
mise en œuvre de la politique nationale du livre, du manuel scolaire et autres matériels
didactiques n’évoque pas de manière spécifique les contenus. On peut sous-entendre,
dans la mission suivante du Conseil, une instruction visant à contrôler les contenus des
manuels pour juger de leur conformité aux programmes : « de suivre et d’évaluer les
opérations, projets et programmes relatifs au secteur du livre, du manuel scolaire et des
autres matériels didactiques »9.

8
Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi, République du Cameroun, 2009, p. 17.
9
DECRET N° 2017/11737/CAB/PM du 23 novembre 2017 création, organisation et fonctionnement
de la commission nationale chargée du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de la politique
nationale du livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques.

19
Il revient donc aux instructions ministérielles fixant les objectifs, principes,
méthodes et programmes de traduire en données concrètes les finalités exprimées par les
instances supérieures ci-dessus évoquées. Périodiquement, en fonction des réformes en
cours dans le système éducatif, le Ministre en charge de l’Éducation de Base, le Ministre
en charge des enseignements secondaires publient des programmes. On peut citer
comme exemple l’Arrêté n° 263/14/MINESEC/IGE du 13 août 2014 portant définition des
programmes d’études des classes de 6ème et de 5ème. La Commission Nationale se charge
de sélectionner, sur la base desdits programmes, des manuels dont les contenus sont
adaptés et conformes aux objectifs et finalités de la nation en terme d’éducation et de
formation.
Comme on le constate, aucun des textes n’aborde l’instance de rédaction
desdits manuels ni la qualité des rédacteurs. Ce qui peut être un handicap majeur car la
Commission Nationale peut recevoir des éditeurs des manuels peu satisfaisants et se
retrouver obligée d’en choisir quand même le moins mauvais.

2. Evaluation du contenu des manuels d’Éducation à la citoyenneté du 1er


cycle
Il est communément admis que la citoyenneté est l’état ou la qualité de citoyen
et qu’elle permet à un individu d’être reconnu comme membre d’une société, d’un Etat et
de participer à la vie politique. On peut dire que la formation du futur bon citoyen est la
finalité ultime de tout système éducatif.
Dans l’enseignement secondaire au Cameroun, l’Éducation à la citoyenneté et à
la morale fait son entrée dans les programmes par l’arrêté ministériel n°
30/05/NINESEC/GEIIGP-SH du 12 avril 2005 dont la mise en place est complétée par la
circulaire n° 2025/05 du 30 septembre 2005 portant sur l’enseignement effectif de
l’Éducation à la citoyenneté et à la morale. Les objectifs de cette discipline qui couvrent
les deux cycles du secondaire et les deux sous-systèmes anglophone et francophone se
déclinent comme suit :
Pour le 1er cycle : « développer des attitudes positives au sein de sa famille et
dans son environnement social ; s’intégrer, grâce aux connaissances acquises aux
rouages de la vie administrative, institutionnelle et économique de son pays ; se
comporter en véritable citoyen conscient de ses droits et devoirs »10. Pour le 2nd cycle :
« porter des jugements de valeur sur les événements de la vie politique nationale et
internationale ; d’intégrer et de partager les idéaux de coopération, de solidarité et de
paix »11. Les derniers programmes quant à eux ont été définis par l’arrêté
n°263/14/MINESEC/IGE du 13 août 2014.

10
Arrêté ministériel n° 3645/D/64 /MINEDUC/SG/IGE/IGP/SH portant définition du programme
d’Éducation à la citoyenneté (Éducation civique et morale) dans les établissements d’enseignement
secondaire général.
11
Ibid.
20
Pour l’année scolaire 2018/2019 et pour le premier cycle de l’enseignement
général, la Commission Nationale a retenu les deux manuels suivants : Alphonse Sozime
Tame kamta & al, Éducation à la citoyenneté 6ème& 5ème, Mondoux éditions, Coll.
Emergeons et Michel MBIOCK & al, Éducation à la citoyenneté 4ème& 3ème, Yaoundé,
Afrédit. Aucun livre n’est inscrit au programme du second cycle. Cette partie de la
réflexion se propose d’évaluer ces deux manuels.
2.1. Question de méthode
L’évaluation des manuels constitue un des domaines de la recherche en sciences
de l’éducation et une préoccupation majeure de tout système éducatif. Comme l’écrivent
Chen et C. Chen, « selecting a proper textbook for a class has been one of the most
important tasks for teachers. In order to help teachers select the proper textbooks, much
research has been done to evaluate different textbooks »12. Il existe plusieurs grilles
d’évaluation des manuels. Entre autres, celle de l’UNESCO réalisée par Roger en 1989 et
celle qu’utilise la Commission Nationale ci-dessus évoquée13. S’appuyant sur le modèle de
Quality Function Deployment (QFD) mis au point à la fin des années 60 par le japonais
Yoji Akao, Chen et Chen ont proposé en 2002 une adaptation de ce modèle à l’évaluation
et à la sélection des manuels d’enseignement technique. Kapche, Kameni et Fonkoua14
ont à leur tour utilisé cette méthode pour proposer une plate forme d’évaluation des
manuels de mathématiques pour l’enseignement secondaire au Cameroun. A partir d’une
synthèse des modèles de Chen, Chen et Roger ils ont élaboré et passé un questionnaire
comportant 65 critères d’évaluation et 4 domaines : aspects physique, aspect scientifique,
aspect pédagogique et didactique, environnement et contexte d’apprentissage.
Nous inspirant de cette critériologie et en tenant compte de certains aspects de
la grille signée du Premier Ministre et utilisée par la Commission Nationale, nous avons
élaboré un questionnaire anonyme de 28 questions en retenant comme variables 2
domaines : l’aspect scientifique, l’aspect pédagogique et didactique. La population cible
de cette étude se limite aux enseignants pour des raisons de temps. Il serait nécessaire
d’enquêter également les autres acteurs du processus éducatif à savoir les apprenants et
la société. Mais elle peut permettre d’avoir l’avis d’un maillon important de la chaîne
éducative. Le questionnaire a été adressé aux enseignants d’Éducation à la citoyenneté et
à la morale de deux Lycées d’enseignement général du chef lieu du département de la
Menoua, Dschang, le Lycée Bilingue et le Lycée classique à raison de 12 des classes de
6ième et 5ième et 12 des classes de 4ième et 3ième, soit 48 enquêtés pour un échantillon
définitif de 35 en tenant compte de 13 non réponses.

12
Jacob Chen & Joseph C. Chen, “QFD-based Technical Textbook Evaluation – Procedure and a
Case Study”, Journal of Industrial Technology, Volume 18, Number 1, November 2001 to January
2002, p. 1.
13
Critères d’évaluation des aspects matériels, logistique et du contenu des manuels scolaires, signé
du Premier Ministre camerounais le 29 mars 2018.
14
Kapche, A., Kameni, E., Fonkoua, P., « Un modèle d’évaluation des manuels scolaires : Cas des
livres de Mathématiques du secondaire au Cameroun », Conference paper, October 2017
21
2.2. Présentation des résultats
Après traitement des données, les résultats ont été récapitulés dans le tableau
suivant.
Tableau 1. Récapitulatif de l’évaluation des contenus des manuels

Totalement

Partiellement

Pas du tout

Oui

Non

Pas toujours

Total
N° Indicateurs

Modalités
Première variable : aspect scientifique
1 Conformité des 15 20 35
contenus aux
objectifs
2 Correspondance aux 34 1 35
acquis antérieurs
3 Exactitude et 21 6 8 35
précision des
contenus
4 Variété des contenus 35 35
5 Actualité des 22 12 34
contenus
6 Richesse des 20 15 35
contenus
7 Progression (simple 18 8 9 35
au complexe)
Effectifs 15 20 150 42 17 244
Fréquences (%) 6.14 8.19 61.47 17.21 6.96 99.70%
Seconde variable : aspect pédagogique et didactique
8 Adéquation de 28 7 35
l’expression aux élèves
9 Définition des termes 23 12 35
spécifiques
10 Longueur et structure 25 9 34
des phrases
11 Adéquation des texts 30 5 35
d’accompagnement
12 Clarté et concision 28 7 35
des résumés
13 Pertinencedes 19 2 14 35
résumés
14 Faisabilité des activités 8 12 14 34
par les élèves seuls
15 Intérêt de 26 9 35
l’enchainement des
leçons

22
16 Proposition des 23 12 35
exercices en fin de
leçons
17 Variété des exercices 23 11 34
proposés
18 Adéquation des 30 4 34
exercices aux leçons
19 Clarté et précision 22 12 34
des exercices
proposés
20 Évaluation des 29 5 34
apprentissages
21 Vérification des 17 15 32
progrès des
apprenants
22 Présence des 32 2 34
illustrations dans les
leçons
23 Variétés des 27 8 35
illustrations (image,
tableau…
24 Lien des illustrations 32 2 34
au contenu des
leçons
25 Illustrations et 21 12 33
environnement des
élèves
26 Illustrations et intérêt 30 3 33
des élèves
27 Compétences de 9 26 35
citoyenneté
28 Revoir le contenu des 7 26 2 34
manuels
Effectifs 16 52 2 473 149 28 720
Fréquence (%) 2.22 7.22 0.27 65.69 20.69 3.88 99.97%

En définitive, ces données trahissent l’existence d’un écart significatif entre les
programmes officiels et les contenus des manuels scolaires retenus. En effet, les manuels
scolaires adoptés pour l’enseignement de l’Éducation à la citoyenneté et la morale (ECM)
ne font pas l’unanimité au sein du personnel enseignant. Cela se perçoit autant dans
leurs critères de scientificité que dans leur capacité à permettre une transmission efficace
et efficiente des savoirs. En effet, quand bien-même, d’une part, ils semblent actualisés,
variés et précis dans leurs contenus, ils ne sont que partiellement conformes aux objectifs
des programmes officiels, peu fournis en contenus et ne répondent pas nécessairement
aux exigences de progression en matière de structuration de la pensée des apprenants.
D’autre part, même si le vocabulaire employé est en partie conforme au niveau des élèves

23
(ce qui se voit à travers la définition claire des concepts spécifiques, la clarté et la
concision des résumés qui y figurent et la longueur des phrases qui y sont employées), les
résumés ne sont pas toujours pertinents et pas toujours formulés de façon à permettre
aux apprenants d’étudier sans l’intervention de l’enseignant. Ce qui fausse l’objectif
d’autonomisation progressive par l’acquisition de compétences opérationnelles. Par
ailleurs, les exercices, bien qu’adaptés aux leçons, ne permettent pas d’évaluer les
progrès des apprenants faute de clarté et de précision. Il apparaît donc nécessaire que les
manuels soient changés suite à une refonte des programmes.

3. Évaluation des manuels dans la formation aux compétences du 21ème


siècle
Parler des compétences du 21ème siècle revient à évoquer un ensemble
d’habiletés à acquérir pouvant permettre une intégration aisée dans la complexité du
monde actuel. Cette complexité est due au développement rapide des sciences et des
technologies dans tous les domaines renforcé et amplifié par l’informatique et le
numérique. Tout ceci a transformé les modes de vie et appelle une adaptation rapide
sous peine de marginalisation. A ce sujet, François Taddei affirme qu’il faut des réformes
radicales dans les systèmes d’éducation et de formation : « Aujourd’hui, les voitures sont
bourrées d’électronique et d’informatique : les réparer exige des connaissances et des
compétences que ne possède pas le mécanicien de formation. Et demain, quand les
machines se programmeront elles-mêmes, rien ne dit qu’elles ne remplaceront pas
l’humain dans ce genre de tâches. Si les machines vont toujours plus vite dans leur
capacité à nous remplacer, si elles vont plus vite, surtout, que notre capacité à nous
réinventer et à nous former, alors on comprend que le défi n’est plus seulement de
repenser les manières de se former, ou d’ajouter des années d’études : il faut repenser le
système de formation en profondeur »15.
A cet égard, quelles compétences doivent être acquises au 21ème siècle pour
assurer l’intégration de l’élève au terme de son parcours ? De nombreux chercheurs16 en
économie de la connaissance s’accordent sur l’idée qu’en raison des changements de
paradigmes, la réussite scolaire et l’insertion professionnelle dépendront de compétences
différentes de celles exigées pendant le 20ème siècle articulées essentiellement sur la
capacité à mémoriser et calculer, activités déjà dévolues par l’intelligence artificielle aux
machines. Ils identifient ainsi 4 compétences : créativité, communication, esprit critique
et coopération. Dans un monde où le flux des personnes et des informations devient
exponentiel, la nécessité de faire preuve de compétences d’interaction et d’analyse
s’impose d’elle-même. On doit pouvoir mettre en question la fiabilité des informations,
travailler en équipe, communiquer clairement et à propos, être créatif pour proposer des
solutions innovantes, prendre des initiatives et produire des résultats inédits. Comme on

15
https://liseuse-hachette.fr/file/90929?fullscreen=1#epubcfi(/6/10[chap1]!/4/2[chap-
001]/8/28[niv1-007]/8/1:129).
16
On peut citer entre autres, Jeremy Lamri, Michel Barabel, Olivier Meier (2018), Les compétences
du 21ème siècle, Paris Dunod ; Idriss Aberkane (2018), L’Âge de la connaissance, Paris, Robert
Laffont ; François Taddei (2018), Apprendre au 21ème siècle, Paris, Calman Levy.
24
le voit, il s’agit de développer des compétences qui resteront spécifiques au genre
humain.
Répondant à Denis Piron du journal La Croix à la question de savoir si un jour
on pourra se passer des enseignants vu la place grandissante de la machine dans
l’enseignement, François Taddei répond : « Le métier ne se résume plus à la transmission
des savoirs. Le professeur peut aussi déléguer pour une bonne part à la machine la
correction de copies. Pas besoin de lui pour savoir si l’élève a réussi son addition. En
revanche, le rôle de l’enseignant consiste largement à transmettre les compétences clés
du XXIe siècle : coopération, créativité, communication, critique constructive et
compassion »17. Aux 4 compétences précédemment citées, il ajoute la compassion qui
rend sensible aux problèmes du semblable. Sans doute le seul capitalisme néolibéral
n’explique-t-il pas l’indifférence des élites mondiales et africaines, toutes scolarisées pour
la plupart, face au dénuement de la majorité. L’absence de cette empathie y serait pour
quelque chose.
Pour procéder à l’évaluation de la capacité de quelques manuels à former aux
dites compétences du 21ème siècle, un questionnaire a été adressé à 14 enseignants de 7
matières des classes de 3ème du Lycée classique et du Lycée bilingue de Dschang :
français, anglais, mathématiques (Maths), physique-chimie-technologie (PCT),
informatique INFO), arts, cultures et langues nationales (ACLN), sciences de la vie et de la
terre (SVT). Les 14 questionnaires distribués, à raison de 2 par matière, ont été tous
minutieusement remplis et retournés. L’ancienneté des enseignants choisis s’étale de 1 à
11 ans et tous ont connu au moins 1 changement de programme avec des changements
de manuels variant de 0 à 5 selon les matières.
Les résultats de 3 des 5 questions sont présentés dans les tableaux suivants :
Tableau 2. Conformité des contenus des manuels avec les programmes
Français

Anglais

Maths

ACLN

Total
Info
PCT

SVT

Oui 2 2 2 2 2 2 2 14 100%
Non 0 0 0 0 0 0 0 0 0%
Autre 0 0 0 0 0 0 0 0 0%

Les 14 enseignants reconnaissent que les contenus des manuels de leurs


disciplines sont conformes au programme. On peut donc noter la justesse de la
Commission Nationale dans le choix des manuels dont les contenus mettent en œuvre les
programmes prescrits. C’est aussi le mérite des auteurs des manuels de produire des

17
https://www.la-croix.com/Famille/Education/Transmettre-competences-cles-XXIe-siecle-2018-08-
31-1200965272, consulté le 18 février 2019.

25
contenus en conformité avec les exigences nationales. Tout ceci aurait été parfait si
certaines réponses à la question suivante ne remettaient en question non pas les
contenus mais les programmes.
Tableau 3. Évaluation des contenus

Français

Anglais
Maths

PCT

Info

SVT

ACLN

Total
Satisfaisant 2 2 0 2 2 0 0 8 57,15%
Pas satisfaisant 0 0 2 0 0 2 2 6 42,85%
Autre 0 0 0 0 0 0 0 0 0%

Comme le montre ce tableau, les enseignants de français, anglais, PCT et Info


sont satisfaits du contenu de leurs manuels qu’ils trouvaient déjà conformes aux
programmes. Mais d’autres émettent des réserves. Les enseignants de maths jugent que
le contenu du manuel n’est pas satisfaisant bien qu’il soit conforme. Ils déplorent le peu
d’exercices proposés aux apprenants et leur inadéquation avec les exigences de l’APC,
notamment les situations-problèmes qui appellent des compétences de résolution dans la
vie réelle. Il en est de même pour les SVT dont le programme est jugé léger, superficiel
par les 2 enseignants et demande à être amélioré pour tenir compte de situations réelles.
Le contenu du manuel d’ACLN est non satisfaisant pour cause de coquilles, d’exemples
erronés et d’absence d’illustrations. Le taux d’insatisfaction, 42,85%, nous semble très
élevé. Il y a donc lieu de s’inquiéter même si, comme nous l’avons dit, la population
enquêtée est très réduite et peu représentative. Il y a alors lieu de se demander si les
compétences terminales d’intégration peuvent être atteintes avec des contenus
contestés.
Tableau 4. Développement des compétences du 21ème siècle
Français

Anglais

Maths

PCT

Info

SVT

ACLN

Total

Complètement 1 0 0 0 0 0 0 1 07,15%
Partiellement 1 2 2 2 2 2 2 13 92,85%
Pas du tout 0 0 0 0 0 0 0 0 00%

Un seul enseignant, soit 07,15%, pense que le manuel de français permet le


développement complet des compétences du 21ème siècle que sont créativité,
communication, esprit critique et coopération. La grande majorité des enseignants, 13,
soit 92,85%, considère que les contenus de leurs manuels concourent partiellement au
26
développement des compétences du 21ème siècle. Ces derniers ont raison et la justesse de
leurs réponses réside dans le fait qu’il s’agit de compétences qui ne peuvent être
dévolues à une seule matière. Leur acquisition ne peut se faire que dans le cadre de la
complémentarité entre les matières. Ceci suppose que les programmes intègrent ces
objectifs et les distribuent de manière spécifique dans les matières de sorte à les rendre
obligatoires aux rédacteurs et éditeurs de manuels.
Au vu des chiffres ci-dessus, on peut dire que les manuels actuels prennent en
compte les compétences du 21ème siècle même si des efforts restent à faire pour certaines
matières.
Tableau 5. Récapitulatif

Indicateurs

Complètemen

Partiellement

Pas du tout
Satisfaisant

satisfaisant
Autre

Autre
Non
Oui

Pas

t
N° Modalités

Conformité des
1 contenus aux 14 0 0
programmes
Jugement sur les
2 8 6
contenus
Développement
3 des compétences 1 13
du 21ème siècle
Effectifs 14 8 6 1 13
100 57,15 42,85 7,14 92,85
Fréquence (%)
% % % % %
Le tableau ci-dessus récapitule les résultats obtenus et permet de conclure que
tous les enseignants enquêtés approuvent la conformité des manuels avec les
programmes (100%), qu’une bonne partie (42,85) trouve que ces contenus ne sont pas
satisfaisants contre 57,15 qui affirment le contraire. Ceci appelle une révision de ces
contenus compte tenu du faible écart entre les 2 positions.
4. Perspectives de remédiation
Au regard des manquements soulevés par les résultats des deux enquêtes,
quelques pistes de solutions peuvent être proposées à deux niveaux :
Au niveau de la formulation des objectifs généraux des programmes, il y a lieu
d’insérer la dimension d’adaptation au contexte global qui suppose les compétences
indiquées pour le 21ème siècle. Les objectifs devraient décloisonner les disciplines pour
accroître leur complémentarité et leurs capacités à former.
Au niveau de l’aspect scientifique et pédagogique s’impose la création d’une
instance constituée d’inspecteurs pédagogiques, d’experts universitaires dans le domaine

27
des sciences de l’éducation et des matières des programmes. Son rôle sera de procéder à
une première évaluation des manuels proposés par les éditeurs en appliquant les canons
universellement reconnus, avant leur envoi à la Commission Nationale dont les membres
n’ont pas cette compétence.
Par ailleurs, étant donné l’importance de la question, les autorités nationales
peuvent envisager la mise sur pied d’équipes de rédaction des manuels constituées sur la
base de mécanismes de désignation prenant en compte les compétences reconnues des
uns et des autres dans la production de manuels de qualité. Cela réduirait le risque de
voir la Commission Nationale plancher sur des manuels de qualité douteuse18.

Conclusion

La question des contenus des manuels et leur capacité à développer les


compétences attendues chez les apprenants constituent une préoccupation majeure de
tout système éducatif digne de ce nom. Aussi nous sommes-nous penché sur une
évaluation rapide des contenus de manuels sur la formation à la citoyenneté et sur
l’acquisition des compétences du 21ème siècle. Après avoir défini quelques termes et
présenté le cadre réglementaire en vigueur, il est apparu que celui-ci, dans ses textes
fondamentaux n’évoquait qu’allusivement les contenus, ces derniers étant dévolus à des
instructions ministérielles. Au terme des enquêtes menées, on a noté que, pour
l’éducation à la citoyenneté et morale, les enseignants ne sont pas unanimes et que de
nouveaux manuels doivent être proposés. En ce qui concerne la formation aux
compétences du 21ème siècle, chaque matière s’y implique en fonction de ses spécificités,
à la satisfaction mitigée des enseignants. Nous avons terminé par quelques pistes de
remédiation qui suggèrent une meilleure prise en main des questions de contenu qui
passe par la qualité des acteurs à impliquer19.

18
On peut former les enseignants dans ces compétences-là. Une des pistes serait d’en faire une
unité de valeur ou, pourquoi pas, une filière de formation dans le cadre des métiers de l’éducation.
19
Une approche possible pourrait consister en une démarche transversale à plusieurs disciplines
pour permettre aux apprenants de se construire un savoir-faire/vivre en matière de citoyenneté et
de morale. A titre d’exemple, l’impact de la classe de français (lectures expliquées, méthodiques,
suivies) dans ce sens serait inestimable.
28
Bibliographie

ATFA MEMAÏ et ABLA ROUAG, « Le manuel scolaire : Au-delà de l’outil pédagogique,


l’objet politico-social », Éducation et socialisation [En ligne], 43 | 2017, mis en
ligne le 29 janvier 2017, consulté le 11 février 2019. URL :
http://journals.openedition.org/edso/2014 ; DOI : 10.4000/edso.2014.

Chen, Jacob & Chen C. Joseph, “QFD-based Technical Textbook Evaluation – Procedure
and a Case Study”, Journal of Industrial Technology, Volume 18, Number 1,
November 2001 to January 2002.

Kapche, Agnès, Kameni Éric, Fonkoua Pierre (2017), « Un modèle d’évaluation des
manuels scolaires : Cas des livres de Mathématiques du secondaire au
Cameroun », Conference paper, October 2017.

Legendre, Renald, (1988), Dictionnaire actuel de l’éducation, Paris/Montréal, Larousse.

Seguin, Roger (1989), L’élaboration des manuels scolaires : guide méthodologique :


Paris, Unesco.

Taddei, François (2018), Apprendre au 21ème siècle, Paris, Calman Levy.

UNESCO. (2008). Comment promouvoir l’égalité entre les sexes par les manuels
scolaires ? Guide méthodologique à l’attention des acteurs et actrices de la chaîne
du manuel scolaire. Paris : UNESCO.

Vounda Etoa, Marcelin, Livre et manuel scolaire au Cameroun. La dérive mercantiliste,


Yaoundé, PUY, 2016.

29
30
LA PROBLÉMATIQUE DU MANUEL SCOLAIRE AU CAMEROUN :
LE CRI D’ALERTE ET DE DÉTRESSE DU PARENT D’ÉLÈVE

Basile DIFOUO
Université de Yaoundé I
Basile Difouo est enseignant de français, major de la cinquante-unième promotion de la
filière Lettres modernes françaises second cycle de l’École normale supérieure de
Yaoundé (2012). Docteur en sciences du langage de l’Université de Yaoundé I en juin
2017, sa thèse porte sur l’imaginaire et la dynamique du français en francographie
africaine, en général, et camerounaise, en particulier. Ecrivain, il est l’auteur de plusieurs
ouvrages et articles scientifiques au rang desquels la Nouvelle approche de la
francographie africaine contemporaine (2015) et Interactivité langagière et acquisition
des langues secondes (2013). Il est également auteur de plusieurs œuvres littéraires dont
Affres solitaires (Poésie, 2016), Ères incertaines (Nouvelles, 2015) et Terre d’accueil
(Roman, 2017).

Résumé

Malgré les réformes engagées, la problématique du manuel scolaire au


Cameroun demeure un sujet d’actualité. Et, de ce fait, interpelle le parent d’élève, en tant
que partenaire privilégié de l’école :quelle perception ce dernier fait-il de la ‘‘crise’’
actuelle du manuel scolaire au Cameroun ? Est-il satisfait de la réforme en cours depuis
2017 ? Le manuel scolaire est-il désormais conforme, partout disponible et à sa portée ?
L’implique-t-on dans la politique du livre en général et du manuel scolaire en particulier ?
Un questionnaire en double version a été adressé aux parents des milieux urbains et
ruraux du Cameroun.Appelés à extérioriser la perception qu’ils ont du prix, de la
disponibilité, de la qualité matérielle et épistémologique des manuels scolaires aussi bien
que des bibliothèques familiales,de la politique globale qui encadre le sous-secteur du
manuel scolaire aujourd’hui, les parents d’élèves confirmenta priori que le manuel
scolaire, outil majeur de la pédagogie, traverse actuellement une crise
multidimensionnelle, qu’ils jugent impératif de résorber avant qu’elle ne prenne
davantage d’ampleur. S’ils encouragent certains efforts entrepris, c’est pour en même
tempsproposerun au-delà: maintenir le livre unique,mais en étant plus rigoureux vis-à-vis
de tous les acteurs de la chaîne du manuel scolaire. Ils s’engagent en outre à
accompagner les éducateurs et à promouvoir la culture du livre dans le cadre familial. In
fine, ils insistentsur l’urgence d’une nouvelle réforme, plus déterminante, plus objective
et suffisamment réaliste.

Mots-clés : manuel scolaire, parents, élèves, livre unique, réforme, édition,prix,


subvention.

31
Introduction
Le manuel scolaire au Cameroun, comme dans plusieurs pays africains, a connu
au cours des dernières décennies une histoire pour le moins tumultueuse et instable.
Certes des efforts sont faits mais il serait irréaliste de prétendre que ce secteur a retrouvé
une certaine quiétude. En novembre 2017, Philémon Yang alors Premier Ministre, par la
circulaire N° 002/CAB/PM, etd’un ton acerbe, dresse ainsi l’état des lieux :
Il m’a été donné de constater, pour le déplorer, le non-respect de l’éthique et la
violation persistante de la réglementation en vigueur dans le choix, la
production, la distribution et la durée d’utilisation du livre, du manuel scolaire et
autres matériels didactiques. Toutes choses qui se traduisent notamment par des
conflits d’intérêt et des délits d’initié, l’amateurisme dans l’élaboration et
l’édition du livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques, avec un
effet multiplicateur sur leur nombre, ainsi que leur pénurie artificielle sur le
marché. Il en résulte une augmentation du coût d’accès à l’éducation pour les
familles et des risques sur la santé des apprenants, du fait du poids de plus en
plus élevé des cartables.
De manière subséquente, il engage une série de mesures dans l’optique de
réorganiser le Conseil National d’Agrément des Manuels Scolaires et des Matériels
Didactiques (CNAMSMD), puis de(re)créer et de(ré)organiser la Commission nationale
chargée du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de cette nouvelle politique des
supports didactiques (Décrets N°2017/11737/CAB/PM et N° 2017/11738/CAB/PMdu 23
novembre 2017), non sans en revoir le fonctionnement. Il ressort du second décret, en
résumé, que chaque discipline n’admettra plus qu’un seul manuel, pour une durée
minimale de six (06) ans. Ces deux décrets insistent également sur les paramètres qui
gouverneront désormais la politique du livre scolaire et du matériel didactique, de la
production à l’exploitation effective dans les salles de classes, en passant par la sélection,
l’édition et la distribution, entre autres. Les critères définis se veulent objectifs,
transparents, ambitieux et susceptibles, prioritairement, de rendre cet outil davantage
crédible, plus accessible, moins coûteux, durable, conforme, disponible à temps et sur
l’ensemble du territoire national. Quelques mois plus tard, notamment au cours de la
rentrée scolaire 2018-2019, cesinstructions sont, assez laborieusement, mises en
application. Observation faite, plusieurs lacunes persistent, nombreux sont les aspects de
la réforme qui ne sont pas effectifs.
Si les apprenants ont toujours été au cœur de toute entreprise pédagogique et
qu’ils le sont encore plus avec l’Approche Par les Compétences, il n’en demeure pas
moins que, pour atteindre de meilleurs résultats, plusieurs autres intervenants sont
requis : les enseignants ou, mieux, les guides, l’administration scolaire, l’État, mais aussi
les parents. En réalité, ce dernier maillon est particulièrement interpellé lorsqu’il s’agit du
manuel scolaire et de tout autre matériel didactique ; il en est la principale source
financière, du moins, en l’état actuel des choses. Que le manuel soit coûteux, éphémère,
circonstanciel ou de piètre qualité l’affecte inéluctablement, étant donné que le Revenu

32
NationalBrut (RNB)par habitant au Cameroun, estimé à 1400 dollars courants par an20,
est largement en-deçà du seuil moyen prévu par la Banque mondiale. Alors, quelle
perception le parent, partenaire de l’école, se fait-il de la ‘‘crise’’ actuelle du manuel
scolaire ? Nous nous proposons, au cours de la présente enquête, d’analyser et d’évaluer
les représentations et aspirations de ce dernier au sujet de cet outil déterminant.
L’objectif, in fine, est d’aboutir à des propositions concrètes, à des mesures pragmatiques
qui pourraient faire bouger les lignes. Un questionnaire en double version, physique
(enquête de terrain, EDT en abrégé) et numérique (enquête en ligne, EEL), a ainsi été
adressé aux parents de divers milieux, urbains et ruraux, du Cameroun. La première
version visait davantage les parents des zones reculées tandis que la seconde ciblait
essentiellement ceux ayant accès à internet, se recrutant en grande partie dans les
milieux urbains. L’analyse des données sur la plateforme numérique est automatique
alors que, pour le questionnaire physique, le dépouillement s’est fait manuellement. Dans
les deux cas, la technique exploitée est celle du pourcentage (Pi = n x 100/N). Quelques
axes majeurs seront abordés, après une succincte présentation des réalités contextuelles :
la perception que le parent se fait du prix des manuels scolaires, celle qu’il a de leur
disponibilité et/ou indisponibilité, de leur qualité matérielle et épistémologique et, enfin,
de la politique globale qui encadre ce secteur aujourd’hui. Le parentsera, en dernier
ressort, appelé à émettre des suggestions, à formuler des recommandations et à proposer
des résolutions, non sans critiquer ce qu’il juge inopportun.

1. Appréhender le contexte et ses réalités


Sur le terrain, 205 parents ont été interrogés, soit 38 parents d’élèves relevant
exclusivement de l’Enseignement primaire, 61 parents d’élèves du Secondaire et 106
parents dont les enfants se recrutent dans les deux grands cycles.
Parallèlement, 290 parents ont réagi à notre questionnaire en ligne sur la
plateforme Survey Monkey (https://fr.surveymonkey.com) parmi lesquels 60 parents
d’élèves du Primaire, 73 parents d’élèves du Secondaire et 160 parents d’élèves mixtes.
Au total, 495 enquêtés, parents de 2009 élèves : en moyenne 4.05 enfants par parent
enquêté.

20
https://donnees.banquemondiale.org/pays/cameroun
33
Tableau 1 : Données du contexte
Parents enquêtés

Nombre moyen
Enfants/parent
d’enfants
(parents)

Nombre
Secondaire

Secondaire
Primaire &

Total
Primaire
Enquête de 38 61 106 205 997 04.86
terrain
Enquête en ligne 60 73 160 290 1012 03.48
Totaux 98 131 266 495 2009 04.05

Des quatre tranches d’âges concernées par notre enquête (« moins de 30 ans »,
« 30-45 ans », « 45-60 ans » et « plus de 60 ans »), les deux catégories intermédiaires
renferment 80% des personnes-ressources ; donc, pour la plupart, encore en activité dans
divers secteurs. Il ne faut cependant pas faire fi du RNB mentionné ci-haut. En effet, 1400
dollars par an représentent 631 800 FCFA, soit 116.7 dollars donc 52 650 FCFA par
mois ;or le nombre moyen d’enfants par parent est de 4,05.On observe, en plus,, que les
parents cibléspar l’enquête de terrain totalisent à peu près cinq enfants chacun, contre un
peu plus de trois pour ceux visés par l’enquête en ligne.
Bref, le parent camerounais n’est pas particulièrement nanti, malgré le nombre
d’enfants plutôt considérable dans les deux cycles visés. Toutes choses qui n’excluent
guère qu’il en ait d’autres, au Supérieur ou hors du circuit éducatif.Nombreux sont ceux
qui, en plus de leur propre progéniture, ont en charge d’autres membres de la famille
(neveux/nièce, cousin/e, frère/sœur…). Par conséquent, les différents épisodes que
traverse le manuel scolaire les concernent au premier degré ; et l’état de ‘‘crise’’ actuel
ainsi que les ébauches de solution ne sauraient les laisser indifférents.

2. Disponibilité/Indisponibilité du manuel scolaire et contrôle parental


La disponibilité du livre sur le marché et dans les salles de classe dépend d’un
nombre considérable de facteurs. En amont, le Conseil National d’Agrément doit rendre
sa copie à temps, c’est-à-dire plusieurs mois (au moins trois) avant la rentrée scolaire21.
Ce qui, parallèlement, permettra aux éditeurs dont les manuels ont été sélectionnés de
prendre les dispositions nécessairespour matérialiser leur(s) projet(s). En effet, il n’existe
quasiment aucune entreprise locale en mesure de produire des manuels de qualité
supérieure en grande quantité et en un temps relativement court ; et on ne saurait
occulter le fait que plusieurs acteurs ici sont amateurs en la matière, ou de simples
hommes d’affaires. La plupart, pour ne pas dire tous, passent des commandes dans les
pays asiatiques (notamment en Inde) ou européens et il faut prévoir le temps de

21
Délai d’ailleurs insuffisant au regard de la qualité des infrastructures locales de production du
livre.
34
production, de transport et de distribution, sans ignorer les éventuels obstacles
(tracasseries douanières, moyens financiers approximatifs et autres). À propos de la
distribution, relevons qu’une fois les commandes acquises, aucune équité n’est
envisageable sur le territoire national :les grandes villes sont généralement servies avant
les zones relativement reculées à savoir les petites villes et les campagnes. Pour ces
motifs et bien d’autres, les parents de ces différents milieux ont été sollicités à travers la
question suivante : À quel moment les manuels scolaires arrivent-ils dans les librairies ?
Tableau 2 : Arrivée des manuels dans les points de vente
Réponses À temps Tard Jamais
EDT 205 43 20.97% 155 75.60% 07 03.41%
EEL 290 18 06.20% 262 90.34% 10 03.44%
Totaux 495 61 12.32% 417 84.24% 17 03.43%

Si l’adoption du livre unique a été incontestablement salutaire, il est tout aussi


indéniable que l’arrivée tardive des manuels dans les librairies s’est accentuée à la
rentrée scolaire 2018-2019. Pendant un mois voire deux pour certaines disciplines, les
enseignements se sont faits sans manuel. Cette situation explique le choix des parents en
faveur de la deuxième réponse, soit 84,24%. On ne peut, au vu de ces résultats,
s’empêcher de constater que ce retard induit des incidences négatives, aussi bien directes
qu’indirectes chez les différents protagonistes.Pour cela, il était proposé, en question libre
aux enquêtés, de donner l’impact d’un tel retard. Rappelons au passage que, pour des
raisons techniques, le volet mineur de quelques-unes des questions a été ignoré au
niveau del’enquête en ligne, le nombre étant limité sur la plateforme. Néanmoins,
l’enquête de terrain a laissé apparaître quelques idées non négligeables dont voici les
plus récurrentes :
a. Le parent ne peut, face à cette situation, préparer sereinement la rentrée de ses
enfants.
b. Certains enseignants, à force d’attendre, accusent un retard dans le suivi des
programmes.
c. Les apprenants ne sont pas à jour des informations car ils ont recours aux outils
non conformes.
e. L’enfant n’arrive pas à préparer convenablement la nouvelle rentrée et la
nouvelle classe.
f.Ce retard profite aux libraires et éditeurs qui renchérissent les prix des pièces
disponibles.
g. Les exercices d’application/d’approfondissement sont indisponibles.
h. Les résultats pendant toute l’année en pâtissent.
i. L’éveil est ralenti chez l’enfant.
Ainsi, le fait que le livrearrive tardivement dans les librairies influe sur toute la
communauté éducative. Tout le monde en est affecté, aussi bien les apprenants, les
enseignants que les parents et, par ricochet, la société tout entière. Non seulement les
enseignements reçus peuvent être mal assimilés, mais aussi, l’indisponibilité des

35
exercices d’application qui, la plupart du temps, se trouvent dans ces manuels, participe
de l’échec de l’élève au cours et en fin d’année. Ni lui ni l’enseignant ne peuvent non plus
se mettre à jour par rapport aux nouvelles données et préparer avec sérénité l’année
nouvelle ; tout comme les parents sont incapables de prévoir et appliquer un plan en
termes de dépenses et de suivi des enfants. À force de visiter de manière infructueuse les
librairies, certainsfinissent par utiliser les fonds préalablement prévus pour le manuel à
des fins autres. Toutefois, selon certains parents, il y aurait des intervenants qui en
profitent et qui pourraient en être, sciemment, des manipulateurs de l’ombre : les
libraires et les éditeurs. Les enquêtés qui l’affirment sous-entendent qu’il s’agit de fausses
pénuries savamment entretenues dans le seul but de s’enrichir ou d’écouler les anciens
stocks qui, parfois, sont moribonds, révolus et, dans le pire des cas, hors programme.
Par ailleurs, àpeine 12% reconnaissent avoir pu acquérir le manuel à temps, soit
61 parents sur 495 interrogés. Ceux-ci, en plus, résident en majorité dans les grandes
villes. Parallèlement, quelques-uns des parents (03,43%), résidant pour la plupart en
campagne, déclarent que ces manuels n’arrivent jamais dans les librairies, ou ce qui en
tient lieu ; situation, pour le moins, compréhensible.
Votre/vos enfant/s a-t-il/ont-ils, à sa/leur disposition, tous les livres (de toutes
matières) ? Telle est l’une des questions préliminaires de l’enquête. L’objectif visé est de
voir l’importance que les parents accordent à cet outil dans la formation de leurs enfants
et, surtout, s’ils en ont les moyens. Le résultat est aussi révélateur qu’interpellateur.
Tableau 3 : Acquisition totale ou partielle des manuels
Réponses Oui Non
EDT 205 50 24.39% 155 75.60%
EEL 290 90 31.03% 200 68.97%
Totaux 495 140 28.28% 355 71.71%

De manière globale, les parents admettent que leur progéniture ne dispose pas
de la totalité des manuels exigés : c’est valable pour 71% des enquêtés. Et, l’enquête de
terrain qui, comme mentionné en supra,s’adressait de préférence aux parents résidant
dans les campagnes, affiche un pourcentage légèrement plus élevé, plus de trois quarts.
Mais, tel que le phénomène est accru, il est évident que plusieurs mobiles pourraient
justifier cet état des choses. C’est la raison pour laquelle les uns et les autres étaient
appelés à décliner, suivant les choix proposés et leurs intentions propres, leur motivation
réelle. Commençons par ceux qui optent pour l’achat de tous les manuels, sans la
moindre exception : les avis divergent, quoique majoritairement soutenus par le désir de
voir l’enfant réussir.

36
Tableau 4 : Finalité des manuels scolaires
Réponses Satisfaire l’enfant Garantir sa réussite Autre
EDT 80 15 18.75% 65 81.25% 05 06.25%
EEL 261 10 03.83% 239 91.57% 11 04.21%
Totaux 341 25 07.33% 304 89.14% 16 04.69%

Rappelons que plusieurs participants ayant répondu par la négative ont réagi à
ce premier volet et nous n’avons pas ignoré leurs avis. Ainsi, au lieu de 140, 341
réactions ont été recueillies. Parmi ces participants, 304(soit 89%) font savoir que la
réussite constitue la principale raison du choix d’acheter tous les manuels à l’enfant.
Quelques-uns soutiennent qu’ils le font simplement dans le but de satisfaire la
progéniture. Le manuel scolaire, dans ce cas, serait assimilable à n’importe quel objet de
désir chez l’enfant, un jouet par exemple, qui n’a d’intérêt que pour ce dernier. En
d’autres termes, le parent admet implicitement qu’il ne s’inquiète guère de ce à quoi le
manuel servira : à jouer, à se pavaner, à la vente ou, éventuellement, à étudier. L’enfant
est, dès lors, le responsable de sa réussite et de l’usage qu’il fera de cet outil. Par ailleurs,
une infime proportion opte pour des réponses libres. De manière synthétique, et pour des
raisons évidentes, nous n’en avons retenues que les plus redondantes.
a. Exigence des encadreurs.
b. Exigence des enfants.
c. Me rassurer que les enseignants suivent les notions et le programme officiel.
d. Lui/leur inculquer la compétence liée à l’exploitation judicieuse des
documents.
Entre autres réactions reçues, quatre pistes majeures émergent. Tout d’abord,
les parents achètent la totalité des manuels sous la pression permanente de ceux qui
encadrent les enfants : l’enseignant, les responsables scolaires ou, enfin, le répétiteur qui
est un maillon non négligeable de cette chaîne. Tous, sans aucun doute, se soucient des
performances de l’apprenant et convoitent les meilleurs résultats possibles. Ensuite, on
remarque que l’exigence vient quelquefois de l’enfant dont les mobiles peuvent être
divers : souci de réussir, de se mettre au même niveau que ses camarades voire mieux,
d’éviter les sanctions éventuelles… Puis, un autre motif qui jaillit de l’enquête est la
volonté du parent de suivre avec preuves la progression et l’évolution des notions
prévues par la norme officielle. Un tel contrôle a plusieurs atouts en effet, car il permet à
la fois de s’assurer que l’enfant est régulier aux cours et que les enseignants le sont aussi,
qu’ils sont respectueux des programmes définis par les textes officiels. Pour finir, on
observe une dernière catégorie de parents qui va au-delà du contrôle en visant, chez
l’enfant, la culture de la recherche. Pour ceux-ci, l’enfant doit, dès le bas âge, s’habituer à
l’exploitation des documents divers, en commençant par ses propres manuels.
Pour ceux des enquêtés qui ont opté pour la réponse « non », 345 au total au
lieu de 290 comme pour le volet précédent, il a été suggéré de mentionner la raison de ce
choix et/ou de préciser les disciplines qui sont généralement privilégiées.

