La Malbouffe Contre Attaque - Christophe Brusset
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La malbouffe contre-attaque
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Christophe Brusset
Avec Éric Maitrot
La malbouffe contre-attaque
Flammarion
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© Flammarion, 2022
ISBN : 978-2-0802-6397-1
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PROLOGUE
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La malbouffe contre-attaque
Rejetant toute remise en cause, niant devoir s’amé-
liorer, il ne cède rien. S’appuyant sur une complaisance
coupable des autorités, les chantres de la malbouffe ont
lancé une violente contre-attaque envers les lanceurs
d’alerte, les médias indépendants et les associations
militantes, voire certains citoyens gênants. L’objet de ce
nouvel ouvrage est de vous expliquer les tenants et
aboutissants de cette lutte sans merci entre, pour sché-
matiser, ceux qui prospèrent grâce à la malbouffe et les
défenseurs de la santé publique.
Ainsi informé, vous serez armé pour défendre une
alimentation saine indispensable pour vivre plus long-
temps et en bonne santé, et pour favoriser l’avènement
d’un système de production véritablement durable.
Le scandale des lasagnes à la viande de cheval en
2013 1, ou plus exactement son retentissement dans
les médias et au sein de l’opinion, a été pour moi
le révélateur qu’une réelle prise de conscience s’était
opérée dans la population.
C’est en réaction aux discours convenus des repré-
sentants des industriels, qui comme toujours ont nié
toute responsabilité dans cette sombre affaire, et ont
tenté de se faire passer pour des parangons de profes-
sionnalisme et de vertu que j’ai décidé d’écrire Vous
êtes fous d’avaler ça ! Un industriel dénonce, mon pre-
mier livre publié par Flammarion, en septembre 2015,
et qui se vendra à près de 100 000 exemplaires. En
réaction également au soutien systématique et incon-
ditionnel dont bénéficient, lors de chaque nouvelle
crise, les industriels de la part des autorités politiques.
1. Fraude alimentaire ayant consisté à faire passer de la
viande de cheval pour du bœuf dans des plats préparés. Elle a
touché l’Europe entière avec 4,5 millions de plats frauduleux.
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Prologue
Enfant du sérail de l’agroalimentaire, j’en connais-
sais parfaitement l’envers du décor, les bonnes et les
mauvaises pratiques. Je savais bien sûr que les scan-
dales à répétition n’étaient pas le fruit du hasard, ou
la faute à pas de chance, mais les symptômes d’un
système totalement défaillant.
En écrivant ce premier livre, mon objectif était
double. Tout d’abord, je souhaitais dévoiler aux
consommateurs les mauvaises pratiques les plus
répandues chez de trop nombreux industriels de
l’agroalimentaire, méthodes parfaitement connues
des pouvoirs publics. Ensuite, j’espérais que, sous la
pression populaire et médiatique, peut-être avec le
concours de quelques industriels vertueux et de poli-
ticiens courageux, nous arriverions à les faire cesser
rapidement. Quelle naïveté !
La première partie de mon plan a pourtant parfai-
tement fonctionné ; je peux même dire au-delà de
mes espérances. Les médias ont été réceptifs et le
livre a été un succès de librairie. Mon message a été
largement diffusé, et ma démarche comprise par de
nombreux consommateurs.
Malheureusement, la réaction a été bien différente
du côté des lobbies et des industriels de la malbouffe.
Ils ont préféré ne surtout rien changer ; nier les pro-
blèmes, dénigrer les études scientifiques les plus
sérieuses et les plus accablantes, rejeter toute responsa-
bilité, opposant encore et toujours le fameux « Circu-
lez, il n’y a rien à voir ». Pire, la plupart d’entre eux
se sont faits menaçants, donnant raison à Guy Béart
lorsqu’il affirmait dans sa célèbre chanson « La Vérité » :
« Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté. »
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La malbouffe contre-attaque
Ce nouveau livre, et j’en suis fier, est le digne suc-
cesseur de Vous êtes fous d’avaler ça !, car mon but,
informer les citoyens des dangers très concrets qui
les menacent, n’a pas changé sept ans plus tard. C’est
en révélant les pratiques malsaines que l’on peut
espérer les faire disparaître.
L’obstruction systématique des lobbies, au sein des
principales instances comme l’Union européenne,
l’Organisation mondiale du commerce ou les diffé-
rents parlements nationaux, nous a fait perdre de
précieuses années, que nous aurions pu consacrer à
l’amélioration de la qualité des produits et à une
meilleure sécurisation de notre système alimentaire.
