Droit de La Protection de L'enfant, Kienge Kienge
Droit de La Protection de L'enfant, Kienge Kienge
Droit de La Protection de L'enfant, Kienge Kienge
FACULTE DE DROIT
1
FICHE PEDAGOGIQUE DU COURS
1. Contexte du cours
Tout en insérant ce cours dans le programme de troisième graduat parmi les matières
communes de toutes les options des Facultés de Droit (article 2), l’arrêté ci-dessus a
supprimé la matière de « Protection de la jeunesse », qui était enseignée comme une
matière spécifique de l’option Droit privé et judiciaire.
2
3. Contenu du cours
4. Volume horaire
5. Méthode d’enseignement
Le cours se donnera sous la forme des exposés magistraux captivants et émaillés des
exemples à l’occasion desquels les étudiants pourront être invités à exposer leurs
doutes à l’aide des questions. L’approche interactive sera valorisée autant que
possible.
Ces exposés pourront être appuyés, d’une part, par certaines projections des
documents filmés pour permettre aux étudiants d’avoir une perception pratique des
aspects de protection de l’enfant, et d’autre part par des visites et échanges avec les
animateurs de tribunaux pour enfants, des comités de médiation et d’autres structures
de protection des enfants.
3
6. Bibliographie indicative
4
16. KIENGE-KIENGE INTUDI, R., Le contrôle policier de la délinquance des jeunes
à Kinshasa. Une approche ethnographique en criminologie, Louvain-la-
Neuve/Kinshasa, Academia-Bruylant/Éditions Kazi, 2011.
17. KIENGE-KIENGE INTUDI, R., « The application of the international convention
on the rights of the child in Africa: when the law is tested by the reality », in A.
ALEN, H. BOSLY, M. De BIE, J. VANDE LANOTTE, F. ANG, I. DELENS-
RAVIER, M. DELPLACE, C. HERMAN, D. REYNAERT, V. STAELENS, R.
STEEL, M. VERHEYDE (eds.), The UN Children’s Rights Convention: theory
meets practice, Antwerpen – Oxford, Intersentia, 2007, pp. 23-31.
18. KIENGE-KIENGE INTUDI, R., « L’application de la convention internationale
relative aux droits de l’enfant en Afrique : le droit à l’épreuve des faits », Revue
de droit africain, Bruxelles, n° 39/2006.
19. KIENGE-KIENGE INTUDI, R., « Les ambiguïtés de la réaction sociale à la
délinquance juvénile au Congo », in S. BULA-BULA (dir.), Pour
l’épanouissement de la pensée juridique congolaise. Mélanges en hommage à
Marcel LIHAU, Kinshasa, Bruxelles, Presses de l’Université de Kinshasa,
Bruylant, 2006.
20. KIENGE-KIENGE INTUDI, R., La place du Décret du 6 décembre 1950 relatif à
l’enfance délinquante dans la gestion des dossiers des mineurs en situations-
problématiques dans la ville de Kinshasa, Rapport final de la Table Ronde tenue à
Kinshasa, le 10 février 2004 avec la participation de RCN-Justice et Démocratie,
grâce à l’appui de la Direction Générale de la Coopération au Développement
(DGCD)/Gouvernement belge et de l’Union européenne.
21. KIENGE-KIENGE INTUDI, R., La problématique de l'ineffectivité de
la législation sur l'enfance délinquante au Congo: (Ec)art entre la loi et les
pratiques de régulation sociale, Département de criminologie et de droit pénal,
Ecole de criminologie, Université catholique de Louvain, Document de travail n°
40, 2004.
22. KIENGE-KIENGE INTUDI, R., « La justice pour mineurs en République
Démocratique du Congo au regard des instruments juridiques internationaux de
protection de l'enfant », in Ministère des Affaires Sociales et Famille et al., La
prévention et le traitement de la délinquance juvénile, Rapport final et annexes du
séminaire national, Kinshasa, 1999, pp. 74 et s.
23. KIENGE-KIENGE INTUDI, R., « Le décret du 6 décembre 1950 relatif à
l'enfance délinquante en droit congolais. Analyse critique à partir d'un cas de
jurisprudence: jugement du 18 mai 1998 sous RED 004 du Tribunal de Paix de
Kinshasa/Ndjili (R.D.Congo) », in Revue de droit africain, Bruxelles, nº 10, avril
1999, pp. 225-244.
24. KIENGE-KIENGE INTUDI, R., « Quelques spécificités de la charte africaine des
droits et du bien-être de l'enfant », in Revue Zaïre-Afrique, Kinshasa, CEPAS, nº
295, mai 1995, pp. 285-306.
25. LAFONTAINE, G., La législation sur l’enfance délinquante au Congo et son
application, Bruxelles, Larcier, 1957.
26. LASCOUMES, P., Prévention et contrôle social. Les contradictions du travail
social, coll. Déviance et société, Genève, Médecine et Hygiène, 1977.
27. LAUDE, N., La délinquance juvénile au Congo belge et au Ruanda-Urundi,
Bruxelles, Académie Royale des sciences sociales, 1956.
28. MPASE NSELENGE MPETI, L’évolution de la solidarité traditionnelle en milieu
rural et urbain du Zaïre. Le cas des Ntomba et des Basengele du Lac Maï-
Ndombe, Kinshasa, PUZ, 1974.
5
29. ROBERT, P., Traité de droit des mineurs, Paris, Cujas, 1969.
30. TREPANIER, J. et TULKENS, Fr., Délinquance et protection de la jeunesse. Aux
sources des lois belge et canadienne sur l’enfance, Bruxelles, De Boeck
Université, 1995.
31. TULKENS, Fr. et MOREAU, T., Droit de la jeunesse. Aide, assistance,
protection, Bruxelles, Larcier, 2000.
32. Van de KERCHOVE, M., «Des mesures répressives aux mesures de sûreté et de
protection – Réflexions sur le pouvoir mystificateur du langage », Revue de droit
pénal et de criminologie, 1976-1977, LVII, 4, p. 246.
33. WALGRAVE, L., Délinquance systématisée des jeunes et vulnérabilité sociétale.
Essai de construction d’une théorie intégrative, Genève, Editions Médecine et
Hygiène, 1992
34. YOUF, D., « Repenser le droit pénal des mineurs », Esprit, 10, pp. 87-112.
6
INTRODUCTION GENERALE
Le droit de la protection de l’enfant est une branche du droit, de nature mixte, qui
étudie l’ensemble des règles spécifiques qui déterminent les principes fondamentaux
ainsi que les modalités et les mesures de protection et de promotion des droits dont doit
bénéficier l’enfant dans une société donnée.
Par mesures de protection, il faut entendre les mesures de portée générale et spéciale
traduisant la bienveillance et l’attention spéciale devant être accordées à l’enfant dans
ses rapports aussi bien avec sa famille qu’avec l’État ainsi qu’avec les autres membres
de la société, en raison de la particularité complexe de la personne d’un enfant sur le
plan physique ou de sa santé, sur le plan psychologique et sur le plan social.
En droit positif congolais, la Constitution du 18 février 2006 en son article 41, alinéa 1er
ainsi que la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, en son
article 2.1., définissent l’enfant comme « toute personne âgée de moins de dix-huit
ans ». Signalons que l’expression « enfant mineur » employée par le Constituant de
2006 à l’article 40 est à opposer à la définition de l’enfant en droit civil
(particulièrement dans le Code de la famille en ce qui concerne la filiation, où on
distingue l’enfant mineur de l’enfant majeur)1. Il est à noter que dans l’Ensemble des
règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour
mineurs, le mineur est défini comme « un enfant […], qui, au regard du système
juridique considéré, peut avoir à répondre d'un délit selon des modalités différentes de
1
L’article 219 de la Loi n° 16/008 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n° 87-010 du 1er août 1987
portant Code de la famille, définit le mineur comme « l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a pas encore l’âge
de dix-huit ans accomplis. » En matière de filiation, on distingue les enfants mineurs (enfants âgés de moins de
18 ans) et les enfants majeurs comme à l’article 610, point 2, du Code de la famille (enfants âgés d’au moins 18
ans).
7
celles qui sont appliquées dans le cas d'un adulte » (article 2.2.a). Cela revient à dire
qu’au sens du droit pénal et du droit de la protection de l’enfant, l’expression « enfant
mineur » peut paraître comme une tautologie.
« Pour toutes les autorités compétentes pour prendre une décision, une
connaissance minimale du droit, de la sociologie et de la psychologie, de la
criminologie et des sciences du comportement est nécessaire, car elle est jugée
aussi importante que la spécialisation ou l'indépendance de l'autorité
compétente ».
C’est pourquoi, l’enfant accusé d’être en conflit avec la loi (article 2.9 de la loi portant
protection de l’enfant) ne doit pas être traité comme un adulte. Il en est de même d’un
enfant en situation difficile (article 2.4 de la loi portant protection de l’enfant), qui doit
bénéficier de l’assistance et de la compréhension des adultes dans la communauté ainsi
que de l’État, surtout si sa famille est dans l’incapacité matérielle ou financière de le
faire. Aussi, la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant dispose-t-
il en ses articles 69 et 70 respectivement que « les parents incapables d’assurer la survie
de leur enfant bénéficient d’une assistance matérielle ou financière de l’État » (article
69) ; et que « l’État subvient aux besoins sanitaires et alimentaires de l’enfant vivant
avec l’un ou les deux parents emprisonnés » (article 70).
8
II. LE SCHÉMA DE LA PROTECTION DE L’ENFANT ET LES AXES DE LA
POLITIQUE DE PROTECTION DE L’ENFANT
9
Au regard de ce schéma, le point de départ de toute politique de protection et d’intervention
sur l’enfant est constitué par une attitude de bienveillance ou une attention bienveillante dont
devrait bénéficier l’enfant.
Par conséquent, toute politique de protection de l’enfant devrait consister avant tout en la
promotion de ses droits fondamentaux. Ceux-ci constituent le premier axe de toute politique
de protection de l’enfant. Le deuxième axe est constitué par la famille, qui est le cadre
primaire de protection et de socialisation de l’enfant. Enfin, la troisième axe est formé par
l’objectif de la socialisation ou de la réinsertion sociale de l’enfant, qui doit être la finalité de
toute politique de protection de l’enfant : il s’agit de renforcer la socialisation de l’enfant en
situation ordinaire, ou de rechercher sa réinsertion sociale en situations spéciales (difficile,
exceptionnelle et en conflit avec la loi).
Par cadre de protection de l’enfant, nous entendons le lieu où cette socialisation ou cette
réinsertion sociale devraient être réalisées ou encore l’instance sociale qui devrait assurer
cette socialisation ou cette réinsertion sociale. La protection et la promotion des droits de
l’enfant tendent à cette socialisation ou à cette réinsertion sociale, bref à son développement
au sein de la société dans tous ses aspects.
Parmi les droits de l’enfant qui doivent constituer le premier axe de sa protection, il convient
de relever l’importance, hormis les droits à l’alimentation, à se vêtir, au logement, qui
constituent des besoins primaires de toute personne vivante, le droit à l’éducation.
10
l’UNESCO de 1987 à 1997, « l’éducation ne consiste pas tant à instruire qu’à éveiller chez
l’individu la capacité de créer, d’imaginer, d’inventer et de découvrir »2.
Par ailleurs, dans sa Résolution 40/33 du 29 novembre 1985 adoptant l’Ensemble de règles
minima des Nations unies concernant l’administration de la justice pour mineurs,
l’Assemblée générale des Nations Unies reconnaît que «les jeunes, du fait qu’ils n’en sont
encore qu’aux stades initiaux du développement de leur personnalité, ont besoin, pour se
développer physiquement et intellectuellement et pour bien s’insérer dans la société, d’une
attention et d’une assistance particulières et doivent être protégés par la loi selon les
conditions qui garantissent leur sérénité, leur liberté, leur dignité et leur sécurité »3.
Des développements qui précèdent, nous devrions retenir que la protection de l’enfant
s’entend de l’attention bienveillante particulière que mérite un enfant en raison de son jeune
âge qui le fait considérer comme étant physiquement et mentalement plus faible qu’un adulte
(c’est-à-dire vulnérable).
Cette attention bienveillante particulière doit se traduire essentiellement par l’éducation dont
bénéficie l’enfant, laquelle doit contribuer au développement de son caractère malléable et de
sa personnalité. Et par la personnalité de l’enfant, il faut entendre non pas avant tout quelque
chose de comportemental ou de caractériel, mais avant tout l’intelligence et la volonté libre,
qui caractérise la personne humaine, à la différence des autres êtres vivants. Donc la
personnalité de l’enfant ou de tout être humain se développe moyennant l’éducation.
L’éducation doit développer les dons et les aptitudes avec lesquels l’enfant vient au monde.
Car il n’est pas une bouteille vide que l’on doit remplir. Bref, l’éducation de l’enfant
caractérise essentiellement la notion de la protection de l’enfant, car protéger un enfant c’est
avant tout assurer son éducation de manière qu’il parvienne à son développement physique,
mental ou psychologique et social.
Dans quel cadre doit être alors assurée cette protection ou cette éducation de l’enfant ? Elle
doit être assurée en priorité au sein de la famille en tant que milieu primaire et naturel de vie
de l’enfant et institution sociale de base pour 1’évolution harmonieuse de l’enfant. La famille
constitue, en effet, le milieu primaire dans lequel le jeune enfant apprend à se socialiser par
l’apprentissage des normes et valeurs de la société, par leur intériorisation pour enfin
s’adapter à son milieu, à se reconnaître et « à s’intégrer dans ‘le Nous’ du groupe auquel il
appartient »4. La famille demeure donc le « milieu privilégié de socialisation de l’enfant »5.
La famille reste le cadre prioritaire de la protection de l’enfant en tant milieu primaire et
naturel de socialisation. Dans ce sens, les parents demeurent les premiers responsables de
l’éducation de leur enfant. C’est ainsi que le préambule de la Convention relative aux droits
de l’enfant affirme « la responsabilité fondamentale qui incombe à la famille pour ce qui est
des soins et de la protection » de l’enfant.
2
Dans Mundo christiano, juin 1997, n° 426, p. 17.
3
Préambule de la Résolution 40/33 de I ‘Assemblée générale de I ‘ONU du 29 novembre 1985 adoptant
l’Ensemble des règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs, paragraphe 5.
4
J. IDZUMBUIR ASSOP, La loi de protection de l’enfant en RD Congo. Analyse critique et perspectives,
Kinshasa, CEDESURK, 2013, p. 36.
5
G. HOUCHON, « Les mécanismes criminogènes dans une société urbaine africaine », Revue internationale de
criminologie et de police technique, n° 4, vol. XXI, 1967, pp. 271-292. Voir aussi KIENGE-KIENGE INTUDI
(dir.), La recherche en criminologie en République Démocratique du Congo, Louvain-la-Neuve, Academia-
L’Harmattan, 2014, 159-204, p. 188.
11
La communauté, organisée politiquement sous la forme moderne d’un Etat, contribue
également à la protection de l’enfant, mais de manière subsidiaire en fixant les règles
déterminant les droits de l’enfant et les modalités de leur protection et en aidant les familles
en difficulté, notamment par diverses mesures législatives, matérielles ou institutionnelles
susceptibles d’accroître l’efficacité de l’intervention des familles sur les enfants en vue de
leur plein épanouissement (articles 69 et 70 de la loi de 2009). C’est ainsi que certaines
structures sociales sont mises en place par les pouvoirs publics à différents niveaux (national,
provincial, urbain, communal ou local) pour renforcer l’éducation des enfants assurée par les
familles. II en est ainsi des écoles, des associations des jeunes de caractère culturel ou sportif
ou de loisirs qui contribuent à la formation et à l’éducation des jeunes (et spécialement des
enfants), les préparant ainsi à leurs futures responsabilités d’adultes au sein de la société. Ces
structures interviennent comme des milieux occasionnels de la vie et de protection des
enfants et des jeunes.
Suite à l’accroissement du pouvoir de l’Etat sur les familles, des mesures spécifiques ont été
prévues par l’Etat pour la rééducation et la surveillance des enfants ou des jeunes, qui
connaissent des problèmes d’adaptation ou d’intégration sociales ou qui ont été reconnus
auteurs des actes interdits par la loi pénale édictée par l’Etat. En effet, l’on a toujours
expliqué la commission de pareils actes par la défaillance des parents en ce qui concerne
l’éducation et la surveillance de leurs enfants. Ainsi, on distingue la protection générale et la
protection spéciale de l’enfant. De ce fait l’Etat en tant que société organisée politiquement
contribue à la protection de l’enfant de manière subsidiaire en venant en aide aux familles,
car il intervient si les familles sont défaillantes.
Enfin le troisième cadre est sociétal, et il est composé des structures sociales privées et des
réseaux communautaires contribuent à la protection de l’enfant, de façon occasionnelle
(écoles, centres et foyers des jeunes…). Car, ils viennent aussi en aide aux parents et
contribuent à la protection de l’enfant pendant que ce dernier évolue sous le contrôle de ces
structures (le temps où l’enfant est à l’occasion, au centre, etc.).
Ainsi, la protection de l’enfant oscille entre deux pôles : la famille, d’une part, et l’Etat,
d’autre part. De ces deux pôles, la famille est l’instance prioritaire et permanente de
protection, tandis que l’Etat et toutes les structures publiques constituent une instance
subsidiaire. La communauté, à travers des structures privées, intervient comme une instance
intermédiaire, qui concourt aussi à la réinsertion sociale de l’enfant.
12
IV. LA COMPLEXITÉ DE LA PROTECTION DE L’ENFANT
Si le verbe protéger renvoie à l’idée de mettre à l’abri d’un danger, la question fondamentale
que soulève l’intitulé de ce cours est la suivante : quel est le danger contre lequel l’enfant
devrait-il être protégé ou mis à l’abri? Contre sa propre conduite immature susceptible de
générer des conséquences préjudiciables pour lui-même et pour les autres membres de la
communauté composée aussi bien des adultes que d’autres enfants, contre la réaction de la
société (communauté et Etat) lorsque cette conduite immature est infractionnelle au regard de
la loi pénale (actes de délinquance), ou encore contre les actes préjudiciables aux droits de
l’enfant imputables aux adultes (parents ou autres membres de la communauté) ou aux autres
enfants?
Dans la première hypothèse, le danger contre lequel on devrait protéger l’enfant serait
constitué par sa propre conduite, qui tend à l’éloigner des objectifs de son développement
harmonieux, par exemple en ce qui concerne le devoir d’aller à l’école pour acquérir des
aptitudes lui permettant d’être utile à la société. L’effort que suppose l’acquisition de ces
aptitudes pourrait amener un enfant à éviter d’aller à l’école. Il va falloir l’y encourager en
étant guidé par son intérêt supérieur.
Dans la deuxième hypothèse, le danger contre lequel on devrait protéger l’enfant serait
constitué par la réaction de la société (la communauté et l’Etat à travers la justice pénale)
lorsque la conduite adoptée par l’enfant est constitutive d’un fait infractionnel au regard de la
loi pénale. Car la réaction sociale ou étatique (réaction judiciaire) pourrait être
disproportionnée au regard de la particularité complexe de la personne de l’enfant ou de la
gravité de l’acte commis par lui. Dans ce cas, il s’agira d’organiser une justice spécialisée
pour juger les enfants auteurs des manquements qualifiés d’infraction à la loi pénale et de
définir un régime répressif différent ou des mesures différentes des peines prononcées contre
les adultes dans la justice pénale ordinaire. En effet, Henri BOSLY relève à ce sujet que
« selon les événements, les mineurs d’âge délinquants suscitent au sein de la population deux
réactions bien différentes: d’une part, ils appellent à une attitude de protection et d’éducation
pleine d’espoir, de compréhension et d’attention; d’autre part, ils suscitent de l’inquiétude
auprès des adultes spécialement lorsque des actes de violence sont commis par eux. Alors,
l’attitude à leur égard n’est plus faite de compréhension, mais elle comporte au contraire une
demande d’application stricte de la loi pénale »6. Il faudrait alors protéger l’enfant contre
cette demande sociale d’application stricte de la loi pénale et sa rigueur.
Dans la troisième hypothèse, le danger contre lequel on devrait protéger l’enfant serait
constitué par les conséquences préjudiciables des actes ou des omissions imputables aux
adultes ou aux autres enfants ou même aux agents de l’Etat sur sa personne et au regard de
l’exigence d’assurer la croissance normale de l’enfant. Il s’agit alors de la protection pénale
de l’enfant qui consiste à ériger en infraction ces conduites préjudiciables à l’enfant ou à en
constituer des circonstances aggravantes. Cette protection pénale n’est pas nécessairement
organisée par une justice spécialisée. Elle peut être organisée dans le cadre de la justice
pénale ordinaire.
La complexité de la protection de l’enfant résulte du fait qu’elle aborde ces trois types de
problèmes. La protection de l’enfant pose donc un véritable dilemme à l’Etat et à la
6
H. BOSLY, « Introduction », La réaction sociale à la délinquance juvénile. Questions critiques et enjeux
d’une réforme, Bruxelles, La Charte, 2004, p. 3.
13
communauté du fait que la solution n’est pas souvent aisée. Ce dilemme donne aussi lieu à
deux questions :
Faut-il protéger un enfant en cas de manquement, parfois grave, qualifié d’infraction à
la loi (délinquance juvénile)?
L’exigence de la protection l’enfant et de ses droits devrait-elle disparaitre en cas
d’actes de délinquance ?
A travers le monde, les sociétés ont réagi et réagissent parfois de manière différente. C’est ce
que nous étudierons dans l’évolution historique de la protection de la jeunesse et en termes de
différents modèles de protection de l’enfant (de la jeunesse) en cas de délinquance. Nous
posons, à la lumière des instruments juridiques internationaux de protection de l’enfant, que
même en cas d’acte de délinquance, l’exigence de la protection de l’enfant et de ses droits ne
devrait pas disparaitre quelle que soit la gravité de l’acte commis par lui. Il s’agit là d’un défi
qui se présente à l’Etat et à l’ensemble de la communauté. Mais ce défi est complexe, car la
solution n’est pas facile à admettre. Par exemple en cas de meurtre, de violences sexuelles,
etc.
En effet, les normes internationales déterminent les spécificités de la justice pour les enfants
au regard de la justice pénale pour les adultes, car la préoccupation de la communauté
internationale est d’admettre que malgré l’acte commis par un enfant donné, grave ou moins
grave, les Etats devraient s'efforcer « de créer des conditions qui assurent au mineur une vie
utile dans la communauté, propre à encourager chez lui pendant la période de sa vie où il est
le plus exposé à un comportement déviant, un processus d'épanouissement personnel et
d'éducation aussi éloigné que possible de tout contact avec la criminalité et la délinquance
[et] s'attacher à prendre des mesures positives assurant la mobilisation complète de toutes les
ressources existantes, notamment la famille, les bénévoles et autres groupements
communautaires ainsi que les écoles et autres institutions communautaires, afin de
promouvoir le bien-être du mineur et donc de réduire le besoin d'intervention de la loi et de
traiter efficacement, équitablement et humainement l'intéressé en conflit avec la loi »7.
Face à ce défi, la protection de l’enfant requiert un engagement clair et sans équivoque de la
part de différents intervenants, de l’Etat et de la communauté entière. Nous y reviendrons
lorsque nous développerons la protection judiciaire de l’enfant accusé d’être en conflit avec
la loi.
Suite à cette complexité de la protection de l’enfant. il est nécessaire d’adopter une posture
critique envers les dispositifs de protection de l’enfant accusé d’être en conflit avec la loi ou
de gestion de la délinquance juvénile en vigueur dans une société donnée au cours d’une
période déterminée. Car les pratiques et les conceptions qui les sous-tendent peuvent
contredire les prescriptions théoriques des instruments juridiques adoptés pourtant de manière
formelle.
7
Ensemble des règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs,
Préambule.
14
V. LE PLAN DU COURS
15
TITRE I : L’OBJET DU DROIT DE LA PROTECTION DE L’ENFANT
Ce chapitre aborde les modalités de la protection de l’enfant. On distingue, à cet effet, d’une
part, la protection générale, et d’autre part, la protection spéciale.
Après avoir défini la protection générale de l’enfant, nous en examinerons les domaines ainsi
que les dispositions de protection générale de l’enfant dans la loi de 2009 portant protection
de l’enfant.
Les mesures de protection générale se rapportent à tous les aspects de la vie de l’enfant : au
domaine de la santé, au domaine socio-éducatif, au domaine des loisirs, au domaine du
travail8 et au domaine juridique civil et pénal.
8
Ibid., p. 2
16
culturelle; la protection du repos nocturne des enfants contre les tapages nocturnes et les
nuisances sonores diurnes et contre les veillées des prières ou certaines pratiques religieuses
(ex. des jeûnes).
Les enfants sont protégés de manière générale par les dispositions du Code de la famille, telle
que modifiée par la loi du 15 juillet 2016 se rapportant à la déclaration et à l’enregistrement
des naissances à l’état civil dans les 90 jours de la naissance, à l’adoption, la filiation, à
l’exercice de l’autorité parentale et sa déchéance, à la tutelle, aux devoirs d’entretien et
d’éducation des enfants, à la réglementation rigoureuse du divorce, à la réglementation de la
succession et l’organisation de la réserve héréditaire, etc.
En vue d’assurer la protection des enfants dans les domaines ci-dessus, le législateur a érigé
en infraction certaines situations préjudiciables aux jeunes en y prévoyant des sanctions
pénales (par exemple la circonscription ou enrôlement d’enfants) ou en faisant assortir
certaines infractions des circonstances aggravantes. Ainsi en est-il, d’une part, des
dispositions du code du travail relatives à la réglementation du travail des enfants et celles du
Code de la famille relatives à la déclaration et à l’enregistrement des naissances à l’état civil;
et d’autre part, des dispositions du Code pénal relatives à la propagande antinataliste, à
l’avortement, au viol, à l’attentat à la pudeur et aux mœurs, au tapage nocturne, à la présence
des enfants dans certains lieux publics ou de production de certains spectacles, etc.
II convient cependant de faire remarquer que ces dispositions pénales ne sont pas en elles-
mêmes suffisantes. Elles nécessitent d’être précédées par des mesures concrètes à caractère
social et économique pour rendre la protection des enfants effective. Car la dissuasion et
l’intimidation attendues de la peine se sont avérées des moyens peu efficaces de protection
des enfants contre des situations susceptibles de compromettre leur épanouissement
harmonieux. Par ailleurs, les études historiques et sociopolitiques du processus d’adoption de
certaines dispositions pénales ont montré l’effet d’affichage de certaines mesures pénales,
sans qu’il y ait de volonté politique réelle de protection effective des enfants ou jeunes. Les
lois pénales souffrent généralement d’une ineffectivité congénitale et incurable9.
9
Voir à ce sujet et à titre indicatif notre étude sur l’ineffectivité congénitale de la législation sur l’enfance
délinquante au Congo cfr. infra.
17
§3. Les dispositions de protection générale de l’enfant dans la loi de 2009
Dans ce sens, la loi portant protection de l’enfant organise la protection générale de trois
manières :
La loi aurait dû parler de la protection générale et citer toutes ces modalités de la protection
générale. Le plan de la loi est un plan mal conçu.
La diversité des mesures et des domaines concernés par la protection l’enfant montre ainsi
que la matière de protection de l’enfant est extrêmement vaste. Aussi a-t-on tendance à
réduire le contenu de cette matière à la seule protection spéciale ci-dessous, alors que celle-ci
suppose la protection générale. Il est donc nécessaire qu’à l’occasion des travaux de
recherche se rapportant à la protection de l’enfant, tous les différents aspects de la protection
générale de l’enfant soient abordés et valorisés, de manière à présenter la protection spéciale
comme des mesures exceptionnelles.
La loi n° 09/ 001 du 10 janvier 2009 semble avoir comblée cette lacune en organisant une
protection générale par l’affirmation des droits de l’enfant. En effet, il peut arriver qu’en
dépit des diverses mesures de protection de l’enfant ou suite à leur non-application, certains
enfants se retrouvent dans des situations particulièrement difficiles justifiant la prise des
mesures spéciales à leur égard.
En outre la loi de 2009 parle de la protection ordinaire comme si il y avait une protection
extraordinaire sans spécifier ce qui est extraordinaire. Elle parle de la protection ordinaire
dans le cadre de la protection sociale or la protection sociale comme nous le verrons fait
partie de la protection générale.
1. Elle organise la protection spéciale de l’enfant pour les enfants en situations difficile
(articles 62 à 76) ;
2. Elle organise la protection exceptionnelle en cas d’enrôlement et d’utilisation
d’enfants dans les forces et groupes armés ainsi que la police (article 71 à 73) ;
3. Elle organise la protection judiciaire pour les enfants en conflit avec la loi (articles 84
à 142).
Toutes ces diverses catégories des enfants cités ci-dessus sont considérées comme étant en
danger. Les diverses situations vécues par eux ont pu provoquer des traumatismes et des
difficultés particulières susceptibles de compromettre leur plein épanouissement. Aussi
nécessitent-ils une assistance et une protection spéciales, dont la finalité est de parvenir à la
réinsertion sociale de l’enfant.
La protection spéciale revêt deux modalités : elle peut-être sociale et/ou judiciaire.
La protection spéciale de type social est l’œuvre des structures sociales publiques et privées
et est assurée aux enfants en situation difficile au sein même de la communauté. Cette
modalité de protection spéciale est plus importante que la protection judiciaire, car elle est de
nature à favoriser l’objectif de la réinsertion sociale de l’enfant.
Tandis que la protection judiciaire est assurée dans le cadre judiciaire soit par une juridiction
spécialisée pour la jeunesse (tribunal de la jeunesse) soit par un juge ordinaire au sein d’une
10
Voir à ce sujet J. IDZUMBUIR ASSOP et R. KIENGE- KIENGE, L‘enrôlement des enfants et leur
participation aux conflits armés état actuel des dispositions juridiques, Kinshasa. EUA, 2000.
19
juridiction répressive, appelé juge des enfants. Cependant, s’agissant de la protection des
jeunes dits délinquants, il y a lieu d’observer que le concept de protection paraît ambigu.
La protection spéciale vise des mesures individuelles qui concernent chaque enfant selon sa
situation de vie. Il y a cependant lieu de préciser que la loi de 2009 prévoit plus d’articles sur
la protection judiciaire que sur la protection sociale. En cela, le législateur de 2009 a ainsi
judiciarisé la protection de l’enfant en renforçant la protection spéciale de type judiciaire (38
articles sur la protection sociale ordinaire et spéciale contre 59 articles sur la protection
judiciaire) au lieu de déjudiciariser la protection spéciale en renforçant plus la protection
spéciale au niveau social et communautaire.
De quoi s’agit-il lorsqu’on parle de la déjudiciarisation ? Quelle place occupe-t-elle dans les
instruments internationaux relatifs à la justice pour mineurs et comment évaluer sa réalisation
dans la justice pour mineurs au Congo, telle que organisée par la loi de 2009 ?
En de termes plus simples, il s’agit d’éviter qu’une affaire concernant un enfant accusé d’être
en conflit avec la loi, soit traitée nécessairement par la voie judiciaire, en raison du fait que
l’intervention judiciaire cause souvent du tort à l’enfant concerné.
L’objectif de la déjudiciarisation dans la justice pour mineurs constitue une priorité dans
l’Ensemble des Règles minima des NU relatives concernant l’administration de la justice
pour mineurs. Mais sa réalisation dans la loi congolaise de protection de l’enfant,
particulièrement en ce qui concerne la protection judiciaire des enfants en conflit avec la loi
est encore trop faible. Elle se réalise pour l’instant uniquement au moyen de la médiation.
11
R. GASSIN, Précis de criminologie, 2e éd., Dalloz, Paris, 1990, p. 636.
12
Ibid.
20
Chapitre 2 : Les sources formelles du droit de protection de l’enfant
Les sources formelles sont constituées par les dispositions juridiques qui consacrent des
règles se rapportant à la protection de l’enfant, telle cette notion a été définie ci-dessus, c’est-
à-dire se référant à la protection et à la promotion des droits de l’enfant dans les différents
aspects de la vie de l’enfant.
Cette précision apportée, nous distinguons les sources internationales et les sources
nationales.
21
6- La Convention relative aux droits de l’enfant adoptée dans sa résolution 44/25 du 20
novembre 1989. Cette Convention entra en vigueur le 2 septembre 1990,
conformément à l'article 49. La République Démocratique du Congo la ratifia par
l’Ordonnance-loi n° 90-048 du 21 août 1990 portant autorisation de la ratification de
la convention relative aux droits de l’enfant et elle fut publiée au Journal officiel n° 18
du 15 septembre 1990. La Convention relative aux droits de l’enfant fut publiée
intégralement au Journal officiel de la République Démocratique du Congo, n° spécial
du 9 avril 1999, aux pages 108 à 124.
7- Le protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la
vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des
enfants, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 26 juin 2000, entré
en vigueur le 18 janvier 2002, ratifié par la République Démocratique du Congo par
Décret-loi n° 003/01 du 28 mars 2001, in Journal officiel de la République
Démocratique du Congo, Les droits de l’enfant en République Démocratique du
Congo (Recueil des textes en vigueur), 2009, pp. 30-39 ;
8- Le protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant,
concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, adopté par l’Assemblée
générale des Nations-Unies le 26 juin 2000, entré en vigueur le 12 février 2002, ratifié
par la République Démocratique du Congo par Décret-loi n° 002/01 du 28 mars 2001,
in Journal officiel de la République Démocratique du Congo, Les droits de l’enfant en
République Démocratique du Congo (Recueil des textes en vigueur), 2009, pp. 42-48 ;
9- La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant adoptée à Addis-Abeba le 11
juillet 1990 par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation
de l’unité africaine (OUA), ratifiée par la République Démocratique du Congo par le
Décret-loi n° 007/01 du 28 mars 2001 ; in Journal officiel de la République
Démocratique du Congo, Les droits de l’enfant en République Démocratique du
Congo (Recueil des textes en vigueur), 2009, pp. 83-106 ;
10- La Convention sur les pires formes de travail des enfants adoptée à Genève par la
Conférence générale de l’Organisation internationale du travail (OIT) le 17 juin 1999,
ratifiée par la République Démocratique du Congo par Décret-loi n° 015/01 du 28
mars 2001, in Journal officiel de la République Démocratique du Congo, Les droits de
l’enfant en République Démocratique du Congo (Recueil des textes en vigueur), 2009,
pp. 76-80 ;
11- L’Ensemble des règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs
(Règles de Beijing) adopté par l'Assemblée générale dans Nations Unies dans sa
Résolution 40/33 du 29 novembre 1985. Ce document pose des principes généraux
concernant l’administration de la justice pour mineurs accusés d’être en conflit avec la
loi, définit les règles d’instruction et de poursuite, de jugement des affaires les
concernant, de traitement aussi bien en milieu ouvert qu’en institution ;
12- Les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance
juvénile (Principes directeurs de Riyad) adoptés et proclamés par l’Assemblée
générale des Nations Unies dans sa Résolution 45/112 du 14 décembre 1990 ;
22
13- Les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles
de La Havane), adoptées et proclamées par l’Assemblée générale des Nations dans sa
Résolution 45/113 du même 14 décembre 1990 ;
1- La Constitution
2- La loi
a) Le Décret n° 11/01 du 5 janvier 2011 fixant les sièges ordinaires et ressorts des
tribunaux pour enfants ;
g) L’Arrêté interministériel n° 490/CAB/MIN/J&DH/2010 et n° 011/CAB/MIN.GEFAE
du 29 décembre 2010 portant composition, organisation et fonctionnement du Comité
de médiation en matière de justice pour mineurs ;
h) L’Arrêté ministériel n° RDC/0248/GC/CABMIN/AFF.SAH.SN/09 du 19 novembre
2009 portant règlementation du placement social des enfants en situation difficile ;
i) L’Arrêté ministériel n° 001/CAB/MIN/J&DH/2011 du 5 janvier 2011 portant création
des sièges secondaires des tribunaux pour enfants et fixation de leurs ressorts ;
j) L’Arrêté ministériel n° 002/CAB/MIN/J&DH/2011 du 5 janvier 2011 portant
regroupement des ressorts des tribunaux pour enfants pour l’exécution des mesures de
garde, d’éducation et de préservation.
23
humains, Recueil de jurisprudence annotée 2014 - Justice pour enfants, Kinshasa,
UNICEF, 2014).
7- La doctrine
24
Chapitre 3 : Les méthodes du droit de la protection de l’enfant
Nous pourrons débuter cette section par une interrogation que se sont formulée Raymond
Quivy et Luc Van Campenhoudt, à savoir « Qu’apprend-t-on en fait (…) au terme de ce que
l’on qualifie communément de travail de recherche en sciences sociales ? On y apprend,
répondent-ils, « à mieux comprendre les significations d’un événement ou d’ une conduite, à
faire intelligemment le point d’une situation, à saisir plus finement les logiques de
fonctionnement d’une organisation, à réfléchir avec justesse aux implications d’une décision
politique, ou encore à comprendre plus nettement comment telles personnes perçoivent un
problème et à mettre en lumière quelques unes de leurs représentations13 ».
Pour ce faire, il se pose avant toute chose le problème de méthode. D’origine grecque, écrit
Luc Albarello, « le mot méthode signifie chemin »14. C’est, expose-t-il, « l’ensemble du
processus mis en place pour parvenir à un résultat »15. Une méthode, poursuit-il, répond à une
question pratique : « comment faire et quoi entreprendre pour atteindre un but donné »16.
Pour Paul Delnoy, qui se réfère à la philosophie, où la méthode est définie comme la marche
rationnelle de l’esprit vers la vérité, la méthode est « une manière de conduire la pensée, un
ensemble de démarches raisonnées, suivies, pour parvenir à un but17 ». « L’idée de méthode –
poursuit-il – est toujours celle d’une direction définissable et régulièrement suivie dans
l’opération de l’esprit ». Procéder avec méthode revient, par conséquent, à :
- déterminer clairement l’objectif à atteindre ;
- établir la somme des opérations à accomplir et des matériaux ainsi que des
instruments nécessaires ;
- réaliser ces opérations dans un ordre raisonné.
Ces définitions précisées, nous verrons, d’abord, trois manières de mal commencer une
recherche (§1), ensuite nous examinerons les étapes de la démarche scientifique (§2).
Comme l’écrivent Quivy et Van Campenhoudt, au départ d’une recherche ou d’un travail, le
scénario que vivent les étudiants est pratiquement toujours identique: « On sait vaguement
que l’on veut étudier tel ou tel problème (…), mais on ne voit pas très bien comment aborder
la question (de manière scientifique). On souhaite que ce travail soit utile et débouche sur des
propositions concrètes, mais on a le sentiment de s’y perdre avant même de l’avoir réellement
entamé. C’est le chaos originel18 ». Que faire alors ? Il faut en sortir sans trop tarder et
13
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op. cit., p. 8.
14
L. ALBARELLO, op. cit., p. 14, note de bas de page n° 2.
15
Ibid.
16
Ibid.
17
P. DELNOY, Éléments de méthodologie juridique, Coll. de la Faculté de droit de l’Université de Liège,
Bruxelles, Larcier, 2005, 21.
18
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op. cit., p. 9.
25
avancer dans la recherche d’autant plus que le temps avance toujours vite, surtout s’il s’agit
de la rédaction d’un mémoire ou d’un travail de fin de cycle, qui prend généralement
quelques mois au cours d’une année académique.
Pour s’en sortir vite, peut-être dans la précipitation, certains étudiants et chercheurs font « la
fuite en avant »19, souvent sous trois formes courantes qu’il faudrait donc éviter :
- la gloutonnerie livresque ou statistique ;
- l’impasse aux hypothèses ;
- l’emphase obscurcissante.
Que faire alors ? Il faut revenir au point de départ, réapprendre à réfléchir à ce que l’on
cherche à savoir et à la manière de s’y prendre, car la méthodologie est une réflexion
préalable que le chercheur fait sur la manière de construire sa pensée sur son objet d’étude
(cfr supra). De ce point de vue, on peut dire que la recherche se réalise avant tout dans la tête
du chercheur plutôt que dans des manuels.
C’est cette réflexion préalable sur ce que l’on cherche à savoir et sur la manière de s’y
prendre qui permettra au chercheur de choisir soigneusement peu de textes, qu’il lira alors en
profondeur, et d’interpréter de façon judicieuse quelques données statistiques
particulièrement parlantes. Il faut donc veiller à appliquer une règle essentielle du travail de
recherche, qui consiste à « veiller toujours à emprunter le chemin le plus court et le plus
simple pour le meilleur résultat21». Ce qui implique donc que l’on ne doit jamais s’engager
dans un travail important sans se poser la question suivante : qu’est-ce que je cherche à savoir
sur mon objet de recherche ?
Selon Guigue-Durring, qui cite Lalande, l’hypothèse est « une conjecture douteuse mais
vraisemblable, par laquelle l’imagination anticipe sur la connaissance, et qui est destinée à
19
Ibid.
20
Ibid., p. 10.
21
Ibid., p. 11.
26
être ultérieurement vérifiée22». Luc Albarello expose que l’hypothèse « se présente
généralement sous la forme d’une proposition à tester, proposition mettant en relation deux
types de variables (de faits sociaux) : les variables indépendantes ou explications et les
variables dépendantes (c’est-à-dire le fait social que l’on tente de mieux comprendre)23».