37
Tableau 5 : Priorité ou non de certains manuels

Réponses

Physique-

Sciences,
Hist-geo,
Français,
Français
Anglais,

Anglais
Maths,

Maths,
Chimie

Autre
ECM,
EDT 185 88 47.56 37 20% 43 23.24 17 09.18%
% %
EEL 260 161 61.92 10 03.84 40 15.38 49 18.84%
% % %
Totaux 345 249 72.17 47 13.62 83 24.05 66 19.13%
% % %

De toutes les options suggérées et non suggérées, celle du trio


« Mathématique-Français-Anglais » prime, avec 72% de réactions recueillies. Loin d’être
anodin, le choix des manuels de ces trois matières s’explique par la place, reconnue à tort
ou à raison,qu’ils occupent dans la formation scolaire. Dans l’imagerie populaire, dès la
base, un enfant qui est performant en « calcul » et en « langues » est prédisposé à
réussir, et à s’en sortir convenablement dans les autres disciplines. Néanmoins, nombreux
sont les parents, davantage ceux des enfants du Secondaire comme révélé par l’enquête,
qui optent pour les manuels propres à une série, strictement scientifique ou
exclusivement littéraire. Ainsi, près du quart des enquêtés soutient le choix du groupe
« Mathématiques-Sciences-Physique-Chimie », contre 13% pour l’ensemble « Français,
Histoire-Géographie-ECM-Anglais ». Ces chiffres sont révélateurs de l’engouement des
parents pour les séries scientifiques, par rapport aux séries littéraires, parfois au
détriment du niveau et des prédispositions réelles des enfants, lesquels accompagnent
d’ailleurs leurs parents dans cette orientation inexpliquée.
L’option « autre » avec pour extension « raison(s) du choix » a révélé que près
de 20% des parents qui choisissent d’acheter de manière sélective les manuels scolaires
se justifient, entre autres, comme suit : « les moyens insuffisants, limités ou tout
simplement quasi inexistants », « l’indisponibilité permanente de certains manuels », « le
caractère absolument secondaire et non prioritaire de certains manuels »… Le premier
cas s’explique davantage par le fait qu’en moyenne, les parents ont chacun, comme le
révèle cette enquête, quatre enfants au Secondaire et/ou au Primaire et peuvent en avoir
d’autres ailleurs. Le deuxième cas montre sans équivoque que le problème
d’indisponibilité des manuels scolaires est loin d’être une simple anecdote. Il s’agit dans
certains cas de l’absence des manuels dans les librairies ou de l’absence des librairies
elles-mêmes dans la localité. Ce cas précis est beaucoup plus exprimé par les parents des
milieux ruraux que par ceux des milieux urbains. Ceux-ci, quant à eux, dénoncent
davantage l’inexistence pure et simple des manuels comme support didactique dans
certaines disciplines. C’est, par exemple, le cas actuellement de l’Histoire, de la
Géographie et de l’Éducation à la citoyenneté au second cycle ou encore les Arts,
Langues et Cultures nationales, niveau 4èmedu système francophone. En lieu et place des
références du manuel dans la liste rendue officielle en juin 2018, il est mentionné,
38
concernant ces disciplines : « Pas de manuel conforme au programme » (voir
communiqué N° 02/18/MINESEC/CAB du 12 juin 2018). Ainsi, le Conseil National
d’Agrément qui procède à la sélection des manuels et outils didactiques puis les soumet à
la signature du Ministre compétent, comme le disposent les textes, n’a reçu aucun projet
en adéquation avec les exigences prévues par la norme en la matière. Et aucune mesure
palliative n’est prise ni prévue dans la réglementation en vigueur. Parents, élèves et
enseignants se trouvent ainsi livrés à eux-mêmes, dépourvus de l’un des outils majeurs
susceptibles de faciliter l’enseignement, l’acquisition, l’assimilation et le redéploiement
des savoirs, savoir-être, savoir-vivre et savoir-faire.
Relativement au suivi des enfants à travers le contrôle de leurs manuels, nous
avons formulé et adressé la question suivante aux enquêtés : Vous arrive-t-il de jeter un
coup d’œil dans le livre de l’enfant ? Le tableau ci-dessous en donne les résultats.
Tableau 6 : Contrôle des manuels par les parents
Réponses

Régulière

Jamais
Rare-
ment

ment
EDT 205 105 51.21% 93 45.36% 07 03.41%
EEL 290 203 70% 77 26.55% 10 03.44%
Totaux 495 308 62.22% 170 34.34% 17 03.43%

Au total, 308 participants, soit plus de 60%, reconnaissent qu’ils contrôlent


régulièrement les manuels de leurs enfants. Certes on ne saurait s’en contenter pour
accorder aux parents tout le mérite que cela confère. Encore faut-il interroger le degré de
régularité (contrôle journalier, hebdomadaire, mensuel…), chose que nous n’avons pas
faite. Néanmoins, le second volet de cette question était relatif à la motivation du choix
fait par chaque participant. Pour les partisans de ce premier choix, les principales raisons
sont : « vérifier la qualité », « s’assurer qu’il est conforme et qu’il n’y a pas de contenu
inapproprié », « surveiller le travail de l’enfant », « s’assurer de la bonne tenue du
document », « accompagner l’enfant » et « la simple curiosité ». Le contrôle du livre de
l’élève par le parent est ainsi fait dans l’intérêt des deux : le parent est protecteur vis-à-
vis du « bien » familial qu’est le manuel acquis, tout comme il se soucie de la conformité
du document, de son adéquation avec l’âge et le niveau de l’enfant, le degré de
responsabilité de ce dernier, de son potentiel en termes de performances diverses, etc.
Telle est la motivation de ceux qui admettent ne s’en occuper que sporadiquement. Ils
sont d’ailleurs non négligeables car constituent le tiers des enquêtés, soit 34,34%.
En revanche, il existe des parents qui ne se soucient jamais du livre de l’enfant.
Ils représentent, heureusement, à peine 03% de notre échantillon, soit 17 cas sur environ
500. Le volet secondaire de la question permet de réaliser que la principale raison qui
émerge et s’impose est le « manque de temps ». Ces parents en effet, compte tenu des
exigences familiales et sociales ainsi que du revenu généralement modeste, exercent

39
parfois des activités extrêmement contraignantes, allant dans certains cas au-delà de dix
(10) heures par jour (cas des commerçants par exemple). Certains sont purement et
simplement ‘‘illettrés’’ et s’estiment incapables d’émettre quelque avis sur le sujet.
Interrogés sur l’existence ou non d’une bibliothèque en famille, source parallèle
d’information, la majorité des parents déclarent n’en avoir guère, pour diverses raisons,
comme l’indiquent les tableaux 7, 8 et9. Avez-vous une bibliothèque familiale ?
Tableau 7 : Disponibilité (ou non) d’une bibliothèque familiale
Réponses Oui Non
EDT 205 105 51.21% 100 48.78%
EEL 290 131 45.17% 159 54.82%
Totaux 495 236 47.67% 259 52.32%

Cette question, sur le terrain et en ligne, partage presqu’équitablement les


participants. Légèrement plus nombreux, les adeptes de la vie scolaire et familiale sans
bibliothèque représentent 52% des enquêtés, soit 259 personnes. En toute honnêteté,
nous nous attendions à un pourcentage plus élevé, connaissant relativement le contexte
qui prévaut. Que 47% de familles camerounaises disposent d’une bibliothèque relève
plus ou moins d’un exploit. Néanmoins, ces données sont à prendre avec recul dans la
mesure où la question n’a pas été poussée plus loin (questionner par exemple la
consistance et la richesse desdites bibliothèques). Aussi est-il possible que ce qui tient
lieude bibliothèque, aux yeux de certains parents, pourrait être juste quelques anciens
manuels hors d’usage ou hors programme. Une bibliothèque se définissant comme un
espace réservé où sont casés et classés les livres, revues et autres dictionnaires, on peut
se permettre de douter, de ne pas se fier totalement à ces résultats. Conçue comme telle,
une bibliothèque nécessite, en effet, un budget plus ou moins consistant. Observons de
ce fait les données de ce tableau mettant en évidence la justification des parents ayant
reconnu l’absence de bibliothèque dans leur cadre familial.
Tableau 8 : Raisons de l’absence d’une bibliothèque en famille
Réponses Les livres coûtent Les enfants ne Autre
cher liraient pas
EDT 100 24 24% 16 16% 60 60%
EEL 198 112 56.56% 73 36.86% 13 06.56%
Totaux 298 136 45.63% 89 29.86% 73 24.49%

Près de la moitié de ceux-ciaffirment qu’ils n’ont pas une bibliothèque familiale


pour des raisons financières : « les livres coûtent cher ! ». Effectivement, les livres de
qualité et à jour, par rapport au pouvoir d’achat du parent camerounais ordinaire,
coûtent relativement cher (voir infra). Ce motif ne les dispense guère car il existe une
alternative, quoiqu’informelle, susceptible de faciliter l’acquisition des ouvrages relevant
de tous les domaines de la vie, de la société et de l’environnement. Il s’agit notamment
de la vente à l’air libre, autrement appelée « poteau » dans le jargon local. Ce sont ces

40
vendeurs qui écument les rues avec des documents d’origine parfois douteuse et aux prix
très alléchants. Comme autre alternative, les parents les plus avertis peuvent passer par
les braderies annuelles ou semestrielles organisées qui ont lieu danscertaines
bibliothèques et maisons d’édition (Instituts et Alliances français, Harmattan, Ifrikiya…),
ou passer par les foires du livre où les prix sont aussi considérablement bas.
En outre, un peu plus du quart des participants soutiennent qu’ils refoulent le
désir de se constituer une bibliothèque privée parce que les enfants ne s’y intéresseraient
pas. En réalité, nombreux sont les enfants qui, approvisionnés en manuels scolaires, ne
s’en servent pas, ne les exploitent pas judicieusement ou les utilisent à des fins non/peu
intellectuelles. Les livres et manuels qui sont hors programme, a fortiori, les laisseraient
indifférents. Entre autres réponses, nous avons également retenu celles-ci : « C’est sans
intérêt » et « Manque de volonté ». Leurs auteurs représentent environ 25% des
enquêtés. En clair, ceux-ci ne mesurent pas l’importance de la bibliothèque familiale, ni
pour eux-mêmes ni pour les enfants. D’ailleurs, l’un des volets de la question principale
ici était de savoir quelle utilité les chefs/responsables de familles attribuent à cet espace
de travail.
Tableau 9 : Finalité de la bibliothèque familiale
Réponses

parent
lectures du
Propres

enfants
Culture des

Distraction

Formalité
EDT 105 24 22.85% 76 72.38% 05 04.76% 0 0%
EEL 131 43 32.82% 67 51.14% 18 13.74% 03 02.29
%
Totaux 236 67 28.38% 143 60.59% 23 09.74% 03 01.27
%

À propos de la nécessité de la bibliothèque familiale, 67 parents qui en


disposent ou souhaiteraient en disposer le font/feraient pour leur culture personnelle. La
lecture n’exclut en effet personne, tout esprit curieux, soucieux de soi et de son
environnement se doit de rester en permanence en contact avec les livres. Plus de 60% le
font pour aider les enfants à renforcer/approfondir les recherches entreprises à l’école. On
observe que ce pourcentage est accru en milieu rural, allant jusqu’à 72%, rétrécissant
ainsi le taux de ceux qui le font pour eux-mêmes. Un peu plus de parents des milieux
urbains se montrent intéressés par la lecture.De manière inattendue, près du quart de la
population-cible avoue le faire pour la distraction. Enfin, très peu sont ceux qui
acquièrent les livres pour la simple formalité, donc sans intérêt aucun ; posture absurde
en soi.
Telle est, en résumé, la perception du livre et du manuel scolaire en termes de
disponibilité,d’indisponibilité et de nécessité par les parents d’élèves, acteurs non

41
négligeables de la politique scolaire en général. Il est tout aussi important d’analyser les
représentations qu’ils se font des prix appliqués sur le marché local.

3. De la valeur (marchande) du manuel scolaire


La politique du livre qui a prévalu pendant plusieurs décennies (livresmultiples
et variables selon une infinité de paramètres) a contribué, de toute évidence, au
renchérissement des prix. A contrario, celle du livre unique est censée faire chuter
considérablement ces prix comme le soulignent Janssens et alii (1997 : 22 ) : « Les frais
fixes de création de l’ouvrage et de préparation de son impression sont répartis sur un
plus grand nombre d’exemplaires. L’abaissement du coût d’un manuel passe donc par la
recherche d’un marché étendu permettant un tirage élevé ». Vounda Etoa (2016 : 60-61)
renchérit en affirmant que :
Dans le secteur de l’édition, les économies qu’on peut espérer se font selon une
logique d’échelle. Plus les quantités à imprimer augmentent, plus le coût
unitaire d’impression diminue. Ce prix peut ainsi chuter jusqu’à 75%, en
fonction des quantités que l’on produit. […] Un ouvrage dont le coût unitaire
d’impression est de 1000 FCFA pour un tirage de 1000 exemplaires reviendrait à
250 FCA s’il était tiré en 10 000 exemplaires. On pourrait donc diminuer de trois
quarts les prix de vente des livres et des manuels scolaires au Cameroun. […] En
l’état actuel des choses, les livres et manuels scolaires de l’enseignement
secondaire général reviennent en moyenne à soixante-dix mille francs par enfant
pour le premier cycle.
La rentrée scolaire 2018-2019 a été marquée, on ne saurait le nier, par une
relative baisse des prix des manuels scolaires ; mais c’est loin d’avoir atteint les
aspirationsqui se dégagent de ce constat de Vounda Etoa. Cette hypothèse est consolidée
par la plupart des parents abordés (Question : Comment jugez-vous les prix des manuels
?).
Tableau 10 : Perception du prix des manuels par les parents d’élèves
Très élevés
Réponses

Accep-
Élevés

Moins
tables

chers

EDT 205 49 23.90 136 66.34% 13 06.34% 07 03.41%


%
EEL 290 110 37.93% 120 41.38% 60 20.69% 0 0%
Totaux 495 159 32.12% 256 51.71% 73 14.74% 07 01.41%

À travers ces données, il apparaît clairement que, malgré l’adoption du livre


unique avec les incidences financières qui logiquement devaient suivre (et qui ont même
suivi), les parents, dans une grande majorité, trouvent encore le prix du manuel scolaire

42
peu/pas abordable. Ceux qui les considèrent comme étant « très élevés » représentent
ainsi le tiers de la population interrogée. Et, plus de la moitié estime que ces prix sont
« élevés ». Au total, pour plus de 80%, les prix des manuels scolaires sont hors de la
portée des parents à revenu moyen. Pour mieux comprendre une telle option, une
analyse des prix officiels actuellement (2019) en vigueur a été faite.
Tableaux 11 et 11’ : Prix des manuels par cycle et par niveau (cf. Communiqué
conjoint MINESEC et MINEDUB du 12 juin 2018 ; Communiqué MINEDUB du 28 mai
2019).
Primaire
SIL CP CE1 CE2 CM1 CM2
Nombre de 07 07 07 07 07 07
manuels
Prix moyen/ 1742 1888 2114 2000 2085 2078
Livre
Prix total 12200 13200 14800 14000 14600 14550
Coût moyen/
Manuel/ Cycle 1985 FCFA

1er cycle Lycée/Collège


6ème 5ème 4ème 3ème
Nombre de manuels 12 12 15 16
Prix moyen/livre 3125 3233 3860 3737
Prix total 37500 38800 57900 59800
Coût moyen/ Manuel/
Cycle 3527 FCFA

Cette synthèse révèle qu’un livre, actuellement, coûte en moyenne 1985 FCFA à
l’école primaire et 3527FCFA au Collège/Premier cycle du Lycée, en dépit de la réforme.
Avant le retour au livre unique, Vounda Etoa prévoyait une baisse beaucoup plus
substantielle pouvant aller jusqu’à 75% de réduction. On en est bien loin car en 3èmeou
4ème, l’ensemble des manuels d’un enfant vaut, encore, 60 000 FCFA environ, soit une
baisse d’à peu près 10 000 FCFA, ce qui représente moins de 15% par rapport aux prix
antérieurs (70 000 FCFA par le passé). De manière concrète, le manuel de français,
Excellence en l’occurrence, pour ces deux niveaux est passé de 5500 FCFA à 4000 FCFA ;
soit une baisse de 27,27%. Jusque-là, on est très loin du pronostic de 75%.
En plus, dans l’optique de mieux appréhender ce phénomène à la limite
paradoxal (une baisse de prix qui n’arrive pas à satisfaire les parents d’élèves), rappelons
que le revenu annuel du parent camerounais moyen est de 631 800 FCFA et que chaque
parent a, à sa charge, environ quatre enfants au Primaire et/ou au Secondaire, et peut en
avoir d’autres. Considérons le cas pratique d’un parent qui a deux enfants au Primaire
(CP et CM2) et deux au Secondaire (6è et 3è). Il débourserait, uniquement pour l’achat
des manuels (sans compter d’autres fournitures, et toutes les charges familiales) une

43
somme totale de 125 050 FCFA, ce qui représente 20% de son budget annuel. Sans être
économiste, tout observateur constate que c’est surréaliste et de nature à fragiliser la vie
de tout êtreet, par conséquent, le tissu social tout entier. C’est d’ailleurs ce qui justifie en
grande partie l’idée que certains parents se font du pouvoir d’achat, en général, et de la
capacité des uns et des autres à acquérir ou non le manuel scolaire, en particulier. Aussi
leur avons-nous adressé la question suivante : Le manuel, en l’état actuel, est à la portée
de quelle classe sociale quand on est parent ?
Tableau 12 : Rapport entre le prix des manuels et le revenu des parents

Réponses

Parents à

pauvres
Parents

Parents
revenu
moyen
riches
EDT 205 31 15.12% 164 80% 10 04.87%

EEL 290 71 24.48% 212 73.10% 07 02.41%

Totaux 495 102 20.60% 376 75.95% 17 03.43%

Un peu plus de 20% pensent effectivement que seuls les enfants dont les
parents sont particulièrement nantis peuvent se permettre d’avoir les manuels scolaires,
s’il faut justement tous les acquérir, sans privilégier telle ou telle discipline. C’est peut-
être sansmesurer laportée sémantique de l’expression « revenu moyen », c’est-à-dire
suivant la perception de la Banque mondiale. Le principevoudrait que tous les manuels
soient acquis.Plus de trois quarts de nos enquêtés prétendent que les manuels sont à la
portée des parents à revenu intermédiaire. D’où l’impression d’une contradiction par
rapport aux affirmations précédentes. En réalité, au vu des paramètres divers mentionnés
plus haut et la plupart des parents vivant en dessous du seuil de pauvreté, seuls les plus
nantis s’offriraient le luxe d’approvisionner leur progéniture de tous les manuels exigés à
l’école. Évidemment, ceux qui font exception à la règle érigée, quoique peu nantis,
pourraient aussi y parvenir : c’est le cas des parents responsables d’un seul ou de deux
enfants au plus comme l’indique d’ailleurs un aspect du questionnaire non révélé ici. Les
mesures que l’État pourrait prendre dans le but d’instituer l’égalité ou, mieux, l’équité par
rapport à l’acquisition du manuel scolaire se résument en quelques points :
Tableau 13 : Suggestions relatives au coût des manuels
Réponses

Gratuité

tions
Subven-

coûts
Baisse de

Hausse

EDT 205 28 13.65% 98 47.80% 79 38.53% 0 0%


EEL 290 60 20.68% 91 31.37% 139 47.93% 0 0%
Totaux 495 88 17.77% 189 38.18% 218 44.04% 0 0%

44
17% des participants plaident pour la gratuité des manuels scolaires sur
l’étendue du territoire national; tandis que 38% optent pour des subventions. Cette
contribution de l’État peut intervenir à n’importe quel niveau de la chaîne : édition,
intrants, distribution, avec prise en compte éventuelle des zones d’éducation dites
prioritaires. Toujours est-il que ceci participerait de la baisse des coûts comme le
soutiennent les adeptes du troisième choix. Au total, 82% penchent pour une révision à
la baisse. En revanche, aucun parent nemilite pour la dernière offre, à savoir la hausse
éventuelle de ces prix. Observons néanmoins qu’une analyse approfondie des données
recueillies révèle que les parents ayant les élèves exclusivement dans le cycle primaire
soutiennent l’idée selon laquelle les prix du manuel scolaire sont
acceptables actuellement ; quelques-uns admettent d’ailleurs que ces manuels sont
moins chers sur le marché. Cette remarque n’est pas anodine, encore moins arbitraire,
dans la mesure où le prix moyen du livre à l’école primaire est de 1985 FCFA (voir
Tableau 11). Le parent dont les quatre enfants (voire moins) se trouvent dans ce cycle
débourserait au plus 55 564 FCFA par an pour acquérir la totalité des manuels scolaires
requis, ce qui représente, par rapport au RNB, environ 08% de son budget. Pour
davantage réduire les inégalités, comme l’indique le tableau 14, le prix de chaque
manuel devrait être invariable sur tout le territoire, qu’on se trouve en ville ou en
campagne, proche de la capitale ou éloigné de là. C’est ce qui ressort des réponses
obtenues de la question suivante : Que pensez-vous d’un prix unique fixé par l’État pour
chaque manuel scolaire ?
Tableau 14 : Nécessité ou non d’un prix unique et invariable
Tout à fait

Tout à fait
Réponses

d’accord

contre

Autre
EDT 205 163 79.51% 37 18.04% 05 01.95%
EEL 290 239 82.41% 42 14.48% 09 03.10%
Totaux 495 402 81.21% 79 15.95% 14 02.82%

De manière évidente, la quasi-totalité des parents est entièrement d’accord pour


l’adoption et l’application systématique du prix unique pour chaque manuel, à défaut de
la gratuité. On pourrait se demander pourquoi un tel engouement alors que c’est ce que
martèle les listes rendues publiques en juin 2018 et en mai 2019 par les deux ministres
en charge de l’éducation au Primaire et au Secondaire, listes assorties de prix dit
homologués. En effet, le scepticisme qui jaillit de ce tableau naît du fait que la réalité de
terrain est clairement en discordance avec les instructions officielles. Certains libraires
appliquent des prix qui leur sont propres, élevés évidemment. En effet, le mécanisme qui,
en amont, devrait faire en sorte qu’une telle mesure soit réaliste et moins utopique n’est
pas activé, manifestement. En parfaite communion avec l’État, les principaux
intervenants à savoir les éditeurs et libraires doivent s’assurer qu’ils sont représentés,
dans la mesure du possible, sur tout l’espace national, quitte à ce que les structures
45
scolaires (délégations, établissements scolaires…), à travers leurs garants respectifs,
soient mis à contribution ; non sans envisager les moyens de répression nécessaires en
cas d’agissement inapproprié. La dérive, lors d’une telle décentralisation peut, sans aucun
doute, avoir des effets pervers voire dévastateurs. Pour justifier le choix fait, les uns et les
autres étaient appelés à s’exprimeren réponse libre. Des multiples raisons données, nous
avons retenu, par tri, celles-ci :
a. Le prix unique éviterait la surenchère des revendeurs véreux et l’arnaque des
parents.
b. Le prix unique prendrait en compte le revenu du parent moyen.
c. Le prix unique limiterait/exclurait la variation du prix du même livre d’un lieu à
un autre.
d.Le prix unique avec un plafond raisonnable éviterait certains prix complètement
inaccessibles (cas du livre d’Allemand,Première A, qui coûte officiellement 8000
FCFA).
En résumé, c’est par méfiance et pour leur propre intérêt que les parents
préfèrent que le même prix soit appliqué partout. Entre autres avantages, il réduit à leur
plus simple expression les cas de surenchère, protège contre toutes les formes
d’arnaques, uniformise et stabilise les pratiques, peut attirer l’attention des décideurs sur
le caractère extrêmement coûteux de certains manuels et, mieux, favoriserait la prise en
compte du revenu par ménage… Craignant la difficile mise en application d’une telle
mesure, à peu près 16% des parents préfèrent que le prix du manuel scolaire oscille
suivant les spécificités de chaque localité (éloignée, proche, difficile d’accès, peuplée, non
peuplée…). Qu’en est-il de la qualité de ces manuels ? Comment est-elle perçue par les
parents ?

4. De la qualité matérielle et épistémologique du manuel scolaire


L’édition du livre en Afrique a, pendant plusieurs années, été l’apanage des
Européens. Il y a quelques décennies, plusieurs nationaux s’y sont mêlés. Chaque acteur
présente des atouts et des défauts. Et, surtout, l’industrie du livre, par son offre, ne
satisfait pas sur plusieurs plans, semble d’ailleurs se dégrader au fil du temps et n’attirer
que des acteurs cupides, peu soucieux de l’avenir de la société et du développement
durable. À ce propos, Beauné Aurélie et alii (2014 : 28) déclarent :
L’industrie du livre en général et du livre scolaire en particulier peine à se
développer en Afrique. Il reste, dans la plupart des pays, l’apanage d’éditeurs
privés français qui, dès les lendemains de la colonisation, y ont vu un marché
porteur et sans risque puisque financé par des bailleurs de fonds internationaux.
Du coup, les éditeurs africains qui auraient dû profiter des avantages pour
valoriser une identité culturelle en proposant une littérature africaine se voient
évincés.
Dans la plupart des pays africains, au sujet des manuels scolaires, la nostalgie
des décennies qui ont suivi les indépendances a du mal à céder place à autre chose. À
propos de la forme, les manuels conçus pour l’école revêtaient une couverture
46
particulièrement solide ; le papier utilisé était difficilement ébranlé par le temps et la
manipulation ; l’encre d’impression ne souffrait d’aucune critique, bref, la plupart des
exigences techniques et matériellesétaient réunies pour un produit fini peu reprochable.
Aussi avons-nous questionné l’idée que les parents d’élèves se font de la qualité physique
des manuels scolaires. Les réponses révèlent que ces derniers sont, pour le moins,
dubitatifs.
Tableau 15 : Qualité physique des manuels scolaires actuels

Très fragile
Réponses

Durable

Accep-

Fragile
table
EDT 205 04 01.95% 66 32.19% 118 57.56% 17 08.29%
EEL 290 0 0% 74 25.51% 186 64.13% 30 10.34%
Totaux 495 04 0.80% 140 28.28% 304 61.41% 47 09.49%

On dénombre ainsi à peine 04 parents pour qui le manuel scolaire est conçu
pour le long terme, en mesure d’éprouver une manipulation propre à ses utilisateurs, les
enfants. Dans une moindre mesure, 140 autres lui trouvent quelques atouts. La qualité
matérielle du livre scolaire serait ainsi « acceptable ». Autrement dit, il peut résister au
temps si certains paramètres sont réunis : s’il n’est pas trop sollicité, si l’enfant en prend
bien soin, si l’environnement scolaire est adéquat, propre et insalubre… Les parents dont
les avis sont plus critiques vis-à-vis de l’aspect physique actuel du manuel représentent
au total plus de 70% des enquêtés. Ils estiment, pour les uns, que le manuel est
« fragile » et, pour d’autres, qu’il est « très fragile ».Le même manuel résisterait
difficilement pendant toute une année scolaire, encore moins durant les six (06) ans
désormais réglementaires. À la question de savoir si les manuels tiendraient pour une
telle durée, voici les éléments de réponse recueillis.
Tableau16 : Les manuels scolaires à l’épreuve du temps
Réponses Oui Non Autre
EDT 205 07 03.41% 149 72.68% 49 23.90%
EEL 290 12 04.13% 268 92.41% 10 03.44%
Totaux 495 19 03.86% 417 84.24% 59 11.91%

On observe, à travers les chiffres qui se dégagent de ce tableau, que plusieurs


parents ayant admis précédemment que le manuel scolaire est matériellement acceptable
ne prenaient pas en compte le paramètre lié au nombre d’années. Avec quatre enfants en
moyenne dont les âges sont espacés de deux ans, le même livre, pour la même classe,
pourrait servir trois voire quatre membres de la famille avant d’expirer. C’est
certainement pour cette autre raison que la quasi-totalité des parents jugent les manuels
éphémères ; c’est l’opinion de plus de 84% d’entre eux. Ils redoutent ainsi l’hypothèse
selon laquelle le même parent, pendant la période de validité d’un manuel, pourrait

47
devoir l’acquérir autant de fois que ses enfants, à tour de rôle, aborderaient la classe
concernée. Par contre, moins de 04% se montrentpeu sceptiques. Quant aux 11%
restants, leurs avis sont marqués de plus ou moins de relativisme. Quelques-uns de ces
avis sont répertoriés ci-après :
a. Le livre pourrait difficilement résister pendant toute cette période.
b. Exploité constamment, il ne saurait tenir pendant six années.
c. Il faudrait, pour cela, avoir des enfants très responsables.
d. Tant que le papier et/ou l’encre utilisés seront de piètre qualité, le livre sera
éphémère.
e.Possible si les parents sont regardants.
Il n’est nullement question d’imaginer un manuel scolaire inaltérable,
susceptible de durer une éternité et de subsister à l’eau ou au feu. Loin de là. Les parents
voudraient plutôt, comme on l’observe, un manuel relativement solide et, pour le moins,
en conformité avec les normes internationales standard et les réalités contextuelles. Pour
cette raison, l’un des parents se montre intransigeant relativement au matériel
utilisé :« tant que le papier et/ou l’encre utilisés seront de piètre qualité, le livre sera
éphémère ». Autrement dit, alléger la tâche des parents via la baisse des coûts sera
chose vaine. C’est sans compter le système de fraude et de piraterie qui favorise la
production et la mise en circulation sur le marché des manuels à la limite inexploitables
et extrêmement fragiles.Compte tenu de la nostalgie exprimée vis-à-vis des manuels des
années 60, 70 et 80, on comprend également que l’un des désirs est de revoir les
ouvrages de même niveau, sinon meilleurs. Cet avis concerne aussi bien la forme que le
fond.
Au sujet du fonden effet, les avis des parents d’élèves sont aussi divergents que
révélateurs. Beauné et alii regrettaient plus haut le fait que le contexte n’ait pas permis
aux Africains/Camerounais de prendre l’édition en main afin de promouvoir et faire valoir
les réalités locales : « Les éditeurs africains qui auraient dû profiter des avantages pour
valoriser une identité culturelle en proposant une littérature africaine se voient évincés ».
Qu’en est-il aujourd’hui ? À la question de savoir comment ils trouvent le contenu des
livres scolaires de leurs enfants, les parents ont proposé les réponses qui suivent.
Tableau 17 : Perception du contenu des manuels par les parents d’élèves
Acceptable
Réponses

Très bon

Mauvais
Bon

EDT 205 19 09.26% 04 01.95% 155 75.60% 27 13.17%


EEL 290 26 08.96% 0 0% 234 80.68% 30 10.34%
Totaux 495 45 9.09% 04 0.80% 389 78.58% 57 11.51%

Les parents ne sont pas des spécialistes aguerris en matière de conception des
ouvrages destinés à l’école mais, incontestablement, ils peuvent relativement en

48
apprécier le contenu. Sur l’échelle d’appréciation, moins de 10% jugent bon le contenu
des manuels des élèves du Primaire et du Secondaire. L’option qui aurait dû recueillir le
plus de votes, « très bon », est la moins sollicitée, avec moins de 1% des résultats, soit
quatre parents sur près de cinq cents. En plus, ceux-ci se recrutent exclusivement parmi
les résidents de campagne, ce qui peut traduire, à tort ou à raison, le fait que la question
n’a pas été convenablement appréhendée. Et, près de 80% estiment que le contenu de
ces manuels est « acceptable », sauf que ce terme, en soi, renferme un sous-entendu
largement péjoratif : « à défaut d’être bons voire très bons, on se contente des manuels
acceptables », ou encore, « par rapport à certains manuels proposés ces dernières
années, ceux en exploitation actuellement sont moins mauvais ». Toutes choses qui ne
sauraient satisfaire l’observateur averti. Plus de 10% des enquêtés jugent ces contenus
« mauvais », sans autre forme de procès. Il a donc été proposé à tous (excepté les quatre
qui les trouvent très bons) de dire ce qu’ils reprochent aux manuels.
Tableau 18 : Contenus peu/pas conformes dans les manuels scolaires actuels
Réponses

Certaines

Certaines
notions

images

Autres
EDT 201 36 17.91% 44 21.90% 121 60.19%
EEL 290 81 27.93% 137 47.24% 72 24.82%
Totaux 491 117 23.82% 181 36.86% 193 39.30%

Un peu moins du quart des parents jugent certaines notions inappropriées dans
les manuels scolaires, tandis que plus du tiers rejettent des images qu’ils trouvent
impropres. Ce débat rappelle la polémique autour du manuel des Sciences de la vie et de
la terre, classe de 5ème, qui a défrayé la chronique au début de l’année scolaire en 2018-
2019. D’ailleurs, estimant que par QCM (question à choix multiples), il était difficile de
saisir exactement le fond de la pensée de tous les parents, ces derniers étaient invités,
pour ceux qui le souhaitaient, à extérioriser en leurs propres mots ce qu’ils dénoncent
réellement à propos du contenu des manuels retenus officiellement. Une transcription
presque fidèle de quelques-unes de leurs réactions, fautes éventuelles corrigées, se
présente comme suit.
a. Les images choquantes et obscènes qu’on présente aux élèves immatures. Par
exemple celles qui se trouvent dans le livre de ma fille de 5ème.
b. La vulgarisation de certaines dérives sociales et comportementales.
c. Certaines fautes de frappe, d’orthographe et/ou de grammaire dans les livres.
d. L’absence/l’insuffisance des exercices et approfondissements, toutes disciplines
confondues.
e. Le recours aux textes non littéraires en Français par exemple.
f. L’absence/rareté des auteurs locaux dans les manuels (absence de contextualisation
et de valorisation des réalités locales).
g. La négligence voire l’absence de certaines notions fondamentales de morale.

49
h. L’absence ou la non-précision du développement durable.
i. Le niveau de raisonnement et la méthodologie parfois douteux (cours et exercices
mal conçus).
j. L’inadéquation avec les programmes officiels.
k. Jusqu’ici rien à signaler.
À propos des réactions relatives au manuel de S.V.T. en classe de 5ème, il n’est
pas superflu de rappeler que, les réseaux sociaux aidant, l’attention des parents fut
attiréesur la présence d’une Unité portant sur les déviances sexuelles. Quoique prévues
par les programmes en vigueur, les leçons y afférentes, assorties d’images et
d’explications très explicites dans certains cas, seront jugées brutales et inadaptées pour
les élèves de ce niveau dont l’âge oscilleentre 10 et 12 ans, donc en pré-puberté. Les
parents reprochent aux concepteurs l’emploi d’un langage et d’images inadéquats pour
les enfants ciblés, craignant ainsi l’effet inverse que viseraient les leçons chez les
apprenants. Au lieu d’attirer leur attention sur ces déviances en vue de les rendre
méfiants et avisés (objectif visé), ces notions et images pourraient, estimaient-ils, induire
les enfants en erreur, susciter et éveiller en eux l’esprit de curiosité et de découverte qui
anime généralement cette catégorie d’individus. L’ouvrage connaitra des modifications
avec suspension de l’Unité querellée.
Outre cela, une pléthore d’autres critiques est émise par les parents. Ils
s’indignent contre les fautes de toutes natures qui parsèment les manuels scolaires qui se
veulent irréprochables sur ce point, pour leur caractère pédagogique. Un enfant qui
s’habitue à une faute à travers un manuel (censé être la référence) s’en débarrasse
difficilement. Les géniteurs n’approuvent pas non plus le fait que la méthodologie et le
mode de raisonnement employés dans la conception de certains cours et exercices
destinés à leurs enfants ne soient pas appropriés et, par conséquent, ne puissent booster
l’émulation chez ces derniers. Pire, dans certains cas, les exercices d’application
n’existent guère. Autre chose, en observant les manuels scolaires des enfants, ils
constatent que l’accent n’est plus mis sur certaines notions primordiales de morale, gage
d’une société prospère et sans dérives (telles la condamnation de la corruption, du
vol…) ; et le développement durable est parfois ignoré. D’autres trouvent que les
manuels, malgré les efforts faits, ne prennent pas suffisamment en compte les réalités
locales, alors qu’ils doivent constituer la principale vitrine pour promouvoir nos cultures
et traditions, notre art dans toutes ses ramifications, notre vision du monde. Et, avec
davantage de pertinence, il est des parents qui, d’un œil de pédagogue, s’insurgent
contre l’inadéquation entre les programmes en vigueur et les manuels agréés ; contre les
manuels qui ne prennent pas en compte jusqu’ici l’APC pourtant appliquée depuis 2012.
Ces imperfections sont, estiment-ils, inacceptables et improductives.
Il existe néanmoins des parents qui disent ne rien reprocher à ces manuels. Ce
n’est pas si surprenant, d’autant plus que la plupart des enquêtés apprécient
favorablement plus d’un aspect dans les manuels agréés actuellement, d’où les réponses
statistiques contenues dans cet autre tableau. Ils répondaient ainsi à la question : Quel
aspect appréciez-vous positivement dans les manuels agréés aujourd’hui ?

50
Tableau 19 : Aspects positifs dans les manuels en vigueur

Contextual
Réponses

pratiques
Exercices
structure
Forme/

isation

Autre
EDT 205 56 27.31% 71 34.63% 54 26.34% 24 11.70
%
EEL 290 62 21.37% 92 31.72% 136 46.89% 0 0%
Totaux 495 118 23.83% 163 32.92% 190 38.38% 24 04.84
%

Les parents trouvent que la structure formelle de certains manuels n’est pas
totalement mauvaise ; tout n’est donc pas sombre. Entre autres aspects à maintenir à
défaut d’une amélioration, figurent aussi la présence des exercices pratiques, la
contextualisation, une certaine éthique sociale… On pourrait se dire qu’il y a comme une
contradiction dans leur expression mais il n’en est rien. Non seulement les avis antérieurs
ne sous-entendaient pas que les parents sont entièrement contre les manuels agréés,
mais il faut se rendre compte que, pour la plupart, le souhait ardent réside dans
l’amélioration de l’offre et non dans le rejet pur et simple. Et cela émane, en amont, de la
politique qui gouverne le manuel scolaire au Cameroun de manière globale. Toute
réforme part de là, en effet.

5. De la politique du manuel scolaire


La nouvelle politique du livre telle que voulue par le Premier Ministre chef du
gouvernement a cours, rappelons-le encore, depuis juin 2018, en accord avec la réforme
de novembre 2017. Il s’agit en effet du retour à une philosophie qui a prévalu avant les
années 90. Un seul livre par matière et par discipline et, parfois, par sous-cycle. C’est ce
qui a fait dire à Marcelin Vounda Etoa (2016 : 12) qu’« Un seul ouvrage par matière était
alors inscrit dans les programmes scolaires, surtout dans le cycle d’enseignement
primaire. […] Dans les disciplines fondamentales que sont le français et le calcul, les
livres étaient même conçus pour être utilisés pendant deux années successives ».
Évidemment, il fallait, pour cela, des ouvrages non seulement durables et solides mais
aussi de très bonne qualité, chose qui n’est pas démentie par la critique. Par contre,
aujourd’hui, en dépit de la décision du Premier Ministre, salutaire en soi, marquant le
retour au livre unique, une kyrielle de manquements est encore relevée çà et là, chose qui
justifie l’insatisfaction des parents comme observé ci-après, à la question « Comment
appréciez-vous le passage au livre unique ? ».

51
Tableau 20 : Perception du passage au livre unique

Améliorer
Opportun
Réponses

Inoppor-

Autres
avant
tun
EDT 205 152 74.14% 0 0% 53 25.85% 0 0%
EEL 290 139 47.93% 0 0% 151 52.06% 0 0%
Totaux 495 291 58.78% 0 0% 204 41.21% 0 0%

Aucun parent n’a souhaité émettre un avis singulier, notamment à travers la


rubrique « Autre » ; tout comme personne ne s’est prononcé en faveur de l’inopportunité
du retour au livre unique. A priori, cela traduit le degré d’enthousiasme qui anime ces
derniers. Ils sont majoritaires, ceux qui pensent qu’il était temps de revenir aux bonnes
vieilles méthodes. Environ 60% d’enquêtés le certifient, contre 41% qui approuvent la
réforme, mais la soumettent à une condition : l’amélioration de l’offre, sur le fond et sur
la forme. Le livre scolaire qui se veut unique se doit, au préalable, de remplir les
conditions de perfection. Il se doit de refléter la vision du citoyen modèle que la société
envisage pour demain. Pour ce faire, aucune légèreté en la matière ne doit être admise.
Le désir de chaque parent est de voir sa progéniture réussir, moralement,
intellectuellement, socialement… Pour cela, tous les moyens doivent y concourir : aucun
aspect de sa formation ne doit être lésé ; la rigueur absolue doit gouverner tous les choix
pédagogiques ; le matériel didactique doit être de qualité ; la ressource humaine devrait
être la meilleure qui soit ; l’environnement devrait être conforme. Un livre unique de
piètre qualité et/ou éphémère, au lieu d’apporter une solution à l’état de crise ambiante,
on ne saurait le nier, serait/est source d’un plus grand nombre de problèmes et de
disparités. Le choix est aussi salutaire que délicat. C’est tellement incontestable qu’il a
été proposé aux parents de dire ce qu’ils pensent de l’effet de cette réforme chez les
apprenants, leurs enfants.
Tableau 21 : Effet de la réforme (avènement du livre unique) chez les apprenants
Réponses

Harmonisa

Moindre
Mono

effort

Autre
Tonie
tion

EDT 205 167 81.46% 22 10.73% 06 02.92% 10 04.87%


EEL 290 199 68.62% 34 11.72% 46 15.86% 11 03.79%
Totaux 495 366 73.93% 56 11.31% 52 10.50% 21 04.24%

Dans leur immense majorité, les parents trouvent que le livre unique participe
de l’harmonisation des pratiques. Pendant longtemps, en effet, on a vécu sous l’emprise
de la variabilité, politique qui n’était pas sans conséquences. D’un établissement à un
autre, d’une ville à une autre, d’un secteur (privé) à l’autre (public), le manuel pour la

52
même matière, la même discipline et le même niveau variait. L’offre allait parfois jusqu’à
cinq/six ouvrages, en dépit de la réglementation qui les limitait à trois. Les instigateurs,
conscients de ce qu’ils agissaient en toute illégalité, se refusaient d’employer dans la liste
officielle les chiffres supérieurs à trois. Pour numéroter les ouvrages, la méthode
consistait à utiliser de manière répétitive les trois premiers chiffres : 1, 1, 2, 2, 3, 3 (Voir
Communiqué N° 08/16/MINESEC/CAB du 09 mai 2016). Une frauduleuse manœuvre dont
le lourd prix, une fois de plus, est payée par les parents. Cette politique de « livres
multiples », si elle était relativement digeste pour les matières gouvernées par un
programme officiel qui, suivi, donnait le même fond à tous les manuels proposés, était
très inconfortable pour les œuvres littéraires par exemple. Deux élèves appelés à
affronter le même examen en fin d’année scolaire recevaient des informations
complètement différentes. D’où la nécessité de l’harmonisation, laquelle met les
concepteurs face à un autre défi, celui de prendre en compte toutes les spécificités
sociologiques, idéologiques et culturelles. Quelques parents, redoutant la dérive,
estiment d’ailleurs que le livre unique, s’il est peu conforme, pourrait entraîner chez les
apprenants l’esprit de monotonie ou, au pire des cas, le culte du moindre effort. Ceux-ci
pourraient se contenter des seules informations contenues dans le manuel dit unique, le
caractère unique traduisant l’absence d’autres sources d’informations éventuelles,
susceptibles de compléter celles reçues à travers son « puissant » manuel. C’est, en effet,
un nouvel appel à l’amélioration de cette offre qui se veut inégalable. Pour cette raison,
la présente analyse s’est bouclée par une exploration des pistes globales de résolution de
cette crise.

