Myrte Maroc 2018
Myrte Maroc 2018
Myrte Maroc 2018
Wahid Nadya, Aabdousse Jamal, Chkhichekh Aissa, El Aboudi Ahmed, Lamhamedi Mohammed S., Bakry Mustapha.
Prospection et modalités d’échantillonnage pour capturer la diversité génétique des populations naturelles : cas du
Myrtus communis L. au Maroc / Prospecting and sampling procedures to capture the genetic diversity of natural
populations : case of Myrtus communis L. in Morocco . In: Ecologia mediterranea, tome 44 n°1, 2018. pp. 85-96;
doi : https://doi.org/10.3406/ecmed.2018.2031
https://www.persee.fr/doc/ecmed_0153-8756_2018_num_44_1_2031
Ressources associées :
Myrtus communis
Received: 23 February, 2018; First decision: 11 April, 2018; Revised: 23 April, 2018; Accepted: 28 May, 2018
Mots clés : Myrtus communis L. ; banque Keywords: Myrtus communis L.; seed bank;
de semences ; prospection ; distribution prospection; geographical distribution; natural
géographique ; état des populations naturelles. population state.
Both conservation and rational use of plant L’établissement d’une banque de semences
genetic diversity begin with prospection, col- favoriserait le développement de connais-
lection and establishment of seed banks. Seed sances scientifiques sur la diversité génétique
banks play an important role in maintaining des populations végétales naturelles en faveur
genetic diversity, but they also provide key des programmes de conservation et d’amé-
elements for better understanding gene flow lioration génétique (Agrimonti et al. 2007).
at the inter- and intra-population scales and Cette approche implique des étapes prélimi-
controlling germination to manage degraded naires de prospections des stations, recense-
plant genetic resources. However, seed sam- ments des populations cibles et collecte des
pling must be carried out on a sufficient semences (Moore & Tymowski 2008). Par ail-
number of individuals, representative of leurs, l’échantillonnage des semences doit être
ecological conditions and genetic diversity réalisé sur un nombre d’individus suffisant,
to ensure sustainable management of plant représentatif des conditions écologiques et de
genetic resources. la diversité génétique afin d’assurer une gestion
In Morocco, common myrtle is among the aro- durable des ressources p hytogénétiques (Birot
matic and medicinal plants that are under a lot 1986 ; Meyer & Monsen 1993 ; Kremer 1994 ;
of anthropic pressure, which could lead to its Brachet et al. 2006). La mise en place de telles
regression, or even its disappearance in several collections de semences se doit alors d’intégrer
populations of its natural range. This could even deux niveaux génétiques essentiels (Brachet et
lead to fragmentation and genetic erosion. In al. 2006) : (1) la diversité présente à l’inté-
the absence of structured seed collection strat- rieur de chaque population et (2) le degré de
egies for common myrtle in Morocco in relation différenciation entre populations. L’objectif
to the maintenance of genetic diversity, genetic des banques de semences ne se limite certes
improvement, seed technology and seedling pas à empêcher l’extinction des espèces mais
production, we have initiated prospection and vise à alimenter les programmes d’utilisation
collection of plant material. The objective of et d’amélioration des ressources phytogéné-
this study is to describe the strategy of pros- tiques en vue d’une gestion durable.
pecting and representative sampling of seeds Les banques de semences permettent éga-
for the establishment of a seed bank of natural lement d’évaluer la diversité génétique in
myrtle populations. natura et de maîtriser la technologie des
Based on a reasoned sampling strategy to semences (Olivier 1993 ; Rao et al. 2006). Ces
capture the maximum genetic diversity, banques de semences permettent ainsi de :
prospections and seed collection missions were (1) reconnaître le caractère bio-indicateur des
organized during the 2016-2017 period for the plantes à travers des études sur la technologie
establishment of a seed bank. The range of des semences et leur certification, (2) déve-
myrtle in Morocco has been largely surveyed lopper des marqueurs morphologiques pour
and explored to locate the natural populations l’identification des plantes, (3) développer
of this species and describe their distribution des standards pour détecter la maturité des
range and conservation status. Prospecting not semences, (4) étudier la biologie, la collecte,
only makes it possible to determine the bio- le conditionnement, le traitement et tester le
geographical characteristics, the state of health potentiel de germination des semences, (5)
of the species habitats and the state of its con- évaluer la diversité génétique capturée dans
servation, but also allows finding populations les semences, (6) améliorer la qualité des
with different gene pools of economic interest. semences (Moore & Tymowski 2008).
