Exposé Groupe IV Coopération Internationale

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PRIMATURE REPUBLIQUE DU MALI

UN PEUPLE UN BUT UNE FOI

MODULE : Coopération internationale Chargé du cours : SEM Mahamane A MAÏGA PhD

Les forces et faiblesses des opérations de maintien de la


paix des Nations unies : le cas de la MINUSMA

EXPOSANTS : GROUPE IV
1 Siaka DEMBELE Administrateur civil
2 Oumar KOUMA Administrateur civil
3 Ousmane COULIBALY Administrateur civil
4 Modibo SAMAKE Inspecteur des finances
5 Arouna COULIBALY Inspecteur des finances
6 Ibrahim BOCOUM Inspecteur des finances
7 Mohamed El Moctar AG HAMOUTAPHA Inspecteur des services économiques
8 Moadji TRAORE Inspecteur du trésor
9 Amadou SANGA Inspecteur des douanes
10 Balla KEITA Inspecteur des impôts
11 Mohamed Cherif HAIDARA Planificateur
12 Mariam Namoh DIABATE Planificateur
13 Ibrahima TRAORE Conseiller des affaires étrangères
Table des matières
Acronymes ......................................................................................................... 2
Introduction ....................................................................................................... 3
I. Les forces de la MINUSMA .......................................................................... 5
A. Les bons offices en faveur du règlement pacifique de la crise ................. 5
B. Les actions humanitaires et la protection des droits humains en faveur
de la consolidation de la paix ......................................................................... 8
II. Les faiblesses de la MINUSMA .................................................................. 11
A. Limites de l’action militaire : faiblesse du mandat et de l’équipement des
casques bleus................................................................................................... 11
B. Collusion entre casques bleus et forces étrangères non-onusiennes :
conflit d’intérêt et perte de crédibilité ............................................................ 14
Conclusion ....................................................................................................... 17
Bibliographie et Webographie ......................................................................... 20

1
Acronymes
BATFAR : Bataillon reconstitué des forces armées maliennes
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CS/CS-NU : Conseil de Sécurité des Nations unies
CSA : Comité de Suivi de l’Accord
DAM : Département d’Appui aux Mission (ONU)
DDR : Désarmement Démobilisation et Réinsertion
DOMP : Département des Opérations de Maintien de la Paix (ONU)
EUCAP : Mission de formation de l’Union Européenne à l’endroit des Forces sécuritaires
maliennes
EUTM : Mission de formation de l’Union Européenne à l’endroit des Forces de défense
maliennes
FAMa : Forces Armées Maliennes
FDS : Forces de Défense et de Sécurité
GAT : Groupe Armé Terroriste
MINUSCA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en
République Centrafricaine
MINUSMA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au
Mali
MISMA : Mission Internationale de Soutien au Mali sous conduite africaine
MONUSCO : Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en
République Démocratique du Congo
MUJAO : Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest
OMP : Opération de Maintien de la Paix
ONU : Organisation des Nations unies
ONUCI : Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire
OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
RSS : Réforme du Secteur de la Sécurité
SG/SG-NU : Secrétaire général des Nations unies
SIPRI : Institut international de recherche sur la paix de Stockholm
UE : Union Européenne
AQMI : Al-Qaïda au Maghreb Islamique

2
Introduction
« Nous, peuples des nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la
guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles
souffrances, …1 », peut-on lire au tout-début du préambule de la Charte des Nations unies (NU),
l’acte de naissance de l’Organisation des Nations Unies (ONU), adoptée en 1945 à San
Francisco. Comme quoi l’ONU a été créée, après la seconde guerre mondiale, pour annihiler
les velléités bellicistes et ainsi pacifier le monde.
Par contre, des tensions entre les Etats-Unis (USA) et l’Union soviétique (URSS) émergèrent
rapidement après la Seconde Guerre mondiale, lesquelles affectèrent de manière significative
l’efficacité de l’ONU dans la préservation de la paix et de la sécurité internationales. Cette
période est connue sous le nom de Guerre Froide. Ce que nous appelons aujourd’hui le maintien
de la paix est donc essentiellement le fruit d’une improvisation dans le but de répondre aux
tensions grandissantes existant entre les deux superpuissances (les USA et l’URSS). Les
fondateurs des Nations Unies n’avaient pas entrevu la possibilité de s’engager au sein d’OMP,
ainsi, les OMP ne font pas partie du mécanisme de la Charte des NU. Dans l’Article 25 de la
Charte, les États membres des NU se mettent d’accord pour « accepter et appliquer les
décisions du Conseil de sécurité2 (CS) ». Ainsi, de par la Charte, le CS a la responsabilité
première pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Comme résultat des
désaccords croissants entre les deux superpuissances, le système originel de sécurité collective,
qui reposait sur l’imposition de la paix par le CS et un consensus des grandes puissances, devint
impraticable. Ceci favorisa la conception des Opérations de Maintien de la Paix (OMP).
Par définition, les opérations de maintien de la paix sont essentiellement un mécanisme
pragmatique utilisé par les Nations Unies pour contenir les conflits internationaux et faciliter
leur règlement par des moyens pacifiques. Le maintien de la paix à ses origines était une réponse
au conflit entre États, et fut originellement pensé comme l’emploi non violent de la force
militaire dans le but de préserver la paix entre deux parties en guerre. Le maintien de la paix
tombe entre les Chapitres VI et VII de la Charte des NU.
L’esprit et la conduite des OMP sont bien explicités dans la Doctrine Capstone, la doctrine
fondamentale3 formulée par le Département des Opérations de Maintien de la Paix (DOMP)
dans un document d’une centaine de pages daté du 18 janvier 2008. Elle récapitule les principes
du maintien de la paix4 (peacekeeping), à la lumière des opérations conduites depuis 1948 (plus
d’une soixantaine d’opérations en soixante ans, trente-cinq dans la seule décennie 1990) et
distingue ces opérations des autres types d’actions en faveur de la paix : prévention des conflits
(conflict prevention), rétablissement de la paix (peacemaking), imposition de la paix (peace
enforcement) et consolidation de la paix (peacebuilding). Pour une plus grande efficacité,
contrairement aux autres types d’opération et conformément à la Doctrine Capstone, les OMP
se veulent polyvalentes et multidimensionnelles, avec comme leitmotiv les trois principes

1 Charte des Nations unies (Charte de San Francisco), adoptée le 26 juin 1945 à San Francisco (Etats-unis) par 51 pays et
entrée en vigueur le 24 octobre 1945 après sa ratification par les Etats signataires, donnant ainsi naissance à l’Organisation
des Nations Unies (ONU) https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/full-text (consulté le 18/10/2023)
2 Le Conseil de sécurité, régi par le Chapitre V de la Charte, est l’organe suprême des NU, en ce sens qu’il a la responsabilité

première en matière de paix et de sécurité internationales. Le CS est composé de 15 membres dont 5 permanents disposant
chacun d’un droit de véto (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie).
3 Disponible en ligne https://peacekeeping.un.org/sites/default/files/capstone_doctrine_fr.pdf (consulté le 18/10/2023)
4 Ces principes sont au nombre de trois, ils se renforcent mutuellement : le consentement des parties (1), l’impartialité (2)

et le non-recours à la force sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat (3).