6. Propositions et suggestions
En vue de recueillir les propositions, suggestions et recommandations des
parents pour une amélioration conséquente de l’offre du manuel scolaire au Cameroun,
la dernière question de l’enquête s’est voulue particulièrement ouverte. Nous faisons ici
l’économie des réponses les plus récurrentes et les moins ambiguës.
a. Chaque livre doit durer en moyenne trois ans au programme, renouvelables.
b. Réévaluer régulièrement les manuels et les mettre à jour avec les incidences que cela
implique.
c. Il faut impérativement revoir davantage les prix (uniques) à la baisse avec
subventions de l’État et favoriser l’accès au grand nombre, à tous.
d. Les contenus doivent être améliorés qualitativement et quantitativement.
e.Le contenu des manuels doit être en adéquation avec les programmes et l’approche
méthodologiqueen vigueur ; et en accord avec les objectifs de l’enseignement.
f.Multiplier les moyens de lutte et d’éradication de la contrefaçon.
g.Adapter le contenu des manuels à nos réalités et à notre environnement, les ouvrir
au monde.
h.Partir d’une synthèse des manuels des années 70 pour concevoir les nouveaux
manuels.

53
i.Les critères d’évaluation des manuels doivent être connus de tous, et chaque manuel
retenu dans la liste définitive assorti de la note obtenue ainsi que du rang par
rapport à d’autres.
j.Veiller à ce que les libraires appliquent sans condition les prix homologués à travers le
pays.
k. Multiplier les exercices d’application et éviter les leçons redondantes.
l. Soumettre chaque manuel à une commission de censure avant son agrément.
m. Adapter le contenu des manuels à l’âge et au niveau des apprenants.
n.Améliorer considérablement la qualité physique des manuels (papier, couverture,
encre…) à l’exemple des manuels des décennies 60-80.
o.Les élèves et nous, parents, devons être responsables, exploiter convenablement et
judicieusement les manuels acquis ; chaque famille doit avoir une mini-
bibliothèque.
Comme on le perçoit, nous avons repris le plus de réactions possible, question
de refléter, au mieux, la pensée de nos enquêtés. On en retient que les directives
s’adressent à des instances diverses, quoique visant le même et unique objectif,
l’amélioration de la qualité de l’offre en termes de manuels scolaires, la résolution de la
crise qui semble prendre forme avec persistance, malgré les efforts entrepris de part et
d’autre. Les suggestions ciblent ainsi, prioritairement l’État, les concepteurs des manuels,
les éditeurs et les libraires, sans oublier les apprenants et les parents eux-mêmes.
À l’État, les principales propositions s’articulent autour du recadrage de la
politique globale. Ceci passe éventuellement par une révision des curricula, des
programmes et assimilés ; et par les états généraux de l’éducation. Il serait également
judicieux, suivant les avis des parents d’élèves, de revoir une nouvelle fois l’organisation
et le fonctionnement de l’organe en charge de l’agrément des manuels scolaires en
revisitant ses statuts et ses prérogatives (voir Vounda Etoa, 2016), le rendant beaucoup
plus objectif et rigoureux, aussi bien vis-à-vis des auteurs des manuels scolaires que des
éditeurs, et même vis-à-vis de ses propres membres. Il est temps que la Morale y retrouve
ses lettres de noblesse qu’elle n’aurait jamais dû perdre. Si les mesures prises sont
appropriées et conformes aux nombreuses attentes qui apparaissent dans les différents
avis exprimés ci-dessus, et le suivi assuré, le livre unique pourrait susciter désormais
moins de révolte et de critiques. Il est urgent, par-delà ces mesures, d’agir en faveur de la
cohésion entre le prix du manuel et le revenu moyen par habitant, non sans prendre en
compte la pression démographique. Au vu de nos richesses locales et du potentiel
humain, il est temps d’encourager la mise sur pied (de mettre sur pied) d’une ou de
plusieurs entreprise(s) moderne(s)dotée(s) d’outils à la pointe de la technologie, pouvant
produire sur place les manuels de qualité et en quantité, en temps opportun. Et, on ne
saurait le taire, de la rigueur de l’État dépend le respect des recommandations faites
autant à lui-même qu’aux autres acteurs de la chaîne.
À propos de la commission nationale chargée de l’agrément des manuels
scolaires, l’objectivité absolue est prescrite. Aucun membre ne doit être associé de près
ou de loin à une maison d’édition ou à une équipe d’auteurs. Leur activité mérite d’être
permanente.
54
Des auteurs des manuels, le parent exige un strict respect des programmes
scolaires et des critères matériels et épistémologiques de conception définis par les
structures en charge du secteur de l’éducation, parfaitement en conformité avec
l’approche pédagogique en vigueur. Chaque manuel doit être entièrement adapté aux
élèves du niveau concerné, aussi bien en ce qui concerne le langage employé que pour ce
qui est des images et autres supports d’illustration utilisés. Les réalités locales dans
toutes leursspécificités se doivent de figurer dans chaque manuel qui se veut socle
d’intégration et de promotion du vivre-ensemble. Le manuel doit cesser d’être un objet
commercial et une source d’enrichissement pour redevenir un véritable outil
pédagogique. Le mode de raisonnement et la méthodologie adoptés pour les leçons et les
exercices pratiques seraient meilleurs, que des résultats plus probants suivraient. Les
fautes de toutes sortes doivent être réduites à leur plus simple expression ou, mieux,
éradiquées.
Aux éditeurs, il est recommandé de suivre rigoureusement les prescriptions en la
matière, de participer à l’éradication des ouvrages piratés, de confier le travail aux
professionnels et non aux amateurs. Il leur incombe également d’améliorer
considérablement la mise en forme des manuels à eux soumis. À la limite, seuls les
éditeurs remplissant des critères stricts et spécifiques au manuel scolaire, jouissant de
surcroît d’une certaine expérience, pourraient mériter la confiance de l’État.
En ce qui concerne les libraires et autres distributeurs, les parents d’élèves leur
exigent le strict respect des prix officiellement homologués. Qu’ils cessent de
s’approvisionner dans les « marchés noirs », et mettent définitivement un terme aux
spéculations de toutes sortes ainsi qu’à de fausses ruptures de stocks et à des pénuries
fictives. Une action déterminante en vue de la régulation du secteur informel qui envahit
le monde du livre et sa distribution serait la bienvenue.
Les apprenants ne sont pas en reste, encore moins les parents eux-mêmes. Aux
uns et aux autres, un appel à plus de responsabilité est émis. Pour de meilleurs résultats
scolaires, les parents doivent assurer le suivi de l’apprenant à domicile, et cela passe par
un contrôle simultané et régulier du cahier et du livre de l’enfant ; le contact doit être
permanent avec les encadreurs scolaires. La lecture en famille doit être encouragée par la
création, l’exploitation et l’entretien des mini-bibliothèques.
Bref, ce qu’on en retient, pour le moins, c’est que les forces doivent désormais
être mutualisées si le désir d’un manuel scolaire à la hauteur des enjeux du monde actuel
est réel. Aucun aspect, aucun acteur ne doit être mis à l’écart.

Conclusion
« Le manuel scolaire est devenu si central dans les salles de classe qu’on
n’imagine plus s’instruire sans son aide. […] Il ne se contente pas d’organiser des
connaissances : il les trie, afin de s’adapter aux attentes du pouvoir », lit-on dans un
article intitulé ‘‘Manuels scolaires, le soupçon’’ publié dans le journal français Le Monde
diplomatique en septembre 2013. En effet, cet article dénonce véhémentement le fait

55
que, pour des fins inavouées, les dirigeants se servent négativement des manuels
scolaires. Mais cette déclaration laisse apparaître, en même temps, le rôle primordial du
livre dans toute formation scolaire. Le même journal, plus loin, par une question
éminemment rhétorique, poursuit en ces termes : « La concentration du secteur de
l’édition scolaire autour d’une poignée de grands groupes soulève une question : les
conditions sont-elles réunies pour que l’école puisse former des citoyens dotés d’un sens
critique ? ». Là, en effet, réside l’enjeu de la politique globale du manuel scolaire pour
tout pays ambitieux sur le long et le moyen terme : doter les citoyens d’un sens critique.
Par analogie, on peut reprendre cette question au profit du Cameroun et de l’Afrique en
général : le manuel scolaire, en l’état actuel, réunit-il tous les critères pour garantir des
lendemains meilleurs et rassurants à la société ? C’est à ce propos que nous nous
sommes proposé, via la présente communication, d’aborder les parents d’élèves,
partenaires privilégiés de l’école, dans le but de déceler la perception qu’ils se font de la
problématique générale du manuel scolaire au Cameroun. Il en ressort que cet outil
majeur de la pédagogie, d’une manière ou d’une autre, traverse une crise actuellement ;
crise que le parent en tant qu’acteur/partenaire, juge qu’il est opportun de résorber avant
qu’elle ne prenne davantage de l’ampleur. Il est contre l’indisponibilité des manuels,
contre la mauvaise qualité aussi bien matérielle qu’épistémologique, contre les coûts
toujours très élevés, contre les disparités, contre la promotion implicite ou explicite des
valeurs immorales, contre certains aspects de la réforme engagée… Par ailleurs, il
encourage certains efforts entrepris et propose qu’on aille au-delà : maintenir le livre
unique tout en étant plus rigoureux, baisser davantage les coûts ou, si possible, passer à
la gratuité pour donner accès à tous ;contextualiser au mieux les savoirs.
En définitive, du manuel scolaire dépend le type de citoyen que la société
prépare pour demain. Un manuel mal structuré et qui fait fi du développement durable
augure inexorablement un monde invivable pour les générations à venir ; un manuel qui
se passe de la morale est l’avant-garde d’un monde ou règneront la perversité et
l’insécurité plus tard ; un manuel scolaire qui n’initie pas l’enfant à l’autonomie de
pensée et qui ne suscite pas en lui l’esprit critique est le meilleur socle pour une vie future
où quelques-uns décideront en lieu et place de la masse, où une minorité jouira de toutes
les richesses tandis que d’autres, plus nombreux, les serviront, se contentant des
miettes ; un manuel truffé de fautes prépare le terrain à des citoyens au langage et à
l’expression légers, aux comportements négligés... Bref, on se doit de lutter contre des
manuelsscolaires aux qualités et contours douteux quine garantissent au parent qu’une
vie et un avenir pessimistes car, de tous les défis qu’il a à relever dans la vie, celui de voir
sa progéniture réussir et s’épanouir dans tous les sens du terme est le plus convoité. De
tels manuels, en tout état de cause, n’obéissent point aux exigences du monde actuel,
encore moins à celles du monde à venir. D’où l’urgence de la nouvelle réforme.

56
Bibliographie
Beauné, Aurélie et alii, 2014, Édition numérique scolaire en Afrique subsaharienne,
Projet VSTICE, Phase 1, http://eda.recherche.parisdescartes.fr, edutice-01009460.

Circulaire N° 002/CAB/PMdu 23 novembre 2017 portant Principes régissant la filière


du livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques au Cameroun.

Communiqué N° 02/18/MINESEC/CAB du 12 juin 2018, portant publication de la Liste


officielle des manuels scolaires, Premier et Second cycles, année scolaire 2018-2019.

Communiqué N° 08/16/MINESEC/CABdu 09 mai 2016, portant publication de laliste


officielle des manuels scolaires, Enseignement secondaire technique et
professionnel, année scolaire 2016-2017.

Communiqué N° B1/1464/MINEDUB/CABdu 28 mai 2019, portant publication de la


Liste officielle des manuels scolaires, Enseignement maternel et primaire, année
scolaire 2019-2020.

Décret N° 2017/11737/CAB/PM du 23 novembre 2017, portant Création, organisation


et fonctionnement de la commission nationale chargée du suivi et de l’évaluation
de la mise en œuvre de la politique nationale du livre, du manuel scolaire et
autres matériels didactiques.

Décret N° 2017/11738/CAB/PMdu 23 novembre 2017 portant Organisation du conseil


national d’Agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques.

Janssens, Jean Claude, Lafarge, Jacques et alii, 199, L’édition scolaire dans les pays
du sud. Enjeux et perspectives, Paris, ACCT.

Le Monde diplomatique,« Manuels scolaires, le soupçon », septembre 2013.

Vounda Etoa, Marcelin, 2016, Livre et Manuel scolaires au Cameroun :la dérive
mercantiliste, Yaoundé, les P.U.Y.
-https://donnees.banquemondiale.org/pays/cameroun, site consulté en mai 2019.
-https://fr.surveymonkey.com,plateforme sollicitée du 10 au 24 mai 2019.

57
58
GOUVERNER LE CONTENU DU MANUEL SCOLAIRE AU CAMEROUN :
ENTRE QUESTIONS D’ETHIQUE ET DE SOCIETE

Appolinaire FOULLA DAMNA


Chargé de Cours/Maître-Assistant (CAMES), Université de Dschang

Appolinaire FOULLA DAMNA est Docteur en Sciences Politiques de l’Université de


Yaoundé II. Maître-Assistant (CAMES) et Chargé de Cours à la Faculté des Sciences
Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang, il exerce les fonctions de Chef Service
de l’Information et des Conférences dans la même institution. Il est membre de plusieurs
sociétés savantes à savoir le CODESRIA (Conseil pour le Développement de la Recherche
en Sciences Sociales en Afrique) et de l’International Communicology Institute.

Résumé

L’évolution récente de la question du manuel scolaire au Cameroun révèle des


dynamiques plurielles et complexes. Si le modèle top-down semble avoir toujours orienté
la politique du livre, la crise liée à la question du retour du manuel unique a ouvert une
fenêtre d’opportunité pour la société civile et les parents qui participent au gouvernement
du contenu du livre. Aussi, la diffusion du savoir a-t-elle, certes, soulevé la problématique
de l’éthique et de la morale dans la société camerounaise, mais aussi celle de la coalition
de cause autour d’un système de croyance partagé pour relativiser le processus de
fabrique des contenus du livre scolaire. Le nouvel ordre du manuel scolaire oscille
manifestement ainsi entre histoire globalisée, croyances sociales spécifiques et quête de
compromis imposant parfois des changements.

Mots clés : Contenu-Manuel scolaire-Ethique-Compromis-

Introduction
Les conflits d’opinion affichant des désaccords aigus à propos des sujets dits
d’intérêt public se donnent à voir à travers la presse. Il suffit de feuilleter quelques
quotidiens publiés pendant la rentrée scolaire 2018/2019 pour se rendre compte que le
manuel scolaire peut faire l’objet de polémiques. Pour la période sus-évoquée, les
quotidiens Mutations du 7 septembre ainsi que Le Messageront titré par exemple :
« Enseignements secondaires, le livre qui fâche »22, « La zoophilie enseignée aux
enfants »23. Ces titres fort évocateurs posent la problématique du manuel scolaire et
reprennent le débat autour du livre. Le manuel « L’excellence en sciences » de la classe
de 5e est un cas de figure concret qui a alimentél’opinion publique sur une question

22
Ce journal précise que l’ouvrage inscrit au programme suscite la polémique parce qu’il comporte
des chapitres incitant à la perversion sexuelle. Lire Mutations n° 4692 du vendredi 7 septembre
2018.
23
Lire le Messager n° 5141 du vendredi 7 septembre 2018.
59
controversée d’intérêt général24. Il pose le dilemme de l’enseignement de la vie sexuelle à
l’école tout en donnant à l’apprenant les clés de compréhension des déviances possibles
avec cependant des risques de diffusion des manières de faire pouvant entraîner la
dégradation des mœurs d’une société. Le nouvel ordre du manuel scolaire évolue ainsi de
façon incrémentale par le truchement de la polémique.
La fabrique du manuel scolaire obéit incontestablement à plusieurs logiques :
celles du « dehors » et du « dedans ». La première logique repose sur le fait que la
globalisation ou la mondialisation travaille le contenu du livre25. Pour les auteurs
partageant cette perception, le manuel scolaire est le produit d’une histoire globalisée.
Cette approche quoique se voulant universelle, minore passablement le statut
paradoxal26 du livre qui est également influencé par « le dedans » et bien d’autres
logiques27. En ce qui concerne la logique du dedans, les exemples africains28 en général et
camerounais en particulier ne s’accommodent pas toujours des manières de faire
d’ailleurs. Si cette approche semble nombriliste ou provincialiste, elle dévoile, toutefois,
la capacité des Etats à construire eux-mêmes le contenu du manuel scolaire en restant en
adéquation avec les valeurs spécifiques à leurs sociétés. Même si les manuels scolaires à
travers les programmes véhiculent des attitudes et des idéologies, il est important
d’étudier le livre dans son environnement local en concurrence avec l’ailleurs. De toute
évidence, le livre est un vecteur de socialisation qui concurrence la famille et un objet pas
comme les autres. Si Menthong29 s’est intéressée à l’école comme facteur de
conditionnement et d’assimilation des jeunes, en ce qui concerne le volet politique, il
serait opportun d’appréhender le manuel scolaire comme champ de luttes de l’éducation
à la pudeur. En effet, si l’Etat30 s’évertue à lutter pour demeurer le maître du manuel
scolaire malgré les transformations de la société et de l’environnement global, il n’en

24
En effet, le module « Éducation à la santé : santé de reproduction » contenu dans le manuel
« l’Excellence en science » au programme des classes de 5e, était mis en cause. Au centre de la
polémique, figurait en bonne place l’explication à l’aide d’images explicites et d’exercices de
pratiques sexuelles comme la zoophilie, la pédophilie ou encore l’homosexualité. Une partie de
l’opinion camerounaise avait alors dénoncé la promotion de pratiques déviantes auprès d’enfants
en bas âge.
25
Lire à ce sujet Manale M., « Le manuel scolaire, un produit de l’histoire globalisée », Les temps
modernes, n°645-646, 2007/4-5, pp.308-317, Stewart F., « Globalisation and Education »,
International Journal of Educational Development, 16 (4), 1996, pp.327-333, Vinokur, A., «
Mondialisation du capital et reconfiguration des systèmes éducatifs des espaces dominés »,
Informations et commentaires, 118, janvier-mars, 2002.
26
Priolet M., Mounier E., « Le manuel scolaire : une ressource au « statut paradoxal », Education et
didactique, Vol.12, 2018/1, pp. 79-100.
27
Surel Y., « Quand la politique change les politiques. La loi Lang du 10 Août 1981 et les politiques
du livre», Revue Française de Science Politique, 47e année, n°2, 1997, pp.147-172.
28
Lange M.-F., Zoungrana C. & Yaro, Y. 2002 « Éducation, enfants et sociétés de demain. Exemples
africains », Colloque international Enfants d’aujourd’hui. Diversité des contextes, pluralité des
parcours, AIDELF, 10-13 décembre, Dakar.
29
Menthong H.-L., « Mutation politique et champ scolaire : l’école aux politiciens », in Luc Sindjoun,
La révolution passive au Cameroun : Etat, société et changement, Dakar, Codesria, 1999, pp.9-66.
30
Alban C., « L’Etat, maître des manuels scolaires, consensus social et censure au Japon », Le
Monde Diplomatique, Paris, 1993.
60
demeure pas moins que des logiques marchandes31 et bien d’autres l’ont manifestement
bousculé dans ce rôle. L’exemple du gouvernement du contenu du livre Excellence en
sciences de la classe de 5e, qui découle de la volonté au retour du livre unique mérite
d’être questionné en rapport avec la société et l’éthique ainsi que tous les autres
exemples liés au livre32. Une démarche diachronique nous permettra ainsi d’appréhender
le manuel scolaire sur le long terme en rapport avec les questions d’éthique.
L’éthique sera comprise dans ce travail dans le sens moral de Bergson. Certes, la
notion de morale est glissante, à partir du moment où elle peut être close ou ouverte,
mais par commodité de langage, nous parlerons de l’éthique du plein qui renvoie, ici, aux
situations concrètes de l’existence qui se définissent sans hésitation ni ambiguïté à partir
du bien se distinguant du mal. Il s’agit en fait de dire ce qui doit être prescrit ou interdit
ou même en insistant sur les vertus à cultiver. Cette idée d’éthique pleine renvoie ainsi à
ce qui constitue les valeurs et qualités immanentes d’une société formulées dans les
codes moraux. De ce point de vue, au sens du philosophe André Lévy, « les images, les
croyances n’ont de réel pouvoir que si elles sont portées par la communauté, et qu’elles
possèdent ainsi la même force de conviction que l’évidence »33. Nous envisageons
investiguer la nature du contenu du manuel scolaire dans une société où la sexualité
semble taboue34. A cet effet, il importe de reprendre la question du manuel scolaire à
nouveaux frais. Nous avons pour objectif principal decomprendre le gouvernement du
livre à partir de la co-construction du problème par les acteurs. Comme objectifs
secondaires, il s’agit pour nous de cerner la dynamique du livre à partir de la construction
du compromis sur le contenu,d’étudier le livre dans son environnement local en fixant le
regard sur le contenu du manuel et ses balbutiements et d’appréhender la polémique,
mieux la controverse comme vecteur de la réforme de la politique publique du livre au
Cameroun.
Pour rendre compte du gouvernement du contenu du manuel scolaire au
Cameroun, il importe de faire le départ à partir de la crise du livre Excellence en sciences
de la classe 5e. La problématique qui structure notre démarche repose sur la question :
Comment les acteurs gouvernent-ils le manuel scolaire ? Comment parvient-on au
compromis en ce qui concerne le contenu du livre ? L’hypothèse qui se dégage de ce
questionnement est que le manuel scolaire est pris en charge par les acteurs multiples
aux intérêts multiformes. De même, son contenu n’échappe pas à cette logique.
L’effort scientifique ici, c’est de rester en dehors de la mêlée pour mettre en
regard le fait que la construction de la polémique35 ou de la controverse au sens de

31
Dubet F., « Le service public de l’éducation face à la logique marchande », Regards croisés sur
l’Economie, n°2, 2007, pp. 157-165.
32
Les cas des livres les Majors pour la qualité du document, et bien d’autres ainsi que l’œuvre du
Professeur Mendo Ze G., La Forêt illuminée, Yaoundé, EDICEF, 2010, sont évocateurs.
33
Lévy A., « Questions d’éthique », Nouvelle revue de psychosociologie, n° 3, 2007, p.14.
34
Hendriks T., Spronk R., « Rethinking sexuality from Africa », Codesria Bulletin, n°1&2, 2017,
pp.28-33.
35
Amossy R., Apologie de la polémique, Paris, PUF, 2014.
61
Lascoumes36, peut aboutir à une délibération politique ou à un moment transitoire, mieux
à des accords ponctuels afin d’assurer « un mode de coexistence pacifique dans la
communauté déchirée entre des positions et des intérêts divergents »37. Il s’agit donc
pour nous de tenter de simplifier la compréhension du problème public lié au livre à partir
des contenus en nous intéressant au livre intitulé l’excellence en sciences de la classe de
5e, mais aussi en évoquant les exemples majeurs qui informent la crise du manuel
scolaire au Cameroun.
Notre réflexion s’articule autour de deux focales analytiques : l’approche
cognitive de Mûller et l’incrémentalisme. La première grille nous donnera d’expliquer « la
spécificité de la décision publique comme productrice de médiation sociale, notamment
au travers de la formalisation de conceptions et de diagnostics communs au sein d’un
secteur donné »38, afin de taire la controverse. La seconde mettra en lumière les
changements à petits pas en matière de contenu du manuel scolaire. Il s’agit de
comprendre le compromis convenant aux acteurs défendant des valeurs ou des objectifs
différents. Opérationnaliser l’incrémentalisme au sens de Bailey et O’connor, revient à
comprendre le manuel scolaire comme instrument qui organise les rapports sociaux et
structure les représentations de tous types. Le livre n’est donc pas un outil
d’apprentissage d’une neutralité axiologique évidente et encore moins un objet banal.
Deux points importants structurent notre démarche pour analyser le problème
du manuel scolaire au Cameroun. Il s’agit de la controverse autour du contenu du manuel
scolaire (I) d’une part et la construction du compromis sur le livre (II) d’autre part.
1. La controverse autour du contenu du manuel scolaire
Il s’agit pour nous de tenter de percer le mystère autour du processus de
fabrique du livre, en traitant d’abord de la construction du problème du manuel, ensuite
des espaces de médiations du contenu du livre.
1.1. La construction du problème du manuel scolaire
Le manuel scolaire fait l’objet de débats publics au Cameroun avec la question
du retour à la politique du livre unique39. Il constitue ainsi un véritable problème public
au sens de Padioleau, parce que suscitant un débat public et l’intervention des autorités
politiques légitimes dans la perspective du changement. La genèse de ce problème
provient de nombreuses plaintes des parents d’élèves au sujet de la multiplicité des livres
au programme, de leur cherté et même du poids du cartable de l’apprenant.Les difficiles
conditions d’acquisition du livre et la polémique autour du livre intitulé Excellence en

36
Pour ce dernier, les lanceurs d’alerte travaillent à enrôler les publics concernés et sont un relais
vers le politique. L’analyse en termes de controverse permet de sortir des représentations
monolithiques des conflits en ressortant les activités diverses d’enrichissement et de reformulation
des enjeux initiaux, la dynamique des enjeux initiaux.
37
Amossy R., op. cit., p.13.
38
Boussaguet L., et alt. Dictionnaire des politiques publiques, Paris, PFNSP, 2006, p.81.
39
Voir l’arrêté n°001/PM/CAB/du 4 janvier 2002 portant création, organisation et fonctionnement
du Conseil National d’Agrément des Manuels Scolaires et des Matériels Didactiques.
62
sciences de la classe 5e à la veille de la rentrée scolaire 2018/2019participent ainsi à la
construction sociale du problème du livre en termes de mobilisation des différents
acteurs.Le public qui se met en place est constitué de parents d’élèves, des enseignants,
des éditeurs et de l’Association des Consommateurs.Ceux-ci construisent le récit de la
délégitimation du manuel scolaire au regard de certains contenus et de l’accessibilité aux
livres. La question du contenu du livre querellé meuble alors les débats alors que la
rentrée scolaire est effective. Cette coalition de cause a entrainé la construction de
l’agenda du problème du livre, en dévoilant des histoires causales tout en traçant les
pistes de négociation entre les différents acteurs. Parmi les histoires causales, nous
pouvons relever la forte mobilisation à travers les réseaux sociaux et autres médias pour
condamner l’enseignement des manières de faire en matière de sexualité en prenant en
compte ce qui peut être perçu comme des « anomalies ».Le Secrétaire permanent du
Conseil National d’Agrément des Manuels Scolaires et des Matériels Didactiques, le
Professeur Vounda Etoa Marcelin est dans la foulée invité sur plusieurs plateaux de
télévision pour expliquer la réforme du manuel scolaire au Cameroun.La procédure
d’étiquetage étant respectée, le livre devient un objet légitime de l’action publique et
suscite donc le passage des compétences et de responsabilité aux autorités publiques
responsables du secteur de l’éducation.
De même, il convient de relever que les tenantsde la politique du livre unique se
situent entre la tyrannie de l’offre, les jeux utilitaristes et les intérêts sectoriels. Cela se
justifie par la profusion et la diversité de l’offre éditoriale du manuel scolaire au
Cameroun et l’épineuse problématique du retour au livre unique. Le livre Excellence en
sciences de la classe de 5e par exemple a provoqué ainsi une onde de choc des valeurs et
des cultures, entraînant des secousses importantes dans le système de protection
familiale et de l’éducation. Le livre apparaît dès lors comme instrument de transgression
du tabou et le manuel scolaire comme outil de diffusion de valeurs et comportements.
Ainsi, il appert que le manuel scolaire est un vecteur de valeurs parfois controversées.
1.2. Les espaces de médiationsdu livre
Les espacesde médiations du livre entrent en scène parce que la polémique
s’enfle et que l’opinion publique s’indigne sur le bien-fondé du module traitant de la
reproduction, tel que formulé dans le manuel inscrit au programme. Les espaces de
médiations dans cette crise prennent en compte les médias, la rue, la famille, les
apprenants, les enseignants, l’association des consommateurs, les syndicats40du
personnel enseignant, ainsi que les pouvoirs publics. La mobilisation qui découle de la
fabrique du manuel pédagogique querellé donne à plusieurs acteurs de lutter ensemble
pour le contenu du livre. Les transactions qui se mettent en place insistent sur les intérêts
des différents acteurs véritablement impliqués dans la crise.
La campagne médiatique a contribué à la définition du problème du contenu du
livre, ceci en donnant l’illusion nataliste du problème du manuel scolaire qui a connu des

40
Parmi ceux-ci, nous pouvons citer la Fédération des Syndicats de l’Education et de la Recherche,
le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire (SNAES) etc.
63
trajectoires diverses. Le manuel scolaire se présente donc comme un instrument
d’inculcation/ initiation des manières de faire et de controverse autour de la question de
pudeur. Il pose la question de l’embarras des parents face à l’éducation à la sexualité. De
plus, l’adoption de la politique du livre unique réduit substantiellement les concussions
qui existaient entre les éditeurs et les chefs d’établissement qui retenaient au programme
les livres des partenaires les plus offrants. Si le coût41 du livre semble être le cheval de
bataille de l’association des consommateurs, les parents quant à eux s’offusquent au
sujet du module d’enseignement relatif à l’éducation à la santé : santé de reproduction
de la classe de 5e. En effet, la polémique dévoile ainsi les dysfonctionnements qui ont
pendant plusieurs années entretenus la cacophonie au sujet du manuel scolaire au
Cameroun. Cet état de chose est rendu possible par le non-respect de la procédure de
sélection du manuel qui devrait impliquer le Conseil d’Enseignement dans le choix du
livre de la liste nationale officielle, les inspecteurs pédagogiques, les enseignants et les
spécialistes du livre et plusieurs autres ministères42. Il est pourtant question pour le
Conseil d’agrément du manuel scolaire d’établir tous les ans les listes des manuels
scolaires et des matériels didactiques au moins cinq (5) mois avant la rentrée scolaire43. Il
ressort clairement des différents encadrements normatifs en matière d’éducation au
Cameroun, que des instances existent pour cadrer au mieux la politique du manuel
scolaire. Il se met ainsi en place une logique de médiation sur la crise du manuel scolaire.
Les rencontres du Conseil d’agrément du manuel scolaire prenant en compte les
ministères impliqués s’apparentent ainsi à des réunions des comités interministériels.
Au regard de la démarche entreprise, la médiation qui se met en place s’appuie
sur une approche normative. La médiation entreprise se veut dès lors consensuelle,
constructive et entend réparer le lien social et surtout familial sur les questions
d’éducation à la sexualité et de gestion de la crise du livre. Les échanges qui se font entre
les acteurs tendent ainsi vers l’établissement d’une relation de compromis et de
règlement de la crise.
2. La construction du compromis autour du contenu du livre
Deux points retiendront notre attention à ce niveau : D’abord, l’essence de la
décisionsur le livre querellé (A), ensuite le livre mutilé (Livricide) comme compromis et
point d’aboutissement d’une crise et de départ d’un cycle de l’action publique sur le
contenu du manuel scolaire (B).

41
Alice Minette, « La marchandisation de l’éducation va bon train… et laisse beaucoup sur le quai »,
Journal des droits des jeunes, n° 366-367, 2017, pp.7-9.
42
Au regard de l’article 3 du décret N°2017/11737/CAB/PM du 23 Novembre 2017 portant
création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale chargée du suivi et de
l’évaluation de la mise en œuvre de la politique nationale du livre, du manuel scolaire et autres
matériels didactiques, il s’agit des ministères chargés de l’éducation de base, des enseignements
secondaires, de l’enseignement supérieur, de la culture, de la formation professionnelle, des
finances, de l’économie, des transports et du commerce. La commission est présidée par le
Secrétaire Général des Services du Premier Ministre.
43
Lire article 2 (1) de l’arrêté n°001/PM/CAB/du 4 janvier 2002 portant création, organisation et
fonctionnement du Conseil National d’Agrément des Manuels Scolaires et des matériels
didactiques.
64
2.1. L’essence de la décisionsur le livre querellé
L’analyse de la décision donne au chercheur de percer le mystère de l’activité
politique et de dévoiler au grand jour les mécanismes de l’action de l’Etat. Nous
entendons fixer ainsi le regard sur l’aboutissement du processus de crise du manuel
scolaire. Les « lorgnettes conceptuelles » qui facilitent la compréhension de la décision
au sujet du manuel scolaire sont les questions d’éthique, de morale, de société, de coût,
de production et de qualité. La décision est à la fois un processus et un enjeu de pouvoir.
Sa prise nécessite alors un recul nécessaire.
Il s’agit de ne pas faire une critique de la décision au sens de Lucien Sfez pour
comprendre comment l’Etat est parvenu à faire un choix optimal et à prendre une
solution dans le cadre de la crise du manuel scolaire. Il se dégage les formes de
structuration des intérêts dans la décision qui agrège ceux-ci. La décision publique est
élaborée sous contrainte, même si elle semble collective. L’objectif premier a été d’arrêter
une décision pour la doter d’une force et d’une forme conséquente acceptable par tous.
La négociation et la consultation sont des éléments importants dans cette logique. La
participation des acteurs du livre (Enseignants, éditeurs, la famille, les pouvoirs publics)
est réelle. Le public, les jeux de pouvoir et les institutions de l’élaboration de la politique
du livre contribuent à la fabrique du nouveau manuel. Les moyens de décision sont par
contre travaillés par plusieurs logiques. Les jeux des institutions et leur « enchâssement »
avec la sphère privée complexifient parfois la prise de la décision. La montée des
demandes a toutefois, provoqué la nécessité de décider. Même si apparemment
l’épineuse question de la didactique des relations sexuelles, semble primordiale, il
s’agissait dedécider sur comment enseigner les aveux de la chair au Cameroun, quand on
sait que les comportements sexuels constituent les éléments de savoirs et de formes de
pouvoir en concurrence avec les structures familiales, mais aussi de solder la
problématique du manuel scolaire. En effet, au sens de Foucault, « les institutions
scolaires…avec leur population nombreuse, leur hiérarchie, leurs aménagements
spatiaux, leur système de surveillance, constituent, à côté de la famille, une autre façon
de distribuer le jeu de pouvoirs et des plaisirs »44. Des formes d’enseignement d’une
sexualité peuvent alors être diffusées dans un espace, lorsque celui-ci est favorable à
certaines pratiques.Quid de la question du syllabus du module à enseigner ?

2.2. Le livre mutilé (Livricide) comme compromis et point d’aboutissement


d’une crise
Dans le cadre des issues de gammes disponibles dans le cadre de la crise du livre
scolaire au Cameroun, il faut relever les effets induits de la politique publique du livre en ne
perdant pas de vue le jeu du compromis45 entre les acteurs. Pour sortir de la crise, le
ministère des enseignements secondaires appelé à arbitrer le débat a conclu à un retrait du
manuel de la vente, donnant instruction au Conseil de rééditer le livre sans le chapitre

44
Lenoir R., « Famille et sexualité chez Foucault », Société et représentations, n°22, 2006/2, p.207.
45
Nay O., Smith A., Le gouvernement du compromis, Courtiers et généralistes dans l’action
publique, Paris, Economica, 2002.
65
incriminé.On peut relever comme mesure immédiate sur ledit manuel la nécessité de le
mutiler en ses pages querellées pour que les différents acteurs (éditeurs, libraires, parents
et enseignants) sauvent leurs intérêts. Nous pouvons ainsi relever la modification d’un
programme comme nouveau départ pour un nouvel ordre du manuel scolaire; l’ajustement
conjoncturel du manuel scolaire : le livre mutilé ; la reformulation du module portant sur la
reproduction46. De toute évidence, « la décision publique est le produit d’un arbitrage
constant entre faisabilité politique et rationalité économique ou technique, de l’articulation
entre policies et politics, entre l’action politique et ses publics »47. Le manuel scolaire
impose la multiplication des changements pour le gommer « des anomalies » et
l’agrégation des intérêts. Le manuel scolaire est visiblement un objet culturel qui
bénéficie d’un statut spécifique. Il appert donc que « les autorités publiques et les
acteurs politiques « sélectionnent » les problèmes qui vont retenir leur attention et en
transforment le caractère »48, mais que l’opinion publique peut aussi participer à la mise
en œuvre d’une politique publique. La modification des contenus des manuels donnent à
voir l’Etat au concret, tout en laissant apparaître les crises et les accords. La crise du
manuel scolaire en ce qui concerne certains contenus donne à comprendre pour le cas de
l’excellence en 5eque : « tant que la privatisation de la vie pulsionnelle est encore peu
poussée et qu’elle n’a pas été reléguée en marge des activités sociales, la tâche du
premier conditionnement n’incombe pas aussi exclusivement au père et à la mère ».

Conclusion

De la controverse sur le contenu du livre querellé, il se dégage finalement la


construction et l’affirmation de l’identité camerounaise de l’éducation à la sexualité et de
la famille. Toutefois,le livre est un bien commun et culturel à protéger. Pour le concevoir,
il importe de prendre en compte tous les acteurs. Il est indispensable de sortir de la
tyrannie de l’offre du programme du manuel scolaire sans y associer le volet culturel,
économique et social. L’approche bottom-up (éditeurs, libraires, enseignants, parents,
etc.) peut aider à affiner la conception des contenus et reconsidérer les étapes de
production du manuel scolaire. Il importe aussi d’endogénéiser la politique du contenu
des manuels scolaires en s’ouvrant certes vers le dehors, mais en veillant à préserver les
valeurs de la société. Au sortir de la crise, il est évident que la lecture suivante peut être
faite : les éditeurs et les libraires apparaissent comme groupe d’intérêt, les parents
comme groupe de pression et l’Etat comme maître relatif du manuel scolaire.
Vraisemblablement, au regard de la polémique sur le contenu du livre, le modèle qui
semble pertinent en matière d’éducation à la sexualité au Cameroun s’apparente à la

46
En effet, le décret N°2017/11737/CAB/PM du 23 Novembre 2017 portant création, organisation
et fonctionnement de la Commission Nationale chargée du suivi et de l’évaluation de la mise en
œuvre de la politique nationale du livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques, précise
en son article 2 que la Commission est aussi chargée de « proposer toute mesure corrective aux
dysfonctionnements rencontrés dans les différents segments de la filière du livre, du manuel
scolaire et autres matériels didactiques ».
47
Boussaguet, op.cit., p. 155.
48
Surel Y., op.cit., p.156.
66
conception d’Erasme et ses contemporains, pour qui à la question de savoir : comment
on peut informer l’enfant des relations entre l’homme et la femme, ils pensent que :
« l’enfant est informé automatiquement par la nature des institutions sociales et les
rapports des hommes au milieu desquels il grandit ; l’autocontrôle des adultes est encore
moins développé, on n’établit pas de barrière infranchissable entre ce qui est permis en
public et ce qu’on ne doit faire que derrière les « décors » de la société. La tâche
essentielle de l’éducateur consiste donc à diriger l’enfant, dans le cadre même de ce qu’il
a appris par la force des choses, dans la « bonne direction »49. La crise du manuel
scolaire est une boîte de pandore qui cristallise les croyances et les principes d’action
communs, en offrant le spectacle du choc de la rationalité familiale, économique et
scolaire.

Bibliographie

Alban C., « L’Etat, maître des manuels scolaires, consensus social et censure au Japon »,
Le Monde Diplomatique, Paris, 1993.

Alice Minette, « La marchandisation de l’éducation va bon train… et laisse beaucoup


sur le quai », Journal des droits des jeunes, n°366-367, 2017, pp.7-9.
Amossy R., Apologie de la polémique, Paris, PUF, 2014.
Boussaguet L., et alt.Dictionnaire des politiques publiques, Paris, PFNSP, 2006.
Dubet F., « Le service public de l’éducation face à la logique marchande », Regards
croisés sur l’Economie, n°2, 2007, pp. 157-165.
Hendriks T., Spronk R., « Rethinking sexuality from Africa », Codesria Bulletin, n°1&2,
2017, pp.28-33.
Lange, M.-F., Zoungrana, C. & Yaro, Y., « Éducation, enfants et sociétés de demain.
Exemples africains », Colloque international Enfants d’aujourd’hui. Diversité des
contextes, pluralité des parcours, AIDELF, 10-13 décembre, Dakar, 2002.
Lenoir R., « Famille et sexualité chez Foucault », Société et représentations, n°22,
2006/2, pp.189-214.
Lévy A., « Questions d’éthique », Nouvelle revue de psychosociologie, n° 3, 2007, pp.9-22.
Manale M., « Le manuel scolaire, un produit de l’histoire globalisée », Les temps
modernes, n°645-646, 2007/4-5, pp.308-317.
Menthong H.-L., « Mutation politique et champ scolaire : l’école aux politiciens», in
Sindjoun L., La révolution passive au Cameroun : Etat, société et changement,
Dakar, Codesria, 1999, pp.9-66.

