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Le pilotage et la mesure de la performance globale de

l'entreprise
Quelques pistes d'adaptation des outils existants
Nathalie Crutzen, Didier van Caillie
Dans Humanisme et Entreprise 2010/2 (n° 297), pages 13 à 32
Éditions A.A.E.L.S.H.U.P
ISSN 0018-7372
DOI 10.3917/hume.297.0013
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Le pilotage et la mesure de la performance


globale de l'entreprise : quelques pistes d'adaptation
des outils existants

Nathalie CRUTZEN1 et Didier VAN CAILLIE2

Résumé Au vu de la conscientisation progressive des consommateurs et des entreprises aux enjeux


environnementaux et sociaux, le rôle de l’entreprise dans la société s’est progressivement élargi. La
mission de l’entreprise ne se limite plus seulement à l’atteinte d’objectifs financiers à court ou à moyen
terme pour satisfaire ses actionnaires mais elle inclut également aujourd’hui des préoccupations
sociétales qui visent à promouvoir la durabilité de l’entreprise et de son environnement à plus long
terme. Parallèlement à cette évolution du rôle de l’entreprise dans la société, le concept de performance
de l’entreprise s’est modifié : la vision traditionnelle de la performance qui se limite à une vision
financière à court terme de l’entreprise est progressivement remplacée par une vision plus large, plus
globale et tridimensionnelle de la performance (Reynaud, 2003), c’est-à-dire incluant l’atteinte non plus
uniquement des objectifs économiques de l’entreprise mais des trois catégories d’objectifs du
développement durable (économiques, sociaux et environnementaux). Dans ce contexte, depuis
quelques années, une série de chercheurs ont analysé comment les outils traditionnels du contrôle de
gestion, outils de pilotage et de mesure de la performance, peuvent être adaptés pour prendre en compte
une vision plus globale de la performance de l’entreprise. Cet article propose une revue des principales
contributions montrant l’importance et les enjeux de la prise en compte de ces deux dimensions,
prônées par le Développement Durable, dans les systèmes de contrôle de gestion des entreprises. Plus
spécifiquement, après avoir constaté les limites de nombreux outils pour piloter et mesurer
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adéquatement la performance globale des entreprises, ce papier met en évidence les avantages présentés
par la Balanced ScoreCard (BSC), un outil de contrôle de gestion développé par Kaplan et Norton
(1992) et mondialement reconnu, pour prendre en compte ces nouvelles dimensions au sein de
l’entreprise. Cet article expose ensuite comment cet outil peut être adapté afin de piloter et mesurer le
plus adéquatement possible ces nouvelles dimensions, d’une manière intégrée ou non au système de
contrôle de gestion traditionnel de l’entreprise. Deux possibilités sont particulièrement finalement
envisagées: le découplage ou l’intégration des aspects sociétaux aux aspects traditionnels. Une analyse
critique des principaux enseignements des recherches précédentes ainsi que des différentes possibilités
d’adaptation de la BSC clôture finalement ce papier.
Mots clés Performance globale, Pilotage, Mesure

1
Docteur en Sciences Economiques et de Gestion, Centre d’Etude de la Performance de l’Entreprise
(CEPE), HEC-Ecole de Gestion Liège (Belgique) - [email protected]
2
Professeur, Centre d’Etude de la Performance de l’Entreprise (CEPE), HEC-Ecole de Gestion de
l'Université de Liège (Belgique)

HUMANISME & ENTREPRISE - http://humanisme-et-entreprise.asso-web.com/


N° 297 - Avril 2010 - Auteurs : Nathalie CRUTZEN et Didier VAN CAILLIE
Toute reproduction et diffusion des articles et conférences publiés dans “Humanisme et Entreprise” -quels qu’en soient les supports- sont interdites sans la double autorisation des auteurs et éditeur.

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Abstract Considering the increasing and global interest for worldwide environmental and social challenges,
the mission of firms in the Society has progressively evolved. The role of firms is no more
restricted to short- or medium- term financial objectives which benefit to their shareholders. Up to
now, it also includes societal considerations which tend to promote the sustainability of the firm
and of its environment in the long term. Due to this evolution of the role of firms in the Economy
and, more globally, in the Society, the concept of performance has evolved. The traditional vision
of performance which is generally restricted to a short term and financial vision of the firm is
progressively replaced by a larger vision. This new vision is more global and tridimensional
(Reynaud, 2003). It includes the achievement of economic and financial objectives (as the
traditional vision does) but it also incorporates the achievement of societal goals. In this sense, a
firm is performing if it achieves its financial/economic, social and environmental objectives. In this
context, for about a decade, a series of researchers have analyzed how the traditional management
control tools, i.e. tool used to pilot and measure performance, could be adapted to this new vision of
global performance. This article proposes to review significant research focused on the analysis of
the importance and of the integration of these two dimensions (popularized by the Sustainable
Development concept), in the management control system of firms. More specifically, after having
underlined the limitations of numerous tools to pilot and to measure adequately the global
performance of firms, this paper highlights the advantages of the Balanced Score Card (BSC), a
management tool developed by Kaplan and Norton (1992) and worldwide famous, in order to take
this new dimensions into account in the firm. Then this article exposes how this tool can be adapted
in order to pilot and measure as adequately as possible these dimensions. Two major categories of
adaptations are critically analyzed in this article : the decoupling or the integration of the societal
dimensions to the traditional (economic) one.

