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Géographie 1re
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sont accessibles aux paysans pauvres. De plus, elles La concurrence pour l’eau et pour les terres menace d
permettent une irrigation mesurée plus économe en les petits paysans (par exemple le développement m
eau. des axes de transports entre les grandes villes) et les L
3. Les rendements agricoles sont très inégaux selon politiques publiques encouragent l’accaparement des é
les régions, celles qui ont bénéficié des progrès agri- terres. Les fortes inégalités et la pauvreté rurales se u
coles se trouvant principalement sur le littoral et dans maintiennent, même dans un État vitrine de l’émer- l
la vallée du Gange. Les rendements restent faibles à gence indienne comme le Gujarat. l
l’intérieur. Dans plusieurs États, en particulier les pion- Des pistes sont possibles pour un développement rural a
niers de la « révolution verte » (Tamil Nadu, Pendjab, durable : une rémunération des paysans participant d
Haryana), les nappes d’eau sont surexploitées. Dans à la gestion environnementale des campagnes, une à
l’est de l’Inde et une partie du centre, la pauvreté et les diversification des activités économiques et une réduc- a
tensions sociales sont fortes. tion des inégalités foncières en faveur de la petite agri- d
4. L’Inde reste un pays à majorité rurale mais la part de culture familiale. p
la population rurale se réduit depuis la fin du XXe siècle c
(des trois quarts aux deux tiers). L’agriculture n’est Conclure (
cependant plus le secteur d’activité principal, sa part D
L’Inde émergente doit davantage se diriger vers un c
recule dans la population active et surtout dans le PIB.
développement rural durable adapté aux réalités l
Si la production céréalière a augmenté de moitié envi-
locales de cet immense pays et combinant les dimen- a
ron, la part de l’agriculture dans la valeur de la pro-
sions sociales, environnementales et économiques du é
duction totale a été presque divisée par deux.
développement. Les très fortes inégalités et la pau-
p
vreté rurale de masse persistante rendent difficiles
Conclure l
cette orientation alors que les politiques publiques
C
La « révolution verte » a permis une augmentation de favorisent surtout les grandes villes.
t
la production pour faire face à la croissance démo- 3
graphique mais le bilan est inégal et contrasté, le défi t
alimentaire reste présent. L’Inde doit poursuivre dans ÉTUDE DE CAS o
le sens d’un développement agricole durable, plus États-Unis, quel rôle joue g
équitable, géographiquement et socialement tout en
l’agribusiness dans l’organisation c
ménageant davantage l’environnement.
des espaces ruraux ? p. 202-204 m
c
B. Des campagnes indiennes e
entre mutations lentes et tensions A. L’agriculture intensive structure C
les espaces ruraux t
Analyser et confronter les documents a
Analyser et confronter les documents e
1. L’Inde est encore à majorité rurale mais le pays s’ur- t
banise lentement. De nombreux villages deviennent 1. L’agriculture intensive se définit comme un mode d
des villes et des industries s’y développent (comme d’agriculture qui recherche en permanence à augmen- p
l’industrie agroalimentaire, en particulier laitière) de ter sa productivité et sa rentabilité. Elle se caractérise q
même que des services. Il n’y a cependant pas d’exode par des exploitations agricoles de grande taille (en d
rural massif, ce qui fait que l’Inde devrait rester à superficie des parcelles pour les cultures de labour,
majorité rurale encore au milieu du siècle. et en taille des cheptels pour l’élevage). Elle s’appuie
C
2. Les campagnes indiennes sont aussi des territoires également sur l’agribusiness, qui désigne un mode
d’initiatives et d’innovations. Les acteurs privés sont d’agriculture capitalisé et financiarisé étroitement lié L
nombreux : des paysans se groupent en puissantes à l’industrie agroalimentaire, et la recherche constante c
coopératives (ex. : AMUL, coopérative laitière origi- de l’amélioration des bénéfices financiers en produi- d
naire du Gujarat) ou des artisans forment de petites sant plus à moindre coût. t
entreprises industrielles familiales intégrées dans 2. Spatialement, les espaces agricoles états-uniens d
la mondialisation (ex. : forage pétrolier dans le Tamil se caractérisent par de vastes régions spécialisées t
Nadu). Le gouvernement indien mène aussi une poli- autour d’une production agricole majeure, selon une s
tique publique pour encourager l’innovation en milieu opposition entre trois espaces : les espaces de l’agri- n
rural (ex. : programme rurban innovation du ministère culture intensive en Californie et dans la moitié orien- d
du Développement rural). tale du pays, et les espaces de l’agriculture extensive t
