01 Omar Benchikh - Risque

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Le français risque et l’arabe ‫ رزق‬rizq

Omar BENCHEIKH1

Le premier à avoir hasardé, à ma connaissance, un rapprochement


entre le fr. risque et l’ar. ‫ رزق‬rizq2, fut Marcel Devic, 194, dont le point
de vue eut l’approbation de G. Paris, Scheludco et F. Kluge, cf. Coro-
mines, DCECH, V, 16. Il donne à ce mot les correspondants suivants :
esp. riesgo, port. risco, it. rischio, risico, b.lat. risicus, risigus. Et l’on
pourrait ajouter : all. risiko, angl. risk, gr. ριζικόν, cat. risc, etc. Notons
que, dans toutes ces langues, le son du mot rappelle celui que produit la
prononciation des radicales arabes R,Z,Q dont est tiré le substantif rizq.
Les dictionnaires de la langue française voient dans risque un emprunt à
l’italien et datent sa première attestation en 1577. Le mot a deux sens,
l’un général : « danger éventuel, plus ou moins prévisible, inhérent à
une situation ou à une activité », l’autre juridique : « éventualité d’un
événement futur, incertain ou d’un terme indéterminé, ne dépendant pas
exclusivement de la volonté des parties et pouvant causer la perte d’un
objet ou tout autre dommage », TLFi, s.v.. S’agissant du mot rischio
dont est issu risque, on relèvera qu’en italien, il est attesté dès 1263 avec
le sens de « possibilità de conseguenze dannose o negative a seguito de
circostanze non sempre prevedibili », DELI, s.v.

ÉTYMOLOGIE DU FR. RISQUE : ÉTAT DE LA QUESTION


Si l’origine italienne du mot français ne fait pas de doute et est ac-
ceptée par tous ceux qui ont abordé la question, l’origine de l’a.it.
risco, et du contemporain rischio elle-même ainsi que celle des autres
mots des différentes langues européennes, ne fait pas l’unanimité chez
les lexicographes et présente bien des zones d’ombre. Les diction-
naires présentent deux étymologies, l’une latine (populaire, médiévale
et classique) et l’autre grecque.

1
Omar Bencheikh est à cette date, 2002, Ingénieur CNRS, Lyon.
2
Voir « Remarques & compléments » dans ce volume, 123-124 [Ndlr].

Bulletin de la SELEFA n° 1, 2ème semestre 2002 (1-5), VOLUME I, 19-24.


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L’origine latine, la plus répandue, est pratiquement retenue par tous les
dictionnaires. Elle est ainsi résumée par Le Robert : « Risque n. m. est
emprunté (1557) à l’ancien italien risco (aujourd’hui plus souvent
rischio), qui représente le bas latin risicus ou riscus dans un texte de
1359 cité par Du Cange. Certains rapprochent ce mot du latin resecare
“enlever en coupant”, par l’intermédiaire d’un latin populaire *resecum
“ce qui coupe” et, de là, “écueil”, puis “risque que court une marchandise
en mer”. Bien que ce développement sémantique soit partiellement
corroboré par l’esp. riesgo “rocher découpé”, d’où “écueil”, et que le mot
latin médiéval corresponde bien à l’idée d’un danger encouru en mer par
une marchandise. P. Guiraud estime qu’“il n y a pas le moindre commen-
cement de preuve à ce roman nautique” ; selon lui, le mot viendrait d’un
terme roman de type *rixicare, élargissement du latin classique rixare “se
quereller”, de rixa (> rixe) par un développement menant des valeurs de
“combat” et de “résistance” à celle de “danger” », DHLF, 3260.
On rejettera aisément « le roman nautique » raillé par Guiraud. Cepen-
dant, en ce qui concerne la provenance du rom. *rixicare d’où sont nés
rixare et rixa, l’hypothèse présentée est séduisante puisqu’elle aboutit à
riesgo « danger », sens autour duquel se seraient formées les expressions
« rocher escarpé » (esp. peñasco escarpado) et « écueil » (esp. escollo),
représentant chacun un « péril » parmi tant d’autres éventuels. Elle demeure
toutefois peu convaincante parce qu’elle n’est illustrée par aucune citation
probante. L’origine grecque est exposée et discutée par Coromines et
Pascual, DCECH, V, 15, pour être finalement rejetée pour des raisons
phonétiques telles qu’on ne peut considérer les formes castillanes, occitanes
et autres formes italiennes comme dérivées du grec moderne ριζικόν « des-
tin, fortune, péril », XIIe s., et parce que le mot lui-même pourrait bien se
révéler un romanisme antérieur. La seule perspective qui reste debout est
donc celle de l’origine latine, laquelle n’apporte pourtant pas de réponse
satisfaisante sur l’origine du mot risque et son évolution sémantique.
Compte tenu, d’une part, des longs et étroits contacts entre la
langue arabe d’al-Andalus, dans tous ses registres, et les langues
ibériques romanes, notamment le castillan, le portugais, le catalan, le
valencien, etc., et, d’autre part, le prestige dont jouissait l’arabe auprès
des habitants de la péninsule et son rayonnement dans toute l’Europe,