Key words Global Performance, Monitoring and Measure


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Au vu de la conscientisation progressive des consommateurs et des


entreprises aux enjeux environnementaux, tels que la nécessité de protéger un
environnement en dégradation constante, et aux enjeux sociaux, tels que la
promotion de la sécurité ou de la santé au travail, petit à petit, l’entreprise n’est
plus considérée uniquement comme un outil de production et de
commercialisation ayant pour but la réalisation de profits financiers mais
également comme une entité au service du progrès sociétal ayant pour mission
la réalisation du bien être de tous (Zeghal et Dammak, 2007). Le rôle de
l’entreprise s’est donc progressivement élargi : la mission de l’entreprise ne se
limite plus seulement à l’atteinte d’objectifs financiers à court ou à moyen
terme pour satisfaire ses actionnaires mais elle inclut également aujourd’hui
des préoccupations sociétales qui visent à promouvoir la durabilité de
l’entreprise et de son environnement à plus long terme. Parallèlement à cette
évolution du rôle de l’entreprise dans la société, le concept de performance de
l’entreprise s’est modifié : la vision traditionnelle de la performance qui se
limite à une vision financière à court terme de l’entreprise est progressivement
remplacée par une vision plus large, plus globale et tridimensionnelle de la
performance (Reynaud, 2003), c’est-à-dire incluant l’atteinte non plus
uniquement des objectifs économiques de l’entreprise mais des trois catégories
d’objectifs du développement durable (économiques, sociaux et
environnementaux). Dans ce contexte, depuis quelques années, une série de
chercheurs analysent comment les outils traditionnels de pilotage et de mesure
de la performance peuvent être adaptés pour prendre en compte une vision plus
globale de la performance de l’entreprise. Conscients des limites présentées
par la plupart des dispositifs existants pour intégrer les différentes dimensions
de la performance globale de l’entreprise, beaucoup de chercheurs se sont
concentrés sur la Balanced ScoreCard (Kaplan et Norton, 1992), outil de
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référence en contrôle de gestion, qui semble l’un des outils les plus propices à
l’insertion des aspects sociétaux dans le système de contrôle de gestion
traditionnel de l’entreprise. À ce jour, différentes possibilités d’adaptation de la
BSC aux nouvelles préoccupations sociétales (ou durables) ont ainsi été
proposées dans la littérature. Cet article fait le lien entre deux domaines de
recherche particulièrement investigués en sciences de gestion, à savoir la
comptabilité (et plus particulièrement, le contrôle de gestion) et la
responsabilité sociétale de l’entreprise. L’objectif de ce papier est de passer en
revue les principales contributions montrant l’importance et les enjeux du
pilotage et de la mesure des dimensions sociales et environnementales dans les
systèmes de contrôle de gestion des entreprises engagées dans une démarche
« sociétalement responsable » (démarche RSE). Plus précisément, il met en
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évidence les avantages présentés par la Balanced ScoreCard, un outil de


contrôle de gestion développé par Kaplan et Norton (1992), pour piloter et
mesurer ces nouvelles dimensions au sein de l’entreprise. Ensuite, il expose
comment cet outil peut être adapté afin de prendre en compte ces nouveaux
impératifs (sociaux et environnementaux) dans le système de contrôle de
gestion traditionnel de l’entreprise.
En termes de structure, le présent article est organisé comme suit : La
première section permet de situer le contexte qui a conduit à une remise en
cause du concept traditionnel de performance (financière) de l’entreprise en
faveur d’une vision plus large et plus globale intégrant les dimensions
sociétales. Après avoir clarifié le contexte dans lequel s’inscrit l’article, la
deuxième section montre la nécessité d’adapter les outils de contrôle de gestion
à ces nouvelles préoccupations sociétales. Concrètement, après avoir défini la
notion de système de contrôle de gestion, les principaux dispositifs de pilotage
et de mesure de la performance environnementale, sociale ou globale sont
présentés et leurs principales limites sont soulignées. La troisième section est
consacrée à la Balanced ScoreCard qui semble être l’un des outils les plus
appropriés à la prise en compte de ces aspects dans le système de contrôle de
gestion traditionnel de l’entreprise. Différentes possibilités d’adaptation
proposées dans la littérature sont alors passées en revue. Ce papier se termine
par une analyse critique de la littérature et, particulièrement, des principales
possibilités d’adaptation qui y sont présentées.

1. Contexte
Dans l’économie actuelle gouvernée par des principes tels que la
globalisation, la mondialisation, les nouvelles technologies et la délocalisation,
plusieurs facteurs ont entraîné l’apparition de modes de gestion plus
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responsables et orientés sur le long terme.
Tout d’abord, les citoyens, les consommateurs, les pouvoirs publics et
les investisseurs ont de nouvelles attentes et préoccupations suite à la
mondialisation et aux mutations industrielles de grande ampleur (Commission
Européenne, 2001). Ils attendent notamment plus de transparence ainsi qu’une
implication plus grande des entreprises dans l’amélioration des conditions de
vie sur terre (conditions environnementales, sociales, économiques).
Ensuite, la population mondiale est de plus en plus préoccupée par la
détérioration croissante de l’environnement causée par l’activité humaine. Des
problèmes écologiques pressants tels que le changement climatique, la
détérioration de la forêt amazonienne et la pollution atmosphérique sont mis en
évidence (Delchet, 2001).
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A côté de leur impact sur l’environnement, les activités économiques