Sampling referred to the spatial effects of dif- Parmi les ressources phytogénétiques de
ferent hierarchical genetic levels to capture the Méditerranée, il y a le myrte commun (Myrtus
maximum genetic diversity. Thirteen popula- communis L.). C’est une espèce médicinale
tions in geographically different regions were et aromatique de première importance pour
sampled at 10 to 20 individuals per population, les industries pharmaceutiques, agroali-
as well as nearly 20% of the total seed pro- mentaires et cosmétiques comptant encore
duced per individual. This structure of genetic de nombreux composés potentiellement
diversity at the intra- and inter-populations bioactifs à découvrir, analyser et valoriser
levels captured would constitute a first stock (Stuart 1994 ; Mulas et al. 2002 ; Alem et
for the establishment of a seed bank. al. 2008 ; Sabiha et al. 2011 ; Cannas et al.
2013 ; Gonçalves et al. 2013 ; Wahid 2013). que l’Angiosperm Phylogeny Website ne
Au Maroc, le myrte commun figure parmi les recense que 131 genres et 4 625 espèces. Le
plantes aromatiques et médicinales (PAM) qui myrte commun est un arbuste, divisé en de
subissent de fortes pressions anthropiques, ce nombreux rameaux dès la base, appartenant
qui pourrait engendrer sa régression, voire sa à la famille des Myrtacées (Cervelli 2005 ;
disparition dans plusieurs stations de son aire Sabiha et al. 2011) (photo 1a). Cette espèce
naturelle. Ceci pourrait engendrer fragmen- pérenne, typiquement méditerranéenne,
tation et même érosion génétique des popu- hermaphrodite, auto-compatible et entomo-
lations (González-Varo et al. 2009 ; Aparicio phile a une longévité dépassant les cent ans
et al. 2012). En effet, l’érosion génétique (Aparicio et al. 2012). Elle se caractérise par
est souvent corrélée à une diminution de la des hauteurs pouvant atteindre 4 m dans les
taille et du potentiel reproductif des popu- sols fertiles (González-Varo et al. 2009), voire
lations naturelles combinée à une réduction 5 m selon Traveset et al. (2001). Ses feuilles
de la capacité d’adaptation à leur environ- sont opposées, persistantes, aromatiques, très
nement ; ce qui a pour conséquence à long courtement pétiolées, coriaces, ovoïdes lan-
terme un risque accru d’extinction (Hensen & céolées, à face supérieure luisante, jusqu’à 3
Oberprieler 2005). Même si le myrte n’est pas à 5 cm de long, et à face inférieure plus claire,
classé comme espèce menacée au Maroc, son ponctuée de poches sécrétrices (Métro &
exploitation non contrôlée, couplée à la res- Sauvage 1955 ; Bayer et al. 2009) (photo 1b,
triction de son milieu naturel, la dégradation de c, d). Les fleurs sont solitaires, renfermant des
son écosystème et la diminution de sa densité cavités sécrétoires et dégageant un parfum
(nombre d’individus par hectare) à l’intérieur capiteux, et sont portées par des pédoncules
de stations souvent isolées, augmente le risque longs et minces (Ciccarelli et al. 2008). Elles
d’une érosion génétique rapide de l’espèce. La sont hermaphrodites, actinomorphes avec
mise en place d’une banque de semences, la une corolle composée de pétales suborbi-
conservation et l’amélioration génétique du culaires et blancs pouvant atteindre jusqu’à
myrte représentent un des outils innovants 3 cm de diamètre (photo 1e). Les étamines
pour répondre aux besoins économiques, sont nombreuses. L’ovaire est infère, syn-
écologiques et sociaux. L’approvisionnement carpe, à placentation axile (Campbell 1968 ;
continu et durable via des banques de semences González-Varo et al. 2009 ; Ciccarelli et
et l’adoption d’un système de culture moderne al. 2008). Les fruits sont des baies ovoïdes,
permettrait d’assurer des produits compétitifs noires à maturité et couronnées par le limbe
(Kumar & Gupta 2008). du calice (photo 1g, h). La floraison (photo 1f)
En l’absence de stratégies structurées de
collecte des semences du myrte commun
au Maroc en relation avec le maintien de la
diversité génétique, l’amélioration génétique,
la technologie de semences et la production de
plants, nous avons initié des missions de pros-
pection et de collecte du matériel végétal au
sein des populations naturelles de cette espèce.
L’objectif de la présente étude consiste à
décrire la stratégie de prospection et d’échan-
tillonnage représentatif des semences pour la
mise en place d’une banque de semences des
populations naturelles du myrte.
Matériel et méthodes
s’étend de mai à octobre (Agrimonti et al. Cette étape de prospection est précédée d’une
2007), tandis que la maturation des fruits se étape de collecte d’informations par recherche
déroule d’octobre à fin novembre. bibliographique et recours aux archives
locales, régionales et nationales (historique
des aménagements forestiers, carte des types
Prospection des populations
de peuplements, statistiques et évolution des
naturelles de myrte commun
peuplements, documents publiés ou non, etc.).
