1.orsot
1.orsot
1.orsot
ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
22 Côte d’Ivoire
3 Laboratoire de Plantes Médicinales et Pharmacologie. Université Nangui Abrogoua, Abidjan, 02 BP 801 Abidjan 02 Côte
d’Ivoire
* Auteur correspondant ; Tel : (+225) 0709335696 ; E-mail : [email protected]
1 RESUME
Les maladies de la peau apparaissent comme une source de mal-être car elles affectent
l’image de soi. Elles sont pour la plupart, responsables des cancers de la peau qui sont en
constante augmentation et entrainent de nombreux décès en Côte d’Ivoire et dans le monde.
Cette étude a pour objectif de contribuer à la lutte contre ces maladies, véritable menace de
santé publique, par l’utilisation des plantes médicinales. La méthodologie utilisée est une
enquête ethnobotanique, basée sur la méthode d’entretien semi direct auprès des Abbey, un
peuple du sud de la Côte d’Ivoire. L’inventaire ethnobotanique a permis de répertorier 188
espèces appartenant à 66 familles et 160 genres. La famille des Fabaceae (22 espèces) a été la
plus représentée. Ces espèces sont pour la plupart des herbes (35,98%). Les feuilles (41%) ont
été les organes les plus employés. Le mode de préparation, fréquemment utilisé dans la
confection des remèdes est le pétrissage (39%). La voie cutanée (60%) a été le mode
d’administration principal des remèdes médicamenteux. Le catalogue des 55 plantes, les plus
citées et leurs modes d’utilisation dans le traitement des dermatoses spécifiées, résultant de
ce travail, est une base de données pour la recherche en pharmacologie.
ABSTRACT
Diseases of the skin appear as a source of discomfort because they affect the self-image. They
are for the most part responsible for skin cancers which are constantly increasing and cause
many deaths in Côte d'Ivoire and worldwide. This study aims to contribute to the fight against
these diseases, a real threat to public health, through the use of medicinal plants. The
methodology used is an ethnobotanical survey, based on the semi-direct interview method
with the Abbey, a people of Côte d'Ivoire. The ethnobotany inventory identified 188 species
belonging to 66 families and 160 genera. The Fabaceae family (22 species) was the most
represented. These species are mostly herbs (35.98%). Leaves (41%) were the most used
organs. The method of preparation, frequently used for making remedies is kneading (39%).
The dermal route (60%) was the main mode of administration of drug remedies. The catalog
of 55 plants, the most cited and their modes of use in the treatment of specified dermatoses,
resulting from this work is a database for research in pharmacology.
8754
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
2 INTRODUCTION
L’homme s’est toujours servi des plantes pour rougeole ont été signalés, occasionnant plusieurs
assurer sa survie. Malgré l’évolution de la décès (OMS, 2009). Selon cette source, environ
médecine moderne, la médecine traditionnelle 2000 cas d’ulcère de Buruli sont notifiés chaque
reste très répandue dans les pays en année. À côté de ces épidémies, les grandes
développement, et son usage ne cesse de croître pandémies comme le SIDA demeurent toujours
dans les pays industrialisés. Selon l’OMS (2013), présentes. Face aux limites de la médecine
en Europe, en Amérique du Nord et dans moderne vis-à-vis de ces fléaux, beaucoup
d’autres régions industrialisées, plus de 50 % de d’espoirs sont placés dans les secrets des plantes,
la population a eu recours, au moins une fois, à et l’émergence d’une médecine alternative à base
la médecine complémentaire. En Côte d’Ivoire, de plantes est plus que jamais d’actualité. Malgré,
selon des études récentes, plus de 80% de la les nombreux travaux scientifiques effectués,
population préfèrent, pour leurs soins de santé, l’exploitation rationnelle des vertus médicinales
les recettes à base de plantes (Traoré, 2013). des plantes de la pharmacopée demeure un
Ainsi, plusieurs mesures sont-elles été prises impératif (Dulger et al., 2006 ; Zirihi, 2006). Il est
