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Le leadership de Néhémie
comme paradigme pour la reconstruction
en République démocratique du Congo
Dernières parutions
Stanislas LONGONGA, La crise financière des Églises
d’Afrique. Conséquences sur le ministère des prêtres, 2016.
Louis BIRA, Consacrés africains, pour quoi faire ?
Redécouvrir la fonction sociale des vœux religieux, 2015.
Louis BIRA, Jean BONANE BAKINDIKA, Le mystère de la
trinité, 2015.
Joseph BELEPE, Formation et ministère propre des catéchistes
au Mai-Ndombe, L’héritage de l’abbé Basile Mputu Nzemba,
2015.
Samuel MAHEDA MA NSONDE, L’africanisation de la
musique chrétienne, 2015.
Jean Olivier BOULINGUI MOUSSIROU, L’Église
internationale de Nazareth au Gabon, Délivrance et possession
matérielle, 2015.
Pierre-Hilaire Djungandeke Pesse
Le leadership de Néhémie
comme paradigme pour la reconstruction
en République démocratique du Congo
9
concours scientifique, moral et matériel par l’attribution des
différentes charges et divers prix. Nous tenons également à remercier
les membres du jury : professeurs Robert David et Olivier Bauer de
l’université de Montréal ainsi que professeure Carolyn Sharp de
l’Université Saint-Paul (Ottawa), dont les commentaires et remarques
ont enrichi le présent volume.
Nous exprimons plus spécifiquement notre gratitude à Mme June et
M. Joe Wilson, qui sont pour nous plus que parents, ainsi qu’à toute
leur famille : Hal Willson, Suzanne Willson, Arthur Willson, Matthew
Willson, Don Willson, Carmen Willson, Parker Willson, Kayla
Willson, Dr. Byrns Coleman, Virgiania Vaughan, Alice Coleman,
Billie McLeod, Lois Weeks, Rose Drose, Ruby Livingston, Gloria
Holiday, Gayle Brunson, Steve Brunson, Jerry Brunson. À eux nous
joignons tous les chrétiens et les chrétiennes de l’Église Méthodiste
Unie, Conférence annuelle de Caroline du Sud aux États-Unis pour
leur contribution à l’exécution de cette œuvre.
Nous remercions particulièrement notre Évêque Mgr Onema Fama
et son épouse maman Ekoko Onema pour leur encouragement et sages
conseils qui nous ont permis de prendre une décision positive afin de
nous épanouir. À eux, nous joignons d’une part nos tantes et oncles,
Mme Marie Kahambwe, Mme Sarah Sheka, Mme Catherine Ekodi et
toutes leurs familles, Mme Albertine Tshaa (que son âme répose en
paix) et M. Michel Kasongo, Mme Henriette Ekomo et M. Michel
Othepa, et d’autre part, nos parents maman Louise Okapenge Yema
(que son âme répose en paix) et papa Paul Senga Lunula car sans leur
amour, nous ne serions pas ce que nous sommes aujourd’hui.
Nous tenons à remercier très chaleureusement le Professeur Russel
Richey de l’Université d’Emory (Atlanta, Géorgie aux États-Unis) et
toute l’équipe de Task Force on Study on Episcapy of the United
Methodist Church de laquelle nous étions membres de 2004-2008,
pour les échanges constructifs que nous avons partagés à maintes
reprises avec eux sur le phénomène de leadership dans l’Église.
Nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance à notre belle-
famille, Mme Mwadi Wa Kalala Justine et M. Kaballa Tshimbu
Damase, Fortuné Kabala, Leonard Kabala, Madeleine Kabala Ilunga
et Norbert Ntumoya, Delphin Kabala, Hyde Kabala et Delice Mosha,
Joe Ilunga, Michaela Mwadi, Grâce Kabala, ainsi qu’à toute la famille
Kabala pour leur encouragement et soutien moral dont nous ne
cessons de bénéficier.
