Ens 17181
Ens 17181
Ens 17181
Algèbre II
Jean-François Dat
2017-2018
Résumé
Ce cours introduit les techniques algébriques fondamentales utilisées en théorie des
nombres et en géométrie algébrique. Une grande partie concernera la théorie générale
des anneaux (commutatifs) et de leurs modules, et une autre partie la théorie des
extensions de corps.
Sommaire
1 Algèbre commutative 2
1.1 Pourquoi l'algèbre commutative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Généralités sur les anneaux commutatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.3 Généralités sur les modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1.4 Anneaux de polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
1.5 Anneaux factoriels, principaux, euclidiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
1.6 Localisation, corps des fractions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
1.7 Produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
1.8 Quelques conséquences du lemme chinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
1.9 Modules de type ni sur un anneau principal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
1
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1 Algèbre commutative
1.1.1 L'anneau des entiers. Le premier exemple d'anneau commutatif est l'anneau
A = Z des entiers relatifs. Sa structure additive est claire (comme le sera celle de la
plupart des anneaux que nous rencontrerons) : elle est engendrée par 1 qui en est la seule
brique élémentaire. C'est la structure multiplicative et son interaction avec l'addition qui
est intéressante. Ses briques élémentaires en sont les nombres premiers, sur lesquels de
nombreuses conjectures sont encore ouvertes. Rappelons le résultat célèbre d'Euclide :
L'existence d'une factorisation comme ci-dessus se voit facilement par récurrence mais
l'unicité est plus subtile. Rappelons qu'elle découle de la division euclidienne selon les
étapes suivantes :
(lemme de Bézout) si a, b ∈ Z \ Z× n'ont pas de diviseur commun, alors il existe
u, v ∈ Z tels que ua + vb = 1. En eet, posons r0 := |a| et r1 := |b| et notons r2 le
reste de la division euclidienne de a par b. On a donc r2 ∈ r0 + Zr1 et 0 6 r2 < r1 .
Notons que r2 6= 0 puisque r1 ne divise pas r0 . Si r2 = 1, on a terminé. Sinon, on
peut considérer encore le reste 0 < r3 < r2 de la division euclidienne de r1 par r2 ,
puis, tant que rk 6= 1, dénir rk+1 comme le reste de la division de rk−1 par rk . On a
alors rk+1 ∈ rk−1 + Zrk puis, par une récurrence immédiate, rk+1 ∈ Zr0 + Zr1 . Mais
puisque rk+1 < rk , l'algorithme s'arrête à un rang k < |b| pour lequel on a rk+1 = 1.
(lemme de Gauss (ou d'Euclide)) si p premier divise ab, alors p|a ou p|b. En eet,
si p ne divise pas a, on peut trouver u, v tels que up + va = 1, donc upb + vab = b,
ce qui montre que p divise b.
v1 v2 v
On en déduit en particulier que si p divise un produit p1 p2 · · · pr r comme dans
le théorème, alors p est égal à l'un des pi . De là l'unicité découle facilement : si
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0 0 0
pv11 pv22 · · · pvrr = p01 v1 p02 v2 · · · p0r0 vr0
p1 est égal à un (et un seul) des p0i et, quitte à
alors
0
numéroter on peut supposer que c'est p1 . Procédant de même pour p2 et les suivants,
0 0
on voit que r = r et qu'on peut supposer pi = pi pour tout i. Reste à montrer que
vi = vi0 pour tout i = 1, · · · , r, ce que l'on peut faire par récurrence sur l'entier
v1 + · · · + vr par exemple.
L'énoncé d'Euclide peut s'écrire de la manière alternative suivante : soit p premier et
soitνp (n) la valuation p-adique de n, i.e. le plus grand entier tel que pνp (n) divise n.
pνp (n) ,
Q
On a l'égalité n = ε(n) · p où ε(n) désigne le signe de n et le produit est indexé
1
par tous les nombres premiers .
Y Y
pgcd(n, m) = pmin(νp (n),νp (m)) et ppcm(n, m) = pmax(νp (n),νp (m)) .
p p
x2 + N = y 3 , où N ∈Z est xé.
L'idée, naturelle, qu'ont eu les mathématiciens est d'élargir le domaine des nombres uti-
2
lisables de manière à pouvoir factoriser x + N .
1. Cette expression, pour avoir un sens, sous-entend que νp (n) 6= 0 et donc pνp (n) 6= 1 seulement pour
un nombre ni de nombres premiers
3
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1.1.2 Anneaux d'entiers algébriques. Nous supposerons, pour simplier, que l'on dis-
pose du corps C des nombres complexes et qu'on sait qu'il est algébriquement clos. Pour
z ∈ C nous noterons Z[z] le sous-anneau de C engendré par z, i.e. le plus petit sous-
anneau de qui contient z . Concrètement, c'est le sous-groupe additif de
C C engendré par
n
les puissances {z , n ∈ N} de z (s'en convaincre !).
Définition. On dit que z est un entier algébrique s'il est annulé par un polynôme
d
unitaire f (X) = X + a1 X d−1 + · · · + ad ∈ Z[X].
Dans ce cas, z d ∈ Z + Zz + · · · + Zz d−1 et par récurrence immédiate chaque z n pour
n > d est dans Z + Zz + · · · + Zz d−1 . En d'autres termes, Z[z] est engendré, en tant que
d−1
groupe abélien par la famille nie {1, z, · · · , z }.
Exemple. L'anneau Z[i] et l'équation x2 + 1 = y 3 . Le complexe i est annulé par le
2
polynôme X + 1, donc est un entier algébrique. L'anneau qu'il engendre Z[i] = Z ⊕ Zi est
appelé anneau des entiers de Gauss. Il se trouve que cet anneau est muni d'un analogue
de la division euclidienne :
En fait, si q désigne le (ou un des) point(s) de Z ⊕ Zi le plus proche de y/x dans C, alors
y/x − q est dans le carré déni par les inégalités |<(z)| 6 21 et |=(z)| 6 12 , qui lui même
2 2
est contenu dans le disque {z, |z| < 1}, donc on a bien |y − qx| < |x| . On dit que Z[i]
muni de la fonction z 7→ |z|2 est un anneau euclidien. Cette division euclidienne montre,
comme dans le théorème précédent, que le lemme de Bézout est vrai dans Z[i]. De même,
le lemme d'Euclide est vrai, une fois qu'on a déni correctement l'analogue de ce qu'est un
nombre premier.
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Nous reverrons plus en détail cette notion, mais on peut remarquer que dans un anneau
factoriel, on a une notion de pgcd et de ppcm (dénis à un inversible près ou relativement
à un choix P comme ci-dessus) et la notion d'éléments premiers entre eux.
Exemple. Par ce que l'on vient de dire, Z[i] est factoriel. Il est donc naturel de cher-
cher à déterminer ses éléments inversibles et ses éléments irréductibles. Pour les premiers,
×
on vérie facilement que Z[i] = {z ∈ Z[i], z z̄ = 1} = {±1, ±i}. Pour déterminer les
irréductibles, on peut d'abord se demander quels nombres premiers p restent irréductibles
dans Z[i]. Remarquons que si z|p alors z z̄|p2 donc z z̄ = 1, p ou p2 . Mais pour que z soit un
diviseur propre (au sens où ni z ni p/z n'est inversible) il nous faut z z̄ = p. En écrivant
z = a + ib il vient p = a2 + b2 . Réciproquement, si p = a2 + b2 , on a une factorisation
p = (a+ib)(a−ib) dans laquelle on remarque que z := a+ib est nécessairement irréductible
(car z z̄ est premier). On voit ainsi que
ii) un élément irréductible de Z[i] est de la forme up avec u ∈ Z[i]× et p premier comme
au i), ou de la forme a + ib avec a2 + b2 premier.
A titre d'exemple, on a la factorisation 2 = i(1 − i)2 dans laquelle i est un inversible et
1−i est un irréductible.
Intéressons-nous maintenant à l'équation x2 +1 = y 3 qui se factorise en (x+i)(x−i) = y 3
dans Z[i]. Calculons le pgcd de x + i et x − i dans Z[i] (cela a un sens car Z[i] est factoriel).
2
Celui-ci divise 2i = (i + 1) . Mais si 1 + i divise x + i, alors 1 − i divise x − i, donc 2 divise
x2 +1. Or, en regardant modulo 4, on observe que x doit être pair (sinon x2 +1 ≡ 2[4], mais
2 n'est pas un cube modulo 4). Il s'ensuit donc que x + i et x − i sont premiers entre eux, et
3
par conséquent de la forme uz avec u inversible et z ∈ Z[i]. Comme, de plus, les inversibles
3
de Z[i] sont tous des cubes, on obtient l'existence de a, b ∈ Z tels que x + i = (a + ib) .
2 2
En regardant le coecient de i dans cette égalité, on obtient la contrainte b(3a − b ) = 1,
ce qui ne laisse d'autre possibilité que (a, b) = (0, −1), correspondant à l'unique solution
(x, y) = (0, 1).
√ 2 3
Exercice. L'anneau Z[ −2] et l'équation x + 2 = y . Adapter les arguments précé-
√
dents pour montrer que Z[ −2] est euclidien, puis que l'ensemble des solutions entières de
2 3
l'équation x + 2 = y est {(5, 3), (−5, 3)}.
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3
anneau n'est pas factoriel . En eet, regardons l'égalité
√ √
2 · 2 = 4 = (1 + −3)(1 − −3).
√
L'élément 2 2 = xy avec x, y ∈ Z[ −3], on a 4 = xx̄y ȳ
est irréductible car si on écrit
donc xx̄, qui est entier positif, vaut 1, 2 ou 4, mais il ne peut pas valoir 2 car l'équation
u2 + 3v 2 = 2 n'a pas de solution dans Z2 , donc on a soit xx̄ = 1 auquel √ cas x =√±1,
soit y ȳ = 1 auquel cas y = ±1. Pour la même raison, les éléments 1 + −3 et 1 − −3
√ ×
sont irréductibles. Comme Z[ −3] = {±1}, ces trois éléments sont non équivalents 2 à 2,
et l'égalité ci-dessus montre que la propriété d'unique factorisation n'est pas vériée dans
√
Z[ −3].
En fait, cet anneau est encore pire que non factoriel : il n'est pas intégralement clos
non plus. Cela signie (on y reviendra) que son corps des fractions, qui n'est autre que le
√ √
sous-corps Q[ −3] de C −3, contient
engendré par
√
des entiers algébriques qui ne sont
−1+ −3
pas dans cet anneau. Un exemple est j := , qui est bien entier algébrique, puisque
2
3 2
racine du polynôme X − 1, et plus précisément du polynôme irréductible X + X + 1.
√
Il se trouve que l'anneau Z[j], qui contient Z[ −3], est bien meilleur que ce dernier ;
4
en eet une légère adaptation de l'argument déjà utilisé montre qu'il est euclidien . Noter
√ √
que l'égalité 2 · 2 = (1 + −3)(1
√ √ −3) ne contredit pas l'unicité des factorisations dans
−
Z[j] puisque 2, 1 + −3 √et 1 − −3 sont des éléments irréductibles équivalents en vertu
√
−1
des égalités 2 = −j(1 + −3) = −j (1 − −3) et du fait que j ∈ Z[j]× . D'ailleurs, il sera
×
utile de remarquer que Z[j] = µ6 = {±1, ±j, ±j̄}.
2
√ √
Puisque la factorisation x + 3 = (x + −3)(x − −3) vit dans Z[j], on peut l'utiliser
2 3
pour étudier l'équation x + 3 = y . Remarquons que pour une éventuelle solution (x, y)
√ √
on aura x 6= 0 modulo 3. Les éléments x + −3 et√x − −3 sont √ donc premiers entre
eux. En eet, un diviseur commun diviserait aussi 2 −3. Or 2 et −3 sont irréductibles
√
et ne divisent visiblement pas x ± −3 si x 6= 0 modulo 3. Grâce à la propriété d'unique
√
factorisation, on peut donc écrire x + −3 sous la forme
√ √ √
x + −3 = u(a + b −3)3 = u((a3 − 9ab2 ) + (3a2 b − 3b3 ) −3)
√ √
avec u ∈ {±1, ±1±2 −3
}.
On voit toute de suite, en comparant les termes en
√
−3, qu'il n'y
1+ −3
a pas de possibilité avec u = ±1. Avec u = , on obtient la contrainte
2
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Or 2 n'est pas un cube dans Z/4Z, donc la contrainte ci-dessus est impossible. Un argument
2 3
similaire pour les autres u nous mène à la conclusion que l'équation x + 3 = y n'a pas de
solution (le vérier).
√
Exemple. L'anneau Z[ −5] x2 + √
5 = y 3 . Remplaçons maintenant 3
et l'équation
√
par 5 et considérons donc l'anneau Z[ −5] = Z ⊕ i 5Z dans lequel on peut factoriser
√ √ √
x2 + 5 = (x + −5)(x − −5) pour tout x ∈ Z[ −5]. À nouveau, cet anneau n'est pas
factoriel, comme le montre par exemple l'égalité
√ √
2 · 3 = (1 + −5)(1 − −5).
√ √
(Exercice : vérier que
√ 2, 3, 1 + −5 et 1 − −5 sont des élements irréductibles non
√
équivalents de Z[ −5]). Mais cette fois-ci c'est plus grave : Z[ −5] est tout de même
intégralement clos, donc on ne peut pas l'agrandir un peu pour le rendre factoriel, comme
√
on l'a fait pour Z[ −3].
C'est pour pallier les dicultés liées au défaut d'unicité des factorisations que Dedekind
a dégagé la notion d'idéal d'un anneau.
S1 + S2 = {x ∈ A, ∃(s1 , s2 ) ∈ S1 × S2 , x = s1 + s2 }.
Un idéal engendré par une famille nie comme ci-dessus est dit de type ni. Il est dit
principal s'il est engendré par un seul élément. Il est utile de se rappeler que pour deux
×
éléments a, b ∈ A, on a a|b ⇔ (a) ⊃ (b), ainsi que (a) = A ⇔ a ∈ A .
Les idéaux de A peuvent être additionnés et multipliés. L'addition est simplement
donnée par la somme ensembliste ci-dessus :
I + J = {x ∈ A, ∃(i, j) ∈ I × J, x = i + j}.
Le produit d'idéaux est plus subtil : si on multiplie naïvement les ensembles I et J , l'en-
semble obtenu est certes stable par multiplication par A, mais pas par addition. Il convient
de prendre l'idéal engendré par ce produit naïf. Explicitement, on a
I · J := {x ∈ A, ∃n ∈ N, ∃(i1 , · · · , in , j1 , · · · , jn ) ∈ I n × J n , x = i1 j1 + · · · in jn }.
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Voici une manière un peu plus précise de formuler ce résultat. Pour un idéal non nul
I p, posons vp (I) := Max{m ∈ N, pm ⊃ I}, que l'on appelle
et un idéal premier non nul
encore valuation p-adique de I . Alors Dedekind prouve que vp (I) est bien déni, non
Q vp (I) nul
pour un nombre ni de p lorsqu'on xe I , et qu'on a l'égalité d'idéaux I = pp .
Par exemple on a les égalités d'idéaux suivantes :
√ √ √
(2) = (2, 1 + −5) · (2, 1 − −5) = (2, 1 + −5)2
√ √
(3) = (3, 1 + −5) · (3, 1 − −5)
√ √ √
(1 + −5) = (2, 1 + −5) · (3, 1 + −5)
√ √ √
(1 − −5) = (2, 1 − −5) · (3, 1 − −5).
√
Exercice. Prouver les égalités ci-dessus et montrer que les idéaux
√ √ p1 := (2, 1 + −5),
p2 := (3, 1 + −5) et p3 := (3, 1 −
−5) sont premiers et non principaux.
√ √
On remarque que l'égalité 2·3 = (1+ −5)(1− −5) qui nous posait problème, devient
p21 p2 p3 = p1 p2 p1 p3 dans le monde des idéaux, ce qui est conforme à la propriété d'unique
factorisation pour les idéaux.
√ √
Revenons à l'équation
√ x2 + 5 = y 3 que l'on factorise en y 3 = (x + −5)(x − −5) √ dans
l'anneau Z[ −5].
On aimerait prouver que si (x, y) est une solution, alors x + −5 est
3
nécessairement de la forme u · α , mais l'absence d'unicité des factorisations ne permet pas
3
√ 2
√
de conclure comme précédemment. Par exemple, l'égalité 6 = 2(1 + −5) × 3(1 − −5)2
montre qu'un cube peut être le produit de deux éléments sans diviseur commun mais qui
ne sont pas eux-mêmes des cubes.
Cependant, le théorème de Dedekind nous assure tout de même que l'idéal engendré
√ √ 3
√
par x + −5 est de la forme (x + −5) = I pour un idéal non nul de Z[ −5], à condition
√ √
de voir que les idéaux (x + −5) et (x −
−5) n'ont pas de diviseur premier p commun,
c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'idéal premier p qui les contienne tous les deux. En eet un
√ √
tel p devrait contenir 2 −5, donc contenir 2, auquel cas p = (2, 1 + −5),√ou contenir
√ √
−5√ , auquel cas p = ( −5) (vérier que ce dernier est bien premier). Mais si −5 divisait
x + −5, alors 5 diviserait√x, donc aussi y et on√obtiendrait l'égalité 5 ≡ 0[25] qui est
absurde. De plus, si (2, 1 + −5) contenait (x + −5) alors 2 diviserait y , donc x serait
impair, ce qui est impossible car on obtiendrait modulo 4 l'égalité 1 + 5 = 0.
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√
Maintenant que l'on sait que
√ (x+ −5)√est de la forme I 3 (égalité d'idéaux), on aimerait
3
en tirer que x+ −5 est de la forme u(a+b −5) (égalité de nombres). Pour cela, il surait
de prouver que I est principal (engendré par un élément). Mais on a vu que c'est loin d'être
automatique.
1.1.6 Groupe des classes d'un anneau d'entiers. Ici intervient un invariant très im-
portant de la théorie des anneaux de nombres, appelé groupe de classes, qui mesure le
défaut de principalité (et donc de factorialité) d'un anneau d'entiers algébriques (tou-
jours supposé intégralement clos). Soit Id(A) l'ensemble des idéaux non nuls de A. Le
produit d'idéaux en fait un monoïde commutatif d'élément neutre l'idéal unité A. Soit
Id.Pr(A) le sous-ensemble des idéaux principaux. Il est stable par produit, donc c'est un
sous-monoïde. Considérons le monoïde quotient
Cl(A) := Id(A)/Id.Pr(A).
La preuve classique de ce théorème donne en fait un majorant qu'il est parfois raison-
nable d'expliciter. Par exemple dans le cas qui nous intéresse, il n'est pas très dur d'en
√
tirer que Cl(Z[ −5]) = Z/2Z (voir ci-dessous).
Montrons comment cela sut pour résoudre notre équation. L'idéal I3 est principal,
donc sa classe dans C`(A) est nulle. Mais celle-ci est 3 fois celle de I . Or la multiplication
par 3 est inversible dans Z/2Z (c'est même l'identité), donc la classe de I est nulle aussi,
√ √
et I est principal. Il s'ensuit que I = (α) pour un α ∈ Z[ −5], donc (x +
√ −5) = (α3 ) et
3
on en déduit nalement que x + −5 est bien de la forme u · α comme souhaité. À partir
2 3
de là, le même genre de raisonnement élémentaire que dans le cas de l'équation x + 3 = y
2 3
montre que l'équation x + 5 = y n'a pas de solution.
Remarque culturelle. (sur la géométrie des nombres) Voici les ingrédients pour
√ √
prouver que le groupe Cl(Z[ −5]) 2. Soit J un idéal non nul de Z[ −5].
est d'ordre
√
C'est un sous-groupe abélien de rang 2 de Z[ −5] et on peut donc dénir son indice
√
i(J) := |Z[ −5]/J| ∈ N. On peut aussi considérer J comme un réseau de C, i.e. un
sous-groupe abélien de type ni et R-générateur. On peut alors dénir son covolume
Covol(J) comme le volume d'un parallélogramme fondamental de ce réseau. On a alors
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√ √
(exercice) Covol(J) = i(J)Covol(Z[ −5]) = i(J) 5. On peut montrer (exercice) qu'une
boule fermée centrée en 0 de rayon r contient un élément de J dès lors que son volume
√
πr2 dépasse 4Covol(J). On peut donc trouver un élément α ∈ J tel que |α|2 6 π4 5 · i(J).
2
Noter que |α| = i((α)). Ecrivons alors (α) = IJ , grâce au théorème de factorisation de
−1
√
Dedekind. Il vient i(I) = i(α)i(J) 6 π4 5 < 3, et donc i(I) = 1 ou 2. Si i(I) = 1 on a
I = A. Si i(I)
√ = 2 alors I est premier (car l'indice est √ (2), donc
√ multiplicatif ) et contient
I = (2, 1 + √−5). Ainsi J est équivalent, dans Cl(Z[ −5]), à A ou à (2, 1 + −5), et on
a donc Cl(Z[ −5]) = Z/2Z.
1.1.7 Une pathologie. Les exemples ci-dessus avaient pour but de montrer comment
certains concepts de la théorie des anneaux (irréductibilité, factorialité, clôture intégrale,
idéaux) sont nés parce qu'ils se sont révélés utiles pour résoudre des problèmes de théorie
des nombres d'apparence plus élémentaire. D'où l'intérêt de développer une théorie systé-
matique des anneaux commutatifs comme nous allons le faire dans ce cours. Cependant,
loin des jolies propriétés des anneaux de nombres, nous allons aussi rencontrer beaucoup
de pathologies. Voici par exemple un exemple d'anneau pourtant naturel qui ne possède
aucun élément irréductible !
Nous montrerons plus tard que pour les anneaux noethériens, cette pathologie n'appa-
rait pas ; tout élément non nul et non inversible y est produit d'irréductibles.
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Définition.
0
Soient V ⊂ Cn et V 0 ⊂ Cn deux sous-ensembles algébriques. Une
0
application ϕ : V −→ V est dite polynomiale si elle est la restriction d'une application
0
polynomiale ϕ̃ : Cn −→ Cn , c'est-à-dire de la forme
0
(z1 , · · · , zn ) ∈ Cn 7→ (f1 (z1 , · · · , zn ), · · · , fn0 (z1 , · · · , zn )) ∈ Cn
pour des polynômes f1 , · · · , fn0 ∈ C[X1 , · · · , Xn ]..
Cas particulier : une fonction polynomiale sur V est une application polynomiale
V −→ C en le sens précédent. L'ensemble O(V ⊂ Cn ) des fonctions polynomiales sur
V est manifestement une
C-algèbre (via l'addition et la multiplication point par point des
0
fonctions). Notons-le abusivement O(V ) pour simplier. Si ϕ : V −→ V est une applica-
0
tion polynomiale, il découle de ces dénitions que la composition des fonctions f 7→ ϕ ◦ f
induit un morphisme de C-algèbres
Théorème. ∗
L'application ϕ 7→ ϕ induit une bijection entre l'ensemble des applica-
0 0
tions polynômiales V −→ V et l'ensemble des morphismes de C-algèbres O(V ) −→ O(V ).
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1.2.1 L'anneau nul. Pour un anneau (unitaire) (A, +, ·), l'axiome de distributivité
implique que pour tout a on a a · 0 = a · (0 + 0) = a · 0 + a · 0, donc a · 0 = 0. Il s'ensuit que
si on a 0=1 (ce que nous n'avons pas exclu), alors A = {0}. On peut bien-sûr exclure ce
cas pathologique, mais il sera pratique de ne pas l'exclure lorsqu'on parlera de quotients.
Définition. Soit A un anneau (commutatif ). Une A-algèbre est une paire (B, ψ)
formée d'un anneau B et d'un morphisme d'anneaux ψ : A −→ B . Un morphisme de
A-algèbres entre (B, ψ) et (B 0 , ψ 0 ) est un morphisme d'anneaux ϕ : B −→ B 0 tel que
ϕ ◦ ψ = ψ0.
Cette dénition généralise la notion d'algèbre sur un corps. On a parfois tendance, par
abus, à oublier le ψ de la notation. Par exemple on dira simplement soit B une C-algèbre
plutôt que Soit (B, ψ) une C-algèbre.
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L'élément neutre de l'addition est (0, 0) et celui de la mutiplication est (1, 1). Si les deux
anneaux sont non nuls, le produit A × A0 n'est pas intègre, puisque (1, 0) · (0, 1) = (0, 0).
Exercice. Vérier que chacune des deux projections d'un produit A × A0 sur un de
0
ses facteurs A ou A est un morphisme d'anneaux. Si
0
ψ : B −→ A et ψ : B −→ A0 sont
deux morphismes d'anneaux, vérier que
Exemple. Le théorème des restes chinois nous dit que pour pgcd(n, m) = 1, l'appli-
cation produit
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est un isomorphisme d'anneaux, au sens rappelé ci-dessous. Son inverse est (x, y) 7→ x + y .
Exemple. Soient n et m entiers et premiers entre eux. Choisissons u, v ∈ Z tels que
un + vm = 1. En multipliant cette égalité par un, on voit que (un)2 ≡ un(mod nm). Donc
l'image e de un dans Z/nmZ est un idempotent. De plus on a (Z/nmZ)e = nZ/nmZ
qui est isomorphe (au sens ci-dessous) à Z/mZ, et de même (Z/nmZ)(1 − e) = mZ/nmZ
qui est isomorphe à Z/nZ. On retrouve ainsi le théorème des restes chinois Z/nmZ '
Z/nZ × Z/mZ.
Exercice. (interprétation géométrique) Soit X un espace topologique et A = C(X, C)
la C-algèbre de ses fonctions continues. Montrer que X est connexe si et seulement si les
seuls idempotents de A sont 1 et 0.
Remarque. Il est aussi vrai qu'un sous-ensemble algébrique V est connexe (pour
sa topologie de Zariski dénie plus loin, ou pour la topologie usuelle induite de Cn ) si et
seulement si les seuls idempotents de son algèbre de fonctions O(V ) sont 0 et 1. Néanmoins,
la preuve de la réciproque requiert la conséquence suivante du Nullstellensatz : si I est un
idéal propre de O(V ), alors V (I) 6= ∅.
Définition. Deux idempotents e1 , e2 sont dits orthogonaux si e1 e2 = e2 e1 = 0. Un
idempotent est dit primitif s'il n'est pas somme de deux idempotents orthogonaux non nuls.
On montrera plus tard en TD que les composantes connexes d'un sous-ensemble algé-
brique sont en bijection avec les idempotents primitifs de son algèbre O(V ).
1.2.6 Diviseurs de zéro, éléments réguliers, anneaux intègres. Un élément a non nul
d'un anneau est appelé diviseur de 0 s'il existe a0 non nul tel que aa0 = 0. Un élément
a non nul et non diviseur de zéro est dit régulier. Un anneau intègre est un anneau sans
diviseur de zéro, c'est-à-dire tel que ab = 0 ⇒ a = 0 ou b = 0. Dans un anneau intègre, on
peut simplier les égalités :
a 6= 0 et ab = ac ⇒ b = c,
même si a n'admet pas d'inverse.
Exemple. Il est clair qu'un sous-anneau d'un anneau intègre est intègre. Par ailleurs,
tout corps est évidemment un anneau intègre. Il s'ensuit que les anneaux d'entiers algé-
briques sont toujours intègres.
15
Ecole Normale Supérieure FIMFA
est partout nulle. Ainsi, x1 et x2 sont des diviseurs de zéro dans l'anneau O(V ), qui n'est
donc pas intègre.
1.2.7 Éléments nilpotents, anneaux réduits. Un élément x ∈ A est dit nilpotent s'il
k
existe un entier k∈N tel que x = 0. En particulier, si x est nilpotent et non nul, il est
k
diviseur de zéro. On appelle ordre de nilpotence de x le plus petit entier k tel que x = 0.
Un anneau est dit réduit s'il ne possède pas d'élément nilpotent non nul. Ainsi, pour un
anneau, on a intègre ⇒ réduit.
16
Ecole Normale Supérieure FIMFA
donne aussi la diérentielle en 0 si on identie m/m2 ' CX̄1 ⊕· · ·⊕CX̄n à l'espace cotangent
(au sens usuel de la géométrie diérentielle) via X̄i 7→ dxi . (À méditer ! !)
Inversement, nous verrons plus loin que tout idéal de A est le noyau d'un morphisme
d'anneaux de source A, et même d'un morphisme surjectif.