ont également des conséquences néfastes en matière sociale. Avec l’importance
croissante du capitalisme, de la mondialisation et de la globalisation, les
inégalités entre les différentes régions du monde (entre le Nord et le Sud
notamment) s’accroissent, les conditions de travail se détériorent, etc.
Finalement, les médias et les nouvelles technologies de l’information et
de la communication apportent une plus grande transparence sur les activités
des entreprises et des gouvernements.
Des scandales tels que ceux qui ont provoqué l’effondrement de sociétés
comme WorldCom et Enron ne peuvent plus être étouffés dans un monde de
médias instantanés, toujours à l’affût du moindre évènement. Le mode de
développement actuel de la planète et de l’économie a donc ses excès et ses
limites. Dans ce contexte, certains citoyens ont pris conscience qu’une nouvelle
vision de l’économie, qui intègre les impératifs environnementaux et sociaux,
était primordiale. Un nouvel objectif est ainsi apparu : le développement
durable. Ce concept est traditionnellement défini comme « un développement
qui répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des
générations futures à répondre à leurs propres besoins » (Delchet, 2001). Il
s’agit d’un objectif à long terme qui encourage les entreprises à se développer
sans hypothéquer le futur et qui apporte une solution de type « gagnant-
gagnant » aux différents stakeholders. En effet, à long terme, les intérêts des
différents acteurs se rencontrent et la croissance économique, la cohésion
sociale ainsi que la protection de l’environnement sont liées. Le développement
durable résulte ainsi de l’intégration de trois sphères : l’environnement, le social
et l’économie.
La responsabilité sociétale (ou sociale (3)) est la contribution des
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entreprises au développement durable. Ce concept se définit généralement
comme : « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques
des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties
prenantes » (Commission Européenne, 2001). Dans ce contexte, la vision
traditionnelle de la performance de l’entreprise (performance financière) est
progressivement remise en cause et une vision tridimensionnelle de la
performance globale de l’entreprise se développe. Ainsi, la performance de
l’entreprise ne se limite plus à l’atteinte de ses objectifs économiques mais elle
comprend également la prise en compte et l’atteinte de préoccupations
sociétales, à savoir sociales et environnementales (Reynaud, 2003).
3
Après une revue de la littérature, force est de constater que le terme « responsabilité sociale » est utilisé
comme synonyme de « responsabilité sociétale » par certaines auteurs

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N° 296 - Février 2010 - Auteur : Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy

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Schéma 1 : La performance globale de l’entreprise (Reynaud, 2003)

Il est important de mentionner que l’importance d’évoluer d’une


vision purement financière de la performance de l’entreprise a déjà été
soulignée auparavant dans le domaine du contrôle de gestion. Ainsi, la
nécessité de disposer d’informations non financières pour piloter et mesure la
performance n’est pas un constat récent dans ce domaine. Johnson et Kaplan
(1987) l’évoquaient déjà il y a vingt ans et de nombreux outils comme la
Balanced ScoreCard (Kaplan et Norton, 1992) ont été développés et
implantés, depuis lors, dans les entreprises pour répondre à ce besoin.
Néanmoins, le fait que la performance non financière puisse se rapporter à des
éléments de la RSE constitue lui une nouveauté (Germain et Gates, 2007).
C’est pourquoi, depuis quelques années, une série de chercheurs analysent
comment les outils traditionnels de pilotage et de mesure de la performance
peuvent être adaptés pour prendre en compte une vision plus globale (et
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intégrant des préoccupations sociétales) de la performance de l’entreprise.

2. Les systèmes de contrôle de gestion et la performance globale de l’entreprise


2.1. Définition
D’après Van Caillie (2001), le système de contrôle de gestion d’une
entreprise constitue, à côté du système de pouvoir et d’information, l’une des
composantes du système de gestion de l’entreprise. Ce dernier est composé de
l’« ensemble complexe et évolutif de règles, normes de comportements,
procédures, … que les dirigeants, et plus globalement l’ensemble des acteurs
présents dans l’entreprise, vont mettre en place progressivement, de manière
délibérée ou réactive, pour s’assurer que les opérations quotidiennes exercées
dans l’entreprise sont menées dans le respect de l’impératif de création

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N° 297 - Avril 2010 - Auteurs : Nathalie CRUTZEN et Didier VAN CAILLIE

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continue de valeur » (Van Caillie, 2001). Dans le même sens, le système de


contrôle de gestion d’une entreprise est constitué de l’« ensemble des règles,
procédures et des comportements qui contribuent à l’exercice du contrôle au
sein de l’entreprise, que ce contrôle soit à finalité comptable ou financier,
stratégique ou opérationnelle » (Van Caillie, 2001). Quand le système de
contrôle de gestion est à finalité stratégique, on parle de pilotage stratégique.
Le pilotage permet de faire le lien entre le contrôle et les actions correctives à
mettre en œuvre pour atteindre les objectifs stratégiques de l’entreprise (via
des boucles de rétroaction). Ainsi, le contrôle de gestion ne se résume pas à
contrôler (dans le sens de vérifier ou de mesurer les résultats de l’entreprise).
Il a une mission bien plus étendue et plus complexe à la fois qui peut se
définir comme la contribution active au pilotage global de l’organisation dans
une perspective d’amélioration de sa performance. Le contrôle de gestion est
donc un facilitateur de la prise de décision généralisée.

2.2. Evolution des systèmes de contrôle de gestion


Au vu de l’intérêt croissant porté aux problématiques sociales et
environnementales par les entreprises et suite à l’évolution du concept de
performance strictement financière de l’entreprise vers une notion
tridimensionnelle globale, les systèmes de contrôle de gestion traditionnels
doivent être adaptés afin que les entreprises puissent gérer et mesurer leur
empreinte sociétale et, de manière plus large, leur empreinte globale
(économique, sociale et environnementale). Il est en effet nécessaire d’inclure
les nouveaux impératifs sociaux et environnementaux dans les outils
traditionnels de contrôle de gestion, notamment via de nouveaux indicateurs de
performance. Henri et Journeault (2006) ont donné le nom d’éco-contrôle au
contrôle de gestion sociétal, qui consiste en une adaptation des composantes
traditionnelles de la comptabilité de management. À la différence du contrôle de
gestion traditionnel, l’éco-contrôle est un système de pilotage et de contrôle qui
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comporte un volet sociétal important, voire exacerbé, qui vise à responsabiliser
les entreprises à l’égard des impacts environnementaux et de développement
durable de leurs activités (Pasquero, 2005 ; Capron et Quairel-Lanoizelée, 2004 ;
Igalens, 2004). Le contrôle de gestion est donc invité à transcender les
frontières de l’entreprise pour introduire des indicateurs de performance qui
répondent aux besoins sociétaux en matière d’environnement et de
développement durable (Caron et al., 2007).

