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Vie chrétienne
ENSEMBLE, CHERCHEURS DE DIEU, PRÉSENTS AU MONDE

R E V U E D E S P I R I T U A L I T É S E LO N S A I N T I G N A C E D E LOYO L A – B I M E S T R I E L N ° 6 8 – N O V E M B R E / D É C E M B R E 2 0 2 0
Motions et émotions :
que se passe t-il en nous ?
Le Ségur
de la santé
Le temps,
c'est nous !
Sommaire l’air du temps
Chronique
Tous les deux mois,
Paul Valadier s.j. 4
pour vivre la spiritualité Ségur de la santé : s’appuyer sur les innovations
ignatienne seul ou en organisationnelles
groupe, à l’écoute de Lydwine Vaillant. 5
l’Église et du monde. chercher et trouver dieu
le dossier
Une parole issue de l’expérience des
Communautés de Vie Chrétienne. Motions et émotions : que se passe-t-il en nous ?
Témoignages 8
REVUE VIE CHRÉTIENNE Émotion ou motion ?
Directrice de la publication : Patrice Proulx s.j. 12
Brigitte Jeanjean « Seigneur : tu m’as relevé »
Rédactrice en chef :
Véronique Westerloppe Bénédicte d’Halluin 14
Secrétaire générale de rédaction : Les motions et leur discernement chez Ignace de Loyola
Marie Brown Dominique Salin s.j. 16
Comité de rédaction :
Marie Brown se former
Aude Kempf
Hervé Le Houérou s.j. Contempler une œuvre d’art :
Marie-Thérèse Michel Ascension de la lumière de Bang Hai Ja 19
Geneviève Roux École de prière : Avec Dieu, vivre nos émotions
Véronique Westerloppe
Conseil éditorial : Bénédicte Barthalon 20
Anne Gasnier Expérience de Dieu :
Bernard Peeters s.j. La Moquette : partager l’espoir, la trahison, l’amour…
Jean-Luc Pouthier Jean François 22
Marie-Emmanuelle Reiss Lire la Bible : Le péché originel, une notion à revisiter
Relectrices / correctrices :
Françoise Bordeyne
Martin Pochon s.j. 24
Marie-Claude Bouley Spiritualité ignatienne : Le temps, c’est nous !
Edith Langlois Jaques Fédry s.j. 27
Cecilia McPherson Question de communauté :
Fabrication : Conversion écologique : un parcours en communauté 30
SER – 14, rue d’Assas – 75006 Paris
www.ser-sa.com ensemble faire communauté
Photos de couverture :
© Pascal Deloche/Godong, Une parole à méditer 31
franckreporter/iStock, Dean Mitchell/ Vous avez dit « CVX LAB » ? 32
iStock, Juanmonino/iStock, Pascal Quand ma maison devient un lieu de retraite 34
Deloche/Godong, P Deliss/Godong Prendre soin de la vie familiale 35
Prochain dossier : Italie : être « témoins d’espérance et ouvriers de la charité » 36
Invités à une sobriété heureuse À lire, à voir, à faire, à vivre 37
Sortie janvier 2021
Impression :
une accompagnatrice spirituelle
Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau vous écrit 38
billet
L'appel des cloches
ISSN : 2729-1677 Denis Corpet 39
47, rue de la Roquette – 75011 Paris prier dans l’instant
Deux mains pour saluer : au détour d’un chant
Retrouvez-nous sur Marie-Hélène Dupré la Tour 40
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2 revue Vie Chrétienne - N° 68

Éditorial
«
dieu avec nous
À l’approche du temps de l’Avent,
nous voici bientôt invités à ouvrir
notre intelligence et nos sens pour
contempler le mystère de l’Incarna-
tion, goûter ses fruits de Salut, de
dimanche en dimanche jusqu’à Noël.
« Chercher et trouver Dieu dans nos
vies », n’est-ce pas reconnaître que
© Fred de Noyelle / Godong

Dieu est réellement présent au monde,
comme Créateur et Sauveur ? Il est
« Dieu avec nous ».
La relecture régulière de nos vies sous
le regard du Seigneur est un trésor
pour reconnaître la présence et l’action de Dieu très concrètement dans nos existences.
Notre dossier : « Motions et émotions : que se passe-t-il en nous ? » pourra aider chacun
à repérer plus finement le travail de Dieu dans sa propre vie.
De même, une autre relecture, celle des signes des temps, élargira notre regard sur les
»
appels de Dieu, qui s’incarnent dans les besoins du monde et de nos frères. Pour y répondre,
chacun avec son talent propre et ses charismes, il faut d’abord s’informer soigneusement :
contempler longuement la situation pour discerner et agir de manière ajustée. Côté actua-
lité dans ce numéro, il est question de santé (pages 4 à 6), mais aussi de conversion à l’éco-
logie, en communauté ou en famille (pages 30 et 35), ou encore de fraternité vécue pendant
la pandémie en Italie (page 36). Autant de défis à relever mais aussi de signes d’espérance
qui disent combien Dieu est présent au monde, avec la collaboration de chacun !
Bon chemin d’Avent, vers ce Dieu qui est « avec nous » !
Véronique Westerloppe
[email protected]
novembre/décembre 2020 3
L'air du temps
La chronique
de Paul Valadier s.j.
la santé et le salut
O
On se demande souvent pourquoi les guérisons sont Lorsque Jésus guérit, on peut comprendre qu’il ne
si nombreuses dans les évangiles. Jésus serait-il s’agit pas pour lui d’éblouir les masses, de montrer
un thaumaturge ? Veut-il séduire les foules en une puissance exceptionnelle, de s’exhiber comme
redonnant la santé ou l’équilibre psychique à tant un héros hors norme. Quand il le fait, il annonce
de gens ? Ou alors ces guérisons auraient-elles déjà le salut, à savoir que notre vulnérabilité phy-
quelque chose à voir avec son message et l’annonce sique est appelée à être engloutie par la Résurrec-
du salut ? Le salut serait-il purement spirituel, sans tion. Nous le pressentons quand nous nous relevons
lien avec le corps, concernant l’âme et l’âme seule ? d’un lit de souffrances, quand nous retrouvons le
quotidien qui nous paraît pourtant si banal et si
Nous savons tous l’importance de la santé en ce lourd parfois. Nous redécouvrons alors le prix infi-
temps de pandémie ; nous nous mobilisons pour niment précieux de vivre, tout simplement…
éviter la contamination par le virus. Malades, nous
cherchons bien légitimement à nous en sortir ! Sans doute aussi pouvons-nous comprendre pour-
Or c’est quand tout va bien et que nous n’avons quoi l’Église depuis si longtemps a eu souci de
aucun problème, ni physique ni psychologique, que la santé des corps et pourquoi tant de chrétiens
nous méconnaissons la valeur de la santé. Comme ont fondé hôpitaux, cliniques, dispensaires, et se
de toute chose, c’est quand nous l’avons perdue sont consacrés à la médecine ou aux services de
que nous comprenons son importance. Ainsi de soin. Par là ces chrétiens disent non seulement
la liberté de circuler qui nous semble tellement l’importance du corps, mais annoncent sans éle-
évidente qu’il a fallu le confinement pour qu’on ver la voix, de manière concrète, que la santé est
s’aperçoive que la possibilité de sortir dans la rue comme un avant-goût du salut. Que le corps, et pas
et de se promener tranquillement n’était pas une seulement l’âme, importe à la destinée éternelle
chose banale… des humains, et que ne se préoccuper que de l’âme
serait une trahison de la portée charnelle du mes-
Aussi la santé est-elle un bien infiniment précieux sage évangélique. Faut-il s’étonner dès lors que
que seuls de faux spirituels pourraient négliger. de nos jours encore, ce qui concerne le corps, par
Dès lors on peut commencer à s’apercevoir que Ce- exemple les questions de biomédecine, préoccupe
lui qui vient proposer à tous la vie éternelle, donc tant les chrétiens ? Sinon, parce qu’à leurs yeux le
le salut, l’émancipation de la mort et du néant, corps n’est pas qu’une belle machine qu’on peut
la vraie vie dans l’Amour, le Christ, ne peut pas manipuler à son gré, mais que ce qui le concerne
méconnaître la valeur de la vie corporelle : celle-ci, concerne le salut lui-même. Négliger ou manipuler
quand elle est heureuse, est déjà une sortie de la inconsidérément le corps, c’est mépriser la per-
mort, une participation bienvenue et souhaitable sonne, et en elle son Créateur, la source de la Vie.
à la Vie. Sa perte donne un avant-goût de notre
fragilité, donc de la présence de la mort en nous. Il
faut avoir traversé la maladie pour comprendre la
valeur de la santé, donc aussi de la vie.