√
I := x ∈ A, ∃k ∈ N∗ , xk ∈ I .
√ p
Montrer que I est un idéal contenant I (on pourra remarquer que
√ {0} = N (A) et
1.2.9 Idéal engendré par un sous-ensemble. Comme l'intersection de deux idéaux est
encore un idéal, on peut parler du plus petit (pour l'inclusion) idéal contenant un sous
ensemble E de A E . On l'appelle idéal
: c'est l'intersection de tous les idéaux contenant
engendré par E . Explicitement, c'est l'ensemble des x ∈ A de la forme x = a1 e1 + · · · + ar er
∗
où r ∈ N , les ei sont dans E , et les ai sont dans A. Lorsque E = {x1 , · · · , xn }, on note en
général cet idéal (x1 , · · · , xn ). On dit qu'un idéal est
de type ni s'il est engendré par une famille nie d'éléments de A.
principal s'il est engendré par un seul élément (on peut aussi dire monogène ).
1.2.10 Opérations sur les idéaux. Soient I, J deux idéaux d'un anneau A. On a déjà
déni la somme I + J et le produit I · J de ces idéaux. Rappelons simplement que I + J est
l'idéal engendré par I ∪ J , tandis que I · J est l'idéal engendré par les éléments ij , i ∈ I ,
J ∈ J. Bien que cela puisse être ambigu, nous noterons souvent IJ au lieu de I · J .
17
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Remarque. Dans un anneau A général, il n'est pas vrai que si√deux éléments a, b n'ont
pas de diviseur commun alors (a) + (b) = A. Par exemple dans Z[ −5], on a vu que l'idéal
√
p = (2) + (1 + −5) est propre, puisque p2 = (2).
Application à la topologie de Zariski de Cn . Nous montrerons plus tard que tout idéal I
n
de C[X1 , · · · , Xn ] est de type ni. Il s'ensuit que les sous-ensembles algébriques de C sont
n
exactement les sous-ensembles de la forme V (I) = {z ∈ C , ∀f ∈ I, f (z) = 0}. Mais alors,
P T
on vérie facilement que V (IJ) = V (I) ∪ V (J) et V ( k∈E Ik ) = k∈E V (Ik ). Puisqu'on
n
a aussi V ({0}) = C et V ((1)) = ∅, on en déduit que les V (I) sont les fermés d'une
n
topologie, dite topologie de Zariski, sur C . Cette topologie est beaucoup plus grossière
que la topologie usuelle, et en particulier n'est pas Hausdor.
1.2.11 Idéaux premiers et maximaux. On dit d'un idéal I dans un anneau commutatif
A qu'il est :
maximal s'il est maximal pour l'inclusion parmi les idéaux propres de A (i.e. dis-
tincts de A).
premier s'il est propre et si ∀x, y ∈ A, xy ∈ I ⇒ (x ∈ I ou y ∈ I).
radiciel s'il est propre et si ∀x ∈ A, (∃k ∈ N∗ , xk ∈ I ) ⇒ x ∈ I .
Lemme. Pour un idéal I, on a I maximal ⇒I premier ⇒I radiciel.
Exemple. Dans Z, tout idéal est principal, donc de la forme nZ pour un unique n > 0.
Un tel idéal est propre si n 6= 1. Dans ce cas, il est premier si et seulement si n est premier,
auquel cas il est aussi maximal. Par ailleurs, il est radiciel si et seulement si n est sans
facteur carré (exercice).
Exemple. Un anneau A est intègre si et seulement si son idéal nul I = {0} est premier.
Exemple. Dans l'anneau A = C[X, Y ], l'idéal (X) est premier mais non maximal,
puisque contenu dans (X, Y ). Ce dernier est par contre maximal. En eet, pour tout
polynôme f = f (X, Y ), on a f ∈ f (0, 0) + (X, Y ), et donc f (0, 0) ∈ (f, X, Y ). Donc si
f∈/ (X, Y ), le nombre f (0, 0) (vu comme polynôme de degré 0) est non nul donc inversible
18
Ecole Normale Supérieure FIMFA
dans C[X, Y ] et l'idéal (f, X, Y ) contient un inversible donc est égal à C[X, Y ]. Il s'ensuit
que (X, Y ) n'est contenu dans aucun idéal propre.
Remarque. Dans l'anneau C[X1 , · · · , Xn ] on dispose d'une chaîne d'idéaux premiers
emboités
(0) ⊂ (X1 ) ⊂ (X1 , X2 ) ⊂ · · · ⊂ (X1 , · · · , Xn ).
La longueur de cette chaîne est n
et on peut montrer que toute autre chaîne maximale
d'idéaux premiers est aussi de longueur n. On peut donc retrouver la dimension n de Cn à
n
partir de considérations relevant exclusivement de la théorie des anneaux sur O(C ).
V (I) := {p ∈ Spec(A), p ⊃ I}
19
Ecole Normale Supérieure FIMFA
contient pas 1. C'est donc un majorant, dans E, de cette suite. Le lemme de Zorn nous
arme donc l'existence d'un élément maximal dans E, comme voulu.
1.2.12 Anneaux quotients. Voici une construction fondamentale qu'il est important
de bien comprendre. Soit A un anneau et I un idéal de A. On munit l'ensemble A de la
relation d'équivalence dénie par
x ≡ y (mod I) si et seulement si x − y ∈ I.
Reste à voir que ceci est bien déni et satisfait les axiomes qui dénissent un anneau. Pour
0 0
voir que c'est bien déni, il faut vérier que pour x ≡ x (mod I) et y ≡ y (mod I), on a
(x+y) ≡ (x0 +y 0 ) (mod I) et xy ≡ x0 y 0 (mod I). Ceci est immédiat ; vérions par exemple la
0 0 0 0 0 0 00
deuxième relation : si on écrit x = x+i et y = y +i avec i, i ∈ I , on voit que x y = xy +i
00 0 0
avec i = (iy + i x + ii ) ∈ I .
De même on vérie sans diculté que les deux lois ainsi construites font de A/I un
anneau avec pour éléments neutres 0 et 1.
L'anneau A/I est appelé anneau quotient de A par I.
Exemple. l'anneau bien connu Z/nZ est le quotient de Z par l'idéal (n) = nZ.
Exemple. Si I = A, le quotient A/I est l'anneau nul.
Démonstration. i) Supposons I maximal. On veut montrer que tout élément non nul de
A/I possède un inverse. Un tel élément est de la forme x = x+I avec x ∈
/ I. Par
20
Ecole Normale Supérieure FIMFA
∼
{idéaux de A/I} −→ {idéaux I} de A contenant
0 0 −1
√ √
dont la bijection réciproque est I 7→ πI (I ). Montrer que πI ( 0) = I . Montrer que
cette bijection induit un homéomorphisme de Spec(A/I) sur le fermé V (I) de Spec(A).
1.2.13 Propriété universelle des quotients. Lorsqu'on travaille avec des anneaux quo-
tients, on utilise très rarement la dénition en termes d'ensemble de classes d'équivalence.
Il est beaucoup plus ecace d'utiliser la propriété universelle suivante.
ϕ
A / 0
=A .
πI
ϕ
A/I
21
Ecole Normale Supérieure FIMFA
6
tous les objets de la même catégorie . Autrement dit, un objet qui possède cette pro-
priété universelle est déterminé de manière unique à isomorphisme unique près (la notion
d'isomorphisme étant celle pertinente pour la catégorie d'objets considérée). Dans le cas
qui nous intéresse ici, la paire (A/I, π) (A, I) − Alg des A-algèbres
vit dans la catégorie
(B, ψ) telles que ψ(I) = 0 avec pour morphismes les morphismes de A-algèbres. La propo-
0
sition nous dit que cette paire possède la propriété suivante : pour toute A-algèbre (A , ϕ)
0 7
telle que ϕ(I) = 0, il existe un unique morphisme de A-algèbres A/I −→ A . Supposons
qu'une autre A-algèbre (B, ψ) avec ψ(I) = 0 vérie la même propriété. Alors en appliquant
0 π
cette propriété à (A , ϕ) = (A/I, πI ) on obtient un morphisme de A-algèbres B −→ A/I .
ψ
D'un autre côté la proposition nous fournit un morphisme de A-algèbres A/I −→ B . La
composition πψ est un endomorphisme de la A-algèbre A/I , mais la proposition nous dit
qu'il existe un unique tel endomorphisme. Comme l'identité est clairement un endomor-
phisme de A-algèbres, on doit donc avoir π ◦ ψ = idA/I . De même la propriété supposée
de(B, ψ) nous assure que ψ ◦ π = idB et on obtient ainsi un isomorphisme de A-algèbres
∼ 8
A/I −→ B qui est est de plus unique d'après la propriété ou la proposition.
6. Le mot catégorie a en fait un sens mathématique précis. Informellement, une catégorie C est for-
mée d'une classe d'objets Ob(C) et d'une notion de morphismes entre ces objets, composables comme
on s'y attend. Plus précisément, on se donne pour chaque paire d'objets A, B un ensemble C(A, B) de
morphismes de A vers B , et pour chaque triplet A, B, C d'objets, une loi de composition associative
C(A, B) × C(B, C) −→ C(A, C) pour laquelle il existe dans chaque C(A, A) un élément neutre (à droite
et à gauche) généralement noté idA . Exemples : la catégorie des ensembles munis des applications, la
catégorie des espaces topologiques munis des applications continues, la catégorie des groupes abéliens mu-
nis des morphismes de groupes, la catégorie des anneaux munis des morphismes d'anneaux, la catégorie
des A-algèbres munies des morphismes de A-algèbres, etc. Dans une catégorie, un isomorphisme est un
morphisme qui admet un inverse à droite et à gauche.
7. En d'autres termes, l'objet (A/I, πI ) de (A, I) − Alg admet un unique morphisme vers tout autre
objet de (A, I) − Alg. On dit que c'est un objet initial de la catégorie (A, I) − Alg. Autres exemples : Z
est un objet initial dans la catégorie des anneaux. L'espace vectoriel nul est un objet initial de la catégorie
des espaces vectoriels sur C. L'ensemble vide est un objet initial de la catégorie des ensembles.
8. Ce raisonnement très général montre que dans une catégorie, un objet initial est unique à isomor-
phisme unique près, au sens où deux objets initiaux sont isomorphes d'une seule manière.
22
Ecole Normale Supérieure FIMFA
∼
est surjective. Soit I son idéal, elle induit donc un isomorphisme O(Cn )/I −→ O(V ) qui
présente O(V ) comme un quotient de l'algèbre de polynôme C[X1 , · · · , Xn ].
Iπ J π
πJ : A −→ A/I −→ A/J.
Exemple. On retrouve le fait bien connu que pour m|n l'application a 7→ a (mod m)
se factorise par un morphisme Z/nZ −→ Z/mZ via l'application a 7→ a (mod n) et induit
∼
un isomorphisme (Z/nZ)/m(Z/nZ) −→ Z/mZ.
Variante : au lieu de partir de J ⊃ I , partons de J quelconque et appliquons la pro-
position à l'idéal I + J, qui contientI . On obtient une factorisation πI+J = π I+J ◦ πI avec
π I+J qui induit un isomorphisme
∼
(A/I)/((I + J)/I) −→ A/(I + J).
∼ ∼
A/IJ −→ A/(I ∩ J) −→ A/I × A/J.
23
Ecole Normale Supérieure FIMFA
24
Ecole Normale Supérieure FIMFA
9. Plus généralement, un foncteur F : C −→ C 0 entre deux catégories est la donnée d'une application
0
Ob(C) −→ Ob(C ) et d'applications F : C(A, B) −→ C 0 (F A, F B) compatibles à la composition et aux
éléments neutres.
25
Ecole Normale Supérieure FIMFA
1.3.3 Retour sur les A-algèbres. Nous avons déni une A-algèbre comme un anneau B
muni d'un morphisme ψ : A −→ B . On a alors les propriétés suivantes :
B est unA-module. En eet, B est un module sur lui même donc, par restriction
des scalaires àA, devient un A-module. Explicitement l'action de A est donnée par
a · b = ψ(a)b.
0 0 0 0
Pour tout b ∈ B les applications b 7→ bb et b 7→ b b sont A-linéaires.
Le morphisme ψ est donné par ψ(a) = a · 1B .
Réciproquement, partons d'un A-module B muni d'une structure d'anneau d'unité 1B telle
0 0 0 0
que pour tout b ∈ B les applications b 7→ bb et b 7→ b b sont A-linéaires. Alors l'application
a 7→ a · 1B est un morphisme d'anneaux qui fait de B une A-algèbre.
M un A-module et N un sous-A-module
Soit de M. Considérons l'ensemble quotient
M/N de M par la relation d'équivalence
m ∼ m0 ⇔ m − m0 ∈ N
∼
{sous-modules de M/N } −→ {sous-modules de M contenant N}
26
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Comme pour toute notion de quotient, on peut aussi caractériser M/N par une propriété
universelle.
Corollaire.
ψ
Tout morphisme M −→ M 0 admet une factorisation unique
∼
M M/ Ker(ψ) −→ Im(ψ) ,→ M 0 .
∼
(M/N )/(P/N ) −→ M/P.
N + P := {m ∈ M, ∃ n ∈ N, ∃p ∈ P, m = n + p}
ρ : N ,→ N + P (N + P )/P
N/(N ∩ P ) −→ (N + P )/P.
∼
N/(N ∩ P ) −→ (N + P )/P.
Démonstration. Pour l'injectivité, il faut prouver que Ker(ρ) = N ∩ P, ce qui est clair.
Pour la surjectivité, il faut voir que tout élément de (N + P )/P se relève en un élément de
N via la projection N + P (N + P )/P ce qui est aussi immédiat, vu la dénition d'un
quotient.
27
Ecole Normale Supérieure FIMFA
di−2 di−1
i d di+1
· · · −→ Mi−1 −→ Mi −→ Mi+1 −→ · · ·
de morphismes de A-modules. On dit que cette suite est un complexe si on a di+1 ◦ di = 0
pour tout i ∈ Z. On dit que cette suite (ou ce complexe) est exacte si on a Ker(di+1 ) =
Im(di ) pour tout i ∈ N. Par exemple, la suite
ι π
0 −→ N −→ M −→ P −→ 0
est exacte si et seulement si ι est injective, π est surjective, et Ker π
= Im ι. Dans ce cas, ι
identie N à un sous-module de M , et π identie P au quotient de M par ce sous-module.
On parle alors de suite exacte courte.
i) Montrer que le conoyau est universel parmi les paires (P, ψ) constituées d'un A-
module P muni d'un morphisme ψ : N −→ P tel que ψ ◦ ϕ = 0.
On dénit maintenant
( )
M Y
Mi := (mi )i∈I ∈ Mi , mi = 0 pour presque tout i ,
i∈I i∈I
28
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L Q
Remarque. Si I est ni on a
Lr i∈I Mi = i∈I Mi . Lorsque I = {1, · · · , r} on le note
aussi i=1 Mi ou simplement M1 ⊕ · · · ⊕ Mr .
M
ιj : Mj ,→ Mi
i∈I
qui envoie m sur la famille (mi )i∈I telle que mi = 0 pour i 6= j et mj = m. Cette application
est visiblement un morphisme de A-modules.
Ces modules, munis de leurs familles de morphismes, satisfont chacun une propriété
universelle, et ces propriétés sont en quelque sorte duales l'une de l'autre.
Démonstration. Tout cela est très formel. i) Pour l'existence, il sut de poser Ψ(n) :=
(ψi (n))i∈I . Pour l'unicité, si Ψ0 est un autre morphisme, on voit que pour tout n, Ψ(n) −
Ψ0 (n) est annulé par toutes les projections πi , donc est
P nul.
ii) Pour l'existence il sut de poser Ψ((mi )i∈I ) :=
i∈I ψi (mi ), ce qui a un sens puisque
la famille ψi (mi ) est presque nulle (seulement un nombre ni de termes non nuls dans cette
0 0
somme). Pour l'unicité, si Ψ est une autre solution, on voit que Ψ − Ψ s'annule sur l'image
L
ιi (Mi ) de chaque ιi . Or tout élément de
Q i∈I Mi est somme d'éléments de cette forme (ce
n'est pas vrai pour les éléments de i∈I Mi si I est inni).
Remarque. (Produits et coproduits dans les catégories) Supposons donnée une famille (Xi )i∈I
d'objets dans une catégorie C . On appelle produit de cette famille une paire (X, (πi )i∈I ) formée
d'un objet de C et d'une famille de morphismes πi ∈ C(X, Xi ) telle que pour tout objet Y de C ,
l'application
Y
C(Y, X) −→ C(Y, Xi ), ϕ 7→ (πi ◦ ϕ)i∈I
i∈I
est bijective. Si une telle paire existe, elle est unique à isomorphisme unique près : en eet, c'est
un objet initial de la catégorie dont les objets sont les paires (Y, (ψi )i∈I ) avec pour morphismes les
29
Ecole Normale Supérieure FIMFA
M (E) = {m = a1 e1 + · · · + ar er , r ∈ N, ei ∈ E, ai ∈ A}.
Supposons maintenant donnée une famille (Mi )i∈I de sous-modules indexée par un
ensemble I. On note
X
Mi , ou plus simplement M1 + · · · + Mr si I = {1, · · · , r}
i∈I
S
le sous-module de M engendré par la réunion i∈I Mi . Explicitement, il est donné par
X X
Mi = { mi , J ⊂ I ni , mi ∈ Mi }.
i∈I i∈J
L
De manière plus formelle, considérons le morphisme i∈I Mi −→ M associé aux
Ψ :
inclusions ψi : Mi ,→ M fourni par la propriété universelle du coproduit. Alors
X
Mi = Im(Ψ).
i∈I
10. On remarquera qu'à toute catégorie C on peut associer sa catégorie opposée C opp dont les objets
opp
sont les mêmes et les èches données par C (A, B) := C(B, A). Le passage à la catégorie opposée échange
formellement les notions de produits et coproduits.
30
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Définition. On dit que les Mi sont en somme directe si le morphisme Ψ ci-dessus
L ∼ P
est injectif. Il induit alors un isomorphisme i∈I Mi −→ i∈I Mi .
1.3.8 Modules libres. Un cas particulier important de somme directe est celui où
Mi = A pour tout i ∈ I. On note alors
Y M
AI := A et A(I) := A.
i∈I i∈I
Lorsque I est ni, on a bien-sûr A(I) = AI et on utilise plutôt la seconde notation, qui
r ⊕r
est plus simple. Lorsque I = {1, · · · , r} on note aussi simplement A ou A plutôt que
{1,··· ,r} (I)
A . Pour i ∈ I , notons ei l'élément de A dont toutes les composantes sont nulles
sauf celle en i qui vaut 1. Par exemple, si I = {1, · · · , r}, on a ei = (0, · · · , 1, · · · , 0) où le
1 est placé à la i-ème position.
Proposition.
P i) Tout élément de A(I) s'écrit de manière unique sous la forme
ii) Le A-module A(I) possède la propriété universelle suivante : pour tout A-module
M (mi )i∈I d'éléments de M , il existe un unique
et toute famille morphisme de A-
(I)
modules Ψ : A −→ M qui envoie ei sur mi . En d'autres termes, l'application
Ψ 7→ (Ψ(ei ))i∈I est une bijection 11
∼
HomA (A(I) , M ) −→ M I .
31
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Lorque M admet une famille génératrice nie, on dit qu'il est de type ni.
Exemple. Soit A = Z et M = Z.
La famille {2, 3} est génératrice de M, puisque tout n ∈ Z est de la forme 2a + 3b
par Bézout. Mais ce n'est pas une base, puisque 0 = 2 · 3 − 3 · 2.
La famille {2} est libre, mais pas génératrice, donc pas une base.
Les seules bases de M sont {1} et {−1}.
Exemple. Plus généralement, pour M = A, toute famille contenant deux éléments
0
distincts a, a n'est pas libre à cause de la relation a.a0 − a0 .a = 0. Il s'ensuit qu'une famille
libre est un singleton {a} avec a élément régulier de A. De plus un tel singleton est une
base si et seulement si a est inversible.
Définition. UnA-module M est dit libre s'il possède une base. Tout choix de base
(I) ∼
induit alors un isomorphisme A −→ M pour un ensemble I convenable.
Exemple. Quelques modules non libres :
Si I est un idéal propre et non nul de A, alors le A-module M := A/I n'est pas
libre. En fait,M ne possède aucune famille libre, puisque l'action de tout i ∈ I \ {0}
annule M.
Soit A = C[X, Y ] et M = (X, Y ) (idéal engendré par X et Y ). Puisque M ⊂ A,
l'exemple précédent nous dit que les seules familles libres de M sont les singletons
{f (X, Y )} où f (X, Y ) est un polynôme non nul de terme constant nul. Mais on voit
aisément qu'un singleton n'est jamais générateur de M .
Les modules libres partagent quelques propriétés agréables des espaces vectoriels sur
un corps. Par exemple, si M est libre de base (ei )i=1,··· ,n et N est libre
P de base (fj )i=1,··· ,m ,
et ϕ un morphisme de A-module N −→ M , on peut écrire ϕ(fj ) = ni=1 aij ei . On obtient
ainsi une bijection (et même un isomorphisme de A-modules)
∼
HomA (N, M ) −→ Mn,m (A)
avec les matrices n×m à coecients dans A. Lorsque N = M, il s'agit même d'un
isomorphisme d'anneaux.
Il y a cependant des diérences notables. En voici quelques exemples :
Un endomorphisme injectif d'un module libre de rang ni n'est pas nécessairement
surjectif. Exemple : A=Z=M et ϕ l'endomorphisme m 7→ 2m de M.
On ne peut pas nécessairement extraire une base d'une famille génératrice. Exemple
A=Z=M et famille {2, 3}.
32
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Une famille libre ne peut pas nécessairement être complétée en une base. Même
exemple avec comme famille libre {2}.
Un sous-module d'un module libre de rang n n'est pas nécessairement libre, ni
engendré par une famille de cardinal inférieur à n. Exemple A = C[X, Y ], n = 1 et
M = AX + AY .
Une bonne nouvelle tout de même :
Proposition. Soit M un A-module libre de type ni. Alors toutes ses bases sont
nies et ont même cardinal. On l'appelle le rang de M. De plus, le cardinal d'une famille
libre (resp. génératrice) est inférieur (resp. supérieur) au rang de M.
Démonstration. Supposons d'abord que M admette une base nie E = (e1 , · · · , en ) et soit
F = (f1 , · · · , fm ) une famille d'éléments de M . Nous allons montrer que si F est génératrice
alors m > n. Par symétrie il en découlera que si F est une base, alors n = m.
Pour montrer m > n, nous allons nous ramener au cas connu où l'anneau de base est
P
un corps. Ecrivons fj = i,j aij ei . La matrice P = (aij )i,j ∈ Mn×m (A) est la matrice d'un
ψ
morphisme Am −→ An , et F ψ est surjectif. Choisissons
est génératrice si et seulement si
maintenant un idéal maximal m de A et notons π : A −→ A/m le morphisme de passage
au quotient. La matrice (π(aij ))i,j ∈ Mn×m (A/m) est la matrice d'un morphisme ψ :
(A/m)m −→ (A/m)n qui s'inscrit dans un diagramme commutatif
ψ
Am / An
πm πn
ψ
(A/m)m / (A/m)n
n
(rappelons que la commutativité du diagramme signie que π ◦ ψ = ψ ◦ π m ). Puisque π n
n
est surjective, on voit que (ψ surjective) ⇒ (π ◦ ψ surjective) ⇔ (ψ ◦ π m surjective) ⇒ (ψ
surjective. Mais puisque A/m est un corps, on sait que ψ surjective ⇒ m > n.
Montrons maintenant que si m > n, la famille F est liée. Soit r le plus grand entier tel
que P admette un mineur de taille r × r non nul. Si r = 0, tous les fi sont nuls et F est
évidemment liée, donc on supposera r > 1. On a aussi r 6 n < m. Quitte à renuméroter
les familles, nous pouvons supposer que le mineur µ1 := det((aij )16i6r,26j6r+1 ) est non
nul. Pour k = 2, · · · , r + 1, notons alors µk le mineur det((aij )16i6r,16j6r+1,j6=k . Alors pour
Pr+1 k+1
tout i = 1, · · · , n, la somme k=1 (−1) aik µk est un mineur de taille r + 1 de P ou le
déterminant d'une matrice ayant deux lignes égales. Elle est donc nulle. Comme E est une
Pr+1 k+1
base, il s'ensuit que k=1 (−1) µk fk = 0, et comme µ1 6= 0, on voit que la famille F est
liée.
Enn, il reste à nous débarrasser de l'hypothèse initiale que M admet une base nie.
Cette hypothèse n'est pas dans l'énoncé de la proposition, qui suppose simplement que
M ' A(I) pour un ensemble I . Supposons donc I inni, et que M admette par ailleurs
une famille génératrice nie, disons de cardinal m. On doit trouver une contradiction. Pour
cela, soit J ⊂I un ensemble de cardinal n > m. On dispose d'un morphisme canonique
(I) ρ
A −→ AJ qui projette sur les composantes indexées par J . Ce morphisme est surjectif,
33
Ecole Normale Supérieure FIMFA
1.3.9 Limites projectives. Les produits et coproduits sont des cas particuliers d'une
construction plus générale où l'on part d'un ensemble d'indices ordonné (I, 6). Un système
projectif d'ensembles indexé par I (Ei )i∈I d'ensembles munis d'applications
est une famille
fij : Ei −→ Ej pour chaque couple i > j et telles que fjk ◦ fij = fik et fii = idEi . On dénit
la limite projective (ou simplement limite) du système projectif comme le sous-ensemble
Q
suivant du produit i∈I Ei :
( )
Y
lim Ei := (xi )i∈I ∈ Ei , ∀i > j, xj = fij (xi )
←− i∈I
i∈I
Remarque. Plus généralement, un système projectif indexé par I dans une catégorie C est une
famille(Xi )i∈I munie de morphismes fij ∈ C(Xi , Xj ) pour i > j . Une paire (X, (πi )i∈I )) formée
d'un objet X de C et d'une famille de morphismes πi ∈ C(X, Xi ) est appelée limite (projective)
du système (Xi )i∈I si pour tout objet Y l'application f 7→ (πi ◦ f )i∈I induit une bijection
∼
C(Y, X) −→ lim C(Y, Xi ),
←− i∈I
où le membre de droite est la limite du système projectif d'ensembles (C(Y, Xi ))i∈I dont les
applications de transition sont données par ϕi 7→ fij ◦ ϕi : C(Y, Xi ) −→ C(Y, Xj ). Une telle paire,
si elle existe, est unique à isomorphisme unique près.
34
Ecole Normale Supérieure FIMFA
les applications de transition sont les projections fnm : Z/pn Z −→ Z/pm Z pour m 6 n.
La limite projective
Zp := lim Z/pn Z
←− n∈N
est appelée anneau des entiers p-adiques et a une importance fondamentale en théorie
des nombres. Notons ι : Z −→ Zp le morphisme d'anneaux canonique, qui est donné
n n
explicitement par ι(a) = (a mod p )n∈N . Notons aussi πn : Zp −→ Z/p Z la projection sur
n
le facteur Z/p Z et posons ν(a) := Max{n ∈ N, πn (a) = 0} qui est bien déni dès que
a 6= 0. Voici d'abord quelques propriétés algébriques de Zp .
Proposition. i) On a Ker(πn ) = {a ∈ Zp , ν(a) > n} = ι(p)n Zp .
ii) Le morphisme ι est injectif et induit par passage aux quotients des isomorphismes
∼
Z/pn Z −→ Zp /ι(p)n Zp pour tout n.