49
Norbert Elias, op.cit., p. 398
67
Nay O., Smith A., Le gouvernement du compromis, Courtiers et généralistes dans l’action
publique, Paris, Economica, 2002.
Priolet M., Mounier E., « Le manuel scolaire : une ressource au « statut paradoxal »,
Education et didactique, Vol.12, 2018/1, pp. 79-100.
Stewart F., « Globalisation and Education », International Journal of
EducationalDevelopment, 16 (4), 1996, pp. 327-333.
Surel Y., « Quand la politique change les politiques. La loi Lang du 10 Août 1981 et les
politiques du livre», Revue Française de Science Politique, 47e année, n°2, 1997,
pp.147-172.
Vinokur A., « Mondialisation du capital et reconfiguration des systèmes éducatifs des
espaces dominés », Informations et commentaires, 118, janvier-mars, 2002.

Journaux
-Mutations n° 4692 du vendredi 7 septembre 2018.
-Messager n° 5141 du vendredi 7 septembre 2018.

68
LA PRODUCTION DU MANUEL SCOLAIRE : ACTEURS CLÉS ET
PROCESSUS

Renée Solange NKECK BIDIAS


Maître de Conférences, Université de Yaoundé I

Titulaire d’une HDR et d’un PhD en Sciences de l’éducation - Didactique des disciplines et
évaluation - Didactique des sciences -, Renée Solange Nkeck Bidias est Maître de
conférences à l’Université de Yaoundé I, enseignante-chercheure à l’ENS de Yaoundé et
Chef de département de didactiques des disciplines à la faculté des sciences de
l’éducation. On lui doit, entre autres, des savoirs nouveaux particulièrement intéressants
sur la question de la formation à l’enseignement par le biais du Travail interdisciplinaire
par projets et l’intérêt d’une approche de recherche interdisciplinaire avec un ensemble
de réquisits et de critères d’évaluation en attestant « l’efficacité », à partir de plusieurs
approches qui le constituent.

Résumé
Le présent travail fait un état des lieux de la production du manuel scolaire au
Cameroun. Il s’intéresse aux attitudes des acteurs clés qui interviennent dans sa chaîne
de production et au processus qui conduit à sa mise à disposition dans la salle de classe.
La méthodologie adoptée mobilise une posture globale de l’observation à la fois
participante et contrastive soutenue par une approche basée, d’une part, sur une
recherche bibliographique multi référencée centrée sur la recension d’écrits, et d’autre
part, sur des analyses des extraits de verbatim suite aux entretiens auprès desdits
acteurs. Il en résulte que le processus de fabrication y afférant mobilise de nombreux
intervenants dont professionnalité des tâches et les activités contraignent à la
coopération, la coordination, et la collaboration pour une offre de signification qui
répond au programme d’étude.
Mots clés : manuel scolaire, processus de production, acteur, concepteur, éditeur, auteur,
enseignant.

Introduction, contexte et problématique


Malgré l’introduction des Technologies de l’information et de la communication
appliquées à l’éducation (TICE), le manuel scolaire continue d’être une des principales
sources de connaissances et parfois la seule qui fait autorité pour les élèves, les maîtres
et les parents. L’analyse de certaines études conduites au Cameroun (Fonkoua, 2007;
Revue AFRICULTURES,2004), en Afrique (Estivals, 1980; Verspoor et Wu, 1990; Ficquet et
Bekele, 2005) et dans le monde (Chemmoul-Bargès, 2003) font état d’un fort lien entre
d’une part la possession du manuel scolaire par les élèves et l’amélioration de leurs
connaissances voire la réussite scolaire; et d’autre part, entre la possession de manuels
scolaires et de matériels didactiques par les enseignants et l’amélioration de leurs
compétences professionnelles. Ainsi, le manuel scolaire fournit à l’enseignant et à l’élève
69
non seulement des supports d’enseignement ou d’apprentissage pour l’acquisition des
connaissances et des compétences visées par le programme national ou le curriculum.
Mais également, le manuel revêt une dimension idéologique fondée sur la vision étatique
du type d’Homme à former. Sa conception devrait être l’occasion d’une réflexion sur les
valeurs de vie qu’une communauté sociale et nationale souhaite partager en son sein.
C’est pourquoi, la question du manuel scolaire ne pourrait être évitée aujourd’hui et
devrait être traitée avec réflexivité et responsabilité. En plus des difficultés récurrentes
observées au sujet de l’accessibilité et la disponibilité du manuel scolaire dans la classe,
celles liées aux contenus didactiques et aux approches pédagogiques font saillies et
poussent à s’interroger sur les compétences des acteurs clés du processus de production
du manuel scolaire.
Partout où l’amélioration de la qualité du système éducatif devient une
préoccupation d’intérêt public, les États ont très vite identifié le livre scolaire comme le
principal véhicule des valeurs transmises par l’école. Aussi, les
gouvernements maintiennent-ils un contrôle règlementé du contenu en le censurant
parfois et en gérant souvent directement la fabrication du livre (Bianchini; 2013). Au
Cameroun, la Chaîne de production des manuels scolaires réputés efficaces date de
l’aube de l’indépendance avec la création de l’imprimerie de l’Institut de Pédagogie
Appliquée à vocation Rurale (IPAR) transformée quelques années plus tard
successivement en Centre d’édition et de production des manuels et auxiliaires
d’enseignement (CEPMAE) puis en Centre d’édition et de production pour l’enseignement
et la recherche (CEPER) devenue société anonyme, CEPER SA, de nos jours. Plusieurs
autres pays africains ont suivi le même cheminement. Par ailleurs, les recommandations
des États Généraux de l’éducation de Yaoundé (1995), celles du Forum sur les livres et les
matériels didactiques de Kribi (2000), ainsi que les différents actes réglementaires du
Premier ministre, chef du gouvernement, en novembre 201750, traduisent la volonté du
Cameroun de soutenir son système éducatif par une politique nationale du livre scolaire
(selon le modèle Objectifs-Moyens) d’une part, et d’autre part, de réglementer le choix du
manuel, sa production et sa vente dans le pays en réponse aux différents problèmes
diagnostiqués par plusieurs études et principalement le RESEN51.
En outre, dans le même ordre d’idée que le quatrième Objectif de développement
durable qui vise à « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, équitable, et
promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie », le cadre d’action
pour l’Education 2030, adopté au Forum mondial de Incheon (mai 2015, en République
de Corée) accorde une grande importance à la question de la qualité de l’éducation. Or,

50
Le premier est une circulaire la circulaire N° 002/CAB/PM portant sur les Principes régissant la
filière du livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques. Le second est un décret
portant sur la Création, organisation et fonctionnement de la commission nationale chargée du
suivi et de l'évaluation de la mise en œuvre de la politique nationale du livre, du manuel scolaire
et autres matériels didactiques. Le troisième et dernier N° 2017/11738/CAB/PM du 23 Novembre
2017 portant Organisation du conseil national d'agrément des manuels scolaires et des matériels
didactiques.
51
Rapport d’Etat du Système Educatif National Camerounais
70
des études récentes sur la qualité de l’éducation offerte et son efficience montrent que le
taux de possession des manuels scolaires dans les établissements publics a atteint un
niveau inquiétant (Read, 2016). En dépit du faible taux de possession des manuels
scolaires observé dans les salles de classes et malgré les efforts de l’administration de
l’État et des parents, on relève en même temps l’absence d’un cadre législatif et
réglementaire approprié susceptible de mobiliser des moyens de contrôle et de régulation
des acteurs de la chaîne du livre. Par conséquent, pour un pays qui vise l’émergence en
2035, l’atteinte de l’objectif de performance globale invoqué ne peut se réaliser qu’à
travers la participation active des citoyens dont la compétence de chacun est assurée par
une éducation de qualité. Aussi, la réflexion issue du secteur de l’éducation et engagée
depuis le début des années 2000 a abouti à un projet de loi qui précise les responsabilités
de l’Etat et des acteurs de la chaîne afférente à la production des manuels scolaires et
matériels didactiques. Le projet de loi en question régit en même temps les relations
entre acteurs ainsi que le régime financier conséquent. En définitive, la politique du
manuel scolaire devrait s’inscrire dans le cadre général de l’offre d’une éducation et
d’une formation de qualité à tous les jeunes camerounais; elle devrait aussi assurer la
disponibilité des et l’accessibilité aux livres scolaires et autres matériels didactiques de
qualité dans les écoles et structures de formation à l’enseignement; elle devrait enfin
permettre la mise en place de l’ordre, de la discipline et de la loyauté dans un domaine à
caractère sensible sous un contrôle et une régulation viabilisants, dans le but de maîtriser
sa contribution dans l’économie du savoir et de la culture. Le livre scolaire, empreint d’un
ancrage local, servirait alors de véhicule de connaissances scientifiques ainsi que de
valeurs éthiques et morales qui se trouvent régulièrement stigmatisées dans des espaces
conflictuels, notamment dans le cadre du marché concurrentiel correspondant de
l’économie libéralisée telle que consacrée par la loi portant charte des investissements en
République du Cameroun.
Pour le moment, le manuel scolaire s’avère encore être un objet d’éducation
incontournable. En effet, ce type d’ouvrage remplit les fonctions essentielles. ● Pour
l'élève, il véhicule des savoirs et lui offre l'opportunité de découvrir, d'apprendre, de
comprendre et de concevoir. ● Pour l'enseignant, il est une source d'activités
pédagogiques, contenant une banque de données conformes aux programmes officiels. ●
Pour la famille, il constitue un outil de suivi et d'accompagnement du travail des enfants
apprenant, assurant ainsi un lien entre l'établissement scolaire et les parents. ●Enfin, il
définit les attentes de l'institution éducative en fixant les contenus officiels de
l'enseignement.
Mais, la récente crise sur le manuel scolaire au Cameroun suscite des
questionnements se déclinant globalement des rapports dudit manuel sélectionné aux
savoirs dans l’enseignement et la formation à l’enseignement. En d’autres termes, il
s’agit de questionner les acteurs clés de la chaîne de sa production dans le but de relever
des insuffisances ou des problèmes qui seraient de nature à le discréditer et de suggérer
des recommandations pour un dispositif didactique instrumental robuste et localement
ancré. Pour ce faire, le présent propos expose successivement un cadre conceptuel, une
méthodologie et des résultats d’entretiens semi-dirigés soutenus par des discussions.

71
1. Cadre conceptuel
Le cadre conceptuel mobilise des notions discursives telles que le manuel et les
acteurs du processus de production d’un manuel scolaire dont le concepteur, l’éditeur,
l’évaluateur, l’expérimentateur, ainsi que l’utilisateur.
1.1. Le manuel
Le manuel est un dispositif d’ordre instrumental, en ce sens qu’il s’agit d’un objet
externe, d’une réalité objective qui résiste à la réalité psychologique du sujet (Grossen,
Liengme-Bessire et Perret-Clermont, 1997:237). Il s’agit en même temps d’un dispositif
instrumental de type didactique, en ce sens qu’il a un lien direct avec les contenus
cognitifs ou pédagogiques prévus dans le programme scolaire dans le cas contraire, en
tant qu’objet matériel, qui cadre les interactions, les restreint dans un certain champ et
contraint les actions et interprétations des acteurs tels que l’enseignant, l’apprenant,
l’institution, l’éditeur, etc. En qualité de dispositif de type didactique, cet ouvrage scolaire
offre la particularité d’être un dispositif-document, un ensemble d’éléments concourant à
la situation d’apprentissage, une structure de formation qui peut donner lieu à différentes
lectures se rapportant à l’apprentissage, la didactique, l’évaluation et la pédagogie. Dans
l’intervention éducative bienveillante de l’enseignant, le manuel assure une double
médiation : la médiation extrinsèque cognitive et la médiation pédagogico didactique.
En d’autres termes, un manuel scolaire est un livre enseignant une matière ou une
technique pédagogique ; il s’agit, précisément, d’un outil imprimé, d’un véhicule des
valeurs et pratiques sociales et culturelles de référence, servant à transmettre des
connaissances et à constituer un réservoir d’exercices, intentionnellement structuré pour
s’inscrire dans un processus d’apprentissage, en vue d’en améliorer l’efficacité (Gérard et
Roegiers, 2009). Aujourd’hui, les manuels devraient répondre aux besoins du moment en
développant des méthodes d’apprentissage représentant un idéal pédagogique à suivre,
dans le but que les enseignants les utilisent comme base de leur cours au moment des
activités pré actives, notamment pour la préparation des situations problématisantes en
recourant aux savoirs problématisés (Nkeck Bidias, 2017). Le manuel scolaire est donc
étroitement lié au programme d’études, mais il est très différent de lui dans la mesure où
il est le résultat d’un travail de conception créé à partir du programme. L’usage du
manuel dépend et varie, non seulement en fonction des matières, des écoles, mais aussi
des pays. En tant que média, les matériels didactiques et pédagogiques se situent à la
confluence des interactions qui s’instaurent entre l’enseignant, l’apprenant et les objets
d’apprentissage (Lebrun et al, 2006). Aussi le manuel scolaire est-il le produit du travail
collectif, un important travail collaboratif d’une équipe ayant des savoirs en partage, soit
le produit d’un travail interdisciplinaire par projets qui devrait partir de l’observation des
activités efficaces d’enseignants compétents au cours de leurs effectuations en classe.
Aussi, la production d’un manuel scolaire suppose-t-elle l'existence d'auteurs compétents
et expérimentés, travaillant en étroite collaboration avec les responsables des
programmes et les spécialistes en édition.

72
1.2. Les acteurs du processus de production d’un manuel scolaire
Le processus de production d’un manuel scolaire est celui par lequel un auteur
transmet une information aux destinataires dudit manuel. Il se fonde sur des exigences
de qualité scientifiques, didactiques, graphiques et contextuelles auxquelles s’ajoutent
des contraintes socioéconomiques en rapport de plus en plus étroit avec les
caractéristiques de marchés à conquérir et le pouvoir d’achat des destinataires. Le
synopsis du processus de production d’un manuel scolaire est entièrement décrit par
Gérard et Roegiers (2009ibid.). La conception, l’édition, l’évaluation et l’utilisation sont
les fonctions auxquelles le processus évoqué fait appel dans un mouvement circulaire
centré sur l’édition. Chaque fonction est assurée par un acteur. Aussi distingue-t-on le
concepteur, l’éditeur, l’évaluateur et l’utilisateur.
Le concepteur de manuel élabore le manuscrit en mobilisant : 1/ des auteurs qui
rédigent le manuscrit sous le contrôle de la chaîne de supervision pédagogique
(inspecteurs, conseillers, spécialistes de contenus-matières, en didactique ou en
conception de manuel scolaire) ; 2/ les directeurs de collection (éventuels auteurs) qui
sont les garants de la cohérence des ouvrages d’une même collection et de leur validité
scientifique; 3/ les adaptateurs qui contribuent à adapter le manuel à un contexte
d’enseignement différent du contexte d’origine ; et 4/ les traducteurs qui assurent
l’adaptation tout en détenant la propriété intellectuelle de la traduction qu’ils ont
réalisée.
L’éditeur de manuel coordonne les activités qui visent à réaliser la “ mise en
forme ” de l'ouvrage en assurant que la composition des textes est basée sur des
phénomènes tels que le processus de lecture, la lisibilité, la perception et la mémorisation
visuelle. À ce titre, selon 4 axes, il 1/ veille à la conception du projet de manuel en
passant par une opération de test et d’évaluation; procède à la sélection de l’équipe
d’auteurs; conçoit le planning de travail; réceptionne et adapte le manuscrit; sélectionne
les images; élabore les contrats avec les auteurs et tout autre intervenant identifié; et
assure le respect d’un budget en prenant en compte les diverses assurances; 2/ examine
les éléments d'ordres visuel, graphique, matériel, notamment en réalisant des choix de la
rationalité technique afférents aux professionnels (graphiste, imprimeur, etc.); valide les
maquettes; élabore les chartes (ou cahiers des charges techniques); prépare des copies du
projet de manuel; relit, fait relire et corrige le projet de manuel; et examine le rapport
qualité/prix; 3/ analyse les coûts et la prévision du financement; assure la réorientation
des rubriques de la conception qui permettent d’éviter les aspects dispendieux; choisit le
format; et garantit le payement des impôts et taxes diverses, etc. 4/ assure la diffusion du
manuel imprimé, en informant les utilisateurs des qualités, avantages et spécialités qu’il
offre et en mettant le manuel à la disposition desdits utilisateurs.
L’évaluateur vise l’amélioration de la qualité pédagogique et didactique du
manuel. Il peut adopter deux postures : 1/ l’auteur en étant exclu, la posture
d’évaluateur-expérimentateur est celle du potentiel utilisateur du manuel; 2/ la posture
de l’évaluateur proprement dit mobilise le concepteur en ce qui concerne
l’autoévaluation, le lecteur externe spécialiste de discipline, l’évaluateur de validation,

73
l’évaluateur assurant le suivi du processus d’évaluation, l’évaluateur des effets sur les
utilisations, etc.
L’utilisateur est un destinataire qui peut être l’apprenant, l’enseignant, le
destinataire acquéreur, le décideur, le bailleur de fonds et le formateur.

2. Méthodologie
La méthodologie adoptée consiste en une posture globale double liée à la fois à la
participation observante et à l’observation contrastive et transversalement balayée par
une approche basée, d’une part, sur une recherche bibliographique multi référencée
centrée sur la recension d’écrits, et d’autre part, sur des analyses auprès des acteurs clés
du processus de production. L’observation participante (modalité réflexive de
connaissance) est une source d’inspiration (de l’auteure du présent article provenant) des
activités de conceptrice, d’évaluatrice, d’enseignante et de formatrice à l’enseignement.
L’observation contrastive vise à faire ressortir un système qui ne réussit pas à partir des
problèmes à ancrage local portant sur la conception, l’édition, l’évaluation et l’utilisation
d’un manuel scolaire.
Le dispositif méthodologique associé comprend : 1/ un questionnaire adressé aux
acteurs clés de la chaîne de production de manuels scolaires, 2/ un protocole d’entretien
semi-dirigé auprès de certains acteurs, et 3/ le verbatim suite à un entretien avec un
acteur sur son récit de vie.

3. Résultats et discussions
Les résultats soutenus par des aspects de discussion sont afférents aux
problèmes relevés auprès du concepteur, de l’éditeur, de l’auteur et de l’enseignant.
3.1. Les problèmes relevés auprès du concepteur
Premièrement, les concepteurs sont les enseignants de classes, les IPN52, les
IPR , les cadres en service à l’IGE54 ou toute autre personne susceptible de produire des
53

manuscrits. En général, ils se recrutent parmi des enseignants ayant participé à


l’élaboration des curricula ou des programmes55. En réalité, les auteurs sont achetés, leur
identité n’est pas souvent révélée et ils ne sont pas toujours formés à la tâche, ou tout au
moins n’ont aucune référence dans le domaine. Ils n’ont jamais suivi des séminaires de
renforcement des capacités en conception des manuels scolaires ou toute autre formation

52
Inspecteur de pédagogie National
53
Inspecteur de pédagogie Régional
54
Inspection Générale des Enseignements
55
Le programme est un document établi par des personnels cadres de conception auxquels sont
annexés les universitaires pour une discipline (didacticiens de la discipline et évaluateurs de
programmes), les psychologues, des experts en politiques éducatives et des membres de la
communauté éducative. Ils définissent pour une ou plusieurs classes : la liste des sujets à étudier,
les objectifs à atteindre en termes de savoirs, savoir-faire et de savoir-être ainsi que les
approches pédagogiques à adopter. Ils définissent également un volume horaire, la fréquence et
le mode d’évaluation des acquis.
74
en rédaction des manuels scolaires. Aucun texte législatif ou règlementaire n’énonce les
principes à observer en matière de choix des auteurs. Ils apprennent leur métier sur le tas
et sont à la merci des éditeurs. Directeur de collection ou auteur sont des personnes
nécessiteuses qui signent généralement un contrat anonyme avec l’éditeur qui ne prévoit
pas d’avantages ni ne respecte des droits d’auteurs au regard de sa responsabilité. Or, il
est admis que le manuel scolaire est une interprétation du programme en une forme
pédagogique utilisable en classe. On observe très régulièrement des mauvaises
transpositions didactiques56, une maîtrise approximative de l’épistémologie de la
discipline et des sciences cognitives qui conduisent à des dégradations des contenus,
d’objectifs et de l’acte d’apprendre dans la salle de classe. A titre d’exemples : là où le
programme prescrit d’exercer les élèves à une activité manuelle faisant appel à des outils
comme la règle et le compas, le manuel va proposer une activité de construction d’un
bateau en papier ; là où le programme demande de vérifier les acquis des élèves, le
manuel présente un exercice d’intégration, etc.
Deuxièmement, depuis l’indépendance, le modèle de curriculum du système
éducatif est passé du programme encyclopédique (1960–1971) au programme par
objectifs comportementaux (1982–1994) en passant par le programme cadre (1972–
1981). Les conceptions épistémologiques correspondantes sont passées des conceptions
réalistes (1960–1971) aux conceptions behaviouristes (1982–1995) en passant par les
conceptions humanistes (1972–1981). La réforme du système éducatif camerounais a
commencé en 1995 par des activités pilotes dans certains établissements scolaires. À
l’occasion, il est question de passer au modèle de curriculum consistant en programmes
par domaines et par compétences selon les épistémologies conjuguant les conceptions
constructivistes et celles behaviouristes. Aussi, en d’autres termes la refonte des
curriculadoit-elle passer peu à peu d’une pédagogie traditionnelle d’acquisition de savoirs
académiques à une approche par les compétences (APC) qui privilégie l’apprentissage de
capacités et de savoir-être « life skills », visant à une meilleure insertion des élèves dans
la vie économique. Cette nouvelle pédagogie fondée la « pédagogie de l’intégration »,
exige des curricula où sont définis « des familles de situations » à partir desquelles
l’enseignement participatif est assuré et une participation active des élèves est requise à
travers des activités d’intégration. Or, sur le terrain des plaintes récurrentes font état
d’une APC mal stabilisée, de l’incapacité des enseignants à élaborer des situations
problèmes point de départ de toute leçon, etc. Par ailleurs, dans aucun manuel
sélectionné, on ne retrouve des recettes toutes faites de situations problèmes.
L’enseignant est ainsi convié à un « bricolage pédagogique » dans un contexte qui ne
nourrit pas les savoirs par la formation continue ou le recyclage systématique. Mais la
réforme démarrée en 1995 n’est pas achevée parce qu’il s’agit encore aujourd’hui (2019)
de se demander quelles compétences attendre de cet enseignant ?

56
Yves Chevallard introduisait le terme de « transposition didactique » en 1980 pour expliquer le
passage des mathématiques savantes aux mathématiques enseignées. Le savoir scientifique
subit, en effet, de multiples transformations afin de se constituer en tant qu’objet
d’enseignement.
75
3.2. Les problèmes relevés auprès de l’éditeur
Premièrement, le Cameroun souffre d'un manque de personnel qualifié en
matière d'édition du livre scolaire. Au sein des établissements d’enseignement supérieur,
on ne recense pas de possibilités de formation de personnel de ce référentiel de métier.
Aussi, de nombreux problèmes font saillie lorsqu’il faut assurer une bonne qualité et une
autonomie de la production de manuels scolaires. La formation en édition requiert un
temps assez long pour l’acquisition des compétences. En plus du handicap afférent à la
formation, l’édition requiert de gros financements, ce qui explique que ce soit une activité
réservée à des commerçants avec un haut pouvoir financier ou encore à des grandes
firmes étrangères. Cependant, le profil d’un directeur d'édition dont le rôle est primordial
pour assurer une gestion efficace de toutes les activités éditoriales pourrait mobiliser une
formation à l’extérieur du pays en développement concerné. Par ailleurs, des formations
en édition sont possibles avec la coopération technique soit bilatérale, soit multilatérale,
notamment celles offertes par des organisations internationales telles que l'UNESCO,
dans le cadre de projets financés par la Banque Mondiale. Des offres, dans le cadre des
contrats avec des éditeurs privés, peuvent permettre l'édition à l'extérieur ou le
recrutement de spécialistes étrangers; dans ce dernier cas, l'avantage consisterait à
permettre une formation locale d'un personnel national.
Deuxièmement, la libéralisation du marché du livre ne milite pas en faveur de la
bonne marche de l’école mais beaucoup plus pour des raisons marchandes. Le
mercantilisme sans régulation est dévoilé par Tamgnoué, (2005 :25) qui utilise
l’expression « vautours d’autre genre » pour désigner les marchands du livre qui
recherchent absolument des gains élevés au détriment des parents ; la posture ainsi
décriée mobilise leur influence sur les décisions du CNAMSMD57 lorsque celui-là doit
opérer le choix des manuels agréés, comme le confirme les propos de Vounda Etoa,
(2017 : 390) pour qui ces « vautours sont prêts à tout pour faire entrer leurs manuels
dans les programmes scolaires ».
Troisièmement, du point de vue de la répartition géographique, la quasi totalité
des éditeurs francophones est basée à Yaoundé dans la mesure où on y retrouve une
grande variété éditoriale, notamment, l’éditeur historique à l’acronyme CLE, les éditeurs
de la couverture universitaire en collections de littérature, des sciences sociales, des
sciences humaines (PUY, PUCAC, AES, Ifrikiya, Afredit, etc.), un éditeur spécialisé
jeunesse (Tropiques), un éditeur de spécialité poésie (Lupeppo), la Société anonyme (à
capital public) de presse et d’édition du Cameroun (SOPECAM SA), etc. Dans la ville de
Douala, il y a lieu de relever les éditeurs de l’initiative privée tels que Les Cahiers de
l’Estuaire, Aceda, Passerelle, etc. Les villes de Buea et Limbe hébergent une forte
présence de l’édition scolaire anglophone ; on y distingue les éditeurs de l’initiative locale
(Cosmos et Anucam educational books, etc.) Et les antennes des éditeurs du Nord
Macmillan et Cambridge dans le Royaume Uni de Grande Bretagne. La question de la
répartition géographique en terme éditorial se pose avec acuité au Cameroun : la
centration des activités éditoriales dans les villes de Douala, Yaoundé, Buea et Limbè

57
CNAMSMD : Conseil National d'Agrément des Manuels Scolaires et des Matériels Didactiques
76
offre peu d’alternatives aux auteurs et écrivains éloignés de ces contextes. Les actions
palliatives à la carence observée se limitent pour le moment aux participations
associatives qui ne prennent cependant pas encore en compte la coédition ou la
traduction.
Quatrièmement, l’initiative afférente à l’association des éditeurs se développe.
En effet, l’Association des Editeurs Camerounais, le Réseau des Editeurs Camerounais,
l’"African Publisher Network", l’Alliance Internationale des Editeurs Indépendants et
l’éditeur AES (associé à 12 autres maisons d’édition africaines francophones) se
partagent le paysage éditorial du pays. Mais il apparaîtrait que la concurrence qui devrait
exister est plus proche de la rivalité pour une position monopolistique. La situation qui
prévaut devrait déjà mobiliser l’intervention de la Commission nationale de la
concurrence.
Cinquièmement, en ce qui concerne les associations en édition, il faut relever
que les bibliothèques universitaires (qui intègrent la dimension édition en leur sein)
fonctionnent plus à travers un réseau panafricain. Les librairies nationales travaillent en
relative autonomie. L’Association Internationale des Libraires Francophones offre pour le
moment le réseau le plus solide pour les librairies de la place
Sixièmement, l’édition camerounaise souffre de la contrefaçon et de la piraterie.
Au bord de la rue ou dans les bourses artisanales du livre, on peut entendre un
bouquiniste indiquer aux parents venus acheter les livres scolaires s’ils désirent
« l’original », « le faux » ou « la seconde main ». La différence de prix entre les trois
varie de 2000 à 2500 FCFA. Il s’agit là d’un mécanisme auquel les professionnels de la
vente du livre sont exposés ; aussi mobilisent-ils les forces de l‘ordre pour traquer les
faussaires ; mais ce mode d’action s’est avéré inefficace et inopérant. Leséditions CLE,
par exemple, estiment que la piraterie fait subir un manque à gagner d’environ 50
millions de FCFA par an.
Septièmement, les nombreuses difficultés liées à la production et à la
consommation du livre local ont induit une consommation plus intensive du livre
extérieur dont les prix défient la concurrence. Dans les librairies et les bibliothèques, le
rapport de 90% / 10% est avancé. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que, dans le
territoire camerounais, l’édition scolaire est quasiment monopolisée par des entreprises
de l’initiative privée française: Hachette, Edicef, Belin, Nathan. L’intensité capitalistique
mobilisée pour la fabrication du livre n’est pas comparable entre un éditeur de l’initiative
privée camerounaise et celui de l’initiative privée française. Par ailleurs, les modes de
soutien de l’Etat du Cameroun seraient à la survie de l’entreprise alors que ceux de l’Etat
français vise l’expansion économique. Aussi, parler de la production du livre au
Cameroun renvoie-t-il à évoquer son coût. En effet, le pays ne produit pas de papier et
importe en conséquence plusieurs intrants nécessaires à la fabrication du livre dans un
contexte global où les conventions de l’Union douanière internationale ratifiés par le
Cameroun exonèrent ces produits de frais, droits et taxes douanières. Mais il s’avère que
les entreprises locales importatrices des intrants pour la fabrication du livre se heurtent à
la pratique de mesures douanières locales contraires aux dispositions des accords de

77
l’Union douanière internationale. Les intrants pesant pour plus de 60% sur le coût de
fabrication du livre local induisent un prix de livre non robuste à la concurrence. À titre
d’illustration de la perception globale, Roger Kaffo Fokou, cité par EDITAFRICA (2011-
2018, non classé), affirme que :
« Saint-Exupéry disait que « l’avion nous prolonge pour nous permettre
de mieux conquérir et domestiquer l’espace ». Le livre est justement un
prolongement de notre pensée, étant entendu que la pensée, comme on
dit à travers la parole, fabrique le matériel : c’est elle qui transforme le
monde.Et donc, tant que nos sociétés ne vont pas comprendre que le livre
est un élément central de cette production de la pensée qui, finalement,
produit le monde, nous demeurerons le résultat de la pensée venue
d’ailleurs ».
Huitièmement, lorsque l’État camerounais adopte une politique d’agrément de
manuels scolaires, il est question d’entendre qu’à travers une commission spécialisée, le
département ministériel en charge choisit les livres parmi ceux qui lui sont présentés par
les éditeurs et en fait figurer un certain nombre sur la liste des ouvrages qui obéissent
aux programmes d’études. Il revient alors aux élèves et parents d’élèves de les acheter
dans les différents points de vente eux aussi agréés. Comme un système libéral et
décentralisé est mis en place (politique d’achat des ouvrages par les collectivités), les
éditeurs présentent leurs manuels aux établissements et en reçoivent les commandes de
ceux-ci, non plus de l’État central. On retient alors, non pas une diffusion à proprement
parler, mais un travail de présentation des manuels auprès des établissements scolaires
assuré par des « délégués pédagogiques ». Des systèmes qui entrecroisent les possibilités
mentionnées peuvent être mis en œuvre, notamment, la politique de l’agrément et de
l’achat centralisé.
3.3. Les problèmes relevés auprès de l’évaluateur
Premièrement, des dérives ont été observées dans l’organisation et le
fonctionnement du CNAMSMD. En effet, il est relevé que la grande majorité des membres
constituant cette instance ne sont ni spécialistes de l’éducation, ni enseignants. Comme
cela se fait dans les pays de l’OCDE58 et dans le cadre de la mise en œuvre des
recommandations de la CONFEMEN59, il serait en conséquence judicieux et opportun de
faire d’avantage appel aux spécialistes des sciences de l’éducation qui ont des
compétences avérées dans le domaine.
Deuxièmement, au moment de la constitution des commissions spécialisées
chargées de l’évaluation des manuels candidats pour la mise en œuvre des programmes
d’études, et pour des raisons de neutralité et d’objectivité dans les procédures, le
CNAMSMD devrait veiller en sorte que les enseignants spécialistes de l’évaluation et du

58
OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques regroupant 36 pays -
dont la plupart sont développés – avec en commun un système de gouvernement démocratique et
une économie de marché.
59
CONFEMEN : Conférence des ministres de l’éducation nationale ayant le français en partage
78
curriculum de la discipline concernée qui ne sont pas auteurs (ou concepteurs) soient
mobilisés pour en faire partie. Dans le cas contraire, la neutralité et l’objectivité auraient-
elles un sens dans un domaine où l’on est complètement ignorant? Il va de soi, dans de
telles conditions, que la qualité ne peut pas y être et que l’on proposera des objets
d’enseignement qui n’obéissent pas aux normes et surnormes liées à la demande sociale.
Troisièmement, au cours d’une édition du manuel scolaire, le département
ministériel ordonne, soit à la suite d’une commande expresse aux frais de l’éditeur, soit à
la suite d’un choix de l’éditeur, fait procéder à des tests en effectuations en classe par des
enseignants ou au moins présente des éléments clés de l’offre de signification (un
sommaire, un chapitre, etc.) à des enseignants pour en valider la forme et la pédagogie.
Dans tous les cas, la procédure ainsi présentée est insuffisante lorsqu’elle est soumise à
une évaluation robuste qui respecte les exigences en éducation, notamment à travers le
travail interdisciplinaire par projets (Nkeck Bidias, 2017ibid).

3.4. Les problèmes relevés auprès de l’utilisateur


Premièrement, le "feedback" ou retour d’action d’un enseignant de classe
compétent permet d’améliorer le manuel scolaire mais dans le cadre du travail
interdisciplinaire par projets. Les compétences attendues de l’enseignant en question sont
évaluables à travers des critères qui justifient l’efficacité de son intervention éducative
bienveillante en ce sens qu’il peut notamment, selon Nkeck Bidias, (2017ibid.) : 1/
indiquer des raisons et des finalités des apprentissages et des savoirs, ainsi qu’une faveur
de la gestion de la classe pour justifier l’absence d’enseignement de telle matière scolaire
ou pour promouvoir une approche thématique; 2/ déterminer ce qu’il convient d’intégrer
(objets d’études, notions, techniques, stratégies, compétences); 3/ préciser celui qui
intègre (apprenants, formateurs, concepteurs de programmes, auteurs de manuels
scolaires, etc.); 4/ définir le rapport au savoir à entretenir; 5/ énoncer des modèles
didactiques, dispositifs et procédures auxquels il fait recours; et 6/ estimer les taux
d’interdisciplinarité qui permettent de juger du niveau d’intégration des savoirs.
Deuxièmement, au MINEDUB60, l’ultime validation des curricula a eu lieu en mi-
février 2019 alors qu’une mouture non validée aurait servi pour l’élaboration des manuels
sélectionnés pour l’année scolaire en cours en violation des dispositions de l’Article 14.1
du décret N° 2017/11738/CAB/PM du 23 Novembre 201761. Les cas de violations de
textes réglementaires se multiplient en raison des inadéquations entre plannings des
processus de fabrication de livre scolaire et chronogrammes des instances officielles.
Troisièmement, presque chaque année, les enseignants, utilisateurs potentiels,
découvrent le livre scolaire au même moment que les apprenants qui leurs sont confiés, à
la rentrée scolaire, dans la mesure où ils ne sont pas partie prenante dans le choix du
livre. L’offre de signification pédagogique et didactique pourrait imposer des

60
MINEDUB : Ministère de l’éducation de base du Cameroun
61
«Tout livre, manuel scolaire ou matériel didactique est inscrit au programme d’enseignement
pour une période de six (06) ans. Au terme de cette période, il fait l’objet d’une nouvelle
évaluation et peut être reconduit ».
79
modifications inadaptées dans les environnements des classes, et déteindre en
conséquence sur la qualité des enseignements.
Quatrièmement, le texte règlementaire susmentionné détermine la durée
d’utilisation d’un livre au programme avant une nouvelle évaluation : six ans. Mais l’on
constate que presque chaque année, les livres changent. Plus grave, ils sont tous
accompagnés de cahiers d’exercice. Ce qui signifie que personne d’autre ne peut utiliser
le même livre au cours des années suivantes ; et, lorsque l’apprenant reprend une classe,
il est condamné à acheter un autre livre puisque le cahier d’exercice ne peut s’acquérir
indépendamment du livre. Il apparaît en conséquence que beaucoup d’élèves ne peuvent
pas se procurer la totalité des livres, puisque les parents ne sont pas assez fortunés. Une
importante partie des apprenants se retrouvent sans manuels scolaires. Certains parents,
ayant pourtant les aptitudes intellectuelles adéquates, sont incapables de suivre leurs
enfants parce que les livres changent à tout moment. Pour eux, suivre leurs enfants
correspondrait à un recyclage annuel perpétuel. D’où leur hostilité à se soumettre à un tel
exercice.

Conclusion
Le processus de fabrication du manuel scolaire est complexe. De nombreux
acteurs accomplissent des tâches, conduisent des activités et assurent des rôles de
manière quasi simultanée. À ce titre, la coopération, la coordination, la collaboration et
la professionnalité des différents acteurs sont mobilisées pour une offre de signification
qui est un ouvrage imprimé, répondant à un programme d’études. Le Cameroun devrait
se doter de moyens (structures, instances) pour le contrôle, la régulation et la facilitation,
ainsi que d’un système financier qui viabilise les différents segments du processus de
production du livre scolaire. Les moyens de contrôle et de validation devraient
essentiellement être composés et animés par des personnalités expertes, spécialistes de
contenus qui maîtrisent par ailleurs l’épistémologie et l’évaluation dans le cadre global
d’un travail interdisciplinaire par projets. Le système d’incitation de l’initiative publique,
privée ou du pôle de la société civile devrait avoir un ancrage local en même temps qu’il
intègre les dispositions des conventions et traités ratifiés, notamment, les accords de
l’Union douanière internationale.

Bibliographie
L’Alliance internationale des éditeurs indépendants,L’accès au livre : édition solidaire
et bibliodiversité (coll.), Bruxelles : Colophon Editions, 2003.
Ficquet, É et Shiferaw, B.,« Le marché du livre éthiopien à l'épreuve de la
diversité »,dans Politique africaine. 2005 /3 (N° 99), pp 83-96
Gérard, F-M. et Roegiers, X., Des manuels scolaires pour apprendre, concevoir, évaluer,
utiliser, De Boeck Supérieur, 2009
Fonkoua, P. ; Toukam, Éléments d’éducation à la morale et à la citoyenneté au
Cameroun, Yaoundé : éditions Terroirs, 2007.

80
Grossen, M., Liengme-Bessire, M.-J. et Perret-Clément, A.-N., « Construction de
l’interaction et dynamiques socio-cognitives » In M. Grossen et B. Py (dir.),
Pratiques sociales et médiations symboliques.1997, pp 221-247. Berne : Peter
Lang.
Lebrun, J., Bédard, J., Hasni, A. et Grenon, V., Le matériel didactique et
pédagogique: soutien à l’appropriation ou déterminant de l’intervention
éducative, 2006. Sainte-Foy : Presses de l’Université de Laval.
NkeckBidias, R.S.,« Le travail par projets interdisciplinaire en formation à
l’enseignement dans le préscolaire », Chapitre 7 dans : Savoirs au travail,
savoirs en partage en éducation et formation, AGORA Recherche (Cécile
Gardiès, coord.), 2017,Educagri éditions.
Read, T.,Où sont passés tous les manuels scolaires ? Vers une fourniture durable de
supports didactiques et pédagogiques en Afrique subsaharienne, 2016, Direction
du développement, Washington, DC : Banque mondiale. DOI:10.1596/978-1-
4648-0716-9. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO
Verspoor, A. et K. Wu.,Textbooks and Education Development, Une étude de la Banque
mondiale. Washington, DC : Banque mondiale, 1990.
Tamgnoué, D.,« Le manuel scolaire de français : problématique, enjeux et
perspectives », in Association des enseignants de français du Cameroun (AEFCA),
Gérer l’innovation pédagogique en classe de français aujourd’hui, Actes du 5ième
atelier régional, Bafoussam, 1er et 2 avril 2005.
Vounda Etoa, M.,« Interrogations sur la pertinence et la cohérence de la politique du
manuel scolaire au Cameroun »,dans Actes du colloque sur La didactique de la
littérature en contexte camerounais: Interrogation, dilemmes et modalités de
transmission, 2016. Afrédit, Sous la direction de Mbala Ze, B ; Mbassi Ateba, R. ;
Abada Medjo, J.C.

81
82
LA SELECTION DU LIVRE/MANUEL SCOLAIRE :
CADRE, ACTEURS ET FONCTIONS

Professeure Patricia BISSA ENAMA,


Université de Yaoundé I
Patricia BISSA ENAMA est titulaire d’un Doctorat Nouveau Régime (1998) de l’Université
Blaise Pascal de Clermont-Ferrand en France et d’une Habilitation à Diriger les
Recherches (2012) à l’Université de Yaoundé I. Enseignante de Littérature comparée à
l’Université de Yaoundé I, Professeur titulaire des universités, elle s’intéresse à la
littérature de jeunesse, aux mythes littéraires, à la paralittérature (le roman policier) et
aux littératures testimoniale et intime. Elle a présenté des travaux dans ces différents
domaines parmi lesquels deux ouvrages : Absence, Quête et enquête aux Editions PIE
Peter Lang à Bruxelles (2011) et Le Secret dans le roman francophone contemporain
publié aux Presses Universitaires de l’Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand) déc.
2015.

Résumé

Eduquer, c’est former et informer. Former les esprits, construire l’homme à/de
tous les âges. Pour ce faire, avec la naissance de cet acte révolutionnaire qu’est l’écriture,
le livre, plus encore le livre scolaire, est devenu un objet sacré, consacré comme
instrument privilégié de transmission du savoir. Il intéresse de ce fait, à travers toutes les
couches sociales, une très grande diversité d’acteurs : le concepteur, l’évaluateur, le
diffuseur, le pratiquant (l’instructeur et le disciple) mais également le parent, le tuteur, le
commerçant, le politique… En raison de l’infinitude de son impact, deux dangers
extrêmes menacent son existence : saturation et abondance des supports d’une part,
arbitrage exclusif, sélectif et susceptible d’asphyxier la dynamique du savoir d’autre part.
Aussi faut-il le sélectionner avec un soin extrême. Mais comment y parvenir? Parce que
plusieurs instances y ont part, dans les sens vertical et horizontal, comment permettre
aux unes et aux autres de jouer parfaitement et pleinement leurs rôles de manière à offrir
une exploitation optimale de cet outil éducatif ? Cette complexité laisse entrevoir l’enjeu
crucial et la responsabilité qui incombent à ceux-là désignés pour présider à la sélection
de cet objet polymorphe, multidimensionnel, pluridisciplinaire. Nous nous emploierons
dès lors non seulement à identifier les différents acteurs, leurs niveaux d’intervention
mais surtout à relire les potentialités, la surestimation et souvent la mésestimation dont
ils sont l’objet et qui tendent à réduire l’impact fondamental du livre, manuel scolaire.