La prospection sur le terrain au sein de l’aire de En pratique, une approche consultative infor-
distribution naturelle du myrte a pour objectif melle à base d’interviews avec les services
de localiser les populations encore existantes compétents et facilitateurs a été adoptée pour
et de mieux cerner l’état de la croissance et la localisation des stations à myrte (cas des
du développement des provenances de cette services des Eaux et Forêts et de la population
espèce. Plusieurs auteurs ont noté qu’il locale incluant pasteurs et exploitants du
n’existe pas de méthodes standards pour la myrte). Cette approche donne une information
prospection en raison du nombre de variables qualitative rapide sur la localisation des sites
impondérables, généralement fonction des de l’espèce, ainsi que sur leur taille et leur
espèces, de la topologie, de l’amplitude éco- état de conservation. Par ailleurs, nous avons
logique, des saisons et de la disponibilité de organisé plusieurs enquêtes sur la base d’un
l’information (Marchenay & Paca 1987 ; questionnaire (figure 1) se focalisant sur les
Moore & Tymowski 2008). La prospection et informations taxonomiques (nom botanique,
la collecte des échantillons, bien qu’indisso- vernaculaire, sous-espèces, etc.), la locali-
ciables, ne sont pas forcément simultanées. sation (coordonnées géographiques, etc.),
les caractéristiques de la station (e.g. type de
sol), la nature du peuplement et son état de
conservation (e.g. dense ou clair, naturel ou
planté, etc.), l’utilisation traditionnelle et la
collecte du matériel végétal. Les documents
d’aménagement des forêts concernées ont
été consultés, même si, excepté les essences
ligneuses, les essences arbustives, qualifiées
de secondaires, sont le plus souvent négligées,
eu égard à l’absence de peuplements impor-
tants pouvant justifier leur mise en valeur.
Approche d’échantillonnage
représentatif des semences
pour capturer le maximum
de la diversité génétique
L’échantillonnage des semences est important
pour le succès de toute étude scientifique et
d’autant plus pour la diversité et la structure
génétique d’une espèce (Krebs 1989). Son
objectif est alors de construire un échan-
tillon représentatif afin que les observations
puissent être généralisées à l’ensemble de la
population (Marshall & Brown 1975 ; Steele
& Torrie 1980 ; Royle 2004). D’une manière
générale, plus l’échantillon est grand plus
l’estimation des observations est précise.
Deux méthodes d’échantillonnage sont
recommandées (Thompson & Seber 1996) :
(1) la méthode probabiliste par tirage aléa-
toire d’échantillons dans la population-mère ;
Figure 1 – F iche de récolte de fruits de Myrtus communis L. au Maroc. (2) la méthode non probabiliste par identifi-
Figure 1 – H
arvest form of Moroccan fruits of Myrtus communis L. cation dans la population-mère de quelques
Figure 2 – S
tructure du plan d’échantillonnage adopté pour capturer le maximum de diversité génétique
des populations naturelles du myrte au Maroc.
Figure 2 – S
tructure of the sampling plan adopted to capture the maximum genetic diversity in natural
populations of myrtle in Morocco.
l’enveloppe des fruits. Les lots de graines sont sur le terrain et par documentation nous ont
conservés dans de nouvelles enveloppes en permis de noter que le myrte se répartit sur
papier kraft et sont conservés séparément par une aire naturelle très vaste au Maroc. Elle est
individu et par population à une température sujette à une grande variabilité o rographique,
d’environ 18 ± 1 °C. édaphique et bioclimatique, comme signalé
à l’échelle de la Méditerranée des Açores à
l’Iran (Migliore et al. 2012 ; WCSP 2013).
Toutefois, à l’échelle du Maroc, nous ne
Résultats et discussion disposions que de peu d’informations sur la
répartition géographique de l’espèce (Sauvage
Prospection des populations 1961b ; Métro & Sauvage 1955 ; Emberger
naturelles du myrte commun 1939).
au Maroc Au Maroc, le myrte est présent depuis le littoral
atlantique aux environs de Tanger (Sauvage
Statut de distribution des populations 1961a) jusqu’aux étages thermoméditerra-
naturelles prospectées néens et à la base du mésoméditerranéen
Des campagnes de prospection ont été orga- (Rameau et al. 2008 ; Paradis et al. 2009). Ces
nisées pendant les périodes végétatives de résultats ont ainsi pu être vérifiés et complétés
l’espèce en 2016 et en 2017 (figure 3). Un par notre travail de prospection. Le myrte se
récapitulatif du statut de distribution des popu- trouve dans le nord du Maroc, particulièrement
lations naturelles du myrte, selon les régions dans la région de Chaouen et dans le Plateau
administratives et écologiques, et les carac- central. Au nord-ouest du Maroc ; il est réparti
téristiques géographiques, est présenté dans dans les forêts plus claires de junipéraie du
le tableau 1. Les résultats des prospections bassin-versant de Tahaddart et dans la forêt
Figure 3 – T
rajet de distribution des populations naturelles prospectées de myrte.
