MEMOIRE Celine Godeberge

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BANQUE DES MEMOIRES

Master de Droit pénal et sciences pénales

Dirigé par Monsieur le Professeur Yves Mayaud

2013

La coopération judiciaire en matière


pénale après le Traité de Lisbonne

Céline Godeberge

Sous la direction de Monsieur le Professeur Didier Rebut


Céline Godeberge Master 2 Droit pénal

Remerciements

Je souhaite remercier mon directeur de mémoire, le Professeur Didier Rebut, pour sa


disponibilité et ses précieux conseils.

J’adresse également mes sincères remerciements au Professeur Yves Mayaud, directeur du


Master, ainsi qu’à l’ensemble de l’équipe pédagogique, pour la richesse de leurs
enseignements.

Enfin, je tiens à remercier le Docteur Philippe Godeberge, mon père, pour sa patiente
relecture et sa confiance inconditionnelle.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 2 /84


Céline Godeberge Master 2 Droit pénal

Résumé

La coopération judiciaire en matière pénale a été introduite en droit de l’Union européenne


par le Traité de Maastricht en 1993. Les traités postérieurs ont posé progressivement les bases
juridiques d’une action commune dans le domaine pénal, mais c’est véritablement le Traité de
Lisbonne qui en a fait l’un des objectifs principaux de l’Union, devant le marché intérieur.

Prévue aux articles 82 à 86 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la


coopération judiciaire en matière pénale est fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle
des décisions judiciaires, et inclut le rapprochement des législations des Etats membres.

Présentée par le TFUE comme la pierre angulaire de la coopération judiciaire, la


reconnaissance mutuelle connaît toutefois des difficultés de mise en œuvre, liées notamment à
la défiance que peuvent avoir les Etats membres envers les systèmes judiciaires étrangers, en
particulier en matière pénale. C’est la raison pour laquelle l’harmonisation apparaît comme
nécessaire à la réalisation d’un véritable espace de liberté, de sécurité et de justice, voulu par
l’Union comme un espace de libre circulation des décisions judiciaires, à l’image du marché
intérieur.

Les domaines concernés par l’harmonisation sont visés aux articles 82 §2 et 83 du TFUE, et
relèvent tant du droit pénal de fond (criminalité transfrontière, domaines ayant fait l’objet de
mesures d’harmonisation), que de la procédure pénale (admissibilité mutuelle des preuves,
droits des mis en cause et des victimes dans la procédure pénale). Le champ de la compétence
pénale de l’Union ainsi consacrée est donc très large.

Le rapprochement des législations pénales est vu par certains auteurs comme une atteinte à la
souveraineté des Etats membres. On soutiendra néanmoins qu’un tel rapprochement doit être
encouragé, car, au-delà même de l’efficacité répressive que représente l’harmonisation dans la
lutte contre la criminalité transfrontière, c’est également un moyen de garantir le respect des
droits fondamentaux au sein de l’Union européenne, dès les premières phases de la procédure
pénale. Pour être acceptée, cette harmonisation doit être pensée, non de façon éclatée mais de
manière globale, dans le respect des traditions juridiques des Etats membres.

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Table des matières

Introduction ............................................................................................................................... 8

PARTIE 1 – LA RECONNAISSANCE MUTUELLE COMME FONDEMENT DE LA COOPERATION


JUDICIAIRE EN MATIERE PENALE ............................................................................................ 17

Section 1 – La consécration du principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale


par le traité de Lisbonne........................................................................................................ 17

§1 – La reconnaissance mutuelle comme moyen d’exécution de la décision pénale


étrangère.................................................................................................................................. 17

A) L’exécution directe des décisions pénales étrangères................................................ 17


1) Les décisions pénales visées par la reconnaissance mutuelle........................... 18
2) L’effet direct des décisions pénales dans l’Union européenne......................... 18

B) Une présomption d’équivalence des décisions pénales étrangères............................ 20


1) Une présomption d’équivalence fondée sur la confiance mutuelle................... 20
2) Une équivalence originaire du marché intérieur............................................... 21

§2 – La reconnaissance mutuelle comme moyen de prise en compte de la décision


pénale étrangère...................................................................................................................... 22

A) Le respect du principe non bis in idem comme finalité de la reconnaissance


mutuelle........................................................................................................................... 22

B) La contribution de la Cour de Justice à l’approfondissement de la reconnaissance


mutuelle........................................................................................................................... 23
1) La prise en compte des décisions portant sur les mêmes faits matériels.......... 24
2) La prise en compte des décisions définitives ................................................... 24

Section 2 – Les limites de la consécration du principe de reconnaissance mutuelle en


matière pénale......................................................................................................................... 26

§1 – Une reconnaissance mutuelle fondée sur un postulat de confiance............................ 26

A) La confiance mutuelle, une condition de possibilité de la reconnaissance


mutuelle.................................................................................................................... 26

B) La confiance mutuelle, une affirmation essentiellement politique ............................ 27

§2 – L’inadaptation des modèles de circulation des décisions étrangères......................... 29

A) L’inadaptation du modèle de droit pénal international ............................................. 29

B) L’inadaptation du modèle de droit international privé .............................................. 30

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PARTIE 2 – L’HARMONISATION DE LA PROCEDURE PENALE COMME COMPLEMENT DE


LA RECONNAISSANCE MUTUELLE............................................................................................. 32

Section 1 – L’harmonisation comme instrument de mise en œuvre de la


reconnaissance mutuelle......................................................................................................... 32

§1 – Le mandat d’arrêt européen ............................................................................................. 33

A) L’application de la décision-cadre dans le temps..................................................... 34

B) La régularité matérielle du mandat d’arrêt européen................................................ 34

§2 – Les instruments de la phase pré-sentencielle................................................................ 35

A) Les instruments d’entraide judiciaire......................................................................... 35


1) Le gel de biens ou d’éléments de preuve.......................................................... 35
2) Le mandat européen d’obtention de preuves..................................................... 36
3) La décision d’enquête européenne.................................................................... 36

B) Les instruments relatifs à la détention provisoire....................................................... 38

§3 – Les instruments de la phase post-sentencielle.............................................................. 38

A) Les instruments visant l’exécution des décisions étrangères..................................... 38


1) Les sanctions pécuniaires.................................................................................. 38
2) La confiscation ................................................................................................. 38
3) Les peines privatives de liberté......................................................................... 39

B) Les instruments visant la prise en compte de la décision étrangère........................... 40


1) La prise en compte de la condamnation antérieure........................................... 40
2) La prise en compte des mesures de probation................................................... 40

Section 2 – L’harmonisation comme réponse aux limites de la reconnaissance


mutuelle.................................................................................................................................... 42

§1 – L’harmonisation pour une mise en œuvre accélérée de la reconnaissance


mutuelle.................................................................................................................................... 42

A) L’abandon du contrôle de la double incrimination.................................................... 42


1) Un abandon justifié par la confiance mutuelle dans l’espace pénal européen.. 43
2) Un abandon partiel ........................................................................................... 43

B) La limitation des motifs de refus d’exécution............................................................ 45


1) L’abandon du refus de remettre les nationaux.................................................. 45
2) Des motifs de refus laissant place à la souveraineté nationale.......................... 46

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§2 – L’harmonisation pour une reconnaissance mutuelle respectueuse des droits


fondamentaux.......................................................................................................................... 47

A) Le refus d’exécution de la reconnaissance mutuelle fondé sur les droits


fondamentaux.......................................................................... ....................................... 47
1) Des motifs de refus implicites fondés sur les droits fondamentaux.................. 48
2) Le contrôle opéré par l’autorité judiciaire d’exécution .................................... 48

B) Les droits procéduraux minimaux comme garanties du procès équitable ................. 50


1) Le droit à l’interprétation et à la traduction....................................................... 51
2) Le droit d’information ...................................................................................... 52
a) Le droit d’être informé de ses droits ............................................................ 53
b) Le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi ............................ 54
3) Le droit d’accès à un avocat et le droit de communiquer après l’arrestation ... 56

PARTIE 3 – L’HARMONISATION DU DROIT PENAL COMME INSTRUMENT DE LA


COOPERATION JUDICIAIRE EN MATIERE PENALE ................................................................... 58

Section 1 – La consécration de la compétence pénale de l’Union européenne ................. 58

§1 – L’harmonisation pénale autonome................................................................................ 58

A) Le champ de la compétence pénale autonome .......................................................... 58


1) L’extension de la compétence pénale de l’Union par le traité de Lisbonne 59
2) Une compétence pénale limitée aux domaines déjà harmonisés ...................... 60

B) L’extension possible du champ de la compétence pénale autonome ........................ 62


1) Une extension sous réserve d’acceptation des Etats membres ....................... 62
2) Une extension soumise aux critères de gravité et de transfrontalité .............. 62

§2 – L’harmonisation pénale accessoire............................................................................... 64

A) Le prolongement de l’œuvre prétorienne de la Cour de justice................................. 64


1) La compétence de l’Union pour définir des infractions ................................... 64
2) La compétence de l’Union pour définir des sanctions ..................................... 66

B) Le champ de la compétence pénale accessoire .......................................................... 66

Section 2 – Les obstacles à la consécration de la compétence pénale de l’Union


européenne............................................................................................................................... 68

§1 – Les difficultés de mise en œuvre liées aux traditions juridiques


nationales................................................................................................................................. 68

A) Les difficultés en matière de définition des infractions ............................................ 68


1) L’absence de concepts communs ..................................................................... 69
2) Le principe de légalité menacé par la transposition ........................................ 69

B) Les difficultés en matière de définition des sanctions ............................................... 70

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§2 – Le principe de subsidiarité comme limite à l’extension de la compétence pénale


de l’Union ............................................................................................................................... 71

A) Un principe peu respecté par l’Union dans l’exercice de sa compétence pénale ...... 71

B) Le rôle de la Cour de justice et des Etats membres pour le respect du principe de


subsidiarité ...................................................................................................................... 72

Conclusion ........................................................................................................................... 74

Bibliographie ...................................................................................................................... 76

Table des abréviations ........................................................................................................ 84

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Introduction

L’affaire Sophie Toscan du Plantier est révélatrice des difficultés réelles et pratiques que
rencontre la coopération entre les Etats membres de l’Union européenne. Dans cette affaire,
une ressortissante française fut tuée en Irlande en 1996, et l’Etat français revendiqua
immédiatement sa compétence personnelle passive. Un suspect fut identifié quelques jours
après les faits, et pourtant l’ultime étape de la procédure ne fut atteinte qu’en 2012, par une
décision de la Cour suprême irlandaise, refusant la remise aux fins de jugement de cet
individu. S’il avait été remis aux autorités françaises, le suspect aurait en effet été présenté
devant un juge d’instruction et aurait risqué la détention provisoire. Or, la Cour suprême
irlandaise se méfie de ce juge hybride, à la fois enquêteur et juge. Estimant que la remise
visait la phase préparatoire et non la phase de jugement, la haute juridiction refusa l’exécution
du mandat d’arrêt européen. La coopération judiciaire en matière pénale est pourtant l’un des
objectifs principaux de l’Union, en particulier depuis l’entrée en vigueur du traité de
Lisbonne. Cette coopération s’inscrit dans la construction de l’espace de liberté, de sécurité et
de justice (ELSJ)1, qui vise à assurer la libre circulation des personnes et à offrir un niveau
élevé de protection aux citoyens2. La création de l’ELSJ se fonde sur le titre V du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui englobe les politiques relatives aux
contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration, ainsi que les dispositions relatives à la
coopération policière et à la coopération judiciaire en matière civile et pénale. On ne
s’intéressera qu’au chapitre 4, relatif à la coopération judiciaire en matière pénale, c’est-à-dire
aux articles 82 à 86 TFUE.

Avant cela, il convient de se pencher sur l’origine de la construction de l’ELSJ, dont la


première étape est sans doute l’accord de Schengen, signé le 14 juin 1985 entre l'Allemagne,
la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. Il visait à supprimer progressivement
les contrôles aux frontières intérieures, en instaurant un régime de libre circulation pour tous
les ressortissants des Etats signataires3. La convention de Schengen, signée le 19 juin 1990 et
entrée en vigueur en 1995, a mis en application l’accord de Schengen, et l’a complété, en
créant notamment une frontière extérieure unique où sont effectués les contrôles d’entrée dans
l’espace Schengen selon des procédures identiques. Le propre de l’espace Schengen est en
effet l’absence de contrôle systématique aux frontières intérieures4. Ce régime s’est
progressivement étendu aux autres Etats membres5, puis « l’acquis de Schengen » a été
intégré dans les traités originaires par le traité d'Amsterdam6. La Suisse, en tant que pays
1
Article 3 §2 TUE : « L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières
intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées
en matière de contrôle des frontières extérieures, d'asile, d'immigration ainsi que de prévention de la criminalité
et de lutte contre ce phénomène ».
2
Site de la Commission européenne, Synthèse de la législation de l’UE, Thème « Justice, liberté et sécurité »,
http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/index_fr.htm
3
J. RIDEAU, « Ordre juridique de l’Union européenne. Sources écrites », JurisClasseur Europe Traité, Fasc.
190, 2011, §499
4
S. de BIOLLEY, « Le développement historique du droit pénal de l’Union européenne. Les débuts : l’aquis de
Schengen », in Le droit pénal de l’Union européenne, Revue internationale de droit pénal, Vol. 77, Erès, 2007,
p. 25
5
L’Italie a signé l’accord de Schengen en 1990, l’Espagne et le Portugal en 1991, la Grèce en 1992, l’Autriche
en 1995, le Danemark, la Finlande et la Suède en 1996. La République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la
Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie ont rejoint l’espace Schengen en 2007.
Synthèse de la législation de l’UE, « L’espace et la coopération Schengen », URL :
http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/free_movement_of_persons_asylum_immigrati
on/l33020_fr.htm
6
Traité d’Amsterdam, JO n° C 340 du 10 Novembre 1997, entré en vigueur le 1er mai 1999.

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associé, fait partie de l’espace Schengen depuis 2008. La Bulgarie, Chypre et la Roumanie
n’en sont pas encore membres ; les contrôles aux frontières entre ces pays et l’espace
Schengen sont maintenus jusqu’à ce que le Conseil de l’Union européenne décide que les
conditions de suppression de ces contrôles sont remplies. Le Danemark, l’Irlande et le
Royaume-Uni ont une situation particulière. Le Danemark a signé la convention de Schengen,
mais il peut choisir d’appliquer ou non toute nouvelle mesure fondée sur le titre V du TFUE,
relatif à l’ELSJ, et ce même si ladite mesure constitue un développement de l’acquis de
Schengen7. L’Irlande et le Royaume-Uni n’ont quant à eux pas signé la convention de
Schengen, mais, conformément au protocole joint au traité d’Amsterdam, peuvent participer
aux dispositions de l’acquis de Schengen, après un vote du Conseil à l’unanimité des Etats
signataires et du représentant du gouvernement de l’Etat concerné. Ainsi, le Royaume-Uni et
l’Irlande participent depuis 2000 à la lutte contre les stupéfiants et le système SIS8, et à
certaines dispositions de la coopération policière et judiciaire en matière pénale depuis 20049.
Enfin, l’Islande et la Norvège appartiennent avec la Suède, la Finlande et le Danemark à
l’Union nordique des passeports, qui a supprimé les contrôles à leurs frontières communes10.
L’objectif de l’espace Schengen est donc la libre circulation des personnes. Une difficulté est
apparue dans le fait qu’elle était appréhendée comme les autres libertés de circulation, c’est-à-
dire sous l’angle économique, celui qui a prévalu au début de la construction européenne. Or,
si les libertés de circulation sont positives car elles facilitent les échanges, elles ont également
un aspect négatif, celui de faciliter l’internationalisation de la délinquance. Ainsi, les autres
conséquences de la libre circulation des personnes, tels que la criminalité organisée
transfrontalière, le trafic de drogue ou le terrorisme, semblent avoir été négligées. C’est
pourquoi une coopération entre les autorités des Etats membres est apparue nécessaire. La
coopération, d’abord douanière dans le cadre des conventions de Naples11, est devenue
ensuite judiciaire.

La coopération est un dispositif interétatique qui renvoie au processus de l’entraide


répressive entre un Etat requérant et un Etat requis12. En droit pénal international, on entend
par « coopération judiciaire en matière pénale », l’exécution par l’Etat requis, éventuellement
par la coercition, de mesures visant à faciliter la poursuite et la répression des infractions
pénales dans l’Etat requérant, à la demande de ce dernier13. La coopération est qualifiée de
judiciaire, car elle est mise en œuvre pour les besoins d’une procédure pénale en cours ou

7
En matière de politique des visas, le Danemark est toutefois lié à certaines mesures.
8
Décision du Conseil du 29 mai 2000 relative à la demande du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande
du Nord de participer à certaines dispositions de l'acquis de Schengen, 2000/365/CE, JO L 131 du 1er juin 2000,
p. 43–47.
9
Décision du Conseil du 22 décembre 2004 relative à la mise en œuvre de certaines parties de l'acquis de
Schengen par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, 2004/926/CE, JO L 395 du 31
décembre 2004, p. 70–80.
10
Les dispositions de l’acquis de Schengen s’appliquent également aux pays de l’Union nordique, selon la
décision du Conseil du 1er décembre 2000 relative à la mise en application de l'acquis de Schengen au
Danemark, en Finlande et en Suède, ainsi qu'en Islande et en Norvège – Déclarations, 2000/777/CE, JO L 309
du 9 décembre 2000, p. 24–28.
11
Convention de Naples I relative à l’assistance mutuelle entre les autorités douanières du 7 septembre 1967 et
Convention de Naples II relative à l’assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières
du 18 décembre 1997.
12
M. DELMAS-MARTY, « A la recherche d’un langage commun », in M. DELMAS-MARTY, G.
GIUDICELLI-DELAGE et E. LAMBERT-ABDELGAWAD, L’harmonisation des sanctions pénales en
Europe, coll. UMR de droit comparé, Vol. 5, Société de législation comparée, 2003, p. 373.
13
R. ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, LGDJ, Bruylant, 3e éd.,
2009, p. 5.

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terminée dans l’Etat requérant14. La coopération en matière pénale n’est pas un phénomène
récent. Ainsi, le premier traité d’extradition connu est un traité entre le Pharaon égyptien
Ramsès II et le roi hittite Hattusvili15. A l’origine, la coopération judiciaire est bilatérale, puis
devient de plus en plus multilatérale à l’échelle européenne.
La première pierre de cette coopération multilatérale en Europe est sans doute la signature
de la convention européenne d’extradition en 195716. Cette convention repose sur l’idée que
la réalisation d’une union étroite entre les membres du Conseil de l’Europe peut être atteinte
par l’adoption d’une action commune dans le domaine juridique, et en particulier par
l’acceptation de règles communes en matière d’extradition17. Au sein de l’Union européenne,
une convention du 10 mars 1995 vise à simplifier la procédure d’extradition entre les Etats
membres de l’Union européenne, en prévoyant notamment qu’en cas de consentement de la
personne réclamée, la procédure est entièrement judiciaire. L’arrêt de la chambre de
l’instruction accordant la remise vaut alors titre d’extradition, et le ministre de la justice est
simplement chargé de sa mise à exécution. Contrairement à la procédure d’extradition de droit
commun, un décret autorisant l’extradition n’est donc plus nécessaire. Par ailleurs, la
convention du 27 septembre 1996 relative à l’extradition entre les Etats membres de l’UE,
complète la convention européenne d’extradition de 1957 et la convention d’application de
l’accord de Schengen de 1990. Elle modifie certaines conditions générales de l’extradition
afin de la rendre plus facile à mettre en œuvre entre les Etats membres de l’Union. Elle réduit
ainsi le champ des infractions susceptibles d’être considérées par un Etat membre requis
comme constituant une infraction politique. De plus, le refus d’extradition des nationaux
devient l’exception, et la prescription de l’action publique ou de la peine dans un Etat membre
requis n’est plus un motif de refus de l’extradition que dans certaines hypothèses particulières.
Aujourd’hui, ces deux conventions ne s’appliquent que si la procédure du mandat d’arrêt
européen ne peut être mise en œuvre.

La coopération judiciaire en matière pénale a été introduite en droit de l’UE par le traité de
Maastricht en 1993, mais c’est véritablement le traité d’Amsterdam qui a introduit la base
juridique pour une action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière
pénale, notamment par une coopération entre les ministères et autorités judiciaires concernant
l'exécution des décisions18. L’extradition entre les Etats membres et la prévention des conflits
de compétences devaient également être facilités. De plus, l’Union devait « adopter
progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments
constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la
criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue »19. Le Conseil européen de
Tampere des 15 et 16 octobre 1999 marque ensuite un tournant dans le processus
d’intégration en matière pénale. Les conclusions de la présidence prévoyaient en effet de créer
Eurojust, une unité composée de procureurs, de magistrats ou d'officiers de police ayant des
compétences équivalentes, détachés par chaque Etat membre. Eurojust a pour mission de
contribuer à une bonne coordination entre les autorités nationales chargées des poursuites et

14
R. ZIMMERMANN, préc., p. 5.
15
H. G. NILSSON, « From classical judicial cooperation to mutual recognition », in Le droit pénal de l’Union
européenne, Revue internationale de droit pénal, Vol. 77, Erès, 2007, p. 53.
16
Convention européenne d’extradition du Conseil de l’Europe, signée à Paris le 13 décembre 1957. Son
quatrième et dernier protocole additionnel a été signé à Vienne le 20 septembre 2012.
17
Préambule de la Convention européenne d’extradition, préc.
18
Ex-article 31 TUE dans les versions issues des traité d’Amsterdam et de Nice, remplacé par les articles 82, 83
et 85 TFUE.
19
Article 31 TUE, dans sa version issue du traité d’Amsterdam, JO n° C 340 du 10 novembre 1997, entré en
vigueur le 1er mai 1999.

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d'apporter son concours dans les enquêtes relatives à la criminalité organisée. Par la suite, le
traité de Nice20 a ajouté un second paragraphe à l’article 31 TUE, selon lequel le Conseil
devait favoriser la coopération entre Eurojust et le Réseau judiciaire européen, pour faciliter
notamment l’exécution des commissions rogatoires et la mise en œuvre des demandes
d’extradition21. La création d’institutions tels qu’Eurojust et le Réseau judiciaire européen22,
mais également les magistrats de liaison23, est destinée à améliorer la coopération. Ces
institutions peuvent en effet permettre de résoudre les problèmes de communication, en
facilitant les échanges et le travail commun. On ne s’y intéressera toutefois pas
spécifiquement, pour se concentrer sur la coopération entre les autorités judiciaires des Etats
membres.
Après le traité de Nice, la terminologie change en matière de coopération judiciaire pénale
dans l’Union. On ne parle plus d’Etats requérant et requis, mais d’Etats d’émission et
d’exécution. Ces nouveaux termes reflètent bien l’idée d’une coopération dans laquelle
l’accord de l’Etat partenaire est en principe acquis, sous réserve des motifs de refus
d’exécution prévus. Le principe est l’acceptation de la demande, le refus est l’exception. La
spécificité des rapports entretenus entre les Etats membres empêche en effet d’appliquer les
solutions classiques de droit pénal international. Ces solutions sont fondées traditionnellement
sur les principes de souveraineté et de territorialité, car la coopération judiciaire internationale
s’effectue entre Etats souverains, dans le respect de la loi et du territoire de chacun. En droit
pénal international, chaque Etat fixe unilatéralement le champ de sa compétence pénale,
s’agissant de l’application de sa loi pénale dans l’espace, et de l’exécution des jugements
répressifs étrangers24. La construction européenne quant à elle est définie comme un
« processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples »25. Une telle union
s’oppose à la conception classique de la coopération judiciaire internationale. De plus, dans
l’Union, aux termes de l’article 3 §2 TUE précédemment mentionné, la coopération judiciaire
repose sur un espace commun de libre circulation. La volonté de créer un tel espace se
démarque de la coopération judiciaire classique, puisque la notion même d’espace implique
un dépassement du principe de territorialité26. Il est intéressant de relever que l’article 3 TUE,
tel que modifié par le traité de Lisbonne, place la réalisation de l’ELSJ avant la construction

20
Traité de Nice, JO n° C 80 du 10 mars 2001, entré en vigueur le 1er février 2003. L’article 31 TUE a été
remplacé par les articles 82, 83 et 85 TFUE par le traité de Lisbonne.
21
Article 31 §2 TUE dans la version issue du traité de Nice : « Le Conseil encourage la coopération par
l'intermédiaire d'Eurojust en : permettant à Eurojust de contribuer à une bonne coordination entre les autorités
nationales des États membres chargées des poursuites ; favorisant le concours d'Eurojust dans les enquêtes
relatives aux affaires de criminalité transfrontière grave, en particulier en cas de criminalité organisée, en tenant
compte notamment des analyses effectuées par Europol ; facilitant une coopération étroite d'Eurojust avec le
Réseau judiciaire européen afin, notamment, de faciliter l'exécution des commissions rogatoires et la mise en
œuvre des demandes d'extradition. »
22
Voir décision du Conseil du 16 décembre 2008 concernant le Réseau judiciaire européen (2008/976/JAI), JO
L 348 du 24 décembre 2008.
23
Les magistrats de liaison favorisent et accélèrent, notamment par l'établissement de contacts directs avec les
services compétents et les autorités judiciaires de l'Etat d'accueil, toutes les formes de coopération judiciaire en
matière pénale. Voir l’Action commune du 22 avril 1996, adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.3 du
traité sur l'Union européenne, concernant un cadre d'échange de magistrats de liaison visant à l'amélioration de la
coopération judiciaire entre les États membres de l'Union européenne (96/277/JAI), JO L 105 du 27 avril 1996.
24
D. REBUT, « Les effets des jugements répressifs », in Les effets des jugements nationaux dans les autres Etats
membres de l’Union européenne, Actes du colloque organisé le 24 mars 2000 par le Centre d’études
européennes de l’Université Jean Moulin Lyon 3, Bruylant, 2011, p. 177.
25
Préambule du traité sur l’Union européenne, al. 12.
26
G. TAUPIAC-NOUVEL, Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions répressives dans l’Union
européenne : contribution à l’étude d’un modèle de libre circulation des décisions de justice, Collection des
Thèses, n° 50, Fondation Varenne, LGDJ, 2011, p. 12.

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du marché intérieur27. De plus, le traité de Lisbonne a supprimé la structure en piliers, en


intégrant le troisième pilier dans le premier. La constitution de l’ELSJ est ainsi devenue une
politique interne, pour laquelle l’Union dispose de compétences partagées avec les Etats
membres, conformément à l’article 4 §2 TFUE.

La coopération judiciaire en matière pénale est prévue aux articles 82 à 86 TFUE. Aux
termes de l’article 82 §1 TFUE, « la coopération judiciaire en matière pénale dans l'Union est
fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires et
inclut le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres
dans les domaines visés au paragraphe 2 et à l'article 83 ». S’agissant de la reconnaissance
mutuelle, le gouvernement anglais avait mis en avant, lors de sa présidence de l’Union
européenne, et en particulier au Conseil européen de Cardiff des 15 et 16 juin 1998, son
souhait d’importer, dans le domaine répressif, la méthode de la reconnaissance mutuelle déjà
utilisée en matière civile28. L’idée d’une reconnaissance mutuelle en matière pénale a alors été
reprise par le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999. Les conclusions de la
présidence présentaient le principe comme la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire
tant civile que pénale29, et demandaient à cet effet au Conseil et à la Commission d'adopter un
programme de mesures destinées à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle30.
Cinq ans après la réunion du Conseil européen à Tampere, l’Union a adopté un nouveau
programme quinquennal pour l’espace pénal européen, le programme de La Haye31.
Reprenant l’expression consacrée dans ces programmes, le traité de Lisbonne a consacré le
principe de reconnaissance mutuelle comme le fondement de la coopération judiciaire en
matière pénale. Le programme de Stockholm, adopté le 10 décembre 2009, a accompagné
l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne dans le domaine de coopération judiciaire en matière
pénale, et mis notamment en avant la nécessité de renforcer la reconnaissance mutuelle32. Le
traité consacre la reconnaissance mutuelle comme un principe. On pense alors naturellement
aux principes généraux du droit, notamment du droit de l’Union européenne. Toutefois, la
reconnaissance mutuelle apparaît être moins un principe qu’un modèle de circulation des
décisions de justice. En effet, comme le soulignent certains, si la reconnaissance mutuelle est
un principe juridique, alors il est en pratique peu respecté et souvent violé33.
Quant à l’harmonisation pénale, l’article 82 §1 TFUE dispose que la coopération judiciaire
pénale inclut le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États
membres. Le traité ne parle pas explicitement d’harmonisation, mais une partie de la doctrine
a conclu à l’identité entre les termes d’harmonisation et de rapprochement des législations
nationales34. On ira dans le sens de cette thèse, puisque l’harmonisation conduit « à

27
L’ex-article 2 TUE plaçait, dans les objectifs de l’Union, la création d’un espace économique sans frontières
avant celle de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Depuis le traité de Lisbonne, l’article 3 §2 TUE vise
l’ELSJ, tandis que l’article 3 §3 TUE dispose : « L'Union établit un marché intérieur […] ».
28
A. WEYEMBERGH, Reconnaissance mutuelle en matière pénale dans l’Union européenne, JurisClasseur
Europe Traité, Fasc. 2720.
29
Conclusions du Conseil européen de Tampere, 16 octobre 1999, SN 200/99, §33.
30
Conclusions du Conseil européen de Tampere, préc., §37. Un tel programme a été adopté le 20 novembre
2000, après l’approbation du Conseil Justice et Affaires intérieures (Programme de mesures destiné à mettre en
œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, JO C 12 du 15 janvier 2001, p. 10-22).
31
Programme de La Haye pour renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne, approuvé
par le Conseil européen le 5 novembre 2004, doc. 16054/04.
32
Conseil européen, Programme de Stockholm, « Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens »,
JO C 115 du 4 mai 2010, § 3.1.
33
M. MASSE, « La reconnaissance mutuelle », in G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), Le droit
pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28,
Société de législation comparée, Paris, 2012, p. 210.
34
E. GINDRE, L’émergence d’un droit pénal de l’Union européenne, LGDJ, 2009, p. 110.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 12 /84


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l’intégration par un rapprochement des normes et des pratiques nationales autour de


définitions communes ou de principes directeurs communs »35. Les domaines concernés par
l’harmonisation sont ceux visés aux articles 82 §2 et 83 TFUE. L’article 82 §2 al.2 prévoit
ainsi l’adoption de règles minimales portant sur « l’admissibilité mutuelle des preuves entre
les États membres ; les droits des personnes dans la procédure pénale ; les droits des victimes
de la criminalité » ; et d’autres éléments spécifiques de la procédure pénale identifiés par une
décision du Conseil. L’article 83 §1 permet quant à lui l’adoption de règles minimales « dans
des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière » ;
et l’article 83 §2 « dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation », si cela
« s'avère indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union ». Le
rapprochement des législations peut donc concerner tant le droit pénal de fond que la
procédure pénale. L’adoption de règles minimales concernant la définition des infractions et
des sanctions pénales est visée par l’article 83 et relève de l’harmonisation du droit pénal de
fond. Le rapprochement des législations comme moyen de faciliter la reconnaissance mutuelle
est visé par l’article 82 et relève de l’harmonisation de la procédure pénale. Sur ce point, le
traité de Lisbonne constitue une véritable évolution, puisque l’ex-article 31 TUE ne prévoyait
pas le rapprochement de la procédure pénale, au nom de l’autonomie institutionnelle des Etats
membres.

Le rapprochement des législations et la reconnaissance mutuelle sont parfois présentés


comme deux méthodes différentes. A la différence de l’harmonisation, les instruments de
coordination et de coopération, telle que la reconnaissance mutuelle, n’altèreraient pas
« l’intégrité des droits nationaux »36. Cependant, les instruments de reconnaissance mutuelle
influencent nécessairement les droits nationaux et contribuent à leur évolution par les notions
qu’ils utilisent et les principes qu’ils posent37. Ainsi, il semble que la méthode de la
reconnaissance mutuelle tende vers une certaine harmonisation, et que, partant, les deux
méthodes ne s’évincent pas, mais au contraire se complètent. Le traité prévoit ainsi que, dans
la mesure où cela est nécessaire pour faciliter la reconnaissance mutuelle des décisions, le
Parlement européen et le Conseil peuvent établir des règles minimales en matière de
procédure pénale38. Les termes de l’article 82 §2 reflètent donc bien le lien entre l’adoption de
règles communes rapprochant les législations nationales et la reconnaissance mutuelle des
décisions pénales, ce qui constitue pour certains « un rééquilibrage bienvenu des dynamiques
d’intégration »39. Le Conseil européen a lui-même considéré dans le programme de
Stockholm « qu'un certain degré de rapprochement des dispositions législatives est nécessaire
pour favoriser l'émergence, chez les juges et les procureurs, d'une communauté de vues […],
et permettre ainsi la bonne application du principe de reconnaissance mutuelle, dans le respect
des différents systèmes et traditions juridiques des Etats membres »40. De plus,
l’harmonisation ne permet pas d’éviter la coopération, car la recherche des preuves nécessite

35
M. DELMAS-MARTY, « A la recherche d’un langage commun », in M. DELMAS-MARTY, G.
GIUDICELLI-DELAGE et E. LAMBERT-ABDELGAWAD, L’harmonisation des sanctions pénales en
Europe, coll. UMR de droit comparé, Vol. 5, Société de législation comparée, 2003, p. 375.
36
A. WEYEMBERGH, L’harmonisation des législations : condition de l’espace pénal européen et révélateur de
ses tensions, Université de Bruxelles, IEE, 2004, p. 35.
37
A. WEYEMBERGH, préc., p. 35.
38
Article 82 §2 al. 1 TFUE : « Dans la mesure où cela est nécessaire pour faciliter la reconnaissance mutuelle
des jugements et décisions judiciaires, ainsi que la coopération policière et judiciaire dans les matières pénales
ayant une dimension transfrontière, le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de directives
conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent établir des règles minimales ».
39
S. MANACORDA, « Un bilan des dynamiques d’intégration pénale à l’aube du traité de Lisbonne », Revue de
science criminelle, Octobre-Décembre 2009, p. 928.
40
Programme de Stockholm, §3.3.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 13 /84


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une coopération, du moins tant qu’un système procédural unifié autour d’un procureur
européen n’aura pas été mis en place. Pour l’instant, une telle institution n’est envisagée que
pour la protection des intérêts financiers de l’Union. On précise que cette question ne sera pas
étudiée ici.
L’harmonisation concernant la définition des infractions et des sanctions pénales visée à
l’article 83 est vue par certains comme une compétence pénale détachée de la coopération
judiciaire41. Ces auteurs s’appuient sur le fait que la compétence prévue par l’ex-article 29
TUE42 était plus liée à la création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, et « à une
condition de nécessité de la protection pénale qui se dégage du caractère de spéciale gravité et
de transnationalité de la criminalité organisée »43, qu’à la coopération judiciaire. Selon nous,
on pouvait peut-être l’envisager lorsque la compétence pénale s’exerçait dans le cadre du
premier pilier, selon la méthode communautaire, mais le traité de Lisbonne met fin à cette
hypothèse. Il consacre le rapprochement des législations pénales comme instrument de la
coopération judiciaire en matière pénale, comme en témoigne l’architecture du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne. En effet, au sein du titre V sur l’ELSJ, c’est au
chapitre 4 relatif à la coopération judiciaire en matière pénale que le rapprochement des
législations pénales est mentionné. De plus, l’article 82 §1 dispose expressément que la
coopération judiciaire en matière pénale inclut le rapprochement des législations. A notre
sens, l’harmonisation est sans conteste incluse dans la coopération en matière pénale, et ne
peut se concevoir hors de l’objectif de l’amélioration de la coopération judiciaire44. C’est
pourquoi la compétence pénale de l’Union au titre de l’article 83 TFUE sera traitée comme
partie intégrante du sujet sur la coopération judiciaire en matière pénale.