3
susmentionnés. Parmi les 71 OMP lancées par l’ONU à travers le monde5, 12 sont en cours,
dont la moitié (6) en Afrique6.
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali
(MINUSMA) a été créée par la Résolution 2100 du Conseil de sécurité de l’ONU en date du
25 avril 2013. Elle a été mise en place à la demande du Mali et pour remplacer la Mission
internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA). Cette dernière était
confrontée à des problèmes logistiques et de ressources en raison de la faible capacité des pays
africains et son mode de financement à travers des contributions volontaires7.
Le mandat de la MINUSMA porte sur « des tâches prioritaires telle que la sécurité, la stabilité
et protection des civils, l’appui au dialogue national et à la réconciliation nationale, l’appui à
l’établissement de l’autorité de l’Etat dans tout le pays, à la reconstruction du secteur de la
sécurité malienne, à la promotion et la protection des droits de l’homme et à l’aide
humanitaire »8. Par différentes résolutions, le CSNU a annuellement procédé au renouvellement
du mandat de la MINUSMA. Cependant, la Résolution 2690, en date du 30 juin 2023, a mis fin
au mandat de la Mission, le retrait de celle-ci du territoire malien doit être effectif le 31
décembre 2023. Cette Résolution fait suite au retrait du consentement de l’Etat malien, dix ans
après la création de la MINUSMA.
Ainsi, ce thème nous permet de mieux cerner les tenants et aboutissants du retrait de
consentement de la partie malienne. En outre, il nous permet également, sur le plan théorique,
d’être au fait de l’actualité du système de sécurité collective des NU et de la doctrine qui le
sous-tend ; et sur le plan pratique, de jauger l’efficacité dudit système à l’épreuve des crises
multidimensionnelles aussi alambiquées que celle du Mali.
Alors on va tâcher de répondre à la question suivante : Quels ont été les succès et les limites
de la MINUSMA ?
Pour apporter une réponse idoine à cette problématique, on va traiter, en amont, les forces de la
MINUSMA (I) et, en aval, ses faiblesses (II).

5 Site officiel du DOMP https://peacekeeping.un.org/fr/where-we-operate (consulté le 18/10/2023)


6 France Diplomatie
https://si.ambafrance.org/IMG/pdf/vaccessible_omp_fr.pdf?2804/66a40f6ad82534d00360927a61f2ab2b2bc3d3af
(consulté le 18/10/2023)
7 SEM Mahamane Amadou MAÏGA Ph.D, La situation au Mali : les réalités et les modalités de coopération, Ecole Supérieure

de Guerre de l’Algérie, 2022. p9


8 Ibid

4
I. Les forces de la MINUSMA
Dans cette première partie, nous allons voir les actions qui ont fait la force de la MINUSMA
durant la décennie d’intervention au Mali. Il s’agit notamment des bons offices (A) qui ont
favorisé le dialogue inter-malien, et des actions humanitaires couplées à la protection des droits
humains (B) dans le but de favoriser la consolidation de la paix.

A. Les bons offices en faveur du règlement pacifique de la crise

Créée dans un contexte sécuritaire très tendu au Mali, caractérisé par une crise politico-
institutionnelle au sud et l’irrédentisme touareg au nord qui avait des accointances avec les
groupes armés terroristes, les premières tâches prioritaires de la MINUSMA étaient de favoriser
le dialogue inter-malien.
Le Conseil de Sécurité, tenant compte des recommandations de l’Agenda pour la paix de
Boutros Boutros-Ghali et de la Doctrine Capstone en ce qui concerne la consolidation de la
paix, agissant en vertu du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies, a inscrit dans l’acte de
naissance de la Minusma plusieurs dispositions en vue du règlement pacifique des différends
inter-maliens. C’est ainsi que dans sa Résolution 2100 en date du 25 avril 2013, le Conseil a :
➢ exigé de tous les groupes rebelles armés au Mali qu’ils déposent les armes et mettent
fin aux hostilités immédiatement et exhorté toutes les parties maliennes qui ont rompu
tout lien avec des organisations terroristes comme AQMI, le MUJAO et Ansar Eddine
et les groupes terroristes qui y sont affiliés et qui reconnaissent sans condition l’unité et
l’intégrité territoriales du Mali, et les autorités de transition maliennes à s’engager dans
les meilleurs délais dans un processus de négociation ouvert à tous, sous l’égide du
Secrétaire général [de l’ONU], en particulier celle de son Représentant spécial pour le
Mali, et en collaboration étroite avec l’Union africaine, la CEDEAO et le Représentant
spécial de l’Union européenne pour le Sahel;

➢ demandé à la communauté internationale de tenir périodiquement, par l’intermédiaire


du Groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali, des réunions dans ce pays, et
ailleurs selon qu’il conviendra… et de continuer de contribuer à promouvoir une paix
durable, la stabilité et la réconciliation au Mali, prie le Secrétaire général de favoriser la
tenue des réunions du Groupe de soutien et de suivi et souligne qu’il importe que l’ONU,
l’Union africaine et la CEDEAO continuent à coordonner leur action en faveur d’une
paix durable, de la sécurité, de la stabilité et de la réconciliation dans ce pays9.
Outre ces exigences et recommandations faites aux protagonistes et à la communauté
internationale, le Conseil assigna à la Minusma le mandat de contribuer « à la mise en œuvre
de la feuille de route pour la transition, y compris le dialogue national … »10. Elle a dû user de
ses bons offices et de mesures de confiance et d’encouragement aux niveaux national et local,
y compris par l’entremise de partenaires locaux pour prévoir, prévenir, atténuer et régler tout
conflit. Ainsi elle a aidé les autorités de transition maliennes et les groupes du nord du pays à

9 Résolution 2100 du Conseil de Sécurité de l’ONU, New York, 25 avril 2013


10 Ibid

5
faciliter tous progrès dans le sens d’un dialogue national inclusif et de la réconciliation, y
compris en renforçant les capacités de négociation et en favorisant la participation de la société
civile, dont les associations féminines.
Si ces efforts conjugués de la MINUSMA et d’autres acteurs internationaux ont permis la tenue
des élections de 2013, ils n’ont toutefois pas empêché la résurgence des hostilités. Les 17 et 21
mai 2014, les combats reprennent à Kidal entre les rebelles et l’armée malienne, celle-ci finit
par perdre le contrôle de plusieurs villes stratégiques dont Ménaka, Andéramboukane, Anéfis
et Kidal. Le 22 mai 2014, agissant conformément aux dispositions susmentionnées de la
Résolution 2100 du Conseil de Sécurité de l’ONU, Mohamed Ould Abdel Aziz, à l’époque
Président de la Mauritanie et de l’Union Africaine, entreprit une ultime médiation qui permit
de rassembler les protagonistes autour de la table de négociation à Kidal. C’est ainsi qu’un
accord de cessez-le-feu est conclu entre le gouvernement malien et les groupes armés du nord
en vue de revenir à l'accord préliminaire de Ouagadougou, toutefois, les rebelles conservent
leurs positions à Kidal et Ménaka11.
Dans sa Résolution 2164 en date du 25 juin 2014, prolongeant le mandat de la Minusma, le
Conseil de Sécurité a invité les parties maliennes à entreprendre instamment, « de bonne foi et
sans tarder, un processus de négociation crédible et ouvert dans le respect de la souveraineté,
de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali 12 ». Dans ladite résolution, le CS assigna
également à la MINUSMA le mandat de « se coordonner avec les autorités maliennes et les
aider à engager un processus de négociation crédible et sans exclusive ouvert à toutes les
communautés du nord du Mali, conformément aux paragraphes13 », et ce, en effectuant les
actions suivantes :
➢ user de ses bons offices et de mesures de confiance et d’encouragement aux niveaux
national et local pour prévoir, prévenir, atténuer et régler tout conflit, y compris en
renforçant les capacités de négociation et en favorisant la participation de la société
civile, dont les associations féminines ;
➢ appuyer le cantonnement des groupes armés, étape essentielle vers la mise en place d’un
processus de DDR efficace dans le cadre d’un accord de paix global ;
➢ et aider les autorités maliennes, et coordonner les efforts internationaux, en vue de
l’élaboration et de la mise en œuvre de programmes de désarmement, de démobilisation
et de réintégration des ex-combattants et du démantèlement des milices et des groupes
d’autodéfense, conformément aux dispositions de l’Accord préliminaire de
Ouagadougou et compte tenu des besoins propres aux enfants démobilisés.
C’est ainsi que la Résolution 2164 institua les conditions favorables à la naissance et à
l’aboutissement du Processus d’Alger14 et l’ « Accord d’Alger » fut signé le 15 mai 2015 à
Bamako par le gouvernement malien et les groupes loyalistes ainsi que plusieurs États et
organisations au nom de la médiation internationale et le 20 juin 2015 à Bamako par la
Coordination des Mouvements de l’Azawad qui a dû subir une pression du Conseil de Sécurité
pour accepter de signer.

