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Le retard de croissance

intra-utérin
Aspects cliniques et fondamentaux
Dans la même collection

La colposcopie, par J. Marchetta, 3e édition. 2012. 146 pages.


Guide pratique de l'échographie obstétricale et gynécologique, par G. Grangé. 2012.
396 pages.
Médicaments et grossesse : prescrire et évaluer le risque, par A.-P. Jonville-Béra, T. Vial.
2012. 296 pages.
Endocrinologie en gynécologie et obstétrique, par B. Letombe, S. Catteau-Jonard,
R. Geoffroy. 2012. 296 pages.
Maladies du sein, par H. Mignotte, 2e édition. 2011. 216 pages.
Conduites pratiques en médecine fœtale, par A. Benachi. 2010. 336 pages.
Manuel pratique d'urogynécologie, par X. Deffieux. 2010. 168 pages.

Chez le même éditeur


Obstétrique, coordonné par J. Lansac, G. Magnin, collection « Pour le praticien »
6e édition. À paraître 2013
Gynécologie, coordonné par J. Lansac, H. Marret, P. Lecomte, collection « Pour
le praticien ». 2012. 8e édition, 524 pages.
La pratique de l'accouchement, coordonné par J. Lansac, P. Descamps, J.-F. Oury
(compléments vidéos). 2011. 5e édition. 624 pages.
La pratique chirurgicale en gynécologie et obstétrique, coordonné par J. Lansac,
G. Body, G. Magnin (compléments vidéos). 2011. 3e édition. 560 pages.
Le diagnostic prénatal en pratique, L. Sentilhes, D. Bonneau, coordonné par
Ph. Descamps. 2011. 528 pages.
Traité d'obstétrique, coordonné par L. Marpeau, avec la collaboration du Collège national
des sages-femmes et de l'Association française des sages-femmes enseignantes, 2010.
700 pages.
Analyse du rythme cardiaque fœtal, par S. Gauge, C. Henderson. 2007. 296 pages.
Sous l'égide du Collège national des gynécologues et obstétriciens français

Conseillers éditoriaux
Jacques Lansac, Philippe Descamps

Le retard
de croissance
intra-utérin
Aspects cliniques et fondamentaux

Coordonné par

Vassilis Tsatsaris

Préface de D. Cabrol

Dessins : Carole Fumat


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DANGER particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ».
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TUE LE LIVRE

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l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété
intellectuelle).

© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-71496-2

Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Remerciements

Je tiens à remercier les auteurs des différents chapitres pour leur contribution à ce projet et pour leur
remarquable énergie déployée au partage de leurs connaissances.
Vassilis Tsatsaris

V
Liste des auteurs

Agman Antoine, maternité Port-Royal, hôpital Goussot-Souchet Michèle, Laboratoire d'éthique


Cochin, AP-HP, Université Paris-Descartes, Paris. médicale et de médecine légale, Université Paris-
Azria Élie, service de gynécologie-obstétrique, Descartes, maternité Port-Royal, hôpital Cochin,
hôpital Bichat, AP-HP, DHU Risques et Grossesse, Paris.
Université Paris-Diderot, Paris. Grangé Gilles, maternité Port-Royal, hôpital
Baud Olivier, service de médecine et réanimation Cochin, AP-HP, DHU Risques et Grossesse,
néonatale, hôpital Robert-Debré, Université Paris- Université Paris-Descartes, fondation PremUP,
Descartes, fondation PremUP, Paris. Paris.
Benachi Alexandra, service de gynécologie-obsté- Guibourdenche Jean, service de biologie hormo-
trique, médecine de la reproduction, hôpital nale Cochin, INSERM U 767, Faculté de pharma-
Antoine-Béclère, APHP, Université Paris XI, cie, Université Paris-Descartes, Paris.
Clamart. Jarreau Pierre-Henri, service de médecine néo-
Chavatte-Palmer Pascale, UMR INRA-ENVA natale, hôpital Cochin, AP-HP, DHU Risques et
1198 Biologie du Développement et Reproduction, Grossesse, Université Paris-Descartes, fondation
Jouy-en-Josas. PremUP, Paris.
Choiset Agnès, Laboratoire de cytogénétique, Jouannic Jean-Marie, service de gynécologie-obs-
hôpitaux universitaires Paris-Centre, Paris. tétrique et Centre pluridisciplinaire de diagnostic
prénatal de l'Est parisien, hôpital Armand-
Cordier Anne-Gaelle, service de gynécologie-obs-
Trousseau, Université Pierre et Marie Curie, Paris.
tétrique, médecine de la reproduction, hôpital
Antoine-Béclère, AP-HP, Université Paris XI, Le Guern Véronique, service de médecine interne,
Clamart. hôpital Cochin, Université Paris-Descartes, Paris.
Coussement Aurélie, Laboratoire de cytogéné- Le Ray Camille, maternité Port-Royal, hôpital
tique, hôpital Cochin, AP-HP, Université Paris- Cochin, AP-HP, DHU Risques et Grossesse,
Descartes, Paris. Université Paris-Descartes, fondation PremUP,
Paris.
Dupont Charlotte, UMR INRA-ENVA 1198
Biologie du Développement et Reproduction, Lecarpentier Édouard, maternité Port-Royal,
Jouy-en-Josas. hôpital Cochin, AP-HP, DHU Risques et Grossesse,
Université Paris-Descartes, fondation PremUP,
Dupont Jean-Michel, Laboratoire de cytogéné-
Paris
tique, hôpitaux universitaires Paris-Centre, Paris.
Le Meaux Jean-Patrick, polyclinique Bordeaux-
Ego Anne, département Méthodologie de l'infor-
Nord-Aquitaine, Bordeaux.
mation en santé, pavillon Taillefer, Grenoble ;
unité Inserm U953 (ex-U149) : recherche épidé- Lepercq Jacques, maternité Port-Royal, hôpital
miologique en santé périnatale et santé des Cochin, AP-HP, DHU Risques et Grossesse,
femmes et des enfants, UPMC Paris 6, site Saint- Université Paris-Descartes, fondation PremUP,
Vincent-de-Paul, Paris. Paris.
Fontenay Michaela, Laboratoire d'hématologie- Lopez Emmanuel, service de médecine et réani-
hémostase, hôpital Cochin, AP-HP, Université mation néonatale, hôpital Cochin, AP-HP, DHU
Paris-Descartes, Paris. Risques et Grossesse, Université Paris-Descartes,
fondation PremUP, Paris.
Fournier Thierry, INSERM U767, Faculté de
Pharmacie, Université Paris-Descartes, Paris.

VII
Liste des auteurs

Morel Olivier, service de gynécologie-obsté- Tarrade Anne, UMR INRA-ENVA 1198 Biologie du
trique, CHU de Nancy, Nancy. Développement et Reproduction, Jouy-en-Josas.
Pannier Emmanuelle, maternité Port Royal, groupe Tsatsaris Vassilis, maternité Port-Royal, hôpital
hospitalier Cochin-Broca-Hôtel-Dieu, Paris. Cochin, AP-HP, DHU Risques et Grossesse,
Parat Sophie, service de médecine néonatale, hôpi- Université Paris-Descartes, fondation PremUP,
tal Cochin, AP-HP, DHU Risques et Grossesse, Paris.
Université Paris-Descartes, fondation PremUP, Vaiman Daniel, INSERM Equipe 21, U567
Paris. INSERM-UMR 8104 CNRS (Institut Cochin),
Picone Olivier, service de gynécologie-obsté- DHU Risques et Grossesse, Université Paris-
trique, médecine de la reproduction, hôpital Foch, Descartes, Paris
Neuilly. Vauloup-Fellous Christelle, laboratoire de viro-
Proulx Francine, service de gynécologie-obsté- logie, hôpital Antoine-Béclère, APHP, Université
trique, médecine de la reproduction, hôpital Paris XI, Clamart.
Antoine-Béclère, Clamart. Viot Géraldine, maternité Port-Royal, hôpital
Senat Marie-Victoire, service de gynécologie- Cochin, AP-HP, Paris-Descartes, fondation PremUP,
obstétrique, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre. Paris.

VIII
Abréviations

ACL anticorps anticardiolipines HDL high density lipoprotein


ACOG American Congress of Obstetricians HELLP hemolysis, elevated liver enzymes, low
and Gynecologists platelets
ADN acide désoxyribonucléique hGH hormone de croissance hypophysaire
AMM autorisation de mise sur le marché HHCY hyperhomocystéinémie
APL anticorps antiphospholipides HIV hémorragie intraventriculaire
AT antithrombine HNF héparine non fractionnée
ATP adénosine triphosphate hPL hormone lactogène placentaire
AUDIPOG Association des utilisateurs de dossiers HSV virus Herpes simplex
informatisés en pédiatrie, obstétrique et HTA hypertension artérielle
gynécologie IC intervalle de confiance
AVK antivitamine K ICE International Collaborative Effort
BAVc bloc auriculoventriculaire congénital IGF insuline-like growth factor
BPCO bronchopneumopathie chronique IMC indice de masse corporel
obstructive IMG interruption médicale de grossesse
BWS syndrome de Beckwith-Wiedemann IMOC infirmité motrice d'origine cérébrale
CIA communication interauriculaire IP index de pulsatilité
CIV communication interventriculaire IR index de résistance
CMV cytomégalovirus IUGR intra-uterine growth restriction
CNGOF Collège national des gynécologues et LA anticoagulant circulant de type lupique
obstétriciens français (lupus anticoagulant)
CPDPN Centre pluridisciplinaire de diagnostic LA liquide amniotique
prénatal LBW low birthweight
DFO diamètre fronto-occipital LCC longueur craniocaudale
DID diabète insulinodépendant LES lupus érythémateux systémique
DIGITAT Disproportionate Intrauterine Growth MCP mosaïque confinée au placenta
Intervention Trial At Term MFIU mort fœtale in utero
DOHaD developmental origins of health and disease MMH maladie des membranes hyalines
DS déviation standard MoM multiple of median
DUP disomie uniparentale MTEV maladie thromboembolique veineuse
ECUN entérocolite ulcéronécrosante NAA N-acétyl aspartate
EPF estimation du poids fœtal NFS numération formule sanguine
FVL facteur V Leiden OI ostéogenèse imparfaite
FGR fetal growth restriction OMS Organisation mondiale de la santé
GH growth hormone OR odds ratio
GLUT transporteurs de glucose PA périmètre abdominal
GRIT Growth Restriction Intervention Trial Paje Prestation d'accueil du jeune enfant
HAD hospitalisation à domicile PC paralysie cérébrale
HAS Haute Autorité de santé PC périmètre crânien
HBPM héparine de bas poids moléculaire PC protéine C
hCG hormone chorionic gonadotropin PGE2 prostaglandine E2
HCS hormone chorionique pGH hormone de croissance placentaire
somatomammotrope PlGF placenta growth factor

IX
Abréviations

PMI protection maternelle et infantile SMP syndrome myéloprolifératif


PS protéine S SNC système nerveux central
PVP pathologie vasculaire placentaire SNP single-nucleotide polymorphism
QI quotient intellectuel Sp spécificité
RCF rythme cardiaque fœtal SRM spectroscopie de protons en résonnance
RCIU retard de croissance intra-utérin magnétique
RCOG Royal College of Obstetricians and TE thrombocytémie essentielle
Gynaecologists TRUFFLE Trial of Umbilical and Fetal Flow in
ROC receiver operating characteristics Europe
ROI région d'intérêt VCI veine cave inférieure
RR risque relatif VCT variabilité à court terme
SA semaine d'aménorrhée VEGF vascular endothelial growth factor
SAPL syndrome des antiphospholipides VIH virus de l'immunodéficience humaine
Se sensibilité VPN valeur prédictive négative
SGA small for gestational age VPP valeur prédictive positive
SLO syndrome de Smith-Lemli-Opitz VZV virus varicelle-zona

X
Préface

C'est un privilège et pour moi un réel plaisir que d'avoir à écrire une préface
pour un ouvrage consacré au retard de croissance intra-utérin, tant cette patho-
logie est un souci permanent pour les cliniciens périnatologistes. Cette ano-
malie du développement est une cause très importante de mortalité et de
morbidité périnatale volontiers associée à une prématurité, fréquemment
induite, mais qui a au-delà des conséquences morbides à moyen et à long terme
pour les survivants.
S'intéresser au retard de croissance intra-utérin, c'est aborder un problème
d'une grande complexité. À commencer par les définitions et la confusion fré-
quente entre retard de croissance intra-utérin, hypotrophie et « petit poids de
naissance »…
Cet ouvrage entend apporter quelques éclaircissements sur ces difficultés de
définition, mais aussi et surtout sur les physiopathologies et les étiologies mul-
tiples de ce syndrome. On mesurera à la lecture de ces chapitres l'immense
champ qui reste offert à la recherche dans ce domaine.
L'autre aspect développé dans cet ouvrage, et qui lui aussi ne peut que bénéfi-
cier du développement de la recherche, concerne la prise en charge pratique
actuelle pendant la grossesse, l'accouchement et la période postnatale de ces
mères et de ces enfants.
Les auteurs, chercheurs et cliniciens qui ont contribué à l'élaboration de ce
livre ont été choisis pour leur compétence dans ce domaine, qu'ils soient ici
remerciés pour leur participation. En ce qui concerne le coordinateur de l'ou-
vrage, je souhaite exprimer ma très grande considération pour le professeur
Vassilis Tsatsaris. J'ai la chance de travailler avec lui depuis de nombreuses
années, au court desquelles j'ai pu apprécier ses qualités et ses capacités
humaines et médicales.
Il a réussi à fédérer autour de lui des chercheurs et des cliniciens dont je ne
doute pas qu'ils nous aideront à progresser dans nos connaissances et partant
dans l'amélioration des soins que nous dispensons aux femmes enceintes et à
leurs nouveau-nés.
Professeur Dominique Cabrol

XI
Définition du retard Chapitre 1
de croissance intra-utérin
Jean-Patrick Le Meaux

Préambule symptôme. En pratique courante, l'hypotrophie a


une définition statistique et correspond à un poids
ou à une biométrie inférieurs à une norme définie
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) d'un
pour un âge gestationnel donné. Elle peut recouvrir
fœtus est une situation pathologique fréquente
deux situations distinctes : un fœtus réellement
en obstétrique, mais complexe à diagnostiquer.
hypotrophe sujet à un RCIU, ou un fœtus constitu-
En effet, différencier une authentique restriction
tionnellement petit sans RCIU. Elle équivaut en
pathologique de la croissance fœtale d'une situa-
anglais au terme small for gestational age (SGA).
tion de petit poids constitutionnel représente la
difficulté majeure comme le principal enjeu du
diagnostic. Petit poids de naissance
Sa définition est un poids de naissance inférieur à
2500 g, pouvant correspondre à trois situations
Trois définitions essentielles distinctes :
• un enfant hypotrophe, conséquence d'un retard
Retard de croissance intra-utérin de croissance ;
ou restriction de croissance • un fœtus eutrophe né prématuré ;
intra-utérine • un fœtus constitutionnellement petit.
Il s'agit de l'entité nosologique correspondant à Le terme anglais pour « petit poids de naissance »
une croissance fœtale insuffisante par rapport à la est low birth weight.
croissance génétique programmée du fœtus. Ce
terme est souvent utilisé abusivement en anténa-
tal, le caractère pathologique de cette croissance Bases statistiques
ne pouvant être que rarement affirmé et le poten-
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

tiel de croissance génétique du fœtus ne pouvant Statistiques descriptives


être exactement déterminé. Avant de pouvoir
confirmer un caractère pathologique, seul le Afin de comparer la valeur d'une variable étudiée
terme de « suspicion de RCIU » devrait être uti- (poids, taille, marqueur biologique, etc.) observée
Le retard de croissance intra-utérin

lisé. Enfin, RCIU équivaut, en anglais, au terme chez un individu à la répartition des valeurs de cette
intra-uterine growth restriction (IUGR). variable dans la population, on utilise principale-
ment les unités de mesure descriptives suivantes.

Hypotrophie Centiles (ou percentiles)


Il s'agit le plus souvent d'une croissance fœtale La population est divisée en 100 groupes égaux
insuffisante. Elle est la conséquence du RCIU, son en nombres de sujets. La dénomination du

3
Partie I. Définition et épidémiologie

percentile croît avec la variable étudiée. Ainsi, le Multiple de la médiane


20e percentile d'une variable sépare les 20 % de la
population dont la valeur de la variable étudiée La valeur de cette unité de mesure descriptive
lui est inférieure aux 80 % dont la valeur en est (MoM, de l'anglais multiple of median) se calcule
supérieure. Cette méthode ne nécessite pas que en divisant la valeur observée de la variable chez
la variable suive une distribution dite normale un individu par la médiane de cette variable dans
dans la population étudiée (répartition symé- la population (valeur séparant cette population en
trique des valeurs autour de la moyenne selon deux groupes égaux). Ainsi, 0,5 MoM correspond
une courbe de Gauss). à une valeur égale à la moitié de la valeur médiane,
1 MoM à une valeur égale à la médiane et 3 MoM
à une valeur égale au triple de la médiane. Elle a
Déviation standard et Z-score pour avantage de pouvoir être utilisée quand la
Ces deux dénominations correspondent à une répartition des valeurs ne suit pas une loi normale
méthode identique de comparaison de la valeur et d'être adaptée à la description des valeurs
d'une variable observée chez un individu à sa extrêmes. Elle a cependant comme inconvénient
répartition dans une population. Il s'agit de la d'être peu adaptée aux variables dont la variabilité
position de la valeur observée chez cet individu est faible autour de la moyenne (par exemple la
en nombre d'écarts-types par rapport à la natrémie).
moyenne de cette population. Ainsi, pour une
variable étudiée ayant, dans une population, Performances diagnostiques
une valeur de moyenne de 10 et d'écart-type 1,
une valeur observée de 8 chez un individu donné Les performances propres d'un test diagnostique
le positionnera à –2 déviations standards (DS) peuvent être évaluées par sa sensibilité (Se) et sa
[ou Z = –2] (moyenne moins deux écarts-types) ; spécificité (Sp). Ces deux caractéristiques sont
une valeur de 11, à + 1 DS (Z = + 1) [moyenne inhérentes au test utilisé et indépendantes de la fré-
plus un écart-type]. L'intérêt de ces deux unités quence de la maladie dans la population étudiée.
descriptives est une meilleure description des
valeurs extrêmes. Ainsi –3, –4 ou –6 DS, valeurs Sensibilité
très différentes dans l'absolu, auront comme
équivalence une valeur inférieure au 1er percen- C'est la capacité d'un test diagnostique à identifier
tile (tableau 1.1). Elles ont comme principaux la maladie chez les individus atteints. Il s'agit de la
inconvénients de ne s'appliquer qu'aux variables proportion d'individus ayant un test positif parmi
suivant des distributions normales et d'être les sujets atteints.
moins accessibles à la compréhension que les
percentiles. Spécificité
C'est la capacité de ce test à identifier l'absence de
la maladie chez les individus sains. Il s'agit de la
Tableau 1.1. Équivalences entre percentiles proportion d'individus ayant un test négatif parmi
et déviation standard et Z-score. les sujets sains.
Centile DS ou Z-score
0,134 –3
2,2 –2 Problématique du dépistage
3 –1,88
L'objectif du dépistage et du diagnostic du RCIU
5 –1,64 est d'en limiter les conséquences en termes de
10 –1,28 morbidité et de mortalité périnatales, tout en
16 –1 limitant la iatrogénie liée à une prise en charge
50 0
excessive des cas ne correspondant pas à une
situation pathologique (angoisse parentale, pré-
90 + 1,28 maturité induite, césarienne, coûts de santé liés à

4
Chapitre 1. Définition du retard de croissance intra-utérin

une prise en charge inutile). Les choix de la description générale des poids de naissance ne
variable utilisée, du référentiel et du seuil servant tenant pas compte des déterminants physiolo-
de norme sont déterminants dans l'optimisation giques de la croissance fœtale propres à l'individu
des performances diagnostiques. étudié (sexe, origine géographique, taille des
parents, etc.).
Choix de la variable Le développement de courbes de croissance indivi-
duelles ajustées (customisées) sur ces principaux
La variable utilisée pour diagnostiquer la patholo- déterminants physiologiques de la croissance
gie doit être aisément accessible à la mesure et dis- fœtale présente l'avantage de s'affranchir de ce
criminante. Sa mesure doit par ailleurs être valide biais de confusion. Ces courbes sont obtenues par
(représenter la réalité) et fiable (répétable et repro- modélisation mathématique de la croissance indi-
ductible). S'agissant du dépistage du RCIU, l'esti- viduelle d'un fœtus à partir de variables person-
mation échographique du poids fœtal (EPF) et la nelles (sexe fœtal, parité, origine géographique,
mesure du périmètre abdominal (PA) sont les plus taille et poids préconceptionnels de la mère). Le
couramment utilisées. Elles présentent des per- développement des modèles permettant la créa-
formances diagnostiques similaires. tion des courbes individuelles doit cependant être
propre à chaque population et nécessite donc un
Choix d'un référentiel important travail de recueil de données épidé-
miologiques et de validation de ces modèles.
L'utilisation d'un référentiel décrivant la distribu- Cette méthode représente vraisemblablement une
tion de la variable étudiée dans la population avancée importante dans l'amélioration des per-
générale permet de comparer la valeur observée formances du dépistage anténatal du RCIU.
chez l'individu soumis au dépistage. Cette distri-
bution doit correspondre à celle de la population Choix d'un seuil
dont est issu l'individu dépisté.
S'agissant de l’estimation du poids fœtal, les valeurs Le seuil choisi afin de considérer un individu
observées d'EPF chez les individus devraient être comme « malade » doit être le plus discriminant
idéalement comparées à des courbes décrivant la possible, en offrant une Se et une Sp maximales
répartition des EPF dans la population. Mais l'ab- afin de limiter le nombre de faux négatifs et de
sence de disponibilité de courbes d'EPF validées fait faux positifs.
souvent préférer, comme référentiel, les courbes de Un seuil trop élevé (20e percentile) dépistera la
poids de naissance. Cependant, l'utilisation de ces plupart des cas de RCIU (vrais positifs) mais
dernières est la source d'un biais de sélection res- considérera comme atteints de nombreux fœtus
ponsable d'une diminution de la Se du dépistage. En sains (faux positifs), source d'autant de prises en
effet, le RCIU représente un important facteur de charge inutiles voire iatrogènes. A contrario, un
risque de prématurité, principalement induite. La seuil trop faible (3e percentile) manquera nombre
proportion des fœtus atteints d'un RCIU augmente d'authentiques cas de retard de croissance (faux
donc avec la diminution de l'âge gestationnel (cor- négatifs), source de morbimortalité néonatale. Il
rélation négative). Ainsi, pour les âges gestationnels limitera cependant le nombre de faux positifs. Le
peu avancés, comparer l'EPF d'un individu à une seuil diagnostique communément admis, qu'il
distribution des poids de naissance pour cet âge, où s'agisse du PA ou de l'EPF, est le 10e percentile.
il existe une surreprésentation des cas de RCIU,
pourra mener à le considérer à tort comme eutrophe
(faux négatif), car au-delà du seuil diagnostique
communément admis. Pour s'affranchir de ce biais
Prévalence et conséquences du
inhérent aux courbes de poids de naissance, le seuil retard de croissance intra-utérin
diagnostique devrait donc diminuer avec l'augmen-
tation de l'âge gestationnel. Prévalence
Par ailleurs, les courbes d'EPF et de poids de nais- La fréquence théorique de l'hypotrophie et donc
sance en population ne représentent qu'une de sa cause, le RCIU, est de 10 %, car elle est

5
Partie I. Définition et épidémiologie

conditionnée par le seuil diagnostique communé- diminution statistiquement significative en cas


ment utilisé du 10e percentile. d'antécédent d'hypotrophie. Cependant, cette
La proportion de cas d'hypotrophie non diagnos- différence apparaît cliniquement minime (diffé-
tiqués en période anténatale est estimée à environ rence de 2 à 4 points de QI entre les sujets
30 % des enfants hypotrophes. eutrophes et hypotrophes).

Conséquences Morbidité métabolique


Mortalité périnatale L'association entre retard de croissance et morbi-
dité métabolique à long terme est largement
L'incidence de la mortalité périnatale (mort fœtale débattue dans la littérature. Elle serait la consé-
in utero [MFIU] et mortalité néonatale) est corré- quence de mécanismes épigénétiques de « repro-
lée à la sévérité de l'hypotrophie. Le risque relatif grammation génétique in utero » secondaires à
de décès périnatal, comparé à celui d'un enfant l'insuffisance des apports énergétiques durant la
eutrophe, est estimé à 2 entre le 3e et le 10e percen- vie fœtale. Dans de nombreuses études, il a été
tile et à 6 sous le 3e percentile. mis en évidence une association entre hypotro-
phie néonatale (au sens statistique du terme) et
Prématurité morbidité métabolique, mais la prolongation de
cette association au RCIU reste difficile à évaluer
Le RCIU est un facteur de risque de prématurité du fait de l'existence de nombreux biais.
généralement induite (indication d'extraction
pour complication aiguë ou stagnation de la crois- Les adultes nés hypotrophes ont en moyenne une
sance). Cependant, il semble que l'hypotrophie taille à l'âge adulte significativement inférieure à
fœtale représente également un facteur de risque celle de ceux nés eutrophes. Cependant, la pré-
de prématurité spontanée, sans que l'on puisse sence, dans nombre de cas d'hypotrophie, d'en-
toutefois en expliquer les mécanismes. fants « constitutionnellement petits » laisse penser
que ceux-ci sont responsables d'une part impor-
tante de cette différence observée.
Complications néonatales
Par ailleurs, l'association parfois observée entre
Comme pour la mortalité, on constate une aug- hypotrophie néonatale et augmentation de l'in-
mentation de l'incidence des complications néo- cidence de l'obésité et du syndrome métabolique
natales avec la sévérité de l'hypotrophie persistant pourrait être en partie ou entièrement liée au
après ajustement sur le terme de naissance. C'est biais de confusion que représente la surnutrition
le cas des détresses respiratoires, des hémorragies à laquelle sont exposés de nombreux enfants
intraventriculaires sévères (grade 3–4), des pH hypotrophes par leur entourage médical ou
inférieurs à 7 et des convulsions néonatales surve- familial.
nant dans les 24 premières heures de vie.

Complications neurologiques Références


dans l'enfance Guellec I, Lapillonne A, Renolleau S, Charlaluk ML,
Roze JC, Marret S, et al. Neurologic outcomes at
Par ailleurs, l'incidence des complications neuro- school age in very preterm infants born with severe
logiques dans l'enfance semble clairement aug- or mild growth restriction. Pediatrics 2011 ; 127 (4) :
mentée en cas d'hypotrophie. Ainsi a-t-il été mis e883–91.
en évidence, chez les enfants nés hypotrophes, Jarvis S, Glinianaia SV, Torrioli MG, Platt MJ, Miceli M,
une augmentation de l'incidence des troubles Jouk PS, et al. Cerebral palsy and intrauterine growth
in single births : European collaborative study.
cognitifs mineurs, des syndromes d'hyperacti-
Lancet 2003 ; 362 (9390) : 1106–11.
vité avec inattention, des difficultés scolaires
Lackman F, Capewell V, Richardson B, daSilva O,
mais aussi des cas de paralysie cérébrale. Gagnon R. The risks of spontaneous preterm deli-
S'agissant des troubles cognitifs à long terme, very and perinatal mortality in relation to size at
l'évaluation du quotient intellectuel (QI) à l'âge birth according to fetal versus neonatal growth stan-
adulte montre dans certaines études une dards. Am J Obstet Gynecol 2001 ; 184 (5) : 946–53.

6
Chapitre 1. Définition du retard de croissance intra-utérin

McIntire DD, Bloom SL, Casey BM, Leveno KJ. Birth Neitzke U, Harder T, Plagemann A. Intrauterine growth res-
weight in relation to morbidity and mortality among triction and developmental programming of the meta-
newborn infants. N Engl J Med 1999 ; 340 (16) : bolic syndrome : a critical appraisal. Microcirculation
1234–8. 2011 ; 18 (4) : 304–11.
Meas T, Deghmoun S, Armoogum P, Alberti C, Levy- Paz I, Laor A, Gale R, Harlap S, Stevenson DK,
Marchal C. Consequences of being born small for ges- Seidman DS. Term infants with fetal growth restric-
tational age on body composition : an 8-year follow-up tion are not at increased risk for low intelligence
study. J Clin Endocrinol Metab 2008 ; 93 (10) : 3804–9. scores at age 17 years. J Pediatr 2001 ; 138 (1) : 87–91.

7
Conséquences Chapitre 2
médicoéconomiques
du retard de croissance
intra-utérin
Vassilis Tsatsaris, Antoine Agman

Les coûts médicosociaux liés au retard de crois- considérable. À titre d'exemple, un nouveau-né
sance intra-utérin (RCIU) sont mal évalués, mais prématuré et hypotrophe qui reste en réanima-
les données actuellement disponibles montrent tion pendant 21 jours puis passe en néonatologie
qu'ils sont majeurs. En effet, nous disposons de pendant 4 semaines représente un coût de
peu d'études s'intéressant précisément aux consé- 33 200 euros (évaluation T2A selon la grille 2007).
quences médicoéconomiques liées au RCIU. Le Par la suite, les enfants nés avec un RCIU néces-
plus souvent, il s'agit d'études pédiatriques s'inté- sitent un suivi pédiatrique vigilant et sont expo-
ressant aux coûts des enfants nés avec un très petit sés, à l'âge adulte, aux complications métaboliques
poids de naissance (low birth weight des Anglo- (diabète, troubles lipidiques) et aux maladies car-
Saxons), ce qui correspond essentiellement à des diovasculaires. Aux États-Unis, une évaluation du
enfants prématurés. Ces études ne tiennent pas surcoût des enfants de 0 à 15 ans nés avec un petit
compte des surcoûts prénatals liés à la prise en poids a été effectuée en 1995. Il représentait 6 mil-
charge obstétricale, des surcoûts périnatals liés à liards de dollars de plus que si ces enfants étaient
l'excès de morbidité des enfants hypotrophes par nés à terme et de poids normal. Les auteurs
rapport aux enfants eutrophes, ni des surcoûts concluaient que les coûts des enfants nés avec un
indirects à long terme liés aux conséquences petit poids de naissance représentaient 10 % de
métaboliques du RCIU (diabète, troubles lipi- tous les coûts de santé pédiatrique, et étaient plus
diques, maladies cardiovasculaires). Une étude importants que les coûts directs de personnes
réalisée au Royaume-Uni, publiée en 2009, a mon- séropositives pour le virus de l'immunodéficience
tré que la prise en charge jusqu'à l'âge de 18 ans humaine (VIH), tous âges confondus.
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des enfants nés prématurés coûtait 1,12 milliard


d'euros par an. Retarder la naissance prématurée
de 1 semaine économiserait chaque année envi-
Surcoûts obstétricaux liés au
Le retard de croissance intra-utérin

ron 265 millions d'euros.


La France, comme la plupart des pays développés, retard de croissance intra-utérin
permet la prise en charge et la réanimation de
nouveau-nés de très petit poids de naissance, ne Le suivi des patientes ayant un RCIU est plus rappro-
dépassant parfois pas 500–600 g. Ces enfants très ché et nécessite plus de bilans biologiques et échogra-
hypotrophes restent en milieu hospitalier jusqu'à phiques ainsi que plus d'hospitalisations prolongées.
avoir atteint un poids convenable (environ Ces patientes ont également recours à des modalités
2500 g). Leur prise en charge représente un coût de surveillance telles que l'hospitalisation à domicile

9
Partie I. Définition et épidémiologie

(HAD) ou la surveillance par télémonitoring, dont biologiques était également significativement plus
les coûts ne peuvent être évalués par la comptabilité important. Au total, les coûts étaient de 10 087 €
des séjours hospitaliers conventionnels. Aucune éva- par patiente en cas de RCIU contre 955 euros par
luation du surcoût obstétrical n'est actuellement dis- patiente pour le groupe témoin. La part la plus
ponible dans la littérature. importante de ces surcoûts était liée aux journées
En 2011, nous avons réalisé une étude préliminaire d'hospitalisation conventionnelle et aux examens
du coût obstétrical de la prise en charge du RCIU biologiques. Cette étude, bien que grossière,
dans notre maternité. Il s'agissait d'une étude montre l'importance des surcoûts prénataux liés
rétrospective cas/témoin portant sur 35 patientes au RCIU et confirme la nécessité de les évaluer
présentant une RCIU et 35 patientes avec une plus précisément.
grossesse menée à terme sur la même période. Il ne
s'agissait que de grossesses uniques. Nous avons
effectué une évaluation des coûts maternels directs
à partir du moment où le RCIU a été diagnostiqué
Surcoûts pédiatriques liés au
jusqu'à la sortie de la maternité. Comme attendu, retard de croissance intra-utérin
les patientes du groupe RCIU présentaient
significativement plus de césariennes (83 % contre Le surcoût économique lié aux enfants de petit
17 %), plus de prééclampsies (71 % contre 8 %), poids de naissance a été évalué à 10 % des dépenses
un âge gestationnel à la naissance plus précoce de santé pédiatrique aux États-Unis. Une aug-
(33 semaines d'aménorrhée [SA] + 5 j contre 40 SA mentation de 250 g de poids de naissance ferait
+ 4 j) et un poids de naissance plus faible (1391 g réaliser une économie de 12 000 à 16 000 $ de
contre 3332 g). On notait plus de consultations soins durant la première année de vie.
spécialisées, notamment dans l'unité de diagnostic Une récente étude norvégienne a évalué les coûts
anténatal, plus de gestes invasifs (amniocentèses, directement liés aux hospitalisations d'enfants nés
biopsies de villosités choriales), plus d'hospitalisations avec un petit poids de naissance (< 1500 g). La
conventionnelles mais aussi en hôpital de jour ou en durée d'hospitalisation est d'autant plus impor-
HAD. Comme précédemment décrit dans la tante que l'âge gestationnel à la naissance était
littérature, le nombre d'échographies et d'examens précoce. Comme le montre la figure 2.1, les coûts

180 000
Initiale
160 000 1re année
2e année
140 000 3e année
4e année
120 000

100 000

80 000

60 000

40 000

20 000

0
23 24-25 26-27 28-29 30-31 ≥ 32 Tous
Âge gestationnel à l’accouchement
Figure 2.1. Coûts liés aux hospitalisations lors des 4 premières années après la naissance.
D'après Korvenranta et al., 2010.

10
Chapitre 2. Conséquences médicoéconomiques du retard de croissance intra-utérin

étaient majeurs (en moyenne 100 000 € par enfant Tableau 2.1. Morbidité néonatale parmi
né entre 26 et 28 SA) et directement liés à l'âge les enfants prématurés nés hypotrophes
gestationnel à la naissance. ou eutrophes.
Une seconde étude réalisée par la même équipe a Poids de naissance
évalué l'impact des très petits poids de naissance ≤3 e
25e–75e
sur les coûts de santé pendant les 5 premières percentile percentile
années de vie. Cette étude a montré qu'au-delà des pH artériel au cordon 1,3 % 0,9 %
coûts liés aux séjours hospitaliers prolongés, les < 7,0
enfants nés avec un petit poids de naissance VIH grade 3 ou 4 3,2 %* 1,5 %
(< 1500 g) sont très consommateurs de soins
extrahospitaliers, et cela était également d'autant Complications 22,5 %* 12,6 %
respiratoires avec
plus marqué que l'âge gestationnel à la naissance ventilation mécanique
était précoce (figure 2.2).
Entérocolite 1,1 % 0,6 %
Comme nous l'avons vu, ces coûts ne concernent
pas spécifiquement les enfants hypotrophes, mais Sepsis 2,1 % 1,2 %
tous les enfants prématurés. On peut penser que les Décès 6,9 %* 2,0 %
coûts de santé sont plus importants pour les enfants * Différence significative.
hypotrophes que pour les enfants eutrophes. En D'après McIntire et al., 1999.
effet, il est maintenant bien démontré que les
enfants hypotrophes présentent un excès de mor-
bidité par rapport aux enfants eutrophes. L'étude Surcoûts à long terme liés au
princeps est celle de McIntire publiée dans le New retard de croissance intra-utérin
England Journal of Medicine en 1999 (tableau 2.1),
mais ces données ont été confirmées dans l'étude Une étude américaine publiée en 2010 a évalué
Epipage par Larroque et al. le devenir à l'âge adulte des individus nés avec

3500

3000

2500 Autres
Orthophonistes
Infirmières
2000 Psychologues
Euros Kinésithérapeutes
1500 Diététiciens
Hospitalisations
Cs hors urgences
1000
Cs aux urgences

500

0
24-25 26-27 28-29 30-31 32+ Terme
Âge gestationel (SA)
Figure 2.2. Coûts moyens lors de la 5e année de vie en fonction du terme de naissance.
D'après Korvenranta et al., 2010.

11
Partie I. Définition et épidémiologie

un très petit poids de naissance. Même après Références


ajustement sur l'environnement familial, ceux-
ci avaient moins de chances de terminer leur Barker DJ, Osmond C. Infant mortality, childhood nutri-
tion, and ischaemic heart disease in England and
cursus scolaire secondaire et d'entrer à l'univer- Wales. Lancet 1986 ; 1 (8489) : 1077–81.
sité. Par rapport à un groupe contrôle, le retard
Brodszki J, Morsing E, Malcus P, Thuring A, Ley D,
de niveau d'éducation était estimé à 1 an. Parmi Marsál K. Early intervention in management of very
les individus actifs, le niveau de salaire était de preterm growth-restricted fetuses : 2-year outcome
27 % inférieur à celui des individus témoins. Ces of infants delivered on fetal indication before 30 ges-
différences étaient retrouvées pour les hommes, tational weeks. Ultrasound Obstet Gynecol 2009 ; 34
mais pas pour les femmes. (3) : 288–9.
Gilbert WM, Danielsen B. Pregnancy outcomes associa-
Une étude sur la population de Haguenau s'est
ted with intrauterine growth restriction. Am J Obstet
intéressée aux difficultés scolaires liées à l'hypo- Gynecol 2003 ; 188 (6) : 1596–9.
trophie fœtale à terme. Il s'agissait de naissances Korvenranta E, Lehtonen L, Rautava L, Häkkinen U,
entre 1971 et 1978. L'hypotrophie fœtale était Andersson S, Gissler M. et coll. ; PERFECT Preterm
associée à plus de difficultés scolaires et à un taux Infant Study Group. Impact of very preterm birth on
de réussite au baccalauréat moindre que dans le health care costs at five years of age. Pediatrics 2010 ;
groupe d'individus nés eutrophes. Cette diffé- 125 (5) : e1109–14.
rence était d'autant plus notable que le périmètre Korvenranta E, Linna M, Rautava L, Andersson S,
crânien à la naissance était petit. Gissler M, Hallman M. et coll. ; Performance,
Effectiveness, and Cost of Treatment Episodes
S'ajoutent à cela les complications médicales à long (PERFECT) Preterm Infant Study Group. Hospital
terme liées au RCIU, comme l'ont bien démontré costs and quality of life during 4 years after very
les théories de programmation fœtale. Le RCIU est preterm birth. Arch Pediatr Adolesc Med 2010 ; 164
associé à un excès d'hypertension artérielle, à (7) : 657–63.
l'athérosclérose, au diabète et à l'hyperlipidémie. Larroque B, Ancel PY, Marret S, Marchand L, André M,
Les maladies cardiovasculaires sont actuellement Arnaud C. et coll. ; EPIPAGE Study group.
Neurodevelopmental disabilities and special care of
la première cause de mortalité dans les pays indus- 5-year-old children born before 33 weeks of gestation
trialisés ; leur traitement représente les coûts théra- (the EPIPAGE study) : a longitudinal cohort study.
peutiques les plus importants dans les pays Lancet 2008 ; 371 (9615) : 813–20.
industrialisés. Les antiagrégants plaquettaires et les Larroque B, Bertrais S, Czernichow P, Leger J. School dif-
statines sont en première ligne. À titre d'exemple, ficulties in 20-year-olds who were born small for ges-
en 2009, l'atorvastatine (Lipitor Pfizer®) était le tational age at term in a regional cohort study.
médicament le plus vendu dans le monde, avec un Pediatrics 2001 ; 108 (1) : 111–5.
coût estimé de 13,288 milliards de dollars. Lewit EM, Baker LS, Corman H, Shiono PH. The direct
cost of low birth weight. Future Child 1995 ; 5 (1) :
35–56.
Conclusion McIntire DD, Bloom SL, Casey BM, Leveno KJ. Birth
weight in relation to morbidity and mortality among
newborn infants. N Engl J Med 1999 ; 340 (16) :
De par ses liens avec la prématurité et ses consé- 1234–8.
quences à long terme, le RCIU représente des
Rogowski J. Measuring the cost of neonatal and perinatal
coûts de santé considérables mais encore mal éva- care. Pediatrics 1999 ; 103 (1 suppl E) : 329–35.
lués. Des études médicoéconomiques sont indis- Rogowski JA, Horbar JD, Plsek PE, Baker LS, Deterding J,
pensables pour évaluer les coûts directs et Edwards WH, et al. Economic implications of neo-
indirects prénatals, pédiatriques et à long terme natal intensive care unit collaborative quality impro-
liés au RCIU. vement. Pediatrics 2001 ; 107 (1) : 23–9.

12
Biométries fœtales1 Chapitre 3
Gilles Grangé

Biométrie de datation patientes ont souvent un souvenir vague de cette


date, mais en plus, pour peu que les cycles soient
irréguliers ou qu'il y ait quelques saignements en
La biométrie de datation repose sur la longueur
début de grossesse, les pistes sont brouillées.
craniocaudale (LCC) au premier trimestre et sur
Rappelons ici que le dosage sérique des β-HCG n'a
le périmètre crânien (PC) aux deuxième et troi-
aucun intérêt dans la datation. Pour autant, il n'y
sième trimestres. Elle permet essentiellement une
a pas lieu de faire une échographie ultraprécoce
meilleure gestion de fin de grossesse, notamment
dans le but de dater la grossesse. L'examen cli-
en diminuant la proportion de patientes considé-
nique, avec l'évaluation du volume utérin, permet
rées à tort comme dépassant leur terme, situation
d'ajuster le moment de la première échographie.
jadis fréquente. Grâce à elle, les risques d'accou-
chement prématuré sont mieux pris en charge, et
le traitement adapté au terme. Elle permet d'inter- Premier trimestre : mesure
préter la biométrie de croissance plus précoce-
ment et de manière plus pertinente. Enfin, elle
de la longueur craniocaudale
rend possible le calcul de risque d'aneuploïdie La mesure de la LCC se fait idéalement sur
pour les patientes qui le souhaitent. une coupe sagittale embryonnaire (figure 3.1).
La datation de grossesse calculée par la date des L'embryon doit remplir au moins les trois quarts
dernières règles est imprécise. Non seulement les de l'image échographique. Il doit être en position
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Le retard de croissance intra-utérin

Figure 3.1. Mesure de la longueur craniocaudale au premier trimestre.

1. Ce chapitre est issu de l'ouvrage Guide pratique de l'échographie obstétricale et gynécologique, de G. Grangé, hors
collection, Elsevier-Masson, 2012.

13
Partie I. Définition et épidémiologie

14
13
12

Âge gestationnel et SA
11
10
9
8
7
6
5
4
0 10 20 30 40 50 60 70 80
LCC en mm
Figure 3.2. Courbe de l'âge gestationnel (en semaines d'aménorrhée) en fonction de la longueur
craniocaudale (en millimètres).
D'après Wisser et coll., 1994.

neutre : la tête ne doit être ni fléchie, ni en hyper­ transverse et la longueur de la diaphyse fémorale
extension. La mesure se fait du sommet de la tête (appelée « fémur » en clinique). Parmi ces quatre
jusqu'à la partie la plus basse des fesses (l'extré- paramètres, c'est le PC qui est le plus précis, même
mité caudale). en cas de retard de croissance intra-utérin (RCIU)
Cette mesure est rendue au millimètre près (tableau 3.1).
(figure 3.2). Une mesure au dixième de millimètre Plus la date de l'accouchement se rapproche et
n'a aucun sens, car d'une part elle dépasse les capa- plus la datation est difficile. Vers 32 semaines
cités biophysiques des ultrasons, et d'autre part elle d'aménorrhée (SA), le PC permet une datation à
serait bien en deçà de la variabilité intraobserva- ± 3 semaines, alors qu'elle est de ± 2 semaines
teur de cette mesure. vers 22 SA (au 95e percentile). En cas de difficul-
Plusieurs courbes de référence existent dans la lit- tés persistantes après cette première échographie
térature. Elles sont cohérentes entre 10 et 60 mm. tardive, une deuxième peut être proposée 2 à
Ce n'est pas le cas en deçà ou au-delà. La meilleure 3 semaines plus tard pour évaluer la croissance
variabilité se trouve dans cet intervalle. Il faut et conclure sur le terme.
donc attendre au moins 10 mm de longueur La datation de grossesse consiste actuellement à
embryonnaire pour faire une datation précise. estimer la date la plus probable de début de gros-
L'intervalle de prédictivité de la LCC est de ± 3 jours sesse grâce à l'échographie et à l'interrogatoire. En
pour 75 % des embryons, de ± 4 jours pour 90 % des fait, plusieurs travaux ont montré que l'échogra-
embryons, de ± 5 jours pour 95 % des embryons et phie était plus précise pour calculer la durée res-
de ± 8 jours pour la quasi-totalité des embryons. tante de la grossesse plutôt que la durée déjà
Ces chiffres sont communs à toute la littérature. écoulée. Comme la date exacte de conception nous
intéresse peu, il est probable qu'un jour nous date-
Ainsi, retenons l'intervalle de prédictivité au
rons les grossesses en temps restant théorique.
95e percentile : ± 5 jours, c'est-à-dire 10 jours. Ces
notions sont applicables quelles que soient les cir-
constances ou les variabilités maternelles.

Biométries de croissance
Deuxième et troisième trimestres
Définitions
Aux deuxième et troisième trimestres, quatre para-
mètres ont été étudiés largement dans la littérature : La biométrie de trophicité a pour objectif de
le diamètre bipariétal, le PC, le diamètre cérébelleux dépister une hypotrophie. L'hypotrophie est par

14
Chapitre 3. Biométries fœtales

Tableau 3.1. Datation aux deuxième


et troisième trimestres.
Paramètre Âge gestationnel (SA)
12–18 18–24 24–30 30–36
BIP ±8 ± 13 ± 18 ± 24
PC ±7 ± 10 ± 15 ± 20
Cervelet ± 11 ± 12 ± 20 NA
Fémur ±8 ± 12 ± 17 ± 22
Intervalle de prédictivité (en jours) au 90e percentile de
l'estimation de la date de début de grossesse pour chaque
paramètre selon la période de l'échographie. Le 90e percentile
signifie que la date réelle a 90 % de chances d'être dans
l'intervalle défini. Pour connaître l'intervalle de prédictivité au
95e percentile, il convient d'augmenter les chiffres d'environ
20 %. Le meilleur paramètre est celui qui a le plus petit
intervalle.
NA : non applicable. Le cervelet est très difficile à mesurer au
Figure 3.3. Coupe axiale de l'abdomen
troisième trimestre, il est alors sujet à une grande variabilité. recommandée par le rapport du Comité
D'après Altman et coll., 1997.
technique sur l'échographie de dépistage.
VO : veine ombilicale
E : estomac
Corps vertébral
définition un poids de naissance inférieur à un Surrénale ...ú
seuil, en général le 10e percentile. Aorte —
Rappelons que l'échographie est un examen de Veine porte ∑
dépistage. On parle de suspicion d'hypotrophie Sinus porte °
modérée quand le périmètre abdominal (PA) ou
l'estimation de poids fœtal est entre le 3e et le est aussi une coupe thoracique basse. Elle passe,
10e percentile ; de suspicion d'hypotrophie sévère en arrière, par les surrénales et, au milieu, par le
quand l'un des deux paramètres est inférieur au sinus porte, qui est l'abouchement de la veine
3e percentile. La notion de suspicion d'hypotrophie ombilicale dans la veine porte.
est ponctuelle, en ce sens qu'elle est l'interprétation
Les surrénales ne sont pas toujours bien visibles à
d'un examen à une date donnée. Elle ne prend pas
l'échographie : il faut veiller à être au-dessus des
en compte la notion de croissance. Le RCIU repré-
reins et en dessous des poumons. Il faut s'attacher
sente, lui, une diminution de la vitesse de crois-
à horizontaliser l'axe veine ombilicale-vertèbre en
sance par rapport à une pente de référence.
glissant la sonde vers la droite ou vers la gauche du
Pour diagnostiquer un RCIU, il faut au moins deux plan de coupe. L'image doit être suffisamment
examens échographiques éloignés dans le temps agrandie pour occuper les deux tiers de l'écran.
avec un changement notable de percentile du PA ou Cette coupe visualise symétriquement les deux ou
de l'estimation de poids fœtal. On parle aussi d'apla- trois dernières côtes. Dans la littérature, l'estomac
tissement de la courbe ou de diminution du Z-score. est un bon repère pour cette coupe. Mais il arrive
Une suspicion d'hypotrophie et une suspicion de parfois qu'il soit juste en dessous. La mesure se fait
RCIU sont donc deux notions différentes. Il faut grâce à la méthode de l'ellipse : les repères (cali-
savoir les différencier pour interpréter correcte- pers) sont disposés de part et d'autre de l'abdomen
ment la biométrie. à la surface cutanée, définissant le diamètre abdo-
minal transverse. La validation du positionne-
ment permet l'apparition d'une ellipse sur l'écran,
Paramètres dont la taille doit être ajustée à la surface cutanée
de l'abdomen. Ainsi, deux autres calipers vont se
Périmètre abdominal positionner sur l'axe antéropostérieur de l'abdo-
Il se mesure sur une coupe axiale de l'abdomen men, permettant de finaliser le positionnement
(figure 3.3). C'est une coupe abdominale haute qui correct de l'ellipse.

15
Partie I. Définition et épidémiologie

Figure 3.5. Coupe du fémur recommandée par


Figure 3.4. Coupe axiale du périmètre crânien le rapport du Comité technique sur
recommandée par le rapport du Comité l'échographie de dépistage.
technique sur l'échographie de dépistage. Image de la surface externe diaphysaire fémorale. La
Cavité du septum pellucidum  mesure est effectuée sur un fémur horizontal sur l'écran.
Vallée sylvienne ...ú L'épaisseur du fémur est plus large.
Thalamus T et 3e ventricule ∑
Ventricule latéral —
l'écran, il semble exister un décalage des os sur la
ligne médiane. Ceci est dû à un artéfact de bord
qui ne doit pas être pris en compte. Il est préfé-
Périmètre crânien rable de prendre comme repère la partie distale de
La mesure du PC s'effectue sur une coupe l'image, qui n'est pas soumise à cet artéfact.
axiale de la boîte crânienne passant par le sep- Il faut avoir conscience que le standard de mesure
tum pellucidum en avant et juste au-dessus de n'était pas tout à fait le même jusqu'à un passé
la tente du cervelet en arrière. C'est aussi le plus proche, aboutissant à des normes un petit peu
grand PC visible à l'échographie (figure 3.4). inférieures à ce qu'elles sont aujourd'hui.
En pratique, il convient de positionner le troisième En cas de suspicion de microcéphalie, il est parfois
ventricule au centre de l'écran : celui-ci n'est certes utile de mesurer le diamètre fronto-occipital (DFO).
pas toujours bien visible, mais il est situé entre les Celui-ci se fait sur une coupe sagittale de la boîte
deux thalamus qui sont reconnaissables. La coupe crânienne en recherchant le plus grand diamètre qui
doit être symétrique : il faut donc décaler et incliner passe par la base de l'os frontal, la zone thalamique
la sonde vers le haut ou vers le bas puis horizontali- en avant et juste au-dessus de la tente du cervelet
ser la ligne médiane en glissant et roulant la sonde (confluent des sinus et citerne ambiante) en arrière.
vers la droite ou vers la gauche sur le même plan de
Le PC est alors calculé par la formule de l'ellipse :
coupe. Enfin, puisqu'on a pris soin de bien laisser le
troisième ventricule au milieu de l'écran, il suffit
d'effectuer une rotation de la sonde sur son axe 3,14 ´ ( BIP + DFO)
pour rechercher le plus grand PC qui correspondra PC =
2
à la coupe attendue. L'image doit être suffisamment
agrandie pour occuper les deux tiers de l'écran.
Les calipers sont positionnés à la surface de la
Fémur
table osseuse, sur l'os pariétal définissant le dia- C'est le fémur antérieur qui est mesuré, c'est-à-dire
mètre bipariétal ; la validation de cette mesure celui qui apparaît le plus proche de la sonde, en haut
permet l'apparition de l'ellipse sur l'image qui doit de l'écran. La zone focale doit être mise à son niveau
être adaptée à la surface osseuse de la boîte crâ- soit en la positionnant manuellement, soit en dimi-
nienne. Il faut noter que de part et d'autre de nuant suffisamment la profondeur de champ pour

16
Chapitre 3. Biométries fœtales

que la focale se mette automatiquement à mi-hau- dans la littérature pour interpréter des courbes de
teur de l'image en regard du fémur. Celui-ci doit croissance, comme la biométrie conditionnelle ou
être parfaitement horizontal sur l'écran afin que, d'autres évaluations chiffrées de la vitesse de
notamment au troisième trimestre, les épiphyses croissance. En pratique, ces méthodes sont seule-
n'apparaissent pas échogènes (figure 3-5). ment intéressantes pour la recherche. D'autres
Il faut également être attentif aux images qui peuvent paramètres de croissance ont été étudiés dans la
se situer entre la sonde et le fémur, particulièrement littérature comme l'épaisseur de la graisse sous-
un membre supérieur. En effet, un cône d'ombre lié cutanée, la distance joue à joue, etc. Tous se sont
à un avant-bras peut se projeter en regard d'une révélés de performance inférieure à la mesure du
extrémité fémorale raccourcissant artificiellement PA seul.
la mesure. L'image doit être suffisamment agran-
die pour occuper les deux tiers de l'écran. Quel est le meilleur paramètre
Les épiphyses ne doivent pas être prises dans la pour dépister un retard
mesure. Seule la diaphyse est prise en compte. Il
s'agit donc de la mesure de la seule diaphyse
de croissance intra-utérin ?
fémorale. L'examen des courbes ROC (receiver operating
À l'échographie, ce n'est pas toute l'épaisseur de la characteristics) comparant les différents para-
diaphyse fémorale qui est visible, mais sa surface. mètres échographiques montre la supériorité du
En effet, la différence d'impédance entre la struc- PA sur les autres paramètres échographiques et
ture osseuse et musculaire est telle que tous les son égalité avec l'estimation du poids fœtal
ultrasons sont réfléchis. En dessous, un cône (EPF) dans les populations à bas risque.
d'ombre est visible. C'est donc ce paramètre qui doit retenir l'attention.
Ainsi, si le fémur n'est pas parfaitement horizontal, Il faut être extrêmement prudent dans l'interpréta-
une image en club de golf est visible : c'est la lar- tion des autres mesures. En effet, un PA ou un fémur
geur de la diaphyse à sa jonction avec l'épiphyse. aux alentours du 3e percentile n'ont pas de significa-
tion particulière si leur croissance est régulière.
Performances d'une échographie La tentation habituelle consiste à rechercher un
maximum de paramètres pour augmenter la sensi-
La France offre une échographie au troisième tri- bilité au détriment de la spécificité. En réalité, si le
mestre de la grossesse aux environs de 32 SA. paramètre n'est pas adapté à ce qui est recherché, la
Plusieurs études ont recherché la performance de spécificité baisse et la sensibilité n'est pas améliorée.
cette échographie pour dépister les fœtus hypo- Dans les populations à haut risque de RCIU, un
trophes. Pour une spécificité de 95 %, l'ensemble des critère composite comme l'EPF est préférable. Il
études montrent une sensibilité de 50 % environ. convient d'associer au moins le fémur à la mesure
La performance de l'échographie est donc modeste du PA, ce qui se fait grâce à une formule d'estima-
si l'on considère de façon isolée l'examen du troi- tion de poids fœtal. La littérature en montre plu-
sième trimestre. Mais ce dernier doit être interprété sieurs intéressantes.
dans son contexte, c'est-à-dire : en fonction de Par son ancienneté, son universalité et son
l'échographie du deuxième trimestre, des antécé- adaptation à toutes les populations, c'est la for-
dents, du déroulement de la grossesse, de l'examen mule de Hadlock qui est la plus utilisée à travers
clinique, et si nécessaire des Doppler et de la vitalité le monde.
fœtale au sens large.
Pour améliorer les performances de l'échogra-
phie, il n'y a pas lieu de faire systématiquement log10 EPF = 1,326 + 0,0107 PC + 0,0438
une échographie supplémentaire en fin de gros-
sesse, sauf de façon argumentée par le clinicien. (
PA + 0,158 LF + 0,00326 PA × LF )
La performance de l'échographie pour dépister
un RCIU dépend de nombreux paramètres. Elle existe aussi avec deux paramètres (PA et lon-
Différentes méthodes mathématiques existent gueur du fémur [LF]) ou quatre (BIP, PC, PA et LF).

17
Partie I. Définition et épidémiologie

Elle est parfaitement adaptée aux hypotrophes au-dessus du 95e percentile), la différence entre
de toute étiologie dont ceux d'origine vascu- deux mesures est au-delà de ces chiffres.
laire, aux fœtus de poids standard et aux Par exemple : pour un PA de 200 mm, 95 % des
macrosomes. mesures d'un opérateur donné doivent être entre
Dans des mains entraînées, la qualité de la mesure 194 et 206 mm et pour deux opérateurs différents,
du PA n'est pas touchée par la quantité de liquide entre 190 et 210 mm. Ceci tient notamment à
amniotique ou le nombre de fœtus. Il convient l'obliquité de la coupe.
d'être minutieux et patient pour obtenir la meil-
leure coupe.
Il est préférable de prendre en compte la mesure du Conclusion
meilleur cliché, plutôt qu'une moyenne qui ne
serait alors que le reflet de l'imprécision de Au premier trimestre, la datation est la plus pré-
l'opérateur. cise pour une LCC entre 10 et 60 mm. Aux deu-
xième et troisième trimestres, c'est le PC qu'il faut
utiliser, quelles que soient les circonstances. Le
Pièges de la biométrie de trophicité meilleur paramètre pour évaluer la croissance
Quand a débuté la grossesse ? fœtale est le PA en population à bas risque ou
l'EPF en population à haut risque. Le paramètre
Avant de suspecter une hypotrophie, il faut véri- doit être évalué à plusieurs reprises au cours de la
fier la date de début de grossesse par tous les grossesse. Son analyse est inséparable d'une
moyens cliniques et échographiques possibles. approche de la vitalité fœtale et de l'examen
Doppler. L'approche de la biométrie de trophicité
Combien de temps faut-il entre se fait donc différemment en dépistage ou en
deux examens biométriques ? population à risque. Un quelconque facteur de
risque amène à augmenter le seuil de vigilance (le
Il existe une variabilité inter- et intraobservateur 10e percentile est utilisé), c'est-à-dire la sensibilité
sur les mesures biométriques. La croissance au détriment de la spécificité. En l'absence de fac-
fœtale entre deux examens doit donc être suffi- teur de risque, il faudra privilégier la spécificité,
sante pour être au-dessus de cette variabilité. En c'est-à-dire diminuer les faux positifs en baissant
pratique, pour deux opérateurs différents, il faut le seuil d'alerte (le 3e percentile est utilisé).
au moins 2 semaines d'intervalle pour que la pro-
babilité de conclure à tort à une hypotrophie soit
de moins de 10 %, l'idéal étant d'attendre
Références
3 semaines. Un examen biométrique a été fait au Altman DG, Chitty LS. New charts for ultrasound dating
temps T1 et un autre au temps T2 ; chaque mesure of pregnancy. Ultrasound Obstet Gynecol 1997 ; 10
est entachée d'une erreur (imprécision) liée à la (3) : 174–91.
variabilité alors que la croissance fœtale représen- Grangé G, Pannier E, Goffinet F, Cabrol D, Zorn JR.
tée par la courbe est régulière. Il suffit que la Dating biometry during the first trimester : accuracy
of an everyday practice. Eur J Obstet Gynecol Reprod
mesure au temps T1 ait été un peu surestimée et
Biol 2000 ; 88 (1) : 61–4.
celle au temps T2 un peu sous-estimée pour qu'il
Grangé G, Pannier E, Goffinet F, Zorn JR, Cabrol D.
soit conclu à tort à un RCIU. Ainsi, avec deux opé- Précision de la biométrie de datation a l'échographie
rateurs différents, à 32 et 34 SA, la probabilité de du premier trimestre dans la pratique courante.
conclure à tort à un RCIU est de 17 %. J Gynécol Obsté Biol Reprod 2003 ; 32 (3Pt 1) : 221–6
(Paris).
Hadlock FP, Harrist RB, Carpenter RJ, Deter RL, Park
Variabilité de la mesure SK. Sonographic estimation of fetal weight. The
du périmètre abdominal value of femur length in addition to head and abdo-
men measurements. Radiology 1984 ; 150 (2) :
Au 95e percentile, la variabilité interobservateur 535–40.
est de 5 % et la variabilité intraobservateur de 3 %. Jouannic JM, Grangé G, Goffinet F, Benachi A, Carbrol D.
C'est-à-dire que pour 1 fœtus sur 20 (les 5 % Validity of sonographic formulas for estimating fetal

18
Chapitre 3. Biométries fœtales

weight below 1250 g : a series of 119 cases. Fetal Salomon LJ. Comment déterminer la date de début de
Diagn Ther 2001 ; 16 : 254–8. grossesse ? J Gynécol Obstét Biol Reprod (Paris) 20
Kayem G, Grangé G, Bréart G, Goffinet F. Comparison of 11 ; 40 (8) : 726–33 (Paris).
fundal height measurement and sonographically Salomon LJ, Duyme M, Crequat J, Brodaty G, Talmant C,
measured fetal abdominal circumference in the pre- Fries N, et al. French fetal biometry : reference equa-
diction of high and low birth weight at term. tions and comparison with other charts. Ultrasound
Ultrasound Obstet Gynecol 2009 ; 34 (5) : 566–71. Obstet Gynecol 2006 ; 28 (2) : 193–8.
Mongelli M, Ek S, Tambyrajia R. Screening for fetal Wisser J, Dirsheld P. Estimation of gestationnal age by
growth restriction : a mathematical model of the transvaginal sonographic measurement of grea-
effect of time interval and ultrasound error. Obstet test embryonic length in dated human embryos.
Gynecol 1998 ; 92 : 908–12. Ultrasound Obstet Gynecol 1994 ; 4 : 457–62.

19
Courbes de croissance Chapitre 4
et définition du retard
de croissance intra-utérin
Anne Ego

L'impact de la prématurité et du retard de crois- aussi de faire un état des lieux sur leur évaluation
sance intra-utérin (RCIU) sur la santé périnatale dans la littérature, et de discuter les implications
est connu depuis très longtemps. Cependant, liées à leur utilisation dans la pratique clinique en
dans les années 1950–1960, l'âge gestationnel à médecine périnatale.
l'accouchement était mal connu ; les larges études
étudiant la relation entre poids et morbidité péri-
natale ont donc utilisé le critère grossier mais pré-
cis du faible poids de naissance, souvent considéré
Courbes de poids en population
comme un poids inférieur à 2500 g. Or il était bien Le poids de naissance est une mesure simple d'im-
sûr indispensable de distinguer le faible poids de portance majeure dans l'analyse et la surveillance
naissance de la prématurité et du RCIU. de la santé périnatale. La distribution du poids est
Les premières courbes de poids de naissance selon un des 10 indicateurs de santé fœtale et néonatale
l'âge gestationnel à l'accouchement ont été publiées utilisés dans l'étude PERISTAT de 2003. Depuis
dans les années 1960, rapidement suivies par de près d'un siècle, les courbes de poids à la naissance
nombreuses courbes de référence dans chaque se sont succédé dans la littérature. À partir des
pays. Ont suivi plus récemment des courbes de mots clés « norms », « references », « standards »,
référence de poids fœtal in utero. Ces deux types « charts » ou « curves », et de « fetal birthweight » ou
de courbe ont permis d'identifier les enfants de « neonatal birthweight », on peut recenser dans
petit poids pour un âge gestationnel donné, ce PubMed environ 80 références bibliographiques
défaut de poids étant défini par rapport au poids internationales présentant des courbes de poids.
moyen pour l'âge gestationnel. Les connaissances Certaines références ont maintenant plusieurs
sur ce facteur de risque, son contexte d'apparition
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

dizaines d'années et ne sont plus pertinentes


et ses conséquences sur la morbidité et la mortalité compte tenu de l'évolution des caractéristiques
périnatale, la santé de l'enfant, voire de l'adulte anthropométriques des populations et de l'amélio-
font l'objet d'une littérature abondante. ration de la méthodologie de construction d'une
Le retard de croissance intra-utérin

La question de la définition du RCIU n'est cepen- courbe de croissance depuis les recommandations
dant pas résolue. Ces 20 dernières années, un nou- de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en
veau concept selon lequel la norme de poids doit 1978. Il reste néanmoins difficile pour les clini-
être définie individuellement pour chaque enfant, ciens de trouver une courbe qui les satisfasse tota-
selon son potentiel de croissance, est largement lement. Beaucoup sont basées sur des séries
débattu. L'objectif de ce chapitre est de présenter hospitalières et présentent des biais de sélection
les différentes courbes de croissance existantes en liés à l'environnement de la population concernée,
montrant leurs principes de construction. C'est à ses caractéristiques sociodémographiques ou à la

21
Partie I. Définition et épidémiologie

particularité des services. Les courbes les plus 1967 à 1998 montre un gain de poids moyen à
anciennes regroupent fréquemment filles et gar- 40 semaines de 3,68 ± 0,05 g par an, soit un gain
çons, d'autres, plus récentes, multiplient au d'environ 100 g en 30 ans. On constate cette
contraire les paramètres de spécification du poids, même tendance dans l'Enquête nationale périna-
donnant des références par sexe, parité, ethnie… tale entre 1981 et 1995, avec une augmentation
ce qui complique leur utilisation. du poids des garçons de 3 459 à 3 510 g et des
De nombreuses disparités sont observées dans filles de 3 313 à 3 361 g à 40 semaines d'aménor-
les seuils de poids retenus par ces courbes. Elles rhée (SA). Cette évolution pourrait s'expliquer
s'expliquent par les caractéristiques des popula- dans certains pays par l'augmentation de l'indice
tions sélectionnées, ainsi que par des facteurs de masse corporelle en début de grossesse et de la
méthodologiques. prise de poids en cours de grossesse, ainsi que
par la diminution du tabagisme maternel.
Facteurs expliquant
les différences observées Origine des populations
Entre pays ou population, le travail réalisé par l'In-
Rôle du facteur temps ternational Collaborative Effort (ICE) on Birthweight
On constate d'importantes disparités du poids a montré que les écarts constatés sont parfois consi-
de naissance moyen à 40 semaines d'un pays à dérables. L'étude EuroNatal réalisée en Finlande,
l'autre, mais aussi d'une période à une autre Suède, Norvège, Danemark, Écosse, Pays-Bas et
dans des échantillons issus d'un même pays Belgique a vérifié l'hypothèse que le poids optimal
(figure 4.1). Globalement, on voit une tendance à moyen par population (celui associé à la plus faible
l'augmentation du poids de naissance au cours mortalité périnatale) était variable, et a conclu à
des décennies, et il existe des variations impor- l'importance de développer des références de
tantes de cette augmentation d'un pays à l'autre. poids de naissance spécifiques à chaque pays.
Plusieurs décennies se sont écoulées depuis la Compte tenu de l'origine ethnique et des caracté-
publication des premières courbes de croissance, ristiques anthropométriques d'une population,
et quelques travaux ont montré que le poids de la parité des femmes, des comportements ali-
moyen des nouveau-nés à terme a augmenté de mentaires, des caractéristiques géographiques du
50 à 100 g en une vingtaine d'années au Canada, lieu de résidence des patientes (l'altitude plus
au Royaume-Uni, en Finlande ou en Inde. particulièrement), le poids moyen des nouveau-
L'étude du registre des naissances en Norvège de nés peut varier de quelques centaines de grammes

3700
3650 Norvège
3600 RU
Suède Canada
3550 Irlande RU
Canada Australie
3500 Canada Allemagne USA
Poids (g)

3450
RU RU Italie Allemagne
3400 France
France
3350
3300
USA
3250
USA
3200
1950 1960 1970 1980 1990 2000
Année d’inclusion
Figure 4.1. Poids moyen (ou 50e percentile) à 40 semaines d'âge gestationnel suivant les années
d'inclusion dans les courbes étudiées.
D'après Ego et al., 2006.

22
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

à terme. En dehors de facteurs physiologiques ou témoigne de l'insatisfaction des cliniciens et


des pathologies maternelles ou fœtales retentis- des épidémiologistes qui les amène à construire
sant sur le poids, on connaît également le rôle très leur propre outil.
important du tabagisme et de facteurs sociaux
tels que le niveau d'éducation. Constitution des échantillons
Pour exemple, la comparaison des distribu-
Parmi les 19 courbes de poids de naissance rete-
tions du poids de naissance entre 1970 et 1984
nues dans une revue récente de la littérature, la
montre un écart de 358 g entre le poids de nais-
moitié avaient été réalisées à partir d'échantillons
sance médian des nouveau-nés de la population
non représentatifs de la population générale. Les
noire de Californie (3 186 g) et celui des bébés
variations importantes constatées dans un même
norvégiens (3 544 g). Au sein de l'Europe, dans
pays illustrent les conséquences du choix des
une période de temps relativement concentrée,
échantillons.
on constate une différence de 250 g du poids
moyen de la France à la Norvège en passant par Ainsi au Royaume-Uni, deux études en popula-
le Royaume-Uni. La description des échantil- tion ont donné des valeurs de poids moyen à
lons permet parfois d'analyser ces écarts : dans 40 semaines inférieures à celles de deux autres
les courbes canadiennes et américaines de études réalisées à partir de données de plusieurs
Usher et al., Arbuckle et al., Lubchenco et al. et maternités (3 415 et 3 400 g contre 3 535 et 3 582 g)
Brenner et al., les sujets d'origine caucasienne [figure 4.2]. Le poids des prématurés est en
représentent respectivement 100 %, 90 %, revanche plus faible dans ces deux séries hospita-
70 % et 53 % de la population. Comme autre lières. Parmi ces courbes anglaises, on constate
exemple, on peut citer la proportion de primi- une différence de poids de plus de 200 g à
pares de 33 % dans la courbe de Brenner et al. 32 semaines entre la courbe de Keen et Pearse et
contre 43 % dans celle d'Arbuckle et al. celle de Milner et al. Les facteurs qui distinguent
Certains auteurs proposent donc des valeurs ces études sont très nombreux : origine géogra-
de poids de naissance par gestité, parité, taille, phique, critères d'exclusion, datation de la gros-
poids maternel, race, consommation d'alcool, sesse, année d'étude…
de tabac, suivi de grossesse en privé ou public, La description de la méthodologie de certaines
et même classe sociale du mari. L'ensemble de publications permet parfois de formuler des
ces paramètres montre qu'il est difficile d'uti- hypothèses sur les différences. Dans la courbe
liser une courbe de poids à la naissance en anglaise de Wilcox, par exemple, les critères
dehors de la population à partir de laquelle elle d'exclusion stricts (grossesses multiples, mères
a été construite. Le nombre de courbes publiées transférées, anomalies congénitales, mort-nés)

3700

3200
Poids moyen (g)

Thomson et al. [23]


2700 Milner et al. [24]
Keen et al. [25]
Wilcox et al. [26]

2200

1700
32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44
Âge gestationnel (sem)
Figure 4.2. Poids moyen en fonction de l'âge gestationnel dans les courbes de poids à la
naissance au Royaume-Uni.
D'après Ego et al., 2006.