× n
iii) Zp est intègre et Zp = {a ∈ Zp , ν(a) = 0}. Ses idéaux sont les ι(p) Zp , n ∈ N. En
14
particulier, Zp est principal et possède un unique idéal maximal, à savoir ι(p)Zp .
n
Démonstration. i) La première égalité est claire. Puisque πn (ι(p) ) = 0, on a évidemment
n
l'inclusion Ker(πn ) ⊃ ι(p) Zp . Pour l'autre inclusion, considérons un élément a = (ām )m∈N
m n
dans le noyau Ker(πn ) (ici am ∈ Z et ām = am (modp )). Alors p divise an et donc divise
n
chaque an+m pour m > 0. Poson bm := am+n /p , alors la famille b = (b̄m )m∈N est un
n
élément de Zp tel que p b = a.
n
ii) Soit a ∈ Z. Son image ι(a) = (a(modp ))n∈N dans Zp est nulle si et seulement si
pn divise a pour tout n, donc si et seulement si a = 0. Ainsi ι : Z −→ Zp est injectif.
n ῑ n π̄n n
Considérons la composée Z/p Z −→ Zp /ι(p) Zp −→ Z/p Z dans laquelle ῑ et π̄n sont
induites par ι et πn par passage au quotient. Cette composée doit être l'identité car c'est le
seul endomorphisme d'anneau de Z/nZ, et on vient de voir que πn est injective. Il s'ensuit
que ces deux morphismes sont des isomorphismes réciproques.
iii) Donnons-nous deux éléments a = (ān )n∈N et b = (b̄n )n∈N . Supposons a non nul. Il
existe donc unn tel que pn ne divise pas an , et par conséquent ne divise pas non plus am
m
pour tout m > n. Supposons maintenant ab = 0. Alors pour tout m on a p |am bm . Par
m−n
notre choix de n, il s'ensuit que p divise bm pour tout m > n. Fixons alors m > n. On
m m m
a p |bm+n et bm+n ≡ bm [p ], donc p |bm et b̄m = 0. Ceci s'applique pour tout m > n donc
b = 0, et Zp est bien intègre.
× ×
Si a ∈ Zp , on doit avoir π1 (a) ∈ (Z/pZ) , donc ν(a) = 0. Réciproquement, soit
a = (ān )n∈N tel que ν(a) = 0. Cela signie que p ne divise pas a1 et donc ne divise aucun
an . Il existe donc des entiers un , vn tels que un an + pn vn = 1. Pour m > n, on a alors
pn |(um am − un an ). Comme on a aussi pn |(am − an ), il suit pn |(um an − un an ) = (um − un )an ,
n
puis p |(um − un ). Ainsi la suite (ūn )n∈N dénit un élément u de Zp , et puisque ūn ān = 1
n
dans Z/p Z pour tout n, on a bien au = 1.
Soit I un idéal non nul de Zp , et soit ν(I) := Min{ν(a), a ∈ I}. D'après le i), on a
p |a pour tout a ∈ I , c'est-à-dire I ⊂ pν(I) Zp . De plus, soit a ∈ I tel que ν(a) = ν(I).
ν(I)
35
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Exercice. Montrer que la multiplication par ι(p)n induit des isomorphismes de mo-
∼ n n+1
dules Zp /ι(p)Zp −→ ι(p) Zp /ι(p) Zp .
On oubliera dorénavant souvent le ι dans les notations et on identiera Z à un sous-
anneau de Zp . Nous munissons maintenant Zp de la topologie produit en considèrant chaque
Z/pn Z comme un anneau topologique discret. Voici quelques propriétés topologiques de Zp .
15
Proposition. i) Zp est un anneau compact et totalement discontinu , dont
la topologie est engendrée par les ouverts de la forme
36
Ecole Normale Supérieure FIMFA
n
(ou plutôt pour être précis) tend vers a puisque ι(an ) − a ∈ Ker(πn ) = p Zp , et
ι(an )n∈N
n
la suite décroissantes d'ouverts a + p Zp est une base de voisinages de a dans Zp .
n
P
iii) Remarquons d'abord qu'une série de la forme n an p avec an ∈ Z a toujours une
unique limite dans Zp puisque ses sommes partielles forment une suite de Cauchy.
m
P
Soit a ∈ Zp et (αn )n∈N ∈ N une suite telle que a = (ᾱn )n∈N . Soit αn = m am (αn )p
N
bI := lim A/I n
A
←− n
est appelée complété I -adique de A. Le morphisme A −→ A bI (donné par la propriété universelle
de la limite projective) fait de A
bI le séparé-complété de A pour la topologie engendrée par les
n
ensembles de la forme a + I , a ∈ A, n ∈ N.
Exemple. Considérons l'ensemble I des parties non vides de {1, 2} ordonné par conte-
nance. Un système projectif d'ensembles indexé par I est donc la donnée d'un diagramme
E1
f1
f2
E2 / E1,2
37
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Remarque. La notion de limite admet encore une généralisation naturelle où l'on remplace
(I, 6) par une petite catégorie I (i.e. dont les objets forment un ensemble I ), et on remplace
la notion de système projectif indexé par (I, 6) par celle de diagramme indexé par I qui par
dénition est simplement un foncteur X : I −→ C , et qui n'est nalement qu'une famille (X (i))i∈I
X (f )
d'objets munie d'une famille de morphismes X (i) −→ X (j) pour chaque f ∈ I(i, j) satisfaisant
X (f ◦ g) = X (f ) ◦ X (g) et X (idi ) = idX (i) . Lorsque C est la catégorie des ensembles, on dénit la
limite d'un diagramme par
( )
Y
lim(X ) := (xi )i∈I ∈ Xi , ∀i, j ∈ I, ∀f ∈ C(Xi , Xj ), f (xi ) = xj
←−
i∈I
Puis, pour une catégorie C quelconque, on dénit une limite d'un diagramme à valeurs dans
C comme une paire (X, (πi ∈ C(X, X (i)))i∈I ) telle que l'application ϕ 7→ (πi ◦ ϕ)i∈I soit une
∼
bijection C(Y, X) −→ lim(C(Y, X )) pour tout Y , où C(Y, X ) désigne le diagramme d'ensembles
←−
φ 7→ X (f ) ◦ φ
i 7→ C(Y, X (i)), f ∈ I(i, j) 7→ [C(Y, X (i)) −→ C(Y, X (j))].
Beaucoup de constructions sont des cas particuliers de limites en ce sens étendu.
∼
C(X, Y ) −→ lim C(Xi , Y ),
←− i∈I
où le membre de droite est la limite du système projectif (C(Xi , Y ))i∈I dont les applications
de transition sont données par ϕi →
7 ϕi ◦ fji : C(Xi , Y ) −→ C(Xj , Y ) pour i > j .
Exemple. Tout système inductif d'ensembles admet une limite inductive, donnée par
l'ensemble quotient suivant (exercice)
a
lim Ei := Ei / ∼
−→ i∈I
i∈I
38
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Remarque. Remarquons que si les Mi sont des sous-modules d'un module M tels que
i 6 j ⇒ Mi ⊂ Mj alors le système inductif obtenu (avec applications de transition données
P
par les inclusions) a pour limite la somme i∈I Mi calculée dans M . Ainsi, lorsqu'on a
plus généralement un système inductif à transitions injectives de modules qui ne sont pas
nécessairement contenus dans un module ambiant, on peut penser à la limite inductive
comme une manière externe de faire exister cette somme. C'est selon ce principe qu'on
construira les clôtures algébriques plus tard.
1.3.11 Modules et anneaux noethériens. Les modules de type ni ont les propriétés
suivantes :
M de type ni et N ⊂ M ⇒ M/N de type ni (exercice).
N de type ni et M/N de type ni ⇒ M de type ni. En eet, si N est engendré
par m1 , · · · mr ∈ M et si M/N est engendré par des éléments mr+1 , · · · , mr+s (avec
mr+1 , · · · , mr+s ∈ M ), alors M est engendré par m1 , · · · mr+s (exercice).
Par contre, un sous-module d'un module de type ni n'est pas nécessairement de type ni !
Voici deux exemples :
39
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ii) toute suite croissante de sous-A-modules devient stationnaire à partir d'un certain
rang.
iii) tout ensemble non vide de sous-A-module de M admet un élément maximal pour
l'inclusion.
Démonstration.
S i) ⇒ ii). Soit (Mn )n∈N une suite croissante de sous-modules. Alors la
réunion M = n∈N Mn est aussi un sous-module (le vérier !). Sous la propriété i), il est
engendré par une famille nie d'éléments, laquelle est contenue dans un Mn pour n assez
grand. Il s'ensuit que M = Mn et que MN = Mn pour tout N > n.
ii) ⇒ iii). Montrons la contraposée. Supposons qu'il existe un ensemble de sous-A-
modules de M sans élément maximal. On peut alors construire par récurrence une suite
strictement croissante, et donc qui ne devient jamais stationnaire.
iii) ⇒ i). Soit M 0 un sous-module de M . Considérons l'ensemble des sous-modules de
0
type ni de M , qui est non vide puisqu'il contient {0}. Sous la propriété iii), il admet un
0 0 0
élément maximal N . Soit alors m un élément quelconque de M . Le sous-module N + (m )
0 0
de M est de type ni, donc contenu dans N par maximalité de ce dernier. Donc m ∈ N
0
et M = N est de type ni.
iii) Sur un anneau noethérien, tout module de type ni est noethérien.
ϕ
iv) Soit B −→ A un morphisme d'anneaux. Si M est de type ni, resp. noethérien, en
tant que B -module, alors il l'est aussi en tant que A-module.
40
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ni. Il s'ensuit que P est lui-même de type ni : si P ∩N est engendré par p1 , · · · , pr et
P/(N ∩ P ) est engendré par pr+1 , · · · , ps , alors P est engendré par p1 , · · · , ps où pr+1 , · · · ps
sont des relèvements quelconques de pr+1 , · · · , ps dans P .
ii) c'est un cas particulier de i) lorsque il y a 2 facteurs puisque, si M = M1 ⊕ M2 , la
∼
projection sur M2 induit un isomorphisme M/M1 −→ M2 . On passe à n facteurs par une
récurrence immédiate.
iii) Supposons que M est engendré par m1 , · · · , mr . À cette famille correspond un
r
morphisme surjectif A −→ M (qui envoie ei sur mi ). Ainsi M est un quotient de Ar qui,
par le point ii), est noethérien, donc M est noethérien par le point i).
iv) Pour de type ni, il sut de remarquer que toute famille génératrice pour B l'est
a fortiori pour A. Pour noethérien, il sut de remarquer que toute suite croissante de
sous-A-modules de M est aussi une suite croissante de sous-B -modules.
Une vertu des anneaux noethériens est qu'ils possèdent susamment d'éléments irré-
ducibles (contrairement à l'anneau Z qui n'en possède aucun, par exemple).
Théorème. Soit A un anneau intègre et noethérien. Tout élément non nul et non
inversible est produit d'éléments irréductibles.
Démonstration. Considérons l'ensemble I de tous les idéaux principaux (a) engendrés par
un élément non nul et non inversible qui n'est pas produit d'éléments irréductible. Si cet
ensemble I est non vide, il possède un élément maximal (a) car A est supposé noethérien.
Puisque a n'est pas irréducible, on peut l'écrire a = bc avec b, c non inversibles. Alors (b) et
(c) contiennent strictement (a). En eet, si on avait par exemple (b) = (a), ie b = ad pour
un d ∈ A, on aurait a = acd et donc cd = 1 (A est intègre), contredisant la non-inversibilité
de c. Maintenant, puisque a n'est pas produit d'irréductibles, il en va de même pour b ou
pour c, mais cela contredit le choix de (a) comme élément maximal de I .
Remarque. Il n'est peut-être pas inutile d'expliciter le lien entre éléments irréductibles
et idéaux principaux dans un anneau intègre. Remarquons d'abord qu'un élément a∈A
(a) est maximal parmi les idéaux propres
est irréductible si et seulement si l'idéal principal
principaux de A. En eet, supposons a = bc avec b non inversible. Alors (b) est un idéal
principal propre contenant (a), et on voit que (b) = (a) si et seulement si c est inversible
(remarquer que b = ad ⇒ a = acd ⇒ 1 = cd car A est supposé intègre). En fait,
l'application a 7→ (a) induit, dans tout anneau intègre, une bijection
41
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Démonstration. Supposons qu'une telle multiplication existe. Alors par A-linéarité on doit
avoir X
(aν )ν∈N · (bν )ν∈N = (cν )ν∈N avec cν = aµ b ρ ,
µ+ρ=ν
∼
HomA−alg (A[N ], B) −→ Hommono (N , (B, ·)).
42
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Les exemples qui nous intéressent dans ce cours sont développés ci-dessous. Auparavant,
voici un exemple parlant pour ceux qui connaissent les représentations de groupes.
Exemple. Supposons que N est un groupe, que nous noterons G pour des raisons
psychologiques, et considérons la C-algèbre C[G] du groupe G. On se rappelle qu'un module
sur C[G] est un groupe abélien V muni d'un morphisme d'anneaux C[G] −→ EndZ(V ). C'est
donc aussi un C-espace vectoriel V muni d'un morphisme de C-algèbres C[G] −→ EndC(V ).
Par la propriété universelle, se donner un tel morphisme revient à se donner un morphisme
de groupes G −→ AutC (V ) = GL(V ), c'est-à-dire une représentation complexe de G. Ainsi
la catégorie des représentations de G n'est autre que celle des C[G]-modules.
Définition. La A-algèbre A[N] se note A[X] et est appelée A-algèbre des polynômes
en l'indéterminée X A. Ses éléments sont appelés polynômes (en l'indéterminée X ) à
sur
coecients dans A.
La A-algèbre des polynômes A[X] munie de son élément X est caractérisée par la
propriété universelle suivante :
∼
HomA−alg (A[X], B) −→ B.
43
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ρ
Démonstration. En eet, si A −→ EndZ (M ) est le morphisme d'anneau qui dénit la
structure de A-module sur M , alors d'après la proposition précédente, il existe un unique
ρ̃
morphisme de A-algèbres A[X] −→ EndZ (M ) qui prolonge ρ et envoie X sur χ. Celui-ci
dénit la structure de A[X]-module annoncée.
La propriété universelle de A[X] et celle des quotients impliquent une propriété univer-
selle pour une A-algèbre de la forme A[X]/(f ) où f ∈ A[X].
On peut grossièrement paraphraser cet énoncé en disant que se donner un morphisme
de A-algèbres A[X]/(f ) −→ B revient à se donner une racine de f dans B .
Démonstration. Tout d'abord, l'application de l'énoncé est bien dénie car f (ϕ(X̄)) =
ϕ(f (X̄)) = ϕ(f (X)) = ϕ(f ) = ϕ(0) = 0.
Construisons maintenant la bijection réciproque. Partons de b ∈ B tel que f (b) = 0.
La proposition précédente nous fournit un unique morphisme ϕ̃ : A[X] −→ B tel que
ϕ̃(X) = b. On a alors ϕ̃(f ) = f (b) = 0, donc f ∈ Ker(ϕ̃) et la propriété universelle
des quotients nous dit que ϕ̃ se factorise par un morphisme ϕ : A[X]/(f ) −→ B tel que
ϕ(X̄) = ϕ̃(X) = b.
Par construction, ces deux applications sont inverses l'une de l'autre.
Démonstration. Puisque ϕ(I) = 0, l'idéal IA[X] de A[X] est contenu dans Ker(ϕ) et donc
ϕ passe bien au quotient pour donnerϕ̄ comme dans l'énoncé. Dans l'autre sens, partons
du morphisme A −→ A[X] et composons-le avec la projection A[X] −→ A[X]/IA[X].
Le morphisme ψ obtenu est nul sur I donc se factorise par un morphisme de A-algèbres
ψ̄ : A/I −→ A[X]/IA[X]. La propriété universelle de A/I[X] nous fournit alors un unique
morphisme ψ̃ : A/I[X] −→ A[X]/IA[X]. La composée ϕ̄ ◦ ψ̃ est l'unique endomorphisme
de la A/I -algèbre A/I[X] qui envoie X sur X , donc c'est l'identité. De même pour l'autre
composée, de sorte que les morphismes ϕ̄ et ψ̃ sont inverses l'un de l'autre.
44
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1.4.3 Transfert de propriétés. Nous allons voir que certaines propriétés d'un anneau A
se transfèrent à l'anneau A[X]. Rappelons d'abord quelques dénitions.
Définition. f = n an X n un polynôme non nul.
P
Soit
Remarque. Pour que l'égalité sur le degré d'un produit soit vraie sans restriction sur
les facteurs, on déclarera que le degré du polynôme nul est −∞, et que ce symbole vérie
les relations d'ordre −∞ < 0 et d'addition ∀n ∈ N, −∞ + n = −∞.
Exercice. Donner un exemple de polynômes où deg(f g) < deg(f ) + deg(g).
Corollaire. Si A est intègre, alors A[X] est intègre aussi, et A[X]× = A× .
Démonstration. L'égalité deg(f g) = deg(f ) + deg(g) implique que f, g 6= 0 ⇒ f g 6= 0,
ie que A[X] est intègre. Enn, si f g = 1 et puisque deg(1) = 0, on doit avoir deg(f ) =
deg(g) = 0, donc f, g ∈ A et nalement f, g ∈ A× .
A[X]× peut être strictement plus gros que A× . Soit A = Z/p2 Z.
Exemple. Parfois
Alors le polynôme 1 + pX est inversible dans A[X], d'inverse 1 − pX . En eet, on a
(1 + pX)(1 − pX) = 1 − p2 X = 1.
Proposition. (Division euclidienne) Soit f ∈ A[X]
un polynôme unitaire (et donc
2
non nul). Alors pour tout g ∈ A[X] non nul, il existe un unique couple (q, r) ∈ A[X] tel
que deg(r) < deg(f ) et g = qf + r
Démonstration. Existence. On procède par récurrence sur δ := deg(g) − deg(f ). Notons
que si δ < 0, on peut prendre q = 0 et r = g . D'un autre côté, si δ > 0, on peut
0 δ
considérer g := g − bdeg(g) X f , où bdeg(g) est le coecient dominant de g . Alors clairement
δ 0 = deg(g 0 ) − deg(f ) < δ , et par récurrence il existe q 0 , r0 tels que g 0 = q 0 f + r0 . On a donc
g = (q 0 + bdeg(g) X δ )f + r0 comme voulu.
0 0 0 0 0
Unicité. Si qf + r = q f + r , on a (q − q )f = r − r . Supposons que r 6= r . Alors on
0 0 0
a deg(r − r) < deg(f ) et deg(qf − qf ) = deg(q − q ) + deg(f ) car f est unitaire, ce qui
0 0 0
est impossible. On a donc r = r , puis qf = qf et enn q = q car f n'est pas diviseur de
zero, étant unitaire.
45
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Démonstration. Soit I un idéal de A[X]. On veut montrer qu'il est de type ni. Comme
principe général, on peut remarquer que, par 1.3.7, il sut de montrer que I/J est un idéal
de type ni dans A[X]/J où J ⊂I est un sous-idéal de type ni de notre choix.
En particulier, lorsque I contient un polynôme unitaire f , on peut prendre J = (f ). Le
corollaire précédent nous dit que A[X]/J est un A-module de type ni, donc noethérien,
et I/J est donc de type ni sur A et a fortiori sur A[X].
Néanmoins, I peut ne contenir aucun polynôme unitaire. Dans ce cas, considérons
l'ensemble K ⊂ A de tous les coecients dominants de polynômes f ∈ I . Il s'agit clairement
d'un idéal de A (le vérier), et donc il est engendré sur A (qui est noethérien) par des
éléments a1 , · · · , ar . Choisissons pour chaque i = 1, · · · , r un polynôme fi ∈ I dont le
coecient dominant est ai , et notons J ⊂ I l'idéal de A[X] engendré par f1 , · · · , fr . Nous
allons montrer que l'image I/J de I dans A[X]/J est un A-module de type ni, ce qui
sut à conclure d'après le premier paragraphe.
Pour cela, soit d = max{deg(f1 ), · · · , deg(fr )}. Il sut de montrer que
46
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Pour simplier les notations, il est d'usage de noter X ν := X1ν1 · · · Xnνn , et donc f =
ν
P
ν∈Nn aν X . La multiplication est alors donnée par
! ! !
X X X X
aν X ν · bν X ν = aµ b ρ Xν
ν∈Nn ν∈Nn ν µ+ρ=ν
Ainsi les monômes forment une base de A[X1 , · · · , Xn ] et tout polynôme est combinaison
ν
A-linéaire de monômes. Le degré total du monôme P X ν est par dénition l'entier |ν| =
ν1 + · · · + νn . Le degré total d'un polynôme f = ν aν X est le plus grand des degrés des
ν
monômes X tels que aν 6= 0.
n
La propriété universelle satisfaite par A[N ] s'exprime plus aisément en termes des Xi :
∼
HomA−alg (A[X1 , · · · , Xn ]/(f1 , · · · , fr ), B) −→ {(b1 , · · · , bn ) ∈ B n , fi (b1 , · · · , bn ) = 0, ∀i} .
47
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∼
Corollaire. Il y a un unique isomorphisme de A-algèbres A[X1 , · · · , Xn ] −→
A[X1 , · · · , Xn−1 ][Xn ] tel que Xi 7→ Xi .
Démonstration. Il sut de montrer que la A-algèbre A[X1 , · · · , Xn−1 ][Xn ] satisfait la même
propriété universelle que A[X1 , · · · , Xn ]. Soit donc B une A-algèbre munie de n éléments
b1 , · · · , bn . La propriété universelle de A[X1 , · · · , Xn−1 ] nous fournit un morphisme de A-
algèbres A[X1 , · · · , Xn−1 ] dans B qui envoie Xi sur bi pour i = 1, · · · , n − 1. Cela fait
de B une A[X1 , · · · , Xn−1 ]-algèbre. Ensuite, la propriété universelle des polynômes en une
indéterminée nous fournit un morphisme de A[X1 , · · · , Xn−1 ]-algèbres
qui envoie Xn sur bn . Ainsi, ϕ est aussi un morphisme de A-algèbres qui envoie Xi sur bi
0
pour tout i. Montrons qu'un tel morphisme est unique. Si ϕ est un autre tel morphisme,
0 0
on a ϕ|A[X1 ,··· ,Xn−1 ] = ϕ|A[X ,··· ,X par pté universelle de A[X1 , · · · , Xn−1 ], puis ϕ = ϕ par
1 n−1 ]
pté universelle des polynômes en une variable.
Démonstration. Grâce au corollaire précédent on est ramené par récurrence au cas d'1
indéterminée que nous avons déjà traité.
Remarque. Dans C[X, Y ], l'idéal (X, Y )n est engendré par les monômes X k Y n−k ,
k = 0, · · · , n. Par un argument de degré, on voit que tout système de générateurs de cet
idéal devra contenir une base de l'espace des polynômes homogènes de degré n, et donc
n+1 est le cardinal minimal d'un tel système. Ceci montre que dans un anneau noethérien,
le nombre d'éléments nécessaires pour engendrer un idéal peut être arbitrairement grand.
48
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∼
Cn −→ HomC−alg (O(Cn ), C), z 7→ (f 7→ f (z))
qui permet de voir tout point de l'espace Cn comme un morphisme d'évaluation sur
l'algèbre des fonctions sur cet espace.
n
Plus généralement, soit V ⊂ C un sous-ensemble algébrique de Cn et F(V ) la C-
algèbre de toutes les fonctions V −→ C. Une telle fonction est dite polynomiale si c'est
la restriction d'une fonction polynomiale sur Cn . L'application de restriction des fonctions
fournit donc un morphisme surjectif
49
Ecole Normale Supérieure FIMFA
∼
HomA−alg (A[X, X −1 ], B) −→ B × .
On peut paraphraser en disant que se donner un morphisme A[X, X −1 ] −→ B revient
à se donner un élément inversible de B, à savoir l'image de X.
Proposition. Si A est intègre, resp. noethérien, alors A[X, X −1 ] est intègre, resp.
noethérien.
Démonstration. Supposons A intègre. L'anneau des polynômes ordinaires A[X] est contenu
−1
dans A[X, X ] et on sait qu'il est intègre. Soient alors f, g ∈ A[X, X −1 ] tels que f g = 0. Il
n n n n
existe un entier n ∈ N tel que f X ∈ A[X] et gX ∈ A[X]. Alors l'égalité (f X )(gX ) = 0
n n
qui a lieu dans A[X] implique que f X = 0 ou gX = 0. Puisque X est inversible dans
A[X, X −1 ] on a f = 0 ou g = 0. Il s'ensuit que A[X, X −1 ] est intègre.
−1
Supposons maintenant A noethérien. Nous allons présenter A[X, X ] comme un quo-
tient d'un anneau que l'on sait être noethérien. Pour cela considérons l'unique morphisme
A[X, Y ] −→ A[X, X −1 ] qui envoie X sur X et Y sur X −1 (donné par la pté universelle).
n n n −n
Il envoie aussi X sur X et Y sur X et on voit ainsi qu'il est surjectif, puisque son
−1
image contient une base de A[X, X ]. On a vu que A[X, Y ] est noethérien, on en déduit
−1
que A[X, X ] l'est aussi.
Exercice. Montrer que le noyau du morphisme A[X, Y ] −→ A[X, X −1 ] qui envoie X
−1
sur X et Y sur X est l'idéal engendré par XY − 1, de sorte que
50
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Remarque. Il n'est pas vrai en général que A intègre implique A[N ] intègre. Par
2
exemple pour N = Z/2Z, on a A[Z/2Z] ' A[X]/(X −1) (exercice) dans lequel (X −1)(X +
1) = 0 mais X −1 et X +1 sont non nuls. Quant à la propriété A noethérien implique A[N ]
noethérien, l'exemple des polynômes à une innité de variables A[N ] = A[X1 , X2 , · · · ]
N
montre qu'elle n'est pas toujours vraie. Elle est néanmoins vraie si le monoïde N est
engendré par un nombre ni d'éléments (exercice).
1.5.1 Généralités sur les anneaux factoriels. Soit A un anneau intègre. Rappelons
quelques dénitions et propriétés déjà rencontrées :
un élément p ∈ A non nul et non inversible est dit irréductible si pour tous a, b ∈ A,
(p = ab) ⇒ (a ∈ A× ou b ∈ A× ).
0
deux éléments irréductibles p, p ∈ A sont dits équivalents (ou associés) s'il existe
× 0 0
un inversible u ∈ A tel que p = up, ce qui équivaut à l'égalité d'idéaux (p) = (p )
(on utilise l'intégrité de A ici).
un élément x ∈ A non nul et non inversible est irréductible si et seulement si l'idéal
(x) est maximal parmi les idéaux principaux propres.
si l'idéal (x) est premier, alors x est irréductible.
Ceci étant, rappelons la dénition suivante.
Définition. L'anneau intègre A est dit factoriel (en anglais : Unique Factorisation
Domain ou UFD) lorsqu'il satisfait les deux propriétés suivantes :
(Ex) : tout élément x∈A non nul et non inversible est produit x = p 1 · · · pr d'éléments
irréductibles.
0 0
(Un) : deux factorisations x = p1 · · · pr = p1 · · · pr0 comme dans (Ex) sont équivalentes au
0 0
sens où r = r et il existe une permutation σ de {1, · · · , r} telle que pi et pσ(i) soient
0
équivalents (ie (pi ) = (pσ(i) )).
On a vu que les anneaux noethériens satisfont (Ex), mais il y a aussi des anneaux
51
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si on écrit chaque pi sous la forme pi = X̄fi (X̄) + gi (Ȳ ), alors on constate que l'un des gi doit
être nul. Mais alors l'égalité (1 + Ȳ )pi = pi montre à nouveau que pi n'est pas irréductible.
Lemme. Soit A un anneau intègre satisfaisant (Ex). Alors les assertions suivantes
sont équivalentes :
i) A satisfait (Un)
Démonstration. iii) ⇒ ii) est tautologique puisque le lemme d'Euclide est un cas particu-
lier du lemme de Gauss.
Montrons ii) ⇒ i).
Plus précisément, montrons par récurrence sur r qu'une égalité de
0 0 0
produits d'irréductibles p1 · · · pr = p1 · · · pr 0 implique r = r et l'existence d'une permuta-
0
tion σ de {1, · · · , r} telle que (pi ) = (pσ(i) ). Traitons d'abord le cas r = 1. Dans ce cas,
0 0
le lemme d'Euclide nous dit que p1 divise l'un des pi , disons p1 quitte à permuter. Mais
0 0 0 × 0
alors, si r > 1 on a p2 · · · pr 0 ∈ A , ce qui est absurde. Donc r = 1. Supposons mainte-
0
nant r > 1. Comme précédemment, pr divise l'un des pi et on peut supposer qu'il divise
p0r0 quitte à permuter. On a donc p0r = u.pr pour un inversible u ∈ A× et on se retrouve
0 0 0
avec une égalité p1 · · · pr−1 = p1 · · · pr 0 −2 (pr 0 −1 u) justiciable de l'hypothèse de récurrence.