Au-delà des réformes normatives que sont la consécration de la reconnaissance mutuelle


et l’affirmation de la compétence pénale de l’Union, le traité de Lisbonne a introduit de
profonds changements institutionnels. Ainsi, auparavant, quand l’Union souhaitait pénaliser
des comportements pouvant relever des politiques communautaires, par exemple en matière
d’environnement, les institutions étaient confrontées à des problèmes de répartition des
compétences entre le premier et le troisième piliers, et la jurisprudence de la Cour de justice
était à cet égard incertaine45. La suppression de la structure en piliers par le traité de Lisbonne
a mis un terme à ce conflit et ouvert la voie à une compétence effective de l’Union
européenne en matière pénale. De plus, la coopération judiciaire en matière pénale ne suit
plus la logique intergouvernementale, et son instrument n’est plus la décision-cadre mais la
directive. L’article 83 TFUE prévoit ainsi que les règles minimales relatives à la définition
des infractions pénales et des sanctions sont adoptées par voie de directives selon la procédure
législative ordinaire. Pour les domaines visés par l’article 83 §2, c’est-à-dire qui ont fait
l’objet de mesures d’harmonisation, il est prévu que les règles minimales soient adoptées par
voie de directives conformément à la procédure spéciale qui a été utilisée pour adopter

41
L. ARROYO ZAPATERO et M. MUNOZ DE MORALES ROMERO, « Droit pénal européen et traité de
Lisbonne : le cas de l’harmonisation autonome (article 83.1 TFUE) », in G. GIUDICELLI-DELAGE et C.
LAZERGES (dir.), Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, coll. UMR de
droit comparé de Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 116
42
L’ex-article 29 TUE vise notamment le « rapprochement, en tant que de besoin, des règles de droit pénal des
Etats membres, conformément à l’article 31, point e ».
43
L. ARROYO ZAPATERO et M. MUNOZ DE MORALES ROMERO, préc. note 42, p. 116
44
E. RUBI-CAVAGNA, « Discussion. Le domaine et les méthodes de l’harmonisation autonome », in G.
GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité
de Lisbonne, coll. UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 143.
45
Voir notamment CJCE, Grande chambre, Commission c. Conseil de l’Union européenne, 13 septembre 2005,
aff. C-176/03, Rec. 2005 I-07879 ; et CJCE, Grande chambre, Commission c. Conseil de l'Union européenne, 23
octobre 2007, aff. C-440/05, Rec. 2007 I-09097.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 14 /84


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lesdites mesures d’harmonisation. La directive est proche de la décision-cadre sans sa


définition, puisqu’elle lie tout Etat membre destinataire quant aux résultats à atteindre, en
laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens à mettre en
œuvre46. Des différences importantes existent toutefois entre ces deux instruments, tant à
l’égard de leur procédure d’adoption qu’à celui de leur contestation. L’adoption d’une
décision-cadre nécessitait l’unanimité des Etats membres, qui pouvait s’avérer difficile à
obtenir. En revanche la directive est généralement adoptée selon la procédure législative
ordinaire, c’est-à-dire par une codécision majoritaire entre le Parlement et le Conseil, ou bien
selon une procédure spéciale, identique à celle utilisée pour l’adoption des mesures
d’harmonisation considérées, qui n’implique pas non plus l’unanimité des Etats. Par ailleurs,
le rattachement de la matière pénale au troisième pilier impliquait une compétence limitée de
la Cour de justice. Les procédures d’infraction au traité n’étaient pas applicables, car un
recours en manquement ne pouvait être introduit pour non-transposition ou mauvaise
transposition d’une décision-cadre. La directive pourra quant à elle faire l’objet d’un recours
en manquement. Enfin, l’ex-article 35 §2 TUE prévoyait que la compétence de la Cour de
justice pour statuer à titre préjudiciel sur la validité et l’interprétation des instruments pénaux
était subordonnée à l’acceptation expresse de cette compétence par les Etats membres47. Une
telle limite à la compétence de la Cour a été supprimée par le traité de Lisbonne.

La reconnaissance mutuelle en matière pénale, annoncée depuis le Conseil européen de


Tampere, semble connaître un bilan mitigé. En effet, le principe de reconnaissance fait face à
des obstacles qu’il conviendra d’identifier. Les solutions proposées par le traité de Lisbonne
méritent également d’être étudiées, en se demandant si le traité donne un nouvel élan à la
reconnaissance mutuelle, notamment par les possibilités d’harmonisation introduites par
l’article 82 §2 TFUE. Par ailleurs, la compétence pénale de l’Union consacrée par l’article 83
TFUE va obliger l’Union « à penser le droit pénal »48. Une telle réflexion sera la bienvenue,
car il est souvent reproché à la coopération judiciaire en matière pénale de s’être construite
rapidement et sans politique criminelle. Dans un arrêt du 30 juin 2009, la Cour
constitutionnelle allemande a ainsi reproché au droit pénal européen une évolution complexe
et peu transparente49. De plus, la soumission du droit pénal européen au droit de l’Union, et
notamment aux libertés de circulation, est discutable. En effet, la spécificité du droit pénal,
notamment dans la logique territoriale et souverainiste qu’il suit traditionnellement, paraît peu
compatible avec la logique d’intégration économique originellement suivie par la construction
européenne. On essaiera de voir si le traité de Lisbonne apporte des réponses ou des solutions
à ces reproches, et comment il peut faire le lien entre répression et construction européenne.
L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne doit également être entourée d’une réflexion sur
l’humanisme du droit pénal européen. L’espace de liberté, de sécurité et de justice est souvent
critiqué pour avoir privilégié son volet répressif au détriment du droit des personnes50. En
46
La décision-cadre se définit comme un acte qui vise à rapprocher les dispositions législatives et réglementaires
nationales, et lie les Etats membres quant au résultat à atteindre, tout en leur laissant le choix des moyens de
mise en œuvre.
47
Ex-article 35 TUE §2 : « Tout Etat membre peut, par une déclaration faite au moment de la signature du traité
d’Amsterdam, ou à tout autre moment postérieur à ladite signature, accepter la compétence de la Cour de justice
pour statuer à titre préjudiciel dans les conditions définies au paragraphe 1 ».
48
G. GIUDICELLI-DELAGE, « Introduction générale », in G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES
(dir.), Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, coll. UMR de droit comparé de
Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 22.
49
Voir M. Hubert HAENEL, Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires européennes,
Rapport sur l'arrêt rendu le 30 juin 2009 par la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne (Cour de Karlsruhe)
au sujet de la loi d'approbation du traité de Lisbonne, n° 119 (2009-2010), 26 novembre 2009.
50
P. BEAUVAIS, « Procédure pénale : droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures
pénales », Revue trimestrielle de droit européen, 2011, p. 642.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 15 /84


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matière de libertés individuelles, les deux grandes avancées du traité de Lisbonne sont d’une
part la valeur juridique conférée à la Charte des droits fondamentaux51, et d’autre part,
l’adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme52,
dont le processus a officiellement débuté le 7 juillet 2010. Toutefois, un protocole prévoit que
la Charte n’est pas obligatoire pour le Royaume-Uni et la Pologne53. Comme le relèvent
certains auteurs, l’idée même d’une exception ébranle la crédibilité de la notion de droits
fondamentaux54. On peut cependant imaginer que la Cour de Justice utilisera la notion de
« valeurs constitutionnelles communes » des Etats membres pour neutraliser cette exception.
La difficulté majeure de la coopération judiciaire en matière pénale sera de permettre la libre
circulation de la justice pour compenser la libre circulation des personnes. Mais cet équilibre
doit se faire dans le respect des droits fondamentaux, et c’est pourquoi la vision seulement
sécuritaire d’origine ne peut être maintenue. Ainsi, dans quelle mesure les réformes
introduites par le traité de Lisbonne au titre de la coopération judiciaire en matière pénale
permettent-elles de garantir le respect des libertés fondamentales tout en assurant la sécurité
dans l’Union européenne ? Il conviendra de répondre à cette question à travers les trois axes
principaux de réforme en matière pénale que sont la reconnaissance mutuelle, l’harmonisation
de la procédure pénale et l’harmonisation du droit pénal. Le traité de Lisbonne ouvre sans
conteste de nouvelles possibilités en matière pénale car il consacre explicitement la
reconnaissance mutuelle comme le fondement de la coopération judiciaire en matière pénale
(Partie 1), dont l’harmonisation de la procédure pénale est le nécessaire complément (Partie
2). De plus, la consécration de la compétence pénale de l’Union européenne a fait de
l’harmonisation du droit pénal un instrument indissociable de la mise en œuvre de la
coopération judiciaire (Partie 3).

51
Article 6 §1 al. 1 TUE : « L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des
droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu'adoptée le 12 décembre 2007 à
Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités ».
52
Article 6 §2 al. 1 TUE : « L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et
des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies
dans les traités ».
53
Article I, Protocole n°30 sur l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la
Pologne et au Royaume-Uni (JO du 9 mai 2008, C115/313).
54
J. PRADEL, G. CORSTENS et G. VERMEULEN, Droit pénal européen, 3e édition, Précis Droit Privé,
Dalloz, Paris, 2009, p. 766.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 16 /84


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PARTIE 1 – LA RECONNAISSANCE MUTUELLE COMME FONDEMENT DE LA


COOPERATION JUDICIAIRE EN MATIERE PENALE

Le Conseil européen de Tampere avait présenté le principe de reconnaissance comme la


pierre angulaire de la coopération judicaire, mais c’est véritablement le traité de Lisbonne qui
l’a consacré en matière pénale (Section 1). Toutefois, la spécificité de la matière pénale, en ce
qu’elle relève traditionnellement de la souveraineté des Etats membres, ne permet pas
d’appliquer les solutions classiques retenues en matière de coopération internationale. Ainsi,
bien que consacrée par le traité, la reconnaissance mutuelle rencontre des limites (Section 2).

Section 1 – La consécration du principe de reconnaissance mutuelle en


matière pénale par le traité de Lisbonne
Si le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales étrangères est inscrit dans
le traité de Lisbonne, il n’y est pas défini, et cette absence de définition est considérée par
certains comme « l’obstacle majeur à la consécration du principe de reconnaissance
mutuelle »55. Il est difficile de trouver une définition qui fasse l’unanimité, si bien que
certains se demandent même s’il s’agit d’un principe cohérent56. On peut toutefois se risquer à
une définition. Le terme même de « reconnaissance » renvoie à une procédure de coopération
judiciaire recouvrant tant les cas d’exécution, que ceux de prise en considération des décisions
étrangères57. Pour la Commission, reconnaître une décision étrangère en matière pénale
signifie « lui donner effet en dehors de l’Etat dans lequel elle a été prise, soit en lui donnant
les effets juridiques qui lui sont attribués par le droit pénal étranger, soit en tenant compte de
cette décision pour lui associer les effets prévus par le droit pénal de l’Etat qui la
reconnaît »58. Reconnaître une décision pénale étrangère signifie donc soit l’exécuter sur le
territoire national (§1), soit la prendre en compte pour l’application du droit national (§2).

§1 – La reconnaissance mutuelle comme moyen d’exécution de la décision


pénale étrangère
Pour l’application du principe de reconnaissance mutuelle dans l’espace pénal européen,
l’Union a fait le choix d’une application directe de la décision pénale étrangère (A). Ce choix
repose sur une présomption de validité de la décision rendue dans un autre Etat membre (B).

A) L’exécution directe des décisions pénales étrangères

Les décisions visées par le principe de reconnaissance mutuelle et destinées à être


exécutées directement, sont les décisions judiciaires relevant du droit pénal, interprété
largement par l’Union (1). Par la reconnaissance mutuelle, il leur est reconnu un effet direct
dans toute l’Union européenne (2).

55
G. TAUPIAC-NOUVEL, Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions répressives dans l’Union
européenne : contribution à l’étude d’un modèle de libre circulation des décisions de justice, Collection des
Thèses, n° 50, Fondation Varenne, LGDJ, 2011, p. 33.
56
G. VERRIMMAN-VAN TIGGELERN, L. SUPRANO et A. WEYEMBERGH, L’avenir de la reconnaissance
mutuelle en matière pénale dans l’Union européenne, Université de Bruxelles, 2009, p. 53.
57
G. TAUPIAC-NOUVEL, préc. note 56, p. 13.
58
Communication de la Commission du 26 juillet 2000 sur la reconnaissance des décisions finales dans le
domaine pénal, COM(2000) 495 final, non publiée au JO.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 17 /84


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1) Les décisions visées par la reconnaissance mutuelle

Les décisions visées par le principe de reconnaissance mutuelle sont, aux termes de
l’article 82 TFUE, les jugements et les décisions judiciaires. Si le terme de « décision
judiciaire » utilisé par le traité peut sembler ambigu, le Conseil européen de Tampere a
explicitement conclu que le principe de reconnaissance mutuelle s'appliquait aussi bien aux
jugements qu'aux autres décisions émanant des autorités judiciaires. Le principe de
reconnaissance mutuelle s’applique donc aux décisions judiciaires prises à tous les stades de
la procédure pénale, ou portant sur une question liée à ces procédures, telle que l’obtention et
la recevabilité des preuves, les conflits de compétences, le principe non bis in idem, ainsi que
l’exécution des condamnations définitives à des peines d’emprisonnement ou à toute autre
peine de substitution59.

Les décisions judiciaires visées par le principe de reconnaissance mutuelle sont ensuite
celles qui relèvent du droit pénal, c’est-à-dire de l’ensemble des règles prévoyant des
sanctions ou des mesures de réinsertion60. Le programme de Stockholm prévoit toutefois que
« la reconnaissance mutuelle pourrait s'appliquer à tous les types de jugements et de décisions
de nature judiciaire, que ce soit en matière pénale ou administrative, en fonction du système
juridique concerné »61. Une telle formule se rapproche de la notion de « matière pénale » telle
que retenue par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme62. Selon des
critères définis par sa jurisprudence63, la Cour de Strasbourg a ainsi pu intégrer des normes
qui n’appartenaient pas à la matière pénale en droit national, telles que les sanctions
administratives, disciplinaires, pénitentiaires ou fiscales. En envisageant d’appliquer le
principe de reconnaissance mutuelle à des décisions judiciaires en matière administrative, le
Conseil européen souligne quant à lui l’importance d’une reconnaissance mutuelle généralisée
à l’ensemble des décisions ayant un caractère répressif. Ainsi, sont visées par le principe de
reconnaissance mutuelle non seulement les décisions des tribunaux, mais aussi celles de
certaines autorités administratives. Dans l’espace pénal européen, toutes ces décisions sont
censées avoir un effet direct.

2) L’effet direct des décisions pénales dans l’Union européenne

Reconnaître une décision étrangère c’est notamment accepter de l’appliquer, directement


ou indirectement. Une exécution indirecte implique la nécessaire conversion de la décision
étrangère en une décision nationale64. En droit pénal international, l’exécution d’une décision
étrangère est indirecte, car soumise à « une procédure d’acceptation de la décision

59
Programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions
pénales, JO C 12 du 15 janvier 2001, p. 10-22.
60
Communication de la Commission du 19 mai 2005 sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en
matière pénale et le renforcement de la confiance mutuelle entre les Etats membres, COM(2005) 195 final, non
publiée au JO.
61
Programme de Stockholm, « Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens », JO C 115 du 4 mai
2010, § 3.1.1.
62
Pour la Cour EDH, le concept « d’accusation en matière pénale » de l’article 6 CEDH, relatif au droit à un
procès équitable, revêt une portée autonome, indépendante des catégorisations utilisées par les systèmes
juridiques nationaux des États membres du Conseil de l’Europe (CEDH, Adolf c. Autriche, 26 mars 1982, Série
A n° 49, p. 12, § 30).
63
CEDH, Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, Série A n° 22, pp. 34-35, §§ 82-83.
64
Communication de la Commission du 19 mai 2005 sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en
matière pénale et le renforcement de la confiance mutuelle entre les Etats membres, COM(2005) 195 final, non
publiée au JO.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 18 /84


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étrangère », c’est-à-dire à l’exequatur65. Ce n’est pas le cas dans le cadre de la coopération


pénale européenne, car l’Union a fait le choix d’une application directe des décisions pénales,
c’est-à-dire sans conversion de la décision étrangère en une décision nationale. Les décisions
judiciaires pénales des Etats membres ont ainsi un effet direct dans toute l’Union. Sur cette
base, une décision prise par une autorité dans un État membre peut être acceptée en tant que
telle dans un autre État « même si une autorité comparable n’existe pas dans cet Etat, ou ne
peut pas prendre une telle décision, ou aurait pris une décision totalement différente dans un
cas comparable »66. Toutefois, la plupart des Etats voient dans l’exécution sur leur territoire
des décisions pénales étrangères une atteinte à leur souveraineté. Leur position tend à
s’assouplir depuis plusieurs décennies déjà, face notamment à « l’internationalisation de la
criminalité et [à] la nécessité d’assurer la réinsertion sociale des condamnées »67. L’Union
européenne est elle-même sensible à cette dernière problématique. Elle y répond par
l’affirmation du principe de reconnaissance mutuelle, dans lequel elle voit un moyen de
« favoriser une meilleure réinsertion sociale du délinquant »68.

Sans s’attarder sur ces objectifs humanistes, que l’on évoquera de manière plus
approfondie à travers les instruments de mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle, il
convient de distinguer deux hypothèses d’exécution directe du jugement étranger. La
première est celle dans laquelle un Etat membre, l’Etat d’exécution, livre la personne
condamnée à un autre Etat membre, l’Etat d’émission, pour l’exécution de la peine prononcée
dans l’Etat d’émission. Il s’agit, dans le cadre du mandat d’arrêt européen, de la remise aux
fins d’exécution. La seconde hypothèse est celle dans laquelle l’Etat membre qui a rendu une
décision de condamnation laisse l’Etat d’exécution mettre en œuvre ladite condamnation.
L’individu va alors exécuter sa peine dans un autre Etat membre que celui dans laquelle elle a
été prononcée. Dans cette situation, la reconnaissance mutuelle permet de garantir, au stade de
l’exécution, qu’un jugement prononcé dans un Etat membre ne sera pas remis en question
dans un autre État membre. C’était déjà l’objectif de la convention du Conseil de l’Europe du
28 mai 1970 sur la valeur internationale des jugements répressifs, mais ce texte fondateur a
peu été appliqué69. Deux conventions ont également été adoptées entre les Etats membres de
l’Union en matière d’exécution des décisions définitives70. Grâce à la reconnaissance
mutuelle, la décision judiciaire prise dans un Etat membre sera exécutée dans les autres Etats
membres « facilement et rapidement, le plus possible comme le serait une décision
nationale »71. L'application directe et automatique du principe de reconnaissance mutuelle
semble difficile en pratique dans la plupart des cas. Un Etat membre souhaitant appliquer une
décision prise dans un autre État membre devra au moins traduire cette décision et vérifier

65
R. ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, LGDJ, Bruylant, 3e éd.,
2009, p. 713.
66
Communication de la Commission du 26 juillet 2000 sur la reconnaissance des décisions finales dans le
domaine pénal, COM(2000) 495 final, non publiée au JO.
67
R. ZIMMERMANN, préc. note 66, p. 713.
68
Programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions
pénales, JO C 12 du 15 janvier 2001, p. 10-22.
69
On peut mentionner également la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des
personnes condamnées, dont l’objet principal est de favoriser le reclassement des personnes condamnées et
procède de considérations humanitaires, ce qui implique nécessairement une reconnaissance de la décision
prononcée dans l'Etat de condamnation par l'Etat d'exécution.
70
La convention entre les Etats membres des Communautés européennes sur l'exécution des condamnations
pénales étrangères du 13 novembre 1991, adoptée dans le cadre de la coopération politique ; et la convention de
l'Union européenne du 17 juin 1998 relative aux décisions de déchéance du droit de conduire.
71
I. JEGOUZO, « Le développement progressif du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires
pénales dans l’Union européenne », in Le droit pénal de l’Union européenne, Revue internationale de droit
pénal, Vol. 77, Erès, 2007, p. 98.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 19 /84


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qu’elle émane d'une autorité compétente en la matière. Néanmoins, théoriquement, la


validation d'une décision prise dans un autre État membre ne devrait pas être nécessaire. Une
telle présomption de validité de la décision pénale étrangère repose sur l’idée d’une
équivalence des décisions.

B) Une présomption d’équivalence des décisions pénales étrangères

La reconnaissance mutuelle implique que les décisions rendues par l’Etat étranger soient
considérées comme équivalentes aux décisions nationales. En matière de liberté de
circulation, les réglementations des Etats membres avaient déjà être considérées comme
présumées équivalentes (2). Une telle présomption repose, dans le cadre du marché intérieur,
et plus encore dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, sur la confiance mutuelle
entre les Etats membres (1).

1) Une présomption d’équivalence fondée sur la confiance mutuelle

La Commission voit dans la reconnaissance mutuelle « un principe largement reconnu


comme reposant sur l’idée que, même si un autre Etat peut ne pas traiter une affaire donnée de
façon identique, voire analogue à son propre Etat, les résultats sont tels qu’ils sont considérés
comme équivalant aux décisions de ce dernier. […] Sur la base de cette notion d’équivalence
et de la confiance sur laquelle elle repose, les résultats obtenus par l’autre Etat peuvent
prendre effet dans la sphère d’influence juridique de l’Etat concerné »72. Ainsi, dans le cadre
de la reconnaissance mutuelle, les autorités judiciaires, mais également tous les acteurs de la
procédure pénale, doivent considérer les décisions des autorités judiciaires des autres Etats
membres comme équivalentes aux leurs73. Par l’affirmation de la reconnaissance mutuelle,
« la décision émise par l’autorité compétente d’un Etat doit valoir par elle-même »74. Une
reconnaissance dite « mutuelle » semble donc impliquer une certaine automaticité dans la
reconnaissance de la décision étrangère, voire presque une présomption de validité, ce qui
s’oppose par définition à l’exigence de réciprocité existant en droit international classique. On
verra toutefois que la mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle n’entraîne pas
automatiquement la coopération, puisque des motifs obligatoires ou facultatifs de refus
d’exécution demeurent75. L’équivalence des décisions répressives dans l’Union ainsi affirmée
est fondée sur la confiance mutuelle qui existe entre les Etats membres. Cette confiance
repose sur « le socle commun que constitue l’attachement des Etats membres aux principes de
liberté, de démocratie et de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi
que l’Etat de droit »76. Les Etats membres, et prochainement l’Union elle-même, sont en effet
tous parties à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. De plus, la
Charte des droits fondamentaux de l’UE a, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la
même valeur juridique que les traités originaires. On verra toutefois que la confiance mutuelle
constitue plus un idéal politique qu’une réalité pratique. En tout état de cause, dans

72
Communication de la Commission du 26 juillet 2000, préc.
73
Directive du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (2012/13/UE),
JO L 142 du 1er juin 2012, Considérant 4.
74
D. FLORE, « Reconnaissance mutuelle, double incrimination et territorialité », in G. de KERCHOVE et A.
WEYEMBERGH (éd.), La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires pénales dans l’Union européenne,
Université de Bruxelles, IEE, 2001, p. 64.
75
A. WEYEMBERGH, Reconnaissance mutuelle en matière pénale dans l’Union européenne, JurisClasseur
Europe Traité, Fasc. 2720, §12.
76
Programme de mesures du Conseil destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des
décisions pénales, JO C 12 du 15 janvier 2001.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 20 /84


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l’affirmation de l’équivalence des décisions pénales, on retrouve les origines du principe de


reconnaissance mutuelle.

2) Une équivalence originaire du marché intérieur

La jurisprudence Cassis de Dijon77 est souvent citée comme la première apparition du


principe de reconnaissance mutuelle en droit de l’Union européenne, dans le cadre du marché
intérieur78. Dans cet arrêt étaient en cause des règles allemandes relatives à la composition
d'une liqueur légalement fabriquée et commercialisée dans son pays d'origine, la France.
Selon la Cour de justice, ces règles restreignaient l’importation du produit en Allemagne,
jugeant que « tout produit légalement fabriqué et commercialisé dans un Etat membre,
conformément à la réglementation et aux procédés de fabrication loyaux et traditionnels de ce
pays, doit être admis sur le marché de tout autre Etat membre ». De nombreux auteurs ont
déduit de cette formule un principe d’équivalence des réglementations, voire de
reconnaissance mutuelle79. Il faut toutefois noter qu’à cette époque, ni l’arrêt, ni la
communication interprétative de la Commission80 n’utilisent l’expression de reconnaissance
mutuelle, mais plutôt celle de « principe du pays d’origine »81. En vertu de ce principe, si une
marchandise est conforme à la loi de son pays d'origine, elle doit pouvoir librement circuler
dans les Etats membres de l'Union européenne. Si, dans l’Etat membre d’importation, une loi
impose des restrictions entravant la libre circulation, cette loi pourra être écartée82, et ce
même s’il s’agit d’une loi choisie par les parties à un contrat, ou encore d’une loi impérative
ou de police. Des arrêts postérieurs ont confirmé le système de reconnaissance mutuelle en
matière de libre circulation des services83, et également, mais de manière moins explicite, en
matière de liberté d’établissement84 et de libre circulation des capitaux.

Le principe de reconnaissance mutuelle tel que défini par la Cour de justice en matière de
liberté de circulation repose sur la notion d'équivalence de la qualité de la réglementation des
différents États membres et sur la confiance mutuelle entre eux. Toutefois, des restrictions
légitimes sont posées au jeu de la reconnaissance mutuelle en matière de libre circulation. En
effet, des exigences ou raisons impératives d’intérêt général peuvent permettre d’écarter du
champ des entraves certaines dispositions légales. Ainsi, si des limites peuvent être posées à
la reconnaissance mutuelle dans le cadre du marché intérieur, de telles limites sont a fortiori
envisageables dans le domaine répressif, qui par définition relève de la souveraineté des Etats

77
CJCE, 20 févr. 1979, aff. 120/78, Rewe-Zentral AG c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, Rec. p. 649.
78
I. JEGOUZO, préc. note 72, p. 97.
79
A. WEYEMBERGH, préc. note 76, §90.
80
Communication de la Commission sur les suites de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés
européennes le 20 février 1979 dans l'affaire 120-78 (Cassis de Dijon), JO C 256 du 3 octobre 1980, p. 2-3.
81
M. MASSE, « La reconnaissance mutuelle », in G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), Le droit
pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28,
Société de législation comparée, Paris, 2012, p. 209.
82
En matière de liberté de circulation des marchandises, la Cour de Justice a exclu du jeu du droit des entraves
les réglementations relatives aux modalités de vente des marchandises, notamment dans l’arrêt Keck et
Mithouard (CJCE, 24 nov. 1993, aff. C-267/91 et C-268/91, Rec. 1993 I p. 16097), à propos d'une
réglementation prohibant la revente à perte. Mais cette solution est difficilement transposable aux autres libertés
de circulation (J.-S. BERGE et S. ROBIN-OLIVIER, Introduction au droit européen, PUF, Thémis, 2008,
n° 192).
83
CJCE, 3 déc. 1974, aff. 33/74, Van Binsbergen, Rec. 1974 p. 1299 ; CJCE, 25 juill. 1991, Säger, aff. C-76/90,
Rec. 1991 I p. 4221.
84
CJCE, 9 mars 1999, aff. C-212/97, Centros, Rec. 1999 I p. 1484 ; CJCE, 9 nov. 2002, aff. C-208/00,
Überseering, Rec. 2002 I p. 9919 ; CJCE, 30 sept. 2003, aff. C-167/01, Inspire Art, Rec. 2003 I p. 10155 ;
CJCE, 12 sept. 2006, aff. C-196/04, Cadbury Schweppes, Rec. 2006 I p. 7995.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 21 /84


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membres, et dans lequel le processus d’intégration est moins avancé qu’en matière
économique. Une difficulté apparaît également en ce que les décisions pénales ne sont pas des
marchandises, et créer un espace judiciaire sans frontières ne consiste pas à instituer un
« marché intérieur de la justice »85. Le principe de reconnaissance mutuelle permet de
recevoir les jugements répressifs étrangers, mais il ne doit pas être pensé sur le modèle de la
libre circulation des marchandises, en raison notamment de la spécificité de la matière pénale.
On peut donc s’interroger sur le bien fondé de l’importation, dans le domaine répressif, qui
touche de près aux libertés, d’une notion qui avait été inventée dans le cadre du marché
intérieur, donc en matière économique. Si dans le cadre du marché intérieur la Cour de justice
a pu déclarer que les réglementations nationales étaient équivalentes, en revanche en matière
pénale il ne suffit pas d’énoncer que les décisions pénales sont équivalentes pour que les
autorités judiciaires acceptent de les reconnaître. Au-delà des affirmations d’équivalence, il
faut que les autorités des Etats membres aient confiance en la justice pénale étrangère. C’est
pourquoi la simple prise en compte de la décision pénale étrangère par les autorités
judiciaires, pour l’application du droit national, qui nécessite probablement un degré moindre
de confiance dans la justice pénale étrangère, fonctionne peut-être mieux en pratique.

§2 – La reconnaissance mutuelle comme moyen de prise en compte de la


décision pénale étrangère
La reconnaissance mutuelle d’un jugement étranger implique que celui-ci soit pris en
compte par les autres Etats membres, c’est-à-dire que les mêmes faits ne soient pas rejugés.
Se dessine ainsi une des finalités du principe de reconnaissance mutuelle : le respect du
principe non bis in idem (A). La jurisprudence de la Cour de justice à l’égard de ce principe a
beaucoup contribué à l’approfondissement de la reconnaissance mutuelle (B).

A) Le respect du principe non bis in idem comme finalité de la reconnaissance


mutuelle

Le principe de reconnaissance mutuelle facilite certes la coopération entre les autorités


judiciaires, mais vise également à améliorer la protection judiciaire des droits de la personne,
notamment le principe non bis in idem. Ce principe peut alors apparaître comme une des
finalités du principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale, en évitant qu’une
personne ne soit poursuivie plusieurs fois pour les mêmes faits. En effet, en reconnaissant la
valeur de la décision rendue dans un autre Etat membre, on évite qu’une personne déjà jugée
dans cet Etat le soit à nouveau dans un autre Etat membre pour une infraction identique. Le
principe non bis in idem ici visé a d’abord fait l'objet d’une convention entre les Etats
membres86, puis a été consacré en droit de l’Union. L’article 54 de la convention
d’application de l’accord de Schengen (CAAS)87 apparaît comme la première base légale
consacrant le principe non bis in idem dans l’UE. Aux termes de cet article, « une personne
qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être
poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la
sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée

85
M. MASSE, « La reconnaissance mutuelle », in G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), Le droit
pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28,
Société de législation comparée, Paris, 2012, p. 208.
86
Convention entre les Etats membres des Communautés européennes relative à l'application du principe non bis
in idem, signée à Bruxelles dans le cadre de la coopération politique européenne le 25 mai 1987.
87
Convention d’application de l’accord de Schengen, 19 juin 1990.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 22 /84


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selon les lois de la Partie Contractante de condamnation ». Le principe était déjà consacré par
des instruments internationaux, notamment à l’article 14 §7 du Pacte international sur les
droits civils et politiques, et à l’article 4 du Protocole n°7 de Convention européenne des
droits de l’homme. Toutefois, ces textes ne reconnaissaient qu’une portée nationale au
principe non bis in idem ; l’article 54 l’a « transnationalisé » entre les Etats parties de la
CAAS. L’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a repris cet
acquis du droit de l’Union, énonçant que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en
raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un
jugement pénal définitif conformément à la loi ».

Avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le champ de l’article 54 CAAS était


limité par les exceptions prévues à l’article 55, selon lequel une partie contractante pouvait
déclarer qu’elle n’était pas liée par le principe non bis in idem. Le recours à cette possibilité
était assez fréquent. La Charte des droits fondamentaux ayant à présent la même valeur
juridique que les traités fondateurs, une telle dérogation à la règle non bis in idem n’est
envisageable que dans les conditions très restrictives prévues par la clause horizontale de
l’article 52 §1 de la Charte. Il faut souligner également que l’exception prévue à l’article 55
CAAS était déjà encadrée par la « clause de déduction de la peine » de l’article 56, prévue en
cas de nouvelles poursuites intentées par une partie contractante contre une personne qui avait
été définitivement jugée pour les mêmes faits par un autre Etat partie. Une proposition de
décision-cadre88 avait été présentée en avril 2003 par la présidence grecque, dans le but de
parvenir à une pleine application du principe non bis in idem. Les négociations ont toutefois
échoué, et ce n’est que par l’élévation de la Charte des droits fondamentaux au même rang
que les traités, par le traité de Lisbonne, que le principe a été pleinement consacré en droit de
l’Union européenne, non seulement à l’intérieur de la juridiction d’un même Etat membre,
mais également entre les juridictions des Etats membres. Par ailleurs, les textes internationaux
précités présentent tous le principe comme un droit de l’homme et ne traitent pas de la
problématique de la reconnaissance du jugement étranger89. Le principe de reconnaissance
mutuelle en matière pénale peut permettre de combler cette carence, par l’intermédiaire de
l’autorité dite négative de la chose jugée. Avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la
Cour de Justice avait développé une importante jurisprudence sur la définition du principe
non bis in idem tel que consacré par l’article 54 CAAS. Cette jurisprudence est toujours
pertinente, dans la mesure où elle correspond à l’acquis du droit de l’Union à l’égard de la
règle non bis in idem.

B) La contribution de la Cour de justice à l’approfondissement de la reconnaissance


mutuelle90

En application du principe non bis in idem tel qu’interprété par la Cour de justice, la
reconnaissance mutuelle implique la prise en compte des décisions qui, d’une part, portent sur
les mêmes faits dans leur acceptation matérielle (1) et, d’autre part, ont un caractère définitif
(2).

88
JO du 26 avril 2003.
89
F. JAULT-SESEKE et J. LELIEUR, « Les différences d’approche de l’espace judiciaire européen sur les plans
civil et pénal », in F. JAULT-SESEKE, J. LELIEU et C. PIGACHE (dir.), L’espace judiciaire européen civil et
pénal. Regards croisés, Actes du 25e colloque des Instituts d’études judiciaires organisé les 20 et 21 mars 2009 à
l’Université de Rouen, coll. Thèmes & Commentaires, Dalloz, Paris, 2009, p. 24.
90
Selon l’expression utilisée par A. WEYEMBERGH, Reconnaissance mutuelle en matière pénale dans l’Union
européenne, JurisClasseur Europe Traité, Fasc. 2720, §99.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 23 /84


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1) La prise en compte des décisions portant sur les mêmes faits matériels

La Cour de justice a jugé dans l’arrêt Van Esbroeck91 que la notion d’« idem » renvoyait
aux faits dans leur acceptation matérielle. En l’espèce, un ressortissant belge avait été
condamné par un tribunal norvégien à une peine d’emprisonnement de cinq ans pour
importation illicite de produits stupéfiants. Libéré conditionnellement, il avait été ramené en
Belgique, où une procédure avait été alors été engagée contre lui pour exportation illicite des
mêmes produits stupéfiants. En effet, l’article 36 de la convention des Nations Unies sur les
stupéfiants92 prévoit que l’importation et l’exportation sont des infractions distinctes
lorsqu’elles sont commises dans des Etats différents. A la question de savoir quel était le
critère pertinent aux fins de l’application de l’article 54 CAAS, la Cour de justice a répondu
que le seul critère pertinent était « celui de l’identité des faits matériels, compris comme
l’existence d’un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles »93.
Ce n’est donc ni la qualification juridique des faits, ni la valeur sociale protégée par
l’incrimination, qu’il convient de prendre en compte pour l’application du principe non bis in
idem, mais bien la matérialité des faits. Cela a des conséquences en matière de reconnaissance
mutuelle : dans l’espèce en cause, les faits semblaient par leur nature même indissociablement
liés, et la reconnaissance de la décision norvégienne était donc susceptible de faire obstacle
aux poursuites belges. L’article 50 de la Charte des droits fondamentaux ne reprend pas
l’expression de « mêmes faits », et s’approche davantage dans sa formulation de l’article 4 du
Protocole n°7 de la Convention EDH. Néanmoins, dans la mesure où la Cour EDH a fini par
la suivre la jurisprudence de la Cour de justice quant à la définition matérielle des faits, il est
indiscutable que c’est cette définition de l’« idem » qu’il convient de retenir pour l’application
du principe non bis in idem dans l’Union. La jurisprudence de la Cour de Luxembourg n’est
pas remise en cause sur ce point par le traité de Lisbonne. La Cour a également été amenée à
préciser que les décisions visées par le principe de reconnaissance mutuelle étaient celles
ayant un caractère définitif.

2) La prise en compte des décisions définitives

Les décisions définitives peuvent être les décisions des tribunaux et de certaines autorités
administratives, mais aussi les résultats des procédures de médiation et les accords entre les
suspects et le ministère public. La Cour de justice a eu l’occasion de définir la notion de
décision définitive à travers sa jurisprudence relative au principe non bis in idem. Pour que le
principe non bis in idem trouve à s’appliquer, il faut encore que, selon les termes de l’article
54 CAAS, la personne ait été définitivement jugée, ou que, selon les termes de l’article 50 de
la Charte, le jugement pénal soit définitif. La Cour de justice a ainsi été amenée à déterminer
les décisions pouvant être considérées comme ayant un caractère définitif. Dans un arrêt du
11 février 200394, la question posée à la Cour par les deux affaires jointes était celle de savoir
si le principe non bis in idem s’appliquait aux procédures d’extinction de l’action publique.
Dans l’affaire Gözütok, un ressortissant turc avait commis des faits de vente de stupéfiants
aux Pays Bas. Une transaction avait été convenue entre l’autorité judiciaire néerlandaise et
l’individu en cause. Une autorité judiciaire allemande souhaitait toutefois poursuivre ces faits.
91
CJCE, 9 mars 2006, Procédure pénale c. Van Esbroeck, aff. C-436/04.
92
Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants de 1961, telle que modifiée par le Protocole de 1972
portant amendement de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, Article 36 §2 a) i) : « Chacune des
infractions énumérées au paragraphe 1 sera considérée comme une infraction distincte, si elles sont commises
dans des pays différents ».
93
CJCE, Van Esbroeck, préc. note 91, §36.
94
CJCE, 11 février 2003, Procédures pénales c. Hüsein Gözütok et Klaus Brügge, aff. jointes C-187/01 et C-
385/01, Rec. 2003 I-p. 01345.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 24 /84


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Dans l’affaire Brügge, lors d’un accident de la circulation, une personne avait subi des coups
et blessures ayant entrainé une incapacité de travail. Ce fait commis en Belgique avait fait
l’objet d’une transaction entre son auteur et une autorité judiciaire allemande. Le juge belge
avait toutefois été saisi par la constitution de partie civile de la victime. La Cour de justice a
répondu que le principe non bis in idem s’appliquait aux seules décisions définitives, qu’elles
soient rendues par les juridictions pénales, ou par les parquets, dès lors qu’elles mettaient
définitivement fin aux poursuites. Pour la Cour, aucune disposition du droit de l’Union « ne
subordonne l’application de l’article 54 de la CAAS à l’harmonisation des législations
pénales des Etats membres dans le domaine des procédures d’extinction de l’action
publique »95. Elle ajoute que le principe non bis in idem implique nécessairement que chacun
des Etats membres « accepte l’application du droit pénal en vigueur dans les autres Etats
membres, quand bien même la mise en œuvre de son propre droit national conduirait à une
solution différente »96.

La Cour de justice a également jugé que le principe non bis in idem ne s’appliquait pas
qu’aux décisions de condamnation, mais également aux décisions par lesquelles un prévenu
est acquitté97. Dans l’arrêt Gasparini98, la Cour a ajouté que le principe pouvait également
s’appliquer à une décision définitive rendue dans un premier Etat membre qui rejetait les
poursuites pour cause de prescription, conformément à sa loi pénale. Enfin, dans l’arrêt
Turansky99, la Cour de justice a posé une limite à l’application du principe non bis in idem à
toute décision judiciaire définitive. En effet, elle a estimé que le principe ne s’appliquait pas à
une décision judiciaire déclarant l’affaire clôturée après que le ministère public avait décidé
de ne pas mettre en mouvement l’action publique, sans appréciation au fond, au seul motif
que des poursuites avaient déjà été engagées dans un autre Etat membre à l’encontre de la
même personne et pour les mêmes faits. En l’espèce, une autorité de police avait en effet
ordonné la suspension des poursuites pénales engagées. Or, ladite décision, si elle suspendait
les poursuites, ne mettait pas définitivement fin à l’action publique selon la loi nationale. Le
principe non bis in idem ne pouvait s’appliquer à une telle décision, car il ne peut s’appliquer
qu’aux décisions qui mettent fin définitivement aux poursuites et éteignent l’action publique
d’une manière définitive.

L’affirmation de la règle non bis in idem comme un principe du droit de l’Union, et, plus
généralement, la consécration du principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale, ont
sans conteste favoriser la circulation des décisions pénales étrangères et leur prise en compte
par les autorités judiciaires des Etats membres. Toutefois, de nombreux praticiens dénoncent
le décalage entre « les intentions déclarées, leur mise en œuvre dans les textes et leur
transposition en droit interne »100, ce qui laisse penser que, bien qu’affirmé et consacré dans le
traité de Lisbonne, le principe de reconnaissance rencontre en pratique certaines limites.

95
CJCE, Gözütok et Brügge, préc., §32.
96
CJCE, Gözütok et Brügge, préc., §33.
97
En l’espèce pour insuffisance de preuves : CJCE, 28 septembre 2006, Procédure pénale c. Van Straaten, aff.
C-150/05.
98
CJCE, 29 septembre 2006, Procédure pénale c. Gasparini, aff. C-467/04.
99
CJCE, 22 décembre 2008, Procédure pénale c. Vladimir Turansky, aff. C-491/07.
100
S. PETIT-LECLAIR, « La mise en œuvre du mandat d’arrêt européen », in F. JAULT-SESEKE, J. LELIEU
et C. PIGACHE (dir.), L’espace judiciaire européen civil et pénal. Regards croisés, Actes du 25e colloque des
Instituts d’études judiciaires organisé les 20 et 21 mars 2009 à l’Université de Rouen, coll. Thèmes &
Commentaires, Dalloz, Paris, 2009, p. 99.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 25 /84


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Section 2 – Les limites de la consécration du principe de reconnaissance


mutuelle en matière pénale
Dans le programme de La Haye, la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle
se présentait comme l’une des perspectives les plus prometteuses dans le domaine pénal. Neuf
ans plus tard, malgré l’apparente logique des programmes, et les priorités et échéances fixées
par les plans d’action, le constat n’est pas très optimiste et la mise en œuvre de la
reconnaissance mutuelle est en retard. Une des raisons du retard de la mise en place d’un
espace de justice européen, fondé sur la reconnaissance mutuelle des décisions, peut être le
défaut de confiance réciproque, pourtant présentée comme le fondement de la reconnaissance
mutuelle (§1). Une autre raison tient dans le fait que, bien que la libre circulation des
décisions répressives dans l’UE soit affirmée, il n’existe pas de modèle de circulation des
décisions qui correspondrait à la spécificité de l’espace pénal que l’Union veut créer (§2).

§1 – Une reconnaissance mutuelle fondée sur un postulat de confiance


Dans le programme de La Haye, le Conseil européen a souligné la nécessité
d’accompagner le développement de la reconnaissance mutuelle d’un « renforcement de la
confiance mutuelle », car seule une véritable confiance réciproque rendra possible la
reconnaissance mutuelle en pratique (A). Toutefois, la notion de confiance souffre du fait
qu’elle soit plus une affirmation politique qu’une réalité pratique (B).

A) La confiance mutuelle, une condition de possibilité de la reconnaissance mutuelle

La notion de confiance mutuelle apparaît aux Conseils européens de Cardiff, puis de


Tampere, où elle est présentée comme un postulat de départ de l’intégration européenne. Le
programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des
décisions pénales, prévoit que la « mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle
suppose une confiance réciproque des Etats membres dans leurs systèmes de justice pénale
respectifs »101. Ainsi, la confiance devient une « condition de possibilité » du principe de
reconnaissance mutuelle des décisions répressives102. Dans les décisions-cadre, seule celle sur
le mandat d’arrêt européen fait référence à la confiance entre les Etats membres, au
considérant n°10 : « le mécanisme de mandat d’arrêt européen repose sur un degré de
confiance élevé entre les Etats membres »103. Les autres instruments d’application du principe
de reconnaissance mutuelle ne font aucune référence à la notion de confiance mutuelle.

La notion de confiance mutuelle a également été mentionnée dans l’arrêt Gözütok et


Brügge104, dans lequel la Cour de Justice juge que l’article 54 de la convention d’application
de l’accord de Schengen « implique nécessairement qu’il existe une confiance mutuelle entre
des Etats membres dans leurs systèmes de justice pénale et que chacun de ceux-ci accepte
l’application du droit pénal en vigueur dans les autres Etats membres quand bien même la

101
Programme de mesures du Conseil, destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des
décisions pénales, JOCE du 15 janvier 2001, C 12/02.
102
G. TAUPIAC-NOUVEL, Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions répressives dans l’Union
européenne : contribution à l’étude d’un modèle de libre circulation des décisions de justice, Collection des
Thèses, n° 50, Fondation Varenne, LGDJ, 2011, p. 71.
103
Décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre les
Etats membres (2002/584/JAI), JOCE L 190 du 18 juillet 2002, Considérant n° 10.
104
CJCE, 11 février 2003, aff. C-385/01 et C-187/01, Procédure pénale c. Klaus Brügge, Procédure pénale c.
Gözütok, Rec. p. I-1345 et s.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 26 /84


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mise en œuvre de son droit national conduirait à une solution différence ». Ici, la disposition
concernée organise une reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires étrangères qui
n’aurait pas été possible si la confiance n’avait pas existé105. Dans un renversement de
perspective, la confiance mutuelle est établie par ses effets. Alors que le programme de
mesures expliquait que la mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle supposait une
confiance mutuelle, la Cour de Justice déduit quant à elle de l’existence de normes de
reconnaissance mutuelle la préexistence de la confiance mutuelle.

Le traité constitutionnel prévoyait, dans son article I-42, que l’Union constituait un espace
de liberté, de sécurité et de justice, notamment « en favorisant la confiance mutuelle entre les
autorités compétentes des Etats membres, en particulier sur la base de la reconnaissance
mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires ». La confiance mutuelle est ici la
conséquence de la reconnaissance mutuelle, et non son préalable. Pourtant, il nous semble que
c’est la confiance mutuelle qui doit préexister. En effet, « s’engager sur le chemin de la
reconnaissance mutuelle implique l’existence d’une confiance mutuelle antérieure à cet
engagement »106. Selon les termes du traité constitutionnel, il s’agissait néanmoins de
favoriser la confiance par la reconnaissance. Plutôt que de partir du postulat d’une confiance
mutuelle, l’Union avait donc considéré, dans le traité constitutionnel, que la progressive
reconnaissance mutuelle des décisions étrangères allait instaurer une confiance réciproque.
On pouvait alors s’interroger sur la justification du principe même de reconnaissance
mutuelle, alors qu’il était censé s’expliquer justement par une confiance partagée entre les
Etats membres. La logique du traité constitutionnel semblait manquer de cohérence, et c’est
pourquoi elle n’a pas été reprise par le traité de Lisbonne. La confiance mutuelle n’y est
présentée ni comme un fondement, ni comme une finalité de la coopération pénale. Le terme
de confiance mutuelle est tout simplement supprimé. Il semble certes plus logique de
favoriser la confiance pour atteindre la reconnaissance, laquelle ne sera effective que s’il
existe une confiance mutuelle entre les Etats membres. Or, seule l’effectivité de la confiance
mutuelle « pourra assurer la mise en œuvre concrète et effective du principe de
reconnaissance mutuelle parce qu’elle sera la garante de la participation active des acteurs du
système de justice pénale »107. Le problème réside dans le fait que, justement, tous les acteurs
de la justice pénale ne se font pas confiance entre eux, notamment car la confiance est plus
une affirmation politique qu’une réalité pratique.

B) La confiance mutuelle, une affirmation essentiellement politique

La libre circulation des décisions répressives suppose une réelle confiance entre les
acteurs de la justice pénale. Il existe toutefois un décalage entre l’affirmation politique de la
confiance et « le degré réel de confiance existant entre les autorités répressives des Etats
membres », ce qui explique « les blocages dans la mise en œuvre effective du principe de
reconnaissance mutuelle »108. La politique affirme volontiers la confiance mutuelle entre les
Etats membres, mais cette affirmation est quelque peu détachée de la pratique. En effet,
comment attendre d’un juge français qu’il n’ait pas d’inquiétudes sur les décisions d’un
« lointain collègue, qu’il n’a jamais vu et ne verra sans doute jamais, qui statue dans un pays

105
D. FLORE, « La notion de confiance mutuelle : l'« alpha » ou l'« oméga » d'une justice pénale
européenne ? », in G. de KERCHOVE et A. WEYEMBERGH (éd.), La confiance mutuelle dans l'espace pénal
européen, Université de Bruxelles, IEE, 2005, p. 19.
106
D. FLORE, préc., p. 28.
107
D. FLORE, préc., p. 28.
108
D. CHILSTEIN, « Remarques sur le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale », in Le droit
pénal de l’Union européenne au lendemain du Traité de Lisbonne, p. 218.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 27 /84


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qu’il ne connaît pas […], qui n’a peut-être pas le même statut que lui, ni la même
indépendance, applique un autre droit et parle une autre langue »109 ? Comment lui demander
de faire confiance à un juge étranger, alors qu’il peut arriver qu’un juge ait des doutes sur des
juges de son propre Etat, mais d’un autre ressort territorial par exemple ?

Au-delà de ces questionnements, la vraie problématique est celle de la définition de la


notion de confiance. Comme en matière de reconnaissance mutuelle, le législateur européen
ne s’efforce pas de définir précisément les contours des principes qu’il énonce. Lorsque les
textes parlent de confiance mutuelle, ils ne précisent pas entre quels acteurs elle opère. S’agit-
il d’une confiance entre les Etats eux-mêmes, d’une confiance dans leurs gouvernements et
législateurs, ou bien d’une confiance entre les autorités policières et judiciaires ? Comme le
souligne assez justement un auteur, « aucun texte ne paraît s’adresser à la confiance que les
individus – citoyens et justiciables – auraient dans la justice des autres Etats membres »110. Le
programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des
décisions pénales semble viser davantage la confiance entre les Etats. De plus, « la confiance
mutuelle est, par définition, un mouvement réciproque »111. En effet, s’agissant de l’exécution
d’une décision, l’autorité d’exécution doit faire confiance à l’autorité d’émission, et
réciproquement l’autorité émettrice doit accepter la façon dont l’autorité réceptrice va
exécuter ladite décision. La confiance mutuelle nécessite enfin d’être proactif, puisque d’un
côté il faut l’accorder, et de l’autre il faut la mériter. Au sein de l’Union européenne, cela
semble envisageable, puisque la construction même de l’Union repose sur l’idée d’un socle
commun de valeurs, de principes partagés, mais la réalité est différente.

Le manque de confiance effective entre les Etats membres pourrait expliquer le paradoxe
entre l’adoption des instruments de reconnaissance mutuelle, relative rapide, et celle des lois
de transposition, très souvent au-delà des délais fixés. A titre d’exemple, la décision-cadre sur
le gel de biens a été adoptée en 2003, et le délai de transposition était fixé au mois d’août
2005, pourtant, fin octobre 2008, huit Etats membres ne l’avaient pas encore transposée, dont
l’Allemagne et l’Italie112. Puisque le nouvel instrument de coopération judiciaire pénale est la
directive, on pourrait penser qu’à l’avenir il y aura un décalage encore plus important entre
l’initiative et le vote d’une part, et la transposition effective d’autre part. En effet, comme les
mesures seront adoptées à la majorité qualifiée, non plus à l’unanimité, elles seront
probablement adoptées encore plus rapidement. On pourrait imaginer que, compte tenu du
désaccord de plusieurs Etats membres ayant voté « contre », la transposition tardera
davantage. C’est sans compter sur la possibilité d’un recours en manquement pour non
transposition des directives, qui, au contraire, accélèrera sûrement l’adoption des instruments
de coopération judiciaire en matière pénale.

La doctrine a pu s’interroger sur la question de savoir si la confiance mutuelle ainsi


affirmée ne réduisait pas la protection des droits fondamentaux de la personne dans le

109
D. FLORE, « La notion de confiance mutuelle : l'« alpha » ou l'« oméga » d'une justice pénale
européenne ? », in La confiance mutuelle dans l'espace pénal européen, G. de KERCHOVE et
A. WEYEMBERGH (éd.), Université de Bruxelles, IEE, 2005, p. 17
110
D. FLORE préc., p. 20
111
G. VENIMMEN, « La confiance mutuelle, un processus dynamique, un apprentissage et un facteur de
progrès », in La confiance mutuelle dans l’espace pénal européen, G. de KERCHOVE et A. WEYEMBERGH
(éd.), Université de Bruxelles, IEE, 2005, p. 205
112
Rapport de la Commission du 22 décembre 2008, fondé sur l'article 14 de la décision-cadre 2003/577/JAI du
Conseil du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou
d'éléments de preuve, COM/2008/885 final.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 28 /84


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processus de circulation des décisions de justice113. C’est le cas notamment du mandat d’arrêt
européen. Fondé sur les principes de reconnaissance et de confiance mutuelles, il devait
renforcer la lutte contre la criminalité transfrontalière. Mais son succès est tel qu’il pourrait
constituer une menace pour les droits de l’homme si les autorités y ont recours de manière
excessive114. En effet, la matière pénale a trait par définition aux libertés individuelles. Or le
principe de reconnaissance mutuelle a été posé dans le cadre du marché intérieur, et les
mécanismes de coopération judiciaire ont d’abord été pensés en matière civile et
commerciale. Ainsi, le principe de reconnaissance mutuelle n’est pas forcément adapté à la
spécificité de la matière pénale. Cette spécificité explique que les modèles de circulation des
décisions qui existent ne soient pas adaptés à l’espace de liberté, de sécurité et de justice que
l’Union entend créer.

§2 – L’inadaptation des modèles de circulation des décisions étrangères


La spécificité de l’espace pénal européen rend inadapté le modèle existant en droit pénal
international (A). Par ailleurs, l’affirmation du principe de reconnaissance mutuelle en
matière pénale n’a pas les mêmes implications que sa consécration en matière civile et
commerciale ; c’est pourquoi le modèle existant en droit international privé ne paraît pas non
plus approprié (B).

A) L’inadaptation du modèle de droit pénal international

Dans le début des années 1970, le Conseil de l’Europe avait déjà pris des conventions sur
la valeur des jugements répressifs et la transmission des poursuites. Mais ces conventions
s’inscrivaient dans une organisation internationale « classique », différente de la logique
d’intégration suivie par l’Union européenne. Ainsi, la reconnaissance dans le cadre du Conseil
de l’Europe s’apparente plus à une simple prise en considération de la décision étrangère.
L’objectif est de faire produire des effets juridiques à une décision répressive dans un système
imprégné des notions de souveraineté et de territorialité115. Or, la construction européenne est
fondée sur la notion d’espace commun, supposé de confiance, dans lequel la notion de
territorialité perd de son acuité. Ainsi, avant la consécration du principe de reconnaissance
mutuelle en matière pénale par le traité de Lisbonne, « l’étude des effets des jugements
répressifs des autres Etats membres [était] renvoyée aux solutions générales applicables aux
effets de n’importe quel jugement répressif étranger sans que leur origine européenne ne soit
capable de modifier ces effets »116 ; mais le principe de reconnaissance mutuelle en matière
pénale a remis en cause l’idée selon laquelle les Etats ne pouvaient pas se faire confiance en
matière de répression pénale. C’est pourquoi la construction européenne a rendu « presque
mécaniquement inadaptées les solutions traditionnelles du droit pénal international et plus
particulièrement l’ignorance des jugements répressifs étrangers dont le fondement se trouve

113
G. STESSENS, « The principle of mutual confidence between judicial authorities n the area of freedom,
justice and security », in G. de KERCHOVE et A. WEYEMBERGH (éd.), L’espace pénal européen, enjeux et
perspectives, Université de Bruxelles, IEE, 2002, p. 101.
114
Voir notamment les observations du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, T.
HAMMARBERG, sur son blog : http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=125
115
M. MASSE, « La reconnaissance mutuelle », in G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), Le droit
pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28,
Société de législation comparée, Paris, 2012, p. 206.
116
D. REBUT, « Les effets des jugements répressifs », in Les effets des jugements nationaux dans les autres
Etats membres de l’Union européenne, Colloque du 24 mars 2000, Université Jean Moulin Lyon 3, Centre
d’études européennes, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 177.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 29 /84


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dans l’idée de territorialité »117. Ainsi, si en droit pénal international l’exécution d’une
décision étrangère est soumise à la procédure d’exequatur, c’est-à-dire la procédure
d’obtention de la déclaration du caractère exécutoire des décisions étrangères118, en revanche
en droit de l’Union, la consécration du principe de reconnaissance mutuelle implique une
exécution directe des décisions étrangères. Le principe de reconnaissance mutuelle remet
donc en cause les modes de raisonnement traditionnels dominés par le principe de
territorialité119 et les rend inadaptés à la construction de l’espace pénal européen. Si le droit
pénal européen n’est pas fondé sur les mêmes principes que le droit pénal international, il ne
repose pas non plus sur ceux du droit international privé.

B) L’inadaptation du modèle de droit international privé

La méthode de la reconnaissance mutuelle des décisions a marqué la coopération


judiciaire également en matière civile et commerciale. La convention de Bruxelles de 1968 est
le point de départ de la construction d’un droit privé européen. Elle visait à faciliter « la
reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires », et à « instaurer une
procédure rapide afin d'assurer l'exécution des décisions, des actes authentiques et des
transactions judiciaires »120. Elle a ensuite été remplacée par un règlement du Conseil du 22
décembre 2000, le règlement « Bruxelles I », concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale121. Ce règlement
a allégé la procédure d’exequatur. Un certificat commun, figurant en annexe du règlement,
doit être rempli par la juridiction d’origine, à la requête de toute partie intéressée122. Il prévoit
que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres,
sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure complémentaire. Entre dans le champ
d’application du règlement toute décision rendue par une juridiction d’un État membre, quelle
que soit la dénomination donnée : arrêt, jugement, ordonnance ou mandat d’exécution. Le
règlement prévoit toutefois des exceptions à la reconnaissance des décisions123. Le règlement
de 2000 a été modifié en 2006, puis en 2008, et complété par un règlement de 2003 relatif à la
compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale124, le
règlement « Bruxelles II ». Ce règlement concerne les procédures civiles relatives au divorce,
à la séparation de corps ou à l’annulation d’un mariage, ainsi que toutes les questions relatives

117
D. REBUT, « Les effets des jugements répressifs », préc. note 117, p. 180.
118
F. R. PAULINO PEREIRA, « La reconnaissance mutuelle dans le domaine de la coopération judiciaire dans
les matières civiles et commerciales », in G. de KERCHOVE et A. WEYEMBERGH (éd.), La reconnaissance
mutuelle des décisions judiciaires pénales dans l’Union européenne, Université de Bruxelles, IEE, 2001, p. 210.
119
D. CHILSTEIN, « Remarques sur le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale », in G.
GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité
de Lisbonne, coll. UMR de droit comparé de Paris, Volume 28, Société de législation comparée, Paris, 2012, p.
218.
120
Préambule de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (version consolidée du 26 Janvier 1998).
121
Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16 janvier 2001.
122
Article 54 du règlement « Bruxelles I » du 22 décembre 2000.
123
Notamment lorsque celle-ci est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis ; lorsque
l’acte introductif d’instance n’a pas été notifié au défendeur en temps utile et de manière qu’il puisse se défendre
; ou encore lorsqu’une telle reconnaissance est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties
dans l’État membre requis, ou avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un
État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause.
124
Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et
l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, JO L 338 du 23
décembre 2003.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 30 /84


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à la responsabilité parentale. En revanche, les procédures civiles relatives aux obligations


alimentaires tombent dans le champ d’application d’un troisième règlement125.

L’idée de la reconnaissance mutuelle des décisions répressives serait semble-t-il


d’appliquer la méthode de la reconnaissance mutuelle des décisions civiles et commerciales,
c’est-à-dire le « système Bruxelles », à l’espace pénal européen. Or il semble difficile, et peu
souhaitable, d’appliquer ce modèle de circulation des décisions à la matière pénale, compte
tenu de sa spécificité. En effet, si la matière civile concerne essentiellement les intérêts privés
et met l’Etat à l’écart, la matière pénale met au contraire en avant les intérêts étatiques, car
elle concerne l’ordre public et l’intérêt général126. Par ailleurs, le règlement « Bruxelles I »
détermine la compétence des tribunaux en matière civile et commerciale. Or le « système
Bruxelles » en la matière n’est pas non plus adapté au droit pénal. En effet, en droit pénal,
l’unique question qui se pose en termes de conflit est celle du conflit de juridiction127,
puisque, contrairement au droit civil, dans la plupart des Etats, si ce n’est la totalité, les
juridictions répressives appliquent la loi du for. La solution serait donc d’instaurer un modèle
de circulation propre aux décisions répressives. Ce dernier reste à bâtir et devra s’articuler
avec les règles de conflits de compétences répressives et le respect des droits fondamentaux
dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Le respect des droits fondamentaux est en effet une condition pour appartenir à l’Union
européenne, dont les membres sont également parties à la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme. Toutefois, « bien que tous les Etats membres soient parties
à la CEDH, l’expérience a montré que cette adhésion, à elle seule, ne permet pas toujours
d’assurer un degré de confiance suffisant dans les systèmes de justice pénale des autres États
membres ».128 Or c’est sur ce duo, la reconnaissance et la confiance mutuelles, que se joue le
futur de l’espace pénal européen129. Dans ce contexte, l’harmonisation des législations
nationales apparaît un facteur possible de confiance. En effet, devant l’équivalence du
système étranger, un Etat membre sera plus enclin à lui faire confiance. L’adoption de règles
minimales communes permettrait d’accroître la confiance des Etats membres dans leurs
systèmes de justice pénale, « ce qui devrait ainsi conduire à une coopération judiciaire plus
efficace dans un climat de confiance mutuelle ».130 La mise en œuvre du principe de
reconnaissance mutuelle passerait donc nécessairement par un rapprochement des législations
des Etats membres.

125
Règlement (CE) no4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la
reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, JO L 7 du 10
janvier 2009.
126
S. CLAVEL, « L’harmonisation des règles de compétence et des procédures de règlement des conflits
(exception de litispendance) », in JAULT-SESEKE, J. LELIEUR et C. PIGACHE (dir.) L’espace judiciaire
européen civil et pénal. Regards croisés, F, Actes du 25e colloque des Instituts d’études judiciaires organisé les
20 et 21 mars 2009 à l’Université de Rouen, coll. Thèmes & Commentaires, Dalloz, Paris, 2009, p. 45.
127
On parle de conflit de compétences positif lorsque plusieurs juridictions se reconnaissent compétentes pour
connaître d’une même infraction, et de conflit de compétences négatif lorsqu’au contraire aucun Etat n’est
compétent. Cette hypothèse est juridiquement peu fréquente, dans la mesure où il existe toujours un élément de
rattachement à un Etat, au titre d’une compétence territoriale, personnelle, réelle, ou encore universelle. En
revanche, en pratique, il peut arriver qu’aucune juridiction ne revendique sa compétence.
128
Directive du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures
pénales (2010/64/UE), JO L 280 du 26 octobre 2010, Considérant n°6.
129
I. JEGOUZO, « Le développement progressif du principe de reconnaissance mutuelle des décisions
judiciaires pénales dans l’Union européenne », in Le droit pénal de l’Union européenne, Revue internationale de
droit pénal, Vol. 77, Erès, 2007, p. 99.
130
Directive du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures
pénales (2010/64/UE), JO L 280 du 26 octobre 2010, Considérant n°9.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 31 /84


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PARTIE 2 – L’HARMONISATION DE LA PROCEDURE PENALE COMME


COMPLEMENT DE LA RECONNAISSANCE MUTUELLE

Si l’harmonisation a été la méthode choisie au début de la construction européenne dans


une perspective d’intégration, peu à peu, un mouvement général d’abandon de
l’harmonisation est apparu, au profit de la reconnaissance mutuelle. Après l’arrêt Cassis de
Dijon131 précédemment mentionné, le principe de reconnaissance a en effet été présenté
comme une alternative à la technique de l’harmonisation ; et les institutions européennes ont
alors décidé de n’entreprendre un rapprochement des législations nationales que lorsque la
reconnaissance mutuelle des produits serait insuffisante pour en assurer la libre circulation132.
La place secondaire accordée à l’harmonisation dans le processus d’intégration par le TFUE
ne fait pas l’unanimité, et les partisans de la méthode de l’harmonisation considèrent que le
principe de reconnaissance mutuelle ne peut exister sans le rapprochement des législations
pénales des Etats membres133. On peut donc soutenir que la mise en œuvre de la
reconnaissance mutuelle nécessite un certain degré d’harmonisation (Section 1). Par ailleurs,
par l’adoption d’instruments d’harmonisation, la mise en œuvre du principe de reconnaissance
mutuelle a sans aucun doute simplifié et accéléré les procédures, notamment en allégeant les
formalités et en facilitant les contacts directs entre les autorités judiciaires. On peut ainsi voir
dans l’harmonisation une réponse aux limites de la reconnaissance mutuelle (Section 2).