23
Partie I. Définition et épidémiologie

aboutissent à l'exclusion de 7,5 % de la popula- diabète…) étant plus fréquentes parmi les nais-
tion. La proportion de mères d'origine étrangère sances prématurées, cette sélection concerne
selon les échantillons peut aussi expliquer des plus fréquemment les petits âges gestationnels
écarts importants. que les enfants à terme. Cette perte d'effectif
peut poser des difficultés en réduisant les effec-
Choix de la population et norme tifs déjà faibles de l'extrême prématurité.
Dans l'ensemble des courbes disponibles dans la
littérature, la plupart des auteurs sélectionnent un Aspects méthodologiques
échantillon de nouveau-nés « en bonne santé », de dans la construction des
croissance supposée optimale, plutôt qu'un échan-
tillon représentatif de la population générale. Pour
courbes de poids de naissance
l'obstétricien ou le pédiatre, une bonne courbe de Datation clinique ou
poids est une courbe qui permettra d'identifier
échographique de la grossesse
correctement un retard de croissance, en raison
de son association avec la morbidité et la morta- Au fil des années, l'échographie obstétricale a
lité néonatales. La préoccupation liée au dépis- supplanté l'utilisation de la date des dernières
tage du retard de croissance est privilégiée par règles pour dater la grossesse. D'une courbe de
rapport à la perspective de décrire l'ensemble de la poids à la naissance à l'autre, la datation est tantôt
population. Dans le premier cas, l'échantillon doit basée sur la date des dernières règles seule, ou
sélectionner des nouveau-nés dont la croissance associée à la clinique, tantôt échographique seule,
est idéale, nouveau-nés qu'on peut qualifier de tantôt mixte. Le retentissement de l'utilisation de
« supernormaux » ; dans le second, l'échantillon de l'une ou l'autre de ces méthodes n'est pas négli-
population doit être représentatif de l'ensemble des geable, et le débat opposant les deux méthodes
nouveau-nés. dans la construction des courbes est ancien.
Lorsqu'une courbe de poids est réalisée avec l'en- Lorsque la date des dernières règles est utilisée,
semble de la population, elle donne le poids moyen des métrorragies du premier trimestre peuvent
des nouveau-nés, quel que soit leur état de santé. être confondues avec un cycle menstruel et le
Elle est un indicateur descriptif de santé périnatale terme de la grossesse est alors sous-estimé. Mais
qui peut être comparé d'une population à l'autre le plus souvent, la mesure de l'âge gestationnel est
ou dans le temps. La sélection d'enfants vivants surestimée, en raison de l'allongement de la phase
sans pathologie répond à un autre objectif, celui folliculaire qui retarde la date de la fécondation.
d'utiliser la courbe de poids comme un outil de D'après Kramer et al., sur 8 nouveau-nés considé-
dépistage du retard de croissance. L'utilisation rés comme post-terme (42 semaines et plus) avec
d'une courbe « supernormale » conduit à définir la datation échographique, 7 sont en réalité des
des seuils de poids de naissance plus élevés et per- enfants à terme lorsque la date des dernières règles
met le dépistage de davantage d'enfants de petit est utilisée. Cette erreur aboutit à l'observation de
poids pathologique. Les limites fixant la « norma- poids de naissance relativement bas chez des
lité » sont variables suivant les auteurs. enfants considérés comme post-termes, et
À l'exception de quelques courbes, la population explique en partie l'infléchissement des courbes
d'analyse élimine très fréquemment les mort- de croissance au-delà de 40 semaines, par exemple
nés. Les critères d'exclusion parfois très nom- celle de Milner et al. (figure 4.2). Cette diminu-
breux – mort-nés, grossesses gémellaires, tion du poids post-terme n'a pas d'explication
pathologies maternelles (infection, diabète, ané- physiologique, et les courbes échographiques ne
mie, infection urinaire…) et fœtales (malforma- retrouvent pas cette tendance. En pratique cli-
tions) – aboutissent à éliminer jusqu'à 25 % de la nique, lorsque la mesure de l'âge gestationnel est
population dans certains cas. La variabilité de différente de celle utilisée dans la courbe, l'esti-
ces critères rend difficiles les comparaisons mation de la proportion de retards de croissance
entre courbes de poids à la naissance. Enfin, les peut être sur- ou sous-estimée.
affections retenues (mort-nés, malformations et Mongelli et al. ont étudié plusieurs stratégies de
anomalies congénitales, pathologie vasculaire, datation : l'échographie a une meilleure valeur

24
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

prédictive de la date d'accouchement chez les en moyenne 120 g de plus que les filles à 40 SA.
enfants à terme que l'association échographie- Les courbes par sexe semblent néanmoins peu
date des dernières règles ou la date des dernières utilisées en France : on peut supposer que la prise
règles seule. Cependant, la datation échogra- en compte du sexe fœtal complique la surveillance
phique peut entraîner des erreurs, car elle utilise de la croissance, et rend plus difficile le respect du
la biométrie fœtale – la taille et donc indirecte- choix des parents de connaître ou non le sexe de
ment le poids du fœtus – pour déterminer l'âge leur enfant.
gestationnel, et est affectée par les variations de
ceux-ci. Une étude canadienne portant sur la dif-
férence entre datation clinique et échographique a
Gestion des aberrations
montré que lorsque la datation basée sur la date entre âge gestationnel et poids
des dernières règles était supérieure à la datation La construction de courbes de poids à la naissance
échographique de 7 jours et plus, le poids de nais- fait appel à l'utilisation de bases de données
sance moyen des nouveau-nés était plus faible que importantes issues d'un recueil de données en
le poids des enfants dont les datations concor- routine dans des registres de naissance ou des
daient. Cette association restait significative après maternités. L'étude de la qualité des données doit
ajustement sur les facteurs physiologiques et tenir compte en particulier de la cohérence entre
pathologiques affectant le poids fœtal. âge gestationnel et poids. L'hypothèse sous-
Une datation plus élevée à partir de la date des jacente est que la distribution du poids par âge
dernières règles est plus fréquente pour les fœtus gestationnel doit être normale. Les erreurs consta-
de sexe féminin, les fœtus malformés, les primi- tées sont de diverses origines : le plus souvent, il
pares, les fumeuses, et les mères présentant cer- s'agit d'erreurs humaines, de saisie en particulier,
taines pathologies pendant la grossesse. On peut qui sont indépendantes du poids et de l'âge
donc supposer que l'observation d'une petite taille gestationnel.
– et donc indirectement d'un petit poids – en Selon l'âge gestationnel, les erreurs ont des consé-
début de grossesse amène à sous-estimer le terme quences différentes. Des erreurs aléatoires clas-
de la grossesse, et à augmenter l'écart entre data- sant à tort des prématurés parmi les enfants à
tion échographique et clinique. La datation écho- terme influencent peu la distribution du poids à
graphique tend donc à gommer les différences de terme, alors que des erreurs classant des enfants à
poids, en donnant un âge gestationnel moindre terme parmi les prématurés ont un retentisse-
aux petits fœtus, et inversement un terme supé- ment plus important en raison du faible effectif
rieur aux grands – gros – fœtus. Les conséquences des prématurés (figure 4.3). Ainsi, lorsqu'on
sur une courbe de poids à la naissance sont de res- représente la distribution du poids de naissance
serrer les 10e et 90e percentiles autour de la par âge gestationnel, le poids moyen aux petits
moyenne. En pratique, la datation échographique âges gestationnels peut être dévié « vers la droite »
est donc vraisemblablement plus exacte, mais et le 90e percentile être surestimé en raison de
diminue l'identification des enfants porteurs de quelques enfants présentant un poids important
retard de croissance et de macrosomie. incompatible avec l'âge gestationnel. On peut
constater des écarts importants dans ce cas entre
Courbes par sexe 50e percentile et moyenne.
Le sexe du nouveau-né modifie le poids de façon Certains auteurs proposent d'éliminer clinique-
majeure indépendamment d'autres facteurs, et le ment les datations aberrantes par l'utilisation du
poids plus faible des filles par rapport aux garçons score de Dubowitz et al. à la naissance. Plusieurs
n'est pas un facteur de risque de morbidité néo­ méthodes statistiques sont également proposées
natale. L'utilisation de courbes regroupant filles et dans la littérature pour tester la normalité de dis-
garçons conduit à méconnaître un retard de crois- tribution du poids par âge gestationnel, éliminer
sance chez des bébés garçons et à le diagnostiquer les données aberrantes ou les corriger.
chez des filles en bonne santé. La recherche des L'exclusion des données manquantes entraîne
facteurs physiologiques affectant le poids des vraisemblablement un biais, car ces cas corres-
enfants en Europe montre que les garçons pèsent pondent le plus souvent à des patientes mal

25
Partie I. Définition et épidémiologie

Médiane 2

30

25 Médiane 1

20
A

15

10

% 0
Médiane 2
15
Médiane 1
10 B
5

0
15 Médiane 2 Médiane 1
10
C
5

0
1000 2000 3000 4000 5000
Poids de naissance (grammes)
90%
4000 75%

50%
Poids de naissance (grammes)

25%
3000
10%

2000

1000

22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44
Semaines d’aménorrhée
Figure 4.3. Conséquences des aberrations de valeurs d'âge gestationnel et de poids de naissance.
Les graphiques A, B, et C représentent la distribution du poids de naissance respectivement à 25, 30 et 35 semaines
d'âge gestationnel.
Le graphique sous-jacent illustre la courbe de poids de naissance correspondante.
D'après David et al., 1983.

26
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

suivies, de milieu socioculturel défavorisé : le auteurs préfèrent cependant respecter les valeurs
poids moyen des enfants exclus pour âge gesta- fluctuantes de poids de naissance observées et les
tionnel incertain est inférieur de 80 g au poids interpréter selon l'âge gestationnel.
moyen des nouveau-nés inclus dans la courbe de
Thomson et al. au Royaume-Uni. En outre, le
pourcentage de cas exclus est très variable et doit
alerter le lecteur lorsqu'il est important : il est de
Courbes ajustées
27 et 39 % dans les courbes de Leroy et Lefort et individuelles de poids fœtal :
de Lubchenco et al. contexte et méthodes
Lissage des courbes Remise en question des courbes
en population
Très peu de courbes sont présentées sans que soit
réalisé en dernier lieu un lissage des valeurs de L'utilisation des courbes de poids de naissance est
poids pour donner à la croissance une allure régu- remise en question dans la littérature depuis une
lière. Cela consiste à modéliser le poids fœtal en vingtaine d'années. L'apparition d'une nouvelle
fonction de l'âge gestationnel à l'aide d'un modèle terminologie en témoigne. L'argumentation avan-
polynomial, le plus souvent de degré 3 ou 4. cée porte sur le défaut d'identification du faible
L'opération peut être répétée pour chaque percen- poids chez les prématurés, mais aussi sur la remise
tile. Aux petits âges gestationnels, les effectifs plus en question du concept de norme de poids en
faibles peuvent entraîner des irrégularités impor- population.
tantes liées aux fluctuations d'échantillonnage
(figure 4.4). La solution qui consiste à pondérer Terminologie autour du faible
cette modélisation par l'inverse des effectifs par âge
gestationnel (ou par un de ses produits) permet de
poids de naissance
donner une importance moindre aux valeurs des Historiquement, le faible poids a longtemps été
petits échantillons en privilégiant l'allure de la défini comme un poids de naissance inférieur à
courbe déterminée par les enfants plus matures, en 2 500 g. La publication des premières courbes de
plus grand nombre par âge gestationnel. Certains poids de naissance a permis de faire évoluer cette

2500 poids moyen + 2 déviations standard


poids moyen
2241
poids moyen – 2 déviations standard
2000 2029

1691
Poids moyen (g)

1580 1547
1500
1433
1343
1219 1285
1083 1126
1000 986 1065
906 909 879
823
752
676 672
599 625
500 518
446

0
24 25 26 27 28 29 30 31
Âge gestationnel (sem)
Figure 4.4. Estimation du poids moyen et de son intervalle de confiance à 95 % de 24 à 31 SA sur
la courbe de Keen et al. (n = 449).
D'après Ego et al., 2006.

27
Partie I. Définition et épidémiologie

définition du poids en associant l'âge gestation- Prématurité et retard


nel. En France, on a utilisé et on utilise encore de croissance intra-utérin
parfois le terme d'hypotrophie, indépendamment
du caractère pathologique ou non du défaut de Quelle que soit la courbe, l'observation des enfants
poids. Mais ce terme a progressivement été rem- nés diffère de l'observation de tous les enfants, nés
placé par celui de RCIU. et in utero, de même âge gestationnel, et le terme
L' observation de la croissance fœtale par écho­ de croissance « intra-utérine » est fréquemment
graphie a ajouté deux nouvelles manières de dépis- employé de façon abusive. Chez les prématurés en
ter le RCIU cette fois en période prénatale, d'une particulier, il existe une association entre la nais-
part en se rapportant à des courbes de poids fœtal in sance, qu'elle soit spontanée ou induite, et le
utero et d'autre part en estimant le ralentissement défaut de croissance. Dans l'étude EUROPOP
de la croissance entre deux mesures successives. portant sur 17 pays européens de 1994 à 1997,
Devant une cassure de la courbe de croissance ou en 33 % des naissances vivantes de singletons entre
présence d'arguments en faveur d'une altération du 22 et 36 SA présentaient un poids de naissance
bien-être fœtal, un nouveau terme a fait son appari- inférieur au 10e percentile (défini sous l'hypothèse
tion, celui de « restriction ou retard de croissance ». d'un coefficient de variation – rapport écart-type/
moyenne – semblable à celui observé à terme).
Dans le vocabulaire anglo-saxon, il existe une ter- L'observation de cet échantillon biaisé explique
minologie variée et précise pour caractériser le l'infléchissement des courbes de poids à la nais-
faible poids, mais elle semble principalement uti- sance entre 22 et 32 semaines, et conduit à sous-
lisée au Royaume-Uni où le Collège des gynéco­ estimer le poids moyen de l'ensemble des fœtus et
logues-obstétriciens distingue clairement : enfants aux petits âges gestationnels. Chez les
• LBW pour low birthweight chez les enfants de enfants à terme, le dépistage des macrosomies
faible poids ; fœtales et les décisions d'extraction constituent
• SGA pour small for gestational age chez les un autre exemple d'association entre la naissance
enfants n'atteignant pas un seuil donné de poids et l'excès de poids, cette fois. En Suède, Marsál
pour l'âge gestationnel, souvent sous le 10e ou le et al. ont proposé une courbe de croissance
3e percentile ; construite à partir de l'observation longitudinale
• FGR ou IUGR pour fetal ou intra-uterine growth de fœtus in utero, et montrent que la croissance est
restriction lorsqu'il existe une cassure de la d'allure linéaire. On observe également une dis-
croissance et/ou des arguments en faveur d'un persion du poids fœtal autour de la moyenne
mécanisme pathologique responsable du défaut quasi constante quel que soit le terme, et Marsál
de croissance. et al. ont fait l'hypothèse d'un coefficient de varia-
tion stable de 12 %. L'utilisation de cette courbe
Dans notre pays, le vocabulaire a peu évolué, et on intra-utérine sur une population de 8 663 nouveau-
fait rarement la distinction entre ces définitions. nés vivants met en évidence une proportion d'en-
Le terme « RCIU » reste très fréquemment employé fants de petit poids de naissance (inférieur à
quel que soit le contexte lié au faible poids. 2 écarts-types) entre 25 et 30 semaines de 32 %.
Dans l'ensemble de la littérature, l'analyse de la
morbidité et de la mortalité associées au RCIU Apparition des courbes in utero
est réalisée le plus souvent en définissant le
RCIU comme un poids de naissance inférieur au Les courbes in utero sont apparues dans les années
10e percentile pour l'âge gestationnel d'une 1980, accompagnant le développement de l'écho-
courbe de poids. Certains auteurs préfèrent avoir graphie fœtale, mais elles sont aussi nées d'une
une approche quantitative du défaut de poids et remise en question de l'utilisation des courbes de
utilisent le birthweight ratio (rapport du poids poids de naissance dans le dépistage du RCIU chez
du fœtus sur le poids moyen observé pour l'âge les prématurés. Elles se caractérisent par une
gestationnel) ou le Z-score (rapport de la diffé- allure plus linéaire de la croissance que celle obser-
rence entre poids du fœtus et poids moyen vée à partir du poids des nouveau-nés et une dis-
observé pour l'âge gestationnel sur la déviation tribution d'allure normale du poids fœtal quel que
standard). soit l'âge gestationnel. Qui plus est, le coefficient

28
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

de variation (rapport écart-type/moyenne) semble début des années 1990, une définition de la crois-
constant quel que soit l'âge gestationnel et varie de sance fœtale, ajustée sur des paramètres indivi-
11 à 13 % selon les auteurs. La critique à leur égard duels constitutionnels et respectant l'allure de la
est liée à l'imprécision des mesures permettant croissance observée in utero.
l'estimation du poids fœtal, la faiblesse des échan-
tillons et l'enregistrement variable (unique, mul- Principes du modèle
tiple, longitudinal) des poids.
Quatre étapes, chacune s'appuyant sur une hypo-
Vers une norme individuelle thèse (en italique), peuvent être schématiquement
résumées dans la construction des courbes ajus-
Cette remise en question est née de l'analyse des tées individuelles de poids fœtal dans le modèle
facteurs intervenant dans la relation entre le poids de Gardosi.
de naissance et les résultats sur la santé. Il a ainsi
été constaté qu'un même faible poids n'était pas Étape 1
systématiquement associé à une augmentation du Chaque individu dispose d'un potentiel de crois-
risque de décès périnatal. Dans une étude sué- sance dépendant de paramètres constitutionnels.
doise en population réalisée en 1998, Cnattingius Cette étape est réalisée à partir d'un échantillon
a montré que parmi les enfants de faible poids représentatif de naissances vivantes à terme, et
(birthweight ratio ≤ 0,75), le taux de mortinatalité permet le calcul du poids optimal à terme
était plus faible parmi les femmes de petite taille (40 semaines) après ajustement.
ainsi que chez les patientes non hypertendues et
les non-fumeuses. Le rôle des facteurs génétiques Étape 2
et intergénérationnels et leur association avec le La croissance fœtale est d'allure linéaire, comme le
poids ont progressivement été analysés. Plusieurs suggèrent les courbes in utero. Pour définir la
travaux ont montré qu'en dehors de pathologies croissance, Gardosi a repris un travail réalisé par
maternelles et fœtales, de nombreux facteurs Hadlock en 1991, décrivant l'évolution du poids
étaient associés à un faible poids de naissance : le fœtal en fonction de l'âge gestationnel (log poids
poids de naissance de la mère, sa taille, son poids fœtal estimé = 0,578 + 0,332 AG – 0,00354 AG2).
en début de grossesse, le gain de poids en cours de
Cette formule permet de calculer le poids fœtal par
grossesse, son âge, sa parité, l'origine ethnique, le
jour de gestation de 168 à 294 jours (soit de 24 à
tabagisme, la taille et le poids du père, l'altitude, le
42 semaines) et de l'exprimer en proportion par rap-
niveau socioéconomique.
port au poids à 40 semaines (soit 19 % à 24 semaines,
Le caractère héritable du poids de naissance a été 54 % à 32 semaines et 100 % à 40 semaines). Ce
estimé à 30 % du poids chez les enfants à terme et pourcentage est lui-même exprimé en fonction de
entre 25 et 40 % chez des nouveau-nés de gros- l'âge gestationnel : % poids = 299,1 – 31,85 × AG +
sesses multiples. Cependant, la transmission inter- 1,094 × AG2 – 0,01055 × AG3.
générationnelle des caractéristiques génétiques
Il permet de faire abstraction des poids observés
peut être perturbée. Les caractéristiques environ-
par Hadlock et représente l'évolution du poids au
nementales et familiales peuvent limiter l'expres-
50e percentile par rapport au poids à terme. Il peut
sion du potentiel génétique, en particulier en
être appliqué au poids optimal à terme calculé
agissant sur le développement et la taille d'un indi-
après ajustement (étape 1) pour obtenir les valeurs
vidu : une anomalie de développement des organes
de poids optimal par jour de 24 à 41 semaines.
génitaux maternels liée à une malnutrition peut
par exemple influencer les caractéristiques anthro- Étape 3
pométriques de la génération suivante. Le poids se distribue de façon normale et la dévia-
tion standard (ds), en proportion par rapport à la
Principes et construction moyenne (my), est constante. La déviation standard
des courbes individualisées retenue est celle observée chez la primipare euro-
péenne non fumeuse à 40 semaines de l'échantil-
Compte tenu des travaux précédemment publiés, lon, soit 389 g dans l'échantillon anglais. Ce choix
Jason Gardosi a proposé au Royaume-Uni, au est guidé par le fait que le modèle est centré sur ces

29
Partie I. Définition et épidémiologie

patientes. Le coefficient de variation (ds/my) cor- En France, la population de l'Enquête nationale


respondant est donc de 11 %. Les 10e et 90e percen- périnatale de 1998 a été utilisée pour construire des
tiles correspondant à ± 1,28 × ds, les valeurs seuils courbes individualisées adaptées à notre population.
de poids correspondent à ± 1,28 × 11 %, soit ± 14 % Pour faciliter la lecture des résultats, les paramètres
du 50e percentile, quel que soit l'âge gestationnel. sont centrés sur le poids de naissance à 40 semaines
Ces valeurs peuvent être exprimées en proportion (280 jours) d'une primipare « standard », de taille et
par rapport au poids optimal à terme calculé après poids moyens (162,3 cm et 64,3 kg). Le poids optimal
ajustement. Ces pourcentages, eux-mêmes expri- attendu en grammes du nouveau-né à 40 semaines
més en fonction de l'âge gestationnel, donnent les s'exprime de la façon suivante :
équations suivantes : = 3343,9 + 5,7 × taille maternelle + 8,6 × poids
% poids 10e percentile = 257,2 – 27,39 × AG + maternel – 0,13 × (poids maternel)2 + 0,0007 ×
0,94084 × AG2 – 0,009073 × AG3 (poids maternel)3 + 110,3 (si parité 2) ou + 124,0
% poids 90e percentile = 340,97 – 36,31 × AG + (si parité 3) ou + 149,2 (si parité 4) ou + 160,6 (si
1,247 × AG2 – 0,01203 × AG3 parité 5 +) ± 77,8 × sexe (+ 1 pour le garçon, –1
pour la fille)
Étape 4 Par exemple, par centimètre de taille de la mère
D'une part, le rôle des paramètres constitutionnels au-delà de 162,3 cm, il faut ajouter 5,7 g au poids
est identique quel que soit l'âge gestationnel, ce qui de naissance à 40 semaines. Les coefficients asso-
signifie que la contribution de la taille maternelle ciés au poids de la mère et à l'âge gestationnel sont
observée chez l'enfant à terme est semblable à 28 de degré 3 en raison d'un effet non linéaire de ces
ou 32 semaines ; d'autre part, la croissance est paramètres sur le poids à terme. Il faut ajouter
identique quelles que soient les caractéristiques pour un garçon 77,8 g à la constante obtenue de
individuelles, autrement dit l'allure de la courbe 3 343,9 g et, pour une fille, enlever 77,8 g, ce qui
est la même chez les filles et les garçons, chez la correspond à une différence moyenne entre fille
primipare et la multipare… et garçon de 155,5 g.

Ajustement sur les facteurs


individuels Diffusion actuelle
Les facteurs associés au poids ainsi que les coeffi- Malgré les nombreuses données publiées sur ces
cients qui leur sont affectés sont recherchés dans modèles de croissance ajustée individuels, l'utili-
un échantillon représentatif de naissances sation en pratique reste rare. Si plusieurs modèles
vivantes, singletons et à terme, par une régression adaptés à différents pays ainsi que des outils sont
linéaire multiple pas à pas descendante. Ne sont disponibles sur Internet, il n'existe pas de
retenus que les facteurs associés au poids et dont recommandations sur leur emploi, excepté au
on peut penser que leur mécanisme est physio­ Royaume-Uni.
logique, c'est-à-dire la taille et le poids de la mère
en début de grossesse, sa parité, son ethnie, ainsi
que le sexe et l'âge gestationnel du fœtus. Modèles publiés
La variable tabac nécessite des commentaires spé- Actuellement, sept modèles appliquant cette
cifiques : les femmes fumeuses sont incluses dans méthode ont été publiés dans différents pays
l'échantillon malgré le rôle néfaste du tabac, ceci dont l'Espagne, La Nouvelle-Zélande, l'Austra-
pour conserver le caractère représentatif de lie, la France, l'Europe et les États-Unis. Les
l'échantillon. Le rôle des différents facteurs est caractéristiques de ces différents modèles sont
donc estimé en présence du tabac, mais le calcul présentées dans les tableaux 4.1 et 4.2. Il existe
du poids optimal à terme ne prend pas en compte quelques différences concernant les variables
l'impact de ce facteur, c'est-à-dire qu'il est réalisé utilisées dans ces modèles. Les modèles français
comme si la mère était non fumeuse. Cette solu- et européen ne tiennent pas compte de l'origine
tion permet de mettre en évidence le défaut de ethnique, faute de disponibilité de cette infor-
poids lié au tabac chez les femmes fumeuses. mation. Tous les modèles incluent le facteur

30
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

tabac, à l'exception du modèle néo-zélandais. échantillons respectifs (161 contre 165 cm, et 59
Les différences des constantes de poids sont contre 70 kg).
importantes, allant de 3 269,7 g dans le modèle Les différences d'influence des paramètres mater-
espagnol à 3 530 g dans le modèle néo-zélandais, nels sont en revanche modérées entre les six
et reflètent les caractéristiques moyennes de modèles, la plupart des intervalles de confiance
taille et poids maternels observées dans ces des coefficients se recoupant. L'influence de la

Tableau 4.1. Résultats des analyses par une régression linéaire multiple des facteurs associés
au poids de naissance à terme (de 37 à 42 semaines) dans trois échantillons français, anglais
et européens.
Pays France (2006)* Royaume-Uni (1995) Europe (2000)*&
(année de
publication)
Paramètres Enquête nationale périnatale Échantillon de la maternité Échantillon EUROPOP
1998 (n = 11 671) de Nottingham 1987–1991 1994–1997 (n = 6 460)
(n = 38 114)
Coefficients et IC 95 % Coefficients et IC 95 % Coefficients et IC 95 %
Âge gestationnel centré sur 280 jours soit 40 SA
AG 16,1 [14,7–17,5] 20,7 [20,2 ; 21 ; 2]
AG2 –0,24 [–0,41 ; –0,07] –0,21 [–0,25 ; –0,17]
AG 3
0,0023 [–0,0068 ; 0,0114] –0,0002 [–0,0031 ; 0,0028]
Taille de la centrée sur 163,7 cm centrée sur 162,3 cm
mère
Taille 5,7 [4,5 ; 7,0] 7,8 [7,4 ; 8,2] 8,8 [7,1 ; 10,4]
Taille2
Taille3
Poids début centré sur 60,1 kg centré sur 64,3 kg
de grossesse
Poids 8,6 [7,8 ; 9,4] 8,7 [8,5 ; 8,9] 7,2 [6,0 ; 8,4]
Poids2 –0,13 [–0,18 ; –0,08] –0,12 [–0,13 ; –0,10] –0,14 [–0,22 ; –0,05]
Poids 3
0,0007 [–0,0002 ; 0,0007 [0,0005 ; 0,0010] 0,0014 [0,0003 ;
0,0016] 0,0032]
Parité (centrée sur parité 0)
Parité 1 110,3 [94,2 ; 126,4] 108,0 [91,7 ; 124,3] 87 [66 ; 108]
Parité 2 124,0 [103,1 ; 144,9] 148,6 [135,1 ; 162,1] 148 [117 ; 179]
Parité 3 149,2 [115,6 ; 182,8] 149,9 [134,0 ; 165,8] 128 [80 ; 176]
Parité 4 + 160,6 [117,7 ; 203,5] 149,8 [131,2 ; 168,4] 140 [88 ; 191]
Sexe (+ –77,8 [–84,7 ; –70,8] –58,4 [–62,6 ; –54,2] –66 [–74 ; –56]
garçon, – fille)
Tabac (nb de cigarettes/j)
1–9 –143,9 [–163,7 ; –124,2] –152,5 [–166,1 ; –138,9] –157 [–188 ; –125]
10–19 –201,3 [–227,8 ; –174,9] –214,5 [–229,3 ; –199,7] –128 [–167 ; –89]
20 + –286,5 [–334,1 ; –238,9] –246,0 [–260,7 ; –231,3] –182 [–252 ; –113]

(Suite)

31
Partie I. Définition et épidémiologie

Tableau 4.1. Suite.


Pays France (2006)* Royaume-Uni (1995) Europe (2000)*&
(année de
publication)
Origine ethnique (centrée sur une origine européenne)
Inde, Pakistan –186,0 [–202,3 ; –169,7]
Afrique, –127,5 [–145,8 ; –109,2]
Caraïbes
Est, Asie
Amérique du
Sud
Maroc
Îles Samoa
(Polynésie)
Îles Tonga
(Polynésie)
Chine
Maori
Moyen-Orient
Autres –65,2 [–90,8 ; –39,6]
Constante 3343,9 3478,4 3401,6
Constantes et coefficients sont exprimés en grammes.
* Modèle non ajusté sur le facteur ethnie.
& Coefficients liés à l'âge gestationnel non rapportés dans l'article.

Tableau 4.2. Résultats des analyses par une régression linéaire multiple des facteurs associés
au poids de naissance à terme (de 37 à 42 semaines) dans quatre échantillons néo-zélandais,
australien, espagnol et américain.
Pays Nouvelle-Zélande Australie (2007)** Espagne (2008) États-Unis
(année de (2004)* (2011)**
publication)
Paramètres Échantillon du registre Échantillon de la Échantillon de Échantillon de
de naissances 1993– maternité de Sydney la maternité de la maternité
2000 (n = 4964) 1999–2003 (n = 12420) Barcelone 2001–2005 de Washington
(n = 11197) 1990–2009
(n = 42277)
Coefficients et IC 95 % Coefficients et IC 95 % Coefficients et IC Coefficients
95 % et IC 95 %
Âge gestationnel (centré sur 280 jours soit 40 SA)
AG 19,5 [17,0 ; 22,0] 19,1 [18,1 ; 20,1] 16,7 [15,37 ; 18,4 [17,5 ;
18,0] 19,2]
AG2 –0,28 [–0,46 ; –0,10] –0,34 [–0,44 ; –0,24] –0,39 [–0,31 ;
–0,46]
AG3 0,0006 [–0,0092 ; –0,005 [–0,001 ;
0,0104] –0,008]

32
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

Pays Nouvelle-Zélande Australie (2007)** Espagne (2008) États-Unis


(année de (2004)* (2011)**
publication)
Taille de la (centrée sur 165 cm) (centrée sur 163 cm) (centrée sur 161 cm) (centrée sur 163 cm)
mère
Taille 9,6 [6,7 ; 12,5] 7,8 [6,6 ; 9,0] 8,8 [7,1 ; 10,5] 7,4 [6,5 ; 8,2]
Taille2 –0,008 [–0,0158 ; 0,07 [0,02 ;
–0,0002] 0,11]
Taille3 –0,004 [–0,002 ;
–0,005]
Poids début (centré sur 70 kg) (centré sur 64 kg) (centré sur 59 kg) (centré sur 64 kg)
de grossesse
Poids 7,1 [5,9 ; 8,3] 9 [8,2 ; 9,8] 6,9 [5,9 ; 7,9] 8,1 [7,4 ; 8,7]
Poids2 –0,103 [–0,15 ; –0,06] –0,15 [–0,19 ; –0,11] –0,12 [–0,18 ; –0,12 [–0,09 ;
–0,06] –0,14]
Poids3 0,0007 [0,0001 ; 0,001 [0,0004 ; 0,001 [–0,0002 ; 0,001 [–0,000 ;
0,0013] 0,0012] 0,0022] 0,002]
Parité (centrée sur parité 0)
Parité 1 102 [91,5 ; 112,5] 94,8 [77,6 ; 112,0] 97,9 [81,3 ; 114,6] 108,7 [99,4 ;
117,9]
Parité 2 102 [90,2 ; 113,8] 115,2 [93,8 ; 136,6] 127 [97,4 ; 156,7] 133,5 [122,0 ;
144,9]
Parité 3 123 [110,0 ; 136,0] 116 [85,8 ; 146,2] 152,3 [103,0; 201,6] 149,6 [132,5 ;
166,6]
Parité 4 + 175 [160,7 ; 189,3] 99,2 [63,9 ; 134,4] – – 152,0 [129,0 ;
174,9]
Sexe (+ –57,7 [–69,7 ; –45,7] –66,9 [–81,4 ; –52,4] –51,8 [–66,8 ; –69,1 [–76,9 ;
garçon, - fille) –36,7] –61,2]
Tabac (nb de cigarettes/j)
1-9 –206,3 [–222,6 ; –124,2 [–147,1 ; –214,2 [–227,0 ;
–190,0] –101,3] –201,3]
10-19 –211,3 [–242,4 ;
–180,3]
20 + –256,0 [–305,7 ;
–206,2]
Origine ethnique (centrée sur une origine européenne)
Inde, Pakistan –150 [–210,8 ; –162 [–208,4 ; –158,0 [–202,7 ;
–89,2] –115,5] –113,2]
Afrique, –297,4 [–428,3 ; –221,0 [–231,3 ;
Caraïbes –166,5] –210,6]
Est, Asie 83,3 [47,1 ; –87,6 [–109,5 ;
119,5] –65,7]
Amérique 95,1 [74,8 ;
du Sud 115,4]
Maroc 73,8 [22,3 ;
125,4]
(Suite)

33
Partie I. Définition et épidémiologie

Tableau 4.2. Suite.


Pays Nouvelle-Zélande Australie (2007)** Espagne (2008) États-Unis
(année de (2004)* (2011)**
publication)
Îles Samoa 84 [38,9 ; 129,1]
(Polynésie)
Îles Tonga 124 [71,1 ; 176,9]
(Polynésie)
Chine 101 [61,8 ; 140,2]
Maori –67 [–112,1 ;
–21,9]
Moyen-Orient –110 [–161,7 ; –113,9 [–164,2 ;
–58,3] –63,5]
Autres 13 [–24,2 ; 50,2]
Constante 3530 3463,6 3269,7 3523,9
Constantes et coefficients sont exprimés en grammes.
* Modèle non ajusté sur le tabac.
** Modèle ajusté sur tabac oui/non.

taille maternelle varie entre 5,7 [4,5–7,0] et 9,6 + 0,0023 × (280 – 14)3 ;
[6,7–12,5] g/cm. Le coefficient français est signifi- • taille : + 5,7 × (170 – 163,7) ;
cativement plus faible que celui du Royaume-Uni,
• poids : + 8,6 × (70 – 60,1) – 0,13 × (70 – 60,1)2 +
de l'Espagne et de l'échantillon européen. Le gain
0,0007 × (70 – 60,1)3 ;
de poids fœtal avec le poids maternel varie signifi-
cativement entre les modèles australien et espa- • parité : + 124,0 ;
gnol de 6,9 [5,9–7,9] à 9,0 [8,2–9,8] g/kg. • sexe : + 77,8 ;
L'augmentation du poids entre le premier et le • constante : + 3 343,9.
deuxième enfant varie de 87 [66–108] à 110,3
[94,2–126,4] g. À partir du deuxième enfant, Soit un total de 3 356 g.
l'augmentation du poids de naissance est incons- Si cette même patiente attendait un premier
tante selon les modèles. Le facteur sexe montre un enfant de sexe féminin, le poids attendu au même
gain de poids de 77,8 [70,8–84,7] g dans le modèle terme serait de 3 106 g.
français chez le garçon, valeur significativement Si, cette fois, il s'agissait de nouveau d'un troi-
supérieure à celle du modèle anglais, néo- sième enfant de sexe masculin mais chez une
zélandais, espagnol et américain. Ces différents femme mesurant 1,58 m et pesant 51 kg, le poids
modèles expliquent environ 20 à 30 % de la varia- attendu au même terme serait de 3 146 g.
bilité du poids de naissance à terme (R 2 de 23,7 %,
27 % et 30 % dans les modèles espagnol, français
et américain, et néo-zélandais). Place dans les recommandations
L'utilisation de ces coefficients se fait de la de pratique clinique actuelle
manière suivante si on considère trois exemples pour le dépistage et le diagnostic
successifs en France. de RCIU
Pour une femme mesurant 175 cm, pesant 70 kg, En France, des recommandations sur les modali-
attendant son troisième enfant de sexe masculin, tés d'accouchement des enfants de faible poids ont
le poids attendu à 38 semaines de cet enfant, été publiées en 1998 par le CNGOF (Collège natio-
compte tenu des différents facteurs pris en nal des gynécologues obstétriciens français) [http:
compte, sera de : //www.cngof.asso.fr/D_PAGES/PURPC _04.
• âge gestationnel : 16,1 × (280 – 14) – 0,24 × (280 – 14)2 HTM], mais il n'existait pas de conclusion sur le

34
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

choix d'une méthode ou d'une courbe de référence outils de construction des courbes y sont téléchar-
pour diagnostiquer le RCIU. Les recommanda- geables (www.gestation.net). Le développement infor-
tions professionnelles de la Haute Autorité de matique d'applications locales ou accessibles sur
santé (HAS) de 2007 sur le suivi et l'orientation des Internet ne pose pas de problème technique parti-
femmes enceintes en fonction des situations à culier. L'ajout de références ajustées individuelles de
risque identifiées ne détaillent pas la prise en poids peut aussi s'envisager dans les dossiers périna-
charge spécifiquement recommandée en cas de tals informatisés ou dans les logiciels installés sur
RCIU. les appareils d'échographie.
Il existe en revanche des recommandations aux En pratique, la saisie de quatre informations sup-
États-Unis et au Royaume-Uni, publiées respecti- plémentaires par enfant est nécessaire : taille,
vement en 2000 et 2002, sur la prise en charge du poids en début de grossesse et parité de la mère,
RCIU, produites par les Collèges des gynécolo- sexe chez l'enfant. Le respect du choix des parents
gues obstétriciens (www.rcog.org.uk et www. vis-à-vis de la connaissance du sexe de leur enfant
acog.org). Les recommandations américaines doit être pris en compte dans l'édition de comptes
sont focalisées sur l'étiologie, le diagnostic et rendus ou l'impression de courbes. L'accès aux
la prise en charge du RCIU, défini comme une courbes ajustées individuelles doit probablement
estimation de poids fœtal inférieur au 10e percen- être double, par utilisation d'un logiciel installé
tile d'une courbe de poids. Les auteurs constatent sur l'appareil d'échographie, de manière à obtenir
que cette définition réunit des enfants de faible un percentile ajusté individuel après avoir pro-
poids « bien portants » comme des enfants n'attei- cédé de manière habituelle à l'estimation de poids
gnant pas leur potentiel de croissance en raison fœtal, mais aussi par une application locale isolée,
d'une pathologie. Aucune recommandation sur un site Internet ou un module de dossier médical
le choix de la courbe de référence n'est donnée. informatisé de manière à être utilisable en consul-
Selon ce texte, l'intérêt de l'utilisation de courbes tation, par exemple.
tenant compte de l'ethnie et des caractéristiques Le recours aux courbes de référence peut avoir lieu
géographiques de la population dans un pays est en anténatal comme en postnatal. En échographie,
insuffisamment démontré, et la distinction des consultation ou hospitalisation anténatale, le poids
situations individuelles est difficile à mettre en fœtal estimé peut être reporté sur la courbe de
œuvre dans un pays dont la population est hété- croissance attendue pour chaque enfant. En post-
rogène et migre fréquemment. natal, les néonatologistes utilisent habituellement
Les recommandations anglaises abordent en des courbes de poids de naissance pour prescrire
revanche la question du choix de la courbe de l'alimentation du prématuré, mais rien ne s'op-
référence. Leurs préconisations sont la prise en pose à ce que l'évaluation de la croissance postna-
compte des facteurs physiologiques influençant le tale se fasse au moyen des courbes ajustées
poids fœtal. L'utilisation de courbes ajustées indi- individuelles. Cette évolution serait aussi l'occasion
viduelles de référence de hauteur utérine et de d'une harmonisation des pratiques souvent hétéro-
poids fœtal au cours du dépistage est donc privilé- gènes, parfois au sein d'une même maternité.
giée. Les niveaux de preuves associés à ces recom-
mandations sont de niveau II (études contrôlées
sans randomisation ou enquêtes quasi expéri-
mentales) et III (enquêtes non expérimentales) sur Intérêt de l'utilisation
une échelle allant de I à IV. des courbes ajustées
individuellement :
Comment utiliser en pratique les données scientifiques
courbes ajustées individuelles ?
Principaux travaux publiés
L'institut périnatal de Birmingham, dirigé par Jason
Gardosi, a développé un site Internet très docu- Jusqu'à présent, la majorité des travaux utilisant les
menté sur lequel cinq modèles adaptés respective- courbes ajustées individuelles sont des études rétros-
ment à cinq pays différents sont accessibles ; des pectives visant à démontrer que cette définition

35
Partie I. Définition et épidémiologie

améliore l'identification d'enfants à risque par rap- l'utilisation de ces courbes individualisées dans
port à une définition en population. Ainsi, neuf la prise en charge des grossesses à risque ou en
études analysent spécifiquement l'état de santé des population générale. Ainsi, les niveaux de
enfants reclassés RCIU ou au contraire non RCIU, preuve de la pertinence de l'utilisation de ces
lorsqu'on applique les courbes ajustées individuelles courbes ne pourront pas être élevés.
au lieu d'une courbe en population, que ce soit des Les neuf études sélectionnées viennent de diffé-
courbes de poids de naissance ou des courbes de rents pays : deux sont des enquêtes en popula-
poids fœtal in utero. Le tableau 4.3 synthétise les tion en Suède ; six autres sont des enquêtes
caractéristiques de ces différentes études. réalisées à partir de séries hospitalières de gros-
En dehors de ces principaux articles, d'autres sesses à bas risque au Royaume-Uni, à haut
méthodes sont utilisées pour étudier la pertinence risque aux Pays-Bas, dans un contexte de suspi-
de la définition ajustée individuelle du faible cion anténatale de RCIU en Nouvelle-Zélande,
poids par rapport aux courbes en population, en à partir de maternités universitaires, de niveau
particulier des études de qualités diagnostiques III ou dites « de référence » en Espagne, en France
des courbes pour prédire des événements mor- et aux États-Unis, ou à partir d'un échantillon
bides associés au RCIU. Ces travaux ne se sont pas multicentrique aux États-Unis. La courbe de
spécifiquement intéressés aux enfants reclassés, référence en population est variable selon ces
mais évaluent la valeur prédictive du RCIU en études : il s'agit de courbes de poids de nais-
fonction de sa définition, pour identifier la mort sance adaptées au pays ou à l'échantillon dans
fœtale in utero ou le décès néonatal. sept cas, de courbes de poids in utero dans les
En revanche, il n'existe aucune étude compara- deux autres. Seules quatre d'entre elles ne sont
tive, randomisée ou non, ayant testé l'impact de pas ajustées sur le sexe.

Tableau 4.3. Synthèse des travaux publiés sur la comparaison entre courbes ajustées
individuelles selon le modèle de Gardosi et courbe de référence en population
dans l'identification d'enfants à risque.
Auteur Pays Échantillon Courbe de Fréquence Fréquence des Association des groupes
référence du RCIU reclassements (1) et (2) avec la morbidité
en Courbe en (1) RCIUpop– et mortalité néonatale
population population nonRCIUaj (référence = nonRCIUpop-
Courbes (2) nonR- nonRCIUaj)
ajustées CIUpop–RCIUaj Indicateur 1 Indicateur 2
individuelles
OR [IC 95 %] OR [IC 95 %]
Clausson Suède Registre Courbe de MFIU Apgar 5 min
et al., national, 326 poids de 9,4 % (1) 2,7 % (1) 1,2 <4:
2001 377 naissances, naissance [0,8–1,9] (1) 1,2
singletons sans (ajustée 9,4 % (2) 2,7 %
(2) 6,1 [0,9–1,5]
malformations sur le sexe)
congénitales [5,0–7,5] (2) 2,2
[1,9–2,7]
De Jong Pays- Maternité Courbe 14 % (1) 0 %
et al., Bas universitaire de poids de 31 % (2) 17 %
1997 d'Amsterdam : naissance
217 naissances de en
mères primipares, population
hypertendues, (ajustée
fumeuses et/ou ≥ sur le sexe)
35 ans, et de mères
multipares avec
antécédents de RCIU
ou prééclampsie

36
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

Ego France 5 maternités Courbe MFIU Décès


et al., de niveaux III de poids 13,9 % (1) 2,7 % (1) 1,4 périnatal
2006 et IIB, 56 606 in utero [0,4–4,6] (1) 1,1
naissances, (ajustée 14,7 % (2) 1,8 %
(2) 4,5 [0,4–2,5]
singletons, sur le sexe)
hors IMG, sans [2,5–8,1] (2) 2,6
malformations [1,6–4,2]
congénitales,
≥ 22 semaines
Figueras Espagne Maternité Courbe de Décès Morbidité
et al., universitaire poids de 11,1 % (1) 1,5 % périnatal neurolo-
2007 de Barcelone, naissance (1) 1,8 gique
13 661 naissances, (sans 13,7 % (2) 4,1 %
[0,4–7,2] (1) 1,6
singletons sans précision) [0,4–6,5]
malformations (2) 3,2
congénitales, [1,6–6,2] (2) 3,2
≥ 24 semaines [1,7–6,1]

Gardosi États- 15 maternités, Courbe de MFIU Décès


et al., Unis 34 712 naissances, poids de 9,4 % (1) 1,6 % (1) 1,9 néonatal
2009 singletons naissance [0,3–13,9] (1) 1,9
(non 11,7 % (2) 3,8 %
(2) 10,8 [0,3–13,9]
ajustée sur
le sexe) [5,6–0,8] (2) 10,8
[5,6–20,8]
McCo- Nou­ Maternité Courbe de Doppler Césarienne
wan velle- universitaire poids de 81 % (1) 8 % ombilical pour
et al., Zélande d'Auckland, naissance patholo- souffrance
2005 374 naissances en 80 % (2) 7 % gique fœtale
avec suspicion population (1) 0,5 (1) 2,8
anténatale (ajustée [0,2–1,8] [0,3–29]
de RCIU au sur le sexe)
10e percentile (2) 2,6 (2) 9,8
(circonférence [1,3–5,6] [1,2–77]
abdominale
< 10e percentile)
Mongelli Roy­ Birmingham, Courbe
et al., aume- 267 naissances de poids 34,3 % (1) 9 %
1996 Uni à terme, non in utero
transférés, (ajustée 26,4 % (2) 2 %
sans anomalies sur le sexe)
congénitales,
scores d'Apgar
et pH normaux
à la naissance
Odibo États- Maternité Courbe de MFIU Séjour en
et al, Unis universitaire de poids de 27,2 % 1,9 % 0,4 réanimation
2011 Washington, naissance [0,1–1,5] néonatale
12 456 naissances, (non 30,6 % 5,5 % > 7 jours
singletons sans ajustée sur 9,5
[7,2–12,4] 0,8
malformations le sexe) [0,4–1,6]
congénitales
2,1 [1,6–2,8]
(Suite)

37
Partie I. Définition et épidémiologie

Tableau 4.3. Suite.


Zhang Suède 782 303 naissances Courbe de MFIU (ajusté Décès
et al., du registre : poids de 9,8 % (1) 2,4 % sur AG) néonatal
2008 singletons sans naissance (1) 1,6 (ajusté sur
malformations en 10,0 % (2) 2,6 % AG)
[1,2–2,1]
congénitales population (1) 1,5
(ajustée (2) 2,4
[2,1–2,8] [1,0–2,3]
sur le sexe)
(2) 2,1
[1,7–2,6]
MFIU : mort fœtale in utero ; AG : âge gestationnel.
(1) RCIUpop–nonRCIUaj : enfants identifiés comme RCIU à l'aide des courbes classiques et reclassés non RCIU avec les courbes
individualisées.
(2) nonRCIUpop–RCIUaj : enfants reclassés comme RCIU à l'aide des courbes individualisées alors qu'ils étaient classés non RCIU avec
les courbes classiques.

Conséquences sur la fréquence minces et de petite taille sont fréquemment reclas-


globale du retard de croissance sés comme eutrophiques, alors que les enfants de
multipares fortes et grandes sont à l'inverse plus
intra-utérin et des reclassements souvent considérés comme des RCIU. La propor-
des fœtus tion de ces cas est assez homogène entre les quatre
études multicentriques ou en population : le pre-
Parmi les six publications sur de larges échantil-
mier groupe représenterait 1,6 à 2,7 % des enfants
lons ou en population, deux retrouvent des pro-
et le second 1,8 à 3,8 % des enfants, soit au total
portions comparables de RCIU d'une courbe de
4,5 à 5,4 % des enfants.
poids de naissance aux courbes ajustées indivi-
duelles, alors que les autres montrent une aug- L'ensemble des travaux met en évidence une amé-
mentation de la proportion de RCIU de + 0,8 % lioration de l'association entre RCIU et mortalité
à + 3,4 % par les courbes ajustées individuelles. Ce néonatale par les courbes ajustées individuelles.
changement de taux s'explique par la fréquence Cette association, mesurée par le risque de décès
des enfants nés de mères de caractéristiques des enfants reclassés par rapport aux enfants
anthropométriques éloignées de la moyenne, eutrophiques dans les deux définitions, montre
ainsi que par le niveau de risque de la population. un excès de mortinatalité et de décès périnatals
Ces variations de taux peuvent être majeures dans variant respectivement de 2,4 [2,1–2,8] à 10,8
les séries hospitalières. Lorsqu'une courbe de [5,6–20,8] et de 2,6 [1,6–4,2] à 3,2 [1,6–6,2]. On
poids de naissance, d'allure sigmoïde, est utilisée, constate également chez ces couples mère–enfant
les reclassements touchent préférentiellement les un excès de pathologie vasculaire maternelle,
naissances prématurées et post-terme. À l'opposé, d'anomalies du Doppler ombilical, d'extraction
lorsque la courbe en population est une courbe in fœtale, de transfert néonatal et de morbidité neu-
utero, les deux références sont « parallèles » et la rologique et respiratoire. À l'inverse, chez les
répartition des reclassements est indépendante de enfants reclassés eutrophiques, on constate une
l'âge gestationnel. Ces reclassements touchent les fréquence légèrement supérieure d'événements
enfants de poids « limite », et dans l'étude fran- morbides, mais non significativement différente
çaise multicentrique, 90,3 % des enfants reclassés, de celles des enfants eutrophiques dans les deux
quel que soit le sens de ce reclassement, avaient un définitions.
poids de naissance inférieur au 25e percentile de la Le travail rétrospectif de Figueras et al. sur 7645
courbe de référence en population retenue. grossesses simples dans une maternité universi-
L'analyse des caractéristiques des patientes montre taire de Barcelone est le seul dans lequel la suspi-
que les discordances de diagnostic concernent pré- cion anténatale de RCIU était une donnée disponible.
férentiellement les enfants des femmes dont les Cette suspicion s'appuyait sur une référence locale
caractéristiques de taille et de poids s'éloignent de poids de naissance et sur le Doppler ombilical.
des valeurs moyennes : les enfants de primipares L'état de santé des enfants y a été analysé selon la

38
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

présence d'un RCIU défini rétrospectivement par l'état de santé rassurant des enfants de faible poids
les courbes ajustées individuelles. constitutionnel est peut-être le fait d'une surveil-
Cette étude apporte deux éléments intéressants. lance accrue, et on ne peut pas affirmer qu'il est
Le premier est de montrer que parmi l'ensemble légitime de réduire le suivi des mères concernées.
des RCIU définis par le modèle ajusté individuel Le classement des enfants à partir du poids de
(12,6 %), 62 % étaient méconnus et n'avaient pas naissance ne reflète pas forcément le classement
bénéficié de surveillance particulière (échogra- qui pourrait être réalisé en cours de grossesse sur
phie tous les 15 jours et Doppler ombilical). Ces l'estimation du poids fœtal.
enfants ne présentaient pas d'excès de risque de L'apport de l'utilisation des courbes ajustées indi-
décès périnatal, mais on constatait chez leur mère viduelles devrait être interprété en tenant compte
2 fois plus de prééclampsie, et des taux de césa- des autres arguments utilisés par le clinicien pour
rienne pour souffrance fœtale ainsi que d'Apgar apprécier le bien-être fœtal (évolution de la crois-
inférieur à 7 à la naissance 3 fois plus fréquents sance, Doppler, rythme cardiaque fœtal) et porter
comparés aux non-RCIU. une conclusion clinique en faveur ou non d'une
Le second résultat porte sur l'apport du Doppler suspicion de RCIU.
ombilical. Parmi les 38 % restants correspondant Par ailleurs, l'extrapolation des résultats publiés
à des cas « concordants » et donc identifiés en est d'autant plus difficile que les courbes de crois-
période anténatale, 19 % présentaient un faible sance utilisées en France sont hétérogènes, et que
poids associé à des anomalies du Doppler ombili- les pratiques actuelles de dépistage et de surveil-
cal et 81 % un faible poids isolé. L'excès de morbi- lance de la croissance fœtale sont mal connues.
dité (Apgar ou pH bas, césarienne avant travail ou Idéalement, seule une étude comparative, au
transfert en néonatologie) constaté parmi ces mieux randomisée, comparant l'utilisation des
deux sous-groupes d'enfants était de l'ordre de courbes individualisées à l'utilisation des courbes
2 et 4. Certains auteurs ont fait l'hypothèse que la habituelles permettrait de conclure sur les béné-
présence d'un Doppler ombilical pathologique fices et inconvénients, mais cette étude n'existe
permettait de distinguer le faible poids constitu- pas actuellement.
tionnel du faible poids pathologique. Ce dernier
Au total, les données montrent que le groupe des
résultat semble montrer que l'absence d'anomalies
RCIU reclassés (identifiés eutrophes avec les
du Doppler ombilical ne permet pas d'être rassuré
courbes habituelles) grâce à l'utilisation des courbes
sur le pronostic des enfants.
individualisées est exposé à une augmentation
importante du risque de morbidité et de mortalité
Limites méthodologiques périnatale. Même si le risque associé est probable-
desdonnées disponibles ment intermédiaire par rapport à celui observé
dans le groupe des RCIU communs aux deux
Interprétation des résultats définitions, la prise en compte de ce groupe de
fœtus permettrait une meilleure estimation des
Malgré de nombreuses analyses sur l'amélioration
risques périnatals liés au RCIU en général. Par
potentielle de l'état de santé périnatale, il est diffi-
ailleurs, la surveillance de certains enfants de
cile de conclure pour plusieurs raisons.
faible poids constitutionnel pourrait être allégée
La nature rétrospective des travaux limite l'inter- sans nuire à leur santé. Cependant, il n'existe pas
prétation des résultats. Des données plus détail- de données comparatives pour conclure au béné-
lées sur le contenu de la surveillance prénatale et fice en termes de santé périnatale de l'utilisation
des pratiques dont ont pu bénéficier les enfants des courbes individualisées.
seraient nécessaires pour mieux interpréter les
résultats. Remise en question
Si un excès de risque est constaté chez les « nou- de la pertinence du modèle
veaux cas » de RCIU, on ne peut pas affirmer que
ces enfants correspondaient réellement à des ajusté individuel
RCIU non diagnostiqués, et que la morbimorta- Récemment sont apparues dans la littérature des
lité constatée pourrait être évitée. Inversement, discussions méthodologiques sur la conception

39
Partie I. Définition et épidémiologie

du modèle, notamment sur les paramètres d'ajus- connaissances, cette discussion ne progresse pas
tement dans l'ensemble de la population, comme en l'absence d'études prospectives intervention-
la taille ou la parité chez la mère. En effet, le prin- nelles. La diffusion des courbes ajustées indivi-
cipe est de tenir compte des facteurs modifiant duelles dans les recommandations et dans la
physiologiquement la croissance. Or la petite taille pratique clinique reste rare. Cependant, elle est
maternelle peut être liée à un contexte de malnu- probablement imminente compte tenu de l'intérêt
trition, par exemple. De même, les primipares des cliniciens pour ce concept, et de la simplicité
sont plus fréquemment exposées aux pathologies des outils permettant leur utilisation. La mise en
vasculaires comme la prééclampsie. Dès lors, œuvre d'études interventionnelles prospectives
considérer comme « normal » le faible poids des évaluant l'impact de l'utilisation de ces courbes
enfants de ces femmes peut conduire à mécon- sur la santé périnatale serait justifiée, mais pose
naître d'authentiques RCIU. des problèmes de faisabilité. D'autres perspectives
L'étude multicentrique française n'a pas mis en de recherche peuvent néanmoins s'envisager. Ces
évidence de bénéfice à exclure la parité du modèle, nouvelles références de poids constituent très pro-
bien que cette simplification permette effective- bablement un progrès pour un petit groupe de
ment d'identifier de nouveaux cas chez des primi- femmes et d'enfants et sont une opportunité à
pares présentant souvent une pathologie vasculaire. une harmonisation de la définition du RCIU dans
La critique adressée au modèle par Hutcheon et le domaine clinique comme dans le domaine de la
Platt est de dire que le rôle des caractéristiques recherche.
maternelles (taille, poids, parité) est marginal par
rapport au sexe et à l'âge gestationnel, et que Références
l'ajustement sur ces facteurs améliore très faible-
ment la prédiction de la morbimortalité associée Altman DG, Hytten FE. Intrauterine growth retardation :
let's be clear about it. Br J Obstet Gynaecol 1989 ; 96
au RCIU. (10) : 1127–32.
La même équipe a publié dans The Lancet en 2011 American College of Obstetricians and Gynecologists.
une large étude internationale montrant une mor- Intrauterine growth restriction. Washington, DC :
bimortalité comparable chez les RCIU, qu'ils soient American College of Obstetricians and Gynecologists ;
identifiés par une courbe avec ou sans ajustement 2000.
individuel. Les auteurs concluent à l'inutilité Cnattingius S, Haglund B, Kramer MS. Differences in
d'ajuster individuellement les références de poids, late fetal death rates in association with determi-
l'essentiel étant de disposer d'une référence adap- nants of small for gestational age fetuses : popula-
tion-based cohort study. BMJ 1998 ; 316 (7143) :
tée à la population d'un pays. Cet article a suscité 1483–7.
plusieurs commentaires. Effectivement, dans David RJ. Population-based intrauterine growth curves
cette étude comme dans les précédentes, parmi from computerized birth certificates. South Med J
l'ensemble des RCIU identifiés par le modèle 1983 ; 76 (11) : 1401–6.
ajusté ou une autre référence, environ les trois Ego A, Blondel B, Zeitlin J. Birthweight curves : a review
quarts sont classés RCIU quelle que soit la réfé- of the literature. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris)
rence, et le contraste lié aux RCIU discordants est 2006 ; 35 (8Pt 1) : 749–61.
difficile ou impossible à mettre en évidence si on Ego A, Subtil D, Grangé G, Thiébaugeorges O, Sénat MV,
s'intéresse globalement à l'ensemble des RCIU Vayssière C. Customized versus population-based
sans isoler les enfants reclassés. birth weight standards for identifying growth restric-
ted babies : a French multicenter study. Am J Obstet
Gynecol 2006 ; 194 : 1042–9.
Ego A, Zeitlin J, Goffinet F. Utilisation des courbes indi-
Conclusion vidualisées de croissance fœtale : intérêt pour la pra-
tique et la recherche. In : Collège national des
Le débat en cours dans la littérature sur l'intérêt gynécologues obstétriciens français. Mises à jour en
gynécologie obstétrique. Paris : Vigot ; 2011. p.
de l'utilisation des courbes ajustées individuelles 63–90.
de poids fœtal reste ouvert, comme en témoignent
Gardosi J, Chang A, Kalyan B, Sahota D, Simonds EM.
une controverse ainsi que deux revues de la litté- Customised antenatal growth charts. The Lancet
rature en 2010 et 2011. Mais en l'état actuel des 1992 ; 339 : 283–7.

40
Chapitre 4. Courbes de croissance et définition du retard de croissance intra-utérin

Gardosi J, Figueras F, Clausson B, Francis A. The custo- Hutcheon JA, Zhang X, Platt RW, Cnattingius S, Kramer
mised growth potential : an international research MS. The case against customised birthweight stan-
tool to study the epidemiology of fetal growth. dards. Paediatr Perinat Epidemiol 2011 ; 25 (1) : 11–6.
Paediatr Perinat Epidemiol 2011 ; 25 (1) : 2–10. Marsál K, Persson PH, Larsen T, Lilja H, Selbing A, Sultan
Gardosi J, Mongelli M, Wilcox M, Chang A. An adjustable B. Intrauterine growth curves based on ultrasoni-
fetal weight standard. Ultrasound Obstet Gynecol cally estimated foetal weights. Acta Paediatr 1996 ;
1995 ; 6 : 168–74. 85 (7) : 843–8.
Goldenberg RL, Cutter GR, Hoffman HF, Foster JM, Resnik R. To customise or not to customise : that is the
Nelson KG, Hauth JC. Intrauterine growth retarda- question. Paediatr Perinat Epidemiol 2011 ; 25 (1) :
tion : standards for diagnosis. Am J Obstet Gynecol 17–9.
1989 ; 161 : 271–7. Royal College of Obstetricians and Gynaecologists. The
Hadlock FP, Harrist RB, Matinez-Poyer J. In utero analy- investigation and management of the small-for-ges-
sis of fetal growth : a sonographic weight standard. tational-age fetus. RCOG Guidelines Guideline
Radiology 1991 ; 181 : 129–33. 2002 ; 31.

41
Vascularisation Chapitre 5
utéroplacentaire
Vassilis Tsatsaris, Olivier Morel,
Édouard Lecarpentier, Thierry Fournier

Préambule Augmentation du débit


utéroplacentaire
Le placenta est l’ organe qui assure les échanges
entre le sang maternel et le sang fœtal. Jusqu'au La proportion du débit cardiaque maternel qui
xviiie siècle, il était admis que les circulations va perfuser l'utérus et la chambre intervilleuse
maternelle et fœtale étaient en continuité. C'est augmente progressivement, pouvant atteindre
William Hunter, un anatomiste anglais, qui démon­ en fin de grossesse 20 à 25 % du débit cardiaque
tra, en 1774, que les deux circulations étaient dis­ maternel. La croissance fœtale est directement
tinctes. Il injecta de la cire liquide dans les artères dépendante de la perfusion de la chambre inter­
utérines d'un utérus gravide et montra que la cire villeuse par du sang maternel. En début de gros­
était retrouvée dans le placenta mais non dans le sesse, le rendement placentaire est faible mais, le
cordon ombilical. Par la suite, les concepts ont évo­ volume embryonnaire étant 6 fois inférieur au
lué, mais il reste bon nombre d’inconnues, notam­ volume placentaire, le développement et la crois­
ment en ce qui concerne les modes circulatoires au sance de l'embryon sont possibles. Le débit uté­
sein de la chambre intervilleuse et les modalités du rin est estimé à 50 ml/min vers 10 semaines
drainage veineux du sang maternel. d'aménorrhée (SA). Au fur et à mesure que la
grossesse évolue, les besoins nutritionnels du
fœtus s'accroissent. Le rendement fonctionnel du
Circulation utéroplacentaire placenta augmente et le rapport du volume fœtal
sur le volume placentaire passe à 6 : 1 en fin de
En 1950, Elizabeth Ramsey, une anatomiste anglaise, grossesse. Le débit utérin est alors estimé à
contribua par ses travaux à une meilleure com­ 600 ml/min.
préhension de la circulation utéroplacentaire. Le Cette augmentation considérable du débit utéropla-
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sang maternel traverse le myomètre via les centaire est dépendante du remodelage de la paroi
artères utéroplacentaires, remodelées par les cel­ des artères utéroplacentaires. En effet, d'après la loi
lules trophoblastiques, et entre dans la chambre de Poiseuil, le débit d'un fluide dans un cylindre est
intervilleuse sous forme d'un jet produit par la proportionnel au rayon à la puissance 4. Toute
Le retard de croissance intra-utérin

pression artérielle maternelle. Le sang maternel variation de calibre des artères a donc des consé­
circule ensuite autour des villosités placentaires quences majeures sur la perfusion de la chambre
permettant les échanges entre la mère et le intervilleuse. En fin de grossesse, la chambre inter­
fœtus. Le drainage vers la circulation maternelle villeuse contient environ 150 ml de sang maternel,
systémique se fait via des plexus veineux myo­ un volume totalement renouvelé 3 à 4 fois par minute.
métriaux organisés en un système anastomo­ Il faut noter que, lors des contractions utérines, le
tique. Cette circulation est schématisée dans la débit utéroplacentaire diminue mais le volume
figure 5.1. total de placenta reste constant, ce qui suggère que

45
Partie II. Physiopathologie

1 2 3 4 5
Arbre villositaire Circulation fœtale Circulation maternelle Passage du sang maternel Marge placentaire
en coupe par la chambre intervilleuse
Figure 5.1. Illustration de la circulation utéroplacentaire selon Ramsey et Donner.
(Carnegie Institute of Washington, 1961-62. Contributions to Embryology series, plate 10).

le volume total de sang maternel demeure stable (le l'invasion trophoblastique ne concerne que la
sang maternel n'est pas chassé hors de la chambre portion terminale des artères spiralées, condition
intervilleuse lors des contractions utérines). De ce non suffisante pour expliquer la très forte aug­
fait, les transferts en oxygène de la mère au fœtus mentation du débit utéroplacentaire au cours de la
sont maintenus. grossesse. Différents mécanismes sont donc dans
le remodelage généralisé de la vascularisation de
l’utérus.
Circulation du sang maternel
dans la chambre intervilleuse
Interaction directe entre le
Les modes circulatoires du sang maternel au sein
de la chambre intervilleuse sont très mal connus, trophoblaste extravilleux et les
en particulier la répartition des flux et les méca­ composants de la paroi artérielle
nismes responsables du brassage du sang mater­
Le remodelage vasculaire est en partie induit
nel. Ces phénomènes jouent cependant un rôle
par une interaction directe entre le tropho­
capital dans les échanges entre la mère et le fœtus.
blaste extravilleux et les composants de la paroi
artérielle.
La confirmation que les cellules envahissant les
Mécanismes impliqués dans le artères spiralées sont bien d'origine trophoblas­
remodelage des vaisseaux utérins tique date des travaux de Kaufmann et coll. Le
remo­delage vasculaire par le trophoblaste (d'ori­
Il a longtemps été admis que l'augmentation du gine endovasculaire ou interstitielle) induit une
débit sanguin utéroplacentaire était le fait du pro­ interaction directe entre le cytotrophoblaste extra­
cessus d'invasion trophoblastique. En fait, le villeux et les composants de la paroi artérielle (cel­
remodelage de la paroi vasculaire induit par lules musculaires lisses et cellules endothéliales). Il

46
Chapitre 5. Vascularisation utéroplacentaire

en résulte une destruction de la paroi musculaire Cette théorie a été vivement critiquée, mais les
lisse de ces vaisseaux, qui est remplacée par une récents travaux de Jauniaux et Burton ont confirmé
substance acellulaire éosinophile. Initialement, ce l'hypothèse initiale de Schaaps et Hustin. En effet,
processus d'invasion trophoblastique n'a pas pour au premier trimestre de la grossesse, la cellule tro­
conséquence l'augmentation de la perfusion de la phoblastique se développe en conditions d'hypoxie.
chambre intervilleuse, mais son interruption. En D'après Jauniaux et Burton, cette hypoxie est
effet, quelques années plus tard, Hustin et Schaaps nécessaire à la survie de la cellule trophoblastique
montraient qu'au premier trimestre de la grossesse, qui, à l'origine, possède peu de défenses antioxy­
le processus d'invasion trophoblastique est telle­ dantes (catalase, glutathion peroxydase, super­
ment intense que les cellules trophoblastiques oxyde dismutase). Cette hypoxie est rendue possible
endovasculaires obstruent la lumière des artères grâce aux bouchons trophoblastiques obstruant la
spiralées (figure 5.2). La formation de ces bou­ lumière de la partie terminale des artères spiralées.
chons trophoblastiques (« plugs » trophoblastiques) Ces bouchons disparaissent progressivement vers
empêche le passage des hématies fœtales dans la 9–10 SA, ce qui permet une perfusion progressive
chambre intervilleuse. Ainsi, durant le premier tri­ de la chambre intervilleuse et une augmentation
mestre de la grossesse, la chambre intervilleuse est graduelle de la pression partielle en oxygène.
perfusée par un ultrafiltrat plasmatique contenant Parallèlement, on observe une augmentation pro­
de l'oxygène dissout. gressive des défenses antioxydantes au niveau

Figure 5.2. Immunohistochimie de la zone d'implantation montrant des cytotrophoblastes


extravilleux marqués par la cytokératine 7 et ayant envahi les artères spiralées.
En a et b, la paroi des artères est envahie mais la lumière est libre. En b et d, la lumière est obstruée par des bouchons
trophoblastiques.
Illustration : Vassilis Tsatsaris.

47
Partie II. Physiopathologie

trophoblastique. Jauniaux et Burton ont également Tableau 5.1. Facteurs angiogéniques


démontré qu'une entrée prématurée de sang mater­ et antiangiogéniques produits
nel dans la chambre intervilleuse était responsable par le trophoblaste humain.
d'un stress oxydatif au niveau placentaire, pouvant Facteurs angiogéniques Facteurs
aboutir à des pertes fœtales. antiangiogéniques
VEGF, PlGF sVEGFR-1
Remodelage indépendant FGF Angiopoïétine 2
de l'invasion trophoblastique Angiopoïétine 1 PAI-1
Angiogénine
Il semblerait qu'une partie des modifications
hCG, hCG hyperglycosylée
vasculaires des artères spiralées au cours de la
grossesse soient totalement indépendantes des PDGF
effets trophoblastiques. Les modifications ini­ EGF
tiales des artères utéroplacentaires comportent IGF 2
une désorganisation généralisée de ces artères Leptine
avec une vacuolisation endothéliale, une désor­
ganisation des cellules musculaires lisses et une
dilatation luminale. Ces modifications structu­
relles surviennent très précocement, dès 5 SA, extravilleux tout au long de sa voie de différen­
avant le processus d'invasion trophoblastique, ciation dans l'utérus. Il pourrait donc être res­
aussi bien dans la zone d'implantation que dans ponsable de l'angiogenèse utéroplacentaire soit
la portion déciduale non concernée par la pla­ par un mode paracrine (VEGF sécrété par le tro­
centation. Par ailleurs, ces modifications sont phoblaste extravilleux), soit par un mode endo­
retrouvées en cas d'implantation extra-utérine. crine (VEGF sécrété par les trophoblastes de la
Elles seraient dues à une activation du système villosité). La cellule trophoblastique sécrète éga­
rénine-angiotensine décidual ou à des facteurs lement du PlGF (placenta growth factor), du
angiogéniques circulants. VEGF-C, facteurs stimulant la survie endothé­
liale et le remodelage vasculaire. L'angiogénine
est un autre facteur de croissance angiogénique
Remodelage vasculaire induit produit par le trophoblaste extravilleux.
par des facteurs diffusibles Enfin, il a été montré que l'hCG (hormone chorio-
issus du trophoblaste nic gonadotropin) produite par les cytotropho­
blastes villeux et extravilleux possède des propriétés
Comme nous l'avons mentionné précédemment, angiogéniques similaires à celles du VEGF. Tous
la dilatation artérielle commence chez la femme ces éléments suggèrent que des facteurs tropho­
avant l'invasion des artères par les trophoblastes. blastiques sont directement impliqués dans des
Ce remodelage associe un amincissement de la processus d'angiogenèse utérine et de remodelage
media et des dépôts fibrinoïdes au sein de la paroi des vaisseaux utérins, indépendamment de l'inva­
artérielle. Ainsi, certaines études ont suggéré la sion de la paroi des vaisseaux par les cellules
synthèse et la sécrétion de vasodilatateurs tels que trophoblastiques.
l'oxyde nitrique (NO) et le monoxyde de carbone
(CO) par les cellules avoisinant les artères
utérines.
Par ailleurs, le cytotrophoblaste extravilleux
sécrète des facteurs angiogéniques qui pourraient
Réseau vasculaire
être impliqués dans le remodelage vasculaire sous-placentaire :
(tableau 5.1). Le plus connu parmi eux est le un shunt artérioveineux
VEGF (vascular endothelial growth factor). Le
VEGF est sécrété par les cellules trophoblastiques Tous ces mécanismes de remodelage vasculaire
de la villosité ainsi que par les cytotrophoblastes aboutissent à la formation d'un vaste réseau constitué

48
Chapitre 5. Vascularisation utéroplacentaire

d'anastomoses artérioveineuses dans le lit placen­ pressions constantes dans la chambre intervil­
taire. La chambre intervilleuse est située non pas leuse. Ce point est déterminant car la villosité
en série mais en dérivation de la circulation choriale ne comporte aucune structure rigide et sa
maternelle (figure 5.3). Ce réseau anastomotique conformation tridimensionnelle dans la chambre
est un réel shunt vasculaire qui a de multiples intervilleuse dépend de la pression au sein des
fonctions. capillaires fœtaux ainsi que de la pression dans la
Tout d'abord, il permet, au premier trimestre, la chambre intervilleuse. Dans les artères ombili­
vascularisation de l'utérus sans perfusion de la cales, la pression sanguine est égale à 50 mmHg et
chambre intervilleuse. Le sang maternel est dérivé passe par les ramifications qui traversent la
en sous-placentaire vers le réseau veineux et seul plaque choriale pour arriver dans les capillaires,
l'oxygène dissout passe dans la chambre intervil­ dans lesquels la pression tombe à 30 mmHg.
leuse par percolation à travers les bouchons tropho­ Dans les veines, la pression est de 20 mmHg.
blastiques constitués par le processus d'invasion Ainsi, la pression dans les vaisseaux fœtaux et
trophoblastique de la partie terminale des artères leurs ramifications villositaires est toujours supé­
spiralées. rieure à celle qui règne dans la chambre intervil­
leuse (10 mmHg).
Aux deuxième et troisième trimestres, ce vaste
réseau anastomotique se comporte comme un Si la pression dans la chambre intervilleuse augmente,
« tampon hémodynamique ». Ce shunt vasculaire les vaisseaux se collabent. À l'inverse, si la pression
absorbe les à-coups hypo- ou hypertensifs systé­ diminue, les villosités deviennent hydropiques. De
miques maternels, permettant de maintenir des plus, ce réseau anastomotique conditionne les débits

Circulation maternelle

Circulation maternelle

Réseau vasculaire
myométrial

Chambre intervilleuse Chambre intervilleuse

Villosités Villosités

Circulation fœtale
Circulation fœtale

Figure 5.3. Illustration du système en dérivation de la vascularisation utéroplacentaire par


rapport au système en série classiquement décrit.
La partie grisée correspond aux parties disparaissant après l'accouchement et la délivrance.