Mots clés : Sélection – évaluateur – transmission du savoir – livre scolaire

83
Introduction

Le manuel ou le livre scolaire jouit d’une place importante dans l’opinion


publique ainsi que dans le débat relatif à la formation scolaire des jeunes. La controverse
qu’il suscite est d’autant plus brûlante qu’il engage toutes les couches de la société. Il
concerne les domaines aussi sensibles et divers que l’économie, la politique, les questions
sociales, entre autres. Certains l’ont défini comme cette part d’école qui entre dans le
giron familial, l’imprègne et l’impacte à un degré inimaginable. Il n’est qu’à voir la fièvre
qui gagne tout acteur social : parent, tuteur, responsable de famille, commerçant,
politique, dans toutes les sociétés du monde à l’approche de la rentrée scolaire. Quel que
soit le système éducatif ou l’État, communiste, capitaliste ou non ‘aligné’, le livre scolaire
de même que la vie scolaire ponctue et rythme bon nombre d’activités. La controverse et
les polémiques qu’il suscite vont de son poids (encombrement des cartables), à son
sexisme, aux approximations des contenus, aux images scandaleuses en passant par la
qualité du matériel usité.
Toutefois, il nous semble bien que l’institution scolaire voudrait de plus en plus
mettre l’accent plus sur la transmission que sur le savoir. Puisque l’encyclopédisme,
l’empilement des connaissances ne cesse d’être dénoncé, le but, ou du moins, l’acte
éducateur majeur est d’apprendre à apprendre ; non seulement enregistrer les savoirs
mais se les approprier. Le livre et le maître doivent « éveiller » l’élève, capter son
attention, lui donner le désir d’apprendre. Il s’agit donc de promouvoir un enseignement
attrayant. Dans cet univers et dans ce lourd programme, on note que l’élève est l’acteur
central de sa propre instruction ; alors, quelle est la place du manuel scolaire qui doit non
seulement se conformer aux programmes officiels mais aussi mettre en place les
pratiques pédagogiques pensées par l’institution ?
Le manuel scolaire, au-delà de l’enjeu terminologique, reste un instrument
pédagogique pour l’enseignant, accessoirement pour le parent, mais surtout un support
et un contenu éducatif très important pour l’élève. Il est un véhicule qui draine des
prescriptions en lien étroit avec des valeurs, un environnement, une idéologie, une
culture. Ce faisant, le livre scolaire agit en profondeur dans le processus de formation,
d’information, de socialisation en vue de construire à la base un cadre de référence
égalitaire pour tout apprenant jusqu’à un âge donné. Ainsi, de l’ambiguïté de la
terminologie à la fonction à assumer étroitement, souvent de manière impérative, en
passant par la grande diversité des acteurs (concepteurs, producteurs, évaluateurs,
diffuseurs et pratiquants), tout rappelle que le livre scolaire est un géant aux pieds
d’argile. Fondamental, transversal, imposant, il reste trop sensible, et sa fragilité est
assimilable à celle d’un fil de soie et son impact aussi dévastateur qu’une guerre. Ne
parle-t-on pas d’ailleurs de « guerre des manuels scolaires » ? La question que nous
voulons nous poser ici est de savoir comment surmonter la crise que couve d’une année à
l’autre au Cameroun le choix du manuel scolaire. En effet, malgré les efforts de l’Etat, le
livre et le manuel scolaires restent encore marqués de lésions tenaces. Ce grincement
dans le mécanisme nous laisse penser qu’il y a encore quelque chose à faire, que tout
n’est pas fait, qu’un chemin reste à parcourir pour tendre vers la perfection et l’atteinte
84
des objectifs louables contenus dans la Circulaire du Premier Ministre N° 002/CAB/PM du
23 novembre 2017. Dans cette réflexion en effet, le Chef du Gouvernement a décliné en
vingt-deux points (« de manière non exhaustive ») les principes généraux de l’orientation
et la conduite de l’État en matière d’éducation énoncés dans le Document de Stratégie
pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) et le Document de Stratégie de l’Education et de la
Formation (DESF).
Le pouvoir que contient le livre scolaire doit tenir de sa transversalité et de la
minutie qui le charrient. Car sa confection va de la phase de conception, d’élaboration à
la distribution et diffusion. Tout y importe, le contenant comme le contenu. Dès lors, il va
sans dire que si un maillon s’avère défectueux, irrégulier, c’est toute la chaîne, dans son
sa verticalité et dans son horizontalité, par discipline ou par niveau, qui est mise en péril
ou du moins portée à suspicion. Le dernier exemple en date est l’agitation qui a traversé
le livre et tous ses acteurs lors de la dernière rentrée scolaire au Cameroun autour d’une
illustration en sciences. Aussi souhaitons-nous poursuivre la réflexion sur la manière de
prévenir de tels moments ; comment faire jouer au manuel son plein rôle en ces temps où
d’autres « maîtres » : l’internet, le numérique, les réseaux sociaux, tendent à supplanter à
plusieurs endroits ce frêle outil ?
A travers un regard sur la terminologie, nous voulons relever la nuance qui
existe entre livre et manuel et voir les rôles liés directement ou indirectement à l’un ou à
l’autre. Nous verrons dès lors que chaque facette du manuel est associée à une teneur
particulière et sollicite des acteurs et des fonctions implicites.
1. Une terminologie qui remet en cause le livre unique
L’expression « livre scolaire », dans son acception commune, renvoie à un
assemblage de feuilles imprimées et réunies en un volume relié ou broché » destiné aux
établissements scolaires62. Ainsi, le livre n’est qu’une partie d’un grand ensemble qui, on
le devine bien, peut compter des textes manuscrits, des documents audio-visuels, des
textes et documents imprimés, des périodiques réunis ou non en un ou plusieurs volumes.
Il s’agit dans la notion de « livre scolaire » de récapituler tout objet publié (broché) qui
sert à porter, à aider, à transmettre un enseignement. Mais dans cet ensemble que l’on
désigne par livre scolaire, on peut trouver que certains livres jouent les uns vis-à-vis des
autres des rôles complémentaires ou concurrentiels. Dès lors, sans remettre radicalement
en cause la notion de livre scolaire, il ne demeure pas moins que d’une part, l’entrée en
scène d’un instrument autre que le papier remet en cause la primauté du livre imprimé, et
d’autre part, coupe court, du fait fréquent de la rareté du livre, le rêve d’universalisation
de l’école que les politiques nationales ont souligné avec force. Tout ceci ne manque pas
d’avoir de réelles répercussions sur l’entendement que l’on a du livre scolaire, acté dans
le temps et dans l’espace. Une manière de souligner que le mot pris dans son acception
brute a une valeur générique. L’expression désigne donc une certaine catégorie
d’ouvrages. C’est d’ailleurs ce qui a justifié la décision toute récente de limiter à un

62
Le Dictionnaire Universel, AUF, Hachette, Edicef, 1988.
85
manuel scolaire et/ou matériel didactique par matière pour une durée de six (06) ans63,
au lieu des cinq (05) livres arrêtés par le passé, parmi lesquels les responsables des
établissements scolaires pouvaient choisir trois (03) selon leur convenance. Il s’agissait,
dans la formule de cinq livres, de prioriser ou de pratiquer une méthode d’enseignement
presque individuelle où le conseil d’enseignement des établissements, à défaut, le chef
d’établissement, a la latitude d’orienter la composition du cartable de l’élève. Le risque
était donc de trouver des livres scolaires peu harmonisés d’un établissement à un autre.
Et finalement, cette sélection, à tous points de vue, comportait une bonne dose de
vénalité ou de tribalisme que Marcelin Vounda Etoa a souligné à grand renfort de
dénonciation et d’indignité dans son ouvrage qui a fait date : Livre et manuel scolaires au
Cameroun. La dérive mercantiliste64.
Au demeurant, un fait est certain qui se passe de démonstration : le « livre
scolaire » renvoie à des livres imprimés à l’usage unique des classes (de toutes les
classes, de tous les temps); ce qui pourrait aussi s’entendre comme des « classiques », le
langage courant a récupéré cette idée en parlant de « cas d’école » pour dire d’une chose
qu’elle est classique, courante, logique, qui relève du bon sens. Aussi, le livre scolaire,
destiné à la classe, donc « livre classique », pourrait s’entendre comme l’ouvrage de
base, celui qui présente la logique et les fondamentaux d’une discipline, son
épistémologie. Mais dans cette catégorie, peut-on ranger les ouvrages que certains
enseignants ou responsables d’établissements décident d’insérer comme
complémentaires, indispensables ? Les usuels ? Les instruments pédagogiques souvent
éloignés de ceux arrêtés sur la liste des livres officiels, mais non moins utiles ? Ce sont
aussi les syllabaires, les alphabets, les supports généralement fédérés sous le terme
directeur de : guide, méthode, livre de vulgarisation, de pédagogie, de lectures
instructives, parfois nous y dénombrons des lectures récréatives pour la jeunesse, les
cartes, les tableaux muraux (Atlas) et autres qui se présentent comme un florilège, un
recueil ou un condensé de notions, d’abrégés. En d’autres termes, le livre scolaire destiné
à la classe comme son épithète l’indique, fait référence à un certain contenu, à tout ce
qui est susceptible d’asseoir la connaissance. Aussi, la question que nous pouvons nous
poser est-elle de savoir si le passage de 5 à 1 livre unique ne serait pas une camisole de
force ? Sorte de régime amincissant, dégressif, pas toujours bienfaisant ; car l’anorexie
n’en est pas très éloignée. Ces deux extrémités ne se toucheraient-elles pas finalement
dans le cas de ces élèves qui avaient déjà une forte propension à rejeter le livre ? Il serait
donc souhaitable d’exclure des listes officielles le terme « livre » et ne garder que celui de
« manuel ». Le ‘livre’ reste ce que globalement la bibliothèque de l’établissement doit
obligatoirement acquérir pour la divulgation du savoir chez ses élèves dans le seul but de
promouvoir le savoir puisqu’il est un bien matériel, patrimonial, la preuve du lettrisme,
peut-être de l’élitisme. Ce fait remet ainsi en cause la thèse du « livre unique ».

63
Décret du Premier Ministre N° 2017/11738/CAB/PM du 23 Nov 2017.
64
Marcelin Vounda Etoa, Livre et manuel scolaires au Cameroun. La dérive mercantiliste, Yaoundé,
Les P.U.Y 2016.
86
Par ailleurs, la signification peutêtre différente lorsqu’il s’agit de l’expression
« manuel scolaire ». Le substantif du groupe de mots laisse a priori penser dans sa
signification première à un ouvrage que l’on tient à la main ou à portée de la main, un
sous-main, un condensé, un répertoire de notions, pour dire qu’il peut s’agir d’un livre qui
expose des notions essentielles à une discipline donnée, à un niveau donné65. Le concept,
souligne Puget, englobe également, outre les livres destinés explicitement aux classes
depuis l’école élémentaire jusqu’à l’université, mais aussi tout ce qui a un caractère
didactique exclusif, ce qui découpe, explique, résume, adapte, oriente… (idem). Au
demeurant, le dictionnaire rappelle que le vocable « manuel » renvoie à tout ce qui se
réfère à l’activité manuelle, qui relève de l’intervention active de l’homme, par opposition
à l’activité intellectuelle.
Les manuels sont ainsi construits qu’ils n’exposent pas seulement les savoirs
prescrits, mais indiquent une pédagogie et une approche didactique. Ce faisant, le terme
permet une fois de plus que l’on sorte de la logique du livre unique (au risque du volume
et du prix), si l’on considère simplement le fait que pour chaque discipline, la recherche
de plus en plus poussée, peut faire accéder, pour certains niveaux, à un nombre
important d’ouvrages didactiques. Ceci peut-être le cas pour les enseignements de
philosophie, de littérature, de langue qui s’accompagnent généralement de cours sur la
méthodologie des exercices littéraires (dissertation, explication de textes, commentaire
composé, synthèse des documents) en classes de Terminales ou avant.
Aussi sommes-nous en droit de craindre que l’exhaustivité en matière de « livre
et manuel scolaires » ne fasse pas l’unanimité, et crée une contradiction fonctionnelle
dans un univers régi par la logique et le bon sens, dont Descartes dit qu’elle est la chose
du monde la mieux partagée. Il s’agit dès lors de trouver la meilleure approche
permettant une option plus mesurée et plus bigarrée qui présidera à la sélection de cet
instrument destiné à la diffusion du savoir. En somme, un débat autour de la
terminologie pourra lever quelques points à préciser (manuel/livre, le nombre/la part à
acheter par les parents, les établissements et la collectivité décentralisée) qui grippent la
politique du manuel scolaire et du matériel didactique.
Il nous semble en fin de compte que le Conseil doit définir deux catégories de
livres scolaires : les uns qui possèdent un caractère fonctionnellement scolaire
indépendamment d’un usage tangible ; les autres qui sont d’un usage permanent et
associés de manière générale à la connaissance et par ricochet au contexte scolaire. Cette
dernière catégorie pourrait donc amener à parler d’un livre construit par cycle, tout au
moins à l’école primaire et au 1er cycle du secondaire. Ce qui assurerait dans une même
discipline une certaine cohérence verticale et horizontale des savoirs. Il faut également
réfléchir aux possibilités de polyvalence des manuels : que le cours de mathématiques
soit aussi le lieu d’ouvrir une brèche sur la langue, les accords des verbes ou autres. Il
s’agit de construire des manuels qui, d’une part, ne sont pas clos sur une seule discipline
et, d’autre part, pourraient constituer une référence. C’est ainsi qu’on pourrait par
exemple s’interroger sur le fait que les enseignements d’histoire et de géographie, parce

65
M. Puget, « Le Livre scolaire », in Tendances, 22 avril 1963, p. 218.
87
que dispensés par le même enseignant, pourraient s’appuyer sur un même manuel. Ou
encore, notons que la lecture n’est pas vraiment encouragée par les manuels alors qu’elle
devrait être un des objectifs transdisciplinaires prioritaires. L’exposé des savoirs est trop
fragmenté, et les documents proposés sont davantage conçus (surtout à l’école primaire
et au 1er cycle du secondaire) plus pour une exploitation en classe que pour une lecture
hors de la classe.
Des manuels réservés au savoir brut se trouveraient donc logés dans les
bibliothèques et issus du budget de l’État ou des dons de parents et autres bienfaiteurs.
Au demeurant, la question de la bibliothèque induit que l’on réfléchisse sur le corps de
métier y relatif. Le livre qui plait et séduit est avant tout celui que l’on lit en dehors de
tout cadre compétitif. Le livre scolaire, mis à la disposition de l’élève, sera donc celui qui
prolonge dans le temps et l’espace le message éducatif que l’on trouve notamment dans
les manuels.

1.1. Le type de manuel


A un moment où se multiplient les sources d’information aisément accessibles,
les élèves ont besoin de livres de référence (donc de manuels) qui proposent l’essentiel
des connaissances prescrites par les programmes. Les manuels doivent distinguer
clairement l’exposé des connaissances de la partie exercices. La construction souvent en
mosaïque, qui dilue les savoirs, doit être abandonnée au secondaire en l’occurrence.
Cette distinction entre le savoir et les outils qui permettent sa construction et son
appropriation doit permettre de rendre aux professeurs la maîtrise de la mise en œuvre
pédagogique, presque confisquée par les manuels. Le manuel doit assurer la cohérence
des apprentissages. Il reste sans doute encore à inventer, selon les niveaux, des formes
d’écriture accessibles aux élèves. La réflexion sur la lecture pourrait par exemple être au
cœur de toute réflexion sur les manuels dès lors que tout texte est lu. L’exposé des
connaissances occupe dans les manuels une place dirons-nous minoritaire, quelles que
soient les disciplines et les niveaux considérés. Contrairement à ce que l’on pourrait
penser, la part des connaissances n’est pas toujours élevée dans les manuels. Certes,
dans certaines disciplines, la diversité est très grande.
Le contenu et les finalités des manuels de langues vivantes ne permettent pas
d’utiliser exactement les mêmes catégories d’analyse. Ainsi ce n’est pas l’exposé du savoir
qui gonfle les manuels. Les documents qui contribuent à l’élaboration du savoir ne sont pas
toujours distingués de textes ou des images dont la fonction est simplement illustrative,
voire décorative. Autrement dit, il est bien difficile à un élève de posséder les clés qui lui
donnent la place et le rôle de chaque élément, de distinguer l’essentiel de l’accessoire. Les
exercices, les nombreuses pages « méthode», « à retenir », « le point sur » etc... dessinent
une pédagogie qui normalement devrait être de la responsabilité du maître. Sauf
exception rare, l’apprentissage n’est pas réellement progressif, il vise l’élève supposé
moyen. Enfin certains outils quasi canoniques ont-ils réellement les vertus pédagogiques
qu’on leur prête ? L’utilisation du papier millimétré… Certains organigrammes
compliquent en réalité ce qu’ils sont censés simplifier. Cette invasion du pédagogique
s’explique par la volonté, issue de l’institution, de favoriser le travail autonome des
88
élèves. Elle est contemporaine de la critique virulente du « cours magistral » et s’exprime
par la multiplication du terme « Activités » comme intitulé de bon nombre de rubriques.
L’élève devrait «dialoguer» avec son livre comme il est incité, pendant les heures
d’enseignement, à dialoguer avec le professeur. La complexité des itinéraires proposés
permet-elle réellement une pratique autonome du manuel ? Le manuel offre, en effet, en
apparence tous les éléments nécessaires à la construction des savoirs. Il pourrait donc
remplacer le professeur puisqu’il contient non seulement le savoir mais aussi son
élaboration et même la vérification de son appropriation. Mais cependant, cette
complexité met à la disposition des enseignants un considérable matériau pédagogique
qui risque de ne pas les inciter à aller, pour préparer leur enseignement, aux sources
mêmes du savoir.
Les manuels de l’école primaire comme ceux du collège sont parfois envahis par
des images à visée humoristique. Les personnages de bande dessinée multiplient les clins
d’œil au lecteur. Au secondaire, l’image doit donner ses lettres de noblesse culturelle au
manuel. Mais souvent, c’est le contraire. Ainsi la cohabitation d’images récréatives ou
décoratives avec des images qui mériteraient analyse ne permet pas toujours un
apprentissage raisonné. Dans les disciplines scientifiques certaines images sont de vrais
documents, d’autres sont de pseudo documents scientifiques, dont le mode d’obtention
n’est pas indiqué et sans lien avec le contexte de l’étude.
La crise du manuel s’explique donc à la fois par la crise d’un modèle
pédagogique et par la concurrence des technologies (l’audio-visuel) contemporaines
d’information et de communication. L’exposé des savoirs ne représente souvent qu’une
faible part de leur volume. Le manuel, en multipliant rubriques et entrées, en
développant la pédagogie au détriment de l’exposé des connaissances, n’est plus une
référence mais une mise côte à côte, dont seul le maître a les clés d’assemblage. Ces
différents constats permettent de dire rétrospectivement que le concept de livre scolaire
se laisse difficilement appréhender dans son fondement. Car, selon le contexte
d’approche, l’accent peut être mis soit sur sa fonction, soit sur sa nature ou bien sur sa
diffusion. En somme, les manuels respectent généralement la lettre des programmes, ils
doivent en respecter également l’esprit. Puisqu’ils demeurent un objet d’une très grande
complexité et profondément multiforme.

2. Le Livre, un objet à facettes multiples : un difficile mécanisme de


sélection
Dans Cahiers pédagogiques, Cl. et P. J. Galtayries considèrent que « Les livres
scolaires sont tous des livres conçus dans l’intention de servir à l’enseignement. Comme
tels, ils s’adressent donc à tous les élèves, de toutes les classes, de toutes les sections,
pour tous les examens, certificats et diplômes. Ils s’adressent aussi aux maîtres :
indirectement d’abord par le truchement du livre de l’élève et tout particulièrement
ensuite, par le livre du maître66.»

66
Cl. et P. J. Galtayries, « Manuels : danger ! » in Cahiers pédagogiques, 132, mars 1075, p. 6.
89
Cette définition qui laisse prévaloir que le livre scolaire est ce qu’il y a de plus
englobant, exclut par la même occasion tous les ouvrages qui, bien qu’ils n’aient pas été
conçus dans l’intention de servir à l’enseignement, ont obtenu avec la généralisation de
leur emploi dans les classes, et par le biais d’une certaine caution, même a posteriori, leur
place à l’école. Le livre scolaire est finalement un objet en perpétuelle mutation, et les
discussions autour de cette question font constamment surface dans le paysage éducatif,
social, économique et politique de notre pays. Il est donc évident que l’État est conscient
de ce que l’instruction du peuple reste un enjeu et un défi réels, nécessaires, pour former
les citoyens. Il existe donc en marge de cette situation, la remise en cause de la
pertinence d’une liste officielle bien arrêtée. A cet effet par exemple, la consécration
d’une œuvre de fiction au point d’en faire un modèle pour la jeunesse restera toujours à
démontrer. Même des textes portés au pinacle peuvent être mal perçus. On peut par
exemple être en droit de se demander si Madame Bovary de Flaubert, Bel-Ami de Guy de
Maupassant ou Alcools et Calligrammes (compilés frauduleusement en Callicools) de
Guillaume Apollinaire ne font pas à première vue l’apologie d’un comportement
décadent. Devenant des bombes larvaires entre les mains de jeunes esprits, parfois en
mal de démonstration de leur égo.
En outre, une liste élaborée et arrêtée des manuels laisse voir la menace d’une
centralisation, d’une monopolisation et d’un absolutisme néfastes pour la valorisation du
savoir dans ses canons et dans ses nuances. Puisque d’une manière générale, nous
devons admettre que les objectifs et les canaux qu’emprunte le mode d’acquisition du
savoir sont fondamentalement très variés. Si l’on parle de politique nationale du manuel,
c’est parce que précisément celle-ci se conçoit à très haute échelle. Mais il est
souhaitable que leur contenu soit adapté au contexte, à l’environnement dans lequel
vivent les apprenants et surtout que cet environnement soit en cohésion avec les valeurs
que l’école promeut. Car, évoquer le livre comme référence, c’est aussi souligner que le
savoir dispensé doit être moins abstrait et plus facilement accessible et visible pour
l’apprenant. Comment parler de civisme, de pollution dans un environnement qui s’y
prête peu ? Ou encore comment étudier un relief, un habitat, un climat, totalement
inconnus de l’apprenant ? C’est d’ailleurs pour une telle raison que Jean-Jacques
Rousseau s’écrie dans L’Émile ou de l’éducation : « Je hais les livres, ils n’apprennent
qu’à parler de ce qu’on ne sait pas »67.
Un débat franc et ouvert sur la question de la liste des livres officiels au
programme confronté aux initiatives privées devrait être entrepris. En France par
exemple, l’histoire de la législative du livre scolaire montre que dans les écoles primaires,
c’est la « loi du Veto »68 qui est restée longtemps en vigueur, à savoir qu’est autorisé tout

67
Jean-Jacques Rousseau, L’Émile ou l’éducation, (Livre III), in Œuvres complètes, t.4, La Pléiade,
Paris, 1969, p. 454.
68
Le Règlement relatif aux inspections des écoles primaires du 27 février 1835 énonce que « L’inspecteur
primaire s’assurera qu’il n’est fait usage, dans les écoles publiques, que des ouvrages autorisés par le Conseil
royal, et que les livres employés dans les écoles privées ne contiennent rien de contraire à la morale », cité par
Alain Choppin « L’Histoire des manuels scolaires. Une approche globale », in Histoire de l’éducation, N°9,
1980, p. 19, http://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1980_num_9_1_1017.
90
ouvrage qui n’a pas été frappé d’une interdiction officielle. Autrement dit, tout ouvrage
est susceptible d’adresser un message éducatif, jusqu’à preuve du contraire. Mais bien
évidemment le temps et les intérêts cachés ont eu raison d’un tel mécanisme de sélection
au Cameroun. Toutefois, de plus en plus, le débat se fait houleux, parfois paradoxal,
autour du livre scolaire au point de pousser à s’interroger sur la portée du manuel
scolaire. Comment en faire un véritable objet de transmission de la culture, et, ne pas le
confiner dans un rôle de banque d’exercices répétitifs ? D’ailleurs l’assemblage livre du
maître - cahier d’activités doit être remis en cause d’autant plus que ce dernier très
souvent est, nullement ou très peu, utilisé. A titre d’exemple, dans les premières classes
du primaire, l’apprentissage de l’écriture dans le cahier d’activités se fait sur un support
qui ne relève pas du quotidien de l’élève (son cahier). Ce qui remet en cause la nécessité
d’un tel manuel. Combien de cahiers d’activités sont remplis en fin d’année quelque soit
le niveau ?
Une recherche réelle doit donc se faire au sujet du manuel scolaire à travers des
expositions, des colloques... Le livre scolaire est un objet d’enjeux trop importants qui
dépassent le cadre de l’école, il est susceptible d’aider au développement, de convertir et
d’assainir les mentalités, d’impacter une société plus épanouissante et plus juste. Et pour
cette raison, en réalité, c’est chaque aspect, chaque facette de la constitution du manuel
qui devrait faire l’objet d’une analyse détaillée, profonde et conséquente. En somme, les
manuels, tels qu’ils sont aujourd’hui, disent l’épuisement d’un modèle qui met plus en
évidence les savoir-faire que les contenus, la pédagogie plus que les savoirs. La
multiplication fait perdre aux manuels leur rôle de référence. La dilution des savoirs
risque d’être une perte de sens. Ce risque est multiplié par l’absence d’indication explicite
sur les finalités des connaissances enseignées sur la vie pratique, ou pour une profession.
Dans ces conditions, les élèves peuvent-ils réellement « construire leur savoir » ?

3. Axes possibles d’un débat ouvert


Notre propos, dans le cadre de cette réflexion, n’est pas de revoir les ouvrages
mis au programme des enseignements élémentaires et secondaires, mais d’interroger les
zones d’ombre susceptibles de créer tôt ou tard des moments de crise dans la vie scolaire,
voire nationale, comme ce fut le cas à la rentrée 2018/2019 à propos du livre de SVT.
Nous voulons pour ainsi dire relever quelques domaines encore délaissés ou effleurés qui
mériteraient d’être étudiés et abordés dans la vérité de leur complexité et des
corrélations qu’ils génèrent.

3.1. Le contenu du livre scolaire


Le contenu du livre scolaire est le domaine qui fait le plus de gorges chaudes. Il
est celui qui d’emblée retient l’attention. En effet, le livre scolaire est avant tout perçu
comme un objet, dépositaire et véhicule d’un contenu. Il serait dès lors intéressant de voir
qu’un aspect de la réflexion autour du livre peut porter sur le volet sociologique de cet
objet. Ainsi par exemple, on peut concevoir une manière transversale d’étudier certaines
thématiques : comment faire valoir le patriotisme à travers plusieurs disciplines. En
somme au contenu peut être apportée une plus-value qui oriente davantage vers un

91
thème, un contexte, un objectif identitaire, culturel. On pourrait évoquer le même
principe pour un thème comme le colonialisme ou le racisme. Certes, ces questions
pourraient figurer dans les disciplines où elles s’inscriraient naturellement (Histoire ou
Littérature) mais également, pourquoi ne pas les insérer dans un espace où elles peuvent,
même incidemment, jouer un rôle et avoir une portée ? Ce qui reviendrait à penser à un
fond transversal dans les disciplines. Un débat consensuel et national pourrait donc
s’attarder sur la question de savoir quelle image le livre scolaire peut offrir d’un groupe
social déterminé ou de notre société69 ? Quel stéréotype serait-il souhaitable de
rencontrer dans les manuels ? Quel inconscient ou quelle mentalité collective
contribuent-ils à former ou à projeter? Ainsi le livre doit être, ou peut être, sélectionné en
fonction du texte, certes, mais aussi au regard du langage, de l’iconographie utilisée,
dans le but d’éduquer profondément et radicalement les masses, la jeunesse, socle d’un
pays. Ainsi, selon une ligne directrice avérée et arrêtée, peut-être de façon consensuelle.
Au savoir à dispenser s’ajouterait une orientation qui sert de repère et de boussole pour
une génération et pour un peuple.
Tout est donc question d’objectifs nationaux de formation, du rôle de l’école, de
la visée et des politiques nationales à saisir à travers la matière qu’est le livre scolaire, et
partant, l’éducation. Il ne s’agit pas du savoir pour le savoir mais de la cognition pour la
construction d’une meilleure société et vice-versa. Certes, à propos de contenu, on sait
d’avance que l’histoire, la littérature, la morale et la géographie sont des disciplines à
très forte richesse de contenu, mais les sciences pures n’en sont pas exemptes et peuvent
d’une manière ou d’une autre servir une telle visée.

3.2. Le livre comme un outil pédagogique


Un travail comparatif diachronique pourrait s’attacher à suivre l’évolution du
processus d’élaboration scientifique des manuels afin de déterminer les forces et les
faiblesses de notre histoire du livre et de la formation scolaire. En effet, il nous semble
que tout le monde s’accorde à souligner avec force la « baisse du niveau » qui induit un
nivellement par le bas et une instruction minimaliste des Camerounais. Permettre un
dialogue inter générationnel pourra répondre à la question empirique de savoir pourquoi
le niveau des élèves baisse. Cette réponse aiderait peut-être à trouver ce qui par le passé
mérite d’être conservé, repris, augmenté, re-orienté, consolidé. En parcourant l’histoire
des disciplines scolaires, le débat mis à l’occasion sur la place publique permettra de
cerner l’évolution des disciplines scolaires, les rapports que celles-ci entretiennent avec
l’état des sciences dont elles sont issues (par exemple l’étude de la grammaire en relation
avec l’évolution de la langue et de la société, de la francophonie, donc la grammaire
adossée à une perspective historique donnée). Un travail diachronique fera aussi mesurer
l’écart entre les principes avancés et l’application qui en est faite. Il s’agit donc de

69
On pourrait par exemple ouvrir un colloque, un débat national sur le rôle du livre scolaire dans la
formation du sentiment national. Et, il nous semble, sans rêverie, que certaines crises existantes
aujourd’hui n’aurait pas tant impacté les esprits et drainé un certain nombre si le sentiment
d’appartenance à la même terre-mère était suffisamment et longuement aiguillonné.
92
considérer l’état et les effets du livre scolaire sur notre société avant de tirer froidement
et en toute lucidité les conséquences qui s’imposent.
Sur le plan pédagogique, une étude pourrait aussi être menée, portant sur le
rapport entre le programme qui est, tout compte fait, une contrainte, et la manière dont
l’auteur du livre le met en œuvre. Il s’agit de noter que la crise du livre vient parfois de ce
flou et de ce cumul de connaissances. Et le livre du maître finit par se constituer pour les
professeurs en des préparations de cours prêts à l’emploi qui risquent de les dispenser de
la nécessaire réflexion pour mettre en œuvre les objectifs et les modalités adéquates au
groupe d’élèves dont ils ont la charge. La rigidité du produit est-elle, par ailleurs, propice
à la différenciation pédagogique ? Enfin, construits pour l’exploitation en classe, ces
manuels peuvent-ils constituer des ouvrages de référence pour les élèves puisqu’ils
supposent la médiation de l’enseignant ? Certes, certains manuels comportent du
vocabulaire, un précis grammatical mais ces éléments sont absents des cahiers
d’exercices des élèves qui, d’une classe à l’autre, ne conservent pas la trace des acquis
sur lesquels ils pourraient s’appuyer.
L’examen des manuels ne révèle pas d’écarts importants par rapport aux
programmes et aux orientations pédagogiques qu’ils préconisent. Mais la conformité
globale des contenus dissimule parfois des divergences sur la partie du programme qui
concerne la conception de l’apprentissage et les modalités pratiques qui centrent le cours
sur l’élève. Une étude comparée envisagerait de voir comment les auteurs exposent les
programmes, par matière et suivant les époques ; comment ils alternent le cours et les
exercices, la part dogmatique et la part novatrice (mise en place par l’enseignant) qui se
côtoient dans le livre. A l’occasion, il serait intéressant de voir la manière dont les
manuels furent utilisés à leur époque et ce, suivant le niveau, la période et selon le degré
de formation des maîtres. Mais bien au-delà, une telle rencontre pourrait aider à faire
ressortir et à analyser, pour un intérêt incontestable, les raisons qui ont présidé au choix
ou à l’abandon d’un ouvrage scolaire. En somme, il s’agit d’appeler aux assises sur
l’histoire du manuel, conduites par des experts et piliers de l’éducation.

3.3. Le livre, un objet de fabrique


En tant qu’objet fabriqué, on pourrait planifier des travaux en profondeur avec
des historiens du livre pour examiner les spécificités de cet outil du point de vue de sa
fabrication ou de sa commercialisation. Pour veiller à la qualité du matériau, des
techniques graphiques particulières sont exigées pour qu’un ouvrage soit éligible – cf. le
texte réglementaire sur « Les critères d’évaluation des aspects matériels, logistiques et du
contenu des manuels scolaires » édictés le 29 mars 2019 par le Premier Ministre, placé
en annexe du présent document. Il s’agit de contraintes auxquelles est soumis tout
éditeur candidat pour la fabrication du livre. Il est ici question d’établir un rapport entre
l’auteur et les artistes, les techniciens ou les industriels du livre, le choix des polices, des
caractères, la mise en page, la présentation extérieure du format du brochage de la
reliure, etc. et, à propos de la commercialisation. Mais un fait suscite notre curiosité, s’il
faut confier cette lourde charge qu’est la fabrication du livre à un seul éditeur, pourquoi
n’est-il pas dispensé de la charge de veiller également sur son contenu ? Puisque les
93
tâches de création, de fabrication et de découverte des circuits de diffusion ne sont pas
des moindres. De plus, ce volet prend aussi en compte les prix à fixer après analyse du
marché, l’investissement, la publicité si possible, la production des spécimens, etc. Ainsi
selon le texte sus-cité, le barème arrêté pour les aspects matériels de cette fabrication
fixé à 50 points, peut faire l’objet d’un appel d’offre à part.
A l’issue, il pourrait être intéressant et plus conséquent d’ériger un certain
nombre d’éditeurs sérieux, d’abord dans la simple et quotidienne pratique de leur métier,
avant de leur confier le manuel scolaire. Ceci évitera d’avoir des éditeurs occasionnels.
Certains de ces éditeurs à la longue pourraient se voir sacrés et reconnus comme des
spécialistes du livre jeunesse par exemple, par extension des ouvrages périscolaires de
loisirs et autres, voire des manuels. La compétence reconnue de ces éditeurs en tout
temps les ferait être classés et établis peut-être statutairement comme des éditeurs
scolaires. L’appartenance à cette catégorie apportera donc la caution d’une certaine
filiation, des états de service avérés, de la teneur d’archives, d’éditeur spécialisé, autant
d’éléments qui constitueront le renom d’un éditeur. En somme, il s’agit de trouver des
mesures nationales incitatives appropriées qui organiseraient la fonction d’éditeurs.
Enfin, un élément intéressant pourrait être les différents rapports à la fin de
chaque année, ou pendant l’année, des différents acteurs du livre, mais principalement
des enseignants sur le terrain dont le ressenti par rapport à cet outil pédagogique est
indispensable pour apprécier la fabrication et le degré d’appropriation et d’applicabilité
du contenu. Les décisions de la grande instance que représente le Conseil d’agrément
doivent, pour le progrès de l’éducation et de l’école, être ajustées avec le temps par ces
informateurs formateurs en contact direct avec la base et sur le terrain. Des rapports
ministériels, des procès-verbaux des commissions ou des assemblées, aux interventions
et au suivi des éditeurs pourraient aider dans les décisions prises par le pouvoir central
relativement aux ouvrages scolaires.
Or, le Décret du Premier Ministre en son Article 14 stipule que Tout livre,
manuel scolaire ou matériel didactique est inscrit au programme d’enseignement pour
une période de 6 ans. Aussi, précise-t-il, Au terme de cette période, il fait l’objet d’une
évaluation et peut être reconduit. Il nous semble qu’une évaluation annuelle est
importante - et devrait-être exigée - pour améliorer la qualité du livre sur le terrain.
Ce faisant, notre constat est que cette tâche ardue, qui attend le candidat à la
fabrication et à la commercialisation du livre, dévolue à une seule entreprise, s’avère
véritablement lourde. Il serait souhaitable que les officiels séparent l’exécutant de
l’aspect matériel de celui qui évalue les différentes rubriques se référant au contenu et
qui sont : Aspects socioculturels et idéologiques (15pts) ; Aspects scientifiques et taux de
couverture du programme (10 pts) ; Aspects pédagogiques (20 pts) et Qualité de la
langue (5 pts) pour un total de 50 points.
Cette répartition des points peut être par ailleurs discutable pour plus d’une
raison. Si nous prenons la rubrique « qualité de la langue (5pts) », celle-ci ne peut être
jugée de la même manière sur le même nombre de points dans toutes les disciplines, car

94
il y en a où la langue est la matière principale. C’est le cas lorsqu’il s’agit de
l’apprentissage d’une langue (comme langue première ou langue seconde). A quoi cela
pourrait-il conduire d’apprendre une langue dans un niveau approximatif et flottant ? Le
livre étant le lieu où s’acquièrent les bases de la maîtrise de la langue par les élèves aux
plans lexical, grammatical et syntaxique, son choix devrait en conséquence l’être avec un
maximum de rigueur et de minutie.
En outre, la présence et le rôle des inspections de l’éducation ne sont pas très
visibles dans les textes du Premier Ministre, alors qu’il nous semble bien que ces derniers
sont des interlocuteurs importants dans la chaîne du livre et dans sa matérialisation (et
ses effets) sur le terrain. Leur implication de même que celle des délégations régionales
ne peut être que bénéfique pour une meilleure contextualisation de l’enseignement et
une atteinte des objectifs concrets de développement humain économique et social de
notre société. En effet, il serait souhaitable de laisser une part (même réduite) à ces
inspecteurs pour que les enseignements relatifs aux réalités locales aient leur place et
amènent les résultats attendus en matière d’éducation et de formation des esprits. Il
s’agit là à la fois d’une éducation à la démocratisation de la culture, d’une éducation à
l’environnement et au développement local. Comment parler de la savane, du désert, de
l’été ou de l’hiver à un apprenant qui a toujours vécu dans la dense et vaste forêt
tropicale du sud Cameroun ? Ainsi certains enseignements peuvent être uniformément
dispensés à tous les apprenants, mais l’éducation gagnerait en décentralisant les
programmes issus de certaines disciplines pour valoriser les réalités locales pour une
meilleure cohésion dans la pratique des ouvrages scolaires.
Un autre élément pourrait être regardé de très près, c’est celui de la
composition de la commission nationale chargée du suivi et de l’évaluation de la mise en
œuvre de la politique nationale du livre, du manuel scolaire… Celle-ci compte des
membres qui siègent plus pour leur rôle dans les administrations publiques et les
syndicats et moins en qualité d’expert des contenus énumérés dans la critériologie. En
outre, l’approche genre, les questions d’environnement et les orientations de la formation
en fonction de l’actualité doivent être priorisées d’une manière ou d’une autre. Un
exemple en date est celui du Rwanda qui, au regard d’une histoire récente, a
profondément modifié son système éducatif en vue d’instaurer une politique éducative
visant à l’atteinte des objectifs et idéaux fixés.
En effet, beaucoup d’Etats en crise ou désireux de prendre véritablement en
main leur destin ont souvent prioritairement posé leur système éducatif comme un des
leviers importants et indispensables pour redresser la courbe. Puisse le Cameroun, qui
possède une population majoritairement jeune, saisir une telle opportunité pour repenser
sa politique éducative et la place du livre, entre autres. Il nous semble que la
connaissance pour elle-même est peine perdue. Mais tournée vers un objectif de
valorisation de l’homme, de la collectivité, la connaissance vise une amélioration des
conditions de vie, la cohésion nationale par exemple, ou encore une meilleure
compréhension et une tolérance entre les peuples. Le Conseil national d’agrément des
manuels n’est pas seulement là pour arbitrer mais il devrait aussi engager la réflexion
autour de toutes ces questions pour voir le rôle que le manuel scolaire a joué, ou qu’il est
95
censé avoir joué pour aider les États à atteindre leurs objectifs en éducation. Car le livre
scolaire dont le spectre est planétaire ne doit pas cacher les spécificités nationales.