Section 1 – L’harmonisation comme instrument de mise en œuvre de la


reconnaissance mutuelle
L’affirmation du principe de reconnaissance mutuelle au Conseil européen de Tampere a
permis l’adoption d’instruments de reconnaissance mutuelle en matière de procédure pénale.
Le sujet du présent mémoire concerne la période qui suit l’entrée en vigueur du traité de
Lisbonne. Toutefois, il convient d’examiner non seulement les instruments adoptés après le
1er décembre 2009, mais également ceux adoptés avant. Cette étude est nécessaire car, si le
protocole n°36 annexé au TFUE prévoit des mesures transitoires134, à terme, les décisions-
cadre vont devenir des directives et suivre leur régime juridique, soit immédiatement
lorsqu’elles sont modifiées135, soit cinq ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne,
c’est-à-dire le 1er décembre 2014136.

131
CJCE, 20 févr. 1979, aff. 120/78, Rewe-Zentral, Rec. p. 649.
132
Communication n°80/1003 de la Commission sur les suites de l'arrêt Cassis de Dijon, JO du 3 octobre 1980.
133
Notamment le Professeur Massé qui qualifie le principe de reconnaissance mutuelle de « concept simpliste »
par opposition au concept de l’harmonisation, sans lequel la reconnaissance mutuelle n’a pas d’avenir selon lui.
Voir M. MASSE, « Des figures asymétriques de l’internationalisation du droit pénal », Revue de science
criminelle, Octobre-décembre 2006, p. 757.
134
Article 10 §1 du protocole n°36 sur les dispositions transitoires : « A titre de mesure transitoire, en ce qui
concerne les actes de l’Union dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale qui ont
été adoptés avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, […] les attributions de la Commission en vertu de
l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne seront pas applicables et les attributions
de la Cour de justice de l’Union européenne […] restent inchangées ».
135
Article 10 §2 du protocole n°36 sur les dispositions transitoires : « La modification d’un acte visé au
paragraphe 1 entraîne l’application […] des attributions des institutions visées audit paragraphe telles que
prévues par les traités ».
136
Article 10 §3 du protocole n°36 sur les dispositions transitoires : « En tout état de cause, la mesure transitoire
visée au paragraphe 1 cesse de produire ses effets cinq ans après la date d’entrée en vigueur du traité de
Lisbonne ».

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 32 /84


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Le principe de reconnaissance mutuelle a vocation à s’appliquer à tous les stades de la


procédure pénale, des poursuites au jugement, et jusqu’à la phase d’exécution. Pour chacune
de ces étapes, l’affirmation de la reconnaissance mutuelle a permis l’adoption d’instruments
spécifiques. On peut ainsi distinguer les instruments d’entraide judiciaire des instruments de
reconnaissance proprement dite, c’est-à-dire de prise en compte ou d’exécution des jugements
pénaux étrangers. Le rapprochement des législations concerne donc tant la phase de
poursuites, dite parfois phase pré-sentencielle (§2), que la phase d’exécution, dite phase post-
sentencielle (§3). Le fameux mandat d’arrêt européen doit être étudié à part, en raison de sa
spécificité, tenant au fait qu’il s’applique à la fois pendant la phase pré-sententielle et la phase
post-sentencielle (§1). Indépendamment de ces instruments, la décision-cadre sur les
procédures in absentia137 doit être mentionnée, bien qu’elle ne soit pas en tant que telle un
instrument de reconnaissance mutuelle. Elle modifie en effet plusieurs des instruments de
reconnaissance mutuelle adoptés, en ce qui concerne les décisions rendues par défaut, c’est-à-
dire rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès.

§1 – Le mandat d’arrêt européen


Le mandat d’arrêt européen (MAE) est « une décision judiciaire émise par un Etat
membre de l’Union européenne, appelé Etat membre d’émission, en vue de l’arrestation et de
la remise par un autre Etat membre, appelé Etat membre d’exécution, d’une personne
recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une
mesure de sûreté privative de liberté »138. La décision-cadre instituant le mandat d’arrêt
européen est la première décision, tant d’un point de vue chronologique, que du point de vue
de son importance et de son succès. En effet, le mandat d’arrêt européen est « la mesure phare
de la reconnaissance mutuelle »139. Présenté comme une réaction aux attentats du 11
septembre 2001, le MAE a été introduit par une décision-cadre du 13 juin 2002140, modifiée
par une décision-cadre du 26 février 2009. En droit français, c’est une loi du 9 mars 2004141
qui a introduit le mécanisme aux articles 695-11 et suivants du code de procédure pénale
(CPP). En France, la chambre de l’instruction est compétente pour autoriser la remise de la
personne recherchée à l’autorité judiciaire d’émission, et la chambre criminelle de la Cour de
cassation contrôle que cette juridiction a correctement appliqué les dispositions du code de
procédure pénale relatives au MAE. Le mandat d’arrêt européen peut être utilisé à la fois dans
la phase pré-sentencielle et dans celle d’exécution, puisqu’il peut être émis « en vue de
l’arrestation ou de la remise d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales
ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté »142. Le
mécanisme du MAE a vocation à se substituer à celui d’extradition entre les Etats membres
de l’Union européenne, ce qui pose nécessairement la question de son application dans le
temps (A). Des conditions relatives aux faits et aux peines sont également posées pour
l’exécution du mandat d’arrêt européen, c’est-à-dire des conditions relatives à sa régularité
matérielle (B). A cet égard, l’étude de la jurisprudence de la Cour de cassation est révélatrice
de la mise en œuvre pratique du MAE.

137
Décision-cadre du 26 février 2009 sur les procédures in absentia (2009/299/JAI), JO L du 27 mars 2009.
138
Définition retenue par l’article 695-11 du code de procédure pénale (CPP).
139
Assemblée nationale, Rapport d’information du 29 juin 2011, déposé par la Commission des affaires
européennes, sur la création du Parquet européen.
140
Décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre les
Etats membres (2002/584/JAI), JOCE L 190 du 18 juillet 2002, p. 1-18.
141
Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 d’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Cette loi a été en
partie modifiée par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009.
142
Article 1 §1, Décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise
entre les Etats membres (2002/584/JAI), JOCE L 190, 18 juillet 2002, p. 1-18.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 33 /84


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A) L’application de la décision-cadre dans le temps

L’article 32 de la décision-cadre prévoit que les Etats membres peuvent faire une
déclaration indiquant qu’en tant qu’Etat membre d’exécution, ils traiteront selon la procédure
d’extradition les demandes formulées antérieurement au 1er janvier 2004, date d’entrée en
vigueur de la décision-cadre, et relatives à des faits commis à une date qu’ils fixent. Ainsi,
pour la France, les faits commis postérieurement au 1er novembre 1993 relèvent du
mécanisme du MAE. Cette date correspond à celle de l’entrée en vigueur du traité de
Maastricht. En revanche, lorsque la France est l’Etat d’émission et que l’Etat d’exécution n’a
pas formulé la déclaration prévue à l’article 32 de la décision-cadre, la date de commission
des faits n’a pas d’importance143. S’agissant de l’application de la loi du 9 mars 2004, dans la
mesure où il s’agit d’une loi de procédure, elle est d’application immédiate, y compris dans
ses dispositions aggravant le sort de la personne recherchée144.

B) La régularité matérielle du mandat d’arrêt européen

Si la date de commission des faits est importante, en revanche leur matérialité ne concerne
que l’autorité judiciaire d’émission, non celle d’exécution. La chambre criminelle a ainsi pu
juger que la chambre de l’instruction doit se référer à l’appréciation du juge d’émission145.
Les faits doivent toutefois être décrits de manière suffisante et accompagnés de pièces. Si la
chambre de l’instruction ne peut refuser la remise pour ce seul motif, elle doit demander des
informations complémentaires à l’autorité judiciaire étrangère146. De plus, s’agissant de la
qualification des faits, « l’exécution d’un mandat d’arrêt européen est […] refusée si le fait
faisant l’objet dudit mandat d’arrêt ne constitue pas une infraction au regard de la loi
française »147. Cette exigence de double incrimination, classique en droit extraditionnel, est
supprimée pour trente-deux infractions énumérées à l’article 2 §2 de la décision-cadre. Cette
liste d’infractions est reprise à l’article 695-23 du CPP, dont le dernier alinéa dispose que dans
une telle hypothèse « la qualification juridique des faits et la détermination de la peine
encourue relèvent de l’appréciation exclusive de l’autorité judiciaire de l’Etat membre
d’émission ». La chambre criminelle a néanmoins jugé que l’exécution du MAE pouvait être
refusée en cas d’« inéquation manifeste entre les faits et la qualification retenue »148. Aux
termes de l’article 2 §1 de la décision-cadre, le mandat d’arrêt européen ne peut être émis aux
fins de poursuites que si les faits sont punis d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives
de liberté pour une durée d’au moins douze mois, et, aux fins d’exécution, que lorsqu'une
condamnation à une peine ou à une mesure de sûreté d'une durée d'au moins quatre mois a été
prononcée. L’article 695-12 du CPP reprend ces conditions relatives aux peines. Quant aux
trente-deux infractions non soumises à l’exigence de double incrimination, l’article 2 §2 de la
décision-cadre, repris à l’article 695-23 du CPP, la peine ou la mesure de sûreté privatives de
liberté, encourues ou prononcées, doivent être d’un maximum d’au moins trois ans. Avant
l’émission d’un mandat d’arrêt européen, les autorités judiciaires peuvent avoir besoin
d’obtenir des preuves qui se trouvent sur le territoire d’un autre Etat membre. Les instruments
de la phase pré-sentencielle permettent cette entraide judiciaire.

143
Crim, 13 mai 2009, BC n°94.
144
Crim, 5 août 2004, BC n°186 ; Crim, 24 novembre 2004, BC n°293.
145
Crim, 19 avril 2005, BC n°136.
146
Crim, 27 juin 2007, BC n°182.
147
Article 695-23 al. 1 du CPP.
148
Crim, 21 novembre 2007, BC n°291. En l’espèce, la chambre criminelle a censuré l’arrêt de la chambre de
l’instruction faute d’inadéquation manifeste.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 34 /84


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§2 – Les instruments de la phase pré-sentencielle


Pour la phase de poursuites et d’instruction, plusieurs instruments d’entraide judiciaire ont
été adoptés, permettant notamment de rassembler les éléments de preuve nécessaires au
jugement pénal (A). Dans la phase pré-sentencielle, tandis que les autorités rassemblent les
preuves, les personnes poursuivies peuvent être placées en détention provisoire. L’Union s’est
également intéressée à cet aspect de la procédure pénale (B).

A) Les instruments d’entraide judiciaire

En matière d’entraide judiciaire, on peut mentionner la convention relative à l’entraide


judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’UE149, mais deux décisions-cadre
relatives au gel de biens ou d’éléments de preuve (1) et au mandat européen d’obtention de
preuves (2), ont eu des conséquences pratiques plus importantes. La proposition de directive
relative à la décision d’enquête européenne vise à les remplacer, pour créer un système unifié
d’obtention de preuves (3).

1) Le gel de biens ou d’éléments de preuve

La décision-cadre relative à l’exécution dans l’Union des décisions de gel de biens ou


d’éléments de preuve150 est la première décision qui étend le principe de la reconnaissance
mutuelle à des décisions précédant la phase de jugement. Elle fixe les règles selon lesquelles
un Etat membre reconnaît et exécute sur son territoire une décision de gel prise par une
autorité judiciaire d’un autre Etat membre dans le cadre de poursuites pénales. La
reconnaissance ou l’exécution des décisions de gel de biens peut avoir deux finalités. Elle
peut être demandée soit dans le but d’obtenir des preuves, soit en vue d’une confiscation
ultérieure. Les éléments de preuve visés par la décision-cadre sont des objets, des documents
ou des données susceptibles de servir de pièces à conviction dans le cadre d’une procédure
pénale151. Le gel de biens vise « toute mesure prise par une autorité judiciaire compétente de
l’Etat d’émission, afin d’empêcher provisoirement toute opération de destruction, de
transformation, de déplacement, de transfert ou d’aliénation relative à un bien susceptible de
faire l’objet d’une confiscation ou à un élément de preuve »152. Le gel peut porter sur tout
bien, corporel ou incorporel, meuble ou immeuble, ainsi que les actes juridiques ou
documents attestant d’un titre ou d’un droit sur ce bien153. La notion de « gel » dans ce
contexte ne doit pas être confondu avec le gel des avoirs décidé par le ministre chargé de
l’économie et prévu aux articles L562-1 à L562-10 du code monétaire et financier,
notamment en matière de lutte contre le financement du terrorisme. Dans ce contexte, le gel
est administratif, non judiciaire. En France, le régime a été transposé par une loi du 4 juillet
2005154 aux articles 695-9-1 à 695-9-30 du CPP. Le terme de « gel » a été conservé, d’une
part pour rester fidèle à la terminologie utilisée par la décision-cadre, et d’autre part, car le

149
Acte du Conseil du 29 mai 2000 établissant, conformément à l’article 34 du traité sur l’Union européenne, la
convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne, JO
C 197 du 12 juillet 2000.
150
Décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de
biens ou d’éléments de preuve (2003/577/JAI), JOCE L 196, 2 août 2003, p. 45-55.
151
Site de la Commission européenne, Synthèse de la législation de l’UE, « Exécution des décisions de gel des
biens ou des preuves ».
152
Décision-cadre 2003/577/JAI, préc., Article 2 c).
153
Décision-cadre 2003/577/JAI, préc., Article 2 d).
154
Loi n°2005-750 du 4 juillet 2005 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le
domaine de la justice, version consolidée au 6 juillet 2005.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 35 /84


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terme de « saisie » traditionnellement utilisé en droit français couvre un ensemble de mesures


moins large que celui attaché au terme de « gel »155.

2) Le mandat européen d’obtention de preuves

Dans le but d’améliorer l’obtention des preuves, le Conseil a adopté en décembre 2008,
sur une proposition de la Commission datant de 2003156, une décision-cadre relative au
mandat européen d’obtention de preuves (MOP)157. Le MOP permet de recueillir des objets,
des documents et des données, en vue de leur utilisation dans des procédures pénales. La
décision-cadre n’étend toutefois le principe de reconnaissance mutuelle qu’aux documents et
informations qui « sont déjà en la possession de l’autorité d’exécution avant l’émission du
mandat »158, c’est-à-dire les objets déjà collectés par les autorités de l’Etat d’exécution.
L’émission d’un MOP ne permet pas la collecte en elle-même des éléments de preuve, ce qui
exclut les demandes visant à conduire des interrogatoires ou des auditions de témoins ou
experts. L’obtention de preuves reste donc en grande partie régie par l’entraide judiciaire. Par
ailleurs, la décision-cadre n’est qu’une application modérée de la reconnaissance mutuelle. A
titre d’exemple, l’autorité d’émission doit vérifier que ces documents demandés « pourraient
être obtenus en vertu du droit de l’Etat d’émission dans le cadre d’une procédure comparable
s’ils étaient disponibles sur le territoire de l’Etat démission »159. Cela évite que les Etats
membres n’utilisent le MOP pour obtenir des preuves inaccessibles en vertu de leur droit
national. De plus, l’autorité d’exécution peut refuser de procéder à une perquisition ou saisie
« si l’autorité d’émission n’est pas un juge, une juridiction, un magistrat instructeur, ou un
procureur, et si le mandat européen d’obtention de preuves n’a pas été validé par une de ces
autorités dans l’Etat d’émission »160.

3) La décision d’enquête européenne

Face aux difficultés liées à la fragmentation et à la complexité du cadre juridique qui régit
actuellement l’obtention des preuves en matière pénale161, une proposition de directive a été
formulée concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale162. Le programme de
Stockholm, présenté le 16 octobre 2009 par la Présidence de l’Union européenne, mettait en
effet en avant la nécessité d’un système global d’obtention de preuves dans des affaires
revêtant une dimension transfrontière, sur le fondement du principe de reconnaissance

155
Circulaires de la direction des affaires criminelles et des grâces, « Présentation des dispositions du code de
procédure pénale relatives au gel de biens ou d’éléments de preuve résultant de la loi n°2005-750 du 4 juillet
2005 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la justice », Bulletin
officiel du Ministère de la Justice, n°99, 10 août 2005.
156
Proposition de décision-cadre du Conseil présentée par la Commission, relative au mandat européen
d'obtention de preuves tendant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation
dans le cadre de procédures pénales, 14 novembre 2003, COM(2003) 688 final.
157
Décision-cadre du 18 décembre 2008 relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir
des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales
(2008/978/JAI), JO L 350 du 30 décembre 2008.
158
Article 4 §4 de la décision-cadre 2008/978/JAI préc.
159
Article 7 §1 b) de la décision- cadre 2008/978/JAI préc.
160
Article 11 §4 de la décision- cadre 2008/978/JAI préc.
161
S. MANACORDA, « Le droit pénal sous Lisbonne : vers un meilleur équilibre entre liberté, sécurité et
justice ? », Revue de science criminelle, 2011, p. 945.
162
Initiative de la Belgique, la Bulgarie, l’Estonie, l’Espagne, l’Autriche, la Slovénie et la Suède du 29 avril
2010 en vue d’une directive du Parlement européen et du Conseil concernant la décision d’enquête européenne
en matière pénale, JO C 165 du 24 juin 2010.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 36 /84


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mutuelle163. A l’heure actuelle, pour obtenir des preuves auprès d’autres Etats membres, les
autorités judiciaires doivent recourir à deux systèmes différents, la reconnaissance mutuelle
d’une part, et l’entraide judiciaire d’autre part. Elles utilisent la reconnaissance mutuelle dans
le cadre limité par les deux décisions-cadre précédemment mentionnées. Pour toutes les autres
hypothèses, qui ne relèvent ni d’une décision de gel, ni d’un élément de preuve déjà détenu
par l’Etat membre d’exécution, les autorités judiciaires utilisent l’entraide judiciaire. Cette
solution complexe n’est pas satisfaisante dans la mesure où l’objectif même du principe de
reconnaissance mutuelle est de simplifier et d’accélérer le travail des autorités judiciaires. La
Commission admet que cette coexistence d’instruments « complique l’application des règles
et peut semer une certaine confusion chez les praticiens »164. Il arrive également qu’ils
n’utilisent pas l’instrument le plus adapté aux preuves recherchées, ce qui peut faire obstacle à
l’efficacité de la coopération judiciaire. C’est pourquoi la directive relative à l’enquête
européenne en matière pénale a vocation à remplacer les décisions-cadre relatives aux
décisions de gel et au mandat européen d’obtention de preuves, qui ne couvrent que certains
types de preuves et prévoient de nombreux motifs de refus d’exécution.

La décision d’enquête européenne serait applicable à tous les types d’éléments de preuve,
et couvrirait ainsi les déclarations de suspects ou de témoins, ou les informations obtenues à
partir des comptes bancaires ou de l’interception des communications. La décision d’enquête
européenne serait émise à la fois pour faire réaliser une enquête spécifique dans l’Etat
d’exécution pour obtenir des preuves, et pour obtenir des preuves déjà en possession de l’Etat
d’exécution. L’article 8 §3 de la proposition de directive dispose ainsi que l’autorité
d’émission puisse « demander qu’une ou plusieurs autorités de l’Etat démission participent à
l’exécution de la décision d’enquête européenne afin d’apporter un appui aux autorités
compétentes de l’Etat d’exécution ». La proposition prévoit des dispositions particulières en
matière d’audition par vidéo et téléconférence (art. 21 et 22), d’informations relatives aux
comptes et transactions bancaires (art. 23 à 25), et de livraisons surveillées (art. 26).

Les instruments déjà existants en matière d’obtention de preuves visent à éviter que des
preuves soient considérées irrecevables ou d’une force probante réduite, en raison de la façon
dont elles ont été recueillies dans un autre Etat membre. Ces instruments ne traitent toutefois
le problème que de manière indirecte, puisqu’ils ne fixent pas de règles communes pour la
collecte des preuves. C’est pourquoi l’obtention des preuves en matière pénale ne fonctionne
efficacement qu’entre les Etats membres qui ont des normes semblables en matière de
collecte des preuves165. La proposition de directive se limite toutefois à définir des principes
généraux de reconnaissance et d’exécution166, plutôt qu’à fixer des règles communes précises.

163
Y. JEANCLOS, La justice pénale en France. Dimension historique et européenne, Méthodes du Droit,
Dalloz, Paris, 2011, p. 147.
164
Communication de la commission du 11 novembre 2009, Livre vert relatif à l’obtention de preuves en
matière pénale d’un Etat membre à l’autre et à la garantie de leur recevabilité, COM(2009) 624 final, § 4.1.
165
Communication de la commission du 11 novembre 2009, préc., § 4.2.
166
Article 8 §1 de la proposition de directive préc. : « L’autorité d’exécution reconnaît toute décision d’enquête
européenne […], sans qu’aucune autre formalité ne soit requise, et prend sans délai les mesures nécessaires pour
qu’elle soit exécutée de la même manière et suivants les mêmes modalités que si la mesure d’enquête concernée
avait été ordonnée par une autorité de l’Etat d’exécution […] ».

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 37 /84


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B) Les instruments relatifs à la détention provisoire

L’Union a également adopté une décision-cadre relative aux mesures de surveillance


alternatives à la détention provisoire167. La décision fixe les règles selon lesquelles un Etat
membre reconnait une décision rendue en la matière dans un autre Etat membre. Elle organise
également la remise à l’Etat d’émission de la personne qui ne respecte pas lesdites mesures.
L’intérêt de la décision-cadre est d’éviter qu’une personne non résidente de l’Etat d’émission
ne soit placée en détention provisoire dans l’attente du jugement, alors qu’un résident ne le
serait pas dans des conditions similaires. L’article 2 §1 b) vise ainsi la promotion du
« recours, au cours d’une procédure pénale, aux mesures non privatives de liberté au profit de
personnes qui ne résident pas dans l’Etat membre où a lieu la procédure ». Cette décision-
cadre constitue le pendant, dans la phase pré-sentencielle, de la décision-cadre relative aux
peines de substitution, qui concerne la phase post-sentencielle.

§3 – Les instruments de la phase post-sentencielle


Plusieurs autres instruments ont mis en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle, soit
aux fins de l’exécution des décisions pénales étrangères (A), soit aux fins de leur seule prise
en compte (B).

A) Les instruments visant l’exécution des décisions étrangères

L’exécution des décisions pénales étrangères concerne la reconnaissance des décisions


infligeant des sanctions pécuniaires (1), des décisions de confiscation (2) et des décisions
prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté (3).

1) Les sanctions pécuniaires

La première décision-cadre visant l’exécution des décisions pénales étrangères est la


décision-cadre relative à la reconnaissance mutuelle des sanctions pécuniaires168. Elle inclut
les sanctions infligées par les autorités judiciaires, mais également par les autorités
administratives en raison d’une infraction pénale, si l’intéressé a eu la possibilité de faire
porter l’affaire devant une juridiction ayant compétence notamment en matière pénale. Cette
seconde hypothèse vise les sanctions pécuniaires relatives aux infractions routières. Aux
termes de son article 1er b), la décision vise les sanctions pécuniaires, c’est-à-dire toute
obligation de payer une somme d’argent après condamnation pour une infraction, une
indemnité aux victimes, une somme d’argent au titre des frais de justice, ou une somme
d’argent à un fonds public ou à une organisation de soutien aux victimes. Chacune de ces
obligations de payer doit être imposée dans le cadre d’une décision de condamnation pour une
infraction.

167
Décision-cadre du 23 octobre 2009 concernant l’application, entre les Etats membres de l’Union européenne,
du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à
la détention provisoire (2009/829/JAI), JO L 294 du 11 novembre 2009.
168
Décision-cadre du 24 février 2005 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux
sanctions pécuniaires (2005/214/JAI), JO L 76 du 22 mars 2005, modifiée par la décision-cadre du 26 février
2009 portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et
2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de
reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès
(2009/299/JAI), JO L 81 du 27 mars 2009.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 38 /84


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2) La confiscation

La décision-cadre relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux


décisions de confiscation169 peut ensuite être mentionnée. Elle est destinée à remplacer les
mécanismes existants en la matière, notamment ceux prévus par la convention du 8 novembre
1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du
crime. La décision-cadre complète la décision-cadre relative aux décisions de gel, pour ce qui
concerne la phase post-sentencielle. Elle est également complétée par une décision-cadre de
2005 relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le
crime, laquelle relève du rapprochement des législations pénales qui sera étudié plus loin. Les
décisions de confiscation concernées par la décision-cadre sont les peines ou mesures
définitives ordonnées par une juridiction à la suite d’une procédure portant sur une infraction
pénale et aboutissant à la privation permanente du bien. L’Etat d’exécution doit reconnaître et
exécuter sans délai ni formalité complémentaire les décisions de confiscation transmises par
l’Etat membre d’émission. L’exécution de la décision est régie par la loi de l’Etat d’exécution.
Toutefois, s’agissant des personnes morales, une décision d’exécution à leur encontre doit être
exécutée, et ce même si le droit de l’Etat d’exécution ne prévoit pas la responsabilité pénale
des personnes morales.

3) Les peines privatives de liberté

Enfin, la décision-cadre du 27 novembre 2008 concerne l’application du principe de


reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des
mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne170. Elle
remplace entre les Etats membres les dispositions prévues par la convention de 1983 sur le
transfèrement des personnes condamnées, par la convention européenne de 1970 sur la valeur
internationale des jugements répressifs, par les articles 67 et 69 CAAS, et par la convention
de 1991 entre les Etats membres des Communautés européennes sur l’exécution des
condamnations pénales étrangères. La décision-cadre, par le principe de reconnaissance
mutuelle, assouplit sensiblement les règles qui existaient auparavant. Comme le souligne le
Professeur Weyembergh, la procédure mise en place relève du principe de reconnaissance
mutuelle et ne vise donc pas à adapter la condamnation étrangère au système interne, mais
bien à l’exécuter171. L’article 8 de la décision-cadre prévoit toutefois une adaptation de la
condamnation étrangère lorsqu’elle est incompatible, par sa durée ou sa nature, avec le droit
de l’Etat d’exécution. Quant au choix de l’Etat membre dans lequel le condamné exécutera sa
peine, l’article 4 de la décision-cadre vise l’Etat membre de la nationalité de la personne
condamnée. Pourtant, l’Etat avec lequel un condamné peut entretenir les liens les plus étroits
n’est pas nécessairement celui de sa nationalité. C’est pourquoi certains regrettent que la
décision n’ait pas adoptée des « critères plus sociaux et plus concrets tel que celui de la
résidence habituelle »172, alors même que la décision-cadre a pour objectif de « faciliter la
réinsertion sociale et la réintégration de la personne condamnée dans la société »173. La

169
Décision-cadre du 6 octobre 2006 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux
décisions de confiscation (2006/783/JAI), JO L 328 du 24 novembre 2006.
170
Décision-cadre du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux
jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur
exécution dans l’Union européenne (2008/909/JAI), JO L 327 du 5 décembre 2008.
171
A. WEYEMBERGH, Reconnaissance mutuelle en matière pénale dans l’Union européenne, JurisClasseur
Europe Traité, Fasc. 2720, mai 2009, §90.
172
Les étudiants du Master 2 Droit pénal de l’Université de Bordeaux IV, « L’exécution des peines dans un autre
Etat membre de l’Union européenne », Droit pénal, n° 9, Septembre 2010, étude 23, §24.
173
Article 4 §4 de la décision-cadre 2008/909/JAI préc.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 39 /84


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décision-cadre prévoit néanmoins que le condamné puisse exécuter sa peine dans un Etat
membre dont il n’a pas la nationalité ; mais cette possibilité est soumise aux consentements
des deux Etats membres, tandis que « celui du condamné n’est même pas exigé »174.

Le principe de reconnaissance mutuelle implique l’exécution des décisions pénales


étrangères, mais également la prise en compte de celles-ci, dans certaines hypothèses, pour
l’application du droit national. C’est pourquoi des instruments visant la prise en compte de la
décision étrangère ont également été adoptés.

B) Les instruments visant la prise en compte de la décision étrangère

La prise en compte de la décision pénale étrangère concerne la reconnaissance des


décisions de condamnations des Etats membres à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale
(1), ainsi que des décisions prononçant des mesures de probation (2).

1) La prise en compte de la condamnation antérieure

La décision-cadre relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les


Etats membres de l’Union175 oblige les Etats membres à tirer les conséquences d’une
condamnation antérieure prononcée dans un autre Etat membre, l’occasion d’une nouvelle
procédure pénale. Il faut éviter une confusion courante : cette décision-cadre ne concerne ni
l’exécution de la décision pénale étrangère, ni l’application du principe non bis in idem ou de
l’autorité négative de la chose jugée. La décision ne porte que sur la prise en compte de la
condamnation antérieure à l’occasion d’une procédure pénale dans un autre Etat membre,
visant la même personne mais des faits différents176. Aux termes de son article 2, le champ
d’application de la décision est seulement celui des décisions définitives « d’une juridiction
pénale établissant la culpabilité d’une personne pour une infraction pénale ». D’après son
article 3 §1, l’objectif de la décision est que les Etats membres reconnaissent aux
condamnations nationales étrangères les mêmes effets que les condamnations nationales
antérieures, avec les conséquences que cela a en matière de récidive notamment.

2) La prise en compte des mesures de probation

La décision-cadre concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux


jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation
et des peines de substitution177 doit ensuite être étudiée. Le Conseil de l’Europe définit la
probation comme : « l'exécution en milieu ouvert de sanctions et mesures définies par la loi et
prononcées à l'encontre d'un auteur d'infraction »178. En droit français, la probation concerne

174
Les étudiants du Master 2 Droit pénal de l’Université de Bordeaux IV, préc. note 172, §25.
175
Décision-cadre du 24 juillet 2008 relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les Etats
membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale (2008/675/JAI), JO L du 15 août
2008.
176
Article 1er §1 de la décision-cadre 2008/675/JAI préc. : « La présente décision-cadre a pour objet de
déterminer les conditions dans lesquelles, à l’occasion d’une procédure pénale engagée dans un Etat membre à
l’encontre d’une personne, les condamnations antérieures prononcées à l’égard de cette même personne dans un
autre Etat membre pour des faits différents sont prises en compte ».
177
Décision-cadre du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux
jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de
substitution (2008/947/JAI), JO L 337 du 16 décembre 2008.
178
Recommandation CM/Rec (2010)1 du comité des ministres aux Etats membres sur les règles du Conseil de
l'Europe relatives à la probation.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 40 /84


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par exemple les peines restrictives de liberté assorties d'obligations particulières et mesures de
contrôle, les condamnations assorties du sursis avec mise à l’épreuve ou les décisions
accordant la libération conditionnelle. Sont exclues les travaux d’intérêt général, les peines
privatives de liberté, les amendes et les peines restrictives de droit179. Cette décision-cadre
vise à remplacer la convention du Conseil de l’Europe du 30 novembre 1964 sur la
surveillance des personnes condamnées ou libérées sous conditions. Cette convention n’avait
en effet été ratifiée que par un nombre restreint d’Etats membres. Comme la décision-cadre
relative à l’exécution des peines ou des mesures privatives de liberté, l’objectif inavoué de la
décision-cadre relative aux mesures de probation est de « soulager les finances publiques de
l'État d'émission en lui permettant de se débarrasser d'étrangers perçus comme surchargeant
ses services »180. Le considérant n°8 de la décision renvoie toutefois aux « chances de
réinsertion sociale de la personne condamnée en lui donnant la possibilité de conserver ses
liens familiaux, linguistiques, culturels ». L’article 1er §1 quant à lui présente l’objectif de la
décision comme celui de « faciliter la réhabilitation sociale des personnes condamnées, [d’]
améliorer la protection des victimes et de la société en général, et [de] faciliter l’application
de mesures de probation et de peines de substitution appropriées lorsque l’auteur de
l’infraction ne vit pas dans l’Etat de condamnation ». Contrairement à la décision sur la
reconnaissance mutuelle des peines et des mesures privatives de liberté, la décision sur la
surveillance des personnes condamnées ou libérées sous conditions ne permet pas d’imposer
le « transfert » vers l'Etat d'exécution, contre la volonté du probationnaire.

On peut donc recenser neuf instruments de reconnaissance mutuelle adoptés par les
institutions en treize ans, entre le Conseil européen de Tampere et l’entrée en vigueur du traité
de Lisbonne. Pour certains, cela est jugé décevant par rapport au programme ambitieux de
mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle, publié en 2001181.
Cela nous semble au contraire raisonnable. En effet, à notre sens, l’effectivité de la
reconnaissance mutuelle passe non pas par la multiplication des instruments d’harmonisation,
mais par une confiance accrue entre les autorités judiciaires des Etats membres. Ainsi, plus
que le rapprochement des législations que les instruments de reconnaissance mutuelle
impliquent, ce sont les principes communs qui ont été adoptés par ces décisions qui
permettent de rendre la reconnaissance mutuelle réelle. On dira donc que l’adoption de ces
instruments d’harmonisation permet d’accélérer l’effectivité de la reconnaissance mutuelle, et
se présente ainsi comme une réponse aux limites de la reconnaissance mutuelle.

179
M. HERZOG-EVANS, « Union européenne : la circulation des mesures de « probation » », AJ Pénal, 2011,
p. 451.
180
M. HERZOG-EVANS, préc., p. 453.
181
L. DESESSARD, « Discussion », in Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de
Lisbonne, G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), coll. UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28,
Société de législation comparée, Paris, 2012, p. 226.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 41 /84


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Section 2 – L’harmonisation comme réponse aux limites de la


reconnaissance mutuelle
Le décalage entre d’une part, les intentions déclarées de l’Union et la mise en œuvre de la
reconnaissance mutuelle dans les textes, et d’autre part, sa mise en œuvre en pratique, a pu
être dénoncé. Pourtant, les moyens d’accélérer la reconnaissance mutuelle ont été identifiés :
cela passe par une accélération de la coopération entre les autorités judiciaires elles-mêmes,
notamment en judiciarisant totalement les procédures. Le meilleur exemple de la
judiciarisation de la coopération pénale se trouve dans la décision-cadre sur le mandat d’arrêt
européen. A la différence de la procédure d’extradition, qui est, en droit français, pour partie
judiciaire et pour partie administrative, la procédure de remise est entièrement judiciaire dans
le cadre du mandat d’arrêt européen182. Or le MAE, qui est un instrument d’harmonisation, est
considéré comme « la réalisation la plus tangible » du principe de reconnaissance mutuelle183.
L’harmonisation pourrait donc permettre une mise en œuvre accélérée de la reconnaissance
mutuelle (§1). Par ailleurs, il est souvent reproché à l’ELSJ de favoriser son aspect répressif
au détriment des droits des personnes. Les autorités judiciaires ont un rôle à jouer pour une
coopération pénale plus respectueuses de ces droits, notamment en refusant d’exécuter les
instruments de reconnaissance mutuelle au nom des droits fondamentaux. Mais c’est surtout
le rapprochement des législations qui peut permettre de prendre plus en considération les
libertés fondamentales, en instaurant des règles minimales en matière de droits des personnes
dans la procédure pénale (§2).