49
Partie II. Physiopathologie

entrant dans cette chambre. Nous avons pu effectuer Références


des modélisations numériques des écoulements san­
guins dans la chambre intervilleuse qui montrent que Aplin JD, Haigh T, Lacey H, Chen CP, Jones CJ. Tissue
interactions in the control of trophoblast invasion.
la cinétique des flux maternels est extrêmement dépen­ J Reprod Fertil Suppl 2000 ; 55 : 57–64.
dante de la vitesse d'entrée du sang maternel dans la
Burton GJ, Jauniaux E. Maternal vascularisation of the
chambre intervilleuse. Ces flux sanguins condi­ human placenta : does the embryo develop in a
tionnent également les forces de cisaillement induites hypoxic environment ? Gynecol Obstet Fertil 2001 ;
par le sang maternel au contact de la villosité. Il en 29 : 503–8.
résulte des modifications fonctionnelles du tropho­ Burton GJ, Jauniaux E, Watson AL. Maternal arterial
blaste qui sont actuellement en cours d'exploration. connections to the placental intervillous space
during the first trimester of human pregnancy : the
Après l'accouchement, ce shunt sous-placentaire
Boyd collection revisited. Am J Obstet Gynecol
joue un rôle déterminant dans le contrôle de 1999 ; 181 : 718–24.
l'hémostase utérine et la prévention de l'hémor­ Craven CM, Morgan T, Ward K. Decidual spiral artery
ragie de la délivrance. Après la délivrance du remodelling begins before cellular interaction
placenta, les vaisseaux reliant le réseau anasto­ with cytotrophoblasts. Placenta 1998 ; 19 :
motique myométrial à la chambre intervilleuse 241–52.
sont collabés par l'augmentation du tonus uté­ Hustin J, Schaaps JP. Echographic and anatomic studies of
rin, empêchant l'hémorragie. Le sang maternel the maternotrophoblastic border during the first
continue à circuler dans le myomètre via le ­trimester of pregnancy. Am J Obstet Gynecol 1987 ;
157 : 162–8.
réseau anastomotique.
Jaffe R, Jauniaux E, Hustin J. Maternal circulation in the
first-trimester human placenta : myth or reality ? Am
J Obstet Gynecol 1997 ; 176 : 695–705.

Conclusion Kaufmann P, Castellucci M. Extravillous trophoblast in


the human placenta. In : In : Foidart JM, Aplin JD,
Kaufmann P, Schaaps JP, editors. Trophoblast
Les nouveaux concepts de la vascularisation uté­ research, Vol. 10. Rochester : University of Rochester
roplacentaire montrent l'importance des rema­ Press ; 1997.
niements vasculaires survenant essentiellement Schaaps JP, Tsatsaris V, Goffin F, Brichant JF, Delbecque
au premier trimestre de la grossesse. Ces derniers K, Tebache M, et al. Shunting the intervillous
permettent la mise en place d'un shunt artériovei­ space : new concepts in human uteroplacental vas­
neux sous-placentaire qui conditionne les flux cularization. Am J Obstet Gynecol 2005 ; 192 (1) :
323–32.
sanguins dans la chambre intervilleuse. L'étude
Zygmunt M, Herr F, Keller-Schoenwetter S, Kunzi-Rapp
de l'impact de ces flux sur les fonctions biolo­
K, Münstedt K, Rao CV, et al. Characterization of
giques du placenta (shear-stress) est une des prin­ human chorionic gonadotropin as a novel angioge­
cipales voies de recherche des prochaines années nic factor. J Clin Endocrinol Metab 2002 ; 87 :
en physiologie placentaire. 5290–6.

50
Circulation fœtale
Jean-Marie Jouannic
Chapitre 6

Introduction finalité d'apporter un plus grand volume du sang


le plus richement oxygéné vers les organes les plus
sensibles à l'hypoxie (cœur et cerveau).
Une connaissance satisfaisante de la circulation
fœtale et de l'hémodynamique prénatale est indis-
pensable à la compréhension ultérieure des méca-
nismes d'adaptation du fœtus humain à l'hypoxie
chronique dans le cadre d'une insuffisance pla-
Canal d'Arantius
centaire. Le schéma de la circulation fœtale est Le canal d'Arantius permet de court-circuiter le
connu depuis le xviiie siècle (voir le chapitre 2). passage hépatique. Ainsi, une partie du sang oxy-
Les premières théories ont été élaborées à partir géné par le placenta, en provenance de la veine
de l'étude de modèles animaux (souvent le fœtus ombilicale, rejoint directement le cœur gauche au
de brebis). Ces 15 dernières années, la technique travers du foramen ovale. Chez l'animal, environ
écho-Doppler a largement contribué à enrichir 50 % du débit sanguin de la veine ombilicale est
nos connaissances. dévié vers le cœur gauche par l'Arantius et cette
Après la naissance, les compartiments vasculaires proportion augmente à 70 % en cas d'hypoxie et/
pulmonaire et systémique sont branchés en série, ou d'hypovolémie fœtale. Chez le fœtus humain,
mais fonctionnent de manière autonome. Le sang l'approche écho-Doppler a suggéré que cette pro-
est éjecté par le ventricule droit dans la circulation portion pourrait être plus réduite, avec seulement
pulmonaire où il est oxygéné, puis il rejoint le 20 à 30 % du débit de la veine ombilicale emprun-
cœur gauche avant d'être éjecté dans la circula- tant le canal d'Arantius. Cette différence pourrait
tion systémique. En conditions normales, les être due aux conditions de mesure des travaux
débits des ventricules droit et gauche sont égaux. princeps réalisés chez l'animal (abord chirurgical
D'un point de vue fonctionnel, la circulation des fœtus, mise en place de capteurs de débit et de
fœtale est également presque en série, puisque le pression, extériorisation des fœtus). Cette notion
sang oxygéné de la veine ombilicale rejoint préfé- implique que, chez le fœtus humain, une grande
rentiellement les cavités gauches au travers du part du flux sanguin de la veine ombilicale est
foramen ovale, puis les territoires sus-aortiques destinée au foie. La veine ombilicale dans sa por-
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(pour oxygéner le cerveau et le cœur), alors que le tion terminale donne en effet plusieurs branches
sang désoxygéné rejoint préférentiellement le destinées au lobe gauche du foie, puis elle bifurque
cœur droit puis, court-circuitant la circulation pour confluer avec la veine porte. À partir de cette
Le retard de croissance intra-utérin

pulmonaire à haute résistance, est éjecté dans connexion, plusieurs branches naissent pour ali-
l'aorte descendante au travers du canal artériel menter le lobe droit du foie. Bien que la propor-
pour finalement regagner le compartiment pla- tion du sang provenant de la veine ombilicale
centaire à basse résistance. La circulation fœtale destinée au foie fœtal paraisse plus importante
est également caractérisée par l'existence de sys- chez l'homme, ce sang continue de représenter
tèmes de shunt en amont et en aval du cœur qui une source importante du sang oxygéné dérivé
vont permettre une adaptation dans la répartition vers le cœur gauche, car l'extraction d'oxygène au
des flux sanguins, avec le plus souvent comme cours du passage hépatique est relativement faible.

51
Partie II. Physiopathologie

La répartition du flux sanguin ombilical entre le Chez l'agneau, cette distribution est facilitée par
canal d'A rantius d'une part et le système porte la présence de valvules à l'abouchement du canal
d'autre part est soumise à une régulation très d'Arantius et de la veine hépatique gauche dans la
fine qui pourrait occuper une place prépondé- VCI, forçant ainsi le flux sanguin vers le foramen
rante dans les phénomènes d'adaptation de la ovale. De telles valvules n'existent pas chez le
circulation fœtale à diverses situations patholo- fœtus humain. Deux phénomènes se conjuguent
giques. Toute diminution de pression dans la pour permettre cette dérivation préférentielle du
veine ombilicale entraîne une diminution plus sang oxygéné vers le cœur gauche au travers du
marquée du débit hépatique que du débit dans foramen ovale chez le fœtus humain. Au cours du
l'A rantius. Par ailleurs, des travaux récents ont cycle cardiaque, les mouvements coordonnés de la
montré que le tonus du canal d'A rantius était valve d'Eustachi et de la partie inférieure du sep-
contrôlé par de nombreux médiateurs vasocons- tum interauriculaire pourraient représenter une
tricteurs (contrôle adrénergique) et vasodilata- sorte de canal fonctionnel orientant le flux san-
teurs (monoxyde d'azote, prostaglandines). guin le plus oxygéné qui occupe la partie anté-
Plusieurs cas d'agénésie de l'Arantius ont été rap- rieure de la VCI vers le foramen ovale. Récemment,
portés dans la littérature. Chaque fois, cette ano- Kiserud a proposé une théorie séduisante en étu-
malie a été associée à une anasarque fœtale et à diant les vitesses de circulation des flux sanguins
des anomalies cardiaques. À la lecture de ces cas, dans la VCI. Les vitesses de circulation dans la
il est cependant difficile de savoir quel a été pré- portion terminale de l'Arantius (environ 60–85 cm/s
cisément le rôle joué par l'absence de canal en deuxième partie de gestation) sont très supé-
d'Arantius. Dans une étude descriptive longitu- rieures à celles du flux sanguin cave. Il existe ainsi
dinale du Doppler de l'Arantius chez 197 fœtus, une grande différence d'énergie cinétique entre
un cas d'agénésie complète a été rapporté. ces deux secteurs qui pourrait faciliter le passage
L'évolution pour ce fœtus a été normale, avec du sang le plus oxygéné au travers du foramen
naissance à terme d'un enfant de poids normal. ovale.
Cette observation pourrait suggérer que le canal Le débit au travers du foramen ovale chez le fœtus
d'Arantius n'est pas un élément clé de la circula- humain, estimé par écho-Doppler, représenterait
tion fœtale en conditions physiologiques. Quoi environ 34 % du débit cardiaque combiné à
qu'il en soit, ce cas isolé ne permet pas de remettre 20 semaines d'aménorrhée (SA), puis environ 18 %
en cause la place importante jouée par le canal à 30 SA. Globalement, le débit au travers du fora-
d'Arantius dans les situations d'insuffisance men ovale semble plus faible chez le fœtus humain
placentaire. que chez le fœtus d'agneau, ce qui suppose, comme
nous le verrons plus bas, un débit artériel pulmo-
naire supérieur chez le fœtus humain.

Foramen ovale Les cas de restriction du foramen ovale sont


exceptionnels en dehors d'un contexte de cardio-
pathie malformative. De telles restrictions anato-
Au xviiie siècle, les physiologistes ont démontré miques et ou fonctionnelles sont cependant
que de l'air injecté dans la veine ombilicale d'un susceptibles d'impacter le développement du ven-
fœtus était préférentiellement dérivé vers le cœur tricule gauche et d'entraîner dans les formes
gauche au travers du foramen ovale. Cette donnée sévères une insuffisance cardiaque fœtale.
a été confirmée chez l'animal à partir de l'injec-
tion de microsphères chez le fœtus de mouton ou
de singe et, plus récemment, grâce à une approche
non invasive par écho-Doppler chez le fœtus Veine ombilicale
humain. Il existe un flux préférentiel du sang oxy-
géné provenant du canal d'Arantius et de la veine Le débit sanguin dans la veine ombilicale chez le
hépatique gauche vers le foramen ovale. Le sang le fœtus de mouton est de 100 à 250 ml/min/kg avec
moins oxygéné (provenant de la veine cave infé- une grande dispersion des chiffres. Chez le fœtus
rieure [VCI] et de la veine hépatique droite) pour- humain, l'approche écho-Doppler a permis d'es-
suit son trajet vers le ventricule droit. timer le débit sanguin dans la veine ombilicale

52
Chapitre 6. Circulation fœtale

avec une reproductibilité acceptable. Il augmente l'absence de transmission de la pulsatilité de


régulièrement en valeur absolue tout au long de la l'Arantius vers la veine ombilicale. Toute aug-
gestation. Cependant, lorsqu'il est rapporté au mentation du diamètre du canal d'Arantius à sa
poids fœtal, il passe d'environ 120 ml/min/kg à partie proximale (comme observé par exemple
20 SA à 65 ml/min/kg à terme. Cette différence dans les hypoxémies fœtales) modifiera l'impé-
avec le fœtus de mouton pourrait refléter les sin- dance de l'Arantius et, ainsi, entraînera une
gularités de la physiologie du développement modification du coefficient de réflexion se fai-
dans l'espèce humaine et, en particulier, une sant en faveur de la transmission du caractère
dynamique de croissance fœtale plus grande que pulsatile de l'Arantius à la veine ombilicale.
chez l'agneau, ainsi qu'une différence de la Au-delà de ce mécanisme, la pulsatilité de la
concentration en hémoglobine du sang fœtal veine ombilicale est également dépendante de la
entre ces deux espèces. pression du vaisseau et de la compliance de sa
Contrairement à ce que l'on observe dans le canal paroi. Toute augmentation de pression dans
d'Arantius, le spectre des vitesses de circulation l'oreillette droite induira une augmentation de
du sang dans la veine ombilicale est un spectre pression dans l'Arantius, qui, transmise à la veine
plat, non pulsatile pendant les deuxième et troi- ombilicale, favorisera l'apparition du phénomène
sième trimestres de la grossesse. Au premier tri- de pulsatilité.
mestre, il est souvent pulsatile en conditions
normales. Plusieurs mécanismes concourent à
l'absence de transmission de la pulsatilité du flux
du canal d'Arantius vers la veine ombilicale. Les Canal artériel
lois physiques régissant la transmission des ondes
s'appliquent au compartiment Arantius/veine La plus grande proportion du volume sanguin
ombilicale. Au sein de ce compartiment, la propa- éjecté par le ventricule droit est déviée vers l'aorte
gation du sang se fait depuis la veine ombilicale descendante par le canal artériel. Ce phénomène
vers le canal d'Arantius et l'oreillette droite. est favorisé par l'existence de pressions artérielles
Cependant, au plan de la mécanique des fluides, pulmonaires élevées. En conditions physiolo-
la notion de réflexion des ondes (dans le sens giques, il n'y a pas de flux rétrograde au travers de
inverse, c'est-à-dire de l'Arantius vers la veine l'isthme aortique vers les troncs supra-aortiques.
ombilicale) est également à prendre en compte. La L'apparition d'un flux rétrograde (de l'aorte des-
balance propagation/réflexion des ondes à la cendante vers les troncs supra-aortiques) pourrait
jonction des deux secteurs est dépendante de représenter l'une des premières modifications de
l'impédance (Z) propre à chacun de ces deux sec- la circulation fœtale en réponse à une insuffisance
teurs. Le coefficient de réflexion au niveau de placentaire, précédant les anomalies du Doppler
cette jonction répond à l'équation : ombilical. L'isthme aortique présente donc égale-
ment une zone de régulation de la balance des
flux.
Onde réfléchie Zvo - Za
= Le tonus du canal artériel est soumis à une régula-
Onde incidente Zvo + Za tion fine. Les inhibiteurs des prostaglandines (en
particulier les anti-inflammatoires non stéroï-
Zvo et Za correspondent respectivement à l'im- diens) sont connus depuis longtemps pour induire
pédance de la veine ombilicale et du canal une constriction prénatale du canal artériel. In
d'Arantius. Quand l'impédance est identique utero, les facteurs essentiels qui contribuent à la
entre les deux secteurs, le coefficient de réflexion relative vasodilatation du canal artériel sont les
est égal à 0 et la transmission des ondes est com- prostaglandines, principalement la prostaglan-
plète. L'impédance des deux secteurs dépend en dine E2 (PGE2) produite localement mais aussi, et
grande partie du diamètre de chacun des vais- surtout, par le placenta. L'endothéline 1, produite
seaux. En conditions physiologiques, le calibre de par l'endothélium et la cellule musculaire lisse de
la veine ombilicale est environ 4 fois supérieur à la media du canal artériel, est au contraire un
celui de l'Arantius. Ainsi, la balance se fait en puissant vasoconstricteur. En conditions physio-
faveur d'une réflexion maximale, expliquant logiques, la balance se fait en faveur des facteurs

53
Partie II. Physiopathologie

vasodilatateurs. guanylate cyclase occupe une place prépondérante


Le tonus ductal est très sensible aux variations du dans la vasodilatation du compartiment artériel
contenu sanguin en oxygène. In utero, la pression pulmonaire à la naissance.
en oxygène (PO2) fœtale basse favorise la vasodi- Dans certaines circonstances physiopatholo-
latation du canal artériel. À la naissance, la giques, l'adaptation du compartiment vasculaire
brusque augmentation de la PO2 accompagnant pulmonaire est inadéquate, aboutissant à une
les premiers cris représente le plus puissant sti- augmentation insuffisante du débit pulmonaire et
mulus induisant la constriction du canal artériel. à la persistance de résistances artériolaires pul-
monaires élevées définissant le syndrome d'hy-
pertension artérielle pulmonaire persistante du
nouveau-né, qui s'accompagne d'un shunt extra-
Circulation pulmonaire pulmonaire de sang désoxygéné par le canal arté-
riel et/ou le foramen ovale. Cela conduit à une
Au cours de la vie fœtale, le placenta est l'organe hypoxémie réfractaire associée à une morbidité et
de l'hématose. Les résistances vasculaires pulmo- à une mortalité néonatales élevées.
naires fœtales sont élevées et le débit artériel pul-
monaire est relativement faible, représentant
environ 6–8 % du débit cardiaque combiné chez le
fœtus d'agneau. Bien que le débit pulmonaire soit Débit cardiaque fœtal
faible, celui-ci est indispensable au développe-
ment pulmonaire normal. Les expériences de Le débit cardiaque est le produit de la fréquence
ligature précoce d'une des branches de l'artère cardiaque et du volume d'éjection ventriculaire.
pulmonaire chez le fœtus de mouton conduisent à Trois éléments conditionnent ce dernier : la pré-
une hypoplasie pulmonaire homolatérale à la liga- charge et la postcharge du ventricule ; la contrac-
ture. Les études non invasives menées chez tilité myocardique (force de contraction). La
l'homme ont montré que le débit pulmonaire était précharge conditionne le volume télédiastolique
plus important que chez l'animal (représentant et donc le degré d'étirement des fibres myocar-
environ 11 % du débit cardiaque combiné). Le diques avant la contraction. En accord avec la loi
débit pulmonaire augmente régulièrement au de Starling, la force développée par la contraction
cours de la gestation, témoignant de la croissance dépendra de ce degré d'étirement de ces fibres.
pulmonaire et de l'augmentation du nombre de Jusqu'à une certaine limite, plus grand sera l'étire-
vaisseaux pulmonaires. Parallèlement, la résis- ment des fibres myocardiques avant la contrac-
tance artérielle pulmonaire augmente. Les méca- tion, plus grande sera la force développée au cours
nismes contribuant à maintenir des résistances de la contraction. Chez l'adulte, c'est cette aug-
élevées sont l'absence d'interface air-liquide in mentation de la force de contraction qui permet
utero, un faible contenu du sang fœtal en oxygène une augmentation du volume éjecté par le ventri-
et une balance entre facteurs vasoconstricteurs et cule en particulier au cours de l'effort. Ce phéno-
facteurs vasodilatateurs en faveur des premiers. mène participe à l'adaptation des volumes éjectés
À la naissance, la circulation pulmonaire est le par chacun des deux ventricules. La postcharge
siège d'un profond bouleversement. En quelques représente la contrainte à laquelle le myocarde est
instants, les résistances vasculaires pulmonaires soumis pendant la contraction. Pour une force de
chutent pour permettre une augmentation consi- contraction donnée, le volume éjecté sera d'autant
dérable du débit pulmonaire qui croît d'un facteur plus grand que la postcharge est faible. La contrac-
8 à 10. Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette tilité représente la force intrinsèque de contrac-
chute brutale des résistances vasculaires pulmo- tion des fibres myocardiques.
naires, incluant des facteurs mécaniques et la libé- Le cœur fœtal répond d'une manière différente à
ration de substances vasoactives produites par des modifications de la pré- ou de la postcharge
l'endothélium modifiant le tonus des fibres muscu- par rapport au cœur adulte. Globalement, la
laires lisses de la media des artérioles pulmonaires. compliance du myocarde fœtal est inférieure à
Parmi les facteurs endothéliaux les plus impor- celle du myocarde adulte. Ainsi, le myocarde
tants, le système monoxyde d'azote (NO)/ fœtal ne dispose que d'une faible capacité à

54
Chapitre 6. Circulation fœtale

répondre à une augmentation de la précharge par Références


une augmentation du volume éjecté. De la même
manière, sa contractilité est inférieure à celle du Abman SH, Kinsella JP. Inhaled nitric oxide for persistent
myocarde adulte. Sa capacité à maintenir pulmonary hypertension of the newborn : the phy-
constant le volume éjecté en cas d'augmentation siology matters ! . Pediatrics 1995 ; 96 (6) : 1153–5.
de la postcharge sera donc plus limitée. Ces par- Barclay DM, Franklin KJ, Prichard MM. The foetal circu-
ticularités du cœur fœtal reflètent la différence lation and cardiovascular system, and the changes
d'organisation de l'ultrastructure de la fibre myo- that they undergo at birth. Londres : Blackwell
Scientific Publication ; 1944.
cardique fœtale par rapport au myocarde adulte.
Bristow J, Rudolph AM, Itskovitz J, Barnes R. Hepatic
Le débit cardiaque combiné (qui représente la oxygen and glucose metabolism in the fetal lamb.
somme des débits ventriculaires droit et gauche) Response to hypoxia. J Clin Invest 1983 ; 71 (5) :
est d'environ 450 ml/min/kg chez le fœtus de 1047–61.
mouton. Chez l'homme, l'approche écho-Doppler Edelstone DI, Rudolph AM. Preferential streaming of
a estimé que la valeur moyenne du débit cardiaque ductus venosus blood to the brain and heart in fetal
combiné augmentait de 40 ml/min à 15 semaines lambs. Am J Physiol 1979 ; 237 (6) : H724–9.
pour atteindre 1470 ml/min à terme. Lorsque ces Fouron JC, Skoll A, Sonesson SE, Pfizenmaier M, Jaeggi E,
valeurs sont rapportées au poids fœtal, le débit Lessard M. Relationship between flow through the
fetal aortic isthmus and cerebral oxygenation during
cardiaque combiné est voisin de celui mesuré chez acute placental circulatory insufficiency in ovine
l'animal (environ 425 ml/min/kg), et sa valeur est fetuses. Am J Obstet Gynecol 1999 ; 181 (5Pt 1) :
indépendante de l'âge gestationnel. L'étude 1102–7.
séquentielle des débits ventriculaires droit et Jensen A, Roman C, Rudolph AM. Effects of reducing ute-
gauche chez le fœtus humain a permis de confir- rine blood flow on fetal blood flow distribution and
mer la relative prédominance ventriculaire droite. oxygen delivery. J Dev Physiol 1991 ; 15 (6) : 309–23.
Cependant, la part du ventricule gauche dans le Kiserud T. The ductus venosus. Semin Perinatol 2001 ; 25
débit cardiaque combiné est significativement (1) : 11–20.
plus grande chez l'homme que chez le fœtus de Kiserud T, Rasmussen S, Skulstad S. Blood flow and the
mouton, comme l'illustre le ratio débit ventricule degree of shunting through the ductus venosus in
the human fetus. Am J Obstet Gynecol 2000 ; 182
droit/débit ventricule gauche (mouton : de 1,5 à
(1Pt 1) : 147–53.
1,9 ; homme : de 1,1 à 1,4). La majeure partie du
Mielke G, Benda N. Cardiac output and central distribu-
débit ventriculaire gauche étant destinée, in utero, tion of blood flow in the human fetus. Circulation
aux territoires supra-aortiques, cette différence 2001 ; 103 (12) : 1662–8.
pourrait refléter la différence de volume du cer- Rasanen J, Wood DC, Weiner S, Ludomirski A, Huhta JC.
veau fœtal entre les deux espèces. En effet, le cer- Role of the pulmonary circulation in the distribution
veau fœtal représente environ 12 % du poids fœtal of human fetal cardiac output during the second half
chez le fœtus humain contre 3 % chez le fœtus de of pregnancy. Circulation 1996 ; 94 (5) : 1068–73.
mouton.

55
Programmation fœtale : Chapitre 7
concept et conséquences
Anne Tarrade, Olivier Morel, Charlotte Dupont,
Pascale Chavatte-Palmer

Introduction Contexte historique


Le phénotype d'un individu dépend non seule- La notion de période critique de développement
ment de son génotype, de son environnement pendant laquelle le statut nutritionnel condi-
et de son style de vie, mais aussi de tous les évé- tionne le développement à long terme de l'indi-
nements vécus lors de la vie intra-utérine. vidu n'est pas nouvelle. Dans les années 1990, les
Connu chez l'homme sous le nom DOHaD études épidémiologiques menées par Barker,
(Developmental Origins of Health and Disease), démontrant un risque accru de maladies métabo-
le concept de la programmation métabolique liques chez les individus nés avec un petit poids
admet qu'une mémoire des impacts précoces de de naissance, ont donné lieu à l'hypothèse que la
l'environnement (nutrition et environnement nutrition maternelle et/ou fœtale jouait un rôle
parental, manipulations embryonnaires) existe, prépondérant dans la susceptibilité de l'individu
et que ces impacts ont un effet à long terme sur à développer des maladies métaboliques (hypo-
le phénotype de l'individu. De nombreuses thèse de Barker). De même, l'étude de femmes
études épidémiologiques et expérimentales ayant subi, au cours de la grossesse, la famine à
(modèles animaux) montrent l'impact d'un Amsterdam pendant l'hiver 1944–1945 (Dutch
retard de croissance intra-utérin (RCIU), mais famine), qui représentait une situation quasi
aussi de l'excès de poids fœtal sur la susceptibi- expérimentale, révèle une incidence plus élevée
lité à développer les éléments du syndrome d'hypertension, d'intolérance au glucose et de
métabolique (obésité, diabète, dyslipidémie, surpoids chez les descendants. Après la nais-
hypertension) et de nombreuses autres patho- sance, les effets de la programmation fœtale
logies (maladies mentales, ostéoporose, etc.). Il peuvent être potentialisés par le statut nutrition-
est généralement admis que les processus épi- nel néonatal : le risque semble particulièrement
génétiques qui président à l'établissement de augmenté en cas de prise de poids rapide après la
naissance et il est amplifié par une alimentation
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

profils d'expression des gènes successifs au


cours du développement en sont la base molé- hypercalorique. In utero, le fœtus anticiperait son
culaire. En effet, par leur plasticité, ils intègrent environnement énergétique futur et ajusterait
les impacts de l'environnement. Ces change- son métabolisme de façon à avoir un « phénotype
Le retard de croissance intra-utérin

ments peuvent être à l'origine de modifications économe », conduisant à l'hypothèse d'une


structurelles et/ou fonctionnelles de tissus au « réponse adaptative prédictive » de l'environne-
cours du développement et créer ainsi, chez ment postnatal.
l'adulte, une variabilité dans la réaction et Ainsi, de l'hypothèse de Barker est né le concept de
l'adaptation à de nouveaux stimuli environne- DOHaD (http://www.mrc.soton.ac.uk/dohad/ et
mentaux et une susceptibilité/résistance à www.sf-dohad.fr), qui fait maintenant l'objet de très
développer certaines maladies. nombreux travaux chez l'homme et l'animal.

57
Partie II. Physiopathologie

Impact du retard de croissance peuvent être liées à des mécanismes de program-


mation fœtale, avec des effets différents selon le
intra-utérin sur la descendance sexe de l'enfant.
Les données épidémiologiques citées ci-dessus ne
Données épidémiologiques permettent pas de comprendre les mécanismes
L'origine fœtale des maladies de l'adulte a été ini- mis en jeu dans la programmation lors du RCIU. Il
tialement proposée après la constatation, au début est possible que différentes étiologies (prééclamp-
du xxe siècle en Angleterre, d'un taux élevé de sie, origine vasculaire placentaire, infection, sous-
mortalité infantile associé à une augmentation du nutrition, etc.) entraînent des effets différents. De
nombre de décès à l'âge adulte par maladies coro- plus, comme le soulignent les travaux sur la
nariennes. La première cause de mortalité infan- cohorte d'Amsterdam, le moment de la sous-nutri-
tile étant liée au petit poids de naissance, les tion (période périconceptionnelle, début ou fin de
enfants nés hypotrophes, qui survivaient à cet grossesse) et les conditions de développement
état, semblaient donc présenter plus de risque de postnatales jouent un rôle important. De nom-
développer une maladie coronarienne à l'âge breux modèles animaux de RCIU ont ainsi été
adulte. De plus, une revue extensive de la littéra- développés pour l'étude de la programmation.
ture faite par Huxley montre que le poids de nais-
sance et le périmètre crânien à la naissance sont
inversement proportionnels à la pression arté-
Modèles animaux
rielle à l'âge adulte, quelles que soient les condi- L'utilisation de modèles animaux a permis de
tions de vie dans la période postnatale. Le faible démontrer que la nutrition maternelle pouvait
poids de naissance est associé à un niveau de avoir des effets importants sur la santé de la des-
résistance plus élevé à l'insuline, à une incidence cendance. Chez les rongeurs, des approches
accrue de diabète de type 2 et au développement e­xpérimentales de sous-nutrition globale et de res-
d'un syndrome métabolique à l'âge adulte. triction protéique durant la gestation entraînent
Il est important de noter l'influence de la nutri- une augmentation de l'incidence de l'hyperten-
tion postnatale, à la fois dans la période néonatale sion, de l'adiposité, de perturbations de l'homéo­
et à l'âge adulte. Ainsi, un rattrapage pondéral stasie glucidique et de dyslipidémie chez la
postnatal chez les hypotrophes est associé à une descendance. Dans une étude chez la souris, une
augmentation de l'adiposité et à des profils méta- réduction de 32 % de la longévité a été observée
boliques altérés à l'âge adulte. De plus, la préva- chez les descendants mâles issus de femelles sou-
lence de l'insulinorésistance est la plus élevée chez mises à une alimentation hypoprotéique durant la
les individus d'index pondéral faible (1er tercile) à gestation, puis nourris avec une alimentation
la naissance et d'indice de masse corporel (IMC) déséquilibrée (enrichie en sucres et en graisses)
élevé à l'âge adulte (3e tercile), et la moins élevée après le sevrage, par rapport aux contrôles. De
chez les individus d'index pondéral élevé à la nais- façon intéressante, les animaux ayant vécu le plus
sance et d'IMC dans le 1er tercile à l'âge adulte. longtemps étaient ceux dont la croissance néona-
Cette programmation participe donc à l'augmen- tale avait été ralentie par une sous-nutrition pro-
tation de l'incidence de l'obésité et du diabète téique maternelle durant la période d'allaitement,
dans les pays où s'effectue une transition alimen- ce qui a été confirmé dans d'autres modèles. Des
taire chez des mères nourries avec un régime tra- observations similaires sur le rôle de l'alimenta-
ditionnel qui donnent naissance à des enfants tion maternelle ont été faites dans de nombreuses
exposés à un régime de type occidental. En Inde, autres espèces (dont le cobaye, le mouton, le porc,
par exemple, les enfants soumis à un environne- le cheval, les primates, etc.), démontrant la robus-
ment maternel de sous-nutrition et nés avec un tesse de ces phénomènes chez les mammifères.
RCIU présentent un excès de tissu adipeux et sont Il faut néanmoins noter que ces effets ne sont pas
prédisposés au syndrome métabolique. toujours apparents dans la période néonatale,
Enfin, d'autres pathologies de l'adulte comme des mais qu'ils se révèlent à l'âge adulte. Dans les
maladies pulmonaires, l'ostéoporose, la prédispo- sociétés occidentales toutefois, le RCIU est dû à
sition à certains cancers et même la schizophrénie une insuffisance placentaire plutôt qu'à une

58
Chapitre 7. Programmation fœtale : concept et conséquences

sous-nutrition maternelle. Les modèles animaux Modèles animaux


de restriction vasculaire placentaire par ligature
des artères utérines restent controversés. De nombreux modèles animaux ont été générés
L'utilisation de modèles « physiologiques » de via la manipulation du régime alimentaire afin
RCIU d'origine placentaire chez le porc ou l'ovin a d'induire une obésité dans un premier temps qui
permis de démontrer le même panel d'effets à long favorise l'apparition d'un diabète de type 2 dans
terme que lors de la sous-nutrition placentaire. un second temps. Ainsi, les descendants – en par-
ticulier mâles – de rates ou de souris obèses et
insulinorésistantes à la suite d'un excès nutrition-
Impact de l'obésité et du diabète nel développent une obésité, une résistance à l'in-
suline et une hyperphagie. L'induction d'un
maternels sur la descendance diabète de type 1 au cours de la gestation est éga-
lement possible par pancréatectomie, par destruc-
La prévalence de l'obésité ne cesse d'augmenter à tion chimique du pancréas ou par transgenèse.
travers le monde et représente désormais un pro- Dans ce cas, le phénotype de la descendance se
blème majeur de santé publique. Actuellement, caractérise par une augmentation de la glycémie,
1,1 milliard de la population mondiale est consi- une hyperinsulinémie et une macrosomie fœtale.
déré comme obèse et, parmi cette population, Ces exemples soulignent l'importance de générer
25 % des femmes européennes en âge de procréer des modèles animaux afin d'une part de com-
(selon l'Organisation mondiale de la santé [OMS]). prendre les mécanismes de la programmation
Cette augmentation résulte de deux phénomènes : fœtale, et d'autre part de tester des stratégies
d'une part, de l'inadéquation entre l'environne- préventives.
ment utérin et l'environnement postnatal de la
descendance, en particulier dans les pays en voie
de développement et dans les populations qui
subissent des changements drastiques de leur ali- Influence de l'environnement
mentation (voir plus haut), et d'autre part, de la paternel sur la descendance
surnutrition des sociétés industrialisées.
Jusqu'à présent, les études sur l'origine développe-
mentale des maladies métaboliques se sont focali-
Données épidémiologiques
sées sur l'impact de l'environnement maternel sur
Il est bien établi que l'obésité maternelle augmente la descendance. Cependant, des études épidémio-
le risque de diabète gestationnel, de prééclampsie, logiques menées sur des cohortes humaines sué-
d'accouchement prématuré et de complications au doises ont montré que la surnutrition des
moment de la délivrance. À la naissance, les nou- grands-pères paternels pendant la période prépu-
veau-nés issus de ces mères présentent une résis- bertaire augmentait significativement le risque
tance à l'insuline et une adiposité augmentée relatif de développer un diabète de type 2 chez
indiquant un métabolisme énergétique déjà altéré. leurs petits-fils, alors qu'une famine au cours de
Cette prédisposition favorise l'obésité infantile, cette même période protégeait les fils contre les
obésité d'autant plus sévère que l'IMC maternel est maladies cardiovasculaires.
élevé. À l'âge adulte, d'autres maladies métabo- En s'appuyant sur des modèles animaux, il a pu
liques sont susceptibles d'être développées par la être établi qu'une restriction alimentaire chez des
descendance, comme l'hypertension et le diabète souris mâles depuis le sevrage ou pendant la
de type 2. Chez la femme, le diabète de type 2 et le période préconceptionnelle altérait respective-
diabète gestationnel perturbent la programmation ment l'expression différentielle des gènes hépa-
fœtale en induisant une hyperglycémie et une tiques et le métabolisme du glucose de la
hyperinsulinémie fœtale qui contribuent à l'hy- descendance. De même, l'obésité chez des rats
perplasie et à l'hypertrophie des adipocytes. Ces mâles conduit à un dysfonctionnement des cel-
effets sur le tissu adipeux ont une incidence sur la lules β du pancréas chez leurs filles. Une diminu-
prise de poids des enfants et prédisposent les des- tion de sensibilité à l'insuline chez la descendance
cendants à un diabète de type 2 à l'âge adulte. de souris mâles, issues de mères sous régime

59
Partie II. Physiopathologie

obésogène, a également été remarquée. Les effets mais aussi la sévérité de la contrainte nutrition-
paternels observés ne se limitent pas à la première nelle appliquée à la génération F0 influent sur le
génération mais touchent également la seconde. phénotype des générations suivantes.
Les mécanismes impliqués demeurent inconnus ; La machinerie épigénétique, qui régule l'expres-
néanmoins, il est légitime de supposer que ces sion des gènes sans altérer la séquence d'ADN,
effets phénotypiques chez les descendants serait un des processus mis en jeu. Le code épigé-
résultent de modifications, au sein des cellules nétique inclut notamment la méthylation de
germinales paternelles, de la chromatine ou de l'ADN et les modifications post-traductionnelles
l'ADN (acide désoxyribonucléique), sans altéra- des histones. Dans des conditions normales, la
tion de la séquence. machinerie épigénétique intervient dans le
contrôle de l'expression temporelle et tissu spéci-
Effets inter- et/ou fique des gènes. Ainsi, certains gènes sont actifs et
d'autres silencieux, de manière stable ou réver-
transgénérationnels ; sible au cours du développement. Lors de pertur-
rôle de l'épigénome bations environnementales au cours de fenêtres
spatiotemporelles critiques du développement
Les multiples exemples cités précédemment fœtal et postnatal, la transmission du phénotype
démontrent que l'environnement parental nutri- sur une ou plusieurs générations nécessite, via la
tionnel a un impact sur la descendance, mais ces machinerie épigénétique, des changements irré-
effets ne se limitent pas exclusivement à la pre- versibles de l'expression de gènes impliqués dans
mière génération. Dans l'étude des effets de la les voies de signalisations métaboliques et des
famine en Hollande pendant l'hiver 1944–1945, il processus de contrôle de l'homéostasie. Chez la
a été montré que les filles issues des mères sous- souris mutante agouti viable yellow (Avy), la colo-
alimentées avaient donné naissance à des enfants ration du pelage agouti dépend du niveau de
de petit poids. Chez les Indiens d'Amérique du méthylation d'une séquence située dans le promo-
Nord, il a été montré que la restriction nutrition- teur de ce gène. La supplémentation maternelle
nelle maternelle au cours de la grossesse est asso- durant la gestation de ces souris, en micronutri-
ciée à un risque de diabète de type 2 transmis sur ments donneurs de groupements méthyl, comme
plusieurs générations. De même, le diabète gesta- les folates, a pour conséquence une modification
tionnel induit des perturbations métaboliques de la couleur du pelage de jaune à pseudo-agouti,
propices à l'obésité chez la descendance et cet d'une manière dose-dépendante.
environnement est à son tour favorable à l'appari- De plus, l'épigénome est également sensible aux
tion d'un diabète gestationnel qui induira alors modifications des apports en macronutriments,
l'obésité de la deuxième génération, ceci ad infini- puisqu'une restriction protéique chez des rates ges-
tum. L'étude de Stewart en 1975 confirme l'hypo- tantes conduit à l'hypométhylation du promoteur
thèse d'une transmission transgénérationnelle du gène PPARα (Peroxisome Proliferator-Activated
grâce à une restriction protéique réalisée chez des Receptor) et du récepteur aux glucocorticoïdes de la
rats sur douze générations. Ces rats présentaient descendance. Cette hypométhylation favorise l'ex-
une réduction de leur masse corporelle, une alté- pression de ces récepteurs et donc modifie la régu-
ration de leur comportement ainsi que des diffi- lation des voies métaboliques hépatiques. Il est
cultés d'apprentissage. intéressant de noter que l'hypométhylation de
Les modifications phénotypiques observées chez PPARα est observée à la génération F1 et F2 mais pas
les générations F1 et F2 impliqueraient que les cel- F3. Outre les perturbations nutritionnelles, des
lules germinales F1, à l'origine de la génération F2, changements des flux utéroplacentaires chez le rat
subissent les altérations de l'environnement de la peuvent être à l'origine de modifications des
grand-mère (F0) au cours de son développement marques épigénétiques dans le foie et le cerveau de
anténatal. Le phénotype de la génération F2 serait la descendance.
donc le reflet des modifications de la lignée ger- Les effets transgénérationnels impliquent néces-
minale F1. De plus, il semble que la fenêtre d'inter- sairement une transmission via les cellules germi-
vention nutritionnelle (gestation et/ou lactation) nales. Les mécanismes ne sont pas encore élucidés,

60
Chapitre 7. Programmation fœtale : concept et conséquences

mais il est probable que des marques épigénétiques l'injection de l'exendine 4, analogue de l'hormone
apposées sur le génome de ces cellules soient pré- glucagon-like peptide 1 qui stimule la synthèse et
servées de la déméthylation globale du génome la sécrétion d'insuline, au cours la période néona-
embryonnaire faisant suite à la fécondation soient tale, prévient le développement du diabète, en évi-
ainsi transmises à la descendance. On sait en effet tant le déclin des cellules β du pancréas chez les
déjà que près de 10 % des transposons gardent ratoms en RCIU. Les effets de l'exendine 4 sur
leurs marques épigénétiques au moment de ce pro- l'homéostasie du glucose sont permanents, ce qui
cessus. D'ailleurs, une étude récente renforce cette augmente la durée de vie des animaux. Dans
hypothèse puisque les profils de méthylation des d'autres modèles animaux, cette molécule aug-
spermatozoïdes des souris soumises à un régime mente la sensibilité à l'insuline, diminue la prise
hypoprotéique présentent des modifications post- alimentaire et augmente la satiété. La leptine a
traductionnelles de certaines histones au niveau également été testée en raison de ses effets sur
des promoteurs des gènes monoamine oxydase et l'axe hypothalamo-hypophysaire. Ainsi, l'admi-
du facteur d'élongation Eftud1 (Elongation factor nistration de leptine chez des ratons ou des porce-
Tu GTP binding domain containing 1). lets ayant subi une sous-nutrition in utero peut
permettre de prévenir le développement d'un syn-
drome métabolique.

Prévention des maladies Les donneurs de groupement méthyl sont parti-


culièrement étudiés en raison de leurs rôles
métaboliques dans la synthèse de l'A DN et dans la méthyla-
tion. Ainsi, l'ajout de glycine ou de folates à l'ali-
Les interventions nutritionnelles ou pharmacolo- mentation de rates restreintes en protéines
giques pour prévenir l'obésité ou le diabète sont prévient l'apparition de l'hypertension et des
maintenant une priorité de santé publique. Or, dysfonctionnements des cellules endothéliales
elles sont d'autant plus efficaces que l'intervention de la descendance. De plus, les folates limitent
a lieu tôt dans la vie de l'individu. l'hypométhylation des promoteurs des récep-
Chez l'homme, la première approche a été d'amé- teurs PPARα et des récepteurs aux glucocorti-
liorer la nutrition maternelle. Chez des femmes coïdes. Ces observations suggèrent que le
souffrant de sous-nutrition pendant leur gros- métabolisme du 1-carbone joue un rôle central
sesse, la complémentation avec des biscuits éner- dans l'induction de l'altération de la régulation
gétiques ou hyperprotéiques permet d'augmenter épigénétique de PPARα ainsi que dans l'appari-
le poids de naissance des nouveau-nés et de tion du phénotype. Parmi les autres approches,
réduire la mortalité néonatale. Au Guatemala, chez le rat et l'ovin, il est possible d'améliorer la
l'intervention nutritionnelle menée de 1969 à croissance fœtale en modulant le flux sanguin
1977 (prise d'une boisson énergétique par des placentaire par le traitement de la mère avec un
femmes enceintes) a montré que si le poids de antioxydant comme la mélatonine.
naissance n'était pas significativement différent
entre le groupe traité et le groupe contrôle, les
enfants issus du groupe traité avaient une concen-
tration de base en triglycérides et une concentra-
Conclusion
tion en HDL (high density lipoprotein) plus élevée Les transitions alimentaires qui apparaissent
à l'âge adulte. Dans le sens inverse, la perte de dans les pays en développement ainsi que la sur-
poids par chirurgie bariatrique avant la grossesse nutrition des pays développés laissent entrevoir
diminue la prévalence de l'obésité chez la une forte augmentation des maladies métabo-
descendance. liques dans les prochaines décennies. L'un des
Chez les animaux, l'ajout de taurine, un acide enjeux consistera à définir des critères, indépen-
aminé essentiel au développement du pancréas, damment du poids de naissance, permettant de
dans l'eau de boisson de rates gestantes soumises prédire pour chaque individu sa propension à
à une restriction protéique protège la descendance développer ces maladies. L'étude du placenta
d'un dysfonctionnement pancréatique. De même, pourrait être déterminante dans ce contexte, car

61
Partie II. Physiopathologie

le placenta représente l’« archive » de la nutrition incident coronary heart disease. Lancet 1996 ; 30 :
fœtale et sa structure ou sa fonction sont directe- 1478–80.
ment reliées au devenir de la descendance. Une Gluckman PD, Hanson MA. Living with the past : evolu-
fois ce facteur de risque analysé, des stratégies tion, development, and patterns of disease. Science
2004 ; 305 (5691) : 1733–6.
thérapeutiques de prévention ou de traitement
pourraient être envisagées, comme des modifica- Hales CN, Barker DJ. The thrifty phenotype hypothesis.
Br Med Bull 2001 ; 60 : 5–20.
tions diététiques associées ou non à un traitement
Hanson M, Godfrey KM, Lillycrop KA, Burdge GC,
thérapeutique, en particulier pendant l'enfance,
Gluckman PD. Developmental plasticity and deve-
en raison de la plasticité de l'épigénome. lopmental origins of non-communicable disease :
theoretical considerations and epigenetic mecha-
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Birthweight, body-mass index in middle age, and (11) : 715–22.

62
Épigénétique Chapitre 8
et croissance fœtale
Daniel Vaiman

Rôles et mécanismes spatial et temporel de l'activité des gènes. Les


marques épigénétiques apposées sur les gènes sont
de l'épigénétique transmissibles de génération cellulaire en génération
cellulaire, pour les cellules somatiques, et, dans une
La première version de la séquence du génome certaine mesure aussi, pour les cellules germinales,
humain a été complétée en 2001. D'aucuns ont naï- ce qui peut induire des effets phénotypiques trans-
vement vu cette réussite impressionnante comme générationnels apparemment non darwiniens.
une « fin de l'histoire » biologique. Il est pourtant Ces marques vont être associées à une expression
manifeste que la compréhension du monde vivant ou à une extinction des gènes. À l'heure actuelle,
ne peut se résumer à l'alignement des quelque on considère qu'elles sont essentiellement appo-
3 milliards de bases qui constituent la séquence sées à l'aide de trois mécanismes moléculaires dis-
d'un génome mammalien. En effet, la métaphore du tincts : la méthylation de l'ADN au niveau des
programme informatique couramment appliquée cytosines des nucléotides CG présents sous formes
au génome des êtres vivants peut également être d'îlots dans les génomes de vertébrés ; l'associa-
aisément étendue à la structure des génomes. Or, tion de l'ADN avec des nucléosomes (cœur de
tout informaticien sait qu'outre la mémoire morte 8 histones autour duquel 146 nucléotides d'ADN
présente dans un ordinateur et recelant l'ensemble sont enroulés) dont les histones présentent des
des informations, l'adressage des données, des pro- marques de chromatine ouvertes ou fermées ; ou
grammes, des modules de programmes est tout l'expression de micro-ARN (appelés miR) régu-
aussi important pour faire fonctionner l'ensemble. lant en cascade l'expression de séries de gènes
De ce point de vue, le génome mammalien recèle impliqués dans une fonction biologique donnée.
forcément un code de lecture permettant de plani- Ces marques ne sont pas interchangeables, mais
fier une séquence d'événements rendant possibles le des liens existent entre elles ; par exemple, les
déroulement du programme développemental ADN méthyltransférase DNMT3a et DNMT3L
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de l'individu et le fonctionnement de sa machinerie contiennent un domaine d'interaction avec


physiologique. Cette régulation du fonctionnement l'histone H3 déméthylée au niveau de la lysine 4,
du génome, qu'on pourrait assimiler succinctement ce qui permet en théorie de provoquer une
à une régulation de l'expression des gènes, est obte- méthylation ciblée de l'A DN à une position où
Le retard de croissance intra-utérin

nue par une série de mécanismes dits « épigéné- l'histone est installée. Des domaines d'interac-
tiques », terme que l'on peut comprendre au sens tion de protéines impliquées dans ces méca-
étymologique « épi », par-dessus, et « génétique », en nismes sont rencontrés pour la méthyltransférase
relation avec les gènes. La génétique classique a mis de la lysine 4 de l'histone H3 MLL1, qui contient
en évidence les mécanismes de transmission des un domaine d'interaction avec les CG. Selon les
gènes de génération en génération ; sous le terme mêmes auteurs, SET, qui présente une activité
« épigénétique », on regroupe l'ensemble des méca- enzymatique similaire à celle de MLL1, interagit
nismes moléculaires qui orchestrent le contrôle avec la protéine CFP1 qui présente un domaine

63
Partie II. Physiopathologie

d'interaction avec les CG. L'existence de methyl- croissance, plus pratiquement caractérisé par
binding domains au sein de l'histone méthyl- une rupture in utero de la courbe de croissance
transférase SETDB1 illustre les mêmes possibilités fœtale.
de communication entre mécanismes épigéné-
tiques. Cette vision est encore illustrée par les
interactions de DNMT1 avec des protéines Régulation des gènes
capables de lier méthylation des histones et soumis à empreinte
méthylation de l'A DN.
Un aspect particulièrement important du placenta
En conclusion, il est clair que la régulation épigé-
est qu'il est un lieu majeur d'expression d'une caté-
nétique forme un tout avec des marques plus ou
gorie de gènes cruciaux pour la régulation des
moins stables ou labiles qui dirigent l'expression
échanges maternofœtaux : les gènes soumis à
des gènes dans les différents types cellulaires et,
empreinte. En l'état actuel des connaissances, il
surtout, en réponse aux possibles agressions de
s'agit d'une petite centaine de gènes sur les 25 000
l'environnement cellulaire. Les altérations de
du génome, qui présentent la particularité de n'être
l'environnement cellulaire peuvent prendre des
exprimés que par l'un des allèles (soit l'allèle pater-
formes physiques (température, pression, forces
nel, soit l'allèle maternel). Les gènes soumis à
de cisaillement), chimiques (hypoxie, hyperoxie,
empreinte ont apparemment évolué avec l'appari-
exposition à des radicaux libres, altérations du
tion du placenta chez les mammifères marsupiaux
pH, déficit en molécules permettant la biosyn-
et placentaires, à partir de prémisses qui auraient
thèse de molécules biologiques) ou biologiques
existé chez les monotrèmes. Les mécanismes per-
(exposition à des parasites ou à des molécules
mettant l'extinction d'un des allèles et l'expression
d'origine microbienne) ; on peut avancer que
de l'autre sont de nature épigénétique. Par consé-
dans les cas où ces altérations perdurent durant
quent, l'empreinte parentale est un cas particulier
plus d'une génération cellulaire, des anomalies
de régulation épigénétique, appliquée à un groupe
épigénétiques peuvent s'installer sur la chroma-
de gènes très limité en quantité, mais d'une
tine et concourir à une expression aberrante des
importance considérable pour gérer les échanges
gènes. De telles conditions peuvent se rencontrer
nutritionnels maternofœtaux. Des expériences
dans le contexte de maladies neurologiques
d'invalidation de nombreux gènes soumis à
(Alzheimer, schizophrénie, autisme), du cancer,
empreinte, tels Igf2, H19, Peg10, Mash-2, ont mon-
de pathologies allergiques (asthme). Le placenta,
tré des effets directs sur la structure du placenta et
par son statut d'organe transitoire mais avec une
le développement fœtal. L'extension de ces résultats
durée de vie conséquente (la gestation, soit
à l'espèce humaine a donné quelques résultats
9 mois dans l'espèce humaine), à développement
concordants. Par exemple, PHLDA2, ILK2, NNAT,
rapide, exposé à des variations importantes de
CCDC86 et PEG10 présentent une expression aug-
l'environnement (nutriments, oxygène), est une
mentée dans les placentas issus de RCIU, tandis
cible désignée pour l'accumulation d'anomalies
qu'au contraire PLAGL1, DHCR24, ZNF331 et
épigénétiques.
CDKAL1 sont diminués. Il est par ailleurs connu
que de rares pathologies humaines, tels le syn-
drome de Beckwith-Wiedemann (BWS) et le syn-
Placenta : fonctions drome de Silver-Russel, associés à des phénotypes
et épigénétique opposés (surcroissance et RCIU, respectivement),
sont liées à des dérégulations de l'expression de
Le placenta est l'organe clé de réalisation de la gènes soumis à empreinte, en particulier IGF2, qui
croissance fœtale. De très nombreux exemples se trouve exprimé par deux allèles au lieu d'un dans
de dysfonction placentaire sont connus chez le BWS.
les espèces modèles et chez l'homme, qui abou-
tissent en général à un défaut de croissance Autres gènes du placenta
nommé retard de croissance intra-utérin
(RCIU), état défini comme une incapacité du Outre l'implication cruciale des mécanismes épi-
fœtus à atteindre son potentiel génétique de génétiques dans la régulation de l'expression des

64
Chapitre 8. Épigénétique et croissance fœtale

gènes soumis à empreinte, ils interviennent égale- SERPINA3, modulateur de


ment dans la régulation de l'expression des autres l'implantation régulé par une
gènes du placenta. De ce point de vue, les progrès
les plus importants dans les connaissances ont été combinaison de mécanismes
accomplis en analysant les différences de niveaux génétiques et épigénétiques
de méthylation entre placentas normaux et patho-
Les SERPIN (inhibiteurs de sérine protéases) consti-
logiques dans des régions régulatrices de gènes
tuent une famille d'une quarantaine de protéines
non soumis à empreinte, ce qui a permis de repen-
impliquées dans l'homéostasie de l'organisme,
ser l'implication combinée de la génétique et de
avec des rôles clés dans l'angiogenèse, la coagula-
l'épigénétique dans les pathologies du placenta.
tion, l'apoptose, le maintien de la matrice extracel-
Ces dernières années ont bénéficié de la possibi-
lulaire, le transport d'hormones, et diverses pathologies
lité d'utiliser des approches à haut débit avec le
neurologiques. Une caractéristique de leur mode
développement récent d'une puce à ADN, per-
d'action est leur liaison covalente nécessaire avec
mettant d'interroger simultanément le niveau de
leur protéase cible, précédant l'adressage au pro-
méthylation de 25 578 CG à proximité de 14 475
téasome et la destruction de celle-ci. L'action des
gènes (Illumina™). Cette avancée très récente suc-
SERPIN est donc consubstantielle à leur dégrada-
cède à une plate-forme antérieure n'interrogeant
tion, ce qui implique qu'elles sont nécessairement
que 1505 CG à proximité de 807 gènes, et diminue
produites en permanence par la cellule en réaction
considérablement le coût de l'expérience.
à diverses perturbations extérieures.
Néanmoins, cette première plate-forme a été Dans les situations pathologiques, une des SERPIN
récemment utilisée pour l'analyse de la méthyla- variant le plus en termes expressionnels est la
tion de placentas prééclamptiques, pathologies SERPINA3, que l'on retrouve impliquée dans la
induisant fréquemment un RCIU vasculaire (un maladie d'Alzheimer, la schizophrénie, l'endomé-
tiers des cas). Les auteurs décrivent des anomalies triose, les anévrismes, les défauts de fonctionne-
de 34 loci dont 5 concernent les cas de RCIU. ment du myocarde, l'hypertension artérielle, et
Dans les placentas des prééclampsies les plus finalement dans la prééclampsie et le RCIU. La pro-
graves, les auteurs révèlent que le promoteur du téine est par ailleurs augmentée dans le plasma des
régulateur de l'invasion TIMP3 est hypométhylé patientes souffrant de pathologies placentaires.
dans les placentas pathologiques. Dans l'avenir, le
Nous avons pu montrer que la SERPINA3 était
nouvel outil devrait permettre d'interroger systé-
induite transcriptionnellement dans les placentas
matiquement la méthylation de types cellulaires
prééclamptiques (× 2), les prééclampsies accom-
variés à des prix considérablement inférieurs à
pagnées de RCIU (× 15) et les RCIU vasculaires
ceux des autres approches. Le panorama géno-
isolés (× 7) [figure 8.1a]. Nous avons analysé la
mique de la méthylation placentaire, maintenant
méthylation du promoteur du gène à 14 CG et
accessible dans des conditions normales et patho-
avons pu montrer (figure 8.1b) une déméthylation
logiques, n'est cependant qu'une vision du paysage
localisée dans les placentas pathologiques, plus
chromosomique qu'il faut connecter à l'expres-
prononcée en prééclampsie qu'en RCIU. Nous
sion des gènes, véritable enjeu physiologique.
nous sommes alors trouvés confrontés à une diffi-
culté : la SERPINA3 était bien induite dans les
deux conditions mais beaucoup plus en RCIU,
Régulation de l'expression des alors que la déméthylation était moindre.
gènes et impact de la méthylation Nous avons alors émis l'hypothèse de l'intervention
de facteurs transcriptionnels qui seraient spécifi-
de l'ADN dans les placentas quement augmentés dans les placentas en RCIU,
normaux et pathologiques mais non en prééclampsie, et que l'action de ces fac-
teurs dépendrait de surcroît de l'état de méthylation
Deux exemples sont présentés : celui du gène codant de la région régulatrice du gène de la SERPINA3.
la SERPINA3 ou antichymotrypsine, et celui du Nous avons focalisé notre étude sur une région de
facteur transcriptionnel TBX15, identifié par des 446 bases d'ADN dans laquelle se trouve un poly-
approches globales d'analyse de la méthylation. morphisme génétique (rs1884082) dont les deux

65
Partie II. Physiopathologie

Taux d’induction de l’expression de la SERPINA3 en fonction des


pathologies placentaires

17
16

Taux d’induction par-rapport aux


15
14
13
12
11
10

contrôles
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
PE PER RCIU d’origine placentaire
A

1,5 Site de fixation B


Site de fixation Méthylation du promoteur de la
1,4 du récepteur de
de HIF1a SERPINA3
1,3 I’acide
1,2 rétinoÏque
1,1
Contrôle
1
0,9 RCIU
0,8
Sites de fixation Prééclampsie
0,7
de HOXC et
0,6
OCTB
0,5
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600

Figure 8.1. Analyse de l'expression et de la méthylation de la SERPINA3 dans les placentas


normaux et pathologiques.
a. Rapports d'induction relatifs par rapport à des placentas normaux de placentas prééclamptiques (PE),
prééclamptiques avec un RCIU (PER) et de RCIU isolé. L'induction du gène, modeste en PE isolé, est de plus de 7 fois
dans les autres cas par rapport aux contrôles. b. Analyse de la méthylation relative par pyroséquençage de la région
promotrice de la SERPINA3. Une série de 14 CG est analysée. Dans l'ensemble, la pathologie réduit la méthylation ;
cet effet est plus marqué en PE qu'en RCIU.
Illustration : D. Vaiman.

allèles G et T sont aussi probables dans les popula- MZF1 et ZBTB7B). Par des approches de biologie
tions caucasiennes. Nous avons d'abord montré que cellulaire, nous avons montré que ces facteurs étaient
l'allèle T était corrélé à une forte expression de la en mesure d'induire l'expression d'un gène rappor-
SERPINA3, au contraire de l'allèle G dans le pla- teur contrôlé par les deux versions de l'élément de
centa (figure 8.2), puis, par analyse génétique de 446 paires de bases du promoteur, et ce de façon
cohortes de patientes et de contrôles, nous avons non différentielle.
montré que l'allèle T dans le placenta prédispose au Ce résultat nous a conduits à faire intervenir une
RCIU. Par analyse bio-informatique, nous avons régulation par la méthylation des deux versions
aussi montré que le SNP (single-nucleotide polymor- du promoteur, méthylation que nous avons réali-
phism) affectait potentiellement la fixation de trois sée in vitro. Dans ce cas, enfin, nous avons pu
facteurs transcriptionnels à doigts de zinc (SP1, détecter une réponse différentielle des deux

66
Chapitre 8. Épigénétique et croissance fœtale

Effet du polymorphisme rs1884082 sur l’expression de la


SERPINA3
∗∗
700 ∗

600

500

400

300

200

100

0
GG (n=5) GT (n=16) TT (n=11)
Figure 8.2. Le niveau de l'expression de la SERPINA3 varie en fonction de la présence d'un G ou
d'un T au niveau d'un élément promoteur de 446 paires de bases.
L'allèle T est associé à une expression plus élevée de la SERPINA3. Les placentas de génotype hétérozygote GT ont un
niveau d'expression intermédiaire.
Illustration : D. Vaiman.

versions du promoteur, sous l'influence de du promoteur de la SERPINA3, et on peut envi-


ZBTB7B exclusivement (figure 8.3). En effet, sager qu'il s'agit alors d'un mécanisme de sau-
ZBTB7B éteint l'allèle T méthylé, mais induit vegarde du placenta marqué par une expression
l'allèle G méthylé. De façon cohérente, nous forte systématique de la SERPINA3. Ainsi, le
avons montré que ce facteur était induit dans le résultat final, c'est-à-dire le niveau d'expres-
placenta RCIU et également par l'hypoxie à sion de la SERPINA3, est le produit d'une com-
court terme, mais pas dans le placenta préé- binaison de génétique, d'épigénétique et de
clamptique. L'ensemble de ces observations nous l'action différentielle de facteurs transcription-
a permis de proposer un modèle de régulation de nels spécifiques.
la SERPINA3 dans le placenta normal et patho-
logique (figure 8.4).
TBX15, facteur transcriptionnel
Dans ce modèle hypothétique, on démarre
d'une situation normale, où le promoteur de la responsable de l'homéostasie
SERPINA3 est méthylé, ce qui permet une lipidique dans les tissus humains
expression basale du gène. Le placenta est sou- finement régulé dans le placenta
mis à des variations transitoires de la teneur en RCIU
oxygène ; une hypoxie de courte durée va
induire l'expression de ZBTB7B. Deux situa- Le deuxième exemple qui nous servira pour illustrer
tions génétiques sont alors à considérer. Si le la complexité des liens entre épigénétique et expres-
placenta a des allèles G, ZBTB7B va se fixer sur sion des gènes dans le placenta normal et patholo-
le promoteur, l'activer, et la SERPINA3 induite gique provient d'une étude centrée sur le facteur
va conduire à l'adaptation et à l'homéostasie du transcriptionnel TBX15, initialement identifié pour
tissu. Si, en revanche, le placenta n'a que des sa fonction dans la construction squelettique puis
allèles T, la fixation de ZBTB7B ne va pas être dans la régulation de la différenciation des adipo-
capable d'induire l'expression de la SERPINA3 ; cytes et la chaîne respiratoire mitochondriale. Nous
l'hypoxie deviendrait alors chronique, ce qui avons identifié ce gène comme différentiellement
induirait une déméthylation par des méca- méthylé dans les placentas pathologiques par une
nismes inconnus. Cette déméthylation permet- approche fondée sur le criblage de différences de
trait l'expression du gène quel que soit l'allèle méthylation exploitant la sensibilité différentielle de

67
Partie II. Physiopathologie

20
Induction du gène rapporteur (luciférase) en unités arbitraires

18

16

14

12
Allèle T
10 Allèle T + ZBTB7B
Allèle T méthylé
8
Allèle T méthylé + ZBTB7B
Allèle G
6
Allèle G + ZBTB7B
4 Allèle G méthylé

Allèle G méthylé + ZBTB7B


2

0
T

7B

7B

7B
B7
hy

hy
le

le
TB

TB

TB

ét

ét
BT
Al

ZB

ZB

ZB
Al
m

m
+Z
T
+

+

le
T


le
hy

hy
le


le
Al

ét

Al

ét
m
Al

Al

m
T

G
le

le


Al

Al

Figure 8.3. ZBTB7B est un inducteur méthylation-dépendant et allèle-dépendant du promoteur


de la SERPINA3.
Des cellules JEG-3, modèles de cytotrophoblastes, ont été cotransfectées d'un côté par un vecteur contenant un gène rapporteur
sous le contrôle des deux versions de promoteur de la SERPINA3, et de l'autre par un vecteur d'expression capable de
surexprimer le facteur transcriptionnel ZBTB7B. Alors que les deux versions du promoteur non méthylé sont induites par le facteur
transcriptionnel, quand le promoteur est méthylé, seule la forme « G » est inductible. La forme « T » est en fait réduite de surcroît.
Illustration : D. Vaiman.

deux enzymes de restriction reconnaissant le site facteur transcriptionnel PDX1, gène que nous avi-
CCGG, MspI insensible et HpaII sensible à la méthy- ons identifié comme jouant un rôle primordial
lation. Nous avons constaté que le promoteur de dans le placenta RCIU dans un modèle rat. Comme
TBX15 est déméthylé dans les placentas RCIU, et pour la SERPINA3, nous avons pu montrer un
que ceci est lié à une diminution de l'expression du effet différentiel de PDX1 selon que le promoteur
gène. Nous avons même pu corréler le niveau de était méthylé ou non. Le message, dans ce cas, est
méthylation du promoteur avec la stature des nou- que la déméthylation du promoteur en RCIU,
veau-nés, montrant que plus le promoteur est combinée avec l'induction de PDX1 dans ce cas,
méthylé, plus ceux-ci sont de grande taille et de conduit à une induction similaire de TBX15 à celle
poids élevé (figure 8.5). D'un point de vue plus rencontrée dans les placentas normaux, chez qui le
mécanistique, nous avons observé que des cellules promoteur est méthylé d'origine. À nouveau,
où l'on inhibe la méthylation de l'ADN voient l'ex- l'ajustement de l'expression se fait par une combi-
pression de TBX15 divisée par 5. Nous avons identi- naison de régulations épigénétiques et de facteurs
fié dans le promoteur des sites de fixation pour le transcriptionnels.
68
Chapitre 8. Épigénétique et croissance fœtale

Placenta normal ; expression Hypoxie ZBTB7B


basale de la SERPINA3 transitoire

chroniqué
Hypoxie
Allèle G
Allèle T ZBTB7B
Déméthylation ZBTB7B

Production de SERPINA3
=> Adaptation

Induction de la SERPINA3 quel que soit l’allèle


Figure 8.4. Un modèle de régulation de l'expression de la SERPINA3 dans le placenta.
Le promoteur est représenté par le trait avec une flèche noire contournée, les séquences CG par des « sucettes » pleines
(quand les C sont méthylés) ou vides (quand les C sont déméthylés). Ce modèle montre comment la production de la
SERPINA3 est ajustée en fonction des conditions de l'environnement placentaire (voir texte).
Illustration : D. Vaiman.

Poids 4 y = 0.378x - 3E-16 Stature 4 y = 0.4785x - 0.0763


R2 = 0.1429 R2 = 0.1898

3 3

2 2

1 1

Méthylation
0 0
−3 −2 −1 0 1 2 3 −3 −2 −1 0 1 2 3

−1 −1

−2 −3

Figure 8.5. La méthylation du promoteur de TBX15 varie de façon corrélée avec le poids des
nouveau-nés.
Dans le cas spécifique de ce gène, une forte méthylation est associée à une forte expression du gène, tandis qu'une
déméthylation est associée à une extinction transcriptionnelle. On peut voir dans ces associations une adaptation
placentaire du métabolisme lipidique. En RCIU, le promoteur est déméthylé ; la diminution de l'expression du gène qui
pourrait y être associée est à rapprocher du fait que TBX15 s'exprime dans la graisse périviscérale des patients maigres,
tandis que son expression s'éteint au-dessus d'un BMI de 27. En fait, cette association n'a pas lieu car plusieurs facteurs
transcriptionnels (tels PDX1) viennent équilibrer la transcription du gène de façon compensatoire.
Illustration : D. Vaiman d'après Chelbi et al., 2001.

69
Partie II. Physiopathologie

Modifications de l'expression n'ont pas le même profil de régulation dans les


des gènes impliqués dans les différents tissus (figure 8.7). On note en particu-
lier une activation de l'ensemble des gènes modi-
régulations épigénétiques dans fiant la chromatine dans ce tissu. On peut faire
les RCIU : exemple du modèle rat l'hypothèse que, dans la mesure où le placenta
est un organe transitoire, il a une capacité
Le placenta n'ayant qu'un destin transitoire, il est
d'adaptation améliorée par rapport aux autres
particulièrement intéressant de tester d'éven-
tissus qui sont pérennes. De façon corrélée, on
tuelles altérations épigénétiques dans d'autres
peut noter que le foie présente une diminution
organes. De telles modifications pourraient avoir
significative de l'expression des ADN méthyl-
une signification majeure pour comprendre les
transférases (DNMT), ce qui suggère que les
bases moléculaires des pathologies liées au fetal
modifications imposées à ce tissu par les altéra-
programming (programmation fœtale), dévelop-
tions environnementales peuvent changer l'ex-
pées par David Barker à la fin des années 1980.
pression des gènes mais ne se traduisent pas par
De ce point de vue, le modèle du RCIU induit
des altérations épigénétiques durables.
chez l'animal est particulièrement intéressant,
puisqu'il permet d'avoir un contrôle très strict de
la variabilité génétique si présente dans l'espèce Conclusion
humaine. De nombreuses expériences ont été
réalisées chez le rat, où il est possible d'induire Depuis maintenant environ 5 ans, il apparaît clai-
un RCIU par des manipulations de la diète appli- rement que les mécanismes épigénétiques jouent
quée à la mère pendant la gestation, par l'injec- un rôle important dans les modulations du déve-
tion de L-NAME ou encore par ligature des loppement embryonnaire, en particulier par des
artères utérines. Plusieurs études ont montré le ajustements de l'expression des gènes au niveau
rôle crucial du code des histones autour du pro- placentaire. Cette régulation fait appel à des
moteur du gène IGF-1 dans le foie. Une étude mécanismes complexes dans lesquels des poly-
transcriptomique globale a également été menée morphismes purement génétiques vont moduler
sur différents organes en parallèle dans un l'interaction des promoteurs avec des facteurs
modèle rat de RCIU induit par une déplétion transcriptionnels bien définis. L'ensemble des
protidique de l'alimentation maternelle. Nous données mécanistiques accumulées semble claire-
avons pu montrer que les organes ne réagissent ment indiquer que le placenta tend à « tampon-
pas identiquement à la déplétion (figure 8.6) et ner » les effets du milieu pour aboutir à une
que, par ailleurs, les modulateurs épigénétiques croissance fœtale harmonieuse.