0 0
Celle-ci arme donc r = r et fournit une permutation σ d'où l'on déduit la permutation
0
cherchée σ en tenant compte de la première permutation eectuée pour avoir pr |pr 0 .
Montrons i) ⇒ iii). Choisissons une factorisation b = p1 · · · ps , puis une factori-
sation c = ps+1 · · · pr . Alors la propriété (Un) implique
Q qu'il existe un sous-ensemble
×
I ⊂ {1, · · · , r} et une unité u ∈ A tels que a = u i∈I pi . Puisque a et b sont sans
facteur commun, on a I ∩ {1, · · · , s} = ∅, et donc I ⊂ {s + 1, · · · , r}, et nalement a|c.
Enn, ii) et iv) sont tautologiquement équivalents. En eet, dire que (p) est premier
signie ab ∈ (p) ⇒ (a ∈ (p) ou b ∈ (p)). Or, pour tout x ∈ A on a x ∈ (p) ⇔ p|x.
1.5.2 Valuations.
i) Pour tout élément non nul a∈A l'ensemble E des n∈N tel que pn |a est ni.
ii) Le plus grand élément νp (a) de E est l'unique entier n pour lequel on peut écrire
a = pn a0 avec a0 non divisible par p.
iii) On a : (p) premier ⇔ ∀a, b ∈ A \ {0}, νp (ab) = νp (a) + νp (b).
Démonstration. i) Supposons que l'ensemble considéré E ne soit pas borné, c'est à dire
n n
que ∀n ∈ N on a p |a. Ecrivons alors a = p an et remarquons que puisque A est intègre,
m n m−n
on a pour m > n, p am = p an donc p am = an et am divise an . Comme an ne divise
pas am , il s'ensuit que la suite d'idéaux (an ), n ∈ N est strictement croissante, contredisant
la noethériannité de A.
52
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ii) Puisque p p
ν (a)
|a on peut factoriser a = pνp (a) a0 et, par maximalité de νp (a), p ne
0 n 00 00
divise pas a . Supposons qu'on ait une autre factorisation a = p a avec a non divisible
νp (a)−n 0
par p. Alors par dénition n 6 νp (a). Comme A est intègre on obtient p a = a00 et
0 00
donc νp (a) − n = 0, ainsi que a = a .
ν (a) 0
iii) Supposons (p) premier, et xons a, b 6= 0. Ecrivons a = p p a et b = pνp (b) b0 . On a
νp (a)+νp (b) 0 0 0 0 0 0
donc ab = p a b . Mais puisque p ne divise ni a ni b , i.e. a , b ∈/ (p), on a a0 b0 ∈ / (p)
0 0
(puisque (p) est premier), et donc p ne divise pas a b . Le ii) implique alors l'égalité voulue
νp (a) + νp (b) = νp (ab).
Réciproquement, supposons cette égalité vraie pour tous a, b non nuls. Alors ab ∈ (p) ⇔
p|ab ⇒ νp (ab) > 0 ⇒ (νp (a) > 0 ou νp (b) > 0) ⇒ (p|a ou p|b) ⇔ (a ∈ (p) ou b ∈ (p)). Donc
(p) est premier.
Si a est inversible, on a donc νp (a) = 0 pour tout p. Il est d'usage de prolonger cette
dénition en posant νp (0) = ∞.
Remarque. On trouve aussi la notation ordp (a), pour ordre de a en p. Celle-ci
vient de l'interprétation géométrique suivante : dans C[X] vu comme espace des fonctions
polynomiales sur C, et pour tout z ∈ C, le polynôme X − z est évidemment irréductible
et l'entier νX−z (f ) = ordX−z (f ) est l'ordre d'annulation de la fonction f en z .
53
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Remarque. Dans un anneau intègre noethérien non factoriel, toutes ces propriétés
√
peuvent être mises en défaut. Prenons l'exemple de
√ √ Z[ −5]
et de la factorisation 2 × 3 =
√ √
(1 + −5)(1 − −5). On peut montrer (exercice ou voir TD) que 2, 3, 1 + −5 et 1 − −5
sont des éléments irréductibles 2 à 2 non équivalents. Il s'ensuit que :
√ √
en prenant p = 2, a = 1 +
√ −5 et b = 1 − −5 on a un contre-exemple à la pté i).
en prenant a = 2(1 + −5) et b = 6 on a un contre-exemple à l'implication ⇐ de
ii).
√ √
En prenant p = 2, a = 6 et la factorisation 6 = (1 + −5)(1 − −5) on obtient un
contre-exemple à iii)
√
pνp (a)
Q
En prenant a = 6, le produit p∈P est divisible par 2 × 3 × (1 + −5)(1 −
√
−5) = 36 donc pas de la forme annoncée dans le iv).
17. on verra plus loin un exemple pas si exotique d'anneau noethérien où cette nitude n'est pas vériée
54
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55
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1.5.4 Anneaux principaux et euclidiens. Un anneau A est dit principal s'il est intègre
et si tous ses idéaux sont principaux. Un tel anneau est donc en particulier noethérien.
Les exemples les plus célèbres sont Z et K[X], et plus généralement les anneaux euclidiens
(voir plus loin).
i) A est factoriel.
Définition. Un anneau intègre A est dit euclidien s'il admet une fonction N :
A \ {0} −→ N vériant la propriété suivante : pour tous a, b non nuls, il existe q, r ∈ A
tels que b = qa + r et (N (r) < N (a) ou r = 0).
Théorème. Soit A un anneau euclidien. Tout idéal I non nul est engendré par tout
élément a ∈ I \ {0} tel que N (a) soit minimal. En particulier, A est principal.
Exemple. Soit A = Z[i]. Alors la fonction z√7→ N (z) := z z̄ en fait un anneau euclidien,
donc principal (cf TD). De même pour A = Z[ −2] et pour Z[j].
56
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√
Exercice. On va montrer que l'anneau d'entiers A = Z[ 1+ 2−19 ] est principal, mais
pas euclidien.
i) Montrer que dans un anneau euclidien, il existe un élément non inversible x tel que
tout élément non nul du corps A/(x) est image d'un inversible de A.
×
ii) Montrer que A = {±1} mais que A n'a aucun morphisme d'anneaux surjectif vers
F2 et F3 . A n'est pas euclidien.
En conclure que
iii) Montrer que pour a, b ∈ A \ {0}, il existe (q, r) tels que (r = 0 ou N (r) < N (a)) et
(b = qr + a ou 2b = qr + a). Puis montrer qu'un idéal I de A est engendré par un
élément a ∈ I de norme minimale.
Notre prochain but est de prouver le théorème de transfert de Gauss qui arme que si
A est factoriel alors A[X] l'est aussi. Nous aurons besoin de la notion de corps des fractions
d'un anneau intègre.
+: S −1 A × S −1 A → S −1 A
( as , rb ) 7→ as + rb = ar+bs
sr
·: S −1 A × S −1 A → S −1 A
( as , rb ) 7→ as · rb = ab
sr
57
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1 −1
d'élément neutre 1 := 1
. Ainsi (S A, +, ·) est un anneau.
ι
iii) L'application A −→ S −1 A, a 7→ a1 est un morphisme d'anneaux.
0
Démonstration. i) Vérions d'abord que la loi est bien dénie. Soit (a , s0 ) ∼ (a, s) et
(b , r ) ∼ (b, r). Il existe donc t, u ∈ S tels que t(as − a s) = 0 = u(br − b0 r). On a alors
0 0 0 0 0
ut((ar + bs)s0 r0 − (a0 r0 + b0 s0 )sr) = 0 et il s'ensuit que (ar + bs, sr) ∼ (a0 r0 + b0 s0 , s0 r0 ), ce qui
−1
montre que la loi + est bien dénie sur S A. La commutativité de cette loi est évidente,
0
ainsi que le fait que en est un élément neutre (indépendant de s). L'associativité résulte
s
aussi d'un calcul sans diculté.
ii) Même raisonnement que ci-dessus en plus facile, laissé au lecteur.
iii) Il sut de l'écrire.
−1 −1 a
Démonstration. Soit J un idéal de S A. Posons I := ι (J) = {a ∈ A, 1 ∈ J}. Alors pour
tout
a
s
∈ J , on a 1 = s · 1 ∈ J , donc a ∈ I . Il s'ensuit que J = ι(I) · S −1 A est engendré
a a s
−1
par l'image de I dans S A, et donc par tout système de générateurs de I dans A.
Exercice. Rappelons que l'on note Spec(A) l'ensemble des idéaux premiers de l'anneau
−1
A. Montrer que l'application p 7→ ι (p) induit une bijection
∼
Spec(S −1 A) −→ {q ∈ Spec(A), q ∩ S = ∅}
dont la bijection réciproque est q 7→ S −1 q := (S × q)/∼ = ι(q) · S −1 A.
Exercice. Montrer que A réduit implique S −1 A réduit.
Proposition.
ϕ
Pour toute A-algèbre A −→ B telle que ϕ(S) ⊂ B × , il existe un
ϕ̃
unique morphisme de A-algèbres S −1 A −→ B (autrement dit un unique morphisme d'an-
neaux tel que ϕ̃ ◦ ι = ϕ).
Démonstration. Unicité : si ϕ̃ est comme dans l'énoncé, on doit avoir pour tout a, s ∈ A×S
a s a a −1
l'égalité ϕ̃( )ϕ̃( ) = ϕ̃( ) = ϕ(a), et donc ϕ̃( ) = ϕ(a)ϕ(s) . D'où l'unicité de ϕ̃.
s 1 1 s
a −1
Existence : il nous faut vérier que l'expression ϕ̃( ) := ϕ(a)ϕ(s) est bien dénie.
s
0 0 0 0 0 0
Or, si(a , s ) ∼ (a, s) il existe t ∈ S tel que tas = ta s donc ϕ(t)ϕ(a)ϕ(s ) = ϕ(t)ϕ(a )ϕ(s),
−1
puis ϕ(a)ϕ(s) = ϕ(a0 )ϕ(s0 )−1 (noter que la commutativité de la multiplication est ici cru-
ciale). L'expression voulue est donc bien dénie. Reste à voir qu'elle dénit un morphisme
d'anneau, ce qui est un calcul immédiat.
58
Ecole Normale Supérieure FIMFA
1.6.3
Le corps des fractions d'un anneau intègre. Supposons A intègre et S = A \ {0}.
−1
Dans ce cas, tout élément non nul de S A est de la forme ab avec a, b 6= 0, et donc est
b −1
inversible d'inverse . Ainsi, S A est un corps qui contient A (via ι), appelé corps des
a
fractions de A et aussi noté Frac(A). On retrouve par exemple la construction de Q =
Frac(Z) ou du corps K(X) = Frac(K[X]) des fractions rationnelles en une indéterminée
sur un corps.
59
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Montrons qu'il est surjectif. Pour cela, il faut vérier que toute fraction rationnelle Q =
˜
f
∈ K(X) avec f, g ∈ K[X] peut s'écrire fg̃ avec f˜, g̃ ∈ A[X]. Ecrivons f = n abnn X n et
P
g
g = n dcnn X n . Posons a := n bn n dn . Il sut de poser f˜ := af et g̃ := ag .
P Q Q
Nous sommes maintenant en mesure de prouver le théorème dit de transfert de Gauss.
60
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m 0
En eet, si mp désigne le nombre de droite on peut écrire an = p p an pour tout n et
f = pmp f 0 avec f 0 = n a0n X n . Comme l'un des a0n n'est pas divisible par p, l'image de f 0
P
0
dans A[X]/pA[X] ' (A/pA)[X] est non nulle, donc f n'est pas divisible par p dans A[X]
et nalement mp = νp (f ).
D'après la proposition précédente, νp s'étend au corps des fractions K(X). Notons V0
l'ensemble des valuations de K de la forme νp , et posons V := V0 ∪ V+ . On a alors
En eet, la proposition précédente nous dit que K(X)V+ = K[X] et KV0 = A, donc la
formule νp (f ) = Min{νp (an ), n ∈ N} valable pour f ∈ K[X] (car νp (f ) = νp (af ) − νp (a) et
on peut choisir a pour que af ∈ A[X]) montre que K(X)V0 ∩ K[X] = KV0 [X] = A[X].
Il ne nous reste plus qu'à montrer que V satisfait les deux hypothèses de la deuxième
proposition 1.5.2.
i) Par la proposition précédente, si f ∈ K(X) {v ∈ V+ , v(f ) 6= 0} est
alors l'ensemble
ni. Pour la même raison, pour a ∈ K l'ensemble {v ∈ V0 , v(a) 6= 0} est ni. La formule
de νp (f ) pour f ∈ K[X] montre alors que {v ∈ V0 , v(f ) 6= 0} est ni. Il en est de même
g
pour toute f ∈ K(X), puisque elle est de la forme avec g, h ∈ K[X].
h
ii) Pour v ∈ V0 , il existe pv ∈ A tel que v = νpv . On a alors v(pv ) = 1 et w(pv ) = 0 pour
w ∈ V0 distincte de v . De plus, pour w ∈ V+ on a aussi w(pv ) = 0 puisque w est de la forme
νf pour un polynôme f de degré > 0. Soit maintenant v ∈ V+ . Elle est de la forme νf pour
w(f )
∈ A, et posons fv := c−1 f . On
Q
un polynôme irréductible f ∈ K[X]. Soit c := w∈V0 pw
a alors w(fv ) = 0 pour toute valuation w ∈ V0 . De plus, on a aussi w(fv ) = 0 pour w = νg
dans V+ distincte de v .
Remarque. Pour A intègre général, on peut toujours mettre une fraction sous la forme
a
x= b
avec a, b sans facteur commun. Lorsque A est factoriel, cette écriture est unique aux
a0 0 0 ×
unités près, i.e. si x = 0 avec a , b sans facteurs communs, alors il existe u ∈ A tel que
b
a0 = ua et b0 = ub. Cela découle de la proposition
√ ci-dessus. Lorsque
√ A n'est pas factoriel,
2 1− −5
on n'a pas une telle unicité. Exemple dans Z[ −5] : √ = 3 .
1+ −5
Que se passe-t-il si on localise un anneau intègre pour une partie multiplicative quel-
conque ?
On peut remarquer que S −1 A est en particulier intègre, de corps des fractions Frac(A).
61
Ecole Normale Supérieure FIMFA
−1
Exercice. Montrer que si A est factoriel, alors S A l'est aussi, et que l'application
x 7→ x1 induit une bijection de l'ensemble des classes d'association d'éléments irréductibles
de A ne divisant pas un élément de S sur l'ensemble des classes d'association d'éléments
irréductibles de S −1 A.
∼
A[X]/(Xf − 1) −→ A[f −1 ].
Proposition. (0) =
p T
p.
p∈Spec(A)
Uf := {z ∈ C, f (z) 6= 0} = Cn \ V (f ).
62
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ϕ̃
ϕ : A/p ,→ Frac(A/p) −→ Ap /pAp .
Dans l'autre sens, considérons la composée ψ : A −→ A/p ,→ Frac(A/p). Elle envoie tout
élément de A \ p sur un élément non nul donc inversible dans Frac(A/p). Par propriété
universelle, ψ se factorise par le localisé Ap en ψ̃ : Ap −→ Frac(A/p). Clairement, p est
contenu dans le noyau, donc ψ̃ se factorise à son tour par le quotient
ψ
ψ̃ : Ap Ap /pAp −→ Frac(A/p).
63
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Un tel endomorphisme est aussi Ap -linéaire (cf remarque plus haut), i.e est un morphisme
de Ap -algèbres, donc est égal à l'identité de Ap /pAp . Ainsi ϕ̃ et ψ sont des isomorphismes
réciproques de A-algèbres.
À ce point nous en déduisons que Ap /pAp est un corps, donc que pAp est un idéal
×
maximal de Ap et aussi que Ap ⊂ Ap \ pAp . Pour montrer l'inclusion réciproque, soit
a
x = b ∈ Ap avec a ∈ A et b ∈ A \ p. Si x est dans le complémentaire Ap \ pAp alors
a ∈ A \ p. Donc a est inversible dans Ap et x aussi. D'où l'inclusion Ap \ pAp ⊂ A×
p voulue.
Cette inclusion implique aussi que tout idéal propre I de Ap est contenu dans pAp , et donc
que ce dernier est bien le seul idéal maximal de Ap .
Remarque. Le premier exercice de 1.6.1 nous dit que l'applicationq 7→ qAp est une
∼
bijection {q ∈ Spec(A), q ⊂ p} −→ Spec(Ap ) et la propriété universelle des localisés nous
∼
fournit un unique isomorphisme de A-algèbres Aq −→ (Ap )qAp pour tout q ⊂ p.
La discussion que nous avons faite pour Cn s'adapte sans diculté à V. On considère
les classes d'équivalences de paires (U, ϕ) où U est un ouvert de V de la forme Uf =
{z ∈ V, f (z) 6= 0} pour une fonction f ∈ O(V ) et ϕ ∈ O(Uf ) := O(V )[f −1 ] est une
fonction régulière sur U . On obtient un corps M(V ) qui en termes algébriques s'identie
à Frac(O(V )). D'où une première dénition commode :
64
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Néanmoins, l'intuition géométrique voudrait plutôt que l'on tente de dénir une fonction
n
rationnelle sur V comme la restriction d'une fonction rationnelle (U, ϕ) sur C . Cela n'est
évidemment possible que si le domaine de dénition U intersecte V . Dans ce cas on dit que
la fonction rationnelle est dénie sur un ouvert de V et on pose (U, ϕ)|V := (U ∩ V, ϕ|U ∩V )
qui est une paire formée d'un ouvert dense principal de V et d'une fonction régulière
sur cet ouvert. Il est alors naturel de dénir
où la relation d'équivalence sur les paires formées d'un ouvert dense et d'une fonction est
la même que précédemment.
n
Notons alors M(C )V l'ensemble des fonctions rationnelles sur Cn qui sont dénies sur
un ouvert dense de V. Via l'isomorphisme du lemme précédent, on constate que
n f
M(C )V ' Q = ∈ C(X1 , · · · , Xn ), g|V 6= 0 = Ap .
g
La dénition (2) présente alors M(V ) comme le quotient de M(Cn )V par l'idéal IV des
fonctions qui s'annulent sur V. Or via le lemme précédent on peut identier
f
IV ' Q = ∈ C(X1 , · · · , Xn ), g|V 6= 0 et f|V = 0 = pAp .
g
La dénition (2) revient donc à poser M(V ) := Ap /pAp et la proposition ci-dessus nous
assure que la dénition (1) lui est équivalente.
65
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Exercice. Pour A = C[X, Y ]/(XY ), montrer que Q(A) = C(X) × C(Y ). (Utiliser un
exercice précédent).
Plus généralement, lorsque A est réduit et noethérien, Q(A) est le produit d'un nombre
ni de corps. Plus précisément :
est un isomorphisme.
66
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P
de p est dans tous les pi . La somme i bi est alors dans p mais dans aucun des pi :
pj sauf
contradiction. On a donc r = 1 et p = p1 ∈ Spec(A)min .
Puisque tous les idéaux premiers de Q(A) sont minimaux, ils sont aussi maximaux.
Soit alors pQ(A) ∈ Spec(Q(A)). Puisqu'il est maximal, Q(A)/pQ(A) est un corps, et
on a donc Q(A)/pQ(A) = Frac(Q(A)/pQ(A)). Puisqu'il est minimal, le i) nous dit que
Frac(Q(A)/pQ(A)) = Q(A)pQ(A) . En résumé, le morphisme Q(A) −→ Q(A)pQ(A) induit un
∼
isomorphisme Q(A)/pQ(A) −→ Q(A)pQ(A) , et il ne nous reste plus qu'à prouver que le
morphisme produit
Y
Q(A) −→ Q(A)/pQ(A)
p∈Spec(A)min
est un isomorphisme. C'est une version du lemme chinois avec plusieurs idéaux (que l'on
T
reverra plus tard). Concrètement, ce morphisme est injectif car son noyau p∈Spec(A)min pQ(A)
est le nilradical de Q(A) qui est nul. Pour voir qu'il est surjectif, il sut de montrer qu'il
contient chaque idempotent ep = (0, · · · , 1, · · · , 0) avec le 1 placé en l'indice p. Or, par
maximalité de tous les pQ(A), il existe des éléments apq ∈ Q(A) pour p 6= q tels que
Q
apq ∈ pQ(A) et apq + aqp = 1. Mais
Q alors, l'élément ap := q6=p aqp a pour image l'idem-
potent voulu ep dans le produit p Q(A)/pQ(A). On notera que ce produit n'est déni que
si l'ensemble Spec(A)min est ni.
v) Considérons l'ensemble I des idéaux I pour lesquels Spec(A)>I := {p ∈ Spec(A), p ⊃
I} possède une innité d'éléments minimaux. Si I est non vide, il admet un élément
maximal I , puisque A est supposé noethérien. Alors I n'est manifestement pas premier, et
on peut donc trouver f, g ∈ A \ I tels que f g ∈ I . Un idéal premier contenant I contient
alors f ou g , de sorte que Spec(A)>I est réunion de Spec(A)>I+(f ) et Spec(A)>I+(g) et donc
Spec(A)>I,min est contenu dans la réunion de Spec(A)>I+(f ),min et Spec(A)>I+(g),min . Mais
ces deux ensembles sont nis, par maximalité de I , contredisant l'existence même de I .
67
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Qr
M(V ) = Q(O(V )). La proposition précédente nous dit alors que M(V ) = i=1 M(Vi ).
Remarque. Lorsque Spec(A)min n'est pas ni, il peut exister des idéaux premiers p
non minimaux contenus dans A\Areg . Exemple : soit A = k[X1 , · · · , Xn , · · · ]/(Xi Xj , i 6= j).
Alors l'idéal maximal (X1 , · · · , Xn , · · · ) est formé de diviseurs de 0 mais n'est pas minimal
puisqu'il contient strictement l'idéal premier (X2 , X3 , · · · , Xn , · · · ).
θ(m, −) : N −→ P et θ(−, n) : M −→ P
M × N → M ⊗A N
(m, n) 7→ m ⊗ n
Remarque. Pour une fois, nous dénissons l'objet par sa propriété universelle, plutôt
que par sa construction. C'est parce que, en général, cette construction ne nous dit pas
grand chose.
68
Ecole Normale Supérieure FIMFA
De même on a la relation
HomA (M ⊗A N, P ) → BilA (M × N, P )
.
ϕ 7→ (θϕ : (m, n) 7→ ϕ(m ⊗ n))
puis aussi
ϕ̃θ (em,n+n0 − em,n − em,n0 ) = 0 = ϕ̃(em,an − aem,n ).
On voit donc que K ⊂ Ker(ϕ̃θ ). Par la propriété universelle des quotients, on en déduit
queϕ̃θ se factorise par un unique morphisme ϕθ : A(M,N ) /K = M ⊗A N −→ P qui envoie
m ⊗ n = em,n sur ϕ̃θ (em,n ) = θ(m, n). On a donc construit une application
BilA (M × N, P ) → HomA (M ⊗A N, P )
.
θ 7→ ϕθ : m ⊗ n 7→ θ(m, n)
Visiblement, les deux applications ainsi construites sont inverses l'une de l'autre.
69
Ecole Normale Supérieure FIMFA
∼
M ⊗A N −→ N ⊗A M
qui envoie m⊗n sur n ⊗ m.
iii) Il existe un unique isomorphisme de A-modules
∼
(M ⊕ M 0 ) ⊗A N −→ (M ⊗A N ) ⊕ (M 0 ⊗A N )
qui envoie (m, m0 ) ⊗ n (m ⊗ n, m0 ⊗ n).
sur
∼
(M ⊗A M 0 ) ⊗A N −→ M ⊗A (M 0 ⊗A N )
qui envoie (m ⊗ m0 ) ⊗ n sur m ⊗ (m0 ⊗ n).
70
Ecole Normale Supérieure FIMFA
m ⊗ n sur (0, m0 ) ⊗ n. La propriété universelle des sommes directes nous fournit alors un
0 0 0
morphisme (M ⊗A N ) ⊕ (M ⊗A N ) −→ (M ⊕ M ) ⊗A N qui envoie (m ⊗ n, m ⊗ n) sur
0 0
(m, 0) ⊗ n + (0, m ) ⊗ n = (m, m ) ⊗ n. Ce morphisme est visiblement inverse de celui de
l'énoncé.
iv) On peut raisonner exactement comme pour ii) par exemple (laissé au lecteur). On
peut aussi plus élégamment remarquer que les applications
0
1
θ : M × M × N −→ T
(1)
:= (M ⊗A M 0 ) ⊗A N , (m, m0 , n) 7→ (m ⊗ m0 ) ⊗ n et
0
2
θ : M × M × N −→ T
(2)
:= M ⊗A (M 0 ⊗A N ), (m, m0 , n) 7→ m ⊗ (m0 ⊗ n)
sont A-trilinéaires et vérient chacune la propriété universelle suivante : pour toute appli-
0
cation A-trilinéaire θ : M × M × N −→ P il existe un unique morphisme de A-module
ϕθ : T −→ P tel que θ = θ ◦ ϕiθ . Alors ϕ1θ2 est le morphisme de l'énoncé et ϕ2θ1 est son
i (i) i
isomorphisme réciproque.
71
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Voici un exemple important où le produit tensoriel prend une forme plus explicite.
1.7.5 Proposition. Le produit tensoriel de deux modules libres est libre. Plus préci-
sément, pour deux ensembles I, J , l'unique morphisme de A-modules
ϕ : A(I×J) −→ A(I) ⊗ A(J)
(I×J) ∼
qui envoie ei,j sur ei ⊗ ej est un isomorphisme A −→ A(I) ⊗ A(J) .
Démonstration. Cela pourrait se déduire de la proposition précédente renforcée par l'exer-
(I) (J)
cice ci-dessus, mais voici un argument détaillé. Considérons l'application A ×A −→
A(I×J) dénie par !
X X X
ai e i , bj e j 7→ ai bj ei,j .
i j i,j
On vérie immédiatement qu'elle est A-bilinéaire. Il existe donc un unique morphisme de
A-modules
ψ : A(I) ⊗A A(J) −→ A(I×J)
P P P
qui envoie l'élément ( i ai ei ) ⊗ ( j bj ej ) sur P ei ⊗ ej
i,j ai bj ei,j et donc, en particulier,
sur ei,j . Puisque ψ ◦ ϕ(ei,j ) = ei,j , on a ψ ◦ ϕ = idA(I×J) . Par ailleurs, pour m = i ai ei et
P
n = j bj ej , on a
!
X X X X
ϕ ◦ ψ(m ⊗ n) = ϕ ai bj ei,j = ai bj (ei ⊗ ej ) = ai (ei ⊗ ( bj ej ))
i,j i,j i j
X X
= ai (ei ⊗ n) = ( ai ei ) ⊗ n = m ⊗ n.
i i
72
Ecole Normale Supérieure FIMFA
1.7.6 Extension des scalaires. On suppose maintenant que le A-module M est une A-
algèbre, et nous la noterons B. Nous allons étendre la structure de A-module sur B ⊗A N
en une structure de B -module.
Proposition. Il existe sur B ⊗A N une unique structure de B -module telle que
∀b, b0 ∈ B, ∀n ∈ N, b0 · (b ⊗ n) = (b0 b) ⊗ n.
Démonstration. On prescrit l'action de b0 sur les tenseurs élémentaires, donc l'unicité dé-
coule du fait que ces tenseurs élémentaires engendrent B ⊗A N . Reste à voir que l'action
de b0 ainsi prescrite est bien dénie, et qu'elle dénit une structure de B -modules.
0 0
Existence. Notons µb0 : B −→ B , b 7→ b b la multiplication par b dans B . C'est un
endomorphisme A-linéaire de B . D'après le lemme 1.7.3 il existe un unique morphisme
Ψb0 := µb0 ⊗ idN : B ⊗A N −→ B ⊗A N qui envoie b ⊗ n sur µb0 (b) ⊗ n = (b0 b) ⊗ n.
0
Structure de B -module. Il s'agit maintenant de vérier que l'application b ∈ B 7→
0 00
Ψb0 ∈ EndA (B ⊗A N ) est un morphisme de A-algèbres. Or, l'égalité ((b + b )b) ⊗ n =
(b0 b) ⊗ n + (b00 b) ⊗ n montre que Ψb0 +b00 = Ψb0 + Ψb00 , et par ailleurs on a Ψb00 b0 (b ⊗ n) =
(b00 b0 b) ⊗ n = Ψb00 ((b0 b) ⊗ n) = Ψb00 ◦ Ψb0 (b ⊗ n), d'où Ψb00 b0 = Ψb00 ◦ Ψb0 .