§1 – L’harmonisation pour une mise en œuvre accélérée de la


reconnaissance mutuelle
Dans le programme de Stockholm, le Conseil européen estime que « les instruments
adoptés doivent être plus « conviviaux » et cibler les problèmes qui surviennent constamment
dans le cadre de la coopération transfrontière, comme les problèmes de délais et les problèmes
linguistiques ou le principe de proportionnalité »184. S’agissant des problèmes de traduction,
la technique du mandat ou du certificat pré-rempli a pu s’avérer une bonne solution. Le
mandat d’arrêt européen et celui d’obtention de preuves par exemple, sont délivrés par un
formulaire type, identique dans tous les Etats membres, donc facile à traduire. De plus, selon
l’article 695-15 al. 3 du CPP, un signalement dans le Système d’information Schengen vaut
mandat d’arrêt européen »185. Le formalisme est donc allégé, ce qui favorise nécessairement
la coopération judiciaire. La fixation de délais dans de nombreux instruments d’harmonisation
accélère également la reconnaissance mutuelle, dans le sens premier du terme, c’est-à-dire
d’un point de vue purement temporel. D’autres moyens peuvent également favoriser la
reconnaissance mutuelle, telles que la suppression du contrôle de la double incrimination (A)
et la limitation radicale des motifs de refus (B).

182
En matière d’extradition, le gouvernement peut, en cas d’avis positif de la chambre de l’instruction, refuser
l’extradition de façon discrétionnaire (art. 696-17 et 696-18 du CPP). En matière de MAE, l’article 696-31 al. et
2 du CPP dispose : « Lorsque l’arrêt de la chambre de l’instruction accorde l’extradition de la personne
réclamée et qe cet arrêt est définitif, le procureur général en avise le ministre de la justice […]. Le ministre de la
justice prend les mesures nécessaires afin que l’intéressé soit remis aux autorités de l’Etat requérant […] ».
Contrairement à l’extradition, cette formulation ne permet pas au gouvernement de s’opposer à la remise si la
chambre de l’instruction a rendu une décision l’autorisant.
183
I. JEGOUZO, préc. note 130, p. 99.
184
Programme de Stockholm, §3.1.1.
185
Voir des applications : Crim, 5 octobre 2004, BC n°232 ; Crim, 1er février 2005, BC n°36.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 42 /84


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A) L’abandon du contrôle de la double incrimination

L’abandon du contrôle de la double incrimination dans les instruments de reconnaissance


mutuelle est justifié par la confiance mutuelle sur laquelle est fondée la construction de
l’espace pénal européen (1). Dans la mesure où l’abandon de ce contrôle est limité à certaines
infractions, on peut le dire partiel, même s’il est en voie d’extension (2).

1) Un abandon justifié par la confiance mutuelle dans l’espace pénal européen

En droit pénal international, et en particulier en droit extraditionnel, l’exigence de la


double incrimination est de mise. Elle signifie que « la coopération ne sera accordée que si
l’infraction poursuivie dans l’Etat requérant est punissable selon la loi de cet Etat comme de
l’Etat requis, et passible, dans les deux Etats, d’une peine privative de liberté dont les traités
fixent la quotité minimale »186. L’extradition ne sera alors accordée que si l’infraction
reprochée est incriminée à la fois par l’Etat requérant et par l’Etat requis. Plusieurs raisons
expliquent cette exigence, notamment le fait que l’entraide répressive nécessite « un
minimum de langage commun »187. Dans l’espace pénal européen, fondé sur des valeurs
communes et une confiance mutuelle, le maintien de la condition de double incrimination
pouvait paraître « incongru »188. En effet, le but est de créer un espace de coopération dans
lequel les Etats se font suffisamment confiance pour accepter les décisions répressives des
autres Etats, sans les remettre en question. Exiger la double incrimination tout en suivant un
tel objectif ne serait pas cohérent. C’est pourquoi, comme le souligne certains, l’exigence de
double incrimination n’a plus de raison d’être dans le cadre de l’Union européenne189, et
l’adhésion à la méthode de la reconnaissance mutuelle justifie la suppression de l’exigence de
double incrimination. Une des spécificités de la coopération pénale dans l’Union européenne
est donc la suppression de cette exigence, au moins partiellement.

2) Un abandon partiel

Dans la plupart des instruments concernant l’application du principe de reconnaissance


mutuelle, il est ainsi prévu que le contrôle de la double incrimination soit supprimé pour une
liste de trente-deux infractions, à condition qu’elles soient punies dans l’Etat d’émission
d’une peine ou d’une mesure privative de liberté d’une durée maximale d’au moins trois ans.
C’est le cas notamment en matière de mandat d’arrêt européen, de gel de biens et de décisions
de confiscation. La double incrimination ne doit pas être contrôlée lorsque la décision porte
sur une infraction entrant dans la liste des trente-deux infractions limitativement énumérées et
punie d’au moins trois ans de prison selon le droit de l’Etat d’émission. La décision-cadre
relative à la reconnaissance des sanctions pécuniaires allonge la liste des infractions pour
lesquelles le contrôle de la double incrimination est supprimé. Ladite liste compte quarante
infractions, parmi lesquelles « la conduite contraire aux normes qui règlent la circulation
routière, la contrebande de marchandises, les atteintes aux droits individuels ». En matière de

186
R. ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, LGDJ, Bruylant, 3e éd.,
2009, p. 530.
187
A. HUET et R. KOERING-JOULIN, Droit pénal international, coll. Thémis Droit privé, PUF, 2e éd., 2001,
n°243, p. 347.
188
V. MALABAT, « Observations sur la nature du mandat d’arrêt européen », Droit pénal, n°12, Décembre
2004, étude 17.
189
J. FRIEBERGER, « Mutual recognition of final decisions and dual criminality », in G. de KERCHOVE et A.
WEYEMBERGH (éd.), La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires pénales dans l’Union européenne,
Université de Bruxelles, IEE, 2001, p. 162 : « if one state is to accept the decisions of another state, without
calling them into question in any way, there is no longer a place for the dual criminality requirement ».

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 43 /84


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reconnaissance mutuelle des mesures alternatives à la détention provisoire, et en matière de


reconnaissance des peines de substitution, les Etats membres peuvent non seulement contrôler
la double incrimination pour toutes les infractions qui ne rentraient pas dans la liste des trente-
deux infractions, mais également choisir de faire une déclaration pour déroger à cette règle et
ainsi contrôler l’exigence de double incrimination pour certaines ou toutes les infractions
listées190.

Pour toutes les infractions ne figurant pas dans la liste, le défaut de double incrimination
est un motif facultatif de refus d’exécution. L’article 2 §4 de la décision-cadre sur le MAE
prévoit ainsi que « la remise peut être subordonnée à la condition que les faits pour lesquels le
mandat d'arrêt européen a été émis constituent une infraction au regard du droit de l'État
membre d'exécution ». Dans sa transposition, le législateur français a adopté une position
beaucoup plus restrictive. En effet, l’article 695-23 du CPP dispose : « l’exécution du mandat
d’arrêt européen est également refusée si le fait faisant l’objet dudit mandat ne constitue pas
une infraction au regard de la loi française ». En France, le défaut de double incrimination est
donc un motif de refus obligatoire d’exécution du MAE, alors que d’autres Etats membres,
comme l’Espagne, ont suivi plus scrupuleusement la lettre de la décision-cadre191. De telles
solutions disparates contredisent la nature même des instruments de mise en œuvre de la
reconnaissance mutuelle, qui visent justement l’harmonisation des législations.

Outre le fait qu’il s’agisse d’un abandon seulement partiel de l’exigence de double
incrimination, on peut penser que, justement pour ces infractions considérées comme les plus
graves, la condition de double incrimination n’aurait pas posé de problème. En effet, les faits
visés sont en réalité déjà incriminés dans tous les Etats membres. L’abandon de la condition
de double incrimination pour ces infractions n’est donc pas réellement un signe de confiance
mutuelle, mais plutôt un symbole. Certains soulignent toutefois le fait que cette suppression
présente un intérêt considérable par le gain de temps qu’elle représente, dans l’exécution du
MAE notamment, car « le juge de l’Etat d’exécution n’[a] plus à vérifier cette double
incrimination avec les difficultés qu’elle engendre classiquement »192.

Au contraire des instruments précédemment mentionnés, la décision-cadre relative au


mandat d’obtention de preuves va plus loin dans la suppression de l’exigence de double
incrimination. Aux termes de son article 14§1, l’exécution du MOP n’est pas subordonnée au
contrôle de la double incrimination, sauf en matière de perquisition ou saisie. Lorsqu’une
perquisition ou une saisie est demandée, le contrôle de la double incrimination s’effectue dans
des conditions identiques à celles prévues pour les autres décisions-cadre, c’est-à-dire pour les
trente-deux infractions énumérées, à condition qu’elles soient punies dans l’Etat d’émission
d’une peine d’au moins trois ans de prison. Ainsi, si le mandat d’obtention de preuves n’a trait
à aucune des trente-deux infractions énumérées et si son exécution suppose une perquisition
ou une saisie, la reconnaissance ou l’exécution du mandat d’obtention de preuves peut être
subordonnée à la condition de la double incrimination. Par une déclaration annexée à la
décision-cadre, l’Allemagne conserve la possibilité de contrôler la double incrimination pour
les perquisitions et saisies effectuées pour certaines infractions, notamment en matière de
terrorisme et de cybercriminalité. La proposition de directive sur la décision d’enquête
européenne supprime quant à elle totalement l’exigence de la double incrimination, prévoyant

190
Voir notamment l’article 14 §4 de la décision-cadre 2009/829/JAI, préc.
191
V. MALABAT, « Observations sur la nature du mandat d’arrêt européen », Droit pénal, n°12, Décembre
2004, étude 17.
192
V. MALABAT, « Observations sur la nature du mandat d’arrêt européen », Droit pénal, n°12, Décembre
2004, étude 17.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 44 /84


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que la reconnaissance de la décision d’enquête par l’autorité d’exécution « sans qu’aucune


autre formalité ne soit requise ». Bien que la directive n’ait pas encore été adoptée, on peut
noter qu’il s’agit d’une avancée significative en matière de reconnaissance mutuelle. En effet,
le maintien de l’exigence d’une double incrimination, même partiel, est de nature à limiter la
portée effective des instruments d’harmonisation adoptés, et, partant, la mise en œuvre du
principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale. La limitation des motifs de refus
d’exécution est également un moyen d’accélérer la mise en œuvre de la reconnaissance
mutuelle.

B) La limitation des motifs de refus d’exécution

Les motifs de refus les plus larges ont laissé place à des hypothèses de refus plus limitées.
A titre d’exemple, on peut citer la convention européenne pour la surveillance des personnes
condamnées ou libérées sous conditions, dont l’article 7 §2 d) permettait de refuser
l’exécution d’une décision étrangère, en raison d’une incompatibilité de la condamnation avec
les principes qui présidant à l’application de son droit pénal. Le champ de ce motif est très
étendu, et peut couvrir de nombreuses hypothèses de refus des Etats. Dans le cadre de
l’Union, au contraire, le champ des motifs de refus sont limités. Certes, des refus d’exécution
demeurent, et l’on peut avancer l’idée selon laquelle une coopération « pure et parfaite »
n’envisagerait pas de motifs de refus, mais serait au contraire automatique. Cela ne paraît
toutefois pas envisageable, par manque de consensus193 et de confiance réelle. C’est pourquoi
l’Union n’a abandonné que le refus d’exécution fondé sur la nationalité (1), conservant des
motifs de refus obligatoires et facultatifs, laissant la place pour des démonstrations de
souveraineté nationale (2).

1) L’abandon du refus de remettre les nationaux

Le refus d’extrader les nationaux est une règle générale en droit pénal international. Elle
est présente dans de nombreux traités bilatéraux d’extradition, et reprise en droit français à
l’article 696-2 du CPP, selon lequel « le gouvernement français peut remettre, sur leur
demande, aux gouvernements étrangers, toute personne n’ayant pas la nationalité française
[…] ». Cette règle trouve sa justification d’une part dans la compétence personnelle active des
juridictions nationales, qui leur permet de juger des nationaux poursuivis pour des infractions
commises à l’étranger, et d’autre part dans la défiance qu’ont les Etats à l’égard des
juridictions étrangères. Une telle défiance n’est pas compatible avec la volonté de créer un
espace de liberté, de sécurité et de justice ; c’est pourquoi un tel motif de refus d’exécution est
abandonné dans les instruments de mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle. La
convention relative à l’extradition entre les Etats membres de l’UE écartait d’ailleurs déjà le
refus d’extradition fondé sur la nationalité, mais la France ne l’a jamais ratifiée194.

Pour illustrer notre propos, on peut utiliser la décision-cadre sur le MAE. La condition de
nationalité n’apparaît ni dans les motifs de refus obligatoires, ni dans les motifs de refus
facultatifs, ce qui exclut implicitement la nationalité des motifs de refus. On peut déduire
également l’abandon de la nationalité comme motif de refus de l’article 5 §3 de la décision-

193
A titre l’exemple, la responsabilité pénale des mineurs est reconnue dans certains Etats membres, et non dans
d’autres.
194
Acte du Conseil du 27 septembre 1996 établissant la convention relative à l'extradition entre les États
membres de l'Union européenne, JO C 313 du 23 novembre 1996, Article 7 : « L'extradition ne peut être refusée
au motif que la personne qui fait l'objet de la demande d'extradition est un ressortissant de l'État membre requis
au sens de l'article 6 de la convention européenne d'extradition ».

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 45 /84


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cadre, selon lequel « lorsque la personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen aux fins
de poursuite est ressortissante ou résidente de l'État membre d'exécution, la remise peut être
subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans
l'État membre d'exécution afin d'y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté
qui serait prononcée à son encontre dans l'État membre d'émission ». L’exécution du MAE
aux fins de poursuite peut donc être refusée si les autorités de l’Etat d’exécution s’engagent à
faire exécuter la sanction prononcée par l’Etat d’émission. Cette disposition vise à favoriser
notamment la réinsertion du délinquant. A cet égard, le droit français est plus restrictif car il
ne prévoit cette possibilité que pour ses nationaux, non pour les résidents195. En tout état de
cause, dans cette situation, si le mandat d’arrêt n’est pas exécuté en tant que tel, la décision
pénale étrangère est quand même reconnue, puisque l’Etat d’exécution s’engage à faire
exécuter la peine prononcée dans l’Etat d’émission. Finalement, cette hypothèse ne contredit
pas le principe de reconnaissance mutuelle, mais le conforte au contraire puisque le refus
d’exécution est subordonné à l’engagement de l’autorité d’exécution d’appliquer la peine
prononcée par une juridiction étrangère.

2) Des motifs de refus laissant place à la souveraineté nationale

Les instruments d’harmonisation prévoient des motifs de refus obligatoires et facultatifs


d’exécution de la décision étrangère. La décision-cadre sur le MAE prévoit ainsi que
l’autorité judiciaire d’exécution refuse obligatoirement l’exécution du MAE dans trois cas.
Premièrement, le MAE n’est pas exécuté si l’infraction en cause est couverte par l’amnistie
dans l’Etat membre d’exécution. Le droit britannique ne connaissant pas l’amnistie générale,
le Royaume-Uni n’a pas repris cette cause de refus obligatoire196. Ensuite, l’exécution du
MAE est refusée si la personne en cause a fait l’objet d’un jugement définitif pour les mêmes
faits par un Etat membre197. Cette formulation est directement inspirée par l’article 54 CAAS
et la jurisprudence de la Cour de justice s’y rapportant, que l’on a précédemment évoquée.
L’article 695-22 du CPP étend cette hypothèse à celle d’un jugement définitif pour les mêmes
faits rendu par une juridiction d’un Etat tiers, tandis que l’article 4 §5 de la décision-cadre
l’envisage comme un motif de refus facultatif. Enfin, le MAE n’est pas exécuté si la personne
ne peut, en raison de son âge, être tenue pénalement responsable des faits à l’origine du MAE
selon le droit de l’Etat d’exécution. L’article 695-22 3° du CPP prévoit ainsi que la personne
recherchée ne peut être âgée de moins de treize ans au jour des faits objet du MAE.

L’article 4 de la décision-cadre prévoit en outre sept motifs de refus facultatifs. Certains


Etats ont transformé des causes de refus facultatives en causes obligatoires. C’est le cas en
droit français à l’égard de la prescription, motif de refus obligatoire aux termes de l’article
695-22 du CPP. Dans cette hypothèse, il est toutefois nécessaire que la chambre de
l’instruction précise en quoi les faits objets du MAE relèvent de la compétence française.
Ainsi, la chambre criminelle a-t-elle cassé un arrêt déclarant la peine prescrite au regard du
droit français, sans caractériser les éléments de rattachement des faits à la compétence

195
Article 695-24 du CPP : « L’exécution du mandat d’arrêt européen peut être refusée : […] 2° Si la personne
recherchée pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté est de nationalité
française et que les autorités françaises compétentes s’engagent à faire procéder à cette exécution ».
196
S. PETIT-LECLAIR, « La mise en œuvre du mandat d’arrêt européen », in L’espace judiciaire européen civil
et pénal. Regards croisés, F. JAULT-SESEKE, J. LELIEUR et C. PIGACHE (dir.), Actes du 25e colloque des
Instituts d’études judiciaires organisé les 20 et 21 mars 2009 à l’Université de Rouen, coll. Thèmes &
Commentaires, Dalloz, 2009, p. 105.
197
L’article 3§2 de la décision-cadre ajoute : « à condition que, en cas de condamnation, celle-ci ait été subie ou
soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse être exécutée selon les lois de l’Etat membre de
condamnation ».

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 46 /84


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française198. Constitue en droit français une cinquième cause de refus obligatoire ce que le
droit extraditionnel appelle « la « clause française ». Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle le
« mandat d’arrêt a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison
de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue,
de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou s’il peut être porté atteinte à la
situation de cette personne pour l’une de ces raisons »199. En réalité, cette disposition du code
de procédure pénale ne renvoie ni à une cause de refus obligatoire, ni à une cause de refus
facultatif de la décision-cadre, mais à son considérant 12, selon lequel « rien dans la présente
décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d’une
personne […] s’il y a des raisons de croire […] que ledit mandat a été émis dans le but de
poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion [...] ».

Aucun des instruments de reconnaissance mutuelle ne retient formellement, comme motif


de refus de reconnaissance, la garantie des droits fondamentaux. Certes, le respect des droits
de la défense est un motif de refus dans le cas d’un jugement rendu par défaut, et le respect du
principe non bis in idem est une disposition commune aux Etats membres. Toutefois, ce ne
sont pas de motifs de refus obligatoires, et donc ce ne se sont pas de véritables garanties
contre une violation des droits fondamentaux dans l’Etat d’émission. La technique du motif
de refus pourrait pourtant permettre de concilier les exigences de la reconnaissance mutuelle,
comme nouveau mécanisme de coopération judiciaire, avec la nécessaire garantie des droits
fondamentaux200. C’est pourquoi la doctrine préconise l’ajout d’une obligation générale de
respect des droits fondamentaux dans la liste des motifs de refus. Ce n’est pas le choix fait par
l’Union qui, pour maintenir la dynamique de coopération judiciaire entre les Etats membres, a
préféré adopter une résolution concernant l’harmonisation des droits fondamentaux
indispensables au fonctionnement de la coopération judiciaire.

§2 – L’harmonisation pour une reconnaissance mutuelle respectueuse des


droits fondamentaux
Le programme de Stockholm, adopté sur le fondement du traité de Lisbonne, préconise un
meilleur équilibre entre les objectifs de sécurité et de justice, et l’objectif de liberté de
l’espace juridique européen. La menace que certains instruments de reconnaissance mutuelle
peuvent constituer pour les droits fondamentaux, notamment le recours excessif au MAE,
poussent certains à préconiser un contrôle par le juge d’exécution201, qui pourrait alors refuser
d’exécuter une décision étrangère au nom du respect des droits fondamentaux (A). De plus, si
le rapprochement des législations peut faciliter la coopération judiciaire, l’adoption de règles
minimales communes peut aussi permettre de garantir un certain degré de respect des droits
fondamentaux, dans le cadre des procédures pénales notamment (B).

A) Le refus d’exécution de la reconnaissance mutuelle fondé sur les droits


fondamentaux

En droit français, la chambre de l’instruction, et éventuellement la chambre criminelle,


doivent concilier l’efficacité répressive avec la sauvegarde des droits fondamentaux de la

198
Crim., 18 mai 2010, pourvoi n°10-82.978.
199
Article 695-22, 5° du CPP.
200
G. TAUPIAC-NOUVEL, « La garantie des droits fondamentaux dans la mise en œuvre des instruments de
coopération judiciaire pénale européenne », Droit pénal, n°9, Septembre 2010, étude 22, §11.
201
G. TAUPIAC-NOUVEL, préc.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 47 /84


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personne, tels que garantis par la Convention EDH et par la Charte des droits fondamentaux
de l’Union. Certes, la violation des droits fondamentaux ne fait pas partie de la liste des
motifs de refus d’exécution des instruments d’harmonisation. Toutefois, indirectement, la
garantie des droits fondamentaux peut limiter l’exécution automatique des décisions
étrangères (1). La reconnaissance mutuelle n’est alors certes plus entière, mais elle est plus
respectueuse des droits fondamentaux. La jurisprudence de la Cour de cassation témoigne
d’une possibilité de contrôle de la part de l’autorité d’exécution, en particulier en matière de
droit au respect de la vie privée et familiale (2).

1) Des motifs de refus implicites fondés sur les droits fondamentaux

Pour illustrer ce propos, on utilisera la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen. Son
article 3 §1 prévoit que la décision-cadre « ne saurait avoir pour effet de modifier l'obligation
de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont
consacrés par l'article 6 du traité sur l'Union européenne ». Ledit article 6 dispose que
« l’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits
fondamentaux […] laquelle a la même valeur juridique que les traités ». Par ailleurs, le
considérant n°13 de la décision-cadre énonce que « nul ne devrait être éloigné, expulsé ou
extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la
torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Cette considération
laisse donc penser que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen pourrait être refusée sur le
fondement de l’article 3 de la Convention EDH. Enfin, l’article 23 §4 prévoit un sursis
temporaire à l’exécution de la remise « pour des raisons humanitaires sérieuses, par exemple
lorsqu'il y a des raisons valables de penser qu'elle mettrait manifestement en danger la vie ou
la santé de la personne recherchée ». En droit français, l’article 695-38 du CPP vise une
remise « susceptible d’avoir […] des conséquences graves en raison notamment de son âge ou
de son état de santé ». L’adverbe « notamment » laisse la place à d’autres motifs de refus.
Ainsi, dans un arrêt du 25 novembre 2009, la chambre criminelle de la Cour de cassation a
censuré le refus de surseoir à statuer à la remise d’une personne recherchée pour l’exécution
d’une détention provisoire de trois mois, alors qu’elle élevait un enfant de six ans gravement
handicapé202. La Cour de cassation reconnaît donc le droit au respect à la vie privée et
familiale, garanti par l’article 8 de la Convention EDH, comme un motif de sursis à statuer.
Si l’autorité judiciaire d’exécution n’a pas de droit de regard sur le droit pénal de l’Etat
d’émission203, elle peut toutefois contrôler l’adéquation d’une peine par rapport au principe de
proportionnalité, affirmé par l’article 5 §4 du TUE.

2) Le contrôle opéré par l’autorité judiciaire d’exécution

On l’a dit, la Cour de cassation voit dans le droit au respect de la vie privée et familiale un
motif de sursis à l’exécution du MAE. Mais la chambre criminelle est également souvent
saisie sur le fondement de ce droit de contestations de l’exécution même du mandat d’arrêt.
En matière d’extradition, le Conseil d’Etat a pu juger, en matière d’extradition, que « si le
décret d’extradition […] est susceptible de porter atteinte au droit de l’intéressé au respect de
sa vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de
l’homme, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de procédure

202
Crim, 25 novembre 2009, pourvoi n°09-87.072.
203
La Cour de cassation a ainsi écarté le moyen pris du « caractère manifestement excessif au regard des règles
communes européennes » d’une peine de quatre ans d’emprisonnement ferme prononcée par une juridiction
roumaine pour un vol aggravé par la circonstance de commission dans un lieu public (Crim, 29 octobre 2008,
pourvoi n°08-86.741).

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 48 /84


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d’extradition qui est de permettre, dans l’intérêt de l’ordre public et sous les conditions fixées
par les dispositions qui la régissent, notamment l’exécution de peines prononcées par des
autorités judiciaires étrangères à raison de crimes ou de délits204. Ainsi, une personne qui a
fait l’objet d’une condamnation dans un pays et s’enfuit dans un autre ne peut pas mettre en
avant la construction d’une nouvelle vie familiale pour échapper à son exécution. La chambre
criminelle suit donc, en matière de MAE, la jurisprudence du Conseil d’Etat rendue en
matière d’extradition. Toutefois, certains arrêts récents laissent penser à un fléchissement de
la Cour de cassation. Ainsi, dans un arrêt du 12 mai 2010, la chambre criminelle a censuré
une décision autorisant la remise à une autorité allemande d’une Serbe installée en France
depuis plusieurs années, titulaire d’un titre de séjour et mère de cinq enfants scolarisés en
France. Cette personne avait en effet fait l’objet d’une condamnation à sept mois
d’emprisonnement ferme pour le vol d’un porte-monnaie contenant quarante euros. La Cour
de cassation semble vouloir admettre de nouvelles causes de refus d’exécution, en dehors de
celles prévues par les instruments de reconnaissance mutuelle et les lois de transposition. Cela
peut paraître surprenant dans la mesure où le droit au respect de la vie privée n’est même pas
une cause de refus d’extradition205, et pourtant il se présente dans cet arrêt comme une cause
de refus d’exécution d’un MAE. On aurait pu imaginer le contraire s’agissant d’un instrument
de coopération pénale plus abouti que l’extradition.

La portée de cet arrêt est toutefois à relativiser. En l’espèce, la gravité de l’atteinte


susceptible d’être portée à la vie familiale de cette femme, et à l’intérêt supérieur de ses
enfants, était renforcée par la disproportion manifeste entre les faits et la peine. On peut donc
penser que la décision de remise n’aurait pas forcément été censurée si la personne en cause
avait été condamnée pour un crime. De plus, si l’exécution d’un MAE a été demandée en
l’espèce c’est bien parce que le processus est beaucoup plus simplifié que celui de
l’extradition. La Cour de cassation condamne dans une certaine mesure les autorités
allemandes d’avoir utilisé le MAE dans une telle affaire, car c’était disproportionné206. De
plus, la Cour de cassation ne se fonde pas, en l’espèce et dans d’autres arrêts207, directement
sur l’atteinte à la vie familiale, mais seulement sur le défaut de motivation de la chambre de
l’instruction. Il suffirait donc que les chambres de l’instruction motivent leurs arrêts en
expliquant en quoi la remise ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et
familiale, pour que leurs décisions échappent à la censure de la Cour de cassation208. Ainsi,
dans un arrêt du 22 février 2011, la chambre criminelle suit la position de la chambre de
l’instruction puisque sa motivation est circonstanciée209. Mais la porte est toutefois ouverte à
la reconnaissance d’un motif de refus facultatif d’exécution dans le droit au respect de la vie
familiale, par l’intermédiaire de la clause générale de sauvegarde des droits fondamentaux.
Cette attitude nous paraît louable, dans la mesure où la logique des droits fondamentaux doit
pouvoir l’emporter dans certaines situations sur la logique intégrationniste du droit de
l’Union. Le mouvement d’intégration va parfois trop vite pour les autorités judiciaires, qui
utilisent alors les moyens à leur disposition que sont les droits fondamentaux pour le freiner.

Les autorités judiciaires essaieraient également de freiner l’évolution du droit pénal


européen en matière de procédure pénale, représentative de la tradition judiciaire nationale.
204
CE, 30 juillet 1997, req. n°185055.
205
CE 18 mars 2005, n°2737714.
206
D. CHILSTEIN, « Remarques sur le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale », in Le droit
pénal de l’Union européenne au lendemain du Traité de Lisbonne, p. 222.
207
Voir notamment Crim, 22 septembre 2010, pourvoi n°10-86.237.
208
R. KOERING-JOULIN, « Le mandat d’arrêt européen », Fiche méthodologie destinée à la Chambre
criminelle de la Cour de cassation, janvier 2013, p. 18.
209
Crim, 22 février 2011, pourvoi n°11-80.428.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 49 /84


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Avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la base juridique pour l’adoption de mesures
relatives à la procédure pénale était incertaine. C’est pourquoi elle s’est limitée à une
décision-cadre du 15 mars 2001 relative au statut des victimes, dont la portée juridique était
en pratique peu contraignante. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’article 82
§2 donne explicitement compétence en matière de procédure pénale. L’Union a plutôt
favorisé le rapprochement des droits procéduraux, et ce conformément au programme de
Stockholm.

B) Les droits procéduraux minimaux comme garanties du procès équitable

Le programme de Stockholm a affirmé l’importance des droits de la personne dans le


cadre des procédures pénales en tant que « valeur fondamentale de l'Union, essentielle pour
maintenir la confiance mutuelle entre États membres et la confiance de la population dans
l’Union »210. Le renforcement des droits procéduraux des suspects et des personnes
poursuivies a fait l’objet d’une feuille de route adoptée par le Conseil dans une résolution du
30 novembre 2009211. Cette feuille de route indique six mesures à adopter. Les mesures A et
B relatives au droit à la traduction et au droit à l’information ont fait l’objet d’une mise en
œuvre par l’adoption de directives. La mesure C était relative à l’assistance d’un conseiller
juridique et à l’aide juridictionnelle. Dans une proposition de directive de 2011, le droit
d’accès à un avocat a été joint à la mesure D, relative à la communication des personnes
privées de liberté (3), tandis que la question de l’aide juridictionnelle a fait l’objet d’une
proposition distincte. Les autres mesures, E et F, relatives à la protection des personnes
vulnérables et à la détention provisoire, n’ont pas encore fait l’objet de propositions
formalisées.

Les directives relatives au droit à l’interprétation et à la traduction (1), et au droit à


l’information (2), s’appliquent aux mêmes personnes, dès le moment où ces personnes « sont
informées par les autorités compétentes d’un État membre, par notification officielle ou par
tout autre moyen, qu’elles sont suspectées ou poursuivies pour avoir commis une infraction,
jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question
de savoir si elles ont commis l’infraction, y compris, le cas échéant, la condamnation et la
décision rendue sur tout appel »212. En droit français, ces personnes sont toutes celles à
l’encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont
commis ou tenté de commettre une infraction. Elles sont donc nombreuses. Ce sont
notamment les personnes mises en examen ou placées sous le statut de témoin assisté ; les
personnes à l’encontre desquelles le procureur de la République peut décerner un mandat de
recherche pour une infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement213 ; les personnes
visées par un mandat de recherche, de comparution, d’amener ou d’arrêt du juge
d’instruction214 ; les personnes citées directement devant la juridiction répressive215 ; mais
également les personnes qui font l’objet d’une mesure alternative aux poursuites216 ; les

210
Programme de Stockholm, JO C 115 du 4 mai 2010, §2.4 « Les droits de la personne dans le cadre des
procédures pénales ».
211
Résolution du Conseil du 30 novembre 2009 relative à la feuille de route visant à renforcer les droits
procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales, JO C 295 du 4
décembre 2009.
212
Article 1 §2 de la directive 2010/64/UE préc. et article 2 §1 de la directive 2012/13/UE.
213
Art. 70 al. 1 et art. 77-4 du CPP.
214
Art. 122 du CPP.
215
Art. 388 du CPP pour le tribunal correctionnel et 531 pour le tribunal de police.
216
Elles peuvent notamment faire l’objet d’un rappel à la loi, d’un classement sous condition ou d’une médiation
pénale (art. 41-1 CPP), ou encore d’une composition pénale (art. 41-2 CPP).

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 50 /84


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personnes auxquelles sont imposées des prélèvements externes au titre de l’article 55-1 du
code de procédure pénale ; et enfin les personnes auxquelles est proposée une comparution
sur reconnaissance préalable de culpabilité au titre de l’art. 495-8 du CPP.

1) Le droit à l’interprétation et à la traduction

L'Union européenne compte vingt-trois langues officielles et de travail217. Le


multilinguisme est « une richesse de l’Europe, mais aussi […] une source
d’incompréhensions, frein au développement de l’ELSJ »218. C’est pourquoi a été adoptée le
20 octobre 2010 la directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre
des procédures pénales219. C’est la première mesure d’application concrète du programme de
Stockholm. Elle fixe des règles minimales communes pour les procédures pénales et les
procédures relatives à l’exécution du mandat d’arrêt européen220, et consacre deux droits
distincts : le droit à l’interprétation, c’est-à-dire le droit à l’assistance d’un interprète durant la
procédure, et le droit à la traduction des documents essentiels. Ce droit à ce que certains
appellent « l’assistance linguistique »221 fait écho au droit à l’assistance juridique, dans le sens
où ce n’est pas qu’une règle de procédure, mais véritablement un droit fondamental, puisqu’il
conditionne l’exercice des droits de la défense et, partant, garantit le procès équitable222.