Figure 8.6. Le transcriptome de plusieurs organes dans un modèle de RCIU chez le rat.
Les bandes vertes correspondent à une induction des gènes, tandis que le rouge correspond à une extinction. On voit
clairement que les organes se regroupent indépendamment et donc que les conséquences du RCIU sont différentes dans
chaque organe. L'étude hiérarchique prouve que le placenta et le rein répondent de façon similaire, tandis que le cœur,
le foie et le poumon se regroupent de façon opposée.
Illustration : D. Vaiman.

70
Chapitre 8. Épigénétique et croissance fœtale

1,2 1,2
Bromodomaines DNA methyl transférases
1 1

0,8 0,8
Augmenté Augmenté
0,6 0,6
Inchangé Inchangé
0,4 Diminué 0,4 Diminué

0,2 0,2

0 0
Poumon Foie Rein Cœur Placenta Poumon Foie Rein Cœur Placenta

1,2 1,2
Histone déacétylases Chromodomaines
1 1

0,8 0,8

Augmenté Augmenté
0,6 0,6
Inchangé Inchangé
0,4 Diminué 0,4 Diminué

0,2 0,2

0 0
Poumon Foie Rein Cœur Placenta Poumon Foie Rein Cœur Placenta

1,2 1,2
Histone transférases Tous effecteurs épigénétiques
1 1

0,8 0,8
Augmenté Augmenté
0,6 0,6
Inchangé Inchangé
0,4 Diminué 0,4 Diminué

0,2 0,2

0 0
Poumon Foie Rein Cœur Placenta Poumon Foie Rein Cœur Placenta

Figure 8.7. Les gènes modulant la régulation épigénétique (méthylation de l'ADN, structure de la
chromatine par modification post-traductionnelle des histones) réagissent différemment au RCIU
induit dans un modèle de rat soumis à un régime alimentaire induisant un retard de croissance.
Illustration : D. Vaiman.

Références linkages between a predisposition to preeclampsia and


cardiovascular disease. Proteomics 2009 ; 9 : 2929–45.
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72
Régulation Chapitre 9
de la croissance fœtale :
quelle place pour
quelles hormones ?
Jean Guibourdenche

La croissance fœtale est un processus complexe de d'hypothyroïdie congénitale ont une taille nor-
par son déroulement et son intensité. Elle résulte male à la naissance, avec néanmoins un retard de
de facteurs génétiques, endocrines et environne- maturation osseuse. Ces hormones sont en fait
mentaux plus ou moins intriqués, qu'ils soient principalement impliquées dans la maturation
d'origine fœtale, maternelle ou placentaire. des fonctions tissulaires et métaboliques du fœtus.
Différentes hormones sont détectables dès la fin L'insuline et les insuline-like growth factors (IGF)
du premier trimestre dans le sang fœtal, et ce à des jouent un rôle essentiel dans la croissance
concentrations parfois élevées, comme la thy- embryonnaire puis fœtale. Ces facteurs de crois-
roxine LT4 et l'hormone de croissance hypophy- sance modulent en effet les étapes de migration et
saire (hGH). Elles résultent d'une production de différenciation cellulaire. Ils interviennent
fœtale, puisque le placenta est imperméable à la ensuite dans la croissance staturale et pondérale
plupart des hormones maternelles, à l'exception de du fœtus, puisqu'à leurs effets mitogènes s'ajoutent
la LT4 qui le traverse faiblement. Le placenta exerce leurs effets métaboliques. L'insuline et son récep-
même un effet protecteur vis-à-vis des hormones teur sont détectables dans les tissus fœtaux dès la
maternelles en inactivant le cortisol maternel en fin du premier trimestre. Sa sécrétion est modulée
cortisone sous l'action d'une déshydrogénase. par la glycémie fœtale dès le deuxième trimestre.
L'altération de cette activité enzymatique expose le Le fœtus, de par son immaturité enzymatique, ne
fœtus à un risque d'hypercortisolémie associée à produit pas de glucose et sa glycémie dépend donc
des retards de croissance intra-utérins (RCIU). Les uniquement du transfert placentaire du glucose
récepteurs de ces hormones s'expriment précoce-
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maternel. Ainsi, dans le diabète maternel, l'aug-


ment dans de nombreux tissus fœtaux et l'on mentation de la glycémie maternelle s'accompagne
observe une mise en place progressive de l'axe d'une augmentation du transfert placentaire du
hypothalamo-hypophysaire fœtal au cours de la glucose, induisant proportionnellement une
Le retard de croissance intra-utérin

grossesse. hyperglycémie fœtale. Cette hyperglycémie fœtale


Les hormones classiquement impliquées dans la entraîne un hyperinsulinisme responsable de la
croissance postnatale, comme les hormones thy- macrosomie fœtale. À l'opposé, l'agénésie pancréa-
roïdiennes et l'hormone de croissance hypophy- tique induit un RCIU sévère. Dans le lépréchau-
saire, ne sont pas directement impliquées dans la nisme, l'anomalie du récepteur de l'insuline mène
croissance fœtale. Ainsi, le fœtus anencéphale ne à un tableau d'insensibilité à l'insuline avec hypo-
produit pas d'hGH, mais cela n'altère pas sa crois- trophie fœtale. L'IGF2 et l'IGF1 circulent à des
sance somatique. De même, les nouveau-nés atteints concentrations importantes dans le sang fœtal dès

73
Partie II. Physiopathologie

le deuxième trimestre. La concentration d'IGF1 est d'hormone de croissance placentaire (pGH).


indépendante de la concentration d'hGH, mais Cette hormone diffère de l'hormone de crois-
elle est corrélée positivement à la glycémie et à sance hypophysaire de par sa structure (13 acides
l'insulinémie fœtale. La délétion homozygote du aminés plus basiques) et son mode de sécrétion.
gène codant pour l'IGF1 induit un RCIU sévère. À À la différence de l'hGH, la pGH est en effet
l'inverse, on observe dans le syndrome de sécrétée de façon continue et croissante par le
Beckwith-Wiedman une surexpression de l'IGF2 syncytiotrophoblaste dans la circulation mater-
associée à une macrosomie fœtale. L'expression nelle où elle remplace l'hGH dès le premier tri-
des gènes codant pour l'insuline et les IGF ainsi mestre. Elle module la production maternelle
que pour leurs protéines de liaison est de plus d'IGF1 et donc le métabolisme intermédiaire
modulée par le cortisol et les hormones thyroï- maternel. Au niveau du placenta, la pGH semble
diennes fœtales, en relation avec l'état de stress et moduler l'expression GLUT. En cas de RCIU, on
le statut nutritionnel du fœtus. observe une diminution parallèle de l'hPGH et
Le statut nutritionnel fœtal et la bonne croissance de l'IGF1 maternelles. Il en résulte une diminu-
fœtale dépendent donc essentiellement des tion de la mobilisation du glucose maternel et de
apports maternels qui s'effectuent à travers le pla- son transfert placentaire, menant à une hypogly-
centa sous le contrôle des hormones et protéases cémie sans hyperinsulinisme, comme observé
placentaires. Ce flux de nutriments a pour but dans certains RCIU.
d'assurer prioritairement le métabolisme énergé- La pGH n'est pas la seule hormone placentaire
tique du placenta et du fœtus, puis la constitution qui soit impliquée dans l'adaptation du métabo-
de réserves. Même si la concentration en oxygène lisme maternel à la grossesse. D'autres hormones
dans le sang fœtal est faible, le métabolisme éner- et protéases sécrétées par le placenta dans la cir-
gétique fœtal est un métabolisme aérobie dans culation maternelle ont ainsi été décrites. La
lequel l'oxydation du glucose donne de l'énergie plus ancienne est l'hormone lactogène placen-
sous forme d'adénosine triphosphate (ATP). taire (hPL) ou hormone chorionique somato-
L'oxygène traverse le placenta par diffusion sui- mammotrope (HCS), et les plus récentes sont
vant un gradient maternofœtal. Toute anomalie deux adipokines, la leptine et la résistine. Ces
vasculaire maternelle ou placentaire qui entraîne hormones contribuent à l'état d'insulinorésis-
une altération des débits sanguins peut mener à tance et aux modifications lipidiques qui se
une diminution des apports au fœtus et donc à développent au cours de la grossesse (figure 9.1).
une hypotrophie fœtale. Si l'apport en oxygène est Cependant, si des concentrations anormales de
diminué, le placenta et le fœtus préserveront en ces hormones ont pu être décrites en cas de dia-
priorité leur métabolisme énergétique aux bète gestationnel, rien n'est encore clairement
dépends de la constitution de leurs réserves. On établi en cas de RCIU.
observe alors une redistribution du flux sanguin Sur un plan endocrine stricto sensu, les hormones
fœtal vers les organes vitaux gros consommateurs maternelles n'ont pas de rôle dans la croissance du
d'oxygène, comme le cerveau. Lorsque ces proces- fœtus, car elles ne traversent pas le placenta. Les
sus de protection sont dépassés, une hypotrophie hormones fœtales ne sont pas non plus directe-
fœtale se développe, associée à une hypoxie puis à ment impliquées, à l'exception de l'insuline et des
une acidose et à la production de lactates néfastes IGF, qui jouent quant à eux un rôle crucial en
pour les tissus fœtaux. Cette hypoxie s'associe fré- termes de croissance et de métabolisme. Le pla-
quemment à un stress avec sécrétion de cortisol et centa occupe une place centrale. Sa taille et sa
de catécholamines perturbant à leur tour le méta- structure, son hémodynamique et surtout son
bolisme fœtal. activité endocrine conditionnent l'adaptation du
Le glucose maternel traverse le placenta par dif- métabolisme maternel à la grossesse et l'apport
fusion facilitée via des transporteurs, les GLUT des nutriments au fœtus. Néanmoins, le dosage de
(transporteurs de glucose). L'apport glucidique toutes ces hormones ne se justifie pas en pratique
dépend non seulement des paramètres hémody- courante, et il n'existe pas de seuil décisionnel qui
namiques maternoplacentaires, mais aussi du permette d'établir la gravité du RCIU ni de pré-
statut nutritionnel de la mère et de la sécrétion dire ses conséquences postnatales.

74
Chapitre 9. Régulation de la croissance fœtale : quelle place pour quelles hormones ?

IGF-1
Métabolisme maternel:
lipides, glucides....

Adipokines pGH
Placenta

Glucose, O2 : Facteurs
Hormones métabolisme de croissance
(thyroxine,cortisol) fœtal (IGF)

Maturation Croissance
fœtale

Figure 9.1. Régulation hormonale de la croissance fœtale.

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75
Principales étiologies Chapitre 10
génétiques du retard
de croissance
intra-utérin
Géraldine Viot

Introduction étude histologique per-partum du placenta avec


prélèvements proches de l'insertion du cordon à la
recherche de signes d'infarctus, de placentite, de
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) touche
décollement décidual, etc. Enfin, dans près de
environ 2,5 % des enfants. Dans près de 90 % des
30 % des cas, aucune cause ne sera identifiée.
cas, ce retard sera rattrapé à l'âge de 2 ans. Toutefois,
le RCIU reste la première cause de mortalité péri- Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur les
natale avec un risque multiplié par 8 dès lors que le principales étiologies chromosomiques et géné-
poids de naissance est inférieur au 3e percentile. tiques pouvant rendre compte d'un RCIU.
Dans 20 % des cas, les enfants présenteront des
séquelles neurologiques, le plus souvent mineures,
à type de troubles de l'apprentissage et de difficul- Anomalies chromosomiques
tés scolaires. Par la suite, il existe un risque accru et retard de croissance intra-utérin
d'hypertension artérielle (HTA) et de diabète insu-
linodépendant (DID) à l'âge adulte. Sa prévention Classiquement, les anomalies chromosomiques
et sa prise en charge sont donc importantes. sont responsables d'un RCIU harmonieux. En
Les étiologies du RCIU sont très variées, parfois cas de RCIU, le caryotype est anormal dans 10 à
difficiles à identifier en anténatal. 20 % des cas. Trois fois sur quatre, il s'agit
Le retard est rattaché dans 20 % des cas à une d'aneuploïdies (anomalies de nombre) : triploï-
cause maternelle, qu'il s'agisse d'un alcoolisme ou dies, trisomies (18, 13, 9, 21, 22), anomalies
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d'un tabagisme maternels, d'un syndrome vascu- gonosomiques (monosomie X ou équivalents,


lorénal, de malformations utérines, d'hypoxies 47,XXY, 47,XYY), polyploïdies. Une fois sur
chroniques (bronchopneumopathie chronique quatre, il est retrouvé un remaniement de struc-
obstructive [BPCO], etc.), de maladies immunes… ture avec en particulier les délétions 4p et 5p
Le retard de croissance intra-utérin

Les pathologies fœtales rendent compte, quant à terminales. Le caryotype fait donc partie du
elles, d'environ 15 % des RCIU. Elles sont variées, bilan de tout RCIU dont l'origine semble fœtale.
à type d'infections, de malformations mais aussi Il peut être complété par des techniques ciblées
de maladies génétiques et chromosomiques. d'hybridation in situ.
Enfin, les pathologies placentaires sont respon- Les disomies uniparentales (DUP) ainsi que les
sables d'environ 5 % des RCIU. Dans ces condi- mosaïques confinées au placenta (MCP) peuvent
tions, on comprend l'intérêt de proposer une également être à l'origine de RCIU.

79
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

Disomies uniparentales chromosome 7 (où se situent des gènes soumis à


empreinte comme GRB10 [7p], dont l'expression
Elles se définissent par la présence, chez un indi- est maternelle, ou PEG1/MEST/2-COP [7q], dont
vidu diploïde à 46 chromosomes, de 2 chromo- l'expression est paternelle). Chez les patients ne
somes homologues hérités d'un même parent. Or, présentant pas de DUP 7 maternelle, il faut propo-
certains gènes ne sont actifs que lorsqu'ils sont ser une étude de méthylation d'H19 en 11p15 (avec
transmis par la mère ou par le père. Ainsi, les anomalie retrouvée chez 30 % d'entre eux).
DUP laissent apparaître des affections liées à des
gènes soumis à empreinte, dont l'expression Disomie uniparentale
dépend du parent qui les transmet. On estime
qu'il existe entre 100 et 200 gènes soumis à
6 paternelle
empreinte, dont une quarantaine identifiés de Celle-ci se traduit principalement par un diabète
façon précise, en particulier sur les chromosomes néonatal transitoire, un RCIU sévère, des hypogly-
15, 11, 7, 6 et 14. On distingue les iso- ou hétéro- cémies néonatales, des difficultés de déglutition.
disomies, selon que les deux chromosomes de la Sur le chromosome 6, des gènes comme ZAC (sup-
paire résultent de la duplication d'un même chro- presseur de tumeur) et HYMAI, qui sont soumis à
mosome ou qu'il s'agit de deux chromosomes dis- empreinte, sont à l'origine du tableau clinique.
tincts. La mise en évidence des DUP repose sur
des techniques de biologie moléculaire grâce à
l'aide de marqueurs polymorphes de type
Disomie uniparentale
microsatellites. 14 maternelle
Les principales DUP à l'origine d'un RCIU sont Le phénotype associé à cette DUP est très proche
les suivantes. de celui du syndrome de Prader-Willi avec RCIU
anté- et postnatal, hypotonie néonatale, petites
Disomie uniparentale maternelle mains et petits pieds ainsi qu'une puberté
et syndrome de Silver-Russell précoce.

Le retard de croissance s'installe pendant la


période anténatale (taille de naissance moyenne
Mosaïques confinées
de 44 ± 2,5 cm) et perdure en période postnatale. au placenta et retard
S'associe par la suite un retard d'ossification. La de croissance intra-utérin
fontanelle antérieure se ferme tard. Il existe une
asymétrie corporelle, touchant principalement les Les MCP sont secondaires à des accidents mito-
membres. Au niveau des mains, on note la pré- tiques (postzygotiques) survenant dans l'ébauche
sence d'une clinodactylie des cinquièmes doigts. placentaire. Elles résultent d'une correction par-
La face est classiquement triangulaire avec des tielle de trisomie, les cellules fœtales retrouvant
bosses frontales marquées, un micrognatisme, des une formule chromosomique normale alors que
coins de bouche tombant vers le bas, des angiomes les cellules trisomiques restent confinées au pla-
et des sclérotiques bleutées. Les taches café au lait centa. Elles s'accompagnent d'un risque de diso-
sont fréquentes. Par ailleurs, on note, chez les mie uniparentale fœtale pouvant avoir des
enfants atteints, une transpiration excessive pré- répercussions sur le développement fœtal si le
dominant au niveau de la tête et du tronc. Des épi- chromosome impliqué porte des gènes soumis à
sodes d'hypoglycémie dans la petite enfance sont empreinte. Les chromosomes le plus souvent
classiques. Le développement psychomoteur est impliqués dans les MCP sont les chromosomes 7,
en général normal. Un traitement par GH (growth 10, 14, 15, 16, 22. La présence de cellules ayant une
hormone : hormone de croissance) permet d'accé- formule chromosomique anormale perturbe les
lérer la croissance, mais la taille adulte et la corpu- fonctions placentaires, ce d'autant plus que le taux
lence restent inférieures à la médiane. Les cas sont de mosaïcisme est élevé et que la mosaïque per-
sporadiques pour la plupart. Dix pour cent des dure jusqu'à la naissance.
syndromes de Silver-Russell sont secondaires à On estime que les MCP affectent 1 % de l'ensemble
des disomies uniparentales maternelles du des grossesses. En fonction du chromosome

80
Chapitre 10. Principales étiologies génétiques du retard de croissance intra-utérin

impliqué, les répercussions sur le développement Nanisme thanatophore


embryonnaire/fœtal divergent. Tout d'abord, elles
peuvent être sans conséquence et passer inaper- Dans ce syndrome, les membres sont très courts
çues. Dans 6 % des cas, elles se compliquent d'un avec un tronc de longueur conservée mais étroit.
RCIU. Elles sont également à l'origine de morts Le crâne est très volumineux avec un front haut et
fœtales in utero (MFIU), de fausses couches spon- bombant, une ensellure nasale plate, des yeux
tanées, de prééclampsies, d'anomalies morpholo- légèrement protrus. La majorité des enfants dé­cè­
giques fœtales. Cet effet peut être exacerbé par la dent à la naissance. On distingue deux types : le
présence d'une DUP fœtale. type I, avec incurvation des os longs, et le type II,
avec des os longs non incurvés mais une déforma-
tion en trèfle du crâne. Les radiographies révèlent
des côtes très courtes avec extrémité antérieure
Retard de croissance intra- élargie. La hauteur des corps vertébraux est
utérin et syndromes génétiques réduite alors que les pédicules sont normalement
développés, donnant un aspect en forme de H ou
Plus de 3500 syndromes sont aujourd'hui décrits, de U de face et une réduction des distances inter-
dont beaucoup peuvent s'accompagner d'un pédiculaires de profil. Les ailes iliaques ont une
RCIU. Nous aborderons en premier lieu les chon- forme rectangulaire. Le toit des cotyles est hori-
drodysplasies létales ou non létales, puis les zontal et se prolonge par un éperon, le plus sou-
« grands » syndromes génétiques s'accompagnant vent interne. Les omoplates sont petites. La limite
classiquement d'un RCIU. des métaphyses est déformée. Les os des mains et
des pieds sont carrés et courts. Il existe un défaut
d'ossification des phalanges. Histologiquement, il
Chondrodysplasies létales y a une désorganisation du cartilage de conjugai-
Dans l'immense majorité des cas, les signes sur- son, sans formation des colonnes. La ligne d'ossi-
viennent précocement dans la grossesse et leur fication est irrégulière et il existe un élargissement
diagnostic est évoqué in utero, grâce à l'échogra- de la virole périchondrale. Sur le plan neuroana-
phie. Le scanner hélicoïdal peut compléter le tomique, il peut être retrouvé une microgyrie des
bilan étiologique. En cas d'interruption médi- lobes temporaux. Cette affection secondaire à des
cale de grossesse (IMG), il est capital d'effectuer mutations du gène FGFR3 se transmet sur un
un examen fœtopathologique qui permettra mode autosomique dominant.
d'orienter le diagnostic avant de proposer, si
nécessaire, des analyses moléculaires. Une fois le
diagnostic porté avec certitude, le risque de Syndrome d'Ellis van Creveld ou
récurrence pourra être estimé pour les gros-
sesses suivantes.
dysplasie chondroectodermique
En voici les principaux types. Cette maladie se caractérise par des troubles de la
croissance enchondrale accompagnés d'une poly-
dactylie (uniquement au niveau des mains, le plus
Achondrogenèse type IB souvent postaxiale), d'anomalies ectodermiques
Cette entité se caractérise par un défaut majeur (touchant les ongles et les dents principalement
d'ossification des corps vertébraux. Par ailleurs, mais aussi parfois les cheveux ; des dents néona-
les os longs sont extrêmement courts, réduits à tales sont rapportées). Le thorax est étroit, res-
des amas calcifiés ou à des fragments osseux de ponsable d'une asphyxie à la naissance. Les
forme triangulaire. Au niveau histologique, le membres sont courts avec des os longs trapus
cartilage se caractérise par une matrice très (surtout dans leur partie moyenne) et cette
pauvre avec réduction des protéoglycanes, et le micromélie évolue en s'aggravant au cours de la
collagène se dispose en anneaux à la périphérie croissance en cas de survie. Les os des mains sont
des chondrocytes. Cette affection, de transmis- massifs. Les ailes iliaques sont carrées avec un
sion autosomique récessive, s'explique par des toit de cotyle horizontal et des éperons. Les côtes
mutations du gène DTDST. sont assez courtes, avec une extrémité antérieure

81
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

élargie. Le rachis et le crâne sont normaux. Par la absent (figure 10.1). Les os des membres sont très
suite, la séquence d'éruption dentaire est pertur- courts, les métaphyses larges et en cupules avec
bée. Les dents sont petites, écartées, avec fusion des éperons latéraux. Le nanisme est majeur. Le
possible. Les cardiopathies, rapportées dans un tronc est court et large. Le pronostic vital est en jeu
tiers des cas, sont principalement des communi- à très court terme. Les corps vertébraux et le
cations interauriculaires (CIA) et des communi- sacrum ne sont pas ossifiés. En revanche, les dis-
cations interventriculaires (CIV). Classiquement, tances interpédiculaires des dernières vertèbres
il n'y a pas de déficit intellectuel associé. lombaires ne sont pas réduites. Les ailes iliaques
L'évolution de cette entité est variable mais il sont petites, le bord interne est concave en dedans.
semble qu'en cas de malformation cardiaque Le toit du cotyle est horizontal, parfois légèrement
associée, l'évolution soit plus sévère. Lorsque les concave en bas. Les branches ischiopubiennes sont
enfants survivent, la taille moyenne attendue à mal ou pas ossifiées. Les omoplates sont petites.
l'âge adulte est aux alentours de 1,50 m, avec des Les os des mains et des pieds sont trapus. À l'histo-
écarts toutefois importants. Cette affection auto- logie, on retrouve une augmentation de la densité
somique récessive se rattache au gène EvC. des cellules du cartilage dont les capsules sont très
grandes. Il existe par ailleurs une sclérose des
Fibrochondrogenèse canaux vasculaires qui traversent le cartilage.
Cette affection, autosomique dominante, s'ex-
La limite de la métaphyse des os longs est élargie plique par des mutations du collagène de type II.
dans cette affection. Les os des mains et des pieds
sont trapus. Les corps vertébraux ont une forme de Atélostéogenèse type II
poire avec effilement de leur partie postérieure qui
n'est pas fusionnée avec l'arc vertébral. Il existe une Cette entité se traduit par un élargissement méta-
fibrose du cartilage de conjugaison. Cette affection physaire des os longs avec métaphyse bifide au
se transmet sur un mode autosomique récessif. niveau de l'humérus. Le cubitus et le péroné sont
particulièrement courts, massifs et incurvés. Les
ailes iliaques ont un aspect carré. Les os des mains
Achondrogenèse type II sont extrêmement brefs avec duplication de la pre-
Cette maladie se caractérise par une brièveté mière phalange du pouce. Cette affection est
majeure des os longs associée à un développement autosomique récessive et s'explique par des muta-
excessif du crâne. Le massif nasal est quasiment tions du gène DTDST.

Figure 10.1. Achondrogenèse de type II.


Noter le raccourcissement majeur des membres, du thorax
contrastant avec le développement excessif du crâne.
L'enfoncement de l'étage moyen est très marqué.

82
Chapitre 10. Principales étiologies génétiques du retard de croissance intra-utérin

Chondrodysplasies non létales complications sont les compressions médullaires


par étroitesse du canal rachidien, la défaillance
Achondroplasie respiratoire par rétraction de l'étage moyen, les
Cette affection associe un nanisme micromélique apnées du sommeil (devant conduire à proposer
s'installant après le deuxième trimestre de gros- des enregistrements nocturnes entre 6 et 18 mois
sesse à des éléments faciaux (accentuation de l'en- de vie), des dilatations ventriculaires par rétrécis-
sellure nasale, racine du nez plate, saillie des sement du foramen ovale.
bosses frontales) [figures 10.2a et 10.2b]. La taille Sur le plan radiographique, les os des membres
moyenne de naissance est de 47 cm. Le périmètre sont trapus, courts, avec élargissement métaphy-
crânien est élevé. À l'âge adulte, la taille se situe saire net. On note également une hypertranspa-
aux alentours de 1,25 m. Le raccourcissement des rence de la tête fémorale. Les ailes iliaques ont un
membres prédomine en rhizomélique. Les mains aspect carré. Les toits des cotyles sont horizon-
sont courtes, en trident (ouverture des troisième taux avec un éperon interne. Au niveau des der-
et quatrième doigts). Le tronc est de longueur nières vertèbres lombaires, il existe une réduction
relativement conservée avec hyperlordose. À la de la distance interpédiculaire s'accentuant avec
naissance, les enfants sont hypotoniques et hyper- l'âge. En anténatal, la visualisation d'un éperon
laxes. En l'absence de complications neurolo- antérieur sur les radiographies du rachis de profil
giques, le développement intellectuel est normal aide au diagnostic. Le thorax est classiquement un
chez la plupart des enfants. peu étroit (figures 10.2c à 10.2e). Les anomalies
Ces complications sont principalement des com- histologiques intéressent essentiellement le carti-
pressions médullaires secondaires au rétrécisse- lage de conjugaison.
ment du trou occipital. Celle-ci sera suspectée La transmission de l'achondroplasie est autosomique
devant une grande hypotonie, des apnées noc- dominante par mutation du gène FGFR3 au codon
turnes, des signes pyramidaux, et nécessitera une 380, survenant dans l'immense majorité des cas de
laminectomie de C1 avec craniectomie. Les autres façon accidentelle. Cette mutation est responsable

Figure 10.2. Achondroplasie.


a. Nanisme micromélique associé à des caractéristiques faciales (bosses frontales, racine du nez plate, périmètre crânien
élevé). b. Micromélie.
(Suite)
83
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

Figure 10.2. Suite.


c,d,e. Noter l’hyperlordose, l’hypertransparence
des têtes fémorales, les toits des cotyles
horizontaux, le raccourcissement des os longs et
l’élargissement métaphysaire net. E

d'une activation constitutive du récepteur de facteur Hypochondroplasie


de croissance fibroblastique, ayant un effet domi-
nant négatif et altérant la différenciation des chon- Le déficit statural est moins marqué que dans
drocytes. Des cas de mosaïques germinales ont été l'achondroplasie. En effet, la taille moyenne adulte
rapportés avec récidive dans la descendance de attendue est de 1,46 m chez le garçon et de 1,36 m
couples indemnes. chez la fille. Le diagnostic avant 2 ans est difficile

84
Chapitre 10. Principales étiologies génétiques du retard de croissance intra-utérin

avec un RCIU plus modéré. Il existe peu ou pas de enfant sur dix est porteur d'une cardiopathie
modifications faciales. Les membres inférieurs associée. La moitié des enfants atteints décèdent
sont souvent incurvés (figure 10.3). Les os longs au cours de la première année de vie.
sont trapus, avec élargissement métaphysaire. La Différents sous-groupes ont été individualisés.
hauteur des ailes iliaques est réduite et le toit des
cotyles est horizontal. Les distances interpédicu- Chondrodysplasie ponctuée rhizomélique
laires des dernières vertèbres lombaires se rétré- Le raccourcissement des humérus et des fémurs est
cissent ou n'augmentent pas. La transmission de majeur, avec élargissement et irrégularité des méta-
cette maladie est autosomique dominante. Il physes. Les calcifications se situent électivement au
existe une hétérogénéité génétique, mais la majo- niveau des hanches, des genoux et des coudes. Des
rité des cas s'expliquent par une mutation du gène fissures des corps vertébraux sont également pré-
FGFR3 au codon 540. sentes. Des cardiopathies, des cataractes et un déficit
intellectuel complètent cette entité. Les chondrodys-
Chondrodysplasies ponctuées plasies ponctuées rhizoméliques se transmettent de
façon autosomique récessive et s'accompagnent d'un
Elles se caractérisent par des calcifications se pronostic vital rapidement défavorable. Ce type est
localisant principalement au niveau des zones secondaire à des anomalies peroxysomales (pertur-
articulaires et des pièces osseuses d'origine bations du métabolisme des plasmalogènes dans le
enchondrale. Ces calcifications disparaîtront sous-type I et du catabolisme de l'acide phytanique
dans les premiers mois de vie. S'associent un rac- pour le sous-type II).
courcissement rhizomélique des membres acces-
sible en anténatal, un aspect trapu des mains et Chondrodysplasies de type
des pieds, des caractéristiques faciales dans 50 % Conradi-Hünerrmann
des cas avec en particulier une dépression du mas- Elles se traduisent par un raccourcissement asy-
sif nasal. Une cataracte est présente chez 1 enfant métrique des os longs et des calcifications tou-
sur 3. Des atteintes cutanées sont rapportées dans chant également le rachis. Une dysmorphie faciale
les mêmes proportions à type d'épaississement est classiquement associée, mais moins marquée.
cutané, d'hyperkératose, d'érythrodermie. Un Ichtyose et cataracte peuvent compléter le tableau
déficit intellectuel est classiquement associé. Un clinique. Nous n'aborderons que le sous-type

Figure 10.3. Hypochondroplasie.


Le raccourcissement des os longs est moins marqué que dans
l'achondroplasie. L'ensellure nasale peut être enfoncée.

85
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

dominant lié à l'X. Cette entité n'est décrite que


chez la fille, étant létale chez le garçon. L'atteinte
dermatologique est un signe cardinal du syn-
drome avec érythrodermie ichtyosiforme et
hyperkératose linéaire ou en tache. Il existe par
ailleurs dans ce sous-type une alopécie circons-
crite, des cheveux « grossiers », des sourcils et des
cils irrégulièrement implantés. Les ongles sont
plats et dysplasiques. Cette forme est secondaire à
des anomalies du métabolisme du cholestérol.

Ostéogenèse imparfaite
L'ostéogenèse imparfaite (OI) fait partie des mala-
dies avec transparence osseuse excessive. Nous
n'aborderons que les deux formes de début anténa-
tal. Tout d'abord, la forme létale se traduit par une
brièveté des os longs qui sont élargis, trapus et
incurvés. La déminéralisation des os du crâne est
majeure avec élargissement crânien sur le plan
transversal. Le nez est en bec d'aigle. Le menton est
petit. Le thorax est étroit, avec des côtes larges en
bambou, aux cals nombreux et dont les fractures Figure 10.4. Ostéogenèse imparfaite de type
létal.
sont innombrables. Ce thorax en cloche est respon-
Aspect en bambou des os, secondaire à des cals multiples
sable d'une défaillance respiratoire dès la nais- survenus après fractures.
sance. En anténatal, l'hyperclarté nucale est D'après Maroteaux et al., Maladies osseuses de l'enfant,
fréquente (figure 10.4). 4e édition, Flammarion, 2002.
La forme sévère de l'OI est plus fréquente.
L'atteinte des os longs existe, mais est moins fréquentes. Cette maladie est autosomique domi-
sévère. L'ossification du crâne est très insuffi- nante par atteinte du gène COL2A1.
sante, avec de nombreux os wormiens. Il existe
également des cals osseux sur les côtes, mais Dysplasie spondyloépiphysaire
beaucoup plus graciles que dans la forme létale. Il
est plus difficile de prédire l'évolution de cette congénitale
forme, le décès de l'enfant pouvant survenir dès Cette maladie se traduit par la réduction de la taille
la naissance mais aussi plus tardivement. La des os longs et du tronc de début anténatal. Il existe
croissance staturopondérale est ralentie en post- une cyphose dorsale d'aggravation progressive ainsi
natal. Le nombre de fractures est très variable. qu'une hyperlordose lombaire. Les mouvements
Ces deux formes sont de transmission autoso- articulaires sont souvent réduits. Radiologiquement,
mique dominante et s'expliquent par des muta- les anomalies touchent électivement le rachis (aspect
tions des gènes COL1A2 et COL1A1. trapézoïde des corps vertébraux) et les hanches
(retard d'ossification des branches ischiopubiennes ;
Maladie de Kniest les ailes iliaques sont trapues). Par ailleurs, les côtes
sont un peu courtes avec un élargissement de leur
Dans cette affection, le tronc et les membres sont partie antérieure. La partie supérieure des fémurs est
courts. Les corps vertébraux ont une hauteur irrégulière et élargie. La tête et le col fémoraux sont
réduite. Les articulations ont un volume aug- tout à fait anormaux. La diaphyse des os longs est
menté avec une mobilité réduite. Avec l'âge, les courte, parfois incurvée. Une myopie est très fré-
épiphyses ont un développement excessif. Le quemment associée. La transmission est autoso-
visage est arrondi avec aplatissement de la racine mique dominante par atteinte du collagène de type
du nez et fente palatine. Myopie et surdité sont II (COL2A1 en 12q13.11).

86
Chapitre 10. Principales étiologies génétiques du retard de croissance intra-utérin

Principaux syndromes est de 51. Physiquement, ces enfants présentent


une dysmorphie faciale globalement accessible in
génétiques s'accompagnant d'un utero avec en particulier un nez busqué, des
retard de croissance intra-utérin oreilles dysplasiques, un angiome de la glabelle,
un microrétrognatisme, un épicanthus, des fentes
Les syndromes développés ici se caractérisent palpébrales obliques vers le bas et le dehors.
tous par un RCIU. Ils font partie des syndromes L'atteinte est par ailleurs multiviscérale avec mal-
les plus fréquents et sont pour la plupart acces- formations cardiaques, rénales, squelettiques,
sibles en anténatal grâce à l'échographie. ophtalmologiques associées. De nouveau, l'im-
mense majorité des cas sont sporadiques, secon-
daires à une microdélétion 16p13.3 identifiable en
Syndrome de Cornelia de Lange hybridation in situ chez 10 % des patients. Les
autres cas s'expliquent par des mutations du gène
Les signes cardinaux du syndrome sont la micro-
CBP, qui agit dans la voie de transduction du
mélie (avec possibilité de phocomélie ou d'oligodac-
signal de Sonic Hedgehog et dont le rôle est
tylie ; la brachymétacarpie du premier métacarpe
important dans la régulation de la croissance cel-
est classique), le synophris, la lèvre supérieure fine
lulaire et dans la différenciation des cellules.
aux coins tombants. Le retard de croissance débute
en prénatal et perdure en postnatal. Le retard d'ossi-
fication est constant. La dysmorphie faciale associe
une microcéphalie, une hypertrichose, des sourcils Syndrome de Smith-Lemli-Opitz
arqués. Les cils sont longs. La racine du nez est Les narines antéversées, le ptosis des paupières
déprimée. Les narines sont antéversées. Le phil- supérieures, la syndactylie des deuxième et troi-
trum est long et le menton petit. Jusqu'à l'âge de sième orteils ainsi que les anomalies des organes
3 mois, il existe un spicule mandibulaire visible à la génitaux (hypospadias et ectopie testiculaire) sont
radiographie. les signes cardinaux du syndrome de Smith-
Le déficit intellectuel est constant, avec un quo- Lemli-Opitz (SLO) de type I, de transmission
tient intellectuel (QI) moyen de 53. Plus le poids autosomique récessive. Le RCIU est plus modéré
de naissance et le périmètre crânien de naissance que pour les deux précédents syndromes. Le QI
sont élevés, meilleures seront les performances moyen s'échelonne entre 50 et 70. Il existe une
intellectuelles. Initialement, les enfants sont microcéphalie. Les oreilles sont petites et bas
hypertoniques. Ils présentent des difficultés d'ali- implantées. Il existe par ailleurs un épicanthus,
mentation. Des troubles du comportement sur- une extrémité nasale épaisse, un microrétrogna-
viennent rapidement. Les garçons présentent dans tisme. Au niveau des extrémités, des polydactylies
plus de 70 % des cas une ectopie testiculaire, des postaxiales peuvent s'associer. Cinquante pour
organes génitaux externes hypoplasiques, un cent des patients présentent une cardiopathie. Les
hypospadias (33 % des cas). Ce syndrome est spo- malformations cérébrales sont plus rares, à type
radique. Il existe une hétérogénéité génétique avec d'agénésie du corps calleux, de dilatation ventri-
certains cas rapportés à des mutations du gène culaire, d'hypoplasie cérébelleuse, de démyélini-
NIPBL ; d'autres au gène SMC1A (forme liée à l'X) sation et d'holoprosencéphalie (5 %).
et enfin au gène SMC3 (impliqués dans la cohé- Ce syndrome s'explique par un bloc précoce sur la
sion des chromosomes). voie de biosynthèse du cholestérol par déficit en
7-déhydrocholestérol réductase (DHCR7). Or, le
Syndrome de Rubinstein-Taybi cholestérol est un constituant indispensable de la
membrane cellulaire, pour la myélinisation du
Ce syndrome se caractérise par des pouces et des système nerveux. Il est également impliqué dans
premiers orteils larges, des fentes palpébrales le métabolisme de différents constituants. Le dia-
obliques vers le bas et le dehors ainsi qu'une hypo- gnostic anténatal est possible sur liquide amnio-
plasie mandibulaire. Le retard de croissance tique (réduction du cholestérol dans le liquide
débute en anténatal. La taille moyenne à l'âge amniotique, élévation du 7-déhydrocholestérol
adulte est aux alentours de 1,50 m. Le QI moyen avec estriol non conjugué indétectable). Le SLO de

87
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

type II, plus sévère, se caractérise par des malfor- retard. Les enfants présentent une dysmorphie
mations multiviscérales. Au niveau génique, le faciale caractérisée par une face triangulaire, une
type I est secondaire à l'association d'une muta- rétraction de l'étage moyen, un nez bulbeux, une
tion majeure associée à une mutation mineure du columelle large, un philtrum court, une lèvre
gène DHCR7 alors que dans le type II, les enfants supérieure fine. Le retard porte essentiellement
sont porteurs de deux mutations majeures du sur le langage. Ce syndrome, de relativement bon
gène DHCR7. pronostic sur le plan intellectuel, semble se trans-
mettre sur un mode autosomique dominant. La
majorité des cas sont sporadiques. Un âge paternel
Syndrome de Hallermann-Streiff-
élevé est fréquemment associé.
François
À côté de ces syndromes, d'autres beaucoup plus
Ce syndrome associe un retard de croissance har- rares se caractérisent également par un RCIU
monieux, de début anténatal. La dysmorphie comme les syndromes de Dubowitz, de Bloom, de
faciale est caractéristique avec micrognatisme, Johanson-Blizzard, de Short (dysmorphie faciale,
nez busqué avec hypoplasie cartilagineuse, bra- lipoatrophie, retard de croissance, anomalie de
chycéphalie, hypoplasie malaire, palais arqué, Rieger, etc.). Les cytopathies mitochondriales
dents néonatales, hypodontie, atrophie cutanée, peuvent également se révéler en anténatal par un
hypotrichose généralisée (alopécie), microphtal- retard de croissance.
mie, cataracte congénitale, défaut d'ossification
du crâne, retard de fermeture des sutures. La plu-
part des enfants ont un développement psycho- Conclusion
moteur normal. Tous les cas rapportés à ce jour
sont sporadiques. Le RCIU est peu spécifique en anténatal et ses ori-
gines sont multiples. Toutefois, il est important de
Syndrome de Seckel rechercher d'autres malformations associées ainsi
qu'une dysmorphie faciale qui conduiront à évo-
Dans ce syndrome, le retard statural est sévère. Le quer un syndrome génétique. Alors, le pronostic
poids moyen de naissance à terme est de 1500 g. À de ce RCIU sera celui de l'entité identifiée. Le
l'âge adulte, la taille avoisine les 100 cm. Le déficit bilan en anténatal n'est pas facile, mais il est
intellectuel est marqué, avec 1 enfant sur 2 pré- important de s'aider des outils radiologiques,
sentant un QI inférieur à 50. La dysmorphie cytogénétiques et moléculaires pour asseoir l'hy-
faciale associe une microcéphalie avec front pothèse diagnostique et définir l'évolution future.
fuyant, un nez proéminent, des oreilles dyspla- Il existe aussi un réel intérêt à proposer un exa-
siques avec absence de lobe. Au niveau des mains, men placentaire avec en particulier la recherche
il existe une clinodactylie des cinquièmes doigts, des MCP ou DUP.
une agénésie de certaines phalanges. Les têtes
radiales et fémorales sont luxées, les rotules hypo- Références
plasiques. Des malformations cérébrales variées
Anderson IJ, Goldberg RB, Marion RW, Upholt WB,
sont rapportées (agénésie du corps calleux, ano- Tsipouras P. Spondyloepiphyseal dysplasia congeni-
malies corticales, pachygyrie, etc.). Ce syndrome, tal : genetic linkage to type II collagen (COL2A1).
autosomique récessif, est caractérisé par une hété- Am J Hum Genet 1990 ; 46 : 896–901.
rogénéité génétique (ATR en 3q23, CEP152 en Braverman N, Lin P, Moebius FF, Obie C, Moser A,
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88
Chapitre 10. Principales étiologies génétiques du retard de croissance intra-utérin

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89
Retard de croissance Chapitre 11
intra-utérin et anomalies
chromosomiques
Aurélie Coussement, Agnès Choiset, Jean-Michel Dupont

Préambule de cibler des gènes candidats (région 11p15 et


gène IGF2, région 4p16, région 15q26 et gène
La croissance fœtale est un phénomène complexe
IGF1R).
et dynamique reposant sur des interactions mul-
tiples entre le fœtus et l'organisme maternel. Si, dans la majorité des cas, les anomalies chro-
À l'interface entre les deux, le placenta joue un mosomiques sont retrouvées de façon homogène
rôle essentiel pour répondre aux demandes nutri- dans toutes les cellules examinées, il arrive que
tives du fœtus en lui assurant les apports néces- seule une certaine proportion des cellules soient
saires à une croissance harmonieuse. En dehors porteuses, alors que les autres ont un caryotype
des causes exogènes, de nombreuses causes de normal. On parle alors de mosaïque, qui peut par-
dysfonctionnement intrinsèques peuvent aboutir fois être confinée au placenta. Dans cette situa-
à un retard de croissance intra-utérin (RCIU), tion, l'anomalie chromosomique (le plus souvent
au premier rang desquelles les anomalies chro- une anomalie de nombre) n'est retrouvée qu'au
mosomiques. niveau du placenta, alors que les cellules fœtales
en sont dépourvues.
En fonction de la répartition au sein du placenta
Anomalies chromosomiques (figure 11.1), on distingue trois types de mosaïque
confinée au placenta (MCP) :
et retard de croissance • le type I, dans lequel seules les cellules tropho-
intra-utérin blastiques sont atteintes ;
• le type II, où seules les cellules mésenchyma-
Sur le plan génétique, les anomalies chromo- teuses de l'axe villositaire sont porteuses de
somiques occupent une place particulière,
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l'anomalie ;
puisqu'elles seraient responsables d'environ
• le type III, le plus rare, où les deux lignées cellu-
20 % des RCIU, surtout s'ils sont de début pré-
laires sont concernées.
coce (début avant 26 semaines d'aménorrhée
Le retard de croissance intra-utérin

[SA]). En dehors des classiques aneuploïdies, un Ces MCP, qui sont retrouvées dans environ 2 %
certain nombre d'anomalies de structure désé- des grossesses, résultent d'une malségrégation
quilibrées, principalement des délétions, peuvent chromosomique survenue soit pendant la méiose,
s'accompagner de retard de croissance. Certaines soit en postzygotique, lors d'une division mito-
ont permis d'identifier des régions du génome tique au cours du développement embryonnaire
associées à un trouble de la croissance et parfois précoce.

91
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

Mésenchyme de l’axe villositaire


Cytotrophoblaste
Vaisseau villositaire

Syncytiotrophoblaste

Figure 11.1. Différents tissus de l'axe villositaire du placenta humain.

Mosaïques confinées au placenta mécanisme mitotique est principalement respon-


méiotiques sable des MCP de types I et II.

Les non-disjonctions méiotiques aboutissent à la


formation d'un zygote aneuploïde, et si l'anomalie
est compatible avec un développement de l'œuf, Retentissement des anomalies
l'anomalie chromosomique sera reproduite dans chromosomiques sur la
toutes les cellules filles. Il arrive cependant que le croissance fœtale
chromosome surnuméraire (dans les cas de triso-
mie) soit perdu lors d'une des divisions mitotiques En dehors des anomalies affectant spécifique-
suivantes. Il se crée ainsi un clone cellulaire por- ment tel ou tel gène de croissance, les anomalies
teur d'un nombre normal de chromosomes qui, chromosomiques ont probablement un retentisse-
par avantage sélectif, peut se retrouver préféren- ment sur la croissance fœtale en perturbant les
tiellement au sein du bouton embryonnaire dont divisions cellulaires particulièrement rapides au
dériveront les tissus fœtaux. C'est le mécanisme cours de l'embryogenèse précoce, aboutissant
principal des MCP de type III. à une réduction du nombre de cellules et ultérieu-
rement à un retard de croissance.
Mosaïques confinées au placenta Le rôle physiopathologique des MCP est plus
mitotiques délicat à mettre en évidence, d'autant qu'un
retentissement phénotypique n'est constaté
Dans ce deuxième cas, un mécanisme inverse se que dans environ 5 % des cas, essentiellement
produit, avec survenue d'une anomalie chromo- pour les MCP d'origine méiotique. Le risque de
somique lors d'une des divisions de segmentation retentissement dépend par ailleurs du type de
d'un zygote diploïde. Il se crée alors un contingent MCP (les types I et III surtout), du chromosome
de cellules aneuploïdes dont la répartition dans impliqué et de la persistance de la lignée cellu-
les différents tissus dépend du stade de survenue laire anormale à terme. En fonction de ces diffé-
de la non-disjonction, des capacités prolifératives rents paramètres (type de MCP, chromosome
relatives de la lignée euploïde et de la lignée aneu- impliqué et persistance de cellules anormales à
ploïde, et peut-être du retentissement de l'ano- terme), on peut observer un retentissement très
malie chromosomique sur les possibilités de variable allant de l'oligoamnios à la mort fœtale
migration et de différenciation cellulaires. Ce in utero en passant par le RCIU, soit en raison

92
Chapitre 11. Retard de croissance intra-utérin et anomalies chromosomiques

d'un dysfonctionnement placentaire lié à la chez les embryons aneuploïdes, soit par perte du
lignée cellulaire anormale, soit en raison d'une chromosome surnuméraire en cas de trisomie,
disomie uniparentale (DUP) associée. soit par duplication du seul chromosome présent
en cas de monosomie (figure 11.3). Plus excep-
tionnellement, une DUP peut être la conséquence
Disomies uniparentales : des d'une complémentation gamétique, c'est-à-dire de
la fécondation d'un gamète nullisomique pour un
« anomalies chromosomiques » chromosome donné (gamète à 22 chromosomes
pas comme les autres au lieu de 23) par un gamète disomique pour cette
même paire (gamète à 24 chromosomes). Quel
La DUP, dont le concept a été publié pour la pre- que soit le mécanisme en cause, on retrouve à leur
mière fois au début des années 1980 par Eric Engel, origine une non-disjonction le plus souvent méio-
correspond à la situation où les deux chromosomes tique, et toutes les situations à risque accru de
homologues d'une même paire chromosomique non-disjonction (âge maternel élevé, anoma-
sont transmis par le même parent. Il n'y a donc pas lie chromosomique parentale…) sont associées à
à proprement parler d'anomalie chromosomique, une fréquence plus élevée de DUP. L'existence
mais une perte de la transmission biparentale de d'une MCP constitue donc un signe d'appel
l'information génétique portée par la paire chromo- important de DUP, puisque la MCP est souvent la
somique concernée. On distingue l'hétérodisomie conséquence d'une non-disjonction méiotique.
uniparentale quand le sujet reçoit les deux homolo- Le retentissement fonctionnel des DUP est la
gues de son parent, et l'isodisomie uniparentale qui conséquence soit d'une perturbation de l'expres-
résulte de la transmission en double exemplaire sion de gènes de croissance soumis à empreinte
d'un des deux homologues parentaux (figure 11.2). parentale, soit d'une perte d'hétérozygotie qui
Les DUP sont la conséquence des mécanismes révèle une mutation récessive dans le cas de
régulateurs qui visent à restaurer un état diploïde l'isodisomie.

Transmission biparentale

Hétérodisomie uniparentale Isodisomie uniparentale


Figure 11.2. Différents types de disomie uniparentale.
Illustration : Pr J.-M. Dupont.

93
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

Correction d’aneuploïdie

Fécondation Correction de trisomle

Iso-ou hétérodisomie

Fécondation Correction de monosomle

Isodisomie

Complémentation gamétique

Fécondation

Iso-ou hétérodisomie
Figure 11.3. Différents mécanismes de correction d'aneuploïdie.
Illustration : Pr J.-M. Dupont.

Stratégie d'identification des des anomalies cryptiques non visibles sur le


caryotype au niveau des régions 4p 16 et 15q26
anomalies chromosomiques notamment.
associées au retard de croissance L'identification d'une MCP requiert par défini-
intra-utérin tion une analyse chromosomique à la fois du
fœtus et du placenta. La détection initiale fait
La particularité première des anomalies chromo- habituellement suite à une biopsie de villosités
somiques est leur caractère essentiellement aléa- choriales qui montre une anomalie chromoso-
toire, ce qui implique une stratégie diagnostique mique en mosaïque dans 1 à 2 % des cas, mais
adaptée. En effet, en dehors des rares situations seule une confirmation par analyse du liquide
où les signes échographiques orientent vers une amniotique permet de valider le diagnostic si
anomalie précise, seule une approche globale du ce deuxième caryotype se révèle normal.
génome permet d'envisager le dépistage de n'im- Cependant, la décision de vérifier le caractère
porte quelle anomalie. De ce point de vue, l'exa- strictement placentaire par un deuxième prélè-
men de référence reste le caryotype fœtal, réalisé vement invasif devra tenir compte de la réparti-
à partir d'un prélèvement invasif (amniocentèse, tion des cellules anormales (trophoblaste et/ou
biopsie de villosités choriales ou ponction de mésenchyme extraembryonnaire), des chromo-
sang fœtal). En cas de RCIU, le caryotype stan- somes impliqués et surtout de l'existence ou non
dard est utilement complété par des techniques d'un retentissement échographique. En l'absence
d'hybridation in situ interphasique ciblant les de confirmation prénatale, une confirmation
principales régions associées au retard de crois- après la naissance est également envisageable par
sance fœtale. Ainsi, on peut mettre en évidence analyse de fragments placentaires (idéalement,

94
Chapitre 11. Retard de croissance intra-utérin et anomalies chromosomiques

plusieurs fragments répartis sur la face fœtale) et Temple IK, et al. Duplications of chromosome 11p 15 of
du c­ aryotype sanguin. maternal origin result in a phenotype that includes
growth retardation. Hum Genet 2002 ; 111 (3) : 290–6.
En cas d'identification d'une anomalie de nombre
Kalousek DK, Vekemans M. Confined placental mosai-
en mosaïque lors d'une biopsie de villosité cho- cism. J Med Genet 1996 ; 33 (7) : 529–33.
riale, il est nécessaire d'évoquer la possibilité de Kalousek DK. Pathogenesis of chromosomal mosaicism
rechercher une DUP si le chromosome impliqué and its effect on early human development. Am J
est porteur d'une région soumise à empreinte Med Genet 2000 ; 91 (1) : 39–45.
(chromosomes 6, 7, 11, 14, 15 et 20 essentielle- Lestou V, Kalousek D. Confined placental mosaicism and
ment). En effet, dans le cas d'une MCP résultant de intrauterine fetal growth. Arch Dis Child Fetal Neonatal
la correction d'un embryon initialement triso- Ed 1998 ; 79 (3) : F223.
mique, la perte aléatoire de l'un des trois chromo- Monk D, Moore GE. Intrauterine growth restriction : ­genetic
somes aboutit 1 fois sur 3 à la formation d'une causes and consequences. Semin Fetal Neonatal Med
DUP par conservation des deux chromosomes 2004 ; 9 (5) : 371–8.
(sur les trois) transmis par le même parent. En Robinson WP, Barrett IJ, Bernard L, Telenius A,
dehors de ces situations, c'est-à-dire pour les paires Bernasconi F, Wilson RD, et al. Meiotic origin of tri-
somy in confined placental mosaicism is correlated
chromosomiques sans région soumise à empreinte, with presence of fetal uniparental disomy, high levels
l'intérêt clinique de la recherche de DUP est discu- of trisomy in trophoblast, and increased risk of fetal
table dans la mesure où il est difficile de faire la intrauterine growth restriction. Am J Hum Genet
part des rôles respectifs de la DUP et de l'aneuploï- 1997 ; 60 (4) : 917.
die en mosaïque dans la survenue des éventuels Rogan PK, Seip JR, Driscoll DJ, Papenhausen PR,
signes cliniques associés. Johnson VP, Raskin S, et al. Distinct 15q genotypes
in Russell-Silver and Ring 15 syndromes. Am J Med
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Références Schinzel A. Genomic imprinting : consequences of unipa-
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Ciccone R, et al. Deletion of a 760 kb region at Snijders RJ, Sherrod C, Gosden CM, Nicolaides KH. Fetal
4p 16 determines the prenatal and postnatal growth growth retardation : associated malformations and
retardation characteristic of Wolf-Hirschhorn syn- chromosomal abnormalities. Am J Obstet Gynecol
drome. J Med Genet 2007 ; 44 (10) : 647–50. 1993 ; 168 (2) : 547–55.
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associated with Silver-Russell syndrome ? J Med K, et al. Ring chromosome 15 involving deletion of
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and its potential effect, the isodisomy. J Genet Hum Clin Dysmorphol 1993 ; 2 (2) : 106–13.
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38 (3) : 113–36. mentalization. Prenat Diagn 1996 ; 16 (6) : 511–24.
Fisher AM, Thomas NS, Cockwell A, Stecko O, Kerr B,

95
Quand suspecter Chapitre 12
l'origine infectieuse
d'un retard de
croissance intra-utérin ?
Anne-Gaelle Cordier, Olivier Picone, Christelle Vauloup-Fellous,
Alexandra Benachi

Préambule virus se réplique avant d'être transmis au fœtus.


Ainsi, le placenta peut être infecté sans que le
fœtus soit lui-même contaminé ; c'est pourquoi on
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est
a pu observer des cas d'infection d'un seul jumeau
une pathologie secondaire à une infection dans 5
en cas de dizygotie. Voilà qui suggère un rôle pro-
à 15 % des cas. Les agents infectieux essentielle-
tecteur du placenta vis-à-vis de la transmission
ment impliqués sont : le cytomégalovirus (CMV),
maternofœtale ainsi que l'existence de facteurs
le virus varicelle-zona (VZV), la rubéole, et de
innés de sensibilité à l'infection.
façon moins fréquente le toxoplasme, le virus
Herpes simplex (HSV) et la syphilis. L'analyse histologique retrouve une fibrose des vil-
losités, des phénomènes de calcification ou encore
L'objectif de ce chapitre est de rappeler les diffé-
des infiltrations leucocytaires. Les dépôts de fibrine
rentes étapes qui permettent d'établir l'origine
abîmant les syncytiotrophoblastes ainsi que la
infectieuse du RCIU. Les autres causes de RCIU
thrombose des vaisseaux villositaires réduiraient le
(génétiques, chromosomiques, constitutionnelles,
transport des nutriments et de l'oxygène au fœtus,
vasculaires) ne seront pas traitées ici, mais devront
interférant avec le développement et la croissance
bien sûr être évoquées.
du placenta et altérant les échanges maternofœtaux
par diminution des surfaces d'échanges. À l'échelle
moléculaire, Rauwel et al. ont constaté que le CMV
Physiopathologie et étiologie augmentait l'activité du récepteur PPARγ via la cel-
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

lular phospholipase A2 (c-PLA2), ce qui restreint le


Le RCIU est secondaire à l'altération placentaire processus de migration et d'invasion cytotropho-
et à l'atteinte directe des organes fœtaux. La phy- blastique. Ce phénomène explique les troubles de
siopathologie a été bien étudiée pour la rubéole et
Le retard de croissance intra-utérin

l'implantation et de la placentation responsables de


le cytomégalovirus. désordres du développement embryonnaire.

Atteinte placentaire Atteinte fœtale


Dans l'exemple de l'infection par le cytomégalovi- Dans l'exemple de la rubéole, l'infection entraîne
rus, consécutivement à la virémie maternelle, le une atteinte multiviscérale par des processus
placenta se comporte comme un réservoir où le apoptotiques et des phénomènes auto-immuns

97
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

tardifs. Une diminution des divisions cellulaires, sérologiques (maladies auto-immunes, traitement
un ralentissement des mitoses avec inhibition de par immunoglobulines, autre infection). De plus,
l'assemblage de l'actine (risque de cassures chro- des IgM résiduelles sont fréquemment détectées
mosomiques) et une nécrose non inflammatoire plusieurs mois après la contamination ou la vacci-
sont probablement impliqués, l'atteinte étant nation (notamment dans le cas de la rubéole). En
variable selon les organes. Le type de lésions, présence d'IgM spécifiques, il est indispensable de
notamment cérébrales, dépend de la date de conta- réaliser des examens complémentaires, notam-
mination du fœtus. Pendant les 4 premières ment la mesure de l'indice d'avidité des IgG. Cette
semaines de l'infection surviennent des lésions de avidité est fonction de l'ancienneté de l'infection,
cytolyse, de vascularite. Elles sont responsables de de l'agent infectieux en cause, du patient testé, de
la constitution, au cours des semaines suivantes, de la technique utilisée. Une avidité faible est en
zones de nécrose et de sclérose, de thromboses et faveur d'une infection récente, tandis qu'une avi-
de nodules microgliaux. Il en résulte une destruc- dité élevée évoque une infection ancienne (plus de
tion plus ou moins étendue du tissu cérébral. Des 2 à 4 mois en général) et est donc à interpréter en
processus destructifs peuvent également avoir lieu fonction du terme de la grossesse.
dans l'infection à CMV. En résumé, en l'absence d'IgG, il est exclu que le
Le processus de RCIU peut donc être dû soit à RCIU soit dû à l'infection. Si l'on objective une
l'atteinte placentaire et à la perturbation des infection postconceptionnelle mais datant de plus
échanges maternofœtaux, soit à l'atteinte directe de 1 mois au moment de la constatation du RCIU,
des organes fœtaux. on peut proposer une évaluation fœtale (amnio-
centèse). Si l'infection est très récente (moins de
1 mois), il est peu probable que l'éventuel retentis-
Diagnostic sement sur la croissance fœtale puisse déjà être
objectivé à l'échographie. Enfin, en cas de primo-
Première étape : anamnèse infection à CMV antérieure à la grossesse en
cours, l'étiologie virale ne peut être exclue, car les
Devant la constatation d'un RCIU et pour étayer infections secondaires (réinfection ou réactiva-
une origine infectieuse, on recherchera tout tion) peuvent être à l'origine d'infections congéni-
d'abord un contage, une éruption, la survenue tales symptomatiques.
d'une hyperthermie ou d'un syndrome grippal ou Dans tous les cas, le dialogue clinicobiologique
mononucléosique. est essentiel, car les résultats biologiques sont
L'infection maternelle passe le plus souvent ina- toujours à interpréter en fonction de la clinique.
perçue en raison de signes cliniques absents ou Il est souvent nécessaire de se procurer des
peu spécifiques (exemple : fatigue). En effet, 20 % sérums datant du début de la grossesse (dosage
seulement des infections maternelles à CMV de βHCG) ou, mieux, d'avant celle-ci (grossesse
seraient symptomatiques et une éruption n'est précédente).
retrouvée que dans 50 % des cas de rubéole. Le
contexte environnemental et familial pourra Échographie
orienter vers l'étiologie infectieuse virale, en parti-
culier en cas de contact personnel ou professionnel Elle recherche les signes évoquant une contamina-
avec des enfants en bas âge. tion fœtale et évalue son degré de sévérité. En effet,
les RCIU d'origine infectieuse sont souvent asso-
Seconde étape : analyses ciés à d'autres signes échographiques pouvant
orienter le diagnostic, mais aucun signe n'est patho-
sérologiques gnomonique d'un agent infectieux particulier.
La mise en évidence d'IgM peut faire suspecter De façon non spécifique, l'examen doit tout d'abord
une infection récente, mais elle n'est pas suffisante confirmer le RCIU, en s'attachant particulièrement
pour l'affirmer. Des IgM non spécifiques par sti- au périmètre crânien (PC), en respectant les cri-
mulation polyclonale non spécifique du système tères de qualité dictés par les recommandations du
immunitaire peuvent interférer dans les réactions Comité technique national (Rapport du comité

98
Chapitre 12. Quand suspecter l'origine infectieuse d'un retard de croissance intra-utérin ?

national technique de l'échographie de dépistage


prénatal, https://www.cfef.org/docofficiels.php).
Une étude morphologique complète, une analyse de
la quantité de liquide amniotique et une explora-
tion vélocimétrique Doppler (artères utérines,
artère ombilicale, artère cérébrale moyenne) parti-
cipent au diagnostic étiologique. L'échographie
permet également de suivre le retentissement fœtal
avec la surveillance de la dynamique de croissance
fœtale et de la vitalité fœtale (mouvements actifs
fœtaux, mouvements respiratoires). L'utilisation de
la voie vaginale est recommandée afin de réaliser
une recherche de signes échographiques au niveau Figure 12.1. Infection congénitale à CMV,
cérébral si le pôle céphalique est difficilement coupe transversale : dilatation ventriculaire
accessible par voie abdominale. (24 SA).
Certains signes sont peu spécifiques mais très
évocateurs de RCIU d'origine infectieuse. L'agent
infectieux se répliquant initialement dans le pla-
centa, on peut constater une augmentation de
l'épaisseur placentaire avec des calcifications
coexistant avec des zones hypoéchogènes don-
nant un aspect hétérogène. On peut retrouver
également des calcifications intracrâniennes ou
intra-abdominales, une hydrocéphalie, une ana-
sarque, une hépatosplénomégalie, un intestin
hyperéchogène. Dans ces conditions, un RCIU
avec une quantité de liquide amniotique normale
ou augmentée sera fortement suspect.
Certains signes ou leur association peuvent faire
évoquer certains agents infectieux en priorité. Figure 12.2. Infection congénitale à CMV,
coupe sagittale : zone anéchogène sous la
paroi ventriculaire (35 SA).
Cytomégalovirus
La majorité des RCIU infectieux sont liés à une
infection congénitale à CMV. Dans 28 % des cas, clastiques ischémohémorragiques ou destructives
le RCIU est la seule anomalie échographique (porencéphalie, calcifications intracérébrales), des
témoignant de l'infection par le CMV. Il est sou- anomalies des zones germinatives (kystes de ger-
vent dysharmonieux et prédomine sur le pôle minolyse périventriculaires [figure 12.2]) et une
céphalique (microcéphalie). hyperéchogénicité périventriculaire. On peut éga-
Le pronostic est en général lié à l'atteinte cérébrale. lement observer des lésions de vascularite des vais-
Un des signes les plus fréquents révélateurs de l'in- seaux thalamostriés et des noyaux gris centraux
fection à CMV est la ventriculomégalie (figure 12.1). décrites sous le terme d’ « Images en candélabre »
Elle peut être destructive et associée à un élargisse- (figure 12.3). Ces anomalies ne sont pas spécifiques
ment des espaces péricérébraux (grande citerne du CMV et peuvent être transitoirement observées
trop large), la microcéphalie associée étant alors le durant la période néonatale. De rares cas d'anoma-
reflet d'une microencéphalie/microcéphalie. Elle lies de la ligne médiane (hypoplasie du corps cal-
peut aussi être obstructive par une ventriculite avec leux, genu non visible, splenium fin) ont également
œdème, ou encore par hémorragie intraventricu- été décrits, ainsi que des atteintes de l'étage sous-
laire responsable d'adhérences intraventriculaires. tentoriel (hypoplasie du cervelet, calcifications ver-
Il faut s'attacher à rechercher des anomalies miennes). Enfin, des anomalies d'organisation de

99
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

Figure 12.4. Infection congénitale à CMV,


Figure 12.3. Infection congénitale à CMV,
coupe abdominale transverse :
coupe sagittale : calcifications
hyperéchogénicité intestinale et ascite (24 SA).
périventriculaires thalamiques en candélabre
(36 SA).
peut se traduire par un œdème généralisé avec
ascite ou encore par une anasarque. Des épanche-
l'étage sus-tentoriel, notamment des anomalies de
ments des séreuses peuvent exister de façon isolée
la migration neuronale et de la gyration, ont été
et transitoire (épanchement péricardique, épan-
observées lors d'infections à CMV.
chement pleural, ascite). Des calcifications éparses
Le type d'atteinte cérébrale diffère selon le terme du foie, de la rate, des poumons sont également les
auquel a eu lieu la primo-infection maternelle. témoins de cette infection systémique. Une car-
Ainsi, une lissencéphalie et une atteinte cérébel- diomyopathie et des calcifications myocardiques
leuse pourraient refléter une atteinte fœtale vers ponctiformes sont rarement observées.
16 ou 18 semaines d'aménorrhée (SA), alors
qu'une polymicrogyrie pourrait refléter une
atteinte plus tardive à 18–24 SA. Il peut être pro- Rubéole
posé de réaliser une IRM cérébrale fœtale vers 32
La littérature est pauvre en descriptions échogra-
SA en complément de l'échographie. La principale
phiques anténatales de rubéole congénitale.
caractéristique échographique et pronostique est
L'association d'un RCIU (ou infléchissement de la
l'évolutivité.
courbe de croissance) à des anomalies cardiaques
On observe également de nombreuses atteintes est cependant très évocatrice. Des anomalies car-
extracérébrales. Le CMV a un tropisme particu- diaques, notamment une hypoplasie de l'artère
lier pour le rein. L'atteinte rénale se manifeste par pulmonaire, une communication interauriculaire
une diminution de la quantité de liquide amnio- (CIA) ou une communication interventriculaire
tique (oligoamnios, reins hyperéchogènes), reflet (CIV), sont retrouvées dans près de 60 % des cas.
d'une modification de la diurèse fœtale en raison Une des principales anomalies à rechercher sera la
d'une néphrite aiguë infectieuse. Une hépatosplé- microcéphalie associée à des calcifications intra-
nomégalie avec éventuelle ascite est le témoin crâniennes. L'atteinte oculaire est quasi constante
d'une hépatite cholestatique avec insuffisance en cas d'infection maternelle du premier tri-
hépatique. La découverte d'un intestin hyperé- mestre, mais seule la microphtalmie et la cataracte
chogène (figure 12.4), le plus souvent au deuxième sont dépistables en anténatal (figures 12.5 et 12.6).
ou au troisième trimestre, en rapport avec une Quelques cas de reins multikystiques et de périto-
entérocolite virale, est la traduction échogra- nite méconiale ont également été décrits. Des
phique d'un iléus méconial, pouvant se compli- signes d'infection non spécifiques comme l'hépa-
quer d'une perforation digestive avec péritonite tosplénomégalie, l'augmentation de l'épaisseur du
méconiale. L'existence d'une anémie fœtale due à placenta et une anomalie de la quantité de liquide
l'effet combiné des défaillances du foie et de la amniotique sont souvent associés. Peu d'autres
moelle osseuse ou à une insuffisance cardiaque signes sont dépistables échographiquement. Il est

100
Chapitre 12. Quand suspecter l'origine infectieuse d'un retard de croissance intra-utérin ?

les pays développés et, le plus souvent, le seul signe


échographique rapporté est effectivement le
RCIU.

Varicelle-zona
Parmi les éléments du syndrome de varicelle congé-
nitale (embryofœtopathie varicelleuse), on peut
dépister échographiquement des atteintes céré-
brales et extracérébrales. L'atteinte du système ner-
veux central (SNC) peut se présenter par une
hydrocéphalie, une microcéphalie avec microphtal-
Figure 12.5. Rubéole congénitale, vue faciale : mie, voire une atrophie corticale et cérébelleuse
cataracte (16 SA). avec des kystes porencéphaliques. Les lésions tissu-
laires regroupent des hypotrophies et des hypopla-
sies musculaires, des hypoplasies de membres, des
membres en flexion, des malpositions multiples des
extrémités. L'atteinte peut également être squelet-
tique, avec des hypoplasies des côtes, des clavicules,
de la mandibule, ou encore un hémithorax. La topo-
graphie des lésions musculosquelettiques est géné-
ralement la même que celle des lésions cutanées
(atteinte métamérique). Les lésions urodigestives
sont plus rares, de type sténose duodénale, atrésie
sigmoïdienne, calcifications hépatospléniques, et
hydronéphroses ou reflux vésico-urétéral.
La revue de la littérature résumée dans le tableau
12.1 retrouve 30 % de RCIU, 55 % d'hypoplasies de
Figure 12.6. Rubéole congénitale, vue faciale :
membres, 57 % d'atteintes du SNC (dont les atteintes
microphtalmie unilatérale (16 SA).
ophtalmiques), 23 % de calcifications hépatiques.
Les autres lésions sont non dépistables à l'écho-
graphie : cicatrices cutanées pigmentées (100 %),
nécessaire de s'attacher à la dynamique de crois- paralysie faciale, surdité, syndrome de Claude
sance et à en rechercher une altération. L'infection Bernard, choriorétinite, cataracte, paralysie phré-
congénitale rubéoleuse est devenue très rare dans nique ou bulbaire.

Tableau 12.1. Revue de la littérature : varicelle congénitale.


RCIU Extrémités SNC Calcif. Placenta Hydrops Hydramnios Autres
hépat./
dig.
Littérature 30 % 55 % 57 % 23 % 23 % 3% 6%
anténatale
Littérature 22 % 49 % 60 % 15–28 % Peau
néonatale + opht. (70 %),
51 % muscle
(20 %),
génito-
uro.,
cardio.
D'après Macé et al., 2008.

101
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

Toxoplasmose IRM peut se discuter en cas de doute. On peut


également observer une hépatosplénomégalie,
Parmi les lésions rencontrées, aucune n'est réelle- des calcifications hépatiques, un intestin hyper­
ment spécifique de la toxoplasmose congénitale et échogène, une ascite, un épanchement pleural ou
toutes n'ont pas la même valeur pronostique. Il péricardique pouvant s'intégrer dans une myocar-
n'y a que rarement un retentissement sur la crois- dite parasitaire avec anasarque. Tous ces symp-
sance, mais on peut observer une microcéphalie. tômes traduisent l'atteinte multiviscérale et
Les lésions cérébrales dominent souvent le tableau évoluée de l'infection fœtale. En revanche, des
échographique avec des dilatations ventriculaires foyers de nécrose faiblement calcifiés sont sou-
bilatérales et symétriques d'origine obstructive, vent inaccessibles aux ultrasons, tout comme les
ainsi que des calcifications parenchymateuses choriorétinites.
arrondies périventriculaires (figures 12.7 et 12.8).
Plus rarement, une atteinte ischémique peut se
traduire par une porencéphalie, une encé- Herpès
phalomalacie multikystique ou une hydranencé-
phalie. Devant ces lésions, l'opportunité d'une La majorité des infections maternelles à HSV2
sont asymptomatiques, alors que 2 primo-infec-
tions génitales sur 3 à HSV1 sont symptomatiques.
Il a été décrit des cas de RCIU lors d'une primo-
infection HSV2 au troisième trimestre de gros-
sesse. Peuvent y être associés une anasarque, des
lésions cérébrales, des calcifications ou une hyper­
échogénicité intestinale, un oligoamnios par insuf-
fisance rénale.