Figure 3 – D
istribution route of prospected natural populations of myrtle.
Tableau 1 – L es régions administratives et écologiques, et les caractéristiques géographiques des populations du myrte prospectées et
collectées au Maroc.
Table 1 – The administrative and ecological regions, and the geographical characteristics of the myrtle populations prospected and
collected in Morocco.
surfaces très réduites et fragmentées dans les unedo L., Erica scoparia L. (Sauvage 1961a),
forêts de chêne-liège à savoir (tableau 1) : les Nerium oleander L., Tamarix gallica L., Vitex
forêts de Dar Essalam, Kourifla, Brachwa, agnus-castus L. (Résultats non publiés).
Sehoul, kharouba (bassin-versant de l’Oued
beht), Oulmes (bassin-versant de l’Oued État des populations naturelles
Grou), El Menzeh, Bâaidnat, Sibe El Harcha, de myrte
etc. Il se trouve aussi aux abords des dayas,
Les résultats de cette première phase de pros-
Bni-Abid et Ben-Slimane (Métro & Sauvage
pection montrent que les sites naturels de
1955 ; Sauvage 1961b ; Aafi et al. 2005).
M. communis sont fortement dégradés et en
En comparaison avec le Rif occidental et le
nette régression à l’exception des sites d’accès
pré-Rif, les sites du Plateau central reçoivent
des niveaux de précipitations intermédiaires difficile et des réserves biologique et écolo-
(~ 550 mm), au sein des étages bioclimatiques gique. Bien que certaines formations de myrte
humide et semi-aride à variante chaude à tem- dans la région du Rif occidental (Chefchaouen)
pérée (Sauvage 1961a ; Paradis et al. 2009). soient denses et bien conservées, il y a des
Sur le plan édaphique, le substrat est généra- populations (cas de Ouazzane et de Bab Taza)
lement sablonneux, plus ou moins profond, menacées par les feux de forêt en faveur de
avec des grès argileux ou du sable argileux la création de terres agricoles vu la bonne
grès calcaire. qualité du climat et du sol. Les forces majeures
de dégradation, du reste des populations du
Le myrte, non encore prospecté, est également nord-ouest du Rif occidental, du pré-Rif et
signalé au Haut Atlas au niveau d’Ourika à du Plateau central, sont le parcours intensif
l’embouchure de la rive droite de l’Oued et la surcharge pastorale occasionnée princi-
Tarzaza. Dans ces stations, le myrte serait
palement par les caprins, ainsi que l’exploi-
planté et non pas d’origine naturelle (Maubert
tation non raisonnée de la biomasse par les
1980). Cette région se caractérise par les préci-
populations riveraines à faible revenu (cas des
pitations moyennes annuelles les plus faibles.
forêts de Taounate et du Plateau central). Entre
autres, cette pression de surexploitation de la
Caractéristiques biologiques ressource est le résultat de la forte demande
des populations naturelles prospectées
en huiles essentielles (HE) du marché écono-
La prospection des populations naturelles de mique national et international (Wahid 2013).
myrte nous a permis de vérifier les traits liés à La demande croissante en HE des industries
leur description biologique (photo 1). Ceux-ci phytothérapeutiques, cosmétiques et pharma-
correspondent aux données bibliographiques ceutiques a des conséquences sur la disponi-
relevées pour l’espèce sur le pourtour médi- bilité à long terme de cette ressource et par
terranéen. Cependant, les pieds de myrte sur conséquent sur la production totale et le ren-
les transects des Oueds ou des sites d’accès dement en HE. La diminution du rendement
difficile présentent des hauteurs maximales de en Kg de la biomasse a atteint environ 49 %
5 m ; cas des lits des Oueds de la réserve bio- durant la période allant de 1999 à 2006 (Wahid
logique d’El Harcha du Plateau central et du 2013), dénotant une forte dégradation des
parc Bouhachem du Chaouen. En revanche, peuplements naturels et justifiant l’absence
les myrtes se développant sur des placettes de données statistiques couvrant la période
en plaine ou à accès facile ne dépassent allant de 2007 à 2013, probablement à cause
généralement pas une hauteur de 50 cm et de la chute continue de la production. En plus
leurs feuilles sont petites avec des longueurs de la surexploitation de sa biomasse, le myrte
souvent inférieures à 2 cm. Ce résultat trouve figure parmi les espèces pastorales méditer-
sa justification dans l’exposition continue et ranéennes les plus broutées par le cheptel
agressive de ces peuplements de myrte à la caprin (Mancilla-Leytón et al. 2013). À cet
dent du bétail. égard, la surcharge des parcours fait que les
Myrtus communis constitue des associations prélèvements sont plus que quatre fois supé-
végétales avec Quercus suber L., Quercus rieurs à la possibilité des écosystèmes fores-
coccifera L., Pinus halepensis Mill., Pistacia tiers (observation des techniciens des eaux et
lentiscus L., Cistus monspeliensis L. Cistus forêts). La régression de cette ressource est
salviifolius L., Phillyrea angustifolia L., donc gouvernée par l’interaction de plusieurs
Smilax aspera L., Cytisus triflorus, Rubus facteurs, notamment l’action humaine, l’urba-
ulmifolius Schott., Erica arborea L., Cistus nisation et la croissance démographique, le
halimifolium L. (Emberger 1939), Arbutus développement du secteur de phytothérapie
Figure 4 – A
pproches de prospection et d’échantillonnage adoptées pour capturer le maximum de diversité
génétique des populations du myrte au Maroc.