Cela me met réellement en colère car ces manœuvres
sont, selon moi, véritablement criminelles. Comme
je l’expliquerai en détail dans les premiers chapitres,
la malbouffe tue ! Elle est même aujourd’hui devenue
la première cause de mortalité au monde.
Or, après 2015, les scandales alimentaires n’ont
pas cessé, bien au contraire. Pour n’en citer que
quelques-uns : contaminations de laits infantiles de
marque Gallia et Nidal (appartenant respectivement
à Danone et Nestlé) par des huiles minérales, œufs
contaminés au fipronil, affaire Lactalis du lait conta-
miné à la salmonelle, résidus d’oxyde d’éthylène dans
du sésame et autres graines importées et, tout récem-
ment, contamination des chocolats Kinder par la sal-
monelle, et de pizzas de marque Buitoni, contenant
des bactéries Escherichia coli.
Les drames et les victimes se succèdent inexorable-
ment, année après année. Ce n’est pourtant pas une
fatalité à laquelle on devrait s’habituer car des solutions,
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Prologue
souvent très simples, existent, comme nous le verrons.
Pourquoi ne sont-elles pas appliquées ?
Comme vous vous en doutez, tout cela n’est généra-
lement qu’une question d’argent.
L’État français, fort mal géré depuis plusieurs
décennies et aujourd’hui surendetté, cherche à faire
des économies là où ça se voit le moins. Suivant l’idéo-
logie mercantile promue par Bruxelles, selon laquelle
moins il y a de fonctionnaires mieux c’est, la Direction
générale de la concurrence, de la consommation et de
la répression des fraudes (DGCCRF) a été amputée de
927 agents depuis 2007, soit près du quart de son
effectif 1. Même chose pour la Direction générale de
l’alimentation (inspections vétérinaires et contrôle des
pesticides) dont le nombre d’inspections s’est effondré
d’un tiers en dix ans.
Après s’être volontairement placé en situation
d’impuissance, l’État a alors demandé aux entreprises
de « s’autocontrôler ». Non, je ne plaisante pas. C’est
comme si on retirait tous les radars des autoroutes,
et que l’on comptait sur le sens des responsabilités
des conducteurs pour respecter les limitations. Nous
imaginons tous sans peine le résultat, et c’est exacte-
ment le problème principal dans l’agroalimentaire.
Pour être parfaitement clair : les autocontrôles ne
marchent pas !
Pour preuve, concernant l’obligation qu’ont les
industriels de transmettre aux autorités les analyses
non conformes, par deux fois, en 2014 et en 2018,
la Cour des comptes déplorait que « cette obligation
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La malbouffe contre-attaque
légale [ne fût] pas respectée ». Ainsi, malgré deux
tests positifs en août et novembre 2017 témoignant
de la présence de salmonelles au sein de certaines de
ses installations, Lactalis n’avait pas averti les autori-
tés et procédé à des rappels de produits. Le président
du conseil de surveillance de Lactalis, Emmanuel
Besnier, le justifiant ainsi devant une commission
d’enquête parlementaire : « Nous avons arrêté l’installa-
tion, procédé aux nettoyage et désinfection des envi-
ronnements et recontrôlé les environnements par la
suite. Cela n’a pas généré de contact direct avec les
produits. 1 »
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Prologue
mondial de l’agroalimentaire, il y a beaucoup à dire.
Rappelons tout d’abord qu’au moins cinquante per-
sonnes ont été victimes de cette contamination, et
que deux enfants sont décédés.
Fin février 2022, les autorités constatent une
recrudescence anormale de cas d’insuffisance rénale
chez des enfants à la suite d’une contamination par
Escherichia coli. Un lien est rapidement établi avec la
consommation de pizzas Buitoni de la gamme
Fresh’ Up, fabriquées sur le site de Caudry dans le
nord de la France. Deux inspections sont alors
effectuées par la DGCCRF les 22 et 29 mars, à la
suite desquelles, le 1er avril 2022, le préfet du Nord
décide de fermer l’usine. Il justifie sa décision par
« un niveau dégradé de la maîtrise de l’hygiène ali-
mentaire dans l’usine ». Cela alors que le 31 mars,
Nestlé, la maison mère de Buitoni, déclarait que les
soixante-quinze tests réalisés sur la ligne de fabrica-
tion des pizzas étaient « tous négatifs ».