Syphilis
C'est une infection bactérienne à évoquer, puisque
son incidence augmente à nouveau depuis
quelques années (prévalence 0,005 %). La popula-
tion urbaine hétérosexuelle multipartenaire est la
Figure 12.7. Toxoplasmose congénitale, coupe plus exposée, et elle est associée dans 10 % des cas
transversale : dilatations ventriculaires (25 SA). à la découverte d'une séropositivité VIH (virus de
l'immunodéficience humaine). En raison de la dis-
sémination hématogène du Treponema pallidum,
la transmission au fœtus est possible à tout
moment de la grossesse, en particulier après 16 SA
ou 20 SA selon les études. Ceci justifie le dépistage
et le traitement de toute syphilis primaire active au
premier trimestre de grossesse. La transmission
maternofœtale est de 70 à 100 % si la syphilis est
primaire et non traitée, de 40 % si elle est latente
précoce et de 10 % si elle est latente tardive. On
observe une atteinte fœtale symptomatique dans
50 % des cas de syphilis primaire et secondaire et
dans 10 % des formes tardives. Ces risques
deviennent quasiment nuls si la patiente est traitée.
Le risque de mort fœtale in utero passe de 30,4 %
Figure 12.8. Toxoplasmose congénitale, coupe sans traitement à 5,5 % après une thérapeutique
sagittale : calcifications intracérébrales complète. De même, la prématurité est multipliée
périventriculaires (29 SA). par 4,3 en cas d'atteinte fœtale. Un RCIU est

102
Chapitre 12. Quand suspecter l'origine infectieuse d'un retard de croissance intra-utérin ?

retrouvé dans 20 à 40 % des cas. La syphilis congé- Hohlfeld P, MacAleese J, Capella-Pavlovski M,


nitale est responsable d'une mortalité néonatale de Giovangrandi Y, Thulliez P, Forestier F, et al. Fetal
toxoplasmosis : ultrasonographic signs. Ultrasound
50 %. Les signes échographiques précoces évoca-
Obstet Gynecol 1991 ; 1 : 241–4.
teurs de syphilis congénitale sont peu spécifiques :
Lipitz S, Achiron R, Zalel Y, Mendelson E, Tepperberg M,
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L'éventualité d'une étiologie infectieuse doit donc 782–90.
toujours être envisagée devant un RCIU, et repose Oster ME, Riehle-Colarusso T, Correa A. An update on
sur un faisceau d'arguments. La démarche dia- cardiovascular malformations in congenital rubella
gnostique doit s'appuyer sur l'anamnèse, l'analyse syndrome. Birth defect research part A. Clin Mol
des sérologies et l'échographie. Les sérologies Teratol 2010 ; 88 : 1–8.
doivent être interprétées avec l'aide des biologistes. Pass RF, Boppana S. Cytomegalovirus. In : Jeffries DJ,
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forcent le diagnostic. Le diagnostic de certitude
2005.
sera apporté par la recherche de l'agent infectieux
Picone O, Simon I, Benachi A, Brunelle F, Sonigo P.
suspecté dans le liquide amniotique, et éventuelle- Comparison between ultrasound and magnetic reso-
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103
Tabagisme et retard de Chapitre 13
croissance intra-utérin
Gilles Grangé

Préambule néonatales augmentées, à court et à long terme.


C'est pourquoi, dans une perspective de santé
publique, la réduction du taux de prévalence des
La première cause évitable de retard de croissance
fœtus hypotrophes reste un objectif important.
intra-utérin (RCIU) est le tabagisme durant la
grossesse. En effet, l'association entre petit poids
de naissance et tabagisme maternel est connue et Tabagisme
bien documentée. Il existe un déficit d'environ
200 g à terme. Lorsque la femme subit le tabagisme Le tabagisme se définit à partir d’une cigarette
d'autrui (tabagisme passif), la perte de poids est de quotidienne.
40 g environ. Il existe un effet-dose entre le taba-
gisme maternel et la profondeur du RCIU. Les
21 études randomisant la prise en charge du taba- Morbidité et mortalité
gisme, montrent que le poids de naissance aug-
mente de 39 g dans le groupe avec intervention. En De façon générale, les fœtus hypotrophes pré-
cas de délétion fœtale sur le gène de la glutathione sentent en période néonatale un risque plus élevé
S transférase ou du cytochrome P450, l'atteinte est de mortalité et de morbidité, dont la naissance
bien plus marquée, ouvrant la voie à des explora- prématurée, l'entérocolite nécrosante et la détresse
tions spécifiques en cas d'hypotrophie. respiratoire. Au-delà de cette période, ces enfants
ont également un risque de retard psychomoteur
ou de paralysie cérébrale. On sait aussi qu'ils ont
Définitions un risque plus élevé d'hypertension, de maladie
coronarienne et de diabète de type II.
Retard de croissance intra-utérin Quel que soit le poids de naissance, la mortalité
néonatale est plus élevée chez les mères fumeuses.
Revenons brièvement sur la définition du RCIU.
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Ceci permet de penser que le faible poids de nais-


Le plus souvent, le seuil pour définir un petit poids sance n'explique pas, à lui seul, l'effet délétère du
de naissance est le 10e percentile sur les courbes tabagisme maternel en cours de grossesse.
néonatales. Bien sûr, ce seuil ne permet pas de dif-
Le retard de croissance intra-utérin

férencier les fœtus constitutionnellement petits de


ceux qui présentent un réel retard de croissance.
Aussi la littérature s'est-elle attachée à identifier les Association tabagisme actif
fœtus qui n'ont pas atteint leur potentiel de crois- et petit poids
sance et présentent donc un véritable retard. La
définition même du RCIU continue d'alimenter la Dès 1957, Simpson rapporte l'association entre petit
recherche. Les nouveau-nés ayant un retard de poids de naissance et tabagisme maternel : les mères
croissance ont une morbidité et une mortalité fumant plus de 10 cigarettes par jour accouchaient

105
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

d'un enfant dont le poids était en moyenne de 200 g


plus faible que pour les patientes non fumeuses. En
Tabagisme et prééclampsie
1972, une étude anglaise faisait la même constata-
Le rapport entre tabagisme et prééclampsie est
tion après avoir contrôlé les facteurs socioécono-
complexe, de nombreuses études ayant montré
miques. Nombreuses, ensuite, ont été les études,
que le tabagisme protégeait de cette maladie.
qui, toutes, allaient dans le même sens.
Pourtant, quand celle-ci se déclare, le risque de
Il existe une autre façon de rapporter une diminu- RCIU est doublé en cas de tabagisme maternel.
tion du poids de naissance, consistant à évaluer le
risque qu'une femme accouche d'un enfant hypo-
trophe. Il a été montré à plusieurs reprises que ce
risque était de 1,5 à 2,9 fois plus important chez Association tabagisme passif
les femmes fumeuses que chez les femmes non et petit poids
fumeuses.
Une étude récente cas-témoins, menée dans l'Utah, La fumée du tabac des autres subie par la femme
regroupe plus de 400 000 naissances ; les auteurs enceinte a des effets sur la croissance fœtale. Ainsi,
ont confirmé que le poids de naissance des nou- Brady et al. ont mis en évidence que, parmi les
veau-nés était plus faible chez les femmes s'identi- patientes ayant une cotinine présente dans le sang,
fiant comme fumeuses. Cet effet a été retrouvé 38 % d'entre elles se déclaraient non fumeuses. Il
quel que soit l'indice de masse corporelle (IMC) est difficile de déterminer, parmi elles, la propor-
maternel. De plus, l'association se retrouvait chez tion de fumeuses actives et de fumeuses passives.
les patientes atteintes d'autres pathologies telles Dans une autre étude où la cotinine n'avait pas été
que l'hypertension et le diabète. Après correction dosée au sang du cordon, les nouveau-nés exposés
pour les maladies maternelles dans une régression à un tabagisme passif paternel de plus de 20 ciga-
logistique, le tabac reste le facteur le plus signifi- rettes par jour pesaient en moyenne 88 g de moins
catif entraînant le retard de croissance. Le ratio que les fœtus non exposés. Un autre travail danois
est de 3,53 avec un intervalle de confiance (IC) de va dans ce sens, avec une perte de poids de 79 g.
2,61 à 4,79. De manière intéressante, quel que soit Parmi les nombreuses études, notons encore celle
l'IMC maternel, l'effet du tabagisme sur le nou- où il a été retrouvé une perte de presque 40 g en
veau-né reste identique. Cette étude ne retrouve moyenne et un risque augmenté de 20 % d'un
pas de différence sur le périmètre crânien des poids de naissance inférieur à 2 500 g. Deux études,
nouveau-nés entre exposés et non-exposés. Cette américaine et indienne, la première avec des
notion fait l'objet de controverses dans la dosages de cotinine, la deuxième avec un autoques-
littérature. tionnaire, mettent en évidence des résultats
semblables.

Effet du tabagisme sur les


courbes de croissance fœtale Effet-dose
Jeanty et al. ont montré, dès 1987, à propos de Il existe un effet-dose entre le tabagisme mater-
10 fœtus exposés au tabagisme maternel, l'effet de nel et la profondeur du RCIU. Une étude récente
cette exposition sur l'ensemble des paramètres a comparé les femmes non fumeuses aux femmes
biométriques fœtaux. La majorité des résultats de fumeuses par tranches de 10 cigarettes. Jusqu'à
la littérature vont dans le sens d'un défaut de 10 cigarettes, la perte est en moyenne de 86 g ;
croissance de l'ensemble de la masse maigre. jusqu'à 20, de 190 g ; au-delà de 20, elle est de
L'effet du tabac semble pourtant être davantage 277 g. Cette étude repose sur une déclaration
marqué au troisième trimestre de la grossesse, maternelle de la quantité fumée. Il n'y avait pas
puisque les patientes réussissant leur sevrage aux de dosage pour mesurer celle-ci. En 1993, l'équipe
premier et deuxième trimestres ont des nouveau- de Brady avait mesuré la cotinine au sang du cor-
nés dont le poids de naissance n'est guère différent don de 1237 grossesses. Parmi celles-ci, 300
de celui des mères non fumeuses. avaient un dosage de cotinine positif et après

106
Chapitre 13. Tabagisme et retard de croissance intra-utérin

avoir corrigé pour la parité, le sexe fœtal et l'âge


gestationnel, les fœtus exposés pesaient en
Effet en fonction des trimestres
moyenne 188 g de moins que les fœtus non expo- exposés
sés. Brady et al. ont également montré que la rela-
tion était plus forte avec la concentration en Le tabac ne semble pas jouer sur la croissance
cotinine qu'avec l'autodéclaration de la consom- quand il est limité au premier trimestre de la gros-
mation des patientes. Pour autant, la différence sesse. Une étude récente de mars 2010, rapportée
n'est pas très importante et il ne faudrait pas par Prabhu et al., étudie la croissance in utero aux
qu'un dosage biochimique remplace notre capa- différents trimestres dans une population de
cité à dialoguer avec les patientes. presque 2000 fœtus. Cette étude montre claire-
Plusieurs études ont démontré l'étroite relation ment l'impact sur la croissance fœtale du taba-
entre le niveau de cotinine urinaire maternelle et gisme aux deuxième et troisième trimestres, mais
la perte de poids pour le nouveau-né. Cependant, son absence au premier. Il est intéressant de noter
on ne peut pas dire si la relation est linéaire ou que cette même étude montre l'absence d'intérêt
non. Même si la consommation autodéclarée est d'une réduction de consommation sans abstinence.
moins prédictive des anomalies de poids de nais- Ce travail est confirmé par ceux qui montrent un
sance que les mesures objectives, la corrélation poids équivalent dans le sevrage au premier tri-
entre consommation déclarée et taux de cotinine mestre par rapport aux femmes non fumeuses.
urinaire est très forte. Aussi nous semble-t-il que
l'interrogatoire, qui est un outil bon marché, doit
continuer à être optimisé en ce sens. La seule Existe-t-il une susceptibilité
population pour laquelle existe une différence qui génétique à la fumée de tabac ?
ne nous paraît pas négligeable est constituée des
patientes qui déclarent avoir été sevrées en cours Malgré la relation causale, une observation reste
de grossesse puisque, parmi elles, 25 % ont un taux essentielle : tous les enfants exposés au tabac ne
de cotinine compatible avec un tabagisme actif. sont pas hypotrophes. À l'évidence, tous les fœtus
L'effet bénéfique du sevrage en cours de grossesse ne sont pas égaux devant le tabagisme maternel ou
apporte un argument de causalité entre le taba- le tabagisme passif. Ainsi, tout se passe comme si
gisme et le petit poids de naissance. Dans la l'effet du tabagisme sur la croissance nécessitait
méta-analyse de la Cochrane, 21 études montrent une interaction avec des facteurs multiples : socio-
l'efficacité de la prise en charge du tabagisme en démographiques, épidémiologiques ou génétiques.
cours de grossesse avec des interventions d'inten- Or, la fumée de tabac contient plus de 4000 pro-
sité très différente, comme le simple conseil, la duits toxiques. Et certains sont métabolisés par le
délivrance de brochures, les prises en charge plus cytochrome P450 et la glutathione S transférase.
actives en face à face avec le clinicien, les visites à Les gènes codant pour ces deux enzymes ont été
la maison, les récompenses en cas de réussite ou étudiés chez les mères fumeuses. Il a été trouvé
le traitement substitutif nicotinique. Ces 21 études­ dans le groupe des enfants de petits poids davan-
randomisées examinent les critères périnatals tage de patientes ayant un polymorphisme de l'un
et montrent que, avec la prise en charge, le poids ou l'autre de ces deux gènes. Parmi ce groupe, la
de naissance augmente de 39,26 g (IC 95 % : perte de poids était en moyenne de 500 à 600 g.
15,77–62,74), et que la fréquence des poids de Ces résultats ont été confirmés plusieurs fois,
naissance inférieurs à 2 500 g est moins élevée dont une récente étude américaine qui montre un
(risque relatif [RR] : 0,83, 95 % ; IC : 0,73–0,95). déficit de 262 g en cas de délétion fœtale sur le
Cet effet de la prise en charge sur le poids de nais- gène de la glutathione S transférase.
sance confirme l'effet causal du tabac et montre
l'intérêt d'une prise en charge pour le fœtus. Il est
à noter que ces mêmes études ont montré un inté- Conclusion
rêt modéré de l'arrêt du tabac en fin de grossesse,
ainsi que l'absence d'intérêt sur la prévention des L'effet du tabagisme sur le bien-être fœtal est large-
rechutes. ment établi, et ne fait plus l'objet de controverses.

107
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

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Chapitre 13. Tabagisme et retard de croissance intra-utérin

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109
Lupus érythémateux Chapitre 14
systémique et grossesse
Véronique Le Guern, Emmanuelle Pannier, Francine Proulx

Préambule En revanche une hypofertilité, voire une inferti-


lité au cours du LES peut être la conséquence
d'une exposition antérieure médicamenteuse, en
Le lupus érythémateux systémique (LES) est une
particulier au cyclophosphamide. Le risque d'in-
maladie auto-immune non spécifique d'organe,
suffisance ovarienne liée à l'utilisation de cyclo-
touchant majoritairement les femmes en âge de
phosphamide est lié à la dose totale antérieurement
procréer. Une meilleure compréhension actuelle
utilisée ainsi qu'à l'âge de la patiente au moment
de la maladie et des risques fœtomaternels encou-
du traitement, avec des risques de ménopause pré-
rus ainsi qu'une prise en charge pluridisciplinaire
coce d'autant plus importants que l'âge au début
permettent à ces femmes d'avoir des enfants avec
de ce traitement est supérieur à 30 ans.
des risques minimisés. Concernant l'impact de la
grossesse sur l'activité du lupus, on retiendra que
chez quelques patientes seulement, on peut assis- Stimulations ovariennes
ter à une aggravation spectaculaire de la maladie
au cours de la grossesse, alors que chez la plupart Les protocoles d'induction d'ovulation, quels qu'ils
des patientes, il n'y aura qu'une exacerbation soient, conduisent à une hyperestrogénie qui peut
modérée des symptômes de la maladie, sans favoriser une poussée lupique, mais également
conséquence à long terme. Dans la majorité des prédisposer à la survenue de thromboses vei-
cas, les poussées de la maladie sont peu sévères et neuses et/ou artérielles. Il convient de ne proposer
accessibles à un traitement. Certaines poussées ces traitements qu'après un bilan complet de stéri-
sévères, en particulier rénales, peuvent avoir des lité en centre spécialisé, chez des patientes dont le
conséquences à la fois sur la mère et sur l'enfant. lupus est calme depuis au moins 12 mois, sans
Ces risques peuvent et doivent aujourd'hui antécédent vasculaire, insuffisance rénale, hyper-
être minimisés grâce à une planification soi- tension artérielle ou hypertension artérielle
gneuse de la grossesse au cours d'une période pulmonaire.
de quiescence de la maladie et à l'optimisation de
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

la prise en charge thérapeutique avant et pendant Planification d'une grossesse


la grossesse.
Il est nécessaire, avant d'envisager une grossesse
chez une jeune femme lupique, de s'assurer de la
Prérequis avant une grossesse
Le retard de croissance intra-utérin

quiescence de la maladie et de l'optimisation du


chez une patiente lupique traitement. Le LES n'est pas une contre-indica-
tion à la grossesse, à l'exception de complications
Fertilité viscérales graves telles qu'une hypertension arté-
rielle pulmonaire ou une insuffisance rénale
La fertilité n'est pas diminuée chez une femme chronique sévère. Le caractère quiescent du
lupique, en dehors d'une poussée sévère de la lupus (maladie inactive depuis au moins 6 mois
maladie ou d'une insuffisance rénale chronique. avant la conception) est la meilleure prévention

111
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

d'une poussée au cours de la grossesse. Certains grossesse), un bilan urinaire (protéinurie, sédi-
traitements de fond doivent être poursuivis. ment urinaire).
À l'inverse, il est raisonnable de contre-indiquer
une grossesse en cas de poussée récente ou pré-
Conséquences de la grossesse
sente de lupus, d'une insuffisance rénale chro-
nique définie par une clairance de la créatinine sur le lupus
inférieure à 40 ml/min, d'une valvulopathie mal Fréquence des poussées
tolérée ou d'une corticodépendance supérieure à
0,3 mg/kg. Les poussées de lupus modérées à sévères sont
finalement peu fréquentes, objectivées au cours
de 15 à 30 % des grossesses lupiques. Le risque
Traitements d'une poussée lupique augmente considérable-
ment si le LES est actif cliniquement et biologi-
Avant d'autoriser une grossesse chez une patiente quement dans les 6 mois qui précèdent la
lupique, la corticothérapie doit être ramenée à sa grossesse. Le principal facteur de risque est l'ar-
dose minimale efficace. L'hydroxychloroquine, rêt des antimalariques de synthèse avant la
l'azathioprine peuvent et doivent être maintenues, grossesse.
lorsque cela est nécessaire. En revanche, les autres
immunosuppresseurs tels que le cyclophospha-
mide, le méthotrexate, le mycophénolate mofétil Types des poussées
doivent impérativement être interrompus au Les organes les plus habituellement concernés par
moins 3 mois avant la conception. Les traitements une exacerbation des signes de la maladie sont la
antihypertenseurs tels que les inhibiteurs de l'en- peau et les articulations. Un risque de survenue
zyme de conversion et les antagonistes des récep- d'arthrites vraies est observé au cours d'environ
teurs de l'angiotensine II seront interrompus au 20 % des grossesses, alors que la plupart des femmes
profit d'antihypertenseurs que l'on peut mainte- ne rapportent que quelques manifestations arthral-
nir au cours de la grossesse tels que la méthyl- giques. On assiste également à une majoration des
dopa, le labétalol ou les inhibiteurs calciques. signes généraux, en particulier de l'asthénie. Les
manifestations hématologiques, et notamment les
cytopénies auto-immunes, sont de la même façon
Prise en charge pluridisciplinaire
rapportées au cours de la grossesse lupique.
Une patiente lupique débutant une grossesse Le risque de glomérulonéphrite lupique au cours
doit idéalement être prise en charge conjointe- d'une grossesse lupique est estimé entre 4 % et
ment par un médecin spécialiste de sa maladie 30 % selon les études, plus important en cas d'an-
(rhumatologue, interniste) et un obstétricien au técédent de néphrite lupique. La poussée de lupus
sein d'une maternité habituée à prendre en peut être observée à n'importe quel terme de la
charge des pathologies maternelles lourdes. Il grossesse, mais aussi au cours des semaines et des
est utile de proposer une visite mensuelle à par- mois qui suivent l'accouchement.
tir de la 12e semaine d'aménorrhée (SA) com-
portant un examen clinique, un examen
obstétrical, une échographie fœtale avec une
étude de la croissance fœtale et des Doppler uté- Conséquences du lupus
rins et ombilicaux, une surveillance de la sur la grossesse
conduction auriculoventriculaire en cas d'anti-
corps anti-SSA chez la mère (entre la 16 e et la L'activité de la maladie, en particulier un antécé-
24 e SA), un enregistrement du rythme cardiaque dent de néphrite lupique, augmente le risque de
fœtal après 28 semaines, un bilan biologique complications obstétricales. Par ailleurs, un LES
comportant une numération globulaire, une actif cliniquement et biologiquement augmente le
surveillance de la fonction rénale, des anti-ADN taux de pertes fœtales, multiplié par 3 par rap-
natif, les fractions C3 et C4 du complément (aug- port aux patientes avec une faible activité de la
mentation physiologique du C3 pendant la maladie.

112
Chapitre 14. Lupus érythémateux systémique et grossesse

Impact de l'activité du lupus Prématurité


sur le fœtus Les causes de prématurité, définie par un accou-
chement avant 37 semaines, sont multiples. Il est
Pertes fœtales
nécessaire de différencier les prématurités résul-
On estime que le taux de pertes fœtales dans tant d'un travail spontané des prématurités induites
une population de patientes lupiques est 5 fois pour une raison médicale maternofœtale (préé-
plus élevé que chez des femmes non lupiques. clampsie, syndrome HELLP [hemolysis, elevated
Les deux facteurs de risque les plus habituelle- liver enzymes, low platelets], retard de croissance
ment retrouvés concernant les pertes fœtales intra-utérin [RCIU]). Elles compliquent entre 20
sont une forte activité de la maladie lupique et et 54 % des grossesses. Parmi les facteurs de risque
un syndrome des antiphospholipides associé au de prématurité, on retient le caractère « actif » du
lupus. lupus avant et pendant la grossesse, l'administra-
tion de fortes doses de corticoïdes, l'apparition

Tableau 14.1. Facteurs de risque, différences cliniques et biologiques entre prééclampsie


et poussée de lupus.
Prééclampsie Poussée de lupus
Facteurs de risque
Première grossesse Oui Pas d'impact
Antécédent de prééclampsie Oui Pas d'impact
Grossesses multiples Oui Non connu
Antécédent de néphrite lupique Oui Oui
Terme de la grossesse Après 20 SA, le plus souvent après À n'importe quel moment
30 SA
Données biologiques
Protéinurie Brutal Progressif ou brutal
Mode d'installation Important Variable
Débit
Sédiment urinaire actif Absent Présent
(hématurie, leucocyturie)
Thrombopénie Présente Peut être présente
Anticorps anti-DNA natifs Absents Le plus souvent présents
Complément (C3, C4) Le plus souvent normal Le plus souvent bas
Test de Coombs direct Négatif Peut être positif
ASAT, ALAT Élevées Normales
Uricémie Élevée Normale
sFlt-1 (soluble FMS-like Élevé Non connu
tyrosine kinase 1)
PGIF (placental growth factor) Bas Non connu
Données cliniques
Hypertension artérielle Élevée Élevée
Signes dermatologiques Absents Peuvent être présents
Signes articulaires Absents Peuvent être présents

113
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

d'une hypertension artérielle et l'existence d'anti- Impact de l'activité du lupus


corps antiphospholipides. sur le nouveau-né
Retard de croissance intra-utérin Les femmes porteuses d'un anticorps anti-SSA/Ro
et/ou anti-SSB/la ont un risque que leur enfant soit
Un petit poids pour l'âge gestationnel est défini atteint d'un lupus néonatal. Ce syndrome peut se
comme étant inférieur au 10e percentile par rapport manifester par une atteinte cutanée, hématolo-
aux normes nationales. Les études sont cependant gique, hépatique ou cardiaque, en particulier un
divergentes, avec des taux de petits poids de nais- bloc auriculoventriculaire congénital (BAVc) en
sance variant entre 10 % et 35 % des grossesses dehors de toute cardiopathie malformative.
lupiques. Le facteur de risque le plus régulièrement La fréquence de survenue d'un BAVc en cas d'an-
invoqué pour expliquer ces données est une insuf- ticorps anti-SSA/Ro est de l'ordre de 1 à 2 % et le
fisance placentaire, expliquée par un taux majoré risque de récidive de 10 à 17 %.
de thrombose placentaire, avec un rôle certain des
anticorps antiphospholipides. Les complications L'hypothèse physiopathologique du BAVc est celle
vasculorénales maternelles telles que la prééclamp- d'un passage des anticorps maternels anti-SSA/Ro
sie, le syndrome HELLP et la néphrite lupique sont chez le fœtus, ces anticorps étant capables de se
fortement associées au risque de RCIU. fixer à la surface des cardiocytes fœtaux. Ainsi
recouverts d'anticorps, les cardiocytes sont phago-
cytés par les macrophages, entraînant un relargage
Prééclampsie de cytokines telles que le TNF et le TGFβ, ce qui
Les femmes lupiques enceintes ont un risque favorise l'inflammation, la fibrose et la destruction
majoré de présenter une prééclampsie, allant de du tissu de conduction. Lorsque le BAVc est com-
13 à 35 % selon les séries. Sur le plan physiopatho- plet, il est définitif et s'associe à une morbimortalité
logique, la prééclampsie est secondaire à une dys- élevée. Ceci justifie la recherche systématique, chez
fonction placentaire qui est responsable de la une patiente lupique porteuse d'anticorps anti-
libération dans la circulation maternelle de SSA/Ro, de BAVc du premier degré par la mesure
diverses substances responsables d'une activation, de l'espace PR en Doppler pulsé. Cette mesure doit
voire d'une lésion de l'endothélium maternel. être pratiquée tous les 15 jours, voire toutes les
semaines entre la 16e et la 24e SA.
Distinction entre néphrite Il existe deux méthodes de mesure.
lupique et prééclampsie
Il est parfois difficile de différencier une préé-
Mesure sur la coupe valve
clampsie d'une poussée de néphrite lupique, car mitrale-aorte
ces deux événements associent des manifestations Après obtention de l'image bidimensionnelle des
cliniques très similaires (hypertension artérielle, cinq cavités avec le septum interventriculaire verti-
protéinurie, œdèmes des membres inférieurs). Le calisé vers le haut ou le bas de l'écran, la fenêtre du
traitement est cependant extrêmement différent, Doppler pulsé est placée dans la chambre de chasse
basé dans le cas de la prééclampsie sur l'extraction du ventricule gauche, de façon à inclure simultané-
fœtale, selon le terme de la grossesse, et dans le cas ment les flux mitraux et aortiques (figure 14.1).
de la néphrite lupique sur l'intensification du trai- L'espace PR correspond à l'intervalle situé entre le
tement immunosuppresseur. début de l'onde A de la valve mitrale jusqu'au début
Il est dans cette situation parfois difficile de faire de la systole aortique (figure 14.2). Les valeurs nor-
la part des choses entre une réelle prééclampsie et males sont corrélées à l'âge gestationnel.
une poussée rénale du LES, d'autant qu'un antécé-
dent de néphrite lupique expose la patiente à pré- Mesure sur la coupe veine cave
senter ces deux types de complication. Le tableau
14.1 résume les facteurs de risque, éléments cli-
supérieure-aorte ascendante
niques et biologiques qui permettent de faire la De la coupe des cinq cavités précédemment obte-
part des choses. nue, la sonde est tournée à 90° pour obtenir

114
Chapitre 14. Lupus érythémateux systémique et grossesse

Figure 14.1. Mesure de l'espace PR sur la Figure 14.3. Mesure de l'espace PR sur la
coupe valve mitrale-aorte. coupe veine cave supérieure-aorte
ascendante.

Figure 14.2. L'espace PR correspond à


Figure 14.4. L'espace PR correspond à
l'intervalle situé entre le début de l'onde A de
l'intervalle situé entre le début de l'onde A
la valve mitrale jusqu'au début de la systole
de la veine cave (contraction auriculaire
aortique.
rétrograde) jusqu'au début de la systole
aortique.
l'incidence de la coupe sagittale de la veine cave
supérieure et de l'aorte ascendante superposées.
La fenêtre du Doppler pulsé est placée de façon à
inclure les spectres des deux vaisseaux respective-
Traitements
ment (figure 14.3). L'espace PR correspond à l'in- Prévention d'une poussée lupique
tervalle situé entre le début de l'onde A de la veine
cave (contraction auriculaire rétrograde) jusqu'au
en cours de grossesse
début de la systole aortique (figure 14.4). Les nor- Le respect d'une période de quiescence de la mala-
males des valeurs du temps auriculoventriculaire die au moins égale à 6 mois est le meilleur moyen
ainsi obtenues sont là encore corrélées à l'âge de prévenir une poussée de lupus au cours d'une
gestationnel. grossesse. Il ne faut pas interrompre un traite-
D'autres complications cardiaques fœtales plus ment de fond par l'hydroxychloroquine lorsque
rares sont la fibromyoélastose endocardique et la celui-ci permet de contrôler la maladie. Cette
cardiomyopathie tardive. molécule permet de diminuer le risque de

115
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

poussées de lupus, améliore le pronostic des Traitement curatif du bloc


néphrites lupiques et réduit le risque de séquelles auriculoventriculaire congénital
de la maladie. C'est le traitement offrant le meil-
leur rapport bénéfice/risque parmi les différents Lorsque le BAVc est dépisté en anténatal au stade
traitements disponibles dans cette maladie. Il est de BAVc du premier ou du deuxième degré, le
aujourd'hui fortement recommandé de le pour- traitement repose sur les corticoïdes fluorés
suivre pendant la grossesse puisque, au cours de (dexaméthasone et bêtaméthasone) du fait de leur
300 grossesses menées sous hydroxychloroquine, passage transplacentaire. La dexaméthasone
aucune anomalie fœtale n'a été observée. Aucune pourrait cependant avoir des effets secondaires
toxicité rétinienne ni auditive n'a été détectée chez sur le fœtus, en particulier des anomalies du déve-
les nouveau-nés de mamans traitées par loppement neurologique avec troubles cognitifs et
hydroxychloroquine. un risque accru de leucomalacie périventriculaire
L'azathioprine est l'immunosuppresseur le moins chez le prématuré, faisant préférer l'utilisation de
toxique à proposer au cours de la grossesse, ce qui la bêtaméthasone.
est lié au fait que le foie fœtal ne possède pas l'en- L'efficacité du traitement par corticoïdes fluorés
zyme permettant de métaboliser l'azathioprine dans les BAVc complets est controversée. La prise
dans sa forme active. Le mycophénolate mofétil est en charge se fera en milieu cardiopédiatrique spé-
tératogène, ce qui justifie de modifier ce traite- cialisé avec mise en place éventuelle d'un
ment immunosuppresseur en le remplaçant par pacemaker.
l'azathioprine quand cela est possible.
Traitement prophylactique
Traitement d'une poussée lupique du bloc auriculoventriculaire
en cours de grossesse congénital
En l'absence d'activité clinique ou biologique du
Lorsqu'une femme porteuse d'anticorps anti-SSA/
lupus pendant la grossesse, il n'y a pas d'indica-
Ro a un enfant atteint de BAVc lors d'une pre-
tion à la mise en place d'un traitement spécifique
mière grossesse, le risque de récidive lors d'une
prophylactique au cours de la grossesse.
grossesse ultérieure est accru, de l'ordre de 10 à
Une activité modérée de la maladie peut cepen- 17 %. Le traitement prophylactique reposant sur
dant justifier des doses de prednisone qui doivent les corticoïdes fluorés de type bêtaméthasone est
rester inférieures à 20 mg/j. De plus fortes doses controversé, les études étant contradictoires et
de corticoïdes sont justifiées en cas de poussées reposant sur des séries avec un faible nombre de
plus sévères, éventuellement sous forme de bolus cas rapportés.
intraveineux, mais seulement lorsque la situation
La surveillance échographique sera intensifiée,
maternelle l'exige.
avec une étude de l'espace PR hebdomadaire.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont
contre-indiqués pendant la grossesse en raison de
la possibilité d'une fermeture prématurée du
canal artériel et des conséquences rénales chez le
Conclusion
nouveau-né.
Depuis les progrès diagnostiques et thérapeutiques
Les immunoglobulines intraveineuses peuvent réalisés au cours des deux dernières décennies dans
être utilisées au cours de la grossesse, particuliè- la prise en charge des grossesses lupiques, le pro-
rement au cours de problèmes hématologiques nostic d'une grossesse chez une patiente atteinte
(thrombopénie auto-immune peu corticosensible d'un LES est nettement amélioré. Le respect d'une
ou s'aggravant en cours de grossesse). période d'accalmie du lupus (6 mois) et l'optimisa-
Le cyclophosphamide doit être évité au cours de la tion de la prise en charge thérapeutique (maintien
grossesse. Une exposition du fœtus à cet immuno­ de l'hydroxychloroquine) avant la mise en route
suppresseur au cours du premier trimestre expose d'une grossesse sont essentiels, afin d'éviter les
à des risques mutagènes et tératogènes. poussées. Il est nécessaire de proposer une approche

116
Chapitre 14. Lupus érythémateux systémique et grossesse

multidisciplinaire en centres spécialisés de ces gros- review of the literature. J Gynécol Obstét Biol
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117
Retard de croissance Chapitre 15
intra-utérin et
thrombophilie
Michaela Fontenay

La prévalence du retard de croissance intra-utérin risque thrombotique est associé aux mutations
(RCIU) est de 3 à 10 % des grossesses. Son étio­ hétérozygotes des gènes codant l'AT, la PC et la PS,
logie est complexe. Les études épidémiologiques aux mutations homozygotes ou hétérozygotes des
concluent à la contribution de plusieurs facteurs facteurs V ou II, et au génotype hétérozygote com-
favorisants tels que le tabac (30–40 %), des facteurs posite FVL/FII 20210A. Il a été suggéré qu'une élé-
génétiques en lien avec diverses anomalies chro- vation modérée de l'homocystéinémie induirait
mosomiques (20–30 %), des facteurs nutritionnels une altération de la fonction endothéliale et un
(10–15 %), la parité et les morbidités maternelles risque accru de thrombose. En revanche, le poly-
(5–10 %). La grossesse est un état d'hypercoagula- morphisme 677T ou variant thermolabile du gène
bilité qui induit un risque de maladie thromboem- méthylène tétrahydrofolate réductase (MTHFR), s'il
bolique veineuse (MTEV) 5 fois plus élevé que chez peut modifier la conversion de l'homocystéine en
les femmes du même âge non enceintes (1 grossesse méthionine, n'est pas significativement associé au
sur 1000), responsable de 5 à 10 décès par an en risque de thrombose même lorsqu'il est présent à l'état
France. La thrombophilie a été proposée comme homozygote.
facteur prédisposant à la survenue d'un RCIU. À côté de ces facteurs génétiques, le syndrome des
antiphospholipides (SAPL), qui associe un antécé-
Définition de la thrombophilie dent de thrombose veineuse ou artérielle ou à un
accident obstétrical de caractère primitif ou
secondaire à une maladie auto-immune sous-
La thrombophilie a une définition essentiellement
jacente et à la présence d'un anticorps antiphos-
clinique qui repose le plus souvent sur la mise en
pholipide (APL), ou le diagnostic de syndrome
évidence d'une MTEV récidivante documentée.
myéloprolifératif (SMP), le plus souvent de type
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Depuis 1965, des facteurs de risque génétique de


thrombocytémie essentielle (TE), sont clairement
thrombophilie ont été identifiés et sont retrouvés
des situations thrombogènes acquises.
dans 15–25 % de la population générale caucasienne
et dans 50 % des cas de thrombophilie familiale.
Le retard de croissance intra-utérin

Ces facteurs sont les déficits en antithrombine (AT),


en protéine C (PC), en protéine S (PS), le phénotype Physiopathologie
de résistance à la PC activée qui est dû dans 95 % de la thrombose placentaire
des cas à une mutation Leiden 1691A du facteur V
(FVL) rendant ce facteur résistant au clivage par la Pendant la grossesse, l'état d'hypercoagulabilité
PC, et la mutation 20210A du gène de la prothrom- est caractérisé par une élévation des taux de fac-
bine (FII 20210A) qui stabilise l'ARN messager et teurs VII, X et VIII, du fibrinogène et du facteur
augmente le taux plasmatique de facteur II. Le von Willebrand. L'activation de la coagulation est

119
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

confirmée par l'augmentation des fragments F1+2 Tableau 15.1. Prévalence des facteurs
de la prothrombine et des complexes thrombine- génétiques de risque de thrombose.
antithrombine. L'augmentation des D-dimères Facteurs Prévalence dans la
témoigne d'une fibrinolyse réactionnelle due à la population générale
protéolyse de la fibrine par la plasmine. Il est Déficit AT 0,02 %
observé une diminution de la PS anticoagulante
Déficit PC 0,2−0,4 %
dès le premier trimestre de la grossesse et plus
inconstamment un phénotype acquis de résis- Déficit PS 1%
tance à la PC activée. En fin de grossesse, l'activité Facteur V Leiden 2-10 %
fibrinolytique du plasma diminue du fait d'une hétérozygote
élévation du taux de l'inhibiteur de l'activateur du Facteur II 20210A 2%
plasminogène de type 2 (PAI-2). Outre le risque hétérozygote
de thrombose périphérique, la thrombophilie
génétique ou acquise induirait une augmentation
du risque de pathologie vasculaire placentaire
(PVP) dont le RCIU et les pertes fœtales, du fait critères cliniques de RCIU sont hétérogènes : poids
d'un possible risque de thrombose placentaire. En de naissance inférieur au 10e percentile ou au
effet, des thromboses de la chambre intervilleuse 3e percentile, Doppler des artères utérines anormal,
qui se traduisent par des occlusions vasculaires croissance dysharmonieuse ; elles n'excluent pas
placentaires peuvent être observées chez les toujours les RCIU non vasculaires (tableau 15.2).
femmes avec thrombophilie ayant un enfant avec
RCIU.
De nombreuses études ont été menées pour tester Mutations FVL, FII 20210A,
l'association entre le RCIU et les facteurs de risque
génétiques ou acquis de thrombophilie. Elles sont
polymorphisme MTHFR 677TT
hétérogènes quant aux critères cliniques définis- et déficits en AT, PC, PS
sant le RCIU :
Parmi les études cas-contrôles, six suggèrent qu'il
• un poids de naissance inférieur au 10e existe un lien entre le risque de RCIU inférieur au
percentile ; 10e percentile ou au 5e percentile et les mutations
• un poids de naissance inférieur au 3e FVL et FII 20210A ou le polymorphisme homo-
percentile ; zygote MTHFR 677TT. Par exemple, l'étude de
• un Doppler des artères utérines anormal ; Martinelli montre que parmi 63 femmes avec
RCIU sévère défini par un poids moyen de nais-
• une croissance dysharmonieuse.
sance de 1584 ± 586 g et une délivrance à 35 ± 3
Elles n'excluent par ailleurs pas toujours les étiolo- semaines, 13 % avaient une mutation FVL, contre
gies non vasculaires de RCIU, dont le tabagisme. 2,2 % dans le groupe de 93 femmes contrôles, et
Cependant, l'hétérogénéité vient surtout de la 12 % avaient une mutation FII 20210A, contre
complexité des tableaux cliniques, le RCIU n'étant 2,2 % dans le groupe contrôle. Cette étude sug-
pas isolé mais souvent associé à une autre PVP gère, par un modèle de régression, que ces throm-
telle que prééclampsie, hématome rétroplacen- bophilies sont des facteurs de risque indépendants
taire et/ou mort fœtale in utero (MFIU). de RCIU. Dans l'étude de Küpferminc, le lien avec
la thrombophilie est retrouvé pour les RCIU
sévères avec un poids moyen de naissance de 1387
Facteurs de risque génétiques ± 616 g et un terme prématuré de 33 ± 4 semaines
de grossesse.
La prévalence des facteurs de risque génétique de Cependant, les deux études qui recensent le plus
thrombose dans la population générale est indi- grand nombre de patientes ne confirment pas ces
quée dans le tableau 15.1. Sur les 20 études réperto- données : l'étude d'Infante-Rivard montre que la
riées (11 cas-contrôles, 9 études de cohortes), les prévalence de thrombophilie chez les mères de

120
Chapitre 15. Retard de croissance intra-utérin et thrombophilie

Tableau 15.2. Thrombophilie génétique et retard de croissance intra-utérin.


Référence Type d'étude Thrombophilie Nombre de Critère de jugement Conclusion
patientes OR [IC 95 %]
Agorastos Rétrospective FVL, 15 cas Poids de naissance < FVL : 6,0 [1,2−30,1]
et al., 2002 cas-contrôles FII 20210A 100 contrôles 10 percentile pour l'âge FII : 3,5 [0,3−41,1]
e

gestationnel
Alfirevic Rétrospective FVL, RPCA, 102 cas Accouchement Tout facteur de
et al., 2001 cas-contrôles FII 20210A, MTHFR 44 contrôles provoqué avant la 36e risque confondu :
677T, AT, PC, PS, semaine 1,8 [0,9−3,7]

Küpferminc Rétrospective FII 20210A 72 cas Poids de naissance < FII : 5,4 [1,8−16,3]
et al., 2000 cas-contrôles 156 contrôles 10 percentile pour l'âge
e

gestationnel
Küpferminc Rétrospective FVL, 26 cas Poids de naissance < FVL : 13,2
et al., 2002 cas-contrôles FII 20210A, MTHFR 52 contrôles 5e percentile pour l'âge [2,6−67,4]
677T, AT, PC, PS gestationnel FII : 4,6 [0,8−26,7]
Martinelli Rétrospective FVL, RPCA, 63 cas Poids de naissance < FVL : 6,9 [1,4−33,5]
et al., 2001 cas-contrôles FII 20210A, MTHFR 93 contrôles 10e percentile pour l'âge FII : 11,9 [1,4−99,6]
677TT, AT, PC, PS, gestationnel

Franchi et al., Rétrospective FVL, 47 cas Poids de naissance < FVL : 1,9 [0,4−10,0]
2004 cas-contrôles FII 20210A, MTHFR 88 contrôles 10e percentile pour l'âge FII : 0,2 [0,0−3,8]
677T gestationnel, Doppler
des artères utérines
anormal
Verspyck Rétrospective FVL, 97 cas Poids de naissance < FVL : 4,1 [0,4−37,6]
et al., 2004 cas-contrôles FII 20210A 97 contrôles 3e percentile pour l'âge FII : 3,1 [0,3−30,0]
gestationnel
Jarvenpaa Rétrospective FVL, ? Poids de naissance < FVL : 7,7 [2,0−13,4]
et al., 2006 cas-contrôles FII 20210A, 10e percentile pour l'âge
gestationnel
MTHFR 677T
Ozbek et al., Rétrospective FVL, 66 cas Poids de naissance < Pas d'association
2008 cas-contrôles FII 20210A, 107 contrôles 10 percentile à terme
e

MTHFR 677T
McCowan Rétrospective FVL, RPCA, 145 cas Poids de naissance < FVL : 0,7 [0,2−2,3]
et al., 2003 cas-contrôles FII 20210A, MTHFR 290 contrôles 10 percentile pour l'âge
e
FII : 0,9 [0,3−2,9]
677T gestationnel et le sexe

Infante-Rivard Rétrospective FVL, 493 Poids de naissance < FVL : 1,1 [0,6−2,2]
et al., 2002 cas-contrôles FII 20210A, MTHFR nouveau-nés 10e percentile pour l'âge FII : 1,0 [0,5−2,4]
677TT 472 contrôles gestationnel
Lindqvist Cohorte FVL 2480 femmes 1re visite de suivi de FVL : 0,9 [0,5−1,8]
et al., 1999 prospective grossesse
Murphy et al., Cohorte FVL 588 femmes Exclusion des FVL : 0,0 [0,0−19,0]
2000 prospective antécédents d'HTA
gravidique et thrombose
Grandone Cohorte FVL, 755 femmes Antécédents de perte FVL : 1,1 [0,6−2,0]
et al., 2002 rétrospective FII 20210A 1103 fœtale ou d'HTA FII : 2,1 [1,4−3,1]
nouveau-nés gravidique

(Suite)

121
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

Tableau 15.2. Suite.


Référence Type d'étude Thrombophilie Nombre de Critère de jugement Conclusion
patientes OR [IC 95 %]
Dizon-Townson Cohorte FVL 4885 Exclusion des Pas d'association
et al., 2005 prospective femmes antécédents de
thrombose périphérique

Nurk et al., Cohorte FVL, 5874 femmes Toutes PVP confondues FVL : 1,3 [1,0−1,7]
2006 rétrospective MTHFR 677T
Dudding Cohorte FVL, 6755 paires Poids de naissance < Pas d'association
et al., 2008 prospective FII 20210A mère-enfant 10e percentile pour l'âge
gestationnel
Karakantza Cohorte FVL, 392 femmes Poids de naissance < Pas d'association
et al., 2008 prospective FII 20210A 5e percentile pour l'âge
gestationnel
Said et al., Cohorte FVL, 1707 femmes Toutes PVP confondues FII : 3,6 [1,2−10,6]
2010 prospective FII 20210A,
MTHFR 677T
Silver et al., Cohorte FII 20210A 4167 femmes Cohorte de faible risque Pas d'association
2010 prospective
Stonek et al., Cohorte MTHFR 677T 1675 femmes Toutes PVP confondues MTHFR 677T : 1,3
2007 prospective [1,0−1,8]
Travail de compilation réalisé par Michaela Fontenay.

493 enfants nés avec un RCIU non sévère et un C677T hétérozygote serait plus fréquent chez les
accouchement entre 36 et 40 semaines de gesta- femmes avec enfants de petit poids.
tion n'est pas augmentée par rapport à celle obser-
vée dans le groupe de 472 contrôles. L'évaluation Que faut-il retenir de ces études ?
du risque de RCIU lié aux déficits hétérozygotes
en AT, PC ou PS faite sur un très petit nombre de Dans la méta-analyse de Roberston, la compilation
patientes ne permet pas de conclure. de six études rétrospectives cas-contrôles (n = 195)
Parmi les études de cohorte répertoriées, l'étude montre une tendance générale à l'augmentation du
prospective de Lindqvist a inclus 2480 femmes risque de RCIU en cas de thrombophilie. Howley
avec RCIU quelle qu'en soit la cause. Dans le et al. retrouvent un lien entre RCIU et FVL hétéro-
groupe des femmes présentant une mutation FVL, zygote ou FII 20210A hétérozygote dans les études
l'incidence de RCIU est de 3,3 %, contre 3,6 % chez cas-contrôles, alors que l'analyse de cinq cohortes
les femmes sans mutation. Dans l'étude prospec- ne retrouve pas ce lien. Facco et al. trouvent un lien
tive de Murphy qui inclut 588 femmes, aucune statistique entre mutation FVL hétérozygote et
femme avec mutation FVL n'a accouché d'un RCIU principalement du fait des études cas-
enfant trop petit, mais l'incidence du RCIU est très contrôles, alors qu'elle n'est significative ni pour FII
faible (1,5 %), ce qui limite la puissance de l'analyse 20210A ni pour MTHFR 677TT. Enfin, une méta-
statistique. L'étude rétrospective de Grandone analyse des cohortes prospectives montre l'absence
trouve en revanche une association entre RCIU et d'association entre RCIU et FVL ou FII 20210A
mutation FII 20210A, mais pas de lien avec la hétérozygote. Il existe un biais dans les publica-
mutation FVL dans une cohorte de femmes avec tions, puisque les associations ne sont significatives
antécédents de pertes fœtales ou d'hypertension que dans les études cas-contrôles les plus anciennes.
artérielle (HTA) gravidique, donc une incidence En conclusion, il n'y a pas d'association prouvée
forte de 15 % de RCIU. Enfin, l'étude de Stonek entre les marqueurs génétiques de thrombophilie
et al. suggère que le polymorphisme MTHFR et le risque de RCIU.

122
Chapitre 15. Retard de croissance intra-utérin et thrombophilie

Tableau 15.3. Retard de croissance intra-utérin et autoanticorps antiphospholipides.


Références Type d'étude Thrombophilie Nombre de Conclusion
patientes
Alfirevic et al., 2001 Cas-contrôle LA, ACL 102 cas 44 OR : 4,6 [IC 95 % :
contrôles 1,3−16,7]
Yasuda et al., 1995 Cohorte ACL 860 femmes OR : 6,9 [IC 95 % :
prospective 2,7−17,7]
Katano et al., 1996 Cohorte ACL 1125 femmes OR : 20,0 [IC 95 % :
prospective Aβ2GP1 recrutées à 10 4,6−87,4]
semaines de
gestation
Faden et al., 1997 Cohorte ACL 510 femmes entre NS
prospective Aβ2GP1 15 et 18 semaines
de gestation
Critère de jugement : poids de naissance < 10 e percentile pour l'âge gestationnel.
Travail de compilation réalisé par Michaela Fontenay.

Facteurs de risque acquis de la tyrosine kinase Jak2, qui transmet les


signaux de prolifération cellulaire en aval du
récepteur de la thrombopoïétine Mpl et du récep-
Retard de croissance intra-utérin
teur de l'érythropoïétine Epo-R. La TE est la
et hyperhomocystéinémie forme clinique la plus fréquemment rencontrée
L'interprétation d'un dosage d'homocystéinémie chez la femme jeune. Elle peut se compliquer
est délicate, car : d'épisodes de thromboses artérielles ou veineuses
touchant les territoires mésentériques et céré-
• le taux sérique d'homocystéine décroît de 50 % braux en particulier, ou de PVP. Une étude obser-
pendant la grossesse ; vationnelle de 461 grossesses chez des femmes
• le prélèvement doit être réalisé à jeun ; porteuses d'un SMP a montré que 50–75 % des
• le dosage doit être interprété en fonction de la grossesses se déroulent normalement. Des pertes
créatininémie et du taux de folates et vitamine fœtales du premier trimestre compliquent
B12 sériques. 25–50 % des grossesses chez les femmes porteuses
d'une TE, et les autres complications vasculaires
En tenant compte de ces recommandations, comme RCIU, MFIU, prééclampsie seraient aussi
l'étude Hordaland Homocysteine, qui a évalué le plus fréquentes et liées à la présence de la muta-
taux d'homocystéine chez 5883 femmes, montre tion Jak2 V617F.
un risque de 2,01 (intervalle de confiance [IC]
95 % : 1,23–3,27) d'avoir une naissance d'enfant
de très petit poids en cas d'hyperhomocystéiné-
mie (HHCY). Après ajustement sur l'âge et sur le Retard de croissance intra-utérin
délai entre l'accouchement et le dosage en post- et syndrome des
partum, cette association n'est pas retrouvée dans antiphospholipides
une autre étude.
Le SAPL est l'association entre la présence
d'APL et une manifestation clinique d'hyper-
Retard de croissance intra-utérin coagulabilité : soit thrombose artérielle ou vei-
et thrombocytémie essentielle neuse périphérique, soit complication vasculaire
de la grossesse. Les complications obstétricales
Les SMP sont des maladies clonales de la cellule prises en compte dans le critère clinique sont au
souche hématopoïétique secondaire dans la majo- moins une MFIU d'un fœtus morphologique-
rité des cas à une mutation somatique activatrice ment normal à plus de 10 semaines de gestation

123
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

ou une naissance prématurée d'un nouveau-né


morphologiquement normal avant 34 semaines
Recommandations
de gestation du fait d'une prééclampsie, d'une pour la prescription du bilan
éclampsie ou de signes d'insuffisance placen- de thrombophilie
taire (i.e. vélocités anormales au Doppler des
artères utérines, oligohydramnios, RCIU), ou Indications chez les femmes ayant
au moins trois fausses-couches spontanées
présenté un antécédent de retard
avant 10 semaines de gestation. Le critère biolo-
gique est la détection sur deux prélèvements à de croissance intra-utérin
12 semaines d'intervalle d'un anticoagulant cir- Il n'est pas recommandé de procéder à un dépis-
culant de type lupique(LA), d'un anticorps anti- tage systématique de facteurs de risque biolo-
cardiolipine IgG supérieur à 40 UGPL ou IgM giques de thrombophilie. Une recherche d'une
supérieur au 99e percentile ou d'un anticorps thrombophilie génétique n'est justifiée que s'il
anti-β2-glycoprotéine 1 IgG ou IgM supérieur existe à l'interrogatoire un contexte personnel ou
au 99e percentile. Il peut s'y associer une throm- familial (au premier degré) documenté de MTEV
bopénie. La plupart des données montrant l'as- (thrombose veineuse profonde y compris des
sociation entre APL et complications vasculaires veines ovariennes et du territoire cave supérieur,
de la grossesse proviennent de petites études thromboses veineuses superficielles récidivantes,
cas-contrôles (tableau 15.3). embolie pulmonaire), sous réserve que ces résul-
L'association entre anticardiolipine et RCIU est tats soient susceptibles de modifier la prise en
montrée dans une étude de cohorte ayant inclus charge thérapeutique de la mère.
60 femmes (odds ratio [OR] : 6,9 ; IC 95 % : 2,7– La recherche d'une thrombophilie acquise
17,7), et elle est retrouvée avec les anticorps anti- (recherche d'APL, dépistage d'une TE sur la numé-
β2-GP1 dans une cohorte de 1150 patientes (OR : ration formule sanguine [NFS] voire recherche de
20,0 ; IC 95 % : 4,6–87,4). Une méta-analyse mutation Jak2 V617F sur le sang et homocystéiné-
regroupant 10 études cas-contrôles confirme l'as- mie) est justifiée lorsqu'aucune autre cause de RCIU
sociation entre LA et RCIU avec un OR de 4,6 (IC n'a été retrouvée, car elle peut modifier la prise en
95 % : 1,3–16,7). Les études sont hétérogènes du charge thérapeutique de la seconde grossesse.
fait de la variabilité des techniques utilisées pour
les dosages. Si l'association entre APL et pertes
fœtales récurrentes avant la 10e semaine de gesta- Indications chez la femme
tion ne fait plus de doute, l'association avec les enceinte avec antécédent
autres PVP est encore l'objet de controverse. de prééclampsie ou retard
Cependant, l'American College of Chest Physicians
a émis, en 2008, une recommandation de grade 1A de croissance intra-utérin
pour la recherche d'APL (anticoagulant circulant Aucun examen n'est recommandé, sauf en cas
de type lupique, anticorps anticardiolipine ou anti- d'accidents multiples ou sévères ou dans le cadre
corps anti-β2-GP1) en cas de prééclampsie sévère, de la recherche clinique. Dans ces cas, le bilan
RCIU et pertes fœtales tardives. comportera les paramètres suivants : NFS, AT, PC,
En résumé, certains marqueurs de thrombophilie PS, FVL, FII 20210A, APL, homocystéinémie.
comme le SAPL ou la TE contribuent à définir le
risque de RCIU avec les antécédents cliniques
(HTA chronique, maladie rénale compliquée ou Indications chez la femme
greffe rénale), le diabète compliqué, le lupus sys- enceinte avec retard de croissance
témique actif ou autre maladie de système avec intra-utérin sévère actif
atteinte rénale, les antécédents personnels de pré-
éclampsie sévère, d'éclampsie, de MFIU, d'héma- Il est recommandé de première intention de
tome rétroplacentaire ou d'hypotrophie sévère, et rechercher un SAPL et un déficit en AT. Il n'est
les anomalies franches du Doppler des artères pas recommandé de rechercher un déficit en PC,
utérines à 24 SA. FVL, FII 20210A.

124
Chapitre 15. Retard de croissance intra-utérin et thrombophilie

Quand et comment prescrire ces Prise en charge thérapeutique


examens ? selon les recommandations de la
Le bilan de thrombophilie de dépistage dans le
Haute Autorité de santé (2003)
cadre d'un RCIU vasculaire comporte : Traitements antiagrégants
• NFS pour rechercher une thrombocytose ou
une thrombopénie ; L'aspirine est utilisée précocement en cas d'anté-
• anticoagulant circulant de type lupique ; cédent de PVP (grade B), notamment pour préve-
nir la survenue d'une prééclampsie et d'un RCIU,
• anticorps anticardiolipine (ELISA) IgG ; bien qu'elle n'ait pas l'autorisation de mise sur le
• anticorps anti-β2-GP1 (ELISA) IgG et IgM. marché (AMM) dans ces indications. Un risque
accru de survenue de laparoschisis a été évoqué. Il
De seconde intention :
n'a pas été rapporté de complications hémorra-
• mutation Jak2 V617F sur le sang ; giques maternelles ou fœtales à faibles doses. Les
• homocystéinémie. posologies de l'aspirine efficaces varient de 75 à
100 mg par jour. Aucun test biologique ne permet
La recherche d'un anticoagulant circulant de type
actuellement de préjuger de l'efficacité du traite-
lupique fait l'objet de recommandations très pré-
ment ou d'estimer un éventuel risque hémorra-
cises. Deux tests de coagulation sont nécessaires.
gique. Il est recommandé d'interrompre ce
La présence d'un anticoagulant circulant est sus-
traitement à 35 SA.
pectée sur un allongement du temps de céphaline
activée non corrigé par addition de plasma nor-
mal. Il doit être confirmé par un test utilisant un Traitements anticoagulants
réactif sensible tel que le test au venin de vipère
L'héparine non fractionnée (HNF) ne traverse pas
Russel, et confirmé par la réalisation de ce même
la barrière placentaire et n'est pas responsable
test après ajout d'un excès de phospholipides qui
d'hémorragie fœtale ou néonatale. Deux hépa-
corrige l'allongement du temps de coagulation. Le
rines de bas poids moléculaire (HBPM), l'enoxa-
résultat est exprimé en ratio normalisé du test de
parine et la daltéparine, ont une AMM pendant
dépistage sur le test de confirmation. Il est recom-
les deuxième et troisième trimestres de la gros-
mandé de faire une recherche spécifique des anti-
sesse. Les HBPM ne sont pas recommandées au
corps anticardiolipine et anti-β2-GP1 par
cours du premier trimestre de la grossesse car les
technique ELISA.
données disponibles sont insuffisantes. Les HNF
Le SMP est suspecté sur des anomalies de la NFS, et et les HBPM sont autorisées chez la femme qui
en particulier la TE sera évoquée devant une allaite. Les antivitamines K (AVK) sont térato-
thrombocytose (450 G/l) persistante après exclu- gènes et responsables d'hémorragies chez le
sion d'une carence en fer ou d'un syndrome inflam- fœtus, et ne sont pas recommandées pendant la
matoire. Dans 75 % des cas, il existera une mutation grossesse.
ponctuelle Jak2 V617F dans les cellules granuleuses
Il est donc recommandé d'interrompre un trai-
du sang périphérique. Si cette recherche est néga-
tement par héparine 24 heures avant un accou-
tive, il est possible de rechercher des mutations de
chement programmé. Une thrombopénie
l'exon 12 du gène Jak2 ou W515 du gène MPL. Pour
induite par l'héparine (< 0,1 %) est suspec-
cette analyse de génétique somatique, le consente-
tée lorsqu'une baisse de plus de 50 % du chiffre
ment écrit du patient n'est pas nécessaire.
de plaquettes est observée à partir du 5e jour de
Le dosage sérique d'homocystéinémie en chro- traitement. Elle impose l'arrêt du traitement et
matographie liquide haute performance (N : 6–15 son remplacement par le danaparoïde sodique,
μmol/l) doit être réalisé à jeun, et interprété en qui ne traverse pas la barrière placentaire.
fonction de l'état gravidique, de la créatinine L'utilisation prolongée d'HNF pendant la gros-
ainsi que des taux sériques de folates et de vita- sesse peut induire une ostéoporose qui est
mine B12. exceptionnelle avec les HBPM.

125
Partie III. Étiologies du retard de croissance intra-utérin

Indications des traitements and placenta mediated complications : a systematic


review and meta-analysis. Thromb Res 2011 ; 128
dans les RCIU (1) : 77–85.
Agorastos T, Karavida A, Lambropoulos A, Constantinidis
Un traitement préventif par aspirine à faible dose
T, Tzitzimikas S, Chrisafi S, et al. Factor V Leiden and
(75 à 100 mg par jour) prescrit entre 12 et prothrombin G20210A mutations in pregnancies
35 semaines d'aménorrhée est recommandé chez with adverse outcome. J Matern Fetal Neonatal Med
les patientes ayant un antécédent de RCIU 2002 ; 12 (4) : 267–73.
lorsqu'une origine vasculaire placentaire est rete- Alfirevic Z, Mousa HA, Martlew V, Briscoe L, Perez-Casal
nue après enquête étiologique. Un traitement par M, Toh CH. Postnatal screening for thrombophilia
HBPM peut être associé au traitement par aspi- in women with severe pregnancy complications.
rine en cas de diagnostic de SAPL ou de déficit en Obstet Gynecol 2001 ; 97 (5Pt 1) : 753–9.
AT, ou de risque thrombotique maternel. Bates SM, Greer IA, Pabinger I, Sofaer S, Hirsh J. Vennous
thromboembolism, thrombophilia, antithrombotic
Il n'y a pas d'indication pour un traitement préventif therapy and pregnancy. American College of Chest
du RCIU en présence d'un facteur biologique mineur Physicians Evidence-based Clinical Practice Guidelines
de thrombophilie sans antécédent de PVP. Le niveau (8th edition). Chest 2008 ; 133 (6 suppl) : 844S–86S.
de preuve de l'efficacité des traitements combinés par Beer PA, Erber WN, Campbell PJ, Green AR. How I treat
aspirine ± HBPM est actuellement insuffisant pour essential thrombocythemia. Blood 2011 ; 117 (5) :
que des recommandations puissent être formulées 1472–82.
sur ce sujet, sauf dans le cas du SAPL. En effet, l'Ame- Brenner B. Clinical management of thrombophilia-rela-
rican College of Chest Physicians a émis, en 2008, ted placental vascular complications. Blood 2004 ;
103 (11) : 4003–9.
une recommandation de grade 1B pour que les
Dizon-Townson D, Miller C, Sibai B, Spong CY, Thom E,
femmes qui ont un antécédent de complications vas-
Wendel G Jr, et al.; National Institute of Child Health
culaires de la grossesse associé à un APL reçoivent un and Human Development Maternal-Fetal Medicine
traitement en antepartum par aspirine et héparine à Units Network. The relationship of the factor V
doses préventives ou intermédiaires. Leiden mutation and pregnancy outcomes for mother
and fetus. Obstet Gynecol 2005 ; 106 (3) : 517–24.
Dans le cas d'une TE, l'utilisation de l'aspirine est
recommandée pendant la grossesse en préven- Dudding T, Heron J, Thakkinstian A, Nurk E, Golding J,
Pembrey M, et al. Factor V Leiden is associated with
tion du risque de thrombose et de PVP. Chez les pre-eclampsia but not with fetal growth restriction :
femmes qui ont un antécédent de thrombose, un a genetic association study and meta-analysis. J
traitement cytoréducteur de type IFNα est néces- Thromb Haemost 2008 ; 6 (11) : 1869–75.
saire et il convient d'exclure l'hydroxyurée ou Facco F, You W, Grobman W. Genetic thrombophilias and
l'anagrélide pendant la grossesse. Un traitement intrauterine growth restriction. A meta-amanysis.
cytoréducteur sera discuté au cas par cas chez les Obstet and Gynecol 2009 ; 113 : 1206–16.
femmes qui ont un antécédent de perte fœtale Faden D, Tincani A, Tanzi P, Spatola L, Lojacono A,
sans thrombose périphérique. L'ajout d'un traite- Tarantini M, Balestrieri G. Anti-beta2 glycoprotein
ment anticoagulant de type HBPM est recom- I antibodies in a general obstetric population : preli-
minary results on the prevalence and correlation
mandé jusqu'à 6 semaines en post-partum. with pregnancy outcome. Anti-beta2 glycoprotein I
La patiente doit être informée du rapport béné- antibodies are associated with some obstetrical
fice/risque, en particulier, notamment, du risque complications, mainly preeclampsia-eclampsia. Eur
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association between antiphospholipid antibodies

126
Chapitre 15. Retard de croissance intra-utérin et thrombophilie

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128
Apport du Doppler Chapitre 16
dans le diagnostic
et la surveillance
du retard de croissance
intra-utérin
Marie-Victoire Senat

Doppler utérin Spectre pathologique

Le Doppler utérin fournit une méthode non inva- En cas de retard de croissance intra-utérin (RCIU)
sive pour l'exploration de la circulation utéropla- d'origine vasculaire, le processus d'envahissement
centaire. par le trophoblaste s'arrête au segment décidual
des artères spiralées. Cela entraîne la conserva-
Spectre normal tion des résistances périphériques et une diminu-
tion de la vascularisation du lit utéroplacentaire.
La mesure se fait au niveau du tronc principal de La conséquence est une hypoperfusion utéropla-
l'artère utérine, qui correspond à la résultante des centaire objectivée par l'élévation des résistances
résistances des artères arquées et spiralées. Son vasculaires à l'exploration des artères utérines par
spectre est caractéristique de tous les vaisseaux à le Doppler.
basse résistance avec une composante diastolique Les deux artères utérines étant explorées systé-
élevée (figure 16.1). On retrouve en général un matiquement, le résultat est pathologique si
flux résiduel diastolique d'au moins 40 % du flux l'on retrouve une diminution de la diastole ou
maximal en systole. Le pic systolique présente la présence d'une incisure protodiastolique sur
une phase ascendante verticale puis une phase une des artères, appelée « notch ». Un spectre
descendante moins aiguë, suivie d'un deuxième
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

pathologique est représenté par une diminu-


changement de pente sur la phase descendante. tion de la diastole par rapport à la systole ; la
limite considérée est le 95 e percentile, ce qui
Index utilisés correspond à un D/S, après 22–24 semaines
Le retard de croissance intra-utérin

d'aménorrhée (SA), inférieur à 35 ou 40 %.


Quatre types d'indice sont utilisés en pratique : le L'autre signe pathologique est représenté par la
rapport S/D (S : systole, D : diastole), l'index de résis- présence d'une incisure protodiastolique ou
tance [IR] (S-D)/S, l'index de pulsatilité [IP] (S-D)/m notch (figure 16.2). Le terme optimal de la
(m : vitesse moyenne) et le rapport D/S. Il n'existe pas mesure se situe aux environs de 20 SA, en
de données permettant d'affirmer la supériorité de sachant que la présence d'un notch jusqu'à
l'un de ces index, aussi bien sur le plan de l'évalua- 26 SA peut être physiologique et doit donc être
tion technique que de l'évaluation clinique. recontrôlée.

131
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

Figure 16.1. Doppler de l'artère utérine : spectre normal.

Figure 16.2. Spectre avec un notch et une diastole basse au niveau de l'artère utérine.

Doppler utérin et retard constante du Doppler utérin en cas de malforma-


de croissance intra-utérin tions fœtales, ce qui n'est pas le cas pour la mesure
au niveau de l'artère ombilicale. Cette pertinence du
En ce qui concerne le bilan étiologique du RCIU, Doppler utérin dans le bilan étiologique d'un RCIU
l'exploration de la circulation utéroplacentaire per- est très utile dans la prise en charge en pratique.
met de distinguer les RCIU d'origine fœtale des Il existe un grand nombre d'études prospectives
RCIU d'origine vasculaire maternelle (dans le cadre visant à évaluer la valeur prédictive du Doppler
de la maladie placentaire vasculaire). Ainsi, de utérin en population à risque. En ce qui concerne
nombreuses séries ont montré la normalité quasi la prédiction du RCIU, la sensibilité se situe entre

132
Chapitre 16. Apport du Doppler dans le diagnostic et la surveillance du retard de croissance intra-utérin

60 et 71 %, la spécificité entre 67 et 80 %, la valeur index entre 8 et 14 SA et jusqu'à 24 SA, cette dimi-


prédictive positive (VPP) entre 20 et 54 %, la nution est contemporaine de l'invasion des artères
valeur prédictive négative (VPN) entre 84 et 88 %. spiralées par le trophoblaste.
La plupart des études retrouvent une association Par voie vaginale, la faisabilité de la mesure est
ou une valeur prédictive sur le RCIU légèrement évaluée à 96,3 % entre 7 et 16 SA par Arduini et al.
supérieure avec le notch qu'avec l'IR. En fait, la
Les résultats de faisabilité par voie abdominale
combinaison de ces deux critères permet de
sont superposables, allant de 96,1 % entre 11 et 14
réduire le nombre de faux positifs. De même, si on
SA pour Martin et al. à 91 % entre 7 et 11 SA et
considère un critère encore plus strict comme la
97 % entre 12 et 13 SA pour Van den Elzen et al.
présence de notch bilatéraux associés à un IR
supérieur au 90e percentile, on augmente signifi-
cativement la VPP de survenue d'un accident. Utilisation du Doppler
utérin au premier trimestre
Cas particulier du Doppler dans une population à risque
utérin au premier trimestre Seule l'étude de Vainio et al. a été réalisée en popu-
de la grossesse lation à risque entre 12 et 14 SA. La présence de
notch bilatéraux était étudiée comme facteur pré-
Technique dictif de survenue d'hypertension artérielle gravi-
Le spectre de l'artère utérine est facilement obtenu dique, de prééclampsie ou de RCIU ; 43 patientes
par voie abdominale dans la plupart des cas, et la avec des notchs bilatéraux ont été comparées à
voie vaginale peut être employée en cas de diffi- 29 patientes sans notch. Une association significa-
culté technique. L'artère utérine se repère facile- tive a été retrouvée entre un notch bilatéral et une
ment avec le Doppler couleur sur le bord latéral de hypertension artérielle gravidique d'une part et une
l'utérus. Contrairement au deuxième et au troi- prééclampsie d'autre part. Pour le RCIU, la relation
sième trimestre, où l'enregistrement du signal n'était pas significative, probablement en raison
Doppler se fait au niveau de la pseudodivision d'un manque de puissance. Les auteurs rapportent
avec l'iliaque externe, l'enregistrement au premier pour la détection de l'hypertension gravidique une
trimestre se réalise sur la partie verticale de l'ar- sensibilité de 80 %, une spécificité de 48 %, une VPP
tère utérine juste au-dessus de la crosse. de 37 % et une VPN de 86 %. Pour la détection de la
prééclampsie, la sensibilité a été de 91 %, la spécifi-
cité de 46 %, la VPP de 23 % et la VPN de 97 %.
Spectre normal et évolution
L'étude des autres paramètres de flux au niveau des
physiologique artères utérines n'a pas montré de liaison significa-
Le spectre normal de l'artère utérine entre 8 et tive avec la survenue de complications.
14 SA a été étudié par Coppens et al., qui identi-
fient un spectre avec une importante composante Doppler utérin au premier
systolique suivi d'un flux faible en diastole. Ils trimestre et traitement
retrouvent un notch diastolique constant entre
8 et 14 SA, notch qui semblerait disparaître au
par aspirine
début du deuxième trimestre de la grossesse. Pour L'essai randomisé de Vainio et al. a évalué le traite-
d'autres auteurs, un notch uni- ou bilatéral est ment précoce par aspirine contre placebo en cas
présent dans 50 à 75 % des cas avant 12 SA, mais d'anomalies des Doppler utérins au premier tri-
cette fréquence semble diminuer après 12 SA. mestre dans une population à haut risque :
Hollis et al. retrouvent de 39 à 46 % de notch res- 90 patientes à haut risque de prééclampsie ou de
pectivement à droite et à gauche entre 11 et 14 SA. RCIU avec notch bilatéral à 12–14 SA ont été rando-
Pour Gomez et al., le taux de notch bilatéral dimi- misées pour recevoir soit de l'acide acétylsalicylique à
nue entre 11 et 14 SA de 48,6 % à 28,4 %. D'autre raison de 0,5 mg/kg/j (n = 45), soit un placebo (n =
part, l'étude de l'évolution de l'IP du spectre des 45). Dans le groupe traité par acide acétylsalicylique,
artères utérines au premier trimestre montre une on note une réduction significative de l'hypertension
diminution progressive mais significative de cet artérielle gravidique (11,6 % contre 37,2 %, soit un

133
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

risque relatif [RR] de 0,31) et de la prééclampsie diastole (figure 16.3). Cette diastole représente en
(4,7 % contre 23,3 %, soit un RR de 0,2). L'incidence moyenne 30 à 40 % du flux observé en systole au
de l'hypertension artérielle avant 37 SA est aussi cours d'une grossesse normale. L'aspect est donc
significativement diminuée (2,3 % contre 20,9 % soit, celui d'un vaisseau vascularisant un organe à
un RR de 0,22). La réduction de l'incidence du RCIU basse résistance, ici le placenta.
n'est en revanche pas significative (2,3 % contre 7 %).
Index utilisés
Conclusion
Les quatre index définis dans le premier paragraphe
L'ensemble des études montrent que la mesure du peuvent être utilisés en pratique. Il n'existe pas de
Doppler des artères utérines au premier trimestre données permettant d'affirmer la supériorité de
semble relativement sensible mais très peu spéci- l'un de ces index, que ce soit sur l'évaluation tech-
fique. Cette mesure permettrait de discriminer un nique ou sur l'évaluation clinique. L'intérêt d'utili-
groupe de patientes à haut risque vasculaire en ser l'IP par rapport à l'IR est qu'en cas de diastole
population générale qui pourraient éventuellement nulle, contrairement à l'IR, l'IP continue à varier.
bénéficier d'un traitement préventif par aspirine. À L'IP est donc quantifiable en cas de diastole nulle
l'heure actuelle, un seul essai randomisé a montré ou de reverse flow, ce qui n'est pas le cas pour l'IR.
une diminution des complications vasculaires d'une
telle stratégie. D'autres études doivent venir confir-
mer celle-ci avant qu'une telle pratique puisse être Spectre pathologique
diffusée et encouragée en pratique clinique.
Une mesure est considérée comme pathologique
lorsque la vélocité diastolique est trop basse par
Doppler à l'artère ombilicale rapport à la vélocité systolique (figure 16.4). La
plupart des auteurs estiment que la limite au-delà
Spectre normal de laquelle un index doit être considéré comme
pathologique se situe au 90e ou au 95e percentile,
Les deux artères ombilicales peuvent être explo- ou encore au-delà de 2 déviations standard. Le
rées indifféremment. Le spectre normal du stade ultime pathologique est représenté par un
Doppler à l'artère ombilicale (Doppler ombilical) indice diastolique nul (IR =1) pouvant aller jusqu'à
se caractérise par une onde systolique ample sui- une inversion du flux en diastole ou reverse flow
vie d'une décroissance progressive au cours de la (figures 16.5 et 16.6).