10
Que tous nos frères et sœurs, Ny’okanga Pesse et toute la famille
Ndondo, Kuhu Pesse, Paul Pesse, Senga Pesse, Ambukawa Pesse,
Ongemba Pesse, Sase Pesse, Djulu Pesse, Wuhu Pesse, Ekoko Pesse,
Asanga Pesse, Lean Pesse, Kapundja Pesse, Uhutu Pesse, Yema
Pesse, Kasongo Pesse, Sarah Sheka, Esther Ulundu, Pesse Senga, Paul
Senga, Mamy Okese, Onanu Senga, Owanga y compris leurs familles,
puissent se confier à la promesse du Seigneur « Je ne vous laisserai
pas orphelins. Je viendrai vers vous » (Jn 14, 18).
Que tous nos collègues de promotion, ami (es) et tous ceux qui de
près ou de loin ont contribué à l’achèvement de ce livre, trouvent ici
notre expression de gratitude.
11
Préface
13
envers « ses pères», dont les tombeaux risquent d’être déshonorés
parce que la ville où ils se trouvent est dévastée (2,3-5).
Au moment où il arrive à Jérusalem, Néhémie ne sait pas encore
s’il pourra compter sur les dirigeants et les notables de la ville, dont
certains ne voient pas sa venue d’un très bon œil. Sans parler à
personne de son projet, il prend quelques jours pour s’installer, puis il
fait une inspection détaillée des murs de la ville, pendant la nuit. Il
convoque alors l’ensemble de la population et fait appel à son sens de
l’honneur pour la motiver en lui disant: « Vous voyez le malheur dans
lequel nous sommes, parce que Jérusalem est dévastée et que ses
portes sont incendiées. Allons rebâtir la muraille de Jérusalem et ne
soyons plus une honte!» Après quelques explications, les gens
acceptent son projet en lui répondant «Levons-nous et bâtissons!»
(2,17-18), un mot d’ordre que les évêques de la République
Démocratique du Congo ont repris il y a quelques années auprès de
leur propre population.
Un projet collectif
14
Face aux injustices
Un leader transformationnel
15
ce qui ajoute encore à la motivation et qui permet de consolider la
reconstruction de façon durable. L’attitude de ce croyant qui sait
donner des mains à sa foi va tout à fait dans le sens des valeurs
chrétiennes de solidarité des personnes et de complémentarité de leurs
talents. Pensons à la belle image de l’Église comme corps du Christ
qui a besoin de la contribution de tous ses membres…
16
Chapitre1
Introduction
1.1 Introduction
1
Dans cette étude, différentes appellations seront utilisées pour parler de la RDC.
L’appellation République démocratique du Congo a été créée sous le régime du
président Kasa-Vubu (Première république). Le pays prit ensuite le nom de
République du Zaïre (ou Zaïre) sous la Deuxième république en 1971 (époque de
Mobutu). Arrivé au pouvoir en 1997, le président Laurent-Désiré Kabila, revient à
l’appellation, République démocratique du Congo. On emploie aussi l’expression
Congo-Kinshasa pour différencier la RDC du pays voisin, le Congo-Brazzaville
(Voir K. M. MUDINGAY, Politiciens contre le développement au Congo-Zaïre,
Paris, L’Harmattan, 2002, p. 47.).
17
1.2 Le concept de reconstruction et sa pertinence en RDC
18
urgente au grand appauvrissement de la population congolaise exige
aujourd’hui un renouvellement de l’approche pastorale des Églises de
la RDC. Mais comment pourraient-elles s’y prendre ? Selon Yancey8,
les Africains, nommément les Congolais, réagissent positivement aux
récits bibliques de la Première Alliance puisqu’ils vivent des
expériences socio-politiques semblables, spécialement les injustices
sociales et économiques. C’est pourquoi, nous estimons que les
Églises chrétiennes, qui ont à cœur le mieux-être de la RDC, peuvent
puiser davantage dans leur patrimoine biblique des ressources
susceptibles d’inspirer une théologie congolaise de la reconstruction.
8
P. YANCEY, La Bible que Jésus lisait, Paris, VIDA, 2002, p. 21-22.
9
G. LABOUERIE. Dieu de violence ou Dieu de tendresse ? Une lecture de la Bible,
Paris, Cerf, 1982, p. 35.