3. L’urbanisation lente et l’industrialisation s’accom- dans la moitié occidentale. Cette opposition s’explique c
pagnent de tensions dans les campagnes indiennes. essentiellement par la fertilité plus ou moins grande f
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e des sols (l’Ouest américain étant majoritairement B. Une fragmentation sociale de plus
montagneux et peu fertile). en plus forte du monde rural
Les espaces agricoles états-uniens ont longtemps
s été caractérisés par des régions spécialisées dans
e Analyser et confronter les documents
un seul produit agricole : la monoculture du blé dans
- les Grandes Plaines du pays ou la spécialisation dans 1. Le dessin, qui est une caricature, cherche à dénon-
la production laitière dans la région des Grands Lacs cer le rapport de force qui existe au sein des espaces
l au Nord-Est en sont des exemples. On note toutefois agricoles états-uniens en faveur des grandes exploi-
t des évolutions avec la diversification des productions tations intensives. Pour toujours plus augmenter
à l’intérieur d’un même grand bassin agricole : c’est leurs rendements et améliorer leur productivité, ces
- ainsi que le nord-est du pays (figuré orangé sur le grandes exploitations ont massivement recours à l’ir-
- document 3 : Iowa, Illinois, Indiana, Kentucky) a vu ses rigation, qui permet de doper la production. Or, la res-
productions agricoles se diversifier en mélangeant les source en eau est un bien rare dans certaines régions
céréales (maïs, blé), les héritages des cultures textiles agricoles des États-Unis, notamment dans le Sud-
(coton) et l’élevage hors sol intensif (porc, poulets). Ouest majoritairement désertique (Californie, Arizona,
Dans un même temps, les espaces agricoles se Nouveau-Mexique). Les grandes exploitations font
n caractérisent par la structure des exploitations dont mainmise sur la ressource en eau, ce qui leur garan-
le nombre a diminué et dont la superficie moyenne a tit de beaux champs bien verts mais prive en retour
augmenté. Ainsi, les terres de certains exploitants ont les petits producteurs qui sont alors incapables de
u été rachetées pour former des exploitations de plus en produire même en petites quantités. On identifie bien
-
plus vastes, de plus en plus productives et concentrant le statut de grande exploitation agricole intensive par
s
la production de richesses au sein du secteur agricole. l’expression « Agri-Crop co », qui se traduit littérale-
s
Ceci explique le décalage suivant : 13 % des exploita- ment par « Entreprise de cultures agricoles », « co »
tions assurent 85 % du revenu agricole national. étant en effet une abréviation de « corporation » en
3. Dans la logique de l’agribusiness, chaque exploi- anglais, traduit par « entreprise ».
tant agricole cherche à rationaliser sa production, 2. Les agriculteurs états-uniens doivent faire face à
optimiser ses investissements et dégager les plus plusieurs défis, qui diffèrent selon leur statut. Pour
grands rendements au plus faible coût. Cet objectif les propriétaires de grandes exploitations intensives,
conduit alors les exploitants à rechercher des écono- le défi est de produire toujours plus, toujours moins
mies d’échelle, c’est-à-dire à bénéficier d’un avantage cher, malgré la diminution de certaines ressources
comparatif lié à la taille d’un système (plus on achète essentielles comme l’eau. Ce défi s’inscrit alors dans
en grande quantité, plus on peut diminuer les coûts). un contexte plus global des défis environnementaux
Concrètement, cela se traduit par la volonté d’augmen- engendrés par le changement climatique.
ter la taille des cheptels ou la superficie des parcelles Pour les agriculteurs de petites exploitations, le défi
agricoles de même que leur disposition géométrique, est tout d’abord économique en essayant de résister à
et ce afin de rentabiliser les investissements dans des la mainmise et à la pression exercées par les grandes
tracteurs automatiques ou des techniques d’irrigation exploitations intensives. Les petits agriculteurs sont
de pointe par exemple. Cette démarche est d’autant en effet fragilisés économiquement car incapables de
plus facile aux États-Unis que le pays est immense, ce rivaliser avec les productions à très bas coûts de l’agri-
qui augmente la disponibilité foncière et la possibilité culture intensive. Cette fragilité économique peut se
n d’étendre les superficies des exploitations agricoles. transformer en une fragilité sociale et psychologique
, qui fait des petits agriculteurs une population plus
e
Conclure encline à la dépression et au suicide. Enfin, s’ajoute
e à ces défis un défi sanitaire puisque les agriculteurs
é La généralisation de l’agribusiness, et sa demande sont très exposés aux produits chimiques et donc aux
e croissante de produits agricoles standardisés et pro- maladies qui en découlent.