Figure 4 – P
rospecting and sampling approach adopted to capture the maximum genetic diversity
of populations of myrtle in Morocco.
optimale. Guerrant et al. (2004) ont préconisé aux échanges génétiques ne se présente et que
cinquante populations pour atteindre une la plupart des graines ont une dispersion infé-
meilleure couverture tout en reconnaissant rieure à 100 m (Cain et al. 2000).
que ceci impliquerait de répartir ce travail
sur une longue période. Ainsi, le nombre des Considération de l’échantillonnage
populations à récolter suivrait non seulement par génotype (semence)
des critères éco-géographiques et d’état de
Au niveau du génotype (semence), nous
santé et de conservation des peuplements,
avons récolté aléatoirement 20 % des fruits
mais aussi des impératifs économiques.
par individu et par population. Ce pourcentage
de semences collectées par plante est recom-
Considération de l’échantillonnage mandé par plusieurs auteurs dans le manuel
par individu (arbuste) APAT (2006). Généralement, le pourcentage
Dans cette étude, nous avons échantillonné des semences échantillonnées est lié à la fruc-
entre dix et vingt individus. Les individus ont tification des individus et au nombre de fruits
été pris au hasard et les échantillons sont donc qui atteignent la maturité.
aléatoires. Le choix du nombre d’individus Un échantillon de semences récolté par individu
est en relation avec l’état de dégradation de dans une seule population devrait avoir les
l’écosystème de l’espèce, la petite taille des potentialités pour être réintroduit dans la région
populations, la fructification des individus et de provenance (Brown & Marshall 1995). La
les ressources financières. La règle générale vérification de la maturité des semences est
stipule que les populations avec une diversité nécessaire. Nos résultats sur la période de
élevée sont génétiquement plus hétérogènes maturité des semences de myrte au Maroc
et doivent être largement échantillonnées révèlent qu’elle s’étale sur environ deux mois à
(Hamrick et al. 1991). Quand les populations partir d’octobre, ce qui se vérifie généralement
sont très petites (cas des espèces rares), il faut au niveau du bassin méditerranéen (Agrimonti
éviter de collecter un échantillonnage massif et al. 2007). Sur le terrain, nous avons évalué la
avec un nombre excessif d’individus. Dans maturité des graines du myrte par des moyens
cette situation, il faudrait échantillonner le simples tels que la facilité de détacher le fruit
matériel génétique dans plusieurs stations en de la plante mère et le virement de sa couleur
prenant peu d’individus. Brachet et al. (2006), à maturité du vert au violet. Cet examen sera
notaient qu’une diminution du nombre de accompagné par un test de germination des
populations échantillonnées entraîne une aug- semences selon la réglementation internationale
mentation de la sous-estimation de la diversité de semences (ISTA 1999), durant la deuxième
génétique, alors qu’une réduction du nombre phase de cette étude, pour mieux apprécier leur
d’individus a moins d’effet. De même, ils ont capacité de dissémination et rendre les résultats
montré que l’échantillonnage des populations comparables à l’échelle de l’aire de répartition
et des individus a un effet significatif sur la de l’espèce. Les effets temporels peuvent éga-
différenciation génétique entre les popula- lement être très importants, puisqu’un échan-
tions (indice de différenciation génétique tillonnage tôt ou tard dans la saison aura des
Fst). Toutefois, plusieurs auteurs ont suggéré conséquences sur les génotypes conservés à la
que trente à cinquante individus seraient suffi- fois en termes de diversité des allèles que de
sants pour maintenir les fréquences alléliques fréquences allélomorphes des génotypes. Ainsi,
des gènes faisant l’objet de la sélection natu- une récolte de semences (par provenance/popu-
relle, quelle que soit la taille de la population lation/individu) étalée sur cinq années consé-
(Maynard 1986 ; Roberts & Bishir 1997). cutives pour capter le maximum de sa diversité
Le Centre de conservation des plantes aux génétique, est prévue.