10
La libération serait le seul objectif de Jésus et de son Église. La théologie n’est
rien d’autre que la tentative, de la part de l’Église, de décrypter cet objectif en
théorie et en pratique comme le suggère le document de Ratzinger
(CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE ET LA FOI, Instruction sur certains
19
« […] un essai pour comprendre la foi à partir de la praxis
historique, libératrice et subversive, des pauvres de ce monde, des
classes exploitées, des races méprisées, des cultures marginalisées.
Elle naît de l’espérance inquiétante de libération, des luttes, des
échecs et des acquis des opprimés eux-mêmes; d’une manière de se
reconnaître fils et filles du Père face à une fraternité profonde et
exigeante11 ».
20
dans les années 1970 en s’enracinant dans une « spiritualité de la
solidarité avec le pauvre »16 et en invitant des théologiens ou
théologiennes d’Afrique à « lutter pour la libération totale des
opprimés, pour la défense de leur dignité inviolable et de leur droit à
la qualité de la vie »17. De plus, comme l’indique J.-M. Ela, cette
libération s’effectue par un auto-développement socio-économique qui
exige une vraie conversion à l’Évangile afin que l’homme retrouve sa
dignité18. Les liens communs entre tous ces courants théologiques ont
été bien définis par l’EATWOT (Ecumenical Association of Third
World Theologians) lors de son premier congrès tenu à Dar Es-
Salaam en 1976 :
21
africains ont déjà accédé à l’indépendance politique. Ce combat des
théologiens africains semblerait s’achever avec l’effondrement de
l’apartheid et la proclamation de l’indépendance de l’Afrique du Sud
en 1994. Nonobstant l’indépendance politique des nations africaines,
l’histoire coloniale a laissé des conséquences néfastes à l’Afrique : la
destruction tant de son environnement et de son économie que de ses
structures socio-politiques et de ses cultures propres. Que faire donc ?
Il faudra lutter pour la reconstruction des nouvelles nations africaines.
C’est pourquoi, un autre courant a vu le jour, celui de la théologie de
la reconstruction.
Fondement biblique
20
Kä Mana est considéré comme le plus important théologien africain de la
reconstruction. Pour mieux comprendre les tâches et exigences de cette théologie,
nous recourons spécialement à son étude, Théologie africaine pour temps de crise.
Christianisme et reconstruction de l’Afrique, Paris, Karthala, 1993.
21
Ibid., p. 116.
22
Ibid., p. 103.
22
fondamental de Dieu. Pour le professeur kenyan Mugambi23, la
théologie de la reconstruction est une théologie qui axe ses réflexions
sur les efforts déployés sous le règne du roi Josias (2 Ch 34, 33) qui a
formulé à sa manière une théologie de la reconstruction fondée sur la
loi de Moïse.
Tâches et exigences
23
J. N. K. MUGAMBI, « L’avenir de l’Église et l’Église de l’avenir en Afrique »,
dans L’Église d’Afrique pour une théologie de la reconstruction, Conférence des
Églises de toute l’Afrique, Nairobi, Défi Africain no 1, 1991, p. 36. Mugambi est
professeur à l’Université de Nairobi.
24
KÄ MANA, Théologie africaine pour temps de crise, p. 118.
25
KÄ MANA, Théologie africaine pour temps de crise, p. 116.
26
Ibid., p.118.
27
Ibid., p. 116.
23
politique et culturel qui se traduit par un renouveau écologique, une
justice économique, le droit de vote pour tous, etc. Elle implique la
tâche de dissoudre les préjudices associés à la race, à la classe sociale
et au sexe d’une personne28. La théologie de la reconstruction est une
théologie inclusive ; elle accorde une place centrale au peuple ; elle est
orientée vers l’action ; elle est régénérative ; elle se tourne vers le
futur ; elle est consultative29.
Selon Kä Mana, la théologie de la reconstruction comporte quatre
exigences principales30, soit (1) l’exigence d’incarnation : vivre et
penser l’Évangile au centre des peines et souffrances du continent
africain ; (2) l’exigence de remise en question : promouvoir l’éthique
de la lutte contre les atrocités au nom de la dignité humaine ; (3)
l’exigence de libération : libérer l’illusoire par rapport à la
mondialisation, aux calamités économiques, aux incapacités politiques
dont souffre le continent africain ; et (4) l’exigence de novation :
travailler en vue de faire croître les germes saints dans les secteurs
environnemental et économique, socio-politique, culturel et religieux
dans le but de construire un avenir meilleur du continent africain.