Conclusion
Cette enquête sur les manuels n’éclaire pas seulement l’objet spécifique qu’elle
avait pour mission d’étudier. Elle souligne une fois de plus que le système est coproduit
par les enseignants, les éditeurs scolaires et l’institution. Elle ne désigne donc pas des
points fixes sur lesquels il suffirait d’agir pour améliorer la situation. C’est l’ensemble des
supports pédagogiques, et des actions coordonnées, pas seulement le manuel, qui est en
cause, mais aussi les pratiques enseignantes et la pédagogie implicitement diffusée par
l’institution. Si on assiste à l’ébranlement d’un modèle, celui-ci se trouve dans deux
origines :
- les manuels tels qu’ils sont correspondent à des démarches et à des méthodes
pédagogiques qui centrent le travail quasi exclusivement sur la classe et mettent
davantage l’accent sur « la mise en activités » des élèves que sur une réelle appropriation
des savoirs. Les manuels en sont restés à l’âge de la critique systématique du « cours
magistral » et ont été conçus pour la mise en œuvre, en classe, du « cours dialogué ».
Mais, paradoxalement, trop adéquat aux pratiques, le manuel est imité plus qu’utilisé par
les enseignants et très largement ignoré des élèves ;
- le second facteur qui explique la crise du manuel est l’irruption des moyens modernes
d’information et de communication, entrant en concurrence avec les manuels alors qu’il
faudrait élaborer des ouvrages qui leur soient complémentaires. De fait le manuel
cherche à tout prix à entrer de plain-pied dans le monde de l’audio-visuel, provocant les
scandales comme celui de la rentrée dernière sur la mise en image de certaines situations
de vie sexuelle assez brutes.
La présence de nouveaux manuels démontre que la réflexion sur de nouvelles
formes de manuel est en route. Le manuel gagnerait à être un livre courant qu’un
assemblage de notions trop spécifiques.
Nous avons tenté d’exposer les différentes ambiguïtés et zones d’ombre qui
entourent les notions-mêmes de manuel et livre scolaires pour démontrer que ce concept
très fluctuant et objet de beaucoup d’enjeux mérite de faire l’objet d’assises, d’études et
de colloques scientifiques avec des experts chevronnés. Car, nous semble-t-il, la
problématique du livre unique se pose en contradiction avec le concept de livre scolaire.
Quelques-unes des directions indiquées l’ont été pour laisser voir que le livre scolaire fait
partie du patrimoine intellectuel d’un État et à ce titre, il doit tendre à jouer le rôle de
pilier dans l’éducation des individus et des masses. Le manuel scolaire est la preuve, quoi
qu’il en soit, de la pérennité et de l’ascendance de l’écrit sur l’oral, de l’objet matériel sur
le virtuel. Le livre, parce qu’il renvoie également à la discipline scolaire, fait savoir que le
petit homme a besoin de s’ordonner en société, de hiérarchiser ses connaissances et de
savoir se fondre dans un règlement, une organisation qu’impose la société. Il reste un
outil, un instrument de pouvoir qui a fondé l’armature des peuples. Tout compte fait,
malgré ses luttes, le livre scolaire doit triompher en s’adaptant à la concurrence des
96
moyens modernes d’information, en se plaçant à la charnière des cultures – celle de
l’école et celle des média, tiraillé, comme il l’est, entre la BD et l’écriture classique.
L’institution scolaire doit pousser plus loin en s’interrogeant sur elle-même, sur son cadre
de conception et d’application mais aussi sur son rôle dans la formation des esprits et
dans la consolidation d’un peuple et de ses acquis. Le livre scolaire est un pouvoir
institutionnel, un objet de fabrication autour d’enjeux pédagogiques indéniables.
Le livre fonctionne comme une métonymie qui renvoie dans le fond à tout
l’ordre éducatif. Nous interroger sur le livre oriente aussi à questionner le temps des
classes, la durée d’une journée de classe, les activités périscolaires, entre autres. Penser
le livre c’est revisiter le passé, poser le présent et semer à tous vents l’avenir, pour
reprendre la devise de Larousse.

Tableau synoptique des suggestions


Améliorer la formation des enseignants du primaire et du secondaire :
-inclure dans les enseignements une formation plus rigoureuse pour les devoirs et les
droits des citoyens en vue d’éradiquer les fléaux de notre société ;
- publier les rapports de base sur l’évaluation des livres et manuels scolaires
- accroître une véritable politique incitative (gratifications, bonification d’échelon) pour
enseignants affectés dans les zones reculées et enclavées ;
- promouvoir les enseignants proactifs dans l’évaluation régulière (par semestre) des
livres au programme scolaire
Les commissions spécialisées doivent tenir compte des représentations sur le genre et
les minorités sociales
Une action et un rôle plus accru des inspections pédagogiques, nationales et régionales
Un échéancier rigoureux pour la mise en place des bibliothèques scolaires, municipales
et autres (en action concertée avec le MINAT et le FEICOM).
La classe en bibliothèque, la visite des librairies, des ères culturelles doivent induire la
création d’une filière, donc d’un corps de métier spécifique (archiviste, conservateur de
bibliothèque, en sommes les métiers du livre) pour une meilleure incitation à la lecture
et une plus grande familiarisation avec le livre
Revoir les critères d’évaluation en fonction de la discipline. A titre d’exemple, le contenu
IV (Qualité de la langue) est évalué sur 5 points, alors que pour certaines disciplines
(littérature ou langue) celle-ci doit être parfaite.
Mettre en place une structure indépendante nationale et régionale d’évaluation des
livres et manuels scolaires inscrits aux programmes officiels
La mention suivante : « désigné par les ministres en charge de… » qui précède la
présence d’une personne dans la composition du Conseil pourrait à tort ou à raison
remettre en cause les points de vue de ces représentant d’un autre genre, en marge des
premiers officiellement et/ou statutairement leurs représentants.
Privilégier la présence des experts avérés dans les types d’enseignement au sein des
commissions
Séparer radicalement en deux appels d’offre distincts et en deux étapes :
un sur la production du livre et donc évaluer la conformité, la qualité pédagogique et
l’atteinte des objectifs nationaux ;
97
un autre appel sur la fabrication du livre, sa qualité substantielle et visible.
Faire le bilan de la journée continue, des heures et des jours de classe ainsi que celui du
temps passé à l’école ; puisque la charge académique, si elle est fort importante affecte
la fréquentation du livre.

98
ACCESS TO SCHOOL TEXTBOOKS: A CRITICAL ANALYSIS OF
AVAILABILITY, AFFORDABILITY, COMMITMENT TO PROVISION AND
APPROACHES TO SUSTAINABLE SOLUTIONS

Professor Lilian Lem Atanga


The University of Bamenda

Lilian Lem Atanga is an Associate professor of linguistics from the University of Bamenda.
She has published widely in the areas of gender and discourse studies. She worked
previously in the University of Dschang and ENS Bambili. She is currently a Fulbright
Fellow in the University of Florida, Gainseville, USA. Among her key Publications are
Gender, Discourse and Power in the Cameroonian Parliament and Gender and Language
in Sub-Saharan African Contexts: Tradition, Struggle and Change.

Abstract

There is an abundance of literature on availability and affordability of textbooks


in Sub-Saharan Africa. The World Bank has dedicated volumes on this matter with
examples of best practices, but apparently,every best practice does not suit all the
contexts. Research shows that averagely in SSA, many poor communities have less than
5% of schoolchildren owning textbooks (Fredriksen, Brar and Trucano 2015). The
government of Cameroon does not have a policy of free textbooks like some countries in
the Sub-Saharan Africa (SSA) sub-region. Parents, and sometimes, funding organisations
tend to be the sole providers/funders of textbooks to schoolchildren. Research also shows
that through time, the problem of textbook availability has not improved in SSA. Based
on this, the study will seek to examine the availability of these books, their affordability,
and the degree of commitment to the provision of these books and propose short term
and long-term sustainable strategies to stakeholders in the education sector. These
strategies will seek measures on getting parents and funding partners to realize the
extreme importance of textbooks in educational attainment, and actively contribute to its
provision, while also proposing a state budgetary allocation for textbook provision to
schoolchildren.

Keywords: School textbooks, Availability, Affordability, sustainable solutions

99
Introduction

Following Law No 98/004 of 4th April 199870 on the Orientation of Education in


Cameroon, Article 2 states that (1) “education is a great national priority and (2) it is
ensured by the state”. In the same text, Article 12 states that“the financing of education
is ensured by state budgetary allocations, budgetary allocations of territorial
decentralised units, contributions of education partners, gifts and all other contributions
previewed by the law” [My translation].
Quality education is a priority of the state of Cameroon and the government has
in Law N 98/004 of 4th April 199871 on the Orientation of Education in Cameroon, noted
o

that “education is a great national priority” (Article 2 (1)) and that it is ensured by the
state (Article 2 (2)). Quality education, as observed by the World Bank (see Fredriksen
2016) and the Global Education Monitor Report (2016) requires the availability and the
affordability of school textbooks. Textbooks are therefore an important and core need for
schools. This is because teachers and students heavily depend on textbooks for teaching
and learning. Importantly also, the curriculum and examinations are dependent of the
textbook content.A good indicator of the quality of education of any individual,
institution or a nation is therefore dependent on the availability of school textbooks. The
Global Education Monitoring Report (GEM Report 2016) observes that developing
countries largely do not have school textbooks at all levels and that cost is the key reason
for the unavailability of these books. Most of these developing countries, Cameroon
included, allocate very slim budgets if at all any for textbooks, a key reason why they are
scarce.
Cameroon suffers thisacute textbook unavailability. Not only do children have
too many books to purchase, the books are not even available or affordable. The acute
shortages have led the government of Cameroon, in very recent moves, to institute some
measures. The government of Cameroon has adopted a new textbook policy to attempt
to curb some ofthese ensuing problems.Previous government approaches to school
textbooks (secondary and primary) allowed for a selection panel whose task was to go
through a series of textbooks and select a pool, which were then validated for each
school to choose from. This meant each school had several books to choose from. The
new textbook policy – the one-textbook policy promulgated in 2017 and took effect in
2018 allows for only one book per subject area. This means each subject has a single
textbook and everyone in the nation is bound to use the same book by the same author.
The choice of the book is supposed to last for six year before another choice could be
made.

7070
Loi N°98/004 du 4 avril 1998 d’Orientation de L’éducation au Cameroun
http://portal.unesco.org/education/en/files/12704/10434093270Cameroun1.doc/Cameroun1.doc
7171
Loi N°98/004 du 4 avril 1998 d’orientation de l’éducation au Cameroun
http://portal.unesco.org/education/en/files/12704/10434093270Cameroun1.doc/Cameroun1.doc

100
This chapter then seeks to examine the availability and affordability of school
textbooks in Cameroon. It also seeks to examine how textbook production and supply
chain directly affect availability and affordability. What are the factors in the selection,
validation, production, and distribution that directly affect textbook availability and
affordability in Cameroon?What factors affect the high cost of books and what can be
done to improve the availability and affordability of these in Cameroon? Although we
evoke textbook availability in the Cameroon markets, we also focus on textbook
availability to schoolchildren. We examine some issues relating to cost and affordability,
that is affordability to the end user. The chapter ends by examining strides by the state to
improve the situation and what can be done to improve the availability and affordability
of textbooks.
Availability
School textbook availability can be viewed from two perspectives. Availability of
the books in the market and availability of the books in the hands of the end user - the
student or pupil. The two types of availability are crucial in examining any discourse on
school manuals.Availability of school textbooks has a significant contribution to the
learning environment. It contributes to the quality of learning and teaching and
eventually an overall improvement of national development. This is because it has been
shown that a country that is more educated generally tends to have a higher GDP than
countries that have more natural resources with less education (Chabbott and Ramirez
2000). School textbooks therefore lay a good foundation for the better development of
any nation.
On a micro level, availability of school textbooks greatly motivates the student
or pupil in their learning process, reduces stigma and boosts the self-esteem of the
learner. These factors motivate the learner and improve the learning outcomes.
Availability of school textbooks to the learner also reduces time spent on
copying notes and increases time learning therefore saving time for both the teacher and
the learner. As such, much of learning is not abstract but hand-on.The parent-learner
interaction and learning process at home becomes easier as parents can track and follow-
up on the learning process of the child.
In Cameroon, the difficulty of availability of textbooks starts with the market
availability before the affordability issues start cropping up. As late as towards the end of
the first term of the 2018/2019 academic year, there were many books on the syllabus
that were not available in bookshops across the national territory. Not all the books were
available for each class. Some classes had one or two available books in the bookshop.
In a nutshell, there was no subject with all the books available at all the levels
throughout the national territory. Some publishing houses were more affected than
others and some books were printed out of the country. In the French speaking
subsystem of education, the mathematics books “les champions” used in class three was
not available till the end of the first term. In other classes, for some subjects, other books
published by other publishers were not also available. In most classes both at the primary
and at the secondary levels of education, it was impossible to have altogether, the
101
French, English and mathematics books. These are the essential books any Cameroonian
student should have. When one or two of the above were not available in bookshops, the
other(s) would be lacking and therefore penalizing students and teachers in the
learning/teaching process.Yet the government of Cameroon had promised these books
were to be made available to all by the first week of September, that is, before the
beginning of the school term.
Book vendors noted that by the end of September, there were less than 40 % of
required books available in the markets. Schools, especially the non-public schools, from
desperation, were more pro-active and selected books from a non-recommended pool, or
simply maintained the old pool they were using. Such practices signal acute shortage or
absence of availability of school textbooks, not only at the primary levels but also at the
secondary levels.
Affordability
While there are independent issues of availability, affordability is also a key
stake. School textbook affordability, unlike availability which mostly depends on the
supply chain, (from selection, to production and distribution of the Teaching Learning
Materials), greatly depends on the financial strength of the end user to purchase.
Availability could mean to be in market pending acquisition. Availability could also mean
being in the hands of the end user – that is the pupil or student. But affordability is when
the school textbooks are available in the market and thus the buyer has the financial
power to purchase.Affordability relates to how it gets to the hands of the end user.
Affordability becomes an issue mostly in contexts where there is no textbook provision by
the state and where poverty is an important variable.
Affordability is a problem in Cameroonbecausemost parents cannot afford the
cost of the books and Cameroon has previously not had a textbook provision policy. It is
not until 2017, that the Prime Ministry signed a decree instituting a textbook policy
which is not yet enacted as law. Free (essential) textbook policy is only applicable to
certain regions identified in policy as ‘Regions of Educational Priority’. These regions are
the North, Far North and Adamawa. However, given the newness of the implementation
of this policy, there are yet no available statistics as to degree of implementation and
success.
Although there is much literature by UNESCO and the World Bank on school
textbook availability in Sub-Saharan Africa (SSA), very little data is available for
Cameroon. The literature on SSA however, to a large extent, reflects the situation in
Cameroon.

1. State of Provision of School Textbooks in Africa and Cameroon: Some


Basic Statistics.
Availability and affordability of school textbooks in Sub-Saharan African is such
an issue for Africa.Despite donor support, the World Bank notes, “fewcountries have
established financially and institutionally sustainable systems for book provision” (World
102
Bank 2001, 36). This is the case with Cameroon. It is not until 2017 that the government
of Cameroon has thought out a selective policy of school textbook provision. This is only
tenable to regions of the country termed educational priority regions.The World Bank
(2002) also notes thatmost pupils in SSA still lack adequate access to textbooks. The
scarcity is even more acute for readers, teacher guides, school libraries, dictionaries, and
other reference books and that the elusiveness of progress in this area is alarming.
Fredrikson, Brar and Trucano (2015:7) in another World Bank study noted the following;
- The median African availability for textbooks in SSA is1:4 pupils per textbook for
reading and math
- In some parts of Uganda, this can be as bad as 1 in 30 children owning a textbook.
However, the national average for Uganda is 1 in 7
- The urban rates of school textbook availabilityin SSA are generally fair with 1:2 and
1:3.Rural rates are still very bad and can go up to a ratio of 1:15
- A World Bank 2008 survey showed all but one country in Africa suffer from severe
shortage
- Less than 5% of rural children in SSA have access to core textbook

These African statistics are very reflective of the situation in Cameroon and
could even be worse in some rural areas. The government of Cameroon has a policy of
creating schools in enclaved areas. This policy has been strongly criticised, not for
increasing schools but for creating school without ensuing needs of human and material
resources. This policy hasincreased the number of schools and school going children in
Cameroonbut also increased the number of schoolchildren without books. We may assert
that although the number of school-going children in Cameroon is high in especially
these rural enclaved areas, the quality of education is questionable. Most of these
schools do not even have classrooms, talk less of basic learning and teaching materials
(LTM) like exercise books. Textbooks are not only a luxury but a rarity and sometimes
only class teachers have books. When one looks at the statistics of drop-outsbefore the
end of each cycle, itcanbe up to 42% at the end of primaryeducation, and 75% at the end
of Form3! (See the yearly statistics book of the ministries of basic and secondary
education on this matter.) A survey in the Bafut sub-division by a local organisation – The
Shulam Foundation in 2010 found less than 5% of children had school textbooks and
over 30% of schools in the sub-division had zero percent textbooks. Mostly only teachers
had textbooks. At the time of study, these schools tended to have 0% in national exams
like the Common Entrance into Secondary Schools and the First School Leaving exams.

2. Factors affecting High cost of books


The World Bank group and UNESCO have documented several variables which
they think contribute to high cost of school textbooks. We will examine some here and
how they directly relate to the local context of Cameroon.

103
2.1. Neglect of system costs
These are costs related to the final cost of the product in the student’s hand.
These costs run from author royalties, to costs of book committee fees, production costs,
transportation costs, etc. Fredrikson et al (2015) note these costs can be factored right
from the elaboration of the curriculum through the length of the book chain into the
market to maximize high quality at low cost. There is no available data to indicate if the
government of Cameroon has factored the system costs of the book in the market.
Parents and publishers complain about the cost of the book. Parents think it is expensive
and publishers think it is cheap. This is because the government is the one fixing the
prices of the book, that is, the market price. Such measures of pricing books without
factoring system costs can hamper future production. It is also difficult with such a
haphazard pricing system to ascertain the exact amount government puts in to subsidize
cost and if there are financial losses along the way due to corruption. It is therefore
advised for the governments to carry out a cost analysis of every aspect of the production
right through the delivery of the product.
2.2. Poor textbook planning, management, and monitoring.
This includes the reduction of the systems cost as indicated above, the reduction
of the production chain to minimise corruption and issues of transportation, storage and
damage. It is estimated that a lot of books are damaged because of transportation and
poor storage and that the costs are factored into pricing leading to high cost of books.
There seems to be nobody- state or private institution - which monitors the school
textbook chain from conception, to production and distribution including storage.
Because these are not monitored, any losses along the way are factored into the prices of
the book. It is believed that a lot of books are lost on the way in this process due to
inadequate monitoring and therefore an increase in subsequent costs of production,
getting the end user to bear the cost of these losses.
3. Textbooks Availability and Quality Education
Quality education is not only about availability of textbooks but also usage in
class. Heyneman and Farrell (1978:22), although an old reference, remains classic in their
assertion that there is a stronger, and more consistent relationship between pupil
achievement and textbook availability than between achievements and other school-
related variables.This is because, the ownership of school textbooks has many positive
ripple effects. These include first and foremost, a first-hand contact of pupil/student to
curriculum related material which is palpable. Palpability of material motivates learner
and gives access to learning material and content. Motivation has proven to be a key
variable in educational success and textbook ownership is one of the key variables of
motivation to learning.A range of national and international assessments (See Fredrksen
et al 2015) concur that high proportions of students in SSA complete education cycles
without having acquired the requisite competences. This is directly linked to the fact that
textbooks contribute to over 60% of knowledge children acquire in school. Both teachers
and students depend on material from textbooks to generate required knowledge. The

104
curriculum is largely built in the textbooks on which teachers depend on.Improving
education quality is thus likely to be the biggest challenge for SSA in achieving the
Education for All goals. The absence of bookstherefore results in low education quality
and higher repetition rates, increased failure in acquiring requisite skills, competencies,
and values. A high repetition rate and absence of acquisition of required skills leads to
failure and high dropout rates and thus waste of resources.
Heyneman and Farrell (1978) further note that the availability of libraries in
schools and use of textbooks by both teachers and students are not given adequate
attention either when designing programs that include textbook provision or in assessing
the use or impact of textbooks provision on learning outcomes (1978:25). Nyariki
reiterates this by observing that in SSA, both teachers and students depend mainly on
textbooks for teaching/learning content than on any other resource.If this is the situation,
which we presume is known by the governments, why has Africa, and Cameroon
continued not to have adequate and proper policies governing textbook availability and
provision with a body monitoring these processes?
We noted earlier the acute absence of books in many rural areas in Cameroon. A
funding body donated books to some schools in the Bafut Sub-Division in the North West
of Cameroon. The schools selected for this funding previously systematically had zero
percent in public exams. A text book provision scheme by this foundation, The Shulam
Foundation, brought the schools from a zero percent result to a 100% result in one
academic year when all the children in Class had basic textbooks and workbooks for the
requisite subjects (Mathematics, English Language and French). This project showed a
direct and instant link between textbook ownership and quality of learning and
performance.

4. Financing

Financing impacts directly on textbook availability and affordability. The World


Bank (2002) and Fredriksen et al (2015) have detailed several key re/sources for textbook
financing in SSA and key challenges to each of the methods.
4.1. In some SSA countries, government provides for the primary levels while at the
secondary levels, it is mostly the parents. The situation in Cameroon for the past
decades has been parents providing for textbooks at all levels and school libraries
hardly existed nor had adequate materials available for borrowing. Recently, in
2017, the state of Cameroon implemented a scheme to finance school textbooks for
three of the 10 regions of the Nation - the Adamawa, the North and the Far North
because it describes these regions as Regions of Educational Priority.This scheme is
new. The state has not been able to carry out an evaluation to determine its
effectiveness in terms of cost and field implementation.
4.2. Textbooks in Cameroon have three key sources of funding
i. The state – as noted in the previous section, the newest government
policy relating to school textbooks allows for provision to educational
priority regions. The books to be provided include French, English,
105
mathematics, computer science and civics textbooks only in the public
primary schools of Cameroon.
ii. Funding organisations: Many NGOs noticing the acute shortages have
opted for book donations, varying from general books (including those
with content not directly linked to curriculum) and those purchased based
on the official book lists. Such donations have proved very effective in
improving educational quality (see example above).
iii. Parents: Parents in Cameroon are the primary funders of textbooks at all
levels of education. At both the primary and the secondary levels, given it
is their responsibility, they largely contribute to why there are problems of
affordability and availability. As indicated earlier, the low GDP of the
nation is a direct cause of parents’ incapacity to acquire school textbooks
for their children.

An analysis of school textbook financing in Cameroon clearly indicates thatwith


parents being nearly the only providers of school textbooks, there is bound to be
shortage for several different reasons:
• GDP per capita income in Cameroon is at 1503, then we do not expect much in
terms of percentage of children with school textbooks. Although the number of
books has increased as compared to the previous years, not much has in
relation the expected margin.
• There is no constraint on parents to purchase books for their children. There is
no punishment for non-compliance. Any punishment, if instituted is to send the
children away from school, a practice which some schools use, and which is
grossly ineffective and increases poor performance. Were there to be a variable
that obliges parents to purchase books for their children, the number of books
in school might have increased. Parents within the Cameroonian contexts do
not (despite poverty), usually prioritise the acquisition of textbooks to their
children.
• The inertia of parent to purchase school textbooks for their children sometimes
results from ignorance as to the importance of textbooks. With a large
population of Cameroon being rural with very low levels of education, the
understanding of the value of school textbooks to quality of learning is low, and
therefore little motivation to purchase these books for kids.

5. Approaches to solving the problem


With rapid increase in enrolments due to increasedbirth-rates, constrained
education budgets, and weaknesses in schoolmanagement, there are no easy answers for
immediately achievable results. At national levels, states suffer from constrained budgets,
corruption and weaknesses in management of budgets andlack of adequate data.
Absence of proper statistics is a setback in drawing up relevant policies. It is a known fact
that there is scarcity of school textbooks, major reasons being affordability. But little
attention has been paid to the collection of data to present the exact situation to inform
policy.Despite these setbacks, the World Bank and UNESCO have made some suggestions
106
which could contribute to ameliorating the situation. Besides these, we localise the
suggestions to the context of Cameroon. Below are some of these suggestions with a
critical comment on the situation in Cameroon.
5.1 A streamlining the curriculum
It is observed that the curriculum content is too large and requires many
textbooks, as is the case in the past. These therefore needed to be streamlined.The
streamlining of the curriculum with a reduction of learning outcomes has a consequent
effect on the number of textbooks.Interviews carried out with parents indicated that they
are not happy with the many books their children were expected to buy in the past and
were not comfortable with the costs. Streamlining the curriculum therefore meant not
only the volume of the book but the number of books required to cover the curriculum
reduces.
5.2. Make textbooks conform to curriculum
A streamlining the curriculum also means the content of learning is reduced and
therefore a lesser need for many textbooks. It however does not mean the quality of
content or learning is reduced. Thus, if textbooks conform to curriculum content, there
will be no need for multiple textbooks to address issues with little relevance to
learning.Therefore, the recommendation is to make the content of the book to be
streamlined to the curriculum and therefore no need for multiple books for a single
curriculum.
5.3 Reducing number of books
Fredriksen (2016) notes that a reduction in the number of textbooks each child
should buy drastically reduces the overall cost of books per child.With a streamlining
process of the curriculum, it is expected the situation will improve. The current policy in
Cameroon is the one textbook policy. This policy allows only for one textbook per subject.
This reduces the number of books from the Cameroon record of 13 (Read and Bontoux
2012) to meet African average of 8.5 books and has, as attested by parents in an
interview, drastically reduced the cost of books. The exact statistics of the number of
textbooks is not yet known but gave a positive feedback to the reduction of the number
of textbooks.It should be noted that the average unit cost of a book in Cameroon was
11.7 dollars (different levels put together) against a continental average of 7 dollars. The
reduction of numbers has reduced it to about 8 dollars.The Global Education Monitoring
Report indicated that in 2012 in Cameroon, there was only 1 book to 12 children in other
subjects and in mathematics, 1 book to 14 children. A reduction in the number of
textbooks could have increased the textbook ratio but no available data yet since it is in
its inception phase.
5.4 Adopt single textbook policy
The World Bank advocates for the adoption of a single textbook policy. This
means, for the nation, for a book on mathematics, everybody uses the same text book
and one for the subject. Such a policy has been tried and tested elsewhere and there are

107
best practices that if copied may reduce the cost of textbooks, increase affordability and
thus availability. A single textbook policy allows for economies of scale in the production
and pricing. It allows for mass printing, in the event where printing is centrally done and
may even contribute to improved material quality of the book. Single textbook can also
influence competition in the bidding by publishers and this may lead to savings on cost as
the best price offered for quality could be considered.
In subject areas such as science, mathematics, and languages, countries should
explore the possibility of standardizing textbooks through bilateral or multilateral
partnerships. The single textbook policy, as noted earlier as well has the advantage of
reducing the number of textbooks per subject and thus the overall number of books.
5.5 Lifespan of books
The policy of the lifespan of a book in Cameroon has been pitched for six years.
Every book in the booklist has a lifespan of six years before the book can be changed.
This policy has implications in the quality of the book, the availability and the
affordability. The quality of the book must be in such a way it can last a minimum of
three years. As such, they allow for reusability by other members of the family or society.
For a better quality of the book, the cost may be affected as it may be more expensive.
The implications of such a policy could be six yearly reviews and if data well projected,
large scale printing could be done to cover the six-year period. This may reduce as much
as 20% of the cost of the book. This policy also has implications on the evolution of
science and knowledge and possible issues with the book. If there is anything
questionable about the book – quality of content and production, it may be difficult to
manage it for a long period of six years. A mid-term period of three years may be more
manageable.
In the context of Cameroon, within this chapter, we have not been able to
determine if the policy of a 6-year lifespan of use before changing has been well thought
out in terms of the quality of the book content wise and paper wise. Several questions
still need to be answered. Has the content of the book been well proved to check if it can
stand the test of time? Is this content synchronous to the curriculum? Is there a decision
also stating the curriculum should not be revised before this six-year period? Has the
quality of printing material – paper, ink, binding etc. been tested for durability? Does the
pricing of the book match all the inputs that go into the book before it reaches the end
user, also paying attention to availability and affordability to the end user? We suggest
the state takes time to carry out such an in-depth analysis before properly implementing
this policy. A textbook commission as the one proposed at the end of this chapter could
be charged with follow up of such details in the conception, production and distribution
of textbooks to the end-user.
5.6 Allocation of 1% of national budget for textbook provision
There is currently no available data as to how much the state of Cameroon spends
of textbooks. This is largely because there is a new policy of single textbooks in
Cameroon, and a policy of reduced number of books. With a policy of provision of books

108
to zones of educational priority, there is no fixed budgetary allocation (data not
available) for textbook provision. The World Bank has envisioned that, if a nation spends
1% of its budget on the provision of Teaching and learning materials with textbooks
highlighted, it will go a long way to improve textbook availability for the nation and the
quality of education. Cameroon is beginning to practice provision, but it would be
necessary for the state to assess educational needs in terms of how much it will cost for
textbook provision to allocate this in its national educational budget. The state policy of
provision only of essential textbooks seems to be indicative that only some subjects need
textbooks and not all. An allocation of budget for textbook provision could cover all the
requisite books of students. Some other benefits of the allocation of budget is that it
would cover the entire nation as the need for school textbooks is acute across the
national territory.
5.7 Make available quality data to inform policy
There is no adequate available data provided by the state to inform most of the
policies enlisted so far in the amelioration of the textbook situation in Cameroon. If we
take the recent policy of the provision of essential textbooks to regions of educational
priority, we could comfortably say the choice of the government is haphazard. It is not
informed by data. Field data indicates that there is acute shortage of books in all the
regions of Cameroon. The actual statistics are worse than the officially reported statistics.
We take the reported case of Bafut above with many 0% textbook cases. Interviews were
also carried out with teachers of some government schools in Bamenda that reported less
than 5 students in each class (class size averagely 70 students) having textbooks (that is
about 1 textbook for every 14 students). This is what is reported for the rural areas yet
testimonies of 2019 in some schools in urban areas give same poor results. It would then
be worse in rural areas. It would therefore make sense if the textbook policy for
Cameroon were to cover all the regions of the nation given the acute shortages in urban
and rural areas.
A policy not backed by data is bound to fail. If the state has a free textbook policy
for some regions of the nation without adequate data and consequent proper budgeting,
the policy may not eventually be cost effective. This may also be problematic in designing
a state budget for textbook provision. An exact situation of the number of schools and
the needs of each school may be the best practice. This is already being practiced in some
African countries and Rwanda is a good case in point. Given that the attested reality of
textbook availability and affordability is very bad in Cameroon, that is, unavailability of
books and absence of data, it would be imperative for the state to put a commission to
examine the situation – the state of availability, the needs and what it would take the
state to provide these books. Given the resources of the country, and its budgetary
allocations, we believe that ensuring quality education through provision of textbooks
and other teaching and learning material will in the long term cut down costs on health,
security, food security and other related development problems which are directly linked
to absence of education. As Chabbott and Ramirez (2000) noted, there is a direct link
between education and development. Investing in education is therefore a sure way to
development, and development cannot be achieved without reliable data.
109
6. School Textbook Council
The idea of a school textbook council is a council or commission that has as
objective to control or ensure the elaboration of school textbooks based on accepted
curricula, the production of these books, the elaboration of costs, the distribution and
transportation to end user. This council should be responsible for the elaboration,
production and distribution of textbooks while ensuring their availability to schools.
Some parts of the developing world (notably India, Indonesia, the Philippines,
Bangladesh, Latin America and the Caribbean, Asian and Pacific countries) have had such
councils and took the cue from UNESCO and now boast well-regulated book industries
and adequate availability. Good examples are the Asia-Pacific Reading Promotion and
Book Development (APPREB) and the Regional Centre for the Promotion of Books in Latin
America and Caribbean (CERLALC), which are UNESCO supported and ensure that
reading needs of the people in those regions are catered for. Available information shows
that Africa also had a similar body, referred to as the Regional Centre for Book Promotion
in Africa (CREPLA) in Yaoundé, Cameroon, which unfortunately remained moribund and
nonperforming since its inception in the 1970’s (Nyariki 2016:6). There was also a
national centre in Cameroon known by its acronym EDICEF which unfortunately also
folded up.
There is a need to formulate National Book and Reading Policies, enact them into
law and establish National Book Development Councils to implement them (Nyariki
2016:7). Nyarika also proposes every country should have a national book and reading
policy with a National book council. Such a centre can regulate issues relating to the
book production chain to ensure that the cost of the books is always affordable to the
community and therefore reduce problems relating to cost of books. This committee will
ensure
• the right content (greater indigenous publishing in terms of both content, language
and digital formats)
• the right place (accessibility of bookshops, libraries and other distribution channels)
to all regions
• the right price (an affordable price, given the socio-economic conditions that exist
in Africa)

Conclusion
This chapter has examined issues relating to textbook availability and textbook
affordability in Cameroon. It has examined some of the factors that are responsible for
textbook scarcity in the market and how these factors can be surmounted within the
Cameroonian context. The chapter examined the situation of Cameroon before 2017 and
the changes a new prime ministerial decree can and has done to change the situation.
The paper was not, however, able to assess the progress made by the nation to address
the situation given the time frame is still too short to carry out a proper monitoring.
Textbook availability and affordability in Cameroon therefore continues to be a problem
with little changes.

110
Bibliographie

Fredriksen, B; Brar, S. and Trucano, M. (2015) Getting Textbooks to Every Child in Sub-
Saharan Africa Strategies for Addressing the High Cost andLow Availability
Problem. World Bank Group.
Fredriksen, B. (2016) Textbook Cost and Financing in Sub-Saharan Africa. Presentation
at BBL on Strategies to tackle high cost and low availability of textbooks: The role
of ICTs as Supplementary Learning and Teaching. Abidjan.
Heyneman, S., and J. Farrell. 1978. Textbooks and Achievement: What We
Know.Washington, DC: World Bank.
Chabbott, C and Ramirez, O. F. (2000) Development and Education. In Hallinan M.T
(eds) Handbook of the Sociology of Education.Handbooks of sociology and Social
Research. Springer: Boston, MALoi N°98/004 du 4 Avril 1998 d’Orientation de
l’Education
auCamerounhttp://portal.unesco.org/education/en/files/12704/10434093270Came
roun1.doc/Cameroun1.doc
Nyariki, L. (2016)A Case For National Book And Reading Policies For Africa In The
Advent Of The Digital Revolution: An Advocacy Policy Paper For The Association
For The Development Of Education In Africa (ADEA).
Read, A., and V. Bontoux. Forthcoming. Where Have All the Textbooks Gone?
TheAffordable and Sustainable Provision of Learning and Teaching Materials in
Sub-SaharanAfrica. Washington, DC: World Bank.
UNESCO (2011) United Nations Educational, Scientific, and Cultural Organization). EFA
Global Monitoring Report 2011. UNESCO, Paris.
UNESCO (2012) United Nations Educational, Scientific, and Cultural Organization). EFA
Global Monitoring Report 2012. UNESCO, Paris.
World Bank (2001).A Chance to Learn: Knowledge and Finance for Education in Sub-
SaharanAfrica. Africa Region Human Development Series. Washington, DC: World
Bank.
World Bank (2002). “World Bank Support for Provision of Textbooks in Sub-Saharan
Africa(1985–2000).” Africa Region Human Development Working Paper Series,
WorldBank, Washington, DC.

111
112
CULTURE ET ECONOMIE AU CAMEROUN : QUELLE EST LA PLACE DU
LIVRE EN GENERAL ET DU MANUEL SCOLAIRE EN PARTICULIER ?

GHEMKAM T. Grace Alvine


Institut Universitaire du Golfe de Guinée

Titulaire d’un Master en Monnaie, Banque et Finance obtenu à l’université de


Dschang, Grace Ghemkam est une passionnée d’économie. Cherchant à associer la
théorie à la pratique, elle a, dans la même université, complété sa formation scientifique
par un Master professionnel en Banque, Assurance Bourse. Depuis 4 ans, parallèlement à
ses travaux de recherche, elle enseigne à l’Institut Universitaire du Golfe de Guinée (IUG)
où elle a l’opportunité de communiquer sa passion aux jeunes étudiants.

Résumé
Ce travail met en évidence la place de la culture et plus spécifiquement celui du
livre scolaire dans une économie. En l’absence de données fiables et de politique du
manuel scolaire au Cameroun,l’étude du cas de la France a été menée pour permettre de
projeter les retombées d’une politique du manuel scolaire sur l’économie camerounaise.
Les données recueillies sur la France d’une part ont montré que 14% du chiffre d’affaires
des éditeurs de ce pays proviennent de la vente des manuels scolaires, que le secteur du
livre y constitue en moyenne 6% de la valeur ajoutée du secteur culturel et l’industrie
culturelle environ 3% du PIB français. D’autre part, ces données ont montré que la valeur
ajoutée créée par le marché du manuel scolaire n’y est pas suivie d’une sortie des
capitaux car ce marché est dominé par les éditeurs nationaux. Par contre, au Cameroun,
ce même marché est dominé par les étrangers.D’où la nécessité de mettre en place une
politique pouvant permettre la protection et le développement d’une industrie culturelle
camerounaise.

Mots clé : Manuel scolaire, chiffre d’affaires, PIB, valeur ajoutée.

Introduction
Il y a un lien étroit entre le secteur culturel et l’économie. D’après l’Unesco, ce
secteur fait partie des branches de l’économie qui connaissent les croissances les plus
rapides dans le monde. En 2015, le secteur culturel a généré 2250 milliards de dollars de
revenu annuel dans le monde et environ 30 millions d’emplois (UNESCO). Les différents
démembrements du secteur culturel retenus par l’UNESCO sont : l’audiovisuel, le
spectacle vivant, la presse, les agences publicitaires, le patrimoine, l’architecture, les arts
visuels, l’enseignement et les livres. Les retombées économiques du secteur culturel
mentionnées plus haut ne peuvent survenir que si les gouvernements s’impliquent dans
le développement de ce secteur. Il s’agit de la mise sur pied d’une politique efficace
propre à chaque sous-secteur de l’industrie culturelle. En France, une politique culturelle
113
a été élaborée et implémentée dans les années 70. On observe que ce secteur y est
contrôlé en majorité par des entreprises françaises ; il représente entre 2 et 3% du PIB et
crée environ 600 000 emplois. Lorsqu’on s’intéresse en particulier au marché du livre, on
constate qu’il contribue au moins à hauteur de 5% à la valeur ajoutée du secteur culturel
et crée 80000 emplois en France (Picard, 2017).
Au Cameroun à l’ouverture de la conférence régionale sur le secteur de l’édition
en Afrique et son rôle dans l’éducation et la croissance économique, l’ancien ministre de
la culture Jean Narcisse Mouelle Kombi a reconnu que l’industrie du livre a des carences
multiples qui l’empêchent de décoller. Il s’agit de problèmes juridiques, de gouvernance,
de formation, de distribution et financement, bref de l’absence d’une politique
gouvernementale dans ce secteur. Il serait difficile pour nous de contredire cette
affirmation du ministre au vue de l’évolution du marché du livre au Cameroun.
Avant les indépendances, le marché du livre au Cameroun était en effet
entièrement contrôlé par les occidentaux. Une partie des livres était éditée et imprimée
par les missionnaires chrétiens et le reste produit à l’étranger (Engoulou, 1984). Après les
indépendances, lorsque les Camerounais ont repris la gestion du pays, le marché du livre
n’a pas véritablement changé de visage : il y a eu l’entrée locale d’une seule maison
d’édition, en l’occurrence les éditions CLÉ. Les bibliothèques n’étaient présentes que dans
les grandes écoles et les universités. Cette situation n’a pas favorisé une culture de la
lecture chez les Camerounais (MINTSA-ZE, 1970). La crise économique des années 80 et
le problème de gouvernance rencontré par le Cameroun n’ont pas contribué à inverser la
tendance. Ces facteurs sont aggravés par l’absence d’une politique gouvernementale
dans tous les sous-secteurs du livre, qu’il s’agisse du livre scolaire, parascolaire et
d’enseignement, du livre de science, de médecine, de gestion, des dictionnaires et
encyclopédies, des romans, des documents… (classification du Syndicat National de
l’Edition en France).
Comme l’ont dit les officiels lors du Forum national du manuel scolaire et du
matériel didactique de 2012 organisé par le ministère de l’Education de Base, la politique
du manuel scolaire au Cameroun est en effet encore à élaborer. Le manuel scolaire est
pourtant un segment important du marché du livre au Cameroun. Selon une étude de
Balock (2014), les manuels scolaires sont les livres les plus lus au Cameroun. D’après Eco
Matin (2018), les données de l’Institut National de la statistique montrent que le marché
du manuel scolaire a un chiffre d’affaires dépassant les 200 milliards de FCFA, et que
malheureusement 90% de ce chiffre d’affaires généré par la filière du manuel scolaire
sont reversés à l’étranger ; le Cameroun n’en conserverait que 10%. En outre, la petite
portion d’éditeurs locaux imprime pour la majorité leurs livres à l’étranger. Le choix de
faire imprimer les livres à l’étranger s’explique surtout par les coûts de production élevés
au Cameroun. Ces coûts peuvent s’expliquer par le fait que le Cameroun importe tout le
matériel et autres accessoires nécessaires à la production du livre. Or cette transaction se
heurte au non-respect, de la part du Cameroun, des accords de Florence rédigés dans le
cadre de l’UNESCO et qu’il a ratifiés (EDITAFRICA, 2018). Ces accords exonèrent de frais
de douanes les produits nécessaires à la production du livre. Conséquences :
renchérissement du livre produit localement par rapport à celui produit à l’étranger,
114
hypothèque à l'émergence d'une l'industrie locale du livre, aggravation du déséquilibre
de la balance commerciale. Quel pourrait être l’apport du marché du livre en général et
du manuel scolaire en particulier dans une économique comme celle du Cameroun dans
l’hypothèse de la mise en place d’une politique nationale du livre et du manuel scolaire
de qualité ? Tel est l’objectif de cette étude.
Au Cameroun, il y a peu d’étude, sur l’apport de l’industrie culturelle dans
l’économie. On peut donc comprendre la quasi absence des études sur l’apport
économique de l’édition du livre en général et sur celui du livre scolaire en particulier. La
rareté de ces études serait due à celle des données sur le sujet.
Pour atteindre notre objectif, nous allons étudier le cas d’un pays où une
politique du livre en général et du manuel scolaire en particulier a été mise en place
depuis des années : c’est le cas de la France. Ce cas nous permettra d’entrevoir, toutes
proportions gardées, les bénéfices que pourraient éventuellement tirer le Cameroun de la
mise en œuvre d’une politique du livre en général et du manuel scolaire en particulier.
Dans ce travail, nous étudierons ainsi dans un premier temps l’apport du secteur
culturel français dans l’économie de ce pays, avec un accent particulier sur le secteur du
livre. Dans un second temps, nous présenterons l’état actuel du marché du livre au
Cameroun.
1. Culture et économie en France : l’apport du marché du livre
Selon les chiffres du site du ministère de la culture de France, la filière
économique du livre peut être considérée comme la première des industries culturelles.
Comme les autres industries culturelles, il s'agit d'une activité qui connaît une grande
incertitude devant la réception de ses produits par le public des lecteurs.
1.1. L’apport de la culture dans l’économie Française
Pour mesurer l’apport de la culture dans l’économie française, nous allons
présenter le poids en valeur ajoutée de la culture dans l’économie ainsi que les emplois
créés par ce secteur.
1.1.1. Part en valeur ajoutée de la branche culturelle dans l’économie
française
Les données recueillies par l’INSEE et utilisées par Tristan Picard s'appuient sur
les méthodologies de l'Union européenne et de l'UNESCO. Donc, l'étude prend en
compte les valeurs ajoutées de l’industrie de l'image et du son ainsi que l'accès au
savoir et à la culture, c'est-à-dire les bibliothèques et les archives par exemple.