Exemple. Si N = A, le i) de la proposition 1.7.4 assure que B ⊗A A = B . Plus
généralement, si I
est un ensemble, le fait que le produit tensoriel commute aux sommes
(I)
directes nous assure que B ⊗A A = B (I) . En d'autres termes :
Proposition. Si N est un A-module libre de base (ei )i∈I , alors B ⊗A N est un
B -module libre de base (1 ⊗ ei )i∈I .
Exemple. Soit V un
R-ev. Lorsqu'on ne dispose pas du produit tensoriel, on introduit
souvent le complexié VC de V de l'une des deux manières suivantes :
L
soit en choisissant une R-base (ei )i∈I de V et en posant VC := i∈I C.ei ,
soit en posant VC := V ⊕ V et en dénissant la multiplication de a + ib ∈ C sur
(v, w) par (a + ib).(v, w) := (av − bw, aw + bv).
La première méthode est non-canonique puisqu'elle repose sur un choix de base. La seconde
semble plus naturelle, mais on serait bien en peine de la généraliser pour, par exemple,
dénir le réelié d'un
Q-espace vectoriel ! Lorsqu'on dispose du produit tensoriel, la bonne
manière de dénir VC est de poser VC := C ⊗R V . La proposition ci-dessus fait un lien
explicite avec la première méthode ci-dessus. Et la décomposition C ⊗R V = (R ⊗R V ) ⊕
(iR ⊗R V ) ' V ⊕ iV fait le lien avec la seconde.
Voici maintenant la propriété universelle qui caractérise l'extension des scalaires.
73
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Démonstration. Encore une fois l'unicité de ϕ = ϕψ découle du fait que les tenseurs élémen-
tairesb ⊗ m engendrent B ⊗A M . Pour l'existence d'un morphisme de A-modules ϕ comme
dans l'énoncé, il sut de vérier que l'application B ×N −→ M , (b, n) 7→ bn est A-linéaire,
ce qui est immédiat. Il faut alors vérier que ϕ est bien un morphisme de B -modules, ce
0 0 0 0
qui découle du calcul ϕ(b · (b ⊗ n)) = ϕ((b b) ⊗ n) = b bn = b ϕ(b ⊗ n). Enn, il est clair que
ψϕψ = ψ , et d'un autre côté on a ϕψϕ (b⊗n) = bψϕ (n) = bϕ(1⊗n) = ϕ(b(1⊗n)) = ϕ(b⊗n).
D'où la dernière assertion de l'énoncé.
∼ ∼
M ⊗B (B ⊗A N ) −→ (M ⊗B B) ⊗A N −→ M ⊗A N
∼
où le second isomorphisme est i ⊗ idN avec i : M ⊗B B −→ M l'isomorphisme qui envoie
m⊗b sur bm comme dans le point i) de la proposition 1.7.4. L'isomorphisme réciproque
∼
M ⊗A N −→ M ⊗B (B ⊗A N )
74
Ecole Normale Supérieure FIMFA
1.7.8 Extension des scalaires par un morphisme quotient. On s'intéresse ici au cas où
B = A/I pour un idéal I de A. Si M est un A-module, on note
IM := {m ∈ M, ∃i1 , · · · , ir ∈ I, ∃m1 , · · · , mr ∈ M m = i1 m1 + · · · + ir mr }
On vérie sans peine que c'est un sous-A-module de M (on remarquera d'ailleurs que si
M J de A, on retrouve la dénition de l'idéal produit IJ ). Par construction,
est un idéal
I sur le A-module quotient M/IM est nulle. La structure de A-module A −→
l'action de
EndZ (M/IM ) se factorise donc par A/I , ce qui fait de M/IM un A/I -module.
1.7.9 Extension des scalaires par une localisation. On s'intéresse ici au cas où B =
S −1 A pour une partie multiplicative S ⊂ A. Si M est un A-module, on peut construire un
S −1 A-module S −1 M de la même manière que pour construire S −1 A. On munit M × S de
0 0 0 0 m
la relation d'équivalence (m, s) ∼ (m , s ) ⇔ ∃t ∈ S, tsm = ts m, et on note la classe
s
−1
d'équivalence de (m, s) dans l'ensemble quotient noté S M . On vérie alors qu'il existe
0 0 0m
−1
une unique loi de groupe abélien sur S M telle que ms + ms0 = s m+sss0
, puis une unique
−1 −1
action de S A telle que at · ms = am
ts
. On appelle S M le localisé de M selon S .
Proposition. L'application M −→ S −1 M , m 7→ m
1
induit un isomorphisme de
−1
S A-modules
∼
S −1 A ⊗A M −→ S −1 M.
75
Ecole Normale Supérieure FIMFA
am
Démonstration. L'application de l'énoncé est A-linéaire puisqu'elle envoie am sur 1 =
a m
1
· 1 . Par la propriété universelle de l'extension des scalaires, on en déduit un morphisme
−1
de S A-modules ψ : S −1 A ⊗A M −→ S −1 M . Dans l'autre sens, on voudrait dénir une
application ϕ qui envoie
m
s
sur
1
s
⊗ m. Pour voir que cela fait sens, soit (m0 , s0 ) ∼ (m, s), et
t tel que tsm0 = ts0 m. On a s10 ⊗ m0 = tssts 0 1 0 1 0 1 0
0 ⊗ m = ts( tss0 ⊗ m ) = tss0 ⊗ tsm = tss0 ⊗ ts m =
0
ts0 ( tss
1 ts 1
0 ⊗ m) = tss0 ⊗ m = s ⊗ m. Ceci montre que ϕ est bien dénie. On laisse au lecteur
i) Si tout élément de M
est annulé par un élément de S , alors S −1 M = 0. En eet, si
m
m est annulé par t, alors pour tout s on a
s
= mt
st
= 0.
Exemple : si M est un groupe abélien ni, Q ⊗Z M = 0.
−1
ii) Si tout élément de s
agit bijectivement sur M , alors S M = M . En eet, le noyau
m
de l'application canonique m 7→ est l'ensemble {m ∈ M, ∃t ∈ S, tm = 0} = {0},
1
−1
et si on note sM la bijection réciproque (qui ne provient pas nécessairement de
m ss−1
M (m) s−1
M (m)
l'action d'un élément de A), on a = = , ce qui montre que cette
s s 1
application est surjective.
Exemple : Q ⊗Z Q = Q.
Z(p) ⊗Z M ' Mp .
76
Ecole Normale Supérieure FIMFA
µ⊗id µ
B ⊗A B ⊗A B / B ⊗A B B ⊗A B / B B : ⊗A B
id ⊗1B µ
id ⊗µ µ b⊗b0 7→b0 ⊗b id
µ $
B ⊗A B / B, B ⊗A B / B B id
B
µ
∼ µB ⊗ µC
µB⊗C : (B ⊗A C) ⊗ (B ⊗A C) −→ (B ⊗A B) ⊗A (C ⊗A C) −→ B ⊗A C.
Il envoie (b ⊗ c) ⊗ (b0 ⊗ c0 ) sur (b ⊗ b0 ) ⊗ (c ⊗ c), puis sur (bb0 ⊗ cc0 ). Pour voir que µB⊗C
dénit une structure de A-algèbres sur B ⊗A C , il faut vérier la commutativité des dia-
grammes de la proposition précédente, laquelle découle péniblement mais sans diculté de
B C
la commutativité des mêmes diagrammes pour µ et µ .
id ⊗1 1 ⊗ id
Remarquons que les applications B −→ B ⊗A C , b 7→ b ⊗ 1 et C −→ B ⊗A C , c 7→ 1 ⊗ c
sont des morphismes de A-algèbres. La A-algèbres B ⊗A C , munie de ces deux morphismes,
satisfait la propriété universelle suivante :
η · ψ = µD ◦ (η ⊗ ψ)
77
Ecole Normale Supérieure FIMFA
qui est donné sur les tenseurs élémentaires par b ⊗ c 7→ η(b)ψ(c). En d'autres termes,
l'application θ 7→ (θ ◦ (id ⊗1), θ ◦ (1 ⊗ id)) est une bijection
∼
HomA−alg (B ⊗A C, D) −→ HomA−alg (B, D) × HomA−alg (C, D)
Démonstration. On vérie d'abord immédiatement que ϕ·ψ déni par µD ◦(ϕ⊗ψ) est bien
un morphisme d'algèbres, et qu'on a bien ϕ = (ϕ · ψ) ◦ (id ⊗1) et ψ = (ϕ · ψ) ◦ (1 ⊗ id). Pour
nir la preuve, il reste alors à voir que (θ ◦ (id ⊗1)) · (θ ◦ (1 ⊗ id)) = θ . Il sut de le faire sur
les tenseurs élémentaires b ⊗ c, or pour un tel tenseur on a θ(b ⊗ c) = θ((b ⊗ 1)(1 ⊗ c)) =
θ(b ⊗ 1)θ(1 ⊗ c) comme voulu.
Exemple. Soient I et J deux idéaux de A. On a
∼
A[X1 , X2 ] −→ A[X1 ] ⊗A A[X2 ]
dont l'inverse est donné par le morphisme ι1 · ι2 où ιi est l'inclusion A[Xi ] ,→ A[X1 , X2 ].
Plus généralement, si N1 et N2 sont des monoïdes commutatifs, on a un isomorphisme
∼
A[N1 × N2 ] −→ A[N1 ] ⊗A A[N2 ]
déterminé par la condition e(n1 ,n2 ) 7→ en1 ⊗ en2 et dont l'inverse est donné par ι1 · ι2 où
ι1 : A[N1 ] −→ A[N1 × N2 ] est déterminé par en1 → 7 e(n1 ,0) et ι2 : A[N2 ] −→ A[N1 × N2 ] est
déterminé par en2 7→ e(0,n2 ) .
78
Ecole Normale Supérieure FIMFA
donné par la même formule sur les fonctions. Si πVi désigne la surjection O(Cni ) O(Vi )
(donnée par restriction des fonctions), l'égalité ΨV1 ,V2 ◦ (πV1 ⊗ πV2 ) = πV1 ×V2 ◦ ΨCn1 ,Cn2
montre que ΨV1 ,V2 est surjective. Montrons qu'elle est aussi injective. Choisissons pour cela
une C-base (εPi )i∈I de O(V2 ). Alors un élément F ∈ O(V1 ) ⊗C O(V2 ) s'écrit de manière
unique F = i∈I fi ⊗ εi où fi ∈ O(V1 ) (et est nul saufPpour un nombre ni de i dans I ).
Si ΨV1 ,V2 (F ) = 0, alors pour tout v1 ∈ V1 , la fonction i∈I fi (v1 )εi est nulle sur V2 , donc
chaque fi (v1 ) est nul, puisque les εi forment une base de O(V2 ). Comme v1 est arbitraire,
il s'ensuit que fi = 0 pour tout i et nalement F = 0.
n
Remarque. Si on part de deux sous-ensembles algébriques V1 , V2 ⊂ C d'idéaux annu-
n
lateurs respectifs I1 , I2 ⊂ O(C ). Alors l'idéal I1 + I2 annule l'ensemble algébrique V1 ∩ V2
et le premier exemple ci-dessus nous fournit donc un morphisme surjectif
On peut montrer que l'idéal annulateur de V1 ∩ V2 est le radical deI1 + I2 , ce qui équivaut
à dire que le noyau du morphisme ci-dessus est le nilradical de O(V1 ) ⊗O(Cn ) O(V2 ). La
présence de nilpotents dans cette algèbre est liée à la non-transversalité de l'intersection.
2 2
Par exemple dans C , si V1 est la parabole d'idéal (Y − X ) et V2 la droite d'idéal (Y ),
2
alors I1 + I2 = (X , Y ) n'est pas radiciel puisque X ∈
/ I1 + I2 .
Revenons aux notations générales. Si on voit maintenant B ⊗A C comme une B -algèbre
via l'homomorphisme id ⊗1, alors celle-ci satisfait la propriété universelle suivante :
79
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Exemple. L'unique morphisme de A-algèbres qui envoie X sur 1⊗X est un isomor-
phisme
∼
A[X] −→ A ⊗Z Z[X]
ι·κ où ι : A −→ A[X] est l'injection canonique et
dont l'inverse est donné par le morphisme
Z[X] −→ A[X] est l'unique morphisme d'anneaux qui envoie X sur X . Plus généralement,
si N est un monoïde, on a un isomorphisme
∼
A[N ] −→ A ⊗Z Z[N ].
Exemple. On a un isomorphisme
∼
ϕ : C ⊗R C −→ C × C
qui envoie z1 ⊗ z2 (z1 z2 , z1 z¯2 ). Pour vérier qu'il est bien déni on peut utiliser la
sur
proposition et remarquer que ϕ = ϕ1 · ϕ2 où ϕi : C −→ C × C est déni par ϕ1 (z) = (z, z)
et ϕ2 (z) = (z, z̄). On remarque que ϕ(z ⊗ 1) = (z, z) et ϕ(iz ⊗ i) = (−z, z). On en déduit
que ϕ est surjectif, et par égalité des dimensions (sur C ou sur R) qu'il est bijectif. Plus
0 1 0 0
précisément, son inverse envoie (z, z ) sur (z ⊗ 1 − iz ⊗ i + z ⊗ 1 + iz ⊗ i).
2
Voici une autre façon de voir cet isomorphisme. Partons de l'isomorphisme de R-algèbres
∼
R[X]/(X 2 + 1) −→ C qui envoie X sur i. Alors on a
On a utilisé les exemples précédents à la première ligne et les restes chinois à la deuxième.
Si on veut expliciter cette suite d'isomorphismes, on constate qu'elle envoie z ⊗ 1 sur (z, z)
(car chaque isomorphisme est C-linéaire), et que, en écrivant z = a + ib, elle envoie 1 ⊗ z
sur ((a + Xb) mod(X − i), (a + Xb) mod(X + i)) = (a + ib, a − ib) = (z, z̄). On retrouve
donc bien l'isomorphisme précédent.
80
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Y
(∗) C ⊗Q K −→ C
σ: K,→C
qui envoie z⊗x (zσ(x))σ:K,→C . Nous montrerons plus tard que le corps K peut être
sur
engendré, en tant que Q-algèbre, par un élément α (qui est loin d'être unique). Ceci signie
que l'unique morphisme de Q-algèbres Q[X] −→ K qui envoie X sur α est surjectif. Notons
I son noyau. Comme Q[X] est principal, il existe un unique polynôme unitaire f ∈ Q[X]
tel que I = (f ). On a donc un isomorphisme
∼
Q[X]/(f ) −→ K, X 7→ α
qui montre d'après le deuxième corollaire de 1.4.3 que deg(f ) = dimQ (K) =: n et que
(1, α, · · · , αn−1 ) est une Q-base de K . Ceci nous permet de calculer
Explicitons l'isomorphisme
∼
(∗∗) C ⊗Q K −→ Cn
ainsi obtenu. Il envoie z ⊗ 1 sur (z, z, · · · , z) puisqu'il est C-linéaire. Par ailleurs, on a vu
n−1
que (1, α, · · · , α ) est une Q-base de K , donc on peut écrire un élement x ∈ K sous la
forme x = g(α) pour un unique polynôme g(X) ∈ Q[X] de degré < n. On constate alors
que l'isomorphisme ci-dessus envoie 1 ⊗ x sur (g(X)mod(X − α1 ), · · · , g(X)mod(X − αn ))
n
qui n'est autre que (g(α1 ), g(α2 ), · · · , g(αn )) ∈ C .
Quel rapport entre (∗) et (∗∗) ? Se donner un plongement de K = Q[X]/(f ) dans C
revient à se donner l'image de X = α dans C et celle-ci doit annuler f , donc appartenir à
{α1 , · · · , αn }. On a donc une bijection σ 7→ σ(α) entre {σ : K ,→ C} et {racines de f }.
Notons σi le plongement tel que σi (α) = αi . Alors pour tout x = g(α) comme ci-dessus, on
a σi (x) = σi (g(α)) = g(σi (α)) = g(αi ). Ainsi, si l'on réécrit le morphisme (∗) sous la forme
on constate que (∗∗) et (∗) sont les même morphismes, et on en déduit du coup que (∗)
est un isomorphisme.
81
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Comme les fi sont 2 à 2 premiers entre eux, le théorème des restes chinois nous donne donc
un isomorphisme
r+s
∼ Y
R ⊗Q K −→ R[X]/(fi ) = Rr × Cs .
i=1
∼ Y
R ⊗Q K −→ Rσ
σ∈Σ
1.8.1 Lemme. Soit I un idéal de la forme I = mv11 mv22 · · · mvrr avec m1 , · · · , mr maxi-
maux deux à deux distincts. Alors le produit des projections canoniques est un isomorphisme
de A-algèbres
∼
A/I −→ A/mv11 × · · · × A/mvrr .
Démonstration. Nous avons déjà démontré une version du théorème des restes chinois sous
la forme :
∼
J +K =A implique A/(J ∩ K) −→ A/J × A/K .
Remarquons que JK est toujours inclus dans J ∩ K et lui est égal si J + K = A, puisque
dans ce cas on a (J ∩ K) = (J ∩ K) · J + (J ∩ K) · K ⊂ JK . On peut donc l'énoncer sous
la forme
82
Ecole Normale Supérieure FIMFA
∼
J +K =A implique A/JK −→ A/J × A/K .
Montrons que mv11 + (mv22 · · · mvrr ) = A. Ceci montrera que A/I ' A/mv11 × A/mv22 · · · mvrr
et le lemme en découlera par récurrence sur r. Puisque m1 et mi , i 6= 1 sont maximaux et
distincts, on a m1 + mi = A pour i > 1. Il s'ensuit que
A = (mv11 + mv22 )(mv11 + mv33 ) · · · (mv11 + mvrr ) ⊂ mv11 + (mv22 mv33 · · · mvrr )
comme voulu.
M [I] := {m ∈ M, ∀i ∈ I, im = 0} et
[
M [I ∞ ] := M [I n ] = {m ∈ M, ∃n ∈ N, ∀i1 , · · · , in ∈ I, i1 · · · in m = 0}
n∈N
Démonstration. Par hypothèse, M est annulé par un idéal de la forme I = mv11 · · · mvrr avec
les mi maximaux et 2 à 2 distincts. D'après le lemme ci-dessus et l'égalité IM = 0, on a la
décomposition suivante de M :
r
Y r
Y
vi
(∗) M = M/IM ' (A/I) ⊗A M ' (A/mi ) ⊗A M = M/mvi i M.
i=1 i=1
0
Remarquons maintenant que si les points i) et ii) sont vrais pour M et M à support ni,
0
alors ils le sont aussi pour M ⊕ M , qui est clairement à support ni aussi. D'après la
v
décomposition (∗) on peut donc supposer que I est de la forme n pour un n ∈ Max(A).
v
Supposons d'abord que m 6= n. On a vu dans le lemme précédent que m + n = A,
v
choisissons donc p ∈ m et q ∈ n tels que p + q = 1. Alors p ∈ m agit par l'identité
∞
sur M donc M [m ] = 0. De plus, q annule M mais q ∈ A \ m, donc Mm = 0. Donc les
∞
deux modules M [m ] et Mm sont bien isomorphes et en fait nuls, ce qui montre aussi que
l'ensemble considéré dans le i) possède au plus un élément.
83
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Remarque. Si M est annulé par mv11 · · · mvrr avec les mi maximaux et 2 à 2 distincts,
la décomposition du théorème s'écrit plus précisément
1.8.3 Exemple Supposons que A = K[X] et M est un A-module qui est de dimen-
sion nie en tant que K -espace vectoriel. Ainsi l'action de X sur M est donnée
par un
endomorphisme K -linéaire u de M . Si fu ∈ K[X] désigne le polynôme minimal de u,
alors par dénition l'idéal (fu ) annule le K[X]-module M . Cet idéal est produit d'idéaux
Qr vi
maximaux puisque K[X] est principal. Ecrivons plus précisément fu = i=1 fi pour des
fi ∈ K[X] irréductibles
Qr deux à deux distincts. Chaque fi engendre un idéal maximal mi
vi vi vi
et on a (fu ) = i=1 mi , et M [mi ] = Ker(fi ). Ainsi la Ldécomposition
vi
ci-dessus n'est
autre que celle donnée par le lemme des noyaux M = i Ker (f i ). Lorsque K est al-
gébriquement clos, on a fi = X − λi et les λi sont les valeurs propres de u, tandis que
M [mvi i ] = Ker((u − λi )vi ) est le sous-espace caractéristique associé à λi , de sorte que la
décomposition ci-dessus n'est autre que la décomposition de M en somme de sous-espaces
caractéristiques.
84
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Lemme. L'annulateur d'un module simple est un idéal maximal. Un module de lon-
gueur nie est annulé par un produit ni d'idéaux maximaux.
a 7→ am
Démonstration. Si M m ∈ M \{0}, alors Am = M et le morphisme A −→ M
est simple et
∼
induit un isomorphisme A/AnnA (m) −→ M . Puisque M est simple, l'anneau quotient
A/AnnA (m) n'a pas d'idéaux propres non nuls, donc est un corps, donc AnnA (m) est
un idéal maximal. Soit maintenant M un A-module quelconque. Remarquons que pour un
sous-module N de M , si I annule N et J annule M/N alors IJ annule M . En eet, l'action
de j ∈ J est nulle sur M/N donc jM ⊂ N , et donc ijM ⊂ iN = 0. Il s'ensuit par une
récurrence immédiate que si on a une ltration 0 = M0 M1 · · · Mn = M et si Ii
annule Mi /Mi−1 pour i = 1, · · · , n, alors I1 I2 · · · In annule M . Lorsque M est de longueur
nie, on en déduit la seconde assertion de l'énoncé.
Exemple. Tout groupe abélien ni M est un Z-module de longueur nie (on le voit
par récurrence sur le cardinal par exemple). Un groupe abélien ni est donc canoniquement
∞
Q
produit (ni) M = p M [p ] de ses p-sous-groupes maximaux.
Le lemme suivant est utile pour faire des raisonnements par récurrence sur la longueur.
85
Ecole Normale Supérieure FIMFA
1.8.5 Application aux algèbres de dimension nie. Voici un cas particulier important
du corollaire ci-dessus. Supposons que A soit une K -algèbre sur un corps K, et soit M un
A-module qui est de dimension nie. Alors M est de longueur nie. En eet, toute suite
strictement croissante 0 = M0 M1 ··· Mn = M est de longueur n inférieure
à dimK (M ), donc on peut en prendre une de longueur n maximale, et les quotients
successifs d'une telle suite sont nécessairement simples.
f = ri=1 (X − zi )vi . Le
Q
Exemple. Soit A = C[X]/(f ) où f est unitaire. Factorisons
∼ v v
théorème des restes chinois nous donne A −→ C[X]/(X − f1 ) 1 × · · · × C[X]/(X − fr ) r .
Les idéaux maximaux de A sont les mi , i = 1, · · · , r respectivement engendrés par l'image
v
de X − zi dans A, et le localisé Ami n'est autre que le facteur C[X]/(X − fi ) i .
Proposition. Soit A une algèbre locale de dimension nie sur un corps K , et soit
m son idéal maximal. Alors m est nilpotent. Plus précisément on a md = 0 si d = dimK (A).
Démonstration. La suite décroissante m ⊃ m2 ⊃ · · · ⊃ mn ⊃ se stabilise avant l'indice
n=d puisque ce sont des K -ev de dimension nie. Supposons mr+1 A = mr A. Le célèbre
r
lemme suivant nous assure que m A = 0.
86
Ecole Normale Supérieure FIMFA
1.9.1 Équivalence de matrices. Mn×m (A) le A-module des matrices de taille n×m.
Soit
0
Comme sur un corps, on dit que R, R ∈ Mn×m (A) sont équivalentes s'il existe P ∈ GLn (A)
0
et Q ∈ GLm (A) telles que R = P RQ.
Théorème. A est principal, toute matrice R dans Mn×m (A) est équivalente à une
Si
0
matrice R diagonale telle que a11 |a22 | · · · |ass où s = min(n, m) et l'on autorise aii = 0.
De plus, les idéaux (aii ) sont uniquement déterminés par R.
0
Démonstration. Existence de la matrice équivalente R . Pour a ∈ A, posons `(a) :=
P
p∈Max(A) vp (a). C'est le nombre de diviseurs irréductibles de a, à association près et comp-
tés avec multiplicité. C'est aussi la longueur du A-module A/(a) (exercice), d'où la notation.
Pour une matrice R = (aij )i,j on pose `(R) := min{`(aij ), 1 6 i 6 n, 1 6 j 6 m}.
On raisonne par double récurrence, sur s(R) = min(n, m), puis sur `(R).
Supposons s(R) = 1 et R 6= 0. Quitte à transposer la matrice, on peut supposer n = 1.
Quitte à échanger des colonnes (multiplication à droite par une matrice de transposition),
on peut supposer que `(R) = `(a11 ). Deux cas se présentent alors :
si a11 a1j , ce qui est en particulier le cas lorsque `(R) = 0 puisque a11
divise tous les
est alors inversible, on obtient une ligne (a11 , 0, · · · , 0) en multipliant par une matrice de
transvection à droite (substitution de colonnes) et on a donc terminé.
sinon, on peut supposer après échange de colonnes que a11 ne divise pas a12 . Soit
0 0
alors d := pgcd(a11 , a12 ), et écrivons a11 = a11 d et a12 = a12 d. Il existe donc u, v tels que
u −a012
0 0
a11 u + a12 v = 1, et on constate alors que la matrice est de déterminant 1, donc
v a011
inversible et vérie :
0
u −a 12 0
· · · v a011
a11 a12 0 = d 0 ··· .
0 0 Im−2
La ligne obtenue R0 vérie `(R0 ) < `(R) et on peut donc conclure le cas s(R) = 1 par
récurrence sur `(R).
Supposons maintenant s(R) > 1 et la propriété connue jusqu'à s(R)−1, puis raisonnons
par récurrence sur `(R). Comme précédemment, on peut eectuer des échanges de lignes
et de colonnes pour avoir `(a11 ) = `(R). Si `(R) = 0, alors a11 est inversible et on peut
87
Ecole Normale Supérieure FIMFA
s'en servir de pivot pour faire des substitutions de lignes et colonnes an d'obtenir une
matrice dont la première ligne et la première colonne sont nulles sauf a11 . On applique
0
alors l'hypothèse de récurrence sur s(R) à la sous-matrice R = (aij )26i6m,26j6n .
Si `(R) > 0, deux cas se présentent à nouveau :
Si a11 ne divise pas la première ligne ou ne divise pas la première colonne, alors
comme précédemment, on peut faire chuter `(R) à l'aide d'une matrice 2×2 et du lemme
de Bézout.
Si a11 divise la première ligne et la première colonne alors on peut faire des substi-
tutions de colonnes puis de lignes pour obtenir une matrice dont la première ligne et la
première colonne sont nulles sauf a11 . a11
divise tous les autres aij , i > 1 et j > 1, on
Si
applique l'hypothèse de récurrence à la sous-matrice R0 = (aij )26i6m,26j6n . Sinon, si a11 ne
0
divise pas aij on obtient par substitution de L1 par L1 + Li une matrice R équivalente à
R telle que a11 ne divise pas la première ligne. On se retrouve dans le premier cas juste
traité.
Unicité des (aii ). Notons Ir (R) l'idéal engendré par les mineurs de taille r × r de la
matrice R ∈ Mn×m (A). Le point clef est que si S ∈ Mm×p (A), alors Ir (RS) ⊂ Ir (R)Ir (S)
(voir 1.9.8 ci-dessous). De cela il suit que si P est carrée de taille > r et inversible, alors
Ir (P ) = A, puis on en déduit que deux matrices équivalentes R et R0 satisfont Ir (R) =
Ir (R0 ) pour tout r. Si R0 est de la forme du théorème, on a donc (a11 ) = I1 (R), (a11 a12 ) =
I2 (R), etc. Ceci montre que les (aii ) sont déterminés par R.
n
Exercice. Soit u∈ EndZ (Z ) dont le déterminant det(u) ∈Z est non nul. Montrer
que Coker(u) est ni d'ordre égal à | det(u)|.
