Rapport PMO
Rapport PMO
Rapport PMO
Sujet 2016 :
Influences et ingérences étrangères au Proche et au Moyen-Orient
Le sujet 2016 a été jugé plutôt audacieux par le choix de la région d’étude en ces temps
troublés et son actualité extrêmement chargée. Mais il semble avoir été apprécié par les
préparateurs et la majorité des candidats. Toutefois, comme on pouvait s'y attendre, le sujet
s'est révélé discriminant, voire très discriminant selon les lots de copies corrigées. Le niveau
général a été en effet jugé plutôt moyen tant sur le fond que sur la forme. Visiblement, un
certain nombre de candidats ont fait l’impasse dans leurs révisions sur cette partie du
programme, alors qu’elle est largement centrale par la densité des événements et sa place dans
la géopolitique mondiale. Un nombre significatif de très bonnes, voire d'excellentes copies
s'est cependant détaché, ce qui prouve que le sujet était parfaitement faisable pour les
candidats bien préparés. Un nombre plus important que les années passées de cartes de qualité
est aussi à relever. Certes, les documents d’accompagnement fournis évitaient les erreurs de
localisation. Néanmoins, un réel effort a été fait par les candidats et cela est à saluer.
Le libellé du sujet ne présentait pas de difficultés de compréhension. Il portait sur des notions
centrales du programme, notamment celles relatives aux rapports de force, vus au travers de
deux dimensions majeures, l’influence et l’ingérence « étrangères », c’est-à-dire telles
qu’elles s’exercent à différentes échelles depuis des pays extérieurs à la région à travers la
diplomatie, la coopération, l’aide, l’action des Etats, groupes d’Etats, institutions
internationales, entreprises, grandes ONG, mais aussi les interventions militaires pour les
formes les plus extrêmes.
Note : Le sujet devait se limiter aux seules influences et ingérences étrangères à la région
d’étude (tous les documents joints allaient dans ce sens, sans ambiguïté aucune, afin de le
rappeler aux candidats) et n’aborder les influences et ingérences proprement intérieures à la
région (celles de l’Arabie Saoudite, de l’Iran, de la Syrie, etc.) que de manière allusive. Il est
cependant évident que les grandes puissances étrangères agissent souvent de manière plus ou
moins ouverte, ou secrète, par le biais de pays tiers et alliés présents dans la région. Cet
aspect entrait alors parfaitement dans le champ du sujet posé.
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Comme cela est rappelé chaque année dans le rapport du jury, il convenait d’entendre ce
sujet sur toute l’étendue du programme, ce qui supposait une capacité de synthèse forte,
une aptitude à dégager des lignes de force, des permanences, des ruptures ou des mutations.
Ce sujet sous-entendait une bonne culture générale, un grand sens de la nuance, la
mobilisation de notions et de concepts nombreux (très largement abordés par le programme
durant les deux ans de préparation), une bonne connaissance de la chronologie, des
événements (sans pour autant tomber dans l’énumération factuelle et le catalogue), enfin du
cadre géographique de référence.
Bien que très marqué par la géopolitique, le sujet devait mobiliser de manière appropriée les
trois disciplines du programme. La dimension historique en particulier permettait d’apporter
le recul nécessaire sur le temps long (la carte des Accords Sykes-Picot du 16 mai 1916 était là
pour le rappeler !). Cette dimension historique a constitué à l’évidence un élément important
pour discriminer les copies entre elles, d’autant que beaucoup de copies se sont bornées à un
état des lieux actuel de la région, ce qui a été sanctionné. La mobilisation de l’histoire ne
devait cependant pas être exclusive. Le jury a relevé à cet égard que certaines copies se sont
transformées en devoirs d’histoire, ce qui n’est évidemment pas le sens de l’épreuve.
La géographie quant à elle ne devait pas se borner à un simple cadrage désincarné.
Populations, peuples, ressources naturelles, flux, frontières, cadre physique, etc. devaient être
mobilisés à bon escient tout au long de la copie.