11 Jean-Philippe Rémy, « Accords de paix d’Alger : une dernière chance pour le Mali », Le Monde, 1er mars 2015
12 Résolution 2164 du Conseil de Sécurité de l’ONU, New York, 25 juin 2014
13 Ibid
14 Médiation internationale menée par l'Algérie, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Tchad, l'Union

africaine, l'ONU, la CEDEAO, l'OCI, l'Union européenne et la France

6
Après la signature de l’Accord d’Alger, conformément aux dispositions de la Résolution 2227
du CS-NU en date du 29 juin 201515, la Minusma s’est attelée à l’application effective dudit
Accord. Mandat a été donné au Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, non
moins chef de la Minusma, de continuer d’user de ses bons offices, en particulier de jouer un
rôle de premier plan pour ce qui est d’appuyer et de superviser la mise en œuvre de l’accord par
le Gouvernement malien et les groupes armés des coalitions Plateforme et Coordination,
notamment en dirigeant le secrétariat du Comité de suivi de l’Accord (CSA)16, et d’aider tout
particulièrement les parties maliennes à définir des mesures de mise en œuvre et à les classer
par ordre de priorité, conformément aux dispositions de l’Accord et aux alinéas. C’est ainsi que
le Chef de la Minusma, à travers le CSA et avec le regard avisé et les recommandations du
Centre Carter, a soutenu et favorisé redéploiement progressif des Bataillons des Forces de
défense et de sécurité maliennes réformées et reconstituées (BATFAR), de même que le
cantonnement, le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes armés (DDR)
dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (RSS).
Le CS-NU, dans ses différentes résolutions de 2015 à 2022 renouvelant le mandat de la
Minusma, a toujours fait de l’application de l’Accord la priorité de la Mission. C’est ainsi que
des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l’application de l’Accord sur certains aspects.
Des autorités intérimaires ont été mises en place dans le nord, et de nouvelles régions ont été
créées. En 2021, plusieurs représentants des mouvements signataires ont été invités à faire
partie des institutions de transition. Les femmes, qui n’avaient pas participé aux pourparlers de
paix, sont désormais représentées dans les mécanismes de suivi de l’Accord. Avec l’appui de
la MINUSMA, 2 300 combattants ont suivi le processus accéléré de désarmement,
démobilisation et réintégration, et 1 765 d’entre eux ont été intégrés dans quatre unités
reconstituées dans le nord. À Kidal, l’arrivée d’une telle unité en 2019 a marqué le retour
officiel des forces de défense nationales dans cette ville depuis 2014. En août 2022, à la réunion
décisionnelle de haut niveau tant attendue, la proposition du Gouvernement d’intégrer 26 000
combattants dans les structures de l’État a été approuvée et une commission ad hoc a été chargée
de régler les questions de grade et de chaîne de commandement. Plusieurs politiques et plans
d’action sur la réforme du secteur de la sécurité ont été élaborés avec l’aide de la Mission. Des
progrès ont aussi été enregistrés dans le domaine de la justice et de la réconciliation, et la
Commission vérité, justice et réconciliation a achevé ses travaux. Ainsi, 16 projets pilotes se
chiffrant à environ 38,5 milliards de francs CFA ont été planifiés, dont 9 pour les régions du
nord17. Néanmoins, la mise en œuvre de ces projets, qui doit s’étaler sur une période de 18 à 24
mois, a été lente en raison de la méfiance qui règne entre les parties, de la fragmentation des
mouvements au fil du temps et des réticences que l’Accord suscite parmi certains segments de
population et certaines parties prenantes. Un désaccord entre les parties a empêché que le
processus accéléré de désarmement, démobilisation et réintégration, qui visait 3 000

15
Le CS : « Exhorte le Gouvernement malien et les groupes armés des coalitions Plateforme et Coordination de s’acquitter
des engagements qu’ils ont pris au titre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et les exhorte à cet égard à
continuer de dialoguer de manière constructive, avec une ferme volonté politique et en toute bonne foi, afin d’assurer
l’application intégrale et effective de l’Accord ».
16 Créé en juillet 2015, comme le prévoit le Chapitre 19 de l’Accord, le CSA est responsable du suivi, du contrôle et de la
coordination de la mise en œuvre. Il est composé du Gouvernement malien, des mouvements signataires et de la médiation
internationale susvisée. Il est présidé par l’Algérie et les membres permanents du CS-NU sont invités à participer à ses
travaux.
17 Rapport du Secrétaire général portant sur l’examen interne de la MINUSMA, 16 janvier 2023

7
combattants, soit mené à son terme, et le processus global de désarmement, démobilisation et
réintégration n’a pas pu être mené à bien en raison de divergences quant à la chaîne de
commandement et aux grades. Certaines réformes institutionnelles clés, dont la mise en place
d’un sénat, ont été retardées. Le retour de l’administration locale et des services de base est
minime, tandis que les conditions de sécurité se sont beaucoup détériorées dans une grande
partie du nord malgré une forte présence des casques bleus dans cette zone.

B. Les actions humanitaires et la protection des droits humains en faveur de


la consolidation de la paix

Des expériences précédentes, évaluées par le Rapport Brahimi et prises en compte par la
Doctrine Capstone, il ressort que le succès d’une OMP n’est pas uniquement tributaire des
actions politiques et militaires, en effet, celles-ci doivent aller de pair avec le soutien aux
populations vulnérables, la protection des droits humains et la reconstruction post-conflit. Ainsi,
la protection des civils est devenue un pilier des opérations de maintien de la paix des Nations
Unies. Neuf missions de maintien de la paix, comprenant plus de 90% du personnel militaire et
policier de maintien de la paix de l'ONU actuellement déployés dans le monde, ont aujourd'hui
un mandat pour protéger les civils18. Depuis ses premières heures, le CS-NU a tenu à assigner
à la MINUSMA, des mandats allant dans ce sens.
Conformément à la politique du Département des Missions de Maintien de la Paix (DPKO/DFS
en anglais) sur la Protection des civils, la MNUSMA est mandatée19, suivant ses capacités et
zones d’intervention, à utiliser tous les moyens nécessaires, y compris l'usage de la force, visant
à prévenir ou à répondre aux menaces de violence physique contre des civils et ceci, sans
préjudice à la responsabilité première du gouvernement hôte de protéger sa propre population.
En parallèle à cela, la Mission doit en particulier veiller à la protection des femmes et des
enfants touchés par les conflits armés et prendre des mesures spécifiques à cet effet.
L’approche de la MINUSMA s’agissant de la protection des civils est holistique, et les
composantes civiles, police et militaire de la Mission, coordonnent conjointement leurs efforts
pour atteindre cet objectif. De plus, la MINUSMA conjugue ses efforts avec ceux de la
communauté humanitaire et ce, de manière très étroite, afin de protéger les civils, à travers le «
Cluster Protection » et d'autres mécanismes de coordination, tels que les « groupes de travail
régionaux Protection des Civils ».
Conformément à la politique de DPKO-DFS sur la Protection des Civils, la Mission suit une
approche à trois volets, communément appelés tiers, pour protéger les civils. Ces trois volets
ne suivent pas un ordre séquentiel ou de priorité, et doivent être mis en œuvre en parallèle, selon
les besoins.
✓ Le premier volet consiste à protéger les civils par le dialogue et l'engagement, et
comprend des activités telles que le dialogue avec l'auteur ou l'auteur potentiel de l’acte,
la résolution des conflits et la médiation entre les parties au conflit. Il consiste également
à convaincre le gouvernement et les autres acteurs concernés d’intervenir pour protéger