1.9.2 Corollaire. Soit M un module de type ni sur A principal. Il existe un unique
entier r et une unique suite d'idéaux propres I1 ⊃ I2 ⊃ · · · ⊃ Ir telle que
88
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Remarque. Ce corollaire est encore vrai pour les modules de torsion (au sens ci-
dessous) sur un anneau de Dedekind, c'est-à-dire un anneau intègre noethérien dont les
localisés en chaque idéal premier sont principaux. Par exemple l'anneau des entiers d'un
corps de nombres algébriques est un anneau de Dedekind.
∼
V [fivi ] = Vi1 ⊕ · · · ⊕ Viri avec Vij = K[X]wij et K[X]/((X − λi )mij ) −→ K[X]wij
Alors chaque Vij est stable par u et la famille wijk := (u − λi )k−1 (wij ), k = 1, · · · , mij est
une K -base de Vij dans laquelle la matrice de u est de la forme λi I + N où N est la matrice
de taille mij × mij avec des 1 sur la surdiagonale et des 0 ailleurs. En d'autres termes, la
matrice de u dans la base {wijk , i = 1, · · · , r, j = 1, · · · , ri , k = 1, · · · mij } est sous forme
de Jordan.
89
Ecole Normale Supérieure FIMFA
i) M est libre.
Démonstration. i) découle du corollaire précédent, puisque A/I est sans torsion si et seule-
ment si I = (0).
ii) (Existence) Remarquons que N est aussi sans torsion, donc libre par i), et rappelons
0 0 0
que son rang n est inférieur au rang m de M . Choisissons deux bases e• = (e1 , · · · em ) de
M et f•0 = (f10 , · · · , fn0 ) de N , et notons R la matrice dans ces bases de l'inclusion N ,→ M .
0 −1
Soient P , Q et R = P RQ comme dans le théorème 1.9.1. On peut voir P comme la
0
matrice de passage de la base e• à une base e• de M , et Q comme la matrice de passage
0 0
de la base f• à une base f• de N . Alors R est la matrice de l'inclusion N ,→ M dans les
0
bases (f ) et e• . La forme de R montre donc, avec les notations du théorème 1.9.1, que
fj = ajj ej pour tout j = 1, · · · , n.
(Unicité) Avec e• et (ai )i comme dans l'énoncé de ii), la matrice R ∈ Mm×n (A) de
diagonale a1 , · · · , an représente l'inclusion N ,→ M dans certaines bases de M et N (à
savoir e• et f• = (a1 e1 , · · · , an en )). Toute matrice représentant cette inclusion dans d'autres
bases est équivalente à R donc l'unicité découle de celle du théorème 1.9.1.
Remarque. Pour le i), l'hypothèse de type ni est aussi importante. Par exemple, le
Z-module Q est sans torsion, mais n'est pas libre. En eet, s'il admettait une base (ei )i∈I ,
on pourrait dénir un morphisme non nul vers Z/pZ en envoyant par exemple chaque ei
sur 1̄, mais il n'existe évidemment pas de tel morphisme.
⊗r M := M ⊗A M ⊗A · · · ⊗A M (r facteurs)
∧r M := (⊗r M )/(Ar M )
90
Ecole Normale Supérieure FIMFA
r
suivante : pour tout A-module N , on a une bijection canonique entre HomA (∧ M, N ) et
r r
l'ensemble Alt (M, N ) des applications r -multilinéaires alternées de M dans N .
Les puissances extérieures sont fonctorielles en M : si u : M −→ N est un morphisme
r r r
de A-modules, il induit un morphisme ⊗ u : ⊗ M −→ ⊗ N qui passe au quotient pour
r r r r r r
donner un morphisme ∧ u : ∧ M −→ ∧ N . De plus on a ∧ (v ◦ u) = ∧ v ◦ ∧ u.
r1 r2 r +r
On a des morphismes évidents de concaténation : (⊗ M ) ⊗A (⊗ M ) −→ ⊗ 1 2 M
r r r +r
qui passent au quotient pour donner (∧ 1 M ) ⊗A (∧ 2 M ) −→ ∧ 1 2 M . Si l'on pose aussi
⊗0 M = ALet ∧0 M = A, alors ces morphismes de concaténation munissent la somme directe
⊗• M := r∈N ⊗r M d'une structure de A-algèbre non commutative (et graduée) appelée
•
algèbre tensorielle de M . De même on a une algèbre extérieure ∧ M et la projection
• •
canonique ⊗ M −→ ∧ M est un morphisme de A-algèbres.
Soient maintenant M1 et M2 deux A-modules. Fonctorialité et concaténation fournissent
donc des morphismes (∧r1 M1 ) ⊗A (∧r2 M2 ) −→ ∧r1 +r2 (M1 ⊕ M2 ).
Lemme. La somme des morphismes ci-dessus est un isomorphisme
M ∼
(∧r1 M1 ) ⊗A (∧r2 M2 ) −→ ∧r (M1 ⊕ M2 ).
r1 +r2 =r
Démonstration. Nous allons construire un morphisme dans l'autre sens. Les propriétés
monoïdales du produit tensoriel nous donnent une décomposition
M
⊗r (M1 ⊕ M2 ) = Nα , avec Nα := Mα(1) ⊗A · · · ⊗A Mα(r) .
α:{1,··· ,r}−→{1,2}
∼
ψ̃α,σ : Nα −→ (⊗rα M1 ) ⊗A (⊗r−rα M2 )
ψα : Nα −→ (∧rα M1 ) ⊗A (∧r−rα M2 )
M M
ψ= ψα : ⊗r (M1 ⊕ M2 ) −→ (∧r1 M1 ) ⊗A (∧r2 M2 ).
α r1 +r2
r
Montrons que ce morphisme se factorise par ∧ (M1 ⊕ M2 ). Pour cela, faisons agir (à droite)
r
Sr sur ⊗ (M1 ⊕M2 ) par permutation des facteurs tensoriels : σ(n1 ⊗· · ·⊗nr ) := nσ(1) ⊗· · ·⊗
nσ(r) . On remarque que σ(Nα ) = Nα◦σ et que, par construction, ψα◦σ = sgn(σ) · (ψα ◦ σ).
91
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Maintenant, par dénition, Ar (M1 ⊕ M2 ) est engendré par les tenseurs élémentaires
n = n1 ⊗ · · · ⊗P
nr tels qu'il existe une transposition τ
n = τ (n). Écrivons un tel n
telle que
sous la forme α nα (de manière unique, donc) : on a alors nα◦τ = τ (nα ) pour tout α. Si
α ◦ τ 6= α on a donc ψ(nα + nα◦τ ) = ψα (nα ) + ψα◦τ (nα◦τ ) = ψα (nα ) − ψα (τ (nα◦τ )) = 0 par ce
−1
qui précède. Si α ◦ τ = α, alors ψ̃α,σ (nα ) est xe par la transposition σ τ σ ∈ Srα × Sr−rα
(où σ est comme au début de la preuve), et donc ψα (nα ) = 0. En sommant, on obtient
ψ(n) = 0, et donc le morphisme ψ passe au quotient pour donner un morphisme
M
ψ̄ : ∧r (M1 ⊕ M2 ) −→ (∧r1 M1 ) ⊗A (∧r2 M2 ).
r1 +r2
1.9.7 Preuve de l'unicité dans le corollaire 1.9.2. Soit M = A/I1 ⊕ · · · ⊕ A/Is avec
I1 ⊃ · · · ⊃ Is . Nous allons voir comment récupérer s et les Ik à partir des puissances
extérieures de M . Remarquons d'abord que pour tout r > 0, le lemme précédent fournir
par récurrence un isomorphisme
M
∧r (M ) = ∧r1 (A/I1 ) ⊗A · · · ⊗A ∧rs (A/Is ).
r1 +···+rs =r
On a ∧0 (A/I) = A (par convention) et ∧1 (A/I) = A/I . De plus, pour r > 1, tout élément
de ⊗r (A/I) est un A-multiple de 1 ⊗ · · · ⊗ 1, donc ∧r (A/I) = 0 dès que r > 1. On peut
donc réécrire la somme ci-dessus sous la forme
M M
∧r (M ) = (A/Ik1 ) ⊗ · · · ⊗ (A/Ikr ) = A/Ik1 .
{k1 <···<kr }⊂{1,··· ,s} {k1 <···<kr }⊂{1,··· ,s}
où la deuxième égalité vient du fait que Ik1 contient tous les autres Iki . Il s'ensuit que
92
Ecole Normale Supérieure FIMFA
r m
en est une base. De même on a une base (fJ )J de ∧ (A ), où J ⊂ {1, · · · , m} est de cardinal
r. Soit alors ∧r R la matrice de ∧r u dans les bases (eI )I et (fJ )J . Le lemme ci-dessous nous
r r r r
assure que Ir (R) = I1 (∧ R). Comme on a aussi ∧ (RS) = (∧ R)(∧ S), il s'ensuit que
Ir (RS) = I1 (∧r (RS)) ⊂ I1 (∧r R)I1 (∧r S) = Ir (R)Ir (S). (Noter que pour r = 1, l'inégalité
I1 (RS) ⊂ I1 (R)I1 (S) découle immédiatement des formules de produit matriciel).
n
X
(∧r u)(fj1 ∧ · · · ∧ fjr ) = u(fj1 ) ∧ · · · ∧ u(fjr ), avec u(fjk ) = aijk ei .
i=1
La théorie de Galois moderne est l'étude des extensions de corps et de leurs groupes
d'automorphismes. Elle est née d'un problème bien concret que se posaient les mathé-
me
maticiens du 19 siècle, qui était de savoir si toutes les équations algébriques étaient
résolubles par radicaux. En d'autres termes, tout polynôme irréductible de Q[X] admet-il
√
une solution (dans C) qui s'exprime avec les opérations +, −, ×, ÷ et
n
x ? Les formules
classiques du trinôme, de Cardan (troisième degré) et Ferrari (quatrième degré) montraient
que c'était possible jusqu'en degré 4, mais Galois (et Abel) a exhibé un polynôme de degré
5 pour lequel ce n'était pas possible. En fait, il est même rare que ce soit possible en degré
> 5. Pour ce faire, Galois a étudié les ensembles de symétries des solutions d'équations po-
lynomiales (que l'on appelle maintenant groupes de Galois) et a remarqué que la solubilité
par radicaux d'une équation polynomiale était équivalente à la résolubilité de son groupe
de symétries (au sens de la théorie des groupes moderne, qui n'existait pas à l'époque).
Le groupe de symétrie d'une équation de degré n se plonge dans le groupe symétrique Sn .
Pour n < 5, le groupe Sn est résoluble, ce qui explique l'existence des formules classiques.
Par contre le groupe A5 est simple et n'est donc pas résoluble et Galois a justement exhibé
une équation dont le groupe de symétrie est A5 .
93
Ecole Normale Supérieure FIMFA
(a) Son noyau est engendré par un unique polynôme unitaire irréductible fα ∈ k[X]
∼
(b) ϕα induit un isomorphisme k[X]/(fα ) −→ k[α]
(c) k[α] est de dimension nie sur k, égale au degré deg(fα )
(d) k(α) = k[α].
Démonstration. Dans le cas i), les seules choses à prouver sont l'existence et l'unicité du
∼
prolongement de ϕα en un isomorphismek(X) −→ k(α). Mais celles-ci découlent de la
propriété universelle du corps des factions, puisque ϕα envoie tout élément f ∈ k[X] non
nul sur un élément inversible dans K .
Dans le cas ii), le fait que Ker(ϕα ) est engendré par un seul polynôme provient du fait
que k[X] est principal. Ce polynôme est bien déni à multiplication par un inversible près ;
94
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Lemme. Une algèbre A intègre de dimension nie sur un corps k est un corps.
2.1.3 Indépendance algébrique. Soit k⊂K une extension de corps, et soit (αi )i∈I une
famille d'éléments de K indexée par un ensemble I . Comme dans le paragraphe précédent,
on note
k[(αi )i∈I ] la sous-k -algèbre de K engendrée par les αi
k((αi )i∈I ) la sous-extension de K engendrée par les αi .
Définition. On dit que la famille (αi )i∈I est algébriquement indépendante sur k si
le morphisme de k -algèbres k[(Xi )i∈I ] −→ K qui envoie Xi sur αi pour tout i est injectif.
Lorsque les αi sont algébriquement indépendants, le morphisme de la dénition se
∼
prolonge uniquement en un isomorphisme k((Xi )i∈I ) := Frac(k[(Xi )i∈I ]) −→ k((αi )i∈I ).
95
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Exemple. Si l'on prend au hasard n éléments dans C, ils ont toutes les chances d'être
algébriquement indépendants. Par contre, il est très dicile de prouver l'indépendance de
nombres donnés à l'avance, par exemple on ne sait pas si e et π sont algébriquement
indépendants. Il est conjecturé que les valeurs de la fonction ζ de Riemann aux entiers im-
pairs ζ(3), ζ(5), etc... sont algébriquement indépendantes (sur Q). La célébrité du théorème
d'Apery, qui montre simplement l'irrationnalité de ζ(3), donne une idée de l'envergure
de cette conjecture.
Remarque. Si I = I1 tI2 (réunion disjointe), on a k((αi )i∈I ) = k((αi )i∈I1 )((αi )i∈I2 ). De
plus, la famille (αi )i∈I est algébriquement indépendante sur k si et seulement si la famille
(αi )i∈I1 est algébriquement indépendante sur k et la famille (αi )i∈I2 est algébriquement
indépendante sur k((αi )i∈I1 ).
Théorème. Soit k ⊂K une extension de corps telle que K soit une k -algèbre de
type ni. Alors k⊂K est une extension nie (i.e. K est de dimension nie sur k ).
96
Ecole Normale Supérieure FIMFA
A := k[aijk , bij ]i,j,k la sous-k -algèbre de k(α1 ) engendrée par les aijk et les bij . On a mani-
festement k[α1 , · · · , αn ] ⊂ Aβ1 ⊕ · · · ⊕ Aβm .
Supposons maintenant que α1 est transcendant, de sorte que k[α1 ] ' k[X]. Les aijk
fijk fij
et les bij sont donc des fractions rationnelles en α1 , disons aijk = et bij = avec
gijk gij
fij , fijk , gij , gijk ∈ k[α1 ]. Il s'ensuit que si g est n'importe quel polynôme premier aux gij et
gijk (par exemple le produit des gij et des gijk plus 1), alors g1 ∈ / A. Donc g1 ∈
/ k[α1 , · · · , αn ],
ce qui contredit l'hypothèse k[α1 , · · · , αn ] = K .
∼
V (f1 , · · · , fr ) −→ {m ∈ Max(O(Cn )), m ⊃ (f1 , · · · , fr )}
Voici maintenant un corollaire qui va nous mener à une forme plus forte de ces énoncés.
√ \
I= m.
I⊂m∈Max(A)
√ T
Remarque. On a déja vu qu'on a toujours I =
I⊂p∈Spec(A) p. OnTvoit donc que
A est de Jacobson si et seulement si pour tout idéal premier p on a p = p⊂m∈Max(A) m.
Cette propriété équivaut à la densité de Max(A/I) dans Spec(A/I) muni de la topologie
de Zariski, pour tout idéal I de A.
Corollaire. Toute k -algèbre de type ni est un anneau de Jacobson.
97
Ecole Normale Supérieure FIMFA
théorème précédent arme que A[f −1 ]/m̃ est une extension nie de k. Il s'ensuit que A/m
est une k -algèbre intègre de dimension nie, donc un corps, et m est bien maximal.
Application géométrique. Nous pouvons enn décrire précisément l'algèbre des fonctions
polynômiales O(V ) d'un ensemble algébrique V = V (f1 , · · · , fr ) ⊂ Cn . En eet, on a par
n
dénition O(V ) = O(C )/I(V ) avec
i) K est nie sur k si et seulement si K est nie sur k 0 et k0 est nie sur k. De plus,
on a dans ce cas l'égalité [K : k] = [K : k 0 ][k 0 : k].
ii) K est algébrique sur k si et seulement si K est algébrique sur k0 et k0 est algébrique
sur k.
Démonstration. i) L'équivalence est claire. Pour l'égalité, posons n = [K : k 0 ] et m =
0 0n 0 0 m
[k : k]. Alors K ' k en tant que k -ev, et k ' k en tant que k -ev. Il s'ensuit que
K ' (k m )n = k mn en tant que k -ev. En pratique, si α1 , · · · , αn est une base de K sur k 0
0
et si β1 , · · · , βm est une base de k sur k , alors {αi βj , i = 1, · · · , n; j = 1, · · · , m} est une
base de K sur k .
ii) L'implication ⇒ est claire. Pour l'autre implication, soit α ∈ K . Notons fα =
X + a1 X n−1 + · · · + an ∈ k 0 [X] son polynôme minimal sur k 0 . Ainsi α est algébrique sur
n
le corps k(a1 , · · · , an ). Or chacun des ai est algébrique sur k , donc k(a1 , · · · , an ) est ni
sur k (par une récurrence à l'aide de i)). Il s'ensuit que k(a1 , · · · , an , α) est ni sur k et en
particulier α est algébrique sur k .
La proposition suivante montre que toute extension contient une unique sous-extension
algébrique maximale.
98
Ecole Normale Supérieure FIMFA
On voit néanmoins dans cet exemple que les sous-corps purement transcendants sont à
une indéterminée. Ceci se généralise ainsi.
0
Démonstration. Il existe un polynôme irréductible f ∈ k [X, Y ] tel que f (α, β) = 0. Déve-
k 0
P
loppons f = k∈N gk (Y )X avec gk ∈ k [Y ]. Puisque f est non nul, les polynômes gk sont
non tous nuls. Puisque β est transcendant, les éléments gk (β) sont donc eux aussi non tous
0
nuls. Il s'ensuit que α est racine d'un polynôme non nul à coecients dans k (β).
99
Ecole Normale Supérieure FIMFA
contient I = ∅ et est donc non vide. Choisissons I1 maximal dans cet ensemble. Puisque β1
est algébrique sur k(α1 , · · · , αn ), on a I1 I0 . Pour chaque j ∈ I0 \ I1 , les éléments β1 et
αj sont algébriquement liés sur k((αi )i∈I1 ) et le lemme nous assure que αj est algébrique
sur k(β1 )((αi )i∈I1 ). Il s'ensuit que K est algébrique sur k(β1 )((αi )i∈I1 ).
En particulier, β2 est algébrique sur k(β1 )((αi )i∈I1 ), mais transcendant sur k(β1 ). Donc
il existe I2 I1 maximal tel que β2 est transcendant sur k(β1 )((αi )i∈I2 ) et, comme ci-
dessus, K est alors algébrique sur k(β1 , β2 )((αi )i∈I2 ). Par récurrence, on trouve un sous-
ensemble Im de I0 tel que K est algébrique sur k(β1 , · · · , βm )((αi )i∈Im ). Comme la suite
I0 ) I1 ) · · · ) Im est strictement décroissante, on a 0 6 |Im | 6 n − m, ce qui montre que
m 6 n.
Exemple. Comme Q(X1 , · · · , Xn ) est dénombrable pour tout n, on voit que C est de
degré de transcendance inni sur Q.
Remarque. Si V ⊂ Cn est un sous-ensemble algébrique tel que O(V ) est intègre, alors
l'entier deg.tr.(M(V )/C) joue le rôle d'une dimension. On peut montrer que c'est aussi la
longueur de toute chaîne maximale d'idéaux premiers p0 = {0} p1 · · · pn O(V ).
Lemme. Soit k ⊂ k0 ⊂ K
deux extensions de corps. K est de degré de transcendance
0
ni sur k si et seulement si il en est de même de k sur k et de K sur k 0 . De plus, on a
0 0
alors deg.tr.(K/k) = deg.tr.(K/k ) + deg.tr.(k /k).
Démonstration. Clair.
100
Ecole Normale Supérieure FIMFA
ikθ
voisinage de z = 0. Soit maintenant θ tel que an−k e = −|an−k | (ie kθ = π − arg(an−k )).
iθ k k iθ
Alors f (re ) = 1 − |an−k |r + o(r ), et donc f (re ) < 1 pour r assez petit non nul, ce qui
contredit le fait que 1 est le minimum de f.
2.2.2 Définition. Soit k un corps. Une clôture algébrique de k (absolue) est une
extension algébrique k⊂k avec k algébriquement clos.
2.2.3 Proposition. Si k⊂k est une clôture algébrique de k, alors toute extension
algébrique de k se plonge dans k .
0
Démonstration. Soit K une extension algébrique de k et soit K ⊂ K une sous-extension
0
munie d'un plongement ι : K ,→ k . Le point clef est que pour tout α ∈ K , le plongement ι
0
admet un prolongement à K (α). En eet, puisque α est algébrique sur k , donc a fortiori sur
K 0 , on a K 0 (α) = K 0 [α] ' K 0 [X]/(fα ). où fα ∈ K 0 [X] désigne le polynôme minimal de α
0
sur K . Considérons alors le polynôme ι(fα ) ∈ k[X] obtenu en appliquant ι aux coecients
0 0
de fα . C'est donc l'image de fα par l'unique morphisme de K -algèbres K [X] −→ k[X]
0
qui envoie X sur X et K dans k via ι. Puisque k est algébriquement clos, on peut choisir
0
une racine x de ι(fα ) dans k . Considérons alors l'unique morphisme de K -algèbres ϕ :
K 0 [X] −→ k qui envoie X sur x et prolonge ι. Pour tout polynôme f ∈ K 0 [X] on a
ϕ(f ) = ι(f )(x). En particulier ϕ(fα ) = 0, donc ϕ se factorise par un morphisme de K 0 -
algèbres
K 0 [X]/(fα ) −→ k
lequel est nécessairement un plongement de corps, et prolonge ι comme voulu. Remar-
quons cependant que ce prolongement est loin d'être canonique puiqu'il dépend du choix
0
de la racine x de fα choisie, et même de α, puisque K (α) admet certainement d'autres
générateurs.
On contourne le problème de non-unicité des prolongements en invoquant le lemme de
0 0 0
Zorn. Considérons l'ensemble P des paires (K , ι ) formées d'une sous-extension K ⊂ K
0
de k et d'un plongement ι : K ,→ k . Cet ensemble est partiellement ordonné par la
101
Ecole Normale Supérieure FIMFA
2.2.4 Construction d'une clôture algébrique. Nous allons maintenant prouver l'exis-
tence de clôtures algébriques pour tout corps k. Commençons par un moyen inductif de
construction de corps :
Lemme. 0 τ 1 τ n τn−1 τ
k0 −→
Soit k1 −→ · · · −→ kn −→ · · · une suite de morphismes de corps.
Alors il existe un corps k∞ muni de plongements ιn : kn ,→ k∞ tels que ιn ◦ τn−1 = ιn−1
pour tout n > 0, et qui satisfait la propriété universelle suivante : pour tout corps K et
toute collection σn : kn −→ K de plongements telle que σn ◦ τn−1 = σn−1 pour tout n > 0,
σ
il existe un unique plongement k∞ −→ K tel que σ ◦ ιn = σn pour tout n.
102
Ecole Normale Supérieure FIMFA
L
ι̃n : kn ,→ m∈N km qui envoient un élement xn ∈ kn sur la suite nulle partout sauf au rang
n où elle vaut xn . Soit R le sev engendré par les éléments ι̃n (τn−1 (xn−1 )) − ι̃n−1 (xn−1 ) =
(0, · · · , 0, −xn−1 , τn−1 (xn−1 ), 0, 0, · · · ) pour n ∈ N∗ et xn−1 ∈ kn−1 . Posons
!
M ι̃n
M
k∞ := kn /R et ιn : kn −→ km k∞ .
n m∈N
kOn
∼ / ιn (kn )
ιn O
τn−1
?
kn−1
∼ / ιn−1 (kn−1 )
ιn−1
Lemme. Avec les notations du lemme précédent. Supposons que pour tout n > 0 et
tout polynôme fn ∈ kn [X], le polynôme τn (fn ) ∈ kn+1 [X] admette une racine dans kn+1 .
Alors k∞ est algébriquement clos.
Démonstration. Soit f ∈ k∞ [X]. Il existe n tel que les coecients de f soient dans ιn (kn ).
Alors f est de la forme ιn (fn ) pour un (unique) polynôme fn ∈ kn [X]. Par hypothèse, le
polynôme τn (fn ) ∈ kn+1 [X] admet une racine xn+1 dans kn+1 . Il s'ensuit que ιn+1 (xn+1 ) est
une racine du polynôme ιn+1 (τn (fn )) = ιn (fn ) = f dans k∞ . Donc k∞ est algébriquement
clos.
103
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Remarque. (Corps de rupture) Avant de donner la preuve, remarquons qu'il est facile
de construire une extension Kf de k f ∈ k[X]
dans laquelle un polynôme irréductible
donné admet une racine. Il sut de prendre Kf := k[X]/(f ), qui est un corps puisque (f )
est un idéal maximal, et dans lequel X (ou plutôt son image) est une racine de f . Un tel
corps Kf s'appelle corps de rupture de f .
On peut alors tout aussi facilement construire inductivement une extension Kf1 ,··· ,fn
de k dans lequel chacun des polynômes fi donnés admet une racine. On peut même le
faire pour une famille (fn )n∈N en utilisant le premier lemme par exemple. Mais en général,
l'ensemble des polynômes irréducibles n'est pas nécessairement dénombrable. La preuve
qui suit adapte cette idée au cas général.
Démonstration. Notons (fi )i∈I la famille des polynômes irréducibles unitaires de k[X].
Considérons l'anneau de polynômes R := k[(Xi )i∈I ] dont les indéterminées sont indexées
par I, et son idéal I engendré par les fi (Xi ) pour i ∈ I .
Supposons que cet idéal est propre. Alors, par Zorn, il est contenu dans un idéal maximal
m de R, K := R/m est un corps contenant k . Par construction, l'image
dont le quotient
de Xi dans K est une racine de fi dans K . De plus, K est engendré par les images de Xi
(en tant qu'extension), donc K est algébrique et satisfait la proposition.
Il nous sut donc de prouver que I est bien un idéal propre de R. Raisonnons par
l'absurde et supposons que I = R. Alors il existe un sous-ensemble ni J ⊂ I et des
P
éléments gj ∈ R tels que j∈J gj fj (Xj ) = 1. Puisque J est ni, on a expliqué ci-dessus
qu'il existe une extension KJ de k dans laquelle chaque fj possède une racine, disons xj .
Considérons alors l'unique morphisme de k -algèbres R −→ KJ qui envoie Xi sur xi si i ∈ J
P
et sur 0 si i ∈
/ J . Ce morphisme envoie fj (Xj ) sur fj (xj ) = 0, donc aussi j∈J gj fj (Xj )
sur 0. Comme 0 6= 1 dans le corps KJ on obtient une contradiction.
104
Ecole Normale Supérieure FIMFA
0
le groupe des automorphismes de l'extension k ⊃ k.
Notons que si k est une autre clôture
0 ∼
algébrique de k alors tout isomorphisme d'extensions ψ : k −→ k induit un isomorphisme
∼ 0
σ 7→ ψ −1 σψ : Aut(k/k) −→ Aut(k /k).
Lemme. Soit K ⊃ k une extension algébrique de k et soient ι1 , ι2 : K ,→ k deux k -
plongements de K dans k . Alors il existe un automorphisme σ ∈ Aut(k/k) tel que ι2 = σ◦ι1 .
Démonstration. C'est une conséquence de la proposition 2.2.3. En eet, le plongement ι2
fournit une clôture algébrique de K. Le plongement ι1
k une extension algébrique
fait de
de K. K -extensions σ : k −→ k .
La proposition 2.2.3 nous fournit alors un morphisme de
Mais attention, ici le terme de gauche est une extension de K via ι1 et celui de droite via
ι2 . On a donc σ ◦ ι1 = ι2 par dénition d'un morphisme de K -extensions. Par ailleurs, σ
est k -linéaire puisque ι1 et ι2 le sont. Donc σ ∈ Aut(k/k).
105
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Aut(k/k) Aut(K/k)
Exemple. Soit k = Q et k = Q.
L'extension Q[j] de Q est normale (de degré 2) puisque tout σ ∈ Aut(Q) envoie j
2
sur j ou j , donc laisse stable Q[j].
√3
L'extension Q[ 2] de Q (de degré 3) n'est pas normale, car il existe σ ∈ Aut(Q) tel
√
3
√3
√3
que σ( 2) = j 2 ∈ / Q[ 2].
√
3
L'extension Q[j, 2] de Q est normale (de degré 6).
2.3.4 Extensions normales. Ici nous ne travaillons pas à l'intérieur d'une clôture k
xée.