La région « Proche et Moyen-Orient » devait surtout être impérativement définie et discutée
au préalable par les candidats. Elle ne devait surtout pas être prise comme une évidence allant
de soi, comme cela a été relevé dans un grand nombre de copies. La définition des termes de
« Proche » et de « Moyen-Orient » a en effet fluctué selon les époques, les auteurs de
référence, les institutions, etc., en fonction de critères géographiques, historiques, politiques,
ou encore géopolitiques. Il aurait été intéressant de rappeler à cet égard que le nom de la
région a été donné originellement par des observateurs originaires de l’extérieur…
Pour mémoire, la région ne correspond pas à un continent (elle se situe au carrefour de trois
continents), ce qui en complique la définition. Des désaccords persistent toujours quant à ses
limites géographiques entre les tenants d’une acception géographiquement héritée de
l’histoire et des jeux d’influence extérieurs du début du XXe siècle, et ceux qui sortent du
cadre géographique initial pour englober très largement jusqu’aux pays du Caucase (Arménie,
Géorgie et Azerbaïdjan), le nord-est africain (Soudan notamment), voire l’Afghanistan. Cet
espace flou par excellence, aux frontières incertaines, ne fait donc pas l’objet d’une définition
précise et reconnue comme telle, ni d’une liste exhaustive de pays.
Le Proche-Orient (appelé aussi le « Levant » en langue française depuis le XVIe siècle) est
un terme qui fut originellement très employé par les géographes et les historiens français pour
désigner l’Orient proche (« Near East »). Ceux-ci voyaient dans cette région orientale de la
Méditerranée l’un des berceaux de la civilisation (le fameux « croissant fertile qui courait
depuis l’Égypte à la Mésopotamie, en passant par la Palestine) ; mais aussi par les diplomates,
pour désigner l’ex-Empire ottoman (ce dernier ayant éclaté et disparu entre 1908 et 1923,
suite à l’avènement de la Turquie de Mustapha Kemal). Le Proche-Orient regroupe donc
originellement, sans faire vraiment débat, la Turquie au nord, l’Egypte à l’ouest, la Syrie, La
Jordanie , l'Irak, la Palestine, le Liban et Israël à l’est.
Néanmoins, cette expression de « Proche-Orient » est désormais surtout employée dans un
cadre académique (quasi essentiellement de langue française d’ailleurs), suite à la montée en
puissance de l’expression de « Moyen-Orient » qui s’est non seulement substituée à elle (pour
désigner le même espace), mais surtout très fortement dilatée sur le plan géographique.
Alfred Mahan serait le premier géopoliticien à avoir employé le terme de « Middle-East » en
1902, traduit littéralement en « Moyen-Orient » par la suite. Il a rencontré un succès croissant.
En 1922, Winston Churchill, alors secrétaire d’Etat aux colonies, a créé par exemple un
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souvent citée et utilisée dans les travaux académiques et les milieux d’affaires. Son grand
mérite par rapport au « Grand Moyen-Orient » de la doctrine Bush est de clarifier les choses
en gardant la distinction entre les deux ensembles géographiques initiaux, ce qui revient à
conforter le Moyen-Orient dans son acception actuelle. Néanmoins, le cadre géographique du
sujet posé n’était pas celui de la Mena Region, c’est-à-dire élargie à l’Afrique du Nord.
Le jury attendait donc de la part des candidats que la région du Proche et du Moyen-Orient
soit définie de manière convaincante et suffisante, au-delà de la petite ligne réglementaire de
l’introduction. Il était surtout très important pour les candidats de montrer que les pays de
cette région restent marqués par une très grande diversité et complexité. Si l’Islam y est la
religion majoritaire, l’histoire de ces pays n’y est en rien commune. La diversité ethnique des
populations y est aussi très grande. Plusieurs pays du Moyen-Orient ne relèvent en effet pas
du monde arabo-musulman, à l’instar de l'Iran, de la Turquie, d’Israël, ou encore du Liban.
Les termes d’influence et d’ingérence devaient faire ensuite l’objet d’une analyse et d’un
développement particulier. Il convenait de les définir avec précision et de dresser à un
moment donné dans la dissertation une typologie de leurs formes et modalités, sans pour
autant ramener le devoir à un simple catalogue. En aucun cas ces termes ne pouvaient être pris
et mentionnés comme tels par les candidats, sans être définis en introduction et dans le reste
du devoir !