États-Unis préconise l’échantillonnage de
dix à cinquante plantes par population (Falk
& Holsinger 1991). Ralls & Ballou (1986)
estimaient qu’un nombre de vingt individus Conclusion et perspectives
échantillonnés peut être considéré comme
suffisant pour maintenir 90 % de la variation La mise en place de collections aussi exhaus-
génétique des traits quantitatifs dans une tives que possible des ressources génétiques
population. Généralement la collecte des indi- de Myrtus communis au Maroc repose sur une
vidus à l’intérieur d’une population ne pose prospection générale de toute son aire naturelle
pas de problème tant qu’une barrière évidente et sur un échantillonnage à la fois écologique
par provenance et génétique tout en considérant Agrimonti C., Bianchi R., Bianchi A., Ballero M.,
les différents niveaux de diversité génétique. Poli F. & Marmiroli N., 2007. Understanding bio-
logical conservation strategies: a molecular genetic
Par ailleurs, la prospection permet non seu- approach to the case of myrtle (Myrtus communis
lement de déterminer les caractéristiques bio- L.) in two Italian regions: Sardinia and Calabria.
géographiques, l’état de santé des habitats de Conserv. Genet. 8: 385-396.
l’espèce et l’état de sa conservation, mais aussi Alem G., Mekonnen Y., Tiruneh M. & Mulu A., 2008.
In vitro antibacterial activity of crude preparation
de découvrir des populations pouvant potentiel- of myrtle (Myrtus communis) on common human
lement être des réservoirs génétiques d’intérêt pathogens. Ethiopian Med. J. 46: 63-69.
économique et écologique important. La col- Aparicio A., Hampe A., Fernandez-Carrillo L. &
lecte raisonnée des ressources génétiques du Albaladejo R.G., 2012. Fragmentation and com-
myrte est basée en premier lieu sur les aspects parative genetic structure of four mediterranean
woody species: complex interactions between life
spatiaux écologiques de l’échantillonnage entre history traits and the landscape context. Divers.
les provenances. En deuxième lieu, l’échantil- Distrib. 18: 226-235.
lonnage s’est référé aux effets spatiaux des dif- APAT, 2006. Manuale per la raccolta, studio, conserva-
férents niveaux hiérarchiques génétiques pour zione e gestione ex situ del germoplasma. Manuali
capturer le maximum de diversité génétique. e Linee guida 37, APAT, Rome.
Bayer E., Buttler K.P., Finkenzeller X. & Grau J., 2009.
Les ressources génétiques du myrte que nous Guide de la flore méditerranéenne. Delachaux et
avons collectées et que nous irons collecter Niestlé Press, Paris.
durant la deuxième phase de cette étude en vue Birot Y., 1986. Principaux apports de la génétique et de
de créer une banque de semences de cette espèce l’amélioration des arbres forestiers à la sylviculture :
Situation actuelle et perspectives. École nationale du
feront l’objet des perspectives suivantes : Génie rural, des eaux et des forêts, Rabat.
1) déterminer les zones de transfert de Brachet S., Bastien C., Bilger I. et al., 2006. Stratégies
semences et les empreintes génétiques des raisonnées d’échantillonnage pour capturer la
populations marocaines du myrte, en four- diversité génétique et sa structuration dans les
nissant des informations sur la variation géné- populations naturelles. Application aux mesures de
gestion conservatoire, Les Actes du BRG 6 : 211-230.
tique intra-spécifique ; Brown A.H.D. & Marshall D.R., 1995. A basic sam-
2) étudier le traitement et la conservation des pling strategy: theory and practice. In: Guarino L.,
semences pour maîtriser et mieux gérer la Ramanatha Rao V., Reid R. (eds), Collecting plant
banque de semences de cette espèce ; genetic diversity: Technical guidelines. CABI
Wallingford, Oxon: 75-91.