106
Ecole Normale Supérieure FIMFA
3
√3
Exemple. Le corps de décomposition de X − 2 sur Q est le corps Q[j, 2].
n
Exercice. Soient
√ n, m ∈ N. Montrer
√ que le corps de décomposition de X − m est
Q[ζn , n
m] où ζn = exp(2iπ/n) et n m est l'unique racine n-ème réelle positive de m.
Remarque. L'action de Aut(Kf /k) sur Kf permute l'ensemble f −1 (0) des racines de f
dans Kf . Comme celles-ci engendrent Kf , on a une injection dans le groupe de permutations
L'idée basique de la théorie de Galois est d'utiliser le groupe Aut(Kf /k) comme groupe de
symétries de l'équation algébrique f = 0. Néanmoins, ce groupe peut parfois être trivial :
p p 1/p
prenons k = Fp (T ) et f = X − T . Dans ce cas Kf = Fp (T )[X]/(X − T ) = Fp (T ). En
107
Ecole Normale Supérieure FIMFA
fait, f se factorise en X p − T = (X − T 1/p )p dans Kf , ce qui montre que T 1/p est la seule
racine p-ème de T (avec multiplicité p). Donc le groupe Sf −1 (0) est trivial et Aut(Kf /k)
aussi. Ce phénomène appelé inséparabilité est étudié dans les sections suivantes.
2.4.2 Sous-corps premier. On appelle sous-corps premier d'un corps k le plus petit
sous-corps de k, c'est-à-dire l'intersection de tous les sous-corps de k. Deux cas peuvent se
produire :
Si k est de caractéristique nulle, alors k contient Z donc Frac(Z) = Q et le sous-corps
premier de k est donc Q.
Si k est de caractéristique p > 0, alors k contient Fp , qui est donc le sous-corps
premier de k .
FA : A −→ A, a 7→ ap
k F := {x ∈ k, Fk (x) = x}
108
Ecole Normale Supérieure FIMFA
r
k F := {x ∈ k, Fkr (x) = x}
2.4.4 Corps nis. Choisissons une clôture algébrique Fp de Fp et notons F son auto-
morphisme de Frobenius.
Fr
Théorème.
r
Le corps Fp est un corps de décomposition du polynôme Xp − X sur
Fp . Réciproquement, toute extension nie de Fp est un corps de décomposition du polynôme
[k:Fp ]
Xp − X sur Fp .
r Fr
Démonstration. Pour x ∈ Fp , on a F r (x) = x ⇔ (x racine de X p − X). Ainsi Fp est
pr
l'ensemble des racines de X − X dans Fp . Comme c'est un corps, c'est donc en particulier
pr
un corps de décomposition de X − X.
Réciproquement, soit k une extension nie de Fp . Notons r := [k : Fp ] sa dimension sur
Fp . Alors k est ni de cardinal |k| = pr , donc son groupe multiplicatif k × est de cardinal
r
pr − 1 donc tout élément x ∈ k × vérie xp −1 = 1. Il s'ensuit que tout élément x de k est
p r pr
racine du polynôme X(X −1) = X −X . En particulier, k est un corps de décomposition
de ce polynôme.
Comme tout corps ni est extension nie de son corps premier, ce théorème donne une
recette pour construire tous les corps nis. Il dit aussi que, à isomorphisme près, il y a
r ∗
au plus un corps de cardinal p pour p premier et r ∈ N . Pour compléter le théorème, il
Fr pr
reste à calculer le cardinal de Fp , ce qui revient à compter les racines de X − X (il y en
r
a au plus p ).
109
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Ainsi, on constate par récurrence que ∂(f n ) = n∂(f ) pour tout n ∈ N et en particulier
∂(λ) = λ∂(1) = 0 pour tout λ ∈ k .
Sur l'algèbre A = k[X], toute dérivation est donc uniquement déterminée par sa valeur
en X . Notons ∂ l'unique dérivation de k[X] telle que ∂(X) = 1. Pour un polynôme f =
an X n + an−1 X n−1 + · · · + a0 on a donc
Définition. Un polynôme f ∈ k[X] est dit séparable si l'idéal (f, f 0 ) de k[X] est
0
l'idéal unité (ie f et f sont premiers entre eux).
Soit f ∈ k[X]. Si k est une clôture algébrique de k , alors f se scinde dans k[X] en
f = an (X − α1 )v1 · · · (X − αm )vm où an est le terme dominant de f (ie n = deg(f )),
P m
i=1 vi = n et les αi ∈ k sont supposés distincts. Les αi sont donc les racines de f dans k
et vi est la multiplicité de la racine αi .
i) f est séparable.
iii) Si k est une clôture algébrique de k , la k -algèbre k[X]/(f ) est réduite (auquel cas,
deg(f )
elle est isomorphe à k = k × k × · · · × k ).
Démonstration. i) ⇒ ii). Soit k une clôture algébrique de k . Si g, h ∈ k[X] sont tels que
f g + f 0 h = 1, alors la même égalité dans k[X] montre que f et f 0 n'y ont pas de diviseur
irréductible commun, donc pas de racine commune.
110
Ecole Normale Supérieure FIMFA
m
Y
k[X]/(f ) = k[X]/(X − αi )vi .
i=1
Cet anneau est réduit si et seulement si chacun de ses facteurs k[X]/(X − αi )vi est réduit,
deg(f )
ce qui équivaut à vi = 1. Dans ce cas on a m = deg(f ) et donc k[X]/(f ) ' k .
111
Ecole Normale Supérieure FIMFA
∼
Homk−alg (K[X]/(f ), k) −→ {α ∈ k, f (α) = 0}
donnée par ι 7→ ι(X) où X est l'image de X dans K[X]/(f ). Ainsi l'analogue de la notion
de racine est la notion de plongement. Le lemme suivant nous dit que, tout comme un
polynôme f possède au plus deg(f ) racines, une extension nie K ⊃ k admet au plus
[K : k] plongements.
∼
Homk−alg (K, k) −→ Homk−alg (k ⊗k K, k), ι 7→ τ,
I
Πτ : k ⊗k K −→ k , λ ⊗ α 7→ (τ (λ ⊗ α))τ ∈I .
I
[K : k] = dimk (k ⊗k K) > dimk (k ) = |Homk−alg (K, k)|.
Homk−alg (A,k)
Πτ : A −→ k , a 7→ (τ (a))τ ∈Hom
k−alg (A,k)
112
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Y ∼ Homk−alg (A,k)
A −→ A/m −→ k
m∈Max(A)
La proposition 2.2.3 nous dit que cette application est surjective. De plus, la bre au-dessus
0 0 0
de ι : K ,→ k est l'ensemble HomK 0 −alg,ι0 (K, k) des plongements K ,→ k qui prolongent ι ,
0 0
i.e. des morphismes de K -algèbres pour lesquels k est muni de la structure de K -algèbre
0
donnée par ι . On a donc
X
|Homk−alg (K, k)| = |HomK 0 −alg,ι0 (K, k)|.
ι0 ∈Homk−alg (K 0 ,k)
En particulier, si on sait que |HomK 0 −alg,ι0 (K, k)| = [K : K 0 ] pour tout ι et |Homk−alg (K 0 , k)| =
[K 0 : k], alors on obtient
Cette remarque nous permet de faire un raisonnement par récurrence sur le nombre de
générateurs r de K sur k . Si r = 1, K est de la forme K = k[α1 ] = k[X]/(fα1 ) et on a
vu ci-dessus que Homk−alg (K, k) est en bijection avec l'ensemble des racines fα1 qui est
113
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Démonstration. On répète l'argument utilisé pour l'implication i) ⇒ ii) pour obtenir l'éga-
lité (∗) de cette preuve, qui montre que K est séparable sur k.
Application. Une extension nie K engendrée par des éléments séparables est sépa-
rable (récurrence sur le nombre de générateurs). En particulier, un corps de décomposition
d'un polynôme séparable de k[X] est séparable sur k.
Remarque. Pour une extension algébrique K⊃k innie, l'assertion ii) du théorème
n'a pas de sens. Mais le raisonnement utilisé donne l'équivalence :
2.5.5 Théorème de l'élément primitif. Le corollaire suivant est assez spectaculaire pour
qu'on lui donne un nom évocateur.
On a vu que cette application est surjective, que la source est de cardinal [K : k] (puisque
K est supposée séparable) et la cible de cardinal [k[α] : k] = deg(fα ) (puisque α est
séparable). On a donc l'équivalence
114
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Par ailleurs, l'application ι0 7→ ι0 (α), est une injection de Homk−alg (k[α], k) dans k (puisque
c'est même une bijection sur l'ensemble des racines de fα dans k ). On a donc
[
K = k[α] ⇔ (ι 7→ ι(α) est injective) ⇔ α ∈ / Ker(ι1 − ι2 ).
ι1 6=ι2
Notons que chaque Ker(ι1 − ι2 ) est un k -sev propre de K. Lorsque k est inni, il nous
sura donc d'invoquer le lemme suivant :
Reste à traiter le cas où k est ni. Pour cela on peut supposer k = Fp . Alors K = Fpr
× r
pour r = [K : k] et K est le groupe des racines p − 1-ème de l'unité (ie les racines des
r
X p − 1). Le lemme suivant nous dit que ce groupe est cyclique. Mais alors tout générateur
α de ce groupe est aussi un générateur de Fp r sur Fp .
Lemme. Soit k un corps et G ⊂ k× un sous-groupe ni de k×. Alors G est cyclique.
Démonstration. Notons n = |G|. On veut montrer qu'il existe un élément d'ordre n dans
G. Soit m le ppcm des ordres de tous les éléments de G. Le résultat de structure des
groupes abéliens nis (modules de torsion sur l'anneau principal Z) implique qu'il existe
un élément x∈G d'ordre m (en fait, cela se prouve directement et facilement : exercice).
Il sut donc de montrer m = n. Or, par dénition on a xm = 1 pour tout x ∈ G, donc
G est formé de racine m-èmes de l'unité, et donc |G| = n 6 m. Comme m|n, on a donc
m = n.
Remarque. Une extension nie non séparable n'est pas nécessairement monogène.
p p
Prenons par exemple K = Fp (X, Y ) ⊃ k = Fp (X , Y ). On vérie assez facilement que la
i j 2
famille des XY 0 6 i, j < p est une base de K sur k , de sorte que [K : k] = p . Et
,
pourtant pour tout α ∈ K , on a αp ∈ k donc [k[α] : k] = deg(fα ) 6 p.
√
3
Exemple. On a vu que le corps Q( 2) n'est pas normal sur Q, mais qu'il le devient
2
si on lui adjoint j (on obtient alors le corps de décomposition de X − 3, de degré 6 sur Q).
Le théorème de l'élément primitif nous dit que ce corps est monogène, mais pas comment
trouver un générateur. Nous verrons plus loin comment en trouver, et montrerons que par
√
3
√
3
exemple j+ 2 est de degré 6, et engendre donc Q(j, 2).
115
Ecole Normale Supérieure FIMFA
Soit f ∈ k[X] irréductible. Alors, puisque (f ) est maximal, on voit que (f, f 0 ) = k[X] si
0 0 0
et seulement si f ne divise pas f . Puisque deg(f ) < deg(f ), ceci équivaut encore à f 6= 0.
On a donc :
Exemples. i) Tout corps ni est parfait, puisque une application injective d'un
ensemble ni dans lui-même est aussi bijective.
ii) Tout corps algébriquement clos est parfait, puisque l'équation Xp − x possède une
solution pour tout x ∈ k.
iii) Le corps Fp (T ) n'est pas parfait, car T n'a pas de racine p-ème, donc n'est pas dans
1 1
l'image du Frobenius. Mais le corps Fp (T, T , T
p p2 ,··· ,) est parfait .
116
Ecole Normale Supérieure FIMFA
La proposition suivante décrit la structure d'une extension algébrique sur un corps non
parfait, vis à vis de la notion de séparabilité.
ii) On appelle clôture séparable (absolue) d'un corps k toute extension algébrique sépa-
rable et séparablement close de k.
Proposition. Tout corps k admet une clôture séparable et celle-ci est unique à
isomorphisme près. De plus, toute extension séparable s'y plonge.
Démonstration. Soit k une clôture algébrique de k. Alors k sep est une clôture séparable de
k (vérier les détails).
117
Ecole Normale Supérieure FIMFA
118
Ecole Normale Supérieure FIMFA
2.7.3 Exemple (Corps nis) L'extension Fpr ⊃ Fp est Galoisienne puisque c'est un
pr
corps de décomposition du polynôme séparable X − X . Soit F l'endomorphisme de Fro-
benius de Fpr , qui est un automorphisme, donc un élément de Gal(Fpr /Fp ). On a bien-sûr
s
F r = id. De plus, pour s < r, on a vu que le sous-corps des points xes FFpr est l'ensemble
ps
des racines de X − X , donc de cardinal < pr . Il s'ensuit que F est d'ordre r et donc que
Gal(Fpr /Fp ) est cyclique d'ordre r, engendré par F .
On ne peut pas dire grand chose de plus sans information supplémentaire sur k. Voici
quelques exemples :
k = Fp . Dans ce cas, on sait que kn doit être de la forme Fpr = kpr −1 . Donc r
r ×
est le plus petit entier tel que n|p − 1, c'est-à-dire l'ordre de p dans (Z/nZ) .
On a vu que Gal(Fpr /Fp ) est cyclique d'ordre r , engendré par le Frobenius F . Il
en est donc de même de Gal(kn /k) et, par dénition du Frobenius et de χ, on a
χFp (F ) = (p (mod n)).
k = Q. On a donc Qn = Q(e2iπ/n ). Si c désigne la conjugaison complexe, un auto-
morphisme de C qui préserve nécessairement le sous-corps algébriquement clos Q
et la sous-extension normale Qn , alors on voit que χQ (c) = (−1 (mod n)) puisque c
2iπ/n −2iπ/n
envoie e sur e . En fait nous allons démontrer :
119
Ecole Normale Supérieure FIMFA
∼
Théorème. χQ est un isomorphisme Gal(Qn /Q) −→ (Z/nZ)× .
D'après la discussion précédente, ceci équivaut à l'égalité
où le second produit est indexé par les racines n-èmes primitives de 1. On a donc la
factorisation Y
Xn − 1 = Φd (X) dans Q[X].
d|n
En fait, Φn (X) ∈ Qn [X] est invariant par Gal(Qn /Q) puisque tout conjugué d'une
racine primitive n-ème est une racine primitive n-ème. On a donc, d'après le v) du
théorème, Φn (X) ∈ Q[X] (on peut aussi le voir par récurrence grâce au produit
ci-dessus). Du coup, Qn est aussi un corps de décomposition de Φn et, puisque
deg(Φn ) = ϕ(n), il nous sura de montrer que
Lemme. Φn est irréductible dans Q[X].
Démonstration. Soit Φn = f g dans Q[X] avec f, g unitaires et deg(f ) > 0. Cette
factorisation correspond à une partition de l'ensemble des racines primitives n-èmes
de l'unité. On veut montrer que f = Φn et pour cela il sut de montrer que
l'ensemble des racines de f est stable par l'action de (Z/nZ)× , c'est-à-dire par
élévation à la puissance a a premier à n. Il sut bien-sur de montrer
pour tout la
stabilité par élévation à la puissance p, pour tout premier p premier à n.
Avant cela, montrons que Φn ∈ Z[X]. On peut le voir par récurrence à partir de la
formule du produit. On peut aussi remarquer que, ses coecients appartiennent au
2πi/n
sous anneau Z[e ] ∩ Q de Q. Or Z[e2iπ/n ] est engendré, en tant que Z-module
2πim/n
par les e , 0 6 m < n (cf second corollaire de 1.4.3). Donc le sous-anneau
2πi/n
Z[e ] ∩ Q est de type ni en temps que Z-module, et donc égal à Z.
Montrons maintenant que f, g ∈ Z[X]. Avec les notations de la preuve du théorème
1.6.3, il sut de prouver que νp (f ), νp (g) > 0 pour tout nombre premier p. Or on
a νp (f ), νp (g) 6 0 puisque f, g sont unitaires, et aussi νp (f ) + νp (g) = 0. Donc
νp (f ) = νp (g) = 0.
Fixons maintenant p premier et premier à n, et notons Φn , f et g les images de Φn ,
f et g dans Fp [X]. L'ensemble des racines de Φn dans Fp est l'ensemble des racines
primitives n-èmes de l'unité, et la factorisation Φn = f g correspond encore à une
p
partition de cet ensemble. En particulier, f et g sont premiers entre eux, et on
p
peut donc trouver u, v ∈ Fp [X] tels que uf + vg = 1. En choissant des relèvements
u, v ∈ Z[X] et en observant que g(X p ) = g p , on voit qu'il existe w ∈ Z[X] tel que
uf (X) + vg(X p ) = 1 + pw.
120
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Gal(K/k) −→ µn , σ 7→ ζσ
∼
Gal(K/k) −→ µm
121
Ecole Normale Supérieure FIMFA
n−1
Y n−1
Y
i
fα = (X − σ (α)) = (X − ζ i α) = X n − αn .
i=0 i=0
Corollaire. Soit k un corps tel que |µn (k)| = n et soit K ⊃ k une extension
n
engendrée par des éléments α1 , · · · , αr tels que αi ∈ k . Alors K ⊃ k est Galoisienne de
groupe de Galois abélien.
Démonstration. L'extension est normale puisqu'elle contient tous les conjugués des géné-
j
rateurs αi (qui sont de la forme αi ζn ). C'est donc un corps de décomposition du polynôme
n n
(X − α1 ) · · · (X − αr ). Elle est séparable, puisqu'engendrée par des éléments séparables.
Elle est donc galoisienne. Considérons l'application
r
Y
Gal(K/k) −→ Gal(k(αi )/k), σ 7→ (σ|k(α1 ) , · · · , σ|k(αr ) ).
i=1
Elle est bien dénie puisque chaque extension k(αi ) ⊃ k est galoisienne, elle injective
puisque les αi engendrent K, et c'est un morphisme de groupes. Donc Gal(K/k) est un
sous-groupe d'un produit de groupes cycliques et est donc abélien.
2.7.6 Lemme. Soit K ⊃k une extension Galoisienne. Son groupe de Galois G est
un sous-ensemble linéairement indépendant de Homk−ev (K, K)
Démonstration. Choisissons une énumération (σi )i=1,··· ,n des éléments de G. Pour α ∈ K
j j j
on peut former la matrice Mα = (σi (α ))i,j ∈ Mn×n (K). Puisque σi (α ) = σi (α) , c'est
Q
une matrice de Vandermonde et son déterminant est donc ±
i<j (σi (α) − σj (α)). Prenons
pour α un élément primitif de K . Alors les σi (α) sont deux-à-deux distincts et on a donc
det(Mα ) 6= 0. Donnons-nous maintenant une relation dePdépendence linéaire ni=1 λi σi = 0
P
dans Homk (K, K). Elle induit une dépendence linéaire i λi Li (Mα ) entre les lignes de Mα .
Mais puisque det(Mα ) 6= 0 on a donc λi = 0 pour tout i.
dans le lemme 2.5.4 nous dit que pour toute algèbre de dimension nie A sur k , l'ensemble
Homk−alg (A, k) est linéairement indépendant dans Homk−ev (A, k).
122
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2.7.7 Problèmes inverses. Dans les exemples ci-dessus, tous les groupes de Galois étaient
abéliens. L'énoncé suivant est un corollaire immédiat et utile de la caractérisation v) du
théorème 2.7.2, qui permet de voir que tout groupe ni est un groupe de Galois.
2.7.8 Correspondance de Galois. Nous allons établir une bijection remarquable entre
sous-extensions d'une extension galoisienne et sous-groupes de son groupe de Galois. Com-
mençons par le résultat suivant.
iii) K 0 est Galoisienne sur k si et seulement si Gal(K/K 0 ) est distingué dans Gal(K/k).
Dans ce cas, l'application σ 7→ σ|K 0 induit un isomorphisme
∼
Gal(K/k)/Gal(K/K 0 ) −→ Gal(K 0 /k).
0 0 −1 0
∀σ ∈ Gal(K/k), σ(K 0 ) = K Gal(K/σ(K )) = K σGal(K/K )σ = K Gal(K/K ) = K 0 ,
123
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124
Ecole Normale Supérieure FIMFA
×
Puisque Q[ζn ] est Galoisienne sur Q de groupe (Z/nZ) , le sous-groupe H1 est distingué
×
de quotient G/H1 ' (Z/nZ) , en particulier on a |G| = |H1 |ϕ(n). On a aussi, d'après
l'exemple 2.7.5, un plongement H1 ,→ µn et on sait que n1 := |H1 | est l'ordre de a dans le
× × n
quotient Q(ζn ) /(Q(ζn ) ) .
√
Par ailleurs, on a l'égalité |G| = |Ha |[Q[ a] : Q], et le caractère cyclotomique nous
n
×
fournit un plongement χn,Q[ √ n a] : Ha ,→ (Z/nZ) .
√
Supposons que le polynôme cyclotomique Φn reste irréductible dans Q[ n a][X]. Ceci
√ √ √
équivaut à l'égalité [Q[ a, ζn ] : Q[ a]] = ϕ(n), et donc à l'égalité [Q[ a] : Q] = n1 et
n n n
aussi à l'égalité |G| = |H1 ||Ha |. Ainsi, dans ce cas, G est produit semi-direct de H1 par
Ha . Utilisant les descriptions de H1 et Ha on obtient l'isomorphisme
√
√
∼ × σ( n a)
Gal(Q[ζn , a]/Q) −→ µn1 o (Z/nZ) : σ 7→
n
√ , σ|µn ,
n
a
Notons que l'on peut très bien avoir n1 = 1 (par exemple lorsque a est une puissance
n-ème dans Q). A l'autre extrème, on a n1 = n si et seulement si X n − a est irréductible
dans Q[ζn ][X] et, dans ce cas, notre hypothèse sur Φn est automatique puisqu'on a alors
√ √ √
[Q[ n a, ζn ] : Q[ n a]] = nϕ(n)[Q[ n a] : Q]−1 = ϕ(n).
Enn, sans hypothèse sur Φn , la même formule que ci-dessus nous donne toujours un
× ×
plongement G ,→ µn o (Z/nZ) tel que la composée G −→ (Z/nZ) avec la projection
×
sur (Z/nZ) soit surjective. Mais l'image de ce plongement peut être délicate à décrire.
Remarque. Si l'on part de a tel que X n −a est irréductible dans Q[X], alors l'hypothèse
n
sur Φn ci-dessus équivaut à l'hypothèse que X − a reste irréductible dans Q[ζn ][X], ce qui
n'est pas facile à vérier en pratique. Néanmoins, si n et ϕ(n) sont premiers entre eux (en
particulier si n est premier), alors l'égalité |H1 |ϕ(n) = n|Ha | et les relations |Ha ||ϕ(n) et
|H1 ||n montrent que |H1 | = n et |Ha | = ϕ(n), donc l'hypothèse est vériée.
Voici un exemple où l'hypothèse n'est pas vériée : prenons a = −3 et n = 6. Le
6
polynôme X + 3 est irréductible dans Q[X] (par le critère d'Eisenstein par exemple) et le
√6
corps Q[ −3] contient une racine carrée de −3 donc contient ζ6 = −ζ3 . Dans ce cas, on a
125
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√
donc K = Q[ 6 −3], Ha = {1} et H1 d'ordre 3 √ de quotient G/H1 d'ordre 2. Le groupe G est
3
d'ordre 6 non-abélien car la sous-extension Q[ −3] n'est pas normale. On a donc G ' S3 .
×
Via le plongement G ,→ µ6 o (Z/6Z) considéré ci-dessus, G s'identie au sous-groupe
engendré par (ζ3 , 1) et (ζ2 , −1).
v) K1 ∩ K2 = k
Démonstration. L'équivalence i) ⇔ ii) [K12 : k] = [K12 : K1 ][K1 : k].
découle de l'égalité
L'équivalence ii) ⇔ iii) découle de la surjectivité du morphisme considéré en iii) (par
dénition du corps engendré) et du fait que l'extension des scalaires (ici de k à K1 )
conserve la dimension.
iii) ⇒ iv) L'isomorphisme considéré en iii) induit un isomorphisme de K1 ⊗k k[α] sur
son image, qui n'est autre que K1 [α], ce qui montre que le degré de α sur K1 est le même
que sur k.
iv) ⇒ ii) Prenons α tel que k[α] = K2 , et notons fα son polynôme minimal sur k . On
a donc [K2 : k] = deg(fα ). Par ailleurs, on a K12 = K1 [α] et iv) dit que fα est aussi le
polynôme minimal de α sur K1 . Donc [K12 : K1 ] = deg(fα ) = [K2 : k].
iv) ⇒ v) ne nécessite aucune hypothèse supplémentaire. Si α ∈ K1 ∩ K2 alors le
polynôme minimal de α sur K1 est X − α. D'après iv) il vit dans k[X], donc α ∈ k .
v) ⇒ iv). Notons d'abord que l'équivalence entre iv) et i) montre que la propriété iv) est
symétrique si on échange les rôles de K1 et K2 , ce qui n'est pas évident a priori. Supposons
maintenant K2 normale sur k , pour xer les idées. Alors pour α ∈ K2 , le polynôme minimal
fα ∈ k[X] de α sur k est scindé dans K2 [X]. Soit gα ∈ K1 [X] le polynôme minimal de
α sur K1 . Alors gα divise fα donc appartient à K2 [X] puisque ses coecients sont des
polynômes en les racines de gα dans K2 . Il s'ensuit que gα ∈ (K1 ∩ K2 )[X] = k[X] et donc
que gα = fα .
√ √ √ v)√
Remarque. L'hypothèse supplémentaire est nécessaire pour queimplique les autres
√
3 3 3 3 3
propriétés. Par exemple, Q( 2) ∩ Q(j 2) = Q, mais Q( 2, j 2) = Q( 2], j) est de degré
6 et non 9.
126
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Démonstration. Gal(K12 /K2 ) est en eet distingué puisque K2 est Galoisienne. L'intersec-
tion Gal(K12 /K2 ) ∩ Gal(K12 /K1 ) est le sous-groupe des automorphismes qui xent K1 et
K2 et donc aussi le corps K12 qu'ils engendrent. Cette intersection est donc {id}. Il s'en-
suit que l'application de l'énoncé est injective. Comme les deux ensembles sont de même
0 0 0 −1
cardinal, elle est bijective. Enn, la formule (στ )(σ τ ) = (σ.τ σ τ )(τ τ 0 ) montre que c'est
un morphisme de groupes.
normale de K , et si Ke 0 en est une autre, on peut la plonger dans k , son image par ce
∼ e
e 0 −→
plongement est nécessairement K e , et on obtient ainsi un isomorphisme K K.
Alternativement, si K est plongé dans une clôture algébrique k , sa clôture normale dans
K est le corps engendré par les images σ(K) où σ décrit Aut(k/k).
Exemple. Si K = k(α1 , · · · , αn ) avec αi ∈ k , alors K e = K({α(j) }i=1,··· ,n;j=1,···r ) où
i j
(j)
αi , j = 1, · · · , ri désignent les conjugués de αi dans k . En d'autres termes K est le corps
de décomposition du polynôme f α1 f α2 · · · f αn .
√ √ √ √
Exemple. La clôture Galoisienne de Q( 2,
3 5
3) dans Q est Q( 3 2, 5 3, e2iπ/15 ).
127
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Définition. Un groupe ni G est dit résoluble s'il admet une suite décroissante
G = G0 ⊃ G1 ⊃ · · · ⊃ Gr = {1} de sous-groupes tels que Gi+1 est distingué dans Gi et
Gi /Gi+1 est abélien.
Exercice. Soit H un sous-groupe de G. Montrer que :
G résoluble ⇒ H résoluble.
Si H est distingué, G résoluble ⇔ (H et G/H résolubles).
128
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telle que pour tout i = 1, · · · , r, on aKi = Ki−1 (αi ) avec αini ∈ Ki−1 pour un ni ∈ N.
On peut choisir cette tour de sorte que K1 soit n-cyclotomique avec n le ppcm des ni .
Alors chaque extension Ki ⊃ Ki−1 est Galoisienne de groupe de Galois abélien, d'après
2.7.5 et 2.7.4. Malheureusement Ki n'est pas nécessairement Galoisienne sur Q pour i > 2.