Pour cet auteur, l’hypothèse tend généralement à formuler une relation entre les faits sociaux.
Elle suggère les techniques de recherche à mettre en œuvre ultérieurement.
Toutefois, nous précisons que la portée de l’hypothèse au départ de la recherche dépend selon
que le tracé de la recherche est déductif ou inductif. Elle est généralement admise au départ
d’une recherche déductive ; tandis que dans une recherche inductive, le départ est constitué
du stéréotype d’ancrage, qui est l’équivalent d’une hypothèse. Celle-ci est induite plus tard, à
partir des données empiriques.
Nous rappelons que le raisonnement déductif est celui qui se base sur la vérification
d’hypothèses et qui consiste à déduire, à partir d’un ensemble d’informations (de théorie),
une information nouvelle infirmant ou confirmant la théorie de départ ; alors que le
raisonnement inductif suit le cheminement inverse puisqu’il va du singulier au général, c’est-
à-dire des informations ou données de terrain à une proposition théorique de portée générale.
Pour Luc Albarello, « l’hypothèse est l’élément intellectuel essentiel et indispensable qui
permet à une recherche de dépasser la dimension strictement descriptive pour atteindre un
niveau explicatif et compréhensif, c’est-à-dire atteindre un statut scientifique24». L’hypothèse
est alors appelée, au cours de l’étude ou de la recherche, à être testée dans le sens de sa
confirmation ou dans le sens de son infirmation.
Quant à leur origine, il faudrait noter que les hypothèses sont parfois issues d’a priori : le
chercheur se base sur sa propre expérience scientifique ou sur sa formation reçue et il « se
demande si… ». Plus généralement l’hypothèse surgit au terme d’une phase préalable de
nature exploratoire constituée par :
- le dépouillement de la documentation existante (livres, articles, mémoires, statistiques
existantes…) ;
- des réunions et quelques discussions de groupes ou par la rencontre avec des témoins
privilégiés de l’événement ou de la situation à l’étude ;
- l’interview ou entretien en profondeur avec des personnes ressources.
Évidemment tous ces développements semblent nous avoir éloignés quelque peu de notre
souci d’exposer aux étudiants la deuxième manière de mal commencer une recherche en
sciences sociales, à savoir l’impasse aux hypothèses.
Faire l’impasse aux hypothèses du travail est une autre forme de fuite en avant, qui décourage
souvent les étudiants et jeunes chercheurs au point de leur faire abandonner la recherche ou
22
M. GUIGUE-DURNING, Les mémoires en formation, Paris, L’Harmattan, p. 235, cité par L. ALBARELLO,
op. cit., p. 44.
23
L. ALBARELLO, op. cit., p. 44.
24
Ibid.
27
de leur faire perdre du temps. Sachez, tout en passant, que le temps est la première ressource
clef d’un chercheur ou d’un étudiant, engagé à rédiger son travail de fin de cycle ou son
mémoire. Le temps perdu n’est jamais récupéré. Dans une démarche de recherche, il faut
absolument réaliser soigneusement les premières étapes avant de songer ou de passer aux
suivantes.
Mais, il y a aussi une troisième manière de mal commencer une recherche en sciences
sociales : l’emphase obscurcissante.
C. L’emphase obscurcissante.
Il s’agit d’un défaut, qui est fréquent chez les chercheurs débutants, qui sont impressionnés et
intimidés par leur récente fréquentation des universités et du fait qu’ils pensent que faire la
science c’est s’exprimer de manière pompeuse et inintelligible, en employant des termes
recherchés et compliqués dont ils ne connaissent pas l’exacte portée et qui finissent par
embrouiller leur raisonnement. Un exercice consistant à demander aux étudiants de formuler
brièvement leur objet d’étude peut permettre de faire le constat de ce travers.
Les chercheurs, qui tombent dans ce défaut, mettent en place des projets de recherche
dominés par deux caractéristiques : d’une part, l’ambition démesurée, et d’autre part, la
confusion la plus complète. Ils déclarent l’intention de recherche dans un jargon aussi creux
qu’emphatique qui cache mal l’absence de projet de recherche clair et intéressant.
L’encadrement d’un enseignant ou d’un autre chercheur expérimenté va, avant toute chose,
aider un tel chercheur à remettre ses deux pieds sur terre et à reformuler son projet de
recherche de manière claire et simple. Pour ce faire, le chercheur devra s’efforcer de définir
systématiquement tous les mots qu’il utilise et d’expliquer toutes les phrases qu’il formule, de
manière qu’il puisse se rendre compte qu’il ne comprend pas lui-même son propre charabia.
25
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op. cit., p. 11.
26
Ibid., p. 12.
27
Ibid.
28
Des méthodologues invitent le chercheur à prendre conscience de ce travers pour revenir sur
la bonne voie de faire une recherche personnelle et authentique en réfléchissant sur un
problème donné, qui se pose dans la société ou dans un domaine de savoir. En effet, « une
caractéristique essentielle d’une bonne recherche est l’authenticité28». Un bon travail est
toujours une quête sincère de vérité. Cela requiert une implication et un engagement
personnels du chercheur, qui le conduisent à une appropriation de son travail.
Mais attention : la vérité dont il est question ici n’est pas « la vérité absolue, établie une fois
pour toute par le dogme, mais celle qui se remet toujours en question et s’approfondit sans
cesse par le désir de comprendre plus justement le réel dans lequel nous vivons et que nous
contribuons à produire »29. Sinon on tombe dans le scientisme.
Nous venons ainsi de parcourir les trois manières de mal commencer une recherche en
sciences sociales. Il convient de voir maintenant comment est-il possible de procéder dans un
travail de recherche et de lui assurer un bon départ. Pour ce faire, nous allons étudier à
présent les principes fondamentaux de la démarche scientifique ainsi que les différentes
étapes de leur mise en œuvre.
Il faut noter qu’ « une démarche est une manière de progresser vers un but32». Et exposer la
démarche scientifique, précisent ces méthodologues, « consiste donc à décrire les principes
fondamentaux à mettre en œuvre dans tout travail de recherche »33. Les méthodes (que nous
avons définies comme « l’ensemble du processus pour parvenir à un résultat34») ne sont donc
que des mises en forme particulières de la démarche, des cheminements différents conçus
pour être mieux adaptés aux phénomènes ou domaines étudiés. D’où l’impossibilité d’étudier
toutes les méthodes, qui varient selon les domaines à étudier.
Quels sont alors les principes fondamentaux que toute recherche scientifique doit respecter ?
Ces principes ressortent de la phrase suivante de Gaston Bachelard, qui a résumé la démarche
scientifique en quelques mots : « Le fait scientifique est conquis, construit et constaté ». Il est
conquis sur les préjugés, construit par la raison et constaté dans les faits (par l’observation ou
l’expérimentation)35.
28
Ibid., p. 13.
29
Ibid.
30
Ibid., p. 14.
31
Ibid.
32
Ibid.
33
Ibid.
34
L. ALBARELLO, op. cit., p. 14, note de bas de page n° 2.
35
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op. cit., p. 14.
29
La même idée est exposée par d’autres grands chercheurs en sciences sociales36, qui décrivent
la démarche scientifique comme un processus en trois actes dont l’ordre doit être absolument
respecté. C’est ce qu’ils appellent la hiérarchie des actes épistémologiques.
Granger relève aussi que le savoir en sciences humaines ne se construit pas sur le modèle du
savoir dans les sciences de la nature. En sciences humaines ou sociales, la fonction de
l’épistémologue (chercheur) consiste à mettre en lumière le sens des concepts, à dissiper les
malentendus, à reconnaître les statuts différents des objets que la science élabore. Aussi la
question de l’objectivité et de la rationalité, dans ces sciences (humaines), tient-elle compte
des significations et du caractère de valeurs que les objets étudiés revêtent pour les acteurs40.
Car la rationalité de la science n’est pas une méthode universelle bien définie. La finalité de
l’épistémologie est donc de préciser le sens et la portée d’une connaissance rationnelle.
Granger en vient à définir l’épistémologie selon une acception large, comme tout essai pour
déterminer, aujourd’hui et maintenant, le sens et les limites de la rationalité de la science.
Pour sa part, Alvaro Pires fait rentrer dans le domaine de la science la connaissance
« objective » de la « réalité » sur la base des découvertes empiriques (par opposition aux
« spéculations » et à toute connaissance dite a priori ou aux prénotions au sens large41. La
science est donc un savoir qui vise l’explication valide de la réalité.
Qu’en est-il du savoir juridique ? Christian Atias, reprenant les différentes définitions de
l’épistémologie, écrit que « l’épistémologue pose des questions qui jalonnent en quelque
sorte le chemin parcouru dans la constitution et le développement d’un savoir ; il demande, à
celui qui affirme savoir, qui affirme avoir établi ou démontré, ce qui l’autorise à s’exprimer
36
P. BOURDIEU, J. CHAMBOREDON et J.-C. PASSERON, Le métier de sociologue, Paris, Mouton, Bordas,
1968.
37
GRANGER, « Épistémologie », in Encyclopédia Universalis, pp. 61-66.
38
Ibid., p. 61.
39
Ibid., p. 65.
40
Ibid., p. 67.
41
A. PIRES, « Quelques enjeux épistémologiques d’une méthodologie générale pour les sciences sociales », in
POUPART, DESLAURIERS, GROUX, LAPERRIERE, MAYER et PIRES, La recherche qualitative. Enjeux
épistémologiques et méthodologiques, Montréal, G. Morin éditeur, 1997, pp. 3-54, p. 6.
30
ainsi ; de quelle façon les données acquises de la science sont-elle acquises ? 42». À la suite de
Lalande43, il définit l’épistémologie comme « l’étude critique des principes, des hypothèses et
des résultats des diverses sciences, destinée à déterminer leur origine logique (non
psychologique), leur valeur et leur portée objective44».
Pour appliquer ce concept au droit et justifier une épistémologie juridique, Atias donne la
définition suivante de l’épistémologie : « l’épistémologie est l’étude critique des événements
qui émaillent l’histoire du corps de connaissances qu’une collectivité savante alimente,
corrige et travaille, et dont l’objet est relativement déterminé45». Et il considère que s’il est
légitime de se livrer à une réflexion épistémologique dans le domaine juridique, c’est à la
condition sans doute d’admettre une hypothèse première : le droit est l’objet d’une
connaissance particulière. « Elle semble recevable même là où l’épistémologie juridique est
confondue avec la philosophie ou la théorie du droit46». Il est donc possible, affirme-t-il,
« d’enquêter sur l’objet même dont s’occupent les juristes-chercheurs de façon à faire
apparaître l’identité propre, la structure typique de cet objet par-delà les conceptions plus ou
moins approximatives qu’on peut en avoir dans l’expérience courante », tout comme sur la
nature des activités transcendantales auxquelles se livrent ces juristes-chercheurs47.
Ainsi, précise-t-il,
« Les questions d’épistémologie juridique doivent porter sur le savoir juridique qu’il s’agit de cerner,
de décrire, de caractériser. Comme il n’est pas figé, ce sont ses divisions, ses mouvements et
manifestations qui s’imposent à l’analyse. Ses modes d’alimentation et de rejet suscitent également
maintes questions. Elles ne peuvent être posées dans l’abstrait, sur fond d’une trompeuse innocence,
d’une fausse objectivité. Elles le sont dans l’espoir, directif en lui-même, de répondre aux
préoccupations que l’actualité peut engendrer. Les apories du savoir juridique contemporain ne peuvent
être postulées ; certaines d’entre elles sont à évoquer comme des hypothèses de travail 50».
42
Ch. ATIAS, Épistémologie juridique, 1re éd., Paris, Dalloz, 2002, p. 2, n° 3.
43
A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 1926, 11e éd., 1972, V°
Épistémologie, pp. 293-294.
44
Ch. ATIAS, op. cit., p. 2.
45
Ibid., p. 3.
46
Ibid., p. 7, n° 8.
47
P. AMSELEK, « Éléments d’une définition de la recherche juridique », Archives de philosophie du droit,
1979, t. 24, pp. 298-299, cité par Ch. ATIAS, op. cit., p. 7.
48
Ch. ATIAS, op. cit., p. 7.
49
Ch. ATIAS, op. cit., p. 7.
50
Ibid., pp. 61-62.
31
et la description, l’analyse, la construction théorique du droit. Toutes ces questions
constituent ainsi la matière de l’épistémologie juridique51. Le savoir juridique repose donc,
lui aussi, sur des données et des informations concrètes, qui relève du réel.
Refermons alors cette parenthèse sur l’épistémologie en sciences sociales et en droit, qui
n’est pas du tout une digression, pour poursuivre avec l’énumération des principes
fondamentaux de la démarche scientifique qui apparaissent, du reste, dans la citation de
Granger, de Alvaro Pires et de Christian Atias, pour ce qui est du savoir juridique. Ces
principes se présentent comme des actes de la démarche scientifique, de toute démarche
scientifique valide. Il s’agit de :
- la rupture (épistémologique) ;
- la construction (rationnelle) ;
- la constatation (empirique de la réalité).
a. La rupture épistémologique
L’acte de rupture est fondamental pour commencer un projet de recherche, parce qu’il amène
à s’interroger sur « la posture intellectuelle à adopter lorsque la décision d’entamer une étude
scientifique est prise52». Quivy et Van Campenhoudt font observer qu’en sciences sociales,
notre bagage soi-disant « théorique » possède de nombreux pièges, car une grande part de nos
idées s’inspire des apparences immédiates ou des partis pris. Elles ne sont souvent
qu’illusions et préjugés. Construire sur de telles prémisses revient à construire sur du sable53.
Le chercheur doit donc développer la capacité de prendre du recul par rapport à ces préjugés
ou à ces prénotions. « La rupture consiste précisément à rompre avec les préjugés et les
fausses évidences qui nous donnent seulement l’illusion de comprendre les choses. La rupture
apparaît alors comme le premier acte constitutif de la démarche scientifique54 ».
Le chercheur doit apprendre à gérer sa propre distance, surtout dans une recherche-action. En
effet, écrit Albarello, « une recherche possède un statut scientifique, c’est un moment de
recul, généralement inspiré d’une pratique et d’une expérience professionnelle ou militante,
mais qui est cependant distinct de cette pratique quant à la méthode de travail, quant au type
d’investissement psychologique qu’elle implique, quant aux critères de qualité ou
d’efficience ou quant aux types de connaissances personnelles qu’elle suppose55». Aussi
conclut-il,
« Le chercheur doit pouvoir mettre en question les comportements observés tels qu’ils se présentent
d’emblée à ses yeux et tels qu’ils sont perçus et décrits par les acteurs eux-mêmes. Il doit pouvoir se
ménager une position de recul et adopter une posture intellectuelle de distance critique. Cette distance
lui permet de rompre avec la réalité sensible et l’amène à ôter aux données observées le caractère
d’évidence qu’elles ont, de rompre avec ‘le sens commun’, selon l’expression bien connue de Pierre
Bourdieu56».
51
Ibid.
52
L. ALBARELLO, op. cit., p. 18.
53
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op. cit., p. 15.
54
Ibid.
55
L. ALBARELLO, op. cit., p. 18.
56
Ibid.
32
« Cette rupture – enseignent Quivy et Van Campenhoudt – ne peut être effectuée qu’en se référant à un
système conceptuel organisé, susceptible d’exprimer la logique que le chercheur suppose être à la base
du phénomène. C’est grâce à cette théorie qu’il peut construire des propositions explicatives
(hypothèses) du phénomène à l’étude et qu’il peut prévoir le plan de la recherche à installer, les
opérations à mettre en œuvre et les conséquences auxquelles il faut logiquement s’attendre au terme de
l’observation sur le terrain57».
Sans cette construction théorique, il n’y aurait pas d’expérimentation valable. « Il ne peut y
avoir, en sciences sociales, de constatation fructueuse sans construction d’un cadre théorique
de référence. On ne soumet pas n’importe quelle proposition à l’épreuve des faits 58». Les
propositions explicatives doivent être des produits d’un travail rationnel fondé sur la logique
et sur un système conceptuel valablement constitué59.
c. La constatation
Il y a lieu de noter avec Raymond Quivy et Luc Van Compenhoudt qu’« une proposition n’a
droit au statut scientifique que dans la mesure où elle est susceptible d’être modifiée par des
informations sur la réalité concrète61». Cette mise à l’épreuve des faits est appelée
constatation ou expérimentation. Elle correspond au troisième acte ou principe de la
démarche scientifique.
Les trois actes ou principes fondamentaux de la démarche scientifique en sciences sociales ci-
dessus comprennent chacun plusieurs étapes de mise en œuvre. Ainsi l’acte de rupture
comprend :
- la formulation de la question de départ ;
- l’exploration au moyen des lectures et des entretiens informels dits exploratoires avec
des acteurs ou des personnes ressources ;
- le choix de la problématique ou d’un cadre théorique de référence.
57
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op. cit., p. 17.
58
Ibid.
59
J.-M. BERTHELOT, L’intelligence du social, Paris, PUF, 1990, p. 39.
60
J.M de KETELE et X. ROGIERS, Méthodologie du recueil d’informations, Louvain-la-Neuve, De Boeck
Université, 1996, p. 91.
61
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op. cit., p. 17.
33
Enfin, la constatation correspond à l’étape empirique du travail, qui implique la mise en
œuvre des techniques de recueil des données (observation au sens large), les techniques
d’analyse ou d’interprétation des données recueillies (qui permettent de donner un sens aux
données recueillies et de les généraliser compte tenu de leur validité), et les résultats de la
recherche (ou les conclusions) à ne pas confondre avec la conclusion du travail. Voyez à ce
sujet le schéma présenté par Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt62 qui est reproduit ci-
dessous.
62
Ibid., p. 16.
34
LES ÉTAPES DE LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE
Étape 2. L’exploration
Étape 3. La problématique
CONSTRUCTION
35
Section 2 : La démarche juridique
Pour découvrir le sens des règles de droit, les juristes emploient différentes méthodes :
- la méthode linguistique ;
- la méthode systématique ;
- la méthode historique ;
- la méthode téléologique ;
- la méthode sociologique.
A. La méthode linguistique
2) Comme les idées ne sont exprimées de manière précise que par l’établissement de
relations entre des concepts, on procède, en outre, dans la méthode linguistique, à une
analyse des diverses associations et relations des concepts contenus dans la règle.
Dans ce cadre, les signes linguistiques qui établissent ces relations – conjonctions et
signes de ponctuation, notamment – prennent toute leur importance.
3) Par ailleurs, comme un mot ou une phrase n’acquiert un sens précis qu’en raison du
contexte dans lequel il prend place, on procède, enfin, dans la méthode linguistique, à
une analyse des mots et des phrases d’après leur contexte grammatical65.
Étant donné que la loi est l’expression de la volonté du législateur, on sera particulièrement
attentif aux verbes utilisés par lui (exemples : devoir, pouvoir), à la manière dont les verbes
sont conjugués (mode, temps, voix, personne, nombre). Et dans l’analyse des rapports entre
les phrases et les alinéas d’un texte, on sera particulièrement attentif à la signification des
63
Voy. P. DELNOY, Éléments de méthodologie juridique. 1. Méthodologie de l’interprétation juridique. 2.
Méthodologie de l’application du droit, Bruxelles, Larcier, 2005.
64
GEERKENS, E. et al., Méthodologie juridique : méthodologie de la recherche documentaire juridique, Coll.
de la Faculté de droit de l’Université de Liège, Bruxelles, Larcier, 2008.
65
P. DELNOY, op. cit., p. 153.
36
mots qui, comme les « balises », indiquent le cheminement de la pensée du législateur dans
l’exposé de ses volontés. Ainsi en est-il des mots : nonobstant, néanmoins, toutefois,
notamment.
B. La méthode systématique
1) À dégager le sens d’un texte juridique à l’aide de son contexte juridique ou législatif.
En effet, la règle à interpréter prend généralement place dans un texte plus vaste que
le législateur a ordonné en titres, chapitres, sections, paragraphes, etc. La place de la
règle dans cet ensemble structuré peut éclairer son sens, car son objet, quoique non
exprimé, n’est pas, en principe, différent de celui du titre sous lequel il se situe66.
C. La méthode historique
La méthode historique est autrement appelée « méthode génétique ». Elle consiste à éclairer
un texte en le replaçant dans le contexte de sa genèse. Ce contexte est constitué des
événements historiques dans le cadre desquels le texte à interpréter est né. Le contexte
historique est constitué aussi des dispositions, qui ont précédé le texte à interpréter. En effet,
explique Delnoy: « certains textes sont l’aboutissement d’un développement ‘législatif’ plus
ou moins long ; on les comprend dès lors mieux et parfois, on ne peut les comprendre qu’en
retraçant l’histoire de leur filiation. D’autres textes ne sont que l’expression d’une réaction à
l’encontre du droit antérieur ; on les comprend mieux et parfois, on ne peut les comprendre
qu’en décrivant l’état du droit antérieur qu’ils contredisent68».
D. La méthode téléologique
La méthode téléologique consiste à éclairer le texte par le but que le législateur poursuit à
travers lui. En effet, expose encore Delnoy: « la loi est un instrument d’orientation des
comportements sociaux. Lorsqu’il prend une loi, le législateur a, en principe, une intention
politique, une idée sur l’évolution qu’il veut imprimer aux comportements des citoyens. C’est
par cet objectif qu’on éclaire le sens du texte à interpréter69». Ce but de la loi ou la ratio legis
66
Ibid., pp. 163-164.
67
Ibid., p. 165.
68
Ibid., p. 169.
69
Ibid., p. 172.
37
est généralement exprimé dans l’exposé des motifs et parfois même dans la nécessité et
l’urgence explicitées dans le préambule du texte juridique sous interprétation.
E. La méthode sociologique
La méthode sociologique consiste à éclairer les textes par le contexte sociologique de leur
naissance ou celui de leur application. Le terme « sociologique », explique Delnoy, « est pris
ici dans une acception très large, comme désignant tout ce qui fait l’état d’une société à un
moment donné : les courants idéologiques, les besoins sociaux, l’état des mœurs et de la
culture, la conception des rapports économiques, etc. 70». Ces faits sociologiques, qui
constituent les sources matérielles du droit, sont parfois contenus aussi dans l’exposé des
motifs. La mobilisation de cette méthode sociologique est généralement rendue nécessaire par
la considération selon laquelle le droit ne s’autodétermine pas. Il suit les faits sociologiques.
Ceux-ci doivent être observés selon la démarche des sciences sociales.
1) Il s’agit, d’abord, des règles du langage. En effet, le sens d’un mot n’étant pas infini,
s’il n’est pas déterminé de manière précise, la signification que l’interprète donne aux
vocables employés par le législateur ne peut pas être incompatible avec les acceptions
possibles de ce mot.
2) La liberté de l’interprète est limitée aussi par les règles de la logique. Ainsi, lorsqu’il
raisonne pour dégager le sens d’une loi, le juriste ne peut évidemment pas ignorer les
principes suivants :
- Le principe d’identité (une chose ne peut pas être et ne pas être à la fois). La version
ontologique de ce principe rejette la notion de gradations dans l'être : il y a être, ou
non-être (to be or not to be71), pas de demi-être. La version logique affirme que toute
proposition est nécessairement vraie ou fausse, sans valeur intermédiaire possible.
- Le principe de non-contradiction (on ne peut admettre une chose et son contraire).
- Le principe du tiers exclu : En logique formelle, le principe du tiers exclu (ou
« principe du milieu exclu » soutient que la disjonction « p ou non-p » est
nécessairement vraie pour toute proposition p. C'est-à-dire l'une ou l'autre parmi cette
proposition p et sa négation non-p est vraie.
70
Ibid., p. 175.
71
William Shakespeare, Hamlet.
38
Le principe de non-contradiction qui fonde la logique formelle rejette le cas 2 pour
une paire de propositions qui sont la négation logique l'une de l'autre : on ne peut
penser p et non-p vrais à la fois. Le principe du tiers-exclu rejette le cas 3 : on ne peut
penser que p ou non-p, il n'y a pas de troisième cas hypothétique.
Ainsi encore, il ne peut pas commettre des erreurs de raisonnement comme, par
exemple, faire une pétition de principe72 (c’est-à-dire considérer comme admis ce qui
doit être démontré).
3) La liberté de l’interprétation est limitée encore par ce que François Ost a appelé « le
postulat de rationalité du législateur », car de ce postulat sont déduites des
propositions qui sont comme des mesures de la justesse de l’interprétation73.
La cohérence du législateur
Les pouvoirs normatifs sont respectueux des règles juridiques qui s’imposent à eux
Le principe d’utilité
Le législateur ne fait rien d’inutile. Selon François Ost75, le législateur ne parle pas
pour énoncer des évidences juridiques ou répéter ce qu’il a déjà dit. C’est pourquoi,
lorsqu’une loi est susceptible de recevoir deux interprétations, l’une qui ne lui confère
aucune utilité, l’autre qui lui en confère une, il faut adopter cette dernière
interprétation.
72
Ibid., p. 179.
73
Ibid.
74
Ibid., p. 180.
75
Fr. OST, « L’interprétation logique et systématique et le postulat de rationalité du législateur », in
L’interprétation en droit, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1978, p. 171.
39
Le principe de raison
Il faut noter qu’en fait, en dehors de l’obligation de respecter les règles de la logique,
les différentes limites de la liberté d’interprétation ne présentent pas un caractère
rigoureux. Ainsi, le « postulat de rationalité du législateur », par exemple, est
beaucoup plus une présomption qu’un postulat au sens propre du terme. En principe,
l’interprète doit suivre les directives d’interprétation qui en découlent, mais il ne lui
est pas interdit de montrer qu’il arrive au législateur de prendre des dispositions
inutiles, de faire parfois preuve d’incohérence, d’adopter une règle qui n’est pas
conforme aux normes qui s’imposent ou de n’être pas raisonnable dans ses
commandements. En sorte que l’interprète peut, dans ces cas, adopter de la loi une
interprétation qui ne satisfait pas aux propositions déduites du postulat de rationalité77.
Lorsque la loi ne fait pas de distinction, il ne faut pas en faire. Lorsque la loi vise un
ensemble de cas, il ne faut pas exclure son application pour certains d’entre eux.
L’esprit de la loi fixe les limites de son champ d’application. Lorsque la loi ne trouve
pas sa raison d’être dans le cas concerné, il ne faut pas la lui appliquer.
76
P. DELNOY, op. cit., p. 183.
77
Ibid., p. 184.
78
Voy. H. ROLAND, Lexique juridique, Expressions latines, Paris, Litec, 2004, cité par P. DELNOY, op. cit.,
185.
40
Favores ampliandi, odiosa sunt restrigenda
Les dispositions qui créent des charges pour les particuliers doivent être interprétées
strictement ; celles qui leur sont favorables doivent, au contraire, être interprétées
largement. C’est en raison de ce principe que le droit pénal est de stricte
interprétation.
Selon ce principe, un texte clair ne doit pas être interprété. Cela signifie que « quand
une loi est claire, il ne faut point en éluder la lettre sous prétexte d’en pénétrer l’esprit.
Autrement dit, quand le sens d’un texte est manifeste, il ne faut pas recourir aux
méthodes systématique, historique, téléologique ou sociologique d’interprétation, ni
aux travaux préparatoires, sinon pour le confirmer, mais en tout cas pas pour le
dénaturer. « Quand la loi est claire, il faut la suivre ; [ce n’est que] quand elle est
obscure, [qu’]il faut en approfondir les dispositions », disait Portalis79.
Cependant, les travaux préparatoires doivent être utilisés avec prudence. Et ils ne
peuvent pas être invoqués lorsqu’ils entrent en contradiction avec la loi. Car seul le
texte de la loi est adopté. En effet, « quelle que soit leur qualité, les travaux
79
PORTALIS, « Discours préliminaire », in P. A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code
civil, Paris, 1827, p. 474, cité par P. DELNOY, op. cit., p. 189.
80
P. DELNOY, op. cit., p. 193.
81
Ibid., p. 193.
41
préparatoires, qui ne font l’objet d’aucun vote par le législateur, ne peuvent
évidemment pas l’emporter sur le texte même de la loi82».
Mais elle est se veut aussi criminologique en ce que cette démarche répond aux exigences du
projet spécifiquement criminologique avec ses caractéristiques (voir cours de criminologie),
dans la mesure où les objets du droit de la protection de l’enfant sont aussi ceux dont
s’intéresse la criminologie (la question pénale au sens large, entendue comme des situations-
problèmes et des modalités du contrôle social). Dans ce sens, tout ce qui se réfère aux
situations difficiles ou en conflit avec la loi dans lesquelles peut se trouver un enfant,
constituent des situations-problèmes, tandis que les différents modalités de protection prévue
par la loi (générale, spéciale de nature sociale ou de nature judiciaire ou exceptionnelle)
constituent des modalités de régulation sociale ou de contrôle social.
Avant d’aborder les dispositifs méthodologiques mobilisés dans le cadre de cette démarche
socio-criminologique, il convient de faire
Nous commençons par préciser que dans la justice pour les enfants, on ne juge pas l’acte
mais la personne. Car l’enfant est un être vulnérable et sa personnalité présente une
particularité complexe. Lorsqu’on doit le juger, on ne cherche pas à le condamner, c’est-à-
dire, on ne le juge pas en vue de l’établissement de la faute (culpabilité), car il n’y a pas de
responsabilité. Car il est présumé pénalement irresponsable. On vise à prendre à son égard
des mesures de garde, d’éducation et de préservation.
C’est pourquoi, le concept de délinquance juvénile, généralement employé pour qualifier les
comportements problématiques (criminalisés ou non) commis par les enfants est ambigu. Il
faudrait donc chaque fois le déconstruire. C’est la raison d’être de cette mise en garde
épistémologique.
82
Ibid., p. 194.
83
J. PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, tome III, Paris, Dalloz, 1963, p. 473 et s.
42
- Kienge-Kienge Intudi, Le contrôle policier de la « délinquance » des jeunes à
Kinshasa, une approche ethnographique en criminologie, Louvain-la-Neuve,
Kinshasa, Academia-Bruylant, Éditions Kazi, 2011 (particulièrement la première
partie consacrée à la construction de la délinquance des jeunes comme objet d’étude).
« La connaissance que nous avons du réel ne peut se faire qu’à travers une grille de lecture qui conduit
à une déformation de celui-ci ou à une sélection qui s’y opère. Il s’agit là d’une manière générale
d’appréhender la réalité extérieure qui s’impose comme interprétation préalable et qui nous paraît
valoir pour l’homme comme pour l’animal ».
On peut imaginer sans trop de difficulté l’angoisse et le sentiment d’insécurité que produisent
dans un groupe social les situations qualifiées de délinquantes ou de criminelles. Ils
expliquent l’adoption, de façon quasi naturelle, par les différents protagonistes de ces
situations et les instances de contrôle social, de ce que Christian Debuyst nomme « une grille
de lecture réductrice » sur ces situations85.
Prenant appui sur les travaux de Étienne De Greff, une des grandes figures de l’École de
criminologie de Louvain, qui a relevé l’importance des mécanismes psychologiques
(instincts) de défense ou de sympathie dans la manière de définir la relation de l’homme au
milieu ou dans la manière dont celui-ci voit et connaît le milieu ou l’objet valorisé, Christian
Debuyst fait remarquer que la connaissance n’est pas « donnée » au chercheur à la manière
d’une chose mais « résulte au contraire d’un processus dont la caractéristique essentielle est
l’analyse critique des données telles qu’elles apparaissent et à travers lesquelles s’ exprime
déjà une forme de connaissance préalable »86 ou de théorie implicite poppérienne qui se
constitue progressivement et s’actualise à travers le découpage du réel. Debuyst en vient ainsi
à définir la fonction du langage scientifique comme consistant non pas à « décrire un donné
qui se découvrirait à l’observateur dans sa réalité; [mais à] analyser les biais et les filtrages à
travers lesquels ce donné nous apparaît en vue de dépasser ces interprétations préalables,
peut-être utiles, mais déformantes par rapport à la réalité ».
Il s’agit donc, pour le chercheur, d’éviter d’avoir des idées préconçues sur l’objet d’étude et
d’en prendre une certaine distanciation et de se débarrasser de ces idées que l’opinion
véhicule sur les jeunes auteurs d’actes problématiques. La recherche doit se réaliser dans une
84
Ch. DEBUYST, «Présentation et justification du thème », Acteur social et délinquance. Une grille de lecture
du système de justice pénale. En hommage au professeur Christian DEBUYST Bruxelles, Mardaga, pp. 21-33.
Pp. 17-68.
85
Ch. DEBUYST, Dangerosité et justice pénale. Ambigüité d’une pratique, Genève, Masson/Médecine et
Hygiène, coll. Déviance et société, 1981, p. 7.
86
Ibid., p. 9.
43
« relation d’empathie » avec les jeunes impliqués et non dans une « relation de défense ». Il
faudrait se débarrasser de la théorie implicite véhiculée par la presse ou par les acteurs
judiciaires ou institutionnels sur les jeunes et leur « délinquance ». Le chercheur doit adopter
une posture de rapprochement et de proximité à l’égard du jeune impliqué dans des actes
infractionnels. Si le juriste se situe du côté de la loi (code institutionnel), le criminologue se
situe du côté du jeune impliqué en se méfiant du discours de l’autorité (institutionnel) qui est
un discours politique et diffus de condamnation d’un certain nombre d’actes. Il faut s’attacher
au discours scientifique qui est issu du terrain (code descriptif), lequel discours est produit
par le protagoniste. Il faut adopter une posture critique à l’égard du savoir construit
antérieurement, éviter toute attitude de rejet ou de défense vis-à-vis des jeunes impliqués, car
celle-ci s’oppose à l’attitude de sympathie ou de rapprochement. Donc toute attitude de
défense ainsi que l’emploi du code institutionnel éloignent le chercheur à la vérité sur la
« délinquance » juvénile.
Il est donc indispensable que le chercheur, qui étudie le réel défini comme délinquance
(juvénile), prenne la distance nécessaire et crée une rupture avec cette connaissance préalable
ou cette théorie implicite sur l’objet de recherche en vue de prétendre mieux observer cette
réalité (délinquance). Il est appelé également à adopter une posture critique à l’égard du
savoir construit antérieurement sur l’objet d’étude. En effet, compte tenu du fait que l’acte
délinquant pose problème au sein du groupe social et met en cause la stabilité et la survie du
groupe, il tend à susciter de la part des membres de ce groupe au moins un état d’alerte, car le
groupe se sent menacé. La réaction du groupe étant dominée par la réaction de défense, il est
plus probable que la grille de lecture soit orientée, de façon tendancieuse, par la réaction
défensive. Ce n’est donc pas indifférent que l’acte soit qualifié de délinquant, car cette
qualification donne lieu à une série de réactions différentes. Le comportement de l’agent
justifie ainsi l’attitude de rejet que les membres du groupe ont tendance à adopter à son égard.
Voir à ce sujet les sentiments de défense et de sympathie chez Étienne Degreff.
Le colloque sur Acteur social et délinquance (Louvain, 1990) a été inspiré par le souci de
dialoguer avec le droit pénal qui définissait jusqu’à présent la délinquance juvénile, et pour ce
qui nous concerne, c’est-à-dire la délinquance et le délinquant. C’était non seulement
l’occasion de faire avancer la recherche criminologique, mais aussi d’analyser le mode de
fonctionnement de la justice pénale à partir d’une perspective autre que la perspective «
politique » de l’école classique ou néo-classique du droit pénal, d’une part, et la perspective «
scientifique et déterministe » des positivistes italiens, d’autre part.
« Sous le terme d’"acteur social", sont présentes les idées que, d’abord, le sujet n’est pas un être passif
dont le comportement résulterait du jeu des déterminismes ; que, d’autre part, il ne constitue pas une
abstraction dans la mesure où il est porteur d’un point de vue propre qui dépend de la position qu’il
occupe dans le cadre social, de l’histoire qui a été la sienne et des projets autour desquels son activité
s’organise ; que finalement, il est appelé, dans le cadre des interrelations (ce terme étant entendu dans
un sens large) à être acteur, c’est-à-dire "agissant" ou intervenant, et qu’il se trouve de ce fait confronté
à des jeux de pouvoir et, à l’intérieur ou au-delà de ces jeux, à l’importance qu’ont, dans l’élaboration
de sa propre identité, les processus de reconnaissance »87.
Lorsqu’on fait une recherche auprès des jeunes qualifiés de délinquants (en conflit avec la
loi), on doit éviter les théories de la pensée pénale classique (le libre arbitre) et celle de la
pensée pénale déterministe (la dangerosité), car celles-ci prônent des mesures qui se réalisent
par la mise à l’écart des jeunes. Voilà pourquoi il faut prendre distance par rapport à ces deux
représentations. Car le jeune n’est pas mu par une volonté libre. Il n’est pas non plus
déterminé. Mais il agit comme un acteur social¸c’est-à-dire un porteur d’un point de vue qui
mérite le rapprochement du chercheur et d’être relevé. Un acte de délinquance peut être une
manière pour les jeunes, placés dans un contexte déterminé, d’organiser leurs vies. Voilà
pourquoi il faut être du côté de ces jeunes pour comprendre le sens de leurs actes.
Compte tenu du type de découvertes qu’elles font, les sciences sociales ne peuvent prétendre
se passer d’une recherche de la vérité sur le monde empirique. En effet, comme le relève la
87
Ch. DEBUYST, « Acteur social et délinquance », Diogène, n° 150, pp. 97-120, p. 102.
88
G. GRANGER, « Epistémologie », Encvclopédia Universalis, pp. 61-68.
45
Commission GULBENKIAN, « leurs racines plongent dans la tentative, pleinement affirmée
depuis le XVIe siècle, de développer une connaissance séculière systématique du réel, valide
empiriquement d’une quelconque manière »89. Au moment de son autonomisation de la
philosophie, la science avait pour objectif de développer une connaissance ‘objective’ de la
‘réalité’ sur la base des découvertes empiriques par opposition aux spéculations et à toute
connaissance dite a priori ou aux prénotions au sens large. Même si à la fin, l’orientation
théorique donnée à la description d’un ensemble des faits dans une recherche est toujours une
forme de construction de la réalité, la référence à la réalité permet de dire que certaines
constructions sont plus valides que d’autres autant d’un point de vue empirique que sous
l’angle des valeurs. Car la recherche comporte toujours une sélection d’aspects de la réalité et
des déformations, acceptables ou non, de cette réalité90.
Cette exigence de l’empirie s’impose aussi bien à l’étude des phénomènes sociaux qu’à celle
des phénomènes naturels, car « le problème de la connaissance scientifique se pose de la
même manière pour les phénomènes sociaux et les phénomènes naturels : dans les deux cas,
des hypothèses théoriques doivent être confrontées à des données d’observation ou
d’expérimentation »91. Aussi Gaston Bachelard caractérise-t-il le fait scientifique comme un
fait conquis sur les préjugés, un fait construit par la raison et un fait constaté dans les faits 92.
Concernant la pertinence des recherches sur la délinquance juvénile, nous nous permettons
d’avantager l’enquête de terrain, et particulièrement l’ethnographie qui « a pour vocation
originaire de rendre la parole aux humbles, à ceux qui, par définition, n’ont jamais la parole
[...]. L’ethnographie ne juge pas, ne condamne pas au nom d’un point de vue "supérieur".
Elle cherche avant tout à comprendre »93 et permet de mettre au jour la complexité des
pratiques sociales les plus ordinaires des enquêtés, celles qui vont tellement de soi qu’elles
finissent par passer inaperçues, celles qu’on croit « naturelles » parce qu’elles ont été
naturalisées par l’ordre social94. Compte tenu du fait que la délinquance et le délinquant sont
le produit d’une définition légale et institutionnelle, seule une recherche empirique permet
d’observer le réel en rapport avec pareil objet. L’ethnographie permet ainsi de rendre la
parole aux personnes définies comme délinquantes, et particulièrement aux jeunes dont le
point de vue est souvent dominé par celui des adultes.
89
Commission GULBENKIAN, Ouvrir les sciences sociales, Paris, Descartes et Cie, 1996, p. 8, citée par A.
PIRES, « De quelques enjeux épistémologiques d’une méthodologie générale pour les sciences sociales » in La
recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et méthodologiques, 1997, p. 6.
90
A. PIRES, « De quelques enjeux épistémologiques d’une méthodologie générale pour les sciences sociales »,
op. cit., pp. 18-19.
91
R. QUIVY et L. VAN CAMPENDOUDT, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 1995, p.
14.
92
Cité par R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, ibid., p. 14.
93
S. BEAUD et F. WEBER, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 1998, p. 8.
94
Voir ibid., p. 9.
95
A. PIRES, « De quelques enjeux épistémologiques d’une méthodologie générale pour les sciences sociales »,
op. cit., p. 51.
46
- la souplesse d’ajustement pendant son déroulement, y compris la souplesse dans la
construction progressive de l’objet même de l’enquête;
- la capacité de s’occuper d’objets complexes, comme les institutions sociales, les
groupes stables, ou encore d’objets cachés, furtifs, difficiles à saisir ou perdus dans le
passé;
- la capacité d’englober les données hétérogènes ou de combiner différentes techniques
de collecte des données;
- la capacité de décrire en profondeur plusieurs aspects importants de la vie sociale
relevant de la culture et de l’expérience.