Bien que le vœu des théologiens africains soit de passer de la
théologie de libération à celle de la reconstruction, la théologie de la
reconstruction demeure encore pour une large part au niveau du
concept. L’une des particularités du présent livre est de contribuer au
développement d’une théologie africaine de la reconstruction, à partir
du cas particulier de la RDC, qui fasse le passage de la
conceptualisation vers des orientations concrètes pouvant déboucher
sur des initiatives spécifiques inspirées des règles et principes mis en
œuvre par Néhémie pour la reconstruction de la Judée.
28
C. VILAA-VICENCIO, A Theology of Reconstruction, Cape Town, David Philip,
1992, p. 1. 7-8.
29
J. N. K. MUGAMBI, From Liberation to Reconstruction, Nairobi, East Africa
Educational Publishers, 1995, p. xv.
30
KÄ MANA, Théologie africaine pour temps de crise, p. 113-119.
24
livres d’Esdras, de Néhémie, d’Aggée et de Zacharie en particulier
afin d’interpeller leurs compatriotes à reconstruire leur continent31.
En 1993, Kä Mana32 mentionne que, dans les recommandations
données par les Églises aux chrétiens en ce qui a trait aux plans
d’action, une place importante doit revenir au besoin d’une
transformation des mentalités qui puisse aider à la création d’une
nouvelle forme de société civile et d’une nouvelle forme de culture33.
Il note qu’au retour de l’exil (538 a.n.è.), les rescapés de Babylone
s’identifient de nouveau comme le peuple de Dieu et reviennent avec
l’idée de reconstruire le Temple. Il sera le signe visible du réveil de
leur foi et de leur volonté de bâtir une société renouvelée dans son
principe vital34. Selon Kä Mana, un siècle plus tard le mot d’ordre de
Néhémie « Levons-nous et rebâtissons »35 (Ne 2, 18) porte la même
inspiration. En se basant sur la reconstruction des remparts de
Jérusalem par Néhémie, l’auteur indique que le rôle décisif des
Églises chrétiennes en Afrique est « de changer l’Afrique en
profondeur, avec l’Évangile comme fondement d’une vision globale
du monde et ferment d’une novation radicale de toute chose36 ».
De même, dans ses enseignements sur la reconstruction du second
Temple, telle que racontée dans les livres d’Esdras et de Néhémie, S.
Ngayihembako affirme qu’il y a nécessité pour le peuple africain
d’une réforme profonde de sa mentalité, en tant que peuple de Dieu,
afin de retrouver une écoute plus attentive de la Parole de Dieu,
comme ce fut le cas du peuple juif à la fin de l’exil, devant le
sacrificateur Esdras et le gouverneur Néhémie au Ve s. a.n.è.37
31
J. N. K. MUGAMBI, L’avenir de l’Église ; Id., From Liberation; C. VILAA-
VICENCIO, A Theology of Reconstruction; KÄ MANA, Théologie africaine pour
temps de crise ; A. KARAMAGA, « A Theology of Reconstruction », dans J. N. K
(éd.), Nairobi, AACC, 1997 ; E. FARISANI, « Ideology Biased Use of Ezra-
Nehemiah in a Quest for an African Theology of Reconstruction » , OTE 15
(3/2002), p. 628-646; Id., « The Use of Ezra-Nehemiah in a Quest for an Africa
Theology of Reconstruction », JTSA 116 (7/2003), p. 27-50; F. N. MOUTNGUI,
Monnaie et reconstruction de l’Église africaine : réflexion théologique et éthique à
la lumière de Aggée 2:8, Yaoundé, Clé, 2003, etc.
32
KÄ MANA, Théologie africaine pour temps de crise, p. 91.
33
Ibid., p. 110.
34
Ibid., p. 158.
35
Ibid., p. 103.
36
Ibid.