2.3. Principaux dispositifs de contrôle de gestion sociétal


Dohou et Berland (2007) présentent plusieurs outils qui permettent de
mesurer la performance sociétale de l’entreprise à travers la définition des
dimensions du développement durable.
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Tableau 1 : Mesure des performances environnementale, sociale et globale (Dohou et Berland, 2007)
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2.4. Limites principales des outils développés


Premièrement, certains dispositifs présentés plus haut, tels que la

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norme ISO 26000, proposent des lignes directrices pour la prise en compte
des enjeux du développement durable dans la stratégie et la gestion de
l’entreprise plutôt que des outils pour mesurer les résultats obtenus (Dohou et
Berland, 2007). Deuxièmement, la plupart des outils de contrôle de gestion
disponibles actuellement sont limités au niveau opérationnel et ils ne sont
donc pas reliés à la stratégie de l’entreprise. Ils ne sont donc pas impliqués
dans une vision stratégique plus large de développement durable (Bieker,
2002b) alors que « les indicateurs sociétaux ne peuvent prendre sens que s’ils
sont étroitement reliés à la stratégie de l’entreprise à l’instar de tout indicateur
de contrôle » (Bollecker et al., 2006). Troisièmement, ces dispositifs ne
prennent pas tous en compte les trois problématiques du développement
durable simultanément et ils ont rarement été réellement intégrés au système
de contrôle de gestion traditionnel de l’entreprise (Bieker, 2002b). Ainsi, la
gestion des aspects environnementaux et sociaux n’est généralement pas
orientée vers le succès économique de l’entreprise et l’apport économique
pour l’entreprise de cette gestion environnementale et/ou sociale reste peu
clair. Cette seconde limite nous amène à évoquer un débat classique en
matière de développement durable, à savoir y a-t-il une opposition ou une
complémentarité entre les notions de responsabilité sociale de l’entreprise et
sa performance économique ?
D’une part, certains auteurs comme Friedman (1970) et Drucker
(1984) affirment que « faire du profit est incompatible avec la responsabilité
sociale de l’entreprise » et que sa seule mission est de créer du capital
permettant de faire des investissements et donc de générer des emplois futurs.
Selon ces auteurs, il y a donc une opposition entre performance économique
et responsabilité sociétale de l’entreprise. Certains auteurs affirment donc
qu’il faut distinguer les objectifs et les indicateurs de mesure de la
performance économique de ceux qui mesurent la performance sociétale de
l’entreprise (Quairel, 2006). Ainsi, ces auteurs prônent pour une dissociation
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des systèmes de contrôle de gestion car ils pensent que leur intégration
pourrait exacerber les conflits entre les acteurs et rompre l’équilibre qui veut
afficher une même importance pour les objectifs économiques, sociaux et
environnementaux. En effet, d’après les partisans de cette approche, quand les
outils et les indicateurs RSE sont intégrés dans les dispositifs de contrôle de
gestion traditionnels, ils sont assujettis à la logique économique
prédominante. Ils en déduisent donc qu’il faut découpler les outils et les
indicateurs RSE des systèmes de pilotage et de contrôle de gestion
traditionnels pour préserver la pluralité des discours et d’objectifs
(Meyssonnier et Rasolofo-Distler, 2007). D’autre part, certains auteurs
comme Wagner (2001), Bieker (2002b), Figge et al. (2002), Bollecker et al.
(2006) et Meyssonnier et Rasolofo-Distler (2007) affirment, à l’inverse, qu’il

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y a un lien, à plus ou moins long terme, entre performance économique et


responsabilité globale de l’entreprise. Ces auteurs sont opposés au découplage
des dispositifs de contrôle de gestion traditionnels et des dispositifs sociétaux.
Ils prônent à l’inverse l’intégration des préoccupations économiques, sociales
et environnementales de l’entreprise et précisent qu’ils faut gérer et mesurer
la performance globale de l’entreprise grâce à un système de contrôle de
gestion globale et cohérent, intégrant à la fois des objectifs et des indicateurs
de performance financiers et RSE. Deux arguments en faveur de l’intégration
des dispositifs de contrôle de gestion sont avancés par Figge et al. (2002b).
Premièrement, la durabilité n’est assurée que si ces trois piliers sont
pris en compte et ensuite atteints simultanément. Seules les entreprises qui
parviennent à s’améliorer sur ces 3 piliers ont réellement une bonne
performance globale (ou durable). Deuxièmement, vu que le rôle premier
d’une entreprise est de dégager un bénéfice pour survivre (Friedman, 1970), il
faut que son rôle social et son rôle environnemental soient reliés à ses
objectifs économiques afin que les préoccupations sociales et
environnementales de l’entreprise ne constituent pas des préoccupations
secondaires, non liées à la stratégie générale de l’entreprise, qui sont donc
prises en compte uniquement que lorsque l’entreprise « réussit »
économiquement. Ainsi, pour cette deuxième catégorie de chercheurs, les
divers outils RSE doivent être intégrés dans un système cohérent de pilotage
et de mesure de la performance globale de l’entreprise car le découplage,
l’utilisation en parallèle de deux systèmes de contrôle de gestion comporte un
risque important que les questions sociétales ne soient pas réellement prises
en compte dans la stratégie de l’entreprise et qu’elles soient utilisées
principalement à des fins de marketing, en parallèle mais sans lien avec les
objectifs stratégiques et économiques de l’entreprise (Weaver et al., 1999).
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3. La Balanced ScoreCard et la performance globale de l’entreprise
En se référant à la Balanced ScoreCard (BSC), un outil de pilotage et
de mesure de la performance de l’entreprise, et à la logique qui la sous-tend, il
semble possible de contourner les limites principales des outils de contrôle de
gestion, présentées plus haut. Actuellement, la BSC constitue, en effet, l’outil
de contrôle de gestion incontournable en termes de pilotage et de mesure de la
performance globale de l’entreprise (Figge et al. 2002 ; Germain et Trebucq,
2004 ; Germain et Gates, 2007).