Dans le cadre des études sur la délinquance des jeunes et sur son évolution en République
Démocratique du Congo, il importe d’observer le manque criant des données chiffrées et de
ressources allouées aux recherches. Il importe, d’autre part, d’observer l’importation du fait
de la colonisation, de la loi pénale qui définit les faits constitutifs de la criminalité ou de la
délinquance. Ces définitions légales ne rencontrent pas toujours l’adhésion des citoyens régis
par cette loi pénale importée (cas des violences sexuelles), de sorte qu’il se crée un écart entre
la loi e les représentations populaires sur les faits incriminés et parfois sur la réaction sociale
opportune et adéquate. Ces considérations semblent militer pour les méthodes qualitatives qui
permettent de constituer un matériau empirique riche et authentique permettant d’adopter une
posture critique au droit pénal importé et de valoriser les représentations populaires en vue de
l’élaboration d’un droit authentiquement congolais par des Congolais pour assurer le contrôle
des situations problématiques et consolider le vivre ensemble sur un espace partagé. On
pourrait se référer à notre recherche doctorale intitulée « le contrôle policier de la
délinquance des jeunes à Kinshasa. Une approche ethnographique en criminologie » (2005).
47
Chapitre 4 : L’évolution historique du droit de la protection de l’enfant
Ce chapitre est en cours d’élaboration et doit être étoffé des matériaux à recueillir sur
plusieurs ethnies du Congo avec le concours des étudiants.
On pourrait définir l’enfant en contexte traditionnel congolais suivant trois critères, à savoir
l’âge ou critère biologique, la filiation ou critère à la fois biologique et social, et la
responsabilité ou critère social à caractère normatif. Ainsi, du point de vue biologique,
s’accorde-t-on à considérer comme enfant toute personne dont l’âge relève de l’enfance,
c’est-à-dire le bambin, le bébé, le gamin, le gosse... Car ces catégories de personnes sont
considérées comme étant fragiles, irresponsables, malléables, et nécessitant à la fois de la
tolérance, de l’attention, de la protection et de l’assistance de la part des adultes.
Quant à la responsabilité sociale, critère socioculturel relevant des normes, il est fonction non
seulement de l’âge, mais aussi du sexe et n’exclut pas l’aspect biologique. On peut dire que
c’est un critère qui englobe tous les autres. Dans les sociétés traditionnelles africaines
congolaises, les hommes sont généralement rendus plus responsables que les femmes, les
garçons plus que les filles. C’est une question de convention96. Et la responsabilité du garçon
et de la fille se traduisait essentiellement par un acte social de grande portée: le mariage »
dont l’une des fonctions essentielles est la procréation. On comprend que les jeunes gens qui
sont autorisés par la société à prendre femme sont considérés comme déjà suffisamment
responsables pour savoir désormais s’occuper de la progéniture, qui proviendra de l’union.
Par conséquent, les gosses ne peuvent pas encore se marier. Ce sont des enfants. Le mariage
induit l’accomplissement des certains actes comme la construction d’une case, la séparation
des parents en vue de l’autonomisation. Ainsi, certaines personnes, même d’un âge
relativement avancé pouvaient toujours être assimilées aux enfants si elles n’étaient pas
encore parvenues au mariage, à être responsables d’une femme et des enfants, c’est-à-dire
être parvenues à un degré d’autonomie matérielle ou économique. Aussi chez les Ntomba et
96
L’idéologie du gender ainsi que la politique de la parité tend justement à modifier cette convention en
contexte moderne, en admettant que les femmes assument les mêmes responsabilités que les hommes. Toutefois,
on constatera qu’en dépit de cette parité, c’est toujours le fiancé qui est tenu de la dot et non l’inverse (article
361 de la Loi n° 16/008 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant
Code de la famille.
48
Basengele du Lac Maï-Ndombe, par exemple, le célibat est mal vu, car ils ne conçoivent pas
que le célibat soit le simple fait de la volonté d’un individu de vivre seul97.
Le passage de la vie d’enfant à celle de non-enfant était marqué par un processus initiatique,
qui était en fait un apprentissage à la prise de responsabilité sociale à travers le mariage et la
procréation. Ces événements impliquaient la prise de responsabilité sociale et faisait basculer
l’individu du stade de l’enfant à celui de l’adulte.
Bekombo décrit également le mariage comme le fait qui, chez les Dwala 98, introduit un
enfant dans la majorité. Ce mariage intervient après la cérémonie d’initiation lors d’une
retraite durant 2 mois. II écrit en effet:
« À partir de 15 ans environ, [l’enfant est] consacré membre actif de la communauté lors des
cérémonies d’initiation. [...] L’initiation marque une étape importante dans la vie: au cours d’une
cérémonie qui ne se produit qu’une fois l’an, l’adolescent est consacré ‘homme’ ; il est apte, désormais,
à contracter mariage et ceci plus que l’âge réel, constitue le critère de majorité »99.
Il convient, cependant, de noter qu’en contexte de modernité, l’autonomie est réalisée non
seulement par le mariage, mais surtout par l’exercice d’une activité professionnelle
permettant d’obtenir les moyens économiques nécessaires à une existence autonome. La
protection de l’enfant ou du jeune devrait tendre à chercher à lui procurer cette autonomie
dans un processus d’initiation à la prise de responsabilités sociales. Et c’est ce que réalise
l’éducation et l’instruction (à travers les études postsecondaires) ou la formation
professionnelle, destinée à acquérir un savoir-faire.
Dans son étude consacrée à l’enfant africain, son passage de la communauté familiale
traditionnelle à la société urbaine de type moderne100, M. Bekombo fait observer qu’en
Afrique traditionnelle, l’enfant représente « l’objet de valeur » le plus précieux. L’enfant
représente une valeur de prestige. Plus les parents avaient d’enfants, plus leur prestige social
était élevé » (1964 : 188). La détection d’une déviance naissante est plus aisée parce que
l’ensemble de la communauté adulte se sent concernée par l’éducation de l’ensemble des
enfants. Ainsi, en cas de dissociation de la famille par la mort ou la séparation des parents,
une série de structures supplétives interviennent pour prendre soin de l’enfant orphelin ou
abandonné (en situation difficile).
Les Ntomba et Basengele du Lac Maï-Ndombe, par exemple, qui sont organisés en clans
matrilinéaires exogamiques, reconnaissent à l’enfant « la descendance double », dans ce sens
que la lignée patrilinéaire joue aussi un rôle déterminant pour l’avenir de l’enfant. Ce dernier
97
MPASE NSELENGE MPETI, L’évolution de la solidarité traditionnelle en milieu rural et urbain du Zaïre.
Le cas des Ntomba et des Basengele du Lac Mai-Ndombe, Kinshasa, PUZ, 1974, p. 96.
98
Peuple du Cameroun
99
Voir ci-dessous.
100
Lire dans Conditions de vie de l’enfant en milieu urbain en Afrique, Centre international de l’enfance, Dakar,
1964, pp. 188-191.
49
(l’enfant) occupe une place privilégiée au sein du clan de son père, dans lequel on l’appelle
mwan’isapu (Ntomba) ou wan’isafu (Basengele). Il est considéré comme le meilleur
gestionnaire des biens. De même, dans celui de sa mère, qui est son clan propre, il est appelé
nkali (ce qui signifie membre effectif ou propriétaire du clan). Chaque lignée se voit assigner
un rôle spécial tel que, si certains droits sont toujours transmis dans une lignée, d’autres le
sont également dans une autre101. Le système de parenté de ces deux groupes ethniques est
considéré comme de type classificatoire, assimilant aux frères germains tous les cousins 102.
Les oncles et les tantes paternels sont pour l’enfant ses papas et sont désignés par cette
expression comme l’est le père biologique. Ce terme est aussi utilisé pour s’adresser à tous
les hommes (personnes de sexe masculin) de la génération de son père. De même, les tantes
et les oncles maternels ainsi que les femmes ayant plus ou moins l’âge de la mère sont, pour
l’enfant, des mamans. Le fait d’inclure deux parents ou deux personnes dans une même
catégorie terminologique signifie que l’enfant doit avoir le même comportement à leur égard
et vice versa. Mais l’attitude et le comportement envers les deux parents sont conditionnés
aussi bien par la catégorie à laquelle ils appartiennent que par le degré de parenté. Ainsi, le
comportement d’un enfant (une manifestation d’amitié ou de respect) est différent lorsqu’il
est en face de son père (qu’il appelle papa) qu’en face d’un homme de la génération de son
père (qu’il appelle également papa)103.
L’appartenance de l’enfant à un groupe patrilinéaire donne à l’enfant les droits sur les terres à
bâtir, sur les terres de culture, sur les ressources les plus importantes des forêts, sur les
rivières ou sur une partie des eaux du Lac104. Le droit traditionnel garantit aussi à l’enfant une
sécurité de vie quant à son avenir. L’auteur indique également que lorsqu’un enfant meurt
avant que le clan paternel n’ait d’abord annoncé sa maladie au clan maternel, ce dernier a
l’obligation d’infliger au premier une somme appelée mbalaka, en guise de dommages-
intérêts105. L’auteur mentionne également qu’au moment de la séparation des parents, peu
d’hommes accordent aux femmes la garde des enfants même à titre provisoire. De plus, un
homme qui renonce lors du divorce à reprendre ses enfants est qualifié d’ensuangi
(inconscient). Cependant, l’auteur signale la présence des foyers privés de chef de famille, ne
se composant plus que d’une mère et de ses enfants. Au niveau des localités, il s’agit là d’une
veuve qui n’a pas été reprise par un des frères ou cousins de son mari (levirat). De même, le
phénomène des filles-mères était moins répandu dans les localités que dans les villes. Leurs
enfants qu’on appelle bana ba mbotela, « enfants engendrés d’une manière désordonnée »,
sont souvent méprisés. On méprise également la conduite d’une femme qui change
constamment d’hommes et procrée avec chacun d’eux106. Le droit traditionnel garantit aussi
la sécurité du lien par rapport aux géniteurs.
Mpase Nselenge observe aussi dans son étude, qu’on rencontre au sein de certains foyers des
enfants nés d’un premier lit d’un des conjoints. Ces enfants créent souvent des difficultés
dans le ménage, par leur manque d’obéissance vis-à-vis de la belle-mère ou, suivant les cas,
vis-à-vis du beau-père. Cependant, la sagesse ancestrale a prévu une série de proverbes pour
exiger l’obéissance et le respect inconditionnel de ces enfants à l’égard des deux conjoints:
- ebala ngo lobela papa, «l’homme qui épouse ma mère, je dois l’appeler papa»;
101
MPASE NSELENGE MPETI, L’évolution de la solidarité traditionnelle en milieu rural et urbain du Zaïre.
Le cas des Ntomba et des Basengele du Lac Maï-Ndombe, Kinshasa, PUZ, 1974, p. 83.
102
Ibid, p. 86.
103
Ibid., p. 88.
104
Ibid., p. 89.
105
Ibid., p. 90.
106
Ibid., p. 96.
50
- ebala papa lobela ngo, « l’épouse de mon père, je dois l’appeler maman ».
Un enfant qui ne respecterait pas ces consignes, serait un agent de trouble dans le ménage et
pourrait provoquer le divorce. L’auteur mentionne à ce sujet un divorce causé par un jeune
homme qui avait battu son beau-père pour venger sa mère des mauvais traitements qu’elle
subissait de son mari107. L’insécurité par rapport à ce lien (de parenté) donne lieu parfois à
des réactions de violence dans le cadre familial.
Mpase nous renseigne aussi que dans le système éducatif traditionnel, l’enfance se passait
chez les grands-parents ou chez les oncles, ce qu’on appelait bolamoli (séparation) et qui
tendait, non seulement à alléger les charges des parents, mais à favoriser l’acquisition par les
enfants de certaines valeurs traditionnelles, telles que la connaissance de l’arbre
généalogique, des récits, des contes et de l’histoire du clan. L’éducation des enfants incombe
en principe à tout habitant d’une localité. Il y avait, par exemple, dans chaque localité,
certains vieillards qui faisaient peur aux enfants désobéissants ou refusant de manger pour
qu’ils deviennent sages108.
Les proches parents jouaient donc un rôle dans l’éducation de l’enfant. Celle-ci tendait à faire
acquérir à l’enfant les valeurs sociales du groupe.
Les jeunes craignent aussi les malédictions des parents, surtout celle de la mère, qui est la
plus redoutable. Cette crainte repose sur les sacrifices consentis par les parents et contribue à
l’éducation de l’enfant à certaines valeurs sociales comme la solidarité.
La protection de l’enfant n’est pas seulement l’affaire des géniteurs et autres parents. Elle est
aussi un devoir entre frère et sœur et entre ainés et cadets. À cette double parenté patrilinéaire
et matrilinéaire ci-dessus, qui permettait d’assurer la protection de l’enfant (par son
intégration dans cette double parenté), s’ajoute la parenté par alliance (ikilo/l’ikanga)
[relations d’amitié entre personnes formées par la dot] et indique toutes les relations créées
par le mariage. Cette parenté d’alliance comprend:
À ces groupes, il faut ajouter toutes les personnes, hommes et femmes, que l’on appelle
également bokilo par politesse, du fait qu’elles appartiennent à la génération des différents
beaux-parents, ou sont leurs amis.
Toute cette structure sociale large formée par et autour du mariage assurait la protection de
l’enfant en favorisant son intégration sociale. On n’envisageait pas de mettre l’enfant à l’écart
car la mise à l’écart (l’internement dans une institution) et la délinquance juvénile sont des
produits de la modernité, venus avec l’évolution de la technologie et l’urbanisation.
107
Ibid.
108
Ibid., pp. 97-98
51
Section 2 : Le système colonial et moderne de protection l’enfant et de réaction à la
délinquance juvénile
Françoise Digneffe relève que c’est durant la première moitié du XIXe siècle que la question
de l’enfance malheureuse, en danger ou délinquante devient un objet de préoccupation.
« Les penseurs philanthropiques, en même temps qu’ils mettent en évidence la nécessité de la prévention,
prennent conscience de la spécificité des problèmes que les transformations économiques et sociales
engendrent. Le souci de l’enfant, s’il apparaît dans toutes les classes sociales, va se concentrer sur les
enfants des classes populaires. Il s’exprimera de différentes manières selon la nature des problèmes
envisagés. Quel sort réserver, tout d’abord, aux enfants abandonnés qui deviennent de plus en plus
nombreux? Faut-il les laisser mourir, faut-il les recueillir, s’en occuper, s’efforcer de contraindre les
parents naturels à les élever ? » (1995 : 191-192).
Elle attribue ces questions au débat relatif au rôle de la famille et à ses rapports avec l’État.
«Quels sont les droits et les devoirs des uns et des autres à l’égard des enfants, la puissance
paternelle est-elle sans limites ou au contraire l’Etat peut-il être amené à intervenir et dans
quelles circonstances? » (1995 : 192). L’Etat est obligé de recourir à la famille pour remettre
l’enfant dans son cadre prioritaire, qui est sa famille. Donc l’enfant est en tension entre ces
deux instances : l’Etat et la famille.
C’est dans le cadre de ce débat qu’est née, à la charnière du XVIIIe et du XIXe siècle, « la
police des familles ».
52
Outre les transformations sociales provoquées par l’industrialisation, (voir l’étude de J.
Depiesse, Déviance et société, 1978, n° 2, p. 289-298) Françoise Tulkens et Thierry Moreau
observent également que le droit des mineurs est associé au mouvement des idées et aux
évolutions du discours scientifique.
Dans le domaine des sciences humaines, on verra tour à tour, et selon les époques, la
philosophie, la psychologie et la pédagogie, la sociologie, la criminologie, la médecine et la
biologie, la psychiatrie et la psychanalyse jouer un rôle déterminant. Ce rôle se remarque
dans la construction des concepts mis en œuvre dans la loi ou abandonnés par celle-ci (par
exemple, les notions de discernement ou d’irresponsabilité), ainsi que dans les solutions
successivement envisagées et adoptées en droit positif (protection – répression, [mesures
éducatives] – peine, etc.) » (2000 : 12).
la délinquance et la responsabilité (pour les adultes, dotés du libre arbitre) d’un côté;
l’inadaptation et la dangerosité (pour les mineurs, supposés manquer de
discernement), d’un autre côté.
On considère que l’instabilité sociale est à la base de la délinquance. Face aux enfants
victimes de l’industrialisation et qui sont instables socialement, on va instituer, d’une part, un
système pour les adultes (basé sur la responsabilité pénale et la peine), et d’autre part, un
système pour les mineurs (basé sur l’inadaptation aux normes sociales et la dangerosité). La
protection de l’enfance va se fonder sur le pôle de l’inadaptation et de la dangerosité.
Françoise Tulkens et Thierry Moreau écrivent que « les mineurs délinquants et les mineurs
difficiles (ou en danger) sont successivement associés et dissociés, confondus et séparés mais
toujours ensemble. Qu’elle soit recherchée ou rejetée, l’interaction entre ces deux catégories
apparaît inévitable » (2000 : 12).
53
donnera naissance aux premiers établissements destinés exclusivement aux enfants et
auxquels on va donner une mission éducative. Ils sont l’œuvre de l’Etat ou des privés
(philanthropes) et prennent plusieurs formes : pénitenciers ou maisons de réforme,
établissements de correction, refuges, etc. Ce mouvement, souligne Françoise Digneffe, « se
développe en Angleterre, en Europe continentale (France, Belgique, Suisse, Allemagne...) et
aux Etats-Unis. C’est dans ce dernier pays que le premier tribunal pour enfants fut créé dans
le Cook, Etat d’Illinois en 1899 (Idzumbuir Assop, 1994 : 9). Alvaro Pires observe, en effet,
que la première loi créant des tribunaux séparés et spécialisés pour des enfants date de la
deuxième moitié du XIXe siècle et les premiers tribunaux des enfants vont commencer à
fonctionner vers la fin de ce siècle. Grosso modo, une série de changements de ce genre vont
se produire entre 1880 et 1920.109
c. La question de l’âge.
Françoise Tulkens et Thierry Moreau relèvent que la question de l’âge comporte plusieurs
aspects:
Faut-il une dissociation aussi radicale entre le monde des adultes et celui des
jeunes? Cette distinction va donc donner lieu à la reconnaissance d’un droit
propre pour les enfants (jeunes) selon les modèles examinés ci-dessous. On
justifie la reconnaissance d’un droit propre pour les mineurs par la découverte
de l’enfant au XVIIIe siècle et de l’adolescent au XXe siècle, alors que durant
le Moyen-Âge, l’enfance ne constituait pas une catégorie sociale distincte.
Selon l’évolution du système juridique et selon les tendances des différents pays, on
distingue les modèles suivants dans le domaine de la protection de l’enfant :
109
Pour d’autres renseignements, voir Platt (1977 : 9-10) et Trépanier et Tulkens (1995 : 12-13).
54
- Le modèle protectionnel ;
- La crise de modèles ;
- La convention relative aux droits de l’enfant.
Ce modèle est le tout premier qu’on applique à l’enfant : la protection de l’enfant est
organisée aussi bien par les dispositions du Code civil que par celles du Code pénal. Le Code
civil s’applique lors que l’enfant se rend coupable d’inconduite ou d’indiscipline en famille,
tant qu’aucun fait infractionnel ne lui est reproché. Et le Code pénal est applicable si l’enfant
est poursuivi de quelque fait infractionnel, peu importe sa gravité. On étudie ce modèle civil
et pénal avant la Révolution française et après la Révolution française.
En droit romain
Au plan civil
L’enfant est soumis en ce qui concerne sa garde, son éducation et sa correction à la puissance
paternelle, qui apparaissait aussi illimitée dans sa durée qu’étendue dans les attributs qui en
découlaient. Elle paraissait aussi intangible en raison de son fondement religieux. Les droits
du pater familias vont jusqu’au droit de vie et de mort (jus vitae necisque) sur ses
descendants110.
Au plan pénal
La loi romaine sur l’organisation du régime de la minorité prévoyait un régime progressif qui
était fonction des étapes successives dans le développement de l’intelligence du sujet.
- L’enfant âgé de moins de 7 ans, appelé infans, était considéré comme totalement
incapable, et par conséquent irresponsable de ses actes;
110
V° H. DE PAGE., T. l, n° 758.
55
- L’enfant âgé de 10 à 14 ans, appelé proximus pubertati (proche de la puberté), était
considéré comme capable de dessein criminel (doli capax), sauf preuve contraire. Il
était par conséquent traité comme un adulte, mais il bénéficiait, en raison de son âge,
de l’atténuation de la peine encourue.
- Le jeune âgé de 14 à 25 ans, appelé minor, était considéré comme un adulte, mais
pouvait bénéficier aussi d’une atténuation de la peine, selon les circonstances, pour
son jeune âge.
Faisant une incursion anhistorique pour comparer ce régime avec celle organisée par la loi de
2009, on pourrait suggérer que cette catégorisation des enfants soit prise en compte dans la
loi de 2009, car celle-ci se limite seulement aux enfants âgés de moins de 14 ans. Il serait
judicieux de renforcer de lege ferenda cette distinction en tenant compte des jeunes adultes
(âgés de 18 à 25 ans), et que le droit romain rangeait dans le régime spécial de la minorité,
dans la mesure où généralement, ils sont encore dépendant sur le plan social et économique
de leurs parents ou de leurs familles et n’ont atteint que rarement l’autonomie dans la prise de
responsabilité sociale. On pourrait, par exemple, envisager le recours possible à la médiation
devant le juge ordinaire. Il s’agirait d’une forme d’extension du régime favorable de la
« minorité ».
Au Moyen Âge
Au plan civil
L’enfant est toujours soumis à la puissance paternelle. Mais elle connaît certaines restrictions,
soit en fonction de l’idée que l’enfant est un « don de Dieu » et a droit à la vie, soit en raison
des « droits de la cité » : la justice pouvait contraindre le père à émanciper les enfants s’il les
maltraitait, les engageait au mal ou leur refusait des aliments. De même le jus vitae necisque
du pater familias s’est atténué: le droit de donner des châtiments corporels aux enfants est
resté une prérogative du pater familias dans le cadre familial en vertu de son droit de
correction, mais il peut appeler au secours de son autorité défaillante celle du prince, qui
pouvait alors accepter le placement de l’enfant difficile aux galères111 pendant plusieurs
années.
Au plan pénal
On assiste aussi à une restriction progressive de la vengeance des réactions privées (justice
privée du pater familias envers les auteurs d’actes dommageables sur les membres de la
famille). L’autorité du prince tend à se réserver le droit d’arbitrer, de composer et de
réprimer. Le fait criminel est surtout apprécié en fonction de ses conséquences
dommageables, sans que l’on recherche l’intention criminelle de son auteur. Pendant cette
période, la délinquance des jeunes ne fait l’objet d’aucune procédure spéciale. En effet, la
Constitutio criminalis carolinae, c’est-à-dire le Code criminel de l’empereur Charles V (« La
Caroline ») de 1532 confirme le principe d’un adoucissement « de la punition que méritent
les jeunes voleurs» (art. CLXIV ou 164) et « ceux qui commettent des délits n’ayant pas
l’usage de la raison, soit à cause de leur jeunesse, soit pour d’autres empêchements » (art.
111
Si la galère était un grand navire à rames et à voile de l’Antiquité au XVIIIe siècle, les galères c’est la peine
des personnes condamnées à ramer sur ces navires (les galères).
56
179). On estime qu’il convient de laisser à l’enfant le temps de développer sa raison. Il
revient au juge de tenir compte du degré de discernement de l’enfant en vue de l’exemption
ou de l’atténuation de la peine suivant les distinctions liées à l’âge de la puberté.
Le Moyen Âge ne nous apprend pas grand-chose en protection de l’enfant, car rien n’a
changé par rapport au droit romain.
Au plan civil :
La situation de l’enfant n’a pas évolué. Il reste soumis à la puissance paternelle comme ci-
dessus, impliquant la garde, l’éducation et la correction de l’enfant par le détenteur de la
puissance paternelle.
Au plan pénal :
L’âge de la majorité pénale est fixé et il varie selon le sexe, les époques et les régions. Le
seuil de la responsabilité pénale, qui était fixé à 12 ans par la loi Salique113, est porté
progressivement à 15, 16 et 17 ans dans la plupart des régions de l’Europe occidentale par la
jurisprudence (majorité jurisprudentielle). Généralement, les filles sont présumées plus
rapidement pubères et atteignent la majorité pénale plus tôt que les garçons.
Le jeune âge entraîne des différences dans l’instruction pénale et dans l’application de la
peine. D’une part, lors de l’instruction criminelle, on assiste à l’atténuation ou à l’exclusion
de la torture pour les mineurs. Leur interrogatoire a un caractère plus personnel pour
permettre au juge de déterminer le degré de perversité du mineur.
Vers la fin du XVIe siècle, apparaît un souci de prévention et d’éducation dans le cadre de la
réaction sociale contre la délinquance des jeunes : les délinquants mineurs sont, par exemple,
tenus d’assister au supplice de leurs parents ou de leurs complices adultes. D’autres mesures
sont toutefois plus proches d’un esprit nouveau: l’admonestation, la réprimande ou le
placement dans des établissements à caractère à la fois répressif et charitable. C’est surtout
en cas de vagabondage et de mendicité que se développe une tendance à diriger les enfants en
dessous d’un certain âge vers des établissements de refuge ou de rééducation. Depuis Vincent
112
Pour ce point, nous nous référons au cours de G. KELLENS et L. BIHAIN, Protection de la jeunesse, Ecole
liégoise de criminologie Jean Constant, Faculté de droit, Université de Liège, 1995, p. 12.
113
« À l'époque franque, les Francs Saliens, comme beaucoup d'autres peuples barbares, ont un code de
procédure judiciaire et un code pénal, la loi salique, qui est pour l'essentiel un tableau des amendes
compensatrices de crimes », http://www.universalis.fr/encyclopedie/loi-salique, consulté le 6 février 2017.
114
Il s’agit de frapper à coups de verges ou administrer une correction, une réprimande.
57
de Paul, des établissements, dénommés « hôpitaux pour enfants », recevaient des enfants
abandonnés, vagabonds ou mendiants. Ainsi, à la fin de l’Ancien Régime, on retrouve dans la
maison de force de Gand (Belgique), créée en 1772, une section dénommée « hôpital » qui
recevait les enfants des nécessiteux sans travail, occupés à la maison de correction. On leur y
dispensait une instruction rudimentaire.
Au plan civil
Il y a lieu de signaler la loi de 1790 et le Code civil de 1804. Après la chute de l’Ancien
Régime, la puissance paternelle et ses attributs connurent des limites : la loi des 16-24 août
1790 confia à un « tribunal domestique de la famille assemblée » le soin de connaître des
plaintes des parents en correction paternelle et de décider, s’il le faut, que l’enfant sera
enfermé pour une durée maximum d’un an. Cette décision ne serait exécutée que sur
ordonnance du président du tribunal chargé d’apprécier les motifs invoqués par la famille de
l’enfant.
Ce droit de correction paternelle fut maintenu par le Code civil de 1804, dit Code Napoléon
(art. 375 à 383) et qui le tempéra : le Code précise que la puissance paternelle est instituée
dans l’intérêt de l’enfant. Par conséquent, si l’enfant avait moins de 16 ans, et se rendait
coupable d’inconduite et d’indiscipline, le père de famille pouvait le faire détenir pour une
durée d’un mois, sur la base d’un ordre d’arrestation délivré par le président du tribunal
d’arrondissement, à sa simple demande. Si le mineur avait plus de 16 ans, mais n’avait pas
encore atteint l’âge de la majorité civile fixée à 21 ans, l’enfant pouvait être détenu pour une
durée de 6 mois. Mais le président du tribunal pouvait refuser l’ordre d’arrestation ou limiter
la durée de la détention. Celle-ci était exécutée dans une maison de correction. Dans les deux
cas, le père restait maître, en sa qualité de détenteur de la puissance paternelle, d’abréger la
détention.
Au plan pénal :
Françoise Tulkens et Thierry Moreau renseignent que le XVIIIe’ siècle apporte, enfin, une
contribution essentielle à la mise en place d’un système de droit pour les mineurs. Sous
l’influence des Lumières et des idées nouvelles, l’idée de l’individu apparaît. À la découverte
du monde de l’enfant, s’ajoute la découverte d’une valeur nouvelle : l’amour maternel. Si au
XVIe et au XVIIe siècle, les enfants sont surtout envisagés à travers la nécessité de corriger et
d’éduquer leur nature rebelle (par la discipline et l’entraînement), au XVIIIe siècle, ils sont
davantage considérés comme « la richesse de la nation ». Les enfants sont en position
d’attente d’un « à-venir » et cette conception se confirmera tout au long du XIXe siècle. La
psychogénèse de l’enfant se développe en mettant l’accent sur ses caractéristiques physiques
et psychologiques, tandis que la sociogenèse traduit et reconnaît sa position sur le plan
culturel et social (2000 : 17).
58
Régime et redistribué, en Europe, toute l’économie du châtiment115. Il marque l’avènement
du droit pénal classique qui se développe, notamment, sous l’influence des idées de
Beccaria116.
La cause de la pénalité repose sur le postulat du libre arbitre. Pour les rationalistes de l’école
classique du droit pénal, l’homme est un être doué de raison et de liberté. L’affirmation de sa
liberté politique suppose qu’il soit maître de ses actes. Le délinquant est le violateur lucide du
pacte social (contrat social) et l’acte délictueux est, nécessairement, un acte libre. À ce titre,
la responsabilité est d’ordre moral. La peine constitue la conséquence légale du délit. Elle est
le signe de la liberté du citoyen, lequel, conscient du fait qu’il enfreint la loi commune
(contrat social) librement acceptée, devrait même exiger d’être puni. Mais ce postulat du libre
arbitre est une fiction dont la fonction est de permettre de justifier, d’une part, l’intervention
de la puissance publique (l’État) à1aquelle la raison et la nature reconnaissent le droit de
punir, et d’autre part, des limites à ce droit de punir et contrôler la distribution des sanctions.
Le droit pénal classique attribue à la pénalité un but utilitaire : intimer et prévenir. Jérémie
Bentham développera cette conception utilitaire de la peine : une répression claire, bien
adaptée et inéluctable pour intimer les citoyens et prévenir le délit.
La clé de voûte de ce droit pénal classique était le principe fondamental de la légalité des
délits et des peines, qui est affirmé comme la condition première de la liberté et qui érige la
loi en « institutrice morale de la Nation ». À partir de ce principe, le droit pénal classique a
dégagé le concept juridique de la responabi1ité pénale fondée sur le libre arbitre, c’est-à-dire
sur la volonté consciente et libre de l’homme raisonnable et du citoyen. Cette volonté libre et
consciente constitue le critère et la mesure de la responsabilité pénale. Là où il n’y a pas de
responsabilité, il ne peut y avoir ni infraction, ni peine. La loi pénale présume que chaque
individu est en principe, doué du libre arbitre (de cette volonté consciente et libre). On
considère, en effet, que l’homme agit avec conscience et liberté. Par conséquent, il doit subir
la peine pour l’intimider à commettre un nouveau délit et intimider les autres citoyens. Ainsi,
les aliénés vont sortir du droit pénal parce qu’ils n’agissent pas avec conscience et liberté. Il
en sera de même pour les mineurs, qui devront être soumis à un régime différent des adultes,
car pour eux, la raison et la liberté ne se développent que graduellement et il faut donc, au
cours du jeune âge, se demander jusqu’à quel point un enfant peut être tenu pour moralement
et donc pénalement responsable. C’est ainsi que pour structurer un régime différent pour les
mineurs, ce Code pénal classique introduisit deux notions :
- la majorité pénale, qui est fixée à 16 ans. À partir de cet âge, le mineur est considéré
comme doué du libre arbitre (et donc agit avec conscience et liberté) et peut en
conséquence être pénalement responsable;
115
Lire par exemple M. FOUCAULT, Surveiller et punir, Paris, Gallirnard, 1975.
116
Lire son Traité des délits et des peines.
59
encore la majorité pénale. La présence du discernement dans l’agir du jeune permet
d’affirmer sa responsabilité pénale.
- « Lorsqu’un accusé, déclaré coupable par le jury, aura commis le crime pour lequel il
est poursuivi avant l’âge de 16 ans accomplis, les jurés décideront en se posant la
question suivante: le coupable a-t-il commis le crime avec ou sans discernement? »
(Article 1). Cette disposition superpose à la question de la culpabilité celle du
discernement pour le mineur pénal.
- Si le jury décide que le mineur a agi sans discernement, il est acquitté et aucune peine
ne peut être prononcée à son égard. Mais le code prévoit que « le tribunal pourra,
suivant les circonstances, ordonner que le coupable sera rendu à ses parents pour y
être élevé et détenu pendant tel nombre d’ années que le jugement déterminera et qui,
toutefois, ne pourra excéder l’époque à laquelle il aura atteint l’âge de 21 ans » (art.
2). Le mineur non délinquant est néanmoins considéré comme dangereux. Et s’il ne
peut pas être puni, il doit au moins être éduqué. Il revient alors au père de famille,
dans le cadre de l’exercice de la puissance paternelle, comprenant le droit de
correction paternelle, de redresser le mineur acquitté.
- Si le jury décide que le mineur a agi avec discernement, « il sera condamné; mais à
raison de son âge, les peines seront commuées » (art. 3). La minorité pénale est
considérée comme une cause d’excuse légale : l’atténuation de la peine est
obligatoire. Elle consiste en une détention dans un autre lieu : une maison de
correction au lieu d’une prison, réservée aux majeurs.
- Le Code pénal de 1810 reprend le système du Code de 1791 qui organise la majorité
pénale à 16 ans et subordonne la responsabilité pénale à la présence du discernement.
Cependant, il étend ce système, qui ne concernait que les crimes (de la compétence
des cours d’assises), aux délits (de la compétence des tribunaux correctionnels).
- Alors que la remise du mineur ayant agi sans discernement à ses parents après son
acquittement était une mesure facultative pour le juge, le Code de 1810 la rend
obligatoire et prévoit carrément la possibilité de détention du mineur dans une maison
de correction sans l’accord du père : en cas d’acquittement en raison de l’absence de
discernement, l’enfant « sera, selon les circonstances, remis à ses parents ou conduit
dans une maison de correction pour y être élevé et détenu pendant tel nombre
d’années que le jugement déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l’époque où
il aura accompli sa vingtième année» (art. 66). La détention en maison d’arrêt
s’applique alors aussi bien aux mineurs délinquants condamnés qu’aux mineurs
acquittés pour absence de discernement lorsque les circonstances ne permettent pas de
confier le mineur à sa famille. Car les mineurs ayant agi sans discernement sont
néanmoins considérés comme dangereux à l’ordre social. Notons que les mineurs
délinquants (âgés de moins de 16 ans) n’étaient plus justiciables de la cour d’assises
depuis la loi du 15 mai 1849.
60
- Le Code pénal de 1810 prévoit la déchéance de la puissance paternelle pour les père et
mère, qui favorisent la prostitution et la corruption de leurs enfants mineurs (art. 335).
Le Code pénal belge de 1867 reprend grosso modo les dispositions du Code pénal
français de 1791 étendues par celles de 1810. Ces dispositions sont complétées par la loi
du 27 novembre 1891 sur la répression du vagabondage et de la mendicité :
- Le Code pénal belge de 1867 ne fixe pas de seuil minimal de responsabilité pénale,
d’une part, et d’autre part, il exclut les contraventions. Le mineur condamné du fait
d’une contravention ne fait plus l’objet d’une peine. La minorité d’âge apparaît
comme une cause de non-imputabilité. Mais le mineur est mis à la disposition du
gouvernement jusqu’à sa majorité. La minorité pénale agit ainsi comme une excuse
légale (si le mineur a agi avec discernement) et comme une cause de non-imputabilité
(s’il a agi sans discernement).
- Les dispositions du Code pénal de 1867 relatives aux mineurs délinquants furent
complétées par l’article 26 de la loi du 27 novembre 1891 sur la répression du
vagabondage et de la mendicité : « Les cours et tribunaux pourront, lorsqu’ils
condamneront à l’emprisonnement un individu n’ayant pas atteint l’âge de 16 ans
accomplis, ordonner qu’il restera à la disposition du gouvernement depuis l’expiration
de sa peine jusqu’à sa majorité ». La mise à la disposition du gouvernement est
considérée, en effet, comme une mesure de protection prise dans l’intérêt du mineur.
Les mineurs mis à la disposition du gouvernement seront ainsi internés dans les écoles
de bienfaisance pour réagir contre les influences pernicieuses et réformer les instincts
vicieux chez des enfants considérés comme formant la pépinière des classes
dangereuses, qu’ils aient agi avec ou sans discernement.
Le droit des mineurs émerge ainsi dans le cadre du droit pénal classique. Alvaro Pires
observe, en effet, que « Historiquement, on peut dire que quand la justice des jeunes se
61
forme, la justice criminelle moderne des adultes est déjà fortement implantée en
Occident avec son système de pensée dominant (la « rationalité pénale moderne »). Et la
matrice nucléique de ce système de pensée est donnée par ce qu’on appelle le droit pénal
classique (1’ensemble des théories de la peine indifférentes à l’inclusion et accordant
une place dominante aux moyens exclusivement négatifs).»
Mais la pratique judiciaire du système de réaction contre la délinquance juvénile mis en place
par le Code pénal de 1867, qui fixe l’âge de la majorité à 16 ans et fait reposer la
responsabilité pénale sur la présence du discernement, suscita, dans la pratique judiciaire, des
difficultés de deux ordres :
Ces difficultés dans l’application des dispositions du Code pénal belge de 1867 ont donné
lieu à la loi belge du 15 mai 1912 sur la protection de l’enfance, dite loi Carton de Wiart, qui
consacra le modèle protectionnel de réaction à la délinquance juvénile.
2. Le modèle protectionnel
C’est le modèle qui va marquer le régime juridique des mineurs au XXe siècle. En effet,
depuis 18e siècle, le droit pénal oscille entre deux pôles qui relèvent de deux conceptions
philosophiques sensiblement différentes : la liberté, d’un côté, et le déterminisme, de l’autre:
La première conception structure le système pénal classique et néoclassique fondé sur la
culpabilité ainsi que le discernement ; la seconde conception structure le système positiviste
fondé sur la dangerosité. Le système pénal classique a marqué le droit pénal du 19e siècle,
tandis que le système positiviste a marqué les réformes pénales les plus importantes du 20 e
siècle. La loi belge du 15 mai 1912 sur la protection de l’enfance s’inscrit dans le cadre du
système positiviste.
Les années 1880 sont celles des bouleversements politiques, sociaux et scientifiques. La
révolution sociale de 1830 conduit à l’indépendance de la Belgique. « Tout comme il y a des
117
M. DUBOIS, « L’enfant de justice », Revue de droit pénal et de criminologie, 1947-1948, p. 931.
62
liens entre les luttes sociales, le débat pour le suffrage universel, les affrontements politiques,
l’avènement du socialisme et la mise en place à la fin du 19 e siècle d’un nouveau système de
protection (sociale), des articulations peuvent être repérées entre l’état des savoirs (la
philosophie et la morale, la psychologie, la pédagogie, la médecine mentale et la psychiatrie,
la sociologie) et la nouvelle gestion de l’enfance et de la famille, qui servit de fondement à la
loi de 1912.
« Alors que l’homo juridicus du droit pénal classique est moralement libre et pénalement
responsable, l‘homo criminalis de l’école criminelle positive est personnellement déterminé
et socialement dangereux. Le délit ne peut être considéré comme une abstraction juridique :
il trouve sa cause dans le milieu social ainsi que dans les facteurs physiques et biologiques
dont l’auteur subit les déterminations. » (Tulkens et Moreau, 2000 : 39).
63
manière substantielle à la mise en place d’un régime nouveau pour les mineurs. Son ouvrage
sur La défense sociale et les transformations du droit pénal paru en 1910 exprime cette
doctrine. « Le fait marquant de la transformation, c’est l’abandon de la base traditionnelle et
classique du jugement répressif : le principe de la responsabilité subjective du coupable, et
l’adoption d’une base plus objective : le principe de la défense sociale ». Par ailleurs, la
notion d’état dangereux complète le critère de la responsabilité comme condition de la
répression. Le droit pénal subsiste pour la grande majorité des délinquants, ceux qui sont
aptes à la responsabilité; la défense sociale sera invoquée à l’égard des « éliminés » du
système, ces catégories d’individus présumés dangereux, mais à l’encontre desquels le droit
est juridiquement impuissant à prononcer une peine.
Le modèle protectionnel se dégage ainsi du modèle pénal classique en privilégiant une justice
« paternelle » articulée autour d’un magistrat spécialisé, appelé juge des enfants en Belgique,
doté des pouvoirs importants, qui prend des mesures individualisées dont la durée est
indéterminée en tenant compte de l’évolution du mineur. « Il se fait aider par des ‘experts’, il
recourt au diagnostic scientifique pour éclairer sa décision et prend appui sur des acteurs
spécialisés pour l’aider dans la recherche et le suivi des mesures adaptées à l’état du mineur.
118
Y. CARTUYVELS, « Les jeunes et la déviance Entre figure de la menace et population insécurisée »,
Réaction sociale à la délinquance juvénile, Bruxelles, La Charte, 2003, p. 63.
119
Ibid.
64
En deux mots, il s’agit d’un modèle de justice ‘tutélaire qui table sur une relation de
confiance entre le juge et le mineur, mais aussi d’une ‘justice d’expertise’ qui se veut éclairée
et dont la visée est prospective ou orientée sur le futur »120.