37
S. NGAYIHEMBAKO, Conférence sur les étapes et principes de la
reconstruction d’après les livres d’Esdras et de Néhémie, Goma, (Inédit), 2000, p. 7.
25
E. Farisani quant à lui, tente d’examiner comment les livres
d’Esdras et de Néhémie peuvent être utilisés comme un nouveau
paradigme en quête d’une théologie de la reconstruction, du
renouveau et de la transformation. Néanmoins, dans ses conclusions,
l’auteur adopte une position plus critique et se met en désaccord avec
les théologiens africains de la libération et de la reconstruction qui
estiment que le contenu de ces deux livres peut contribuer en totalité à
l’émergence de la théologie de la reconstruction38. Notons que cette
réflexion impartiale de Farisani nous invite aussi à lire le texte de Ne
2—5 avec beaucoup plus d’objectivité.
En dépit de leur mérite, aucune de ces études ne constitue une
analyse théologique et sociale approfondie de Ne 2—5, élément
central de notre étude. Nous constatons également que personne ne
s’est attardé à démontrer l’importance du style de leadership
transformationnel de Néhémie dans la résolution de la crise et la
reconstruction de la Judée selon Ne 2—5, ni l’impact de ce style de
leadership sur la reconstruction en RDC, ce que nous illustrerons dans
notre travail.
38
E. FARISANI, «Ideology Biased Use of Ezra-Nehemiah», p. 628-646; Id., « The
Use of Ezra-Nehemiah», p. 27-50
26
« […] Vous voyez la misère dans laquelle nous sommes, que Jérusalem
[est] dévastée et que ses portes sont brûlées par le feu. Venez, afin que
nous bâtissions la muraille de Jérusalem et afin que nous ne soyons plus
dans l'opprobre » (Ne 2, 17).
Ces récits racontent également comment la communauté de la
Judée est menacée tant par les pressions extérieures que par
l’exploitation des pauvres par les mieux nantis. Ils décrivent
l’intervention de Néhémie qui pallie à cette situation par la mise en
œuvre d’un programme de reconstruction en harmonie avec l’alliance
entre le Dieu d’Israël et son peuple. Ainsi, une herméneutique
chrétienne de ces récits, analysés d’un point social, permettra,
croyons-nous, de dégager des pistes pour l’élaboration d’une éthique
communautaire et d’une pastorale sociale pertinentes à la réalité
actuelle de la RDC.
27
reconstruction de la communauté de la Judée et lui ont permis de
retrouver son identité et ses valeurs.
28
principaux éléments nous permettant de situer le livre de Néhémie
comme une interprétation particulière de l’action de celui-ci.
29
idéologiques congolaises en vue de favoriser la reconstruction durable
du pays.
30
Chapitre 2
2.1 Introduction
Définition
39
J. S. CROATTO, Biblical Hermeneutics toward a Theory of Reading as the
Production of Meaning, New York, Orbis Books, 1987 ; Id., « L’importance socio-
historique et herméneutique de l’Exode », Conc 209 (1987), p. 151-159.
31
tant que théologien de la libération, propose une herméneutique à
référence socio-politique et culturelle. Pour étayer notre propos, nous
recourons également à d’autres auteurs, tels que C. Boff, K. J. Conner
et K. Malmin, P. Ricœur, E. Schillebeeckx et S. Schneiders.
Le mot herméneutique, d’après Croatto40, provient du mot grec
hermeneuein et signifie interpréter. Ricœur, définit l’herméneutique
comme la théorie de la fonction de la compréhension dans sa relation
avec l’interprétation du texte41. L’herméneutique biblique en général,
est « la science qui interprète la communication de Dieu à
l’homme »42. Elle est considérée comme une démarche cruciale pour
interpréter un texte biblique donné et pour en dégager un sens, afin de
se comprendre devant ce texte. Mais quel est donc le bien-fondé de
l’herméneutique biblique ?
Comme l’explique Croatto43, un texte biblique est généralement
monosémique dans sa production, puisque l’auteur (émetteur) veut
dire quelque chose (le message) à quelqu’un (le récepteur) sur quelque
chose (l’objet) dans un horizon de compréhension qui leur est
commun (contexte). La méthode historico-critique est pertinente pour
reconstruire le sens du texte biblique pour ses premiers destinataires.