Par « influence », on devait entendre en première instance, selon Le Larousse, une « action,
généralement continue, qu'exerce quelque chose sur quelque chose ou sur quelqu'un, en
l’occurrence dans le cas présent un Etat, un groupe d’Etats, une institution internationale, de
grandes firmes (notamment celles actives dans le domaine de l’énergie, etc.), etc. sur une
région (ici le Proche et le Moyen-Orient). L’influence renvoie également par définition à un
« ascendant exercé par quelqu'un sur quelqu'un d'autre », « au pouvoir social et politique de
quelqu'un, d'un groupe, qui leur permet d'agir sur le cours des événements, des décisions
prises, etc. ». Le terme d’influence renvoie clairement au soft power (ou littéralement
« puissance douce » ou « pouvoir de convaincre ») popularisé par Joseph Nye en 1990, dans
son ouvrage Bound to Lead: The Changing Nature of American Power. Il fallait donc
envisager toutes les formes d’influences, y compris les plus indirectes et les plus subtiles
(notamment l’art de savoir se rendre indispensable) : consommation (diffusion de l’american
way of life) ; langue ; normes ; éducation (rôle des universités américaines implantées dans la
région, mais aussi des bourses d’études pour étudier à l’étranger) ; médias occidentaux en
langue arabe et autres ; envoi de formateurs, de conseillers occultes, d’officiers ;
renseignements satellitaires ; relations économiques (IDE et flux du commerce ; rôle des
grandes compagnies occidentales, etc.) ; jeux d’influence multilatéraux des institutions (cas
des Nations Unies : FINUL au Liban, de l’AIEA dans le cas du nucléaire iranien, etc.) ; appui
au maintien de pouvoirs en place (cas par exemple de l’Arabie Saoudite par les Etats-Unis :
accords de protection Etats-Unis / Arabie Saoudite ; protection de certains dirigeants : famille
Saad en Arabie Saoudite ; famille Paalavi en Iran ; etc.).
Par « ingérence », on devait entendre un degré supplémentaire dans l’influence exercée par un
tiers étranger, soit l’« action de s'ingérer, de se mêler des affaires d'autrui », ou d’intervenir «
dans la politique intérieure d'un autre État » (Le Larousse). La frontière avec l’influence
n’est pas toujours aisée à déterminer. La notion, qui renvoie clairement au terme de « hard
power » (ou littéralement « puissance dure », ou « puissance coercitive ») développé aussi par
Joseph Nye, était à décliner dans toutes ses acceptions, depuis l’intimidation jusqu’aux formes
militaires violentes (les formes d’intervention lourdes ne manquent pas dans cette région !),
en passant par les rétorsions économiques. Il n’y avait donc pas que la violation de la
souveraineté à envisager. Dans le cas des Etats faibles, l’ingérence (au regard du droit
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international) peut être plus ou moins acceptée et les Etats en jouent souvent. Parmi les
formes d’ingérence les plus aisément identifiables, il convenait de s’appuyer sur les actions
militaires menées depuis l’extérieur, en soutien ou en opposition à des guerres : envoi des
flottes U.S., françaises, britanniques, etc. ; appui à des coups d’Etats : déboulonnage de
certains dirigeants à l’instar de Mossadegh le 19 août 1953 ; interventions américaine en Irak
(1991 et 2003) ; bombardements russes et soutien logistique au régime syrien ; etc. Une
distinction importante pouvait aussi être faite à cette occasion entre les interventions
volontaires des grandes puissances et celles menées sous la contrainte (par exemple pour
arrêter ou prévenir un massacre).
Influence et ingérence suggèrent donc l’idée d’un continuum entre ces deux familles d’action,
depuis les formes les plus mineures et subtiles, jusqu’aux plus extrêmes, en passant par toutes
les formes intermédiaires, en mobilisant toutes les nuances du soft power et du hard power
décrites notamment par Joseph Nye.
Une approche individualisée des puissances actives dans ces jeux d’influence et d’ingérence
devait clairement apparaître dans le devoir, en insistant sur les différents canaux utilisés par
les unes et les autres : puissances traditionnelles (Europe, Etats-Unis) et nouvelles (Russie de
W. Poutine notamment). Les jeux d’influence et d’ingérence apparaissent finalement comme
le reflet des poids respectifs des puissances étrangères.