ségur de la santé :
s’appuyer sur les innovations
organisationnelles
La pandémie de la Covid 19, qui a montré la formidable capacité d’adaptation et
l’engagement sans précédent des personnels soignants, ne doit pas occulter la
réalité d’un système de santé à bout de souffle. La crise sanitaire majeure nous
invite à réinventer ce secteur et pas seulement au plan des moyens financiers.
L
Le management des organi- quelques leaders particulière- demandent qu’à se développer
sations de santé doit pouvoir ment inspirés pour aider les pro- et se diffuser, si tant est que le
prendre en compte l’extraor- fessionnels de santé à retrouver système « autorise » les acteurs
dinaire potentiel humain des le sens de leur vocation pre- à innover. Il s’agit de redonner,
équipes et leur valeur profes- mière, et générer de la motiva- autonomie et capacité d’initia-
sionnelle profondément ver- tion, du plaisir et de l’engage- tive aux personnels soignants
t u e u s e, p o u r s e c o n j u g u e r ment au travail. en passant d’une logique de dé- Lydwine Vaillant,
avec plus d’humanité. L’inno- fiance à celle de la confiance. diplômée de Sciences
vation managériale collabora- Passer Créer les conditions favorables
Po et du groupe
Essec, a travaillé plus
tive est certainement un des de la défiance pour donner envie au plus grand de trente ans
leviers essentiels à explorer pour à la confiance nombre d’acteurs d’être force de dans l’industrie
pharmaceutique.
construire une organisation où Ces innovations managériales proposition, quels que soient Facilitatrice en
l’humain (professionnels de san- collaboratives, même si elles sa position ou son statut dans Intelligence Collective,
té et patients) soit davantage ne sont que parcellaires, ne l’organisation. elle se passionne
pour l’innovation
au centre des préoccupations et
organisationnelle
moins une simple valeur d’ajus- à l’œuvre dans le
tement comptable, comme cela secteur de la santé.
a pu être le cas ces dernières lydwine.vaillant@
yahoo.fr
années. Il s’agit de concilier qua-
lité des soins, à la pointe de la
technologie, avec des équipes à
taille humaine où chacun a sa
place et où chacun est à sa place.
Or, depuis quelques années, un

certain nombre d’innovations
© FatCamera / iStock
organisationnelles émergent,
permettant de redonner autono-
mie et responsabilité aux acteurs
de terrain. Elles proviennent de
L'air du temps
Ces initiatives libèrent une éner- les porteurs de projets qui ont Tous les auteurs de ces inno-
gie créatrice, signe évident de la des idées pour améliorer la qua- vations organisationnelles in-
capacité d’innovation des acteurs lité des soins sont accompagnés sistent sur le fait qu’il n’existe
de terrain. Elles témoignent pour les mettre en œuvre. pas de recette toute faite, prête
d’un mouvement porteur, d’un à l’emploi. Pour autant, certains
nouveau souffle pour encadrer Dans les soins et services à facteurs favorisants émergent,
les équipes, les responsabiliser domicile, Soignons Humain, sur lesquels il sera essentiel de
davantage dans leur travail au Autonhome à Rouen, Alenvi s’appuyer pour transformer en
quotidien. et beaucoup d’autres encore, profondeur le management de
fonctionnent avec des équipes nos organisations de santé : une
Quelques morceaux choisis : a u t o n o m e s d ’ i n f i r m i e rs o u culture du soin centrée sur les
d’auxiliaires de vie. L’innovation besoins des patients, une raison
La démarche participative mise consiste à remettre l’humain (pa- d’être qui rassemble l’équipe,
en place dans les soins palliatifs tients et soignants) au centre : la possibilité d’être pleinement
au CHU (Centre hospitalier uni- redonner autonomie et respon- soi-même, faire équipe (auto-
versitaire) de Tours par le profes- sabilités aux acteurs de terrain, nome et responsable), un proces-
seur Philippe Colombat. Il s’agit plutôt que de les cantonner dans sus d’intégration des nouveaux
d’un modèle organisationnel qui un rôle d’exécutant d’un travail et de résolution de conflits
place la prise de décision collé- planifié et pensé par d’autres. bien établi, une communication
giale, la cohésion des équipes, Ces équipes, ainsi responsabi- transparente en lieu et place
la bienveillance et la bientrai- lisées, mettent tout en œuvre d’une culture du secret et de la
tance au coeur de ses objectifs. pour aider les patients à retrou- culpabilisation, un investisse-
Là où habituellement, aides soi- ver leur propre autonomie. ment dans les outils digitaux
gnantes et infirmières ne sont pour servir une communication
pas forcément consultées sur Ces exemples constituent au- fluide entre les acteurs, disposer
la prise en charge des patients, tant d’illustrations concrètes et d’espaces de parole démocratique
cette démarche offre un espace pragmatiques sur le comment pour apprendre de ses erreurs,
d’échanges démocratiques où « réinventer nos organisa- une structure de décision plate
chacun dispose d’un même temps tions » de santé, notamment et décentralisée avec un top
de parole, afin de capitaliser les dans le contexte de la Covid 19. m a n age me nt exe m p l a i re e t
regards croisés des différents Ils sont la preuve vivante qu’un impliqué, et des managers ac-
Lydwine Vaillant professionnels de santé qui management plus humain est teurs de leur propre transfor-
Réinventons le secteur
interviennent autour du patient. possible. mation.
de la santé. Ils l’ont
fait, découvrez leurs
clés ! Éditions Afnor, D o m i n i q u e Po n ( d i re c t e u r Autonomie et responsabilité des Pour autant, chaque chemin est
2019.
général de la clinique Pasteur, équipes médico-soignantes ont différent, spécifique à chaque
Toulouse) pratique un manage- fait la preuve de leur efficacité, équipe, à chaque service. C’est
ment par la confiance et l’amour au cœur même de la crise sani- ce qui confère tout son intérêt à
e n ve rs s e s c o l l a b o ra t e u rs ; taire ! C’est d’ailleurs ce fonc- cette démarche. Charge à chaque
en grande proximité avec ses tionnement transversal agile des structure de créer le chemin qui
équipes, il réalise régulièrement acteurs de terrain qui a permis lui ressemble !
des immersions auprès de ses de sauver la situation, malgré
« héros du quotidien ». Il a su un manque cruel de matériel et Lydwine Vaillant
créer un climat favorable à l’in- d’équipements de protection.
novation avec « la Fabrique » où