On peut citer les traits suivants de ce modèle protectionnel :
La loi de 1912 va remplacer les peines par les mesures de garde et d’éducation (la
réprimande, le placement en famille ou dans une institution, la remise aux parents, la mise à
la disposition du gouvernement qui se réalise par le placement dans les EGEE).
Ce modèle protectionnel fut complété en Belgique par la loi du 8 avril 1965 relative à la
protection de la jeunesse, qui organise une protection sociale et déjudiciarise partiellement
l’intervention à l’égard du mineur. On passe de l’état dangereux que l’on cherchait à enrayer
pour mieux défendre la société contre le danger que représentait la délinquance probable et
future des jeunes, à la protection des jeunes contre l’état de péril pour le mineur, pour son
intérêt et pour son droit à un développement normal comme personne. On passe donc du
jeune dangereux pour la société au jeune en danger. La logique sociale de 1965 met l’accent
sur le maintien du jeune dans son milieu et institue des comités de protection de la jeunesse,
qui assure sa protection au niveau sociale. Le placement en institution est considéré comme
une mesure forte à mobiliser en dernière instance.
120
Ibid.
65
3. La crise des modèles
Le modèle protectionnel est actuellement remis en cause depuis les années 1990 dans divers
pays européens pour plusieurs motifs, à la suite notamment de l’adoption de la Convention
des Nations unies sur les droits de l’enfant. On relève comme grief du modèle protectionnel:
- L’absence de garanties procédurales pour le mineur ;
- Le pouvoir discrétionnaire du juge exorbitant;
- Le laxisme du juge à l’égard des mineurs auteurs des faits infractionnels graves ou
récidivistes ;
- L’absence de garanties pour les droits des victimes des faits infractionnels, en dehors
de garanties de la responsabilité civile en vertu du Code civil (droit commun).
Le modèle réparateur est lié à un regain d’intérêt pour la victime et rend compte de
l’émergence de la victimologie dans les années 1970. Il met l’accent sur la priorité de la
réparation des dommages causés à la victime par l’acte du mineur et propose l’adoption d’un
système moins centré sur la relation duelle « magistrat- jeune », car sa dimension
pédagogique est mise en doute. Dans ce système, on insiste également sur les droits du
mineur en justice, sur les risques liés au pouvoir exorbitant d’un magistrat unique et le
caractère secondaire de la finalité éducative de l’intervention judiciaire.
Une autre variante de ce modèle met l’accent sur la médiation entre l’auteur et la victime au
sujet de la réparation et maintient la priorité d’une finalité éducative des mesures ou des
sanctions réparatrices pour le mineur.
On considère, en effet, que la victime doit avoir sa place dans le procès, le principe du duel
judiciaire est tombé. Le modèle réparateur sort du principe pénal et fait intégrer un nouvel
acteur, qui est la victime. Ce modèle affirme la subjectivation du mineur traduit en justice en
faisant de l’enfant un sujet des droits et non un objet de protection. En outre, le juge cesse
d’être un protecteur tout-puissant, et devient un arbitre. Voilà pourquoi on introduit la
médiation pénale. Enfin, la finalité de l’éducation aussi change, car il s’agit d’amener le
mineur à réparer son acte. C’est ce qu’on a appelé la responsabilisation du mineur c’est-à-dire
l’éducation en l’amenant à participer à sa réparation des conséquences de son acte.
b) Le modèle sanctionnel
66
(exclusion) et à la détention ainsi qu’un recours plus prononcé que dans les deux autres
modèles aux références, aux images et aux principes du droit pénal des adultes121.
4. La convention relative aux droits de l’enfant (1989) et la charte africaine des droits du bien
être de l’enfant
Ces deux textes consacrent les droits pour l’enfant ainsi que des garanties procédurales pour
faire bénéficier aux mineurs (enfants) des garanties d’un procès équitable. Ce faisant ces
textes transforment le statut de l’enfant d’objet au sujet droits s’imposant à l’État c’est-à-dire
au juge et au magistrat.
Nous abordons plus en profondeur la Convention relative aux droits de l’enfant au titre III ci-
dessous.
Ce parcours historique montre que les jeunes sont depuis longtemps marqués comme figure
de l’insécurité (menace) et de la vulnérabilité sociales. Ils sont respectivement considérés
comme dangereux ou en danger. Comme l’indique Yves Cartuyvels 122, « toute société a
toujours considéré une partie de ses jeunes comme source de trouble, de déviance et
d’insécurité ». Depuis la Rome antique en passant par le Moyen Âge, on n’a cessé de
s’interroger sur le type de responsabilité à attribuer aux mineurs lorsqu’ils commettent des
actes qu’on qualifie d’infraction. Cependant, dès la fin du XIXe siècle, ce sont principalement
les jeunes des « classes laborieuses » associées aux « classes dangereuses », qui sont ciblés.
«Délinquants ou pré-délinquants, sont visés ici ces jeunes parmi lesquels se recrutent l’armée
du vagabondage, de la prostitution et du crime, soit des jeunes auxquels on attribue un
«défaut de sens moral », lié soit à un problème personnel soit à l’influence du milieu social,
ce qui les expose presqu’inéluctablement à tomber dans le crime »123.
121
Ibid
122
Y. CARTUYVELS, « Les jeunes et la déviance : Entre figure de la menace et population insécurisée »,
Réaction sociale à la délinquance juvénile, Bruxelles. La Charte, 2003, p. 57.
123
Ibid. p, 58.
67
des mineurs est en train d’être colonisée par le système de pensée de la justice criminelle des
adultes tel qu’il a été constitué aux 18e et 19e siècles ».
Cet auteur résume les grandes tendances et les orientations à suivre comme suit :
A. Observation préalable
L’ordre juridique au Congo a connu une profonde rupture suite à la colonisation subie par ses
populations après la prise de possession du territoire congolais par le Roi Léopold II, qui s’est
proclamé Souverain de l’État Indépendant du Congo, en vertu de l’Acte Général de la
Conférence de Berlin du 26 février 1885. Cet acte était appliqué par les tribunaux de l’EIC
comme « la première des lois de l’État », c’est-à-dire comme la première constitution de
l’État au sens de loi fondamentale, faute de constitution. Le droit de punir (droit pénal) de
l’EIC trouvait son fondement dans l’article 9 de l’Acte Général de la Conférence de Berlin
qui stipulait que chacune des puissances signataires de l’acte s’engage à « punir» ceux qui
s’occupaient de la traite des esclaves en vue de protéger les libertés de commerce et
d’exploration scientifique reconnues sur les territoires formant le bassin conventionnel du
Congo.
Ainsi, dans le domaine de la protection des enfants, qui nous occupe, un code des obligations
fut édicté par décret du 30 juillet 1888 du Roi Souverain, lequel deviendra le Code civil
congolais, livre III, à la suite de la codification réalisée par Pierre Piron et Jacques Devos en
1960. Plus tard, le 4 mai 1895, un autre Décret du Roi Souverain réglementa le droit des
personnes et de la famille. Il est devenu le Code civil congolais, livre 1er (qui fut abrogé par la
Loi n° 010/87 du 1er août 1987 portant Code de la famille). Certaines dispositions de ces deux
Codes civils congolais ont constitué l’essentiel des dispositions juridiques applicables aux
enfants avant l’adoption du Décret du 6 décembre 1950 relatif à l’enfance délinquante au
124
MAZIKU NDONGALA, « Le décret du 6 décembre 1950 sur l’enfance délinquante » Séminaire national
sur le traitement et la prévention de la délinquance juvénile. Rapport final, Kinshasa, 1999, p. 46.
68
Congo, lequel sera largement inspiré par la loi belge du 15 mai 1912 sur la protection de
l’enfance.
a. Au plan civil
L’article 242 du Décret du 4 mai 1895 portant Code civil, livre relatif aux personnes,
consacre la puissance paternelle et ses attributs la garde, l’éducation et la correction
paternelle. Il dispose : « Le père qui a des sujets de mécontentements graves sur la conduite
d’un enfant, peut dénoncer les faits à l’autorité judiciaire qui prononce, s’il y a lieu,
l’internement de l’enfant, pour un temps variant de un à douze mois, dans un établissement
d’instruction ou dans un camp d’instruction de l’État ». Le texte prévoit que l’enfant y est
placé aux frais de son père.
Cette manière de faire était une façon de transférer les attributs d’un père, dépassé, sur son
enfant au juge. Et cet article 242 du Décret du 4 mai 1895 deviendra plus tard l’article 3 du
Décret du 6 décembre 1950. On voit bien comment une disposition du Code civil devient plus
tard une disposition de l’enfance délinquante, en raison du changement de la rationalité
juridique coloniale à l’égard des enfants difficiles, qui seront ainsi assimilés aux enfants
délinquants.
b. Au plan administratif
Avant l’adoption du Décret du 6 décembre 1950, 1’État assurait la protection des enfants
essentiellement au moyen des dispositifs d’ordre administratif : l’organisation et le placement
des enfants orphelins et abandonnés sous la tutelle de l’État, la réglementation du
vagabondage et l’institution d’une commission de protection des indigènes. Pour ne pas
allonger excessivement ce point, nous développons ces mécanismes ailleurs.
c. Au plan pénal
La réaction sociale à la délinquance des jeunes au Congo s’inscrit dans le cadre du droit pénal
colonial. Celui-ci peut être perçu comme une ressource utilisée par le colonisateur pour
imposer ses façons de voir, ses idées, sa notion de justice et faire triompher ses valeurs et
intérêts sous la forme de la civilisation qu’il devait transmettre aux Congolais.
La justice répressive est organisée suivant l’idée selon laquelle la législation congolaise doit
être d’une grande simplicité, qui évite toutes les complications pour être appropriée aux
besoins de populations peu lettrées et d’une société jeune. Par ailleurs, la justice répressive de
l’EIC disposait d’un effectif très réduit de magistrats européens à l’échelon du district. Les
fonctions de juge sont exercées par des fonctionnaires (commissaires de district).
Au départ, les indigènes n’étaient pas soumis à la loi de l’État. En effet, en vertu de l’article
22 du Décret du 7 janvier 1886 (premier Code pénal de l’EIC) qui définissait les infractions
et leur répression, le tribunal de première instance n’était compétent que pour connaître des
69
infractions commises sur le territoire de l’État par des non indigènes. Car le but de ce décret
était de contrôler tous les résidents, qui ne devraient pas penser qu’ils échappaient à la
répression des crimes qu’ils commettraient sur le territoire de l’État. D’après l’article 23 de
ce décret de 1886, les indigènes restaient soumis à la juridiction de leurs chefs et à
l’application des lois et coutumes locales125. Ils étaient ainsi objet et non sujet de droit.
Les indigènes relevèrent de la loi pénale de l’État en vertu du Décret du 27 avril 1889, qui
disposa, à l’article 84, que l’infraction commise sur le territoire de l’État est jugée
conformément à la loi de l’État. Celle-ci s’appliquait aussi bien aux adultes qu’aux mineurs
reconnus coupables d’infraction à la loi de l’État. Les mineurs comparaissaient devant les
mêmes juridictions ordinaires et étaient soumis aux sanctions pénales que les adultes.
Néanmoins, ils bénéficiaient des circonstances atténuantes pour absence de discernement et
étaient séparés des adultes dans les prisons.
Cependant, comme le constatait Laude, dans la plupart des prisons, il était matériellement
impossible d’assurer l’absence de contact entre les mineurs délinquants, les adultes de droit
commun et parfois les aliénés mentaux. En ce qui concerne les tribunaux indigènes, qui
appliquent le droit coutumier, la Loi du 13 mai 1938 interdit d’infliger à un mineur un
châtiment corporel126.
125
Notez cependant que l’indigène pouvait être poursuivi et jugé devant le tribunal de première instance en
application de la loi pénale de l’État dans trois cas :
- Si l’infraction était commise au préjudice d’un non indigène ou de 1’État;
- Si elle était commise dans l’établissement de l’État ou dans la maison ou l’établissement d’un non indigène ou
dans un périmètre d’un kilomètre autour de semblables établissements;
- Si elle était connexe à une infraction imputable à un non indigène (article 23 du Décret du 7 janvier 1886).
126
N. LAUDE, op. cit., p. 26.
127
Lire R. KIENGE-KIENGE 1NTUDI, La législation sur l’enfance délinquante au Congo (1950). Un cas
d’ineffectivité congénitale, Revue de droit pénal et de criminologie, 5, 2003, pp. 687-7 16.
70
la débauche, les jeux du hasard, le trafic, la prostitution, les faits infractionnels ou
manquements qualifiés d’infraction; le décret de 1950 n’a organisé qu’une seule
modalité de protection qui est la protection judiciaire
- L’institution de la liberté surveillée pour mineurs non mis à la disposition du
gouvernement ;
- L’institution des délégués à la protection de l’enfance ;
- Une procédure spéciale marquée par une enquête médico-sociale obligatoire et
préalable à la prise de toute mesure, même provisoire ;
- La faculté de garder des mineurs vicieux pendant deux mois au maximum dans une
prison sous un régime spécial ;
- La révision des mesures tous les trois ans ;
- Les voies de recours (appel et cassation) sont consacrées contre les décisions du juge
des enfants ;
- L’opposition n’est pas de mise parce que l’enfant devrait comparaître en personne ;
- Le juge d’enfants ne peut pas prendre une quelconque mesure à l’égard d’un enfant
sans une enquête préalable sur la situation de l’enfant, étant donné que les mesures
prises sont individuelles et dépendent de chaque enfant selon sa situation. Pour rappel,
la protection judiciaire fait partie de la protection spéciale, qui intéresse les enfants de
manière individuelle.
71
TITRE II : LA DELINQUANCE JUVENILE : REFLEXIONS CONCEPTUELLE
ET CRITIQUE
L’étude de la délinquance juvénile dans le droit de la protection de l’enfant occupe une place
de choix dans la mesure où, si le droit de la protection de l’enfant comprend des dispositions
juridiques nationales et internationales de protection de l’enfant, il convient de considérer
qu’aussi bien ces dispositions que les mécanismes sociaux, judiciaires – comme le Tribunal
pour enfants – ou extrajudiciaires – comme le Comité de médiation, déterminent les
modalités de contrôle social formel ou institutionnel de la « délinquance » des enfants.
Aussi consacre-t-on deux chapitres à une réflexion conceptuelle et à une réflexion critique sur
la délinquance juvénile. Il s’agit de voir comment la délinquance juvénile a-t-elle été définie
et quel contenu a-t-on donné à ce concept.
Mais, la délinquance n’a pas toujours reçu un tel entendement. Deux congrès des Nations
Unies, consacrés à cette notion en 1955 et en 1960, lui ont donné deux acceptions : une large
et l’autre restreinte. En plus de ces deux définitions institutionnelles onusiennes, nous
analyserons une définition plus complexe de la délinquance juvénile donnée par Lode
Walgrave.
Cette définition est large parce qu’on met dans la délinquance juvénile deux réalités
différentes : d’une part, on prend en compte la réalité des actes de délinquance, et d’autre
part, on prend en compte la réalité des situations sociales, économiques, politiques et
psychologiques problématiques, qui n’ont rien à voir avec la délinquance (juridiquement
parlant), mais qui affectent les jeunes, et qui constituent leurs contextes de vie. C’est ce
que Philipe Mary appelle « la pénalisation du social »129. Cette confusion est permanente
128
NATIONS UNIES, L’ONU et la prévention du crime, New-York, 1991, p. 16.
129
Ph. MARY, Insécurité et pénalisation du social, Bruxelles, Labor et fides, 2003.
72
parce qu’on ne veut pas tenir compte de la situation difficile des jeunes en les basculant
dans le champ pénal comme étant des jeunes délinquants suivant la rationalité pénale
d’assurer la défense de la société contre des « jeunes dangereux ».
Sur ce point la loi de 2009 s’est démarquée de cette définition large de la délinquance en
classant, d’une part, les enfants en conflit avec la loi dans le cas de la délinquance
juvénile et, d’autre part, les enfants en situation difficile dans le cas de situations sociales
problématiques. Aussi prévoit-elle la procédure judiciaire (la protection judiciaire)
uniquement dans le cas des actes de délinquance, c’est-à-dire de violation de la loi pénale,
tandis que pour les situations problématiques non délinquantes, on appliquera la
protection sociale. En cela, la loi de 2009 constitue une avancée par rapport au Décret du
6 décembre 1950, qui appliquait la protection judiciaire sur toutes les formes d’actes des
jeunes (délinquance juvénile et situations problématiques non délinquantes).
L’assimilation des enfants en situation difficile ou en danger (cas des enfants abandonnés)
aux enfants délinquants, comportait comme conséquence la stigmatisation de cette
catégorie d’enfants dans le cadre du système de justice pénale. C’est pourquoi, cette
définition large de la délinquance juvénile fut restreinte lors du deuxième congrès des
Nations unies tenu à Londres cinq ans plus tard, en 1960. Il fut, en effet, recommandé de
« n’employer, autant que possible, le terme de délinquance juvénile qu’en cas
d’infractions à la loi pénale, en évitant de faire tomber sous le coup de la loi pénale
certaines formes bénignes d’inconduite ou d’inadaptation que l’on relevait chez les
mineurs, mais qui pouvaient être considérées comme normales chez des jeunes qui
grandissaient »130.
Lors de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU de l’Ensemble des règles minima
concernant l’administration de la justice pour mineurs devant s’appliquer « aux
délinquants juvéniles » (Règles de Beijing) en 1985, le délinquant juvénile fut défini
comme « un enfant ou un jeune, accusé ou déclaré coupable d’avoir commis un délit »131,
tandis que le délit fut défini comme « tout comportement (acte ou omission) punissable
par la loi en vertu du système juridique considéré »132. En même temps, l’Ensemble de
règles minima s’étendaient aussi aux mineurs contre lesquels des poursuites pourraient
être engagées pour tout comportement qui ne serait pas punissable, s’il était commis par
un adulte, ainsi qu’à tous les mineurs auxquels s’appliquent des mesures de protection et
d’aide sociale133. Cette extension du champ d’application de l’Ensemble de règles minima
concernant l’administration de la justice pour mineurs n’a fait qu’accroître l’ambiguïté de
la définition de la délinquance juvénile au niveau institutionnel onusien.
130
Ibid.,p 17.
131
Point 2.2. c) de l’Ensemble de règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs.
132
Point 2.2. b) de l’Ensemble de règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs.
133
Point 3 de l’Ensemble de règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs.
73
Section 3 : La délinquance juvénile selon Lode Walgrave
Lode Walgrave ne se focalise pas sur le délit mais sur les personnes qui les commettent,
au point de complexifier la délinquance juvénile. Analysant le sens et le non-sens d’une
étiologie de la délinquance juvénile dans le cadre d’une criminologie critique, il écrit que
« la délinquance juvénile ne se présente pas comme une catégorie de comportements
homogènes, significative en soi pour les sciences du comportement. Elle contient une
multitude d’actes différents, de contextes sociaux, de causes, de motivations et de
situations »134, quoique dans le passé, l’on ait pourtant traité la délinquance comme une
unité homogène. Cet auteur distingue trois types de délinquance juvénile: la délinquance-
symptôme, la délinquance passagère et la délinquance de précarité.
3) Enfin, la délinquance de précarité, enracinée dans les conditions de vie des jeunes,
concernerait certains jeunes qui persistent à commettre des actes délictueux quand ils
deviennent des jeunes adultes du fait d’être situés à l’extrémité inférieure de la
stratification sociale et de manifester « des problèmes psycho-sociaux plus profonds,
liés à leur condition de précarité sociale qui tient à la fois à leur situation actuelle et à
134
L. WALGRAVE, Délinquance systématisée des jeunes et vulnérabilité sociétale. Essai de construction d’une
théorie intégrative, Editions Médecine et Hygiène, 1992, p. 5.
135
Ibid.
136
Ibid.
137
Ibid., p. 6.
138
Ibid.
74
leur perspective d’avenir »139. Pour Walgrave, la délinquance de précarité semble
faire partie «d’un style de vie plus structuré et d’un système plus profond ». Il la fait
correspondre à ce que les anglo-saxons appellent the patterned delinquency et
l’appelle une délinquance « structurée » ou « systématisée ». C’est, selon lui, la
délinquance la plus grave140.
Le problème que posent les définitions ci-dessus de la délinquance juvénile, qui mettent
l’accent soit sur la dimension juridique soit sur la dimension étiologique de la délinquance
juvénile, c’est qu’elles considèrent implicitement la délinquance juvénile comme un fait brut,
ou un fait naturel comme le sont la maladie ou la pluie dont une étude étiologique
expliciterait aisément les causes de sa production aussi complexes soient-elles. Une telle
approche de la délinquance juvénile présente le risque d’un glissement rapide du délit ou du
comportement vers le délinquant ou la personne qui le commet, comme le fait d’ailleurs Lode
Walgrave, et présente, par conséquent, le risque de poser « la problématique de la personne ».
Ainsi est-on parvenu à affirmer la personnalité délinquante de la personne qui commet un
délit. Le traitement de la délinquance juvénile pourrait alors laisser libre cours à des solutions
d’hygiène sociale si l’étiologie de cette «délinquance» identifiait parmi ses causes la
personnalité délinquante des jeunes, qui seraient alors perçus comme des personnes vouées à
«la délinquance» et dès lors «encombrantes» pour la société. Une telle posture est discutable
sur le plan épistémologique et éthique. Elle peut en effet justifier le développement des
pratiques d’exclusion des jeunes concernés du groupe auquel ils appartiennent et au sein
duquel ils vivent141. Il en a été le cas avec les jeunes impliqués dans des actes de violence
urbaine qualifiés de « kuluna »142.
Section 1 : La délinquance comme une construction pénale et non comme une réalité
substantielle ou un comportement naturel
Les définitions de la délinquance juvénile examinées s’appuient donc sur des théories
causalistes, qui ont participé au développement d’une criminologie du passage à l’acte,
tendant à considérer la délinquance comme un « fait social brut ou empirique »143, mais ces
théories « peinent à rendre compte de l’effet que la réaction informelle ou institutionnelle de
la société produit sur les comportements sociaux »144. En rupture avec ces théories, se sont
développées aux Etats-Unis d’Amérique, dans les années 1960, les théories de la réaction
sociale, qui tendent à considérer la délinquance comme « l’aboutissement d’un processus
139
Ibid., p. 7.
140
Ibid., p. 8
141
R. KIENGE-KIENGE INTUDI, Le contrôle policier de la « délinquance » des jeunes à Kinshasa. Une
approche ethnographique en criminologie, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, Academia-Bruylant, Editions Kazi,
2010.
142
R. KIENGE-KIENGE INTUDI et S. LIWERANT (dir.), Violence urbaine et réaction policière à Kinshasa
(RD Congo), sens et non-sens, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2017.
143
A. PIRES, « Criminologie d’hier et d’aujourd’hui », in Ch. DEBUYST, Fr. DIGNEFFE, J.-M. LABADIE,
A.P.PIRES, Histoire des saviors sur le crime et la peine, 1. Des savoirs diffus à la notion de criminel-né,
Montréal, Ottawa, Bruxelles, Les presses universitaires de Montréal, Les presses universitaires d’Ottawa, De
Boeck Université, 1995, p. 59.
144
FAGET, J., Sociologie de la délinquance et de la justice pénale, 1re édition, Ramonville Saint-Ange, Eres,
2002, p. 75.
75
dynamique d’interaction » ou encore comme « un construit social »145, sans pour autant
méconnaître l’existence des comportements, qui posent problème au sein du groupe social.
En effet, élucidant le sens étymologique du mot « crime », Alvaro Pires, écrit à ce sujet que
ce sens « ne correspond pas, jusqu’à la fin des années 60, à l’utilisation que le
«criminologue» en a fait depuis qu’il emploie ce mot »146. Dans son sens étymologique, « le
terme « crime» fait référence à l’acte de juger ou d’étiqueter un comportement, plutôt qu’au
comportement lui- même »147. Le mot crime, poursuit Pires, « ne désigne pas directement une
action, un acte ou un comportement particulier, mais plutôt l’acte de juger un comportement
dans le cadre d’un processus institutionnel de type judiciaire »148. Pires relève encore que ce
sens étymologique du mot « crime» rejoint les propos célèbres du juriste italien Francesco
Carrara qui soulignait déjà au XIXe siècle (1859) qu’on ne doit pas concevoir « le crime
comme une action, mais comme une infraction » au droit pénal, car il n’est pas « un fait
matériel, mais plutôt un être juridique »149. Certes, il existe réellement des comportements
antisociaux sans la loi pénale. Mais on constate que ces comportements n’existent pas comme
« crime ». Celui-ci, « en tant qu’infraction pénale, n’est donc pas avant tout un acte, mais
plutôt un jugement de valeur particulier de type judiciaire porté sur un acte »150. Alvaro Pires
écrit que « cette idée que le crime pouvait être autre chose qu’un comportement allait à
l’encontre des représentations dominantes au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe
siècle. Car, en règle générale, les chercheurs de cette époque étaient surtout préoccupés par
l’étude empirique des causes spécifiques du comportement criminalisé, considéré comme un
fait brut. Certains avaient même la conviction que le « crime » était une sorte de maladie ou
de pathologie et que les personnes qui transgressaient les lois pénales faisaient partie d’une
variété zoologique du genre humain « species generis humani »151. Ce qui est dit du crime
vaut aussi du délit ou de la délinquance, qui est dès lors considérée comme une construction
juridique ou pénale.
La délinquance est alors étudiée selon deux codes de langage. D’une part, le code
institutionnel ou substantiel, qui utilise le langage juridique ou institutionnel du droit pénal
pour parler des comportements antisociaux, avec comme conséquence le fait que l’on se rabat
sur l’aspect « substantiel » ou factuel de la notion de crime ou de délinquance, qu’on conçoit
alors comme étant simplement un acte, un comportement ou un fait social brut, comme des
véritables « délits naturels » pour reprendre la classification de Garofalo152 ou des « délits
essentiels » selon Gabriel Tarde (1890). Les études qui adoptent le code institutionnel ou
substantiel de la délinquance portent sur son étiologie (étude des causes endogènes ou
exogènes), la délinquance et le délinquant ainsi que les moyens de défense contre la
délinquance. Ceux-ci sont nécessairement des moyens pénaux ou légaux. La perspective est
celle de l’explication de la délinquance par ses causes.
D’autre part, il y a le code descriptif, qui s’éloigne des notions du langage juridique et
institutionnel du droit pénal dont on examine les présuppositions de base, et utilise des
145
Ibid., pp. 78-79, 103.
146
A. PIRES, op. cit., p. 16.
147
C.R. JEFFERY, « The Historical Development of Criminology », Journal of Criminal Law, Criminologv and
Police Science, 50, (1), 1959, P. 6. Cité par Alvaro Pires, 1995, p. 16.
148
A. PIRES, op. cit., 1995, p. 17.
149
F. CARRARA, « Programma del Curso de Derecho Criminal Desallorado en la Universidad de Pisa, San
José, Costa Rica, Impressa Espanola, 1917, pp. 41-42.
150
A. PIRES, op. cit., 1995, p. 18.
151
Ibid., 17.
152
R. GAROFALO, Crirminology, 1914, p. 14.
76
concepts plus descriptifs et plus ouverts. Les études, qui adoptent le code descriptif, portent
sur les situations-problèmes ou les comportements problématiques ainsi que les formes de
régulation ou de réaction sociale. Ces situations ou ces comportements ne sont pas considérés
comme des infractions au droit pénal, mais comme des situations qui posent problème au sein
du groupe, c’est-à-dire qui sont jugés inacceptables par un protagoniste sans qu’ils appellent
nécessairement une solution. Leur régulation ne suppose pas non plus nécessairement la
mobilisation des dispositifs du droit pénal. La perspective est celle de la compréhension du
processus de définition d’une situation comme constitutive de la « délinquance » et certains
de ses protagonistes comme des « délinquants ». Ainsi la délinquance a été étudiée comme
une « gestion de sa vie »153 ou a été considérée comme un « enjeu dans la relation et non plus
seulement comme transgression »154 ou encore comme « le résultat d’une interaction entre
personnes, groupes ou systèmes »155. Et Jean-Claude Chamboredon, notamment a montré que
la délinquance juvénile est un objet construit à la suite des mécanismes de sélection tout au
long du processus de traitement des situations impliquant des jeunes156.
1) Le terme de délinquance dit quelque chose des enjeux en cause et permet de comprendre le
sens ou la signification du processus de passage à l’acte délinquant. L’étymologie de la
délinquance associe, selon une perspective psychologique ou clinique, deux problématiques
présentées comme ayant partie liée :
- le processus de deuil, d’abandon, de renoncement à ce qu’on perd,
- la survenue du fait délinquant lui-même.
La parenté entre ces deux problématiques s’atteste dans quelques données d’observation
clinique, qui font penser qu’on est à la source de la délinquance. En effet, de l’observation
clinique, Jean Kinable extrait plusieurs éléments qui tiennent ensemble: Le premier est la
dépressivité de fond, et le second est la souffrance qui en résulte pour le sujet.
153
Fr. DIGNEFFE, Ethique et délinquance : la délinquance comme gestion de sa vie, Genève, Médecine et
Hygiène, coll. Déviance et société, 1989.
154
Ch. DEBUYST, Dangerosité et justice pénale. Ambigüité d’une pratique, Genève, Masson/Médecine et
Hygiène, coll. Déviance et société, 1981, p. 181.
155
Ch. DEBUYST, « La délinquance comme interaction », in L. MUCCHIELLI et Ph. ROBERT (dir.), Crime
et sécurité. L’état des savoirs, 2002, p. 139.
156
J.-C. CHAMBOREDON, « La délinquance juvénile, essai de construction d’objet », Revue française de
sociologie, 1971, vol. 12, n° 3, pp. 335-377.
77
se défendre contre une dépression de fond. Si l’ennui ou le désœuvrement et l’absence
d’intérêt sont des équivalences de dépressivité, si on observe les habitudes de vie du
délinquant, on constate que souvent le passage à l’acte survient comme une espèce de
rupture d’un état de vide, de la propension à l’inaction, au désœuvrement, de
l’indifférence, comme si on ne savait quoi faire d’autre de sa vie [...]. Le passage à l’acte
est présenté comme venant tromper une disposition générale vouée à l’ennui, comme
venant meubler un état ordinaire de vacuité existentielle quotidienne. C’est un moyen de
tuer le temps. C’est un plaisir qui est aussi un plaisir de soi en étant le héros de cette
action d’éclat. Il y a opposition entre l’agir excitant, qui exalte le sentiment de soi et
l’inaction vide et déprimante du quotidien, dont le seul intérêt est de ne pas devoir faire
comme les autres, c’est-à-dire travailler. On met même un point d’honneur à ne pas
travailler. Il y a opposition entre l’action et l’inaction, qui sont des moments successifs
qui alternent dans ce style de vie »157.
Cette dépressivité, poursuit-il, « est associée à une certaine souffrance, une problématique
dont est affecté le moi. Le comportement délinquant traduit une pathologie narcissique.
Au passage à l’acte est associée une cassure, une blessure, une faille qui affecte la
constitution narcissique de soi. Cela se traduit dans un sentiment de non-valeur propre,
par la précarité de l’estime de soi. Il y a alors un besoin constant de se prouver ce qu’on
vaut en démentant la dévalorisation. Dès lors, le recours à l’agir pourra être vu comme
une auto-défense, une auto-revalorisation à l’encontre d’une dépressivité, d’une
dépréciation de soi qui ne serait jamais vraiment résolue. L’activisme délictueux semble
donc pouvoir se ressaisir à l’intérieur de la logique d’un travail de deuil qui serait à faire,
mais qui ne trouve à se résoudre que par la solution du passage à l’acte »158.
2) Explicitant alors l’étymologie du terme délinquant, Jean Kinable écrit que toute la
problématique y est inscrite. Il rattache l’origine du terme «délinquance » des verbes latins ci-
après:
- (Re)linquere: laisser, abandonner, lâcher, rompre (un lien, un contact).
- Linquere: laisser quelque chose ou quelqu’un là où il est, abandonner à son sort en
quittant.
- Relinquere: laisser en arrière, loin de soi, ne pas prendre pour soi, ce qui veut dire
laisser à d’autres (en héritage par exemple); laisser faire, permettre, laisser
tomber, renoncer à, cesser.
La signification de ces verbes latins véhicule l’idée de ne pas faire ce qu’il y aurait à faire, ce
qu’il s’agirait d’entreprendre, et donc de se désintéresser d’une situation, de rester en marge,
d’être mobilisable, non motivé. Cette idée renvoie à celle de dépressivité ci-dessus. Ces
verbes véhiculent aussi l’idée de ne pas prendre pour soi, comme à soi, comme m’intéressant,
me concernant, de ne pas être preneur vis-à-vis de ce qui s’offre et de ce qui s’impose à moi,
de ne pas se préoccuper, ne pas assumer ce qui me revient. On en abandonne la responsabilité
à d’autres. Laisser en suspend ce qui m’incomberait de prendre en charge ou à mon compte.
Négliger ce qui serait de mon ressort. Le moi du sujet «laisse à désirer », ce qui exprime
l’idée du manque, de l’insatisfaction, du défaut.
L’usage pronominal «se laisser» exprime par ailleurs un certain rapport à soi-même dans ce
manque. Ainsi:
157
J. KINABLE, Cours de criminologie psychologique, première licence en criminologie, 2000-2001, p. 56.
158
Ibid., p. 57.
78
- « Se laisse aller à l’abandon » exprime l’idée d’une chute dépressive, une négligence
de soi. C’est-à-dire que le sujet se laisser sombrer dans une sorte de détachement vis-
à-vis de soi, il se lâche et ne suit plus que ses penchants, ses inclinations.
- « Se laisser aller dans un emportement exalté (maniaque) » exprime l’idée de se
laisser transporter par les passions au point qu’on ne se tienne plus, se laisser emporter
par les pressions trop fortes, par des tendances qu’on a: appétence à agir, se laisser
aller aux effets des motifs qu’on a à faire quelque chose. C’est aussi subir, se laisser
faire par les exigences de ses propres pulsions, en leur cédant, en leur abandonnant la
volonté.
3) Jean Kinable met en rapport cette idée de « laisser » et de « se laisser» avec la question du
deuil. Il expose que le terme « deuil » a deux sens :
- Le deuil est un état, un modèle de dépression. C’est une dépression normale. C’est une
situation dans laquelle on se trouve suite à ce qui nous arrive, qui nous tombe dessus et
qui nous touche, nous affecte. II faut en accuser le coup. Il y a donc rupture d’un lien
avec un être cher, rupture d’une certaine manière d’être en rapport avec ce à quoi on
tient. La perte de tout ce à quoi on tient provoque une crise éprouvante. On dit d’une
personne endeuillée qu’elle est éprouvée.
En rattachant ce travail de deuil avec les verbes issus du mot latin linquere, il s’agirait
alors de savoir abandonner, de se passer de ce qui fait défaut. Il faut savoir laisser celui
qui est mort. II faut laisser un mode d’attachement (qui n’interdit pas un autre mode de
lien). Si ce travail de deuil échoue, alors on ne parvient pas à se passer de l’objet perdu, à
assumer la perte.
Jean Kinable relève que le terme déréliction est de la même famille que délinquance. Cela
désigne un état vécu du sujet, état de solitude, d’être remis à soi-même et à sa propre charge.
Le sujet expérimente cet état comme étant le résultat d’une action subie de la part d’un autre,
d’un abandon subi. C’est être laissé pour compte, être laissé de côté. Le terme « déréliction »,
à l’origine, exprime le sentiment d’être privé de tout secours divin, d’être à la fois privé de
l’amour et de la protection de la part de la puissance et de l’autorité tutélaire censée être
bienveillante, de celui qui veut qu’on existe et qu’on soit soi-même. D’où le sentiment d’être
ou de se sentir en détresse. (Cfr l’être jeté de Heidegger «le dasein »). C’est le fait d’être
79
abandonné à ce qui nous arrive sans secours, sans aide de la part de quelqu’un d’autre que
soi-même, c’est une situation d’abandon à soi-même par l’autre. Toute la question est alors
de se reprendre en charge, de se prendre à sa propre charge. Le problème se pose quand on ne
prend pas livraison de soi-même et on se laisse aller à la dérive au gré des événements. Le
délinquant en reste au niveau de la douleur et du sentiment d’abandon, de solitude et ne les
dépasse pas. C’est dans ce sens qu’en psychologie on parle d’abandonnisme.
Le sentiment d’abandon est un sentiment éprouvé très péniblement, car il s’agit avant tout
d’une réalité psychique ou affective. Le syndrome d’abandon n’est pas nécessairement en
rapport avec la situation réelle, avec des faits constatables. Si on constate un abandon réel, cet
abandon ne suffit pas à rendre compte de l’abandonnisme psychique et vice versa, car l’un
n’entraîne pas nécessairement l’autre. On caractérise le syndrome d’abandonnisme par:
5) Le syndrome d’abandonnisme est signifié à travers les mêmes termes que pour la
délinquance. C’est en effet à l’intérieur de toute cette parenté étymologique (re-linquere –
derelinquere) qu’a vu le jour le terme delinquere: faire défaut, manquer, faire faute, faillir,
être en faute, être responsable (au point de vue moral, légal, idéal), commettre une faute,
manquer à une règle. Toute cette parenté étymologique met ensemble:
- l’idée du délit ;
- l’idée d’un reliquat de ce qui est à perdre ou de ce qui est perdu ;
- l’idée du syndrome d’abandonnisme ;
- l’idée d’un défaut fondamental ou d’un manque qui est vécu comme une
souffrance, une frustration ;
- l’idée d’une faute par abstention, par omission.
80
De là vient aussi le terme délinquance, qui a été utilisé à partir du moment où on en fait un
phénomène à étudier scientifiquement.
Toutes ces actions sont déjà signifiées par le verbe linquere. Le préfixe « de» de delinquere
rajoute différents changements de sens, qui portent sur le processus élémentaire tel qu’il est
exprimé par le verbe simple linquere. Ainsi par exemple:
- l’idée d’exhaustivité ou de la complétude de l’action principale (ex. dévorer,
dépeindre, délaisser);
- l’idée de l’intensification de l’action principale (ex. dévorer, dénier);
- l’idée d’altération, de transformation en une action contraire qui est la négation de
l’action principale (ex. déformer, décolorer, décharger, dénouer).
Jean Kinable souligne que l’idée de délinquer correspond à une façon de ne pas pouvoir
lâcher, de ne pas pouvoir laisser, de ne pas se passer de, de ne pas faire son deuil. «Délinquer,
c’est tenter quelque chose en sens contraire pour obtenir quand même ce qu’on aurait dû
abandonner, faire en sorte de ne pas manquer, nier ou refuser un manque »159.
Le processus ainsi décrit présente l’idée d’une anormalité à situer par rapport à la normalité
non pas comme correspondant à une problématique particulière, mais comme façon de
trouver une autre solution à une problématique commune à tous.
7) Aussi en vient-il à définir le délinquant comme acteur social d’un drame, d’un travail de
deuil. Le drame se joue en lui, pour lui, mais aussi avec les autres. Le délinquant est à la fois
sujet et objet, agent et patient de ce drame. Ce drame va au départ d’un défaut (un manque)
subi d’un autre. Cette privation exogène sur un mode passif donne lieu à une activité du sujet
qui se veut restitutive, restauratrice par rapport à ce manque. Cette activité prend parfois une
connotation de revendication plus ou moins vindicative, d’une revanche à prendre, d’une
vengeance à tirer de cette privation. Le sujet en est à la fois l’agent, l’acteur et l’auteur. Du
même coup, cette activité que le sujet réalise, secondairement le met en défaut:
Une clé de compréhension des raisons psychologiques d’une telle dramatisation est de
considérer que si les choses se passent ainsi, c’est de la part de l’intéressé, faute d’avoir pu
accomplir le travail de deuil, qui aurait pu lui donner d’autres issues à cette crise du manque.
La délinquance serait la tournure spécifique que prend une certaine façon de ne pas faire son
deuil ainsi qu’il le faudrait. Une autre issue aurait été plutôt celle d’un travail psychique ou de
métabolisation mentale de ce manque en souffrance.
159
J. KINABLE, op. cit., p. 65.
81
La perspective psychologique ou clinique de Jean Kinable permet ainsi de ressaisir comme
enjeu essentiel du devenir délinquant une certaine impossibilité de faire son deuil face à une
crise de manque. Pour comprendre le devenir délinquant, il faut à la fois prendre en compte
la dramatique interne dans le chef du sujet, mais aussi la dramatique du lien, du rapport
entre le sujet et son monde, le monde social. Devenir délinquant, c’est un drame ou une
histoire à plusieurs. Plusieurs acteurs sont concernés. C’est une histoire qui connaît son
déroulement dans le temps. C’est le résultat d’un devenir historique.
Autrement dit, le délinquant est un acteur social d’un drame, qui entre en interaction avec les
autres. La délinquance c’est un drame qui se joue dans le sujet, pour le sujet, entre le sujet et
les autres. Ce drame a comme pont de départ le manque, la privation d’un dû en justice et
l’acte de délinquance apparaîtra comme un substitut, qui nécessite d’être comblé, il s’inscrit
dans le processus de substitution. Si le sujet est tout seul, il n’y aura pas de délinquance. La
délinquance est un acte contraire à l’ordre extérieur établi dans une société.