115
Tableau 1 : poids (en valeur ajoutée) et part relative des branches culturelles dans le
champ de la culture et dans l’ensemble de l’économie française de 1995 à 2015

Valeur ajoutée Part dans Part dans l’ensemble


(en l’ensemble des de l’économie (%)
milliard d’Euro) branches culturelles
(%)

1995

2014

2015

1995

2014

2015

1995

2015
2014
Audio 6,2 12,1 12,2 25 28,2 28,4 0,57 0,63 0,63
visuel
Spec- 2,9 6,7 6,7 11,7 15,6 15,7 0,27 0,35 0,35
tacle vivant
Presse 5,4 5,5 5,4 21,6 12,8 12,6 0,49 0,29 0,28
Agence 2,8 4,7 4,7 11 10,9 10,9 0,25 0,24 0,24
publicitaire
Patrimoine 1,2 4,1 4,1 4,9 9,5 9,4 0,11 0,21 0,21
Architecture 1,4 3,3 3,2 5,8 7,6 7,4 0,13 0,17 0,16
Livre 2,1 2,5 2,5 8,4 5,8 5,7 0,19 0,13 0,13
Arts visuels 1,6 2,3 2,4 6,4 5,8 5,7 0,15 0,13 0,13
Enseignement 1,3 1,8 1,9 5,2 4,3 4,4 0,12 0,10 0,10
Ensemble de 25 42,8 43,1 100 100 100 2,28 2,23 2,21
la culture
Ensemble de 109 1917, 1949, 100 100 100
l’économie 7,4 7 8
Source : rapport du poids économique direct en 2015 présenté par Tristan Picard72

Selon un rapport conjoint du ministère de l’économie et du ministère de la


culture en France, la part de la culture dans la valeur ajoutée a régulièrement augmenté
entre 1995 et 2005, atteignant alors 3,5%. En 2011, la culture a contribué à hauteur de
57,8 milliards d'euros au PIB, soit quasiment au même titre que l’industrie
agroalimentaire et sept fois la valeur ajoutée de l’industrie automobile. Il s'agit de la
valeur ajoutée directe qui équivaut à 3,2% du PIB. Avec une valeur ajoutée de
43 milliards d’euros en 2015, l’ensemble des acteurs des branches culturelles représente
2,2 % de l’économie française. Il s’agit là d’une légère baisse par rapport aux chiffres de
2,23% obtenus en 2014.
L’étude menée par ces deux ministères montre ce que l'Etat et les collectivités
territoriales dépensent dans la culture. En 2012 l'intervention de l'Etat représentait un

72
Le poids économique direct de la culture en 2015 est un rapport présenté par Tristan Picard, du
Département des études, de la prospective et des statistiques. Les données utilisées par l’auteur
dans ce rapport proviennent des comptes nationaux-base 2010, statistiques produites par l’Insee et
le ministère de la culture.
116
total de 13,9 milliards d'euros par an, et celle des collectivités territoriales 7,6 milliards
d'euros dont une part en dotations de l'Etat, les secteurs prioritaires étant les
bibliothèques, les archives, l’enseignement, le culturel et l’audiovisuel.
L’Etat français fait le choix d’investir dans ces secteurs eu égard à l’importance de
l’économie culturelle et des effets induits de ses activités sur les autres branches de
l’économie (les entreprises de construction, d’électricité, de restauration…) qui sont de
l’ordre de 46,5 milliards d’euro. Ce choix peut davantage se comprendre lorsqu’on sait
qu’en 2011 la valeur ajoutée du secteur culturel moins les effets induits représentait 44,5 %
de l’ensemble de la production de ce secteur. Le secteur de la culture est donc un secteur à
forte valeur ajouté.
1.1.2. Les emplois créés par le secteur de la culture
En plus de créer de la valeur ajoutée, l’industrie culturelle créée aussi des
emplois.
Tableau 2: évolution de l’emploi dans le secteur culturel
2011 2014 2015 Evolution (%)
2011/2015
Architecture, 215107 219072 205964 -4,3
patrimoine et arts
visuels
Audiovisuel et 188593 172503 166291 -11,8
agences de publicité
Spectacle vivant et 123325 117928 119924 -3,1
enseignement
Livre et presse 151869 110030 105696 -30,4
Ensemble de la 678833 619583 597475 0,5
culture
Source : rapport du poids économique direct en 2015 présenté par Tristan Picard
En 2015, 597000 personnes travaillaient dans les branches culturelles. Or en
2014, c’est 619583 personnes qui y travaillaient, soit une différence de 22108 employés
par rapport à 2014 (– 3,6 %,). Cette réduction du nombre d’emplois s’observe depuis
2011. A cette date, 678833 personnes étaient employées dans le secteur de la culture.
Les branches culturelles ont perdu 80000 emplois en quatre ans (– 12 %). En 2015, seuls
le spectacle vivant et l’enseignement ont présenté une évolution positive (+ 1,4 %).
1.2. : La place du marché du livre dans la culture

Chaque année, des milliers de nouveaux titres toutes catégories confondues


sont commercialisés en France. Certains seront largement connus par les lecteurs et
d’autres non. Le manuel scolaire fait partie de la première catégorie, car à chaque rentrée
scolaire, les parents se dépêchent pour entrer en possession des nouveaux livres aux

117
programmes. La présence de ces livres sur le marché est entièrement dépendante de la
chaine de production.
1.2.1. La chaine de production du livre
Selon le ministère de la culture française, les acteurs intervenant dans la
production du livre sont les suivants :
a. Les auteurs
L’auteur est celui qui crée le contenu du livre. On estime à plus de 55 000 le
nombre des auteurs de livres en France, qu’il s’agisse des écrivains, des illustrateurs ou
encore des traducteurs (ministère de la culture français). Pour un manuel scolaire, il existe
plusieurs auteurs : enseignants de terrain, universitaires spécialisés dans la discipline
concernée et formateurs d’enseignants. Les auteurs cèdent leur droit d’exploiter leurs
œuvres à l’éditeur. Ils sont rémunérés en droits d’auteur et peuvent bénéficier d’une
avance sur frais avant la publication de l’ouvrage (Scolaro, 2008).
b. Les éditeurs
Les deux premiers groupes d’édition en France totalisent aujourd’hui environ
35 % des ventes de livres et les douze premiers éditeurs près de 80 %. L’édition française
se caractérise également par l’existence de très nombreux acteurs indépendants aux
dimensions variables, dont la production contribue à la diversité de l’offre éditoriale
(ministère de la culture français). Selon les données de Fabrice Piault, environ 80% des
20 premières maisons d’édition appartiennent aux Français et environ 20%
appartiennent aux étrangers qui viennent pour la plupart des pays membres de l’Union
Européenne.
Les éditeurs qui se partagent l’essentiel du marché du manuel scolaire en France
sont : Bordas et Nathan appartenant à un groupe espagnol (Editis), Hachette et Hatier
(groupe Lagardère), Magnard et Belin appartenant aux Français (Le Monde, 2011).

c. Les imprimeurs
Le livre représente 8 à 9 % du chiffre d’affaires de la production d’imprimés et
7 % de la consommation de produits finis graphiques (rapport de l’agence Écla
Aquitaine). Un quart environ des entreprises de ce secteur (prépresse, imprimerie, reliure)
travaille pour l’édition, soit quelques 300 sociétés de plus de dix salariés (ministère de la
culture français).

d. La diffusion et la distribution
D’après le ministère de la culture français, « la diffusion du livre regroupe
l’ensemble des opérations destinées à faire connaître les ouvrages auprès des libraires et,
plus généralement auprès de l’ensemble des revendeurs. La distribution du livre regroupe
l’ensemble des tâches liées à la circulation physique des livres (stockage, transport...) et à
la gestion des flux entre l’éditeur ou son diffuseur et le détaillant ».
Selon les chiffres du SNE, entre 4 et 7% du prix de vente du livre revient au
diffuseur et entre 8 et 15% au distributeur. Les livres sont diffusés de la manière suivante
en France : 22% pour les libraires, 41,5% pour les grandes surfaces spécialisées et non

118
spécialisées, 18,5 % pour les ventes sur internet et 18% pour les autres moyens de
diffusion (courtages, clubs, écoles, marchés…).
Bien qu’elle soit le deuxième moyen de diffusion, la librairie indépendante
représente une activité qui gère deux fois plus d’emplois que dans les grandes surfaces
culturelles, trois fois plus que dans la grande distribution (ministère de la culture
français). En 2011, le secteur de la librairie indépendante avait généré près de 14000
emplois selon le syndicat de librairie en France.

1.2.2. Les données du secteur du livre en général


Lorsque nous observons les données ci-dessus, on contate qu’entre 1995 et
2015, la valeur ajoutée du secteur du livre est passée de 2,1 milliards d’euros à 2,5
milliards d’euros. Cependant sur cette même période, le poids du livre a baissé aussi bien
dans le secteur culturel que dans l’ensemnle de l’économie. Il est passé de 8,4% à 5,4%
pour le secteur culturel et de 0,19% à 0,13% pour l’ensemble de l’économie. L’emploi
dans le secteur du livre connait la même évolution que la valeur ajoutée : de 2011 à
2014, il y a une perte de 46123 emplois soit une évolution de -30,4%.
D’après les données du syndicat national de l’édition en France, le chiffre
d’affaires des éditeurs est passé de 2707 millions d’euros en 2010 à 2667 millions d’euros
en 2015, soit une baisse de 6 %. Mais en 2016, la tendance a changé, ce chiffre est
monté à 2838 millions d’euros, soit une augmentation de 6,4% par rapport à 2015. Cette
croissance serait essentiellement due à la hausse du chiffre d’affaires de l’édition scolaire
grâce à la réforme partielle des programmes scolaires. Le livre scolaire tire également la
croissance dans le segment des livres numériques en réalisant 8% du chiffre d’affaires du
secteur. Ce sont les livres universitaires qui réalisent les plus hauts pourcentages: en
effet, ils représentent 80% du chiffre d’affaires sur le segment des livres numériques.
Depuis 2010, le poids du chiffre d’affaires du support numérique dans le chiffre
d’affaires des éditeurs progresse fortement dans l’édition : de 0,7%, il est monté à 8,3%
en 2016.

119
1.2.3. La part des différents secteurs de l’édition dans le chiffre d’affaires
des éditeurs.

Tableau3 : évolution du chiffre d’affaires des éditeurs par secteurs de 2010 à


2011 (les données sont en pourcentage)

2010
2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017
Livres scolaires,
parascolaire et 13 16 14 13 13 12 14 14
enseignement
Sciences et techniques,
4 3 3 3 3 3 3 3
médecine, gestion
Sciences humaines et
8 7 9 10 10 10 14 14
sociales (dont Droit)
Dictionnaires et
encyclopédies dont
4 2 3 3 3 3 1,4 1,3
Encyclopédies en
fascicule
Romans 24 26 24 25 24 23 21 22
Documents, actualité,
4 4 4 3 3,5 4 4 4
essais, humour
Jeunesse 14 14 13 13 14 14 13,5 13
Bande dessinée 6 6 7 7 7 7,5 6 7,6
Mangas, comics 2 2 2 2 3 3 3 3
Arts et Beaux livres 4 3 3 3 3,5 3,4 3 2,9
Loisirs, vie pratique,
14 13 14 13 13 13 13 13
tourisme
Source: Fait par l’auteur à partir des données du SNE (syndicat national de l’édition)

Le tableau ci-dessus montre l’évolution du chiffre d’affaires de l’édition par


secteur de 2010 à 2017. Nous pouvons constater que le poids de chaque secteur au fil des
années ne varie pas beaucoup. Le roman est le secteur dont le chiffre d’affaires est le plus
élevé durant ces années. Son chiffre d’affaires a connu son pic en 2011(26% du CA) pour
ensuite connaitre une baisse qui a atteint 21% en 2016 avant de connaitre une légère
remontée en 2017(22%). Cette hausse est due à la sortie des titres d’auteurs à succès. Le
secteur scolaire et parascolaire est le deuxième plus important secteur. Le pourcentage de
son chiffre d’affaires oscille entre 12 et 16%. En 2016, c’est le secteur qui a le plus participé
à améliorer le chiffre d’affaires des éditeurs grâce à la réforme scolaire mise sur pied par le
gouvernement français. Les secteurs jeunesse et loisirs occupent le troisième rang en
termes de pourcentage du chiffre d’affaires qui tourne autour de 14 et 13%. Mais il faut

120
noter qu’en 2017, ils occupaient le quatrième rang après le secteur des sciences sociales.
Cette baisse serait due selon le rapport du syndicat national de l’édition (2018) au mode
de vie de la nouvelle génération. Il repose essentiellement sur des titres issus du cinéma,
des séries et sur des auteurs venus d’internet.

2. Le marché du livre camerounais


Le Cameroun est un pays dont l’économie est basée sur les secteurs primaire et
tertiaire. L’industrie culturelle qui y fait pourtant partie du deuxième secteur peine à
décoller. Le marché du livre qui participe de ce secteur ne fait pas l’exception. Pour
comprendre les difficultés rencontrées par ce secteur, nous présenterons tout d’abord les
données macroéconomiques du Cameroun avant de montrer les difficultés qu’y
rencontrent les acteurs du livre.

2.1. Les données macroéconomiques du Cameroun.


Depuis les années 70, le Cameroun fait partie des pays producteurs de pétrole.
Les revenus issus de la vente de cette matière première ont permis à ce pays d’avoir un
PIB de 7% (FMI), ce qui faisait du Cameroun l’un des pays les plus prospères de la sous-
région Afrique Centrale. Mais les années qui ont suivi étaient moins glorieuses à cause de
la chute des cours du café et du cacao. Ensuite, le pays a dû faire face à une dévaluation
du FCFA en 1994. On a alors assisté à une forte récession économique qui a entraîné le
gel de plusieurs projets y compris naturellement des projets culturels. D’après un rapport
de l’Institut National de la Statique en 2014, 48% de la population vivrait sous le seuil de
pauvreté. Cette population consommerait donc en priorité des produits de première
nécessité. Les produits du secteur culturel n’entrent pas dans cette catégorie. Depuis lors,
le Cameroun s’est attelé à mettre en place des plans de relance économique et a
bénéficié depuis 2004 de l’annulation partielle de sa dette pour lui permettre de
redécoller économiquement. La croissance du PIB en 2012 était de 5,2% et, en 2018,
estimée à 3,8% (FMI). Selon les statistiques officielles, le taux de chômage est estimé à
environ 13% tandis que le taux de sous-emploi est de 70%. Le secteur primaire contribue
à plus de 14% du PIB et emploie près de 62% de la population active (Banque Mondiale).
Avant le développement du commerce du pétrole (qui représentait à lui seul plus de 8%
du PIB), l'agriculture était le pilier économique du pays. Le secteur secondaire représente
plus du quart du PIB et emploie 9% de la population active. Le secteur tertiaire
représente plus de la moitié du PIB (52%) et emploie environ 30% de la population
active.
Le Cameroun s’est engagé dans une politique visant à réduire sa dépendance à
l’égard du secteur des hydrocarbures dans le cadre d’une stratégie de diversification de
son économie actuellement dominée par le pétrole. L’objectif de cette politique est de
faire en sorte que le pays devienne une économie émergente à l’horizon 2035.
L’industrie culturelle pourrait être l’un des secteurs qui permettrait au Cameroun
de diversifier son économie et d’atteindre l’émergence à la date fixée.

121
2.2. Les habitudes de lecture au Cameroun
D’après Elongue (2019), il existe deux groupes de lecteurs au Cameroun : « les
grands lecteurs ou lecteurs professionnels et les lecteurs occasionnels ou lecteurs
moyens ». Le premier groupe est constitué des jeunes qui lisent aussi pour le plaisir : en
plus des livres inscrits aux programmes, ces jeunes lisent également les magazines, les
romans, les bandes dessinées…. Leur passion pour la lecture viendrait de l’éducation, et
de l’exemple que leurs parents leur auraient donné. Le deuxième groupe comprend les
jeunes qui lisent par nécessité, les livres lus étant généralement les livres inscrits aux
programmes. Selon Kamdem (2011), ce sont les lectures scolaires et universitaires qui
sont les principales initiatives de lecture au Cameroun. D’après cette étude, les jeunes
vont à la bibliothèque soit pour une recherche, soit pour un devoir scolaire.
L’étude menée par BALOCK (2014)73 va dans le même sens que les articles qui
précèdent. Dans cette étude, les adolescents lisent souvent en dehors des livres aux
programmes. 56,25% des jeunes de son étude affirment lire, en dehors des livres, des
magazines ou des journaux. Le nombre de livres lus varie de deux à plus de dix par
trimestre, y compris les livres scolaires. 70,96 % d’entre eux affirment lire des livres
autres que ceux qui sont aux programmes.
De ces études, il ressort que tous les jeunes scolarisés ont eu à acheter au moins
un livre au programme ou en sont à la recherche. Dans un contexte où les parents lisent
pour la plupart des journaux et les jeunes les livres aux programmes, le marché du
manuel scolaire apparaît comme le marché ayant le plus grand potentiel dans l’édition du
livre au Cameroun.

2.3. Quelques acteurs de la chaine du manuel scolaire au Cameroun


Au Cameroun, la chaine de production du manuel scolaire est contrôlée par
l’Etat, le secteur privé national et étranger. Les acteurs qui font les plus gros chiffres
d’affaires sur ce secteur sont : les éditeurs, les diffuseurs/distributeurs et les libraires. Ce
sont ces acteurs que nous allons retenir dans notre étude. Selon les statistiques de
l’institut national de la statistique, 90% du chiffre d’affaires généré par la filière du
manuel scolaire a été reversé à l’étranger en 2011.

2.3.1. Les éditeurs


Depuis des années, le marché du livre est dominé par les éditeurs européens
notamment français que sont Larousse, Robert, Nathan et ÉDICEF, qui détiennent 70%
de parts de marché du manuel scolaire. Les éditeurs locaux, en l’occurrence la société de
presse et d’édition du Cameroun (SOPECAM) qui est une entreprise étatique, le centre
d’édition et de production pour la recherche (CEPER), les éditions CLÉ, et les autres ne
détiennent que 5% de parts de ce marché. Ce dernier chiffre concerne particulièrement
l’édition des manuels scolaires du sous-système francophone. La part de marché des

73
Louise Lutéine BALOCK née NGO KOBHIO a mené une étude sur Les adolescents et la lecture à
Yaoundé : contribution à la mise en œuvre d’une politique de développement de la lecture

122
éditeurs locaux dans le sous-système anglophone est un peu plus importante et s’élève à
25%.
D’après le quotidien Mutations, les éditeurs locaux détenaient 22,7% de parts
de marché en 1994-1995 ; ces chiffres sont passés successivement à 15% en 1997-1998,
12,7% en 2004-2005, 6% en 2006-2007 pour être autour de 5% en 2017-2018. L’année
scolaire 2018-2019 semble mettre fin à la baisse continue de la part de marché des
éditeurs locaux dans le secteur du manuel scolaire que l’on a observée ces dernières
années. Pour cette année 2018-2019, les éditeurs locaux auraient obtenu 75% du marché
du manuel scolaire selon cette même source.

2.3.2. La diffusion et la distribution


La diffusion et la distribution peuvent représenter jusqu’à 20% du prix du livre
pour l’éditeur. Au Cameroun, la diffusion n’est pas encore une activité très développée.
On trouve par contre quelques entreprises de distribution dont les principaux sont :
Messapresse, Passerelle et Aceda. Mais il faut noter que pour de nombreux éditeurs, la
majorité des ventes au Cameroun résulte plus du porte à porte que de véritables contrats
de diffusion/distribution (EditAfrica). Le principal distributeur de livres est la Messagerie
MESSAPRESSE : c’est une société de droit français qui s’occupe également de la
distribution des journaux et des livres non scolaires ; elle réalise plus de 80% de son
chiffre d’affaires sur la vente des livres scolaires.

2.3.3. Les librairies


Au Cameroun, la librairie est le secteur où les nationaux ont pu se faire une
place importante. Mais ce maillon de la chaine comme tous les autres, rencontre un
certain nombre de difficultés. La première concerne les pénuries des manuels scolaires
qui s’observent à chaque rentrée scolaire depuis un certain nombre d’années au
Cameroun. C’est généralement lors de ces rentrées que les libraires font leurs gros
chiffres d’affaires. Les libraires rencontrent également des problèmes d’ordre financier, et
il leur est parfois difficile de faire face à leurs engagements vis-à-vis des éditeurs. Selon
Cognard (2012), très peu de libraires respectent les échéances de remboursement chez
les éditeurs et voient leurs comptes bloqués de manière provisoire. L’une des causes de
ce désagrément, c’est la difficulté qu’ont les libraires à se faire financer par les banques
classiques comme les autres PME au Cameroun.
Il ressort de cette section que la chaine de production du livre en général et du
manuel scolaire en particulier est contrôlée par les groupes français. Nous avons dit plus
haut que le manuel scolaire est le livre le plus vendu au Cameroun. C’est donc ce secteur
qui pourrait impulser dans un premier temps le chiffre d’affaires des différents acteurs du
secteur du livre au Cameroun. En l’absence de politique du manuel scolaire qui devrait
être mise sur pied par l’Etat, les nationaux peinent à trouver leurs marques. Ce secteur
pourrait de ce fait difficilement contribuer à rendre le Cameroun pays émergent.
En France, cette chaîne est contrôlée en majorité par les Français eux-mêmes.
Nous avons vu plus haut la plus-value du secteur du livre en France. Il est à noter que
cette plus-value incorpore les activités menées dans ce secteur au Cameroun. Nous

123
contribuons ainsi au développement du livre et par ricochet de l’économie de ce pays au
détriment du nôtre.

Conclusion

Le Cameroun est un pays en voie de développement avec un taux de croissance


de 4,5%, un taux de sous-emploi qui tourne autour de 70%. Le pays espère être
émergent en 2035. Pour y arriver, il doit diversifier et développer ses différents secteurs
industriels. L’un des secteurs sur lequel le Cameroun peut s’appuyer, c’est celui de
l’industrie culturelle.
L’objectif de ce travail était de montrer que cette industrie peut contribuer au
PIB du Cameroun. De manière spécifique, nous devions montrer que le marché du livre en
général et du livre scolaire en particulier occupe une place non négligeable dans
l’économie camerounaise. Mais face à l’insuffisance des études empiriques et des
données sur le sujet, nous avons jugé pertinent de faire une étude comparative avec la
France.
Les données collectées à partir des différentes études menées en France
montrent que les livres aux programmes représentent 14% du chiffre d’affaires des
éditeurs, que le secteur du livre constitue en moyenne 6% de la valeur ajoutée du secteur
culturel, et l’industrie culturelle environ 3% du PIB français. Toutes ces valeurs créées
sont redistribuées en France, car le secteur culturel en général et du livre en particulier
est contrôlé par les entreprises françaises. Au Cameroun par contre, le secteur du livre est
contrôlé par les entreprises étrangères. Il en est de même du sous-secteur du manuel
scolaire, dont la majorité des revenus est reversée à l’étranger et développe l’industrie
étrangère au détriment du nôtre. Pour obtenir les résultats semblables, les pouvoirs
publics devraient intervenir dans le secteur du manuel scolaire.
Le Cameroun devrait donc faire valoir l’exception culturelle74pour voir la culture
contribuer à sa croissance économique comme c’est le cas en France. En France,
l’exception culturelle consiste en une politique de défense des arts nationaux. L'un des
outils majeurs utilisés pour cette défense est la mise en place de quotas.
L’application de ces quotas dans le secteur du manuel scolaire au Cameroun
devrait se faire en faveur des éditeurs locaux. Les éditeurs camerounais sont les mieux
placés pour promouvoir la littérature camerounaise et incorporer la dimension « culture
camerounaise » dans nos manuels scolaires. Un quota devrait donc leur être réservé en
priorité. La subvention des manuels scolaires soit par l’Etat, soit par les collectivités
locales dans une hypothèse de décentralisation pourrait dans un premier temps permettre
aux nationaux de faire face à la concurrence étrangère et ensuite réduire le niveau
d’incertitude lié aux revenus qui règne dans ce domaine. Un autre des aspects de la
politique du livre au Cameroun devrait être l’impression au pays de tous les manuels

74
L'exception culturelle est un concept en droit international et en politique culturelle. Il s'agit d'un
ensemble de dispositions visant à faire de la culture une exception dans les traités internationaux,
notamment auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces dispositions ont pour but
de spécifier que les États sont souverains et fondés à limiter le libre-échange de la culture sur le
marché pour soutenir et promouvoir leurs propres artistes, véhicules et porte-parole de leur culture.
124
scolaires. Les effets induits de cette décision au Cameroun seraient le développement
d’une industrie locale, culturelle (l’édition) et non culturelle (usines de transformation du
bois en papiers, les imprimeries…).

Bibliographie

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126
DES DEREGLAGES DE LA FILIERE DU MANUEL SCOLAIRE AU LIVRE
UNIQUE: L’IMPERATIF D’UNE REFORME SYSTEMIQUE

Jacques Evouna
Université de Douala
Normalien de Yaoundé, Jacques EVOUNA est Maître de Conférences de grammaire
française et de linguistique. Il coordonne l’équipe de recherche Discours, Identité,
Variations (DIVa) du Laboratoire « Langues, Littératures et Études comparées » (LLEC).
Auteur de deux essais, l’un sur les complétives en français, l’autre sur la morphologie
nominale en ewondo, il a collaboré à la direction d’un collectif sur le verbe et publié des
articles dans les domaines de ses centres d’intérêt scientifique : la grammaire contrastive,
la didactique du français, les théories syntaxiques et la description des langues naturelles.

Résumé
Cette réflexion porte à l’examen de quelques-uns des problèmes connexes de la
réforme du manuel scolaire. Le but, au plan structurel, est d’en amoindrir le coût. Il s’agit
de montrer qu’en cette matière l’intérêt de la réforme se trouve dans la résolution
systématisée des problématiques éducatives auxquelles est liée celle du manuel scolaire.
Il y a dans ce projet, latente, l’idée que l’instauration du livre unique constitue une
solution locale appliquée à un problème systémique, c’est-à-dire d’une ampleur étendue.
Par le traitement qui lui est ainsi réservé, la question du manuel scolaire semble
appréhendée par son bout terminal. Comment cette mesure fournit-elle l’opportunité
d’une réforme systémique ? Dans la perspective de systématisation ainsi préconisée, la
réflexion tiendra pour essentielles deux ou trois types de données omises dans la réforme
du manuel scolaire, en l’occurrence conceptuelles, épistémologiques et méthodologiques.
On conclut à l’impératif d’intégrer la réforme du manuel scolaire dans la réforme générale
du système éducatif et, à terme, en vue de l’élaboration (enfin!) d’une véritable politique
éducative nationale.
Mots clés :curricula, profils de sortie, programmes, méthodes

Introduction
La filière du manuel scolaire se trouve à la croisée des chemins, nourrissant,
comme la pédagogie à laquelle il est du reste étroitement lié, des débats aussi
controversés que passionnés. En cette matière, les dispositions de la circulaire du Premier
Ministre du 23 novembre 2017 qui en définit les principes sont à considérer comme un
train de mesures destinées à apporter des solutions fiables aux difficultés inhérentes à la
filière du manuel scolaire. L’observation empirique de la réception réservée aux manuels
issus de « la réforme » pose le problème de leur appréciation mitigée (par les parents et
par les enseignants). Quel bilan peut-on dresser, aujourd’hui, du parcours de la réforme
de la filière du livre scolaire ? Voilà posée, en des termes simples, la question qu’inspire
la piste qu’il a été proposé d’explorer. Sans exclure complètement l’éventualité de le
faire, l’on pardonnera à cette contribution de n’avoir pas vu la nécessité de revenir avec
insistance sur les justifications de la réforme. Il semble difficile, à ce propos, de pouvoir
127
en fournir de meilleures et de plus pertinentes que l’ouvrage de Marcellin Vounda
Etoa75.En revanche, pour répondre à la préoccupation qu’elle se définit, la réflexion fait
l’hypothèse que la réforme du manuel scolaire est porteuse d’un règlement de niveau
local. Elle s’assigne, par conséquent, l’objectif de formuler des propositions de solutions
dans la perspective d’une réforme globale ou systémique.
1. Les déréglages de la filière du livre scolaire
La crise de la filière du livre scolaire est survenue du fait d’un certain nombre de
déréglages, faiblesses et manquements, identifiables. Dans sa formulation, la thématique
de la réflexion suggère une typologie des causes. On l’adoptera donc, mais sous le
paradigme de déréglages, parce qu’elle semble convenable et qu’il est commode, pour en
parler, de s’appuyer sur un ouvrage qu’a déjà mentionné le propos introductif de cette
réflexion, l’ouvrage de Vounda Etoa. Mais, comme il faut avoir une contribution, même
modeste, on fera état des causes institutionnelles.
2. Des vides institutionnels : des actions d’efficacité faible
Une partie des déréglages de la filière du livre scolaire sont dus à des vides,
pour l’essentiel, institutionnels, c’est-à-dire l’inexistence d’institutions dévolues à
l’élaboration ou à la définition d’une politique de gestion de la filière du manuel scolaire.
Le ministère en est l’instance administrative d’implémentation et de suivi. Ce vide
institutionnel a deux principales conséquences : la première est de favoriser l’intervention
anarchique dans le secteur de toutes sortes d’acteurs et, surtout, des amateurs. La
seconde se fait perceptible dans la charge d’improvisation qui caractérise l’intervention
de ces différents acteurs, fussent-ils du Gouvernement. L’impropriété des actes
administratifs unilatéraux (l’exemple de la circulaire du PM) généralement pris dans
l’impréparation illustre, à plus d’un niveau, le faible niveau de maîtrise ou la
méconnaissance des réalités. Quant à leur efficacité, elle s’avère faible et, même,
hypothétique. La circulaire du 23 novembre 2017 ne semble pas près d’avoir contribué à
résoudre de manière définitive et satisfaisante la crise de la filière du manuel scolaire.
Pour être efficaces et pertinentes, les interventions de l’administration dans le
système éducatif (dans la filière du manuel scolaire ou dans quelque autre) doivent être
menées non pas au titre d’ordonnance, mais de promulgation qui donne force exécutoire
à des actes constitutifs initiés par une institution légale(au sens de structure politique ou
sociale établie par la loi ou la coutume).De ce point de vue, on peut se demander quelles
sont l’efficacité et l’opérationnalité du CNMMD. Car son statut, de toute façon, n’est pas
celui d’une institution jouissant de l’initiative des lois mais celui d’un simple organe
d’exécution des décisions administratives prises en matière du livre scolaire.
3. Des insuffisances structurelles sources d’anomalies techniques
Par insuffisances structurelles, il faut entendre celles liées à la rareté voire
l’inexistence de moyens techniques susceptibles de soutenir efficacement la filière du
manuel scolaire. Depuis près de trois décennies, enseignants et parents assistent,

75
Livre et manuel scolaire au Cameroun. La Dérive mercantiliste, Yaoundé, Les PUY, 2016.
128
contemplatifs et/ou complices, à l’inscription au programme de livres de qualité
douteuse, c’est-à-dire porteurs de toutes sortes d’anomalies. D’année en année, le
processus de dégradation de la qualité du manuel scolaire a pris des proportions
amplifiées. En outre, la communauté éducative se trouve généralement confrontée aux
désagréments liés à l’indisponibilité ou aux pénuries répétitives, à échéance (c’est-à-dire
à la rentrée), du manuel scolaire. Ces deux situations, perte de qualité et indisponibilité,
sont probablement dues à des lacunes techniques : la faible capacité d’édition,
d’impression et de production des éditeurs camerounais consacrés à l’activité. Vounda
(2016 : 43) incrimine précisément l’amateurisme et la vénalité des acteurs arrivés dans le
domaine, mus par l’appât du gain facile. À l’en croire, le domaine de l’édition scolaire
reste à structurer au Cameroun.
4. Les causes conjoncturelles : la crise du système éducatif
La crise de la filière du manuel scolaire fait partie d’une crise plus générale et
systémique, celle de l’école. C’est cela le propre d’une conjoncture, c’est-à-dire la réunion
d’un ensemble de circonstances pouvant être considérées, en partie ou en totalité,
comme le point de départ ou l’explication d’une situation. Les causes conjoncturelles de
la crise sont, évidemment, plus nombreuses que les deux types de déréglages
antérieurement abordés.
C’est précisément au courant des années 90, avec notamment deux coupes
successives des salaires, que les premières alertes sont lancées faisant état de la baisse
générale du niveau des élèves et le recul de l’Éducation en termes de qualité. Il faut
rappeler que l’école sera sujette à plusieurs dysfonctionnements pendant une demi-
dizaine d’années, secouées par d’innombrables grèves et autres opérations 20/20. Cette
période marque aussi la désaffection encore manifeste aujourd’hui d’une frange de la
population camerounaise pour le métier d’enseignant. Ne se présenteront plus à la porte
d’entrée de L’ENS, de L’ENSET, des ENIEG et ENIET que des jeunes n’ayant de choix que
celui que leur laisse la perspective du chômage. Plus tard, ces écoles de formation
déversent dans la profession des générations d’enseignants plus préoccupés de résoudre
des questions de leur existence que celle de l’essence de l’école ; ils deviennent des
professionnels de la « coopération » et/ou des répétitions pour certains, auteurs-
producteurs de fascicules pour d’autres. En tout état de cause, beaucoup d’auteurs de
livres décriés aujourd’hui, beaucoup d’éditeurs dénoncés se recrutent effectivement parmi
ces enseignants.Attirés par le lucre ? Peut-être, mais certainement engagés dans la lutte
pour la compensation de la rémunération d’une profession ingrate. Quoi qu’il en soit,
c’est avec eux que commencent, sous forme de fascicules, la prolifération d’une
documentation de qualité douteuse dans les salles de classe.
La crise de la filière du livre scolaire est donc une des nombreuses excroissances
d’une longue crise dont l’école camerounaise tarde à se remettre. Quelle est, dans ce
contexte de déréglage systématique, la portée de la circulaire du PM du 23 novembre
2017 ?

129
5. La réforme: l’interventionnisme exclusif de la bureaucratie
Ce point de la réflexion esquisse une analyse, on va dire, critique de l’acte de la
réforme de la filière du manuel scolaire. Il s’agit, dans la nomenclature administrative,
d’une (lettre) circulaire. C’est une des nombreuses voies dont dispose l’autorité (ministre,
recteur, gouverneur) pour faire passer à ses services une information. Dans le cas
d’espèce, la circulaire fait passer un règlement pris expressément, à titre exécutoire, en
vue de régler un problème ponctuel : celui de la violation flagrante, par le conseil
national d’agrément du manuel scolaire et des matériels didactiques, des dispositions de
l’arrêté fixant le nombre de manuels inscriptibles au programme par niveau d’études et
par matière.
Cependant, les problématiques relatives à l’Éducation rencontrent des solutions
moins dans la production d’actes administratifs que dans l’élaboration et l’exécution des
lois par des instances et institutions appropriées. Y intervenant du fait d’un vide
institutionnel, la bureaucratie endosse, à travers le PM, les premières responsabilités de
la crise du livre scolaire. Il est risqué, pour la résolution d’une question délicate telle que
le manuel scolaire, de se limiter à la prise, de manière ponctuelle, d’actes administratifs
d’interprétation problématique. Mais « la réforme », affirmait Kofi Annan, « est un
processus et non un événement. »
6. L’unilatéralité des actes administratifs
La circulaire du PM fournit la preuve de l’interventionnisme de la bureaucratie
dans le domaine de l’Éducation. L’introduction de la section consacrée aux principes
généraux devant régir la filière du livre scolaire précise que « le Gouvernement devra
veiller à la production des livres et manuels scolaires, de qualité, tant au plan de leur
valeur scientifique, de l’approche pédagogique appliquée, qu’à celui de leur présentation
matérielle. » La question que suscite cette précision concerne le cadre institutionnel
élaboré et les ressources mises à contribution pour garantir une valeur scientifique
satisfaisante des manuels ;atteindre la congruence des manuels avec l’approche
pédagogique appliquée.
Sur la question du cadre institutionnel, il est inexistant. C’est la justification de
la prise, par le PM, d’une circulaire. Mais cette dernière pose en toile de fond un
problème de méthodologie. En effet, la démarche qui consiste à appliquer, à coups
d’actes administratifs unilatéraux, des traitements administratifs à des problématiques de
l’Education rend improductives les actions et hypothétiques les résultats. C’est un
interventionnisme exclusif. Voilà qui rend bien raison au scientifique Albert Einstein pour
qui « la bureaucratie réalise la mort de toute action. » La bureaucratie empêche
d’élaborer de manière consensuelle des solutions durables et structurées ; elle en
échafaude et elle en impose. Sur le manuel scolaire, l’interventionnisme de la
bureaucratie a, par exemple, supprimé la nécessité d’une réflexion féconde (qui se mène
aujourd’hui après coup) et exclu des contributions pertinentes.
La réforme, qu’elle soit de la filière du manuel scolaire ou, plus globalement, du
système éducatif, ne peut se faire efficacement que dans un cadre institutionnel

130
réunissant acteurs, experts et décideurs. « Prendre une réforme comme seule solution au
problème posé", c’est », prévient Serge Zeller, « se réformer de toute autre solution
possible. » La réflexion affirme donc ici la nécessité de la mise sur pied d’une institution
dévolue à la résolution globale des problématiques de l’Éducation. L’interventionnisme
exclusif de la bureaucratie ne peut y apporter que des solutions sectorielles qui, du reste
imposées par le haut, s’avèrent généralement difficiles ou impossibles à implémenter
à/par la base. Y a-t-il, pour illustrer cet état des choses, meilleur exemple que celui que
nous fournit actuellement l’Approche par compétences (APC) ?
7. La présomption d’une expertise scientifique
Pour garantir la scientificité des manuels, la circulaire déploie un éventail de
principes généraux. La réflexion en a retenu cinq pour des besoins d’analyse :
- L’exactitude scientifique et l’actualisation des concepts développés ;
- L’intelligibilité et la précision grammaticale et orthographique du langage ;
- La clarté et la lisibilité des écrits et des images ;
- La conformité aux programmes ;
- La couverture intégrale du curriculum correspondant.
Quant aux ressources, il en ressort que le livre scolaire doit satisfaire à un
niveau d’exigence scientifique (épistémologique, théorique et méthodologique) arrêté par
le CNMMD, puisque « les livres ou manuels ainsi rédigés sont préalablement soumis à la
validation du Conseil National d’Agrément des Manuels Scolaires et des Matériels
Didactiques. » (Circulaire) Cela suppose de fait que cette instance de validation est
constituée d’experts des différents domaines d’études. Mais, même si cette condition
vient à être remplie ou qu’elle l’est, la mise sur pied du CNMMD constitue une solution
locale dans une problématique systémique.
Par ailleurs, la circulaire du PM assigne l’inspection pédagogique aux tâches de
définition des curricula et de confection des programmes d’études : « la compétence de la
définition des programmes appartient exclusivement à l’Etat. Dès lors, les contenus
desdits programmes et des curricula sont formulés par les Inspecteurs Pédagogiques, en
conformité avec la politique nationale de l’éducation. » (Circulaire) Mais au regard de la
situation actuelle, notamment celle qui prévaut dans le domaine d’études des lettres – où
l’exécution d’un programme (de français) inexploitable, une pâle copie d’un programme
d’importation, cause toutes sortes de tracas aux enseignants –, l’observation de la
situation actuelle autorise à dire que le règlement du PM est porteur d’une présomption
d’expertise scientifique, et même d’une source d’imposture. Il y a là une confusion entre
deux catégories pourtant distinctes : celle de professionnels et celle d’experts.
C’est, de toute façon, un risque inconsidéré de faire de ces salmigondis
épistémologiques (expression empruntée à P. Jonnaert, 2001) la base de rédaction des
manuels scolaires. Quel est le niveau d’expertise d’un IP ? La question n’est pas posée
pour faire polémique ; mais la réponse, difficilement réfutable, est qu’un acte
administratif unilatéral (de nomination), quelles qu’en soient la nature et l’émanation, ne
confère pas d’expertise scientifique à la bureaucratie pédagogique, c’est-à-dire les
compétences de conceptualisation et de modélisation. Le statut de l’inspection
131
pédagogique est globalement celui d’une instance de suivi et d’évaluation de
l’implémentation des méthodes pédagogiques et de l’exécution des programmes.
Quoique règlementaire, la circulaire du PM reste ce qu’elle est, c’est-à-dire un
acte administratif unilatéral conservatoire. La bureaucratie administrative ne peut ni se
substituer ni se confondre à la compétence institutionnelle. La réflexion y reviendra tout à
l’heure.
8. L’inadéquation entre manuels et dispositif pédagogique
Quels sont les critères de validation des manuels scolaires au Cameroun ? « Sur
la base d’une critériologie rendue publique par un arrêté du Premier Ministre, Chef du
Gouvernement, les livres et manuels scolaires sont rédigés par toute personne ou groupe
de personnes ayant tous satisfait aux critères définis. » (Circulaire) Ces critères sont
connus depuis le 4 avril 2018. Sont, entre autres, mis en avant :
- la valeur scientifique des contenus
- la correction grammaticale et orthographique
- le respect de l’Approche par compétences
- etc.
Certains pays à l’instar du Sénégal érigent, en effet, la conformité des manuels
au dispositif pédagogique (programmes d’études et méthode pédagogique appliquée) en
l’un des critères incompressibles de leur validation. Quel est le niveau d’adéquation des
manuels inscrits au programme du Cameroun avec le dispositif pédagogique ? Dans le
cas de certaines disciplines, les programmes d’études du second cycle ont été validés et
mis à la disposition des enseignants de nombreuses semaines après la rentrée. Le
CNMMD ne peut donc pas avoir validé les manuels utilisés dans les classes de seconde
sur la base de ces critères. Ce risque est d’autant plus avéré que, du point de vue
conceptuel et terminologique, on relève chez les inspecteurs pédagogiques une tendance
à glissement synonymique entre programmes et curricula.
9. L’impératif d’une réforme systémique
En même temps qu’elle y formule des propositions de solutions, cette section
veut attirer l’attention de tous sur l’importance de définir, a priori, une série d’actions qui
déterminent directement ou indirectement la qualité épistémologique et pédagogique du
manuel. Ce dernier (qu’il s’agisse de politique ou de réforme) en est une conséquence
immédiate. On veut donc définir, dans cette dernière articulation, quelles sont les
exigences épistémologiques et méthodologiques de la politique et de la réforme du
manuel scolaire au Cameroun. Car, seuls de bons manuels pourront permettre de réduire
la dépendance pédagogique de l’apprenant à l’enseignant pour faire du premier le libre
entrepreneur de sa formation.
10. L’élaboration de curricula
Les curricula sont les textes fondateurs de la politique éducative. Ils ne sauraient
donc être l’émanation des agences de suivi et de contrôle se substituant à des instances
de conception et de décision. En effet, le niveau d’exigence philosophique de la définition