Chercher et
trouver Dieu
motions et émotions :
que se passe-t-il en nous ?
Notre vie de tous les jours est fertile
en émotions, grandes et petites.
Dans le mot émotion il y a « mouve-
ment ». Sous le coup de l’émotion
notre corps réagit. Les battements
de notre cœur s’accélèrent, une
sueur froide nous saisit… Les émo-
© P Deliss / Godong
tions viennent perturber le fonction-
nement harmonieux de notre corps.
L’éducation nous apprend à maîtriser
ces émotions, voire à les enfouir. Pourtant il est important de les reconnaître et
de les nommer car elles nous révèlent souvent le profond de notre cœur. En
leur prêtant attention nous devenons attentifs à notre vie intérieure.
Saint Ignace de Loyola parle, pour sa part, de « motion ». Un mot bien proche de
celui d’émotion, qui contient lui aussi la notion de mouvement, mais qui ne fait
pas partie de notre vocabulaire courant.
Le discernement des esprits, qui nous permet de choisir en toute liberté ce qui
mène à la vie, s’appuie sur l’attention à ces mouvements intérieurs.
Comment distinguer les « motions » des « é-motions » ? Sans doute par leur
mode d’approche : l’émotion est une réaction immédiate à une intervention
extérieure ; la motion, elle, est une écoute de ce qui surgit de l’intérieur de nous-
mêmes dans le silence de la prière ou à un moment inattendu.
Les motions sont le signe que l’Esprit de Dieu agit en moi et combat celui
du mauvais. À travers consolations et désolations nous pouvons discerner les
chemins qui nous mènent à Dieu.
Comme l’œnologue affine peu à peu son goût pour reconnaître le bon vin,
l’attention à ce qui se passe en soi permet à chacun d’approfondir sa vie
spirituelle et le met à l’écoute du Seigneur qui appelle à la vie.
,
Geneviève Roux, xavière
Chercher et
trouver Dieu
Témoignages
un appel à se mettre
en mouvement
Claire, sœur du Cénacle, témoigne de la manière d’aider dans une rencontre
d’accompagnement les personnes à reconnaître, distinguer et articuler les
motions et émotions qui les traversent.
L
Lors d’une retraite, j’accompagne le désir et le découragement. Tout à Dieu ? Je lui demande donc si,
un homme d’une quarantaine cela se mêle. Nous échangeons lorsqu’il éprouve la paix et le bien-
d’années. Il me dit son désir de autour de ce terme d’épanouis- être, cela le met en route ou pas.
Dieu, sa recherche. Une grande sement. Derrière ce mot il met la Non, il se sent alors à l’arrêt et
soif l’habite. C’est un homme qui paix et le bien-être. Parfois il lui lorsqu’il sort de ces moments il est
prie tous les jours. Cependant, arrive de se sentir dans cet état encore plus découragé qu’avant.
il se sent insatisfait, il ne va pas et son désir est d’y rester puisqu’il En entendant cela, je reconnais
bien. Il me dit chercher l’épa- associe l’épanouissement à son des éléments qui vont me per-
nouissement. Il est certain que union à Dieu. Il est troublé de mettre de l’aider à discerner. En
c’est dans sa relation à Dieu et constater qu’il n’arrive pas à rester effet, l’important n’est pas le sen-
donc dans la prière qu’il le trou- dans cet état et cela le décourage. timent de bien-être attendu qu’il
vera. C’est ce qu’il expérimente. Je vais l’aider à regarder vers où le trouve mais bien plutôt la ma-
Or il ressent un grand manque. portent ces sentiments de paix et nière dont ce sentiment l’appelle
J’entends les sentiments qui l’ha- de bien-être, quelles motions ils à vivre, le met en mouvement ou
bitent : l’élan et en même temps suscitent en lui : est-ce vers plus pas. Et inversement, le trouble qui
le malaise, la joie et la tristesse, de vie, d’ouverture, d’ajustement l’a amené à demander de l’aide est
pour moi un signe de la manière
dont le Seigneur l’invite à aller au-
delà de ce bien-être qui ne le fait
pas vivre et qui, de ce fait, inter-
roge sur son origine divine. Le
sentiment est un point de départ,
un signal qui exprime quelque
chose de plus profond, une affecti-
vité touchée. Reconnaître et nom-
mer ces sentiments contradictoires
est la première étape du discerne-
ment. Le pas suivant consiste à
© Fizkes / iStock
voir vers où cela le mène.
Claire

le chemin de la grâce
Comment nous rendre « indifférents » face aux épreuves de la vie, de santé… pour
entrer dans la gratuité de Dieu ? Une expérience spirituelle vécue par Vincent,
jésuite atteint d’une maladie grave.
J
J’ai fêté mes 20 ans alors que subi une opération délicate l’hi- voir et à recevoir les autres et
je c o m me n ç a i s le s 3 0 jo u rs ver dernier pour un autre pro- les événements qui m’entourent
d’Exercices spirituels pendant le blème, j’ai eu l’occasion de relire comme une grâce de Dieu. Parmi
noviciat en janvier 1984. J’es- ma vie, de rendre grâce pour tout les témoignages d’amitié que
sayais alors de comprendre de ce que le Seigneur a pu faire à j’ai reçus à Luxembourg lorsque
l’intérieur, de « m’approprier » le travers moi. Mais surtout, je me j’ai quitté ce pays après 18 ans
Principe et fondement (ES 23), suis rendu compte de la primauté d’intenses engagements, plu-
véritable porche d’entrée des de l’être sur le faire. Et il m’a été sieurs personnes m’ont dit :
Exercices. Ignace nous y rap- donné de le vivre avec recon- « Tu t’es beaucoup donné pour
pelle la fin pour laquelle nous naissance. Je pense avoir enfin les autres, apprends maintenant
sommes créés : « louer, révérer reçu cette grâce d’indifférence à recevoir. » En quelque sorte,
et servir Dieu », qu’il s’agit de et pouvoir chanter avec le psal- le Seigneur m’a touché au plus
bien distinguer des moyens, « les miste : « Ton amour vaut mieux profond par la maladie et me
autres choses créées… ». Et com- que la vie, tu seras la louange de conduit maintenant à le décou-
bien c’est salutaire d’y revenir mes lèvres » (Ps 63, 4). vrir différemment, à Le servir
régulièrement ! Mais du coup, il davantage dans l’être que dans
nous invite à nous rendre « indif- Dès lors, ma vie est entre les le faire. J’entre alors dans un
férents par rapport aux choses mains de Dieu et chaque jour espace de gratuité inédit.
créées », de sorte que « nous ne de vie et de santé qu’Il m’ac-
voulions pas, pour notre part, corde devient un cadeau. Ainsi Vincent
davantage la santé que la mala- j’apprends peu à peu à me rece-
die (…) une vie longue qu’une
vie courte ». Mais comment peut-
on se rendre indifférent à cela ?
Même durant le Troisième An¹, 1. Dernière étape
fin 2000, lors de ma deuxième du processus d’intégration
au corps apostolique
grande retraite, ainsi que durant de la Compagnie de Jésus.
les multiples retraites annuelles
que j’ai faites, comme tout jé-
suite, je n’ai jamais vraiment
compris ou accepté cela. En ef-
fet, Dieu ne souhaite-t-il pas que
nous vivions et soyons en bonne