18 Site officiel de la Minusma https://minusma.unmissions.org/affaires-civiles-2 (Consulté le 02/10/2023)


19 Toutes les résolutions du CS-NU, de 2013 à 2023

8
les civils, à recourir à l'information publique et aux rapports sur la Protection des civils,
ainsi que d'autres initiatives visant à protéger les civils par l'information publique.
✓ Le deuxième volet englobe les activités des composantes Police et Militaire de la
Mission, impliquant la démonstration ou l'utilisation de la force afin de prévenir,
dissuader, anticiper et répondre aux situations dans lesquelles les civils sont sous
menaces de violence physique. Ces actions sont informées par et mises en œuvre en
coordination étroite avec les sections civiles de la Mission, qui aident à guider les
objectifs et la conduite des opérations militaires et policières, y compris à travers des
structures de planification et de coordination conjointe en matière de protection des
civils.
✓ Le troisième volet se caractérise par des programmes de grande envergure, conçus avec
des ressources engagées en vue d’objectifs de maintien de la paix à moyen et long terme.
Présentées parfois comme des tâches mandatées séparées dans les résolutions propres
au pays, ces activités contribuent à la création d’un environnement protecteur pour les
civils et sont habituellement planifiées indépendamment du mandat de protection des
civils. La plupart d’entre elles sont entreprises en parallèle ou en coordination avec des
programmes menés par l’équipe de pays des Nations Unies ou l’équipe de pays pour
l’action humanitaire. Se retrouvent notamment au titre de ce volet les efforts importants
de la MINUSMA en vue de soutenir les projets menés au sein des communautés locales,
tels que les projets à impact rapide (QIPs en anglais), les projets de la section SSR/DDR,
qui visent à réduire les violences communautaires, et d'autres mécanismes de projets
tels que les Fonds Fiduciaires et le Fonds pour la consolidation de la paix20.

Depuis sa création, la MINUSMA a facilité l’exécution de 863 projets à effet rapide,


représentant 34,6 millions de dollars, et de 282 projets menés au titre du Fonds d’affectation
spéciale pour la paix et la sécurité au Mali, qui est alimenté par les contributions des donateurs,
pour un total de 101 millions de dollars. Ces projets ont joué un rôle clé dans l’avancement des
priorités stratégiques énoncées dans son mandat, notamment en apportant les dividendes de la
paix à la population et en permettant le retour des représentants de l’État. Tirant parti de la
présence et de l’accès de la Mission dans le nord et le centre du Mali, ces projets ont permis,
entre autres, l’installation de réverbères à énergie solaire, la construction et la remise en état de
postes de gendarmerie et de police ainsi que de points de contrôle de sécurité, et la construction
de tranchées de sécurité à la périphérie des villes. Des fonds ont également été mis à disposition
pour la remise en état ou la construction d’infrastructures (ponts dans la région de Bandiagara
et pistes d’atterrissage à Kidal, Ménaka et Gao, entre autres) et pour des projets relatifs à l’eau
et à l’assainissement, à l’agriculture, à la santé, à la culture et aux médias. En outre, depuis son
déploiement, la Mission s’est résolument employée à faire davantage appel à des fournisseurs
locaux dans le cadre de ses procédures d’achat. Depuis 2013, elle a organisé à Bamako plusieurs
séminaires commerciaux à l’intention de fournisseurs maliens. En 2022, elle en a organisé à
Tombouctou, Gao et Mopti et, plus récemment, en décembre 2022, avec l’aide d’entités du
Siège, elle a organisé à Bamako un séminaire pour les sociétés de production alimentaire. En
outre, au cours des exercices 2020, 2021 et 2022, elle a effectué auprès de fournisseurs maliens
des achats d’un montant de 46 millions de dollars, 53 millions de dollars et 48 millions de

20 Site officiel de la Minusma https://minusma.unmissions.org/affaires-civiles-2 (Consulté le 02/10/2023)

9
dollars, respectivement, sachant que les biens et services stratégiques dont les missions ont
besoin sont achetés par le Siège de l’Organisation à New York21.
En outre, depuis son déploiement, la MINUSMA a été extrêmement attentive aux droits
humains, mettant l’accent sur la surveillance, les enquêtes et l’établissement de rapports publics
sur les violations et atteintes commises dans ce domaine. Des notes trimestrielles sont publiées
depuis 2020, et la Mission apporte un soutien à d’autres mécanismes des Nations Unies qui
rendent compte de la situation des droits humains au Mali. Rien qu’en 2022, 35 enquêtes
spéciales sur des violations graves des droits humains et des atteintes à ces droits commises par
des acteurs étatiques et non étatiques ont été menées22. La Mission a également contribué au
renforcement des capacités de la société civile, des institutions de l’État concernées et des
Forces de défense et de sécurité maliennes, formant notamment le personnel de défense, et a
apporté d’autres types de soutien. Ses activités ont aussi porté sur la violence sexuelle liée aux
conflits et les six violations graves des droits de l’enfant commises lors de conflits armés. Dans
ce contexte, le Gouvernement a signé un communiqué conjoint sur les violences sexuelles liées
aux conflits en 2019, et les deux principaux mouvements signataires de l’Accord se sont
engagés à mettre en place des plans d’action sur la protection des enfants en 2017 et en 2021,
respectivement. En 2022, la MINUSMA a procédé à 195 estimations des risques concernant
des forces de sécurité autres que celles de l’ONU, dont les Forces de défense et de sécurité
maliennes, avant de fournir une assistance. La Mission a mené ces activités dans un
environnement particulièrement difficile, caractérisé par de nouvelles attaques contre les civils
commises par des groupes terroristes, dans le centre comme dans le nord, notamment dans les
régions de Ménaka et de Gao, et par les actions des groupes d’autodéfense. Elle est également
préoccupée par les violations et atteintes commises durant des opérations militaires menées par
les Forces armées maliennes, y compris celles impliquant du personnel de sécurité étranger. De
juillet 2021 à juin 2022, la MINUSMA a constaté 1 883 faits relatifs aux droits humains.
L’engagement pris par le Gouvernement de faire respecter les droits humains et le droit
international humanitaire et les efforts qu’il fait pour le tenir sont les bienvenus, mais l’impunité
et le fait que les auteurs d’infractions ne soient pas amenés à répondre de leurs actes continuent
de constituer de graves problèmes. En outre, les restrictions à la liberté de circulation ont
également nui à la capacité de la Mission de mener des enquêtes sur place, ce qui montre qu’une
plus grande coopération de la part des autorités est nécessaire. Enfin, alors que le Mali entre
dans une année cruciale pour le processus électoral, il devient encore plus urgent de garantir le
respect des libertés et droits fondamentaux pour que la procédure soit juste et que les scrutins
soient crédibles. Au cours de l’année écoulée, une tendance inquiétante est apparue, caractérisée
par le rétrécissement de l’espace civique, notamment en ce qui concerne le rôle des médias et
de l’opposition politique23.
Toutefois, concernant les cas de violations et atteintes aux droits humains imputés aux Forces
Armées Maliennes (FAMa) par la MINUSMA, le Gouvernement du Mali, à travers des
mémorandums ad hoc, a réfuté ces accusations et reproché à la Mission la « légèreté » dont elle
fait preuve en imputant des incidents aux FAMa sans donner les détails sur les lieux, les dates

21 Rapport du Secrétaire général portant sur l’examen interne de la MINUSMA, 16 janvier 2023
22 Ibid
23 Ibid

10
et les victimes de ces incidents. Le Gouvernement malien trouve que cette approche de la
Mission « contraste avec la gravité des accusations portées contre les FAMa »24.
Sachant que le consentement et la coopération sont le socle des OMP, cette brouille entre le
Gouvernement malien et la Minusma prouve à bien des égards que la Mission n’a pas que des
forces.

II. Les faiblesses de la MINUSMA


Cette deuxième partie portera sur les limites de la Mission onusienne durant ses dix années
d’exercice au Mali. Celles-ci se rapportent, d’une part, à la faiblesse de l’action militaire (A)
dans un contexte particulièrement hostile, et d’autre part, à la sous-traitance de plusieurs pans
du mandat de la Mission à d’autres forces étrangères non-onusiennes (B) ayant des motivations
sibyllines.