Cette approche risque cependant de réduire le texte au sens qu’il
pouvait avoir autrefois. Mais la perte de l’émetteur, du destinataire et
de leur horizon de compréhension laisse les lecteurs seuls avec le
texte, dont le sens doit être déchiffré par les règles du langage qui ont
conduit à sa codification. Le texte devient alors polysémique et peut
être relu à partir d’un nouvel horizon de compréhension celui dans
40
J. S. CROATTO, Biblical Hermeneutics, p. 1. Voir aussi, S. SCHNEIDERS, Le
texte de la rencontre. L’interprétation du Nouveau Testament comme Écriture
sainte, Paris, Cerf, 1995, p. 274.
41
Cité par J. S. CROATTO, Biblical Hermeneutics, p. 2.
42
K. J. CONNER et K. MALMIN, Le défi de l’herméneutique. Comment interpréter
la Bible, Longueuil, Les Éditions Ministères Multilingues, 2005, p. 12.
43
J. S. CROATTO, « L’importance socio-historique », p. 157-159, Id., Biblical
Hermeneutics, p. 13-24. Croatto s’appuie principalement sur l’étude de P.
RICOEUR : « La fonction herméneutqiue de la distanciation » dans F. BOVON et
G. ROUILLER (éds), Exegesus. Problèmes de méthode et exerceces de lecture,
Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1975, p. 201-215. Voir aussi R. ANTONCICH et J.
M. MUNARRIZ qui définissent l’hermeneutique comme le fait de « […] traduire les
idées avec des mots pour celui qui ne connaît pas la langue dans laquelle elles ont
été exprimées originellement, ou encore, à l’intérieur d’une même langue, clarifier
un sens obscur en employant des mots plus compréhensibles » (La doctrine sociale
de l’Église, Paris, Cerf, 1992, p. 53).
32
lequel se meut le nouveau lecteur44. C’est pourquoi toute lecture
donne lieu à une production de sens dans laquelle l’interprète est
interpellé par le message et l’objet du texte qu’il met en rapport avec
son propre contexte.
Quant à l’herméneutique chrétienne, nous entendons par là, à la
suite de C. Boff, une interprétation qui repose sur la conviction que
l’existence humaine trouve son sens ultime (« le Sens par
excellence ») dans le Christ : « […] la communauté chrétienne
soutient, dans la Foi, que le Sens est apparu en Jésus Christ, ayant sa
révélation historique, gratuite et privilégiée dans sa personne »45. Pour
ce faire, lorsqu’elle relit les textes de l’Ancien Testament (AT),
l’herméneutique chrétienne les met en rapport à la fois avec
l’événement Jésus-Christ, tel que transmis et interprété par le Nouveau
Testament (NT) et par la tradition, et avec la situation contemporaine
des communautés croyantes.
L’herméneutique chrétienne est aussi une interprétation engagée :
elle est centrée sur l’amour universel prôné par le christianisme dans
une perspective d’éthique « intimement liée à un penchant partisan
pour toute existence humaine lésée et humiliée »46. Elle est cette
« transmission religieuse de sens douée de puissance novatrice,
libératrice ou émancipatrice »47. C’est pourquoi les théologiens de la
libération et de la reconstruction s’appuient sur ce type
d’herméneutique pour proposer une démarche visant la libération
totale de la personne et contribuer à la reconstruction entière de sa vie
matérielle et spirituelle.
Mais comment alors valider l’interprétation ainsi obtenue ? S.
Schneiders48 propose deux critères globaux : le premier est le respect
et l’application correcte des méthodes exégétiques appropriées pour le
décodage du texte lui-même : que l’on rende compte du texte tel qu’il
44
Voir aussi C. GEFFRÉ qui indique que la « tâche de l’herméneutique est de
discerner les éléments fondamentaux de l’expérience chrétienne et de les dissocier
des langages dans lesquels cette expérience s’est traduite », un travail qui n’est
possible qu’à partir de « notre situation historique et de notre expérience actuelle de
l’existence humaine » (Croire et interpréter : le tournant herméneutique de la
théologie, Paris, Cerf, 2001, p. 17).