santé ?
Atteint d’une maladie grave de-

puis bientôt trois ans et ayant
Chercher et
trouver Dieu
Témoignages
à fleur de peau
Écouter les jeunes, les aider à mettre des mots sur leurs émotions et voir
comment les gérer… tout en se protégeant soi-même et sans se laisser envahir,
c’est ce que vit au quotidien Catherine, pédopsychiatre.
E
Emma a 17 ans. Elle me dit : « Je déclenche, à se protéger pour ne table à l’adolescence et cela peut
pleure très souvent, dès que je repas trop souffrir. conduire certains à se replier, à
garde un film, quand ma mère me se faire du mal, à se droguer ou
fait un reproche, quand je suis Je suis touchée par ce qu’elle à passer à l’acte de différentes
seule dans ma chambre et même révèle de sa vie intime et ce que façons pour les plus fragiles.
quand je suis trop contente ! » je ressens m’aide à trouver com-
Cela la fatigue et l’inquiète, elle ment l’aider sans me laisser moi- Les émotions sont utiles et néces-
a peur d’être anormale, de deve- même affecter par ses difficultés. saires. Ressentir de la peur (pour
nir folle… Après la consultation ou même évaluer un danger), de la colère,
le soir chez moi, je repense à nos de la tristesse… permet de
Elle vient me voir en consultation échanges et je me demande si concentrer notre attention sur
et je l’écoute, l’aide à mettre des je suis arrivée à suffisamment certains problèmes. Pourtant, il
mots sur ce qu’elle vit, la rassure l’apaiser et si elle ira mieux la est important de ne pas se lais-
sur sa normalité tout en restant prochaine fois que je la verrai. ser écraser ou dominer par ces
vigilante à ce que des idées noires émotions.
ne viennent la submerger. Je lui Ressentir des émotions qui vous
propose des moyens pour mieux débordent et surtout qui varient Nous, les adultes qui vivons avec
faire face à ces émotions qui l’en- d’un jour à l’autre et même les adolescents ou les côtoyons,
vahissent, à repérer ce qui les d’une heure à l’autre est inévi- sommes surpris, inquiets ou éner-
vés, il nous est impossible de res-
ter indifférents à leurs affects,
qu’ils expriment parfois bruyam-
ment ! Ils ont besoin de notre
présence et de notre attention,
même s’ils s’en défendent. Et c’est
parce que nous resterons à l’écoute
des émotions qu’ils suscitent en
nous et qui nous rappellent notre
© KatarzynaBialasiewicz / iStock
propre adolescence que nous trou-

verons les mots et les attitudes les
plus bienveillants possibles pour
les accompagner sur leur chemin.
Catherine, pédopsychiatre

créer avec des photos
Depuis longtemps Catherine a intégré la photo dans sa vie. Les photos sont,
pour elle, des coups de cœur à saisir, le reflet d’une émotion qui l’habite devant
une situation. Elles lui révèlent, après coup, l’« état d’âme » d’un moment donné.
A
Au début du confinement, je de cet album ? Quel axe choisir ? cliché. J’y arrive pour lier unité
décide de prendre au moins une Quelles photos sélectionner ? et originalité, aspects impor-
photo quotidienne, sans savoir Pour certaines, si je réalise un tants ici. Le désir de témoigner
ce que cela deviendra. Me voi- recadrage, je renonce aux re- de cette vie qui m’entoure mal-
ci en éveil, sans tension, pour touches. gré la situation sanitaire est très
découvrir le sujet du jour. Je présent. Là, je perçois que je suis
glisse les clichés dans le dossier Je respire, ferme les yeux et offre guidée, que je peux jouer avec
de l’ordinateur. Aux premiers en avance cette composition au les éléments donnés. Je vis un
jours : la ville et la vie ralentie. Seigneur. C’est la prière de ce défi créatif et stimulant.
Très vite je passe à l’observation jour.
de la nature dans le jardin ou L’album est terminé, envoyé au
dans le périmètre du kilomètre. Je crée, en bagarrant parfois labo photos.
C’est le printemps : apparition sur le choix d’une photo, une
des bourgeons, sécheresse ou légende, un format, une mise Quelques jours de patience pour
gouttes de pluie sur les plantes en page, une couleur du fond. voir le résultat final et le par-
assoiffées. Le matin, le télé- Dans ces situations, je m’arrête tager.
objectif est fixé sur l’appareil pour dépasser ce qui me bloque :
Catherine
pour « attraper » des visiteurs lumière, sortie de la routine,
inattendus : l’écureuil, le merle déception devant le rendu d’un
siffleur, le pic-vert. Scène de vie,
éclairage, les émotions restent
prioritaires. Cependant, en
quelques instants, il se passe
quelque chose en moi : cœur
en éveil devant la création, des
couleurs du ciel aux nuances de
la végétation, c’est une action
de grâce qui s’installe pour la
diversité offerte. J’y repère la
présence de l’Esprit.
Voici le temps de la réalisation.

À cette étape s’opère un pas-
© Catherine Raphalen
sage. Je sens monter en moi de

la tension. Les émotions s’atté-
nuent, et laissent plus de place
au désir profond : quel est le but
Chercher et
trouver Dieu
Contrechamp
émotion ou motion ?
Comment distinguer les émotions des motions et de quels mouvements sont-
elles le signe ? Que nous révèlent-elles ? Comment s’articulent-elles ? Éclairage
à l’école d’Ignace de Loyola avec Patrice Proulx s.j.
L
Les émotions colorent notre répondre à nos besoins d’êtres Une prise
quotidien. Toute notre vie est vivants1. »Cela en souligne toute de conscience
tissée d’une succession de sen- l’importance. L’émotion, qui est graduelle
sations, d’émotions, agréables, une réaction intérieure surve-
stimulantes, parfois troublantes. nant lors d’un contact avec le La vie spirituelle est aussi tis-
Patrice Proulx s.j., Sans elles, la vie serait fade, sans monde extérieur, revêt toujours sée de sensations et émotions
d’origine québécoise, intérêt. Comment pourrions- une signification subjective par- diverses. Tel passage biblique,
a une licence en spiri- nous alors prendre des décisions ticulière et nous indique qu’un tel témoignage de vie, telle lec-
tualité de l’Université
pontificale grégorienne
pour enrichir, orienter notre besoin est satisfait ou non. Elle ture nous touche, nous affecte.
et travaille au Centre vie ? Sans leur apport, comment nous permet de nous orienter sur Pourtant, ces émotions vécues
de spiritualité pourrions-nous nous connaître ? le plan psychique et son inten- durant le temps de prière ont un
La Pairelle à Wépion En effet, les émotions « s’ap- sité nous indique l’importance de « quelque chose » de différent.
(Belgique). Il fait
essentiellement parentent à des guides dont la ce que nous vivons. Ignace, lors de sa convalescence
de l’accompagnement fonction consiste à nous aider à à Loyola, en fait l’expérience. Il
spirituel et a une s’aperçoit que ses lectures
expérience d’accompa-
gnement de personnes
de la vie du Christ ou des
ayant une addiction. saints, et les pensées qui
en découlent, le laissent
allègre, content et consolé,
alors qu’il reste sec, mécon-
1. Michelle Larivey, tent et triste dès qu’il cesse
La puissance des émotions.
Comment distinguer les de penser aux exploits qu’il
vraies des fausses, 2002, fera pour l’honneur d’une
Éditions de l’homme, grande dame (Récit 8). De
p. 17.
cette prise de conscience
graduelle, il en viendra à
connaître la diversité des
esprits qui l’agitent. Ces ex-
© Julian Kumar / Godong
périences ressemblent à des