3.1. La BSC classique (Kaplan et Norton, 1992)


La Balanced ScoreCard est présentée aux Etats-Unis, en 1992, par
Kaplan et Norton comme un outil de mesure de la performance de l’entreprise.
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N° 297 - Avril 2010 - Auteurs : Nathalie CRUTZEN et Didier VAN CAILLIE

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Au cours des 10 années qui ont suivi sa création, son utilisation s’est répandue
dans les entreprises et son rôle ne s’est plus limité à la mesure de la
performance mais s’est étendu au pilotage stratégique de la performance de
l’entreprise (Kaplan et Norton, 1996). La Balanced ScoreCard est un outil de
contrôle de gestion (outil de pilotage stratégique et de mesure de la
performance) qui se présente comme la combinaison d’objectifs et
d’indicateurs financiers et non financiers classés selon 4 axes d’analyse
recouvrant les dimensions suivantes : Finance, Clients, Processus interne et
Apprentissage organisationnel. Selon Kaplan et Norton, il s’agit d’un outil qui
permet de traduire la stratégie de l’entreprise en une série d’objectifs et
d’indicateurs spécifiques à chacune des 4 dimensions et qui permet ensuite de
mesurer l’atteinte de ces objectifs et donc la performance globale de
l’entreprise. La BSC est présentée par ses concepteurs comme un outil de
pilotage et de contrôle de la performance équilibré car il inclut à la fois des
indicateurs de performance à long terme et à court terme, financiers et non
financiers, internes et externes ainsi que des indicateurs de résultats (indicateurs
qui permettent d’évaluer si les objectifs ont été atteints – indicateurs a
posteriori) et des indicateurs de moyens (indicateurs qui mettent en évidence
les mesures qui permettront d’atteindre les objectifs – indicateurs a priori).

schéma 2 : Le modèle de la Balanced ScoreCard


(Kaplan et Norton, 1992)
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3.2. Pourquoi la BSC est-elle appropriée pour piloter et mesurer la performance globale de
l’entreprise et, plus particulièrement, son empreinte sociétale ?
De nombreuses recherches récentes ont montré que la BSC est
appropriée pour intégrer des dimensions qualitatives (telles que les dimensions
sociales et environnementales) dans le système de gestion principal des
entreprises. En effet, une fois que les dirigeants ont formulé une stratégie
incluant des préoccupations sociales et environnementales (stratégie RSE), cet
outil semble approprié pour construire le support nécessaire à la prise en compte
des aspects sociaux et environnementaux dans l’entreprise. Bieker (2002b)
synthétise les principales raisons pour lesquelles la BSC semble un outil propice
à l’intégration des préoccupations sociales et environnementales dans le
système de contrôle de gestion traditionnel de l’entreprise.

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Premièrement, il s’agit d’un outil qui part de la stratégie et qui la


traduit, l’opérationnalise via des objectifs, des indicateurs et des mesures de
performance spécifiques. Ainsi, avant de développer un système de contrôle
de gestion globale, il faut avoir formulé auparavant une stratégie RSE. Ce
n’est qu’ensuite que la BSC permet de faire le lien entre le niveau stratégique
et le niveau opérationnel. Cette caractéristique de la BSC permet de s’assurer
que les préoccupations sociales et environnementales font partie intégrante de
la stratégie de l’entreprise et qu’il ne s’agit pas uniquement d’un discours
publicitaire au niveau tactique ou opérationnel. Deuxièmement, la BSC est un
outil de contrôle de gestion ouvert et adaptable. Il permet donc aisément
l’intégration des dimensions sociales et environnementales aux dimensions
traditionnelles de la performance de l’entreprise. Troisièmement, la logique
sous-jacente de la BSC est compatible avec l’intégration des préoccupations
économiques, sociales et environnementales. En effet, d’une part, cet outil est
basé à la fois sur des aspects qualitatifs et sur des aspects non financiers
(comme la plupart des éléments environnementaux et sociaux). D’autre part,
il fait explicitement le lien entre le court terme (vision économique) et le long
terme (performance globale). Finalement, dans la littérature, ce dispositif de
contrôle de gestion est souvent considéré comme l’outil de référence en
termes de pilotage et de contrôle de la performance de l’entreprise.
Ainsi, si l’on conserve la logique sous-jacente de la BSC tout en
effectuant quelques modifications pour en faire un outil de contrôle de gestion
« durable /global », cet outil semble particulièrement approprié pour piloter et
mesurer, de manière intégrée, la performance globale de l’entreprise et, plus
particulièrement, son empreinte sociétale.