Figure 16.3. Spectre normal au niveau de l'artère ombilicale.

134
Chapitre 16. Apport du Doppler dans le diagnostic et la surveillance du retard de croissance intra-utérin

Figure 16.4. Diastole basse au niveau de l'artère ombilicale.

Figure 16.5. Index diastolique nul au niveau de l'artère ombilicale.

Doppler ombilical et retard ses complications. Ces pathologies sont des causes
de croissance intra-utérin majeures de morbidité et de mortalité mater-
nelles. Les conséquences fœtales sont représentées
L'augmentation des résistances mesurées au niveau principalement par le RCIU qui est, avec la pré-
du placenta est le plus souvent due à une patholo- maturité, la cause principale de mortalité et de
gie gravidique complexe à point de départ proba- morbidité périnatales, et par la souffrance fœtale
blement placentaire. Cette maladie vasculaire chronique, associée ou non à un RCIU.
placentaire peut entraîner un certain nombre de Les résultats des différentes études montrent que,
pathologies maternelles et fœtales. Les consé- dans une population de RCIU ou de grossesses à
quences maternelles sont représentées principale- haut risque de RCIU, le Doppler artériel ombili-
ment par l'hypertension artérielle gravidique et cal permet de distinguer les fœtus à haut risque

135
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

Figure 16.6. Reverse flow au niveau de l'artère ombilicale.

périnatal des autres. On retrouve de manière signi- Utilité clinique du Doppler


ficative, dans le groupe où le Doppler artériel ombilical dans une population
ombilical est pathologique, un poids de naissance
des enfants et un âge gestationnel à la naissance à haut risque
plus faible ainsi qu'une augmentation du nombre Il existe 13 essais cliniques randomisés ayant éva-
de césariennes pour souffrance fœtale, d'Apgar bas lué l'intérêt de réaliser un Doppler ombilical arté-
à la naissance, d'admissions en réanimation néo- riel dans une population à risque. Tous ces essais
natale, de jours d'hospitalisation en réanimation comparaient un groupe où était réalisé systémati-
néonatale et de décès périnatals. quement un Doppler ombilical artériel à un
En ce qui concerne la prédiction du RCIU, la sen- autre groupe sans Doppler ombilical artériel.
sibilité se situe en général autour de 60–70 % avec L'attribution des femmes était réalisée par tirage
des extrêmes allant de 45 à 83 %, la spécificité au sort. Le Doppler ombilical artériel était réalisé
autour de 80–90 % avec des extrêmes allant de entre 28 et 34 SA suivant les essais. Il existe dans
66 à 91 %, la VPP autour de 50–60 % avec des le groupe Doppler une réduction importante
extrêmes allant de 32 à 83 %, et la VPN autour de significative (36 %) de la mortalité périnatale avec
80–90 % avec des extrêmes allant de 64 à 96 %. ou sans exclusion des décès par malformation
En conclusion, les résultats de ces études montrent congénitale. Les odds ratio des 13 essais vont tous
que le Doppler ombilical artériel a une valeur pré- vers une diminution de la mortalité périnatale.
dictive élevée sur le RCIU et sur la souffrance On retrouve cette diminution significative pour le
fœtale dans une population à risque. Le niveau de groupe des morts périnatales après exclusion des
cette valeur prédictive permet de dépister une malformations (réduction de 38 %) et pour le
grande partie des RCIU et des fœtus malades avec groupe des morts in utero (réduction de 46 %).
peu de faux positifs et très peu de faux négatifs. Il semble démontré que l'utilisation du Doppler
Les conséquences sur la prise en charge de ces ombilical entraîne une amélioration de la santé
grossesses à risque sont importantes, puisque l'on des nouveau-nés dans une population à risque. En
est capable de sélectionner les fœtus réellement à cas de Doppler ombilical artériel pathologique,
haut risque, et ainsi de proposer aux mères une un renforcement de la surveillance par échogra-
surveillance renforcée. D'un autre côté, un Doppler phie Doppler et autres Doppler fœtaux ainsi que
ombilical artériel normal permet d'alléger la sur- des rythmes cardiaques fœtaux (RCF) doit être
veillance de ces grossesses à risque, compte tenu mis en place. Ce renforcement de la surveillance
de la VPN élevée. peut aller jusqu'à la décision d'extraire l'enfant.

136
Chapitre 16. Apport du Doppler dans le diagnostic et la surveillance du retard de croissance intra-utérin

Place de l'utilisation du Doppler entre les deux groupes, mais avec parfois des pro-
ombilical dans la décision longations importantes dans le groupe expecta-
tive. On peut donc en conclure qu'une anomalie
d'extraction isolée du Doppler ombilical, même s'il existe un
Seul un essai randomisé pragmatique a évalué la reverse flow, ne doit pas entraîner une extraction
décision d'extraction dans une population de systématique immédiate, l'âge gestationnel à l'ac-
RCIU après une évaluation par le Doppler ombili- couchement restant un facteur pronostic indé-
cal et d'autres examens de surveillance fœtale. pendant majeur.
L'hypothèse initiale étant qu'en cas de doute sur
une hypoxie fœtale, il semble préférable d'extraire
le fœtus rapidement plutôt que d'attendre. Lorsque
l'équipe obstétricale se posait la question d'une
Doppler aux artères cérébrales
extraction fœtale mais avait un doute quant à la L'utilisation du Doppler cérébral s'adresse à une
décision, la patiente était incluse dans l'essai. Si population sélectionnée à risque d'hypoxie fœtale
l'équipe estimait qu'il était préférable d'attendre avec souvent un Doppler ombilical montrant des
ou au contraire qu'il fallait faire une césarienne, la résistances élevées.
femme ne pouvait pas faire partie de l'étude. Les
patientes étaient tirées au sort : un groupe extrac-
tion immédiate dès la cure de corticoïdes réalisée Spectre normal
et un groupe extraction différée avec surveillance
De nombreuses études sur la faisabilité des mesures
jusqu'à aggravation de la vitalité fœtale.
Doppler au niveau des artères cérébrales ont été
Cinq cent quarante-huit femmes ayant accouché publiées, et il est possible de réaliser des mesures
dans 69 hôpitaux (de 13 pays européens) présen- au niveau de la carotide interne, du tronc basilaire
tant un RCIU avec un Doppler ombilical entre et des artères cérébrales antérieure, moyenne et
24 et 34 SA et un doute concernant la nécessité de postérieure.
décider une extraction ont été incluses dans l'essai
L'artère cérébrale moyenne ou artère sylvienne est
GRIT. Le critère de jugement principal était le
le site d'exploration le plus facile à repérer ; en rai-
décès ou un retard psychomoteur à 2 ans. Les
son de la petite taille des principales artères du
anomalies du Doppler ombilical étaient consti-
cerveau, la mesure nécessite l'utilisation du sys-
tuées par, dans les deux groupes, un tiers de
tème mixte écho-Doppler.
reverse flow et un tiers de diastole nulle. Le délai
moyen d'extraction était de 0,9 jours dans le Le spectre des vaisseaux cérébraux est caractéris-
groupe extraction immédiate et de 4,9 jours dans tique et similaire d'un vaisseau à l'autre. La vitesse
celui de l'extraction différée. La mortalité périna- maximale en systole est élevée, la vitesse diminue
tale était comparable dans les deux groupes, avec régulièrement, du début à la fin de la diastole, avec
12 % dans le groupe extraction immédiate contre des vitesses très basses en télédiastole (figure 16.7).
11 % dans le groupe expectative. On observait Les quatre index définis peuvent être utilisés en
dans le groupe extraction différée par rapport au pratique, mais les deux les plus souvent employés
groupe extraction immédiate plus de décès in sont l'IR et l'IP. Les vitesses en diastole et en sys-
utero (9 contre 2) mais moins de décès néonatals tole dans les vaisseaux cérébraux reflètent une
(12 contre 23), le nombre de décès postnatals étant adaptation vasculaire physiologique à l'oxygéna-
comparable. tion fœtale.
Les résultats importants concernent l'état des
enfants à 2 ans dans le groupe le plus à risque, Spectre pathologique
celui des 24–30 SA à l'inclusion dans l'essai. Le
nombre d'enfants survivants avec un handicap Une mesure pathologique est représentée par
était plus de 2 fois plus fréquent dans le groupe une augmentation de la composante diastolique
d'extraction immédiate par rapport à l'extraction (figure 16.8).
différée (13 % contre 5 %), bien qu'il n'y ait que Celle-ci est interprétée comme une réponse vaso-
4 jours de différence de terme d'accouchement motrice physiologique à l'hypoxie fœtale. Ce

137
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

Figure 16.7. Spectre normal au niveau de l'artère cérébrale moyenne.

Figure 16.8. Spectre au niveau de l'artère cérébrale moyenne avec une diastole trop élevée.

phénomène, appelé brain-sparing effect par les témoin d'une hypoxie cérébrale. La limite donnée
Anglo-Saxons, a été bien démontré chez l'animal. par les différents auteurs et pour les différents
En effet, dès que l'hypoxémie passe au-dessous index est représentée par le 90e percentile, le
d'un seuil limite, il y a mise en place d'un réflexe 95e percentile ou 2 déviations standard.
passant par les chémorécepteurs carotidiens sen-
sibles à l'hypoxémie, l'hypercapnie et l'acidose.
Cette réponse permet, dans un premier temps, Doppler cérébral et retard
d'assurer une oxygénation suffisante au cerveau de croissance intra-utérin
fœtal, mais aussi aux surrénales et au cœur. Ce
phénomène permettrait de dépister les fœtus à L'évaluation a été réalisée uniquement sur des
risque avant la survenue d'un RCF anormal, populations à haut risque, le plus souvent sur des

138
Chapitre 16. Apport du Doppler dans le diagnostic et la surveillance du retard de croissance intra-utérin

grossesses, avec suspicion ou diagnostic de RCIU. moins associé à une modification des Doppler
L'objectif était de déterminer quels fœtus étaient artériels. Bien que l'introduction du Doppler
réellement à haut risque périnatal. ombilical dans la surveillance du RCIU ait conduit
Il s'agit d'études prospectives sur des populations à une diminution significative de la morbidité et
à haut risque de RCIU ou présentant une hyper- de la mortalité périnatale, la transition entre
tension artérielle gravidique. Les mesures Doppler adaptation et décompensation due à l'hypoxie
sont réalisées après 26 SA dans ces études. Les fœtale est difficile à évaluer. L'utilisation du
résultats sur l'asphyxie in utero montrent une sen- Doppler cérébral dans la prise en charge du
sibilité allant de 68 à 87 %, une spécificité allant RCIU, par sa corrélation entre les modifications
de 62 à 80 %, une VPP allant de 80 à 95 %, une de son spectre et le risque d'hypoxie/acidémie,
VPN allant de 89 à 95 %. Le niveau de cette valeur permet de définir l'adaptation du fœtus à l'hy-
prédictive permet de dépister une grande partie poxie. Cependant, ces mécanismes d'adaptation
des RCIU et des fœtus malades, avec peu de faux sont d'un intérêt décisionnel limité dans la
positifs et très peu de faux négatifs, de manière mesure où le maximum de la vasodilatation des
plus pertinente qu'avec les mesures de l'artère artères cérébrales est observé au moins 2 semaines
ombilicale. Même s'il n'existe pas d'essai rando- avant l'apparition de décélérations tardives.
misé pour démontrer un éventuel bénéfice cli- C'est pourquoi, ces dernières années, des
nique, le bénéfice en termes de valeur prédictive, études sur le système veineux fœtal ont été
par rapport à l'utilisation de l'artère ombilicale menées afin d'une part d'évaluer de manière
seule, est évident et il semble légitime de le propo- plus précise l'hémodynamique fœtale, et
ser systématiquement aux populations à haut d'autre part de trouver des indicateurs plus
risque. Cependant, aucun essai randomisé n'a précis permettant d'évaluer la capacité fœtale à
évalué la place exacte de l'utilisation du Doppler l'hypoxie entre les quelques jours à quelques
cérébral dans la décision d'extraction fœtale. semaines séparant la survenue des modifica-
tions du système artériel et les anomalies du
RCF. Ce, pour tenter de déterminer un âge ges-
tationnel de naissance optimal.
Doppler veineux et retard
de croissance intra-utérin Rappel sur la circulation
veineuse fœtale
Les fœtus porteurs de RCIU et notamment ceux
d'origine vasculaire sont responsables de morbi- La circulation pulmonaire n'est in utero que d'une
dité et de mortalité périnatale. Cette morbimor- importance mineure ; elle permet un développe-
talité est en partie due à l'hypoxémie et à ment harmonieux des poumons. C'est une circu-
l'acidémie. Reuss est le premier à avoir montré lation à haute résistance en raison de la faible
chez l'animal l'existence de mécanismes d'adap- capacité vasculaire. Un système de shunts com-
tation cardiovasculaires comprenant des modifi- pense l'impossibilité de la circulation pulmonaire
cations affectant à la fois les systèmes artériel et à recevoir la totalité du débit sanguin issu de
veineux. l'oreillette droite.
L'étude initiale des Doppler artériels et notam- Le foramen ovale, communication interauriculaire
ment cérébraux a montré, en cas d'hypoxie fœtale, directe, est le premier shunt physiologique. Il per-
un phénomène d'adaptation. Cela se traduit au met le passage direct de sang de l'oreillette droite à
niveau du spectre Doppler par une dilatation des l'oreillette gauche. Le canal artériel, en aval du
artères cérébrales permettant un phénomène cœur droit, est le deuxième shunt ; il fait communi-
« d'épargne cérébrale » qui correspond à une redis- quer le tronc pulmonaire et l'aorte descendante en
tribution du sang oxygéné vers les organes vitaux dessous de la circulation brachiocéphalique.
et donc au maintien d'une oxygénation normale à Ces deux shunts ne sont pas utilisés indifférem-
court terme de ces organes. ment mais permettent au contraire la coexistence
La décision d'extraction des RCIU est habituelle- de deux circuits différents au sein des mêmes
ment prise sur la base d'un RCF anormal plus ou structures anatomiques.

139
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

En situation normale vers l'oreillette gauche, ce qui favorise l'augmen-


tation de la proportion de sang oxygéné vers le
La veine ombilicale transporte du sang oxygéné et cœur et le cerveau.
des nutriments depuis le placenta jusqu'au fœtus. Le flux dans le ductus passe de 30,8 ml/min/kg
Une partie principale de ce contingent (75 %) che- chez un fœtus eutrophe à 41,3 ml/min/kg en cas
mine via le sinus porte, vers le foie, gros consom- de RCIU ; ce qui correspond à un shunt pouvant
mateur d'oxygène. Environ 25 % du sang oxygéné atteindre 90 à 100 % du flux. Kiserud et al. ont
passe directement de la veine ombilicale vers la montré que le pourcentage de shunt au niveau du
veine cave inférieure (VCI) puis l'oreillette droite ductus venosus est corrélé aux anomalies du
via un petit vaisseau nommé canal d'Arantius ou spectre Doppler dans l'artère ombilicale. En situa-
ductus venosus (troisième shunt fœtal). Ainsi tion physiologique, le flux est de un tiers dans le
l'oreillette droite reçoit simultanément du sang à ductus venosus au milieu de la grossesse et dimi-
haute et à faible teneur en oxygène provenant res- nue à un cinquième à 32 SA. Les auteurs montrent
pectivement du canal d'Arantius et de la VCI, des que le shunt est d'environ 30 % en cas de Doppler
veines sus-hépatiques et du sinus coronaire. normal à l'artère ombilicale mais qu'il se majore à
Les différences de vélocité et de flux direction- 35 % en cas d'IP supérieur au 95e percentile et à
nels arrivant dans l'oreillette droite entraînent 57 % en cas de reverse flow.
un aiguillage préférentiel de ce sang. Le sang Cette redistribution est alors un phénomène
pauvre en oxygène provenant du foie emprunte d'adaptation centrale et à ce stade, le spectre du
la voie « droite », traversant l'oreillette droite, la ductus venosus est encore normal. Il semblerait
valve tricuspide, le ventricule droit, et est dirigé que la modification du spectre du ductus venosus
vers l'aorte descendante et ses collatérales, assu- avec notamment la disparition de l'onde a soit un
rant ainsi la vascularisation périphérique, puis indicateur de décompensation.
retourne au placenta pour être à nouveau oxy-
géné. Le sang riche en oxygène provenant de la
veine ombilicale via le ductus venosus chemine Spectre normal
dans la voie « gauche ». En effet, en raison du tra- du ductus venosus
jet intrahépatique droit du ductus venosus, des
résistances basses, de sa structure annulaire, de La coupe élective pour mesurer le flux Doppler
son petit diamètre et de son angle de raccorde- est une coupe transversale de l'abdomen visuali-
ment à la VCI juste en amont de l'auricule droit, sant la veine ombilicale (figure 16.9). L'origine du
le sang oxygéné passe de l'oreillette droite à ductus se trouve dans le prolongement de la
l'oreillette gauche par le foramen ovale, puis au veine ombilicale juste avant qu'elle tourne vers la
ventricule gauche, aux artères coronaires, céré- droite et conflue vers le sinus porte. Le Doppler
brales et à l'aorte ascendante. couleur indique des vitesses élevées entraînant
un aliasing. La mesure peut aussi être réalisée à
C'est ainsi que le cœur et le cerveau seront alimen- partir d'une coupe sagittale après repérage de la
tés en sang à haute teneur en oxygène. La propor- veine ombilicale (figure 16.10). On identifie
tion de sang oxygéné passant par le ductus ensuite le ductus à l'aide de l'effet aliasing avant
venosus varie dans des conditions physiologiques qu'il ne se jette dans la VCI. Par ailleurs, la
avec l'âge gestationnel de 30 % au milieu de la mesure doit être réalisée en l'absence de mouve-
grossesse à 20 % entre 30 et 40 SA. ments respiratoires fœtaux qui modifient les flux
en modifiant le retour veineux.
En situation d'hypoxie La mesure du Doppler du ductus venosus
demande une connaissance de l'anatomie et une
Le sang provenant de la veine ombilicale intra- technique rigoureuse. En effet, la proximité des
hépatique est orienté préférentiellement vers le veines hépatiques et de la VCI induit un risque
ductus venosus, entraînant un shunt du sang important de confusion entre les différents
destiné au sinus porte et au foie. Ceci permet un spectres. Les spectres Doppler de tous ces vais-
remplissage plus rapide de l'oreillette droite et un seaux sont semblables, mais le ductus venosus
passage prioritaire à travers le foramen ovale est le seul vaisseau à comporter une onde a

140
Chapitre 16. Apport du Doppler dans le diagnostic et la surveillance du retard de croissance intra-utérin

Figure 16.9. Obtention du Doppler du ductus venosus en coupe transversale.

Figure 16.10. Obtention du Doppler du ductus venosus en coupe longitudinale.

positive. Les spectres de la VCI et des veines télédiastole qui est positive en situation normale
hépatiques comportent de manière physiolo- (figure 16.11). Le profil d'écoulement dans le duc-
gique une onde a négative, ce qui correspond à tus venosus reflète les variations de pressions
un spectre pathologique pour le ductus venosus entre cette structure et les cavités cardiaques : la
et qui explique les conséquences lourdes d'une vitesse d'écoulement est maximale pendant la
éventuelle confusion. systole auriculaire (onde S) puisqu'elle correspond
Le spectre au niveau du ductus venosus est un à la phase de remplissage rapide des oreillettes ; le
spectre triphasique avec une onde S de systole ini- deuxième pic correspond au début de la diastole
tiale positive, suivie d'une onde D de diastole ventriculaire (onde D), puis le flux est minimal
positive et d'une onde a correspondant à la lors de la contraction auriculaire (onde a).

141
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

Figure 16.11. Spectre normal du ductus venosus.

Spectre pathologique perte de l'autorégulation et la chute du débit car-


diaque entraînent des anomalies au niveau du
Les situations qui conduisent à une élévation de spectre des Doppler veineux. Les anomalies du
l'IP influent principalement sur le flux d'écoule- RCF apparaissent aussi à ce stade. La proportion
ment pendant la contraction auriculaire, avec une de fœtus porteurs de RCIU ayant cette détériora-
onde a évoluant vers la ligne de base ou se négati- tion ainsi que sa chronologie est variable et dépend
vant (figure 16.12). de la gravité de l'altération placentaire, de l'âge
gestationnel et de la coexistence de pathologies
Ces dernières années, les études longitudinales
maternelles. De plus, le délai entre la survenue
s'intéressant spécifiquement à la relation entre
d'anomalies des Doppler artériels et veineux est
anomalies des Doppler artériels, veineux, para-
statistiquement différent d'un fœtus à l'autre, et
mètres informatisés du RCF et morbimortalité
donc difficilement prévisible.
périnatale pour les RCIU ont permis de mieux
comprendre la progression et la détermination de Une corrélation positive entre l'élévation de l'IP et
cette pathologie. La dysfonction vasculaire placen- la présence d'une acidose a été mise en évidence
taire entraîne une augmentation des résistances par Rizzo et al. Baschat et al. concluent quant à
dans l'artère ombilicale et une diminution du eux à une faible sensibilité de ce Doppler pour la
débit dans la veine ombilicale. L'augmentation des prédiction de l'acidose, puisque 50 % seulement
résistances placentaires est suivie d'une diminu- des fœtus avec anomalies qualitatives du DV pré-
tion de la croissance fœtale puis d'une diminution sentent une acidose. Une association a aussi été
des résistances vasculaires dans l'artère cérébrale, mise en évidence entre le rapport (PV S/PV a) et
ainsi que d'une diminution de la quantité de l'hypoxie, et entre le rapport S/D du DV, l'hy-
liquide amniotique. Cette autorégulation est un poxie, l'hypercapnie et l'acidose, bien que cette
phénomène d'adaptation périphérique qui contri- association semble plus forte avec les anomalies
bue à la perfusion préférentielle des organes vitaux du Doppler de la VCI.
et du placenta. Parallèlement, le maintien des flux À ce jour, huit études ont évalué la relation entre
veineux avec augmentation de la proportion de les indices Doppler veineux et l'issue de la gros-
sang oxygéné passant par le ductus venosus sesse des RCIU. Baschat et al., dans une revue de
retarde la défaillance cardiaque droite. Lorsque ce la littérature de ces huit articles, ont étudié les
phénomène d'adaptation centrale n'existe plus, la complications périnatales chez des RCIU, dont

142
Chapitre 16. Apport du Doppler dans le diagnostic et la surveillance du retard de croissance intra-utérin

Figure 16.12. Spectre pathologique : diastole nulle et reverse flow dans le ductus venosus.

320 avec Doppler veineux normaux et 202 avec périnatale. Dans le groupe d'enfants nés avant
Doppler veineux anormaux. En dehors de l'enté- 32 SA, l'IP du ductus venosus et la variabilité à
rocolite ulcéronécrosante, la fréquence des autres court terme ont montré une évolution en miroir
complications telles que la maladie des mem- dans les jours précédant l'accouchement. La mor-
branes hyalines, la dysplasie bronchopulmonaire, talité périnatale a été significativement plus
l'hémorragie intraventriculaire ainsi que la mor- importante si les deux variables étaient anor-
talité périnatale était plus élevée dans le groupe males, comparé aux cas où une seule variable était
des fœtus porteurs de RCIU avec Doppler veineux anormale (13/33 soit 39 % contre 4/60 soit 7 %).
anormaux comparativement au groupe où les
Doppler veineux étaient normaux.
Hecher et al., dans une étude multicentrique lon- Conclusion
gitudinale, ont évalué, dans une population de
RCIU inférieurs au 3e percentile avec augmenta- Les Doppler veineux apparaissent comme des
tion des résistances placentaires et redistribution outils potentiellement intéressants dans l'aide à la
artérielle cérébrale, la relation entre l'IP du ductus décision d'extraction des fœtus porteurs de RCIU
venosus, la variabilité à court terme et la mortalité avant 32 SA en complément de l'âge gestationnel,

143
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

de l'estimation du poids fœtal, de la quantité de improves prediction of critical perinatal outcomes in


liquide amniotique, du Doppler artériel et de premature growth-restricted fetuses. Ultrasound
Obstet Gynecol 2003 ; 22 : 240–5.
l'analyse du RCF. Une modification de l'IP du
ductus venosus n'a de valeur que lorsque celui-ci Berkowitz C, Chitkara U, Rosenberg J, Cogswell C,
Walker B, Lahman EA, et al. Sonographic estimation
est utilisé lors d'un suivi longitudinal et que l'on of fetal weight and Doppler analysis of umbilical
voit apparaître une modification de ce Doppler au artery velocimetry in the prediction of intrauterine
cours de la surveillance. La mesure de ce Doppler growth retardation : a prospective study. Obstet
au cours de la découverte ou de la surveillance des Gynecol 1988 ; 71 : 742–6.
RCIU ne se mesure en théorie que lorsqu'il existe Bilardo CM, Wolf H, Stiger RH, Ville Y, Baez E, Visser GH,
une modification des autres Doppler, avec notam- et al. Relationship between monitoring parameters
ment une redistribution artérielle. Sa mesure ne and perinatal outcome in severe, early intrauterine
growth restriction. Ultrasound Obstet Gynecol
doit pas se faire en première intention, ne concer-
2004 ; 23 : 119–25.
nera qu'une faible population de fœtus à haut
Campbell S, Pearce JM, Hackett G, Cohen-Overbeek T,
risque et demande une bonne connaissance de Hernadez C. Qualitative assessment of uteroplacen-
l'anatomie ainsi que de la technique Doppler tal blood flow : early screening test for high-risk pre-
(facilité de confusion avec le Doppler des veines gnancies. Obstet Gynecol 1986 ; 68 : 649–53.
sus-hépatiques dont le spectre physiologique avec Chan FY, Pun TC, Lam C, Khoo J, Lee CP, Lam YH.
une onde a négative correspond au spectre patho- Pregnancy screening by uterine artery Doppler velo-
logique du ductus venosus). Cependant, la place cimetry : which criterion performs best ? Obstet
de ce Doppler au cours de la surveillance des gros- Gynecol 1995 ; 85 : 596–602.
sesses à haut risque est encore en évaluation. Coppens M, Loquet P, Kollen M, De Neubourg F,
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144
Chapitre 16. Apport du Doppler dans le diagnostic et la surveillance du retard de croissance intra-utérin

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145
Place de l'IRM fœtale Chapitre 17
dans la prise en charge
des fœtus avec retard
de croissance
intra-utérin
Jean-Marie Jouannic

Préambule inférieur au 10e percentile. Ce terme regroupe


donc un ensemble hétérogène de fœtus compre-
La croissance fœtale dépend de multiples fac- nant des « petits fœtus pour l'âge gestationnel »,
teurs, incluant la prédisposition génétique, l'eth- c'est-à-dire des fœtus constitutionnellement petits
nie, le sexe fœtal, le morphotype des parents et de mais qui ont répondu à leur préprogrammation
nombreux facteurs environnementaux. Le terme génétique de croissance, et des fœtus présentant
de retard de croissance intra-utérin (RCIU) une véritable restriction de croissance (avec une
recouvre des situations très diverses et peut s'ap- croissance inférieure à leur préprogrammation
pliquer en particulier dans une circonstance où la génétique), le plus souvent liée à une insuffisance
croissance fœtale est inférieure à sa préprogram- placentaire. Contrairement aux « petits fœtus
mation génétique. Les anomalies chromoso- constitutionnels », ce dernier groupe de fœtus est
miques ou géniques, les fœtopathies infectieuses exposé à un risque accru de morbimortalité péri-
(au premier rang desquelles on trouve le cytomé- natale. Cette morbimortalité est en partie corrélée
galovirus [CMV]) peuvent être associées à un à l'hypoxie et à l'acidose qui ont été mises en évi-
RCIU. Cependant, dans bien des cas, une biomé- dence chez un grand nombre de ces fœtus.
trie fœtale inférieure au 10e ou au 5e percentile de Actuellement, en période prénatale, la distinction
l'âge gestationnel, associée ou non à un oligoam- entre ces deux groupes repose essentiellement sur
nios ou à des anomalies Doppler, demeure la la vélocimétrie utérine et fœtale qui, en cas d'ano-
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seule anomalie mise en évidence lors des écho- malies, fait suspecter un RCIU vasculaire par
graphies de dépistage de la grossesse. Dans cette insuffisance placentaire. Cependant, cette étude
situation, lorsqu'une anomalie fœtale (malforma- Doppler est parfois prise à défaut et peut omettre
Le retard de croissance intra-utérin

tion ou anomalie du caryotype) a été éliminée, le le repérage prénatal d'un RCIU vasculaire.
RCIU d'origine vasculaire (par insuffisance pla- Les capacités d'adaptation du fœtus à l'hypoxie
centaire) associé ou non à une hypertension fœtale chronique sont connues depuis longtemps,
maternelle ou à une prééclampsie demeure l'étio- en particulier par l'étude des phénomènes de
logie la plus fréquente. redistribution vasculaire favorisant les territoires
Comme nous l'avons vu dans les chapitres précé- supra-aortiques, dont le but est de maintenir un
dents, le terme de RCIU est communément utilisé niveau d'oxygénation suffisant du cerveau et du
pour décrire des fœtus petits dont le poids est cœur fœtal. Actuellement, plusieurs outils sont

147
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

utilisés dans l'appréciation de la tolérance fœtale à l'imagerie est de mettre en évidence des éléments
l'hypoxie, et la décision de faire naître un fœtus prédictifs du devenir neurologique ultérieur de
présentant un RCIU vasculaire repose sur la prise l'enfant. Parallèlement, de nouvelles séquences
en compte de plusieurs paramètres : Doppler d'IRM ont vu le jour, telles que les séquences
ombilical, cérébral et du canal d'Arantius, score pondérées en diffusion ou la spectroscopie de
biophysique de bien-être fœtal, analyse du rythme protons en résonance magnétique (SRM). La
cardiaque fœtal (RCF) classique ou couplée à SRM est limitée en prénatal par le rapport signal
l'étude automatisée de la variabilité (VCT). En sur bruit et les artéfacts de mouvement du fœtus.
dehors de l'apparition d'anomalies du RCF, aucun Les séquences de diffusion semblent plus pro-
de ces outils ne permet de définir de valeur seuil metteuses pour la détection ultraprécoce d'ano-
au-delà de laquelle une décision de naissance malies du parenchyme cérébral, avant même
pourrait améliorer le devenir périnatal. Il demeure l'apparition d'anomalies visibles en séquences
un assez large consensus sur le fait qu'une poli- conventionnelles.
tique d'extraction sur la seule donnée, par exemple,
d'une valeur de VCT diminuée ou de l'apparition
d'anomalies de l'Arantius (comme une onde A
nulle ou négative) améliore le devenir postnatal de
Les grandes étapes
ces fœtus. A fortiori, aucune donnée d'évolution du développement cérébral
de l'imagerie cérébrale en prénatal n'est actuelle-
ment utilisée pour la détection d'une situation Le développement cérébral se déroule schémati-
d'oxygénation précaire du cerveau fœtal. quement selon deux grandes étapes. En première
partie de gestation, les éléments du système ner-
Le cerveau fœtal en développement est très sen-
veux central (prosencéphale, rhombencéphale et
sible à l'hypoxie, que celle-ci soit chronique
télencéphale) se mettent en place et sur le plan
(comme dans le cadre d'un RCIU par insuffisance
anatomique, les structures cérébrales sont en place
vasculaire placentaire) ou aiguë (comme on peut
à 15 semaines d'aménorrhée (SA). Au cours de
l'observer pendant le travail). Les outils actuelle-
cette période se produit un phénomène de neuro-
ment utilisés pour la surveillance des fœtus pré-
genèse qui correspond à la multiplication des pré-
sentant un RCIU vasculaire, représentés par
curseurs neuronaux à partir de la zone germinale
l'échographie-Doppler et l'enregistrement du RCF,
périventriculaire. Parallèlement s'opère un pro-
ont pour but de tenter de déterminer la limite au-
cessus de migration neuronale avec mise en place
delà de laquelle l'hypoxie chronique risque d'ex-
des couches corticales, achevé vers 22 SA.
poser le fœtus à un risque d'accident aigu ou de
lésions cérébrales ischémiques irréversibles. Dans À partir de 20 SA débute le phénomène de myéli-
cette situation, la décision d'une naissance doit nisation qui progresse selon un axe caudorostral
faire peser les risques liés à une prématurité à partir de la moelle épinière jusque vers le
induite et les risques liés à une hypoxie dont la télencéphale. Parallèlement, les connections
tolérance fœtale n'est plus certaine. synaptiques se mettent en place et le cortex
connaît un développement considérable aboutis-
Actuellement, l'imagerie cérébrale du cerveau
sant à un phénomène de plissements formant les
fœtal n'a de place que dans la discussion des cas de
circonvolutions.
RCIU associés à une possible anomalie malfor-
mative du cerveau dans un cadre syndromique ou
d'une fœtopathie infectieuse. Elle repose sur
l'échographie et l'imagerie par résonance magné- Principes de base concernant
tique nucléaire (IRM) en séquences convention- l'IRM du fœtus
nelles, en particulier pour explorer une anomalie
de la giration. L'IRM cérébrale fœtale a été proposée en complé-
Les techniques d'imagerie cérébrale du nouveau- ment de l'étude par échographie en 1983. Cette
né ont connu un développement important dans technique a depuis connu un développement
les dernières années. Qu'il s'agisse de l'échogra- rapide et la majorité des centres périnataux fran-
phie ou de l'IRM conventionnelles, le but de çais en disposent actuellement. Un appareillage

148
Chapitre 17. Place de l’IRM fœtale dans la prise en charge

classique (0,5 à 1,5 tesla) est utilisé. La patiente est pour concerner l'étage sus-tentoriel vers 34 SA,
installée en décubitus dorsal et l'examen dure 20 à débutant au niveau des bras postérieurs de la cap-
30 minutes avec parfois, selon les équipes, une sule interne. Les techniques d'IRM de perfusion
prémédication par benzodiazépine pour obtenir comprenant l'injection d'un produit de contraste
une sédation fœtale. L'examen débute par des tel que le gadolinium ne sont pas utilisées chez le
acquisitions permettant un repérage dans les trois fœtus humain.
axes du fœtus. Théoriquement, l'IRM cérébrale
permet une étude anatomique du cerveau dès
5 mois, mais à ce stade de la grossesse cet examen
n'apporte guère plus d'informations qu'une écho-
Nouvelles techniques d'IRM
graphie réalisée par un opérateur de référence. À Plusieurs nouvelles techniques d'IRM ont été
partir de 26–28 SA, l'IRM apporte des informa- développées dans la dernière décennie, permet-
tions supplémentaires, en particulier pour l'étude tant une étude à la fois plus précise et plus précoce
de la giration ou la mise en évidence d'anomalies de phénomènes d'agression du parenchyme céré-
de la migration neuronale. bral tels que l'ischémie. Ces techniques connaissent
Les acquisitions utilisées pour l'imagerie fœtale un développement important en médecine adulte
sont des séquences rapides obtenues en environ et en médecine néonatale. Elles sont depuis
1 seconde et correspondant à des coupes de 3 à quelques années appliquées au fœtus humain et
5 mm d'épaisseur. L'examen standard permet d'ob- leur contribution potentielle à l'exploration de la
tenir dans les trois plans de l'espace des séquences souffrance cérébrale chez le fœtus en situation
pondérées en T2 et en T1. Les séquences pondérées d'hypoxie chronique dans le cadre du RCIU vas-
T2 permettent une étude anatomique et biomé- culaire sera discutée plus bas.
trique des structures cérébrales et l'étude de la
giration. Ces séquences sont cependant insuffi-
santes pour le diagnostic de certaines anomalies de
Étude de la diffusion
petite taille intéressant le parenchyme. Des et du tenseur de diffusion
séquences particulières en écho de gradient T2
Des séquences particulières dites de diffusion
(T2*) permettent de mettre en évidence des lésions
peuvent être réalisées. Elles explorent les mouve-
hémorragiques anciennes ou calcifiées. Les
ments microscopiques des molécules d'eau dans
séquences pondérées T1 requièrent un temps d'ac-
les tissus qui peuvent être mesurés sous la forme de
quisition plus long. Elles ne permettent pas une
coefficient apparent de diffusion. Les séquences de
étude anatomique aussi précise des structures céré-
diffusion correspondent à des séquences dites en
brales, mais elles peuvent être utiles pour la mise
« single shot echoplanar » utilisant des gradients de
en évidence de certaines lésions comme un foyer
diffusion pulsés. La force du gradient de diffusion
hémorragique récent ou la présence de tubers dans
est exprimée en unité de valeur « b », en secondes
le cadre d'une sclérose tubéreuse de Bourneville.
par millimètres carrés. Une première séquence est
Elles permettent par ailleurs de mieux rendre
réalisée avec un b égal à 0 puis une ou plusieurs
compte des phénomènes de myélinisation.
séquences sont réalisées avec un gradient supé-
En IRM, le parenchyme cérébral apparaît sous rieur (de 200 à 800–1000 s/mm2).
forme de strates avec la zone germinative profonde
La technique de tenseur de diffusion (diffusion ten-
qui apparaît en hypersignal T1 (blanche) et en
sor imaging) est dérivée de la technique précédente
hyposignal T2 (noire), une zone intermédiaire et
et donne une information sur le sens de déplace-
un cortex qui apparaît, comme la zone germina-
ment des molécules d'eau. Elle apporte donc des
tive, en hypersignal T1 et en hyposignal T2. À par-
renseignements sur l'architecture fine des struc-
tir de 30 SA, cette organisation en strates est moins
tures explorées, comme l'organisation de faisceaux
nette. La myélinisation débute vers 20 SA au
de neurones pour le cerveau.
niveau du tronc cérébral, se traduisant par un
hypersignal T1 qui reflète à la fois une grande Au cours du développement cérébral, il existe une
richesse cellulaire et la richesse en substance lipi- diminution des coefficients de diffusion qui tra-
dique. Ce processus de myélinisation se poursuit duit à la fois l'appauvrissement du contenu en eau

149
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

du tissu cérébral et un enrichissement du contenu Dans un contexte clinique d'asphyxie périnatale,


en lipides. Les modifications de densités cellu- le but premier de l'imagerie cérébrale est de tenter
laires et de l'ultrastructure tissulaire influencent d'identifier aussi précocement que possible des
également la diffusion. Chez l'adulte, la diffusion lésions cérébrales qui seront source d'un handicap
est très précocement modifiée dans les processus neurodéveloppemental de l'enfant. L'intérêt pour
d'accidents vasculaires cérébraux ischémiques. De le néonatologiste d'une imagerie cérébrale de pré-
même, comme nous le verrons plus loin, de telles diction est potentiellement double : disposer
modifications ont pu être étudiées chez le nou- d'éléments objectifs pour alimenter la discussion
veau-né dans les situations d'asphyxie périnatale. de la poursuite d'une réanimation dans les cas les
plus graves, et pouvoir juger de l'efficacité d'une
thérapeutique à visée de neuroprotection comme
Spectroscopie de protons par exemple l'hypothermie.
en résonnance magnétique Il existe actuellement une assez bonne connais-
sance de la corrélation entre l'étude échographique
Le signal étudié en IRM conventionnelle pour des différents grades d'hémorragie intraventricu-
réaliser une étude anatomique est généré par les laire et périventriculaire et le pronostic neuro­
noyaux d'hydrogène, les protons (1H) des molé- logique des enfants prématurés. Dans le cadre de
cules d'eau. L'IRM spectroscopique, à l'inverse de l'asphyxie périnatale, la valeur prédictive de l'écho-
l'IRM traditionnelle, étudie le signal généré par les graphie cérébrale est plus discutée et l'IRM occupe
protons attachés aux autres molécules. Alors qu'en désormais une place prépondérante dans l'évalua-
IRM conventionnelle, un seul pic de radiofré- tion pronostique de ces nouveau-nés. L'échographie
quence est obtenu (pour le noyau d'hydrogène des néonatale en cas d'ischémie cérébrale peut révéler
molécules d'eau), en IRM spectroscopique, plu- une lésion hyperéchogène focalisée pouvant cor-
sieurs pics sont obtenus, chacun pouvant être cou- respondre à une zone d'ischémie ou à une zone
plé à une molécule donnée. Cette technique hémorragique, mais dans cette situation il est sou-
correspond donc à une sorte de « cartographie vent impossible d'en connaître l'évolution ulté-
métabolique du cerveau ». Quatre groupes de rieure, qui pourra se faire soit vers la régression,
métabolites impliqués dans le développement soit vers la formation d'une cavité porencéphalique.
cérébral sont principalement étudiés : le N-acétyl Les images peuvent être encore plus difficiles à
aspartate (NAA), la créatine (Cr), la choline (Cho) interpréter en échographie dans les cas de souf-
et l'inositol (Ino). La concentration de ces méta­ france cérébrale étendue, car l'interprétation du
bolites a été étudiée au niveau du parenchyme degré d'hyperéchogénicité ne pourra pas être com-
cérébral normal et pathologique, en particulier au parative (comme c'est le cas pour des lésions écho-
niveau des zones d'ischémies. À partir de gènes thoraciques ou abdominales qui sont
séquences particulières, il est enfin possible d'étu- comparées aux organes de voisinage tel le foie, par
dier le contenu en acide lactique du tissu et ainsi exemple) et parfois, on pourra tout au plus observer
de mettre en évidence une augmentation du une diminution de la différenciation échogra-
contenu en acide lactique au cours du processus phique entre substance blanche et substance grise.
d'ischémie.
Pour de nombreux auteurs l'IRM est, dans cette
situation, plus contributive. Les techniques d'IRM
IRM cérébrale néonatale conventionnelles deviennent pertinentes 1 à
2 semaines après la survenue d'un accident aigu.
dans l'asphyxie périnatale Elles pourront mettre en évidence des anomalies
de signal en particulier au niveau des noyaux gris
Avant d'envisager les données actuelles concer- de la base et des thalami et au niveau des bras pos-
nant l'apport de l'IRM cérébrale fœtale dans les térieurs de la capsule interne. Ces lésions sont le
situations d'hypoxie chronique, il est indispen- plus souvent associées à un handicap moteur et
sable de réaliser un bref rappel des données cognitif lourd. Dans près de la moitié des cas, ce
actuellement disponibles sur les lésions isché- type de lésion est associé à des anomalies de signal
miques du nouveau-né à terme. au niveau de la substance blanche et cet élément

150
Chapitre 17. Place de l’IRM fœtale dans la prise en charge

pourrait représenter un élément supplémentaire s'intégrant dans un cadre syndromique ou dans le


de mauvais pronostic. L'IRM conventionnelle est cadre d'une fœtopathie à CMV, son apport pour la
le plus souvent prise à défaut dans les premiers détection précoce de conséquences d'une hypoxie
jours suivant la souffrance cérébrale anoxo-isché- cérébrale chez le fœtus avec RCIU vasculaire est
mique. La technique de diffusion pour certains actuellement très limité. En effet, si l'IRM préna-
auteurs trouve ici une application et pourrait tale est susceptible de mettre en évidence des
s'avérer contributive dans les tous premiers jours lésions focales hyperdenses ischémiques ou isché-
suivant l'accident anoxo-ischémique. Il existe en mohémorragiques de survenue accidentelle ou
effet une corrélation assez bonne entre l'existence entrant dans un cadre malformatif ou dans celui
d'une diminution significative des coefficients de d'exceptionnelles thrombophilies à révélation
diffusion de la substance blanche et une mauvaise prénatale, cet examen n'est d'aucune utilité pour
évolution neurologique. En revanche, l'étude des tenter d'explorer les conséquences d'une hypoxie
coefficients de diffusion au niveau des noyaux cérébrale prolongée dont on suppose qu'elle pour-
gris centraux et des thalami est moins contribu- rait donner des lésions plus diffuses.
tive. Ainsi, l'observation de coefficients de diffu-
sion normaux au niveau de ces structures Place de l'étude de la diffusion
n'élimine pas l'apparition ultérieure d'une ano-
malie de signal en séquences conventionnelles. par IRM
Les techniques plus récentes d'IRM spectrosco- Les premières études consacrées à l'étude de la
pique pourraient permettre de révéler une isché- diffusion au niveau du cerveau fœtal ont moins de
mie encore plus précocement, dès les 24 premières 10 ans. Dans le principe, cette technique pourrait
heures, avec la mise en évidence d'un pic anormal être séduisante en prénatal pour mettre en évi-
de lactates. Secondairement, une diminution du dence des zones d'ischémie cérébrale diffuses ou
pic de NAA et surtout un rapport NAA/Cho localisées quelle que soit leur origine : hypoxie
effondré pourraient être mis en évidence. fœtale chronique dans le cadre d'un RCIU vascu-
Il existe donc actuellement, dans le cadre de la souf- laire, phénomène de vol vasculaire (comme dans
france anoxo-ischémique du nouveau-né à terme, l'anévrisme de la veine de Galien), souffrance
une séquence de révélation de zone d'ischémie céré- cérébrale dans le cadre d'une fœtopathie à CMV,
brale mise en évidence très précocement par IRM anémie fœtale aiguë, souffrance cérébrale obser-
spectroscopique (actuellement toujours dans le vée chez le co-jumeau suivant une mort fœtale in
domaine de la recherche clinique), dès les premières utero dans une grossesse monochoriale biamnio-
heures suivant l'épisode anoxo-ischémique, puis tique. Dans la majorité de ces situations, le risque
s'exprimant après le 2e jour par une anomalie de dif- de souffrance cérébrale est connu mais il faut un
fusion au niveau de la substance blanche susceptible délai d'au moins 2 à 3 semaines suivant un acci-
de se corriger en quelques jours. Ces anomalies pré- dent aigu pour mettre en évidence une lésion
cèdent ainsi l'apparition de zones d'hypersignal en constituée par les techniques d'imagerie clas-
IRM conventionnelle habituellement observables à siques. Par ailleurs, l'étude du tenseur de diffu-
partir de la 2e semaine d'évolution. sion pourrait elle-même être contributive pour
objectiver des trajets anormaux des faisceaux en
cas d'anomalies de la migration neuronale, par
Contribution de l'IRM exemple.
Les études réalisées chez le fœtus normal ont
cérébrale dans le cadre du inclus entre 15 et 80 fœtus avec des termes allant
retard de croissance intra-utérin de 17 à 37 SA. Globalement, les études s'accordent
vasculaire à dire qu'il existe une diminution des coefficients
de diffusion au niveau des noyaux gris centraux
Apport de l'IRM conventionnelle en deuxième partie de gestation. Cette diminution
traduit des modifications dans la constitution et
Si l'apport de l'IRM cérébrale conventionnelle est l'architecture de ces structures (myélinisation,
indiscutable dans la discussion des cas de RCIU organisation cellulaire). En revanche, on observe

151
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

de larges variations des coefficients de diffusion normalisation avait été la plus lente et souvent
mesurées au niveau de la substance blanche. Pour incomplète à distance de l'ischémie aiguë. À par-
la majorité des auteurs, les coefficients de diffu- tir d'un modèle d'ischémie prénatale chez le rat, il
sion sont plus élevés au sein de la substance a pu être démontré qu'il existait une parfaite cor-
blanche frontale par rapports aux valeurs mesu- rélation entre les anomalies de la diffusion au
rées en occipital. Cette tendance pourrait être le niveau de la substance blanche et les lésions histo-
reflet d'une myélinisation plus précoce en région logiques caractérisant l'ischémie de ces mêmes
occipitale. Par ailleurs, plusieurs études ont mis en territoires associant activation microgliale, acti-
évidence une diminution de la diffusion avec l'âge vation macrocytaire et phénomène de gliose
gestationnel. cicatricielle.
Les différences observées dans ces travaux préli- À ce jour, la contribution de l'étude de la diffusion
minaires, en particulier pour la substance blanche, dans une situation prénatale à risque d'hypoxie-
illustrent les limites que cette technique connaît ischémie cérébrale fœtale n'a été rapportée chez
chez le fœtus. D'une manière générale, avec les l'homme qu'au travers de cas isolés. Dans un cas,
équipements habituellement utilisés, le rapport des lésions ischémiques multifocales ont été sus-
signal-bruit et la résolution axiale sont nettement pectées à 33 SA dans le cadre d'une malformation
moins bons chez le fœtus que chez le nouveau-né. artérioveineuse de Galien avec des valeurs de
Les artéfacts liés aux mouvements fœtaux sont coefficient de diffusion diminuées en région
susceptibles d'influencer les valeurs des coeffi- pariétale et frontale. Dans un autre cas, il a été mis
cients de diffusion mesurés. De la même manière, en évidence une diminution significative des
un décalage du cerveau fœtal par rapport à l'iso- coefficients de diffusion au niveau de la substance
centre magnétique est susceptible d'influencer la blanche frontale des deux hémisphères lors d'un
mesure. Le choix initial de la force du gradient examen réalisé dans les 48 heures suivant un dia-
pulsé « b » (qui varie de 0 à 1000 s/mm2) est suscep- gnostic de mort fœtale in utero compliquant une
tible d'influencer les valeurs observées. Enfin, la grossesse monochoriale biamniotique à 24 SA.
taille et le positionnement de la région d'intérêt Les séquences conventionnelles réalisées lors du
(ROI) étudiée peuvent également influencer le même examen chez ce fœtus survivant étaient
résultat si cette dernière comprend par exemple normales. Un contrôle réalisé 2 semaines plus
une zone de cellules migrantes au sein de la subs- tard a mis en évidence des lésions étendues de
tance blanche (aboutissant à une diminution arté- cavitations au niveau de la substance blanche
factuelle du coefficient de diffusion pour la zone périventriculaire frontale.
de substance blanche considérée). Aucune étude à large échelle n'a été réalisée chez le
Plusieurs travaux réalisés chez l'animal suggèrent fœtus humain dans le cadre du RCIU vasculaire.
que l'étude de la diffusion pourrait permettre de Une étude récente a porté sur un effectif très réduit
mettre en évidence à un stade précoce des lésions de fœtus avec RCIU vasculaire (8 cas) pour lesquels
d'ischémie cérébrale. Chez la lapine gestante, une les coefficients de diffusion ont été mesurés à 37 SA
hypoxie fœtale aiguë induite par une occlusion et comparés à 5 témoins. Ces auteurs ont rapporté
temporaire de l'aorte sous-rénale conduit au déve- une diminution non significative des coefficients
loppement chez les nouveau-nés d'un tableau neu- de diffusion dans le groupe RCIU pour le faisceau
rologique voisin du tableau d'infirmité motrice pyramidal et la substance blanche du lobe frontal,
cérébrale décrit chez l'homme. Une occlusion a alors qu'aucune différence n'a été observée pour les
été réalisée pendant 40 minutes à 0,78 de la gesta- noyaux gris centraux. Ces résultats sont à inter­
tion (dernier tiers) et une étude de la diffusion préter avec la plus grande précaution, eu égard aux
cérébrale a été réalisée au moment de l'hypoxie grandes variations des valeurs observées dans les
aiguë, puis 4 heures, 24 heures et 48 heures sui- plus larges séries de fœtus normaux.
vant l'occlusion. Les fœtus les plus sévèrement
touchés (mort in utero, naissance vivante avec Place de l'IRM spectroscopique
séquelles) étaient ceux pour lesquelles la diminu-
tion de la diffusion avait été la plus grande au L'IRM spectroscopique permet de réaliser une
cours de l'épisode aigu et pour lesquels la sorte de cartographie métabolique du cerveau.

152
Chapitre 17. Place de l’IRM fœtale dans la prise en charge

Des études longitudinales conduites chez le surveillance des fœtus présentant un RCIU vascu-
fœtus normal ont mis en évidence des modifica- laire. Les nouvelles techniques d'IRM avec étude
tions de l'expression de différents métabolites qui de la diffusion ou étude métabolique en spectro-
reflètent les phénomènes de maturation cérébrale métrie pourraient permettre d'identifier de telles
physiologique. Les métabolites étudiés sont : le lésions avant l'apparition d'anomalies constituées
NAA qui est un marqueur neuronal, la créatine mises en évidence plus tardivement par les tech-
qui reflète l'intensité du métabolisme cellulaire, niques de neuro-imagerie prénatale classiques.
la choline qui est un constituant membranaire et Ces nouvelles techniques apporteront sans nul
un marqueur des processus de myélinisation, et doute des informations capitales à la compréhen-
le myo-inositol (Myo-Ino) qui est un marqueur sion des phénomènes de souffrance cérébrale
astrocytaire. En conditions physiologiques, on observés dans ce cadre, qui demeurent respon-
n'observe pas de pic de détection correspondant à sables d'une lourde morbidité postnatale. Elles
la production de lactates (associée au méta­ devraient ainsi enrichir les connaissances actuelles
bolisme anaérobie). concernant la neuroprotection en période périna-
Il existe une modification des profils de détection tale. Parallèlement, ces outils pourraient représen-
de ces métabolites au cours du développement ter une aide précieuse dans la discussion des cas de
cérébral. Entre 22 et 28 SA, deux pics dominent, RCIU situés aux frontières des capacités de prise
correspondant au myo-inositol (rendant compte en charge périnatale actuelles. Enfin, ces tech-
de la relative densité en cellules gliales) et à la cho- niques permettront peut-être dans l'avenir d'enri-
line. Il existe ensuite une diminution progressive chir la palette des outils dont les périnatologistes
du pic de choline qui traduit la progression de la disposent pour décider du terme de naissance adé-
myélinisation. La choline entre dans la composi- quat des fœtus présentant un RCIU vasculaire.
tion des phospholipides membranaires. Seule la
fraction libre de choline est identifiée en IRM Références
spectroscopique. Ainsi, la diminution du pic de
Abe S, Takagi K, Yamamoto T, Kato T. Assessment of cor-
choline rend compte de son intégration pour la tical gyrus and sulcus formation using magnetic
biosynthèse de phosphatidylcholine et la produc- resonance images in small-for-gestational-age
tion de myéline. Le pic de NAA est faible à 22 SA fetuses. Prenat Diagn 2004 ; 24 : 333–8.
et augmente en intensité en deuxième partie de Abe S, Takagi K, Yamamoto T, Okuhata Y, Kato T.
gestation, rendant compte du développement Assessment of cortical gyrus and sulcus formation
dendritique et des synapses. Ces modifications using MR images in normal fetuses. Prenat Diagn
sont en accord avec celles observées chez les nou- 2003 ; 23 : 225–31.
veau-nés prématurés d'âge gestationnel équiva- Abernethy LJ, Palaniappan M, Cooke RW. Quantitative
lent. Enfin, à partir de 34 SA, le spectre observé magnetic resonance imaging of the brain in survi-
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est comparable à celui obtenu chez le nouveau-né 87 : 279–83.
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sait l'apparition d'un pic de lactates corrélée à la l'imagerie par résonance magnétique (IRM) fœtale.
diminution du pH mesuré sur le sang fœtal ainsi Arch Péd 2010 ; 17 : 1749–60.
qu'à une diminution du pic de NNA. Chez Baldoli C, Righini A, Parazzini C, Scotti G, Triulzi F.
l'homme, seules quelques observations isolées ont Demonstration of acute ischemic lesions in the fetal
rapporté des modifications similaires. brain by diffusion magnetic resonance imaging.
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Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

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155
Décisions aux limites Chapitre 18
de la viabilité en cas
de retard de croissance
intra-utérin
Élie Azria

Introduction mauvais choix, c'est non seulement esquiver


nos responsabilités, mais aussi avancer sans
stratégie en laissant un hasard bien plus nui-
Décider et, plus encore, faire le bon choix, lorsque
sible se substituer à nos décisions.
celui-ci est susceptible d'avoir des répercussions
majeures sur la vie d'autrui, est très certainement Les RCIU d'installation précoce contribuent de
ce qui fait toute la difficulté de la pratique de la façon importante à la mortalité périnatale et à la
médecine périnatale. C'est dans cet acte que s'in- morbidité d'origine périnatale de l'adulte. Ils
carne la responsabilité de soignant et d'homme, et représentent à ce titre – même si leur fréquence
c'est par lui que se construit la cohérence du soin. est relativement limitée – un enjeu non négli-
Dans un univers de plus en plus soumis à des geable. La problématique de ces situations péri-
normes et à des procédures standardisées, le natales est intimement intriquée avec celle que
contexte du retard de croissance intra-utérin soulève la prématurité extrême. Une différence
(RCIU) d'installation précoce nous fait la démons- de taille tient cependant dans le fait qu'une
tration, s'il en fallait, que les protocoles et algo- menace qui plane ici est celle de la prématurité
rithmes décisionnels ne peuvent pas tout régler. induite, une prématurité consentie, à la diffé-
Dans ce chapitre, ce n'est donc pas de protocole rence de la prématurité spontanée. Lorsqu'on
dont il est question. Notre propos est de mettre en s'intéresse à la question de la décision comme
avant les éléments que notre processus décisionnel nous le faisons ici, cette différence est fondamen-
doit intégrer pour satisfaire au mieux aux exi- tale en ce que la décision de consentir à cette pré-
maturité en faisant naître un enfant très
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gences d'une pratique du soin rigoureuse et


humaine. immature est alors au premier plan.
Pour ces situations auxquelles nous nous inté- Il est néanmoins fondamental de ne pas res-
ressons, à savoir les RCIU très précoces, il n'y a treindre notre réflexion à cette question de la
Le retard de croissance intra-utérin

que rarement de décision idéale. Par essence, naissance, car ce que nous pourrons proposer
décider c'est trancher dans une alternative où devra s'intégrer dans une stratégie de soin plus
chacun des termes comporte son lot d'espé- large où toutes les attentions devront être por-
rances, mais aussi de risques. Toutefois, si l'on tées sur la cohérence du projet de soins anté- et
sait d'avance que nos décisions sont dans une postnatal. C'est ainsi non seulement aux moda-
certaine mesure des paris qui reposent sur un lités de la surveillance et des soins anténatals
savoir probabiliste, ne pas s'impliquer dans un qu'à la prise en charge postnatale qu'il faut
processus de décision par peur de faire le penser.

157
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

Orientation étiologique déterminant dans le bilan étiologique. Les don-


nées autres comme la recherche de séroconver-
sions virales (cytomégalovirus [CMV]) ou
L' orientation étiologique est un des éléments parasitaire (toxoplasmose), d'anomalies du caryo-
décisionnels fondamental. Il est bien clair que la type, de délétion 4p ou encore d'un syndrome de
situation est loin d'être la même dans des situa- Smith-Lemli-Optiz seront également envisagées
tions aussi différentes que celles où un contexte en fonction du contexte. Cela ne signifie pas pour
vasculaire explique le retard et celles où le RCIU autant qu'il faille recommander la pratique systé-
s'intègre dans des tableaux d'infections virales, matique du prélèvement fœtal en cas de RCIU
d'aneuploïdies ou encore de syndromes polymal- d'installation précoce.
formatifs non chromosomiques. Dans le premier
cas, la dysfonction placentaire responsable d'une Le diagnostic étiologique de retard d'origine pla-
croissance altérée d'un fœtus par ailleurs normal centaire sera porté avec le plus de spécificité
est également susceptible d'induire des altéra- devant l'association d'un périmètre abdominal
tions de l'hémodynamique fœtale pouvant avoir inférieur au 10e percentile et d'une élévation des
un retentissement durable, y compris en postna- résistances vasculaires au niveau de l'artère ombi-
tal, et pouvant aller jusqu'à causer la mort in licale. La présence de résistances utérines aug-
utero (MFIU) ou néonatale. L'utérus devient en mentées renforcera d'autant ce diagnostic.
quelque sorte un milieu hostile qui, s'il met à En marge du contexte étiologique, la recherche de
l'abri pour un temps des conséquences de la pré- signes de gravité, qu'ils soient fœtaux ou mater-
maturité, ne garantit plus ni la croissance, ni la nels, est importante. C'est ainsi que l'examen ini-
santé fœtale. À l'inverse, lorsque le retard n'est tial et la surveillance maternelle devront s'attacher
pas lié à une hémodynamique fœtoplacentaire à rechercher l'apparition d'une hypertension arté-
perturbée de manière primitive, mais où le pri- rielle gravidique, d'une prééclampsie, voire de
mum movens est une anomalie fœtale, la problé- signes de prééclampsie sévère. D'un point de vue
matique est tout autre et ne mobilise pas le même fœtal, la recherche de signes de gravité passe par la
type de démarche décisionnelle. recherche de signes de mauvaise tolérance fœtale :
anomalies du rythme cardiaque fœtal (RCF) ou
Dans la suite de ce chapitre, c'est la situation des
altérations hémodynamiques dont témoigneront
dysfonctions placentaires précoces qui nous occu-
des anomalies des Doppler artériels ombilical et
pera. Même si ce contexte étiologique est le plus
cérébral moyen et veineux au niveau du ductus
fréquent, il est avant tout absolument nécessaire
venosus. Cette évaluation passe également par
de s'assurer que c'est bien d'un retard de crois-
l'évaluation de la profondeur du RCIU et la ciné-
sance d'origine vasculaire dont il est question.
tique de croissance. Pour pouvoir affirmer une
Il n'est jamais inutile de rappeler que tout dia- absence totale de croissance, il est nécessaire de
gnostic de RCIU doit conduire à vérifier avant pouvoir disposer d'un temps suffisamment long
toute autre chose qu'il ne s'agit pas d'une erreur de entre deux examens successifs pour ne pas
terme. Cela se fera de manière simple par une conclure à tort à une stagnation.
vérification fondée sur la mesure de la longueur
craniocaudale réalisée au premier trimestre de
grossesse. S'enquérir de la taille des parents peut
également avoir un intérêt si les biométries sont Retard de croissance intra-
aux limites des normes. utérin aux limites de viabilité :
L' examen échographique devra s'assurer du quelle alternative ?
caractère isolé du RCIU ou, à l'inverse, décrire les
signes associés. Il conviendra de préciser les para- Comme cela a pu être suggéré plus haut, le fœtus
mètres biométriques les plus concernés par le soumis à une dysfonction placentaire précoce est
retard ou, au contraire, de préciser si le RCIU est dans une situation où la poursuite de la vie intra-
harmonieux. L'insertion et l'aspect du placenta utérine est susceptible d'obérer ses chances de
devront être décrits. Les spectres vélocimétriques survie et de survie sans séquelle. Ces fœtus
utérins et ombilicaux joueront également un rôle peuvent donc voir dans certaines circonstances

158
Chapitre 18. Décisions aux limites de la viabilité en cas de retard de croissance intra-utérin

leur pronostic modifié favorablement par une Ce sont donc au total ces cinq attitudes qui, dans
extraction anticipée, même si celle-ci les expose à ces situations de RCIU sévères d'installation pré-
une prématurité parfois très importante avec tout coce, doivent être discutées : extraction immé-
son cortège de risques. La question qui se pose est diate, surveillance et éventuelle extraction en cas
ainsi de savoir à partir de quel seuil une extrac- d'aggravation, expectative vraie en suspendant
tion fœtale prématurée apparaît « raisonnable ». toute surveillance un temps donné, abandon
Nous reviendrons plus loin sur la question de fœtal en attendant une MFIU et IMG.
seuil et sur celle de viabilité, mais dans l'immédiat
voyons les termes de l'alternative. S'agit-il de dire
qu'au-delà d'un seuil fixé, une extraction fœtale
est envisageable si les paramètres de surveillance Facteurs pronostiques
montrent des altérations sévères de l'hémodyna- et décisionnels
mique fœtale, et qu'en deçà il faudrait surseoir à la
césarienne ? Cette attitude paraît sensée, mais ne Les données disponibles portant directement sur
peut en aucun cas constituer la seule ligne direc- les RCIU très précoces sont assez peu nombreuses
trice. D'autres attitudes que l'alternative binaire et c'est souvent sur des arguments indirects, et
extraction immédiate contre expectative doivent notamment à partir de travaux menés à des
être envisagées. C'est ainsi que l'interruption termes plus avancés, qu'il nous faut raisonner. Un
médicale de grossesse (IMG), telle qu'elle est défi- certain nombre de paramètres pronostics et déci-
nie en France par la loi de 1975, peut constituer sionnels ressortent néanmoins et jouent un rôle
une option. Si cette attitude pourra s'imposer d'autant plus déterminant que nous sommes à des
d'elle-même dans certaines situations où le pro- âges gestationnels extrêmes. Parmi ces facteurs,
nostic maternel est mis en jeu par la présence de l'âge gestationnel et le poids sont bien sûr au tout
prééclampsie, elle pourra aussi être discutée dans premier plan. Existent de plus des données sur les
des RCIU isolés très précoces et sévères. éléments de surveillance constituant une aide à la
Lorsqu'il est question d'attitude expectative, il décision.
convient de préciser que le sens donné à cette Indépendamment de tout RCIU, on sait que la
attente ne sera pas le même en fonction de la sur- mortalité et la morbidité néonatales dépendent en
veillance qui sera proposée au cours de cette phase. très grande partie de l'âge gestationnel. Les
Si une surveillance intensive du RCF ou des para- grandes cohortes, EPIPAGE en France et EPICure
mètres échographiques est entreprise, qu'une cure au Royaume-Uni, montrent très clairement ce lien
de corticoïdes est administrée et qu'un transfert in entre la survie et l'âge gestationnel à la naissance.
utero vers un centre périnatal de type 3 est effec- Dans l'étude en population EPIPAGE portant sur
tué, c'est en général pour qu'une extraction puisse les naissances entre 22 et 32 semaines d'aménor-
être réalisée en cas d'aggravation et que la prise en rhée (SA), le taux de survie est nul à 23 SA, passe à
charge postnatale soit optimale. 31 % des naissances vivantes à 24 SA, 50 % à 25 SA
À l'inverse, on peut aussi choisir de ne pas surveil- pour atteindre 71 % à 27 SA. Les taux de survie
ler les paramètres fœtaux, de ne pas administrer de rapportés dans certaines études hospitalières sont
corticoïdes et de surseoir au transfert tout en parfois sensiblement différents, pouvant aller
acceptant le risque qu'une dégradation occasionne jusqu'à 82 % des naissances vivantes à 24 SA
une mort fœtale. Cette dernière attitude, retenue lorsqu'un choix prénatal de réanimation immé-
en général lorsqu'il est considéré qu'une attitude diate est fait.
active constituerait une forme d'obstination dérai- L'association entre l'âge gestationnel et la morbi-
sonnable, est parfois présentée sous le nom dité néonatale et à plus long terme est également
d’« abandon fœtal ». Enfin, autre choix possible, avérée. Ainsi, la nécessité d'effectuer une cure
celui de ne pas entreprendre immédiatement une chirurgicale du canal artériel, ou le risque de sur-
surveillance fœtale après le diagnostic d'un RCIU venue d'une dysplasie bronchopulmonaire se
précoce et d'attendre pour cela qu'un terme donné manifestant par la persistance d'une oxygéno­
soit atteint. Ce choix implique d'accepter la possi- dépendance à 36 semaines d'âge postmenstruel
bilité d'une mort fœtale dans l'intervalle. sont directement corrélés à l'âge gestationnel à la