émotions et sont souvent
confondues avec elles.
▲ Le Christ chassant les marchands du temple, Le Greco, vers 1571,

Mais, de quoi s’agit-il exac-
Minneapolis Institute of Arts, États-Unis. tement ? Peut-on parler ici

vraiment d’émotion ? Ou s’agit-il monde extérieur, soit par ce qui qu’il se passe quelque chose en
d’autre chose ? Avec le temps, se passe en nous, ou encore par moi pendant ma contemplation
Ignace définira plutôt ces expé- le vécu corporel. Plus nous pre- ou ma prière que je peux prendre
riences comme étant des motions nons conscience de nos émotions, conscience de ce mouvement
spirituelles. Quelle en est la dif- plus nous les accueillons et les suscité en moi. Et selon ce que
férence ? extériorisons, plus nous sommes je ressens, j’aurai la capacité de
capables de partager notre vie reconnaître si je suis accordé ou
L’émotion nous met en relation intérieure avec ceux qui nous cô- non à l’objet de ma contempla-
avec notre être profond, avec toient. Ainsi, nos relations avec tion.
nos besoins. Elle est ponctuelle, les autres deviennent de plus en
habituellement accompagnée plus riches. C’est au moment de la relecture
de réactions physiques plus ou que je peux percevoir l’action
moins nombreuses et fortes. Elle « Sentir et goûter des différents esprits. Au long de
surgit, et parfois envahit, notre les choses sa longue convalescence, Ignace
conscience de manière violente. intérieurement » prend peu à peu conscience qu’il
Elle relève essentiellement d’une La motion spirituelle, quant à est agité par différents esprits.
relation de moi à mes besoins. elle, me parle de relations. Dans La joie et le contentement sont
Cela concerne plutôt la vie inté- les Exercices spirituels, Ignace ressentis quand il se projette
rieure. souligne fortement dans le service de
“
l’importance de Dieu alors que les
Dans la vie spirituelle, bien « sentir et de goûter exploits visant à le
qu’elle emprunte les traits d’une les choses intérieu- Ces mouvements signaler à la grande
émotion, l’expérience vécue rement » (ES 3). Le sont des balises dame de ses rêves
relève d’une autre dimension. but ultime n’est pas sur ma route pour illusoires le laissent
Elle est à la fois un mouvement tellement de susci- découvrir le désir sec et mécontent. Il
ter des sensations, de Dieu pour moi
”
vers un objet et le résultat d’une en viendra à asso- 2. Cf. Jean-Marie
collaboration entre Dieu et moi. mais de percevoir le cier l’action du bon Carrière s.j., S’accorder
au dessein de Dieu,
C’est ce qu’Ignace appellera une mouvement initié par un donné esprit à la consolation et à la
Éditions Vie chrétienne,
motion spirituelle. Dans celle-ci, objectif (ce que je suis en train désolation celle du démon. Et ici, pp. 15-23.
je perçois que je ne suis pas seul de contempler ou de méditer). Ce nous pouvons comprendre que
à l’origine de ce que j’éprouve mouvement m’indique un chemin le démon est autant celui qu’il
et qu’elle m’ouvre à l’extérieur de croissance, un chemin vers désigne comme étant l’ennemi
de moi. Elle est relation avec le le bonheur. Ce sont des balises de la nature humaine que tout ce
monde extérieur et avec Dieu. sur ma route pour découvrir le qui n’est pas encore converti au
Elle suscite un mouvement de désir de Dieu pour moi. Elles service de Dieu, tout ce qui fait
sortie de mon monde intérieur et m’informent sur les options que obstacle au service de Dieu.
de mes besoins personnels. je dois prendre pour atteindre le
bonheur. La motion spirituelle est donc
L’émotion nous révèle toujours un un mouvement, initié par le bon
besoin actuel et nous informe sur Selon Jean-Marie Carrière s.j., la ou le mauvais esprit, et cela
les dimensions multiples de notre motion spirituelle est composée requiert une réponse de notre
existence (par exemple : la tris- de deux éléments inséparables : part : adhésion ou rejet. Dieu
tesse qui me révèle un manque « un mouvement, une poussée nous invite à choisir la vie.
affectif). Elle peut survenir soit vers..., et ce vers quoi tente d’en-
à l’occasion d’un contact avec le traîner la poussée2 ». C’est parce Patrice Proulx s.j.
Chercher et
trouver Dieu
Éclairage biblique
« seigneur : tu m’as relevé »
2 J e t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé,

tu m’épargnes les rires de l’ennemi.
3 Quand j’ai crié vers toi, Seigneur, mon Dieu,
tu m’as guéri ;
4 Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.
5 Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
6 Sa colère ne dure qu’un instant, sa bonté,
toute la vie ;
avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie.
7 Dans mon bonheur, je disais :
Rien, jamais, ne m’ébranlera !
8 Dans ta bonté, Seigneur, tu m’avais fortifié
sur ma puissante montagne ;
pourtant, tu m’as caché ta face
et je fus épouvanté.
9 Et j’ai crié vers toi, Seigneur,
© Swissmediavision / iStock
j’ai supplié mon Dieu :
10 « À quoi te servirait mon sang si je descendais
dans la tombe ?
La poussière peut-elle te rendre grâce
et proclamer ta fidélité ? »
11 « Écoute, Seigneur, pitié pour moi !
Seigneur, viens à mon aide ! »
12 Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie.
13 Que mon cœur ne se taise pas, qu’il soit en fête pour toi,
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu, je te rende grâce !
Psaume 29
Traduction liturgique AELF