pour promouvoir la médecine traditionnelle, la donc important de poursuivre les enquêtes
recherche en pharmacopée et la reconnaissance ethnomédicinales et les évaluations scientifiques
de tradipraticiens dans le système de santé des plantes médicinales, afin d’enrichir la flore de
(Benoit, 2010). Selon cet auteur, la médecine la pharmacopée traditionnelle du pays et
traditionnelle a été intégrée dans le système de connaître l’efficacité des principes actifs de ces
santé publique ivoirien et 2000 acteurs de cette plantes. Par ailleurs, l’infection à déficience
médecine ainsi que 200 cabinets ont été recensés. immunologique (VIH) a développé des
Ce regain d’intérêt pour la médecine infections opportunistes, dont les viroses, les
traditionnelle peut trouver sa justification dans bactérioses et les mycoses. En Côte d’Ivoire, des
les recommandations de l’OMS qui, face à la études de cas de mycoses cutanées ont révélé
résurgence de certaines affections telles que qu’en médecine conventionnelle, 51% des
l’hypertension artérielle, le paludisme, les consultations concernaient les maladies
affections bactériennes et celles liées à la peau, dermatologiques (Yenou, 1993). Cette étude
préconisent le recours à cette médecine pour vise, donc, à mettre à la disposition de la
améliorer la prise en charge des patients (OMS, population et de la recherche, les plantes
2002 ; 2003 ; 2004). Par exemple, pour la période médicinales utilisées par les Abbey pour le traiter
2004 à 2008, en Côte d’Ivoire, 4010 cas de des dermatoses spécifiées.
3 MATERIEL ET METHODES
3.1 Matériel d’étude : Le matériel végétal d’Agboville. Les sites d’étude ont été choisis
est constitué de l’ensemble des espèces selon la technique d’échantillonnage stratifié
médicinales inventoriées auprès des guérisseurs probabiliste (Benkhnigue, 2011). Cette méthode
du département d’Agboville ville du sud de la a consisté à subdiviser l’échantillon en cinq
Côte d’Ivoire. Le matériel technique, lui est strates représentées par les quatre points
composé de fiches techniques, sécateur, papiers cardinaux (Nord, Sud, Est et Ouest) et le centre-
journaux, presses, chemises cartonnées qui ont ville d’Agboville. Dans chaque strate, trois
permis de réaliser un herbier. Un appareil photo- villages ont été localisés par tirage aléatoire. Des
numérique de type Nikon a été employée pour échantillons, en nombre restreint, constitués de
les prises de vue. 25 tradithérapeutes, ont été ensuite formés pour
3.2 Méthode d’étude chacune des cinq strates. L’échantillon global a
3.2.1 Choix des sites visités : Les travaux donc été constitué de 125 tradithérapeutes.
d’enquête ont été menés de juin à L’objectif de cette enquête a été de recueillir,
novembre 2014, dans 12 villages et dans la ville
8755
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
auprès des tradipraticiens de santé, des florifères ou fructifères des plantes citées ont été
informations sur les plantes médicinales. prélevés. Dans le cas où le guide est une tierce
3.2.2 Enquête ethnobotanique : Les personne, l’échantillon prélevé est présenté au
enquêtes ethnobotaniques ont été réalisées dans guérisseur pour une confirmation. Les
les villages avec l’appui d’une personne échantillons récoltés ont été également utilisés
ressource, qui a servi de guide. Une première pour la réalisation d’un herbier.
visite de courtoisie a été effectuée chez le Pour la phase d’identification des échantillons
tradithérapeute afin de faire connaissance, établir récoltés, la nomenclature des espèces a été
une base de confiance et définir un plan de déterminée sur le terrain pour certains et au
travail. Après son consentement, un rendez- laboratoire, pour d’autres, à partir des catalogues
vous est fixé pour réaliser l’enquête proprement des plantes de Aké-Assi (1984 ; 2001 ; 2002), de
dite. Elle a consisté en un entretien semi- L ebrun et Stork (1992) et de Le Bourgeois et
structuré. Cette méthode a l’avantage de susciter Merlier (1995). Les familles taxonomiques des
de nouvelles questions à partir des réponses espèces ont suivi la classification APG IV (2016).