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RISQUE 21

on s’attendait à voir la piste arabe empruntée en priorité pour rechercher


l’origine de ce mot. D’autant que toutes les formes romanes présentent des
similitudes et des correspondances frappantes avec la forme arabe. Mais
Coromines et Pascual n’ont accordé que peu de place à la piste arabe déjà
prospectée par Devic dans leur importante étude sur l’étymologie de riesgo,
seulement une douzaine de lignes sur six pages, DCECH, V, 13-18.

THÈSE DE MARCEL DEVIC


Après avoir indiqué les équivalents espagnol, portugais, italien et
latin médiéval du fr. risque, « parce qu’ils s’accordent très bien avec
l’arabe rizq », Devic, 59, donne quelques sens de ce mot. L’un est
relevé dans les dictionnaires : « “une portion, toute chose qui vous est
donnée (par Dieu) et dont vous tirez profit ; tout ce qui est nécessaire
pour vivre” ; plus tard, “la solde des soldats, les attributions en nature
aux officiers”3, ce que nous nommons aujourd’hui rations. ‫حسن الرزق‬
ar-rizq al-ḥaṣan le bon risq, ce sont les biens inattendus, qui arrivent
hors de toute prévision et de tout effort ; nous dirions les bonnes
chances ; “don fortuit” ; “bonne chance” […]. Le qualificatif ‫مرزوق‬
pourrait presque se rendre par notre expression chançard », 59. Devic
donne aussi trois mots espagnols munis de l’article arabe parmi les-
quels arrisco dont le sens est identique à celui de risco et de riesgo, et
arriscador « celui qui ramasse les olives qui tombent c’est-à-dire un
homme pauvre qui recueille le fruit tombé comme un risq “un don
fortuit de la providence” ». Il rappelle enfin le sens du port. risco et de
l’esp. riesgo qui signifient également « hasard ».
Coromines et Pascual avancent deux arguments pour fonder leur
rejet de cette thèse : des difficultés phonétiques, les mêmes que celles
qui s’opposent à l’étymologie grecque et une invraisemblance séman-
tique à partir du cas rare du albur favorable « hasard favorable ». Ces
deux difficultés sont toutefois aplanies de nos jours grâce aux travaux de
Corriente sur l’arabe andalou. Voici ce qu’il écrit sur notre sujet :
« Riesgo : merece más consideración la etimología basada en el árabe