ç
Ça commence fort ! « Je t’exalte, Seigneur, tu m’as
relevé », nous voici envoyés jusqu'au ciel, jusqu'à la
toute-puissance du Seigneur qui agit pour son ami,
en le relevant, en lui redonnant vie et dignité au fond
de l'épreuve, en le ressuscitant.
Puis au long des versets, admirant les merveilles de
Dieu dans sa vie, sa présence agissante, ce priant
nous invite à regarder « les hauts et les bas » ; les
nous ouvre à des entrechats, une douce valse, un
souffle nouveau.
Et le voici notre psalmiste, recueillant précieuse-
ment les rubans de joie qui ornent sa vie, déployant
leurs couleurs, pleinement conscient qu'il y a des
jours de larmes, des deuils, qu'il ne peut pas dire
« rien jamais ne m'ébranlera », mais qu’il y a une
attitude intérieure à tenir : celle de recevoir ce qui
caves et les jardins ensoleillés, les abîmes et les est donné et de témoigner : « Que mon cœur ne se
guérisons ; les larmes et les danses. Et partant de taise pas, qu'il soit en fête pour toi ».
là, il nomme ce que Dieu fait pour lui : Il relève, Il À l'écoute de son cœur qui parle, qui murmure ou
m'épargne, Il guérit, Il veut pour moi la vie, c'est-à- qui déborde, le psalmiste entend combien le Sei-
dire : « remonter (du fond) de l’abîme et revivre gneur est présent, dans les larmes, les cris, les rires
quand je descendais (au fond de) la fosse, changer et les danses, et que cette présence est source de
le deuil en joie. joie, qu'elle pourra être une fête, une fête par Toi,
Cet itinéraire chaotique, la mémoire des épreuves, une fête pour Toi. Une fête au goût d'éternité « sans
des joies, des traversées, devient pour lui et pour fin te rendre grâce Seigneur ».
nous, ouverture vers l'avenir, invitation à fêter et
louer, accueil confiant de sa bonté qui « dure toute Bénédicte d'Halluin
la vie ».
Quelle expérience a vécue le psalmiste lorsqu’il nous
parle de la colère du Seigneur ? Quel est ce moment
où Dieu lui a caché sa face ? À quoi fait-il référence
en parlant d'une expérience d'épouvante, expérience points pour prier
d'une vie en « poussière » ? Résonnent en moi des
sentiments d’abandon, de peur, de lassitude profon- Je lis le psaume, lentement, je me souviens qu'il
est prié depuis plus de deux mille ans, que Jésus
de quand le sens se perd, le courage manque. Sen- lui-même l'a prié. J’entre dans cette longue his-
timents de colère ou d'abattement devant l'épreuve, toire, avec tous ces compagnons.
la douleur. Je demande une grâce au Seigneur, peut-être
Le psalmiste propose un chemin : crier, supplier, celle de m’ouvrir au souffle de Dieu qui veut
pour moi la vie.
« Écoute Seigneur viens à mon aide ». Avec l’obs-
tination d’un tout- petit, il crie, parce que le silence + Je relève tous les mots, les versets qui me
et l'épreuve n'arrêtent pas la relation au Seigneur. parlent d’alternance, de hauts et de bas, de
descente et de montée, de solidité et de fragi-
Même quand « Tu caches ta face » je peux crier
lité, de crainte, de tristesse et de joie. Je les
vers Toi. laisse résonner en moi.
« Te rendre grâce et proclamer ta fidélité ? » : au cœur
de son épreuve, qu'il ressent comme une forme + J'écoute les sentiments du psalmiste, ce qu'il
dit de Dieu, ce qu'il dit à Dieu suivant les
de mort, le psalmiste rappelle devant Dieu sa voca- mouvements.
tion profonde, ce qui est pour lui, et pour chaque
croyant, le sens de la vie reçue : rendre grâce, annon- + Je fais miennes quelques expressions, je les
cer la fidélité du Seigneur, proclamer son amour. reprends, et les précise en accueillant la pré-
sence de Dieu à toute ma vie
Il discute, dialogue, confiant, avec un Dieu qui veut la
vie pour lui, et la vie « en abondance ». + Je m’ouvre au mouvement d'action de grâce
Un Dieu qui « change mon deuil en une danse », proposé à travers le psaume « que sans fin,
Seigneur, mon Dieu, je te rende grâce. »
qui dans la lourdeur, le poids, l'engourdissement
Chercher et
trouver Dieu
Repères ignatiens
les motions
et leur discernement
chez ignace de loyola
Si Ignace de Loyola n’a pas inventé les notions de motions et de discernement,
il s’est appuyé sur son expérience personnelle fondatrice pour décrire le langage
de Dieu et rédiger les Exercices. Une boussole dans la prise de décision.
Dominique Salin s.j.,

a été professeur
de lettres, rédacteur
en chef adjoint de la
revue Études, profes-
seur de littérature
spirituelle au Centre
Sèvres, et est en
OOn me demande souvent : « En
quoi la spiritualité de saint Ignace
est-elle originale ? »
Ignace n’a pas inventé ce qui

est la base de la vie spirituelle :
l’attention aux « motions
spirituelles », ces états ou ces
moments de « consolation » et
tour de nous. Tels les microbes
et les virus, ils ont le pouvoir de
s’introduire dans notre cœur (ou
notre thymos) pour y exciter les
« passions », saines ou malsaines,
qui animent notre vie psychique.
Ils sont responsables des manifes-
tations de ce que nous appelons
l’involontaire en nous, les « mo-
a un choix à faire (entre deux
partis moralement bons l’un et
l’autre, évidemment), prendre sa
décision, non en fonction de fac-
teurs purement rationnels, mais
en fonction de ce que suggèrent
les motions intérieures, « l’affec-
tivité profonde ». De quel côté
m’incline l’Esprit de Dieu, qui me
résidence à Montpellier
depuis 2017. de « désolation » qui semblent tions intérieures » notamment. parle dans le jeu des esprits et de
venir d’ailleurs et qui inspirent, La lecture du Mémorial (journal leurs motions en moi ?
de manière plus ou moins com- spirituel) de saint Pierre Favre,
pulsive, nos comportements et alter ego de saint Ignace, éclaire L’expérience
nos choix. Ignace n’a pas inventé parfaitement cette représentation d’Ignace
1. Pierre Favre, non plus leur discernement : ces de la vie spirituelle1. Telle fut d’abord l’expérience du
Mémorial, édité par motions viennent-elles de Dieu chevalier Inigo de Loyola, lorsqu’à
Michel de Certeau,
coll. Christus, Desclée ou de « l’ennemi de la nature hu- Ignace n’a donc pas inventé le l’âge de trente ans, il décida de
de Brouwer, 1959, 460 p. maine » ? Plus précisément, dans discernement des motions (plus renoncer à sa carrière de gentil-
le langage de son temps, d’un bon profondes et plus durables que homme, haut fonctionnaire du
2. Vient de paraître,
dans la collection
ou d’un mauvais « esprit » ? les émotions) et des esprits qui vice-roi de Navarre, pour mener
« Prier 15 jours avec », les provoquent. Au IVe siècle, une vie de mendicité et de péni-
Les Pères du désert, Depuis l’Antiquité païenne, en les Pères du désert (premiers tence, à l’image de saint François.
par Marie-Anne Vannier,
Nouvelle Cité, 2020.
effet, jusqu’à l’époque d’Ignace moines, au Proche-Orient) ex-
Excellente initiation. et au-delà, on considérait que cellaient dans cet art 2. Ce qui Ce qui est remarquable dans le cas
les hommes étaient en perma- est original, dans l’expérience d’Ignace, c’est que cette conver-
nence environnés « d’esprits », d’Ignace comme dans sa doctrine, sion ne fut pas le fruit d’un coup
« anges », ou « démons », secou- c’est d’avoir couplé le discerne- de foudre mystique, ni d’une ren-
rables ou malfaisants. Invisibles, ment des motions avec la prise de contre décisive ni de prédications
ils voltigent en permanence au- décision. Autrement dit, lorsqu’on incendiaires. Elle mûrit, dans la

quasi-solitude du manoir familial, le laissaient dans deux états
au cours des neuf mois de conva- d’âme fort contrastés. Les pre-
lescence que lui avait imposés miers le laissaient « content et
une blessure de guerre. Tout com- allègre » ; les seconds, les « mon-
mença par l’ennui. Ce chrétien dains », le laissaient « sec et
« à gros grain », playboy normale- mécontent ». Expérience, donc,
ment inculte pour sa caste, n’avait de plaisir et de déplaisir. Plaisir
sous la main aucun de ces romans durable et, finalement comblant,
de chevalerie dont il meublait d’un côté. Plaisir éphémère et,
ordinairement son esprit. Seu- finalement frustrant, de l’autre.