L’hebdomadaire Le Canard enchaîné révélera dans
son édition du mercredi 6 avril 2022 que les inspecteurs
avaient constaté « de nombreuses anomalies graves en
matière de nettoyage et d’entretien des locaux et maté-
riels » et notamment « la présence de rongeurs au
niveau de l’atelier de boulangerie ». En clair, ce site leur
semblait impropre à fabriquer de la nourriture.
Le plus terrible, le plus triste, est que ces morts et
toutes les souffrances endurées par les victimes
auraient probablement pu être évitées. En effet, le
6 avril 2022, le quotidien régional Le Courrier picard
relatait qu’en 2020 déjà, une inspection de la direc-
tion des fraudes avait valu un avertissement à l’usine.
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La malbouffe contre-attaque
Le 11 mai 2021, le média en ligne Mr Mondialisa-
tion 1, un site internet d’actualités consacré aux problé-
matiques environnementales et sociétales, rendait
publique le témoignage d’un employé de l’usine de
Caudry qui, photos à l’appui, dénonçait pêle-mêle
« insalubrité, gaspillage alimentaire systématique, omni-
présence du plastique, sous-effectifs, provenance dou-
teuse des produits […] vers de farine, huile de moteur
en contact avec les ingrédients, machines insalubres ».
Cependant, les problèmes d’hygiène et de qualité
dans l’usine seraient encore plus anciens. Le 31 mars
2022, sur le site du journal Le Parisien, la fédération
CGT de l’alimentaire dénonce la réorganisation de
l’usine en 2015 qui aurait affecté l’hygiène :
« Depuis, le temps de nettoyage est moindre, et effec-
tué par des personnes moins bien formées. C’est ce
que l’on dénonce depuis des années, chez Nestlé… »
Alertes et mises en garde semblent donc avoir été
nombreuses avant cette crise. La catastrophe semblait
menacer depuis des années et il est difficile de croire
que Nestlé, ou les autorités, pouvaient l’ignorer.
Alors pourquoi les services de l’État n’ont-ils pas
mieux contrôlé et imposé des améliorations à
l’usine ? Et surtout, pourquoi Nestlé n’a pas mis en
place des actions correctives efficaces et nécessaires ?
Le 31 mars 2022, les médias RMC et BFM redif-
fusent les images choc du site de Caudry publiées
sur le site Mr Mondialisation dix mois plus tôt. Dans
la tourmente, le groupe Nestlé refuse cependant de
commenter ce qu’ils qualifient d’« images anonymes
1. https://mrmondialisation.org/enquete-accablante-dans-un
e-usine-de-pizzas-buitoni/
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Prologue
et non datées » qui « ne reflètent en rien l’état de
notre usine » et qui portent des « accusations non
étayées » 1.
Le déni, comme d’habitude, le déni toujours, le
déni jusqu’au bout. Alors que toutes les enquêtes de la
DGCCRF pointaient l’usine Buitoni et que Nestlé
avait lancé le rappel de ses pizzas, Pierre Alexandre
Teulié, directeur général chargé de la communication
chez Nestlé France, affirmait le 19 mars 2022, et contre
toutes les évidences : « Il n’existe aucun lien avéré entre
nos produits et les intoxications survenues 2. »
Tandis que Nestlé claironnait dans les médias que
« la sécurité et la qualité restent [leur] priorité abso-
lue », la CGT dénonçait le 22 mars 2022 dans un
communiqué 3 : « [L]’avidité [du groupe] fait payer
la note aux salariés et aux consommateurs. Les char-
rettes de licenciements se multiplient. L’introduction
de la méthode Lean entraîne des négligences quant
à la maintenance préventive, le nettoyage, les
contrôles…, la polyvalence à outrance, la flexibilité,
la précarité… Les problèmes sanitaires sont à recher-
cher dans ces causes. »
Une ancienne haute dirigeante de Nestlé, devenue
lanceuse d’alerte, dénonce également la stratégie de
la multinationale suisse consistant, selon elle, à maxi-
miser le profit au détriment de la sécurité. Yasmine
1. https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/bacterie-e-
coli-dans-les-pizzas-buitoni-nestle-ne-veut-prendre-aucun-risque-
avec-la-sante-des-consommateurs_5056099.html
2. https://www.20minutes.fr/societe/3255431-20220318-ba
cterie-ecoli-pizzas-surgelees-buitoni-massivement-rappelees
3. http://www.fnafcgt.fr/IMG/pdf/pizza_scandale_sanitaire
_03-2022.pdf
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La malbouffe contre-attaque
Motarjemi a été jusqu’en 2010, et pendant dix ans,
directrice de la sécurité alimentaire au siège du
groupe en Suisse. Un article de la rédaction de
France 3 Hauts-de-France 1 du 1er avril 2022 affirme
que l’ex-directrice « avait donné l’alerte » et nous
livre son témoignage : « J’ai alerté à tous les niveaux
de ma direction pendant quatre ans sur différents
dysfonctionnements. Ils ont refusé de m’entendre. »
Elle déplore ainsi dans l’article que « c’est au rythme
des incidents que Nestlé améliore sa sécurité ».