A. Limites de l’action militaire : faiblesse du mandat et de l’équipement des


casques bleus

« L’appellation même de cette mission pose problème. La Minusma est une mission de paix. Si
on lit, cela veut dire que ce n’est pas une mission qui est destinée à faire la guerre, à combattre
l’ennemi. Je pense que les pays africains feraient mieux de poser nettement cette question. Il
est temps de clarifier la mission de la Minusma au Mali. On voit par exemple que dans le cas
du Congo, les forces de la brigade d’intervention rapide ont mis du temps avant d’assurer
dernièrement un rôle offensif. Je crois que la leçon congolaise est encore là pour nous rappeler
que les Nations unies peuvent se donner cette mission offensive. Mais je pense qu’au fond du
problème la question fondamentale c’est la souveraineté des états africains. Quel est le poids
de l’Afrique par rapport aux décisions du Conseil de sécurité ? Ce poids-là est très faible. Et
deuxièmement, il faudrait que le Mali ait une stratégie, à moyen terme, qui lui permette d’avoir
cette capacité de réaction25 », disait, déjà en 2014, le Professeur Issa N’DIAYE, soit seulement
un (1) an après la mutation de la MISMA en MINUSMA.
En 2008, le DOMP, avec l’appui du DAM, a formellement interdit, dans sa Doctrine
fondamentale (Doctrine capstone), l’emploi de la force armée lors des OMP. Ainsi, parmi les
trois grands principes sacralisés par ladite Doctrine, le principe de « Non-recours à la force
sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat26 » arrive en troisième position. A la
lecture de ce principe, il est clair que les casques bleus ne doivent faire usage de la force que
pour répliquer s’ils sont attaqués et pour défendre un mandat spécifique, par exemple la

24 Mémorandum du Gouvernement de la République du Mali sur le rapport trimestriel du Secrétaire général des Nations
Unies sur la situation au Mali, couvrant la période du 31 mars au 1er juin 2023.
25 Interview du Professeur Issa N’DIAYE, chargé de cours à l’Université de Bamako, réalisée par Studio Tamani en novembre

2014 https://www.studiotamani.org/2166-minusma-les-pays-contributeurs-veulent-des-moyens-et-un-mandat-specifique
(Consulté le 10/10/2023)
26 Doctrine Capstone

11
protection des populations civiles ou l’établissement d’un couloir humanitaire, si des
belligérants venaient à s’y opposer.
Le DOMP invite à ne pas confondre le maintien de la paix et l’imposition de la paix, même si
les deux peuvent parfois présenter des similitudes. Car il existe des OMP dites robustes, qui
impliquent l’emploi de la force au niveau tactique avec l’autorisation du Conseil de sécurité et
le consentement du pays hôte ou des principales parties au conflit. Plusieurs opérations de
maintien de la paix des Nations Unies déployées dans un environnement hostile ont reçu un
mandat « robuste » du Conseil de sécurité les autorisant à « employer tous les moyens
nécessaires » pour prévenir toute tentative de troubler le processus politique, pour protéger les
civils en cas de menace imminente d’atteinte à l’intégrité physique des personnes ou pour aider
les autorités nationales à maintenir l’ordre public27. Compte tenu de l’acuité de la crise
malienne, l’absence d’un tel dispositif au Mali a irrité plusieurs observateurs, notamment
africains comme le Professeur N’DIAYE suscité.
En effet, depuis sa création par la Résolution 2100 du CS-NU en date du 25 avril 2013, la
MINUSMA n’a jamais été dotée ni d’un mandat robuste, clair et précis en ce qui concerne
l’action militaire, ni des moyens nécessaires à l’efficacité des casques bleus sur le terrain.
Concernant le mandat, les différentes résolutions se suivent et se ressemblent. De 2013 à 2014,
le CS a confié à la MINUSMA le mandat d’assurer la stabilisation des principales
agglomérations du Mali et de contribuer au rétablissement de l’autorité de l’État dans tout le
pays : « en appui aux autorités de transition maliennes, stabiliser les principales agglomérations,
en particulier dans le nord du pays, et, dans ce contexte, écarter les menaces et prendre
activement des dispositions afin d’empêcher le retour d’éléments armés dans ces zones; aider
les autorités de transition maliennes à étendre et rétablir l’administration de l’État dans tout le
pays28 ». Les casques bleus ont également été chargés de protéger les civils et le personnel des
Nations Unies : « assurer, sans préjudice de la responsabilité des autorités de transition
maliennes, la protection des civils immédiatement menacés de violences physiques, dans la
limite de ses moyens et dans ses zones de déploiement; protéger le personnel, les installations
et le matériel des Nations Unies et assurer la sécurité et la liberté de circulation du personnel
des Nations Unies et des agents qui y sont associés29 ». Et de 2014 à 2022, outre l’appui à la
mise en œuvre de l’accord d’Alger, le CS a toujours confié à la MINUSMA le même mandat
de stabilisation et de contribution au rétablissement de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue
du territoire national, avec un accent particulier sur les régions du Centre qui étaient devenues,
entre temps, l’épicentre de la crise. Mais les casques bleus devaient s’acquitter de ce mandat en
quoi faisant précisément ? En neutralisant, seuls ou aux côtés des FAMa à travers des offensives
conjointes, les menaces, c’est-à-dire les groupes irrédentistes et leurs acolytes terroristes ? Ou
en évitant la confrontation, tout en restant inoffensifs dans l’espoir que les menaces s’auto-
estompent ? Cette imprécision du mandat, comme l’a dénoncé jadis le Rapport Brahimi, a porté
un coup dur à l’efficacité des casques bleus sur le théâtre malien.
En outre, les moyens mis à la disposition des casques bleus laissaient à désirer. Au départ
quelques 8000, l’effectif du personnel militaire et policier a évolué pour atteindre 13 264 avant

27 Site officiel DOMP https://peacekeeping.un.org/fr/principles-of-peacekeeping (consulté le 10/10/2023)


28 Résolution 2100 du Conseil de Sécurité de l’ONU, New York, 25 avril 2013
29 Ibid

12
la fin de la mission30. Cet effectif, bien que conséquent, faisant de la MINUSMA l’une des plus
grandes OMP de l’histoire, est relativement insuffisant par rapport à l’étendue du territoire
malien31 et l’acuité de la crise malienne. Malgré son budget annuel de plus de 1,2 milliards de
dollar américain, soit plus de 700 milliards de FCFA par an, la MINUSMA n’a pas pu fournir
aux casques bleus les équipements nécessaires pour faire face aux dangers sur le terrain et ainsi
exécuter convenablement leur mandat. Ce déficit d’équipement a fait de la MINUSMA l’OMP
la plus meurtrière de l’histoire, avec 174 pertes en vie humaine suite à des actes hostiles dans
les rangs de la Mission32.
Pourtant cet entêtement du CS à faire de la MINUSMA une mission totalement inoffensive s’est
opéré en faisant fi des recommandations des acteurs régionaux et de plusieurs experts en la
matière. En effet, depuis novembre 2014, après de sérieux revers subis par les casques bleus sur
le théâtre malien ayant coûté la vie à 33 d’entre eux, des pays contributeurs de troupe,
notamment africains, et la partie onusienne ont tenu une réunion de crise à Niamey pour faire
le point sur les faiblesses du dispositif militaire onusien et sa capacité à lutter contre la guerre
asymétrique imposée par les groupes jihadistes. Certains pays dont les contingents avaient subi
de lourdes pertes, dont le Tchad, avaient menacé de retirer leurs troupes si rien n’est fait. Les
représentant du Mali ont rappelé que faire face à la recrudescence des opérations menées par
les GAT nécessite des moyens et un mandat plus spécifique. La partie malienne a alors proposé
deux options combinées : le renforcement des dispositifs déjà sur place et la mise en place une
force d’intervention rapide. Aux termes de ladite réunion, la partie malienne et les pays
contributeurs ont souligné la nécessité pour la Minusma de se donner une mission plus offensive
dans le Nord, à l’image du Congo, et pour eux, il suffit d’une volonté politique pour le décider.
La CEDEAO a également abondé dans le même sens aux premières heures de la Mission. Le
12 septembre 2015, lors du sommet extraordinaire convoqué à Dakar par Macky SALL, alors
Président en exercice de la CEDEAO, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté
ont fustigé la faiblesse du mandat de la MINUSMA et de l’équipement des casques bleus. La
CEDEAO a, dans son communiqué, appelé les Nations unies à doter la MINUSMA du mandat
et des équipements appropriés pour l’accomplissement de sa mission33.
Et plus récemment, dans un rapport remis au Secrétaire général en décembre 2017 et publié en
janvier 2018, un groupe d’experts emmenés par le général brésilien Carlos Alberto dos Santos
Cruz, ex-commandant des missions de l’ONU en Haïti et en RDC, a estimé que les casques
bleus sont mal préparés et mal équipés et appelé l’ONU à mieux les protéger.
Dans le Rapport Cruz, il ressort que les missions africaines, parmi les plus importantes en taille,
sont les plus vulnérables : [chiffres de 2017] la mission au Mali (MINUSMA) a perdu 91
hommes depuis 2013, suivie par les missions en Centrafrique (MINUSCA, 29 morts), au
Darfour (26), en RDC (MONUSCO, 25) et au Soudan du Sud (treize)34. Le Rapport dresse une
longue liste des raisons de la vulnérabilité croissante des casques bleus, dont les plus saillantes
sont les suivantes :