3.3. La BSC « durable »


Différentes possibilités de prise en compte des aspects sociaux et
environnementaux dans la BSC ont été mises en évidence dans la littérature.
D’une manière générale, on peut envisager, soit un découplage, soit une
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intégration des aspects économiques et sociétaux dans le système de contrôle
de gestion de l’entreprise.
D’un côté, comme certains auteurs le préconisent, l’élaboration d’une
BSC durable spécifique et sans lien avec la BSC traditionnelle principale est
envisageable. Il permet notamment de piloter et mesurer l’empreinte sociétale
de l’entreprise de manière indépendante. Cependant, comme mentionné
principalement, ce découplage comporte un risque important que les
préoccupations sociales et environnementales consistent en des préoccupations
secondaires utilisées uniquement à des fins publicitaires par l’entreprise. De
l’autre côté, la majorité des auteurs sont en faveur de l’intégration des aspects
sociaux et environnementaux aux aspects économiques traditionnels.
Fondamentalement, deux grandes manières d’intégrer ces aspects dans la
BSC peuvent être distinguées (Germain et Trébucq, 2004).
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Premièrement, certains auteurs proposent d’intégrer ces aspects


sociétaux dans la BSC sans modifier son architecture. Dans ce cas, les
dimensions sociales et environnementales sont prises en compte au sein des 4
perspectives traditionnelles (Kaplan et Norton, 2001 ; Hockerts, 2001).
D’autre part, certains auteurs sont en faveur d’une modification de
l’architecture traditionnelle de la BSC et proposent d’ajouter un cinquième
axe, appelé l’axe « sociétal » (Bieker, 2002).
Détaillons, à présent, ces deux possibilités d’intégration des
dimensions sociétales à la BSC traditionnelle. Premièrement, certains auteurs
comme Kaplan et Norton (2001) et Hockerts (2001) estiment que les aspects
sociaux et environnementaux peuvent être assimilés aux 4 perspectives
traditionnelles comme tous les autres aspects stratégiques de l’entreprise. Ces
auteurs proposent d’insérer les aspects sociaux et environnementaux dans les
autres perspectives via l’intégration d’objectifs, indicateurs et mesures
spécifiques. Ces aspects sont donc totalement intégrés dans la BSC
traditionnelle : ils sont donc automatiquement intégrés dans ses relations de
cause-à-effet et orientés vers la perspective financière ainsi que vers une
traduction réussie de la stratégie de l’entreprise. Plus précisément, Kaplan et
Norton (2001) considèrent que la capacité de l’entreprise à être citoyenne doit
faire partie intégrante de la mesure de la performance et qu’elle doit se
matérialiser par la présence d’indicateurs sociétaux sur l’axe « processus
internes ». Ils suggèrent également d’étendre l’axe « clients » à tous les
partenaires de l’entreprise.
Par ailleurs, en adoptant un raisonnement proche de celui de Kaplan et
Norton (2001), Hockerts (2001) propose un exemple de « Sustainability
Balanced ScoreCard », composée pour partie d’indicateurs mesurant la
performance environnementale et sociale de l’entreprise, c’est-à-dire son
empreinte sociétale. Deuxièmement, Bieker (2002b) considère qu’une
perspective additionnelle doit être ajoutée aux quatre perspectives
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traditionnelles et il propose également un exemple de « Sustainability Balanced
ScoreCard ». D’après cet auteur, il est nécessaire d’ajouter une dimension
« société » supplémentaire pour soulever explicitement la problématique
sociétale et il faut également veiller à donner une importance égale aux 5
dimensions. Il estime, en effet, que, si l’on conserve l’architecture traditionnelle
de la BSC, on maintient l’orientation financière dominante de la BSC, qui n’est
pas compatible avec les objectifs et indicateurs sociétaux. Il considère que ces
préoccupations sociétales font partie intégrante de la vie de l’entreprise. D’après
lui, la dimension financière et la dimension sociétale doivent être prise en
compte simultanément et les différents axes du modèle doivent être considérés
comme interdépendants. Dans ce sens, le système de contrôle de gestion de
l’entreprise ne doit pas uniquement être orienté vers la dimension « finance »
mais prendre toutes les dimensions en compte de la même manière.
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4. Discussion
Cette quatrième section propose une analyse critique des
enseignements présentés plus haut. Elle est concrètement organisée en 3 trois
parties. Après avoir insisté sur le rôle précis de la BSC et sur l’importance
d’avoir établi une stratégie RSE au préalable, nous nous posons la question du
choix d’une architecture de BSC « durable » particulière et nous terminons
par une interrogation soulevée dans la littérature concernant la pertinence du
modèle théorique de performance sur lequel est basé la BSC.

4.1. Le rôle de la BSC


Comme le soulignent Bieker (2002b) et Figge et al. (2002b), la BSC
n’assiste pas dans la formulation de la stratégie. La question de savoir
comment intégrer les dimensions sociétales aux dimensions traditionnelles de
la BSC n’interviennent que lorsqu’une stratégie de responsabilité sociétale a
été formulée auparavant. Lorsqu’une entreprise veut utiliser la BSC pour
piloter et mesurer son empreinte sociétale, il est donc nécessaire qu’elle ait
élaboré au préalable une stratégie RSE. En d’autres termes, pour que les
aspects sociétaux soient réellement pris en compte au niveau opérationnel,
une vision socialement responsable claire et une stratégie en lien avec ces
préoccupations sociétales sont des pré-requis. Les différentes étapes
identifiées par Bieker (2002b) pour élaborer une BSC durable mettent en
évidence la nécessité d’avoir au préalable une mission et une stratégie RSE
lorsque l’on met en place une BSC durable.
Deux catégories de visions/stratégies RSE peuvent être distinguées.
D’une part, l’entreprise peut avoir une vision ou une stratégie RSE
dominante. Dans ce cas, les impératifs sociétaux sont réellement intégrés aux
autres préoccupations (traditionnellement, économiques) de l’entreprise dans
sa mission et au niveau stratégique. D’autre part, l’entreprise peut avoir une
vision ou une stratégie RSE d’opportunité. Dans ce cas, les dimensions
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sociétales sont plutôt prises en compte en tant que tactiques opportunistes et
mises au service de la stratégie de l’entreprise en visant essentiellement à
améliorer son image auprès du grand public et des pouvoirs publics.