3
Voyez SYLVESTRE DE SACY, Antoine-Isaac, Chrestomathie arabe, Paris : Impr. impé-
riale, 1806, I, 237 [note M. Devic].

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22 OMAR BENCHEIKH

/rizq/, fonéticamente porque la /i/ en sílaba cerrada daba a menudo /e/


(cf. A Grammatical Sketch of a Spanish Dialect Bundle, Madrid, 1977,
1.2.2.) esta voz significa cuanto depara la Providencia, que puede ser
bueno o malo para el musulmán ortodoxo, por lo que ha podido derivar a
la acepción de ‘albur’, que se refleja claramente en VA ‘a ojo ba rriçq’ »4,
Corriente, Ap., 147-148. Il est vrai aussi que la maigreur de la documen-
tation avancée par Devic pour appuyer son point de vue a pu influencer le
jugement de Coromines et Pascual. J’apporte sur ce point quelques
éléments supplémentaires en formant le vœu qu’ils trouveront gré auprès
des étymologistes et contribueront à donner du crédit à l’origine arabe.
ÉLÉMENTS SUPPLÉMENTAIRES
Il y a une douzaine d’années déjà, Míkel de Epalza m’a précédé dans
cette voie en traçant le processus d’évolution sémantique du mot rizq
dans le texte coranique5. En arabe classique, la notion de base de la racine
*RZQ est : « subsistance, portion, profit qui échoit à quelqu’un sans qu’il
y soit attendu. Ils lui sont accordés par l’effet de la grâce de Dieu », cf.
Kazimirski, I, 855. C’est un don divin, visible comme les provisions et
autres choses nécessaires à la vie du corps, ou invisibles dans le cœur et
dans l’âme comme les connaissances et les sciences, cf. Lisān, s.v. C’est
une « part fortuite » que l’homme espère de son Créateur. La racine *RZQ
contient donc implicitement la notion d’inconnu, i.e. de « hasard » mais de
« hasard favorable ». Le verbe exprime plus nettement cette dernière
notion. Il se trouve souvent employé dans des phrases où le complément
d’objet est une chose favorable ou espérée, par ex. : ‫ ولد‬walad, « enfant »,
‫ خير‬Ÿayr, « bien », ‫ نعمة‬nicma, « bienfait », ‫ بخت‬baŸt, « chance », etc.
En dialectal, tant oriental qu’occidental, toutes les acceptions de
l’arabe classique existent mais on note une tendance des emplois dans
lesquels la notion de matérialité le cède graduellement à celle
d’abstraction, sans se départir cependant du sens de « favorable ». Le

4
VA = ALCALÁ, Pedro (de), Vocabulista aravigo, 256/17, éd. de Lagarde, 77, éd Co-
rriente. On notera que l’ar. ‫ رزق‬rizq est aujourd’hui l’étymologie retenue par la Real
academia española, cf. DLE, s.v. « riesgo »).
5
EPALZA, Míkel (de), « Nota sobre la etimología árabe-islámica de “riesgo” »,
Sharq al-Andalus n° 6, 185-192.

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RISQUE 23

mot ‫ رزق‬rizq y prend de plus en plus le sens de « fortune », « chance »6,


p.ex. [m÷A r-rz´q] « il a de la chance, tout lui réussit », Colin, Dic., III,
622 ; ‫ مرزوق‬marzūq « fortuné, chanceux, qui porte fortune », Beaussier,
3947 ; marzāg « favorisé (matériellement) par la fortune », Boris8.
C’est en arabe andalou qu’on relève des évolutions significatives dans
l’emploi de la racine *RZQ. Apparaissent ainsi des adverbes inconnus du
classique comme « bi rizq fertilmente » i.e. « avec profit », Alcalá, 256/17,
77, ainsi qu’une nouvelle acception : la notion de « chance, fortune » le
cède en effet à celle de « non quantifiable, non mesurable avec exactitude »
autrement dit « aléatoire », p.ex. « ba rriçq a ojo », i.e. « au jugé » 9, Alcalá,
110/15, 77. C’est sans doute de cette locution que dérive l’esp. barriscar10
« vendre ou acheter au jugé, sans peser ni mesurer », Corriente, Nap., 12. Il
est probable que le verbe espagnol arriscar « hasarder, mettre en risque, en
danger », Oudin, 100, ainsi que les dér. arriscadamente, arriscado, arris-
camiento proviennent du substantif arabe ‫ رزق‬rizq. L’acception de
« risque » et de « péril » que reflètent ces expressions était sans doute
suffisamment répandue dans l’arabe parlé andalou pour pouvoir être large-
ment empruntée par les langues romanes, à commencer par le castillan.
Malgré le peu d’écrits à notre disposition en dialectal, nous avons par
bonheur pu relever deux passages dans les textes mozarabes de Tolède11 où
le mot rizq a toutes les chances d’avoir la valeur de « risque ».