3) déterminer les techniques de culture per-
Cain M.L., Milligan B.G. & Strand A.E., 2000. Long-
mettant la domestication et la conservation ex distance seed dispersal in plant populations. Am. J.
situ du myrte par son introduction dans les Bot. 87 (9): 1217-1227.
zones périforestières et les forêts urbaines Campbell M.S., 1968. Myrtus L. In: Tutin T.G.,
sur l’ensemble de l’étage b ioclimatique Heywood V.H., Burges N.A. et al. (eds), Flora
Europaea. Cambridge University Press, Cambridge,
thermoméditerranéen et à la base du vol. 2: 303-304.
mésoméditerranéen ; Cannas S., Molicotti P., Ruggeri M., Cubeddu M.,
4) évaluer les réponses éco-physiologiques Sanguinetti M., Marongiu B. & Zanetti S., 2013.
et chimiques (cas des huiles essentielles) Antimycotic activity of Myrtus communis L.
des populations en relation avec la génétique towards Candida spp. from clinical isolates. J.
Infect. Dev. Countr. 7(3): 295-298.
quantitative pour la réintroduction et l’inten-
Cervelli C., 2005. Myrtus communis L.: Le specie
sification de la production de l’espèce par une arbustive della macchia mediterranea un patrimonio
culture sélective ; da valorizzare. Supplemento alla rivista trimestrale
5) assurer un transfert de connaissance et de Sicilia Foreste 26: 111-118.
savoir-faire auprès des populations en vue Ciccarelli D., Garbari F. & Pagni A.M., 2008. The flower
of Myrtus communis (Myrtaceae): secretory struc-
d’améliorer leur revenu. Ces étapes seront tures, unicellular papillae, and their ecological role.
indispensables pour augmenter et valoriser Flora 203: 85-93.
l’usage des produits du myrte dans le cadre Emberger L., 1939. Aperçu général sur la végétation
d’une stratégie participative de dévelop- du Maroc. Commentaire de la carte phytogéogra-
pement harmonieux et durable de l’espèce. phique du Maroc au 1:1 500 000. Ueröff Geobat
Inst Rübel HSSoc Nat: 40-157.
Falk D.A. & Holsinger K.E., 1991. Genetics and con-
servation of rare plants. Oxford University Press,
New York.
Références bibliographiques Gonçalves S., Gomes D., Costa P. & Romano A., 2013.
The phenolic content and antioxidant activity of
Aafi A., Achhal A.K., Benabid A. & Rouchdi M., 2005. infusions from Mediterranean medicinal plants. Ind.
Richesse et diversité floristique de l’écosystème de Crop Prod. 43: 465-471.
chêne-liège de la forêt de la Mamora. Acta Botanica González-Varo J.P., Albaladejo R.G. & Aparicio A.,
Malacitana 30 : 127-138. 2009. Mating patterns and spatial distribution of
conspecific neighbours in the Mediterranean shrub Moore G. & Tymowski W., 2008. Guide explicatif du
Myrtus communis (Myrtaceae). Plant Ecol. 203: traité international sur les ressources phytogéné-
207-215. tiques pour l’alimentation et l’agriculture. UICN
Govaerts R., Sobral M., Ashton P. et al., 2008. World droit et politique de l’environnement, 205 p.
checklist of Myrtaceae. Royal Botanic Gardens, Mulas M., Francesconi A.H.D. & Perinu B., 2002.
Kew, London: 470 p. Myrtle (Myrtus communis L.) as a new aromatic
Guerrant E.O., Fiedler P.L., Havens K. & Maunder crop: cultivar selection. Journal Herbs Spices &
M., 2004. Appendix 1: Revised genetic sampling Medicinal Plants 9: 127-131.
guidelines for conservation collections of rare and Neel M.C. & Cummings M.P., 2003. Effectiveness of
endangered plants. In: Guerrant E.O., Havens K. & conservation targets in capturing genetic diversity.
Maunder M. (eds), Ex situ plant conservation: sup- Conserv. Genet. 17(1): 219-229.
porting species survival in the wild. Island Press,
Washington DC. Olivier L., 1993. Les arboretums et la conservation de la
diversité génétique. Forêt méditerranéenne XIV (l) :
Hamrick J.L., Godt M.J.W., Murawski D.A. & Loveless
17-22.
M.D., 1991. Correlations between species traits and
allozyme diversity: implications for conservation Paradis G., Lorenzoni-Piertri C., Pozzo Di Borgo M.L.,
biology. In: Falk D.A. & Holsinger K.E. (eds), Sorba L., 2009. La végétation des mares temporaires
Genetics and conservation of rare plants. Oxford méditerranéennes de la Corse. Bulletin de la Société
University Press, New York. des sciences historiques et naturelles de la Corse,
Hensen I. & Oberprieler Ch., 2005. Population size 728-729.
affects genetic diversity and seed production in Ralls K. & Ballou J.D., 1986. Captive breeding pro-
the rare Dictamnus albus (Rutaceae) in Central grams for populations with a small number of
Germany. Conserv. Genet. 6: 63-73. founders. Trends in ecology & evolution 1: 19-22.