La directive prend soin de préciser, dans son considérant n°14, que ne sont pas visées les
infractions mineures, qui relèvent de la compétence d’une autorité autre qu’une juridiction
répressive. C’est le cas notamment en matière d’infractions au code de la route. Dans une telle
situation, la directive reconnaît qu’« il serait excessif d’exiger de l’autorité compétente qu’elle
garantisse l’ensemble des droits prévus au titre de la présente directive »223. Il est précisé que,
lorsque le droit national prévoit pour ces infractions mineures l’imposition d’une sanction par
une autorité autre qu’une juridique pénale, et un recours possible devant une juridiction
compétente en matière pénale, la directive s’applique uniquement à la procédure de recours
devant la juridiction répressive. Ainsi, en France, le droit à l’interprétation et à la traduction
ne s’impose qu’en cas de contestation devant le tribunal de proximité, pour les contraventions
des quatre premières classes.

Le droit à l’interprétation bénéficie à toutes les personnes mises en cause qui ne


comprennent pas la langue de procédure, ou qui présentent des troubles de l’audition ou de la

217
Site de la Commission européenne : http://ec.europa.eu/languages/languages-of-europe/eu-languages_fr.htm
218
P. BEAUVAIS, « Procédure pénale : droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures
pénales », Revue trimestrielle de droit européen, 2011, p. 642.
219
Directive du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures
pénales (2010/64/UE), JO L 280 du 26 octobre 2010.
220
Article 1 §1 de la directive 2010/64/UE préc. : « La présente directive définit des règles concernant le droit à
l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives à l’exécution
d’un mandat d’arrêt européen ».
221
S. MONJEAN-DECAUDIN, « La traduction du droit dans la procédure judiciaire. Contribution à l’étude de
la linguistique juridique », thèse pour le doctorat en droit, soutenue à L’université de Paris Ouest Nanterre La
Défense, le 30 septembre 2010.
222
Considérant 14 de la directive 2010/64/UE préc : « Le droit à l’interprétation et à la traduction, accordé aux
personnes qui ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue de la procédure, est consacré à l’article 6 de la
CEDH, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. La présente directive
facilite l’exercice de ce droit dans la pratique. À cet effet, elle entend garantir le droit des suspects ou des
personnes poursuivies à bénéficier de services d’interprétation et de traduction dans le cadre des procédures
pénales afin de garantir leur droit à un procès équitable ».
223
Directive du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures
pénales (2010/64/UE), JO L 280 du 26 octobre 2010, Considérant 16.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 51 /84


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parole224. L’assistance est apportée au cours des interrogatoires menés par la police et pendant
toutes les audiences. La directive précise que l’assistance linguistique s’étend aux
communications entre les personnes mises en cause et leur conseil juridique « ayant un lien
direct avec tout interrogatoire ou toute audience pendant la procédure ». Les Etats membres
ont également l’obligation de mettre en place « une procédure ou […] un mécanisme
permettant de vérifier si les suspects ou les personnes poursuivies parlent et comprennent la
langue de la procédure pénale et s’ils ont besoin de l’assistance d’un interprète », ainsi qu’un
recours permettant « de contester la décision concluant qu’une interprétation n’est pas
nécessaire ». Les Etats doivent même offrir la « possibilité de se plaindre de ce que la qualité
de l’interprétation est insuffisante pour garantir le caractère équitable de la procédure ».
L’Union ne se contente pas d’affirmer ce droit, elle oblige les Etats à prendre des mesures
concrètes. Un interprète doit donc traduire en direct les questions des autorités policières et
judiciaires et les réponses de la personne poursuivie, et cette traduction doit être de qualité. En
effet, seule une telle traduction orale permettra au droit à l’interprétation d’être effectif.

Le droit à la traduction écrite doit s’exercer dans un délai raisonnable, et porte sur tous les
documents essentiels pour permettre aux personnes poursuivies d’exercer leurs droits de la
défense et pour garantir le caractère équitable de la procédure225. Si les autorités compétentes
des Etats membres décident au cas par cas quel document est essentiel, sont nécessairement
considérés comme essentiels les acte d’accusation, jugement et décision privative de
liberté226. Les personnes poursuivies peuvent également présenter des demandes de traduction
motivées, et contester, comme en matière de traduction orale par l’interprète, la qualité de la
traduction écrite.

La transposition de la directive doit intervenir avant fin octobre 2013. Si, en France,
l’interprétation durant les interrogatoires et les audiences est relativement déjà appliquée227,
ce n’est pas le cas de la traduction écrite des documents essentiels. La transposition de la
directive nécessitera de dégager des ressources humaines et matérielles, ce qui, pour certains,
« semble bien peu réaliste dans la situation de grave crise de la dette publique que connaît
actuellement l’Europe »228. Des changements de grande ampleur sont également à prévoir en
matière de droit à l’information.

2) Le droit à l’information

L’information des suspects et des personnes poursuivies est un facteur essentiel de l’équité
de la procédure, car « il n'y a pas de jugement contradictoire, pas d'égalité des armes, pas de
défense digne de ce nom si le principal intéressé ignore les droits qui lui sont reconnus par la
loi, les chefs d'accusation retenus et les charges rassemblées contre lui par les autorités »229.
Au-delà de l’atteinte même aux droits fondamentaux qu'elle représente, l’absence

224
Article 2 §1 et 3 de la directive 2010/64/UE préc.
225
Article 3 §1 de la directive 2010/64/UE préc.
226
Article 3 §2 et §3 de la directive 2010/64/UE préc.
227
Art 63-1 CPP, al. 1 « Si la personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire, ni écrire, elle doit être
assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une
méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique
permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité ». Art 63-1 CPP, al. 2 : « Si la personne ne
comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu'un
formulaire lui a été remis pour son information immédiate ».
228
P. BEAUVAIS, préc. note 219, p. 642.
229
J. LEBLOIS-HAPPE, « La proposition de directive relative au droit à l'information dans le cadre des
procédures pénales et le droit français », AJ Pénal, 2011, p. 446

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 52 /84


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d’informations fournies aux suspects peut entraîner, par le caractère inéquitable ainsi donné à
la procédure, « des frais inutiles dus à de longues procédures, à des recours et à des poursuites
infructueuses dans l’Etat membre où la procédure se déroule »230. De plus, dans le cadre de la
coopération judiciaire, la question de l’information fournie à la personne poursuivie peut se
heurter à des garanties différentes dans les Etats membres231. Adoptée le 22 mai 2012, la
directive relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales232 vise à
garantir la délivrance de certaines informations à la personne soupçonnée d’avoir commis une
infraction ou poursuivie à ce titre. La directive consacre les deux aspects du droit à
l’information : le droit d’être informé de ses droits (a) et le droit d’être informé de
l’accusation portée contre soi, qui inclut le droit d’accès aux pièces du dossier (b). Pour
chacun de ces droits, les règles varient selon que la personne est dans une situation de simple
mise en accusation, ou bien d’arrestation ou de détention.

a) Le droit d’être informé de ses droits

Aux termes de l’article 3 de la directive, le suspect ou la personne poursuivie doit recevoir


rapidement des informations relatives aux droits procéduraux suivants : le droit à l’assistance
d’un avocat ; le droit de bénéficier de conseils juridiques gratuits et les conditions d’obtention
de tels conseils ; le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi ; le droit à
l’interprétation et à la traduction ; et le droit de garder le silence. Cette liste n’est pas
limitative, car par définition la directive n’établit que des règles minimales. Aux termes du
considérant n°19, ces informations doivent être « fournies rapidement au cours de la
procédure et au plus tard avant le premier interrogatoire officiel du suspect ou de la personne
poursuivie par la police ou par une autre autorité compétente », et ce « afin de permettre
l’exercice effectif et pratique de ces droits ». En effet, être informé de ses droits est la
condition préalable à leur exercice.

Si la personne est arrêtée ou détenue, son droit à l’information est renforcé. L’article 4 de
la directive prévoit en effet que la personne reçoit une déclaration de droits, écrite cette fois.
De plus, des droits supplémentaires lui sont notifiés : le droit d’accès aux pièces du dossier ;
le droit d’informer les autorités consulaires et un tiers ; le droit d’accès à une assistance
médicale d’urgence ; le nombre maximal d’heures ou de jours pendant lesquels elle peut être
privée de liberté avant de comparaître devant une autorité judiciaire ; ainsi que des
informations sur les possibilités de contester la légalité de l’arrestation, d’obtenir un réexamen
de la détention, ou de demander une mise en liberté provisoire.

Il est intéressant de souligner que la directive prévoit que ces informations sont « données
oralement ou par écrit, dans un langage simple et accessible ». Sur la question de savoir ce qui
constitue un langage simple et accessible, une orientation générale du Conseil précise qu’il
s’agit d’un langage « susceptible d’être compris par un profane n’ayant aucune connaissance
en droit pénal »233.

230
Résumé de l’analyse d’impact accompagnant la proposition de directive relative au droit à l’information dans
le cadre des procédures pénales, SEC(2010) 809, 20 juillet 2010, § 2.1.1.
231
Dans son résumé de l’analyse d’impact précitée, la Commission européenne donne ainsi l’exemple d’une
britannique dans laquelle, la remise d’une personne, dans le cas d’un mandat d’arrêt européen, avait pris plus
d’un an en raison d’un désaccord sur les informations données au suspect.
232
Directive du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (2012/13/UE),
JO L 142 du 1er juin 2012.
233
Orientation générale du Conseil, communiqué de presse 16918/10, 3051e session du Conseil JAI, Bruxeles les
2 et 3 décembre 2010, p. 24.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 53 /84


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b) Le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi

Les droits des suspects ou des personnes poursuivies sur l’accusation portée contre eux
évoluent au cours de la procédure. Au départ, ils doivent être « informés de l’acte pénalement
sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis »234, dans un délai
suffisamment rapide et de façon suffisamment détaillée « pour garantir le caractère équitable
de la procédure et permettre l’exercice effectif des droits de la défense ». D’après le
considérant n°28, cette information doit être donnée « au plus tard avant leur premier
interrogatoire officiel par la police ou une autre autorité compétente ». Ensuite, et au plus tard
avant que la juridiction ne soit saisie, les personnes poursuivies doivent recevoir des
informations détaillées sur l’accusation, notamment « sur la nature et la qualification juridique
de l’infraction pénale, ainsi que sur la nature de la participation de la personne
poursuivie »235. Si la personne est arrêtée ou détenue, elle doit, dès sa privation de liberté,
recevoir des informations sur les motifs de son arrestation ou de sa détention, notamment pour
pouvoir la contester.

Le considérant n°28 précise toutefois que les informations données sur l’acte pénalement
sanctionné ne doivent pas « porter préjudice au déroulement des enquêtes en cours ». Cette
précision d’interprétation laisse penser qu’il y aurait lieu de peser les intérêts en cause, d’un
côté ceux du suspect, et de l’autre ceux de l’enquête. Une telle mise en balance permettrait
aux autorités de faire prévaloir l’un ou l’autre de ces intérêts en fonction de l’espèce en cause.
Les besoins de l’enquête pourraient devenir la justification d’une atteinte au droit à
l’information de la personne poursuivie. Or ce droit est présenté dans la directive comme un
droit fondamental, si bien qu’il est contestable d’envisager sa remise en cause au cas par cas
pour les besoins de l’enquête. De plus, dans une telle situation, la question se pose de ce qui
doit être diffusé pour garantir un minimum d’équité dans la procédure, et de ce qui peut être
conservé pour les nécessités de l’enquête. La question reste en suspend et laisse beaucoup de
place à l’appréciation, nécessairement subjective, des services de police et d’instruction.
Néanmoins, s’il est légitime que la personne soit informée de l’accusation portée contre elle
pour préparer sa défense, il faut reconnaître que le succès d’une enquête est très souvent
entouré d’une certaine discrétion. Une volonté politique de ne pas faire échec à la répression
explique probablement l’introduction dans la directive de ce tempérament au droit à
l’information.

S’agissant du droit d’accès aux pièces du dossier, la directive prévoit que les suspects ou
les personnes poursuivies ont « accès au minimum à toutes les preuves matérielles à charge
ou à décharge des suspects ou des personnes poursuivies, qui sont détenues par les autorités
compétentes, afin de garantir le caractère équitable de la procédure et de préparer leur
défense »236. L’accès prévu ne vise donc pas toutes les pièces du dossier, mais seulement les
preuves à charge ou à décharge. Or, dans un dossier, il peut y avoir beaucoup d’autres pièces
qui ne constituent pas en soi des preuves formelles et admissibles devant un tribunal. Un
dossier contient aussi des pièces qui ne prouvent pas en elles-mêmes la culpabilité ou
l’innocence de la personne poursuivie, mais participent à la recherche de la vérité. En effet,
« du point de vue de la défense, tous les éléments du dossier peuvent avoir leur
importance »237. Comme pour l’information relative à l’accusation, notamment la nature et la

234
Article 6 §1 de la directive 2012/13/UE préc.
235
Article 6 §3 de la directive 2012/13/UE préc.
236
Article 7 §2 de la directive 2012/13/UE préc.
237
P. BEAUVAIS, « Nouvelle harmonisation des droits de l’accusé dans la procédure pénale », Revue
trimestrielle de droit européen, 2013, p. 881.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 54 /84


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qualification juridique de l’infraction, l’accès au dossier doit être accordé, non rapidement,
mais « en temps utile pour permettre l’exercice effectif des droits de la défense », et au plus
tard avant que la juridiction ne soit saisie.

Si la personne est arrêtée ou détenue, sont à sa disposition ou à celle de son avocat, à tout
stade de la procédure « les documents relatifs à l’affaire en question détenus par les autorités
compétentes qui sont essentiels pour contester de manière effective conformément au droit
national la légalité de l’arrestation ou de la détention »238. Si on estime que le procès-verbal
de notification de garde à vue n’est pas suffisant pour contester de manière effective la
légalité de cette privation de liberté, l’accès au dossier dès le début de la garde à vue devrait
alors être envisagé239. Toutefois, l’article 7 §4 de la directive prévoit des dérogations à ce
droit, lorsque l’accès au dossier « peut constituer une menace grave pour la vie ou les droits
fondamentaux d’un tiers, ou lorsque le refus d’accès est strictement nécessaire en vue de
préserver un intérêt public important, comme dans les cas où cet accès risque de
compromettre une enquête en cours ou de porter gravement atteinte à la sécurité nationale de
l’État membre dans lequel la procédure pénale est engagée ». Le refus d’accès à certaines
pièces est décidé par une autorité judiciaire, ou au moins soumis au contrôle juridictionnel, si
la décision de refus est émise par une autorité extrajudiciaire.

La directive ne comporte pas en soi d’innovations majeures, puisqu’elle reprend des droits
fondamentaux déjà consacrés par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de
l’homme : droit à la sûreté et droit à un procès équitable, dont font partie les droits de la
défense. La directive a néanmoins le mérite de consacrer ces droits procéduraux et de clarifier
leur contenu. En effet, selon l’Union, la Convention EDH n’offrait pas une protection
suffisante, notamment en matière d’informations adéquates sur les droits et les charges, car
« les droits à l’information prévus par les articles 5 et 6 ne vont pas assez loin » et « les
recours devant la Cour européenne des droits de l’homme peuvent prendre des années avant
de faire l’objet d’une décision et peuvent seulement conduire à une réparation ex post d’une
efficacité limitée »240. Les normes établies par la directive deviennent plus accessibles et,
partant, plus prévisibles, que les normes issues de la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme. De plus, même si la directive se présente plus comme « une norme
législative de mise en œuvre et de précision »241 de ces droits fondamentaux, le droit français
sera très certainement affecté par cette initiative. En effet, depuis une vingtaine d’années,
l’instruction s’efface progressivement au profit de l’enquête, notamment car les pouvoirs de la
police ont été augmentés de façon constante. Cette augmentation passe par des pouvoirs
coercitifs plus importants242, et par la possibilité de recourir à une personne qualifiée pour des
« mini expertises »243. Cet effacement de l’instruction conduit « à ce que la majeure partie des

238
Article 7 §1 de la directive 2012/13/UE préc.
239
P. BEAUVAIS, « Nouvelle harmonisation des droits de l’accusé dans la procédure pénale », Revue
trimestrielle de droit européen, 2013, p. 881.
240
Résumé de l’analyse d’impact accompagnant la proposition de directive relative au droit à l’information dans
le cadre des procédures pénales, SEC(2010) 809, § 2.1.2.
241
P. BEAUVAIS, « Nouvelle harmonisation des droits de l’accusé dans la procédure pénale », Revue
trimestrielle de droit européen, 2013, p. 881.
242
On peut citer, à titre d’exemple, l’augmentation des pouvoirs de la police pendant l’enquête de flagrance, les
hyptothèses de sonorisation en dehors de la flagrance, ou encore les possibles écoutes téléphoniques pour
certaines infractions et sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
243
Ce recours peut avoir lieu lors d’une enquête de flagrance (art. 60 al. 1 CPP : « S'il y a lieu de procéder à des
constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l'officier de police judiciaire a recours à toutes
personnes qualifiées »), ou lors d’une enquête préliminaire (art. 77-1 al. 1 CPP : « S'il y a lieu de procéder à des
constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de
celui-ci, l'officier de police judiciaire, a recours à toutes personnes qualifiées »).

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 55 /84


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affaires pénales soient aujourd'hui mises en état selon une procédure peu contradictoire, dans
laquelle les droits des personnes sont réduits et la défense représentée en pointillés, à
l'occasion de mesures spéciales comme la garde à vue »244. Or, « une telle procédure ne peut
plus correspondre aux standards imposés au niveau européen »245.

3) Le droit d’accès à un avocat et le droit de communiquer après l’arrestation

Dans la feuille de route du Conseil de 2009 visant à renforcer les droits procéduraux des
personnes poursuivies, la mesure C était relative à l’assistance d’un conseiller juridique et à
l’aide juridictionnelle. La spécificité de l’aide juridictionnelle a toutefois poussé la
Commission à séparer les deux questions. Dans une proposition de directive du 8 juin 2011246,
le droit d’accès à un avocat a été joint à la mesure D, relative à la communication des
personnes privées de liberté. L’objectif de la directive proposée est de fixer des règles
minimales communes concernant le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures
pénales et la possibilité de communiquer après l’arrestation avec un tiers, par exemple un
parent, un employeur ou une autorité consulaire.

La proposition de directive renvoie aux objectifs communs à toutes les décisions-cadre et


directives d’harmonisation : « renforcer la confiance réciproque entre les autorités judiciaires
et, partant, faciliter l'application du principe de la reconnaissance mutuelle »247. Comme la
directive sur le droit à l’interprétation et à la traduction, et celle sur le droit à l’information, la
proposition sur le droit d’accès à un avocat vise à améliorer les droits des personnes
soupçonnées ou poursuivies. La Cour européenne des droits de l’homme a en effet affirmé
que l’article 6 s’appliquait à la phase de la procédure pénale préalable au procès248 et que le
suspect devait bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premiers interrogatoires de la
police249 et, indépendamment de ceux-ci, dès qu'il est privé de liberté250. La Cour EDH a ainsi
pu condamner une violation de l’article 6 dans une affaire où la déposition faite par le suspect
en l'absence de son avocat avait conduit à déclarer l’intéressé coupable, et ce même si cette
déposition n'était pas le seul élément de preuve disponible251. A l’instar du droit à
l’information, la Commission a souligné qu’en matière d’accès à un avocat, si les Etats
membres n’appliquaient pas la jurisprudence de la Cour EDH, ils risquaient de devoir « de
devoir supporter des coûts considérables résultant des dommages-intérêts accordés par la
Cour aux requérants ayant obtenu gain de cause »252.

L’article 3 de la proposition de directive prévoit que « toute personne soupçonnée ou


poursuivie dans le cadre d'une procédure pénale doit, dès que possible, avoir accès à un
avocat, dans un délai et selon des modalités permettant l'exercice des droits de la défense ».
Cet accès doit être garanti « au plus tard au moment de la privation de liberté, et dans les
meilleurs délais au regard des circonstances de chaque affaire ». Mais même si elle n’est pas

244
J. LEBLOIS-HAPPE, « La proposition de directive relative au droit à l'information dans le cadre des
procédures pénales et le droit français », AJ Pénal, 2011, p. 446
245
J. LEBLOIS-HAPPE, préc., p. 447.
246
Proposition de directive du 8 juin 2011 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures
pénales et au droit de communiquer après l’arrestation, COM(2011) 326 final.
247
Proposition de directive du 8 juin 2011, préc., §1.4.
248
Cour EDH, Salduz c. Turquie, 27 novembre 2008, requête n° 36391/02, § 50.
249
Cour EDH, Salduz c. Turquie, préc., § 52.
250
Cour EDH, Dayanan c. Turquie, 13 janvier 2010, requête n° 7377/03, § 32.
251
Cour EDH, Panovits c. Chypre, 11 décembre 2008, requête n° 4268/04, § 73-76.
252
Proposition de directive du 8 juin 2011 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures
pénales et au droit de communiquer après l’arrestation, préc., §3.13.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 56 /84


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privée de liberté, la personne « pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat dès son
audition ». Plus spécifiquement, « lorsqu'un acte de procédure ou la collecte de preuves
requiert ou autorise la présence de la personne soupçonnée ou poursuivie », celle-ci doit
pouvoir être assistée d’un avocat. La proposition de directive émet tout de même une réserve
dans les cas où « les éléments de preuve à recueillir risquent d'être altérés, déplacés ou
détruits du fait du temps écoulé jusqu'à l'arrivée de l'avocat ». s’agissant du contenu du droit
d’accès à un avocat, l’article 4 de la proposition de directive prévoit que l’avocat peut :
« s'entretenir avec le suspect ou la personne poursuivie pendant un temps suffisant et à
intervalle raisonnable pour pouvoir exercer effectivement les droits de la défense ; assister à
tout interrogatoire ou audition ; assister à toute mesure d'enquête ou de collecte de preuves
pour laquelle la législation nationale applicable exige ou autorise expressément la présence de
la personne soupçonnée ou poursuivie », avec la réserve prévue à l’article 3 sur le risque
d’altération des preuves, et enfin « accéder au lieu de détention pour y vérifier les conditions
de détention ». Ces nombreuses interventions possibles de l’avocat font parfaitement écho à la
jurisprudence de la Cour EDH. Dans l’affaire Dayanan c. Turquie, elle avait ainsi considéré
que l’équité de la procédure impliquait que l’accusé puisse obtenir diverses interventions de
son conseil, parmi lesquelles « la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la
recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de
l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention »253.

L’article 5 de la proposition de directive permet aux personnes privées de liberté de


« communiquer, dès que possible après l'arrestation, avec au moins une personne qu'elles
désignent, laquelle sera un parent ou un employeur dans la plupart des cas, afin de l'informer
de la mise en détention ». La proposition envisage également l’hypothèse des mineurs privés
de liberté. Dans ce cas, ce sont les représentants légaux qui doivent être « avertis le plus tôt
possible de la mise en détention de ces enfants et des raisons qui la motivent, sauf si cela est
contraire à l'intérêt supérieur des enfants concernés ». L’article 6 de la proposition prévoit
également que « tous les détenus étrangers qui en expriment le souhait puissent obtenir que
les autorités consulaires de l'État dont ils ont la nationalité soient informées de leur mise en
détention ».

Si les récentes directives et propositions de directives témoignent d’un souci plus accru
pour une procédure pénale respectueuse des droits fondamentaux, pour certains, le traité
présente un déséquilibre entre les dispositions substantielles et les dispositions procédurales.
Ce serait alors « révélateur d’une politique criminelle plus sécuritaire que libérale »254. Au-
delà de la reconnaissance mutuelle, l’harmonisation des dispositions substantielles apparaît en
effet comme un véritable instrument de mise en œuvre de la coopération judiciaire en matière
pénale, notamment dans son volet répressif.

253
Cour EDH, Dayanan c. Turquie, préc., §32.
254
J. ALIX, « Discussion. Les frontières de l’harmonisation autonome », in Le droit pénal de l’Union
européenne au lendemain du traité de Lisbonne, G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), coll.
UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 148.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 57 /84


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PARTIE 3 – L’HARMONISATION DU DROIT PENAL COMME INSTRUMENT DE LA


COOPERATION JUDICIAIRE EN MATIERE PENALE

Comme il a été démontré précédemment en matière de procédure pénale, la mise en œuvre


de la coopération judiciaire en matière pénale peut se heurter à l’absence d’harmonisation des
législations. De la même façon, l’harmonisation du droit pénal de fond participe à l’objectif
d’amélioration de la coopération judiciaire en matière pénale. La consécration de la
compétence pénale de l’Union va donc nécessairement dans le sens d’une amélioration de la
coopération judiciaire en matière pénale (Section 1). Sa mise en œuvre rencontre néanmoins
des obstacles, voulus par les Etats membres pour éviter une extension déraisonnable de la
compétence de l’Union dans le droit pénal (Section 2).

Section 1 – La consécration de la compétence pénale de l’Union européenne


« En principe, la législation pénale et les règles de la procédure pénale restent de la
compétence des Etats membres »255. Cette affirmation de la Cour de justice a vécu. La
conception traditionnelle de la souveraineté des États, « dont le droit de punir est l'expression
par excellence »256, peut en effet être remise en cause par la consécration de la compétence
pénale de l’Union par le traité de Lisbonne. L’article 83 TFUE envisage une compétence
pénale comme expression de la politique criminelle européenne, c’est l’harmonisation dite
autonome (§1), et une compétence pénale comme complément des politiques de l’Union, c’est
l’harmonisation dite accessoire (§2).

§1 – L’harmonisation pénale autonome


L’harmonisation visée par l’article 83 §1 al. 1 TFUE257 peut être dite « autonome », car
elle exprime le noyau dur de la politique criminelle européenne, et concerne l’action de lutte
contre les manifestations criminelles à caractère transnational258. Le traité consacre ainsi un
champ considérable pour le droit pénal matériel de l’Union (A), susceptible d’être encore
étendu (B).

A) Le champ de la compétence pénale autonome

Le traité de Lisbonne semble avoir considérablement étendu le champ de la compétence


pénale de l’Union par rapport à ce que permettait le traité de Nice (1), mais en réalité, le
bouleversement est à tempérer, car les domaines visés par l’article 83 §1 avaient déjà fait
l’objet d’harmonisation (2).

255
CJCE, 11 novembre 1981, Casati, aff. 203/80.
256
A. HUET, « L'impact du droit communautaire sur le droit pénal », in D. SIMON (dir.), Le droit
communautaire et les métamorphoses du droit, PUS, 2003, p. 13.
257
Article 83 §1 al. 1 TFUE : « Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de directives
conformément à la procé- dure législative ordinaire, peuvent établir des règles minimales relatives à la définition
des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une
dimension transfrontière résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d'un besoin particulier de
les combattre sur des bases communes ».
258
A. BERNARDI, « L’harmonisation pénale accessoire », in G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES
(dir.), Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, coll. UMR de droit comparé de
Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 154.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 58 /84


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1) L’extension de la compétence pénale de l’Union par le traité de Lisbonne

L’article 31 TUE, dans sa version issue du traité de Nice, disposait : « l’action en commun
dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise entre autres à : […]
adopter progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments
constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la
criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue ». Le traité ne visait donc que trois
matières susceptibles d’être harmonisées : le terrorisme, la criminalité organisée et le trafic
illicite de drogues. Déjà avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, rien ne permettait de
s’opposer à la compétence pénale de l’Union en matière de terrorisme et de trafic de drogues,
puisque ces domaines étaient expressément visés par le traité. En revanche, il pouvait y avoir
des difficultés pour définir le contenu de la « criminalité organisée » envisagée par le traité.

Le Conseil de Tampere avait consacré une vision extensive de la notion de criminalité


organisée. Dans les conclusions de la Présidence, le Conseil européen précisait que, « sans
préjudice des domaines plus larges envisagés dans le Traité d’Amsterdam et le Plan d’action
de Vienne », la définition d’incriminations et de sanctions communes doit concerner les
« secteurs revêtant une importance particulière, tels que la criminalité financière (blanchiment
d’argent, corruption, contrefaçon de l’euro), le trafic de drogue, la traite des êtres humains,
notamment l’exploitation des femmes, l’exploitation sexuelle des enfants, la criminalité
utilisant les technologies avancées et la criminalité au détriment de l’environnement »259. La
notion de criminalité organisée était imprécise, puisqu’elle semblait rassembler tout ce qui ne
relevait pas expressément du terrorisme et du trafic illicite de drogues. Ainsi, le Conseil de
l’UE a-t-il pu adopter en 2008 une décision-cadre relative à la lutte contre le racisme et la
xénophobie au moyen du droit pénal, sur le fondement notamment de l’article 31 du TUE260.
A l’égard de cette imprécision, « le traité de Lisbonne signe un avancée considérable »261. En
effet le traité délimite de façon claire neuf domaines susceptibles d’être harmonisés : le
terrorisme, la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le
trafic illicite de drogues, le trafic illicite d'armes, le blanchiment d'argent, la corruption, la
contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée.
Certains mettent toutefois en avant le fait que, malgré l’énumération de l’article 83 §1, le
champ de l’harmonisation autonome n’est pas si précisément délimité, « peut-être parce que
l’article vise plus des criminalités que des infractions proprement dites »262.

Dans la stratégie européenne de sécurité, adoptée à Bruxelles en 2003, l’Union estimait


que l'Europe constituait « une cible de premier ordre pour la criminalité organisée »263. Elle
identifiait comme relevant de la criminalité organisée, « le trafic transfrontalier de drogue, la
traite des femmes, l'immigration clandestine et le trafic d'armes », et ajoutait : « l’essor de la

259
Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Tampere, 15 et 16 octobre 1999, §48.
260
Décision-cadre du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de
xénophobie au moyen du droit pénal (2008/913/JAI), JO L 328 du 6 décembre 2008.
261
L. ARROYO ZAPATERO et M. MUNOZ DE MORALES ROMERO, « Droit pénal européen et traité de
Lisbonne : le cas de l’harmonisation autonome (article 83.1 TFUE), in G. GIUDICELLI-DELAGE et C.
LAZERGES (dir.), Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, coll. UMR de
droit comparé de Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 122.
262
J. ALIX, « Discussion. Les frontières de l’harmonisation autonome », in G. GIUDICELLI-DELAGE et C.
LAZERGES (dir.), Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, coll. UMR de
droit comparé de Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 148.
263
« Une Europe sûre dans un monde meilleur. Stratégie européenne de sécurité », Bruxelles, 12 décembre 2003,
non publié au JO, p. 5. Voir le point « Criminalité organisée » dans « I – L’environnement de sécurité : défis
mondiaux et principales menaces ». (http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/031208ESSIIFR.pdf)

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 59 /84


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piraterie maritime, qui constitue une nouvelle dimension de la criminalité organisée, méritera
une plus grande attention ». Pourtant, l’article 83 §1 ne prévoit pas de compétence pénale à en
matière de piraterie maritime, alors que « le phénomène représente aujourd’hui une menace
internationale exigeant en retour une réponse d’envergure internationale dans la mesure où le
cœur du problème se situe essentiellement dans les eaux nigérianes et somaliennes »264. De
plus, dans son livre vert sur la politique maritime de l’UE, la Commission affirme la nécessité
de s’attaquer à la piraterie265. Si l’article 83 §1 ne prévoit pas d’harmonisation en matière de
piraterie, c’est probablement parce qu’une action commune de l’Union relèverait davantage
de la coopération avec les pays tiers266, et en particulier de la coopération au développement,
prévue aux articles 208 à 211 TFUE, que de la coopération policière et judiciaire. Une action
commune de l’Union en matière de piraterie pourrait par exemple prendre la forme de
mesures d’aide au développement des Etats côtiers, et ne pas nécessairement concerner
l’harmonisation des dispositions pénales des Etats membres.

2) Une compétence pénale limitée aux domaines déjà harmonisés

Il convient de tempérer « l’avancée considérable » du traité de Lisbonne, dans la mesure


où la majorité des domaines visés par l’article 83 §1267 avaient déjà fait l’objet
d’harmonisation par l’adoption de décisions-cadre. Ainsi, la lutte contre le terrorisme a fait
l’objet d’une décision-cadre de 2002268, modifiée en 2008269. La traite des êtres humains et
l’exploitation sexuelle des femmes avaient déjà été harmonisées en 2002270, mais ont fait
l’objet d’une récente directive abrogeant la première décision-cadre271. La décision-cadre
adoptée en matière d’exploitation sexuelle des enfants272 sera également bientôt remplacée273.
Le trafic illicite de drogues a fait l’objet d’une harmonisation en 2004 dans le cadre du
troisième pilier274. La liste de l’article 83 §1 inclut aussi le blanchiment de capitaux. Or ce
domaine d’intervention a toujours été important pour l’Union, comme le manifeste l’adoption
d’une directive de 1991275. Pourtant, dans cette directive, les Etats n’ont pas l’obligation

264
L. ARROYO ZAPATERO et M. MUNOZ DE MORALES ROMERO, préc. note 260, p. 123.
265
Livre vert de la Commission, « Vers une politique maritime de l’Union : une vision européenne des océans et
des mers », 7 juin 2006, COM(2006) 275 final, non publié au JO, Volume II, p. 50 : « Il est également nécessaire
de s’attaquer aux autres formes d’activités illégales, comme la piraterie ».
266
Titre III du TFUE : « La coopération avec les pays tiers et l’aide humanitaire ».
267
Article 83 §1 al. 2 TFUE : « Ces domaines de criminalité sont les suivants: le terrorisme, la traite des êtres
humains et l'exploi- tation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite
d'armes, le blanchiment d'argent, la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informa-
tique et la criminalité organisée ».
268
Décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme (2002/475/JAI), JO L 164 du 22 juin
2002.
269
Décision-cadre du 28 novembre 2008 modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte
contre le terrorisme (2008/919/JAI), JO L 330 du 9 décembre 2008.
270
Décision-cadre du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains (2002/629/JAI ), JO L
203 du 1er août 2002.
271
Directive du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite d’êtres humains et la lutte contre ce
phénomène, ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI, JO L 101 du 15
avril 2011.
272
Décision-cadre du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la
pédopornographie (2004/68/JAI), JO L 013 du 20 janvier 2004.
273
Proposition de directive du 29 mars 2010 relative à l’exploitation et aux abus sexuels concernant des enfants
et à la pédopornographie, abrogeant la décision-cadre 2004/68/JAI, COM(2010)94 final.
274
Décision-cadre du 25 octobre 2004 concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux
éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue
(2004/757/JAI), JO L 335 du 11 novembre 2004.
275
Directive du Conseil du 10 juin 1991, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de
blanchiment de capitaux (91/308/CEE), JO L 166 du 28 juin 1991.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 60 /84


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d’utiliser des sanctions pénales, même si en pratique les Etats membres s’étaient engagés à la
répression des actes de blanchiment de capitaux par le droit pénal. Ce n’est qu’en 2001 que
cette obligation a été explicitement exprimée dans une décision-cadre276.