L’originalité de ce sujet était précisément d’analyser comment et pourquoi les puissances
extérieures au Proche et au Moyen-Orient (grandes puissances principalement, mais pas
seulement), seules, regroupées (U.E. par exemple), ou encore coalisées dans des occasions
précises sous l’égide d’institutions internationales (SDN, ONU, etc.) ou d’organisations
internationales (FMI, Banque mondiale, etc.), influent, agissent, interagissent conjointement
avec d’autres, ou interviennent directement dans cette région du monde, tantôt secrètement,
tantôt de manière très ouverte, dans des champs aussi variés que l’économie (commerce,
IDE), l’énergie, la diplomatie, les aspects militaires, la culture et les médias, l’éducation,
l’aide au développement, etc. Cette diversité des modalités d’action devait très clairement
apparaitre dans les copies.
Dans le droit fil de cette analyse, il convenait d’étudier ce qui a motivé et motive toujours
cet interventionnisme étranger sous ses deux formes classiques. Selon les périodes et sur le
temps long du programme, les formes d’influence et d’ingérence étrangères ont en effet
beaucoup évolué et fluctué. Cela appelait à une analyse serrée des motivations avérées ou
probables qui les sous-tendent. Citons notamment :
-la diffusion du « désir d’occidentalisation » des pays et le développement d’un mouvement
de fascination pour le modèle occidental,
-l’accès à de nouveaux marchés de consommation en croissance rapide,
-l’accès aux matières premières énergétiques : accords de fourniture privilégiés, sécurisation
des approvisionnements énergétiques (cas de certains pays émergents comme la Chine, voire
le Brésil),
-le rapprochement avec de nouveaux partenaires économiques (cas par exemple de la France
vis-à-vis du Qatar, des Emirats arabes unis et depuis peu de l’Arabie Saoudite), d’où des
positions inconfortables dans le contexte contemporain (comment par exemple concilier
l’accès aux marchés militaires juteux et la lutte contre le financement de l’Islam radical par le
wahhâbisme ?).
-le contrôle de la non-prolifération nucléaire (cas de l’Iran)
-l’implantation de bases militaires dans certains ports (cas de la Russie en Syrie),
-la sécurisation des voies maritimes,
-la limitation des conflits intra-étatiques, pour que leurs effets ne se propagent pas hors des
territoires nationaux concernés,
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Le sujet devait aborder aussi la façon dont les Etats concernés s’émancipent de ces
influences et ingérences, mais aussi en jouent subtilement selon les moments (au point de
rester maîtres de certaines situations) pour obtenir avantages, aides, facilités, appuis,
garanties, etc. (cas d’Israël dans le cas des Etats-Unis par exemple). Parmi les éléments qui
pouvaient être mobilisés à cette occasion, citons :
-les volontés d’émancipation postcoloniales liées au sentiment de frustration et de domination
(ex. de la nationalisation du canal de Suez en 1956) ; essor du panarabisme (nassérisme,
baasisme), etc.
-le rôle des leaders charismatiques comme Nasser dans le mouvement tiers-mondiste,
-le rôle de la stratégie de développement fondée sur l’exploitation des hydrocarbures, qui
donne de nouveaux moyens à l’émancipation ;
-le rôle majeur des pays du Moyen-Orient dans l’OPEP ;
-le réarmement de ces pays (Irak, Iran notamment),
-la montée progressive de l’islamisme radical qui se construit autour de l’anti-
occidentalisation,
-le contrôle des IDE, en n’autorisant plus que des compagnies publiques dans les secteurs
stratégiques : cas de l’Arabie Saoudite (au point que l’on ne sait pas l’exact niveau des
réserves d’hydrocarbures de ce pays).
-le maintien des dictatures : cas du régime de Bachar-el-Assad qui résiste à la pression
occidentale en s’appuyant sur l’aide de la Russie de W. Poutine,
-etc.
moins le début du XXe siècle, mais aussi dans la recherche de solutions. Influences et
ingérences étrangères ont elles surtout apporté de la déstabilisation à différentes échelles ? En
quoi ont elles brouillé un peu plus les cartes, retardé les évolutions et la recherche de
solutions, ou encore figé les situations ? En quoi aussi ont elles apporté des solutions à
certains problèmes et conflits ?