6
Ce sens existe aussi en arabe classique : cf. Ibn Man¿ūr : ‫رجل رزوق = رجل مجدود‬
rağul mağdūd = rağul marzūq « un homme chanceux », Lisān, 1636-1637.
7
Voir également MARÇAIS, William & GUIGA, Abderrahmân, Textes arabes de
Takroûna, Paris : Geuthner, 1925, 1492.
8
BORIS, Gilbert, Lexique du parler arabe des Marazig, Paris : C. Klincksieck, 1958, 210.
9
L’expression arabe met à l’esprit une formule française familière « au petit bon-
heur la chance ». Il est intéressant de rapprocher l’esp. « a ojo », litt. « à l’oeil » de
l’ar. ‫ تقويمه بلعين‬taqwīmuhu bi-l-cayn « son estimation à l’oeil », familièrement : « à
vue d’oeil », cf. AL-JAZĪRĪ, Al-Maq ad al-ma mūd fī talŸī al-cuqūd, ed. Ascensión
Ferreras, Madrid, 1998, 484.
10
Verbe composé de la prép. ar. bi- « avec » et du suff. verbal roman –ar.
11
GONZÁLEZ PALENCIA, Angel, Los Mozárabes de Toledo en los siglos XII-XIII.
Volumen preli-minar : estudio e índices (1930), I et II (1926), III (1928).

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24 OMAR BENCHEIKH

Dans le contrat d’affermage (arriendo) n° 910, III, 186-87, du mois


de juin de l’année 1217, on relève le passage suivant :
‫[ كلھا على أي نوع كانت فقد التزماھا‬lire : ‫وأما ساير الحوايج ]الجوايج‬
.‫منھم لرزقھما وقسمھما لھما ولسعدھما‬
wa-‘ammā sā’ir al- awā’iğ [lire : al-ğawa’i ] kullihā calā ayy nawc
kānat faqad iltazamāhā minhum li-rizqihimā wa-qasmihimā lahumā
wa-li-sacdihimā.
« Quant aux calamités, quelles qu’elles soient, ils s’y sont engagées.
Elles sont à leur risque et péril. C’est leur lot »12.
Dans le contrat (compraventa) n° 1.159 (vol. preliminar, 371) du
mois de décembre de l’année 1221), on relève aussi ce passage :
‫وعلى رزق المبتاع المذكور وسعده إذ لم يلزم له البايع درك في المبيع‬
wa- alā rizq al-mubtāc al-ma kūr wa sacdihu i lam yulzim lahu al-bā’ic
c

darak fi-l-mabīc
« au risque et à la chance de l’acheteur, attendu que le susdit vendeur
ne s’est pas engagé à l’éviction dans le bien vendu ».
Dans ces deux passages, le mot ‫ رزق‬rizq signifie probablement « lot,
part heureuse ou malheureuse qui échoit à quelqu’un ». Il appartient au
domaine juridique et semble avoir pour synonymes les mots ‫ سعد‬sacd et
‫ قسم‬qasm. Les trois mots appartenant à un même champ sémantique, il
n’est pas étonnant de les voir parfois, comme dans la première citation,
accolés pour souligner et mettre en lumière davantage le fait juridique
en question. La date des deux contrats se révèle d’une importance
capitale, puisqu’elle porte la preuve et l’attestation que le mot arabe ‫رزق‬
rizq était en usage à Tolède et probablement dans d’autres contrées d’al-
Andalus au XIIIe siècle ainsi qu’à une date antérieure. Et ce, dans le sens
juridique de « risque », « péril ». C’est précisément à ce siècle-là, rappe-
lons-le, que les dictionnaires citent les premières attestations de l’esp.
riesgo et les premières attestations de l’it. risco dans un sens identique à
celui que possède le mot en arabe andalou. 

12
Voir ici également « Remarques & compléments » dans ce volume, 123 [Ndlr].

Bulletin de la SELEFA n° 1, 2ème semestre 2002 (1-5), VOLUME I, 19-24.