La corruption est sans conteste un domaine dans lequel le législateur européen a été depuis
longtemps très actif. En témoignent les nombreux instruments adoptés, comme la convention
de 1995, adoptée dans le but de protéger les intérêts financiers de la Communauté277, ainsi
que les protocoles adoptés par la suite278. Le protocole de 1996279 permet aux juridictions
nationales de demander l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice, des
dispositions de ladite convention et de ses protocoles. Ce protocole est entré en vigueur le
17 octobre 2002. Un autre protocole adopté en 1997280 visait la responsabilité des personnes
morales, la confiscation, le blanchiment de capitaux et la coopération entre les pays de
l’Union et la Commission, aux fins de la protection des intérêts financiers de la Communauté,
et des données à caractère personnel en rapport avec ces intérêts. Ce protocole est entré en
vigueur le 19 mai 2009. Concernant la lutte contre la corruption des fonctionnaires, une
convention a été adoptée en 1997281, et complétée par une décision-cadre du 22 juillet
2003282.

Enfin, le domaine de la falsification des moyens de paiement a fait l’objet d’une décision
du Conseil283 et de deux décisions-cadre284, tandis que la criminalité organisée est elle-même
déjà visée par deux décisions-cadre285. Enfin, la décision-cadre du 24 février 2005 dans le
domaine de la criminalité informatique sera bientôt remplacée, comme en témoigne la
proposition de directive relative aux attaques visant les systèmes d’information286. Mais
comment vérifier que l’action de l’Union serait véritablement bénéfique ? L’impact des
sanctions pénales s’agissant de leur effet dissuasif, est difficile à mesurer. Certains regrettent
par exemple le recours aux sanctions pénales à l’échelle européenne pour garantir les droits de
propriété intellectuelle287.

276
Décision-cadre du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d'argent, l'identification, le dépistage, le gel ou la
saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime (2001/500/JAI), JO L 182 du 5 juillet 2001.
277
Acte du Conseil du 26 juillet 1995 établissant la convention relative à la protection des intérêts financiers des
Communautés européennes, JO C 316 du 27 novembre 1995.
278
Notamment le premier protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des
Communautés européennes, JO C 313 du 23 octobre 1996.
279
Acte du Conseil du 29 novembre 1996 établissant, sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union
européenne, le protocole concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés
européennes de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, JO
C 151 du 20 mai 1997.
280
Acte du Conseil du 19 juin 1997 établissant le deuxième protocole à la convention relative à la protection des
intérêts financiers des Communautés européennes, JO C 221 du 19 juillet 1997.
281
Convention établie sur la base de l’article K3, paragraphe 2, point c) du Traité sur l’Union européenne
relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des
fonctionnaires des Etats membres de l’Union européenne , JO C 195 du 25 juin 1997.
282
Décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé (2003/568/JAI),
JO L 192 du 31 juillet 2003.
283
Décision du Conseil du 29 mai 2000, JO L 140 du 14 juin 2000.
284
Décision-cadre du 29 mai 2000, JO L 329 du 14 décembre 2001 et décision-cadre du 28 mai 2001, JO L 149
du 2 juin 2001.
285
Décision-cadre du 28 novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée,
au transit et au séjour irréguliers (2002/946/JAI), JO L 328 du 5 décembre 2002 et décision-cadre du 24 octobre
2008 relative à la lutte contre la criminalité organisée (2008/841/JAI), JO L 300 du 11 novembre 2008.
286
Proposition de directive du 30 septembre 2010 relative aux attaques visant les systèmes d’information et
abrogeant la décision-cadre 2005/222/JAI du Conseil, COM(2010) 517 final
287
L. ARROYO ZAPATERO et M. MUNOZ DE MORALES ROMERO, préc. note 260, p. 132.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 61 /84


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Cette longue liste témoigne d’une activité législative énergique de l’Union en matière
pénale. Il y a tout lieu de penser que celle-ci ne faiblira pas. En effet, le traité de Lisbonne a
consacré la compétence pénale de l’Union, en lui donnant une base juridique certaine.
Légitimée, l’action de l’UE en matière pénale suivra certainement sa lancée. De plus, l’alinéa
3 de l’article 83 §1 prévoit qu’« en fonction des développements de la criminalité, le Conseil
peut adopter une décision identifiant d'autres domaines de criminalité ». Ainsi, la compétence
pénale peut être étendue au-delà des neufs domaines susceptibles d’être harmonisés.

B) L’extension possible du champ de la compétence pénale autonome

L’extension du champ de la compétence pénale de l’Union est soumise à l’acceptation des


Etats membres (1), et à des critères de gravité et de transfrontalité (2).

1) Une extension sous réserve d’acceptation des Etats membres

S’agissant de la procédure d’extension de la compétence pénale, l’alinéa 3 de l’article 83


§1 prévoit que les neufs domaines susceptibles d’être harmonisés peuvent être étendus par
une décision à l’unanimité du Conseil et sous réserve d’une approbation préalable du
Parlement. Il s’agit donc d’une procédure de révision différente de celles prévues par l’article
48 du TUE. En effet, les procédures de révision ordinaire et simplifiée ne prévoient dans
aucun cas l’approbation du Parlement, mais sa simple consultation, sauf dans le cas particulier
de la procédure ordinaire sans convocation de Convention. Pour étendre la compétence pénale
de l’Union, il faut soit qu’apparaissent de nouvelles formes graves de criminalité, soit que la
criminalité prenne une dimension transfrontière. Si on retient une interprétation extensive de
la gravité de la criminalité, on peut étendre de façon considérable le champ de la compétence
pénale de l’Union. Toutefois, cette possibilité nécessite en pratique l’unanimité de vingt-sept
Etats, ce qui est très difficile. C’est pourquoi l’exigence de l’unanimité fait l’objet de
critiques288. Elle élimine en effet pratiquement les chances de succès de l’extension des
domaines d’intervention de l’Union en matière pénale.

2) Une extension soumise aux critères de gravité et de transfrontalité

Les domaines de criminalité susceptibles d’entrer un jour dans la compétence pénale


autonome de l’Union doivent être particulièrement graves et revêtir une dimension
transfrontière. La condition de spéciale gravité suppose une intervention de l’Union dans des
domaines qui reposent déjà sur un dispositif pénal dans les Etats membres. En effet, les
comportements ne peuvent être d’une spéciale gravité si les Etats membres eux-mêmes n’ont
pas déjà jugé bon de les incriminer. Si l’Union a compétence dans la matière, ce n’est pas tant
pour incriminer des comportements, mais pour que l’Union et les Etats luttent ensemble
contre ceux-ci. Finalement, la compétence pénale reconnue à l’Union vise véritablement à
favoriser la coopération pénale, plus qu’à réprimer des comportements. Dans une telle
situation, on peut penser que si les Etats membres arrivent dors et déjà à lutter efficacement
contre ce type de délinquance, alors une action au niveau de l’Union ne paraît ni nécessaire ni
souhaitable. Une telle idée fait écho au principe de subsidiarité, consacré à l’article 5 §3 TUE,
selon lequel, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union
intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas

288
G. de KERCHOVE, « La coopération policière et judiciaire pénale : de la coopération intergouvernementale à
la méthode communautaire », in O. de SCHUTTER et P. NIHOUL (dir.), Une Constitution pour l’Europe.
Réflexions sur les transformations du droit de l’Union européenne, Larcier, 2004, p. 233.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 62 /84


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être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent l'être mieux, en raison
des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union.

Les domaines de criminalité susceptibles d’être harmonisés doivent ensuite revêtir une
dimension transfrontière. Une telle dimension peut résulter tout d’abord du caractère des
infractions. C’est le cas notamment quand le mode de réalisation de l’infraction nécessite
l’emploi de moyens transfrontières, comme les nouvelles technologies et en particulier
Internet. Les nouvelles technologies peuvent être utilisées dans des domaines très différents et
dans le cadre d’une grande variété de délinquances, ce qui a « des conséquences inévitables
pour les systèmes pénaux européens »289. La décision-cadre du 22 décembre 2003 relative à la
lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pornographie infantile met ainsi en avant
le fait que « la pédopornographie, forme particulièrement grave d'exploitation sexuelle des
enfants, prend de l'ampleur et se propage par le biais de l'utilisation des nouvelles
technologies et d'Internet »290. La dimension transfrontière peut ensuite résulter des
incidences des infractions. On pense en premier aux incidences qu’on les infractions en
matière de droit de l’environnement. Mais ce peut être le cas également lorsqu’il existe une
criminalité locale, qui n’existe que parce qu’il y a « au-dessus d’elle » une criminalité
internationale, comme en matière de trafic de stupéfiants, donc la dimension locale n’est
possible que grâce au trafic international.

La dimension transfrontière peut enfin résulter d'un besoin particulier de les combattre sur
des bases communes. Cette formule découle de l’argument utilisé par la Commission pour
lutter contre « le forum shopping » et justifier ainsi l’action de l’Union, conformément au
principe de subsidiarité. En effet, selon cet argument, il est inutile d’appliquer des sanctions
plus sévères dans certains Etats membres, ce n’est pas un moyen de lutte efficace contre la
criminalité organisée, car les délinquants pourront toujours opérer sur le territoire d’autres
Etats dans lesquels la loi est moins sévère. Le besoin particulier que l’Union peut avoir de
combattre des infractions sur des bases communes n’a pas le mérite d’être très clairement
défini. La Cour constitutionnelle allemande a d’ailleurs critiqué cette formule dans sa décision
très remarquée du 30 juin 2009. Pour la haute juridiction, un tel besoin ne peut « être établi
simplement par la formation d’une intention politique » et ne peut « être séparé du caractère et
des incidences de l’infraction ». C’est pourquoi elle souhaitait une interprétation restrictive de
cette formule, afin d’éviter une expansion démesurée du droit pénal de l’Union.
On peut toutefois identifier ce besoin particulier dans la nécessité d’une sanction
européenne qui se veut surtout dissuasive. C’est le cas lorsque qu’un problème subsiste dans
un domaine, et que la Commission en déduit l’inefficacité des sanctions nationales. A titre
d’exemple, le considérant n°3 de la directive de 2008 sur la protection de l’environnement par
le droit pénal291 énonce que « l'expérience montre que les systèmes de sanction existants ne
suffisent pas à garantir le respect absolu de la législation en matière de protection de
l'environnement. Ce respect peut et doit être renforcé par l'existence de sanctions pénales, qui
reflètent une désapprobation de la société qualitativement différente de celle manifestée par le
biais des sanctions administratives ou d'une indemnisation au civil ». Les sanctions pénales
manifestent les valeurs défendues par la société et seraient ainsi plus dissuasives. Dans le
même sens, dans la directive relative à la pollution causée par les navires, l’Union estime que
« ni le régime international relatif à la responsabilité civile et à l'indemnisation en cas de
pollution par les hydrocarbures ni celui concernant la pollution par d'autres substances

289
L. ARROYO ZAPATERO et M. MUNOZ DE MORALES ROMERO, préc. note 260, p. 129.
290
Considérant n°5 de la décision-cadre 2004/68/JAI, préc.
291
Directive du 19 novembre 2008 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal (2008/99/CE),
JO L 328 du 6 décembre 2008.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 63 /84


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dangereuses ou nocives ne comportent suffisamment d'effets dissuasifs pour décourager les


parties concernées par le transport de cargaisons dangereuses par mer d'avoir recours à des
pratiques inférieures aux normes ». Ainsi, « les effets dissuasifs requis ne peuvent être assurés
que par l'introduction de sanctions s'appliquant à quiconque cause ou contribue à causer une
pollution marine »292.

Finalement, tous les domaines visés par l’article 83 §1, qu’ils soient expressément prévus
ou qu’ils soient envisageables, peuvent être rattachés à des politiques de l’Union ; donc tous
ces domaines sont susceptibles de faire l’objet d’une harmonisation, certes sur le fondement
de l’article 83 §1, mais aussi sur celui de l’article 83 §2293.

§2 – L’harmonisation pénale accessoire


Le caractère « accessoire » de l’harmonisation consacrée à l’article 83 §2 découle du fait
que les règles minimales relatives à la définition des infractions et des sanctions exercent
« une fonction d’achèvement […] par rapport aux mesures extrapénales d’harmonisation
correspondantes »294. Ainsi, l’article 83 §2 confirme la possibilité ouverte par la Cour de
justice dans le cadre du premier pilier d’utiliser le droit pénal pour donner un effet utile au
droit de l’Union (A). De plus, l’harmonisation pénale est secondaire par rapport aux mesures
d’harmonisation dans les domaines relevant de l’action de l’Union. Les règles minimales sont
l’accessoire des normes adoptées en matière d’environnement, d’économie, de
consommation, de droit du travail : le champ de cette compétence est relativement large (B).

A) Le prolongement de l’œuvre prétorienne de la Cour de justice

L’article 83 §2 se présente comme le prolongement de la jurisprudence de la Cour de


justice relative à la compétence pénale de l’Union pour définir des infractions (1) et des
sanctions (2).

1) La compétence de l’Union pour définir des infractions

Dans un arrêt du 13 septembre 2005295, la Cour de justice a reconnu une compétence


pénale au législateur de l’Union. Dans cette affaire, le Conseil de l’Union européenne avait
adopté à l’unanimité une décision-cadre définissant un ensemble d’infractions commises au
détriment l’environnement, que les Etats membres devaient assortir de sanctions pénales. La
Commission s’était opposée à la base juridique retenue, estimant que la base juridique
correcte pour imposer aux États membres l'obligation de prescrire des sanctions pénales
contre les auteurs d'atteintes à l'environnement était l’article 175 §1 CE (192 TFUE). C’est
pourquoi elle avait présenté une proposition de directive relative à la protection de

292
Considérant n°7 de la directive du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à
l’introduction de sanctions en cas d’infractions (2005/35/CE), JO L 255 du 30 septembre 2005.
293
Article 83 §2 TFUE : « Lorsque le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États
membres en matière pénale s'avère indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d'une politique de
l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation, des directives peuvent établir des règles
minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine concerné ».
294
A. BERNARDI, « L’harmonisation pénale accessoire », in Le droit pénal de l’Union européenne au
lendemain du traité de Lisbonne, G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), coll. UMR de droit
comparé de Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 155.
295
CJCE, grande chambre, Commission des Communautés européennes c. Conseil de l’Union européenne, 13
septembre 2005, aff. C-176/03, Rec. 2005 I-07879.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 64 /84


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l’environnement par le droit pénal296. Dans son arrêt de 2005, la Cour de justice a admis que
la décision-cadre attaquée consistait en une intrusion du droit communautaire dans le champ
pénal, et qu’il n’y avait pas de précédent en la matière297. La Cour a tout de même annulé la
décision du Conseil dans son ensemble, au motif que la décision-cadre empiétait sur les
compétences attribuées à la Communauté par le traité CE (premier pilier) et violait ainsi le
traité sur l’UE qui donnait priorité à ces compétences. La Cour de Justice a rappelé que le
choix de la base juridique d’un acte devait se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de
contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte298.
Or la Cour a jugé que la finalité de la décision-cadre était protection de l’environnement, qui
constituait un des objectifs essentiels de la Communauté299. De plus, aux termes de l’ex-
article 6 CE (11 TFUE), « les exigences de la protection de l'environnement doivent être
intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de la Communauté »,
ce qui, pour la Cour de justice, soulignait le caractère transversal et fondamental de cet
objectif. La Cour a également reconnu que la décision comportait une harmonisation partielle
des législations pénales des Etats, qui ne relevait pas de la compétence de la Communauté300.
Mais elle a affirmé que « cette dernière constatation ne saurait cependant empêcher le
législateur communautaire, lorsque l’application de sanctions pénales effectives,
proportionnées et dissuasives par les autorités nationales compétentes constitue une mesure
indispensable pour lutter contre les atteintes graves à l'environnement, de prendre des mesures
en relation avec le droit pénal des États membres et qu'il estime nécessaires pour garantir la
pleine effectivité des normes qu'il édicté en matière de protection de l'environnement »301. En
effet, même si la décision prévoyait l’incrimination de certains comportements, elle laissait le
choix aux Etats membres des sanctions pénales applicables. Les critiques de cet arrêt ont pu
s’interroger à l’époque sur l’intérêt des mécanismes de répartition de compétences tels que le
principe de subsidiarité et la structure en piliers302, puisque cet arrêt avait reconnu
explicitement une compétence pénale accessoire au législateur de l’Union ; et c’est d’ailleurs
à lumière de cette jurisprudence que fut introduite la première directive d’harmonisation du
droit pénal303, plus un an avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Par la suite, d’autres
directives prises dans le cadre du premier pilier ont harmonisé des dispositions pénales, dans
des domaines autres que celui de l’environnement, comme celui de la sécurité des jouets.

Ainsi, pour certains, « la compétence pénale accessoire ne doit pas être considérée comme
une conquête de l’Union à attribuer au Traité de Lisbonne »304. Certes, mais la portée de
l’arrêt du 13 septembre 2005 avait été discutée, de telle sorte qu’on pouvait se demander si le
recours au droit pénal par directive était limité au droit de l’environnement, ou s’il était

296
JO C 180, p. 238.
297
CJCE, Commission c. Conseil, préc., point 20.
298
CJCE, Commission c. Conseil, 13 sept. 2005, préc., point 45 ; voir également CJCE, Commission c. Conseil,
dit « Dioxyde de titane », 11 juin 1991, C-300/89, Rec. p. I-2867, point 10 ; et CJCE, Huber, 19 septembre 2002,
C-336/00, Rec. p. I-7699, point 30
299
Voir les arrêts de la CJCE du 7 février 1985, ADBHU, 240/83, Rec. p. 531, point 13 ; du 20 septembre 1988,
Commission/Danemark, 302/86, Rec. p. 4607, point 8 ; et du 2 avril 1998, Outokumpu, C-213/96, Rec. p. 1-
1777, point 32.
300
Voir sur ce point CJCE, Guerrino Casati, 11 nov. 1981, préc. et CJCE, Banchero, 14 déc. 1995, préc.
301
CJCE, Commission c. Conseil, 13 sept. 2005, préc., point 48.
302
Pour R. de Bellescize, « les dispositions garantissant des compétences aux Etats finissent par voler en éclat
devant l’interprétation téléologique de la Cour de Justice », in « La Cour de Justice des Communautés
européennes limite la souveraineté des Etats en matière pénale. – A propos de l’arrêt de la CJCE du 13
septembre 2005 », Droit pénal, n°12, Décembre 2005, étude 16.
303
Directive du 19 novembre 2008 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal (2008/99/CE),
JO L 328 du 6 décembre 2008.
304
A. BERNARDI, « L’harmonisation pénale accessoire », préc. note 291, p. 153.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 65 /84


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possible dans d’autres domaines. L’article 83 §2 a au moins le mérite de balayer ces


discussions, puisqu’il affirme que le recours au droit pénal, par directive nécessairement, peut
être utilisé « pour assurer la mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union dans un
domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation », c’est-à-dire finalement tout « objectif
à caractère transversal et fondamental de la Communauté », selon les termes de l’arrêt de
2005.

2) La compétence de l’Union pour définir des sanctions

La définition des sanctions pénales est traditionnellement « considérée comme faisant


partie du noyau dur de la politique criminelle étatique, et donc de la souveraineté de
l’Etat »305. Dans la fameuse affaire du maïs grec306, la Cour de justice avait déjà atteint, dans
une certaine mesure, la souveraineté pénale des Etats membres, et plus précisément leur droit
de « ne pas punir », en posant le principe selon lequel le législateur national devait
sanctionner les violations du droit de l’Union dans des conditions de fond et de procédure
identiques à celles du droit national, au nom des principes d’équivalence et de non
discrimination. Se fondant également sur le principe de coopération loyale307, la Cour avait
ajouté que ces sanctions devaient avoir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, dans le
but de donner un effet utile au droit de l’Union, mais sans imposer que ces sanctions soient de
nature pénale. Par la suite, dans un arrêt du 23 octobre 2007308, la Cour de justice avait
affirmé que la détermination de la nature et des niveaux de sanctions pénales ne relevait pas
de la compétence communautaire. Elle avait ainsi jugé que, si l’Union pouvait imposer aux
Etats membres le recours à des incriminations pénales par directive, en revanche la nature et
le quantum des sanctions pénales ne pouvaient être fixés que par décision-cadre. L’article 83
§2 TFUE prévoit quant à lui que les sanctions pour assurer la mise en œuvre efficace d'une
politique de l'Union sont de nature pénale. Ainsi, si le rapprochement des infractions était déjà
envisagé par l’article 31 e) TUE, le rapprochement des législations pénales dans le domaine
des sanctions est sans conteste une nouveauté du traité de Lisbonne, et un véritable défi pour
l’Union. Ce nouveau défi est accentué par le fait que la compétence pénale accessoire
reconnue à l’Union pour mettre en œuvre ses politiques est très étendu.

B) Le champ de la compétence pénale accessoire

Premièrement, le rapprochement des législations doit viser à assurer la mise en œuvre


efficace d’une politique de l’Union. La formule « mise en œuvre d’une politique de
l’Union » pose immédiatement la question des politiques concernées. S’agit-il des politiques
relevant des compétences partagées seulement, ou bien aussi celles relevant de la compétence
exclusive ? Tout d’abord, les politiques visées par l’article 83 §2 sont celles qui relèvent des
compétences partagées, conformément à l’article 4 TFUE, et pour lesquelles l’Union a
développé une harmonisation par voie de directive. Peuvent ainsi être concernés, entre autres,
le marché intérieur, la politique sociale, l’environnement, la protection des consommateurs,
les transports, etc. Ensuite, aux termes de l’article 2 TFUE, « lorsque les traités attribuent à
l'Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l'Union peut légiférer et
305
E. LAMBERT-ABDELGAWAD, « Tentative de modélisation », in M. DELMAS-MARTY, G.
GIUDICELLI-DELAGE et E. LAMBERT-ABDELGAWAD, L’harmonisation des sanctions pénales en
Europe, coll. UMR de droit comparé, Vol. 5, Société de législation comparée, 2003, p. 429.
306
CJCE, Commission c. Grèce, 21 septembre 1989, aff 68/88, Rec.1989 0296, points 24-25.
307
Principe affirmé à l’article 4 §3 du TUE : « En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États
membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités ».
308
CJCE, grande chambre, Commission des Communautés européennes c. Conseil de l'Union européenne, 23
octobre 2007, aff. C-440/05, Rec. 2007 I-09097.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 66 /84


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adopter des actes juridiquement contraignants ». De plus, l’article 83 §2 n’exclut pas les
politiques communes de son champ. Donc, si l’Union a une compétence pénale pour les
politiques internes relevant des compétences partagées, elle a, a fortiori, une compétence
pénale pour les domaines de compétences exclusives. Ainsi, peuvent être concernés, l’union
douanière, les règles de concurrence, la politique monétaire, la politique commune de la pêche
et la politique commerciale commune. On peut également envisager que la compétence
pénale de l’Union ne soit pas limitée aux politiques internes et communes, mais s’étende au
domaine des objectifs transversaux. On pense en effet à la jurisprudence de la Cour, examinée
précédemment, reconnaissant une compétence pénale à la Communauté pour compléter la
réalisation de ses objectifs essentiels (la protection de l’environnement en particulier). Ainsi,
en combinant la jurisprudence de la Cour de justice et la lettre de l’article 83 §2, on peut
penser que les objectifs transversaux, visés aux articles 9 à 13 TFUE, sont également dans le
champ de la compétence pénale de l’Union. Ce qui étend la compétence pénale de l’Union à
son action en matière de lutte contre l'exclusion sociale, d’éducation, de formation et de
protection de la santé humaine (art. 9), ainsi qu’en matière de lutte contre la discrimination
(art. 10), de protection de l’environnement (art. 11) et des consommateurs (art. 12), voire en
matière de bien-être des animaux (art. 13).

Ensuite, le rapprochement des législations n’est possible que dans les domaines ayant fait
l’objet de mesures d’harmonisation. Ils sont si nombreux que le champ de la compétence
pénale de l’Union paraît très large à la lumière de cette disposition. En réalité il suit
l’évolution de l’harmonisation des autres politiques. En effet, si l’Union dispose d’une
compétence pénale générale pour mettre en œuvre les politiques pour lesquelles elle s’est vue
attribuer une compétence, sa compétence pénale n’est que le prolongement de l’harmonisation
déjà effectuée dans ses domaines de compétence. La plupart des auteurs analyse
l’harmonisation comme un processus à mi-chemin entre la simple coopération, qui ne
nécessite pas de modification du droit national, et l’unification qui implique une identité des
normes nationales des Etats membres. L’harmonisation permettrait une convergence des
droits nationaux en conservant les spécificités nationales309. Ainsi, on peut avancer que les
politiques qui ont fait l’objet de rapprochement des législations nationales, non par simple
harmonisation, mais par unification, sont a fortiori des domaines dans lesquels l’Union a une
compétence pénale. On relèvera également que cette disposition corrobore l’idée selon
laquelle les politiques communes ne sont pas exclues du champ de la compétence pénale. En
effet, puisque l’Union peut agir dans un domaine ayant fait l’objet de mesures
d’harmonisation, nécessairement le domaine des compétences exclusives, placé sous la seule
responsabilité de l’Union, ne peut être écarté du champ de la compétence pénale. Cela inclut
donc les politiques communes visées à l’article 3 TFUE.

Enfin, l’intervention de l’Union doit être indispensable pour assurer la mise en œuvre
efficace d’une politique de l’Union. Cette nécessité est à rapprocher du principe de
subsidiarité, mais le dépasse. En effet, pour que l’harmonisation des législations pénales soit
indispensable, l’Union devra démontrer, non seulement qu’elle est en mesure d’agir plus
efficacement que les États membres, mais également que les moyens non pénaux ont été
inefficaces à la mise en œuvre d’une politique de l’UE. Cette démonstration ne sera pas
toujours aisée, et la mise en œuvre de la compétence pénale de l’Union rencontrera alors
nécessairement des obstacles.

309
E. RUBI-CAVAGNA, « Réflexions sur l’harmonisation des incriminations et des sanctions pénales prévue
par le traité de Lisbonne », Revue de science criminelle, 2009, p. 501.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 67 /84


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Section 2 – Les obstacles à la mise en œuvre de la compétence pénale de


l’Union européenne
Les gouvernements des Etats membres peuvent eux-mêmes faire obstacle à
l’harmonisation pénale. Aux termes de l’article 83 §3 TFUE, lorsqu’un Etat membre estime
qu’un projet de directive porterait atteinte aux aspects fondamentaux de son système de
justice pénale, il peut demander que le Conseil européen soit saisi. C’est ce qu’on appelle la
clause de frein, ou « emergency brake ». La procédure d’adoption de la proposition est alors
suspendue. Au bout de quatre mois, si le Conseil européen est parvenu à un consensus, le
projet est renvoyé devant le Conseil de l’UE et suivra le cours normal de la procédure
législative ordinaire. Si le désaccord persiste, la proposition législative n’aboutira pas, mais
les Etats membres qui le souhaitent pourront utiliser la procédure de la coopération renforcée.
Si la coopération renforcée permet de ne pas bloquer le processus d’adoption, elle a
l’inconvénient d’engendrer une coopération judiciaire pénale à deux vitesses, ce qui va à
l’encontre, on peut le dire, de l’idée d’espace commun de justice.

La volonté de règles minimales communes peut également être mise à mal lors de la
transposition. En effet, l’instrument d’harmonisation qu’est la directive n’est pas directement
applicable sur le territoire des Etats membres et nécessite une transposition par un texte
national. Les Etats membres vont donc devoir adapter leur droit national aux concepts retenus
par les directives d’harmonisation. Cependant, comme le droit pénal est imprégné de concepts
nationaux et de traditions juridiques nationales, la transposition risque de ne pas être tout à
fait conforme à l’instrument d’harmonisation, remettant en cause l’idée même de règles
communes (§1). Par ailleurs, si la compétence pénale de l’Union est consacrée par le traité,
elle demeure une compétence partagée entre l’Union et les Etats membres. Aux termes de
l’article 4 §2 TFUE, l’ELSJ relève en effet des compétences partagées. Ainsi, le principe de
subsidiarité doit guider son action. Les parlements nationaux et la Cour de justice ont un rôle
à jouer dans le contrôle du respect de ce principe (§2).

§1 – Les difficultés de mise en œuvre liées aux traditions juridiques


nationales
Le droit pénal est l’expression de la souveraineté des Etats et, partant, est liée aux
traditions juridiques nationales. L’immixtion de l’Union dans le droit pénal310 sera confrontée
à des difficultés en matière de définition des infractions (A) et des sanctions (B).

A) Les difficultés en matière de définition des infractions

Les nouvelles dispositions du traité permettent l’harmonisation du droit pénal spécial. Or


le droit pénal européen ne repose pas sur un droit pénal général311. Pourtant, pour le
Professeur Mayaud, le droit pénal général a une « importance stratégique », car il « réunit
l’ensemble des principes servant de moteur à la construction et à l’application du droit
criminel dans sa dimension substantielle ». Il permet de « coordonner les différentes données
du droit pénal spécial, d’en restituer l’esprit, d’en livrer la dimension implicite, et de révéler
310
Selon l’expression du Professeur Didier Rebut lors d’un colloque de la Cour de cassation, dans le cadre du
Cycle Pénal, « La justice pénale : entre respect des traditions nationales et nouvelles exigences de l’Union
européenne », 25 mars 2013.
311
E. RUBI-CAVAGNA, « Discussion. Le domaine et les méthodes de l’harmonisation autonome », in G.
GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité
de Lisbonne, coll. UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 144.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 68 /84


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leurs communs dénominateurs »312. On voit donc les difficultés se profiler par manque de
concepts communs (1). De plus, la nécessaire transposition des directives d’harmonisation ne
sera pas sans conséquence sur le principe de légalité (2).

1) L’absence de concepts communs

L’utilisation dans les instruments d’harmonisation de termes tels que l’intention, la


complicité, l’incitation ou la tentative ne résout pas les difficultés, puisque ce langage qui
semble commun aux pénalistes diffère selon les traditions juridiques. Tout d’abord, les droits
pénaux des Etats membres n’utilisent pas tous nécessairement les mêmes notions. Par
exemple, en droit espagnol, sont reconnus les concepts de tentative et d’incitation, alors qu’en
droit français et en droit belge, la tentative existe juridiquement, mais l’incitation n’est qu’une
notion doctrinale313. Par ailleurs, même si les termes existent en droit, ils peuvent avoir un
sens différent. Ainsi, à l’égard de la complicité, l’article 121-7 du Code pénal dispose : « est
complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a
facilité la préparation ou la consommation », et l’article 121-6 prévoit que le complice est
puni comme l’auteur de l’infraction. Le droit belge retient quant à lui une définition plus large
de la complicité, et ne réprime pas nécessairement les complices comme les auteurs314.

On pouvait légitimement se demander si l’adoption des directives impliquait un renvoi


aux définitions nationales de l’infraction, ou si elle créait un véritable socle commun. En l’état
actuel, il semble que l’Union favorise plutôt la seconde option. A titre d’exemple, dans la
proposition de directive relative aux attaques visant les systèmes d’information, la
Commission invite les Etats à ne pas ajouter d’éléments constitutifs aux infractions définies.
Les Etats membres vont donc devoir adapter leurs propres concepts nationaux aux termes de
la directive. La tâche sera particulièrement difficile dans la mesure où les propositions de
directive ne donnent pas de définition des termes pénaux employés. Il reviendra donc
probablement à la Cour de justice de définir ces termes, pour créer un « langage du droit pénal
européen »315. Ce rôle créateur accordé à la juridiction ne sera pas nécessairement bien perçu,
notamment en France, où le juge se veut traditionnellement « la bouche de la loi ». En effet,
conformément au principe de légalité des délits et des peines, le pouvoir du juge est encadré
par la loi ou le règlement.