- duits à bas coûts, sont à l’origine de la transforma-
tion des espaces ruraux états-uniens, de plus en plus Conclure
s dominés par les exploitations agricoles intensives de
très grande superficie. Les recompositions spatiales La généralisation de l’agriculture intensive a créé
e sont étroitement dépendantes des évolutions de l’éco- une fragmentation au sein des agriculteurs états-
nomie et des modes de vie, qui s’incarnent ici par l’in- uniens, avec d’un côté les propriétaires des grandes
- dustrialisation de l’alimentation et l’essor des produits exploitations intensives qui dominent le marché et les
e transformés, qu’ils soient vendus dans les supermar- espaces agricoles, et de l’autre les petits agriculteurs
e chés ou dans les chaînes de restauration rapide (type qui sont de plus en plus marginalisés, économiquement
fast-food). et socialement, par cette évolution du secteur agricole.
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-
DOSSIER DOSSIER
Le land grabbing, quels effets Le Kenya,
pour les pays des Suds ? p. 212-213 deux mondes agricoles ? p. 214-215
e
Prolonger le cours Prolonger le cours
s
1. Le land grabbing, ou accaparement des terres, est 1. Le dossier suggère deux grands types d’agriculture :
e l’achat ou la location de terres par des investisseurs l’agriculture commerciale et l’agriculture vivrière.
étrangers, le plus souvent des firmes transnationales L’agriculture commerciale est souvent l’affaire de
qui développent des cultures commerciales ou l’ex- grandes entreprises capitalistes qui gèrent de grandes
ploitation forestière. exploitations. Elle est à haute productivité grâce à la
2. Les conséquences sont la dépossession de terres mécanisation, aux intrants industriels, à la sélection
- agricoles vivrières ou d’espaces forestiers qui four- ou modification des espèces, à l’irrigation. Destinée
nissent des ressources aux populations locales (bois, en grande partie à l’exportation, elle s’intègre dans
cueillette, pacage des animaux…) et la fragilisation des des filières mondialisées pour les investissements, la
communautés rurales. L’agriculture productiviste et la commercialisation.
destruction des forêts entraînent aussi différentes pol- L’agriculture vivrière se développe quant à elle sur
lutions ainsi que l’accélération de l’érosion et la réduc- de petites exploitations adaptées aux contraintes du
tion de la biodiversité. milieu (pauvreté, aléas climatiques). Elle est peu pro-
3. Les pays investisseurs sont les pays développés du ductive (outillage élémentaire) et extensive (cultures
Nord (États-Unis et Royaume-Uni en premier lieu), les pluviales, pastoralisme), et orientée vers une part
pays émergents notamment asiatiques et des pays d’autoconsommation ou vers les marchés locaux.
C pétroliers du Golfe. Les pays du Sud sont principale- 2. Les grandes productions sont les cultures commer-
ment visés par ces investissements, en premier lieu ciales : cultures de plantation (cocotier, palmier, thé,
- la République démocratique du Congo en Afrique cen- coton) ou cultures horticoles (légumes, fruits et sur-
trale et la Papouasie-Nouvelle-Guinée en Asie du Sud- tout fleurs coupées).
Est. Certains pays émergents des Suds sont à la fois Les grandes régions d’agriculture commerciale sont le
e émetteurs et récepteurs principaux de ces investisse- littoral de l’océan Indien, la région autour du lac Nai-
. ments, comme l’Indonésie et le Brésil. vasha à une centaine de kilomètres de la capitale Nai-
4. Au Congo, ces investissements ont spolié les com- robi, ou encore la région du Sud-Ouest au bord du lac
munautés paysannes et n’ont pas amélioré la sécurité Victoria.
alimentaire locale. De plus, cette agriculture commer- 3. Le dynamisme du secteur horticole s’explique par
ciale (ou agribusiness) n’est pas durable alors que les les aménités du Kenya : conditions naturelles opti-
politiques agricoles publiques la soutiennent au détri- males pour ces productions (ensoleillement régulier,
ment de l’agriculture familiale qui nourrit la population températures constantes en altitude, présence d’eau
e mais est en grande difficulté. douce…), faible coût de production grâce à une main-
Le texte propose aux autorités du pays de mettre en d’œuvre à bas coût, docile et active, mode de produc-
place une aide aux paysans (équipement, formation) tion industrielle (immenses fermes sous serres), mise
et de conditionner les subventions accordées à cette en place d’un réseau logistique pour une commerciali-
agriculture commerciale à la participation des paysans sation rapide (camions, aires de stockage réfrigérées,
- aux projets mis en place. proximité de l’aéroport).