obtenues à la suite des questions existant sur un 3.2.4 Fréquence de citation d’une espèce
guide d’entretien. Les questions ont concerné (FC) : La FC traduit la régularité dans la
l’identification du guérisseur, les maladies de la distribution d’une espèce végétale, au sein de la
peau qui sont traitées, le nom local de chaque communauté des tradipraticiens de santé. Elle
plante, les organes utilisés pour le traitement, le est exprimée par le pourcentage de citation d’une
mode de préparation et d’administration des espèce végétale par rapport au nombre total de
remèdes. personnes enquêtées. La fréquence de citation
3.2.3 Récolte et identification des de chacun des taxons recensés est calculée par la
échantillons : Accompagnée généralement du formule utilisée par Gbesso et al. (2015) et
guérisseur ou d’un guide, des rameaux feuillés, Gbekley et al. (2015)
4 RESULTATS
4.1 Profil des enquêtés : Parmi les 125 tranche d’âge de 36 à 49 ans, on note 27
tradithérapeutes interrogés, les femmes sont les personnes, soit un taux de 21,6%. Les jeunes de
plus représentées avec un effectif de 89, soit moins de 35 ans représentent 2,7% de l’effectif
71,2% contre 36 hommes, soit 28,8% (Tableau total. Il a été constaté que les personnes de cette
1). L’âge des enquêtés varie entre 24 et 100 ans, tranche d’âges s’intéressent très peu à la
avec une prédominance des personnes âgées de médecine traditionnelle.
50 à 100 ans (95 personnes, soit 76%). Pour la
8756
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
Femmes 1 19 69 89
Total 3 27 95 125
4.2 Dermatoses traitées : Les affections rougeoles (6,2%), aphtes (4,55%), ulcères de
cutanées traitées sont les suivantes : érythèmes buruli (4,13%), gales et urticaires ayant le même
fessier (12,81%), furoncles (12,81%), impétigos pourcentage (3,72%), phlegmon (2,89%), onyxis
(11,98%), panaris (9,50%), abcès (8,68%),zona et eczéma (2,07 %) puis les prurits vaginales avec
(7,44%), dartre-teigne (6,61%), varicelles- 0,83% (Figure 2).
8757
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
Series1, Erythèmes
fessier, 12.81
Series1, Furoncles, 12.81
Series1, Impétigos, 11.98
Pourcentages d'utilisations (%)
8758
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
4.3 Aspect floristique des plantes les Asteraceae avec 9 espèces soit 4,79% et les
médicinale rencontrées : L’enquête a permis Rubiaceae 8 espèces soit 4,25%.
de recenser 188 espèces. Ces espèces 4.4 Types morphologiques : La répartition
appartiennent à 66 familles botaniques et 160 des espèces selon leur type morphologique a été
genres. Les cinq familles les plus représentées établie. Il a été noté une prédominance des
sont : les Fabaceae au nombre de 22 espèces soit herbes avec 35,98% suivi des arbres avec
11,70%, les Euphorbiaceae comptant 16 espèces 33,33% (Figure 3).
soit 8,51%, les Malvaceae 10 espèces soit 5,32%,
Series1, Series1,
Herbes, 35.98 Arbres, 33.33
Fréquences (%)
Series1,
Series1,
Arbustres,
Lianes, 15.87
14.28
Types morphologiques
Figure 3 : Répartition des espèces médicinales recensées selon les types morphologiques
Series1,
Microphanérophyte Series1,
Series1,
Fréquences (%)
Types biologiques
Figure 4 : Répartition des espèces médicinales recensées selon les types biologiques
8759
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
4.6 Parties de plante utilisées : Les organes végétaux les plus utilisées sont les feuilles avec 41%,
suivi des écorces avec 30% (Figure 5).