4.2. Choix de l’architecture de la BSC « durable »


Comme souligné précédemment, on peut envisager, soit une
dissociation du système de contrôle de gestion sociétal par rapport au système
traditionnel, soit une intégration des dimensions sociétales et traditionnelles
(économiques) au sein d’un outil global de contrôle de gestion. Vu que, dans
le premier cas de figure, il y a un risque que ce système de contrôle de gestion
spécifiquement sociétal soit uniquement utilisé à des fins publicitaires par
l’entreprise car il n’est pas directement relié à sa mission principale, le
découplage n’est a priori qu’à « recommander » aux entreprises qui ont
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élaboré une stratégie RSE d’opportunité. Lorsque l’on se tourne vers le


deuxième cas de figure, force est de constater que les différentes recherches
ne clarifient pas réellement comment choisir entre les deux possibilités
d’intégration des dimensions sociétales au sein d’une BSC globale.
D’une part, Bieker (2002b) et Germain et Trébucq (2004) estiment
que, lorsque l’on insère les aspects sociaux et environnementaux dans les 4
axes traditionnels de la BSC comme Hockerts (2001), la performance
sociétale de l’entreprise reste clairement subordonnée à la performance
financière. Ainsi, tous les objectifs et indicateurs de performance restent
pilotés et évalués in fine en fonction de leur contribution à la performance
financière de l’entreprise. Cependant, la performance financière de
l’entreprise est généralement prise en compte uniquement à court ou à moyen
terme alors que les dimensions environnementales et sociales sont des
préoccupations de long terme. Ainsi, les objectifs et indicateurs sociétaux
resteront toujours noyés et quasi-inexistants par rapport aux objectifs et
indicateurs reliés réellement à la performance financière de l’entreprise. Ce
risque est encore accru si l’on se base sur la recommandation initiale de
Kaplan et Norton (1992) qui précise qu’un maximum de 20 indicateurs pour
l’ensemble des 4 perspectives est souhaitable. En effet, dans ce cas, il y a un
risque important que les entreprises se contentent d’1 ou 2 indicateurs RSE et
qu’elles ne prennent en compte que les préoccupations des stakeholders les
plus stratégiques (comme les clients et les actionnaires) au détriment de celles
des résidents, des communautés locales, etc. D’autre part, Bieker (2002b), qui
propose d’ajouter une cinquième dimension, apporte peu de précisions quant
à l’architecture d’ensemble du système de mesure de la performance de
l’entreprise en fonction de son modèle conceptuel de « Sustainability
Balanced ScoreCard » (Germain et Trébucq, 2004).
Pour notre part, nous pensons néanmoins que l’architecture de BSC
« durable » à adopter dépend du type d’engagement sociétal volontairement
pris par l’entreprise. D’une part, si les préoccupations RSE de l’entreprise ont
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un impact sur l’amélioration de la performance financière de l’entreprise à
court ou à moyen terme, il est possible d’intégrer ces objectifs et indicateurs
sociétaux au sein des 4 axes traditionnels de la BSC. Par exemple, si l’un des
objectifs RSE de l’entreprise est « améliorer la sécurité au travail », il est
possible d’intégrer cet objectif au sein de la BSC traditionnelle car l’atteinte
de cet objectif aurait un impact à court ou à moyen terme sur la performance
financière de l’entreprise (meilleure productivité des travailleurs, moins de
frais liés aux accidents de travail, possibilité de travailler avec certains clients
exigeants en termes de sécurité sur chantiers, etc.). Cet objectif RSE peut
notamment être pris en compte dans l’axe « Processus interne » via des
indicateurs de moyens tels que « Améliorer/augmenter la qualité des
équipements de protection, nombre de formations en sécurité, obtention de la
certification VCA, etc. » et des indicateurs de résultats tels que « Nombre
d’accidents de travail ».
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D’autre part, si les objectifs RSE de l’entreprise n’ont pas réellement