0
Remplaçons donc Ki par sa clôture Galoisienne Ki dans Q. On a donc une tour Q = K0 ⊂
(j)
K1 = K10 ⊂ K20 ⊂ · · · ⊂ Kr0 d'extensions Galoisiennes avec Ki0 = Ki−1 0
(αi , j = 1, · · · , ri )
(j) (j) n ni
où les αi désignent les conjugués de αi dans Q. Alors (αi ) i est un conjugué de αi donc
0 0 0
appartient à Ki−1 , et le corollaire 2.7.5 nous dit que Gal(Ki /Ki−1 ) est abélien.
0 0 0
Traduisons cela via la correspondance de Galois. Notons Gi := Gal(Kr /Ki ), qui est un
0 0 0 0
sous-groupe de G0 = Gal(Kr /Q). Alors les Gi sont distingués dans G0 , et les quotients
0 0 0
successifs Gi /Gi+1 sont abéliens. Le groupe G0 est donc résoluble. Il s'ensuit que le groupe
Gf := Gal(Kf /Q), qui est un quotient de G0 puisque Kf ⊂ Kr0 , est aussi résoluble. En
0
eet, si Gf,i désigne l'image de Gi dans Gf , alors chaque Gf,i est distingué dans Gf et les
quotients successifs Gf,i /Gf,i+1 sont abéliens, puisque quotients de Gi /Gi+1 .
Réciproquement, supposons maintenant que Gf = Gal(Kf /Q) est résoluble. Notons
0
Kf le corps engendré par Kf et les racines n-èmes de l'unité où n = [Kf : Q]. C'est
0
aussi une extension Galoisienne de Q, dont le groupe de Galois Gf se surjecte sur Gf
0 0
avec noyau Gal(Kf /Kf ) abélien (d'ordre divisant ϕ(n)). Donc Gf est aussi un groupe
0 0
résoluble. Notons Gf,1 := Gal(Kf /Q(e
2iπ/n
)), qui est un sous-groupe distingué de G0f de
0 0 × 0
quotient Gf /Gf,1 abélien (isomorphe à (Z/nZ) ). Puisque Gf est résoluble, il existe des
0 0 0 0 0
sous-groupes Gf,1 ⊃ Gf,2 ⊃ · · · ⊃ Gf,r = {1} tels que Gf,i+1 soit distingué dans Gf,i de
quotient abélien. En fait, puisque tout groupe abélien ni est produit de groupes cycliques,
0 0
on peut même supposer que Gf,i /Gf,i+1 est cyclique. Notons que pour i > 1, l'ordre de
G0f,i /G0f,i+1 divise celui de G0f /G0f,1 qui est égal au degré [Kf0 : Q(e2iπ/n )], lequel divise
0
[Kf : Q] = n. Soit alors Kf,i := (Kf0 )Gi . La correspondance de Galois nous dit que la tour
0 0 0
Q ⊂ Q(e2iπ/n ) = Kf,1 ⊂ Kf,2 ⊂ · · · ⊂ Kf,r = Kf0
0 0
est formée d'extensions Galoisiennes telles que Kf,i /Kf,i−1 est de groupe de Galois cyclique
0
d'ordre n divisant n. D'après le théorème 2.7.5, une telle extension est de la forme Kf,i =
0 √i
Kf,i−1 ( ni a ). Il s'ensuit que f est résoluble par radicaux.
i
129
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2.8.4 Non-résolubilité d'une équation de degré 5. C'est à Abel qu'est attribué le premier
exemple d'équation algébrique non résoluble par radicaux. Mais la théorie de Galois donne
une explication plus conceptuelle aux exemples d'Abel.
Démonstration. Il sut de montrer que An n'est pas résoluble. Pour cela, il sut de mon-
trer que An
ne possède aucun quotient abélien. Ceci équivaut à montrer que le sous-groupe
[An , An ] engendré par les commutateurs xyx−1 y −1 d'éléments de An est égal à An . En eet,
tout morphisme An −→ G avec G abélien est trivial sur [An , An ].
Rappelons que An est engendré par les 3-cycles. En eet, il sut de voir que le produit
de deux transpositions τ = (i, j)(k, l) est un produit de 3-cycles. Si {i, j} = {k, l} on a
τ = id, si |{i, j} ∩ {k, l}| = 1, alors, en supposant que j = k par exemple, on a τ = (i, j, l),
et si {i, j} ∩ {k, l} = ∅ alors τ = (i, j)(j, k)(j, k)(k, l) = (i, j, k)(j, k, l).
Il nous sut donc de voir que tout 3-cycle est un commutateur dans An . On a la formule
(i, j, k) = (i, j)(j, k) = (i, j)(i, k)(i, j)−1 (i, k)−1 qui montre que (i, j, k) est un commutateur
dans Sn . Pour passer à un commutateur dans An , choisissons, l 6= m distincts de (i, j, k),
ce qui est possible car n > 5. Alors, (l, m) commute à (i, j) et (i, k), donc en posant
τ = (i, j)(l, m) et σ = (i, k)(l, m), on a τ στ −1 σ −1 = (i, j, k), et τ, σ ∈ An .
Remarque. En fait, on a beaucoup mieux : pour n > 5, le groupe An est simple, i.e.
ne possède aucun sous-groupe distingué propre et non trivial.
Notre but est maintenant de produire un polynôme de degré 5 dont le groupe de Galois
est S5 . Pour cela, le lemme suivant sera utile :
Lemme. Si n est premier, le groupe Sn est engendré par toute paire d'éléments (σ, τ )
formée d'un n-cycle et d'une transposition.
130
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Pour trouver des polynômes irréducibles, le critère suivant est très utile.
131
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Démonstration. Exercice. La stabilité par soustraction est claire, utiliser Thalès pour la
multiplication de réels, la construction de l'inversion géométrique pour le passage à l'in-
verse, puis Pythagore pour la racine carrée d'un réel positif.
L'équation d'un cercle et celle d'une droite montrent que les coordonnées de leurs
point(s) d'intersection sont solutions d'une équation du second degré en les coordonnées
des points utilisés pour dénir le cercle et la droite. Les nombres constructibles sont donc
algébriques. Plus précisément, on a :
132
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Lemme. Si f est séparable dans k[X], alors f est séparable dans K[X].
Démonstration. Si f est séparable, les αi sont tous distincts, donc les αi aussi et f est
séparable aussi.
133
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Démonstration. En suivant l'action sur les racines, on constate que ce morphisme s'inscrit
dans le diagramme commutatif suivant :
Gf,m / Gf / S{α1 ,··· ,αn } = Sn .
σ7→σ
!
Gf / S{α1 ,··· ,αn } = Sn
2.10.2 Application aux polynômes dans Z[X]. A = Z. Dans ce cas k = Fp Supposons ici
et on sait que Gf est cyclique engendré par le Frobenius F . Soit alors f = f 1 f 2 · · · f r la
r
G
R(f ) = {α1 , · · · , αn } = R(f i ).
i=1
Cette partition est respectée par F, et F agit transitivement sur chaque R(f i ). Ainsi,
l'image de F dans Sn est un produit c1 · · · cr de cycles disjoints de longueurs respectives
n1 , · · · , nr . On a donc prouvé :
134
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χn,Q /
Gf (Z/nZ)× = Aut(µn ) ⊂ S{rac. prim. nemes de 1} .
O
ι
? χn,Fp /
Gf (Z/nZ)× = Aut(µn ) ⊂ S{rac. prim. nemes de 1}
135
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εd,Q /
Gf {±1} .
O
ι
? εd,Fp
Gf / {±1}
Y q(q−1) q−1
(ζqi − ζqj )2 = (−1) 2 q q = (−1) 2 qq .
06i<j<q
√ q−1
Il s'ensuit que Q(ζq ) ⊃ Q( q ∗ ) q ∗ = (−1) 2 q . Par la correspondance
où on a posé
√
de Galois, on a donc un morphisme surjectif Gal(Q(ζq )/Q) Gal(Q( q ∗ )/Q). Via le
caractère cyclotomique χq,Q et le caractère quadratique εq ∗ ,Q , ce morphisme devient un
×
morphisme surjectif (Z/qZ) {±1}. Mais puisque q est premier, le groupe (Z/qZ)×
est cyclique, donc il existe un unique tel morphisme surjectif, et de plus, son noyau est le
× 2
sous-groupe des carrés dans (Z/qZ) (ie l'image de x 7→ x ).
2 ∗
Notons maintenant f = Φq et g = X − q , xons p premier impair diérent de q , et
notons f , g ∈ Fp [X] f et g . Alors f et g Q
les réductions de sont séparables et kf contient
un corps de décomposition kg de g (puisqu'on a toujours ( i<j (ζqi − ζqj ))2 = (q ∗ )q ). D'où
un morphisme surjectif Gf Gg . On vérie à nouveau sur leur construction que les
plongements ι sont compatibles à ces morphismes surjectifs, i.e. que le diagramme suivant
est commutatif
Gf // Gg
O O
ιf ιg
Gf // Gg .
136
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∗
(Z/qZ) {±1} envoie p sur qp . On en déduit la
Il s'ensuit que la surjection
×
∗ ×
propriété remarquable suivante : q est un carré dans Fp si et seulement si p est un
∗
q
×
carré dans Fq . Autrement dit p
= pq . Un petit calcul utilisant la multiplicativité
p−1
d1 d2 d1 d2 −1
p
= p p
et le fait (élémentaire) que
p
= (−1) 2 montre alors la fameuse
loi de réciprocité quadratique
p q (p−1)(q−1)
= (−1) 4 .
q p
Remarque culturelle. (Le théorème de Chebotarev) Comme remarqué plus haut, le
théorème de spécialisation nous fournit, pour chaque premier p tel que f := f mod p est
séparable, une classe de conjugaison canonique de plongements Gf ,→ Gf . Les images du
Frobenius F ∈ Gf dans Gf sont appelées substitutions de Frobenius et forment une classe
de conjugaison Cp dans Gf . Le théorème de Chebotarev (conjecturé par Frobenius qui
avait prouvé un résultat un peu plus faible) arme que pour toute classe de conjugaison
C de Gf , l'ensemble des premiers p tels que C = Cp est inni, et a même pour densité
naturelle |C|/|G|, ce qui signie que la suite
|{p 6 N, C = Cp }| −→ |C|
N 7→∞ .
|{p 6 N }| |G|
f = Φn , on a Gf ' (Z/nZ)× abélien, donc une classe de
Dans le cas particulier de
conjugaison est un singleton C = {ā} pour un a ∈ Z premier à n. Alors, vu le calcul de
ι(F ) ci-dessus, on a C = Cp si et seulement si p ≡ a[n]. On retrouve ainsi le théorème
de densité de Dirichlet, qui arme que l'ensemble des premiers congrus à a modulo n est
inni, de densité 1/ϕ(n). En fait, les idées de Dirichlet sont utilisées dans la preuve de
Chebotarev.
Dans le cas particulier f = X 2 − d, le théorème de Chebotarev nous dit que d est un
carré dans Fp pour la moitié des nombres premiers p (ie pour p dans un sous-ensemble
de densité 1/2).
Notons que pour un t comme dans le théorème, ft est irréductible puisque l'action de
Gft sur les racines est transitive comme celle de GfT . Notons aussi que le même énoncé est
trivialement faux si on remplace Q par C ou Fp . La motivation de Hilbert pour prouver ce
théorème venait du problème de Galois inverse. On peut en déduire assez facilement que
pour tout n ∈ N, les groupes Sn et An sont des groupes de Galois sur Q.
137
Ecole Normale Supérieure FIMFA
On a alors l'égalité (σσ 0 ) · ν = σ · (σ 0 · ν) qui montre qu'on a ainsi déni une action à gauche
n
de Sn sur N .
n
Par la propriété universelle de l'algèbre de monoïde Z[N ] cette action s'étend en une
n
action de Sn sur Z[N ] par automorphisme d'anneaux. Explicitement, on a
X X X
σ(f ) = aν X σ·ν = aσ−1 ·ν X ν pour f= aν X ν .
ν∈Nn ν∈Nn ν∈Nn
ν −1 (1) ν −1 (n) ν1 νn
X σ·ν = X1 σ · · · Xnσ = Xσ(1) · · · Xσ(n) .
Il s'ensuit que σ(Xi ) = Xσ(i) pour tout i. En d'autres termes, l'automorphisme f 7→ σ(f )
de l'anneau Z[X1 , · · · , Xn ] est l'unique automorphisme tel que σ(Xi ) := Xσ(i) .
X X Y
Σj := Xi1 Xi2 · · · Xij = XI avec XI := Xi .
16i1 <···<ij 6n I⊂{1,··· ,n} i∈I
|I|=j
Σ1 , · · · , Σn ∈ Z[X1 , · · · , Xn ]Sn ,
on dit que ce sont des polynômes symétriques. Ces polynômes encodent les relations entre
racines et coecients des polynômes.
138
Ecole Normale Supérieure FIMFA
n
Démonstration. Pour ν ∈ N , posons Σν := Σν11 Σν22 · · · Σνnn . Nous devons donc montrer que
ν
la famille (Σ )ν∈Nn est une Z-base de Z[X1 , · · · , Xn ]Sn .
S
Pour cela, nous allons d'abord exhiber une Z-base agréable de Z[X1 , · · · , Xn ] n , puis
ν ν
P
nous exprimerons les Σ dans cette base agréable. Soit f = ν∈Nn aν X invariant sous Sn .
Alors aν = aσ·ν pour tout σ ∈ Sn , et on peut donc écrire, de manière unique,
X X
f= aν S ν , où S ν = Xν.
ν∈Nn /Sn ν∈ν
La famille (S ν )ν∈Nn /Sn est donc une Z-base de Z[X1 , · · · , Xn ]Sn . Néanmoins, la paramé-
trisation de cette base par l'ensemble quotient Nn /Sn n'est pas pratique pour y exprimer
Σν .
Définition. On dit que ν ∈ Nn est dominant si ν1 > ν2 > · · · > νn . On note
n
Λ⊂N l'ensemble des n-uplets dominants.
Il est clair que toute Sn -orbite ν contient exactement 1 n-uplet dominant. L'ensemble
n
Λ est donc un ensemble de représentants des Sn -orbites dans N . Pour λ ∈ Λ, on notera
simplement
X
S λ := S λ = Xν.
ν∈Sn ·λ
0
X
(∗) S λS λ = cλ,λ0 ;µ S µ
µ∈Λ
139
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pour des coecients cλ,λ0 ;µ ∈ Z uniquement déterminés. An d'étudier ces coecients, il
n
est utile de remarquer que Λ est stable par addition, et de munir N de l'ordre suivant :
ν 4 ν 0 ⇔ ν̃ 6 ν̃ 0
0
ν ∈ Nn , notons A≺ν := ν 0 ≺ν ZX ν . Puisque 4 est compatible à
P
Démonstration. Pour
l'addition, on a A≺ν A4ν 0 ⊂ A≺ν+ν 0 . De plus, si λ ∈ Λ, on a σ·λ ≺ λ pour tout σ ∈ Sn \{id}.
λ λ
On en déduit que S ∈ X + A≺λ et
0 0
S λ S λ ∈ X λ+λ + A≺λ+λ0 .
Il s'ensuit que
0 0
S λ S λ = S λ+λ + P, avec P ∈ (A≺λ+λ0 )Sn .
µ µ
P
Écrivons P = µ∈Λ cµ S . Comme cµ est aussi le coecient de X dans le développement
ν 0
de P dans la base des X , on voit que cµ 6= 0 ⇒ µ ≺ λ + λ comme voulu.
1 n
Σν = Σν11 · · · Σνnn = (S µ )ν1 · · · (S µ )νn .
Posons alors
λν := ν1 µ1 + · · · + νn µn ∈ Λ.
Le lemme nous dit que
X
Σν ∈ S λν + Z.S λ .
λ≺λν
Or l'application
Nn −→ Λ, ν 7→ λν
est bijective, d'inverse λ 7→ (λ1 − λ2 , · · · , λn−1 − λn , λn ). Munissons donc Nn d'une nouvelle
relation d'ordre (total et compatible à l'addition) :
ν E ν 0 ⇔ λν 4 λν 0 ,
140
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X
∀ν ∈ Nn , Σν ∈ Sν + Z.Sν 0 .
ν0C ν
Y Y
(Xi − Xj )2 = (−1)n(n−1)/2 (Xi − Xj ) = ∆(Σ1 , · · · , Σn ).
i<j i6=j
Y n
Y
disc(f ) = 2
(αi − αj ) = (−1)n(n−1)/2
f 0 (αi ).
i<j i=1
141
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G
Si car(k) 6= 2, il s'ensuit que D ∈ Kf f = k ⇔ Gf ⊂ An .
2
p
Remarque. Si disc(f ) ∈
/ kp , l'extension intermédiaire k ⊂ k( disc(f )) ⊂ Kf est
142
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Proposition. SiRψ,f (T ) possède une racine simple dans k, alors Gf est contenu
dans un conjugué de H dans Sn .
Démonstration. Comme plus haut, soient α1 , · · · , αn les racines de f dans Kf . Notons
τ 7→ στ Gf dans Sn associée à cette numérotation des racines.
l'injection de
Posons ψ := ψ(α1 , · · · , αn ) ∈ Kf , et plus généralement σψ := ψ(ασ(1) , . . . , ασ(n) ) pour
σ ∈ Sn . On a donc σσ 0 ψ = σψ si σ 0 ∈ H et on a στ σψ = τ (σψ) pour τ ∈ Gf .
Les racines de Rψ,f sont les σψ pour σ décrivant Sn /H (ou plutôt un ensemble de
représentants de Sn /H ). Supposons que σψ est racine de Rψ,f dans k . Alors στ σψ =
τ (σψ) = σψ pour tout τ ∈ Gf . Si de plus, σψ est racine simple, alors στ σH = σH et
στ ∈ σHσ −1 . L'action de Gf se fait donc à travers σHσ −1 .
Encore plus généralement, soient deux sous-groupes H ⊂ G ⊂ Sn et supposons que
Gf agisse à traversG sur les racines (pour un ordre préalablement choisi). On peut alors
simplement G-symétriser un polynôme H -invariant ψ en posant
Y
G
Rψ,f (T ) = (T − ψ(ασ(1) , · · · , ασ(n) ) ∈ Kf [X].
σ∈G/H
143
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144
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Remarque. On peut se demander quelle implication peut avoir un tel résultat sur les
polynômes qui nous intéressent vraiment, à savoir ceux où les ai sont des éléments de k.
Il se trouve que la réponse dépend fortement de k. Par exemple si k = C, tout polynôme
f obtenu par spécialisation des ai en des éléments de C est scindé, donc son groupe de
Galois est trivial ! Si k=R et n > 2, f n'est jamais irréductible et
une spécialisation de
Z/2Z. Si k = Fp , une spécialisation de f peut être
son groupe de Galois est trivial ou égal à
irréductible, mais son groupe de Galois est toujours abélien. Mais pour k = Q, un résultat
de Hilbert arme que pour une innité de spécialisations de f , le polynôme spécialisé est
irréductible et son groupe de Galois est Sn !
det(u) et tr(u) ∈ A.
Remarquons que det(u) s'interprète aussi comme le scalaire donnant l'action de ∧n u sur
∧n M ' A ; en particulier on a det(u) = tr(∧n u).
On dénit maintenant le polynôme caractéristique de l'endomorphisme u
χu (T ) = det(T idM −u) ∈ A[T ]
comme le déterminant de l'endomorphisme T ⊗idM −1⊗u du A[T ]-module libre A[T ]⊗A M .
On retrouve bien la dénition classique lorsque A est un corps. Le théorème suivant est
classique lorsque A est un corps algébriquement clos.
145
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n
Démonstration. Choisissons un épimorphisme π : A M pour n convenable. Soit
n
(e1 , · · · , en ) la base canonique de A . Pour chaque i = 1, · · · , n, choisissons un élément
fi ∈ An tel que π(fi ) = u(π(ei )). Cela dénit un endomorphisme u e de An donné par
e(ei ) = fi . On a donc par construction π ◦ u
u e = u ◦ π , et par itération π ◦ uek = uk ◦ π , et
nalement π ◦ χue (e
u) = χue (u) ◦ π . D'après le théorème précédent on a donc χue (u) ◦ π = 0.
Or π est surjective, donc χu e (u) = 0.
146
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Démonstration. Supposons b et b0 entiers sur A. Alors b0 est a fortiori entier sur A[b] donc
0
A[b][b ] A[b]-module de type ni, et donc aussi un A-module de type ni. C'est
est un
0 0 0
aussi un A[b + b ]-module dèle (puisqu'il contient A[b + b ]) donc b + b est entier par la
0
caractérisation iii) de la proposition précédente. De même, bb est entier.
Remarque. Une A-algèbre B d'anneaux est dite entière si tout élément de B est entier
sur A. La proposition montre que si B est entière sur A et si C est une B -algèbre entière,
alors C est aussi une A-algèbre entière.
Exemple. Soit K une extension nie de Q (on dit que K est un corps de nombres),
on note OK la clôture intégrale de Z dans K et on l'appelle anneau des entiers de K .
Définition. Si A est intègre, la clôture intégrale de A dans Frac(A) est appelée
normalisation de A. On dit alors que A est normal (ou encore intégralement clos) s'il est
égal à sa propre normalisation.
147
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2.12.4 Une autre preuve du théorème 2.11.3. Avec les notations de 2.11.2, on sou-
Sn
haite montrer que Z[Σ1 , · · · , Σn ] = Z[X1 , · · ·
, Xn ] et que les Σi sont algébriquement
indépendants sur Z. La première étape est d'utiliser la théorie de Galois pour prouver que
Q(Σ1 , · · · , Σn ) = Q(X1 , · · · , Xn )Sn . Posons K = Q(X1 , · · · , Xn ) et k = Q(Σ1 , · · · , Σn ). On
S S
a manifestement k ⊂ K n . La proposition 2.7.7 nous dit que [K : K n ] = n! et le fait que
K soit un corps de décomposition du polynôme f = T n − Σ1 T n−1 + · · · + (−1)n Σn montre
G
que [K : k] 6 n!. L'égalité k = K s'ensuit. La deuxième étape utilise la notion de degré de
transcendance. Puisque K est algébrique sur k , ils ont même degré de transcendance sur Q
d'après le théorème 2.1.7. Mais cela implique que les Σi sont algébriquements indépendants
sur Q, et a fortiori sur Z. La dernière étape est d'utiliser la normalité pour prouver que
S
l'inclusion Z[Σ1 , · · · , Σn ] ⊂ Z[X1 , · · · , Xn ] n est une égalité. Posons A = Z[Σ1 , · · · , Σn ] et
B = Z[X1 , · · · , Xn ]. Puisque le polynôme f ci-dessus est unitaire et dans A[T ], l'anneau
B est entier sur A. A fortiori, l'anneau B Sn est entier sur A, et par ailleurs, il est contenu
S
dans le corps des fractions k = K n de A. Or, A est factoriel, donc normal, et il s'ensuit
que A = B .
148
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d'une certaine forme K -bilinéaire sur L. Pour la dénir, considérons plus généralement
une extension A ⊂ B d'anneaux commutatifs avec B libre de rang ni sur A. Pour b ∈ B ,
on pose TrB/A (b) := tr(m(b)) où m(b) est l'endomorphisme A-linéaire de B donné par la
multiplication par b. On dénit alors la forme A-bilinéaire symétrique
L/K n'est pas séparable, soit x ∈ K ⊗K L nilpotent non nul. Alors pour tout y ∈ K ⊗K L,
l'élément xy est nilpotent, donc de trace nulle, et x est donc dans le noyau de θK⊗ L/K .
K
n
X
b= TrL/K (bbi )b∗i
i=1
B ⊂ M 0 := Ab∗i .
L
et TrL/K (bbi ) ∈ A d'après le lemme ci-dessous. Donc i
149
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Or chaque élément ι(b) ∈ K a le même polynôme minimal que b, donc est entier sur A.
Il s'ensuit que TrL/K (b) est entier sur A. Comme c'est un élément de K et comme A est
normal, on a TrL/K (b) ∈ A.
Démonstration. Nous allons encore utiliser la forme bilinéaire θK/Q . Si b1 , · · · , bn sont des
éléments de OK , on note DK/Q (b1 , · · · , bn ) := det TrK/Q (bi bj ) i,j . D'après le lemme pré-
cédent, c'est un élément de Z. Choisissons b1 , · · · , bn de sorte à former une Z-base de
OK . Si b01 , · · · , b0n est une autre famille d'éléments de OK , et P est la matrice de passage
(b0i )i = P.(bi )i , alors on a
Si b01 , · · · , b0n est aussi une Z-base de OK , alors P ∈ GLn (Z) a pour déterminant ±1, et on
voit que l'entier
disc(K/Q) := DK/Q (b1 , · · · , bn )
ne dépend pas de la Z-base de OK choisie. On l'appelle discriminant de K.
0 0 n−1
Prenons maintenant la famille (b1 , · · · , bn ) = (1, α, · · · , α ). On a donc
Nous allons montrer que DK/Q (1, α, · · · , αn−1 ) = disc(fα ). Par l'hypothèse de la propo-
sition, il s'en suivra que le terme de gauche ci-dessus est sans facteur carré, donc que
n−1
det(P ) = ±1, donc P ∈ GLn (Z) et nalement (1, α, · · · , α ) est bien une Z-base de OK .
n−1
Pour calculer DK/Q (1, α, · · · , α ), on utilise la formule prouvée dans le lemme pré-
P
cédent TrK/Q (b) = ι:K,→Q ι(b). En numérotant les plongements ι1 , · · · , ιn on constate
que
n
X
TrK/Q (b0i b0j ) = ιk (b0i )ιk (b0j )
k=1
150
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donc la matrice (TrK/Q (b0i b0j ))i,j est le produit t U.U avec U la matrice (ιi (b0j ))i,j . Faisons
0
maintenant bj = αj−1 . La matrice U est donc une matrice de Vandermonde (ιi (α)j−1 )i,j et
on a donc
Y
DK/Q (1, α, · · · , αn−1 ) = det(U )2 = (ιi (α) − ιj (α))2 = disc(fα ),
i<j
la dernière égalité venant du fait que les ιi (α) sont les racines de fα dans Q.
Exemples. Mêmes notations que la proposition.
2.13.3 Pour aller plus loin. Avec les notations de la preuve ci-dessus, le théorème
d'échelonnage des matrices entières nous dit que | det(P )| est l'indice (OK : Z[α]) du sous-
groupe Z[α] dans OK . La preuve nous borne cet indice, au sens où pour tout premier p,
on a νp (OK : Z[α]) 6 21 νp (disc(fα )). Pour pouvoir dire plus, il faut des informations sur
disc(K/Q)
Proposition. K un corps de nombres. On a
Soit
2
2 X Yn X n
Y
disc(K/Q) = det (σi (αj ))i,j = σi (ατ (i) ) − σi (ατ (i) )
τ ∈Sn ,ε(τ )=1 i=1 τ ∈Sn ,ε(τ )=−1 i=1
= (P − I)2
= (P + I)2 − 4P I
Nous allons montrer que P + I et P I sont des entiers (dans Z), ce qui impliquera que
2
disc(K/Q) ≡ (P + I) [4] ≡ 0, 1[4] puisque le carré d'un entier est toujours congru à 0 ou
1 modulo 4.
Puisque les σi (αj ) sont des entiers algébriques, P + I et P I ont aussi des entiers algé-
briques, et il nous sura donc de prouver qu'ils sont rationnels (dans Q), i.e. invariants
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p−1
!pr−1
Y
NQ(ζr )/Q (ζ1 − 1) = NQ(ζ1 )/Q (ζ1 − 1)[Q(ζr ):Q(ζ1 )] = (ζ1i − 1) .
i=1
Qp−1 i
Le produit i=1 (ζ1 − 1) est le produit des racines du polynôme Φp (1 + T ) = (1 + T )p−1 +
· · · + (1 + T ) + 1, donc est égal à (−1)p−1 p. Finalement on obtient
r) 1 r −(r+1)pr−1
disc(Φpr ) = ±prϕ(p = ±prp .
ppr−1
La formuledisc(Φpr ) = (OQ(ζr ) : Z[ζr ])2 disc(Q(ζr )/Q) nous dit que p est le seul premier
susceptible de diviser l'indice (OQ(ζr ) : Z[ζr ]). Pour conclure, on utilise le résultat suivant
joint à l'observation que Φpr (1 + X) est Eisenstein en p avec Φpr (1) = p.
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