lement deux best-sellers pieux :
une Vie du Christ accompagnée Différence capitale, pierre d’angle
de méditations contemplatives et de la vie spirituelle d’Ignace.
un volume présentant brièvement Comme il le fera remarquer plus
la vie des grands saints. Guère tard, « Ce fut la première réflexion
affriolant, donc ; mais, faute qu’il fit sur les choses de Dieu ; et
▲ Saint Ignace de Loyola, vitrail Église Saint-Honoré
de mieux… Ce fut une décou- ensuite, quand il fit les Exercices, d’Eylau, Paris.
verte. Commencèrent à naître en c’est à partir de là qu’il commença
lui des scénarios dans lesquels à être éclairé sur ce qui concerne sa vie. Ses choix se feront, au jour
il se voyait en saint François ou la diversité des esprits3. » le jour, à la lumière des consola- 3. Récit, § 8.
en saint Dominique, galvanisant tions et des désolations que leur
les masses et impressionnant le Le langage de Dieu perspective suscite en lui. Il est
Bon Dieu par de sensationnels L’expérience spirituelle fondatrice, dans la consolation lorsqu’il envi-
exploits pénitentiels. Ces scé- chez Ignace, celle des « motions sage de devenir pèlerin pénitent.
narios alternaient spirituelles », se dit Il se fera pèlerin pénitent. Mais il
“
avec d’autres, dont en termes psycho- prendra auparavant une année de
il était coutumier logiques de plai- solitude, à Manresa, pour mieux
depuis longtemps, Ses choix se feront, sir et de déplaisir : comprendre le jeu des motions et
franchement don- au jour le jour, plaisir durable et les pièges qu’il recèle : la consola-
juanesques. Ces à la lumière des plaisir éphémère ; tion peut être trompeuse, l’ange
rêveries pouvaient consolations et des plaisir superficiel de ténèbres peut se déguiser en
durer des heures, désolations que leur et plaisir profond ; ange de lumière. Ignace en vint
raconte-t-il dans le perspective suscite plaisir frustrant et à rédiger une véritable gram-
en lui
”
Récit livré à la fin de plaisir comblant. La maire des motions intérieures et
sa vie (les hommes « consolation » et la de leur interprétation, sous le
de ce temps savaient s’occuper « désolation », les interventions nom de Règles de discernement
l’esprit sans portable ni écou- du bon et du mauvais esprits sont des esprits. Les Exercices spirituels
teurs). Elles l’enchantaient. décrites en termes aisément acces- sont conçus comme une chambre
sibles à l’homme moderne. Ignace d’échos permettant de mieux lais-
La découverte décisive se pro- a vu dans leur alternance une ser résonner les motions inté-
duisit le jour où, déclare-t-il, forme de langage dont Dieu se sert rieures pour découvrir, ou confir-
« ses yeux s’ouvrirent ». Il réalisa pour faire connaître sa volonté. mer, plus facilement l’orientation
que ces deux types de scénarios, à donner à sa vie.
les évangéliques et les donjua- Ignace tient désormais la boussole
nesques, lorsqu’ils s’éteignaient, qui va lui permettre de décider de Dominique Salin s.j.
Chercher et
trouver Dieu
pour aller plus loin

Des pistes pour un partage :
• Chaque soir, je prends le temps de relire ma journée, en notant soigneusement les émotions et
les mouvements intérieurs qui m’agitent : un sentiment de colère, une peur, une tristesse, un
élan de joie ou une sensation de paix profonde…
• Dans cette relecture, je distingue ce qui est « émotion », signe de ma sensibilité et révélatrice de
mes besoins, de ce qui est « motion », dont je ne suis pas seul à l’origine mais qui résulte de ma
relation avec Dieu.
Dans un colloque avec le Seigneur, je fais le tri entre mes envies fragiles qui ne me comblent pas
ou qui m’attristent, et mon désir profond qui m’attire vers Dieu et me donne une joie profonde et
durable.
• Je choisis de vivre ce qui me porte vers la vie et la vraie joie, fruit de l’Esprit. Je rends grâce au
Seigneur pour sa présence et son action en moi.
À lire :
• Discerner. Que se passe-t-il en nous ?
Monique Lorrain, Éditions Vie chrétienne, n°480, 2002 (réédition 2014), 10 euros.
Ce livret permet de commencer un chemin d’intériorité, d’écouter ce qui se passe en nous. Il
ne s’agit en aucun cas de recettes, mais d’expériences qui font toucher du doigt que Dieu est
à l’œuvre en chaque vie et qu’il appelle à être libre en aimant la simplicité et la clarté. L’auteur
propose une voie qui fait rencontrer sa propre vie pour l’ordonner, qui mène à Dieu et à la
rencontre de toute personne.
• Place aux émotions !
Dossier Christus, n°261, janvier 2019, 13 euros.
Nous vivons dans l’ère de l’émotion. Longtemps cantonnée dans le registre de la vie
intime, l’émotion est devenue une valeur essentielle à la vie individuelle et sociale. Les
émotions ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi, elles sont l’expression du mouvement
de la vie en nous. Notre tâche d’humains est d’apprendre à les repérer pour les nommer
et pouvoir les orienter vers une vie plus juste.
À écouter :
• Les émotions dans la vie spirituelle avec Jean-Paul Lamy s.j.
Dans la Halte spirituelle présentée par Béatrice Soltner sur RCF : rcf.fr/spiritualite/vie-interieure/
les-emotions-dans-la-vie-spirituelle
Ce n’est pas parce que je ne ressens rien que Dieu est absent. La vie spirituelle engage nos
émotions mais ne peut pas s’y réduire. La vie chrétienne n’est pas épargnée par ce monde
émotionnel puisque Jésus lui-même s’est ému durant sa vie terrestre. Quelle place donner à
nos émotions dans notre vie spirituelle ? Comment les reconnaître, les écouter, et leur donner
sens ? Éclairages avec Jean-Paul Lamy s.j., qui signe l’article « Se laisser toucher par la parole »
du n°261 de Christus .
• Que faire de nos émotions ? avec Remi de Maindreville s.j., le professeur Philippe
Jeammet, pédopsychiatre, et Valérie Castel Jordy, comédienne, metteuse en scène
Dans l’émission Grand angle présentée par Christophe Henning sur RCF :
rcf.fr/vie-quotidienne/psychologie/que-faire-de-nos-emotions
Faut-il se méfier de nos émotions ou leur faire confiance ? Signe d’une certaine
vitalité, d’un rapport au monde engagé et personnel, les émotions, et surtout la
façon dont on les exprime dans notre société contemporaine, font penser à un trop-
plein, à un épanchement massif, de l’ordre du débordement. Au travail, en famille,
en couple, faut-il les montrer ou les dissimuler ? Qu’en est-il dans la vie spirituelle ?

contempler
une œuvre d'art
© www.galerieguillaume.com
Ascension de la lumière,
Pigments naturels sur géotextile, 2017, 58,5 x 87,5 cm, Bang Hai Ja
J’admire les jeux de couleurs, les matières, les reliefs… qu’est-ce que cela m’évoque,
m’inspire ?
Nuit, lumière, ciel, envol, oiseaux, colombes…