30 Site officiel de la MINUSMA https://minusma.unmissions.org/ (consulté le 18/10/2023)


31 Une superficie de plus de 1.241.000 km2
32 Site officiel MINUSMA https://minusma.unmissions.org/ (consulté le 18/10/2023)
33 https://www.maliweb.net/echos-de-nos-regions/echos-du-nord-minusma-la-cedeao-fustige-le-mandat-et-le-faible-

niveau-dequipement-1157812.html?amp=1 (consulté le 18/10/2023)


34 https://afrique.lalibre.be/13947/mal-prepares-mal-equipes-lonu-appelee-a-mieux-proteger-ses-casques-bleus/ (consulté

le 18/10/2013)

13
✓ transport de troupes en pick-up alors qu’il faudrait des véhicules capables de résister
aux mines ;
✓ patrouilles de nuit sans lunettes de vision nocturne (les contingents sont souvent mal
équipés – surtout pour des raisons financières – pour remplir leur mission, estime le
groupe d’experts) ;
✓ les casques bleus sont aussi trop souvent « défensifs » alors qu’ils devraient être plutôt
« proactifs » pour « identifier les menaces et les neutraliser »35.
Face à ce constat accablant, et alors que les missions de maintien de la paix sont menacées de
coupes budgétaires par l’administration américaine, le rapport formule une série de
recommandations pour les opérations comme pour leurs responsables, qui incluent
l’identification des contingents à problème ou des « tests surprise » pour vérifier le niveau de
préparation des troupes d’une part, et d’autre part la dotation des casques bleus de moyens ad
hoc en fonction du niveau d’hostilité des théâtres d’opération.
Quand on fait une rétrospective de la Mission, un constat accablant se dégage : la MINUSMA
a lamentablement échoué sur le plan militaire. Après dix (10) années d’opération, le Rapport
du SG faisant le bilan de la Mission dit noir sur blanc que « la situation sur le terrain reste
extrêmement préoccupante en raison des ressources limitées36 » concernant protection des
civils qui a toujours été en tête de peloton du mandat confié à la Mission. Quant à la stabilisation
du Centre, qui était l’une des priorités depuis 2016, le Rapport reconnaît que « Malgré les
efforts, le manque de ressources limite grandement la capacité de la MINUSMA de s’acquitter
de son mandat dans le centre. Les conditions de sécurité, y compris la menace que représentent
les engins explosifs improvisés, et, plus récemment, les restrictions et autres difficultés d’accès
ont encore nui à l’efficacité de la Mission, empêchant notamment le dialogue direct avec les
communautés locales.37 »
D’autre part, si la MINUSMA a toujours demeuré lacunaire en faisant la sourde oreille aux
différentes recommandations qu’elle savait pertinentes, c’était parce qu’elle pouvait compter
sur l’appui d’autres forces sur le terrain.

B. Collusion entre casques bleus et forces étrangères non-onusiennes :


conflit d’intérêt et perte de crédibilité

« Le problème essentiel de la Minusma, c’est sa mission. Le schéma est fait de telle manière
que les Nations unies se sont privées d’avoir une capacité d’action rapide. Elles ont laissé cela
à la France. Je pense que c’est cela l’erreur fondamentale.38 », martelait, depuis 2014, le
Professeur Issa N’DIAYE, chargé de cours à l’Université de Bamako.

35 Ibid
36 Rapport du Secrétaire général portant sur l’examen interne de la MINUSMA, 16 janvier 2023
37 Ibid
38 Interview du Professeur Issa N’DIAYE, chargé de cours à l’Université de Bamako, réalisée par Studio Tamani en novembre

2014 https://www.studiotamani.org/2166-minusma-les-pays-contributeurs-veulent-des-moyens-et-un-mandat-specifique
(Consulté le 10/10/2023)

14
Nonobstant les remarques et recommandations du Rapport Brahimi quant à la constitution des
forces onusiennes, qui selon ledit rapport doivent être homogènes et convenablement
constituées en quantité et en qualité afin d’être dotées d’une opérabilité importante sur le
terrain ; le CS a décidé de doter la MINUSMA d’une force très hétérogène avec des vagues de
déploiement sporadiques de contingents venant de divers horizons, très mal préparée et très mal
équipée. Ainsi, des forces non-onusiennes furent mandatées pour appuyer les casques bleus
dans l’exécution de leur mandat de stabilisation et de protection des civils, les « soldats de la
paix » étant prédisposés à avoir une capacité opérationnelle quasiment nulle sur le terrain.
Dans la Résolution 2100 de 2013, le CS « Autorise l’armée française dans la limite de ses
capacités et dans ses zones de déploiement, à user de tous moyens nécessaires, à partir du
commencement des activités de la MINUSMA jusqu’à la fin du mandat autorisé par la présente
résolution, d’intervenir en soutien d’éléments de la Mission en cas de danger grave et imminent
à la demande du Secrétaire général, prie la France de lui rendre compte de l’application au
Mali du présent mandat et de coordonner la présentation de cette information avec
l’établissement du rapport du Secrétaire général visé ci-après, … » et « se félicite du
déploiement de la Mission de formation de l’Union européenne (EUTM) au Mali, qui dispense
une formation et des conseils aux Forces de défense et de sécurité maliennes en vue d’aider à
asseoir l’autorité civile et le respect des droits de l’homme, et invite l’Union européenne, en
particulier son Représentant spécial pour le Sahel, à coordonner étroitement son action avec
celle de la MINUSMA, et des autres partenaires bilatéraux du Mali qui aident les autorités de
transition maliennes à réformer le secteur de la sécurité, … ». Dans celle de 2014 et toutes les
autres, le CS réitère le mandat donné à la France et son armée et réajuste celui de l’Union
Européenne, il « invite l’Union européenne, en particulier son représentant spécial pour le Sahel
et ses missions EUTM Mali et EUCAP Sahel Mali, à se coordonner étroitement avec la
MINUSMA et les autres partenaires bilatéraux du Mali qui aident les autorités maliennes à
réformer le secteur de la sécurité ; … ».
Ce mandat étant accordé à des forces non-onusiennes, intentionnellement mal préparés et mal
équipés, les casques bleus furent littéralement supplantés dans l’exécution de leurs missions
régaliennes, à savoir la stabilisation des zones de tension, la protection des civiles et la
restructuration des FDS maliennes. Sur le plan de la stabilisation, d’abord par la force Serval
en 2013, puis par la force Barkhane à partir de 2014 et sa succursale task force Takuba depuis
2020. Tandis que le mandat de formation et de renforcement des capacités des forces de défense
et de sécurité maliennes, a totalement été sous-traité avec les Missions de formation
européennes EUTM pour les militaires et EUCAP pour les forces de sécurité.
L’Etat français a directement été impliqué dans l’exécution du mandat de la MINUSMA
nonobstant que les intérêts de celui-ci diffèrent catégoriquement de ceux de la Mission. En effet,
la France avait une ferme volonté de maintenir des positions militaires au Mali et dans le Sahel,
dans le but de préserver ses intérêts géostratégiques et géoéconomiques. Avoir une solide assise
militaire au Mali et dans le Sahel, permet à la France d’avoir un certain contrôle sur les trafics
de tous genres et les flux migratoires qui y transitent, cela permet également à la France de
consolider et perpétuer son statut de puissance en ce sens qu’elle serait une interlocutrice de
premier plan des autres puissances, des firmes ou des OI intervenant dans la région sahélienne,
et elle aurait ainsi un droit de regard privilégié sur toutes les questions concernant les pays de
la région.