160
J. PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, tome III, Paris, Dalloz, 1963, p. 473 et s.
82
TITRE III : L’ANALYSE DES INSTRUMENTS JURIDIQUES INTERNATIONAUX
DE PROTECTION DE L’ENFANT
Les règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs
comprennent six parties consacrées respectivement :
Les règles minima concernant l’administration de la justice pour les enfants consacrent les
principes généraux suivants :
83
L’amélioration et le perfectionnement de la compétence du personnel des services de
justice pour mineurs, en particulier ses méthodes, approches et attitudes.
b) Un mineur est un enfant ou un jeune qui, au regard du système juridique considéré, peut
avoir à répondre d'un délit selon des modalités différentes de celles qui sont appliquées
dans le cas d'un adulte.
c) Un délit désigne tout comportement (acte ou omission) punissable par la loi (pénale) en
vertu du système juridique considéré.
a) Aux « délits d'état » prévus par les systèmes juridiques nationaux où des comportements
plus nombreux que pour les adultes sont considérés comme délictueux chez les jeunes
(par exemple l'absentéisme scolaire, l'indiscipline à l'école et en famille, l'ivresse
publique, etc.) [art. 3.1]. Dans le cas de la République Démocratique du Congo, ces
conduites relèvent désormais de la protection sociale spéciale prévue aux articles 62 à 70
de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, alors que selon le
décret du 6 décembre 1950 relatif à l’enfance délinquante modifié par cette loi, ces
conduites relevaient de la protection judiciaire, dans la mesure le décret assimilait la
mendicité, le vagabondage, l’inconduite notoire ainsi que les jeux et trafics à la
délinquance juvénile.
b) Aux mesures de protection et d'aide sociale à l'intention des jeunes (art. 3.2). Ainsi les
principes de la recherche du bien-être du mineur (ou de l’enfant), le principe de
proportionnalité de la réaction aux circonstances du mineur, le principe de la
reconnaissance du pouvoir discrétionnaire ainsi que le droit du mineur au respect de sa
vie privée tout comme la primauté de la réinsertion sociale du mineur doivent être
appliqués aux mesures de protection sociale.
c) Au traitement des jeunes délinquants adultes, selon la limite d'âge fixée dans chaque cas
(art. 3.3). Dans le cas de la République Démocratique du Congo, la limite d’âge fixée est
de 18 ans. Les jeunes âgés de 18 ans à 25 ans relèvent de la justice pénale ordinaire pour
les adultes. La loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant n’a pas
malheureusement consacrée cette catégorie des jeunes adultes, pour leur faire bénéficier
les règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs. Pourtant la
prise en compte de cette catégorie des jeunes adultes, qui est la plus nombreuse dans la
84
population pénale aurait permis de rendre la réaction sociale formelle à la délinquance
juvénile progressive dans un processus visant à la proportionner aux caractéristiques
psychologiques et aux circonstances socioéconomiques des jeunes en vue d’une justice
plus juste, plus équitable et plus humaine.
Concernant l’âge de la responsabilité pénale, l’Ensemble des règles minima prévoient que
« Dans les systèmes juridiques qui reconnaissent la notion de seuil de responsabilité pénale,
celui-ci ne doit pas être fixé trop bas eu égard aux problèmes de maturité affective,
psychologique et intellectuelle » (article 4). Le commentaire de cet article précise que le seuil
de responsabilité pénale varie largement selon les époques et les cultures. L'attitude moderne
serait de se demander si un enfant peut supporter les conséquences morales et psychologiques
de la responsabilité pénale, c'est-à-dire si un enfant, compte tenu de sa capacité de
discernement et de compréhension, peut être tenu responsable d'un comportement
essentiellement antisocial. Si l'âge de la responsabilité pénale est fixé trop bas ou s'il n'y a pas
d'âge limite du tout, la notion n'a plus de sens. En général, il existe une relation étroite entre
la notion de responsabilité pour un comportement délictueux ou criminel et les autres droits et
responsabilités sociales (par exemple la situation matrimoniale, la majorité civile, etc.).
Les objectifs du système de justice pour les enfants sont définis à l’article 5 de l’Ensemble de
règles minima, à savoir la recherche du bien-être du mineur (enfant) et celle de la proportion
entre les réactions vis-à-vis des délinquants juvéniles (enfants accusés d’être ou reconnus en
85
conflit avec la loi) et les circonstances propres aux enfants concernés (position sociale,
situation de famille, dommages causés par le délit ou autres facteurs influant sur les
circonstances personnelles) et à la nature ou à la gravité de l’acte commis. Ces circonstances
doivent être prises en compte pour proportionner la décision du juge des enfants (par exemple
en tenant compte de l'effort de l’enfant pour indemniser la victime ou de son désir de revenir
à une vie saine et utile).
De la même façon, les décisions visant à la protection de l’enfant juvénile peuvent aller plus
loin qu'il n'est nécessaire et donc porter atteinte à ses droits fondamentaux. C’est le cas par
exemple du placement des enfants au pavillon IX et X de la prison centrale de Makala décidé
par les jeunes des enfants à titre de mesure provisoire ou définitive, faute d’établissement de
garde et d’éducation de l’Etat disponible.
L’exercice judicieux d’un tel pourvoir discrétionnaire requiert de la part des intervenants
(assistants sociaux, juges des enfants et membres des comités de médiation) des
qualifications professionnelles et une formation spécialisée.
86
§7. Les droits des mineurs
L’Ensemble des règles consacre l’importance de respecter dans la justice des mineurs
(enfants) « les garanties fondamentales de la procédure telles que la présomption d'innocence,
le droit à être informé des charges, le droit de garder le silence, le droit à l'assistance d'un
conseil, le droit à la présence d'un parent ou tuteur, le droit d'interroger et de confronter les
témoins et le droit à un double degré de juridiction sont assurées à tous les stades de la
procédure » (article 7).
Ces garanties constituent des éléments essentiels d'un procès équitable et qui sont
internationalement reconnus dans les instruments des droits de l'homme existants.
La loi congolaise n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant consacre ces
garanties procédures à peine de nullité de la procédure engagée contre un enfant à l’article
104, qui dispose comme suit :
Tout enfant suspecté ou accusé d’un fait qualifié d’infraction par la loi pénale bénéficie, sous peine de
nullité de la procédure, notamment des garanties ci-après :
1) le droit à la présomption d’innocence et à un procès équitable ;
2) la présence au procès ;
3) le droit d’être informé, dans le plus bref délai, dans une langue qu’il comprend et de manière
détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui ;
4) le droit à l’assistance par un conseil de son choix ou désigné d’office par le juge ;
5) le droit de voir son affaire être jugée dans délai raisonnable ;
6) le droit à un interprète ;
7) le droit au respect de sa vie privée à tous les stades de la procédure ;
8) le droit d’être entendu au cours de l’instruction en présence des parents, du tuteur, de la
personne qui la garde ou de l’assistant social;
9) le droit de ne pas être contraint de plaider coupable ;
10) le droit d’interroger ou de faire interroger des témoins à charge et à obtenir la comparution et
l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions.
Tenant compte du fait que « Les jeunes sont particulièrement sensibles à la qualification
pénale » comme l’ont montré les recherches criminologiques dans ce domaine la loi
congolaise n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant n’emploie pas
l’expression de «mineurs ou enfants délinquants », mais plutôt celui d’« enfants en conflit
avec la loi » (article 2.9).
Elle consacre aussi le droit de l’enfant au respect de sa vie privée (article 30) et à la
confidentialité du dossier judiciaire le concernant (article 105). Ce droit doit être observé
aussi bien dans la phase judiciaire devant le Tribunal pour enfants que devant le comité de
médiation. Ainsi, l’article 111 de la loi impose au juge le devoir de décréter le huis clos tout
au long de la procédure engagée contre un enfant. Et les plaidoiries peuvent même se
dérouler hors de la présence de l’enfant. L’audience se déroule également sans toge.
87
L'article 8 de l’Ensemble des règles minima tend à protéger les jeunes des effets nocifs de la
publication dans la presse d'informations sur leur affaire (par exemple le nom des enfants en
conflit avec la loi arrêtés par la police ou déférés devant le Tribunal pour enfants).
Section 2 : Les règles minima relatives à l’instruction et aux poursuites des affaires des
enfants
Les règles minima concernant l’administration de la justice pour les enfants relatives à
l’instruction et aux poursuites des affaires des enfants concernent:
L’article 10 de l’Ensemble des règles minima prévoit que « Dès qu'un mineur est appréhendé,
ses parents ou son tuteur sont informés immédiatement ou, si ce n'est pas possible, dans les
plus brefs délais. Le juge ou tout autre fonctionnaire ou organisme compétent examine sans
délai la question de la libération. Les contacts entre les services de répression et le jeune
délinquant sont établis de manière à respecter le statut juridique du mineur, à favoriser son
bien-être et à éviter de lui nuire, compte dûment tenu des circonstances de l'affaire ».
Le commentaire de cet article précise qu’il traite d'aspects fondamentaux relatifs aux
procédures et au comportement des policiers ou autres agents des services de répression dans
les cas des mineurs. En effet, dans le cas de la République Démocratique du Congo, la loi de
2009 prévoit que l’enfant peut être présenté au Tribunal pour enfants, saisissant de ce fait ce
dernier, soit par l’officier du Ministère public, soit par l’officier de police judiciaire (article
102.1 et 2). Et il est possible que ces organes soient à l’heure tour saisis d’une affaire
impliquant un enfant à une heure tardive ou un jour férié pendant que le Tribunal est fermé.
Ils sont ainsi tenus de garder l’enfant par devers eux avant de le présenter devant le juge des
enfants. A ces niveaux, on doit éviter tout ce qui est susceptible de nuire à l’enfant.
L'expression « éviter de [lui] nuire », recouvre, selon le commentaire de l’article 10, « maints
aspects de l'interaction possible (paroles, violence physique, risques dus au milieu) ». Il est
précisé que pour les enfants, le seul fait d’avoir affaire à la justice même si c’est devant les
organes de police spéciale ou des tribunaux pour enfants peut en soi être « nocif ». Il est ainsi
recommandé de faire le moins de mal possible aux mineurs et d’éviter tout tort
supplémentaire ou indu. On souligne que « Cela est particulièrement important dans le
premier contact avec les services de répression, car ce contact peut influencer profondément
l'attitude du mineur à l'égard de l'Etat et de la société. En outre, le succès de toute autre
intervention dépend largement de ces premiers contacts »161. Deux attitudes sont vivement
recommandées dans ce premier contact avec les mineurs : « la bienveillance et la fermeté »
Ces attitudes sont aussi attendues de l’assistant social ou des membres du comité de
médiation.
161
Ensemble des règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs, commentaires à l’article
10.
88
§2. Le recours à des moyens extrajudiciaires
On s'attachera, dans toute la mesure possible – stipule l’article 11 de l’Ensemble des règles
minima –, « à traiter le cas des délinquants juvéniles en évitant le recours à une procédure
judiciaire ».
Le commentaire de l’article 11 précise que cette pratique permet d'éviter les conséquences
négatives d'une procédure normale dans l'administration de la justice pour mineurs (par
exemple le stigmate d'un jugement). Dans bien des cas, l'abstention serait la meilleure
décision. Ainsi, le recours à des moyens extrajudiciaires dès le début peut être la meilleure
mesure. Il en est surtout ainsi lorsque le délit n'est pas de nature grave et lorsque la famille,
l'école ou d'autres institutions propres à exercer un contrôle social officieux ont déjà réagi
comme il le fallait et de façon constructive ou sont prêtes à le faire.
Comme il est indiqué à l'article 11.2, le recours à des moyens extrajudiciaires peut intervenir
à n'importe quel stade de la prise de décisions - par la police, le parquet ou d'autres
institutions telles que cours, tribunaux, etc. Il peut être exercé par une ou plusieurs de ces
instances, ou par toutes. « Le recours à des moyens extrajudiciaires est un mode important et
il ne doit pas nécessairement être réservé aux infractions mineures ». Mais, en même temps,
l'article 11.3 souligne qu'il faut s'efforcer de minimiser les possibilités de coercition et
d'intimidation à tous les niveaux dans le processus de recours à des moyens extrajudiciaires.
Les mineurs ne doivent pas sentir de pression (par exemple pour éviter de comparaître devant
le tribunal) ou être contraints de donner leur consentement.
Selon l’article 134 de cette loi, « la médiation est notamment conclue sur la base d’une ou de
plusieurs des mesures ci-après :
1. l’indemnisation de la victime ;
2. la réparation matérielle du dommage ;
3. la restitution des biens à la victime ;
4. la compensation ;
5. les excuses expresses présentées de façon verbale ou écrite à la victime ;
89
6. la réconciliation ;
7. l’aide aux victimes ;
8. le travail d’intérêt général ou prestation communautaire.
[qui] consiste en une prestation utile à la collectivité ne dépassant pas quatre heures par
jour, pour une durée d’un mois au plus. Le travail doit être effectué dans le respect de la
dignité humaine, avec le consentement éclairé de l’enfant et sous la supervision de
l’assistant social.
Au regard de l’Ensemble des règles minima, on pourrait regretter que la médiation soit
« judiciarisée » car seul le Président du Tribunal pour enfant peut saisir le comité de
médiation. L’officier de police judiciaire comme l’officier du ministère public ne sont pas
compétents pour saisir le comité de médiation d’une affaire intéressant un enfant accusé
d’être en conflit avec la loi.
Les conditions requises par la loi sont précisées aux articles 136 et 137, à savoir, d’une part,
que les faits soient bénins et que l’enfant ne soit récidiviste, et d’autre part, que les faits
soient punissables de moins de dix ans de servitude pénale et que le Président du Tribunal
pour enfants décide de ne pas engager la procédure judiciaire.
L’article 12 de l’Ensemble des règles minima stipule que « Pour s'acquitter au mieux de leurs
fonctions, les officiers de police qui s'occupent fréquemment ou exclusivement de mineurs ou
qui se consacrent essentiellement à la prévention de la délinquance juvénile doivent recevoir
une instruction et une formation spéciales. Dans les grandes villes, des services de police
spéciaux devraient être créés à cette fin ».
Le commentaire de cet article souligne la nécessité d'une formation spécialisée pour tous les
responsables de l'application des lois qui participent à l'administration de la justice pour
mineurs. Comme la police est toujours le premier intermédiaire avec l'appareil de la justice
pour mineurs, ses fonctionnaires doivent agir de façon judicieuse et nuancée.
Même si le rapport entre l'urbanisation et la criminalité est très complexe, poursuit-on dans le
commentaire de l’article 12, on associe souvent l'accroissement de la délinquance juvénile au
développement des grandes villes, surtout s'il est rapide et anarchique. Des services de police
spécialisés seraient donc indispensables, non seulement pour appliquer les principes énoncés
dans le présent instrument (par exemple pour améliorer et perfectionner la compétence du
personnel de ces services, en particulier ses méthodes, approches et attitudes) mais encore,
d'une façon plus générale, pour améliorer l'efficacité de la prévention.
La loi congolaise ° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant prévoit une
Brigade spéciale de protection de l’enfant parmi les organes de protection sociale de l’enfant
(article 74.4). Relevant du ministère ayant la police dans ses attributions, elle a pour mission
de surveiller les enfants et d’assurer la prévention générale (article 77).
90
Il est prévu qu’un arrêté du ministre ayant les affaires intérieures dans ses attributions fixe
l’organisation de la Brigade spéciale de protection de l’enfant.
Cependant, on pourrait retenir le point 5 de l’article 13 de l’Ensemble des règles minima qui
stipule que « Pendant leur détention préventive, les mineurs doivent recevoir les soins, la
protection et toute l'assistance individuelle – sur les plans social, éducatif, professionnel
psychologique, médical et physique – qui peuvent leur être nécessaires eu égard à leur âge, à
leur sexe et à leur personnalité ».
Même s’il ne s’agit pas de la détention préventive proprement dite, le contenu de cette
disposition peut s’appliquer aux conditions de garde des enfants avant leur déferrement au
Tribunal pour enfants ou à celles de placement provisoire des enfants avant de statuer sur le
fond de l’affaire. Les conditions du lieu de garde ou de placement provisoire doivent
permettre aux enfants de recevoir les soins, la protection et toute l'assistance individuelle –
sur les plans social, éducatif, professionnel psychologique, médical et physique – qui peuvent
leur être nécessaires eu égard à leur âge, à leur sexe et à leur personnalité.
Section 3 : Les règles minima relatives au jugement et au règlement des affaires des
enfants
Les règles minima relatives au jugement et au règlement des affaires des enfants concernent :
91
La célérité (éviter les délais inutiles) ;
La confidentialité des archives concernant les enfants ;
Les compétences professionnelles et la formation permanente des personnes chargées
des affaires concernant les mineurs.
§1. L’autorité compétente pour juger une affaire concernant un enfant accusé d’être en
conflit avec la loi.
Selon l’article 14 de l’Ensemble des règles minima, l’autorité compétente pour juger une
affaire concernant les enfants doit être soit l’organe chargé d’appliquer le mécanisme
extrajudiciaire soit l'autorité compétente pour mener la procédure judiciaire (cour, tribunal,
etc.).
Dans le cas de la République Démocratique du Congo, deux instances sont compétentes pour
connaître une affaire concernant un enfant accusé d’être en conflit avec la loi : le comité de
médiation et le Tribunal pour enfant (articles 94 et 135 de la loi).
L’article 15 de l’Ensemble des règles minima prévoit que « Tout au long de la procédure, le
mineur a le droit d'être représenté par son conseil ou de demander la désignation d'un avocat
d'office, lorsque des dispositions prévoyant cette assistance existent dans le pays ». Les
services du Conseil ou de l'avocat d'office sont nécessaires pour assurer une assistance
juridique au mineur.
Cet article prévoit, par ailleurs, que les parents ou le tuteur peuvent participer à la procédure
et peuvent être priés de le faire, dans l'intérêt du mineur, par l'autorité compétente. Car la
famille reste le cadre prioritaire de socialisation et de protection de l’enfant. Et le rôle des
parents ou tuteur consiste à faire bénéficier au mineur par leur présence et leur participation
au procès une assistance générale, psychologique et affective. Ce rôle persiste tout au long de
la procédure. Et la recherche d'une solution adéquate par l'autorité compétente peut
notamment être facilitée par la coopération des représentants légaux du mineur (parents ou
tuteur) ou d'une autre personne en laquelle le mineur peut avoir ou a effectivement confiance
(son avocat ou parfois l’assistant social).
Mais l’autorité compétente peut toutefois refuser aux parents ou tuteurs toute participation au
procès si elle a des raisons de supposer que cette exclusion est nécessaire dans l'intérêt du
mineur. C’est notamment le cas lorsque la présence des parents ou du tuteur joue un rôle
négatif à l'audience, par exemple s'ils manifestent une attitude hostile à l'égard du mineur162.
162
Ensemble des règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs, commentaire à l’article
15.
92
La loi congolaise de protection de l’enfant de 2009 prévoit, d’une part, le droit de tout enfant
« à un milieu familial, cadre idéal où ses besoins matériels, moraux et affectifs sont pris en
compte pour son épanouissement » (article 17), d’autre part, l’assistance de l’enfant accusé
d’être en conflit avec la loi par ses parents ou tuteurs et obligatoirement par un conseil de son
choix ou désigné d’office par le juge des enfants parmi les garanties procédurales prescrites à
peine de nullité de toute la procédure (article 104).
L’article 16 de l’Ensemble des règles minima stipule que « Dans tous les cas, sauf pour les
petites infractions, avant que l'autorité compétente ne prenne une décision définitive préalable
à la condamnation, les antécédents du mineur, les conditions dans lesquelles il vit et les
circonstances dans lesquelles le délit a été commis font l'objet d'une enquête approfondie de
façon à faciliter le jugement de l'affaire par l'autorité compétente ».
Les rapports de ces enquêtes sociales constituent une aide indispensable dans la plupart des
cas de poursuites judiciaires contre les enfants accusés d’être en conflit avec la loi. Ils
permettent à l’autorité compétente (juge des enfants) d’« être informée des éléments
importants concernant le mineur, tels que ses antécédents sociaux et familiaux, sa scolarité,
ses expériences en matière d'éducation, etc. ».
Une telle enquête n’est pas prévue devant le comité de médiation. Car l’objectif de la
médiation est essentiellement d’amener les parties à trouver un compromis sur la réparation
de manière à favoriser la réinsertion sociale de l’enfant. L’enquête sociale semble constituer
un élément essentiel de la procédure judiciaire.
Le commentaire de l’article 17 de l’Ensemble des règles minima, qui est consacré aux
principes directeurs régissant le jugement et la décision dans les affaires des mineurs relève
que la principale difficulté que présente la formulation de principes directeurs régissant le
jugement de mineurs tient au fait qu'il subsiste des conflits non résolus entre certaines options
fondamentales, notamment les suivantes :
Le conflit entre ces options, poursuit-on dans le commentaire de l’article sous examen, est
plus grave dans le cas des mineurs que dans celui des adultes. Devant la grande diversité des
causes et des réactions qui caractérisent les affaires concernant les mineurs, on constate que
toutes ces questions sont étroitement liées.
93
Aussi l’article 17 de l’Ensemble des règles stipule-t-il que la décision de l'autorité
compétente doit s'inspirer des principes suivants :
Il est prévu aussi que l'autorité compétente a le pouvoir d'interrompre la procédure à tout
moment (article 17.4). Ce pouvoir d'interrompre à tout moment la procédure est une
caractéristique inhérente au traitement des jeunes délinquants par opposition aux adultes. Des
circonstances qui font que l'arrêt total des poursuites offre la meilleure solution peuvent à tout
moment venir à la connaissance de l'autorité compétente.
Si tous ces principes sont pris en compte dans la procédure de jugement des mineurs, ils
pourraient contribuer très utilement à assurer la protection des droits fondamentaux des
jeunes, notamment en matière d'épanouissement personnel et d'éducation163.
Dans le cadre de la justice des mineurs, des solutions strictement punitives ne conviennent
pas. En effet, relève-t-on, « alors que s'agissant d'adultes et peut-être aussi dans les cas de
délits graves commis par des jeunes les notions de peine méritée et de sanctions adaptées à la
gravité du délit peuvent se justifier relativement, dans les affaires de mineurs, l'intérêt et
l'avenir du mineur doivent toujours l'emporter sur des considérations de ce genre »164.
Par ailleurs, on encourage le recours, dans toute la mesure possible, à des solutions autres que
le placement en institution, en gardant à l'esprit le souci de répondre aux besoins spécifiques
des jeunes. Ainsi, il faut faire pleinement appel à tout l'éventail existant des sanctions de
rechange et mettre au point de nouveaux types de sanctions, tout en gardant à l'esprit la
notion de sécurité publique165.
Il apparaît qu’au regard de tous ces principes directeurs relatifs au jugement et à la décision
dans une affaire concernant l’enfant accusé d’être en conflit avec la loi, la procédure de la
médiation parait tout à fait indiqué, en raison de sa caractéristique de concilier les intérêts en
présence. Elle mérite donc d’être encouragée.
L'article 18.1 énumère des décisions et sanctions importantes qui ont jusqu'à présent été
adoptées avec succès par différents systèmes judiciaires. Il s’agit des mesures suivantes :
Dans le cas de la République Démocratique du Congo, des ces mesures, on devrait exclure
naturellement l’amende qui constitue une peine. Car la législation congolaise consacre le
principe de l’irresponsabilité pénale du mineur.
Elles offrent des options intéressantes qui méritent d'être suivies et améliorées. En raison de
la pénurie de personnel compétent, possible dans certains pays, l'article 18 n'énumère pas les
besoins d'effectifs; dans ces pays, on pourra essayer ou rechercher des mesures exigeant
moins de personnel.
Le point commun de ces mesures, « c'est que la communauté joue un rôle important dans la
mise en œuvre des mesures prévues. Le redressement fondé sur l'action communautaire est
une méthode classique qui revêt désormais de nombreux aspects. Les communautés devraient
être encouragées à offrir des services de ce type »166.
L'article 18.2 de l’Ensemble des règles stipule qu’«Aucun mineur ne sera soustrait à la
surveillance de ses parents, que ce soit partiellement ou totalement, à moins que les
circonstances ne rendent cette séparation nécessaire ». On souligne ainsi l’importance de la
famille qui, selon le paragraphe 1er de l'article 10 du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, est « l'élément naturel et fondamental de la société ». A
l'intérieur de la famille, les parents ont non seulement le droit mais aussi le devoir d'entretenir
et de surveiller leurs enfants. Séparer les enfants de leurs parents constitue donc une mesure
grave à ne prendre qu'en dernier ressort, lorsque les faits la justifient pleinement. Il en est
ainsi, par exemple, des sévices infligés à l'enfant dans sa famille. L’exigence de prendre en
compte l’intérêt supérieur de l’enfant et son bien-être primerait dans ce cas sur le droit des
parents.
La loi congolaise de 2009 prévoit des mesures provisoires à l’article 106 et des mesures
définitives à l’article 113. Elles reconnaissent la primauté des pères et mères dans la garde et
l’éducation de l’enfant accusé d’être en conflit avec la loi. Elles reposent également sur
l’implication de la communauté à travers le recours aux couples de bonne moralité.
Cependant, la précarité des familles des enfants traduits en justice et la rareté des couples de
bonne moralité amènent les juges à préférer le placement en institution ou en milieu fermé.
166
Ensemble des règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs, commentaire à l’article
18.
95
§6. Le recours minimal au placement en institution
Selon l’article 19 de l’Ensemble des règles minima, « Le placement d'un mineur dans une
institution est toujours une mesure de dernier ressort et la durée doit en être aussi brève que
possible ».
La loi congolaise de protection de l’enfant de 2009 prévoit à l’article 106, parmi les mesures
provisoires que le juge des enfants peut prononcer, avant de statuer sur le fond, celle de
« soustraire l’enfant de son milieu et le confier provisoirement à un couple de bonne moralité
ou à une institution publique ou privée agréée à caractère social ». La loi précise par ailleurs
que « Le placement dans une institution publique ou privée agréée à caractère social ne peut
être envisagé que comme une mesure de dernier recours ».
L’article 20 de l’Ensemble de règles minima prévoit que « Toute affaire doit, dès le début,
être traitée rapidement, sans retard évitable ». Il s’agit de la célérité de la procédure
impliquant l’enfant.
On relève, en effet, que « La rapidité des procédures dans les affaires concernant les jeunes
délinquants est d'importance majeure. Sinon, toute solution satisfaisante que procédure et
jugement pourraient permettre sera compromise. Plus le temps passera plus le mineur
trouvera difficile, voire impossible, de relier intellectuellement et psychologiquement la
procédure et le jugement du délit ».
167
Ensemble des règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs, commentaire à l’article
19.
96
L’article 113 de la loi de 2009 prévoit un délai de huit jours (la huitaine) qui suit la prise en
délibéré de l’affaire pour rendre la décision.
La célérité de la procédure devrait aussi s’appliquer au comité de médiation, qui n’a pas
intérêt à laisser passer le temps, car lé médiation lui confiée par le Président du Tribunal est
déjà limitée dans le temps à 30 jours (article 140).
Les archives concernant les jeunes délinquants, stipule l’article 21 de l’Ensemble des règles
minima, « doivent être considérées comme strictement confidentielles et incommunicables à
des tiers ». L'accès en est limité aux personnes directement concernées par le jugement de
l'affaire en cause ou aux autres personnes dûment autorisées. Il est précisé, par ailleurs,
qu’« il ne pourra être fait état des antécédents d'un jeune délinquant dans des poursuites
ultérieures contre adultes impliquant le même délinquant ».
Il s’agit, relève-t-on dans les commentaires de cet article, d’établir « un équilibre entre des
intérêts contradictoires concernant des archives ou des dossiers, à savoir, d'une part, ceux de
la police, du parquet et des autres autorités soucieuses d'améliorer le contrôle et, d'autre part,
les intérêts du délinquant ». (Voir aussi l'article 8.)
Par « autres personnes dûment autorisées » on entend, par exemple, les personnes chargées de
recherches.
Il est précisé que les autorités compétentes pour prendre une décision peuvent être de
formation très différente, mais « pour toutes ces autorités, une connaissance minimale du
droit, de la sociologie et de la psychologie, de la criminologie et des sciences du
comportement est nécessaire, car elle est jugée aussi importante que la spécialisation ou
l'indépendance de l'autorité compétente »168.
On relève, par ailleurs, que « Les qualifications professionnelles sont un élément essentiel
pour assurer une administration impartiale et efficace de la justice pour mineurs ». Par
conséquent, poursuit-on dans les commentaires à l’article 22, « il faut améliorer le
recrutement, les perspectives d'avancement et la formation professionnelle du personnel et lui
donner les moyens de remplir ses fonctions comme il convient »169.
168
Commentaire à l’article 22.
169
Ibidem.
97
Par ailleurs, pour assurer l'impartialité dans l'administration de la justice pour mineurs, il faut
éviter toute discrimination d'ordre politique, social, sexuel, racial, religieux, culturel ou autres
dans la sélection, la nomination et l'avancement professionnel du personnel de
l'administration de la justice pour mineurs. On devrait également assurer un traitement juste
et équitable aux femmes dans le personnel de la justice pénale et prendre des mesures
spéciales pour recruter, former et faciliter l'avancement professionnel du personnel féminin
dans l'administration de la justice pour mineurs170.
Cette exigence de formation et de recyclage concerne aussi les membres des comités de
médiation dans la justice des mineurs.
Les règles minima relatives au traitement des mineurs en conflit avec la loi en milieu ouvert
concernent :
Compte tenu de l’incidence que peut avoir pendant longtemps l’exécution de la décision prise
contre un enfant par une autorité compétente (Tribunal pour enfants) sur sa vie, l’article 23 de
l’Ensemble des règles minima stipule qu’il importe que l’autorité elle-même ou une autre
autorité veille à cette exécution. On pourrait même admettre la modification de cette décision
pour que l’exécution en soit plus adaptée aux circonstances de l’enfant.
La loi congolaise de 2009 dispose, en son article 129 que « Le juge veille à l’exécution de
toutes les mesures qu’il a prises à l’égard de l’enfant. Il est aidé par l’assistant social
territorialement compétent ». Elle prévoit également la révision (le rapport ou le retrait ou
encore la modification) par le juge des mesures prises à l’égard de l’enfant, soit en tout
temps, soit spontanément, soit à la demande de l’enfant, de ses parents ou représentants
légaux, ou même de toute personne intéressée, soit sur rapport de l’assistant social (article
125). Dans tous les cas, ces mesures font l’objet d’une révision tous les trois ans.
La loi de 2009 prévoit aussi, en ce qui concerne la médiation, que lorsqu’elle aboutit, le
compromis signé par les différentes parties , est revêtu, sans délai, de la formule exécutoire
par le président du tribunal pour enfants (article 141).
170
Ibidem.
98
professionnelle, d'emploi ou autre forme d'aide utile et pratique en vue de faciliter la
réinsertion.
Cette préoccupation demeure également lorsque la procédure de médiation est engagée dans
une affaire d’enfants accusés d’être en conflit avec la loi. C’est avec le concours de
l’assistant social que cette assistance pourrait être recherchée et obtenue. C’est ainsi que la
loi de 2009 prévoit en ce qui concerne le travail d’intérêt général, la prestation qui en
constitue l’objet, est accomplie sous la supervision de l’assistant social.
L’article 25 de l’Ensemble des règles minima insiste à nouveau sur l’extrême importance de
rechercher la réinsertion de l’enfant (mineur) en demandant à des volontaires, aux
organisations bénévoles, aux institutions locales et aux autres services communautaires de
contribuer efficacement à cette réinsertion du mineur dans un cadre communautaire et, autant
que possible, à l'intérieur de la cellule familiale. Toutes les activités concernant les enfants
doivent donc être orientées vers la réinsertion.
Les règles minima relatives au traitement des mineurs en conflit avec la loi en institution
concernent :
La formation et le traitement des mineurs placés en institution doivent avoir pour objet de
leur assurer assistance, protection, éducation et compétences professionnelles, afin de les
aider à jouer un rôle constructif et productif dans la société (article 26.1 de l’Ensemble des
règles).
Les enfants placés en institution devront aussi recevoir l'aide, la protection et toute
l'assistance – sur le plan social, éducatif, professionnel, psychologique, médical et physique –
qui peuvent leur être nécessaires eu égard à leur âge, à leur sexe et à leur personnalité et dans
l'intérêt de leur développement harmonieux (article 26.2). « L'assistance médicale et
psychologique, en particulier, est extrêmement importante pour les jeunes drogués, violents
ou malades mentaux placés en institution »171.
171
Commentaire à l’article 26.2 de l’Ensemble des règles.
99
La séparation des enfants placés en institution avec les adultes et avec les détenus doit
absolument être observée comme le stipule l’article 26.3 de l’Ensemble des règles minima
par souci d'éviter les influences négatives des délinquants adultes et de garantir le bien-être
des mineurs placés en institution. Cette séparation pourra être réalisée soit par l’existence
d’un établissement distinct soit dans une partie distincte d'un établissement qui abrite aussi
des adultes.
Les enfants de sexe féminin placées en institution doivent bénéficier aussi d'une attention
spéciale en ce qui concerne leurs besoins et leurs problèmes propres (article 26.4). Et on
devra éviter toute forme de discrimination à leur égard comparativement avec les conditions
de placement des enfants de sexe masculin. En aucun cas, stipule m’article 26.4), l'aide, la
protection, l'assistance, le traitement et la formation dont elles bénéficient ne doivent être
inférieurs à ceux dont bénéficient les garçons. Un traitement équitable doit leur être assuré.
L’enfant placé en institution, doit jouir de son droit de recevoir la visite de ses parents ou du
tuteur dans son intérêt et pour son bien-être (article 26.6).
Par ailleurs, une formation scolaire ou, s'il y a lieu, professionnelle adéquate aux mineurs
placés en institution doit leur être assurée, moyennant une coopération entre les ministères et
les services, pour qu'ils ne soient pas désavantagés dans leurs études en quittant cette
institution (article 26.7).
§2. L’application de l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus adopté
par l'Organisation des Nations Unies
L'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et les recommandations qui s'y
rapportent sont applicables dans la mesure où ils concernent le traitement des enfants placés
en institution, y compris les jeunes adultes qui sont en détention préventive. La mise en
œuvre des principes pertinents énoncés dans cet instrument (locaux de détention, architecture,
literie, vêtements, plaintes et demandes des détenus, contact avec le monde extérieur,
alimentation, services médicaux, service religieux, séparation selon l'âge, personnel, travail,
etc.) pourrait permettre de répondre aux divers besoins des mineurs, propres à leur âge, à leur
sexe et à leur personnalité172. On devrait se référer actuellement aux Règles de Mandela de
2015.
L’article 29.1 de l’Ensemble des règles minima prescrit de créer des régimes de semi-
détention notamment dans des établissements tels que les centres d'accueil intermédiaires, les
foyers socio-éducatifs, les externats de formation professionnelles et autres établissements
appropriés propres à favoriser la réinsertion sociale des mineurs.
172
Article 27 de l’Ensemble des règles minima concernant l’administration de la justice pour mineurs.
100
En effet, l’importance de l'encadrement au sortir d'une institution est évidente. D’où la
nécessité de créer, sous diverses modalités, des régimes de semi-détention en organisant toute
une gamme de moyens et de services destinés à satisfaire les besoins divers des jeunes
délinquants rentrant dans la communauté et de leur fournir une orientation et des institutions
de soutien pour contribuer au succès de leur réinsertion sociale.
Ces recherches pourront permettre de revoir et d'évaluer périodiquement les tendances, les
problèmes, les sens, structures et processus de la délinquance juvénile, ainsi que les divers
besoins propres aux mineurs incarcérés. Et l’intégration d’un dispositif permanent de
recherche et d'évaluation dans le système d'administration de la justice pour mineurs pourra
permettre de rassembler et d'analyser les données et informations pertinentes dont on a besoin
pour l'évaluation appropriée, l'amélioration future et la réforme de l'administration de la
justice pour les mineurs.
173
Commentaire à l’article 30 de l’Ensemble des règles minima.
101
Chapitre 2 : Les normes relatives aux droits de l’enfant : la Convention relative aux
droits de l’enfant
La Convention relative aux droits de l’enfant est un document qui a transformé la situation
juridique de l’enfant : d’objet de protection, il est devenu sujet ou titulaire des droits. Dans le
préambule de la Convention, on réaffirme le fait que les enfants ont besoin d’une protection
et une assistance particulières en raison de leur vulnérabilité : « l'enfant, en raison de son
manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection spéciale et de soins
spéciaux, notamment d'une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance
»174.
La Convention elle-même comprend trois parties : la première partie définit les principes
fondamentaux ainsi que les différents droits reconnus à l’enfant (articles 1 à 41). La
deuxième partie est consacrée au comité des droits de l’enfant (articles 42 à 45), et la
troisième partie est consacrée aux dispositions finales (articles 46 à 54).
Dans cette troisième partie du premier module, nous allons exposer les principes
fondamentaux relatifs à la protection de l’enfant, les différents droits reconnus à l’enfant ainsi
que les dispositions de la convention relatives à l’administration de la justice pour mineurs
(articles 40 à 41).
La Convention définit l’enfant comme « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf
si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ».
Cette définition consacre l’existence des disparités entre les États sur l’âge limite au-delà
duquel un être humain ne peut plus être considéré comme un « enfant », c’est-à-dire un sujet
174
Convention relative aux droits de l’enfant, résumé officieux des principales dispositions, préambule.
175
Ibid.
176
Ibid.
102
immature sur le plan physique et intellectuel et donc un être vulnérable, nécessiteux d’une
attention spéciale (d’une protection particulière différente de celle que l’Etat reconnaît aux
adultes). Ces disparités sont tributaires des différents contextes culturels des États. La
formulation de la définition de l’enfant à partir de l’âge limite et conventionnel de 18 ans,
laisse croire que la Convention admet que dans certaines législations, on retienne un âge
inférieur pour définir l’enfant. Mais en dépit de cette disparité sur la limite d’âge, toute
personne considérée comme un enfant, bénéficie des droits définis par la Convention.
Dans la législation congolaise de 2009, c’est l’âge de 18 ans qui a été retenue pour permettre
de définir un enfant (article 2.1).
Le principe de non discrimination est consacré dans tous les instruments pertinents de droits
de l’homme. Ce principe engage les
États parties à respecter les droits qui sont énoncés dans la Convention et à les garantir à tout
enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute
considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre
de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou
sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre
situation.
Par conséquent, ce principe engage les États parties, d’une part, à assurer à l'enfant la
protection et les soins nécessaires à son bien-être au cas où ses parents, ses tuteurs ou les
autres personnes légalement responsables de lui, en seraient incapables, et d’autre part, à
prendre à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.
C’est pourquoi la loi de 2009 portant protection de l’enfant dispose en son article 69 que
« Les parents incapables d’assurer la survie de leur enfant bénéficient d’une assistance
matérielle ou financière de l’État.
Un arrêté interministériel des ministres ayant dans leurs attributions, la famille, l’enfant et les
affaires sociales fixe les conditions d’intervention de l’État ». Cet arrêté n’est pas encore
103
rendu disponible, car il paraît difficile de déterminer, dans le contexte congolais de pauvreté
matérielle de nombreuses familles, les critères objectifs pouvant identifier les familles
susceptibles de bénéficier de cette assistance matérielle ou financière de l’État.
Dans le contexte congolais, il est difficile d’affirmer que les pavillons IX et X de la prison
centrale de Makala, où sont placés les enfants par les juges soit au titre de mesure provisoire,
soit au titre de mesure définitive, soit conforme au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant,
particulièrement en ce qui concerne sa santé.
Ce constat devrait amener les juges des enfants à envoyer plusieurs dossiers des enfants
accusés d’être en conflit avec la loi devant les comités de médiation. Et une médiation
concluante épargne l’enfant des inconvénients non seulement de la procédure judiciaire mais
surtout de ceux de son lieu de placement ou d’internement. Car l’enfant retourne aussitôt en
famille.
§4. L’engagement des États à la mise en œuvre effective des droits définis par la
convention (article 4)
Une des questions épineuses de la définition des droits de l’homme de manière générale est
celle de leur mise en œuvre effective par les États, compte tenu du fait que les premiers
agents de la violation des droits définis dans les instruments juridiques sont précisément les
agents de l’État. C’est pourquoi, pour assurer la mise en œuvre effective des droits reconnus à
l’enfant par la Convention, celle-ci a engagé les États à prendre toutes les mesures
législatives, administratives et autres qui paraissent nécessaires. Conscients des ressources
limitées dont certains États disposent pour prendre ces mesures dans les cas des droits
économiques, sociaux et culturels, la Convention a prévu que ces États puissent prendre ces
mesures dans le cadre de la coopération internationale.
104
§5. Le principe de la responsabilité et du droit des parents pour déterminer
l’orientation de l’enfant (article 5)
105
22) Le droit de l’enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement
physique, mental, spirituel, moral et social (article 27)
23) Le droit de l’enfant à l’éducation visant à favoriser l’épanouissement de sa personnalité,
le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques (articles 28 et
29)
24) Le droit de l’enfant appartenant à une population autochtone ou à une minorité de jouir
de sa propre vie culturelle, de pratiquer sa propre religion et d’employer sa propre
langue (article 30)
25) Le droit de l’enfant aux loisirs, au jeu et de participer aux activités culturelles et
artistiques (article 31)
26) Le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à
aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou
de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social
(article 32).