Autres
4%
Ecorces Feuilles
30 % 41 %
Fleurs
2,28 %
Fruits
Plante entière Racines Tiges
7%
Graines 0,65 % 9%
5%
1,63 %
Figure 5 : Spectre du taux d’utilisation des différentes parties de la plante
4.7 Techniques de préparation des sont diversifiés (Figure 6). Le pétrissage avec un
recettes médicamenteuses : Les modes de pourcentage de 39% a été la méthode la plus
préparation des recettes médicamenteuses par employée pour la préparation des remèdes.
les tradithérapeutes du Département d’Agboville
Trituration Décoction
Expression Infusion
Torréfaction 3% 9% 1% 5%
19 % Mastication
Pulvérisation 2%
2%
Pilage
20 % Pétrissage
39 %
8760
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
4.8 Mode d’administration : L’affection locale (51%), soit par pansement (7%), lapement
concernée par cette étude étant les maladies de (1%), ou par instillation (1%). Les autres modes
la peau, les remèdes utilisés ont été appliqués d’administrations (lavement, boisson et bain)
directement sur les parties de la peau ou les sont utilisés en complément à l’application locale
muqueuses concernées, soit par une application (Figure 7).
Lavement
21 %
Pansement Application
7% locale
51 %
Lapement
1%
Instillation
1%
Boisson Bain
15 % 4%
Figure 7 : Spectre de la répartition des différents modes d’administration des recettes
4.9 Fréquence spécifique des espèces ce tableau, la fréquence de citation (FC), l’organe
médicinales citées : Les 55 espèces végétales de la plante utilisé, le type de dermatose traitée,
les plus citées par les tradithérapeutes pour le le mode de préparation du remède, et le mode
traitement des infections dermatologiques sont d’administration du médicament.
consignées dans le Tableau 2. Il est indiqué dans
8761
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
Tableau 2 : Plantes utilisées dans le traitement des infections dermatologiques et leur mode d’application
FC Espèces Familles Parties Dermatoses Modes de préparation Modes
utilisées d’administr
ation
4,8 Alstonia Apocynace Écorce Varicelle, Rougeole Pétrissage + piment ou ail Voie anale,
boonei De ae Feuille Voie orale,
Wild.
4,8 Anthonoth Fabaceae Écorce Phlegmon Décoction, pétrissage + infusée de cola + coquille d’œuf Voie cutanée
a Feuille Furoncle Mastication ou pétrissage+ infusée de cola + décoction
macrophyll Abcès
a P.
Beauv.
8,8 Baphia Fabaceae Feuille Urticaires Pilage, Pétrissage avec Décoction Voie orale,
nitida Racine Panaris Trituration + sel Voie anale,
Lodd. Écorce Furoncle Pétrissage + infusée de cola +81 Voie cutanée
Gale poivre africain
Abcès, Aphtes Pétrissage + sel + huile de palme (HP)
Impétigo Torréfaction, pulvérisation
4 Blighia Sapindacea Écorce Urticaires Pilage, Pétrissage ± ail Voie orale,
sapida e Feuilles Varicelle/rougeole ± piment ± poivre africain Voie anale,
Konig Erythème fessier Gale, ± kaolin Voie cutanée
Impétigo Décoction
3,2 Boerhavia Nyctaginac Racine Panaris Pétrissage + sel + jus de citron ou Voie cutanée
diffusa L. eae Feuille Prurit vaginale Pétrissage ± huile de palme (HP) Voie
vaginale
7,2 Caesalpini Fabaceae Tige Panaris Torréfaction, pulvérisation Voie cutanée
a Feuille Aphtes
benthamia
na (Baill.)
6,7 Carica Caricaceae Feuille Abcès Pétrissage Voie cutanée
papaya L. Écorce Panaris trituration + vinaigre + sel
Racine Ulcère de buruli pétrissage + citron
16 Cassia Fabaceae Feuille Phlegmon Décoction, Voie orale,
alata L. Tige Furoncle Pétrissage + karité Voie anale,
Racine Torréfaction Voie cutanée
8762
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
8763
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
8764
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
8765
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
8766
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
8767
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
8768
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
5 DISCUSSION
5.1 Thérapeutes traditionnels rencontrés : Les 125 tradipraticiens de la santé questionnés dans
le Département d’Agboville sont composés d’hommes et en majorité de femmes (71,2%). Cela
pourrait s’expliquer par le fait que généralement, dans les communautés traditionnelles africaines, les
femmes, en tant que mères, ont la responsabilité d’apporter les premiers soins de santé aux membres
de la famille, notamment les enfants. Cette observation a été également faite par Benkhnigue et al.