15
La présence militaire française dans le Sahel, corroborée par les différentes résolutions du CS,
lui a également permis d’essayer de satisfaire, au détriment de la MINUSMA, un autre intérêt
stratégique qu’est la mise en place de la fameuse « Europe de la défense ». Depuis son élection
en 2017, le Président Macron s’est attelé à la mise en place de cette « Europe de la défense »
qui permettrait, à termes, de faire de la France un deuxième pôle dominant de l’UE aux côtés
de l’actuel seul leader allemand. En effet, si ce projet venait à se concrétiser, la France, première
puissance militaire européenne, mènera naturellement la danse dans ce système de défense
européen, tandis que l’Allemagne demeurera à sa place de leader économique et financier, c’est
la seule voix pouvant concrétiser le fameux « couple franco-allemand » tant chanté par les
dirigeants français et méprisé par ceux allemands qui ne comptent pas partager leur leadership.
La création, en 2020, de la task force Takuba par la France était une expérimentation de cette
« Europe de la défense » sur le théâtre sahélien, plus particulièrement malien puisque ces forces
spéciales intervenaient surtout dans la partie malienne du Liptako Gourma. Ce fut un échec, la
plupart des pays européens, notamment l’Allemagne, ont refusé de joindre leurs forces spéciales
à cette succursale de Barkhane. Sur le plan stratégique, l’Allemagne préfère l’OTAN à ce projet
franco-français qui favoriserait l’émergence d’un leadership bicéphale au sein de l’UE. Entre
temps, au lieu d’aider la MINUSMA à s’acquitter de son mandat comme stipuler dans les
différentes résolutions du CS, la France a fait du Sahel un laboratoire d’essai au service de ses
ambitions égoïstes et, donc, au détriment des sahéliens.
En vertu du mandat donné par le CS, la France a également encouragé et accompagné la mise
en place du G5 Sahel et sa force conjointe. Cette organisation était totalement phagocytée par
la France : sur le plan politique, Macron s’autorisait à convoquer les sommets, desquels
sortaient les grandes décisions et orientations de l’organisation ; sur le plan militaire, mal
équipée, la force conjointe était opérationnellement dépendante de Barkhane sur le terrain ; et
sur le plan coopérationnel c’est la France qui était l’interlocutrice privilégiée des différents
partenaires pouvant financer l’Organisation.
De cet aspect, on retient que le mandat accordé à la France par le CS, lui a permis de se
substituer à la MINUSMA à bien des égards et d’avoir le monopole de l’initiative dans la lutte
anti-terroriste au détriment non seulement des casques bleus mais aussi et surtout des forces
armées régionales.
Outre cette collusion entre le mandat de la MINUSMA et les intérêts propres de la France, sur
le théâtre d’opération, les casques bleus étaient tellement dans l’ombre des militaires français
qu’ils n’arrivaient souvent pas à effectuer de simples manœuvres tactiques sans l’aide de ces
derniers. La protection même des casques bleus était, par endroit, assurée par Barkhane39.
A l’aube du retrait de la force Barkhane du Mali, en février 2022, Jeune Afrique a publié un
article qui avait pour titre « Mali : que va devenir la Minusma après le retrait de Barkhane
?40 ». Selon Jeune Afrique, très dépendante des troupes françaises, la Mission des Nations unies
risquait de se retrouver en difficulté face aux groupes terroristes et ces incertitudes et

39 Il y a une « dépendance évidente » de la Minusma à l’égard de Barkhane, résume Ornella Moderan, cheffe pour le Sahel
de l’Institut d’études de sécurité (ISS), basée à Bamako. « Certains contingents européens sont présents parce que
“Barkhane” est là ». https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/02/17/l-avenir-des-casques-bleus-de-la-minusma-en-
suspens-apres-le-retrait-francais-du-mali_6114072_3212.html (Consulté le 10/10/2023)
40 https://www.jeuneafrique.com/1318080/politique/mali-que-va-devenir-la-minusma-apres-le-retrait-de-barkhane/

(consulté le 10/10/2013)

16
inquiétudes auraient retenti jusque dans les couloirs du siège des Nations unies, à New York.
Dans le même article, le porte-parole de la MINUSMA, Olivier SALGADO, ajoute que « le
retrait des forces françaises au Mali aura un impact pour la mission, nous prendrons les
dispositions nécessaires pour nous adapter au nouveau contexte en vue de pouvoir poursuivre
la mise en œuvre de notre mandat41 ».
Alors, sachant que les casques bleus, investis du mandat de protection des populations civiles,
n’arrivaient pas à assurer leur propre protection, la perte de crédibilité de la Mission ne faisait
que grimper d’année en année42.
Les corollaires négatifs de cette accointance entre la MINUSMA et la France ont fini par sceller
le sort de la Mission. La disgrâce de la France au Mali et dans le Sahel à la suite d’une décennie
de lutte sans résultats et d’une volonté acerbe d’étouffer toute initiative locale et tout
changement d’orientation stratégique, a entraîné d’office celle de la MINUSMA. C’est la
France qui est chargée de rédiger les résolutions du CS donnant mandat à la MINUSMA, c’est
cette même France qui est chargée, par ces résolutions qu’elle écrit, de veiller à la bonne
exécution du mandat. Cette instrumentalisation du maintien de la paix par une puissance partiale
et intéressée, a fini par entraîner la perte du consentement de l’Etat malien, or le consentement
est consacré par la Doctrine Capstone comme principe de base des OMP.

Conclusion
Le Conseil de sécurité, à travers la Résolution 2690, « Décide de mettre fin au mandat de la
MINUSMA au titre de la résolution 2640 (2022) à compter du 30 juin 2023 ; …43 », le processus
de retrait définitif de la Mission sera achevé le 31 décembre 2023. Cependant, le bilan de ces
dix années de présence est un tantinet mitigé, une mitigation largement déséquilibrée en faveur
du négatif.
Des succès notables ont été enregistrés notamment sur les plans politique et humanitaire à
travers les bons offices qui ont favorisé le dialogue inter-malien, la création de conditions
favorables à l’émergence du Processus d’Alger et de l’Accord d’Alger, et à travers la facilitation
de l’exécution de 863 projets à effet rapide44, représentant 34,6 millions de dollars, et de 282
projets menés au titre du Fonds d’affectation spéciale45 pour la paix et la sécurité au Mali, qui
est alimenté par les contributions des donateurs, pour un total de 101 millions de dollars.
Toutefois, la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au
Mali a totalement échoué et dans la stabilisation du Mali, et dans la protection des populations
civiles. En d’autres termes, elle a échoué dans l’accomplissement de la quintessence même de
son mandat, sa raison d’être. Et cet échec est imputable d’une part à la faiblesse du mandat et
de l’équipement des casques bleus pour une action militaire efficace et efficiente, et d’autre part
à la sous-traitance de plusieurs pans du mandat de la Mission à des forces étrangères non-

41 Ibid
42 Mali-Mètre 2023, enquête d’opinion réalisée par la fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung https://library.fes.de/pdf-
files/bueros/mali/10100/2023.pdf (consulté le 10/10/2023)
43 Résolution actant la fin de la MINUSMA, adoptée par le CS le 30 juin 2023
44 Rapport du Secrétaire général portant sur l’examen interne de la MINUSMA, 16 janvier 2023
45 Ibid