De nombreuses guerres ont traversé et traversent encore cette région depuis la fin de la
colonisation au point que l’on présente souvent cet espace comme « le plus belligène au
monde ». L’Occident y est souvent impliqué. Il peut être l’initiateur de ces événements, le
modérateur, ou encore le spectateur impuissant. Il résout rarement les problèmes. La
multiplicité des intervenants extérieurs n’est pas le gage du règlement des problèmes (idée de
l’impuissance généralisée), d’autant que les grandes puissances peuvent être rivales dans les
mêmes conflits via des tiers : cas durant la guerre Iran-Irak à partir de 1980, durant laquelle
les Soviétiques et les Français ont armé l’Irak, tandis que les Américains ont armé l’Iran pour
s’en prendre à l’Irak.
Un retrait relatif est-il envisageable ? Le désengagement des puissances étrangères apparaît
hautement improbable dans le contexte actuel. Celles-ci seraient en effet comme prises au
piège. Les enjeux énergétiques et nucléaires (risque d’escalade dans la nucléarisation)
imposent en effet plus que jamais une implication forte et vigilante.
Une autre question importante était de se demander si les pays du Proche et du Moyen-Orient
étaient capables de s’affranchir et de se soustraire à ces influences et ingérences étrangères ?
(cas radical par exemple de l’Iran lors de la Révolution de 1979). Si cette situation devait se
confirmer à l’avenir, celle-ci changerait la donne en faisant passer ces pays de « périphéries
dominées » à des périphéries davantage maîtresses de leur destin.
Eléments pour un plan : de nombreux plans étaient possibles à condition d’être analytiques
et annoncés dès l’introduction. Il est rappelé que les plans établis selon une approche
seulement chronologique ne sont pas indiqués eu égard à la nature de l’épreuve. Ils
aboutissent en effet à un long récit historique, mais pas à une véritable démonstration, même
lorsque les connaissances sont nombreuses et de qualité. Parmi les plans envisageables figure
par exemple celui-ci :
1) Tout au long du XXe siècle, influences et ingérences des grandes puissances
étrangères n’ont cessé de se manifester au Proche et au Moyen-Orient, révélant autant
d’enjeux nouveaux et très complexes,
2) Influences et ingérences étrangères ont puissamment contribué à déstabiliser la région
plus qu’à régler les problèmes. Elles ont participé à l’essor de la conflictualité.
3) Quelles perspectives ? Dès lors, face à ces ingérences et influences, comment la
région peut-elle reprendre le cours de son destin ? Il s’agit d’une partie plus actuelle et
prospective pouvant intégrer le rôle des puissances régionales tout en restant prudent
eu égard à la nouvelle guerre froide irano-saoudienne et à l’instrumentalisation de ces
puissances régionales par les acteurs étrangers.
Parmi les erreurs et les lacunes les plus fréquemment observées par les correcteurs dans ce
millésime 2016, citons :
Sur la forme :
-un niveau de connaissances souvent faible sur cet ensemble régional qui occupe pourtant une
place centrale dans le programme,
-un cadre régional non défini, ou expédié en quelques mots ou en une ligne seulement,
-une méconnaissance de l’histoire (peu de dates citées, ignorance des grands événements,
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Sur le fond :
-Beaucoup de copies n’ont parlé que du rôle des États. Le rôle de l’ONU ou encore des firmes
transnationales est rarement abordé… On ne relève généralement que quelques allusions sur
l’Inde ou la Chine, le Brésil ou encore les nouvelles stratégies Sud / Sud… La plupart des
copies ont de surcroît centré la totalité de leur argumentation sur le seul monde occidental ou
sur le rôle exclusif des Etats-Unis… Le fait que la France « réinvestisse » la région a souvent
été oublié…
-la sous-estimation (voire la méconnaissance) de la question israélo-arabe,
-les enjeux énergétiques et le rôle des hydrocarbures sont souvent surdimensionnés dans les
copies… Par contre peu de statistiques et d’ordres de grandeur (que l’on trouve pourtant
aisément dans la plupart des manuels) sont mobilisés.