(2011) et Diatta et al. (2013). Aquaron (2005) a également affirmé que les femmes sont naturellement
et traditionnellement dépositaires des secrets des plantes médicinales. La répartition des
tradithérapeutes, en fonction de l’âge, a montré que les ¾ des dépositaires de la connaissance sur les
plantes médicinales sont les personnes âgées de plus de 50 ans. Cette catégorie représente, dans une
famille, la lignée des grands-parents ou des parents. El Hahyaoui et al. (2015), ont montré que la
connaissance des plantes médicinales est le résultat d’une longue expérience acquise après plusieurs
années de pratique. Ainsi, les personnes âgées sont censées fournir des informations plus fiables.
5.2 Aspect floristique des espèces médicinales recensées : Les 5 familles les plus représentées
en espèces dans cette étude, ont été les Fabaceae, les Euphorbiaceae, les Malvaceae, les Asteraceae et
les Rubiaceae. La richesse de ces familles en espèces pourrait s’expliquer par leur forte représentativité
dans la flore des forêts ivoiriennes et leur présence dans toutes les régions tropicales ou subtropicales.
La même observation a été faite par Kouamé et al., (1998) ; Bakayoko (1999) et Kouakou et al. (2015).
Aussi, des études réalisées en Ethnopharmacologie dans d’autres régions forestières de la Côte d’Ivoire
(Ouattara, 2006 ; Zirihi, 1991et Vangah-Manda 1986), ont permis de déterminer les familles
prédominantes qui fournissent le plus grand nombre de plantes médicinales. Au nombre de celles-ci
figurent les familles des Euphorbiaceae, Fabaceae, Asteraceae et Rubiaceae.
5.3 Types morphologiques des espèces médicinales recensées : La forte représentativité des
herbes confirme l’utilisation abondante des plantes herbacées en médecine traditionnelle observée par
N’Guessan (2008) et Zirihi (1991). Leur important usage pourrait être dû à leur accessibilité et à leur
faible taille qui favorise la récolte de toutes les parties de la plante. Il convient toutefois de faire
observer que tous les types morphologiques (arbres, arbustes, lianes et herbes) sont employés en
médecine traditionnelle dans le traitement des dermatoses.
5.4 Types biologiques des espèces médicinales recensées : Tous les principaux types
biologiques (Phanérophytes, Thérophytes, Géophytes, Chaméphytes, Hémicrystophytes et Epiphytes)
sont utilisés dans le traitement des dermatoses par le peuple Abbey. Cela pourrait s’expliquer par la
présence de tous ces types biologiques dans le milieu naturel, en pays Abbey. N’Guessan (2008) a
également mentionné ces six types biologiques dans sa flore. La dominance des Phanérophytes
(78,31% des espèces) pourrait s’expliquer par l’appartenance du milieu d’étude au sud forestier de la
Côte d’Ivoire, caractérisé par des précipitations variant entre 1282 et 2026 mm/an.
5.5 Parties de plante utilisées par les tradithérapeutes : Les organes les plus utilisés ont été les
feuilles et les écorces des troncs. La fréquente utilisation des feuilles en pharmacopée peut être liée au
fait que ces organes constituent le lieu du stockage des métabolites secondaires responsables des
propriétés de la plante. Cela confirme les observations de Bigendako-Polygenis et Lejoly (1990) et
d’Aké-Assi et Guinko (1991), selon lesquelles, les feuilles et les écorces sont les organes les plus utilisés
en pharmacopée. Les résultats de plusieurs travaux réalisés en Côte d’Ivoire et ailleurs en Afrique sont
en accord avec ce résultat (Ouattara, 2006 ; Diatta et al., 2013 ; N’Guessan et al., 2015 et Ambé et al.,
2015).