17
onusiennes (Serval, Barkhane et sa succursale Takuba pour la stabilisation ; EUTM et EUCAP
pour le renforcement de capacités des Forces de Défense et de Sécurité maliennes). Cette sous-
traitance du mandat de la MINUSMA avec des pays extra-africains ayant des intérêts en porte-
à-faux avec la réussite de la Mission, a empêché l’autonomie et l’efficacité de celle-ci et a fini
par saper sa crédibilité auprès des populations maliennes46 et sahéliennes.
Ainsi, après dix ans de présence de la MINUSMA au Mali, dans son Rapport faisant le bilan
global de la Mission, Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, reconnaît que « la
situation sur le terrain reste extrêmement préoccupante en raison des ressources et capacités
limitées [de la Mission]47 ».
Le principal responsable de cet échec est le Conseil de sécurité, qui a fait fi des différentes
recommandations des acteurs sahéliens48, y compris la partie malienne49, et notamment celles
édictées par le Rapport Cruz50 ; tous ont attiré l’attention du CS sur la faiblesse du dispositif
militaire de la Mission. En outre, la France, ce membre permanent du CS qui a rédigé les
différentes résolutions en rapport avec la Mission, s’est “auto-mandatée“ à intervenir
militairement aux côtés de la Mission, officiellement pour l’appuyer, mais implicitement pour
défendre ses propres intérêts. Mais la France n’en était pas à sa première forfaiture, si
MINUSMA est à Barkhane, ce que MINUSCA et ONUCI sont respectivement à Sangaris et
Licorne. Porte-plume de ses anciennes colonies au CS, la France s’est toujours accordée ce droit
d’ingérence militaire dans celles-ci par l’entremise des OMP. Et ce, au vu et au su indifférents
des autres membres du CS, notamment les permanents. D’où la nécessité de reformer cet organe
suprême des Nations unies ou, à défaut, renforcer la Résolution Acheson51 afin de faire de
l’Assemblée générale la principale garante de la paix et la sécurité internationales.
Dans son Rapport du 20 juillet 2023, intitulé « Nouvel agenda pour la paix », afin de rendre
plus efficace et efficient le système onusien en matière de paix et de sécurité, le Secrétaire
général Antonio Guterres présente douze (12) séries de propositions d’actions concrètes qui
s’inscrivent dans cinq domaines prioritaires. Selon le « Nouvel agenda pour la paix », l’ONU
doit « revoir son approche des opérations de paix, en tenant compte des réalités des conflits
actuels52 ». Il appelle également les « Etat-membres à réduire leurs dépenses militaires et à
interdire les armes inhumaines et d’emploi aveugle53 ».

46 Mali-Mètre 2023, enquête d’opinion réalisée par la fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung https://library.fes.de/pdf-
files/bueros/mali/10100/2023.pdf (consulté le 10/10/2023)

47 Rapport du Secrétaire général portant sur l’examen interne de la MINUSMA, 16 janvier 2023
48 Les pays africains contributeurs de troupes et la CEDEAO ont depuis longtemps tiré la sonnette d’alarme :
https://www.maliweb.net/echos-de-nos-regions/echos-du-nord-minusma-la-cedeao-fustige-le-mandat-et-le-faible-niveau-
dequipement-1157812.html?amp=1 (consulté le 18/10/2023) ; https://www.studiotamani.org/2166-minusma-les-pays-
contributeurs-veulent-des-moyens-et-un-mandat-specifique (Consulté le 10/10/2023)
49 Mémorandum du Gouvernement de la République du Mali sur le rapport trimestriel du Secrétaire général des Nations

Unies sur la situation au Mali, couvrant la période du 31 mars au 1er juin 2023.
50 Rapport commandé et remis au Secrétaire général en décembre 2017 et publié en janvier 2018, élaboré par un groupe

d’experts emmenés par le général brésilien Carlos Alberto dos Santos Cruz, ex-commandant des missions de l’ONU en Haïti
et en RDC.
51 Résolution 377 de l’AG, du 3 novembre 1950, confiant à l’AG une compétence résiduelle en matière de paix et de sécurité

internationales.
52 Nouvel agenda pour la paix, Antonio Guterres, New York, 20 juillet 2023 https://www.nna-

leb.gov.lb/uploads/files/0ee7b103a746d9d66f0f1a2b740989f0.pdf (consulté le 18/10/2023)


53 Ibid

18
Dans le « Yearbook 202354 » du SIPRI, on peut constater que les membres permanents du
Conseil de sécurité sont en tête de peloton dans la vente mondiale d’armements de tout genre
(tactiques et stratégiques). Alors quelle paix peut-on envisager dans un monde où celle-ci est
garantie par les plus grands marchands d’armes ?

54Rapport annuel, sur la paix et la sécurité internationales, de l’Institut de Recherche sur la Paix Internationale de
Stockholm (SIPRI en anglais) https://www.sipri.org/sites/default/files/2023-09/yb23_summary_fr.pdf (consulté le
18/10/2023)

19
Bibliographie et Webographie

1. SEM Mahamane Amadou MAÏGA PhD, La situation au Mali : les réalités et les
modalités de coopération, Ecole Supérieure de Guerre de l’Algérie, 2022
2. Charte des Nations unies, 26 juin 1945, San Francisco (Etats-Unis)
https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/full-text (consulté le 18/10/2023)
3. Doctrine Capstone, DOMP et DAM, New York, 2008
https://peacekeeping.un.org/sites/default/files/capstone_doctrine_fr.pdf (consulté le
18/10/2023)
4. France Diplomatie
https://si.ambafrance.org/IMG/pdf/vaccessible_omp_fr.pdf?2804/66a40f6ad82534d00
360927a61f2ab2b2bc3d3af (consulté le 18/10/2023)
5. Interview du Professeur Issa N’DIAYE, chargé de cours à l’Université de Bamako,
réalisée par Studio Tamani en novembre 2014 https://www.studiotamani.org/2166-
minusma-les-pays-contributeurs-veulent-des-moyens-et-un-mandat-specifique
(Consulté le 10/10/2023)
6. Jean-Philippe Rémy, « Accords de paix d’Alger : une dernière chance pour le Mali »,
Le Monde, 1er mars 2015
7. Jeune Afrique, « Que va devenir la MINUSMA après le retrait de Barkhane ? »,
Février 2022 https://www.jeuneafrique.com/1318080/politique/mali-que-va-devenir-
la-minusma-apres-le-retrait-de-barkhane/ (consulté le 10/10/2013)
8. Mali-Mètre 2023, enquête d’opinion réalisée par la fondation allemande Friedrich
Ebert Stiftung https://library.fes.de/pdf-files/bueros/mali/10100/2023.pdf (consulté le
10/10/2023)
9. Mémorandum du Gouvernement de la République du Mali sur le rapport trimestriel du
Secrétaire général des Nations Unies sur la situation au Mali, couvrant la période du
31 mars au 1er juin 2023.
10. Nouvel agenda pour la paix, Antonio Guterres, New York, 20 juillet 2023
https://www.nna-leb.gov.lb/uploads/files/0ee7b103a746d9d66f0f1a2b740989f0.pdf
(consulté le 18/10/2023)
11. Rapport Cruz, New York, Janvier 2018
12. Rapport du Secrétaire général portant sur l’examen interne de la MINUSMA, New
York, 16 janvier 2023
13. Résolution 2100 du Conseil de Sécurité de l’ONU, New York, 25 avril 2013
14. Résolution 2164 du Conseil de Sécurité de l’ONU, New York, 25 juin 2014
15. Résolution 2690, actant la fin de la MINUSMA, adoptée par le CS le 30 juin 2023
16. Résolution 377, Assemblée Générale des Nations unies, New York, 3 novembre 1950
17. SIPRI, Rapport 2023 sur la paix et la sécurité internationales (Yearbook 2023),
Stockholm, Février 2023 https://www.sipri.org/sites/default/files/2023-
09/yb23_summary_fr.pdf (consulté le 18/10/2023)
18. Site officiel de la MINUSMA https://minusma.unmissions.org/ (consulté le
18/10/2023)
19. Site officiel du DOMP https://peacekeeping.un.org/fr/principles-of-peacekeeping
(consulté le 10/10/2023)
20. Site officiel du DOMP https://peacekeeping.un.org/fr/where-we-operate (consulté le
18/10/2023)

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