-l’ignorance ou la sous-estimation des questions liées au terrorisme, qui pose d’énormes défis
sécuritaires à l’Occident et à la Russie,
-le défaut de hiérarchisation : on ne peut parler de tout et bien sûr les étudiants avaient le
choix de leurs exemples. Mais les faits ne sont pas reliés entre eux. La Guerre du Golfe de
1990-1991 est rarement analysée avec pertinence, voire citée… On peut aussi relever des
copies qui décrivent soigneusement l’entre-deux guerres et arrivent ensuite à la situation
actuelle sans que l’on comprenne l’articulation des choses. Des candidats ont facilement omis
d’étudier la guerre en Irak menée par les Etats-Unis de 2003 à 2011, mais par contre
n’oublient jamais l’ouverture à Abu Dhabi d’un Louvre Bis, ou d’une antenne de la Sorbonne,
manifestations clés de l’influence étrangère… !
-la surestimation de l’importance réelle des Accords Sykes-Picot. S’ils symbolisent encore
aujourd’hui dans la mémoire proche-orientale la mainmise de l’Occident sur la région, ils ne
sont nullement à l’origine des frontières décidées seulement en 1920 à San Remo. Or certains
candidats ont cru bon de placer sur leur croquis des limites n’ayant jamais existé.
-les préparationnaires doivent également décloisonner les chapitres du programme. Certes, le
sujet de cette année portait sur un chapitre de seconde année. Pourtant, les tableaux du monde
en 1913, 1939 et 1945, le marché des matières premières ou les défis du développement,
étudiés en 1ère année, auraient été bien utiles pour densifier l'argumentation !
-certains candidats ne respectent pas l'exigence minimale de neutralité : les discours anti-
Etats-Unis, pays présenté comme responsable de tous les maux de la région, ont quelquefois
été très caricaturaux. Certes, le rôle des Etats-Unis est essentiel, mais il est loin d'être exclusif,
surtout lorsqu'on raisonne sur le temps long, comme les documents invitaient à le faire.
-la chronologie a disparu ce qui permettait aux candidats de montrer pleinement leurs
connaissances. Il s’agit là d’un élément de discrimination nouveau à souligner. Hélas, il en a
résulté dans beaucoup de copies une absence de profondeur historique (copies sans dates par
exemple !), alors que le sujet était à entendre sur toute l’étendue du programme, du début du
XX° siècle à nos jours. Suez et la défaite des Européens, la guerre froide et ses retournements
d’alliance, la révolution iranienne de 1979 et le rejet islamiste de l’Occident, les deux guerres
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du Golfe des années 1990 menées sous l’action de l’ONU et des Etats-Unis, l’enlisement des
Etats-Unis en Irak avec ses catastrophiques conséquences, etc. étaient des événements
indispensables à citer et à analyser. Trop peu nombreuses ont été les copies qui ont montré
notamment la montée en puissance de l’influence, puis de l’ingérence américaine et son
sombre bilan.
Il apparaît rétrospectivement que la suppression de la chronologie (annoncée depuis plus de
deux ans lors des réunions organisées avec les professeurs de classes préparatoires à l’ESCP
et à HEC) s’est révélée une bonne chose pour l’équipe correctrice car elle permet assurément
de mieux discriminer les copies entre elles, notamment entre les copies très moyennes ou
médiocres pas toujours faciles départager. C'est aussi un moyen de repérer plus facilement les
candidats qui ne visent pas forcément les plus grandes écoles, mais qui méritent néanmoins de
ne pas avoir de mauvaises notes, eu égard à leur travail durant les deux ans de préparation.
L’absence de chronologie a de fait des vertus. Elle limite le nombre de copies bavardes et
vides, ce qui explique sans doute qu’il y ait eu cette année davantage de copies n’atteignant
pas la jauge des 8 pages.
Pour autant, et en fonction de la spécificité des sujets, le concepteur de l’épreuve se réserve
le droit de recourir de nouveau à l’usage d’une chronologie si le besoin s’en faisait
sentir.