Plus grave, toujours selon la lanceuse d’alerte, les
usines étaient prévenues des inspections : « Une fois,
un supérieur a mis sur la table un rapport d’inspec-
tion insatisfaisant. Je lui dis alors que nous devons
envoyer immédiatement une équipe dans cette usine,
pour régler le problème. Mon supérieur m’a
répondu : “Ce n’est pas comme cela qu’on gère, on
doit envoyer une lettre à toutes les usines pour mieux
se préparer aux audits d’inspection.” »
Le 31 mai 2021, le Financial Times révélait une note
interne dans laquelle la multinationale admettait que
plus de 60 % de ses produits alimentaires et boissons
grand public ne répondent pas à une « définition
reconnue de la santé » et que certains de ces produits
ne seront jamais « sains » quelles que soient les refor-
mulations effectuées.
L’association hollandaise Access To Nutrition Ini-
tiative (ATNI), qui encourage les entreprises à amé-
liorer la qualité nutritionnelle de leurs produits, est
1. https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/no
rd-0/caudry/affaire-buitoni-le-scandale-des-pizzas-contaminees
-etait-il-previsible-2516680.html
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Prologue
encore plus sévère. Elle considère que seulement
29 % des produits de Nestlé sont sains. Dans son
classement 2021 des dix plus grandes multinationales
agroalimentaires, la pire serait Mondelēz 1 qui
n’aurait que 6 % de produits sains, le meilleur étant
Danone avec 61 %.
Si de nombreuses multinationales de l’agroalimen-
taire s’inquiètent, c’est que consommateurs, associa-
tions et médias, informés par les lanceurs d’alerte,
constatant les effets délétères de la malbouffe, ou
choqués par les scandales à répétition, exigent désor-
mais des mesures de protection des pouvoirs
politiques.
Ces entreprises risquent en effet de voir leurs pro-
fits mis à mal par des réglementations plus restric-
tives qu’ils ne pourront pas toujours respecter.
Voilà quelle est la cause de leur haine profonde
vis-à-vis des lanceurs d’alerte tel votre serviteur. Et,
comme nous allons le voir, tous les coups sont
permis contre les empêcheurs de commercer en rond,
contre les médias, contre les associations, contre les
simples citoyens, pour que rien ne change.
Inexorablement, la malbouffe perd du terrain, je
l’ai constaté depuis la parution de Vous êtes fous
d’avaler ça ! en 2015, mais, comme je vais vous
l’expliquer, en détail et preuves à l’appui, elle contre-
attaque farouchement et sans relâche pour retarder
son inévitable défaite.
1. Le groupe américain emploie 80 000 salariés dans le
monde et a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 26 milliards
de dollars. Il produit notamment les marques Toblerone, Cad-
bury, Belin, LU, Prince, Oreo, Milka, Côte d’Or, Malabar,
Suchard, Hollywood, Kréma, Tuc, Mikado.
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CHAPITRE 1
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La malbouffe contre-attaque
— Christophe, tu tombes bien ! m’interpelle la
responsable du laboratoire de R&D 1 lors d’une de
mes visites. Il nous faut de l’EDTA très rapidement.
— Hum, ça peut se manger ça, ou c’est pour dés-
infecter votre labo ? lui répondis-je, essayant de ras-
sembler quelques vagues souvenirs de mes cours de
chimie, et me rappelant avoir récemment vu
« EDTA » dans la liste d’ingrédients d’un
shampoing.
— C’est un additif autorisé, se défend-elle, le
E385.
— Si je me souviens bien, c’est un séquestrant
des ions métalliques, de l’éthylène-diamine-quelque-
chose, non ?