45
C. BOFF, Théories et pratique. La méthode des théologies de la libération, Paris,
Cerf, 1990, p. 202.
46
E. SCHILLEBEECKX, L’histoire des hommes, récit de Dieu, Paris, Cerf, 1992, p.
272.
47
Ibid., p. 72.
48
S. SCHNEIDERS, Le texte de la rencontre, p. 273-277.
33
est ; que l’on soit cohérent dans son interprétation ; que l’on réussisse
à expliquer les anomalies du texte ; que l’interprétation du lecteur soit
compatible avec ce qui est connu par d’autres sources ; que l’on utilise
de façon responsable toutes les méthodes qui conviennent au cadre
d’interprétation retenu. Le deuxième critère suggéré par Schneiders
est la fécondité de l’interprétation : pour le lecteur d’aujourd’hui, une
interprétation adéquate devrait normalement « faire parler le texte » et
exploiter « sa capacité à éclairer la foi de la communauté ». Selon elle,
ce critère est particulièrement utile pour discerner la validité « des
interprétations de type sociologique, psychologique et
libérationniste »49.
Démarches
49
S. SCHNEIDERS, Le texte de la rencontre, p. 275.
50
K. J. CONNER et K. MALMIN, Le défi de l’herméneutique, p. 149.
34
personne centrale de la Bible et que toute la Parole tourne autour de
lui51 ; il est l’incarnation vivante de cette parole (Lc 24, 27, 44 ; Jn 1,
45 ; 5, 39 ; Ac 10, 43). Une herméneutique chrétienne intégrale
interprète les textes de l’AT selon la structure christologique qui ne
peut être dissociée de ses structures historique et littéraire. Toutefois,
l’interprétation christologique ne doit pas déformer ou atténuer les
caractères historique et social de la révélation biblique, ainsi que la
variété littéraire de l’Écriture. Elle vient de ce que dit le texte lui-
même dans sa particularité historique et littéraire.
L’appropriation. Schneiders definit l’appropriation du sens d’un
texte comme « l’interprétation menée à son terme avec sa capacité de
transformation »52. Il s’agit donc d’un dialogue permanent entre le
lecteur et le texte concernant l’objet dont traite ce dernier. Parce que le
texte biblique est polysémique, son surplus de sens lui « permet
d’engendrer une histoire efficace en action réciproque avec la
conscience historique de la communauté croyante »53. Ce dialogue
aboutit à une compréhension existentielle54. En d’autres termes,
l’appropriation est une relecture du texte à partir d’un nouveau
contexte qui est la fois semblable à son contexte d’origine et différent
de lui.
51
K. J. CONNER et K. MALMIN, Le défi de l’herméneutique, p. 139.
52
S. SCHNEIDERS, Le texte de la rencontre, p. 296.
53
Ibid., p. 296
54
Ibid.
35
celui d’origine grecque du fondement de toute morale et à l’étude
des concepts fondamentaux, tels que bien et mal, obligation, devoir,
etc.55
Ricœur ajoute que la visée éthique est celle « de la ‘vie bonne’, avec et
pour autrui, dans des institutions justes »57.
Pour les croyants, l’éthique repose sur ce qui constitue la vie
morale à la lumière de la foi au Dieu créateur et rédempteur58.
L’éthique s’inscrit « dans une logique préventive, c’est-à-dire qu’elle
55
É. WEIL, Art. « Morale », Encyclopdia Universalis (http://www.universalis-
edu.com/article2.php?napp=16923f=M121471 ; consulté le 6 avril 2008). Voir aussi
M. WAGNER, Jalons pour une éthique chrétienne face aux défis contemporains,
Paris, L’Harmattan, 2003, p. 18-20.
56
P. RICOEUR, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 200 ; A.
COMPTE-SPONVILLE, Valeur et vérité, Études cyniques, Paris, PUF, 1994, p.
183 ; G. DURAND, « Morale, éthique, bioéthique, déontologie, Question de
vocabulaire », dans Comités d’éthique à travers le monde, Paris, Tierce / Inserm,
1986, p. 47.
57
P. RICOEUR, Soi-même comme un autre, p. 200.
58
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