Remarques & Compléments
aux Bulletins N° 1 à 4

Sur le Bulletin n° 1
* risque (Complément à l’article d’Omar BENCHEIKH, « Risque et
l’arabe ‫ رزق‬rizq », 19-24) :
1. Les dictionnaires arabes considèrent que ‫ رزق‬rizq possède
comme sens premier « quelque chose dont on tire profit, ou dont on
tient avantage » et, dans un second temps seulement, « les moyens de
subsistance que Dieu procure aux hommes ou aux animaux », cf.
Lane, 1076-1077. Le terme renvoie à une racine trilittère qui lui donne
un aspect tout à fait arabe, et il possède d’ailleurs plusieurs formes
verbales, notamment la VIII : ‫ ارتزق‬irtazaqa, et la X : ‫ استرزق‬istarza-
qa, ainsi que de multiples dérivations de la première forme, telles ‫رازق‬
ّ razzāq et ‫ مرزوق‬marzūq, etc. C’est probablement la raison
rāziq, ‫رزاق‬
pour laquelle Al-Ğawālīqī l’ignore dans son Mucarrab.
Il y a pourtant forte chance qu’il s’agisse d’un emprunt au pahl.
<rwlzyk> rōzīk, « pain quotidien, moyen de subsistance », CPD, s.v.,
comme le propose Jeffery, 142-143 ; Tazi, 42. La même forme se
rencontre d’ailleurs dans l’arm. ռոժիկ rožik, ap. Jeffery, ibid. Le mot
est formé sur <rwlz > roz, « jour », CPD, s.v., d’où le pers. ‫ روز‬roz,
« jour, journée, soleil », Steingass, 592, lié à l’a.pers. raočah, « lu-
mière », Bartholomae, 1489, lequel correspond au skr. च ् ruc, « éclat,
lumière », Huet, SHD, s.v.1 ; cf. gr. λευκος, lat. lux, lumen ; it. luce,
esp. luz, all. Licht, angl. light, fr. lumière, etc., cf. Grandsaignes,
s.v. « leuk- », DCLE2, 108-109. Littéralement, le pahl. rōzīk a pour

1
HUET, Gérard, Sanskrit Heritage Dictionnary, <http://sanskrit.inria.fr/intro.html>
(= Huet, SHD), est version anglaise digitalisée formée sur le Dictionnaire Français de
l’Héritage Sanskrit, 1994‒, <http://sanskrit.inria.fr/Dico.pdf> (Huet, DFH).
2
GRANDSAIGNES D’HAUTERIVE, Robert, Dictionnaire des racines des langues euro-
péennes, Paris : Larousse, 1994 (1ère éd.1948) (= DRLE).

Bulletin de la SELEFA, VOLUME I (2002-2004), 123-129.


124 MOTS D’ORIENT – VOLUME I

sens premier « quotidien » avant de devenir « la ration quotidienne ».


On constate par conséquent que, tant du point sémantique que mor-
phologique et phonologique, l’origine du terme tient parfaitement à
l’intérieur même des langues indo-iraniennes.
Jeffery, ibid., voit dans le syriaque une voie de passage entre le pa-
hlavi et l’arabe. Sans que l’on puisse être certain de cet intermédiaire,
une chose est sûre toutefois : le mot existe bel et bien dans les langues
araméennes. Ainsi le syr. ‫ ܪܘܙ ܐ‬roziqā, « ration quotidienne», que
Payne Smith, 3848, met en rapport non avec l’ar. ‫ رزق‬rizq mais avec
le pers. ‫ رزق‬razq ; et le mand. rziqa, que Drover, 432, consi-
dère de façon plus vraisemblable plus comme un emprunt au pahl.
rōzīk : de fait, il est clair que la forme même des termes araméens est
plus proche du pahlavi que de l’arabe.
En tout état de cause, le fait d’établir pour l’ar. ‫ رزق‬rizq une ori-
gine persane oblige à inverser l’ordre des dérivations sémantiques
reconnues en langue arabe. Et d’ailleurs le sens premier du pers. ‫رزق‬
razq est « octroi de ce qui est nécessaire pour permettre la vie »,
Steingass, 574, et cela malgré l’influence sémantique de l’emprunt
arabe ‫ رزق‬rizq sur le terme persan originel à l’époque islamique.
2. Michel Nicolas nous signale que la lecture ‫ الحوايج‬al- awā’iğ,
que Omar Bencheikh a voulu voir comme fautive, pourrait pourtant
très bien se concevoir. Selon lui, elle semble particulièrement convenir
au contexte puisque l’on aurait dans ce cas : « Quant à l’ensemble des
biens matériels [‫ الحوايج‬al- awā’iğ] de quelque sorte qu’ils fussent, les
deux personnes les obtinrent d’eux : ils [ces biens] devinrent leur
propriété, leur lot, et elles s’en réjouirent ». (R. L.)

Bulletin de la SELEFA, VOLUME I (2002-2004), 123-129.

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