132
des curricula, celui épistémologique de la rédaction des programmes d’études ou encore
celui théorique de la conception de technologies pédagogiques est tel que l’on ne peut
pas, de manière sérieuse, envisager de confier ces initiatives à une expertise incertaine et
non établie. Le passage à l’approche par compétences induit de suivre une méthodologie
curriculaire. Il s’agit, en des termes simples, d’une démarche par laquelle un système
éducatif définit pour ses différents cycles de formation des profils de sortie précis.
S’impose donc naturellement, comme d’elle-même, l’élaboration des curricula. Les
programmes doivent, de fait, obéir à des orientations curriculaires. Car « une réforme
curriculaire dépasse une refonte des programmes d’études et ne peut s’y réduire. »
(Jonnaert et al. 2006, p. 6). Dans de nombreux cas cependant (celui du Cameroun par
exemple), les programmes d’études semblent avoir supprimé la nécessité de curricula ou
alors ils en tiennent en même temps lieu. Mais, prévient un théoricien, « l’introduction de
compétences dans le processus de formation nécessite donc de repenser tous les aspects
du curriculum (y compris l’organisation scolaire et les pratiques professionnelles des
enseignants) et pas seulement les programmes et plans d’études, sauf à se limiter à une
rénovation superficielle, sous l’effet de la mode ». Florence Legendre avance même l’idée
que l’approche par compétences s’inscrit dans un ensemble plus large de changements
sociétaux dont elle est partie prenante, changements qui débordent la question des
modifications curriculaires et vont donc au-delà de la seule question de l’évolution des
contenus et des programmes d’étude. Ce qui est en cause n’est donc pas tant la
reformulation des programmes dans le langage des compétences que le changement
dans la conception de l’apprentissage mise en avant et donc de ses incidences sur les
pratiques d’enseignement. » (Rey, 2008) Dans les faits, l’élaboration de ces programmes
d’études en vigueur reste largement tributaire de la pédagogie par objectifs (PPO)
inspirée des recherches de Bloom. Ce n’est pas sans risque : « utiliser les outils
traditionnels, issus de la PPO, pour construire les curriculums actuels, dans le respect des
injonctions des responsables de l’éducation et des politiques actuelles de l’éducation,
ressemble à un pari impossible. » (Jonnaert et al. 2006, p. 12) En l’absence des curricula
donc, les programmes d’études déclinent les profils de sortie. Ces derniers restent
cependant à préciser. Les curricula sont donc étrangement inexistants ; et, dans le cas de
certaines disciplines (celles qui posent le plus de problèmes), les programmes – eux-
mêmes confusément pris pour des curricula – sont simplement le produit de grossiers
plagiats.
11. Le paramétrage des profils de sortie
Comment rendre opératoire le principe d’autodidaxie ? Il est essentiel de libérer
l’apprenant de la figure tutélaire de l’enseignant. Autonomiser l’apprenant dans sa
formation signifie une évolution de la conception du manuel scolaire qui se substitue à
l’enseignant – désormais facilitateur pédagogique – dans son rôle antérieur de guide
pédagogique. La conception qui en faisait un auxiliaire pédagogique pour l’enseignant
tombe de toute façon en désuétude. Suivant la nouvelle approche, le manuel scolaire
devient indispensable à l’apprenant et à l’enseignant. Ce devra être un manuel-méthode
pour l’un, un manuel-programme pour l’autre. Pour être efficace, le manuel devra cesser
d’être général, donc tenir compte des spécificités des formations. Dans certaines

133
disciplines, en effet, un même livre est inscrit au programme des formations a priori
différentes. La question est : comment former des profils différents à partir des mêmes
livres, des mêmes activités ? Le problème se trouve dans la lacune de définition des
profils de sortie. Or la construction des compétences est conditionnée par le paramétrage,
pour la fin de chaque cycle d’études, d’un nombre raisonnable de profils de sortie. En
matière de formation, le profil de sortie s’entend comme la silhouette, dessinée en
projection, constituée d’un ensemble cohérent d’acquis et/ou de facultés évaluables au
terme d’un cycle considéré. C’est, à la fois, « des profils de qualification puis de
formation (c’est-à-dire ce qui sert de base à la confection des programmes scolaires),
profils qui, définis ensemble et pour chaque métier générique dans chaque secteur de
l’activité, assurent à l’entreprise qu’une certification pour un métier donné garantit bien
que l’élève qui l’a obtenue est doté d’une série de compétences dont enseignement et
entreprises se sont accordés pour dire qu’elles correspondent à un seuil d’embauche et à
une employabilité. » (Paquay et al, 2000) Par-delà le discours pédagogique centré sur
l’APC, la logique qui prévaut dans les programmes d’études reste celle de la primauté des
savoirs sommaires, et de l’érection en compétences des activités d’intégration. Ce n’est
pas sans conséquence : les profils de sortie, quand ils sont définis, s’expriment en des
termes dont la généralité s’oppose à la spécificité des compétences.
12. La réécriture des programmes d’études
Le problème de l’uniformité des profils de sortie soulevé ci-dessus naît
probablement de l’uniformisation des programmes. En cette matière, quel est le
fondement de la différence de profil entre scientifique et littéraire ? La configuration des
programmes devrait logiquement aboutir à la conception, par exemple, d’un manuel de
langue ou de littérature pour les séries L (lettres), S (sciences) ou T (techniques). C’est loin
d’être encore le cas. Au-delà du simple recours au vocable « compétences », la logique
profonde du programme reste éminemment cognitive. Les notions de langue (savoirs) et
les connaissances littéraires (ressources) y prennent indifféremment la dénomination de
compétences. Les exercices écrits – le commentaire composé d’un texte, la résolution
d’un sujet de dissertation ou la contraction d’un texte – ne sont guère que des activités
d’intégration. La tendance à en faire des compétences de base – plutôt que des objectifs
d’intégration – correspond, selon l’expression d’Astolfi (1992), à de la « pratique
théorique ». C’est cela, réduire la réforme curriculaire à un jeu de mots : le remplacement
de mots par d’autres mots. Plus généralement, l’analyse de la situation actuelle
constatera difficilement un état des lieux différent de celui décrit ici : « […] de nombreux
programmes d’études, après avoir défini le concept de compétence en se référant au
constructivisme, formulent par la suite des compétences comme si elles pouvaient malgré
tout se réduire à des objectifs opérationnels comportementalistes. Ce dérapage est
observé dans très nombreux programmes actuels. Ces programmes ne sont alors que des
salmigondis épistémologiques. » (Jonnaert, 2001) L’on s’explique des avis comme celui-
ci : « il ne faut pas suivre les programmes, il faut suivre les enfants.76 » En ce qui
concerne le français, plutôt que de s’appuyer sur le recours à de paradigmes fonctionnels

76
Jean Louis Marcel Charles, La Foire aux cancres, 1969.
134
(savoirs et habiletés), ou de répartir les enseignements, d’une part, en activités de
construction et, d’autre part, en activités d’intégration, les programmes du premier cycle
démultiplient des rubriques : familles de situations, exemples de situations, catégories
d’actions, exemples d’actions, savoirs essentiels, Savoir-être et autres ressources. Cela,
généralement, embrouille la lecture et complique l’exploitation des programmes.
Conclusion
Il se dégage de cette réflexion deux ou trois conséquences. La filière du livre
scolaire constitue le bout terminal d’une problématique – celle de la cohérence et de
l’efficacité du système éducatif – dont les questions, en termes de traitement et de
solutions, sont inextricablement liées les unes aux autres. La démultiplication des AAU
(décrets, arrêtés et circulaires) en guise de solutions de la crise de la filière du livre
scolaire est l’émanation de l’interventionnisme exclusif de la bureaucratie. Mais les
traitements isolés et les solutions sectorielles ou locales s’avèrent stériles et, dans une
certain mesure, porteurs de nouvelles formes de difficultés et de complications. On ne
peut donc pas envisager de prendre un acte administratif pour chacun des secteurs du
système éducatif (curricula, programmes, approche pédagogique, manuels, etc.)
simplement en y dédiant un conseil, c’est-à-dire par un émiettement des éventuelles
solutions. Il n’y aura pas de règlement pérenne de la crise de la filière du manuel scolaire
tant que resteront entières et, donc, irrésolues les questions relatives aux secteurs
connexes. En fin de compte, la solution de la crise de la filière du livre scolaire n’est pas
administrative mais politique. Cette solution consiste en la mise sur pied d’une institution
compétente pour l’élaboration des solutions structurées, globales et durables aux
problèmes éducatifs, une institution éducative de laquelle émanera, on a envie de dire,
« naturellement » le texte constitutif d’une véritable politique éducative. Cela implique,
en dotant le Conseil national de l’Éducation d’une expertise pertinente, de le rétablir dans
la plénitude de ses fonctions et de ses compétences.

Bibliographie

Boutin, G. (2004) « L’approche par compétences en éducation : un amalgame


paradigmatique », in La psychologisation dans la société, n° 81, pp. 25-41.
Crahay M. (2006) « Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la
compétence en éducation ». Revue française de pédagogie, n° 154, p. 97-110.
Garzon, A. (1997) La Politique nationale du livre. Un guide pour le travail de terrain,
Paris, UNESCO.
Hassan Abul (1979) Conseils nationaux de promotion du livre, Paris, UNESCO.
Jonnaert, P., Barrette, J., Boufrahi, S. et Masciotra, D. (2005) « Contribution critique
au développement des programmes d’études : compétences, constructivisme et
interdisciplinarité », in Revue des Sciences de l’éducation, volume XXX(3), pp.
667-696.

135
Jonnaert, P., Furtuna, D., Ayotte-Beaudet, J.-Ph., et Sambote, J. (2015) « Vers un ere-
problématisation de la notion de compétence », in CUDC/UQAM, Cahier 34.
Pingel, F. (1999) Guide UNESCO pour l’analyse et la révision des manuels scolaires,
Paris, UNESCO.
UNESCO (2005) Stratégie globale d’élaboration des manuels scolaires et matériels
didactiques, Paris, UNESCO.
Vounda Etoa, M. (2016) Livre et manuel scolaire au Cameroun. La Dérive mercantiliste,
Yaoundé, PUY.

136
ANNEXES

Annexe 1

Décret N° 2017/11738/CAB/PM du 23 Novembre 2017 portant organisation du


conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques

Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,

Vu la Constitution ;
Vu la loi N°98.004 du 14 avril 1998 d’orientation de l’éducation au Cameroun ;
Vu la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits
voisins ;
Vu le décret n°92/089 du 04 mai 1992 précisant les attributions du Premier Ministre,
modifié et complété par le décret n°95/145-bis du août 1995 ;
Vu le décret n°2011/408 du 09 décembre 2011 portant organisation du gouvernement ;
Vu le décret n°2011/409 du 09 décembre 2011 portant nomination d’un Premier
Ministre, Chef du gouvernement ;
Vu le décret n°2012/267 du 11 juin 2012 portant organisation du Ministère des
Enseignements Secondaires ;
Vu le décret n°2012/268 du 11 juin 2012 portant organisation du Ministère de
l’Education de Base ;
Vu le décret n°2015/3979/PM du 25 septembre 2015 fixant les modalités d’application de
la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins,
modifié et complété par le décret n°2016/4281 du 21 septembre 2016 ;
Vu l’arrêté n°001/PM/CAB du 04 janvier 2002 portant création, organisation et
fonctionnement du Conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels
didactiques,

Décrète :

Chapitre I : Dispositions générales

Article 1er. – Le présent décret porte organisation du Conseil National d’Agrément des
Manuels Scolaires et des Matériels Didactiques, ci-après désigné « Le Conseil ».

Article 2. – (1). – Le Conseil est un Organe Consultatif qui assiste les Ministres chargés
de l’Education Nationale dans la mise en œuvre de la politique nationale du livre, du
manuel scolaire et autres matériels didactiques. A ce titre, il est chargé :

• D’évaluer les besoins du secteur éducatif en livres, manuels scolaires et matériels


didactiques ;

137
• D’arrêter et rendre publique la critériologie du choix des livres, manuels scolaires et
matériels didactiques ;
• De coordonner les travaux d’évaluation des livres, manuels scolaires et matériels
didactiques effectués en commissions spécialisées ;
• De délibérer sur les rapports des commissions spécialisées ;
• D’évaluer les livres, manuels scolaires et matériels didactiques conformément aux
procédures et critères en vigueur, en relation avec les spécialistes en la matière des
Ministères en charge de l’Education Nationale que sont les Inspecteurs Pédagogiques,
les Enseignants et les Spécialistes du livre ;
• De préparer les appels d’offres précisant les matières et les disciplines concernées par
les manuels scolaires et les matériels didactiques ;
• De proposer à l’agrément des listes des livres, manuels scolaires et matériels
didactiques par classe et par type d’enseignement à raison d’un manuel scolaire et/ou
matériel didactique par matière pour une durée de six (06) ans ;
• De soumettre à la signature des Ministres chargés de l’Education Nationale les listes
des livres, manuels scolaires et matériels didactiques préalablement approuvés, par
niveau et par type d’enseignement ;
• De publier cinq (05) mois au moins avant la rentrée scolaire, les listes des livres,
manuels scolaires et matériels didactiques agréés ;
• De proposer toutes mesures utiles à la confection et la sécurisation des livres,
manuels scolaires et matériels didactiques ;
• De s’assurer le respect des normes nationales ou internationales en matière de
rédaction, d’édition et d’impression des livres, manuels scolaires et matériels
didactiques ;
• De coordonner tous les trois (03) ans, sous l’autorité des Ministres chargés de
l’Education Nationale, une enquête confiée à une structure indépendante chargée
d’évaluer la qualité des contenus pédagogiques, la disponibilité et l’accessibilité des
livres, manuels et matériels didactiques inscrits aux programmes officiels sur
l’ensemble du territoire national ;
• De valider les résultats de ladite enquête et de proposer au Gouvernement les
modalités de mise en œuvre des recommandations y relatives ;
• De constituer et de mettre à jour régulièrement la banque des programmes
d’enseignement ;
• d’arrêter les programmes actions et d’adopter le projet de budget annuels du Conseil
préparés par le Secrétariat Permanent ;
• D’adopter le Règlement Intérieur du Conseil ;
• De valider le rapport d’activités du Conseil.

(2). – Le Conseil accomplit toute autre mission et émet des avis sur toute question
relative aux attributions mentionnées à l’alinéa 1er ci-dessus, dont il est saisi par le
Premier Ministre, Chef du Gouvernement ou par les Ministres chargés de l’Education
Nationale.

138
Chapitre II : De l’organisation

Article 3. – (1). – Le Conseil est composé ainsi qu’il suit :

Président : Une personnalité nommée par arrêté du Premier Ministre, Chef du


Gouvernement ;

Vice-Président : Une personnalité nommée par arrêté du Premier Ministre, Chef du


Gouvernement ;

Membres :

• Deux (02) Représentants du Ministère en charge de l’Education de Base, dont l’un


du Sous-Système Anglophone et l’autre du Sous-Système Francophone ;
• Deux (02) Représentants du Ministère en charge des Enseignements Secondaires,
dont l’un du Sous-Système Anglophone et l’autre du Sous-Système Francophone ;
• Deux (02) Représentants du Ministère en charge de l’Enseignement Supérieur, dont
l’un d’une Ecole Normale Supérieure et l’autre d’une Ecole Normale de
l’Enseignement Technique ;
• Un (01) Représentant du Ministère en charge de la Culture ;
• Un (01) Représentant du Ministère en charge de la Formation Professionnelle ;
• Seize (16) Représentants des Enseignants dont quatre (04) de l’Enseignement
Primaire, quatre (04) de l’Enseignement Secondaire Général, quatre (04) de la
Formation Professionnelle, quatre (04) de l’Enseignement Technique Professionnel
et à chaque fois deux (02) du Sous-Système Anglophone et deux (02) du Sous-
Système Francophone, désignés par les Ministres en charge de l’Education
Nationale et de la Formation Professionnelle ;
• Quatre (04) Représentants des Syndicats d’Enseignants les plus représentatifs, dont
deux (02) du Sous-Système Anglophone et deux (02) du Sous-Systèmes
Francophone ;
• Quatre (04) Représentants des Associations des Parents d’Elèves désignés par les
Ministres chargés de l’Education Nationale ;
• Six (06) spécialistes en évaluation des manuels scolaires et des matériels
didactiques, dont trois (03) du Sous-Système Anglophone et trois (03) du Sous-
Système Francophone désignés par les Ministres en charge de l’Education
Nationale ;
• Deux (02) personnalités reputées pour leur compétence et leur expérience, dont une
d’expression anglaise principalement et une d’expression française principalement,
désignées par les Ministres chargés de l’éducation nationale ;
• Les Secrétaires Nationaux des Organisations de l’Enseignement Privé Confessionnel
et Laïc ;
• Deux (02) Représentants des Organisations Patronales les plus représentatives ;

139
• Un (01) Représentant de la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Mines et de
l’Artisanat.

(2). – Le Président du Conseil peut inviter toute personne physique ou morale, en raison
de ses compétences sur les questions inscrites à l’ordre du jour, à participer aux travaux
avec voix consultative.

(3). – Les membres du Conseil, autres que ceux choisis par les Ministre chargés de
l’Education Nationale, sont désignés par les Administrations et Organismes auxquels ils
appartiennent, pour une durée de trois (03) ans renouvelable une (01) fois.

(4). – La composition du Conseil est constatée par arrêté du Premier Ministre, Chef du
Gouvernement.

Article 4. – (1). – Les membres du Conseil sont répartis en sept (07) commissions
spécialisées.

(2). – Les commissions spécialisées visées à l’alinéa 1 ci-dessus sont :

• La Commission de l’Enseignement Maternel, Primaire et Normal ;


• La Commission des Lettres et des Sciences Humaines de l’Enseignement Secondaire
Général ;
• La Commission des Mathématiques, des Sciences et des Physiques de
l’Enseignement Secondaire Général ;
• La Commission des Techniques Industrielles ;
• La Commission de la Formation Professionnelle ;
• La Commission des Techniques Commerciales ;
• La Commission du Développement des Techniques de Digitalisation et de
Dématérialisation des manuels scolaires et des matériels didactiques.

(3). – Présidée par un spécialiste des manuels Scolaires et des matériels didactiques,
choisis au sein du Conseil par le Président, chaque Commission Spécialisée est
compétente pour les deux (02) Sous-Système Francophone et Anglophone.

(4). – Chaque Commission Spécialisée choisit en son sein un Secrétaire chargé de


rapporter les affaires inscrites à l’ordre du jour.

(5). – La composition des Commissions Spécialisées est constatée par une décision du
Président du Conseil.

140
Article 5. – Les Commissions Spécialisées, chacune dans son domaine de compétence :

• Assistent le Conseil dans les travaux d’évaluation technique des livres, manuels
scolaires et matériels didactiques ;
• Font des propositions d’agrément des listes des livres, manuels scolaires et
matériels didactiques par niveau et par type d’enseignement ;
• Elaborent des rapports circonstanciés à l’attention du Conseil.

Article 6. – Le Conseil dispose d’un Secrétariat Permanent qui l’assiste dans


l’accomplissement de ses missions.

A ce titre, il est chargé :

• De préparer les sessions du Conseil ;


• D’élaborer le projet de Règlement Intérieur du Conseil ;
• De coordonner l’élaboration des différents procès-verbaux des travaux des
Commissions Spécialisées et dresser ceux des sessions du Conseil ;
• De tenir le registre où sont consignés les avis et résolutions du Conseil ;
• D’élaborer les projets de programmes d’actions et de budget du Conseil ;
• De mettre en œuvre le plan d’actions du Conseil ;
• De préparer, avec les Présidents des Commissions Spécialisées, l’anonymat des
ouvrages à évaluer par type, niveau et discipline ;
• De produire un projet de rapport d’activités du Conseil ;
• D’assurer toute autre mission à lui confiée par le Président du Conseil.

Article 7. – (1). – Le Secrétariat Permanent est coordonné par un Secrétaire Permanent


nommé par arrêté conjoint des Ministres chargés de l’Education Nationale, parmi les
Fonctionnaires des corps de l’Education Nationale.

(2). – Le Secrétaire Permanent assure les fonctions de Rapporteur Général des sessions
du Conseil et dirige les activités du Secrétariat Permanent.

(3). – Le Secrétaire Permanent est assisté de quatre (04) Rapporteurs nommés par
décision conjointe des Ministres chargés de l’Education Nationale, dont deux (02) issus
du Ministère en charge de l’Education de Base et deux (02) du Ministère des
Enseignements Secondaires.

Article 8. – (1). – Le Secrétariat Permanent dispose :

• D’un (01) Assistant de Direction ;


• D’un (01) Responsable Administratif et Financier ;
• D’un (01) Responsable en Suivi-Evaluation ;

141
• D’un (01) Comptable-Matières ;
• D’un (01) Documentaliste ;
• D’un (01) d’un Personnel d’Appui.

(2). – Les Personnels sus-évoqués sont recrutés à la diligence du Secrétaire Permanent


par décision du Président du Conseil.

Chapitre II : Du Fonctionnement

Article 9. – (1). – Sur convocation de son Président, le Conseil se réunit en session


ordinaire de plein droit, dans les quinze (15) jours suivant la date de publication de
l’arrêté du Premier Ministre constatant sa composition.

(2). – Le Conseil se réunit en session ordinaire, au moins deux (02) fois par an, sur
convocation de son Président.

(3). – Le Conseil se réunit en session extraordinaire en tant que de besoin. Dans ce cas,
l’ordre du jour est communiqué aux membres quinze (15) jours avant la tenue de ladite
session.

(4). – La durée des sessions d’agrément ne peut excéder trente (30) jours.

(5). – Les travaux en commissions spécialisées alternent avec ceux en plénière dans
l’intervalle de la durée des sessions ordinaires du Conseil.

Article 10. – Les convocations indiquent la date, l’heure, l’ordre du jour et le lieu de la
réunion. Elles doivent être accompagnées des documents de travail et être adressées aux
membres au moins quinze (15) jours avant la date de la réunion.

Article 11. – Le Conseil ne peut valablement délibérer qu’en présence de deux tiers (2/3)
au moins de ses membres. Ses décisions sont prises à la majorité simple des membres
présents. En cas d’égalité des voix, celle du Président est prépondérante.

Article 12. – A l’issue de chaque session, le Conseil adresse aux Ministres chargés de
l’Education Nationale, un rapport des travaux, assorti de ses propositions de ses avis.

Chapitre IV : Dispositions diverses et finales

Article 13. – (1). –Les fonctions de Président, Vice-président et Membres du Conseil ainsi
que celles de Secrétaire Permanent, de Rapporteurs et de Membres du Secrétariat
Permanent sont incompatibles avec la qualité d’auteur de manuel scolaire, de prestataire
de services ou de détenteur d’action, direct ou indirect, dans une maison d’édition, de

142
production ou dans une Agence de distribution des manuels scolaires ou des matériels
didactiques.

(2). – Chaque personne mentionnée à l’alinéa 1 ci-dessus signe et adresse à l’autorité


l’ayant désignée une déclaration sur l’honneur avant sa prise de fonction.

Article 14. – (1). – Tout livre, manuel scolaire ou matériel didactique est inscrit au
programme d’enseignement pour une période de six (06) ans. Au terme de cette période,
il fait l’objet d’une nouvelle évaluation et peut être reconduit.

(2). – Toutefois, en cas de changement majeur de circonstance politique ou sociale,


d’atteinte aux Institutions Républicaines ou d’insuffisance avérée de la qualité
scientifique d’un livre, d’un manuel scolaire ou d’un matériel didactique, constaté par le
Conseil à l’initiative de toute personne intéressée, celui-ci peut prononcer, avant le terme
de la durée mentionnée à l’alinéa 1 ci-dessus, le retrait dudit livre, manuel scolaire ou
matériel didactique et procéder à son remplacement éventuel.

(3). – En cas d’indisponibilité d’un livre, d’un manuel scolaire ou d’un matériel didactique
inscrit au programme, dûment constatée par le Conseil, ce dernier prend les dispositions
nécessaires en vue de leur remplacement éventuel.

Article 15. – (1). – Le Conseil adopte un rapport annuel faisant un état des lieux et des
recommandations sur les activités de production, de diffusion des manuels scolaires et
des matériels didactiques au Cameroun.

(2). – Le rapport visé à l’alinéa 1 ci-dessus est adressé aux Ministres chargés de
l’Education Nationale. Ces derniers transmettent ledit rapport dans les meilleurs délais,
au Premier Ministre, Chef du Gouvernement.

Article 16. – Les listes des livres, des manuels scolaires et des matériels didactiques sont
soumises, avant publication, au visa préalable du Premier Ministre, Chef du
Gouvernement, à la diligence des Ministres chargés de l’Education Nationale.

Article 17. – (1). – Le Président, le Vice-Président et les Membres du Conseil, le


Secrétaire Permanent, les Rapporteurs et les Membres du Secrétariat Permanent, ainsi
que les personnes invitées à titre consultatif, bénéficient d’une indemnité de session et, le
cas échéant, du remboursement des frais de transport occasionnés par la tenue des
sessions du Conseil et de ses Organes Internes, dont les montants sont fixés des textes
particuliers.

(2). – Le Président et le Vice-Président bénéficient, en outre, d’une indemnité mensuelle


dont le montant est fixé par décision du Premier Ministre, Chef du Gouvernement.

143
(3). – Le Secrétaire Permanent, les Rapporteurs et le Personnel visés à l’article 8 ci-dessus
bénéficient d’une indemnité mensuelle dont le montant est fixé par décision conjointe
des Ministres chargés de l’Education Nationale.

Article 18. – (1). – Les dépenses de fonctionnement du Conseil sont supportées, à part
égales, par les budgets des Ministères en charge de l’Education Nationale.

(2). – Le Président du Conseil est l’ordonnateur du budget. Il peut déléguer cette


compétence au Secrétaire Permanent.

Article 19. – Les Ministres en charge de l’Education Nationale et des Finances sont,
chacun en ce qui le concerne, chargé de l’application du présent décret.

Article 20. – Le présent décret, qui abroge toutes dispositions antérieures contraires,
sera enregistré, publié suivant la procédure d’urgence, puis inséré au Journal Officiel en
français et en anglais.

Yaoundé, le 23 Novembre 2017

Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,


Philemon YANG

144
Annexe 2

Décret N° 2017/11737/CAB/PM du 23 Novembre 2017 portant création,


organisation et fonctionnement de la commission nationale chargée du
suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de la politique nationale du
livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques

Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,

Vu la Constitution ;
Vu la loi N°98.004 du 14 avril 1998 d’orientation de l’éducation au Cameroun ;
Vu la loi n°2000/05 du 17 avril 2000 relative au dépôt légal ;
Vu la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits
voisins ;
Vu la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat ;
Vu le décret n°2011/408 du 09 décembre 2011 portant organisation du gouvernement ;
Vu le décret n°2011/409 du 09 décembre 2011 portant nomination d’un Premier
Ministre, Chef du gouvernement ;
Vu le décret n°2015/3979/PM du 25 septembre 2015 fixant les modalités d’application de
la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins,
modifié et complété par le décret n°2016/4281 du 21 septembre 2016 ;
Vu le décret n°2013/160 du 15 mai 2013 portant règlement général de la comptabilité
publique,

Décrète :

Chapitre I : Dispositions générales

Article 1er. – Le présent décret porte création, organisation et fonctionnement de la


Commission Nationale chargée du Suivi et de l’Evaluation de la mise en œuvre de la
Politique Nationale du Livre, du Manuel Scolaire et autres Matériels Didactiques, ci-après
désignée « la Commission ».

Article 2. – Placée sous l’autorité du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, la


Commission assiste le Gouvernement dans le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre de
la politique nationale du suivi du livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques.

A ce titre, elle est chargée :

• de suivre et d’évaluer la mise en œuvre de la politique nationale du livre, du manuel


scolaire et des autres matériels didactiques sur l’ensemble du territoire national ;
• de veiller au respect des critères du choix, à l’actualisation et à la diffusion du livre,
du manuel scolaire et des autres matériels didactiques ;
145
• de suivre et d’évaluer les opérations, projets et programmes relatifs au secteur du
livre, du manuel scolaire et des autres matériels didactiques ;
• de veiller à l’accessibilité et à la disponibilité du livre, du manuel scolaire et des
autres matériels didactiques sur l’ensemble du territoire national ;
• de proposer toute mesure corrective aux dysfonctionnements rencontrés dans les
différents segments de la filière du livre, du manuel scolaire et des autres matériels
didactiques ;
• d’accomplir toute autre mission à elle confiée par le Premier Ministre, Chef du
Gouvernement.

Chapitre II : De L’Organisation et du Fonctionnement

Section I : De l’Organisation

Article 3. – La Commission est composée ainsi qu’il suit :

Président : Le Secrétaire Général des Services du Premier Ministre

Membres :

• Le Ministre chargé de l’Education de Base ;


• Le Ministre chargé des Enseignements Secondaires ;
• Le Ministre chargé de l’Enseignement Supérieur ;
• Le Ministre chargé de la Culture ;
• Le Ministre chargé de la Formation Professionnelle ;
• Le Ministre chargé des Finances ;
• Le Ministre chargé de l’Economie ;
• Le Ministre chargé des Transports ;
• Le Ministre chargé du Commerce.

Article 4. – Pour l’accomplissement de ses missions, la Commission dispose d’un


Secrétariat Technique chargé :

• De préparer les sessions de la Commission ;


• D’élaborer les comptes rendus des travaux de la Commission ;
• D’élaborer les projets de programmes d’action et de budget de la Commission ;
• De veiller à la mise en œuvre du plan d’action de la Commission ;
• De produire les rapports annuels d’activités de la Commission ;
• De tenir les registres où sont consignés les avis et résolutions de la
Commission ;
• D’assurer toute autre mission à lui confiée par le Président de la commission.

146
Article 5. – (1). – Placé sous la coordination d’un haut responsable de la Division en
charge des questions d’éducation dans les Services du Premier Ministre, le Secrétariat
Technique est composé ainsi qu’il suit :

• Deux (02) Représentants des Services du Premier Ministre ;


• Un (01) Représentant du Ministère en charge de l’Education de Base ;
• Un (01) Représentant du Ministère en charge des Enseignements Secondaires ;
• Le Secrétaire Permanent du Conseil National d’Agrément des manuels scolaires
et des matériels didactiques ;
• Deux (02) Représentants des Syndicats d’Enseignants les plus représentatifs,
dont un Syndicat du Sous-Système Francophone et un autre du Sous-Système
Anglophone ;
• Deux (02) Représentants des Associations de Parents d’Elèves les plus
représentatives, dont une du Sous-Système Francophone et une autre du Sous-
Système Anglophone ;
• Les Secrétaires Nationaux des Organisations de l’Enseignement Privé
Confessionnel et Laïc ;
• Un (01) Représentant de la Confédération des Editeurs ;
• Un (01) Représentant des Syndicats des Libraires ;
• Un (01) Représentant de l’Organisme de Gestion Collective du Droit d’Auteur de
la Littérature ;
• Un (01) Représentant des Associations des Consommateurs ;
• Un (01) Représentant de la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Mines et de
l’Artisanat.

(2). – Pour l’exécution de ses tâches, le Coordonnateur du Secrétariat Technique est


assisté de deux (02) Rapporteurs.

Article 6. – Le Président de la Commission peut, en tant que de besoin, inviter toute


personne physique ou morale, en raison de ses compétences, à participer aux travaux
avec voix consultative.

Article 7. – (1). – Les représentants des Structures visés à l’article 5 ci-dessus sont
désignés par les Administrations et Organismes auxquels ils appartiennent pour un
mandat de trois (03) ans renouvelable une (01) fois.

(2). – La composition de la Commission et du Secrétariat Technique est constatée par une


décision du Secrétaire Général des Services du Premier Ministre.

147
Section II : Du Fonctionnement

Article 8. – (1). – La Commission se réunit au moins deux (02) fois par an, et en tant que
de besoin, sur convocation du Président.

(2). – Les convocations, accompagnées du projet d’ordre du jour et des documents de


travail, sont adressées aux membres sept (07) jours au moins avant la date de la réunion.

(3). – La Commission ne peut valablement délibérer qu’en présence de deux tiers (2/3) au
moins de ses membres.

(4). – Les décisions de la Commission sont prises à la majorité simple des membres
présents. En cas d’égalité des voix, celle du Président est prépondérante.

(5). – A l’issue de chaque réunion, un compte rendu circonstancié est adressé au Premier
Ministre, Chef du Gouvernement.

(6). – Le Président de la Commission peut créer des sous-groupes thématiques dédiés au


traitement des questions spécifiques.

Article 9. – (1). – Lorsqu’un membre de la Commission perd la qualité au titre de laquelle


il a été désigné en son sein, il cesse d’en être membre et sa perte de qualité est constatée
d’office par le Coordonnateur du Secrétariat Technique.

(2). – Il est pourvu à son remplacement dans les mêmes conditions que pour sa
désignation. Le membre désigné achève le mandat du membre dont la perte de qualité a
été constatée.

(3). – En cas d’empêchement définitif d’un membre, il est procédé à son remplacement
dans les mêmes conditions de sa désignation.

Article 10. – (1). – Le Secrétariat Technique se réunit une (01) fois par trimestre et en
que de besoin, sur convocation de son Coordonnateur.

(2). – Les convocations, accompagnées du projet d’ordre du jour et des documents de


travail, sont adressées aux membres sept (07) jours au moins avant la date de la réunion.

(3). – Le Secrétariat Technique ne peut valablement délibérer qu’en présence des deux
tiers (2/3) au moins de ses membres.

(4). – Les décisions du Secrétariat Technique sont prises à la majorité simple des
membres présents. En cas d’égalité des voix, celle du Coordonnateur est prépondérante.

148
(5). – A l’issue de chaque réunion, un compte rendu circonstancié est adressé au
Président de la Commission.

(6). – Le Coordonnateur du Secrétariat Technique peut créer des sous-groupes


thématiques dédiés au traitement des questions spécifiques.

Article 11. – (1). – Les dépenses de fonctionnement de la Commission sont imputables


au budget de l’Etat.

(2). – La Commission peut bénéficier des fonds issus de la coopération internationale


conformément à la règlementation en vigueur.

(3). – Le Président de la Commission est l’ordonnateur du budget. Il peut déléguer cette


compétence au Coordonnateur du Secrétariat Technique.

(4). – Les ressources de la Commissions sont des deniers publics. A ce titre, elles sont
gérées conformément aux lois et règlements régissant la comptabilité publique.

Article 12. – (1). – Les fonctions de Président, de Membres de la Commission, de


Coordonnateur du Secrétariat Technique, de Membre et de Rapporteur du Secrétariat
Technique sont gratuites.

(2). – Toutefois, les intéressés, ainsi que les personnes invitées à titre consultatif,
bénéficient d’indemnités de session selon les taux fixés par la règlementation en vigueur.

Chapitre III : Dispositionsdiverses et finales

Article 13. – (1). – La Commission adopte un rapport annuel faisant un état des lieux et
des recommandations sur l’état de mise en œuvre de la politique nationale du livre, du
manuel scolaire et des autres matériels didactiques au Cameroun.

(2). – Le rapport visé à l’alinéa 1 ci-dessus est adressé au Premier Ministre, Chef du
Gouvernement.

Article 14. – Le présent décret sera enregistré, publié suivant la procédure d’urgence,
puis inséré au Journal Officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 23 Novembre 2017

Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,


Philemon YANG

149
150
Annexe 3

Circulaire N° 002/CAB/PM du 23 Novembre 2017 principes régissant la filière du


livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques au Cameroun
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
A
Monsieur le Vice-Premier Ministre ;
Messieurs les Ministres d’Etat ;
Mesdames et Messieurs les Ministres ;
Mesdames et Messieurs les Ministres Délégués ;
Mesdames et Messieurs les Secrétaires d’Etat,

Mon attention a été appelée de manière récurrente sur les dérives auxquelles est
confrontée la filière du livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques au
Cameroun.

A cet effet, il m’a été donné de constater, pour le déplorer, le non-respect de l’éthique et
la violation persistante de la réglementation en vigueur dans le choix, la production, la
distribution et la durée d’utilisation du livre, du manuel scolaire et autres matériels
didactiques. Toutes choses qui se traduisent notamment par des conflits d’intérêt et des
délits d’initié, l’amateurisme dans l’élaboration et l’édition du livre, du manuel scolaire et
autres matériels didactiques, avec un effet multiplicateur sur leur nombre, ainsi que leur
pénurie artificielle sur le marché. Il en résulte une augmentation du coût d’accès à
l’éducation pour les familles et des risques sur la santé des apprenants, du fait du poids
de plus en plus élevé des cartables. De tels agissements, qui sont de nature à fragiliser
notre système éducatif, ne contribuent pas à œuvrer à la réalisation des objectifs
sectoriels définis dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) et
le Document de Stratégie de l’Education et la Formation (DSEF), notamment la garantie
de l’accessibilité et de la disponibilité, à moindre coût du livre, du manuel scolaire et
autres matériels didactiques sur toute l’étendue du territoire national.

Pour y remédier, je vous demande instamment, chacun en qui le concerne, de veiller au


respect scrupuleux des principes ci-après énoncés.

Des principes généraux

Le Gouvernement devra veiller à la production des livres et manuels scolaires, de qualité,


tant au plan de leur valeur scientifique, de l’approche pédagogique appliquée, qu’à celui
de leur présentation matérielle. A cet égard, chaque livre ou manuel scolaire doit
répondre, de manière non exhaustive, aux principes suivants :

• La consolidation de l’Unité Nationale ;


• La promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme ;

151
• La promotion du vivre-ensemble et de la solidarité nationale ;
• La promotion des valeurs culturelles nationales et des valeurs morales
universelles ;
• L’interdiction de toutes formes de discriminations ou de stéréotypes basés entre
autres sur le handicap, le genre, l’ethnie, la religion, la race ou la tribu ;
• Le caractère apolitique de l’école ;
• L’équilibre entre le milieu rural et le milieu urbain ;
• L’exactitude scientifique et l’actualisation des concepts développés ;
• L’intelligibilité et la précision grammaticale et orthographique du langage ;
• L’ouverture au monde extérieur et aux nouvelles technologies ;
• Le développement de l’effort personnel de l’apprenant ;
• L’adaptation des connaissances à l’environnement de l’apprenant ;
• L’adaptation du langage au niveau d’étude ;
• La mise en situation et l’apprentissage de l’apprenant ;
• L’approche illustrée des leçons ;
• La clarté et la lisibilité des écrits et des images ;
• La conformité aux programmes ;
• La couverture intégrale du curriculum correspondant ;
• La facilité d’utilisation pour l’apprenant comme pour l’enseignant ;
• La présence d’un guide de l’enseignant pour compléter le livre de l’apprenant ;
• L’évolution adaptée de la progression pédagogique ;
• La présence obligatoire d’exercices à réaliser par l’apprenant.

Des principes spécifiques

Les différents segments de la filière du livre, du manuel scolaire et autres matériels


didactiques obéissent à des principes spécifiques.

De la phase d’élaboration à la phase de distribution du livre, du manuel scolaire et


autres matériels didactiques :

La compétence de la définition des programmes appartient exclusivement à l’Etat. Dès


lors, les contenus desdits programmes et des curricula sont formulés par les Inspecteurs
Pédagogiques, en conformité avec la politique nationale de l’éducation. Sur la base d’une
critériologie rendue publique par un arrêté du Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
les livres et manuels scolaires sont rédigés par toute personne ou groupe de personnes
ayant tous satisfait aux critères définis. Les livres ou manuels ainsi rédigés sont
préalablement soumis à la validation du Conseil National d’Agrément des Manuels
Scolaires et des Matériels Didactiques. Le principe en matière d’impression, d’édition et
de distribution est celui de la libre concurrence. Dans cette optique, le Conseil National
d’Agrément des Manuels Scolaires et des Matériels Didactiques devra veiller à ce que les
manuels et les livres soient édités par des opérateurs professionnels et fiables. Toutefois,
l’Etat peut exceptionnellement et souverainement intervenir dans l’une de ces phases,
152
notamment par le recours aux régies d’imprimerie publique ou la distribution du paquet
minimum des livres gratuits. Les rééditions et les mises à jour des livres et manuels
scolaires en cours de validité, sont autorisées après approbation du Conseil National
d’Agrément des Manuels Scolaires et des Matériels Didactiques, compte dûment tenu de
la préservation du droit d’auteur.

De l’utilisation du livre, du manuel scolaire et autres matériels didactiques :

La durée de validité du livre ou du manuel scolaire est de six (06) ans. Dans le respect des
spécificités de chaque sous-système éducatif, toute discipline inscrite au programme
officiel doit être dispensée sur toute l’étendue du territoire national au moyen d’un seul
manuel scolaire pour chaque matière. Seul cet ouvrage doit être utilisé par les apprenants
pour la matière considérée. Par ailleurs, les pouvoirs publics doivent promouvoir la
lecture et l’utilisation du livre et du manuel scolaires, en veillant non seulement à
impliquer les Collectivités Territoriales Décentralisées (Bibliothèques Municipales, etc…)
mais aussi à favoriser la digitalisation desdits outils didactiques (Bibliothèques
Numériques).

De l’engagement de l’Etat dans le secteur du livre, du manuel scolaire et autres


matériels didactiques :

Dans le souci de promouvoir un système éducatif équitable et performant, par le biais des
livres et manuels scolaires de qualité, l’Etat garantit la gratuité des manuels scolaires
dans les écoles de l’enseignement primaire public, sur l’ensemble du territoire national,
pour les matières ci-après :

• Français ;
• Anglais ;
• Education à la citoyenneté ;
• Mathématiques et Informatique,

Assure la gratuité de tous les manuels scolaires dans les écoles des Zones d’Education
Prioritaire (ZEP), veille à l’allègement de la fiscalité sur les intrants de production locale
des livres et manuels scolaires dans le respect des dispositions de la loi de finances, et
garantit la justice et l’équité des prix appliqués.

J’attache le plus grand prix à la stricte application des prescriptions de la présente


circulaire, dont vous voudrez bien assurer une large diffusion.

Yaoundé, le 23 Novembre 2017

Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,

153

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