5.6 Technique de préparation des recettes : Les modes de préparation des médicaments sont
diversifiés mais le plus employé est le pétrissage. La connaissance et les pratiques traditionnelles sont
rattachées aux mœurs des peuples. Elles sont donc particulières à chaque peuple. Ainsi, Chez les Abbey
et les Krobou d’Agboville, N’Guessan (2008) a également révélé que le pétrissage était le mode le
plus utilisé pour la préparation des médicaments. Ceci est en accord avec le résultat obtenu dans ce
8769
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
travail chez les Abbey dudit Département. À Bangui, en République Centre Africaine, Mozouloua et
al. (2011) ont montré que la décoction est le mode de préparation le plus employé, dans le traitement
des dermatoses.
5.7 Mode d’administration des remèdes : Les affections ici concernées étant les maladies de la
peau, très souvent visibles à l’œil nu, les remèdes sont directement appliqués sur les parties malades
(voie cutanée). Diatta et al. (2013) ont aussi noté que l’administration percutanée est la plus fréquente
pour les soins des dermatoses. Par ailleurs, les tradithérapeutes interrogés ont conscience qu’une
affection concernant la peau peut avoir des agents pathogènes localisés dans les organes internes de
l’organisme. Pour ce faire, un remède est utilisé à la fois en application locale et sous forme de boisson
et/ou en purge afin de mener la lutte systémique. La décoction, utilisée pour les bains ou comme
solvant de dilution des pâtes, a été le plus souvent employée pour les cas graves de la maladie. Selon
Salhi et al. (2010), la décoction permettrait de recueillir suffisamment de principes actifs. Cela
atténuerait ou annulerait l’effet toxique de certaines recettes. C’est donc à juste titre que les
tradithérapeutes l’utilisent en association dans la préparation des remèdes.
5.8 Spécificité des traitements des dermatoses : Les organes végétaux (feuilles, écorces, tiges,
racines, fruits) ont été les éléments essentiels qui ont composés les recettes médicamenteuses.
Toutefois, pour certaines recettes, il a fallu adjoindre des constituants minéraux tels que le kaolin,
l’argile, la cendre, le sel de mer.
6 CONCLUSION
Les tradithérapeutes du Département plantes est considérée pour la plupart du temps
d’Agboville utilisent une flore très diversifiée comme un héritage de famille. Elle se transmet
pour traiter les infections cutanées. En effet, 188 jusqu’à présent, par voie orale.
espèces appartenant à 66 familles et 160 genres Malheureusement, une bonne partie de ce savoir
ont été recensé et dont, les 55 espèces les plus se trouve toujours auprès des personnes très
citées ont été consigné dans ce travail à travers âgées qui pourraient mourir sans pouvoir les
un catalogue. Presque toutes les parties de la transmettre à temps. Ce travail a permis de
plante interviennent dans la composition des mettre à la disposition de la population, des
recettes médicamenteuses. Cependant, les tradithérapeutes et de la recherche, un catalogue
feuilles et les écorces ont été les organes les plus de plantes, assorti de leurs modes d’utilisation.
utilisés. Le pétrissage est le mode de préparation Le fruit de cette étude permettra de solutionner
le plus employé. La voie cutanée par application des problèmes de santé publique surtout les
locale ou cataplasme est la voie d’administration dermatoses. Ce travail, en plus de la sauvegarde
médicamenteuse la plus fréquemment employée. du savoir, pourrait utilement, être le support
Au terme de cette étude, il est à noter que la d'une recherche pharmacognosique.
connaissance des vertus thérapeutiques des
7 CONFLIT D’INTÉRÊT
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.
