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l'entreprise
Quelques pistes d'adaptation des outils existants
Nathalie Crutzen, Didier van Caillie
Dans Humanisme et Entreprise 2010/2 (n° 297), pages 13 à 32
Éditions A.A.E.L.S.H.U.P
ISSN 0018-7372
DOI 10.3917/hume.297.0013
© A.A.E.L.S.H.U.P | Téléchargé le 01/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.141.158.237)
1
Docteur en Sciences Economiques et de Gestion, Centre d’Etude de la Performance de l’Entreprise
(CEPE), HEC-Ecole de Gestion Liège (Belgique) - [email protected]
2
Professeur, Centre d’Etude de la Performance de l’Entreprise (CEPE), HEC-Ecole de Gestion de
l'Université de Liège (Belgique)
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Abstract Considering the increasing and global interest for worldwide environmental and social challenges,
the mission of firms in the Society has progressively evolved. The role of firms is no more
restricted to short- or medium- term financial objectives which benefit to their shareholders. Up to
now, it also includes societal considerations which tend to promote the sustainability of the firm
and of its environment in the long term. Due to this evolution of the role of firms in the Economy
and, more globally, in the Society, the concept of performance has evolved. The traditional vision
of performance which is generally restricted to a short term and financial vision of the firm is
progressively replaced by a larger vision. This new vision is more global and tridimensional
(Reynaud, 2003). It includes the achievement of economic and financial objectives (as the
traditional vision does) but it also incorporates the achievement of societal goals. In this sense, a
firm is performing if it achieves its financial/economic, social and environmental objectives. In this
context, for about a decade, a series of researchers have analyzed how the traditional management
control tools, i.e. tool used to pilot and measure performance, could be adapted to this new vision of
global performance. This article proposes to review significant research focused on the analysis of
the importance and of the integration of these two dimensions (popularized by the Sustainable
Development concept), in the management control system of firms. More specifically, after having
underlined the limitations of numerous tools to pilot and to measure adequately the global
performance of firms, this paper highlights the advantages of the Balanced Score Card (BSC), a
management tool developed by Kaplan and Norton (1992) and worldwide famous, in order to take
this new dimensions into account in the firm. Then this article exposes how this tool can be adapted
in order to pilot and measure as adequately as possible these dimensions. Two major categories of
adaptations are critically analyzed in this article : the decoupling or the integration of the societal
dimensions to the traditional (economic) one.
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1. Contexte
Dans l’économie actuelle gouvernée par des principes tels que la
globalisation, la mondialisation, les nouvelles technologies et la délocalisation,
plusieurs facteurs ont entraîné l’apparition de modes de gestion plus
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Tableau 1 : Mesure des performances environnementale, sociale et globale (Dohou et Berland, 2007)
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norme ISO 26000, proposent des lignes directrices pour la prise en compte
des enjeux du développement durable dans la stratégie et la gestion de
l’entreprise plutôt que des outils pour mesurer les résultats obtenus (Dohou et
Berland, 2007). Deuxièmement, la plupart des outils de contrôle de gestion
disponibles actuellement sont limités au niveau opérationnel et ils ne sont
donc pas reliés à la stratégie de l’entreprise. Ils ne sont donc pas impliqués
dans une vision stratégique plus large de développement durable (Bieker,
2002b) alors que « les indicateurs sociétaux ne peuvent prendre sens que s’ils
sont étroitement reliés à la stratégie de l’entreprise à l’instar de tout indicateur
de contrôle » (Bollecker et al., 2006). Troisièmement, ces dispositifs ne
prennent pas tous en compte les trois problématiques du développement
durable simultanément et ils ont rarement été réellement intégrés au système
de contrôle de gestion traditionnel de l’entreprise (Bieker, 2002b). Ainsi, la
gestion des aspects environnementaux et sociaux n’est généralement pas
orientée vers le succès économique de l’entreprise et l’apport économique
pour l’entreprise de cette gestion environnementale et/ou sociale reste peu
clair. Cette seconde limite nous amène à évoquer un débat classique en
matière de développement durable, à savoir y a-t-il une opposition ou une
complémentarité entre les notions de responsabilité sociale de l’entreprise et
sa performance économique ?
D’une part, certains auteurs comme Friedman (1970) et Drucker
(1984) affirment que « faire du profit est incompatible avec la responsabilité
sociale de l’entreprise » et que sa seule mission est de créer du capital
permettant de faire des investissements et donc de générer des emplois futurs.