2) Le principe de légalité menacé par la transposition

Si les droits nationaux des Etats membres de l’UE ont un point commun, c’est l’adage
nullum crimen, nulla poena sine lege : il n'y a pas de crime, il n'y a pas de peine sans une loi
qui les prévoie. Il s’agit du principe de la légalité des délits et des peines, qui implique que les
comportements incriminés soient définis de manière précise. Par conséquent, les lois internes
qui transposeront les directives d’harmonisation du droit pénal matériel devront
nécessairement préciser de manière très claire les comportements visés par la directive. La
spécificité du droit pénal interdit en effet reprendre les termes exacts de la directive, comme

312
Y. MAYAUD, Droit pénal général, 3e édition, coll. Droit fondamental, PUF, 2010, p. 13-15.
313
E. RUBI-CAVAGNA, préc. note 308, p. 144.
314
Articles 66 et 67 du Code pénal belge. Art. 66 : « Seront punis comme auteurs d'un crime ou d'un délit : ceux
qui l'auront exécuté ou qui auront coopéré directement à son exécution ; ceux qui, par un fait quelconque, auront
prêté pour l'exécution une aide telle que, sans leur assistance, le crime ou le délit n'eût pu être commis ; […] » ;
Art. 67 : « Seront punis comme complices d'un crime ou d'un délit : ceux qui auront donné des instructions pour
le commettre ; ceux qui auront procuré des armes, des instruments, ou tout autre moyen qui a servi au crime ou
au délit, sachant qu'ils devaient y servir ; […] ».
315
E. RUBI-CAVAGNA, préc. note 308, p. 144.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 69 /84


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cela peut être souvent fait dans d’autres domaines. Or, il n’existe pas de vocabulaire de droit
pénal commun aux Etats membres. Il faudra donc reformuler les concepts de la directive en
concepts nationaux, ce qui impliquera un exercice complexe de traduction, mais surtout
risqué. En effet, le sens national choisi par le législateur national avec ses propres
qualifications juridiques, pourra s’éloigner du sens recherché par les auteurs de la directive.
On peut citer, à titre d’exemple, la proposition de directive relative à la pollution causée par
les navires316, qui prévoit la sanction pénale des actes « commis intentionnellement,
témérairement ou à la suite d’une négligence grave ». Or, la faute de négligence grave et la
témérité ne semblent pas avoir d’équivalent en droit pénal français. L’interprétation de ce
qu’a visé le législateur de l’Union pourra être donnée par la CJUE, mais qui interviendra trop
tard, puisque le droit pénal doit préexister à l’infraction, pour engager la responsabilité pénale
de son auteur.

B) Les difficultés en matière de définition des sanctions

La définition des sanctions pénales, noyau dur de la politique criminelle étatique,


appartenait jusqu’ici à la souveraineté de l’Etat317. La compétence accordée à l’Union en la
matière rencontrera des difficultés, pour trouver des bases communes. En matière de
sanctions, il existe en effet de grandes disparités entre les Etats membres. On peut se référer à
une étude318 menée auprès de douze Etats membres : l’Allemagne, la France, l’Italie, la
Suède, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la Grèce, la Slovénie, la Grande Bretagne, les
Pays Bas et la Pologne. S’agissant de la nature des peines, tous les Etats membres ont aboli la
peine capitale, et ont des peines consistant en des privations de liberté et des amendes ; mais
s’agissant de la privation de liberté à perpétuité, certains Etats reconnaissent un aménagement
de la peine, et d’autres pas. Pour les autres types de peine, comme la simple restriction de
liberté, concept inconnu du droit français, il existe aussi des disparités. La Belgique,
l’Espagne, la Finlande, la Grèce, la Slovénie, la Grande Bretagne, les Pays Bas, et la Pologne
appliquent parfois des peines d’intérêt général, alors qu’en Allemagne, en France, en Italie et
en Suède, le droit ne prévoit pas directement la possibilité d’une telle peine. De même, le
contrôle judiciaire ne peut être prononcé qu’en Allemagne, en France, en Italie et en Grande
Bretagne. De son côté, la Suède ne prévoit aucun autre type de peine que la privation de
liberté et l’amende. Enfin, à l’égard de la terminologie des privations de liberté, on notera que
le même terme peut être compris différemment en fonction des pays. Ainsi, la notion
d’« imprisonment », traduit en français par « emprisonnement », peut renvoyer à des concepts
différents319.

Au-delà du fait que la nature des peines soit différente dans les Etats membres, la peine
qui peut être effectivement retenue diffère également en fonction de l’infraction. Ainsi,
l’Espagne ne reconnaît la peine privative de liberté à perpétuité que par une accumulation de
crimes. En revanche, tous les autres Etats membres cités l’admettent en matière de meurtre.
Pour d’autres infractions graves, tels que le génocide, les actes de barbarie et les crimes
sexuels, les solutions sont très diverses, la privation de liberté à perpétuité étant prévue ou

316
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la pollution causée par les navires et à
l'introduction de sanctions, notamment pénales, en cas d'infractions de pollution, COM(2003) 92 final.
317
E. LAMBERT-ABDELGAWAD, « Tentative de modélisation », in M. DELMAS-MARTY, G.
GIUDICELLI-DELAGE et E. LAMBERT-ABDELGAWAD, L’harmonisation des sanctions pénales en
Europe, coll. UMR de droit comparé, Vol. 5, Société de législation comparée, 2003, p. 429.
318
A. ESER, « Faisabilité de l’harmonisation. Comparative typology of convergences and divergences », in M.
DELMAS-MARTY, G. GIUDICELLI-DELAGE et E. LAMBERT-ABDELGAWAD, L’harmonisation des
sanctions pénales en Europe, coll. UMR de droit comparé, Vol. 5, Société de législation comparée, 2003, p. 370
319
A. ESER, préc., p. 385.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 70 /84


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non, et obligatoire ou bien facultative. Enfin, les circonstances aggravantes qui entrainent la
prison à perpétuité sont une spécificité française.

Même si la directive ne lie les Etats membres qu’à l’égard des résultats à atteindre, ceux-ci
auront probablement une liberté de choix très réduite, puisque l’essentiel du pouvoir
d’incrimination reviendra à l’Union. En effet, les trois éléments constitutifs d’une
incrimination que sont la pénalisation, la description des éléments constitutifs de l’infraction
et la peine encourue, seront déterminés par la directive. L’Union appréciera ainsi la nécessité
d’incriminer, c’est-à-dire la nécessité de faire entrer un comportement dans le champ pénal.
Elle pourra également définir précisément ce comportement, en précisant les éléments
constitutifs de l’infraction, et déterminer les types de peines possibles, voire les quanta. Ainsi,
même si les Etats membres ont en principe une marge d’appréciation par le mécanisme de la
transposition, cette marge sera réduite. C’est pourquoi certains auteurs analysent ainsi la
compétence pénale de l’article 83 TFUE comme « un envahissement exponentiel du droit
pénal au détriment des souverainetés nationales »320. Toutefois, il existe des limites à cette
immixtion de l’Union dans le droit pénal et les Etats membres sont appelés à un jouer un rôle
important à cet égard.

§2 – Le principe de subsidiarité comme limite à l’extension de la


compétence pénale de l’Union
Le principe de subsidiarité, consacré par l’article 5 §3 TUE, doit guider l’action de
l’Union dans le domaine des compétences partagées. Cependant, l’Union ne se montre pas
toujours scrupuleusement respectueuse de ce principe dans l’exercice de sa compétence
pénale (A). La Cour de justice et les Etats membres peuvent ainsi être amenés à contrôler le
respect de ce principe, limitant l’extension de la compétence de l’Union dans le champ pénal
(B).

A) Un principe peu respecté par l’Union dans l’exercice de sa compétence pénale

Le principe de subsidiarité implique qu’une intervention de l’Union n’est possible que


lorsque, d’une part, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent être atteints de façon
satisfaisante par les Etats membres, et d’autre part, lorsque ces objectifs peuvent être mieux
réalisés au niveau de l'Union. Dans l’exercice de sa compétence pénale, l’Union doit respecter
ce principe. Or, le législateur européen a pris l’habitude d’insérer des « clauses standards »
dans les instruments d’harmonisation. A titre d’exemple, on peut citer la décision-cadre sur la
répression de la pollution causée par les navires, dans laquelle le principe de subsidiarité est
considéré comme respecté simplement car « les objectifs de la présente décision-cadre ne
peuvent pas être réalisés de manière adéquate par les États membres et peuvent donc, en
raison du caractère transfrontalier des dommages susceptibles de découler des comportements
visés, être mieux réalisés au niveau de l'Union »321. C’est un peu court.

Dans la proposition de directive relative à l’exploitation et aux abus sexuels concernant


des enfants et à la pédopornographie322, la Commission, s’exprimant sur le principe de

320
JurisClasseur Pénal Code, « Principe de légalité criminelle », fasc.. 10, §150.
321
Considérant n°9 de la décision-cadre du 12 juillet 2005 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de
la pollution causée par les navires (2005/667/JAI), JO L 255 du 30 septembre 2005.
322
Proposition de directive du 29 mars 2010 relative à l’exploitation et aux abus sexuels concernant des enfants
et à la pédopornographie, abrogeant la décision-cadre 2004/68/JAI, COM(2010)94 final

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 71 /84


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subsidiarité, estime que « le phénomène de l’exploitation et des abus sexuels concernant des
enfants présente une importante dimension transnationale, qui est particulièrement évidente
dans le cas de la pédopornographie et du tourisme sexuel impliquant des enfants ». Cela paraît
un peu léger pour justifier que les objectifs de la proposition ne peuvent être atteints de
manière satisfaisante par les Etats membres. Sur la dimension transnationale de l’exploitation
sexuelle des enfants, la Commission met en avant « la nécessité de protéger les enfants de
l’ensemble des États membres contre les délinquants issus de tous les États membres, qui
peuvent voyager facilement ». On peut penser que le respect du principe de subsidiarité
mériterait davantage de développements.

La Commission explique ensuite que les objectifs de la proposition seront mieux réalisés
au niveau de l’Union, parce que le rapprochement du droit pénal matériel des Etats membres
« aura un impact positif sur la lutte contre ces crimes ». Pour justifier un tel effet bénéfique, la
Commission utilise l’argument du forum shopping323 et l’idée selon laquelle des définitions
communes permettent de favoriser les échanges d’information et la coopération
internationale. Or ces arguments peuvent être appliqués à l’action de l’Union dans quasiment
tous les domaines. Il n’est pas démontré en quoi, dans le domaine particulier de la lutte contre
l’exploitation sexuelle des enfants, une action à l’échelle européenne serait plus efficace. On
est pourtant convaincu que c’est le cas. Mais la Commission aurait pu expliquer par exemple
qu’une part importante des actes visés par la proposition de directive sont commis sur
internet, parce que les délinquants, mais également les enfants, y ont facilement accès, et
qu’ainsi une action à l’échelle européenne rendrait la répression plus efficace par une
meilleure identification des sites ou des auteurs des infractions. Par ailleurs, dans cette même
proposition, la Commission explique que la directive améliorerait la protection des enfants
victimes. Pour certains, « ceci constitue un objectif que l’on ne peut qu’approuver sur le plan
humain, mais qui n’apparaît pas véritablement pertinent pour justifier une intervention de
l’Union »324. D’un autre côté, on peut contester cette remarque, dans la mesure où l’article 24
de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantit aux enfants le droit à la
protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ce texte énonce une obligation positive
d’agir, dans tous les actes relatifs aux enfants, dans le sens de l’intérêt de l’enfant.

Le principe de subsidiarité, censé guider l’action de l’Union dans les domaines qui ne
relèvent pas de sa compétence exclusive, telle que la coopération judiciaire en matière pénale,
n’est donc pas vérifié très scrupuleusement par l’Union. Les Etats membres et la Cour de
justice peuvent vérifier le respect du principe de subsidiarité, par des contrôles respectivement
antérieur et postérieur à l’adoption des règles minimales en matière pénale.

B) Le rôle de la Cour de justice et des Etats membres pour le respect du principe de


subsidiarité

Le fait que la Commission ne justifie pas pleinement le respect du principe de subsidiarité


dans l’exercice de sa compétence pénale autonome engendre moins de contestations que
lorsqu’elle exerce sa compétence pénale accessoire. En effet, dans le cadre de l’harmonisation
pénale autonome, le caractère transnational des comportements visés rend nécessaire la
répression à l’échelle européenne, et leur particulière gravité justifie le recours au droit pénal.
Pour ce qui est de l’exercice de sa compétence pénale accessoire, cela soulève plus de
discussions, car ladite compétence a vocation à s’étendre « aux domaines de compétence

323
La proposition « permet d’éviter que les auteurs d’infractions n’aillent de préférence commettre leurs
méfaits dans les États membres disposant de règles moins sévères », Exposé des motifs, point 3.
324
E. RUBI-CAVAGNA, préc. note 308, p. 142.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 72 /84


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extrapénaux de l’Union »325. Dans une telle hypothèse, seul le respect du principe de
subsidiarité semble permettre d’éviter « un transfert généralisé de compétences pénales des
Etats à l’Union dans tous les domaines où cette dernière dispose d’une quelconque
compétence »326, exclusive ou partagée.

Aux termes de l’article 263 TFUE, relatif au recours en annulation, et de l’article 8 du


protocole n°2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, la Cour de
justice est compétente pour contrôler le respect du principe de subsidiarité par les actes
législatifs. Elle a pu faire notamment dans l’arrêt Bosman327. Mais son contrôle n’est pas
approfondi, car sinon il reviendrait à apprécier l’opportunité de l’intervention du législateur
européen. Or la Cour s’y refuse. Ainsi, dans un arrêt du 12 novembre 1996, elle précise « qu'il
n'appartient pas à la Cour de contrôler l'opportunité des mesures adoptées par le
législateur »328. En effet, cette opportunité est politique, et la Cour ne peut se substitué au
législateur, sauf en cas de violation manifeste du principe de subsidiarité ou un véritable
défaut de motivation de l’opportunité de l’intervention législative. La Cour de justice a
toutefois un rôle à jouer pour freiner le recours au droit pénal par l’Union s’il s’avère excessif.
Elle devra se montrer plus active, et il sera nécessaire « que sa main ne tremble pas au
moment d’annuler une directive »329. Elle ne devrait pas se contenter de la clause standard
insérée dans tous les instruments d’harmonisation mais vérifier que les conditions sont
remplies, en utilisant au besoin les analyses d’impact faites par la Commission.

Les Etats membres ont également un rôle à jouer pour contrôler l’extension de la
compétence pénale de l’Union. L’article 12 TUE dispose en effet : « les parlements nationaux
contribuent activement au bon fonctionnement de l'Union : […] en veillant au respect du
principe de subsidiarité conformément aux procédures prévues par le protocole sur
l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ». Aux termes de ce
protocole, les parlements nationaux sont destinataires des projets d’actes législatifs à propos
desquels ils peuvent rendre un avis motivé sur le non respect du principe de subsidiarité. Si au
moins un tiers de l’ensemble des voix attribuées aux parlements nationaux rend un tel avis, le
projet doit être réexaminé. L’article 7 §2 dudit protocole prévoit que le seuil est d’un quart
lorsqu’il s’agit d’un projet d’acte législatif présenté sur la base de l’espace de liberté, de
sécurité et de justice. Ainsi, pour adopter un acte d’harmonisation des législations pénales, il
faudra convaincre de sa nécessité plus de trois quarts des parlements nationaux. Par
conséquent, la compétence d’harmonisation de l’Union peut théoriquement être contrôlée. Il
faut cependant souligner le fait que le contrôle préventif des parlements nationaux n’empêche
pas que soit adoptée une proposition de directive contraire au principe de subsidiarité, il
ralentit simplement la procédure d’adoption, mais ne l’interrompt pas.

325
J. TRICOT, « L’harmonisation pénale accessoire : question(s) de méthode. Observations sur l’art et la
manière de légiférer pénalement selon l’Union européenne», G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES
(dir.), Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, coll. UMR de droit comparé de
Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 187.
326
A. BERNARDI, « L’harmonisation pénale accessoire », préc. note 291, p. 161.
327
CJCE, 15 décembre 1995, Bosman, aff. C-415/93, Rec p. I-4921, § 81 : « le principe de subsidiarité, dans
l'interprétation que lui donne le gouvernement allemand, à savoir que l'intervention des autorités publiques, et
notamment de celles communautaires, dans la matière en cause doit être limitée au strict nécessaire, ne peut
avoir pour effet que l'autonomie dont disposent les associations privées pour adopter des réglementations
sportives limite l'exercice des droits conférés par le traité aux particuliers ».
328
CJCE, 12 novembre 1996, Royaume-Uni c. Conseil, aff. C-84/94, Rec p. I-5755, § 23.
329
L. ARROYO ZAPATERO et M. MUNOZ DE MORALES ROMERO, préc. note 206, p. 137.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 73 /84


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Conclusion

Afin de tracer le bilan des réformes introduites par le traité de Lisbonne, il convient tout
d’abord de s’attacher aux réponses qu’il a apportées aux critiques formulées à l’égard de la
coopération judiciaire en matière pénale. Les critiques concernaient notamment un manque de
cohérence dans la construction du droit pénal européen. Il lui était reproché une construction
par un empilement de normes avec des fondements différents, par l’adoption d’instruments du
premier ou du troisième piliers, en fonction des politiques et des domaines d’intervention. Le
traité de Lisbonne a nettement précisé le champ de l’intervention de l’Union, le délimitant
avec plus ou moins de clarté. S’agissant particulièrement de la compétence pénale de l’Union,
le traité a le mérite de légitimer l’action de l’Union et de lui donner une base juridique claire
par l’article 83 TFUE, mettant fin aux conflits interinstitutionnels en matière pénale.

Les critiques concernaient également le privilège donné à l’aspect « sécurité » de l’ELSJ,


par rapport à l’aspect « liberté ». On observait en effet dans le traité un déséquilibre entre les
dispositions substantielles et les dispositions procédurales, ce qui était pour certain révélateur
d’une politique criminelle tournée davantage vers la répression, plutôt que vers la protection
des droits des citoyens. Sur ce point, l’article 82 TFUE a permis une avancée, en ouvrant la
voie à l’harmonisation de la procédure pénale, non envisagée jusque là au nom de
l’autonomie procédurale des Etats membres. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne,
l’harmonisation de la procédure pénale a essentiellement concerné les droits des personnes
poursuivies, ce qui témoigne d’une prise en compte accrue des droits fondamentaux dans la
construction de l’espace pénal européen. Sont également concernées par l’harmonisation les
victimes de la criminalité, comme en témoigne une récente proposition de directive330.

Le rapprochement des droits procéduraux, aussi positif soit-il pour les droits
fondamentaux, semble susciter plus de discussions que celui du droit pénal de fond331. La
raison tiendrait au fait que les règles de procédure sont davantage représentatives des
traditions judiciaires des Etats membres, car elles sont vivantes et quotidiennes. De plus, ces
règles de procédure sont liées entre elles, formant une cohérence que l’harmonisation pourrait
venir ébranler332. Par ailleurs, si le traité a voulu une séparation stricte entre l’harmonisation
de la procédure et celle du droit matériel, une telle séparation tend à s’estomper, puisque les
instruments récemment adoptés sont fondés sur une double base juridique, l’article 82 §2 et
l’article 83, permettant l’harmonisation des règles de procédure et la définition des infractions
et de leurs sanctions dans le même instrument. Ces règles procédurales concernent
essentiellement la compétence des juridictions et les droits des victimes. Un auteur relève que
cette tendance pour un droit pénal sectoriel, mêlant règles de fond et de procédure, est une
« tendance qui est déjà bien présente en droit français à la faveur de l’éclatement de la
procédure pénale »333.

330
Proposition de directive du 18 mai 2011 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et
la protection des victimes de la criminalité, COM/2011/275 final.
331
P. BEAUVAIS, « Procédure pénale : droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures
pénales », Revue trimestrielle de droit européen, 2011, p. 642.
332
D. FLORE, Droit pénal européen. Les enjeux d’une justice pénale européenne, Larcier, Bruxelles, 2009, p.
274.
333
J. ALIX, « Discussion. Les frontières de l’harmonisation autonome », in Le droit pénal de l’Union
européenne au lendemain du traité de Lisbonne, G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), coll.
UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28, Société de législation comparée, 2012, p. 149.

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 74 /84


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Les avancées en matière de coopération judiciaire se mesurent ensuite par rapport à la


reconnaissance mutuelle. Affirmée depuis presque quinze ans, consacrée par le traité de
Lisbonne, sa mise en œuvre est complexe, notamment car elle repose sur l’idée d’une
confiance mutuelle, qui, en pratique, n’existe pas forcément. On a avancé l’idée que
l’harmonisation des législations nationales pouvait être un facteur de confiance, et que,
partant elle pouvait faciliter la reconnaissance mutuelle. En effet, devant l’équivalence du
système étranger, un Etat membre sera plus enclin à lui faire confiance. Néanmoins, comme
le souligne un auteur334, dans la mesure où l’essence même du principe de reconnaissance
mutuelle est de permettre à tout élément issu d’un Etat membre de circuler sur tout le
territoire de l’Union, et d’être reconnu dans tous les Etats sans distinction en fonction de son
Etat d’origine, il peut paraître contradictoire de soutenir que seuls des éléments similaires
puissent circuler. Aussi, la solution pourrait être, non pas de rapprocher systématiquement les
législations nationales, mais de développer l’action des institutions telles qu’Eurojust, le
Réseau judiciaire et les magistrats de liaison, pour permettre aux autorités judiciaires d’avoir
une meilleure connaissance des solutions retenues par les autres Etats membres, car « la
coopération est un problème de communication autant qu’un problème de droit, et un
problème de droit comparé avant d’être un problème de droit international »335.

334
G. TAUPIAC-NOUVEL, Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions répressives dans l’Union
européenne : contribution à l’étude d’un modèle de libre circulation des décisions de justice, Collection des
Thèses, n° 50, Fondation Varenne, LGDJ, 2011, p. 108.
335
M. MASSE, « La reconnaissance mutuelle », in G. GIUDICELLI-DELAGE et C. LAZERGES (dir.), Le droit
pénal de l’Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne, UMR de droit comparé de Paris, Vol. 28,
Société de législation comparée, Paris, 2012, p. 214.

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La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 77 /84


Céline Godeberge Master 2 Droit pénal

C) Articles

E. BARBE, « L'influence du droit de l'Union européenne sur le droit pénal français : de


l'ombre à la lumière », AJ Pénal, 2011, p. 438

F. BENOIT-ROHMER, « Politiques de l’Union en matière pénale », Revue trimestrielle de


droit européen, 2012, p. 378

P. BEAUVAIS, « Procédure pénale : droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre


des procédures pénales », Revue trimestrielle de droit européen, 2011, p. 642

P. BEAUVAIS, « Nouvelle harmonisation des droits de l’accusé dans la procédure pénale »,


Revue trimestrielle de droit européen, 2013, p. 881

A. GOGORZA, « Le rôle de la CJUE en matière pénale », Droit pénal, n°10, Octobre 2010,
étude 26

M.-C. GUERIN, « La protection des droits fondamentaux par la Cour de justice en matière de
lutte contre le terrorisme et d’harmonisation ou de coopération pénale », Droit pénal, n°9,
Septembre 2010, étude 20

M. HERZOG-EVANS, « Union européenne : la circulation des mesures de « probation » »,


AJ Pénal, 2011, p. 451

J. LEBLOIS-HAPPE, « La proposition de directive relative au droit à l'information dans le


cadre des procédures pénales et le droit français », AJ Pénal, 2011, p. 446

V. MALABAT, « Observations sur la nature du mandat d’arrêt européen », Droit pénal, n°12,
Décembre 2004, étude 17

S. MANACORDA, « Un bilan des dynamiques d’intégration pénale à l’aube du traité de


Lisbonne », Revue de science criminelle, Octobre-Décembre 2009, p. 927

S. MANACORDA, « Le droit pénal sous Lisbonne : vers un meilleur équilibre entre liberté,
sécurité et justice ? », Revue de science criminelle, 2011, p. 945

M. MASSE, « Des figures asymétriques de l’internationalisation du droit pénal », Revue de


science criminelle, Octobre-Décembre 2006, p. 757

E. RUBI-CAVAGNA, « Réflexions sur l’harmonisation des incriminations et des sanctions


pénales prévue par le traité de Lisbonne », Revue de science criminelle, 2009, p. 501

S. STEIN, « Le principe ne bis in idem dans l'Union européenne », AJ Pénal, 2011, p. 443

G. TAUPIAC, « Etude sur l’expérience et la pertinence du mandat d’arrêt européen », Droit


pénal, n°9, Septembre 2006, étude 15

G. TAUPIAC-NOUVEL, « La garantie des droits fondamentaux dans la mise en œuvre des


instruments de coopération judiciaire pénale européenne », Droit pénal, n°9, Septembre 2010,
étude 22

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 78 /84


Céline Godeberge Master 2 Droit pénal

G. TAUPIAC-NOUVEL, « La Cour de justice de l’Union européenne, gardienne des droits


fondamentaux en matière répressive », Droit pénal, n°9, Septembre 2011, étude 13

D. ZEROUKI-COTTIN, « L’obligation d’incriminer par le juge européen, ou la perte du droit


de ne pas punir », Revue de science criminelle, 2011, p. 575

Les étudiants du Master 2 Droit pénal de l’Université de Bordeaux IV), « L’exécution des
peines dans un autre Etat membre de l’Union européenne », Droit pénal, n° 9, Septembre
2010, étude 23

D) Notes, internet, colloques

R. KOERING-JOULIN, « Le mandat d’arrêt européen », Fiche méthodologie destinée à la


Chambre criminelle de la Cour de cassation, 2013

T. HAMMARBERG, « Le recours excessif au mandat d’arrêt européen menace les droits de


l’homme », in Le carnet des droits de l’homme du Commissaire du Conseil de l’Europe, 15
mars 2011. URL : http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=125

Site de la Commission européenne, Synthèse des législations. URL :


http://europa.eu/legislation_summaries.htm

Colloque organisé par le CRDH, le CREDHO et l'Institut de Formation en Droits de l'Homme


du Barreau de Paris, « Les droits fondamentaux et le mandat d'arrêt européen. Réflexions à
partir de l'affaire Sophie Toscan du Plantier », Université Panthéon-Assas Paris II, 22 février
2013.

Colloque organisé par la Cour de cassation, « La justice pénale : entre respect des traditions
nationales et nouvelles exigences de l’Union européenne », Cycle pénal, 25 mars 2013.

II – Législation

A) Droit international

Convention entre les Etats membres des Communautés européennes relative à l'application du
principe non bis in idem, signée à Bruxelles dans le cadre de la coopération politique
européenne le 25 mai 1987

Convention d’application de l’accord de Schengen, 19 juin 1990

B) Droit de l’Union européenne

1) Droit primaire

Traité sur l’Union européenne et traité instituant les Communautés européennes, modifiés par
le traité d’Amsterdam, en vigueur le 1er mai 1999, JO C 340 du 10 novembre 1997

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 79 /84


Céline Godeberge Master 2 Droit pénal

Traité sur l’Union européenne et traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, versions
consolidées par le traité de Lisbonne, en vigueur le 1er décembre 2009, JO C 83 du 30 mars
2010

2) Droit dérivé

a) Procédure pénale

Décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de


remise entre les Etats membres (2002/584/JAI), JOCE L 190 du 18 juillet 2002, p. 1-18

Décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des


décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve (2003/577/JAI), JO L 196 du 2 août 2003,
p. 45-55

Décision-cadre du 24 février 2005 concernant l'application du principe de reconnaissance


mutuelle aux sanctions pécuniaires (2005/214/JAI), JO L 76 du 22 mars 2005

Décision-cadre du 6 octobre 2006 relative à l’application du principe de reconnaissance


mutuelle aux décisions de confiscation (2006/783/JAI), JO L 328 du 24 novembre 2006

Décision-cadre du 24 juillet 2008 relative à la prise en compte des décisions de condamnation


entre les Etats membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale
(2008/675/JAI), JO L du 15 août 2008

Décision-cadre du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance


mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de
liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (2008/909/JAI), JO L 327 du 5
décembre 2008

Décision-cadre du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance


mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures
de probation et des peines de substitution (2008/947/JAI), JO L 337 du 16 décembre 2008

Décision-cadre du 26 février 2009 portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI,


2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits
procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle
aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès (2009/299/JAI),
JO L 81 du 27 mars 2009

Décision-cadre du 23 octobre 2009 concernant l’application, entre les Etats membres de


l’Union européenne, du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des
mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire (2009/829/JAI), JO L 294
du 11 novembre 2009

Directive du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre


des procédures pénales (2010/64/UE), JO L 280 du 26 octobre 2010

Directive du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures
pénales (2012/13/UE), JO L 142 du 1er juin 2012

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 80 /84


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b) Droit pénal

Décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme (2002/475/JAI), JO L


164 du 22 juin 2002

Décision-cadre du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains
(2002/629/JAI), JO L 203 du 1er août 2002

Décision-cadre du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des


enfants et la pédopornographie (2004/68/JAI), JO L 013 du 20 janvier 2004

Décision-cadre du 25 octobre 2004 concernant l’établissement des dispositions minimales


relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le
domaine du trafic de drogue (2004/757/JAI), JO L 335 du 11 novembre 2004

Décision-cadre du 28 novembre 2008 modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI


relative à la lutte contre le terrorisme (2008/919/JAI), JO L 330 du 9 décembre 2008.

Proposition de directive du 29 mars 2010 relative à l’exploitation et aux abus sexuels


concernant des enfants et à la pédopornographie, abrogeant la décision-cadre 2004/68/JAI,
COM(2010)94 final

Proposition de directive du 29 mars 2010 concernant la prévention de la traite des êtres


humains et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes, abrogeant la
décision-cadre 2002/629/JAI, COM(2010)95 final

3) « Soft Law »

a) Conseil européen

Conseil européen de Tampere, conclusions de la Présidence, 16 octobre 1999, doc. SN 200/99

Conseil européen, Programme de La Haye pour renforcer la liberté, la sécurité et la justice


dans l’Union européenne, 5 novembre 2004, doc. 16054/04

Conseil européen, Programme de Stockholm, « Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège
les citoyens », JO C 115 du 4 mai 2010

b) Conseil de l’Union européenne

Programme de mesures du Conseil du 20 novembre 2000 destiné à mettre en œuvre le


principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, JO C 12 du 15 janvier 2001

Résolution du Conseil du 30 novembre 2009 relative à la feuille de route visant à renforcer les
droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures
pénales, JO C 295 du 4 décembre 2009

La coopération judiciaire en matière pénale après le Traité de Lisbonne 81 /84


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c) Commission

Communication de la Commission sur les suites de l'arrêt rendu par la Cour de justice des
Communautés européennes le 20 février 1979 dans l'affaire 120/78 (Cassis de Dijon), JO C
256 du 3 octobre 1980

Communication de la Commission du 26 juillet 2000 sur la reconnaissance des décisions


finales dans le domaine pénal, COM(2000) 495 final, non publiée au JO.

Livre vert de la Commission du 11 décembre 2001 sur le procureur européen, COM(2001)


715 final

Communication de la Commission du 10 mai 2005, « Le programme de La Haye : dix


priorités pour les cinq prochaines années. Un partenariat pour le renouveau européen dans le
domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice », COM(2005) 184 final, JO C 236 du 24
septembre 2005

Communication de la Commission du 19 mai 2005 sur la reconnaissance mutuelle des


décisions de justice en matière pénale et le renforcement de la confiance mutuelle entre les
Etats membres, COM(2005) 195 final

Rapport de la Commission du 22 décembre 2008, fondé sur l'article 14 de la décision-cadre


2003/577/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des
décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, COM/2008/885 final.

Communication de la Commission du 20 avril 2010, « Mettre en place un espace de liberté,


de sécurité et de justice au service des citoyens européens – Plan d’action mettant en œuvre le
programme de Stockholm », COM(2010) 171 final, non publiée au JO

C) Droit français

Code procédure pénale, Articles 695-11 et suivants

Circulaires de la direction des affaires criminelles et des grâces, « Présentation des


dispositions du code de procédure pénale relatives au gel de biens ou d’éléments de preuve
résultant de la loi n°2005-750 du 4 juillet 2005 portant diverses dispositions d’adaptation du
droit communautaire dans le domaine de la justice », Bulletin officiel du Ministère de la
Justice, n°99, 10 août 2005

III – Jurisprudence et commentaires

A) Cour de justice de l’Union européenne

CJCE, Guerrino Casati, Demande de décision préjudicielle : Tribunale civile e penale di


Bolzano – Italie, 11 novembre 1981, aff. 203/80, Rec 1981 02595

CJCE, Commission des Communautés européennes c. République hellénique, 21 septembre


1989, aff 68/88, Rec.1989 02965

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CJCE, 11 février 2003, aff. C-385/01 et C-187/01, Procédure pénale c. Klaus Brügge,
Procédure pénale c. Gözütok, Rec. p. I-1345 et s.

CJCE, Grande chambre, Commission des Communautés européennes c. Conseil de l’Union


européenne, 13 septembre 2005, aff. C-176/03, Rec. 2005 I-07879
Commentaire : R. de BELLESCIZE, « La Cour de Justice des Communautés européennes
limite la souveraineté des Etats en matière pénale. A propos de l’arrêt de la CJCE du 13
septembre 2005 », Droit pénal, n°12, Décembre 2005, étude 16

CJCE, Procédure pénale c. Van Esbroeck, 9 mars 2006, aff. C-436/04

CJCE, Grande chambre, Parlement européen c. Conseil de l'Union européenne et Commission


des Communautés européennes, 30 mai 2006, aff. jointes C-317/04 et C-318/04, Rec. 2006 I-
04721

CJCE, Grande chambre, Commission des Communautés européennes c. Conseil de l'Union


européenne, 23 octobre 2007, aff. C-440/05, Rec. 2007 I-09097

CJCE, Grande chambre, Irlande c. Parlement européen et Conseil de l'Union européenne, 10


février 2009, aff. C-301/06, Rec. 2009 I-00593

B) Chambre criminelle de la Cour de cassation

Crim, 5 août 2004, BC n°186

Crim, 24 novembre 2004, BC n°293

Crim, 19 avril 2005, BC n°136

Crim, 27 juin 2007, BC n°182

Crim, 21 novembre 2007, BC n°291

Crim, 13 mai 2009, BC n°94

Crim., 18 mai 2010, pourvoi n°10-82.978

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Tables des abréviations

- CAAS : Convention d’application de l’accord de Schengen


- CEDH : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales
- Cour EDH : Cour européenne des droits de l’homme
- CJCE : Cour de justice des Communautés européennes
- CJUE : Cour de justice de l’Union européenne
- CPP : Code de procédure pénale
- ELSJ : Espace de liberté, de sécurité et de justice
- MAE : Mandat d’arrêt européen
- MOP : Mandat européen d’obtention de preuves
- TFUE : Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
- TUE : Traité sur l’Union européenne
- UE : Union européenne

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