27) Le droit de l’enfant d’être protégé contre l'usage illicite de stupéfiants et de substances
psychotropes, son utilisation pour la production et le trafic illicites de ces substances
(article 33)
28) Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de
violence sexuelle (article 34)
29) Le droit de l’enfant d’être protégé contre l’enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à
quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit (article 35)
30) Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes autres formes d'exploitation
préjudiciables à tout aspect de son bien- être (article 36)
31) Le droit de l’enfant de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, ni à la peine capitale ni à l'emprisonnement à vie, de
ne pas être privé de sa liberté de façon illégale ou arbitraire, et d’être traité avec
humanité et respect dû à la dignité de sa personne en tenant compte des besoins des
personnes de son âge (article 37)
32) Le droit de l’enfant d’être protégé en cas de conflit armé et contre sa participation
directe aux hostilités (article 38)
33) Le droit de l’enfant victime de toute forme de négligence, d'exploitation ou de sévices,
de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, ou de conflit armé de bénéficier de la réadaptation physique et
psychologique et de la réinsertion sociale dans des conditions qui favorisent la santé, le
respect de soi et la dignité de l'enfant (article 39)
34) Le droit de l’enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale de
bénéficier d’un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la
valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l'homme et les libertés
fondamentales d'autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de
faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au
sein de celle-ci (droit à un traitement judiciaire spécial et à un procès équitable) (article
40).
106
Section 3 : Les dispositions de la convention relative aux droits de l’enfant sur
l’administration de la justice pour mineurs
§1. Le droit de tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale de
bénéficier d’un traitement spécial
Aux termes de l’article 40.1. de la convention, tout enfant suspecté, accusé ou convaincu
d'infraction à la loi pénale bénéficie du droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son
sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de
l'homme et les libertés fondamentales d'autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la
nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif
au sein de celle-ci.
a) Le respect du principe de la légalité des délits (article 40.2 a) : aucun enfant ne doit être
suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale en raison d'actions ou
d'omissions qui n'étaient pas interdites par le droit national ou international au moment
où elles ont été commises.
b) Le droit tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale aux garanties
procédurales suivantes (article 40.2.b):
Etre présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie;
Etre informé dans le plus court délai et directement des accusations portées contre lui,
ou, le cas échéant, par l'intermédiaire de ses parents ou représentants légaux :
Bénéficier d'une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée pour la
préparation et la présentation de sa défense;
La célérité de la procédure : que sa cause soit entendue sans retard par une autorité ou
une instance judiciaire compétentes, indépendantes et impartiales, selon une procédure
équitable aux termes de la loi, en présence de son conseil juridique ou autre et, à moins
que cela ne soit jugé contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant en raison notamment de
son âge ou de sa situation, en présence de ses parents ou représentants légaux;
Ne pas être contraint de témoigner ou de s'avouer coupable;
Interroger ou faire interroger les témoins à charge, et obtenir la comparution et
l'interrogatoire des témoins à décharge dans des conditions d'égalité;
Le droit de faire appel devant une autorité ou une instance judiciaire supérieure
compétentes, indépendantes et impartiales contre toute décision qui reconnaît qu’il a
enfreint la loi pénale ;
Se faire assister gratuitement d'un interprète s'il ne comprend ou ne parle pas la langue
utilisée;
Le plein respect de sa vie privée à tous les stades de la procédure.
107
§3. La nécessité des lois, des procédures, des autorités et des institutions spéciales pour
les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale :
a) Établissement d’un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés
n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale177;
b) La nécessité de la déjudiciarisation : prendre des mesures, chaque fois que cela est
possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire,
étant cependant entendu que les droits de l'homme et les garanties légales doivent être
pleinement respectés178.
Aux termes de l’article 40.4 de la Convention, toute une gamme de dispositions, relatives
notamment aux soins, à l'orientation et à la supervision, aux conseils, à la probation, au
placement familial, aux programmes d'éducation générale et professionnelle et aux solutions
autres qu'institutionnelles seront prévues en vue d'assurer aux enfants un traitement conforme
à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l'infraction.
177
La loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant a fixé cet âge à moins de 14 ans. Les
enfants âgés de moins de 14 ans, bénéficient de la présomption irrefragable d’absence de discernement (articles
95 et 96).
178
La loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant a consacré la procédure de médiation, qui
permet d’épargner l’enfant accusé d’être en conflit avec la loi, des inconvénients d’une procédure judiciaire
(article 133). La procédure de médiation doit, cependant, respecter toutes les garanties fondamentales d’un
procès équitable.
108
TITRE IV : L’ANALYSE DE LA LOI DE PROTECTION DE L’ENFANT ET SES
MESURES D’APPLICATION
Introduction
Dans le premier module, nous avons abordé en trois parties, les normes internationales de
protection de l’enfant, particulièrement l’Ensemble des règles minima des Nations Unies
concernant l’administration de la justice pour mineurs et la Convention relative aux droits de
l’enfant. Ces textes internationaux ont prévu des normes générales constituant un standard
minimum de manière à parvenir à un consensus au niveau mondial compte tenu de la
diversité des particularités nationales et culturelles. Sur la base de ces standards
internationaux, il revient à chaque État de les intégrer dans sa législation en levant des
options sur des aspects qu’ils ont laissé à la souveraineté de chaque État.
- L’institution d’une juridiction spécifique pour les enfants au niveau du district présidée
par le juge de district. Plus tard, cette compétence fut dévolue aux tribunaux de paix à
travers sa chambre d’enfance délinquante.
109
la mise à la disposition du gouvernement pour être interné dans un
Etablissement de garde et d’éducation de l’Etat (EGEE). Pour la ville de
Kinshasa, il y avait l’EGEE Madimba et Mbenseke Futi, qui sont actuellement
en état de délabrement.
- Les faits donnant lieu à l’application de ces mesures de garde étaient les suivants: le
vagabondage et la mendicité, l’indiscipline ou l’inconduite notoire avec plainte en
correction paternelle, la débauche, les jeux de hasard, les trafics, la prostitution, les faits
infractionnels ou manquements. Il en résulte que l’enfance délinquante englobait non
seulement les faits infractionnels, mais aussi les actes de déviance des enfants.
- La révision par le juge des mesures prises à l’égard de l’enfant tous les trois ans.
- L’organisation des voies de recours (appel et cassation) contre les décisions du juge des
enfants, l’opposition n’étant pas admise pour l’enfant et le Ministère public.
Et dans la pratique judiciaire, les magistrats du parquet exerçaient des poursuites pénales
contre les enfants âgés de 16 ans considérés comme des majeurs sur le plan pénal, les plaçant
en détention notamment sous mandat d’arrêt provisoire dans les cachots et amigos dans les
mêmes conditions que les adultes. Et les tribunaux pénaux ordinaires prononçaient
notamment des peines de servitude pénale contre les enfants âgés de 16 ans. Ces derniers se
retrouvaient ainsi en prison, mélangés avec des condamnés adultes. Pour leur part, les
organisations de défense des droits de l’enfant s’insurgeaient contre ces pratiques judiciaires
et pénitentiaires qu’elles estimaient contraires aux standards internationaux.
110
Par ailleurs, la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006
prévoyait des dispositions spécifiques sur l’enfant, notamment à son article 41, qui dispose :
L’enfant mineur est toute personne, sans distinction de sexe, qui n’a pas encore atteint 18 ans révolus.
Tout enfant a le droit de connaître les noms de son père et de sa mère.
Il a également le droit de jouir de la protection de sa famille, de la société et des pouvoirs publics.
L’abandon et la maltraitance des enfants, notamment la pédophilie, les abus sexuels ainsi que
l’accusation de sorcellerie sont prohibés et punis par la loi.
Les parents ont le devoir de prendre soin de leurs enfants et d’assurer leur protection contre tout acte de
violence tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du foyer.
Les pouvoirs publics ont l’obligation d’assurer une protection aux enfants en situation difficile et de
déférer, devant la justice, les auteurs et les complices des actes de violence à l’égard des enfants.
Toutes les autres formes d’exploitation d’enfants mineurs sont punies par la loi.
C’est pour harmoniser la législation congolaise avec ces standards internationaux et éviter de
stigmatiser comme délinquants les enfants qui n’avaient commis aucun acte de délinquance
(cas des enfants vagabonds, mendiants, ou qui étaient dans l’inconduite notoire ou encore se
livrant à la prostitution, aux jeux et trafics), et avec les dispositions de la Constitution du 18
février 2006, que la loi de 2009 fut adoptée.
Les dispositions générales de la loi portent, d’une part, sur l’objet, les définitions et les
principes généraux de protection de l’enfant, et d’autre part, sur
L’objet de cette loi, précisé à son article 1er, est de déterminer les principes fondamentaux
relatifs à la protection et à la promotion des droits de l’enfant en République Démocratique
du Congo.
Pour sa validité juridique, la loi du 10 janvier 2009 est conforme aux articles 122, point 6,
123, point 16 et 149, alinéa 5 de la Constitution.
La loi définit, à son article 2, les expressions suivantes utilisées dans la loi :
Consacré à l’article 4, ce principe dispose que tous les enfants sont égaux devant la loi et ont
droit à une égale protection.
Consacré à l’article 5, il interdit tout acte discriminatoire à l’égard des enfants. En d’autres
termes, il interdit d’exclure arbitrairement tout enfant quelconque dans la jouissance des
179
Cette définition de l’enfant en conflit avec la loi mérite d’être corrigée, car elle ne semble pas reconnaître le
droit de l’enfant à la présomption d’innocence. On aurait dû le définir comme un enfant accusé ou reconnu
d’avoir commis un manquement qualifié d’infraction à la loi pénale.
112
droits garantis dans la loi de 2009 à cause de sa race, de sa couleur, de son sexe, de sa langue,
de sa religion, de ses opinions politiques ou de ses toutes autres opinions, de celles ses
parents et représentants légaux, de son origine nationale, ethnique, tribale ou sociale, de sa
fortune, de sa santé, de son handicap physique (ou mental), de son incapacité, de son âge, de
son appartenance à une minorité nationale, de sa naissance, de sa situation familiale ou de
toute autre situation.
En vertu de ce principe posé à l’article 6 de la loi, l’intérêt supérieur de l'enfant doit être une
préoccupation primordiale dans toutes les décisions et mesures prises à son égard.
Posé à l’article 7, ce principe voudrait que tout enfant capable de discernement ait le droit
d’exprimer son opinion sur toute question l’intéressant et que ses opinions soient dûment
prises en considération, eu égard à son âge et à son degré de maturité.
Aux termes de l’article 8 de la loi, outre la procédure judiciaire, il est prévu le recours à
l’accompagnement psychosocial et à la médiation en tant que mécanismes de résolution à
l’amiable des questions concernant l’enfant accusé d’être en conflit avec la loi.
Il y a lieu de noter que l’accompagnement psychosocial concerne plutôt les enfants âgés de
moins de 14 ans, qui ne rentrent pas dans la définition de l’enfant en conflit avec la loi
donnée à l’article 2.9.
On pourrait donc corriger cette disposition de l’article 8 en l’élargissant à tout enfant accusé
d’avoir commis un manquement qualifié d’infraction à la loi pénale. Dans ce cas, on inclura
aussi les enfants âgés de 14 ans (en conflit avec la loi) que ceux qui n’ont pas cet âge, et qui
bénéficient de la présomption irréfragable d’absence de discernement.
113
Et la loi de 2009 incrimine les actes de torture infligés à un enfant à son article 151 repris ci-
dessous :
« Le fait de soumettre un enfant à la torture est puni de un à cinq ans de servitude pénale principale et
d’une amende de cinq cent mille à un million de francs congolais ».
La peine encourue, dispose l’article 152, « est portée à la servitude pénale à perpétuité lorsque les
tortures ou les actes de brutalité, de cruauté, d’odieuses souffrances, de privation ou de séquestration
susceptibles de porter atteinte à sa santé physique ou mentale ainsi qu’à son équilibre affectif et
psychologique ont entraîné la mort ».
Il faut entendre par torture, tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou
mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment de :
1. obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux ;
2. la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis ;
3. l’intimider ou faire pression sur elle, d’intimider, de faire pression sur une tierce personne, ou
pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle
douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute
autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou
tacite ».
Cela ne devrait pas laisser entendre qu’en République Démocratique du Congo, la peine de
mort peut être prononcée contre un enfant. En effet, la Convention relative aux droits de
l’enfant, ainsi reproduite en droit interne, constitue un standard minimum de protection de
l’enfant. Elle laisse aux Etats parties la possibilité dans leurs législations nationales d’adopter
des mesures plus favorables au bénéfice des enfants. Contrairement aux Etats qui admettent
la responsabilité pénale des personnes âgées de moins de dix-huit ans parce qu’ils
retiendraient un âge plus bas pour définir un enfant (de 12 à 17 ans, par exemple), en
République Démocratique du Congo, nous avons fait l’option depuis le décret du 6 décembre
1950 sur l’enfance délinquante, d’adopter la présomption irréfragable d’irresponsabilité
pénale au bénéfice des personnes âgées de moins de 18 ans. En vertu de cette présomption,
aucune peine ne peut être prononcée à l’encontre d’un enfant.
C’est pourquoi, le législateur de 2009 n’aurait pas dû copier aveuglement cette disposition de
la Convention. Il aurait dû simplement exclure la peine de mort tout comme il avait remplacé
« l’emprisonnement à vie » par « l’internement à vie ».
114
Le principe interdisant de priver la liberté de l’enfant de façon illégale et arbitraire est posé
à l’article 10 de la loi, qui dispose qu’ « aucun enfant ne peut être privé de liberté de façon
illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou l'internement d'un enfant ne peuvent
être décidés qu’en conformité avec la loi. Ils ne peuvent être prononcés qu’en dernier
ressort pour une durée aussi brève que possible ».
Cet article reprend les dispositions de l’article 37 litera b) de la Convention relative aux
droits de l’enfant, selon lequel :
« Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou
l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort,
et être d'une durée aussi brève que possible ».
Le commentaire fait ci-dessus au sujet de la peine de mort vaut également ici concernant
l’arrestation arbitraire et la détention illégale d’un enfant. En effet, en République
Démocratique du Congo, l’arrestation arbitraire d’un enfant ne peut relever que d’un abus.
C’est pourquoi, la loi l’incrimine à l’article 161. Un enfant peut, cependant, être arrêté par
toute personne conformément aux dispositions sur la flagrance (article 6 du Code de
procédure pénale) ou par un agent des forces de l’ordre (policiers, gendarmes, militaires en
service de l’ordre) à charge de le conduire auprès d’un officier de police judiciaire ou du
ministère public sans que cette arrestation soit arbitraire.
Tandis qu’en ce qui concerne la détention ou l’internement d’un enfant, les dispositions
légales peuvent concerner la garde d’un enfant avant de le présenter devant le juge des
enfants ou lorsqu’il est l’objet d’une mesure de placement provisoire ou définitif en milieu
fermé. Et à ce sujet, la loi de 2009 incrimine, à l’article 161, le fait de « détenir ou de faire
détenir un enfant par violence, ruses ou menaces ».
Cet article 11 de la loi reproduit l’article 37 litera c) de la Convention relative aux droits de
l’enfant qui stipule comme suit :
« Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne
humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout
enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans
l'intérêt supérieur de l'enfant, et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance
et par les visites, sauf circonstances exceptionnelles ».
Ces dispositions concernent le cas d’une arrestation ou d’une détention durant la phase
préjuridictionnelle opérées en conformité avec la loi. En République Démocratique du
Congo, cependant, cette disposition devrait s’appliquer également en cas placement
provisoire ou définitif d’enfant accusé d’être en conflit avec la loi dans un établissement
fermé.
115
Il nous semble, cependant, que les conditions de garde à titre provisoire ou définitif des
enfants à la Prison centrale de Makala, respectivement au pavillon IX pour les filles et au
pavillon X pour les garçons, ne répond pas au principe d’humanité et de proportionnalité.
« Les enfants privés de liberté aient le droit d'avoir rapidement accès à l'assistance juridique ou à toute
autre assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant
un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale, et à ce qu'une décision rapide
soit prise en la matière ».
Cette disposition, tout comme celle qui précède, consacre en fait des garanties procédurales
de l’enfant arrêté pour des faits infractionnels durant la phase préjuridictionnelle, qui
correspond à la détention préventive pour les adultes dans les pays qui admettent la
responsabilité pénale des personnes âgées de moins de 18 ans. En République Démocratique
du Congo, cependant, un enfant ne pouvant être placé en détention préventive en raison de la
présomption irréfragable d’irresponsabilité pénale, le fait de placer une personne âgée de
moins de 18 ans sous mandant d’arrêt provisoire ou sous une ordonnance de détention
préventive serait constitutif d’une détention illégale ou à l’aide de violences prévue et punie à
l’article 161 de la loi de 2009.
Aux termes de l’article 199 de la loi, en attendant l’organisation des structures appropriées de
la protection de l’enfant, celle-ci est assurée conformément aux mécanismes en vigueur non
contraires à la présente loi.
Il s’agit des mécanismes prévus par le décret du 6 décembre 1950 sur l’enfance délinquante,
qui ne sont pas contraires à la loi de 2009. Il en est ainsi des anciens EGEE, des centres de
prises en charge des enfants comme le CSK. Ces structures devraient continuer à fonctionner
en dépit de l’entrée en vigueur de la loi de 2009. Par contre, les pavillons IX et X de la Prison
centrale de Makala paraissent contraires à la loi de 2009.
L’article 200 de la loi dispose que les tribunaux de paix et les tribunaux de grande instance
restent compétents pour connaître respectivement en premier et second ressort des affaires
116
qui relèvent de la compétence des tribunaux pour enfants qui seront installés et
fonctionneront au plus tard dans les deux ans qui suivent la promulgation de la présente loi.
Dans les territoires et villes où les tribunaux pour enfants ne sont pas toujours installés alors
que la loi aura bientôt huit ans, ce sont les tribunaux de paix et de grande instance,
respectivement, qui exerceront les compétences que la loi de 2009 reconnaît à ces tribunaux.
C’est par exemple le tribunal de paix qui enverra les dossiers en comité de médiation ou qui
ordonnera le placement social prévu à l’article 63 de la loi, etc.
§2. Les défis à relever pour la mise en application effective de la loi de 2009
1. L’installation effective des tribunaux pour enfants dans l’ensemble du territoire national
dans chaque territoire et dans chaque ville et la formation des magistrats spécialisés, qui
y seront affectés ;
2. La formation des assistants sociaux et leur affectation dans les tribunaux pour enfants ;
3. La création ou la réhabilitation des structures de prise en charge des enfants en situation
difficile (placement dans une institution) ou en conflit avec la loi ;
4. L’éradication des systèmes parallèles de détention illégale des enfants au niveau des
commissariats et des parquets ;.
5. L’installation effective des unités spécialisées de la Brigade de protection de l’enfant et
la formation des éléments qui y œuvreront ;
6. L’installation effective du comité de médiation sur toute l’étendue du territoire national
et la formation de ses membres pour mettre en œuvre la procédure de médiation dans la
justice pour les enfants.
La loi de 2009 a prévu neuf arrêtés d’exécution et quatre décrets du premier ministre délibéré
en conseil des ministres :
1. L’arrêté du ministère du travail relatif aux travaux légers et salubres (article 54). Il
est déjà en vigueur.
118
2. L’arrêté du Ministre des Affaires Sociales portant réglementation du placement
social (article 63). Il est déjà en vigueur.
3. L’arrêté interministériel (Ministre de la Femme, Famille et Enfant et du Ministère
des Affaires sociales) sur l’assistance de l’Etat aux parents incapables d’assurer la
survie de leur enfants (article 69). Il n’est pas encore en vigueur.
4. L’arrêté du Ministre de la Justice portant protection d’un enfant accompagnant un
parent emprisonné (article 70). Il n’est pas encore en vigueur.
5. L’arrêté du Ministre des Affaires Sociales portant création d’un corps des assistants
sociaux (article 76). Il est déjà en vigueur
6. L’arrêté du Ministre de l’Intérieur portant organisation et fonctionnement de la
Brigade spéciale de protection de l’enfant (article 77). Elle n’est pas encore en
vigueur.
7. L’arrêté interministériel (Ministre de la Femme, Famille et Enfant et celui de
l’enseignement primaire, secondaire et professionnelle) portant création d’un
parlement et des comités des enfants (article 83).
8. L’arrêté du Ministre de la Justice portant regroupement de deux ou plusieurs
ressorts des tribunaux pour enfants (article 85). Il est déjà en vigueur.
9. L’arrêté interministériel (du Ministre de la Justice et du Ministre de la Famille,
Famille et Enfant) fixant l’organisation et le fonctionnement du comité de médiation
(article 135). Il est déjà en vigueur, mais la modification n’est pas encore signée par
le Ministre de la Justice.
119
Chapitre 2 : Les droits et devoirs de l’enfant
120
24) Le droit de l’enfant de ne pas faire l’objet de mesure discriminatoire en matière
d’éducation (article 39 de la loi).
25) Le droit de l’enfant placé dans une institution de grade ou de rééducation à la
protection sanitaire, physique, morale, psychique et psychologique ainsi qu’à
l’assistance sociale et éducative (article 40 de la loi).
26) Le droit de l’enfant déplacé, réfugié à la protection, à l’encadrement et à
l’assistance humanitaire (article 41 de la loi et 22 de la CDE).
27) Le droit de l’enfant vivant avec handicap physique ou mental à la protection, aux
soins médicaux spécifiques, à une éducation, à une formation, à la rééducation et
aux activités récréatives ainsi qu’à la préparation à l’emploi (article 42 de la loi et
23 de la CDE).
28) Le droit de l’enfant surdoué à une protection spéciale de l’Etat (article 43 de la
loi).
29) Le droit de l’enfant à un environnement sain et propice à son épanouissement
intégral, aux activités sportives, culturelles et récréatives (article 44 de la loi).
La loi consacre, à l’article 45, des devoirs suivants de l’enfant envers ses parents, sa famille,
la société, l’Etat, la communauté internationale, ainsi que vis-à-vis de lui-même :
1) Le devoir d’obéissance à ses parents, de respect envers les supérieurs et de leur porter
assistance en cas de besoin ;
2) Le devoir d’aller à l’école ;
3) Le devoir de respecter les droits, la réputation et l’honneur d’autrui ainsi que les lois
et règlements du pays ;
4) Le devoir de respecter son identité, les langues et les valeurs nationales ;
5) Le devoir de respecter l’environnement, les biens et lieux publics et de promouvoir la
qualité de vie pour tous ;
6) Le devoir d’œuvrer pour la cohésion de sa famille et pour le bien de la communauté et
de la nation ;
7) Le devoir d’œuvrer au respect des droits humains et des droits de l’enfant ;
8) Le devoir d’œuvrer à la sauvegarde de la santé et de la moralité publiques ;
9) Le devoir de contribuer à la préservation et au renforcement de la solidarité de la
communauté et de la nation ;
10) Le devoir de contribuer en toutes circonstances et à tous les niveaux à la promotion
des valeurs citoyennes et démocratiques, notamment la culture de la paix, la tolérance,
le dialogue, l’unité et l’indépendance nationale ;
11) Le devoir de saisir toutes les opportunités positives qui lui sont offertes par ses
parents, sa famille, sa communauté, l’Etat ainsi que la communauté internationale
pour son développement intégral.
121
Chapitre 3 : La protection sociale de l’enfant
Elle détermine, par ailleurs, les organes de la protection sociale de l’enfant en situation
ordinaire, difficile et exceptionnelle aux articles 74 à 83.
La protection sociale ordinaire de l’enfant en famille est organisée suivant les six modalités
suivantes :
o L’interdiction faite à tout géniteur d’ignorer son enfant qu’il soit né dans le mariage
ou hors mariage (article 47, alinéa 2).
La protection sociale ordinaire de l’enfant au travail est organisée par la loi selon les neuf
modalités suivantes :
o La fixation de l’âge minimum à l’emploi à 16 ans révolus (article 50, alinéa 1er).
122
o La détermination des conditions d’engagement ou de maintien en service d’un enfant
âgé de 15 ans accomplis : l’exigence d’obtenir une dérogation expresse du juge pour
enfants, saisi part l’inspecteur du travail ou toute personne intéressée, à la demande
des parents ou de toute personne exerçant l’autorité parentale ou tutélaire sur l’enfant,
et cela, après avoir obtenu l’avis psycho-médical d’un expert et de l’inspecteur du
travail (article 50, alinéas 2 et 3).
o L’interdiction pour tout maître, homme ou femme, de loger comme apprenti [un]
enfant (âgé de moins de dix-huit), s’il ne vit en famille ou en communauté (article 52).
o L’interdiction des pires formes de travail telles que définies à l’article 53, à savoir :
o L’interdiction pour un enfant de travailler plus de quatre heures par jour (article 55,
alinéa 1er).
o L’interdiction du travail de nuit d’un enfant, soit de 18 heures à 6 heures (article 55,
alinéa 2).
o L’interdiction du harcèlement sexuel, sous toutes ses formes, exercé sur l’enfant
(article 60).
o La protection de l’enfant, sans préjudice des dispositions du Code pénal, contre toutes
les formes d’exploitation et violences sexuelles et l’interdiction des faits suivants :
l’incitation, l’encouragement ou la contrainte d’un enfant à s’engager dans une
activité sexuelle ;
l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de pédophilie ;
la diffusion de films pornographiques à l’intention des enfants;
l’exposition de l’enfant à des chansons et spectacles obscènes (article 61).
La plupart des actes interdits en faveur de l’enfant sont érigés en infraction et punis
pénalement (voir le titre IV consacré à la protection pénale de l’enfant). Le droit pénal est
mobilisé là dans son rôle sanctionnateur des dispositions relatives à la protection sociale
ordinaire de l’enfant.
Aux termes de l’article 62 de la loi, la protection sociale spéciale est assurée à l’enfant en
situation difficile, tel que défini à l’article 2.4 de la loi, à savoir l’enfant qui ne jouit pas de
ses droits fondamentaux et qui n’a pas accès aux services sociaux de base tels que la santé, le
logement, l’alimentation et l’éducation.
La loi cite, de manière non limitative, les cas d’enfant en situation difficile, notamment :
124
3. l’enfant qui se livre à la débauche ou cherche ses ressources dans le jeu ou dans les
trafics ou occupations l’exposant à la prostitution, à la mendicité, au vagabondage ou
à la criminalité ;
4. l’enfant qui manque, de façon notoire et continue, de protection ou ne fréquente aucun
établissement scolaire ou n’exerce aucune activité professionnelle ;
5. l’enfant habituellement maltraité ;
6. l’enfant exploité économiquement ou sexuellement ;
7. l’enfant accusé de sorcellerie ;
8. l’enfant mère ou porteuse d’une grosse, objet de maltraitance de la part de ses parents
ou tuteurs ;
9. l’enfant sans soutien familial ou autre à la suite de la perte de ses parents ;
10. l’enfant vivant avec handicap ;
11. l’enfant toxicomane ;
12. l’enfant orphelin.
L’enfant surdoué bénéficie aussi d’une protection spéciale.
A. La tutelle de l’Etat
La tutelle de l’Etat est organisée dans le Code de la famille. Elle est assurée par le Conseil de
tutelle et un tuteur délégué.
B. Le placement social
a. La définition
Le placement social consiste à placer un enfant en situation difficile soit dans une famille
élargie, soit dans une famille d’accueil, soit au sein d’une institution publique ou privée
agréée à caractère social ou encore en foyer autonome pour son hébergement, sa rééducation
ainsi que sa réinsertion sociale (article 64, alinéa 1er).
La loi ne définit pas la famille élargie. Elle s’étend naturellement aux membres de la famille
du père et de la mère ainsi que les parents éloignés incluant parfois les ressortissants de la
localité des parents.
Par famille d’accueil, la loi entend, à l’article 65, une structure à caractère familial qui prend
en charge de façon temporaire au maximum deux enfants, sauf en cas de fratrie.
Par foyer autonome, la loi entend, à l’article 66, une structure composée et entretenue par un
groupe d’enfants placée sous la supervision d’une institution publique ou privée agréée à
caractère social. Le placement dans un foyer autonome ne peut concerner que l’enfant âgé au
minimum de quinze ans révolus (article 64, alinéa 1er, in fine).
125
Par institution publique, la loi entend, à l’article 67, une structure ou établissement de garde
créée par l’Etat et placée sous la tutelle du ministère ayant les affaires sociales dans ses
attributions et travaillant en collaboration avec celui ayant la justice dans ses attributions avec
comme objectif la garde, la rééducation, et la réinsertion sociale des enfants en situation
difficile ou en conflit avec la loi ; ayant entre autre comme agents, les assistants sociaux qui y
sont employés. Le placement social en institution est pris en dernier recours et sa durée
maximale est de six mois (article 64, alinéa 2).
Placement social réalisé par l’assistant social et homologué par le juge des enfants
(article 63, alinéa 2) :
Si l’enfant en situation difficile n’est pas entre les mains de ses parents ou de son
tuteur, son placement social est réalisé directement par l’Assistant social. Il doit
prendre en compte l’opinion de l’enfant concerné selon son degré de maturité et son
âge. Et après l’avoir placé, il doit faire rapport immédiatement au juge des enfants qui
doit prendre une décision (ordonnance) d’homologation de ce placement social.
Placement ordonné par le juge des enfants sur requête de l’assistant social (article 63,
alinéa 3).
Si l’enfant intéressé est entre les mains de ses parents ou tuteur, la décision de
placement social est ordonnée par le juge pour enfants, saisi par une requête de
l’assistant social.
Dans cette rubrique, on pourrait mentionner la prise en charge d’une enfant qui est devenue
enceinte avant d’avoir achevé son cycle d’études secondaires (les filles mères). La loi
consacre à l’article 68, le droit de cet enfant de reprendre les études compte tenu de ses
aptitudes individuelles.
La loi met à charge de l’Etat le devoir d’accorder une assistance matérielle ou financière aux
parents se trouvant dans l’incapacité d’assurer la survie de leur enfant (article 69). Cette
charge incombe aux ministres ayant dans leurs attributions la famille, l’enfant et les affaires
sociales, qui doivent fixer, dans un arrêté interministériel, les conditions d’intervention de
l’Etat. A ce jour, cet arrêté n’est pas encore pris.
§4. Situation de l’enfant vivant avec l’un ou les deux parents emprisonnés
La loi met également à charge de l’Etat le devoir de subvenir aux besoins sanitaires et
alimentaires de l’enfant vivant avec l’un ou les deux parents emprisonnés (article 70). Il peut
s’agir, soit d’un enfant né pendant l’incarcération (la détention) de la mère, soit d’un enfant
126
quoi est entré en prison en accompagnant son parent à cause de sa dépendance nécessaire
avec ce dernier ou du fait qu’il n’existe personne en liberté pouvant s’occuper de l’enfant au
moment de l’incarcération de son parent ou de ses parents.
Il revient aux ministres ayant la justice et les affaires sociales dans leurs attributions de
prendre un arrêté interministériel pour déterminer les modalités d’accès de l’enfant à la
jouissance de ce droit.
Pour rappel, l’enfant en situation exceptionnelle est celui qui se trouve en situation de
conflits armés, de tensions ou de troubles civils, de catastrophes naturelles et de dégradation
sensible et prolongée des conditions socio-économiques.
Tandis que l’enfant déplacé est l’enfant non accompagné de ses parents ou tuteurs, qui a été
contraint de quitter son milieu de vie par suite de la guerre, de catastrophes naturelles ou
d’autres événements graves et s’est installé dans un autre endroit à l’intérieur du pays où il
réside.
La protection sociale exceptionnelle est assurée selon les trois modalités suivantes :
La réadaptation tend à permettre à l’enfant à acquérir des aptitudes et des attitudes qui lui
manquaient de manière à redevenir apte et développer des relations sociales moins
problématiques avec les autres et à parvenir ainsi à son épanouissement ou à son
développement au sein du groupe ; tandis que la réinsertion tend à reconnaître une place au
sein d’un groupe social (famille, l’école ou structure professionnelle). Ainsi, la réinsertion
127
sociale est soit familiale, scolaire ou socioprofessionnelle. La réadaptation peut être une voie
pour la réinsertion sociale.
La loi ne précise pas les modalités de protection de l’enfant en situation exceptionnelle. Nous
pensons qu’ils doivent également bénéficier des mesures de placement conformément aux
dispositions de l’article 64, suivant la procédure prévue à l’article 63, alinéa 3 (ordonnance de
placement social de l’enfant sur requête de l’assistant social).
Les organes de la protection sociale de l’enfant sont énumérés, de manière non limitative, à
l’article 74 de la loi.
Il est prévu qu’un décret du Premier ministre, délibéré en conseil des ministres, fixe
l’organisation et le fonctionnement du Conseil national de l’enfant.
Le Corps des conseillers d’orientation scolaire et professionnelle est une structure technique
relevant du ministère ayant dans ses attributions l’enseignement primaire, secondaire et
professionnel. Son rôle est de conseiller et d’orienter l’enfant dans le choix des options et
métiers à suivre au regard de ses aptitudes intellectuelles (article 79).
Les assistants sociaux sont les agents de l’Etat ou d’un organisme agréé, spécialisés dans la
résolution des problèmes liés aux relations humaines afin d’améliorer le bien-être général. Ils
œuvrent à la promotion de bonnes mœurs (article 2.8 de la loi).
Le rôle des assistants sociaux a été préalablement déterminé en ce qui concerne la protection
sociale spéciale de l’enfant (en situation difficile), notamment en ce qui se réfère à son
placement social (article 63).
Mais le Corps des assistants sociaux est une structure technique du ministère ayant les
affaires sociales dans ses attributions, chargée des enquêtes sociales sur les enfants, de la
guidance psychosociale et de la réunification familiale de ces derniers (article 76).
Il est prévu qu’un arrêté du ministre ayant les affaires sociales dans ses attributions fixe
l’organisation et le fonctionnement du Corps des assistants sociaux.
128
§4. La Brigade spéciale de protection de l’enfant
La Brigade spéciale de protection de l’enfant relève du ministère ayant la police dans ses
attributions (ministère de l’Intérieur). Elle a la mission de surveillance des enfants et de
prévention générale (article 77).
Il est prévu qu’un arrêté du ministre ayant les affaires intérieures dans ses attributions fixe
l’organisation de la Brigade spéciale de protection de l’enfant.
Le Corps des inspecteurs du travail relève du ministère ayant le travail dans ses attributions.
Son rôle est de veiller notamment au respect des normes en matière de travail des enfants. Il
est organisé conformément au Code du travail et à ses mesures d’application (article 80).
§7. Le Comité national de lutte contre les pires formes de travail de l’enfant
Le Comité national de lutte contre les pires formes de travail des enfants a pour missions,
d’une part, d’élaborer la stratégie nationale en vue de l’éradication des pires formes de travail
des enfants ; et d’autre part, d’assurer le suivi de la mise en œuvre de cette stratégie et
d’évaluer le niveau d’application des mesures préconisées. Il est organisé conformément aux
dispositions du Code du travail (article 81).
Aux termes de l’article 82 de la loi, les organismes et institutions agréés de la société civile
du secteur de l’enfant assistent l’Etat dans sa mission de protection des enfants et de
promotion de leurs droits. Ils sont créés et organisés conformément à la loi sur les
associations sans but lucratif.
Le Parlement et les Comités des enfants permettent à ces derniers d’exercer leur liberté
d’associations. Ils ont pour mission de rendre effective la participation des enfants aux
initiatives de la communauté nationale, sur les questions qui les concernent (article 83).
Il est prévu qu’un arrêté interministériel des ministres ayant la famille et l’enfant ainsi que
l’enseignement, primaire, secondaire et professionnel dans leurs attributions fixe
l’organisation et le fonctionnement du Parlement et des Comités des enfants.
129
Mais à ces différents organes, on pourrait ajouter la famille de l’enfant, qui est la première
instance naturelle de protection sociale de l’enfant (articles 46 et 47 de la loi), ainsi que le
Conseil de tutelle, qui assure la protection sociale spéciale de l’enfant (article 63).
130
Chapitre 4 : La protection judiciaire de l’enfant
Introduction
La protection judiciaire ne se conçoit que pour un enfant en conflit avec la loi (art. 2 point 9),
c’est-à-dire l’enfant « âgé de quatorze à moins de dix-huit ans, qui commet (mieux accusé ou
reconnu avoir commis) un manquement qualifié d’infraction à la loi pénale ».
La médiation est traitée dans le cadre de la protection judiciaire, parce que c’est le Tribunal
pour enfants, qui défère certains dossiers au comité de médiation conformément aux
dispositions des articles 136 et 137 de la loi. Et le déclanchement de la procédure de
médiation suspend la procédure judiciaire. Elle ne pourra reprendre qu’en cas d’échec de la
médiation.
Comme la médiation sera traitée dans le quatrième et dernier module, elle ne sera pas
développée dans le cadre de la procédure judiciaire, qui fait l’objet de ce module.
Le tribunal pour enfants est une juridiction spécialisée chargée de traiter exclusivement les
affaires des enfants aussi bien lorsqu’ils doivent faire l’objet d’un placement social (cas des
enfants en situation difficile) que lorsqu’ils sont accusés d’avoir commis un manquement
qualifié d’infraction à la loi pénale, ou encore lorsqu’il s’agit de certaines questions relevant
des matières civiles comme l’identité, la capacité, la filiation, l’adoption et la parenté.
Aux termes de l’article 84 de la loi de 2009, il est prévu de créer un tribunal pour enfants
dans chaque territoire et dans chaque ville.
Le siège ordinaire et le ressort de ce tribunal sont fixés par un décret du Premier ministre. Et
dans le ressort d’un tribunal pour enfants, il peut être créé un ou plusieurs sièges secondaires
dont les ressorts sont fixés par un arrêté du ministre de la Justice (article 86).
La ville de Kinshasa compte actuellement cinq tribunaux pour enfants (Kinshasa, Ngaliema,
Matete, Kalamu, Kinkole).
Chaque tribunal pour enfants est composé de deux chambres, qui fonctionnent de manière
indépendante l’une de l’autre : la chambre de première instance et la chambre d’appel (article
87). La chambre de première instance siège à juge unique ; tandis que la chambre d’appel
siège à trois juges (article 90).
131
§2. L’organisation du tribunal pour enfants
A. Les magistrats
Le Tribunal pour enfants est composé d’un président et des juges. Le président est chargé de
répartir les tâches entre les juges (articles 88, alinéa 1, et 89).
En cas d’absence ou d’empêchement, le président est remplacé par le juge le plus ancien
d’après l’ordre de nomination (article 88, alinéa 2).
Le président ainsi que les juges du tribunal pour enfants sont tous affectés par le Conseil
supérieur de la magistrature parmi les magistrats de carrière spécialisés et manifestant de
l’intérêt dans le domaine de l’enfance (article 88, alinéa 1er).
B. Le greffier
Le tribunal pour enfants compte un greffier ; qui peut être assisté d’un ou de plusieurs
adjoints (article 91). Le greffier n’est pas un magistrat. Toute personne sachant lire et écrire,
peut est commise aux fonctions de greffier. Il fait partie du personnel judiciaire.
Le greffier assiste le juge dans les différents actes que prend le juge. Il les signe avec lui. Si
un acte ne peut être signé par le greffier qui y a concouru, le juge signe et constate
l’impossibilité. Le greffier garde les minutes, registres et tous les actes afférents au tribunal
pour enfants. Il délivre les grosses, expéditions et extraits des jugements et ordonnances. Il
écrit ce qui est prononcé ou dicté par le juge et il dresse acte de diverses formalités dont
l’accomplissement doit être constaté. Avant d’entrer en fonction, il prête verbalement ou par
écrit entre les mains du magistrat qui l’a désignée, ou assumée, le serment suivant: « Je jure
de remplir fidèlement et loyalement les fonctions qui me sont confiées ».
Pour siéger régulièrement, le tribunal pour enfants doit compter sur le concours du ministère
public du ressort et l’assistance d’un greffier (article 93).
C. L’assistant social
Le tribunal pour enfants est doté d’au moins un assistant social, qui y est affecté par les
services provinciaux du ministère des Affaires sociales (article 92). L’Assistant social n’est
pas un membre du personnel judiciaire. Aux termes de l’article 2.8, c’est un agent de l’Etat
ou d’un organisme agréé, spécialisé dans la résolution des problèmes liés aux relations
humaines afin d’améliorer le bien-être général. Il œuvre à la promotion de bonnes mœurs. Au
tribunal pour enfants, l’assistant social est chargé des enquêtes sociales sur les enfants, de la
guidance psychosociale et de la réunification familiale des enfants (article 76).
180
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais, tome III, L’instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, PUZ, 1978, n° 338, p. 288.
132
donc du pouvoir reconnu au juge des enfants de connaître valablement les affaires des
enfants. Dans ce cas, il s’agit de la compétence juridictionnelle.
Une des conséquences importantes de cette compétence du tribunal pour enfant en raison de
la personne de ce dernier, qui est d’une particularité complexe (caractère malléable,
physiquement vulnérable et socialement dépendant des adultes), est l’exigence de la
spécialisation des juges, des magistrats du parquet et des avocats, qui interviennent au niveau
du tribunal.