9 REMERCIEMENTS
L’expression de notre profonde gratitude va à aidé à réaliser ces travaux. Particulièrement,
l’endroit de tous ceux qui ont, de loin ou de près, l’Unité de Formation et de Recherche (UFR) des
8770
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
10 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ake-Assi L, 1984.- Flore de la Côte d’Ivoire. Benkhnigue O., Lahcen Z., Mohamed F., Houda
Etude descriptive et biogéographique E., Atmane R. et Allal D., 2011.- Etude
avec quelques notes ethnobotaniques. ethnobotanique des plantes médicinales
Tome I. II. III. Thèse Doct. Ès-Sci Nat., dans la région de Mechraâ Bel Ksiri
F.A.S.T. Univ. Abidjan, 1205 p. (Région du Gharb du Maroc). Acta
Aké-Assi, L., 2001.- Flore de la Côte d'Ivoire : Botanica. Barcelona, 53 : 191-216 p.
catalogue systématique, biogéographie et Benoit B. N., 2010.- Identification des acteurs de
écologie. Genève. Boissiera, 57 : 1-396 p. la médecine traditionnelle en Côte
Aké-Assi, L., 2002.- Flore de la Côte d'Ivoire : d’Ivoire : cas du District Autonome
catalogue systématique, biogéographie et d’Abidjan. Article. Ethnopharmacologia,
écologie. Genève. Boissiera, 58 : 1-401 p. n°46, 7 p.
Aké-Assi L. et Guinko S., 1991.- Plantes utilisées Bigendako-Polygenis M.J. et Lejoly J., 1990.- La
dans la médecine traditionnelle en pharmacopée traditionnelle au Burundi.
Afrique de l’Ouest. Editions Roche Pesticides et médicaments en santé
Basel, Switzerland, 151 p. animale. Namur University Press, pp
Ambé A.S.A., OuattaraD., Tiébre M.S., Vroh 425-442 p.
B.T.A, Zirihi G.N., N’GuéssanK.E., Diatta C.D., Gueye M. et Akpo L.E., 2013.- Les
2015.- Diversité des plantes médicinales plantes médicinales utilisées contre les
utilisées dans le traitement traditionnel dermatoses dans la pharmacopée
de la diarrhée sur les marchés d’Abidjan Baïnounk de Djibonker, Sénégal. Journal
(Côte d’Ivoire). Journal of Animal & Plant of Applied Biosciences, 70 : 5599-5607 p.
Sciences, 26 (2) : 4081-4096 p. Dulger B., Gonuz A. et Aysel A., 2006.-
APG IV, 2016- An update of the Angiosperm Inhibition of clotrimazole-résistant
Phylogeny Group classification for the Candida albicans by some endemic
orders and families of flowering plants. Sideritis species from Turkey. Fitoterapia,
Botanical Journal of the Linnean Society, 181: 77: 404-405 p.
1-20 p. El Yahyaoui O., Aitouaaziz N., Sammama A.,
Aquaron M., 2005.- Les causeries en Montagne, Kerrouri S., Bouabid B., Lrhorfi L.A.,
Sabenca de la Valéia, Barcelonnette. Zidane L. et Bengueddour R., 2015.-
Conférence du 18/08/05. Etude ethnobotanique : Plantes
(www.hominides.com/html/references médicinales commercialisées à la
/homme-plantes-medicinales.php) province de Laâyoune : identification et
Consulté le 17/01/15. utilisation. International Journal of Innovation
Bakayoko A., 1999.- Comparaison de la and Applied Studies, 12 (3) : 533-541 p.
composition floristique et de la structure Gbekley E.H., Karou D. S., Gnoula C.,
forestière de parcelles de la Forêt Classée Agbodeka K., Anani K., Tchacondo T.,
de Bossématié dans l’Est de la Côte Agbonon
d’Ivoire. Mémoire de DEA, Université A., Batawila K. et Simpore J., 2015.- Étude
de Cocody – Abidjan (Côte d’Ivoire) 72 ethnobotanique des plantes utilisées
p. dans le traitement du diabète dans la
8771
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
8772
Orsot et al., 2021 Journal of Animal & Plant Sciences (J.Anim.Plant Sci. ISSN 2071-7024)
Vol.49 (1): 8754-8773 https://doi.org/10.35759/JAnmPlSci.v49-1.1
8773