Synthèse Synthèse
Le land grabbing développe des cultures et activités La situation de l’agriculture kenyane est caracté-
e commerciales non durables dépendantes du marché ristique de celle de l’Afrique subsaharienne : acti-
- économique mondial au détriment des sociétés rurales vité dominante, pourvoyeuse d’emplois et de devises
e et de l’environnement, alors qu’il serait souhaitable grâce aux cultures d’exportation. Toutefois, le déve-
e de l’orienter vers un développement agricole et rural loppement de l’agriculture vivrière constitue un enjeu
durable s’appuyant sur l’agriculture familiale. majeur pour ces États car celle-ci ne parvient pas
r toujours à nourrir la population et ces pays tentent de
développer leur sécurité alimentaire.
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- des pays développés devient résidentielle. Celle-ci ne Les contrastes se creusent aussi au sein des activités
cesse de se renforcer dans les pays des Nords et elle économiques qui peuvent être prospères et innovantes
se développe à partir des années 2000 dans les Suds (petites industries, tourisme, certaines filières agri-
(notamment dans les pays émergents). coles) ou en crise, notamment du fait de l’ouverture de
Mais les espaces ruraux sont également devenus très ces espaces à la concurrence mondiale. Très souvent,
variés en fonction de leur distance aux foyers urbains : une dualité agricole s’instaure avec une place crois-
les campagnes proches des villes, dynamisées par sante de la grande agriculture capitaliste qui mar-
leur proximité avec les centres urbains, s’opposent aux ginalise la petite agriculture familiale qui, pourtant,
espaces ruraux plus éloignés. Ces espaces ruraux en représente encore la majorité des actifs dans les pays
marge se dissocient entre territoires bien vivants grâce pauvres. Dans les pays des Nords, l’agribusiness se
- développe alors que l’agriculture familiale est mar-
aux activités agricoles, industrielles voire touristiques,
et ceux en cours d’abandon, à la population vieillissante. ginalisée ; dans les Suds, l’essor du land grabbing et
e Dans les pays en développement ou émergents, les tra- d’exploitations commerciales tournées vers l’exporta-
jectoires sont multiples. Par exemple, en Asie de l’Est tion (par exemple les roses au Kenya) ne s’accompagne
et du Sud, des espaces hybrides se constituent, mêlant pas de progrès dans les exploitations paysannes.
e peuplement dense et fonctions rurales diversifiées À l’échelle mondiale, les espaces ruraux ont connu
(agriculture, petite industrie, résidences périurbaines). de puissantes transformations sous l’influence des
s grands pôles urbains, ce qui a contribué à diversifier
Ces évolutions des espaces ruraux se traduisent par
s inégalement leur profil économique (multifonction-
des fragmentations sociales et spatiales croissantes.
Tout d’abord, les espaces périurbains sont habités sui- nalité). De fait, des fragmentations socio-spatiales de
vant leurs aménités à la fois par des classes moyennes plus en plus fortes traversent les espaces ruraux que
n et populaires et par des minorités aisées. Parallèlement, ce soit dans les Nords ou les Suds, même si, dans ces
les campagnes plus éloignées sont marquées par la pau- derniers, l’agriculture demeure l’activité structurante
e vreté des agriculteurs, retraités ou nouveaux arrivants. de très nombreux espaces.
n
RÉVISER POUR LE BAC p. 219
-
Schéma pour comprendre et retenir
)
s
, Un monde encore rural et agricole
s
– 45 % de la population mondiale
s
activité structurante
– L’agriculture, une .........................................
-
t
t
Les espaces ruraux,
des mondes en mouvement
-
s
l
i
t Exode rural
.............................................. Renaissance rurale Fragmentation sociale : Fragmentation
0 périurbains
aux Suds aux Nords espaces .............................. économique :
» petites exploitations
≠ ..................................................
campagnes éloignées ≠
agriculture commerciale
i
Développement de l' Gentrification rurale
..............................................
économie résidentielle
..............................................
s
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