La détermination de l’âge la personne présentée devant un tribunal pour enfant, d’une part, et
celle du moment des faits mis à sa charge, est donc une question préalable, qui détermine la
compétence du tribunal à l’égard de cette personne.
Selon les dispositions de l’article 95 de la loi, l’enfant âgé de moins de 14 ans bénéficie, en
matière pénale, d’une présomption irréfragable d’irresponsabilité. En fait, il ne s’agit pas à
proprement parler de la présomption irréfragable d’irresponsabilité pénale mais plutôt de la
présomption irréfragable d’absence de discernement, comme le précise l’article 96. Car, ce
sont toutes les personnes dont l’âge varie entre 0 et moins de18 ans qui bénéficient de la
présomption irréfragable d’irresponsabilité pénale. Cette présomption consiste en l’exclusion
des peines à leur encontre pour des faits infractionnels qu’elles peuvent arriver à commettre,
quelle que soit leur gravité. Seules les mesures de garde et d’éducation doivent être
prononcées à leur égard, et cela lorsqu’ils auront atteint l’âge de 14 ans.
Quel est alors le régime juridique des enfants âgés de moins de 14 ans au moment des faits ?
L’article 96 de la loi précise ce qui suit :
Lorsque l’enfant déféré devant le juge a moins de 14 ans, celui-ci le relaxe comme ayant agi sans discernement
et ce, sans préjudice de la réparation du dommage causé à la victime.
133
Dans ce cas, le juge confie l’enfant à un assistant et/ou à un psychologue qui prend des mesures
d’accompagnement visant la sauvegarde de l’ordre public et la sécurité de l’enfant en tenant compte de la
réparation du préjudice causé.
Ces mesures consistent notamment dans l’accompagnement psychosocial et le placement dans une famille
d’accueil ou une institution privée agréée à caractère social autre que celle accueillant des enfants en situation
difficile.
Il résulte de cette disposition de la loi que les faits commis par un enfant âgé de moins de 14
ans ne sont pas judiciarisables, car le juge ne peut pas juger une personne présumée agir sans
discernement. Après l’avoir identifié et déterminé son âge en audience de cabinet, le juge doit
relaxer un tel enfant. Autrement dit, le juge doit le relâcher. Il ne peut prononcer aucune
mesure quelconque. Mais il doit confier un tel enfant à un assistant social qui se chargera de
prendre des mesures d’accompagnement psychosocial le placement dans une famille
d’accueil ou dans une institution privée agréée à caractère social autre que celle accueillant
des enfants en situation difficile. Si une telle institution n’existe pas, l’assistant social aura au
moins le choix de la famille d’accueil, pour autant qu’il en existe une disposée à accueillir un
tel enfant, qui a commis un manquement qualifié d’infraction.
Une interprétation favorable à l’enfant pourrait tendre à affirmer que s’il n’existe pas de
famille d’accueil, le placement social pourra se réaliser dans la famille élargie de l’enfant
conformément à l’article 63 de la loi. Car la loi interdit à l’article 97 de placer un enfant âgé
de moins de 14 ans dans un établissement de garde provisoire, ni dans un établissement de
garde, d’éducation ou de rééducation de l’Etat.
Cela implique que le juge devrait d’office prendre une ordonnance de relaxe de l’enfant et par
la même ordonnance autoriser l’assistant social à placer l’enfant dans une famille d’accueil
ou dans une institution privée agréée visée à l’article 96, alinéa 3, ou à défaut dans la famille
élargie de l’enfant. Une telle ordonnance devrait également demander à l’assistant social de
faire rapport au juge sur l’exécution de ce placement.
Mais vis-à-vis de l’enfant victime ou de sa famille, qui prétend à des réparations pour le
préjudice causé, le juge devrait, à notre avis, en relâchant l’enfant et en le confiant à
l’assistant social, conseiller les parents de l’enfant victime ou la victime dans le cas où elle
serait un majeur, à se pourvoir devant le juge de droit commun en vertu de l’article 260 du
CCL III.
Toutefois, nous sommes d’avis que le juge pourrait renvoyer ces affaires concernant les
enfants âgé s de moins de 14 ans devant le comité de médiation pour que les parties tentent de
trouver un compromis sur les réparations dues. Faute pour les parties de trouver le
compromis, le juge procèderait comme ci-dessus, c’est-à-dire prendre une ordonnance de
relaxe en confiant l’enfant à l’assistant social pour des mesures d’accompagnement
psychosocial et conseiller les parties à se pourvoir devant le juge de droit commun pour les
réparations dues.
Mais cette solution n’étant pas prévue par la loi, son application requiert une modification
législative. En attendant, elle pourrait être appliquée comme une solution prétorienne fondée
sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant mis en cause.
134
§3. La compétence matérielle
La compétence matérielle du tribunal pour enfants fait référence aux matières relevant du
pouvoir juridictionnel du tribunal. La compétence matérielle du tribunal pour enfant est
double, comme le spécifie les deux alinéas de l’article 99, à savoir :
Compétence exclusive pour connaître des matières dans lesquelles se trouve impliqué
un enfant accusé d’être en conflit avec la loi, c’est-à-dire qui aurait commis des faits
prévus et punis par la loi pénale (Code pénal ordinaire ou dispositions de la protection
pénale de l’enfant de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de
l’enfant) (article 99, alinéa 1er) ;
Dans le premier cas où le tribunal pour enfants serait saisi par un fait infractionnel contre un
enfant âgé de 14 à moins de 18 ans, le juge doit appliquer tous les principes généraux de droit
pénal, à savoir le principe de la légalité des délits au regard des faits mis à charge de l’enfant,
les principes de la qualification des faits, l’interprétation stricte de la loi pénale, la liberté de
la preuve et l’intime conviction du juge, les causes de justification, la prescription de l’action
publique, etc.). Si les faits ne sont pas infractionnels (au regard du principe de la légalité des
délits) ou ne sont pas établis en droit (parce qu’il manquerait un élément constitutif), le juge
ne devrait pas prononcer un acquittement, mais il devrait se déclarer matériellement
incompétent. Mais si les faits sont justifiés soit par la légitime défense, soit par l’état de
nécessité soit par l’ordre de la loi ou le commandement de l’autorité, le juge pourrait
prononcer un acquittement comme en droit pénal ordinaire.
Nous sommes d’avis qu’à ce propos la loi de protection de l’enfant devrait être plus explicite
en précisant l’application devant le tribunal pour enfants de tous les principes généraux de
droit pénal cités ci-dessus ainsi que leurs conséquences quant à la décision devant être
prononcée par le juge. La loi devrait aussi préciser que si le juge se déclarait matériellement
incompétent pour faits non établis ou prononçait une décision d’acquittement pour faits
justifiés par l’une des causes de justification, et qu’il constatait néanmoins que l’enfant traduit
en justice est en situation difficile ou exceptionnelle (enfant déplacé, affectés par les
circonstances prescrites à l’article 72 de la loi) il devrait, dans sa décision déclarant
l’incompétence matérielle ou l’acquittement, ordonner le placement social de l’enfant par
l’assistant social, soit dans une famille d’accueil, soit dans sa famille élargie, soit dans une
institution publique ou privée agréée à caractère social conformément à l’article 64 de la loi.
La compétence territoriale du tribunal pour enfants est déterminée par les critères suivants,
prévus à l’article 101 de la loi, à savoir :
135
Le lieu de la résidence habituelle de l’enfant, qui est, au regard de l’article 46 de la loi,
chez de ses père et mère ou chez la personne qui exerce sur lui l’autorité parentale.
C’est, en effet, là que l’enfant a son domicile.
Le lieu de la résidence habituelle des parents de l’enfant ou de son tuteur, dans le cas
où ce lieu serait différent de celui de la résidence de l’enfant ;
Le lieu où les faits reprochés à l’enfant ont été commis ;
Le lieu où l’enfant aura été trouvé, en supposant qu’il peut être différent des trois
autres lieux cités ;
Le lieu où l’enfant a été placé, à titre provisoire ou définitif.
Un de ces différents lieux suffit pour déterminer la compétence territoriale du tribunal pour
enfant.
§1. La saisine
Aux termes de l’article 102, le Tribunal pour enfants est saisi par :
1) la requête de l’officier du Ministère Public du ressort dès qu’il a connaissance des
faits portés contre l’enfant ;
2) la requête de l’officier de Police judiciaire dès qu’il a connaissance des faits portés
contre l’enfant ; à charge d’en informer immédiatement l’officier du ministère public
du ressort.
3) la requête de la victime ;
4) la requête des parents ou du tuteur ;
5) la requête de l’assistant social ;
6) la déclaration spontanée de l’enfant ;
7) la saisine d’office du juge.
Cette lettre doit en indiquer les motifs : les faits infractionnels reprochés à l’enfant avec
indication précise du lieu et de la date de leur commission. L’enfant doit être bien identifié
(nom complet si possible, adresse, et éventuellement l’âge). Une requête contre un enfant
inconnu sur le modèle d’une plainte contre inconnu ne peut saisir valablement le tribunal
pour enfants.
L’officier du ministère public ou l’officier de police judiciaire peuvent toujours proposer une
qualification des faits reprochés à l’enfant en indiquant dans la mesure du possible la base
légale (la disposition de la loi pénale qui réprime ces faits). Un tel effort n’est pas exigé de la
victime, des parents et tuteur ou de l’assistant social, qui devront, cependant exposer
clairement les faits qu’ils portent à la connaissance du juge des enfants, la date, le lieu et
éventuellement les circonstances de leur commission.
136
réalisée lors d’une instruction sommaire ou de constat des faits. Car c’est le juge des enfants
qui est seul compétent pour instruire les faits reprochés à un enfant. Ces officiers devront
mentionner sur la requête leurs noms, qualités et le ressort dans lequel ils exercent.
L’enfant mis en cause, ses parents ou son tuteur ou la personne civilement responsable
recevront du tribunal pour enfants une convocation (notification de date d’audience) pour se
présenter aux jour, heure et lieu indiqués sur l’exploit.
La déclaration spontanée de l’enfant saisit le tribunal pour enfants soit dans l’hypothèse où
l’enfant est conduit au tribunal par la population en flagrance ou un agent de l’ordre (un
policier) et que l’enfant déclare devant le juge ce qu’il a fait, soit lorsque se trouvant déjà
devant le tribunal pour certains faits, il en déclare d’autres qui ne figuraient pas sur la requête
de l’officier du ministère public, de l’officier de police judiciaire, de la victime, des parents
ou tuteur, de l’assistant social saisissant le tribunal.
Le tribunal pour enfants est saisi d’office notamment dans le cas où l’enfant y est conduit par
un agent de l’ordre ou même par la population en flagrance, sans que l’enfant déclare
spontanément ce qu’il a fait. Un dossier sera alors ouvert contre ledit enfant au greffe du
tribunal.
La victime devra se constituer partie civile au greffe du tribunal pour enfants en payant les
frais de consignation pour revêtir la qualité de partie civile.
Tout enfant privé de liberté est traité avec humanité et en tenant compte des besoins des personnes de
son âge.
Il est séparé des adultes, à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans son meilleur intérêt.
Il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par des visites, sauf
circonstances exceptionnelles.
La loi consacre certaines garanties procédurales en faveur de l’enfant dès qu’il entre en
contact avec les autorités judiciaires :
137
Dès qu’il a connaissance des faits portés contre l’enfant, l’officier du ministère public ou l’officier de
police judiciaire en informe immédiatement, ou si ce n’est pas possible, dans les plus brefs délais, ses
parents, son tuteur ou la personne qui exerce sur lui l’autorité parentale.
Tout enfant suspecté ou accusé d’un fait qualifié d’infraction par la loi pénale bénéficie, sous peine de
nullité de la procédure, notamment des garanties ci-après :
1) le droit à la présomption d’innocence et à un procès équitable ;
2) la présence au procès ;
3) le droit d’être informé, dans le plus bref délai, dans une langue qu’il comprend et de manière
détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui ;
4) le droit à l’assistance par un conseil de son choix ou désigné d’office par le juge ;
5) le droit de voir son affaire être jugée dans délai raisonnable ;
6) le droit à un interprète ;
7) le droit au respect de sa vie privée à tous les stades de la procédure ;
8) le droit d’être entendu au cours de l’instruction en présence des parents, du tuteur, de la
personne qui la garde ou de l’assistant social ;
9) le droit de ne pas être contraint de plaider coupable ;
10) le droit d’interroger ou de faire interroger des témoins à charge et à obtenir la comparution et
l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions.
A ces garanties prescrites à peine de nullité, devraient s’ajouter les dispositions de l’article 12
de la loi qui dispose que « l’enfant privé de liberté a le droit d'avoir, dans un bref délai,
accès à l'assistance gratuite d’un conseil et à toute assistance appropriée. Il a le droit de
contester la légalité de sa privation de liberté devant un tribunal pour enfants, et d’obtenir du
juge une décision en la matière ». On pourrait envisager qu’un enfant incarcéré, saisisse lui-
même ou par son avocat, le Tribunal pour enfants à partir du lieu de son incarcération pour
déclarer spontanément les faits lui reprochés afin de tenter de mettre fin à sa détention. C’est
également dans un tel contexte de l’incarcération de leur enfant que les parents peuvent saisir
par leur requête le tribunal pour enfant pour mettre fin à son incarcération.
Les faits pour lesquels un enfant a pu être jugé devant un tribunal pour enfant, ne peuvent être
pris en compte ni pour la récidive, ni comme des antécédents judiciaires lorsqu’il aura plus de
18 ans.
138
D. Le droit d’exprimer son opinion
Aux termes de l’article 7 de la loi, tout enfant capable de discernement a le droit d’exprimer
son opinion sur toute question l’intéressant, ses opinions étant dûment prises en
considération, eu égard à son âge et à son degré de maturité.
A quel âge peut-on considérer que l’enfant est capable de discernement ? En prenant en
considération l’article 96, qui considère les enfants âgés de moins de 14 ans comme devant
être relaxés par le juge pour absence de discernement, on pourrait admettre que l’enfant est
considéré comme capable de discernement à partir de 14 ans. Et c’est un tel enfant qui peut
avoir à répondre de ses actes infractionnels devant un juge pour enfants. Les autorités
judiciaires doivent donc respecter son droit d’exprimer son opinion.
E. L’interdiction de la torture
L’interdiction de privation illégale de liberté à un enfant est portée à l’article 10, alinéa 1er. Il
n’est donc pas concevable qu’un officier du ministère public puisse placer un enfant sous
mandat d’arrêt provisoire, même là où ne sont pas encore installés les tribunaux pour enfants
ou s’ils sont éloignés de l’office du parquet ou même si l’enfant a agi en participation
criminelle avec des majeurs. Une telle privation de liberté ne sera pas décidée en conformité
avec la loi et fait tomber son auteur sous le coup de l’article 161 de la loi.
Une fois qu’il est saisi, le juge pour enfants entend l’enfant en audience de cabinet en
présence de ses parents ou de son tuteur, s’il y a lieu, ou de son conseil et de l’assistant social.
S’il n’a pas de conseil, le juge procèdera à sa désignation d’office.
Avant de statuer sur le fond de l’affaire, dispose l’article 106, le juge pour enfants peut
prendre l’une des mesures provisoires suivantes :
1. placer l’enfant sous l’autorité de ses père et mère ou de ceux qui en ont la garde ;
2. assigner à résidence l’enfant sous la surveillance de ses père et mère ou de ceux qui
en ont la garde ;
3. soustraire l’enfant de son milieu et le confier provisoirement à un couple de bonne
moralité ou à une institution publique ou privée agréée à caractère social.
Il est précisé que par couple, la loi entend deux personnes de sexes opposés légalement
mariés.
139
C’est par voie d’ordonnance que le juge prend ces mesures. Dans cette ordonnance, il charge
l’assistant social du ressort d’assurer le suivi des mesures provisoires prises et de collecter
des informations concernant la conduite et le comportement de l’enfant (article 109). Il s’agit
de l’enquête médico-sociale.
Le juge a donc le choix entre l’une de ces mesures. Mais ce choix doit privilégier autant que
possible le maintien de l’enfant dans un environnement familial. Et le placement dans une
institution publique ou privée ne pourra être envisagé par lui que comme une mesure de
dernier recours, c’est-à-dire soit parce que les parents de l’enfant ou celui qui en a la garde ne
sont pas encore connus de sorte que les mesures prévues aux points 1 et 2 de l’article 106 ne
peuvent être prises, soit parce qu’aucun couple de bonne moralité n’est disposé à accueillir
l’enfant.
Si les mesures prévues à l’article 106 ne peuvent pas être prises parce que l’enfant est
présumé dangereux et qu’aucun couple ou aucune institution n’est en mesure de l’accueillir,
l’article 108 dispose que l’enfant pourra être préventivement placé dans un établissement de
garde et d’éducation de l’Etat, pour une durée ne dépassant pas deux mois.
C’est probablement sur la base d’une interprétation erronée de cette disposition que les juges
pour enfants placent préventivement certains enfants aux pavillons IX et X de la prison
centrale de Makala, faute d’établissements de garde et d’éducation de l’Etat disponibles. Mais
dans ce cas, ils doivent bien motiver leur ordonnance de placement au regard de l’article 108
de la loi et faire application de l’article 17 du décret du 6 décembre 1950 et l’article 199 de la
loi de 2009 qui prévoit qu’en attendant l’organisation des structures appropriées de la
protection de l’enfant, celle-ci est assurée conformément aux mécanismes en vigueur non
contraires à la présente loi. En dehors du cas de l’article 108 de la loi, le placement des
enfants dans ces pavillons manquent de fondement légal. La situation idéale serait d’éviter
d’y placer même provisoirement ou préventivement les enfants.
Si les parents de l’enfant, le tuteur ou la personne qui en assure la garde n’ont pas pu être
informés des faits portés contre l’enfant avant la prise des mesures provisoires, le juge les
informe immédiatement ou si ce n’est pas possible dans le plus bref délai aussi bien des faits
que des mesures provisoires prises à l’égard de l’enfant (article 107).
L’article 110 dispose qu’aux fins de l’instruction de la cause, le juge peut à tout moment
convoquer l’enfant et les personnes qui exercent sur lui l’autorité parentale. Il vérifie
l’identité de l’enfant. Il le soumet, s’il échet, à une visite médicale portant sur son état
physique et mental. En cas de doute sur l’âge, la présomption de la minorité prévaut. Le
greffier notifie la date de l’audience à la partie lésée. La procédure par défaut est exclue à
l’égard de l’enfant.
la convocation de l’enfant et des personnes qui exercent sur lui l’autorité parentale à
tout moment ;
la vérification de l’identité de l’enfant et la possibilité de le soumettre à une visite
médicale pourtant sur son état physique et mental pour ce faire, et en cas de doute sur
son âge exact, le juge doit présumer qu’il a moins de dix-huit;
la notification de la date d’audience à la partie lésée (partie civile) sous les soins du
greffier ;
En effet, la faculté de faire défaut est reconnue à la partie lésée ainsi qu’au civilement
responsable, qui sont intéressés par les conséquences civiles (les réparations dues) de la
conduite de l’enfant. Cette faculté n’est pas reconnue à l’enfant mis en cause, car il s’agit
d’une justice qui est censée lui être bénéfique en ce qu’elle vise sa garde et son éducation (sa
protection). Elle n’est pas non plus reconnue au ministère public qui compose régulièrement
le siège du tribunal pour enfants (article 93 de la loi).
Une fois que la date indiquée sur la convocation faite à l’enfant et à ses parents ou à la
personne qui assure sur lui l’autorité parentale, ou sur la notification de la date d’audience
faite à la partie lésée s’accomplit, le tribunal siège à l’audience d’instruction, qui doit être à
huis clos (article 111, alinéa 1er).
Le port de la toge n’est pas autorisé ni pour le juge ni pour le greffier ni pour le ministère
public, ni pour l’avocat de l’enfant ou des autres parties (article 111, alinéa 4).
181
A. RUBBENS, op.cit., p. 189, n° 235.
182
Ibid., p. 190, n° 235.
141
L’audience peut être remise à une autre date pour poursuivre avec l’instruction.
L’article 112 dispose que lorsque le fait commis par l’enfant est connexe à celui qui peut
donner lieu à une poursuite contre un adulte, les poursuites sont disjointes et l’enfant est
poursuivi devant le juge pour enfants.
A la fin de l’instruction, le juge invite les parties à présenter leurs plaidoiries. Le juge peut
décider que celles-ci se dérouleront hors de la présence de l’enfant. Le ministère public donne
son avis sur le banc. Il ne s’agit pas du réquisitoire, mais de l’avis. Ce dernier ne lie pas le
juge.
Après l’avis du ministère public, le juge clôt les débats et prend la cause en délibéré pour
rendre sa décision dans la huitaine.
Le juge prononce par voie de décision l’une des mesures prévues à l’article 113 en combinant
éventuellement avec les articles 114 à 119 dans le respect de certains principes
fondamentaux.
L’article 113 énumère les mesures « définitives » que le juge peut prononcer. Elles sont
définitives non pas parce qu’elles dessaisissent le juge, mais parce qu’elles sont prononcées
après l’instruction de la cause, par opposition aux mesures provisoires. Il s’agit des mesures
suivantes :
1. réprimander l’enfant et le rendre à ses parents ou aux personnes qui exerçant en lui
l’autorité parentale en leur enjoignant de mieux le surveiller à l'avenir ;
2. le confier à un couple de bonne moralité ou à une institution privée agréée à
caractère social pour une période ne dépassant pas sa dix-huitième année d’âge ;
3. le mettre dans une institution publique à caractère social pour une période ne
dépassant pas sa dix-huitième année d’âge ; cette mesure ne s’applique pas à l’enfant
âgé de plus de seize ans.
4. le placer dans un centre médical ou médico-éducatif approprié ;
5. le mettre dans un établissement de garde et d’éducation de l’Etat pour une période ne
dépassant pas sa dix-huitième année d’âge.
Ainsi, l’article 115 dispose que si l’enfant a commis un manquement qualifié d'infraction à la
loi pénale punissable de plus de cinq ans de servitude pénale et qui n’est pas punissable de la
peine de mort ou de la servitude pénale à perpétuité, le juge peut, s’il le met dans un
142
établissement de garde et d’éducation de l’Etat, prolonger cette mesure pour un terme qui ne
peut pas dépasser sa vingt-deuxième année d’âge.
Tandis que l’article 116 prévoit que si le manquement qualifié d’infraction à la loi pénale
commis par l’enfant est punissable de la peine de mort ou de la servitude pénale à perpétuité,
le juge peut, s’il le met dans un établissement de garde et d’éducation de l’Etat, prolonger
cette mesure au-delà de la dix-huitième année de l’enfant pour un terme de dix ans au
maximum.
Il est prévu dans ces deux cas, qu’à la dix-huitième année d’âge (âge de la majorité pénale),
l’intéressé soit séparé des enfants, au sein du même établissement de garde et d’éducation de
l’Etat, sur décision du juge, à la demande de l’autorité de l’établissement de garde.
L’article 117 envisage le cas d’un enfant qui a commis un manquement qualifié d’infraction
punissable de plus d’un an de servitude pénale, et qui est d’une perversité caractérisée ou
récidiviste.
Un tel enfant doit être placé dans un établissement de rééducation de l’Etat pendant une
année au moins et cinq ans au plus.
La loi exclut les enfants âgés de moins de quinze ans (c’est-à-dire âgés de 14 ans) de
l’application de cette mesure.
La loi prévoit à l’article 114 que dans les cas où le juge ordonne le placement de l’enfant
dans un établissement de garde et d’éducation de l’Etat, il peut prononcer le placement avec
sursis pour une période qui n’excède pas sa majorité (c’est-à-dire la dix-huitième année) et
pour une infraction punissable au maximum de cinq ans de servitude pénale principale.
Les conditions du sursis sont laissées à sa souveraine appréciation. L’enfant placé dans un
établissement de garde et d’éducation de l’Etat avec sursis devrait être soumis à une mesure
de liberté surveillée.
Par ailleurs, l’article 118 prévoit que l’enfant qui n’a pas fait l’objet de placement dans l’une
des hypothèses prévues aux articles 113 à 117 ci-dessus ou dont le placement a été levé est
soumis, jusqu’à dix-huitième année d’âge, au régime de la liberté surveillée.
La loi ne précise pas les modalités d’application de ce régime de liberté surveillée. L’enfant
devrait normalement être remis en famille et fréquenter le milieu scolaire, mais un assistant
social maintiendrait un contact régulier avec lui et sa famille pour assurer sa conduite et ses
fréquentation. Ce travail de suivi devra donner lieu à un rapport écrit adressé par l’assistant
social au juge. Comme la loi ne dit rien sur les conditions de révocation de ce sursis, on peut
supposer que si le rapport de l’assistant social fait état de mauvaises fréquentations de
l’enfant, le juge devrait ordonner à la requête de cet assistant ou des parents, d’autres mesures
de placement plus adéquates en vertu du pouvoir lui reconnu de modifier les mesures prises à
l’encontre d’un enfant à tout moment (article 125).
143
E. Les frais d’instance et les réparations dues
Aux termes de l’article 119, si le manquement qualifié d’infraction est établi, le juge met les
frais à charge des personnes civilement responsables et, s’il y a lieu, les oblige aux
restitutions et aux dommages et intérêts. Le juge fera application des dispositions de droit
commun sur la responsabilité délictuelle (article 260 du CCC livre III).
Lorsque l’enfant a été soit confié à un couple de bonne moralité ou à une institution privée
agréée à caractère social (article 113, point 2), soit mis dans une institution publique à
caractère social (article 113, point 3), soit encore mis dans un établissement de garde et
d’éducation de l’Etat (article 113, point 5), il peut exercer certains travaux pour lesquels il
peut recevoir un salaire.
La loi prévoit à l’article 120 que le juge détermine l’utilisation de ce salaire de l’enfant en
tenant compte de son intérêt supérieur. Il peut être notamment affecté pour la réinsertion
sociale de l’enfant.
Enfin, on peut se poser la question de savoir à qui revient la charge de supporter les frais
d’entretien et d’éducation de l’enfant résultant des mesures prononcées par le tribunal pour
enfants. Selon l’article 121, cette charge incombe aux personnes qui doivent des aliments à
l’enfant (parents ou personnes exerçant l’autorité parentale sur lui) à condition qu’ils soient
solvables. Dans le cas où ils seraient insolvables, cette charge incombera à l’Etat.
Cela revient à dire que le juge doit préciser dans sa décision la personne débitrice des frais
d’entretien et d’éducation de l’enfant ayant fait l’objet des mesures citées aux points 2 à 5 de
l’article 113.
La décision du juge pour enfants doit être guidée par les principes fondamentaux suivants :
La Constitution de 2006, en son article 21, alinéa 2, garantit à tous le droit de former un
recours contre un jugement. Bien que le Constituant ait utilisé l’expression de jugement, ce
144
droit est reconnu aussi aux parties dans la justice pour les enfants, même si l’œuvre du juge
pour enfants est plutôt nommée « décision ».
Les parties ne peuvent exercer des recours que contre les décisions prononçant des mesures
« définitives », c’est-à-dire prononcées après l’instruction de la cause. Les voies de recours
n’ont pas lieu contre les ordonnances prononçant des mesures provisoires prévues à l’article
106 de la loi.
La loi de 2009 consacre deux voies de recours ordinaires, à savoir l’opposition et l’appel. Les
voies de recours extraordinaires sont aussi possibles, même si la loi ne les prévoit pas
expressément et ce, en vertu du droit commun.
A. L’opposition
L’article 123, alinéa 2, de la loi de 2009 ouvre la voie de faire opposition contre une décision
du tribunal pour enfants à toutes les parties à la cause, à l’exclusion du ministère public et de
l’enfant mis en cause. Donc seule la partie civile et la partie civilement responsable peuvent
former opposition.
Le délai pour former opposition est de dix jours à dater de la signification de la décision,
selon les formes ordinaires de signification d’exploits (article 123, alinéa 2, de la loi de
2009).
Quant à la forme de l’opposition, elle se fait par la déclaration de la partie défaillante actée au
greffe du tribunal qui a prononcé la décision (article 123, alinéa 2). Comme en droit commun,
la déclaration peut être verbale et actée par le greffier du tribunal pour enfants. Mais si la
partie peut signer, elle signera sa déclaration. Mais la déclaration d’opposition peut également
se faire par une lettre, datée et signée, adressée au greffier, qui en délivre un accusé de
réception à la partie défaillante. Tout comme celle-ci peut se faire représenter par un avocat
porteur de procuration pour faire cette déclaration au greffe du tribunal. Elle doit indiquer
correctement la décision entreprise ainsi que les parties à la cause. La déclaration
d’opposition, faite selon les formes ci-dessus, saisit à nouveau le tribunal pour enfants sur les
intérêts civils.
La loi prévoit en son article 123, alinéa 3, que la Chambre de première instance du tribunal
pour enfants statuera sur cette opposition dans un délai de quinze jours à dater de sa saisine.
Elle examinera la recevabilité de l’opposition sur le respect du délai légal pour former
opposition et sur la qualité de la personne qui l’a faite, avant d’en examiner le fond.
Comme en droit commun, l’opposition de la partie civile ne met en cause que les prétentions
aux dommages-intérêts dus à la victime des faits infractionnels de l’enfant, lorsque le juge
avait dit ceux-ci établis en droit et en fait. La procédure se bornera en ce cas à examiner la
gravité et la cause du préjudice subi par la victime.
Si les faits ont été déclarés non établis, l’action en réparation de la partie civile, tout comme
son opposition, est irrecevable devant le tribunal pour enfants. L’enfant mis en cause peut
aussi réclamer des dommages-intérêts pour action téméraire et vexatoire de la victime si c’est
par sa requête que le juge pour enfants a été saisi, alors que les faits ne sont pas établis.
145
Cette opposition de la partie civile laisse intacte la décision concernant les mesures de garde
et d’éducation prononcées contre l’enfant.
L’opposition de la partie civilement responsable ne peut pas non plus mettre en cause les
mesures de garde et d’éducation prononcées pour l’enfant. Elle peut contester la gravité du
préjudice allégué par la victime et sa cause ainsi que la hauteur des dommages-intérêts
alloués par le premier juge.
La décision sur opposition sera toujours contradictoire à l’égard de la partie opposante, car
« opposition sur opposition ne vaut ». Et lorsqu’il ne comparaît pas au cours de la procédure
sur opposition, le juge la dira non avenue.
B. L’appel
L’appel est une voie de réformation de la décision entreprise devant un juge d’un niveau
supérieur. L’appel, dispose l’article 123, alinéa 4, est ouvert au ministère public ainsi qu’à
toutes les parties à la cause, en ce compris l’enfant mis en cause.
Quant à sa forme, l’appel est formé par déclaration actée au greffe du tribunal qui a rendu la
décision, soit au greffe de la Chambre d’appel. La déclaration peut être verbale ou écrite, faite
en personne ou par un avocat porteur d’une procuration spéciale. La déclaration écrite peut-
être faite par une simple lettre ou missive, datée et signée, adressée au greffier de la Chambre
de première instance ou de la Chambre d’appel. Elle doit indiquer correctement la décision
entreprise ainsi que les parties à cette cause.
Le délai de former appel est également de dix jours. Ce délai court, pour une décision rendue
par défaut à l’égard de l’appelant, le jour où l’opposition est devenue irrecevable pour
forclusion, et pour une décision rendue contradictoirement, le jour où elle a été prononcée
(article 123, alinéa 5).
L’appel ne peut être dirigé contre les ordonnances prononçant des mesures provisoires
prévues à l’article 113 de la loi. Selon Antoine Rubbens, « les jugements déclinatoires de
compétence sont, en principe, susceptibles d’appel, puisque aussi bien ils dessaisissent la
juridiction qui les prononce »183. Il en est de même des décisions déclinatoires de compétence
prononcées par la chambre de première instance du tribunal pour enfant.
Quant aux décisions rendues par défaut à l’égard de la partie civile ou de la partie civilement
responsable, deux vois de recours sont ouvertes en faveur de la partie défaillante :
l’opposition et l’appel. L’exercice de l’une de ces deux voies, ferme l’accès à l’autre voie.
Ainsi, l’exercice de l’opposition contre un jugement par défaut suspend l’examen de l’appel
interjeté contre cette décision par toutes les autres parties, et l’exercice de l’appel implique
renoncement à l’opposition par la partie défaillante dès qu’elle n’est plus recevable184.
Les décisions rendues sur opposition sont toujours susceptibles d’être attaquées par la voie
d’appel. Si la décision sur opposition se borne à dire l’opposition non avenue, ou irrecevable,
l’appel frappant une telle décision ne portera que sur le bien fondé de la décision attaquée. La
chambre d’appel vérifiera si c’est à bon droit que le juge sur opposition a dit celle-ci non
183
A. RUBBENS, op. cit., p. 202, n° 253.
184
Ibid., p. 203.
146
avenue ou irrecevable. Mais si le juge de l’opposition a reçu l’action et en a examiné le fond,
que ce soit pour confirmer, émender ou mettre à néant la décision entreprise, l’appel, frappant
la décision sur opposition, saisit la chambre d’appel du fond, dans la mesure même où la
chambre de la première instance se trouvait saisi185.
L’appel déclaré dans les formes et délais légaux ci-dessus, saisit la Chambre d’appel du
tribunal pour enfants. Celle-ci est tenue de statuer aussi bien sur sa recevabilité que sur son
bien fondé dans les trente jours de sa saisine (article 123, alinéa 6). Elle applique les mêmes
règles de procédure que la Chambre de première instance, et le délibéré se déroule
conformément au droit commun (selon le code de procédure pénale) (article 124).
L’appel de la partie civile ne porte que sur les intérêts civils, et la décision ne sera réputée lui
faire grief que dans la mesure où il ne fait pas droit aux conclusions soutenues devant la
chambre de première instance. Elle doit consigner les frais d’appel sous peine d’irrecevabilité
de son appel.
L’appel du ministère public, tout comme celui de l’enfant, porte sur l’ensemble de la décision
du premier juge (aussi bien les faits que les mesures prononcées).
Les voies de recours extraordinaires ne sont ouvertes que lorsque les voies ordinaires sont
épuisées. Il s’agit, en droit commun congolais de procédure pénale, de la révision, de
l’annulation et du pourvoi en cassation186.
La loi de protection de l’enfant ne cite pas expressément le pourvoi en cassation parmi les
voies de recours dans la justice des mineurs. Mais celle-ci étant soumise au principe specialia
generalibus derogant, ne déroge au droit commun qu’en cas de disposition expresse. Sur
cette base, aucune disposition ne s’oppose à ce que les parties à la cause (le Ministère public,
l’enfant mis en cause, la partie civile ou la partie civilement responsable) puissent se pourvoir
en cassation contre une décision rendue au degré d’appel par la chambre d’appel du tribunal
pour enfants ou même puisse prendre un juge à partie, si les conditions légales sont réunies.
En effet, ni la violation de la loi ni le dol ne sont impossibles dans le chef des juges des
enfants. Et de fait, la Cour suprême de justice a déjà rendu un arrêt de cassation en
application de l’article 19 du décret du 6 décembre 1950 sur l’enfance délinquante, que la loi
185
Lire A. RUBBENS, op. cit., p. 203.
186
Ibid., pp. 200-201.
147
de 2009 vient d’abroger, sauf dans ses dispositions transitoires, alors que ce décret ne
prévoyait pas la cassation parmi les voies de recours. L’article 19 du décret concernait en
effet la condamnation aux frais d’instance et aux restitutions. Et la haute cour avait été saisie
par la partie civile187.
La révision des mesures prononcées par la chambre de première instance du tribunal pour
enfants est consacrée aux articles 125 à 127 de la loi de 2009. Elle consiste pour le juge à
rapporter ou à modifier les mesures « définitives » prises à l’égard d’un enfant déclaré en
conflit avec la loi. La loi distingue la révision sur demande et la révision d’office.
Aux termes de l’article 125, le juge peut, en tout temps, soit spontanément, soit à la demande
du ministère public, de l’enfant, des parents ou représentants légaux, ou de toute personne
intéressée, soit sur rapport de l’assistant social, rapporter ou modifier les mesures prises à
l’égard de l’enfant.
Ce pouvoir de révision fait que le juge des enfants qui prononce des mesures de garde et
d’éducation à l’encontre d’un enfant reconnu en conflit avec la loi, n’est pas
automatiquement dessaisi de la cause. Il peut y revenir pour rapporter ou les modifier les
mesures prononcées, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est pourquoi, la décision du juge
n’est pas à proprement parler « définitive » en ce qui concerne les mesures de garde et
d’éducation.
Rapporter la mesure consiste à la retirer purement et simplement de sorte que l’enfant rentre
dans la situation antérieure, si par exemple le que constate que l’enfant est en mesure de
réintégrer la famille ou la communauté et qu’il ne constitue plus une préoccupation pour les
autres. La modification, par contre, consiste à placer l’enfant sous une autre mesure de garde
et d’éducation (c’est-à-dire à changer de mesure) ou à changer certaines modalités
d’exécution de la mesure prononcée antérieurement.
La loi n’a consacré aucun délai pour procéder à la révision. La loi parle de « en tout temps »,
sans même qu’il soit nécessaire d’être saisi. Il peut le faire « spontanément », tout comme il
peut il peut le faire à la demande des parties à la cause, y compris la partie civile, ou même
toute personne intéressée, soit sur la base du rapport de l’assistant social sur les conditions de
vie de l’enfant placé.
Même s’il semble à première vue que la révision devrait être favorable à l’enfant, rien
n’exclut qu’à la demande du ministère public ou même sur la base du rapport de l’assistant
social, le juge puisse « durcir » les modalités de placement de l’enfant, comme le prévoit
d’ailleurs l’article 130 de la loi. Il s’agit plutôt d’adapter la mesure de garde et d’éducation à
la situation de l’enfant placé.
La loi ne prévoit pas des formalités particulières pour saisir le juge de la révision des
mesures. La déclaration peut être verbale ou écrite. Lorsqu’elle est verbale, elle devrait
187
Lire J. IDZUMBUIR ASSOP, La justice pour mineurs au Zaïre, réalités et perspectives, Kinshasa, 1994.
148
néanmoins être actée par le greffier pour constituer une pièce du dossier. Lorsqu’elle est
écrite, elle doit néanmoins être datée et signée par le déclarant.
La loi dispose cependant que le juge doit statuer sur la demande de révision dans les huit
jours qui suivent sa saisine (article 126). Ce délai tend à éviter des retards non nécessaires
dans l’examen de la cause d’un enfant devant le tribunal. Mais la loi n’a malheureusement
pas prévu des sanctions en cas de non respect de ce délai de huitaine, si la décision est
néanmoins prononcée sur révision dans un délai jugé raisonnable. Car la nullité de la
procédure est prescrite lorsque l’affaire est jugée dans un délai qui n’est pas raisonnable
(article 104, point 5).
Dans ce cas, la loi prévoit qu’avant de statuer sur la révision des mesures, le juge doit
effectuer au préalable une visite du lieu de placement de l’enfant pour se rendre compte lui-
même des conditions de vie de l’enfant sur le lieu du placement.
B. La révision d’office
La révision d’office est prévue à l’article 127 qui dispose que « les mesures prises à l’égard
de l’enfant font d’office l’objet d’une révision tous les trois ans ».
Pour procéder à cette révision, le juge des enfants ne doit pas attendre d’être saisi par une
partie quelconque, par l’assistant social ou par le ministère public. Il se saisit d’office et
procède à la révision.
Même si la loi ne le précise pas, dans le cas d’une révision d’office, le juge doit au préalable
effectuer une visite sur le lieu de placement de l’enfant.
Dans tous les cas de figure, qu’il s’agisse d’une révision à la demande ou d’office, l’enfant
concerné doit être assisté de son avocat et le juge doit respecter les garanties procédures
prévues à l’article 104 de la loi, sous peine de nullité de la procédure. Le juge doit également
rendre sa décision sur révision dans la huitaine de la visite effectuée au lieu de placement en
vue de la révision de la mesure.
L’affaire d’un enfant en conflit avec la loi requérant célérité, car il s’agit de lui trouver des
mesures de garde et d’éducation, la loi prévoit à l’article 128 que la décision du juge pour
enfants est exécutoire sur minute dès le prononcé en ce qui concerne la mesure prise à l’égard
de l’enfant. Mais la loi reconnaît au juge la faculté d’en décider autrement, en tenant compte
de certaines circonstances.
Le juge veille lui-même à l’exécution de toutes les mesures qu’il a prises à l’égard de
l’enfant. Il est aidé en cela par l’assistant social territorialement compétent (article 129).
149
En ce qui concerne les aspects civils de l’affaire d’un enfant reconnu en conflit avec la loi,
l’exécution se fait conformément au droit commun. Les délais d’opposition et d’appel
suspendent l’exécution.
En ce qui concerne les affaires civiles qui sont de la compétence matérielle du juge pour
enfants (l’identité, la capacité, la filiation, l’adoption et la parenté), la procédure d’exécution
est conforme au droit commun (Code de procédure civile).