— Éthylène-diamine-tétra-acétate précisément,
me dit-elle, molécule considérée comme étant modé-
rément toxique puisque la dose journalière admis-
sible 2 est de 2,5 milligrammes par kilo et par jour.
On sera bien en dessous de ce seuil avec ce que l’on
veut mettre dans notre nouvelle « sauce sandwich
américaine ».
1. Recherche et développement.
2. La dose journalière admissible ou DJA, est la quantité
maximale d’une substance qu’un individu pourrait ingérer par
jour sans danger pour sa santé. Elle est exprimée en milli-
grammes de substance par kilo de poids corporel et par jour.
Nous en reparlerons en détail plus avant, car il y a beaucoup
à dire à son sujet.
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La malbouffe contre-attaque
A priori, cela devrait être facile. Selon le diction-
naire, « sûr » veut dire « sans danger ». Or l’industrie
alimentaire a une vision très restrictive de ce qu’est un
danger. En effet, elle communique énormément sur le
fait que les risques graves et immédiats – c’est-à-dire
d’empoisonnements sévères, de réactions allergiques,
ou d’intoxications alimentaires – sont insignifiants en
consommant leurs produits. Cela est parfaitement
exact et donc sans danger immédiat pour notre santé,
comme notre sauce américaine à l’EDTA ; tous les
produits alimentaires industriels seraient, selon
l’industrie, sûrs, y compris… la malbouffe.
Refrain connu et immuable : circulez, y a rien
à voir !
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La malbouffe contre-attaque
alimentaire est acceptable, aucun n’est véritablement
toxique. Reprenant à leur compte la formule erronée
de l’alchimiste Paracelse 1 – « tout est poison, rien
n’est poison : c’est la dose qui fait le poison » –, ils
affirment sans sourciller que « l’on peut manger de
tout ». Tout en prenant garde d’ajouter aussitôt une
sorte de formule magique (qu’ils imaginent sans
doute être un paratonnerre) : « dans le cadre d’une
alimentation équilibrée », c’est-à-dire en mangeant
cinq fruits et légumes par jour comme préconisé
dans les Programmes nationaux nutrition santé
(PNNS) 2 successifs. Trop facile ! D’autant que, jus-
tement, les PNNS constatent que cela ne suffit pas et
préconisent très clairement de limiter la malbouffe :
« Réduire les boissons sucrées, les aliments gras,
sucrés, salés et ultra-transformés […] les produits
avec un Nutri-Score D et E… »
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La malbouffe contre-attaque
Les entreprises agroalimentaires importantes
emploient des dizaines, voire plus, de techniciens,
d’ingénieurs, ou même de docteurs d’université, dans
leurs laboratoires de R&D. Lesquels disposent sou-
vent de cellules encore plus spécialisées comme une
R&D emballages, une R&D process, ou encore une
R&D dédiée à un client spécifique ou à une gamme
de produits.
Malheureusement, la science est fréquemment
dévoyée pour des raisons tout simplement mercan-
tiles, et dans l’agroalimentaire ce processus a engen-
dré la « malbouffe ». Voilà comment les choses se
sont passées.
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1. https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1979-joel-de-rosnay-d
enoncait-la-malbouffe
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La malbouffe contre-attaque
22 novembre 1948, dans le journal Ogden Standard-
Examiner, un quotidien de l’État de l’Utah, un cer-
tain docteur Brady titrait sa rubrique santé : « More
Junk Than Food » (« Davantage des déchets que de
la nourriture »). Le 4 janvier 1940, dans le San Fran-
cisco Examiner, c’est Judith Merrill qui critiquait les
femmes ingurgitant de la junk food en se gavant de
pâtisseries et confiseries.
Il est clair que la junk food, ou malbouffe, ne
désignait au début que les aliments déséquilibrés
nutritionnellement, c’est-à-dire trop gras, trop sucrés
et trop salés. Ce que les Anglo-Saxons indiquent sous
l’acronyme HFSS : high in fat, sugar and salt.
En effet, les causalités sont faciles à établir entre
ces excès et de nombreuses maladies de plus en plus
communes après-guerre, comme l’obésité, le diabète,
ou les maladies cardio-vasculaires.
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La malbouffe contre-attaque
C’est aussi le cas des aliments industriels consti-
tués d’ingrédients nocifs pour notre métabolisme s’ils
sont consommés trop régulièrement (matières grasses
hydrogénées et acides gras trans, fructose, lipides
saturés…).
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