-des photographies (3 au total) apparaissent également pour la première fois dans les
documents joints. Pour mémoire :
-« Visite du Président des Etats-Unis, Dwight D. Eisenhower, au Shah d’Iran,
Mohammad Reza Pahlavi (Téhéran, septembre 1959) » ;
-« Poignée de main historique entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le
Président du comité exécutif de l'OLP, Yasser Arafat (au centre le Président des Etats-Unis,
Bill Clinton), à l’occasion de la signature de la Déclaration de principe des Accords d’Oslo à
Washington, le 13 septembre 1993 »,
-« Le passage par le canal de Suez du porte-avion français Charles de Gaulle en
décembre 2015, dans le cadre de sa mission dans le golfe Persique »,
Ces photographies étaient là pour préciser, à travers des exemples précis de situations, ce que
l’on pouvait entendre par ingérences et influences étrangères, leurs circonstances, etc. Elles
rappelaient aussi que le sujet était à entendre sur le temps long…
La carte 2016 devait mêler aspects présents et passés lorsque cela était possible (sous la forme
de rappels historiques par exemple). On pouvait prendre aussi un cadre temporel de référence
(par exemple depuis la Seconde Guerre mondiale), à condition qu’il soit mentionné dans le
titre de la carte (qui est obligatoire).
Devaient notamment y figurer en distinguant influences et ingérences :
-les types de pays (à choisir en fonction de leur utilité au regard du contenu de la dissertation):
pays membres de la Ligue arabe, pays membres de l’OPEP, pays producteurs de pétrole, pays
doté de l’arme nucléaire ou en passe de l’être), etc.
-les pays les plus concernés par les influences et ingérences respectives des grandes
puissances étrangères et selon leurs principales formes,
-les principales bases terrestres et marines des Etats-Unis,
-le stationnement des flottes étrangères,
-les principaux gisements d’hydrocarbures faisant l’objet de convoitises étrangères,
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-les routes maritimes stratégiques à protéger (voire les interventions militaires spécifiques,
ainsi que leurs dates : cas des Etats-Unis qui interviennent en 1987 pour protéger la libre-
circulation dans le détroit d’Ormuz contre l’Iran),
-les types de partenariat (anciens alliés, nouveaux alliés : de la Russie, des Etats-Unis, de la
France, etc.),
-les Etats soumis à des sanctions internationales,
-les principales interventions unilatérales des Etats-Unis et leurs dates,
-les principales interventions multilatérales de l’ONU et leurs dates,
Dans cette épreuve, la carte est obligatoire (ce fait est rappelé sur le sujet de l’épreuve) et noté sur 5
points. Dans l’esprit de cette épreuve, la carte est indissociable de la dissertation. Ne pas faire de carte
revient à se faire noter sur 15 points seulement et met le correcteur dans une prédisposition qui n’est
évidemment pas la meilleure.
Construite tout au long de l’épreuve (et non dans les minutes qui précèdent le rendu de la copie !), elle
aide le candidat dans sa réflexion, en lui évitant des oublis fâcheux, en lui inspirant des dynamiques
pertinentes, des mises en relation fructueuses pour sa démonstration, etc. Elle invite naturellement à la
diversification des exemples. Certes, la carte demande du temps dans son élaboration et sa réalisation, et
c’est pour cela qu’elle est valorisée par sa notation sur cinq points. Mais cet exercice fait aussi gagner
beaucoup de temps au final. Une carte bien pensée annonce généralement une bonne dissertation.
Inversement, les mauvaises copies sont presque toutes appuyées sur des cartes indigentes ou médiocres.
Au même titre que l’introduction et que l’annonce de la problématique, la carte est le premier contact que
le correcteur a avec la copie. C’est une raison de plus pour la soigner, ce qui ne signifie pas pour autant
que l’on attend du candidat des talents exceptionnels de dessinateur. Le choix des informations à
cartographier, les dynamiques qui y sont représentées, la pertinence des figurés ou encore
l’ordonnancement de la légende sont plus importants (mais attention aux légendes fleuves, totalement
contreproductives !).
La carte doit présenter une certaine originalité. La maîtrise de cet exercice s’acquiert par le biais d’un
apprentissage spécifique, des tâtonnements et des essais successifs durant les deux années de préparation.
Si beaucoup de cartes restent très moyennes et peu efficaces (reprenant notamment les seules données
statistiques des documents d’accompagnement), un nombre croissant d’entre elles en revanche
témoignent d’une bonne, voire très bonne maîtrise, et d’un excellent niveau d’analyse. Surtout, la carte
doit refléter étroitement le sujet donné et ne pas donner l’impression d’être réutilisable pour un tout autre
sujet.
Au final, le sujet 2016 a été plus discriminant que les années passées. Il a valorisé les
candidats dotés d’une bonne culture générale, nuancée, et maîtrisant l’art de la dissertation.