159
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

naissance. La fréquence de la dysplasie broncho- peut toutefois se questionner sur l'impact du


pulmonaire dans EPICure est de 77 % des survi- RCIU dans ces situations de grande prématurité,
vants à 24 SA et près de 70 % à 25 SA. et notamment sur le rôle aggravant que pourrait
Outre la morbidité néonatale, la morbidité à avoir le RCIU.
moyen et long terme peut peser de façon extrê- Paradoxalement, certaines équipes comme celle
mement lourde sur les conditions de vie. Dans la de Torrance et al. ont publié des données en
cohorte EPIcure, à l'âge de 6 ans, la survie sans faveur d'une avance maturative pulmonaire en
handicap majeur ou modéré rapportée au nombre cas d'anomalies du Doppler ombilical. Les
de naissances vivantes est respectivement à 22, auteurs expliquent ces résultats par l'hypothèse
23, 24 et 25 SA de 0,7 %, 3 %, 9 % et 20 %. que le stress lié à l'insuffisance placentaire accé-
Rapportée au nombre d'admissions en réanima- lère la maturation pulmonaire. Ils retrouvent à
tion, elle est de 24 % à 25 SA. Les données du l'inverse qu'en cas de prééclampsie ou de syn-
suivi de la cohorte EPIPAGE à 5 ans, qui n'a inclus drome HELLP (hémolyse, cytolyse et thrombo-
que 60 enfants nés à 24 ou 25 SA et survivants à pénie) existe un stress oxydatif responsable du
5 ans, nous montre que 18 % des enfants nés entre relargage de radicaux libres et de protéines pro-
24 et 26 SA présentent une infirmité motrice inflammatoires susceptibles de contrebalancer
cérébrale. Ce taux dans EPICure, qui ne retient l'effet d'avance maturative par inactivation du
que les infirmités motrices cérébrales incapables surfactant. Toutefois, si cette avance maturative
de se mobiliser, est de 6 %. Les risques de séquelles existe réellement, elle n'a pas de traduction cli-
motrices, tout comme ceux de déficits cognitifs, nique puisqu'à l'inverse, dans plusieurs études, le
augmentent avec la diminution de l'âge gesta- poids de naissance inférieur au 10e percentile agit
tionnel. Les très grands prématurés (< 28 SA) ont comme un facteur de risque de morbidité et de
en moyenne des quotients de développement ou mortalité indépendant. À partir d'une cohorte
des quotients intellectuels (QI) de 4 à 10 points européenne d'enfants nés entre 24 et 31 SA, on
inférieurs à ceux des nouveau-nés à terme, soit observe ainsi que la mortalité est presque 4 fois
moins de 1 DS (déviation standard) de différence. plus importante pour les enfants dont le poids de
Dans la cohorte EPIPAGE, plus de la moitié de ces naissance était inférieur au 10e percentile compa-
enfants (57 %) ont un score cognitif (test K-ABC) rée aux enfants situés entre les 50e et 74e percen-
inférieur à –1 DS. Bien que cette différence ne soit tiles (odds ratio [OR] ajusté : 3,98 ; intervalle de
pas majeure, une valeur moyenne basse du QI à confiance [IC] 95 % : 2,79–5,67).
l'âge de 5 ans signifie que les très grands prématu- Compte tenu de l'impact fort de l'âge gestationnel
rés ont plus souvent que les enfants à terme un sur le pronostic, l'expectative en cas de dysfonc-
retard mental. Par ailleurs, en dépit d'un QI s'ins- tion placentaire semble donc jusqu'à un certain
crivant dans la zone de valeurs considérée comme point souhaitable. Pourtant, la dysfonction pla-
normale, beaucoup de très grands prématurés pré- centaire responsable du RCIU est susceptible
sentent des déficits à l'origine de difficultés sco- d'entraîner in utero des altérations métaboliques
laires, puis d'intégration sociale. Ces déficits sont elles-mêmes susceptibles d'altérer le pronostic
le plus souvent décelés à l'âge scolaire. fœtal, et ainsi de faire courir un risque de mort in
Ce facteur de l'âge gestationnel, également pré- utero, de provoquer un excès de morbidité néona-
sent en cas de RCIU puisque la survie augmente tale et de séquelles neurodéveloppementales.
de 2 % pour chaque jour de gestation gagné entre L'extraction fœtale, même si elle fait courir les
24 et 27 semaines, est donc de toute première risques iatrogènes d'une prématurité parfois
importance et est très intimement lié à l'autre fac- importante, est donc dans le même temps suscep-
teur déterminant, le poids de naissance, que l'on tible de soustraire le fœtus à ces perturbations
approche en anténatal par une estimation écho- délétères. C'est donc ici la balance entre les béné-
graphique. Connaissant l'association entre poids fices et les risques d'une extraction fœtale à un
de naissance et âge gestationnel, il n'est pas éton- moment donné qui constitue le centre de la pro-
nant de retrouver une association entre poids de blématique décisionnelle. Comme l'a montré l'es-
naissance et morbidité, comme cela a été rapporté sai GRIT (Growth Restriction Intervention Trial),
dans les deux cohortes EPIPAGE et EPICure. On cette balance est particulièrement importante

160
Chapitre 18. Décisions aux limites de la viabilité en cas de retard de croissance intra-utérin

avant le terme de 33 SA. En plus de l'âge gestation- permettant d'étudier la réponse cardiovasculaire
nel et du poids estimé échographiquement, il est fœtale à la dysfonction placentaire comme les
donc important de pouvoir se reposer sur d'autres Doppler ombilicaux artériels, cérébraux et le duc-
éléments afin de nous aider à identifier le moment tus venosus.
où une extraction ne peut plus être différée sous Le problème de toutes les études menées avant
peine d'une MFIU ou d'un retentissement 27 semaines est celui de l'impact en termes de
neurodéveloppemental. morbidité et de mortalité du facteur prématurité.
Parce qu'il existe une association entre la dégra- Celui-ci est tel qu'il empêche de dégager le rôle
dation de l'hémodynamique fœtale en rapport et pronostique des différents indicateurs dont l'inté-
un risque accru de séquelles neurologiques, deux rêt ressort, en revanche, clairement après ce terme.
essais ont été entrepris dans le but de rechercher Il apparaît, en effet, après 27 semaines, chez les
les éléments de surveillance clinique qui pour- fœtus avec un RCIU et une diastole ombilicale
raient nous aider à trouver le moment où la nulle, que le rapport flux ombilical/flux cérébral
balance bénéfice/risque de l'extraction serait la est un bon critère pour prédire la mortalité et la
plus favorable. Il s'agit, pour le premier essai, du morbidité sévère. Toutefois, l'utilisation du
GRIT déjà mentionné plus haut, où, en cas de Doppler ombilical seul ou couplé au Doppler de
doute du clinicien sur l'intérêt d'une extraction l'artère cérébrale moyenne conduisant souvent à
immédiate, la randomisation orientait la patiente des extractions qui auraient certainement pu être
incluse vers le groupe extraction immédiate ou a différées de quelques jours, c'est vers le ductus
contrario expectative. Si le délai moyen entre les venosus que les équipes qui prennent en charge ces
deux groupes n'était que de 4 jours, les résultats à RCIU se sont tournées. On a pu montrer que les
2 ans de vie montraient néanmoins davantage anomalies du Doppler du ductus venosus étaient
d'infirmités cérébrales avant 31 SA dans le groupe également un bon critère pour prédire une sur-
« extraction immédiate ». L'extraction fœtale en morbidité néonatale, pouvant, à ce titre, constituer
l'absence de signes évidents d'extraction n'a donc un critère d'extraction. De plus, contrairement aux
pas la vertu neuroprotectrice qu'on pouvait espé- autres paramètres Doppler qui peuvent s'altérer
rer et, inversement, elle est susceptible de générer précocement, le ductus venosus présente cet inté-
une morbidité liée aux quelques jours de vie in rêt qu'il s'altère à un stade plus avancé, et qu'en
utero perdus, même si l'évaluation à plus long dépit d'anomalies au niveau ombilical, sa norma-
terme des enfants de cet essai n'a plus retrouvé de lité pourrait permettre de différer une extraction
différence. Ces résultats amènent également à se fœtale.
demander si les lésions cérébrales ne sont pas déjà
constituées au moment où nous nous posons la
question de l'extraction. Positionnement parental
Le second essai est une autre étude multicen- et information
trique européenne qui se propose d'évaluer le
moment optimal de l'extraction fœtale à partir de En dehors des paramètres de surveillance fœtale
seuils définis d'anomalies du RCF et du ductus qui permettent d'appuyer nos décisions afin de
venosus. Pour cette étude appelée TRUFFLE trouver le meilleur compromis entre la très grande
(Trial of Umbilical and Fetal Flow in Europe), les prématurité, assortie de sa morbimortalité très
inclusions viennent seulement de s'achever et les lourde, et les risques de mort fœtale ou de séquelles
résultats ne sont pas encore disponibles. Outre neurodéveloppementales, un certain nombre d'élé-
cet essai, les auteurs d'un certain nombre de tra- ments doivent être pris en compte. Parce qu'en
vaux récents se sont intéressés à cette question et dépit des progrès réalisés dans le domaine de la
ont évalué la capacité de différents paramètres de surveillance fœtale ou de la réanimation néonatale,
surveillance fœtale à nous aider à prendre des les risques aux termes extrêmes dont il est question
décisions, celle notamment de différer une restent très importants, la décision anténatale ne se
extraction fœtale afin de gagner sur la morbidité réduit pas au choix du moment optimal pour effec-
en lien avec la prématurité. Parmi ces paramètres tuer une extraction fœtale, et se doit de considérer
figurent la variabilité à court terme et les éléments les options évoquées plus haut. Il faut décider si les

161
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

risques qui planent sur le fœtus puis le nouveau-né scientifique pour décider de la stratégie de soin à
ne nous mènent pas, par nos interventions, vers proposer dans une situation de RCIU très précoce.
une obstination déraisonnable. La décision ne peut être purement technique,
Plaçant notre propos dans le contexte de ces purement médicale. Ce d'autant plus que les caté-
termes où peuvent commencer à s'envisager des gories conceptuelles que nous utilisons pour
réanimations lourdes, mais où des séquelles irré- structurer notre raisonnement médical, comme
versibles peuvent aussi remplacer la mort, la défi- celle du seuil de viabilité ou celle du RCIU, sont
nition du raisonnable est loin d'être univoque, et loin d'être sans faille.
les obstétriciens ne peuvent en être les seuls inter- À propos du seuil de viabilité, rappelons qu'il
prètes. La collaboration obstétricopédiatrique répond à une définition changeante dans le temps,
est, à ce titre, fondamentale ; elle l'est également qui avance avec les progrès de la médecine néo­
en ce qu'elle permet de garantir une cohérence natale et qu’il est susceptible de reculer quelques
entre les périodes anté- et postnatale. Toutefois, années plus tard avec les résultats à distance de
cette intersubjectivité née de l'interdisciplinarité l'application de ces techniques. La définition de ce
n'est pas suffisante et seuls les parents, par leur seuil est également changeante dans l'espace, d'un
positionnement et par la perception qu'ils ont des pays à l'autre, mais aussi d'une maternité ou d'un
risques, sont en mesure de nous orienter vers ce service de soins intensifs à un autre, et même par-
qu'ils perçoivent comme raisonnable et de nous fois d'un praticien à un autre, comme le montrent
indiquer ce qui, à leurs yeux, constitue la fron- des travaux sur la diversité des pratiques euro-
tière de l'irraisonnable. D'où l'importance de péennes. Si ce seuil existe, il désigne le terme à
l'information, autre objet majeur de cette colla- partir duquel un fœtus peut naître et vivre, sans
boration obstétricopédiatrique précédemment préjuger des moyens mis en œuvre pour assurer sa
évoquée. survie, ni des conditions de sa vie future. Ce seuil,
Le couple doit être informé de la situation, mais s'il en est, consisterait ainsi en une limite hermé-
aussi des choix qui s'offrent à lui, de leurs consé- tique entre l'impossible et le possible. Il est évident
quences possibles et prévisibles. Cette informa- que la définition de la vie se trouve bien changée
tion est certes une obligation légale et, selon les par les techniques actuelles de réanimation, et que
termes de la loi, elle se doit d'être claire, loyale et la vie ne sous-entend plus une autonomie biolo-
appropriée, mais plus encore, elle doit être perçue gique et mécanique permanente. On peut donc
comme un soin à part entière. considérer comme viable un enfant nécessitant à
la naissance le recours à une assistance venti­
Notre propos n'est pas d'affirmer que l'avis des
latoire ou d'un autre type, à condition que celle-ci
parents doit être dans tous les cas le déterminant
soit temporaire.
absolu des décisions, mais il doit être pris en compte
et intégré aux paramètres du choix. Impliquer les La pratique et les résultats du suivi des grandes
parents ne signifie pas leur laisser la responsabilité cohortes de prématurés mentionnées précédem-
d'une telle décision, ce pour deux raisons évidentes. ment nous montrent le caractère poreux de cette
Tout d'abord, la passion parfois engendrée par une frontière, qui ne peut de plus être résumée à un
telle situation peut ne pas être propice à une déci- âge gestationnel ou à un poids de naissance. Ce
sion adaptée. La seconde raison est l'insupportable seuil fait, en outre, implicitement référence à la
sentiment de culpabilité qui menace un couple déci- capacité à vivre d'un nouveau-né, sans considérer
sionnaire dans un cas comme celui-ci, avec ses les conditions de vie futures de cet enfant. Or, la
conséquences sur chacun des conjoints et sur l'unité problématique de la grande prématurité et du
même du couple. RCIU sévère n'est pas tout entière dans l'incerti-
tude quant à la survie, mais aussi dans le risque du
handicap. De l'évocation de ces limites au concept
Conclusion de seuil de viabilité, on comprendra donc bien
l'importance d'intégrer d'autres critères que l'âge
Nous avons pu voir la nécessité de mobiliser des gestationnel et, parmi eux, le poids du fœtus et le
registres aussi divers que le positionnement paren- contexte dans lequel la naissance se produit. C'est
tal et les données pronostiques de la littérature ainsi que les Anglo-Saxons utilisent désormais

162
Chapitre 18. Décisions aux limites de la viabilité en cas de retard de croissance intra-utérin

davantage l'idée de « grey zone », idée reprise par confère à l'embryon un statut au sein de la famille
les Français dans un texte de réflexion sur les que n'avait auparavant que l'enfant après la nais-
dilemmes posés par la prématurité extrême. sance. Tout ceci concourt à l'élaboration idéale
La seconde catégorie conceptuelle qui mérite d'une image de l'enfant avant même qu'il n'ait une
d'être un peu bousculée, et qui l'est d'ailleurs par existence extra utero, à laquelle les parents s'at-
un certain nombre d'auteurs, est celle du RCIU. tachent. Les critères de cet idéal sont bien sûr dif-
Au même titre que n'importe quelle entité noso­ férents selon les parents et les individus qui
logique, il convient de rappeler le caractère arbi- composent les couples, et l'idéal d'une personne
traire et réducteur qu'il peut y avoir à regrouper peut être bien éloigné de celui d'une autre. Malgré
sous des appellations des situations plus spéci- cette diversité, il existe des critères propres à une
fiques et complexes que ce qu'un terme unique est société qui seront partagés par une majorité d'in-
en mesure de désigner. La médecine occidentale dividus au sein d'un groupe. La crainte du handi-
s'est construite sur cette croyance en l'existence cap, lorsque les possibilités de prise en charge
d'entités appelées « maladies », qui, comme le sou- solidaire offertes sont très largement insuffi-
ligne François Dagognet, « transforment une réa- santes, est un exemple de ces critères. La société
lité brouillée, bariolée et touffue en un tableau change et ses valeurs aussi. Le médecin, à qui
explicatif de toute symptomatologie ». S'il faut revient la lourde charge de prendre des décisions,
reconnaître le caractère très opératoire de la noso- se doit également de prendre en compte les
logie qui permet aux soignants de communiquer, normes sociales en vigueur.
d'enseigner, de faire progresser les savoirs, il est
nécessaire, pour l'utiliser au mieux, de mesurer Références
les limites de nos outils. Concernant le RCIU, c'est A randomised trial of timed delivery for the compromised
précisément parce que les limites de cette entité preterm fetus : short term outcomes and Bayesian
entravent les progrès dans ce domaine que cer- interpretation. BJOG 2003 ; 110 (1) : 27–32.
tains proposent, avec des approches plus indivi- Azria E, Bétrémieux P, Caeymaex L, Debillon T, Fournié A,
duelles, d'en redessiner les contours. Huillery ML, et al. [Information in perinatal medi-
Après ce détour critique vers des outils concep- cine : ethical aspects]. Gynécol Obstét Fertil 2008 ; 36
(4) : 476–83.
tuels qui nous sont indispensables, évoquons pour
Barker DJ. Fetal growth and adult disease. Br J Obstet
terminer d'autres éléments non moins indispen-
Gynaecol 1992 ; 99 (4) : 275–6.
sables à toute réflexion devant conduire à une
Baschat AA. Neurodevelopment following fetal growth
décision relative à autrui dans un état de droit. Il restriction and its relationship with antepartum
s'agit d'éléments d'ordre juridique, déontologique, parameters of placental dysfunction. Ultrasound
éthique, institutionnel et sociologique. Le cadre Obstet Gynecol 2011 ; 37 (5) : 501–14.
juridique que nul n'est censé ignorer fait figure Baschat AA, Cosmi E, Bilardo CM, Wolf H, Berg C,
d'impératif catégorique. Nos références législa- Rigano S, et al. Predictors of neonatal outcome in
tives seront aussi bien la législation sur l'IMG que early-onset placental dysfunction. Obstet Gynecol
la loi relative aux droits des malades et à la fin de 2007 ; 109 (2Pt 1) : 253–61.
vie, dite loi Leonetti (22 avril 2005), ou celle, dite Baschat AA, Gembruch U, Harman CR. The sequence of
loi Kouchner (4 mars 2002), relative aux droits des changes in Doppler and biophysical parameters as
severe fetal growth restriction worsens. Ultrasound
malades et à la qualité du système de santé. Obstet Gynecol 2001 ; 18 (6) : 571–7.
Outre ce cadre juridique, il existe un autre impé- Baschat AA, Gembruch U, Reiss I, Gortner L, Weiner CP,
ratif, celui du questionnement éthique. Enfin, le Harman CR. Relationship between arterial and
contexte sociologique ne peut être méconnu. venous Doppler and perinatal outcome in fetal
L'investissement des parents n'est plus aujourd'hui growth restriction. Ultrasound Obstet Gynecol
le même que ce qu'il a été. L'enfant fait l'objet d'un 2000 ; 16 (5) : 407–13.
désir accru, et sa naissance est souvent planifiée. Baschat AA, Odibo AO. Timing of delivery in fetal growth
restriction and childhood development : some uncer-
C'est là une conséquence, mais aussi un facteur
tainties remain. Am J Obstet Gynecol 2011 ; 204 (1) :
déterminant de deux évolutions importantes : la 2–3.
maîtrise de la fécondité et la baisse de la mortalité Baschat AA, Weiner CP. Umbilical artery doppler screening
infantile. De plus, l'échographie anténatale for detection of the small fetus in need of antepartum

163
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

surveillance. Am J Obstet Gynecol 2000 ; 182 (1Pt 1) : Larroque B, Bréart G, Kaminski M, Dehan M, André M,
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164
Modalités de prise Chapitre 19
en charge du corps
en cas de décès périnatal
Michèle Goussot-Souchet

Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) va


parfois conduire à une perte fœtale ou néona-
Prise en charge médicale
tale précoce. Que cet arrêt de vie soit spontané du corps
ou médicalement induit, certaines questions
émergent. Elles sont tant médicales qu'affec- En salle de naissance
tives et administratives, touchant la sphère pri-
vée mais aussi la société. Elle est identique pour chaque cas de décès périna-
En ce qui concerne les questions médicales, l'éta- tal. Dans un premier temps, la sage-femme ou le
blissement du diagnostic, la recherche étiolo- médecin va procéder à un examen clinique rigou-
gique, le suivi de la grossesse sont bien ancrés reux, à la pesée, la mesure de la taille et du périmètre
dans la pratique médicale des équipes obstétri- crânien et le cas échéant à d'éventuels prélèvements
cales. En revanche, la prise en charge du corps et pour diagnostic. La pesée du placenta est indispen-
les modalités administratives afférentes sont par- sable, ainsi que son examen et la recherche d'une
fois méconnues des intervenants. Cela porte pré- insertion vélamenteuse du cordon ombilical.
judice aux parents et majore la souffrance induite Parfois, la présence d'un pédiatre ou d'un généticien
par la perte de l'enfant. pourra être sollicitée quand une dysmorphie est évo-
La question du devenir des fœtus morts dans quée et que l'enfant doit être examiné avant la thana-
notre société a été soulevée avec une certaine tomorphose (modifications du corps liées à la mort).
agitation médiatique lors du débat qui a fait suite La sage-femme proposera aux parents de voir leur
à la découverte de corps fœtaux dans des mater- enfant, après nettoyage et habillage. Ils auront pu
nités françaises en 2005 : des corps stockés qui apporter un lange, un vêtement, un objet d'ac-
n'avaient pas donné lieu à des rituels ni à une compagnement. Il leur sera proposé de réaliser
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

gestion commune avec les parents. Ce débat en bracelets d'identité, photos, empreintes des mains
2005 a révélé à la société une procédure datant de et des pieds comme traces mémorielles. Il s'agit de
1993 selon laquelle la ritualisation du deuil photographies réalisées en dehors du contexte
Le retard de croissance intra-utérin

concernant le corps d'un fœtus mort n'était pos- d'autopsie, elles seront prises avec soin dans le but
sible qu'au-delà des seuils de viabilité théorique d'être données aux parents s'ils les souhaitent.
proposés par l'Organisation mondiale de la santé Le corps sera identifié avec deux bracelets sur les-
(OMS). quels seront indiqués le nom de la mère et la date
En France, depuis 2008, des décisions de justice de naissance. Il sera conservé à 4 °C en attendant
(jurisprudence) et les textes de lois qui y ont fait l'acheminement à la chambre mortuaire dans les
suite régissent la prise en charge du corps. meilleurs délais.

165
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

Autopsie ou examen Cette définition juridique doit être le fil conduc-


fœtopathologique teur des équipes lors de l'information des parents.
Afin de pouvoir organiser au mieux les démarches,
Dans le cas où l'étiologie du RCIU n'est pas retrou- les questions à se poser sont : est-il mort in utero
vée, l'examen du corps est conseillé afin de poser ou après la naissance ? et à quel terme ?
un diagnostic. C'est en amont de l'accouchement
que la proposition d'autopsie ou d'un examen fœto-
pathologique sera réalisée. Après information
L'enfant doit être né
claire, loyale et adaptée, les parents prendront leur Ainsi, tant qu'il n'est pas sorti du ventre de sa mère,
décision ; cet examen ne peut leur être imposé. En le fœtus est assimilable à un bien meuble corporel,
aucun cas l'acceptation par le Centre pluridiscipli- personne potentielle, il n'est pas sujet de droit.
naire de diagnostic prénatal (CPDPN) ne peut être Toutefois, une personnalité juridique peut être
subordonnée à la réalisation d'un examen fœtopa- attribuée rétroactivement, alors que l'enfant est
thologique. Pour pratiquer l'examen, le médecin encore dans le ventre de sa mère. Est utilisé l'adage
spécialisé en fœtopathologie doit détenir le consen- latin « Infans conceptus pro jam nato habetur quo-
tement de la mère si le fœtus est né sans vie, des ties de commodis ejus agitur », que l'on traduit par :
deux parents si l'enfant est né vivant puis décédé et « L'enfant conçu est tenu pour né dès lors qu'il y va
que l’autorité parentale est partagée. de son intérêt. » Cela permet de régler des litiges en
Si les parents souhaitent rencontrer leur enfant, la matière de succession, d'assurance vie.
présentation en salle de naissance est privilégiée,
car le fœtus est de très petit volume, la restaura-
tion tégumentaire est très difficile, rendant le L'enfant doit être viable
corps difficilement présentable aux parents après L'article 79-1 du code civil ne définit pas la
l'autopsie et de plus très allégé du fait de soustrac- notion de viabilité. Cette notion est précisée par
tion d'organes, en particulier le cerveau. une circulaire interministérielle du 22 juillet
Il est indispensable que le médecin qui examinera le 1993 recommandant aux cliniciens de s'appuyer
corps soit en possession des éléments de dossier tels sur les seuils préconisés par l'OMS. Tout enfant
qu'échographies et caryotype. Le guide de bonnes peut être considéré comme viable s'il naît à un
pratiques insiste sur la réalisation rapide des radio- terme supérieur ou égal à 22 semaines d'aménor-
graphies et de l'examen anatomique. La transmis- rhée (SA) ou s'il est d'un poids supérieur ou égal
sion des résultats aux parents et la synthèse pourront à 500 g. Ces critères de viabilité sont indépen-
être faites en consultation post­natale, en général dants, ce qui est important pour les parents en
6 à 8 semaines après l'accouchement compte tenu cas de RCIU. Par exemple, lors d'une naissance à
des délais d'examen d'un cerveau fœtal après fixa- 26 SA d'un enfant pesant moins de 500 g, le cri-
tion. Le placenta sera adressé en fœtopathologie à tère à prendre en compte est le terme.
l'état frais pour examen anatomopathologique. Le
consentement des parents est donné pour les prélè-
vements à visée diagnostique mais un consente-
L'enfant doit être vivant
ment spécifique, après information, est requis si
des prélèvements à but scientifique doivent être État civil
réalisés.
Enfant possédant le statut
Personnalité juridique de « personnalité juridique »
(né après 22 SA et/ou pesant
La conduite à tenir légale de la prise en charge du plus de 500 g puis décédé)
corps et des modalités afférentes est dictée par l'ob-
tention ou non de la personnalité juridique (figure La déclaration à l'état civil est obligatoire. La sage-
19.1). Toute personne physique acquiert ce statut femme ou l'obstétricien rédige un certificat de
qui lui confère des droits et des devoirs du fait naissance (figure 19.1) et un médecin rédige un
d'être née, née vivante et née viable. certificat de décès. L'inscription est faite tant sur

166
dans le dossier CERTIFICAT M

selon le tableau suivant

SITUATIONS OUVRANT LA POSSIBILITE

volontaire de grossesse (IVG)

|_____________________________________________________| Date de naissance |__|__|__|__|__|__|__|__|


|__|__|__|__|__|__|__|__| Heure |__|__|_____mn
Lieu | _____________________________________________________ | Autre | ____________________________________ |
Adresse |____________________________________________________________________________________________________________|
Commune |________________________________________________________| Code postal |__|__|__|__|__|
|_______________________________________________________________________________________________________|

.. ..........................................................................................................

de civil)

____________________________________________ | Nom | ___________________________________________________ |

Sage-femme

CERTIFIE QUE :

____________________________________________ | Nom de famille | _________________________________________________________ |

___________________________________________________________ |

|__|__|__|__|__|__|__|__| |__|__|h_____mn

|_______________________________________________________________________________ | Code postal |__|__|__|__|__|

_________________________________________________________________________________ | le, |__|__|__|__|__|__|__|__|

Signature et cachet du praticien

Figure 19.1. Formulaire de certificat médical d'accouchement.

167
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

le registre « naissances » que sur le registre « décès » le livret de famille. Il est prudent de signifier aux
de l'état civil. Les parents obtiendront un acte de parents que seule la partie décès est remplie sur le
naissance et un acte de décès pour leur enfant. livret de famille pour la naissance d'un enfant
L'enfant a une filiation, un nom de famille et ses mort-né. L'enfant n'a pas de filiation et ne porte
parents sont dans l'obligation de le prénommer. Il pas de nom.
sera inscrit sur le livret de famille (parties nais- La sage-femme ou l'obstétricien remplira le certi-
sance et décès). Les rites funéraires, inhumation ficat médical d'accouchement (figure 19.1) en vue
ou crémation, sont obligatoires et organisés par d'une demande d'établissement d'un acte d'enfant
les parents après démarches auprès d'un conseiller sans vie selon le décret no 2008-200 du 20 août
funéraire (pompes funèbres). Dans le cas où le 2008 pris en application de l'article 79-1 alinéa 2
décès survient avant l'inscription à l'état civil, il du code civil. Ce certificat comporte deux parties.
peut être consigné la naissance et le décès sur le La partie supérieure sera conservée dans le dos-
même certificat médical. En application du code sier médical. Elle distingue deux situations. Dans
civil, article 79-1 créé par la loi no 93-22 du 8 jan- celle ouvrant droit à l'établissement d'un acte
vier 1993, « lorsqu'un enfant est décédé avant que d'enfant sans vie, quand le clinicien atteste d'un
sa naissance ait été déclarée à l'état civil, l'officier accouchement spontané ou d'une interruption
de l'état civil établit un acte de naissance et un médicale de grossesse (en opposition à une fausse
acte de décès sur production d'un certificat médi- couche précoce ou à une interruption volontaire
cal indiquant que l'enfant est né vivant et viable et de grossesse), il est noté le prénom, le nom, la date
précisant les jour et heure de sa naissance et de de naissance de la parturiente, le lieu d'accouche-
son décès ». ment, la date et l'heure de l'acte ainsi que le nom et
la qualité du praticien.
Fœtus né sans vie à un terme Dans la partie inférieure du certificat le praticien,
supérieur ou égal à 22 SA docteur en médecine ou sage-femme, certifie que
et/ou pesant plus de 500 g la parturiente a accouché d'un enfant mort-né ou
non viable. Sont consignés l'identité de la patiente,
La mise au point de la conduite à tenir figure la date, l'heure ainsi que le lieu d'accouchement. Ce
dans la circulaire DGCL/DACS/DHOS/DGS/ certificat pourra être utilisé pour demander une
DGS no 2009-182 du 19 juin 2009 relative à l'enre- inscription à l'état civil. L'acte d'enfant sans vie est
gistrement à l'état civil des enfants décédés avant certes délivré par le bureau de l'état civil, mais n'est
la déclaration de naissance et de ceux pouvant pas à proprement parler un acte d'état civil, car il
donner lieu à un acte d'enfant sans vie, à la déli- n'est pas créateur de droits. Pour un couple non
vrance du livret de famille, à la prise en charge des marié et dont c'est le premier enfant, l'arrêté du
corps des enfants décédés, des enfants sans vie et 20 août 2008 permet la délivrance d'un livret de
des fœtus. La présente circulaire a pour objet l'en- famille : « Un livret de famille est remis, à leur
registrement à l'état civil, le devenir des corps des demande, aux parents qui en sont dépourvus par
enfants soit décédés avant la déclaration de nais- l'officier de l'état civil qui a établi l'acte d'enfant
sance, soit pouvant être déclarés sans vie. Elle sans vie. Il comporte un extrait d'acte de naissance
propose des recommandations pour l'accompa- du ou des parents ainsi que l'indication d'enfant
gnement du deuil des familles dans son annexe I sans vie, la date et le lieu de l'accouchement. »
et décrit, à des fins épidémiologiques, les modali-
tés de recueil d'informations d'activités médi- Fœtus né vivant avant 22 SA et de
cales relatives aux mort-nés dans son annexe II.
moins de 500 g (donc « non viable »)
L'inscription à l'état civil est facultative ; la mère
doit en faire la demande sans limite dans le temps. L'inscription à l'état civil est facultative. Si la famille
De même, le certificat peut être rédigé à distance la demande, l'enfant figurera uniquement dans le
par le clinicien disposant des éléments cliniques registre « décès ». Il est considéré comme décédé
permettant d'affirmer l'existence de l'accouche- uniquement, non comme né vivant ; il sera délivré
ment. Les parents ont le choix de prénommer ou un acte d'enfant né sans vie. Les parents ont le
non l'enfant, de faire inscrire ou non l'enfant sur choix de prénommer ou non l'enfant, de le

168
Chapitre 19. Modalités de prise en charge du corps en cas de décès périnatal

mentionner ou non sur le livret de famille. Il est d'un corps formé – y compris congénitalement
prudent de leur signifier que seule la partie décès malformé – et sexué, quand bien même le proces-
est remplie sur le livret de famille pour la naissance sus de maturation demeure inachevé et à l'exclusion
d'un enfant mort-né. Pour les parents non mariés, des masses tissulaires sans aspect morphologique »,
dont c'est le premier enfant, l'arrêté du 20 août 2008 précise la circulaire de 2009.
modifie les textes de juin 2006 et permet la déli-
vrance d'un livret de famille : « À la demande des
parents qui en sont dépourvus, à l'occasion de l'éta- Prise en charge concrète
blissement d'un acte d'enfant sans vie. »
du corps : les rites funéraires
En France, deux modes de sépulture sont autori-
Fœtus né sans vie avant 22 SA sés : l'inhumation et la crémation.
et de moins de 500 g (donc « non
viable ») Inhumation
Les nouveaux textes juridiques émanent de la
L'inhumation est plus proche de nos traditions
situation de ces très jeunes fœtus. Auparavant en
culturelles. Le choix du cimetière est commandé
deçà de la limite théorique de viabilité, les fœtus
par le droit. Seule peut être inhumée dans le cime-
étaient considérés comme des « déchets anato-
tière d'une commune : une personne qui y est
miques ». La présence concrète du fœtus mort
domiciliée (domicile des parents dans le cas de la
doit aujourd'hui être prise en compte, puisque sa
mort périnatale), une personne qui y est décédée,
mort représente une réelle perte pour les parents
ou une personne ayant droit à sépulture car pos-
qui l'ont vu à l'échographie. Dès lors est possible,
sédant une sépulture familiale. Lorsqu'il n'y a pas
pour ceux qui le souhaitent et sans l'imposer à
de sépulture existante, différentes possibilités
tous, une reconnaissance de ce deuil par l'entou-
sont envisageables : soit fonder une sépulture clas-
rage et une forme de ritualisation autour des
sique (qui pourra devenir la sépulture de famille),
corps. Comme le souligne Axel Honneth dans ses
soit, dans certaines communes, telle Paris, acqué-
travaux sur la reconnaissance, celle-ci doit savoir
rir un terrain de 1 m2, adapté à la taille de l'enfant.
intégrer trois valeurs essentielles : l'amour, le res-
Les parents peuvent opter pour le terrain com-
pect des droits (au sens de règles collectives) et le
mun, c'est-à-dire une sépulture gratuite pour une
respect de la dignité. On peut considérer que c'est
durée de 5 ans non renouvelable, disponible dans
ce qui est en jeu dans le cadre du questionnement
toutes les communes. Cependant, lorsque la
sur le devenir des fœtus morts. Il convient néan-
famille ne passe pas par un lieu de culte, ce qui est
moins de souligner ici que d'autres couples, en
habituel pour un enfant né sans vie, il n'est pas
pareille situation, n'accordent pas les mêmes
aisé de trouver un espace adapté à la cérémonie. Il
symboliques au fœtus ou ne souhaitent pas entrer
faut se renseigner auprès de la chambre mortuaire
dans cette logique de la reconnaissance, qu'elle
de l'hôpital, du crématorium ou du funérarium.
soit collective avec rite funéraire ou individuelle,
Pour les personnes ayant droit à sépulture à Paris,
tel par exemple l'habillage du corps fœtal, qui
ces emplacements sont situés dans le Jardin des
personnifie le fœtus comme l'enfant qu'il aurait
lumières du cimetière parisien de Thiais (94).
dû être. C'est pourquoi il conviendra de ne pas
Pour les Parisiens, une brochure est réalisée par le
imposer une même démarche à tous et de ne pas
cimetière du Père-Lachaise afin d'informer les
stigmatiser les choix. Le législateur a reconnu ce
familles.
besoin de reconnaissance symbolique, et a rendu
facultative la délivrance d'un acte d'enfant né sans Lors des démarches auprès du conseiller funéraire,
vie. Il laisse au clinicien qui prend en charge la il est préférable que les parents endeuillés soient
patiente le soin d'entendre la demande de recon- accompagnés par un membre de la famille ou un
naissance et de rédiger le certificat médical d'ac- ami, moins investi affectivement. Le coût des
couchement. La réalité d'un accouchement relève obsèques est fonction des prestations choisies par
de l'appréciation médicale des praticiens, sage- les parents et même s'il est moindre que pour un
femme ou obstétricien. Cela « implique le recueil adulte, il nécessite parfois la demande de plusieurs

169
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

devis et une réflexion quant au type de cérémonie confidentiellement sous la seule responsabilité de
et au mode de sépulture : crémation, inhumation l'hôpital et des services funéraires. Une traçabilité
dans un caveau de famille, lieu des obsèques. rigoureuse est assurée. Les informations sont trans-
La mutuelle pour certains et parfois la mairie de la mises en fin de processus à la chambre mortuaire de
commune peuvent aider les familles pour tout ou l'établissement concerné et les parents peuvent être
partie des frais d'inhumation, le clinicien ou l'as- informés du jour de la crémation. Pour des raisons
sistant social orientera les parents vers le Centre évidentes de secret médical, ces crémations sont
communal d'action sociale auprès desquels ils anonymes. Seul l'hôpital est détenteur de toutes les
devront justifier de leurs ressources à l'aide de informations ; le crématorium n'a aucun renseigne-
leur déclaration de revenus. ment nominatif à sa disposition.

Crémation Rapatriement du corps


Le terme « incinération » doit être réservé aux Pour les parents qui le souhaitent, un rapatrie-
déchets anatomiques, dans un souci éthique. ment à l'étranger est possible. Il sera rédigé un
François Michaud-Nérard, du crématorium du certificat médical d'accouchement en vue d'une
Père-Lachaise, préconise que les fœtus même à un déclaration à l'état civil, il sera obtenu une autori-
terme précoce relèvent du terme de « crémation ». sation de fermeture de cercueil, le médecin devra
La famille peut indiquer à l'entreprise de pompes de plus rédiger un certificat de non-contagion.
funèbres le crématorium dans lequel elle souhaite
se rendre. Il faut préciser aux parents qu'il n'y aura
pas de cendres, car la crémation d'un enfant de Droits sociaux
moins de 1 an ne permet pas de récupérer de
cendres du fait de la faible minéralisation osseuse. Sécurité sociale
Certains crématoriums proposent un médaillon
symbolique aux familles. Il peut, dans la créma- Congé de maternité
tion individuelle, être posé près du cercueil. L'indemnisation du congé de maternité est un
droit même lorsque l'enfant n'est pas né vivant.
Corps confié à l'établissement Les prestations sont dues si le seuil de gestation a
atteint 22 SA et que la grossesse a été déclarée à
de soins l'aide du formulaire Cerfa no 10112*04 (« Premier
La prise en charge des éléments identifiables du examen médical prénatal »). Il contient la date
corps humain est obligatoire. Dans le cas d'un présumée de grossesse, ce qui permet de calculer
enfant né vivant puis décédé, ce sont les parents qui si le terme de viabilité est atteint.
doivent organiser des obsèques. Celles-ci sont facul- La parution des décrets du 20 août 2008 a provo-
tatives quand l'enfant est né sans vie. Si les parents qué quelques confusions dans l'attribution du
choisissent cette procédure, une déclaration à l'état congé de maternité, mais la circulaire de la
civil est obligatoire afin d'obtenir une autorisation Sécurité sociale est toujours la référence en
de fermeture de cercueil. Quand les parents ne sou- vigueur. Le certificat d'accouchement nécessaire
haitent pas réaliser d'obsèques, on dit que « le corps pour la déclaration à l'état civil ne permet pas
est confié à l'établissement hospitalier », à charge l'attribution du congé de maternité, puisqu'il ne
financière pour celui-ci d'organiser la prise en précise pas le terme de l'accouchement et le poids
charge. Celle-ci est réalisée au bout de 10 jours après du bébé (22 SA et/ou plus de 500 g). Les parents
l'accouchement et varie selon les communes. À doivent produire un certificat d'accouchement
Paris, en ce qui concerne l'Assistance publique des d'un enfant né mort et viable.
hÔpitaux de Paris (APHP), il s'agit d'une crémation
collective en cercueil individuel au crématorium du
Père-Lachaise, qui peut être organisée mensuelle-
Congé de paternité
ment. Cette procédure interdit tout accompagne- Conformément à l'arrêté du 9 janvier 2008, les
ment par les parents. Les opérations se déroulent pères peuvent bénéficier du congé de paternité

170
Chapitre 19. Modalités de prise en charge du corps en cas de décès périnatal

pour tout enfant né après le délai légal de 22 SA. grossesse ayant démarré le 14 mars, la prime de
Ce congé dure de 11 à 18 jours calendaires et est naissance sera versée si l'accouchement d'un
cumulable avec le congé de naissance de 3 jours. Il enfant sans vie intervient après le 1er septembre
est ouvert à tout père salarié, ainsi que demandeur de la même année. Les parents doivent retirer un
d'emploi ou stagiaire en formation profession- dossier de demande de Paje auprès de leur caisse
nelle. Le père doit produire un acte d'enfant né d'allocations familiales.
sans vie et un certificat d'accouchement attestant
de la viabilité de l'enfant. Ce congé compassionnel Allocation de base
permettant d'entourer la mère endeuillée ne de la prestation d'accueil
nécessite pas la preuve de filiation, celle-ci n'exis-
tant pas pour un enfant né sans vie. du jeune enfant
En ce qui concerne l'allocation de base, l'article
Droits à la retraite L.531-1 du code de santé publique prévoit que « l'al-
location est attribuée à compter de la date de nais-
La production d'un acte d'enfant né sans vie ou sance du ou des enfants ». La finalité de cette
d'un justificatif d'accouchement délivré par les allocation est de « compenser le coût lié à l'entretien
cliniciens permet une majoration de la pension de de l'enfant » : pour en bénéficier, les parents doivent
retraite pour les assurés qui ont eu ou élevé au présenter les actes de naissance et de décès. En
moins trois enfants. Ces assurés ont également l'état du droit, la naissance est la condition ouvrant
droit à des trimestres de majoration de leur durée droit à cette prestation, or c'est sur le registre décès
d'assurance. Enfin, ils ont droit à des trimestres de l'état civil qu'est inscrit l'enfant né sans vie, donc
de bonification de leur durée de service au titre de l'allocation de base ne pourra être accordée dans ce
la naissance de l'enfant (art. 9 du décret no 2008- cas.
637 du 30 juin 2008).

Caisse d'allocations familiales Conclusion


La prime à la naissance et l'allocation de base de la
Pour accompagner au mieux les parents dans les
Prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) ne sont
moments douloureux autour du deuil périnatal, il
pas subordonnées à une condition de viabilité.
paraît indispensable d'établir une coordination
entre les différents intervenants afin d'éviter de déli-
Prime à la naissance vrer une information erronée et discordante aux
Les parents perçoivent la prime à la naissance « à parents. C'est par l'écoute, grâce à une grande dispo-
la condition que la future mère puisse justifier de nibilité, que se dessinera la place accordée à l'enfant
« la passation du premier examen prénatal médi- disparu. Ainsi le discours soignant s'adaptera-t-il
cal obligatoire » (article L.533-1 du code de la autour des termes « fœtus », « enfant », « bébé » utili-
Sécurité sociale) et cela « pour chaque enfant à sés par les parents.
naître, avant la naissance de l'enfant ». Ces condi- Une formation spécifique et évolutive sur le cadre
tions sont cumulatives : la femme doit avoir législatif et réglementaire en matière de mort
déclaré sa grossesse aux organismes sociaux et périnatale permettra de délivrer l'information
être toujours enceinte au moment de l'ouverture actualisée aux parents sur le parcours qu'ils
au droit à la prime de naissance, soit le premier devront suivre. Nous insisterons sur la nécessité
jour du mois civil qui suit le 5e mois de grossesse, de procédures formalisées dans les services de
que l'enfant ait fait l'objet d'une inscription à soins. Le certificat médical est un acte médical
l'état civil ou pas. Par exemple, pour une dans la continuité de la prise en charge.

171
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

Tableau 19.1. Droits juridiques et administratifs selon l'état de l'enfant à la naissance.


Enfant né vivant et Enfant né vivant Fœtus né sans vie Fœtus né sans vie
viable puis décédé et non viable terme ≥ 22 SA terme < 22 SA
puis décédé ou poids ≥ 500 g et Poids < 500 g
Personnalité juridique Oui Non Non Non
Acte de naissance Obligatoire Non Non Non
Acte de décès Oui Non Non Non
Acte d'enfant Sans objet Facultatif, avec Facultatif, avec Facultatif, avec
né sans vie mention « enfant né mention « enfant né mention « enfant
non viable décédé » sans vie » né sans vie »
Funérailles Obligatoires Facultatives Facultatives Facultatives
Filiation Oui Non Non Non
Déclaration Obligatoire Facultative Facultative Facultative
à l'état civil
Livret de famille Obligatoire Facultatif Facultatif Facultatif
Prénom Obligatoire Facultatif Facultatif Facultatif
Congé de maternité Oui : nombre de Non Oui si déclaration Non
semaines en fonction de grossesse faite et
du nombre d'enfants si enfant déclaré à
à la maison l'état civil
Congé de paternité Oui (11 jours pour Non Oui si déclaration Non
l'accouchement et de grossesse faite et
3 jours de congé de si enfant déclaré à
paternité) l'état civil
Prime à la naissance Oui Non Oui si grossesse Non
déclarée et mère
enceinte le premier
jour du mois civil
qui suit le 5e mois de
grossesse
Allocation de base Oui Non Non Non
de la Paje
Droits à la retraite Oui Non Oui si au moins trois Non
enfants

Références Code civil. Article 79-1 de la loi no 93-22 du 8 janvier 1993


modifiant le code civil relative à l'état civil, à la
famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge
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vrance du livret de famille, à la prise en charge des 15 mai 1974 relatif au livret de famille.
corps des enfants décédés, des enfants sans vie et des Décret du 20 août 2008 relatif à l'application du second
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172
Chapitre 19. Modalités de prise en charge du corps en cas de décès périnatal

Honneth A. La lutte pour la reconnaissance. In : Rusch P, Moutel G, Goussot-Souchet M, Plu I, Pierre M, Leclercq T,
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nale : 1992). Sciences 2010 ; 26 : 772–7.
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30 novembre 2001. cal perspective. Acta Paediatr 2010 ; 99 : 33–6.

173
Critères d'extraction Chapitre 20
en cas de retard
de croissance
intra-utérin isolé
Jacques Lepercq

Introduction pour ceux dont le poids de naissance dépassait le


90e percentile. Le recours à des courbes customi-
sées améliore la précision diagnostique et donc
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU), une
pronostique du RCIU.
fois diagnostiqué et défini comme isolé après
exclusion des autres causes, pose de difficiles pro-
blèmes de prise en charge selon l'âge gestationnel.
Le RCIU isolé est le plus souvent secondaire à une Surveillance prénatale
pathologie vasculaire placentaire et est associé à
une augmentation de la mortalité et de la morbi- L'objectif idéal de la surveillance prénatale d'un
dité périnatales, ainsi qu'à un risque accru de RCIU isolé serait une évaluation standardisée et
complications à plus long terme. Les différents adaptée à la gravité du statut fœtal permettant
moyens de surveillance fœtale permettent une d'indiquer la date d'extraction optimale pour dimi-
meilleure évaluation du RCIU, mais leur bénéfice nuer les complications périnatales. Une séquence
sur la santé périnatale n'est pas prouvé. Du fait de temporelle de dégradation hémodynamique
l'absence de traitement, l'extraction fœtale est la fœtale en différents sites artériels et veineux a été
seule option dont la décision dépendra indivi- décrite. Il existe une importante variabilité évolu-
duellement de la balance bénéfice/risque entre la tive de cette dégradation d'un fœtus à l'autre,
poursuite de la grossesse dans un milieu poten- essentiellement fonction de l'âge gestationnel de
tiellement défavorable et la prématurité induite. survenue et de la sévérité de la pathologie vascu-
La décision de poursuivre ou d'interrompre la laire placentaire, rendant impossible une recom-
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grossesse aux limites de la viabilité est traitée mandation univoque.


dans le chapitre 18. Le Doppler ombilical permettrait de distinguer
Le taux de survie des enfants prématurés varie en les fœtus constitutionnellement petits de ceux
Le retard de croissance intra-utérin

fonction du poids de naissance et du sexe. Une présentant un RCIU. Il existe une association
étude rétrospective a évalué la survie des enfants entre un flux diastolique nul ou inversé au niveau
nés entre 22 et 32 semaines d'aménorrhée (SA) de l'artère ombilicale et les complications périna-
dans la région de Trent, dans le Dorset, au tales. Le délai entre flux diastolique nul et appari-
Royaume-Uni, de 1994 à 1997 : parmi les fœtus tion d'anomalies du rythme cardiaque fœtal
vivants à l'entrée en travail à 27 SA, le taux de sur- (RCF) varie de 1 à 26 jours. La réalisation d'un
vie variait de 55 % pour les enfants dont le poids de Doppler ombilical a été comparée à l'absence de
naissance était inférieur au 10e percentile à 80 % Doppler ombilical en cas de RCIU dans une

175
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

méta-analyse de cinq essais randomisés (1292 pour anomalies du RCF (RR : 2,2 ; IC 95 % :
patientes). La mortalité périnatale était compa- 1,5– 3,4) et à des scores d'Apgar inférieurs à 7 à
rable dans les deux groupes (2,3 % contre 3,3 % ; 5 minutes (RR : 5,2 ; IC 95 % : 2,4–11,3). Cependant,
risque relatif [RR] : 0,72 ; intervalle de confiance une corrélation faible a été observée entre l'index
[IC] 95 % : 0,38–1,35). Dans cette même revue, amniotique et l'acidose néonatale dans la seule
l'utilisation du Doppler ombilical a été comparée étude ayant étudié ce paramètre.
au RCF dans six études (572 patientes). La morta- La fréquence de la surveillance fœtale a été éva-
lité périnatale était comparable dans les deux luée dans une analyse secondaire d'un essai théra-
groupes (0,3 % contre 1,7 % ; RR : 0,33 ; IC 95 % : peutique et a inclus 167 grossesses uniques entre
0,05–2,09). 24 et 36 SA dont le fœtus avait un périmètre abdo-
L'enregistrement du RCF avec analyse visuelle ou minal inférieur au 10e percentile et un index de
informatisée de la variabilité à court terme (VCT), résistance de l'artère ombilicale supérieur au
moins subjective, a été évalué dans une méta-ana- 95e percentile. Les examens réalisés étaient le pro-
lyse de six essais randomisés (2 105 femmes) dans fil biophysique, le RCF et les Doppler utérins,
un contexte assez général incluant le RCIU. ombilicaux et cérébraux avec une fréquence
L'enregistrement du RCF n'était pas associé à une bihebdomadaire dans un bras et bimensuelle dans
diminution de la mortalité périnatale (2,3 % l'autre. Aucune différence sur les complications
contre 1,1 % ; RR : 2,05 ; IC 95 % : 0,95–4,42). périnatales n'a été observée dans cette analyse
L'analyse informatisée comparée à l'analyse visuelle secondaire, mais l'absence de calcul d'effectif et le
du RCF était, elle, associée à une réduction de la manque de puissance ne permettaient pas de
mortalité périnatale (0,9 % contre 4,2 % ; RR : conclure sur la fréquence optimale de la surveil-
0,23 ; IC 95 % : 0,04–0,88), mais non à une dimi- lance en cas de RCIU.
nution des décès potentiellement évitables. Cette Du fait de la qualité des études, les résultats
méta-analyse manquait de puissance pour doivent être interprétés avec prudence. Notamment,
conclure sur cet effet. Aucune étude n'a comparé l'insuffisance placentaire doit être définie claire-
l'analyse informatisée du RCF à l'absence de RCF. ment et l'intérêt potentiel des différents examens
Bien que la VCT soit moins subjective et poten- complémentaires et du Doppler en d'autres sites
tiellement intéressante, son apport doit être (artère cérébrale moyenne, canal d'Arantius) doit
confirmé par d'autres études dans le contexte du être confirmé à différents âges gestationnels avant
RCIU. Le seuil d'action actuellement suggéré se d'être utilisable en pratique clinique. Des études
situe à 3 ms en cas de grande prématurité. Le de suivi à plus long terme des enfants doivent être
Groupe d'études européen sur l'essai interven- menées. En l'état actuel des connaissances,
tionnel en cas de RCIU (Growth Restriction aucune recommandation fondée sur un niveau de
Intervention Trial [GRIT]) a proposé les limites preuve suffisant ne peut être émise sur la fré-
suivantes : 2,6 ms à 28 SA, 3,0 ms à 30 SA et 3,7 ms quence des examens complémentaires et leur uti-
à 32 SA. lité pour indiquer l'extraction fœtale.
Le profil biophysique seul ou modifié (associé au
RCF) a été comparé à l'enregistrement du RCF
dans une méta-analyse de cinq essais randomisés Extraction fœtale
(2974 femmes). La réalisation du profil biophy-
sique n'était pas associée à une réduction de la Les critères du choix dépendent dans chaque cas
mortalité périnatale (RR : 1,33 ; IC 95 % : 0,60– des éléments suivants : existence d'une pathologie
2,98), et une augmentation du taux de césarienne maternelle, terme, estimation pondérale et vitalité
a été observée dans certaines études. fœtales, conditions obstétricales (localisation pla-
L'existence d'un oligoamnios a été corrélée à la centaire, cicatrice utérine, présentation), environ-
mortalité périnatale dans des études anciennes. nement pédiatrique, attitude obstétricale et
Dans une méta-analyse totalisant 10 551 femmes, information et consentement des parents.
un index amniotique inférieur ou égal à 5 cm Le Doppler ombilical est le premier examen
comparé à un index amniotique supérieur à 5 cm d'orientation. S'il est normal, une surveillance
a été associé à une augmentation des césariennes hebdomadaire ou bimensuelle est habituellement

176
Chapitre 20. Critères d'extraction en cas de retard de croissance intra-utérin isolé

proposée. S'il est altéré, et en fonction du terme, la extraction différée (13 % contre 5 %). Le score de
réalisation répétée de Doppler en d'autres sites développement mental de Griffith était compa-
artériels et veineux et d'enregistrements du RCF rable dans les deux bras. Le suivi à 6–13 ans de la
avec analyse visuelle ou informatisée est indiquée moitié des enfants de la cohorte originale n'a pas
avec une fréquence non définie actuellement et observé de différence du taux de séquelles neuro-
variable d'une équipe de périnatalité à l'autre. En logiques et des scores de développement psycho-
fonction du terme, l'indication d'extraction sera moteurs entre les deux bras. Bien que des biais de
posée individuellement, en concertation avec les sélection aient été invoqués, les résultats de cette
néonatologistes et, sauf urgence, après maturation étude unique ne soutiennent pas une extraction
pulmonaire fœtale avant 34 SA. immédiate dans ce contexte et atténuent l'hypo-
Nous proposons de distinguer les trois périodes sui- thèse du retentissement cérébral lié au maintien
vantes : avant 34 SA, entre 34–37 SA et après 37 SA. in utero en cas de RCIU.
L'utilisation du Doppler du canal d'Arantius per-
mettrait de sélectionner les fœtus à haut risque de
Avant 34 semaines d'aménorrhée complications périnatales et d'indiquer la date
d'extraction. L'étude multicentrique TRUFFLE
Le risque de retentissement cérébral associé à
(Trial of Umbilical and Fetal Flow in Europe) a
l'hypoxie est à mettre en balance avec les
pour objectif de comparer le Doppler du canal
séquelles neurologiques associées à la prématu-
d'Arantius à la VCT pour indiquer l'extraction
rité induite. L'étude d'intervention GRIT a été
fœtale en cas de RCIU entre 26 et 32 SA. Le critère
réalisée chez 547 femmes (587 enfants) dans 69
de jugement principal est la survie sans séquelles
centres répartis dans 13 pays européens de 1993
à 2 ans de vie. Les résultats de cette étude sont en
à 2001. Les critères d'éligibilité étaient un RCIU
attente.
ou une pré­éclampsie entre 24 et 36 SA et la réali-
sation d'un Doppler ombilical. La participation à
l'étude était proposée en cas d'incertitude de Entre 34 et 37 semaines
l'obstétricien quant à l'indication d'extraction.
d'aménorrhée
Après tirage au sort, soit l'extraction était immé-
diate, 48 heures après la corticothérapie, soit À ce terme, le risque de complications associées à
l'extraction était différée et décidée en cas d'ag- la prématurité induite est moindre. Nous ne dis-
gravation ou si l'obstétricien estimait que la posons que d'une cohorte prospective (459 gros-
balance bénéfice/risque était en faveur de ce sesses uniques compliquées d'hypertension
geste. Le flux diastolique ombilical était réduit, artérielle ou de RCIU) menée dans neuf centres
nul ou inversé chez 70 % des fœtus. Trente-huit répartis dans sept pays européens de 1991 à 1993.
grossesses gémellaires et une grossesse triple ont Les issues de grossesse étaient analysées selon le
été incluses. Les critères de jugement étaient la flux diastolique de l'artère ombilicale (positif :
mortalité périnatale et le développement de l'en- 214 ; nul : 178 ; inversé : 67). La mortalité péri­
fant à 2 ans. L'analyse a été effectuée en intention natale était multipliée par un facteur de 4,0 ou
de traiter. Le délai moyen entre l'inclusion et 10,6 en cas de flux diastolique nul ou inversé en
l'extraction était de 0,9 contre 4,9 jours entre les comparaison à un flux diastolique positif. Les
deux bras et la mortalité périnatale comparable risques de détresse respiratoire et d'entérocolite
dans les deux bras (10 % contre 9 %), au détri- n'étaient pas influencés par l'existence d'un flux
ment de la mortalité néonatale dans le bras diastolique nul ou inversé. À partir de 34 SA,
extraction immédiate et de la mortalité fœtale l'existence d'un flux artériel ombilical nul ou
dans le bras extraction différée. inversé est pour beaucoup une indication d'ex-
Le suivi à 2 ans a été réalisé chez 98 % des enfants. traction dans un centre périnatal adapté. Lorsqu'il
Le taux de décès ou de séquelles neurologiques persiste un flux ombilical diastolique, le Royal
était comparable dans les deux bras (19 % contre College of Obstetricians and Gynaecologists
16 %), mais le taux de séquelles neurologiques des (RCOG) recommande l'expectative sous surveil-
enfants nés avant 31 SA était plus important dans lance jusqu'à 37 SA. Les modalités de cette sur-
le bras extraction immédiate que dans le bras veillance ne sont pas précisées.

177
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

Au-delà de 37 semaines Conclusion


d'aménorrhée
Il n'est pas possible de proposer une attitude stan-
Le risque de complications associées à la prématurité dardisée univoque, comme en témoignent les diver-
n'existe plus. Une attitude consiste à déclencher l'ac- gences des recommandations émises par l'American
couchement pour prévenir la mort fœtale et les com- Congress of Obstetricians and Gynecologists
plications périnatales, bien que le bénéfice de cette (ACOG) et le RCOG.
attitude interventionniste n'ait pas été démontré. Le
déclenchement de l'accouchement avant 39 SA peut L'extraction fœtale dans un centre périnatal
augmenter la morbidité néonatale et doit être mis en adapté est la seule option dont la décision au cas
balance avec l'expectative sous surveillance. par cas dépendra de la balance bénéfice/risque
entre la poursuite de la grossesse dans un milieu
L'essai DIGITAT (Disproportionate Intrauterine potentiellement défavorable et la prématurité
Growth Intervention Trial At Term) a comparé le induite. L'âge gestationnel est un critère majeur
déclenchement de l'accouchement à l'expectative du choix. Le Doppler de l'artère ombilicale est le
sous surveillance en cas de RCIU à terme. Cet premier examen d'orientation et est pour beau-
essai a été réalisé chez 650 femmes ayant une coup déterminant à partir de 34 SA. Avant ce
grossesse unique entre 36 et 41 SA compliquée terme, l'extraction est souvent décidée sur l'ana-
d'une suspicion de RCIU, de 2004 à 2008, dans lyse visuelle de l'enregistrement répété du RCF, à
52 centres aux Pays-Bas. Les critères d'éligibilité une fréquence non déterminée. La place de l'ana-
étaient un périmètre abdominal ou une estima- lyse informatisée du RCF avec mesure de la VCT
tion pondérale fœtale inférieure au 10e percentile, ainsi que de l'utilisation du Doppler du canal
ou encore une cassure de la courbe de croissance. d'Arantius est à préciser.
Les critères d'exclusion étaient un utérus cicatri-
ciel, une rupture prématurée des membranes, une
pathologie maternelle, une prééclampsie, une Références
diminution des mouvements actifs fœtaux ou des
anomalies du RCF. Après tirage au sort, soit le tra- Alfirevic Z, Stampalija T, Gyte GML. Fetal and umbilical
vail était déclenché dans les 48 heures, soit l'en- Doppler ultrasound in high-risk pregnancies.
Cochrane Database of Systematic Reviews. 2010 Issue
trée spontanée en travail était attendue sous
1, CD007529.
surveillance. La surveillance comprenait un
Arduini D, Rizzo G, Romanini C. The development of
compte quotidien des mouvements actifs fœtaux abnormal heart rate patterns after absent end-­diastolic
et une surveillance bihebdomadaire incluant velocity in umbilical artery : analysis of risk factors.
pression artérielle, RCF, échographie, protéinurie Am J Obstet Gynecol 1993 ; 168(1 Pt 1) : 43–50.
et examens biologiques sanguins. Le travail était Boers KE, Vijgen SM, Bijlenga D, van der Post JA,
déclenché en cas d'anomalie de la surveillance ou Bekedam DJ, Kwee A, et al. The DIGITAT Study
pour une autre indication obstétricale. Le critère Group. Induction versus expectant monitoring for
de jugement principal était un critère composite intrauterine growth restriction at term : randomised
equivalence trial (DIGITAT). BMJ 2010 ; 341 : c7087.
(décès néonatal, score d'Apgar < 7 à 5 minutes, pH
ombilical < 7,05, admission en néonatologie). Chauhan SP, Gupta LM, Hendrix NW, Berghella V.
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L'analyse a été menée en intention de traiter. Intrauterine growth restriction : comparison of
Le flux diastolique ombilical était nul chez American College of Obstetricians and Gynecologists
14 fœtus. Les enfants du bras déclenchement sont practice bulletin with other national guidelines. Am J
nés en moyenne 10 jours plus tôt, et le critère prin- Obstet Gynecol 2009 ; 200 : 409.e1–409.6.
cipal était comparable dans les deux bras (5,3 % Chauhan SP, Sanderson M, Hendrix NW, Magann EF,
contre 6,1 %). Le taux de césarienne était compa- Devoe LD. Perinatal outcome and amniotic fluid index
in the antepartum and intrapartum periods : a meta-
rable dans les deux bras (14,0 % contre 13,7 %). Les analysis. Am J Obstet Gynecol 1999 ; 181 : 1473–8.
conclusions des auteurs étaient qu'il restait ration-
Draper ES, Manktelow B, Field DJ, James D. Prediction of
nel de proposer un déclenchement dans cette survival for preterm births by weight and gestational
situation ou de respecter le choix des patientes age : retrospective population based study. BMJ
désireuses de non-intervention. 1999 ; 319 : 1093–7.

178
Chapitre 20. Critères d'extraction en cas de retard de croissance intra-utérin isolé

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179
Modalités Chapitre 21
d'accouchement
de l'enfant hypotrophe
Camille Le Ray

Introduction poids normal, ce risque augmentant avec la sévé-


rité du RCIU.
En France, environ 7 % des enfants naissent avec La question des modalités d'accouchement se
un poids de naissance inférieur à 2500 g. Il s'agit pose donc afin d'éviter de majorer ce risque de
essentiellement d'enfants nés prématurément ; complications néonatales chez les enfants présen-
certains cependant (3 % de la population) sont des tant un RCIU. En préambule, il faut cependant
enfants présentant un retard de croissance intra- noter que les données de la littérature sur ce sujet
utérin (RCIU). sont relativement pauvres ; les recommandations
pour la pratique clinique intitulées « Modalités de
Ces enfants hypotrophes sont connus pour être
naissance des enfants de faible poids », publiées
plus fragiles, avec des risques augmentés d'acidose
par le Collège national des gynécologues et obsté-
métabolique per-partum, de détresse respiratoire,
triciens français (CNGOF) en 1998, sont en
de convulsions néonatales et de sepsis néonatal.
grande partie composées d'avis d'experts et ne
Le risque de décès néonatal est également aug-
reposent pas sur des études de haut niveau de
menté comparativement à des enfants de même
preuve scientifique. Enfin, l'interprétation de la
âge gestationnel ayant un poids normal.
littérature est parfois difficile, puisque les études
Dans une étude de cohorte portant sur 122 754 portant sur ce sujet sont le plus souvent rétrospec-
naissances dont 12 317 prématurés, McIntire et al. tives, et le poids de naissance est fréquemment
ont étudié la morbidité et la mortalité néonatales une donnée méconnue au moment de la décision
en fonction du poids de naissance. Ils retrouvaient thérapeutique.
chez les enfants prématurés une augmentation du
risque de complications respiratoires, d'hémorra-
gie intraventriculaire de grade 3 et 4 et de décès Mode de début de travail
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chez les enfants présentant un RCIU, mais pas


d'augmentation du risque d'acidose, d'entéroco- Faut-il réaliser une césarienne
lite ou de sepsis. Chez les enfants à terme, ils systématique ?
Le retard de croissance intra-utérin

retrouvaient une augmentation significative du


risque d'acidose, de complications respiratoires, Bien qu'il s'agisse d'une intervention chirurgicale
de convulsions, de sepsis et de décès néonatal souvent considérée comme banale, il faut garder à
chez les enfants nés avec un poids de naissance l'esprit que la césarienne n'est pas dénuée de
inférieur au 3e percentile. Chez les enfants nés à risques aussi bien pour la mère (hémorragiques,
terme, il a également été démontré que les enfants infectieux, risque de placenta accreta ou percreta
présentant un RCIU étaient significativement à la grossesse ultérieure…) que pour l'enfant
plus à risque d'encéphalopathie que les enfants de (risque de détresse respiratoire). La question de la

181
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

césarienne systématique se pose néanmoins chez inférieur au 10e percentile nés après un déclen-
les femmes porteuses d'un fœtus présentant un chement (le plus souvent réalisé pour pathologie
RCIU. maternelle hypertensive) à celles des enfants pré-
Six essais randomisés colligés dans une méta- sentant également un RCIU mais nés après tra-
analyse de la Cochrane Database ont tenté de vail spontané. Les données de 367 prématurés et
répondre à cette question. Il n'était pas retrouvé 3921 enfants à terme ont été analysées dans cette
de bénéfice en termes de mortalité et de séquelles étude. Les issues néonatales étaient comparables
neurosensorielles à la césarienne systématique. dans les groupes déclenchement et travail spon-
Cependant, ces études étaient hétérogènes, avec tané, et ce chez les prématurés et les enfants nés à
un faible nombre de patientes – certains essais terme. Le taux de césarienne était comparable
ayant même été arrêtés pour défaut d'inclusion. À dans les deux groupes en cas de naissance préma-
terme, il ne semble donc pas justifié de proposer turée. En revanche, à terme, les femmes déclen-
systématiquement une césarienne. Mais, en cas chées avaient plus souvent été césarisées (20 %
d'anomalies du rythme cardiaque fœtal (RCF) contre 10 %).
préexistantes ou de RCIU avec des Doppler Certains auteurs se sont également demandés, en
fœtaux pathologiques, le haut risque de césa- cas de RCIU, à terme si un déclenchement était
rienne en cours de travail justifie souvent la déci- préférable à une expectative. Un essai randomisé,
sion de césarienne avant travail. l'essai DIGITAT (Disproportionate Intrauterine
En cas de prématurité sévère, certains auteurs ont Growth Intervention Trial At Term), publié en
retrouvé une diminution de la mortalité néona- 2010, a tenté de répondre à cette question chez les
tale en cas de césarienne avec une diminution du fœtus suspects de RCIU (périmètre abdominal
risque de décès, en particulier avant 30 semaines < 10e percentile ou EPF < 10e percentile ou inflé-
d'aménorrhée (SA). Cependant, il s'agit d'une chissement de croissance) entre 36+ 0 et 41+ 0 SA. Il
étude de cohorte rétrospective sans données sur était retrouvé une fréquence plus élevée des RCIU
l'estimation du poids fœtal (EPF) en anténatal, le inférieurs au 3e percentile dans le groupe expecta-
RCF, les anomalies Doppler, et sans données spé- tive, mais une absence de différence concernant
cifiques sur les décisions de voie d'accouchement. l'état néonatal entre les groupes déclenchement
Un biais d'indication ne peut donc être exclu ; systématique et expectative. Les taux de césa-
pour les enfants initialement très malades in utero rienne étaient également comparables dans les
avec de faibles chances de survie, la voie basse deux groupes ; en revanche, les femmes du groupe
avait peut-être été préférée. On ne peut donc pas expectative avaient plus souvent eu une évolution
conclure, en considérant ces seules données, de leur pathologie hypertensive lorsque celle-ci
qu'une césarienne doit être systématiquement était associée.
réalisée en cas de RCIU avant terme. À noter qu'il n'existe pas d'essai randomisé com-
parant césarienne systématique et déclenchement
en cas de RCIU à terme.
Peut-on réaliser
un déclenchement ? Technique de déclenchement
Concernant la technique du déclenchement en cas
de RCIU, les études sont de faible niveau de
Déclenchement ou expectative
preuve. Plusieurs auteurs utilisent des prostaglan-
Comme nous venons de le voir, la voie basse est dines (PGE2) à visée de maturation cervicale si
donc une option possible en cas de fœtus porteur nécessaire. Dans une étude rétrospective observa-
de RCIU. Bien entendu, l'idéal est une mise en tionnelle, il n'était pas retrouvé d'augmentation
travail spontané. Dans certains cas cependant, la du risque de césarienne ou de complications néo-
question du déclenchement peut se poser, par natales immédiates en cas de déclenchement par
exemple pour indication maternelle (hyperten- prostaglandines pour RCIU (ayant un RCF et
sion artérielle, prééclampsie, etc.). Une étude un score de Manning normaux) comparative-
rétrospective a comparé les issues obstétricales ment à un groupe de fœtus eutrophes en travail
et néonatales des enfants présentant un RCIU spontané.

182
Chapitre 21. Modalités d'accouchement de l'enfant hypotrophe

À la maternité Port-Royal, lorsque le col est relati- site donc une surveillance continue du RCF pen-
vement favorable, qu'il s'agit d'un RCIU modéré dant le travail.
avec Doppler et RCF normaux, un déclenchement Le pH au scalp est l'examen de seconde ligne de
est proposé en cas d'indication médicale. Nous ne référence en cas de RCIU. Mais, comme précisé
réalisons pas de façon systématique un déclenche- dans les recommandations pour la pratique cli-
ment pour hypotrophie fœtale modérée isolée à nique sur la surveillance du travail publiées en
terme en l'absence d'autre indication fœtale ou 2007, chez les fœtus porteur d'un RCIU, « en cas
maternelle. Le Syntocinon® (ocytocine) est le plus d'anomalies sévères du RCF, sa réalisation ne doit
souvent utilisé. En cas de col défavorable, si les pas retarder l'extraction en raison de la rapidité de
PGE2 sont nécessaires, nous utilisons des gels de décompensation chez ces fœtus ». Il n'existe pas de
PGE2 (type Prostine®) plutôt qu'un dispositif données concernant le poids minimum pour réa-
intravaginal (type Propess®) afin d'avoir une sur- liser un pH au scalp. En revanche, il est habituel
veillance continue du RCF lors de la maturation de contre-indiquer le pH au scalp avant 34 SA.
cervicale.
Concernant les autres examens de seconde ligne
(oxymétrie, électroencéphalogramme fœtal), les
données de la littérature sont trop pauvres pour
Déroulement du travail recommander leur utilisation, hors protocoles de
recherche, chez les fœtus ayant un RCIU, lors du
Quel type d'anesthésie choisir ? travail.

Aucune étude spécifique n'a porté sur le sujet. Nous


considérons que l'anesthésie locorégionale (péridu-
rale ou rachianesthésie) devrait être préférée, aussi Modalités préventives
bien pour les tentatives de voie basse que pour les lors de l'accouchement
césariennes avant travail. En cas de césarienne
avant travail, le risque de l'anesthésie locorégionale Type d'incision en cas
est de provoquer une hypotension maternelle qui de césarienne
entraînerait une diminution du débit utéroplacen-
taire pouvant être source d'hypoxie fœtale transi- Concernant l'incision cutanée, on ne peut formu-
toire. Une telle complication peut être évitée par ler de recommandation spécifique ; elle reste au
une prise en charge adaptée (remplissage et vaso- choix de l'opérateur selon ses habitudes. En
constricteurs). En cas de césarienne en cours de revanche, concernant l'hystérotomie, une inci-
travail, la transformation d'une péridurale obsté- sion segmentaire transversale devrait être privi-
tricale en une péridurale chirurgicale est rapide et légiée. Certains avancent l'hypothèse qu'une
entraîne peu de variations tensionnelles. Elle per- hystérotomie verticale pourrait permettre de
met d'éviter une anesthésie générale avec intuba- faciliter l'extraction fœtale. Aucune donnée dans
tion sur estomac plein, pouvant se compliquer la littérature ne permet de recommander une
d'une pneumopathie d'inhalation. telle incision, d'autant qu'une hystérotomie cor-
poréale verticale est associée à une augmentation
du risque de rupture utérine.
Quelle surveillance fœtale
pendant le travail ?
Extraction instrumentale
Les fœtus présentant un RCIU ont un risque et épisiotomie
accru d'acidose per-partum. De plus, les anoma-
lies du RCF en cours de travail sont plus fré- Il existe peu de données sur le mode d'accouche-
quentes comparativement aux fœtus eutrophes à ment à privilégier pour les fœtus hypotrophes. En
terme, où l'on note alors une diminution plus particulier, une extraction instrumentale systéma-
rapide du pH et des lactates chez les fœtus hypo- tique et une épisiotomie systématique ne sont pas
trophes comparativement aux fœtus eutrophes. recommandées. Il n'existe aucune preuve scienti-
La tentative de voie basse en cas de RCIU néces- fique en faveur d'une diminution des risques

183
Partie IV. Prise en charge clinique anténatale

d'hémorragie intra- et périventriculaire avec ces scalp si l'âge gestationnel est supérieur à 34 SA,
deux interventions. mais celui-ci ne doit pas retarder la prise en charge
Lorsqu'une extraction instrumentale est indiquée en cas d'anomalies sévères du RCF.
pour raison maternelle ou fœtale, il n'existe pas de En cas de césarienne, celle-ci doit être réalisée
données privilégiant un instrument par rapport à selon la technique habituelle en évitant les hystéro-
un autre. En revanche, en cas de prématurité infé- tomies corporéales verticales. Il n'y a aucune justi-
rieure à 34 SA, la ventouse devrait être contre- fication à réaliser une extraction instrumentale ou
indiquée ; elle devrait être discutée pour les fœtus une épisiotomie systématique lors de la naissance
ayant un poids inférieur à 2000 g. d'enfants hypotrophes.