ISTA, 1999. International rules for seed testing. Seed Rameau J.C., Mansion D., Dumé G. & Gaubeville
Science and Technology 27, supplement. C., 2008. Flore forestière française. Région
Krebs C.J., 1989. Ecological methodology. Harper and Méditerranéenne. Institut pour le développement
Row Press, New York. forestier, CNPPF, Paris, 2 432 p.
Kremer A., 1994. Diversité génétique et variabilité des Rao N.K., Hanson J., Dulloo M.E., Ghosh K., Nowell D.
caractères phénotypiques chez les arbres forestiers. & Larinde M., 2006. Manuel de manipulation des
Genet. Sel. Evol. 26 (1): 105s-123s. semences dans les banques de gènes. Biodiversity
Kumar J. & Gupta P.K., 2008. Molecular approaches International, Rome, 1 p.
for improvement of medicinal and aromatic plants. Roberts J.H. & Bishir J.W., 1997. Risk analyses in clonal
Plant Biotechnol. Rep. 2: 93-112. forestry. Can. J. Forest Res. 27: 425-432.
Mancilla-Leytón, J.M., Mejías R.P. & Vicente A.M., Royle J.A., 2004. N-mixture models for estimating
2013. Shrub vegetation consumption by goats in population size from spatially replicated counts.
the southwestern Iberian Peninsula. Livest. Sci. Biometrics 60: 108-115.
153: 108-115.
Sabiha S., Aftab M.A., Asif M. & Mohd A., 2011.
Marchenay Ph. & Paca P., 1987. À la recherche des
Myrtus communis Linn.: A review. Indian journal
variétés locales de plantes cultivées. Guide métho-
of natural products and resources 2(4): 395-402.
dologique. CBN-Med, Bureau des ressources géné-
tiques du MNHN, Hyères, Paris, 125 p. Sauvage Ch., 1961a. Recherches géobotaniques sur les
Marshall D.R. & Brown A.H.D., 1975. Optimum sam- subéraies marocaines. Travaux de l’Institut scien-
pling strategies in genetic conservation. In : Frankel tifique chérifien, Série botanique, vol. 21: 462 p.
O.H. & Howkes J.G. (eds), Crop genetic resources Sauvage Ch., 1961b. Flore des subéraies marocaines
for today and tomorrow. Cambridge University (catalogue des cryptogames vasculaires et phanéro-
Press, Cambridge: 53-80. games). Travaux de l’Institut scientifique chérifien,
Maubert P., 1980. Informations sur le Myrtus com- Série botanique, vol. 22 : 252 p.
munis. Fichier central de l’herbier de la faculté des Steele R.G.D. & Torrie J.H., 1980. Principes and pro-
sciences, Marrakech, 62 p. cedures of statistics: a biometrical approach. Mc
Maynard C.A., 1986. Population genetics of forest trees: Graw-Hill Books Co, Toronto, 633 p.
Implications of in vitro techniques. In Vitro Cell. Stuart M., 1994. The encyclopedia of herbs and herb-
Dev. B. 22(5): 231-233. alism. 3rd Edition, 136 p.
Messaoud Ch., Afif M., Boulila A., Rejeb M.N. & Taleb M.S., 1989. Étude de la végétation du bassin-
Boussaid M., 2007. Genetic variation of Tunisian versant de l’oued Lkaddab (Meseta orientale,
Myrtus communis L. (Myrtaceae) populations Maroc). Thèse de doctorat de la faculté des sciences,
assessed by isozymes and RAPDs. Ann. Forest Sci. université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc.
64: 845-853.
Thompson S.K. & Seber G.A.F., 1996. Adaptive sam-
Métro A. & Sauvage Ch., 1955. Flore des végétaux pling. John Wiley et Sons, New York.
ligneux de la Mamora. Société des sciences natu-
relles et physiques du Maroc, Rabat, 498 p. Traveset A., Riera N. & Mas R.E., 2001. Ecology of
fruit-colour polymorphism in Myrtus communis
Meyer S.E. & Monsen S.B., 1993. Genetic conside-
rations in propagating native shrubs, forbs, and and differential effects of birds and mammals on
grasses from seed. In: Association Symposium (ed.), seed germination and seedling growth. J. Ecology
Western forest nursery association meeting. Fallen 89: 749-760.
Leaf Lake, 14-18 september 1993. Wahid N., 2013. Perspectives de la valorisation de
Migliore J., Baumel A., Juin M. & Médail F., 2012. l’usage et de la culture du Myrtus communis au
From Mediterranean shores to central Saharan Maroc. Phytothérapie : 1-7.
mountains: key phylogeographical insights from WCSP, 2013. World checklist of selected plant families.
the genus Myrtus. J. Biogeogr. 39: 942-952. Facilitated by the Royal Botanic Gardens, Kew.