L’article 130 de la loi prévoit que sur décision motivée du juge, prise soit d’office, soit à la
demande du ministère public, des parents, tuteur ou personnes qui ont la garde de l’enfant,
soit sur rapport de l’assistant social, l’enfant placé dans un établissement de garde et
d’éducation de l’Etat, qui atteint l’âge de dix-huit ans en placement peut, pour raison de
perversité, être transféré dans un établissement de rééducation de l’Etat pour une durée qui
ne peut excéder sa vingt-deuxième année d’âge.
Cette disposition fait référence à une modalité de durcissement des mesures de garde et
d’éducation prises à l’égard d’un enfant placé dans un EGEE, mais qui fait preuve de
perversité. Il peut donc être transféré sur décision du juge dans un établissement de
rééducation. La loi prévoit trois conditions pour cela :
Le juge doit être saisi de cette demande de transfert soit par le ministère public, soit par les
parents, tuteur ou personnes qui ont la garde de l’enfant, soit sur rapport de l’assistant
social. Si le rapport de ce dernier doit être écrit, la demande des parents peut être verbale
mais actée par le greffier. Mais la loi prévoit que le juge peut aussi décider d’office, sans être
saisi par ces personnes. Celles-ci doivent donner des éléments caractéristiques de la
perversité de l’enfant placé en EGEE.
Dans tous les cas, la décision du juge ordonnant le transfert vers un établissement de
rééducation doit être motivée.
La loi prévoit également que le fait que le coupable ait été par le passé déchu de l’autorité
parentale en tout ou en partie, constitue une circonstance aggravante de ces faits.
151
Chapitre 5 : La protection pénale de l’enfant
La protection pénale de l’enfant est une modalité de protection ordinaire (générale) de tout
enfant. Elle consiste soit à ériger en infraction des actes de violation des différents droits
reconnus à l’enfant ou ceux susceptibles de nuire à son bien-être, soit à en aggraver la peine
lorsque les conséquences en sont fort préjudiciables pour l’enfant ou en raison de la qualité
de l’auteur.
Section 1 : Les infractions constituées des actes de violation des droits de l’enfant ou
susceptibles de nuire à son bien-être
§1. Les atteintes à la vie de l’enfant à naître ou déjà né ainsi qu’à son intégrité physique
ou mentale
1. Les coups et blessures volontaires sur une femme enceinte (article 143) ;
2. La non assistance d’une femme en instance d’accouchement par le personnel soignant
(article 146) ;
3. Les coups et blessures volontaires sur la personne d’un enfant (article 147, alinéa 1er) ;
4. Le fait de soumettre un enfant à la torture (article 151) ;
5. La mutilation sexuelle d’un enfant (article 153, alinéa 1er) ;
6. La pratique de l’expérimentation médicale sur un enfant (article 154, alinéa 1er) ;
7. L’administration volontaire à un enfant des substances nuisibles, notamment des
stupéfiants et des psychotropes, qui peuvent donner la mort ou des substances qui, sans
être de nature à donner la mort, peuvent altérer gravement la santé d’un enfant de
quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées (article 155) ;
8. La pratique des épreuves superstitieuses sur la personne d’un enfant (article 157, alinéa
1er) ;
9. L’incitation d’un enfant au suicide (article 158).
1. L’imputation dommageable à un enfant d’un fait précis qui est de nature à porter
atteinte à son honneur et à sa dignité (article 160, alinéa 1er) ;
2. L’enlèvement, l’arrestation arbitraire et la détention d’un enfant par violence, ruses ou
menaces (article 161, alinéa 1er) ;
3. La traite ou la vente d’enfants (article 162) ;
152
§4. Des agressions sexuelles sur un enfant
Section 2 : Les infractions aggravées par les conséquences fort préjudiciables pour
l’enfant ou en raison de la qualité de l’auteur
§1. Les circonstances aggravantes des atteintes à la vie de l’enfant à naître ou déjà né
ainsi qu’à son intégrité physique ou mentale
1. Les coups et blessures volontaires sur une femme enceinte entraînant une altération
grave de la santé de la femme, de l’embryon, du fœtus ou la perte d’un organe (article
144) ;
2. Les coups et blessures volontaires sur une femme enceinte ayant causé l’avortement
(article 145) ;
3. Les coups et blessures prémédités sur la personne d’un enfant (article 147, alinéa 2) ;
4. Les coups et blessures volontaires portés sur un enfant ayant entraîné une maladie ou
une incapacité de plus de huit jours (article 148) ;
5. Les coups et blessures volontaires portés sur un enfant ayant entraîné une mutilation
ou un handicap permanent de l’enfant (article 149) ;
6. Les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort d’un enfant sans intention de
la donner (article 150) ;
7. Les actes de torture, de brutalité, de cruauté, d’odieuses souffrances, de privation ou
de séquestration susceptibles de porter atteinte à la santé physique ou mentale ainsi
qu’à l’équilibre affectif et psychologique de l’enfant ayant entraîné sa mort (article
152) ;
8. La mutilation sexuelle d’un enfant ayant entraîné sa mort sans intention de la donner
(article 153, alinéa 2) ;
9. La pratique d’une expérimentation médicale sur un enfant ayant entraîné une
incapacité ne dépassant pas huit jours (article 154, alinéa 2) ;
10. La pratique d’une expérimentation médicale sur un enfant ayant entraîné une
incapacité de plus de huit jours ou ayant provoqué une mutilation ou une infirmité
permanente (article 154, alinéa 3) ;
11. La pratique d’une expérimentation médicale sur un enfant ayant entraîné la mort
(article 154, alinéa 4) ;
12. L’administration volontaire à un enfant des substances nuisibles ayant causé une
infirmité permanente (article 156) ;
13. La pratique des épreuves superstitieuses sur un enfant ayant causé une maladie ou une
incapacité ou la perte de l’usage absolu d’un organe ou une mutilation grave (article
157, alinéa 2) ;
14. L’incitation d’un enfant au suicide ayant abouti au suicide (article 158).
154
§3. Les circonstances aggravantes des atteintes à la propriété ou au patrimoine de
l’enfant
1. Le viol d’enfant commis par des ascendants de l’enfant, des personnes ayant autorité
sur lui, ses enseignants, ses serviteurs à gage ou leurs serviteurs, des agents publics,
des ministres de culte ayant abusé de leur position pour le commettre, du personnel
médical ou des assistants sociaux, des tradipraticiens envers des enfants confiés à
leurs soins, des gardiens sur les enfants placés sous leur surveillance (article 170,
alinéa 2) ;
2. Le viol d’enfant commis avec l’aide d’une ou plusieurs personnes, en public, s’il a
causé à l’enfant une altération grave de sa santé et/ou laissé de séquelles physiques
et/ou psychologiques graves (article 170, alinéa 3) ;
3. L’attentat à la pudeur commis sur un enfant avec violence, ruse, ou menace (article
172, alinéa 2) ;
4. L’attentant à la pudeur commis à l’aide d’un ou de plusieurs enfants âgés de moins de
dix ans (article 172, alinéa 3) ;
5. L’attentat à la pudeur commis par des personnes ou dans des circonstances prévues à
l’article 170, alinéas 2 [et 3] (article 172, alinéa 4) ;
6. L’attentat aux mœurs en incitant, facilitant ou favorisant pour satisfaire les passions
d’autrui, la débauche ou la corruption des enfants commis envers un enfant âgé de
moins de dix ans accomplis (article 173, alinéa 2) ;
7. L’attentat aux mœurs en incitant, facilitant ou favorisant pour satisfaire les passions
d’autrui, la débauche ou la corruption des enfants commis par le père, la mère, le
parâtre, la marâtre, le tuteur ou toute personne exerçant en droit ou en fait l’autorité
sur l’enfant (article 173, alinéas 3 et 4) ;
8. La détention d’un ou plusieurs enfants dans le but d’abuser d’eux sexuellement
(esclavage sexuel) suivi de grossesse (article 175, alinéa 2) ;
9. L’exposition d’un enfant à l’exhibition sexuelle par le père, la mère, le parâtre, la
marâtre, le tuteur ou toute personne exerçant en droit ou en fait l’autorité sur l’enfant
(article 178, alinéa 2).
§5. Les circonstances aggravantes des infractions de mise en danger d’un enfant
Il convient de préciser que les faits constitutifs d’infractions prévues par la loi en vue de la
protection pénale de l’enfant sont de la compétence de la juridiction pénale ordinaire s’ils
sont l’œuvre d’un adulte (personne âgée de plus de dix-huit ans) ou du Tribunal pour enfants
s’ils sont reprochés à un enfant sur un autre enfant.
Dans ces deux cas, la juridiction compétente peut également appliquer les dispositions du
Code pénal ordinaire lorsqu’elles protègent mieux l’enfant victime.
155
156
Chapitre 6 : L’organisation et le fonctionnement des comités de médiation.
Introduction
La médiation est un mécanisme qui a fait son entrée dans le droit positif congolais pour la
toute première fois dans la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant.
Elle est très importante dans la justice pour mineurs et mérite d’être développée et améliorée.
En effet, elle met en avant la compréhension de l’enfant comme étant un être vulnérable,
immature, irresponsable de ses actes, et qui a besoin d’être aidé pour devenir un adulte
suffisamment intégré dans la société. Les manquements que l’on peut lui reprocher, doivent
constituer le point de départ d’un nombre suffisant des mesures éducatives, au-delà des
compromis arrêtés face au tort causé à autrui par ses actes.
Comme nous l’avions déjà vu dans le premier module, les perspectives fondamentales
générales de l’Ensemble des règles minima des Nations Unies concernant l’administration de
la justice pour mineurs visent à favoriser le plus possible la protection sociale des jeunes pour
éviter l'intervention du système de la justice pour mineurs et le tort souvent causé par cette
intervention. C’est pourquoi l’article 11.1 de cet instrument international recommande de
s’attacher, dans toute la mesure possible, à traiter le cas des délinquants juvéniles en évitant
le recours à une procédure judiciaire devant l'autorité compétente.
Nous nous attarderons d’abord sur les généralités de la médiation, avant d’exposer la manière
dont elle est organisée, la procédure de sa mise en œuvre par les comités de médiation avec le
concours des tribunaux pour enfants, et les rôles de ministères concernés par sa mise en
œuvre.
Dans un premier temps, il convient d’exposer la définition de la médiation telle que la loi la
conçoit et de présenter ses avantages ainsi que les cas pour lesquels la loi a prévu la
médiation.
Aux termes de l’article 132 de la loi de 2009, la médiation est un mécanisme qui vise à
trouver un compromis entre l’enfant en conflit avec la loi ou son représentant légal, avec la
victime ou son représentant légal ou ses ayants droits, sous réserve de l’opinion de l’enfant
intéressé dûment entendu.
157
Sans préjudice des articles 132 et 133 de la loi portant protection de l'enfant, la médiation
est entendue comme un mécanisme visant à trouver un compromis entre l’enfant suspecté ou
accusé d’un fait qualifié d’infraction par la loi pénale, ou son représentant légal ou toute
personne exerçant sur lui l’autorité en droit ou en fait, et la victime ou son représentant légal
ou toute personne exerçant sur elle l’autorité en droit ou en fait ou ses ayant droits, sous
réserve de l'opinion de l'enfant intéressé dûment entendu, pour autant qu'il reconnaisse
volontairement les faits mis à sa charge ou sur base des indices sérieux relevés par le juge,
sauf s’il s’agit des faits bénins.
Cette définition respecte le droit de l’enfant mis en cause à la présomption d’innocence sans
le considérer d’office comme étant en conflit avec la loi. Car, un enfant n’est pas en conflit
avec la loi au moment où il commet un manquement qualifié d’infraction à la loi pénale
(comme le dit d’ailleurs erronément l’article 2 point 9 de la loi), mais au moment où le juge
déclare le manquement établi après en avoir vérifié les faits et retenu les preuves nécessaires.
L’enfant mis en cause bénéficie du sacré droit de la présomption d’innocence prévu à l’article
104 de la loi n° 01/009 du 10 janvier 2009 ; lequel droit constitue, de surcroît, une garantie
fondamentale de procédure judiciaire contre l’enfant traduit en justice sous peine de nullité de
la procédure. Donc au stade où le juge décide de déférer un dossier d’un enfant devant le
comité de médiation, l’enfant est tout simplement suspecté ou accusé d’être en conflit avec la
loi. Ainsi, la médiation ne doit pas constituer une entorse au droit de l’enfant suspecté ou
accusé à la présomption d’innocence.
Cela implique qu’un dossier ne peut pas être envoyé en médiation si l’enfant ne reconnaît pas
les faits. Une des raisons pour lesquelles l’enfant accusé d’être en conflit avec la loi pourrait
préférer la médiation, c’est justement de pouvoir éviter que son affaire soit judiciarisée et
qu’au bout de la procédure judiciaire, il soit qualifié d’enfant en conflit avec la loi.
Les avantages de la médiation ainsi définie résulte de l’objectif qu’elle poursuit, à savoir
épargner l'enfant des inconvénients d'une procédure judiciaire, d'assurer la réparation du
dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant du fait qualifié d'infraction
à la loi pénale et de contribuer ainsi à la réinsertion sociale de l'enfant.
Enfin, par le compromis que les deux parties et leurs parents ou représentants parviennent
à trouver, la médiation permet de mettre fin au trouble causé par la conduite de l’enfant et
favorise la cohésion sociale au sein de la communauté.
Il est aussi important de souligner que la médiation est moins couteuse que la procédure
judiciaire.
158
§3. Les cas et modalités d’ouverture à la médiation
Selon l’article 138 de la loi de 2009, la médiation n’est pas permise pour des manquements
qualifiés d’infraction à la loi pénale punissables de plus de dix ans de servitude pénale. Ces
faits sont considérés comme très graves, même s’ils sont commis par un enfant. Il en est ainsi
du meurtre, de l’assassinat, de l’empoisonnement, les coups mortels, l’administration des
substances nuisibles, les épreuves superstitieuses aggravées, le vol aggravé, les actes de
tortures ayant entraîné la mort, etc.
Compte tenu des avantages de la médiation, qui viennent d’être exposés, l’exclusion des âgés
de moins de quatorze ans paraît comme un inconvénient que le projet de l’arrêté
interministériel modifiant et complétant l’arrêté de 2010 a permis d’éviter, en prévoyant que
la médiation concerne aussi bien les enfants âgés moins de 14 ans que ceux âgés de 14 ans à
moins de 18 ans.
Il est précisé que dans le cas des enfants âgés de moins de 14 ans, si la médiation n’aboutit
pas, la victime pourra se pourvoir devant les juridictions ordinaires en vertu du droit commun
de la responsabilité civile prévu à l’article 260 du Code civil congolais.
Si les enfants âgés de moins de 14 ans sont exclus de la procédure judiciaire pour absence de
discernement, il n’y a aucun problème a les admettre en procédure de médiation avec leurs
parents et ou représentants parce que la médiation est à l'opposé de la procédure judiciaire
quant à sa nature et à son objectif de rétablir la cohésion sociale et la paix entre familles à la
suite des agissements des enfants.
Et sur le plan scientifique, rien ne s'oppose à ce que la cause impliquant un enfant âgé de
moins de 14 ans (qui bénéficie de la présomption irréfragable d’absence de discernement et
non de la présomption irréfragable d’irresponsabilité pénale, comme le dit erronément la loi à
l’article 95), soit traité en médiation dans les mêmes conditions que celle des enfants âgés de
plus de 14 ans, d'autant plus que, comme le dit la loi (à l’article 132), en procédure de
médiation, l'enfant mis en cause peut être représenté par son représentant légal (ou coutumier
et par son avocat). D'ailleurs, l’article 96 de la loi n° 01/009 du 10 janvier 2009 prévoit que
Lorsque l'enfant déféré devant le juge a moins de 14 ans, celui-ci le relaxe comme ayant agi
sans discernement et ce, sans préjudice de la réparation du dommage causé à la victime.
Dans la pratique, cette question de la réparation du dommage causé par un enfant âgé de
moins de 14 ans est épineuse, ce qui amène quand même certains juges à examiner les
affaires concernant ces enfants au lieu de les relaxer comme le prévoit la loi, tandis que
d’autres juges préfèrent envoyer ces affaires devant le comité de médiation. Il conviendrait
donc de renvoyer ces affaires devant le comité de médiation pour justement amener les
parties à s'entendre sur les réparations, ce qui constitue un des objectifs de la médiation (voir
l'article 134 de la loi). Si la médiation n'aboutit pas, la victime pourra se pourvoir devant les
juridictions ordinaires en vertu du droit commun de la responsabilité civile (article 260 du
Code civil livre III).
La médiation est donc une procédure favorable même pour un enfant âgé de moins de 14 ans.
Elle paraît conforme à son intérêt supérieur. Et la loi ne l'interdit pas.
159
L’article 139 de la loi de 2009 dispose que La médiation est ouverte à toutes les étapes de la
procédure judiciaire. Elle suspend la procédure devant le juge saisi, sauf en ce qui concerne
les mesures provisoires.
La loi de protection de l’enfant de 2009 prévoit en son article 135 que la médiation est
conduite par un organe dénommé « Comité de médiation ». Elle charge les ministres de la
Justice et de la Femme, Famille et Enfant de fixer la composition, l’organisation et le
fonctionnement du Comité de médiation.
Cette disposition de l’Arrêté posait problème pour avoir institué le Comité de médiation près
chaque Tribunal pour enfants. En effet, le plus grand malaise ressenti dans le fonctionnement
du Comité de médiation dans le cadre de la justice pour mineurs en RDC est justement sa
judiciarisation. L’article 1er de l’AIM consacre cette judiciarisation. Pourtant la médiation, de
par sa nature même, est un mécanisme de nature communautaire. Et la loi n° 09/001 du 10
janvier 2009 portant protection de l’enfant, qui a prévu ce mécanisme de déjudiciarisation des
affaires des mineurs, n’a pas disposé que ce mécanisme doive fonctionner nécessairement
auprès d’un Tribunal pour enfants. Le Comité de médiation peut, en effet, être institué au
niveau des instances communautaires locales, et cela n’empêche pas que le Tribunal pour
enfants puisse y déférer certains dossiers.
C’est pourquoi, l’article 1er du projet d’arrêté modifiant et complétant l’arrêté de 2010 prévoit
qu’il est institué un ou plusieurs Comités de médiation dans chaque commune d’une ville ou
dans chaque groupement rural constituant le ressort d’un Tribunal pour enfants. Le siège du
Comité de médiation est situé à la maison communale ou au bureau du groupement.
160
l'enfant.
A notre connaissance, le Conseil national de l’enfant n’est pas encore organisé. En effet,
l’article 75 de la loi n° 01/009 dispose : « Un décret du Premier ministre, délibéré en Conseil
des ministres, fixe l’organisation et le fonctionnement du Conseil National de l’Enfant ». Et
ce Décret n’a pas encore été signé. La disposition de l’Arrêté interministériel qui prévoit que
le Comité de médiation soit présidé par un représentant d’un organe non encore organisé
comme ci-dessus précisé, est de nature à causer l’ineffectivité de la méditation. On a mis la
charrue avant les bœufs, comme le dit le Professeur IDZUMBUIR ASSOP188.
Pour être nommés membres du Comité de médiation, le candidat doit réunir les conditions de
bonne moralité et d’une expérience avérée ou des connaissances spéciales en matière de
protection de l’enfant et ou de règlements des conflits (article 6 du projet de l’arrêté
interministériel de 2016).
188
Lire M.-J IDZUMBUIR ASSOP, La loi de protection de l’enfant en RD Congo. Analyse critique et
perspectives, Kinshasa, CEDESURK, 2013.
161
- Contresigner avec les membres du Comité de médiation le rapport synthèse de la
médiation;
- Veiller à l'expédition régulière des affaires déférées au Comité de médiation par
le Tribunal pour enfants;
- Gérer les subventions de l'Etat affectées au fonctionnement du Comité de
médiation.
L’article 6 de l’Arrêté interministériel de 2010 disposait en son alinéa 1er ce qui suit :
Les membres du Comité de médiation sont désignés par le président provincial du Conseil
National de l'Enfant, et à défaut, par son représentant dans le ressort, sur proposition du
président du tribunal pour enfants dudit ressort.
162
La désignation des membres du Comité de médiation par le Président provincial du Conseil
national de l’Enfant ou par son représentant, sur proposition du président du Tribunal pour
enfants pose problème au regard de l’indépendance du Comité de médiation aussi bien de
l’administration que du Tribunal pour enfants. En effet, le Conseil National de l’Enfant, qui
n’existe pas encore, ne peut pas, d’une part, désigner les membres du Comité de médiation et
en même temps, et d’autre part, présider ce comité. Et pour sa part, le Président du Tribunal
pour enfants ne peut pas non plus, d’une part, proposer les deux autres membres du Comité
pour qu’ils soient désignés par le Président ou le représentant du Conseil, et d’autre part,
proposer leur relèvement des fonctions de membre du comité
Pourrait-on, en effet, concevoir que le Président d’un Tribunal pour enfant, propose au
représentant du Conseil National de l’Enfant, Président du comité de médiation que ce
dernier mette fin à son mandat de Président de comité ? Le conflit de compétence serait vite
né entre les trois instances (le Conseil National de l’Enfant, le Président du Tribunal pour
enfants et le comité de médiation). C’est pourquoi, il faudrait absolument garantir
l’indépendance du comité de médiation du Tribunal pour enfants dans l’exercice de ses
fonctions d’assurer la médiation en justice pour mineurs.
Les membres du Comité de médiation sont désignés par le Maire de la ville dans les villes ou
par l’Administrateur du territoire, sur proposition respectivement du Chef de Division ou du
chef de service du Ministère de la Femme, Famille et Enfant.
Ces autorités transmettent au Président du Tribunal pour enfants du ressort les actes de
désignation des membres effectifs et suppléants du Comité de médiation dans leurs ressorts
respectifs en vue de la prestation de serment devant le Président du Tribunal pour enfants.
L’AIM de 2010 prévoyait un mandat de trois ans renouvelable deux fois, prenant effet à la
date de leur notification.
Le mandat de trois ans paraissait court et ne favorisait pas une certaine stabilité et le
développement d’une expérience de médiation. C’est pourquoi, l’AIM de 2016 a prévu que
Le mandat des membres du Comité de médiation est de cinq ans renouvelable une fois.
Il prend cours à la date de la notification, 72 heures après la prestation de serment.
Il prend fin à l'expiration du terme, suite au décès, à la démission volontaire, à un
empêchement définitif ou à une décision de l'autorité de désignation motivée par des actes
d’improbité ou d’immoralité, le membre mis en cause préalablement entendu.
Le membre du comité dont le mandat prend fin par l’expiration du terme continue à exercer
sa fonction jusqu’à son remplacement effectif.
Aux termes de l’article 15 de l’AIM de 2016, les membres du Comité de médiation prêtent
individuellement, par un écrit remis au Président du Tribunal pour enfants, le serment
suivant: « Je jure d'accomplir ma mission avec honneur et neutralité, dans l'intérêt supérieur
de l'enfant ».
163
Par ailleurs, avant de commencer à exercer leur fonction, les membres du Comité de
médiation reçoivent une formation appropriée organisée et supportée par le Ministère de la
Femme, famille et Enfant. En cours de carrière, ils reçoivent aussi une formation continue
constante.
L’article 14 prévoit que le Comité de médiation peut recourir à l’expertise des personnes
reconnues pour leurs connaissances spécialisées notamment dans les domaines du droit, de la
psychologie ou de la santé mentale pour être éclairé sur certains aspects de la conduite de la
médiation dans une affaire déterminée.
Le Comité de médiation est saisi par le Président du Tribunal pour enfants, suivant les
distinctions prévues aux articles 136 et 137 de la loi portant protection de l'enfant.
L’article 136 de la loi de 2009 dispose que Lorsque les faits en cause sont bénins et que
l’enfant en conflit avec la loi n’est pas récidiviste, le président du Tribunal pour enfants
défère d’office la cause au comité de médiation dans les quarante-huit heures de sa saisine.
Mais en cas de manquement qualifié d’infraction à la loi pénale punissable de moins de dix
ans de servitude pénale, le président du tribunal pour enfants peut transmettre l’affaire au
comité de médiation ou engager la procédure judiciaire.
De ces deux dispositions, il se dégage que le président du tribunal pour enfants défère
d’office la cause au Comité de médiation, à la double condition que les faits en cause soient
bénins et que l’enfant accusé d’être en conflit avec la loi n’est pas récidiviste. Le président du
tribunal n’a pas le pouvoir d’apprécier l’opportunité de déférer la cause au Comité de
médiation. Il doit la déférer d’office. On peut considérer comme bénins, les faits punissables
de moins de cinq ans de servitude pénale. La loi laisse au président du tribunal pour enfants
48 heures à dater de sa saisine.
Par contre, lorsque les faits sont jugés comme graves, c’est-à-dire punissables de cinq ans à
10 ans de servitude pénale, la loi laisse au président du tribunal un certain pouvoir
d’appréciation sur l’opportunité de déférer la cause au Comité de médiation ou d’engager la
procédure judiciaire.
Mais en dehors de ces deux dispositions, il faudrait aussi inclure les affaires concernant les
enfants âgés de moins de 14 ans, qui peuvent donc être déférées au Comité de médiation pour
les réparations. A l’égard de cette catégorie d’enfants, la gravité des faits importe donc peu.
Car aucune procédure judiciaire ne peut être engagée contre eux.
Le Comité de médiation ne peut pas se saisir d’office. Il n’est saisi que par le président du
tribunal pour enfants, et ce, par une lettre de transmission du dossier d’un enfant accusé
d’être en conflit avec la loi. En effet, l’article 17 de l’arrêté interministériel de 2016 prévoit
que lorsqu’il décide de recourir à la médiation, le Président du Tribunal pour enfants transmet
par lettre, dans les 48 heures de son ouverture, le dossier de l’affaire au Président du Comité
de médiation.
164
Sauf en cas de faits bénins, cette lettre indique que l’enfant mis en cause reconnaît les faits
mis à sa charge ou que le Président en a relevé des indices sérieux et que les parties sont
d’accord pour entamer la procédure de médiation en vue d’un compromis. Il est important
que l’enfant ne soit pas transféré au Comité de médiation s’il ne reconnaît pas les faits. Il
pourrait considérer qu’on l’oblige à avouer des faits qu’il n’a pas commis. Cette circonstance
serait défavorable à l’éducation de l’enfant. Il est donc convenable que l’enfant reconnaisse
les faits et soit disposé à les réparer. Mais cette exigence de la reconnaissance préalable des
faits par l’enfant n’est pas requise si les faits sont bénins, car le président du tribunal est
légalement tenu de les déférer d’office au Comité de médiation.
Les parties reçoivent ampliation de la lettre adressée au Comité de médiation par le président
du tribunal pour enfants de manière à pouvoir se mettre à la disposition du Comité de
médiation.
Le Président du Comité de médiation, après avoir reçu la lettre du président du tribunal pour
enfants lui transmettant le dossier de l’enfant, fait enregistrer l’affaire par les soins du
Secrétaire rapporteur.
Le Président du Comité de médiation, après s'être concerté avec les deux autres membres
ainsi qu'avec les parties, fixe la date, l'heure et le lieu de la séance de médiation.
La date sera la plus rapprochée possible tandis que le lieu, autre que le tribunal, devra
répondre aux exigences de neutralité, de salubrité, de sécurité et de sérénité. Normalement le
Comité de médiation devra siéger à son siège, qui est soit la maison communale ou au bureau
du quartier en ville, soit celui du groupement.
Après l’examen préalable du dossier, le Président du Comité de médiation invite toutes les
parties ou leurs représentants légaux ou coutumiers par une lettre missive avec accusé de
165
réception suivant les formes ordinaires de notification, au moins cinq jours avant, à se
présenter au Comité de médiation aux fins de participer aux séances de médiation.
En cas de non comparution des parties ou de l’'une d’elles, les membres du Comité de
médiation peuvent se rendre à leurs domiciles pour leur expliquer le bien fondé de la
médiation, et les encourager à s’engager dans la procédure de médiation pour régler le
problème impliquant l’enfant en vue de la cohésion sociale. Le Président du Comité devra
leur envoyer une seconde invitation.
Le défaut de comparution d'une partie atteinte par deux invitations successives équivaut à un
refus de la médiation. Le dossier est retourné au Président du Tribunal pour enfants avec un
rapport indiquant cette circonstance.
La séance de médiation se déroule à huis clos et dans les conditions de sérénité requise.
Les échanges des parties entre elles et avec les membres du Comité de médiation sont
orientés vers la recherche d'un compromis.
Après quoi, le Comité de médiation entame les échanges avec chacune des parties séparément
et à huis clos. Au cours de ces échanges, le Comité de médiation s'efforce d'écouter
attentivement les parties pour bien identifier leurs prétentions et éventuellement leurs
dispositions psychologiques. Il engage avec les parties un dialogue basé sur la confiance
mutuelle.
Après les échanges avec chacune des parties, le Comité de médiation reçoit en séance
plénière toutes les parties. La plénière peut avoir lieu le même jour ou un autre jour, selon les
circonstances et la disponibilité des parties. Elle a pour but de concilier les divergences des
parties afin de dégager un compromis.
166
Le Secrétaire rapporteur du Comité de médiation résume les échanges dans un rapport
synthèse.
Aux termes de l’article 140 de la loi de 2009, le Comité de médiation statue en toute
indépendance. L’article 26 de l’AIM précise que les membres du Comité de médiation
exercent leur mission avec professionnalisme, neutralité, impartialité et indépendance aussi
bien vis-à-vis du Tribunal pour enfants que des parties ou des tiers.
Si un membre du Comité a des liens de parenté, d’amitié ou d’inimitié avec l’une des parties,
il se déporte en informant les deux autres membres du Comité de médiation. Dans ce cas, il
est remplacé par son suppléant. A défaut de se déporter, la partie intéressée peut le récuser en
saisissant le Comité. Le membre mis en cause est remplacé par son suppléant.
Selon l’article 134 de la loi de 2009, La médiation est notamment conclue sur la base d’une
ou de plusieurs des mesures ci-après :
1. l’indemnisation de la victime ;
2. la réparation matérielle du dommage ;
3. la restitution des biens à la victime ;
4. la compensation ;
5. les excuses expresses présentées de façon verbale ou écrite à la victime ;
6. la réconciliation ;
7. l’aide aux victimes ;
8. le travail d’intérêt général ou prestation communautaire.
Le travail d’intérêt général consiste en une prestation utile à la collectivité ne dépassant pas
quatre heures par jour, pour une durée d’un mois au plus. Le travail doit être effectué dans le
respect de la dignité humaine, avec le consentement éclairé de l’enfant et sous la supervision
de l’assistant social.
L’AIM précise, en son article 28, que le Comité de médiation ne dispose d’aucun pouvoir de
sanction. Il a cependant un pouvoir de recommandation et, il peut éventuellement obtenir des
renseignements complémentaires sur les circonstances de la commission des faits dont il est
saisi. Il s’entremet entre les parties au conflit pour faciliter, structurer et coordonner la
recherche volontaire et responsable d’une solution durable, respectueuse des parties,
librement consentie par elles.
Aux termes de l’article 140 de la loi, le Comité de médiation fait rapport au président du
tribunal pour enfants sur les conclusions de la médiation dans un délai de trente jours à dater
de la réception du dossier. Passé ce délai, le comité de médiation est dessaisi d’office.
Toutefois, l’article 27 de l’AIM prévoit que dans l’intérêt supérieur de l’enfant et en vue de
rechercher une solution qui lui soit favorable, le Président du Tribunal pour enfants saisi par
un rapport du Comité de médiation dans le délai imparti, peut ordonner la poursuite de la
médiation pour finaliser, dans un bref délai qu’il détermine, le processus de médiation.
167
Il y a lieu de considérer que le délai imparti par la loi au Comité de médiation vaut pour
l’obtention du compromis. Celui-ci doit donc intervenir dans les trente jours de la réception
du dossier au Comité de médiation. Il ne concerne pas l’exécution du compromis, qui peut
donner lieu à un délai plus long selon es circonstances. Car l’exécution du compromis peut
être échelonnée sur un certain temps.
Lorsque la médiation aboutit, le Président du Comité de médiation invite toutes les parties à
prodiguer des conseils à l’enfant mis en cause. Les membres du Comité de médiation
s’adressent ensuite à l’enfant l’exhortant à éviter à l’avenir d’être à la base des situations
problématiques de nature à le mettre en conflit avec la loi ou à porter atteinte aux droits des
autres membres de la communauté.
La parole est accordée en dernier à l’enfant, qui peut éventuellement présenter des excuses
expresses à la victime et promettre une conduite plus sage.
Le compromis dégagé ainsi que toutes les mesures prises, notamment les conseils donnés à
l'enfant et les excuses éventuelles de ce dernier, sont actés par le Secrétaire rapporteur dans
un procès-verbal que signent les membres du Comité de médiation ainsi que toutes les parties
ayant participé à la procédure de médiation. Il est communiqué, sans délai, au Président du
Tribunal pour enfants pour y apposer la formule exécutoire, conformément à l'article 141 de
la loi portant protection de l'enfant. Le dossier de l'affaire l'accompagne.
Mais le compromis doit être conforme à la loi, à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Serait,
par exemple contraire à la loi, un compromis qui permettrait que l’enfant, accusé de viol sur
mineure, épouse celle-ci alors qu’elle n’a pas encore atteint l’âge de 18 ans ou encore qui
officialiserait les fiançailles entre les deux enfants.
L’article 141 de la loi de 2009 dispose que lorsque la médiation aboutit, elle met fin à la
procédure engagée devant le juge. Le compromis, signé par les différentes parties, est revêtu,
sans délai, de la formule exécutoire par le président du tribunal pour enfants. Et l’article 32 de
l’AIM précise que le greffier s’assure de la bonne et complète exécution du compromis
intervenu.
On est porté à soutenir cette pratique des parties de réaliser l’exécution devant le Comité de
médiation après la pose de la formule exécutoire par le tribunal pour enfants, car les parties
font confiance aux membres du Comité de médiation grâce à la médiation desquels le
compromis a été trouvé. Et il paraît juste que l’exécution soit réalisée devant ce comité.
168
convenu, la formule exécutoire permet alors à la partie créancière des réparations, de
poursuivre l’exécution forcée du compromis comme un jugement exécutoire devant le greffe
d’exécution, qui devra attribuer au dossier un numéro RH, et percevoir les droits
proportionnels.
F. L’échec de la médiation
Selon l’article 141, alinéa 2, de la loi de 2009, en cas d’échec de la médiation, la procédure
judiciaire reprend son cours.
L’arrêté interministériel précise, en son article 30, qu’en cas d'échec de la médiation, un
rapport circonstancié est, sans délai, adressé au Président du Tribunal pour enfants ensemble
avec le dossier de l'affaire. Et la procédure judiciaire suspendue reprend son cours.
La loi n’a pas prévu le cas où après la reprise de la procédure judiciaire, une des parties,
particulièrement celle qui était intransigeante, se montre favorable à la médiation. Le
président du tribunal pour enfants peut-il renvoyer de nouveau devant le comité de médiation
pour un plus bref délai ? Compte tenu des avantages de la médiation examinés ci-dessus
particulièrement ceux consistant à éviter à l’enfant les inconvénients de la procédure
judiciaire et tendant à favoriser la cohésion sociale, le président du tribunal pourrait exploiter
cette ouverture en faveur de la médiation en accordant au Comité de médiation un délai plus
bref, par exemple la huitaine ou la quinzaine selon les circonstances. A notre avis, il n’y aura
pas lieu de craindre lenteur ou la lourdeur de la procédure, car le Comité de médiation ne
reprendra pas la procédure ab ovo. Il la poursuivra là où les parties s’étaient arrêtées dans les
échanges, qu’il s’agira de finaliser.
L’article 132 de la loi dispose que l’acte de médiation est exonéré de tous frais. Donc, la
médiation n'expose pas les parties au payement des frais. Et cela constitue un de ses
avantages par rapport au coût de la procédure judiciaire. La réussite de la médiation permet
s’échapper à ce coût, en plus du fait d’avoir une solution définitive à un problème, ce que la
poursuite de la procédure judiciaire ne garantit pas toujours. Cet avantage devrait être
exploité aussi par le Comité de médiation pour encourager les parties à rechercher une
solution en médiation.
L’article 33 de l’AIM prévoit qu’au moins deux fois l'an, le Président du Tribunal pour
enfants effectue une visite de travail auprès du Comité de médiation de son ressort pour
évaluer le niveau de son fonctionnement et en fait rapport au Premier Président de la Cour
d'appel du ressort ainsi qu'aux chefs des Divisions provinciales de la Femme, Famille et
Enfant et de la Justice .
169
Le Ministre de la Justice et celui de la Femme, Famille et Enfant ont la responsabilité de
soumettre au Conseil de Ministres, un arrêté fixant la composition, l’organisation et le
fonctionnement des Comités de médiation dans la justice pour mineurs.
En vertu de cet arrêté, qui devra déterminer le rôle de chacun de ces trois ministères, le
ministère de la Justice, à travers le Président du tribunal pour enfants et sa hiérarchie devra
assurer l’inspection régulière des Comités de médiation afin de s’assurer de leur bon
fonctionnement dans la justice des mineurs.
Le ministère des Affaires sociales devra veiller à pourvoir des membres effectifs ou
suppléants pour assurer les fonctions de Secrétaire-rapporteur au sein des Comités de
médiation.
Mais le bon fonctionnement des Comités de médiation dépend en très grande partie du
ministère de la Femme, famille et Enfant. Il doit exercer particulièrement les missions
suivantes :
Il inscrit sur son budget la subvention due aux Comités de médiation et à leur
fonctionnement ;
170
TABLE DES MATIERES
§3. Les dispositions de protection générale de l’enfant dans la loi de 2009 .................. 18
§1. Trois manières de mal commencer une recherche ou le chaos originel ................... 25
C. L’emphase obscurcissante............................................................................................ 28
c. La constatation ................................................................................................... 33
173
b. L’introduction de l’État dans la gestion et le contrôle de la famille et de
l’enfance vers la fin du XIXe siècle ............................................................... 53
ET CRITIQUE ......................................................................................................................... 72
174
Chapitre 1 : Réflexion conceptuelle : Définitions de la délinquance juvénile ..................... 72
Section 1 : La délinquance comme une construction pénale et non comme une réalité
substantielle ou un comportement naturel .................................................................... 75
Chapitre 1 : Les normes relatives à la justice pour mineurs (l’Ensemble de règles minima
concernant l’administration de la justice pour mineurs) .............................................. 83
§2. Le champ d’application de l’ensemble des règles et les définitions utilisées .......... 84
Section 2 : Les règles minima relatives à l’instruction et aux poursuites des affaires des
enfants ................................................................................................................................ 88
175
Section 3 : Les règles minima relatives au jugement et au règlement des affaires des
enfants ................................................................................................................................ 91
§1. L’autorité compétente pour juger une affaire concernant un enfant accusé d’être en
conflit avec la loi. ............................................................................................................. 92
Chapitre 2 : Les normes relatives aux droits de l’enfant : la Convention relative aux droits
de l’enfant................................................................................................................... 102
176
§2. Le principe de non discrimination (article 2) ............................................................. 103
§4. L’engagement des États à la mise en œuvre effective des droits définis par la
convention (article 4) ..................................................................................................... 104
§3. La nécessité des lois, des procédures, des autorités et des institutions spéciales
pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale : ... 108
Section 3 : Les innovations et les défis d’application de la loi du 10 janvier 2009......... 117
§2. Les défis à relever pour la mise en application effective de la loi de 2009 ........... 118
178
Section 1 : La protection sociale ordinaire............................................................................ 122
§4. Situation de l’enfant vivant avec l’un ou les deux parents emprisonnés ................ 126
§7. Le Comité national de lutte contre les pires formes de travail de l’enfant ............. 129
§8. Les organismes et institutions agréés de la société civile du secteur de l’enfant .. 129
179
§9. Le Parlement et les Comités des enfants .................................................................... 129
Section 4 : La procédure devant le tribunal pour enfants en conflit avec la loi ............... 136
B. Le transfert de l’enfant d’un EGEE vers un ERE pour raison de perversité ..... 150
Section 1 : Les infractions constituées des actes de violation des droits de l’enfant ou
susceptibles de nuire à son bien-être............................................................................ 152
§1. Les atteintes à la vie de l’enfant à naître ou déjà né ainsi qu’à son intégrité
physique ou mentale ...................................................................................................... 152
181
§6. Les atteintes aux droits à la santé et à l’enseignement d’un enfant ......................... 153
Section 2 : Les infractions aggravées par les conséquences fort préjudiciables pour
l’enfant ou en raison de la qualité de l’auteur ............................................................ 154
§1. Les circonstances aggravantes des atteintes à la vie de l’enfant à naître ou déjà né
ainsi qu’à son intégrité physique ou mentale .............................................................. 154
§4. Les circonstances aggravantes des agressions sexuelles sur un enfant .................. 155
§5. Les circonstances aggravantes des infractions de mise en danger d’un enfant ..... 155
§2. La composition du Comité de médiation et les attributions des membres ............. 160
c. Le troisième membre exerce les attributions suivantes (article 9): .............. 162
§3. La désignation des membres du Comité de médiation et leurs mandats ................ 162
182
A. La désignation des membres du Comité de médiation ......................................... 162
§1. La saisine du Comité de médiation par le Président du tribunal pour enfants ....... 164
§3. Visites du Président du tribunal pour enfants au Comité de médiation .................. 169
183