Cas particulier du retard de Références


croissance intra-utérin en siège
Badawi N, Kurinczuk JJ, Keogh JM, Alessandri LM,
Lorsque le RCIU est modéré, avec des Doppler et O'Sullivan F, Burton PR, et al. Antepartum risk factors
RCF normaux, si le fœtus se présente par le siège, for newborn encephalopathy : the Western Australian
une tentative de voie basse est possible. Dans la lit- case-control study. BMJ 1998 ; 317 (7172) : 1549–53.
térature, les études portant sur la naissance des Ben-Haroush A, Yogev Y, Glickman H, Kaplan B, Hod M,
Bar J. Mode of delivery in pregnancies with suspec-
enfants en siège de petit poids concernent aussi
ted fetal growth restriction following induction of
bien des enfants prématurés que des RCIU vrais, labor with vaginal prostaglandin E2. Acta Obstet
rendant ainsi difficile l'interprétation des résultats. Gynecol Scand 2004 ; 83 (1) : 52–7.
De plus, dans ces études, il existe souvent un biais Boers KE, Vijgen SM, Bijlenga D, van der Post JA, Bekedam
d'indication pour le mode d'accouchement, avec DJ, Kwee A, et al. Induction versus expectant monitoring
un accouchement par voie basse plus souvent auto- for intrauterine growth restriction at term : randomised
risé ou proposé en cas de très mauvais pronostic equivalence trial (DIGITAT). BMJ 2010 ; 341 : c7087.
fœtal. Ce biais pourrait expliquer de plus mauvaises CNGOF. Modalités de naissance des enfants de faible
issues néonatales en cas de tentative de voie basse. poids. Paris : CNGOF, coll. Recommandations pour
la pratique clinique ; 1998.
CNGOF. Modalités de surveillance fœtale pendant le tra-

En résumé… vail. Paris : CNGOF, coll. Recommandations pour la


pratique clinique ; 2007.
Grant A, Glazener CM. Elective versus selective caesarean
En cas de RCIU, la voie basse peut être tentée en section for delivery of the small baby. Cochrane
cas de : Database Syst Rev 2001 ; (1). CD000078.
• RCF normal ; Hershkovitz R, Erez O, Sheiner E, Bashiri A, Furman B,
Shoham-Vardi I, et al. Comparison study between
• Doppler normaux ; induced and spontaneous term and preterm births of
• absence de contre-indication maternelle à la small-for-gestational-age neonates. Eur J Obstet
voie basse. Gynecol Reprod Biol 2001 ; 97 (2) : 141–6.
Lee HC, Gould JB. Survival rates and mode of delivery for
Le déclenchement du travail est possible en cas de : vertex preterm neonates according to small- or
• col favorable ; appropriate-for-gestational-age status. Pediatrics
2006 ; 118 (6) : e1836–44.
• terme supérieur ou égal à 34 SA ; Lin ML, Moawad AH, Rosenow PJ, River P. Acid-base
• RCIU modéré ; characteristics of fetuses with intrauterine growth
retardation during labor and delivery. Am J Obstet
• RCF normal ;
Gynecol 1980 ; 137 (5) : 553–9.
• Doppler normaux. McIntire DD, Bloom SL, Casey BM, Leveno KJ. Birth weight
Le Syntocinon® sera généralement préféré, mais in relation to morbidity and mortality among newborn
infants. N Engl J Med 1999 ; 340 (16) : 1234–8.
l'utilisation des prostaglandines n'est pas
Siristatidis C, Salamalekis E, Vitoratos N, Loghis C,
contre-indiquée. Salloum J, Kassanos D, et al. Intrapartum surveillance
Au cours du travail, un RCF continu doit être mis of IUGR fetuses with cardiotocography and fetal pulse
en place avec, au besoin, la réalisation de pH au oximetry. Biol Neonate 2003 ; 83 (3) : 162–5.

184
Prise en charge Chapitre 22
du nouveau-né
prématuré hypotrophe
Emmanuel Lopez, Pierre-Henri Jarreau

Introduction inférieur au 10e percentile par rapport à la popu-


lation générale. Par définition, ils représentent
10 % des nouveau-nés. L'hypotrophie sévère est
Les nouveau-nés prématurés hypotrophes pré-
définie par un poids de naissance inférieur au
sentent une augmentation du risque de mortalité
3e percentile.
et de morbidité néonatales. La mortalité et la mor-
bidité peuvent être secondaires à la fois à la préma- Plusieurs courbes de croissance de référence sont
turité et à l'hypotrophie, cette dernière pouvant utilisées en France. Les courbes de Leroy-Lefort
constituer un double risque. Malgré une prise en ont été élaborées à partir d'une population fran-
charge périnatale moderne, les nouveau-nés pré- çaise de nouveau-nés en 1971 en Île-de-France. Les
maturés hypotrophes restent un groupe de nou- courbes morphométriques AUDIPOG (Association
veau-nés à risque. des utilisateurs de dossiers informatisés en pédia-
trie, obstétrique et gynécologie), plus récentes, ont
Deux types d'étude ont démontré cette augmen-
été élaborées par le réseau sentinelle français
tation de la mortalité et de la morbidité néona-
AUDIPOG de 1999 à 2005.
tales. Certaines études ont comparé, au sein d'une
cohorte de nouveau-nés prématurés, un groupe de
nouveau-nés hypotrophes (généralement défini Étiologies de l'hypotrophie
par un poids de naissance < 10e percentile) à un
groupe de nouveau-nés eutrophes (défini par un Les différentes étiologies d'hypotrophie sont résu-
poids de naissance entre le 10e et le 90e percentile). mées dans le tableau 22.1.
D'autres études ont comparé de manière continue
et non par seuil la mortalité et la morbidité néona-
tales en fonction du percentile du poids de
Examen clinique de l'enfant
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naissance. hypotrophe
Ce chapitre s'attache à décrire l'augmentation de On distingue deux types cliniques d'hypotro-
la morbimortalité néonatale chez les nouveau-nés phie.
Le retard de croissance intra-utérin

prématurés hypotrophes et la prise en charge spé-


cifique de ces nouveau-nés à risque.
Hypotrophie harmonieuse
ou symétrique
Définition de l'hypotrophie Le poids, la taille et le périmètre crânien de nais-
sance sont inférieurs au 10e percentile. Cette
L'hypotrophie est définie par un poids de nais- hypotrophie représente 20 % des cas. Les causes
sance inférieur à –2 déviations standard (DS) ou en sont la malnutrition précoce, les anomalies

187
Partie V. Prise en charge postnatale

Tableau 22.1. Principales étiologies L'examen clinique doit être répété afin d'éliminer
de l'hypotrophie. une dysmorphie faciale s'inscrivant dans un syn-
drome polymalformatif. Un examen clinique réa-
Causes fœtales Causes maternelles
lisé par un généticien permet de diagnostiquer ces
Anomalies Facteurs démographiques formes syndromiques.
constitutionnelles et socioéconomiques
L'enquête étiologique comprend la recherche de
Trisomie 13,18, 21 Niveau socioéconomique
CMV (cytomégalovirus) urinaire, une échographie
Délétions (4p-) Mensurations maternelles transfontanellaire, une radiographie de squelette,
Triploïdie Âge maternel un caryotype, un examen anatomopathologique
Syndromes Ethnie du placenta, une vérification des sérologies
polymalformatifs Malnutrition maternelles.
Pathologies acquises Pathologies chroniques
Rubéole congénitale Paludisme
Infection à CMV Hypertension artérielle Mortalité néonatale
congénitale Néphropathie du nouveau-né prématuré
Syphilis congénitale Drépanocytose homozygote hypotrophe
Varicelle congénitale
Pathologies vasculaires
Prééclampsie Les études comparant au sein d'une cohorte un
groupe de nouveau-nés prématurés eutrophes
Pathologies utérines
avec un groupe de prématurés hypotrophes
et annexielles
(poids de naissance < 10e percentile), mettent en
Hypoplasie utérine évidence une augmentation du risque de morta-
Anomalies funiculaires lité de 3 à 4 fois chez les nouveau-nés prématurés
et placentaires hypotrophes (tableau 22.2). Bernstein et al. ont
Addictions étudié la mortalité et la morbidité des nouveau-nés
Tabac, alcool, cocaïne, prématurés hypotrophes à partir d'une cohorte
héroïne prospective américaine de 19 759 nouveau-nés
Médicaments
prématurés de moins de 1500 g. La mortalité néo-
natale était de 10 % dans l'ensemble de la popula-
Corticoïdes et tion avec une augmentation du risque de mortalité
immunosuppresseurs
chez les nouveau-nés hypotrophes après ajuste-
Bétabloquants ment sur les covariables significatives (risque rela-
Antiépileptiques tif [RR] ajusté : 2,77 ; intervalle de confiance [IC]
Altitude 95 % : 2,31–3,33). Regev et al., à partir d'une
Grossesses multiples cohorte israélienne de 2764 nouveau-nés préma-
turés de moins de 1500 g, ont montré une préva-
chromosomiques, les infections congénitales, la lence de mortalité de 33,5 % chez les nouveau-nés
prise de toxiques ou l'exposition à des agents téra- hypotrophes et de 20 % chez les nouveau-nés
togènes. Le pronostic dépend de l'origine de eutrophes (p < 0,01). Après un ajustement sur
l'hypotrophie. les facteurs de risque périnatals, les nouveau-nés
hypotrophes avaient un risque de mortalité aug-
Hypotrophie dysharmonieuse menté de 4,52 fois (IC 95 % : 3,24–6,33). Reiss
et al., à partir d'une cohorte allemande de 1365
ou asymétrique
enfants de moins de 32 semaines d'aménorrhée
Le poids est inférieur au 10e percentile et les autres (SA), ont rapporté 11 % de mortalité chez les nou-
mensurations sont conservées. L'origine de cette veau-nés eutrophes, contre 23 % chez les nou-
hypotrophie est un défaut d'oxygénation et de nutri- veau-nés hypotrophes (p < 0,001). L'hypotrophie
tion au troisième trimestre. Le pronostic est meilleur était associée significativement à la mortalité
qu'en cas d'hypotrophie harmonieuse. néonatale avec un odds ratio (OR) de 4,54

188
Chapitre 22. Prise en charge du nouveau-né prématuré hypotrophe

Tableau 22.2. Mortalité des nouveau-nés prématurés hypotrophes.


Étude Population Mortalité OR ou RR (IC 95 %)
Eutrophes Hypotrophes p
McIntire 1999 n = 12317 < 36 SA 2% 4, 1 % < 0,05
Bernstein 2000 n = 19759 < 1500 g 2,77 (2,31−3,33)
Regev 2003 n = 2764 < 15 00 g 20 % 33,5 % < 0,01 1,91 (1,66−2,18)
Reiss 2003 n = 1365 < 32 SA 11 % 23 % < 0,001 4,54 (2,56−8,04)
Garite 2004 n = 29916 < 34 SA 4% 8% < 0,001 2,80 (2,20−3,30)
Westby 2009 n = 365 < 28 SA 3,80 (1,30−11,0)
Zeitlin 2010 n = 4525 < 31 SA 3,98 (2,79−5,67)
Hypotrophie : poids de naissance < 10e percentile.
Travail de compilation réalisé par Emmanuel Lopez.

(IC 95 % : 2,56–8,04). Westby et al., à partir d'une 25e percentile permettait donc d'identifier les
cohorte norvégienne de 365 enfants de moins de enfants à haut risque de mortalité.
28 SA, ont mis en évidence une augmentation du L'augmentation du risque de mortalité des nou-
risque de mortalité chez les nouveau-nés hypo- veau-nés prématurés hypotrophes est liée à l'hy-
trophes (OR = 3,8 ; IC 95 % : 1,3–11). Garite et al., poxie chronique in utero, à l'asphyxie périnatale et
à partir d'une cohorte américaine de 29 916 aux malformations congénitales.
enfants de moins de 34 SA, ont montré qu'à
chaque âge gestationnel entre 25 et 32 SA, l'hypo-
trophie était associée à une augmentation de la
Morbidités néonatales
mortalité. Après correction sur l'âge gestationnel du nouveau-né prématuré
et d'autres facteurs confondants, cette association hypotrophe
restait significative (OR = 2,80 ; IC 95 % :
2,20–3,30). Asphyxie périnatale
Deux études ont mis en évidence une augmentation
du risque de mortalité à un seuil de poids de nais- Les nouveau-nés à terme hypotrophes pré-
sance supérieur comme le 25e percentile. McIntire sentent une plus grande vulnérabilité au stress
et al., à partir d'une cohorte de 12 317 enfants pré- durant le travail et au moment de la naissance
maturés de moins de 36 SA, ont montré que la mor- du fait de l'hypoxie chronique intra-utérine et
talité néonatale était de 2 % pour un poids de de faibles réserves glucidiques. Ils présentent
naissance entre le 26e et le 75e percentile comparée à un risque augmenté de score d'Apgar bas et de
3 % pour un poids de naissance entre le 16e et le pH artériel au cordon inférieur à 7,0 par rapport
25e percentile (p < 0,05), 4,1 % pour un poids de aux ­nouveau-nés à terme eutrophes (Apgar < 3
naissance entre le 6e et le 10e percentile (p < 0,05) et à 5 minutes : 0,2 % contre 0,1 % ; pH artériel au
6,9 % pour un poids de naissance inférieur au cordon < 7,0 : 0,9 % contre 0,4 %, p < 0,05).
3e percentile (p < 0,05). Zeitlin et al., à partir d'une Cette augmentation n'est pas retrouvée lorsque
cohorte européenne de 4525 nouveau-nés prématu- l'on compare les nouveau-nés prématurés hypo-
rés (< 31 SA), ont montré que la mortalité néonatale trophes et eutrophes (pH artériel au cordon
était de 12,7 % dans le groupe de référence (poids de < 7,0 : 1,3 % contre 0,9 %).
naissance entre le 50e et le 74e percentile), de 25,8 % Une étude cas-témoins a mis en évidence une
dans le groupe poids de naissance inférieur au association entre l'hypotrophie et l'encéphalopa-
10e percentile, soit un OR ajusté de 3,98 (IC 95 % : thie anoxo-ischémique. Dans le groupe encé-
2,79–5,67), et de 19,6 % dans le groupe poids de phalopathie anoxo-ischémique, 33 % des enfants
naissance entre le 10e et le 25e percentile, soit un OR étaient hypotrophes contre 2,4 % dans le groupe
ajusté de 2,15 (IC 95 % : 1,54–3,00). Un seuil au contrôle, soit un OR de 20,5 (IC 95 % : 2,2–114).

189
Partie V. Prise en charge postnatale

Cette association restait significative après ajuste- prévention de la MMH chez les nouveau-nés
ment sur l'âge gestationnel et le poids. hypotrophes.
Compte tenu du risque de mortalité et de morbi- Dans les études les plus récentes, l'hypotrophie chez
dité, la présence d'un pédiatre en salle de naissance le nouveau-né prématuré de moins de 1500 g est un
est nécessaire pour la prise en charge de ces nais- facteur de risque modéré de MMH : l'OR est de 1,19
sances à risque. (IC 95 % : 1,03–1,36) dans l'étude de Bernstein et al.
et de 1,09 (IC 95 % : 1,02–1,16) dans l'étude de Regev
et al. Une autre étude montre que l'hypotrophie n'est
Maladie des membranes hyalines
pas associée à la MMH. Le tableau 22.3 résume les
L'augmentation du risque de maladie des mem- résultats des différentes études.
branes hyalines (MMH) chez le prématuré hypo-
trophe est controversée. Certains auteurs ont Dysplasie bronchopulmonaire
avancé le concept de maturation pulmonaire
fœtale accélérée par le retard de croissance intra- L'augmentation du risque de dysplasie broncho-
utérin. Cette maturation serait induite par le pulmonaire chez le nouveau-né prématuré hypo-
stress environnemental et la production de glu- trophe est, quant à elle, bien établie. Les différentes
cocorticoïdes surrénaliens. Pour d'autres, l'inci- études retrouvent une augmentation de 3 à 4 fois
dence de la MMH chez le prématuré hypotrophe du risque de dysplasie bronchopulmonaire chez
dépendrait de l'âge gestationnel. Entre 25 et les nouveau-nés prématurés hypotrophes compa-
28 SA, le risque de MMH serait augmenté chez rés aux nouveau-nés prématurés eutrophes. Les
les nouveau-nés hypotrophes comparés aux résultats de ces études sont résumés dans le
­nouveau-nés eutrophes (OR : 1,98 ; IC 95 % : tableau 22.4. Cette augmentation de risque de
1,12–3,52). Entre 29 et 32 SA, le risque de MMH dysplasie bronchopulmonaire est également
chez les hypotrophes serait diminué (OR : 0,52 ; retrouvée pour un poids de naissance entre le 10e
IC 95 % : 0,34–0,80). Les corticoïdes anténatals et le 24e percentile (OR : 3,13 ; IC 95 % : 2,23–4,37).
auraient une moins bonne efficacité sur la Une mesure continue en fonction du percentile

Tableau 22.3. Maladie des membranes hyalines chez les nouveau-nés prématurés hypotrophes.
Étude Population MMH OR ou RR (IC 95 %)
Eutrophes Hypotrophes p
Ley 1997 25−28 SA 63,7 % 77,6 % 1,98 (1,12−3,52)
29−32 SA 39,9 % 27,5 % 0,52 (0,34−0,80)
Bernstein 2000 < 1500 g 1,19 (1,03−1,36)
Regev 2003 < 1500 g 68,4 % 71,4 % 1,09 (1,02−1,16)
Reiss 2003 < 32 SA 55 % 54 % 0,735
Travail de compilation réalisé par Emmanuel Lopez.

Tableau 22.4. Dysplasie bronchopulmonaire chez les nouveau-nés prématurés hypotrophes.


Étude Population Dysplasie bronchopulmonaire OR ou RR (IC 95 %)
Eutrophes Hypotrophes p
Egreteau 2001 < 31 SA 4,7 (2,5−8,8)
Regev 2003 < 1500 g 28 % 36 % 3,42 (2,29−5,13)
Reiss 2003 < 32 SA 14 % 28 % < 0,001 3,8 (2,11−6,84)
Westby 2009 < 28 SA 3,3 (1,7−6,5)
Zeitlin 2010 < 31 SA 3,98 (2,79−5,67)
Travail de compilation réalisé par Emmanuel Lopez.

190
Chapitre 22. Prise en charge du nouveau-né prématuré hypotrophe

du poids de naissance permet de mesurer plus jus- Par la suite, l'enfant sera placé en incubateur fermé
tement le risque de dysplasie bronchopulmonaire avec un niveau d'humidité adéquat. Un monito-
chez le nouveau-né prématuré. rage continu de la température corporelle du nou-
D'un point de vue physiopathologique, cette aug- veau-né devra être réalisé.
mentation de risque peut être expliquée par des
anomalies métaboliques secondaires au RCIU, Troubles métaboliques
une réponse inflammatoire systémique secon-
daire à l'hypoxie chronique. De plus, la maladie Hypoglycémie
pulmonaire initiale est plus sévère. McIntire et al. Le risque d'hypoglycémie est majoré par l'hypotro-
décrivent une détresse respiratoire nécessitant phie dans les 72 premières heures de vie. Elle est
une ventilation dans les 24 premières semaines de liée à de faibles réserves en glycogène, une diminu-
vie dans 22,5 % des cas chez les nouveau-nés pré- tion de la néoglucogenèse, la polyglobulie, l'hy-
maturés de poids de naissance inférieur au poxie et l'hypothermie. Les épisodes d'hypoglycémie
3e percentile contre 12,6 % chez les nouveau-nés peuvent être traités par une nutrition entérale à
prématurés de poids de naissance compris entre le débit continu par sonde gastrique ou par l'apport
26e et le 75e percentile. Enfin, l'oxygénothérapie de glucose par voie parentérale. Une surveillance
chez ces patients peut être responsable de lésions rapprochée des glycémies devra être réalisée.
secondaires au stress oxydatif.
Une stratégie de protection pulmonaire doit être Intolérance glucidique
particulièrement respectée chez ces nouveau-nés
à haut risque de développer une dysplasie bron- Chez le nouveau-né prématuré de moins de 1500 g,
chopulmonaire. En salle de naissance, l'utilisation spécialement chez le nouveau-né hypotrophe, l'in-
d'un système de ventilation manuelle à pression cidence d'hyperglycémie est importante (20 à
contrôlée de type Neopuff™ permet de prévenir le 86 %), et est associée à la fois à la mortalité et à la
barovolotraumatisme. Dès la naissance, une pres- morbidité. La physiopathologie de l'hyperglycé-
sion expiratoire positive devra être appliquée mie du nouveau-né prématuré hypotrophe est
ainsi qu'une administration précoce de surfactant complexe. Il existe une diminution de l'insuliné-
exogène. Une ventilation endotrachéale la moins mie chez les nouveau-nés hypotrophes par dys-
agressive possible et de durée la plus courte pos- fonction pancréatique. Le nouveau-né prématuré
sible devra être mise en place avec une utilisation présente à la fois un dysfonctionnement des cel-
large de la ventilation non invasive permettant lules β des îlots de Langherans et une insulinoré-
une extubation précoce. sistance. Cette diminution de la sensibilité à
l'insuline est retrouvée à l'âge prépubertaire chez
l'enfant né hypotrophe. Une insulinothérapie sera
Hypothermie débutée en cas d'hyperglycémie supérieure à
Le risque d'hypothermie est augmenté chez le 10 mmol/l et une glycosurie sera réalisée sur deux
nouveau-né à terme hypotrophe. Chez le nou- prélèvements successifs à 3 heures d'intervalle.
veau-né prématuré, le risque d'hypothermie est le
plus important pour les plus faibles poids de nais- Hypocalcémie
sance. Le nouveau-né hypotrophe va présenter C'est une complication fréquente de l'hypotrophie.
des difficultés à maintenir sa température corpo- Les facteurs aggravants sont l'asphyxie périnatale
relle du fait de perturbations du métabolisme glu- et la prématurité. L'hypocalcémie du nouveau-né
cidique et lipidique, d'une diminution de prématuré est en rapport avec un déficit en para-
l'isolation adipeuse sous-cutanée et d'une grande thormone par immaturité des glandes parathy-
perméabilité de l'épiderme entraînant des pertes roïdes, une réponse inadéquate des cellules
hydriques élevées. tubulaires rénales à la parathormone et une sécré-
Une prévention de l'hypothermie devra être réali- tion de calcitonine exagérée. L'hypocalcémie du
sée dès la salle de naissance par le séchage de la nouveau-né hypotrophe est en rapport avec une
peau, l'utilisation d'un bonnet et d'un sac en poly- hyperphosphorémie provenant des cellules lésées
éthylène et la réanimation en incubateur ouvert. par l'hypoxie chronique.

191
Partie V. Prise en charge postnatale

Métabolisme protéique, lipidique cas-témoins met en évidence une augmentation


et énergétique du risque d'ECUN en cas d'absence de flux télé-
diastolique ou de reverse flow sur l'artère ombili-
Au niveau protéique, le nouveau-né hypotrophe cale en anténatal (OR : 2,13 ; IC 95 % : 1,49–3,03).
présente un déficit de sa masse musculaire, mais la La nutrition entérale devra donc être prudente
tolérance d'apports protéiques agressifs est discu- chez ces enfants à risque. Le lait maternel est l'ali-
tée. Au niveau lipidique, la concentration d'acides mentation de choix, car il est le mieux toléré et il a
gras plasmatiques est diminuée ainsi que la capa- un effet protecteur sur l'ECUN. La nutrition enté-
cité d'oxydation des acides gras. Au niveau énergé- rale devra être débutée précocement, car elle aug-
tique, le métabolisme du nouveau-né hypotrophe mente l'activité motrice intestinale et diminue le
est augmenté et par conséquent les besoins énergé- risque d'infection nosocomiale. Cependant, le
tiques sont augmentés. Les apports nutritionnels moment optimal pour débuter l'alimentation n'est
du nouveau-né prématuré hypotrophe devront pas défini. Reste qu'un régime entéral standardisé
suivre les recommandations de la Société euro- diminue le risque d'ECUN.
péenne de gastroentérologie publiées en 2005.

Infections
Entérocolite ulcéronécrosante
Le risque de sepsis est augmenté chez les nouveau-
La prématurité et le faible poids de naissance sont nés prématurés hypotrophes comparés aux nou-
les facteurs de risque principaux de l'entérocolite veau-nés prématurés eutrophes (OR : 1,9 ; IC 95 % :
ulcéronécrosante (ECUN). Dans les études com- 1,0–3,6 ; p = 0,04). Cette susceptibilité aux infec-
parant le risque d'ECUN chez le nouveau-né tions s'explique par un déficit de l'immunité
­prématuré hypotrophe ou eutrophe, les résultats humorale et cellulaire (diminution de la concen-
sont discordants. Certaines études retrouvent une tration en IgG et de l'index phagocytaire) et par
augmentation du risque, d'autres non (tableau 22.5). une neutropénie fréquente. Cependant, l'utilisa-
D'un point de vue physiopathologique, en anténatal, tion du facteur de croissance granulocytaire
l'hypoxie chronique entraîne une redistribution du GM-CSF en prophylactique n'a pas montré son
sang en faveur du cerveau aux dépens de la vascula- efficacité dans la prévention des sepsis secondaires
risation mésentérique, fragilisant ainsi la muqueuse chez le nouveau-né prématuré hypotrophe.
intestinale. En postnatal, les nouveau-nés hypo-
trophes présentent des troubles de la motricité intes-
tinale et des sécrétions digestives ainsi que des
Anomalies hématologiques
modifications des propriétés de la muqueuse. Ces Une polyglobulie est fréquemment retrouvée chez
anomalies sont responsables d'une stase digestive et le nouveau-né hypotrophe. Elle est secondaire à
d'une colonisation bactérienne pathologique. l'augmentation d'érythropoïétine induite par
Différentes études ont recherché une association l'hypoxie chronique. Elle constitue un facteur
entre les anomalies Doppler anténatales et de risque d'hypoglycémie, d'hyperbilirubinémie,
l'ECUN. Une méta-analyse regroupant 14 études de thrombose, d'entéropathie et d'ECUN.

Tableau 22.5. Entérocolite ulcéronécrosante chez les nouveau-nés prématurés hypotrophes.


Étude Population ECUN OR ou RR (IC 95 %)
Eutrophes Hypotrophes p
Bernstein 2000 < 1500 g 1,27 (1,05−1,53)
Regev 2003 < 1500 g 6,7 % 8,4 % 1,30 (0,91−1,87)
Reiss 2003 < 32 SA 5% 9% 0,23
Garite 2004 < 34 SA 2,5 % 4,1 % 0,01
Westby 2009 < 28 SA 2,9 (1,1−7,7)
Travail de compilation réalisé par Emmanuel Lopez.

192
Chapitre 22. Prise en charge du nouveau-né prématuré hypotrophe

Une thrombopénie et une diminution des fac- Complications neurologiques


teurs de coagulation sont fréquemment retrou-
vées. Les nouveau-nés prématurés hypotrophes Hémorragie intraventriculaire
comparés aux eutrophes présentent une diminu- sévère
tion significative du fibrinogène (1,5 ± 0,4 contre
Les études recherchant une association entre
1,8 ± 0,8, p = 0,029). En effet, l'hypoxie et l'aci-
l'hypotrophie chez le prématuré et une hémorra-
dose perturbent la coagulation tandis que la pré-
gie intraventriculaire sévère (HIV) [de grade 3
éclampsie active la coagulation et les plaquettes.
ou 4] présentent des résultats discordants. Trois
De plus, il n'y a pas d'augmentation de la throm-
d'entre elles décrivent une augmentation du
bopoïétine en réponse à la thrombopénie et à
risque d'HIV de grade 3-4 ou d'HIV 4, les cinq
une diminution du nombre de mégacaryocytes.
autres ne mettent pas en évidence d'association
Il existe donc une augmentation du risque hémor- (tableau 22.6).
ragique chez ces enfants. Une surveillance régu-
lière des plaquettes est recommandée, sachant
que le nadir d'une thrombopénie se situe généra-
Leucomalacie périventriculaire
lement au 3e jour de vie. L'hypotrophie chez le prématuré n'augmente
pas le risque de leucomalacie périventriculaire
(tableau 22.7).

Tableau 22.6. Hémorragie intraventriculaire chez les nouveau-nés prématurés hypotrophes.


Étude Population HIV OR ou RR (IC 95 %)
Eutrophes Hypotrophes p
McIntire 1999 < 36 SA HIV 3-4 1,5 % 3,2 % < 0,05
Bernstein 2000 < 1500 g HIV 3-4 1,25 (0,98−1,59)
Regev 2003 < 1500 g HIV 3-4 0,80 (0,59−1,10)
Reiss 2003 < 32 SA HIV 3-4 5% 3% ns
Larroque 2003 < 33 SA HIV 4 3% 6% 2,1 (1,2−3,8)
Garite 2004 < 34 SA HIV 3-4 3% 2% ns
Ancel 2005 < 33 SA HIV 3 1 (0,3−3,8)
HIV 4 3,9 (1,3−11,5)
Zeitlin 2010 < 31 SA HIV 3-4 0,91 (0,54−1,54)
ns : non significatif.
Travail de compilation réalisé par Emmanuel Lopez.

Tableau 22.7. Leucomalacie périventriculaire chez les nouveau-nés prématurés hypotrophes.


Étude Population LPV OR ou RR (IC 95 %)
Eutrophes Hypotrophes p
Regev 2003 < 1500 g 9% 6,8 % 0,91 (0,57−1,44)
Reiss 2003 < 32 SA 3% 1% NS
Ancel 2005 < 33 SA 0,9 (0,3−2,3)
Zeitlin 2010 < 31 SA 0,89 (0,51−1,56)
NS : non significatif.
Travail de compilation réalisé par Emmanuel Lopez.

193
Partie V. Prise en charge postnatale

Développement psychomoteur de la rétine de ces enfants par un examen du fond


d'œil devra donc être particulièrement attentive.
Dans une population de nouveau-nés prématurés
de moins de 33 SA, l'hypotrophie ne constitue pas
un facteur de risque indépendant d'infirmité Croissance staturopondérale
motrice d'origine cérébrale (IMOC) à 2 ans ou de Les nouveau-nés prématurés hypotrophes ont une
diminution du quotient de développement à 2 ans croissance pondérale plus faible que les nouveau-
(évalué par un test de Brunet-Lézine). nés prématurés eutrophes. Ils effectueront un rat-
Parmi les enfants nés entre 29 et 32 SA, les enfants trapage staturopondéral plus lent. Les nouveau-nés
nés hypotrophes ont une augmentation du risque hypotrophes effectuent un rattrapage staturopon-
de difficultés cognitives mineures à 5 ans (OR : déral dans les 2 premières années de vie, mais 15 à
1,73 ; IC 95 % : 1,12–2,69), d'hyperactivité-inatten- 20 % auront une petite taille à 4 ans. Un enfant
tion (OR : 1,78 ; IC 95 % : 1,10–2,89), de difficultés hypotrophe qui n'a pas présenté de rattrapage sta-
scolaires à 8 ans (OR : 1,74 ; IC 95 % : 1,07–2,82) en turopondéral à 3 ans doit être pris en charge par
comparaison aux enfants nés eutrophes. Les un endocrinologue pédiatrique.
enfants nés modérément hypotrophes (poids de
naissance entre le 10e et le 19e percentile) ont éga-
lement une augmentation de risque de difficultés
cognitives mineures et de troubles du comporte-
Conclusion
ment. Cette augmentation de risque n'est pas Les nouveau-nés prématurés hypotrophes sont
retrouvée chez les enfants nés entre 24 et 28 SA. des nouveau-nés à risque de complications néona-
Plusieurs hypothèses peuvent l'expliquer : les sur- tales en salle de naissance et pendant leur hospita-
vivants à 24–28 SA sont hautement sélectionnés lisation. Les études récentes montrent que
(50 % de décès en salle de naissance par une déci- l'augmentation de la morbidité et de la mortalité
sion de limitation de soins) ; le petit nombre de concerne non seulement les hypotrophies clas-
survivants limite la puissance statistique ; l'imma- siques (définies par un poids de naissance
turité sévère et ses conséquences ont un effet plus < 10e percentile) mais aussi les hypotrophies
important que l'hypotrophie. modérées (poids de naissance entre le 10e et le
Cette altération des fonctions cognitives à l'âge de 19e percentile). Pour certaines morbidités néona-
5–8 ans est plus importante chez les garçons nés tales, l'augmentation de risque n'est pas retrouvée
prématurés après un RCIU avec un flux télédiasto- dans la catégorie des plus faibles âges gestation-
lique de l'artère ombilicale absent ou en reverse flow. nels (24–28 SA), les conséquences de l'immaturité
Les enfants prématurés hypotrophes représentent sévère l'emportant sur celles de l'hypotrophie.
des nouveau-nés à risque de troubles du dévelop- Ces enfants peuvent également présenter une pré-
pement psychomoteur : ils devront donc être disposition aux maladies cardiovasculaires, aux
­suivis en consultation au sein d'un réseau de suivi. dyslipidémies, à l'obésité ou à l'insulinorésistance
à l'âge adulte.
Rétinopathie du prématuré Les équipes prenant en charge les nouveau-nés pré-
maturés hypotrophes doivent être capables de faire
Le risque de rétinopathie du prématuré sévère face à ces complications. Un suivi en consultation,
(stades 3 et 4) est augmenté chez le nouveau-né pré- à la sortie de la maternité, dans le cadre d'un réseau
maturé hypotrophe (tableau 22.8). Une surveillance de suivi du nouveau-né à risque, sera mis en place.

Tableau 22.8. Rétinopathie du prématuré chez les nouveau-nés prématurés hypotrophes.


Étude Population ROP 3-4 OR ou RR (IC 95 %)
Eutrophes Hypotrophes p
Regev 2003 < 1500 g 8,9 % 10,5 % 1,86 (1,34−2,58)
Garite 2004 < 34 SA 1,3 % 2,5 % < 0,01

194
Chapitre 22. Prise en charge du nouveau-né prématuré hypotrophe

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Partie V. Prise en charge postnatale

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196
Prise en charge du Chapitre 23
nouveau-né hypotrophe
en l'absence de
prématurité
Sophie Parat

Préambule proportionnellement à l'importance du RCIU,


alors que son caractère asymétrique comme son
étiologie semblent avoir peu d'impact. D'autres
L'hypotrophie est généralement définie à la nais-
auteurs ont retrouvé un impact négatif du degré
sance par un poids de naissance inférieur au 10e
de retard de croissance sur l'Apgar et la mortalité.
percentile des courbes de croissance établies dans
la population française. Il s'agit donc d'une don- Ces études justifient la surveillance obstétricale
née descriptive qui n'apprécie pas le mécanisme étroite de ces enfants, évitant dans la plupart des
physiopathologique en cause et définit une popu- cas une hypotrophie majeure et une hypoxie péri-
lation très hétérogène, à la fois par le mélange natale prolongée, au prix parfois d'une prématu-
d'enfants constitutionnellement petits et de ceux rité. La naissance est planifiée dans le milieu
ayant subi un retard de croissance intra-utérin pédiatrique adapté. Une publication plus récente
(RCIU), par le degré de l'hypotrophie, par la mul- ne retrouve d'ailleurs pas d'altération du score
tiplicité de ses causes, par le moment de son dia- d'Apgar à la naissance dans une population de 372
gnostic qui a pu influer sur la prise en charge enfants hypotrophes nés à terme par rapport à des
périnatale, par les comorbidités associées (préma- contrôles appariés pour le sexe et l'âge, malgré une
turité, hypoxo-ischémie, hypoglycémie, etc.)… augmentation des césariennes pour anomalie du
RCF. L'existence d'un liquide amniotique (LA)
méconial est plus répandue. Deux complications
Complications néonatales restent fréquentes : l'hypothermie (30 % des enfants
quel que soit le degré d'hypotrophie) et l'hypogly-
À l'heure actuelle, si la grossesse a été suivie, que le cémie. Les épisodes d'hypoglycémie symptoma-
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retard de croissance n'a pas justifié d'extraction tique (5 et 6 %) sont significativement plus
avant terme et qu'une cause fœtale grave de l'hy- fréquents dans la population des hypotrophes par
potrophie a pu être exclue, le pronostic est souvent rapport aux nouveau-nés eutrophes, alors que les
Le retard de croissance intra-utérin

favorable avec une prise en charge postnatale hypoglycémies asymptomatiques (glycémie infé-
adaptée. Il persiste cependant des risques qui jus- rieure à 2,2 mmol/l) ne sont pas significativement
tifient d'être prévenus. Kramer, dans une popula- augmentées. La fréquence élevée des hypoglycé-
tion d'enfants hypotrophes à terme, retrouve une mies symptomatiques contrastant avec la rareté
fréquence augmentée de mort fœtale in utero des hypoglycémies asymptomatiques s'explique
(MFIU), d'anomalies du RCF (rythme cardiaque dans cette étude par le caractère non systématique
fœtal), d'hypoglycémie, de polyglobulie et d'Ap- de la surveillance glycémique des hypotrophes
gar bas à 1 minute. Ces anomalies augmentent (seulement 47 % des enfants).

197
Partie V. Prise en charge postnatale

Malgré une adaptation néonatale correcte des est fonction de l'état de l'enfant, mais gagne à être
enfants hypotrophes à terme, les risques d'hypo- pratiquée si la surveillance de l'enfant est attentive
thermie et d'hypoglycémie restent réels, d'autant pendant cette période. Par la suite, le portage
plus que l'hypotrophie est sévère. Le risque d'hy- maternel en peau à peau est encouragé, car il a
poglycémie serait majoré par l'utilisation de l'intérêt, en dehors de ses effets directs de stabili-
courbes de croissance customisées écartant les sation de la température, de limiter le stress du
enfants petits constitutionnellement, ceux-ci étant nouveau-né, de faciliter l'allaitement, de diminuer
cependant à risque d'hypothermie. Ces courbes l'anxiété maternelle et d'améliorer les interactions
permettent d'identifier les réelles anomalies de mère-enfant. C'est la méthode kangourou, mise en
croissance in utero, dont le risque périnatal est œuvre pour les enfants de faible poids de nais-
significativement augmenté, en prenant en compte sance, y compris prématurés, dans les pays en voie
le potentiel de croissance individuel de chaque de développement, mais dont les effets bénéfiques
fœtus. Elles sont encore peu utilisées dans le dans les pays favorisés sont désormais reconnus :
monde pédiatrique. On retient cependant que plus l'enfant nu (avec bonnet et chaussons) en couche
l'hypotrophie est sévère, plus le risque d'avoir un est placé directement sur la peau de sa mère, verti-
réel RCIU est important. calement, le corps entre les deux seins, sa tête
étant tournée sur le côté. Le portage est facilité par
l'utilisation d'une ceinture en coton extensible
Prise en charge de l'enfant dans laquelle l'enfant est glissé. La sécrétion d'ocy-
tocine chez la mère pendant la mise en peau à peau
La présence du pédiatre à la naissance d'un enfant explique une partie des effets bénéfiques de ce
diagnostiqué comme ayant un RCIU est justifiée type de portage.
par le risque de mauvaise adaptation néonatale. En dehors des périodes de peau à peau, l'enfant
Nous décrirons la prise en charge de l'enfant à est placé en berceau chauffant jusqu'à autonomi-
terme présentant une hypotrophie isolée, qui lui sation thermique. Le bain est évité tant que l'en­
permettra le plus souvent de rester avec sa mère en fant n'a pas stabilisé sa température de façon
maternité. En effet, grâce à la présence de pédiatres autonome.
dans les maternités, des soins autrefois réalisés en
unité de néonatologie sont pratiqués depuis 20 ans Prévention de l'hypoglycémie
en maternité. Dans certains cas, il existe une
structure de néonatologie au sein de la maternité La prévention de l'hypoglycémie passe par la
de type kangourou. Dans d'autres cas, l'enfant limitation des pertes énergétiques et par une ali-
reste dans le secteur des suites de couches, mais mentation précoce, lorsqu'elle est possible, et
l'ensemble du personnel y a été formé à la prise en fractionnée.
charge du tout-petit. Ceci permet à la mère de par- La surveillance des glycémies capillaires prépran-
ticiper activement à la prise en charge de son diales est débutée dans les premières heures de
enfant, facilite l'allaitement lorsqu'il est souhaité, vie et répétée de façon espacée, les 3 premiers
évite la séparation mère-enfant et son retentisse- jours le plus souvent. Le niveau d'intervention
ment psychologique inévitable et raccourcit la thérapeutique chez l'enfant hypotrophe est plus
durée d'hospitalisation du nouveau-né. élevé que chez l'enfant à terme (glycémie infé-
rieure à 2,5 mmol/l dans les 48 premières heures)
afin d'avoir une certaine marge de sécurité en cas
Prévention de l'hypothermie
d'abaissement des glycémies en deçà de cette
L'hypothermie est liée à un plus grand rapport valeur.
surface cutanée/poids de l'enfant. Elle augmente L'allaitement maternel, lorsqu'il est souhaité par la
les pertes énergétiques et favorise l'hypoglycémie. mère, est soutenu activement pour tous ses béné-
Sa prévention débute dès la naissance, avec le fices déjà reconnus dans la population générale et
séchage de l'enfant, l'utilisation systématique d'un chez les enfants de faible poids. La mère doit être
bonnet et une température élevée de l'atmosphère particulièrement rassurée sur la qualité de son lait
des salles. La mise en peau à peau dès la naissance et sa capacité à assurer une prise de poids adéquate

198
Chapitre 23. Prise en charge du nouveau-né hypotrophe en l'absence de prématurité

pour son enfant. En effet, un meilleur rattrapage formules enrichies pour prématurés sont généra-
en poids, taille et périmètre crânien dans les 3 pre- lement utilisées jusqu'au rattrapage pondéral. Le
miers mois de vie a été retrouvé chez des nouveau- risque de syndrome métabolique à l'âge adulte
nés hypotrophes à terme nourris au sein, par incite à être très attentif à la croissance de l'en-
rapport à ceux nourris par un lait standard pre- fant afin de revenir à un lait standard dès que la
mier âge (poids de naissance moyen : 2600 g, âge courbe pondérale entre dans la norme.
gestationnel moyen : 38,7 semaines d'aménorrhée
[SA]). Ces effets persistent à l'âge de 1 an.
Prévention de l'ictère
L'observation du nouveau-né est essentielle afin
de percevoir les signes qui montrent que l'enfant La polyglobulie liée à un excès d'érythropoïétine est
est disposé à téter, stratégie beaucoup plus utile plus fréquente chez l'enfant hypotrophe. Elle peut
que des réveils à heures fixes, parfois totalement être responsable d'hyperviscosité augmentant le
intempestifs, aboutissant à des échecs de tétée et risque de thrombose ou d'entérocolite ulcéronécro-
augmentant l'anxiété maternelle. Ces signes sont sante, rares chez l'enfant à terme. La complication la
enseignés précocement à la mère qui, en tant plus fréquemment observée est l'ictère, qui est sur-
qu'observatrice privilégiée, pourra mettre son veillé quotidiennement dans cette population par
enfant au sein sans restriction de fréquence. Le mesure de la bilirubine transcutanée, complétée par
portage en peau à peau optimise la production de une bilirubinémie en cas de chiffre élevé.
lait maternel, entraîne une meilleure stimulation
de l'enfant et est associé à une durée d'allaitement Prévention de l'hypocalcémie
plus prolongée. En fonction du poids de l'enfant
et des glycémies, l'allaitement maternel est com- L'hypocalcémie est plus fréquente chez l'enfant
plété le plus souvent jusqu'à la montée de lait par hypotrophe à terme (17 % dans certaines études).
un lait enrichi (formules pour prématuré). La Elle est maximale au 3e jour, ce qui incite à la
méthode d'administration de ce complément contrôler systématiquement chez l'enfant asymp-
reste débattue entre le biberon et les méthodes tomatique lors du prélèvement de Guthrie.
alternatives (sein, doigt, dispositif d'aide à l'allai-
tement) qui permettent de ne pas entraîner de Examen pédiatrique
confusion sein-tétine. Actuellement, la littérature
et explorations
ne permet pas de trancher totalement sur le béné-
fice des méthodes alternatives, les populations L'examen pédiatrique recherche des malforma-
étudiées étant très diverses en âge gestationnel. tions, une dysmorphie, des anomalies cliniques
Ces méthodes sont cependant souvent conseillées suggérant une fœtopathie infectieuse, qui auraient
dans les premiers jours de vie. pu échapper au diagnostic anténatal. Parfois,
Lorsque l'allaitement maternel est difficile, l'ex- l'anamnèse obstétricale explique parfaitement l'hy-
pression précoce du lait permet de donner à l'en- potrophie. Certaines causes (décrites dans d'autres
fant le lait maternel et de continuer à stimuler la chapitres) nécessitent une prise en charge spéci-
lactation tant que l'enfant est trop faible pour être fique que nous ne détaillerons pas (toxicomanie,
autonome au sein. Dans certains cas, le recours à malformation, etc.). L'ensemble des mensurations
la nutrition entérale est nécessaire du fait d'hypo- fœtales permettent de juger de l'importance de
glycémie ou de prise de poids insuffisante pou- l'hypotrophie – qui conditionne la fréquence des
vant être responsable d'ictère traînant. anomalies métaboliques – et de son caractère
Lorsque l'allaitement choisi est artificiel, il est symétrique ou non (le caractère asymétrique orien-
également fractionné dans la journée autour de tant plus facilement vers une cause placentaire).
7 à 8 fois par jour selon le poids de l'enfant, son La recherche de CMV (cytomégalovirus) dans les
éveil et les quantités absorbées. Là encore, les urines est pratiquée systématiquement en cas de
périodes d'éveil calme doivent être privilégiées contexte ou de signes associés évocateurs. En
et les horaires sont souples, particulièrement les dehors de ces cas, elle reste discutée, car la fréquence
premiers jours, avec un nombre plus important de l'infection dans les populations d'hypotrophes
de tétées chez les enfants qui boivent peu. Les est très variable d'une étude à l'autre (0–13 %).

199
Partie V. Prise en charge postnatale

Conclusion Doctor BA, O'Riordan MA, Kirchner HL, Shah D,


Hack M. Perinatal correlates and neonatal outcomes
of small for gestational age infants born at term ges-
La durée d'hospitalisation en maternité de l'enfant tation. Am J Obstet Gynecol 2001 ; 185 (3) : 652–9.
hypotrophe est fonction du degré de l'hypotro- Flint A, New K, Davies M. Cup feeding versus other forms
phie, de la reprise de poids régulière sur quelques of supplement enteral feeding for newborn infants
jours, de l'absence de complications et de l'autono- unable to breastfeed. Cochrane Database. 2006.
mie maternelle. Il n'y a donc pas réellement de Kramer MS, Olivier M, McLean FH, Willis DM, Usher RH.
limite de poids, mais une conjonction de faits qui Impact of intrauterine growth retardation and body
proportionality on fetal and neonatal outcome.
permet la sortie en toute sécurité. Une hospitalisa- Pediatrics 1990 ; 86 (5) : 707–13.
tion à domicile par une sage-femme ou une puéri-
Lucas A, Fewtrell MS, Davies PS, Bishop NJ, Clough H,
cultrice est souvent requise pour les plus faibles Cole TJ. Breastfeeding and catch-up growth in
poids de naissance. Le suivi pédiatrique est orga- infants born small for gestational age. Acta Paediatr
nisé pour les plus grands RCIU. Le lien avec la PMI 1997 ; 86 : 564–9.
(protection maternelle et infantile) ou le pédiatre Mamelle N, Munoz F, Grandjean H. Croissance fœtale à
permet de créer autour des parents un réseau sur partir de l'étude AUDIPOG. Établissement de
lequel ils pourront s'appuyer, car le retour à domi- courbes de référence. J Gynécol Obstét Biol Reprod
cile d'un enfant de faible poids de naissance est 1996 ; 25 : 61–70.
souvent source d'anxiété pour le couple. Mamelle N, Munoz F, Martin JL, Laumon B, Grandjean
H. Croissance fœtale à partir de l'étude AUDIPOG.
La prise en charge en maternité de ces enfants Application au diagnostic de retard de croissance intra-
permet cependant de normaliser au maximum utérin. J Gynécol Obstét Biol Reprod 1996 ; 25 : 71–7.
cette situation, de mettre rapidement les parents McCall EM, Alderdice F, Halliday HL, Jenkins JG, Vohra
en situation de prise en charge de leur enfant, gage S. Intervention to prevent hypothermia at birth in
d'un retour plus serein au domicile. La méthode preterm and/or low birth weight infants. Cochrane
« kangourou » participe beaucoup à cette réassu- Database. 2010.
rance et constitue un excellent moyen de préven- McIntire DD, Bloom SL, Casey BM, Leveno KJ. Birth weight
tion des principales complications postnatales de in relation to morbidity and mortality among newborn
infants. N Engl J Med 1999 ; 340(16) : 1234–8.
cette population.
Nyqvist KH, Anderson GC, Bergman N, Cattaneo A,
Charpak N, Davanzo R, et al. ; Expert Group of the
Références International Network on Kangaroo Mother Care.
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Clausson B, Gardosi J, Francis A, Cnattingius S. Perinatal mother care : application in a hight-tech environne-
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risk population. B J Obstet Gynaecol 1997 ; 104 : 531–5. p. 1051–6.

200
Retard de croissance Chapitre 24
intra-utérin et
développement
neurocognitif
Olivier Baud

Introduction un objectif pronostique, car elle tient compte de


l'impact cérébral du RCIU.
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est la La cinétique de la croissance fœtale et les mar-
deuxième cause de morbidité et de mortalité péri- queurs anténatals de RCIU vont influencer la
natale, juste derrière la prématurité, et représente décision d'extraction, le mode d'accouchement et
5–12 % des grossesses dans la population géné- l'âge gestationnel à la naissance, autres facteurs
rale. Le degré de souffrance fœtale anténatale est impliqués dans le pronostic à long terme. Une
évalué par la courbe dynamique de croissance décision d'extraction trop tardive peut induire des
fœtale au cours du temps, le comportement du complications liées à l'hypoxie fœtale sévère, une
fœtus, le rythme cardiaque fœtal et les vitesses décision trop rapide, exposer inutilement le nou-
Doppler au niveau ombilical et cérébral. veau-né aux complications de la prématurité.
Dans la littérature pédiatrique, de nombreuses
études confondent les enfants constitutionnelle-
ment petits pour leur âge gestationnel avec ceux
nés après une véritable restriction de croissance.
Retard de croissance intra-
Les enfants présentant un réel RCIU – souvent utérin et développement cérébral
secondaire à des influences génétiques mater- humain
nelles, ethniques ou en rapport avec la parité –
peuvent être identifiés par l'utilisation des courbes Les nouveau-nés prématurés avec un RCIU pré-
de croissance personnalisées, cruciales pour iden- sentent une morbidité neurocognitive et neuropsy-
© 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

tifier les enfants n'ayant pas atteint leur potentiel chiatrique accrue. Le stress maternel, l'insuffisance
de croissance fœtale. L'important est d'identifier utéroplacentaire et la prise en charge postnatale des
les fœtus présentant un ralentissement, voire un complications liées à une prématurité induite
Le retard de croissance intra-utérin

arrêt de croissance témoignant d'un processus exposent le fœtus puis le nouveau-né à un excès de
pathologique, car ce sont eux qui sont à risque de corticostéroïdes circulants pouvant induire des
mort in utero (MFIU) ou de souffrance fœtale retards neurodéveloppementaux. Des troubles de
chronique. Le RCIU est considéré comme symé- l'hémodynamique placentaire peuvent être res-
trique quand la restriction de croissance touche à ponsables d'épisodes d'hypoxémie répétés. De
la fois l'estimation de poids, de taille et de péri- plus, le placenta est un organe endocrine important
mètre crânien, et asymétrique quand seul le poids dont le dysfonctionnement aura des répercussions
est atteint. Cette distinction est surtout utile dans sur l'état nutritionnel, la croissance et la fonction

201
Partie V. Prise en charge postnatale

endocrinienne du fœtus avec, notamment, une paralysie cérébrale (PC) que les bébés d'un poids
dysrégulation de l'axe corticotrope. Ces perturba- correspondant à l'âge gestationnel : dans une
tions peuvent persister à long terme et augmenter cohorte nationale historique née entre 1959 et 1966,
les risques d'hypertension, d'hyperlipidémie et de les taux de PC étaient de 3,3/1000 enfants hypo-
diabète de type II à l'âge adulte. trophes et 0,6/1000 enfants eutrophes. Les données
Les nouvelles techniques avancées de neuro-ima- les plus récentes corroborent ces chiffres avec un
gerie par IRM (diffusion, tractographie et spec- risque multiplié par 4–6 comparé chez les hypo-
troscopie) ont permis de mieux caractériser les trophes par rapport aux enfants de poids de nais-
modifications du développement cérébral résul- sance compris entre les 25e et 75e percentiles.
tant d'une altération du milieu fœtal ou postnatal. La relation entre restriction de croissance et PC
Chez les prématurés avec RCIU, il existe : chez les prématurés est beaucoup moins claire.
• une diminution de volume de l'hippocampe, Dans une étude australienne, le risque de PC
structure impliquée dans les fonctions de associée à un RCIU semblait dépendre de l'âge
mémoire et d'apprentissage très vulnérable à gestationnel, le risque étant plus élevé en cas de
l'hypoxie, au déficit de nutriments et aux hor- naissance entre 34 et 37 SA avec un poids de nais-
mones du stress ; sance inférieur au 3e percentile (odds ratio [OR] :
19,6 ; intervalle de confiance [IC] 95 % : 8,1–47).
• un retard de maturation des faisceaux de subs-
En cas de naissance avant 34 SA, aucune associa-
tance blanche habituellement en cours de myéli-
tion entre RCIU et PC n'a été retrouvée dans ces
nisation entre 34 et 40 semaines d'aménorrhée
études épidémiologiques. D'autres auteurs ont
(SA) ;
également rapporté que l'hypotrophie n'aggravait
• un retard de développement de la connectivité pas significativement le risque de PC en cas de
interhémisphérique ; naissance avant 32 SA. Cependant, les études se
• des modifications de la créatine et du lactate, fondant uniquement sur le poids de naissance et
deux métabolites impliqués dans les méca- non pas sur l'âge gestationnel induisent une
nismes énergétiques cérébraux. grande hétérogénéité de la maturité du nouveau-
né. Ainsi, on considère que, chez les grands pré-
Ainsi, l'exposition fœtale à une restriction calorique
maturés, l'impact de l'immaturité sur le cerveau
entraîne des modifications de nombreux méca-
en développement peut masquer largement un
nismes impliqués dans le métabolisme énergétique,
effet spécifique du RCIU sur l'incidence de la PC.
la structure cellulaire, la neurotransmission et donc
sur le développement cérébral global. Le concept de Une analyse plus détaillée des cohortes en popu-
plasticité développementale ou de rupture du pro- lations suivies en Europe suggère que l'utilisation
gramme de développement peut interférer dans la de courbes de croissance fœtale normatives révèle
survenue de handicaps ultérieurs. La plasticité céré- une association similaire entre poids de naissance
brale représente la capacité du cerveau à se réorga- et risque de PC quel que soit l'âge gestationnel.
niser et à récupérer d'une situation défavorable Maintenant que l'incidence des PC spastiques
grâce à des mécanismes d'adaptation. Une modifi- bilatérales observées chez les nouveau-nés de
cation de la plasticité structurelle neuronale et non poids à la naissance compris entre 1000 et 1499 g
neuronale est de plus en plus reconnue comme un est devenue plus faible, il est possible qu'un impact
déterminant majeur de troubles développementaux plus marqué du RCIU sur le handicap neurocog­
avec des conséquences à long terme. nitif apparaisse dans cette sous-population. Il a
ainsi été démontré que 22 % du risque de PC est
attribuable à une restriction de croissance infé-
rieure au 10e percentile.
Impact du retard de croissance Par ailleurs, la discordance de relation entre RCIU
intra-utérin sur la paralysie et PC observée entre les nouveau-nés à terme et les
cérébrale prématurés pourrait être le résultat :
• d'une différence entre ces deux populations
Depuis assez longtemps, il est établi que les nou- dans l'étiologie du RCIU en fonction de l'âge
veau-nés à terme hypotrophes sont plus à risque de gestationnel de découverte ;

202
Chapitre 24. Retard de croissance intra-utérin et développement neurocognitif

• d'un effet protecteur du RCIU sur d'autres une possible indication d'extraction fœtale.
causes de PC chez les prématurés ; Plusieurs études ont corrélé ce critère avec le deve-
• de l'impact majeur de la prématurité elle-même nir neurocognitif à long terme des nouveau-nés.
sur l'apparition d'une PC en raison des lésions Chez des enfants suivis en Suède, une diastole
cérébrales survenant chez les nouveau-nés les ombilicale anormale était associée à l'âge de
plus immatures ; 6–7 ans à des scores cognitifs et moteurs altérés
ainsi qu'à une augmentation de la pression arté-
• d'un processus anténatal associé au RCIU et
rielle. Dans la sous-population de jeunes adultes
perturbant le développement cérébral au cours
suivis jusqu'à l'âge de 19 ans, une réduction de la
du 3e trimestre de grossesse.
fonction cognitive persiste. Une autre étude
concernant des enfants âgés de 5 à 12 ans rapporte
Retard de croissance intra- que seul le reverse flow en fin de diastole (et non la
diastole nulle) était corrélé à la réduction des
utérin et développement scores cognitifs et des anomalies neurologiques
neurocognitif en cas de RCIU.
Plus récemment, plusieurs auteurs ont étudié l'in-
L'hypotrophie à la naissance est associée à une térêt du débit sanguin régional du fœtus comme
cognition et à des performances scolaires plus marqueur de la perfusion placentaire et l'apport
faibles, à une moindre sociabilité et à des pro- en substrats énergétiques au fœtus. En effet, en
blèmes comportementaux. Historiquement, il a cas de restriction de la vascularisation placen-
été rapporté une forte corrélation entre l'âge ges- taire, le fœtus redistribue le débit sanguin vers les
tationnel à la naissance et le développement neu- organes essentiels comme le cerveau ou le cœur.
rocognitif, la limite de 36 SA étant déterminante Scherjon et al. ont évalué l'impact des change-
pour le pronostic à long terme. Une première ments de la vitesse du flux sanguin cérébral sur le
cohorte longitudinale d'enfants à terme présen- devenir à long terme. Dans une étude de cohorte
tant un RCIU, suivie par Harvey et al., montrait longitudinale de 106 enfants hypotrophes nés
une corrélation entre la croissance cérébrale et le entre 26 et 33 SA, il existe une accélération de la
devenir neurocognitif. En cas de RCIU, les enfants maturation visuelle observée sur des potentiels
dont l'altération de la croissance cérébrale sur- évoqués visuels corticaux, phénomène d'abord
vient avant 26 SA sont plus vulnérables à de mul- considéré comme un processus adaptatif béné-
tiples déficits moteurs ou cognitifs, à des troubles fique. Cependant, après une nouvelle évaluation à
de l'attention et à un échec scolaire par rapport à 5 ans, ces changements de la maturation visuelle
ceux dont la croissance cérébrale est préservée. ont été associés à une réduction du score cognitif
Des résultats similaires sur la réduction des scores de 9 points. Ainsi, malgré des processus adaptatifs
de développement cognitif et moteur ont été sou- précoces, les anomalies Doppler en période anté-
lignés dans les études longitudinales rapportées natale sont associées à un mauvais pronostic neu-
par Leitner et al. Dans ces études, par rapport aux rocognitif à long terme.
témoins appariés pour la prématurité et les fac- De nouvelles études randomisées devraient aider à
teurs d'environnement familial et socioécono- déterminer le meilleur moment d'extraction fœtale
miques, le RCIU a été associé à des déficits de la en cas de RCIU afin de ne pas induire de handicap à
mémoire à court terme, mais avec la préservation long terme : ni trop tôt, avec l'impact majeur de la
de la mémoire de reconnaissance et à long terme, prématurité induite, ni trop tard, avec l'impact céré-
suggérant une altération spécifique des fonctions bral de la redistribution vasculaire. À ce jour, seule
exécutive et d'attention. l'étude GRIT (Growth Restriction Intervention
Un marqueur associé au RCIU et au bien-être Trial) a étudié spécifiquement ce paramètre en cas
fœtal est le Doppler de l'artère ombilicale. Une d'indécision fœtale et/ou maternelle. À l'évaluation
réduction du flux sanguin diastolique, impliquant neurocognitive de 2 ans, aucune différence n'a été
une augmentation des résistances vasculaires pla- notée entre prise en charge active immédiate
centaires aboutissant à une diastole nulle ou à un (extraction médicalement décidée) et prise en
reverse flow, est un critère de souffrance fœtale et charge retardée (expectative). De même, à l'âge

203
Partie V. Prise en charge postnatale

scolaire (6–13 ans), aucune différence n'a pu être Fitzhardinge PM, Steven EM. The small-for-date infant.
démontrée entre les deux types de prise en charge, II. Neurological and intellectual sequelae. Pediatrics
1972 ; 50 : 50–7.
sur les scores moteur, cognitif et de comportement.
Ainsi, une attitude interventionniste en cas de doute Gabbe SG, Baschat AA, Galan HL, Ross MG. Intrauterine
growth restriction. In : Gabbe SG, Niebyl JR,
sur le bien-être fœtal ne semble pas apporter de Simpson JL, éds. Obstetrics : normal and problem
bénéfice en l'absence de toute indication formelle pregnancies. 3e éd New York : Churchill Livingstone ;
d'extraction. Une autre étude en fin de recrutement 1996. p. 863–86.
(Trial of Umbilical and Fetal Flow in Europe Geva R, Eshel R, Leitner Y, Fattal-Valevski A, Harel S.
[TRUFFLE]) devrait rapidement apporter de nou- Memory functions of children born with asymmetric
velles données à ce sujet. intrauterine growth restriction. Brain Res 2006 ; 1117 :
186–94.
Gluckman PD, Harding JE. The physiology and patho-
Conclusion physiology of intrauterine growth retardation. Horm
Res 1997 ; 48 (suppl 1) : 11–6.
Le RCIU a un retentissement important sur le Gross TL, Sokol RJ, Wolfe HM, Gross TL. Increased risk
développement cérébral et le devenir neurocogni- to the growth retarded fetus. In : Gross TL, Sokol J,
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tif à long terme. Les déficits des fonctions cogni- approach. Chicago : Year Book Medical Publishers ;
tives, exécutives, motrices et comportementales 1989. p. 111–24.
décrits à court terme semblent persister au cours Hack M, Flannery DJ, Schluchter M, Cartar L, Borawski E,
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204
Chapitre 24. Retard de croissance intra-utérin et développement neurocognitif

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205
Index

A Certificat médical d'accouchement, 168


Achondrogenèse, 81, 82 Cerveau fœtal, 148
Achondroplasie, 83 Césarienne, 181
Adipokines, 74 Chambre intervilleuse, 45
ADN, 63 Chondrodysplasie
Allocation de base de la prestation ––de type Conradi-Hünerrmann, 85
d'accueil du jeune enfant, 171 ––létale, 81
Anasarque, 99 ––ponctuée, 85
Anesthésie, 183 ––ponctuée rhizomélique, 85
Aneuploïdie, 79 Circulation pulmonaire, 54
Anomalies chromosomiques, 91–96 Coefficient apparent de diffusion, 149
Antiagrégants, 125 Collaboration obstétricopédiatrique, 162
Anticorps Complications
––anti-b2-GP1, 124 ––néonatales, 6
––anticardiolipine, 124 ––neurologiques, 6
––anti-SSA, 112 Congé
Antiphospholipides ––de maternité, 170
(syndrome des), 113, 119, 123 ––de paternité, 170
Artère Conséquences médicoéconomiques, 9
––cérébrale moyenne, 137 Cornelia de Lange (syndrome de), 87
––ombilicale, 134 Corticothérapie, 112
––utérine, 131 Cotinine, 106
Asphyxie périnatale, 189 Courbes
Aspirine, 125 ––ajustées individuelles, 5, 27
Autopsie, 166 ––de croissance, 21–42
Avidité des IgG, 98 ––de poids de naissance, 5
Azathioprine, 112, 116 ––par sexe, 25
Coûts médicosociaux, 9
B Crémation, 170
Barker (hypothèse de), 57 Critères d'extraction, 175–180
Biométrie Croissance
––de croissance, 14 ––fœtale, 73–76
––de datation, 13 ––staturopondérale, 194
––fœtale, 13–20 Cyclophosphamides, 111
Cytomégalovirus, 97, 99
C
Calcifications, 99 D
Canal Débit cardiaque fœtal, 54
––artériel, 53 Décès périnatal, 165–174
––d'Arantius, 140 Déclenchement, 182
Cataracte, 100 Déficit
Cavité porencéphalique, 150 ––en antithrombine, 119

207
Index

––en protéine C, 119 H


––en protéine S, 119 Hadlock (formule de), 17
7-déhydrocholestérol réductase, 69, 87 Hallermann-Streiff-François (syndrome de), 88
Dépistage, 17, 24 hCG, 48
Deuil, 168 Hémorragie intraventriculaire sévère, 193
Développement Héparine non fractionnée, 125
––cérébral, 201 Herpès, 97, 102
––neurocognitif, 201–206 Hétérodisomie, 93
Déviation standard, 4 hGH, 73
Diamètre bipariétal, 16 Hormone(s)
Diffusion, 151 ––de croissance placentaire, 74
Disomie uniparentale, 80, 93 Hydroxychloroquine, 112, 115
DOHaD (developmental origins of health Hyperhomocystéinémie, 123
and disease), 57 Hypocalcémie, 191, 199
Doppler, 129–146 Hypochondroplasie, 84
––ombilical, 175 Hypoglycémie, 191, 197
––utérin, 131 Hypothermie, 191
––veineux, 139 Hypothèse de Barker, 57
Droits Hypotrophie, 3, 14
––à la retraite, 171 ––dysharmonieuse, 188
––sociaux, 170 ––harmonieuse, 187
Ductus venosus, 140
Dysplasie bronchopulmonaire, 190 I
Ictère, 199
E IGF (insuline-like growth factors), 73
Effets phénotypiques transgénérationnels, 63 Images en candélabre, 99
Ellis van Creveld (syndrome de), 81 Immunoglobulines intraveineuses, 116
Entérocolite ulcéronécrosante, 192 Index
Environnement, 57 ––de pulsatilité, 131
––paternel, 59 ––de résistance, 131
Épigénétique, 63–72 Infection, 97
Épisiotomie, 183 Infirmité motrice d’origine cérébrale, 194
Erreur de terme, 158 Inhumation, 169
Estimation du poids fœtal, 5, 17 Insuline-like growth factor (IGF), 73
État civil, 166 Insulinorésistance, 58
Étiologies Interruption médicale de grossesse, 159
––chromosomiques, 79 Intestin hyperéchogène, 99
––génétiques, 79 Intolérance glucidique, 191
Études médicoéconomiques, 12 Invasion trophoblastique, 48
Examen fœtopathologique, 166 IRM, 147–156, 202
Expectative, 182 ––spectroscopique, 152
Extraction instrumentale, 183 Isodisomie, 93
Isthme aortique, 53
F
Fémur, 16
FGFR3, 83 J
Floating-Harbor (syndrome de), 88 Jak2, 123
Formule de Hadlock, 17
Fractions C3 et C4 du complément, 112 K
Kangourou (méthode), 198
G
Gène L
––méthylène tétrahydrofolate réductase, 119 Leptine, 74
––soumis à empreinte, 64 Leucomalacie périventriculaire, 193
Génome, 64 Limites de la viabilité, 157–165
GLUT, 74 Liquide amniotique méconial, 197

208
Index

Livret de famille, 168 Polyglobulie, 192


Loi Leonetti, 163 Positionnement parental, 161
Longueur craniocaudale, 13 Postcharge, 54
Lupus Prader-Willi (syndrome de), 80
––érythémateux systémique, 111–118 Précharge, 54
––néonatal Prednisone, 116
Prééclampsie, 114
M Prématurité, 6
Maladie Prime à la naissance, 171
––de Kniest, 86 Prise en charge du corps, 165–174
––des membranes hyalines, 190 Processus épigénétiques, 57
––thromboembolique veineuse, 119 Programmation
Méthode kangourou, 198 ––fœtale, 70
Méthotrexate, 112 ––métabolique, 57
Méthylation, 63 Prostaglandines, 182
Microcéphalie, 16, 99
Microdélétion, 87 Q
Microphtalmie, 100 Quotient de développement, 194
Modalités d’accouchement, 181–185
Modèles animaux, 58
Morbidité néonatale, 187, 189 R
Rapatriement du corps, 170
Mort fœtale in utero, 120
Résistance à la protéine C activée, 119
Mortalité
Résistine
––néonatale, 187
Restriction de croissance intra-utérine, 3
––périnatale, 6
Retard, 3, 201
Mosaïque
––de croissance intra-utérin, 3
––confinée au placenta, 91
––neurodéveloppemental, 201
Multiple de la médiane, 4
Rétinopathie du prématuré, 194
Mutation
Reverse flow, 134
––20210A du gène de la prothrombine, 119
Rites funéraires, 169
––Leiden, 119
Rubéole, 97, 100
N Rubinstein-Taybi (syndrome de), 87
Nanisme thanatophore, 81 Rythme cardiaque fœtal, 176
Notch, 131
Notion de viabilité, 166 S
Nouveau-né hypotrophe, 185–200 Seckel (syndrome de), 88
––prématuré, 185–197 Sensibilité, 4
Sepsis, 192
O Séquences de diffusion, 149
Oligoamnios, 176 SERPIN, 65
Orientation étiologique, 158 Seuil de viabilité, 162
Origine ethnique, 22 Silver-Russell (syndrome), 80
Ostéogenèse imparfaite, 86 Smith-Lemli-Opitz (syndrome de), 87
Sonic Hedgehog, 87
P Spécificité, 4
Paralysie cérébrale, 202 Spectroscopie de protons, 150
Percentiles, 3 Statut nutritionnel, 57
Périmètre Surcoûts, 9
––abdominal, 15 Surveillance fœtale, 183
––crânien, 16 Syncytiotrophoblaste, 74
Personnalité juridique, 166 Syndrome
Pertes fœtales, 113 ––d’Ellis van Creveld, 81
Petit poids de naissance, 3 ––de Cornelia de Lange, 87
Placenta, 45, 64 ––de Floating-Harbor, 88
––prééclamptique, 65 ––de Hallermann-Streiff-François, 88

209
Index

––de Prader-Willi, 80 Transmission transgénérationnelle, 60


––de Rubinstein-Taybi, 87 Transporteurs de glucose (GLUT), 74
––de Seckel, 88 Trophoblaste extravilleux, 46
––de Silver-Russell, 80
––de Smith-Lemli-Opitz, 87 V
––des antiphospholipides, 113, 119, 123 Vascularisation
––métabolique, 57, 58 utéroplacentaire, 43–51
Syphilis, 97, 102 VEGF, 48
Ventriculomégalie, 99
T Viabilité
Tabagisme, 105–110 ––limites, 157–165
––passif, 106 Virus
Technique de tenseur de diffusion, 149 ––Herpes simplex, 97, 102
Thrombocytémie essentielle, 123 ––varicelle-zona, 97, 101
Thrombopénie, 193
Thrombophilie, 119, 151 Z
Toxoplasmose, 97, 102 Z-score, 4, 28

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