un impact à court ou à moyen terme sur la performance financière de
l’entreprise et qu’il s’agit plutôt d’objectifs que l’entreprise s’est fixée car elle
estime que sa mission s’est élargie et car les dirigeants sont convaincus que
l’atteinte de ces objectifs RSE aura un impact sur la durabilité de l’entreprise
et de son environnement à plus ou moins long terme, il est préférable de
prendre en compte ce type de préoccupations RSE via un cinquième axe
« sociétal ». Par exemple, « améliorer les relations de l’entreprise avec son
voisinage » est un objectif RSE qui n’a pas d’impact à court terme sur la
performance financière de l’entreprise mais il pourrait avoir un impact sur la
durabilité de l’entreprise à plus long terme. En effet, si les voisins se lient
contre l’entreprise pour des raisons de bruit ou pollution (par exemple), leur
action pourrait avoir un impact sur le fonctionnement, sur la performance ou
même sur la survie de l’entreprise.
Par ailleurs, toujours en ce qui concerne l’architecture à donner à la
BSC « durable », deux remarques nous semblent nécessaire. D’une part,
comme Figge et al. (2002b) l’affirment, les deux possibilités d’intégration
proposées respectivement par Hockerts (2001) et Bieker (2002b) ne sont pas
mutuellement exclusives et peuvent être combinées, notamment si, comme
nous l’avons expliqué plus haut, l’entreprise s’est fixée différents types
d’objectifs RSE, à savoir à la fois des objectifs ayant un impact à court ou à
moyen terme sur la performance financière de l’entreprise et des objectifs à
plus long terme n’ayant pas d’impact directement sur la performance
financière. D’autre part, l’architecture à donner à la BSC n’est pas une
décision qui doit être prise a priori (Figge et al., 2002b). Au contraire, la
structure à donner à la BSC pour intégrer les aspects environnementaux et
sociaux doit être choisie en cours de processus d’élaboration de la stratégie et
de la BSC (en fonction du type d’objectifs sociétaux que l’entreprise va se
fixer : objectifs à court ou à moyen terme versus objectifs à plus long terme
sans lien direct avec les objectifs financiers de l’entreprise). Il est donc
difficile de recommander l’un ou l’autre adaptation de manière générale.
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4.3. Les fondements conceptuels de la BSC
Certains auteurs remettent en cause le modèle de performance théorique
sur lequel est basé la BSC. Ce modèle de performance présuppose qu’il y a une
chaîne de causalité précise structurant le processus de création de valeur, et
donc la performance globale de l’entreprise (voir schéma 1 et tableau 1).
Cependant, plusieurs auteurs soulignent la fragilité d’un tel postulat. Otley
(1998) précise, par exemple, que la logique de la BSC selon laquelle des
employés bien formés conduisent à des processus plus performants, donc à des
clients plus satisfaits, et pour finir, à des actionnaires plus heureux, est
discutable. Lorino (2001) juge ce raisonnement standard quelque peu
stéréotypé et il affirme, comme Figge et al. (2002b) que finalement le système
de contrôle de gestion (et son architecture) est spécifique à chaque entreprise.
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4.4. Synthèse
Pour résumer notre analyse de la littérature en matière de BSC et de
responsabilité sociétale de l’entreprise, nous proposons un tableau
synthétisant les forces et les faiblesses des différentes adaptations possibles de
la BSC (allant de la dissociation des aspects économiques et sociétaux à
l’intégration totale au sein des 4 axes traditionnels de la BSC) en fonction de
la stratégie RSE menées par l’entreprise, à savoir un stratégie RSE intégrée
dans sa stratégie principale ou une stratégie RSE d’opportunité élaborée
principalement à des fins marketing.

Tableau 2 : Tableau de synthèse

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Plutôt un discours marketing que de réelles convictions et de réelles implications stratégiques et/ou
opérationnelles

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Conclusion
Dans un monde où le rôle strictement économique de l’entreprise est
peu à peu remis en cause pour intégrer des aspects plus sociaux et
environnementaux, cette contribution rappelle l’importance d’adapter les
outils et les indicateurs de contrôle de gestion afin qu’ils prennent en compte
les dimensions sociétales de la gestion de l’entreprise. Plus concrètement, ces
dispositifs doivent donc être progressivement modifiés et adaptés à une
nouvelle vision de la performance de l’entreprise, qui n’est plus uniquement
économique mais globale.
Après avoir présenté les principaux outils de contrôle de gestion
prenant en compte les aspects environnementaux, sociaux ou globaux qui sont
disponibles actuellement ainsi que les limites présentées par certains d’entre
eux, cet article souligne les avantages que présente la Balanced ScoreCard
pour contrer ces limites. Cet outil de pilotage et de mesure de la performance
de l’entreprise, proposé initialement par Kaplan et Norton (1992), permet
notamment l’intégration d’objectifs et d’indicateurs qualitatifs (comme ceux
liés aux dimensions sociales et environnement) et il est relativement ouvert et
adaptable. Ce dispositif semble donc particulièrement propice à la prise en
compte et à l’intégration de ces nouveaux enjeux dans le système de contrôle
de gestion traditionnel de l’entreprise. Dans le domaine de la recherche en
comptabilité de gestion, un débat reste toujours ouvert quant à la nécessité de
découpler ou d’intégrer les dimensions sociétales aux dimensions
économiques traditionnelles dans le système de contrôle de gestion de
l’entreprise. D’une part, le découplage semble néanmoins avoir, petit à petit,
moins d’adhérents car plusieurs auteurs ont démontré qu’il tend à favoriser le
recours aux aspects sociétaux à des fins marketing. D’autre part, en ce qui
concerne la seconde possibilité, cet article montre qu’il est difficile de choisir,
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a priori, entre les deux manières d’intégrer les dimensions sociétales et les
dimensions économiques classiques au sein d’une BSC globale et durable. En
effet, ce choix dépend notamment du type d’objectifs RSE de l’entreprise, à
savoir objectifs ayant un impact à court/moyen terme sur la performance
financière de l’entreprise ou non, et ces derniers ne sont déterminés qu’au
cours du processus stratégique et de l’élaboration de la BSC.
Finalement, après avoir souligné les limites potentielles de l’utilisation
de la BSC pour intégrer les dimensions sociétales au système de contrôle de
gestion traditionnel de l’entreprise, ce papier propose une synthèse qui
récapitule les principaux avantages et inconvénients des différentes
possibilités d’adaptation de la BSC aux nouveaux enjeux sociétaux, en
fonction de la stratégie RSE menée par l’entreprise.

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N° 297 - Avril 2010 - Auteurs : Nathalie CRUTZEN et Didier VAN CAILLIE

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