Selon ces auteurs, il y a donc une opposition entre performance économique
et responsabilité sociétale de l’entreprise. Certains auteurs affirment donc
qu’il faut distinguer les objectifs et les indicateurs de mesure de la
performance économique de ceux qui mesurent la performance sociétale de
l’entreprise (Quairel, 2006). Ainsi, ces auteurs prônent pour une dissociation
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Au cours des 10 années qui ont suivi sa création, son utilisation s’est répandue
dans les entreprises et son rôle ne s’est plus limité à la mesure de la
performance mais s’est étendu au pilotage stratégique de la performance de
l’entreprise (Kaplan et Norton, 1996). La Balanced ScoreCard est un outil de
contrôle de gestion (outil de pilotage stratégique et de mesure de la
performance) qui se présente comme la combinaison d’objectifs et
d’indicateurs financiers et non financiers classés selon 4 axes d’analyse
recouvrant les dimensions suivantes : Finance, Clients, Processus interne et
Apprentissage organisationnel. Selon Kaplan et Norton, il s’agit d’un outil qui
permet de traduire la stratégie de l’entreprise en une série d’objectifs et
d’indicateurs spécifiques à chacune des 4 dimensions et qui permet ensuite de
mesurer l’atteinte de ces objectifs et donc la performance globale de
l’entreprise. La BSC est présentée par ses concepteurs comme un outil de
pilotage et de contrôle de la performance équilibré car il inclut à la fois des
indicateurs de performance à long terme et à court terme, financiers et non
financiers, internes et externes ainsi que des indicateurs de résultats (indicateurs
qui permettent d’évaluer si les objectifs ont été atteints – indicateurs a
posteriori) et des indicateurs de moyens (indicateurs qui mettent en évidence
les mesures qui permettront d’atteindre les objectifs – indicateurs a priori).
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4. Discussion
Cette quatrième section propose une analyse critique des
enseignements présentés plus haut. Elle est concrètement organisée en 3 trois
parties. Après avoir insisté sur le rôle précis de la BSC et sur l’importance
d’avoir établi une stratégie RSE au préalable, nous nous posons la question du
choix d’une architecture de BSC « durable » particulière et nous terminons
par une interrogation soulevée dans la littérature concernant la pertinence du
modèle théorique de performance sur lequel est basé la BSC.
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4.4. Synthèse
Pour résumer notre analyse de la littérature en matière de BSC et de
responsabilité sociétale de l’entreprise, nous proposons un tableau
synthétisant les forces et les faiblesses des différentes adaptations possibles de
la BSC (allant de la dissociation des aspects économiques et sociétaux à
l’intégration totale au sein des 4 axes traditionnels de la BSC) en fonction de
la stratégie RSE menées par l’entreprise, à savoir un stratégie RSE intégrée
dans sa stratégie principale ou une stratégie RSE d’opportunité élaborée
principalement à des fins marketing.
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Plutôt un discours marketing que de réelles convictions et de réelles implications stratégiques et/ou
opérationnelles
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Conclusion
Dans un monde où le rôle strictement économique de l’entreprise est
peu à peu remis en cause pour intégrer des aspects plus sociaux et
environnementaux, cette contribution rappelle l’importance d’adapter les
outils et les indicateurs de contrôle de gestion afin qu’ils prennent en compte
les dimensions sociétales de la gestion de l’entreprise. Plus concrètement, ces
dispositifs doivent donc être progressivement modifiés et adaptés à une
nouvelle vision de la performance de l’entreprise, qui n’est plus uniquement
économique mais globale.
Après avoir présenté les principaux outils de contrôle de gestion
prenant en compte les aspects environnementaux, sociaux ou globaux qui sont
disponibles actuellement ainsi que les limites présentées par certains d’entre
eux, cet article souligne les avantages que présente la Balanced ScoreCard
pour contrer ces limites. Cet outil de pilotage et de mesure de la performance
de l’entreprise, proposé initialement par Kaplan et Norton (1992), permet
notamment l’intégration d’objectifs et d’indicateurs qualitatifs (comme ceux
liés aux dimensions sociales et environnement) et il est relativement ouvert et
adaptable. Ce dispositif semble donc particulièrement propice à la prise en
compte et à l’intégration de ces nouveaux enjeux dans le système de contrôle
de gestion traditionnel de l’entreprise. Dans le domaine de la recherche en
comptabilité de gestion, un débat reste toujours ouvert quant à la nécessité de
découpler ou d’intégrer les dimensions sociétales aux dimensions
économiques traditionnelles dans le système de contrôle de gestion de
l’entreprise. D’une part, le découplage semble néanmoins avoir, petit à petit,
moins d’adhérents car plusieurs auteurs ont démontré qu’il tend à favoriser le
recours aux aspects sociétaux à des fins marketing. D’autre part, en ce qui
concerne la seconde possibilité, cet article montre qu’il est difficile de choisir,
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