« Ascension de la lumière ».
À l’approche de Noël je me réjouis des lumières qui illuminent nos villes, nos églises et
nos maisons.
Je médite sur un passage de la Bible : « Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara
la lumière des ténèbres » (Genèse 1, 4).
« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les
habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. » (Isaïe 9 ,1)…
Je rends grâce pour la beauté du tableau, pour les artistes, et pour la Création…
Des œuvres de Bang Hai Ja (née en Corée en 1937) peuvent être vues à la Galerie Guillaume, 32 rue de
Penthièvre - 75008 Paris - www.galerieguillaume.com - Exposition prévue en 2021.
Se former
École de prière
avec dieu,
vivre nos émotions
Nous sommes traversés par différentes émotions, comme le Christ l’a été. Béné-
dicte Barthalon, sœur auxiliatrice, nous explique combien il est important de les
nommer et de les accueillir devant le Seigneur. Ce sont autant de points de repère
pour notre prière.
E
« Être en colère », « avoir le cœur ne peut pas les empêcher. Elles nément dans la vie quotidienne,
en joie », « mon âme est triste peuvent s’accompagner de signes lorsque nous éprouvons une joie,
à en mourir », « trembler de physiques : larmes, mains moites, de dire « merci » au Seigneur ou
peur »… Qui d'entre nous n'a pas rire, mal au ventre, respiration bien, lorsque nous sommes tristes
un jour éprouvé la vérité d'une de tranquille, énergie, gorge nouée… ou inquiets, de l’appeler à l’aide.
ces expressions ? Toute la journée, Elles sont le signe de notre sen-
des émotions nous habitent. Elles sibilité : nous sommes touchés, Parfois, c’est moins spontané, nous
sont plus ou moins vives, plus affectés par une rencontre, une pouvons éprouver de la honte de-
ou moins importantes selon les parole. C’est bon signe : nous vant le fait d’éprouver de la colère,
moments et les personnes. Elles sommes vivants ! Nous sommes de la tristesse, du dégoût… Nous
sont la réponse physiologique à en relation avec d’autres ! jugeons nous-mêmes que ces émo-
un événement qui nous arrive, on tions ne sont pas « dignes » d’une
Que faire avec ces émo- vie selon l’Évangile. Pourtant, Jé-
tions ? Se laisser gouver- sus lui-même n’a-t-il pas éprouvé
ner par elles ou bien les la joie, la tristesse, la colère, la
accueillir et choisir ce peur, la surprise ? Les psaumes
qu’on en fait ? Comment eux-mêmes sont remplis de toutes
prennent-elles place ces émotions humaines, de tous
dans la vie spirituelle ? ces cris de joie, d’angoisse, de co-
lère… adressés au Seigneur. C’est
Se laisser souvent ce qui nous déroute dans
accueillir ces prières. Il n’y a pas d’émotions
par Dieu négatives ou positives, bonnes
avec nos ou mauvaises, mais des émotions
émotions agréables ou désagréables… Ce qui
Un premier pas pour- est bon ou mauvais, ce qui dépend
© Hanna-Cheriyan Varghese
rait être d’oser nommer de notre liberté profonde, c’est ce

nos émotions devant que nous en faisons.
le Seigneur, même en
tâtonnant, et le lais- Je peux me poser devant le Sei-
ser nous accueillir avec gneur et me dire : « Tiens, qu’est-
▲ « Alors Jésus se mit à pleurer » (Jn 11, 35)
elles. Cela nous arrive ce que j’éprouve en ce moment ?
d’Hanna-Cheriyan Varghese, 2007. souvent un peu sponta- Que s’est-il passé dans cette ren-

contre ? Quelles émotions m’ont
traversé·e dans cette journée ? »
Pour les émotions agréables et les
événements qui en sont la source,
je peux rendre grâce à Dieu, lui
dire merci. Elles m’ouvrent à la
gratitude et à la reconnaissance.
Pour les émotions désagréables, je
peux d’abord essayer de les expri-
mer au Seigneur à la manière des
psaumes, comme un ami parlerait
à son ami, en toute confiance.
Le Seigneur peut tout entendre, quelque chose. Certaines émo- autres, de décentrement de moi-
même ce qui est trouble, sombre, tions sont superficielles, d’autres même, au désir d’aimer, de me
obscur, douloureux en moi. Le plus profondes. Elles peuvent être faire proche de l’autre, à la paix
premier pas dans ces cas-là est le signe d’un mouvement, d’une et à l’unification intérieure de me
de déposer mon fardeau devant motion spirituelle. C’est la force sentir à ma juste place dans la
lui, humblement. Crier vers le Sei- de l’expérience de saint Ignace relation à Dieu et aux autres…
gneur de cette manière est déjà d’avoir su repérer que certaines
une façon de prendre un peu de pensées provoquaient en lui une Au contraire, le mouvement de la
distance avec ces émotions, de ne émotion et ensuite d’avoir su ana- désolation me conduit à me fer-
pas me laisser gouverner, entraîner lyser les fruits que cela produisait mer, me centrer sur moi-même,
par elles. À la lumière du Seigneur, en lui, un mouvement de fond : m’isoler, m’enlève des forces pour
avec Lui, je trouverais probable- consolation ou désolation. Le dis- aimer, me trouble, me fait croire à
ment apaisement, éclairage, force, cernement spirituel permet de l’absence de Dieu…
courage… et peut-être aussi le distinguer l’émotion, la pensée ou
désir de demander pardon ou de l’événement qui l’a provoquée et Peu à peu, en me mettant à
lui demander son aide. la motion spirituelle dans laquelle l’écoute des émotions que
cela m’entraîne. j’éprouve, en repérant le mouve-
J’aurais peut-être aussi besoin ment profond dans lequel elles
d’en parler avec quelqu’un en qui Je peux me poser deux types de m’entraînent, je pourrai recon-
j’ai confiance ou un thérapeute, si questions : « D’où viennent les naître le son particulier de la voix
je suis trop envahi·e par la tris- émotions que j’éprouve ? Quelle de Dieu en moi pour choisir ce qui
tesse, la peur, la colère… pensée, quel événement, quelle me rend vivant·e dans mon quoti-
rencontre, quel verset biblique les a dien. Je pourrai me laisser guider
La place des fait naître ? – vers où m’entraînent- par la consolation et entrer dans le
émotions dans elles ? vers qui me tournent-elles ? mouvement profond de l’alliance,
le discernement Quel fruit cela produit en moi ? » en trois mots : vivre avec Dieu !
Le discernement s’appuie aus-
Bénédicte Barthalon
si sur nos émotions comme des Toute joie n’est pas de la consola-
points de repère précieux. Nous tion. Toute tristesse n’est pas de
avons une vie intérieure et Dieu la désolation. Je reconnaîtrais la Article publié dans la revue Chris-
y parle. Une émotion n’est pas consolation au mouvement pro- tus n°261, janvier 2019, reproduit
statique. Elle est une réaction à fond d’ouverture à Dieu et aux avec son aimable autorisation.
Se former
Expérience de Dieu…
partager l’espoir,
la trahison, l’ amour…
À « La Moquette », siège des Compagnons de la nuit, les gens de la rue et les
« intégrés » sont invités à partager une offre culturelle de qualité et des soirées
conviviales. Le but est de faire société, sans distinction d’origine, en plaçant la
relation au centre.
N
« Nous n’arrivons pas à imaginer jusqu’à l’arrivée de la Covid, pous- mon copain ! Tu as raté les pre-
un monde sans vous. » Qui envoie saient la porte du 15 rue Gay- miers morceaux ! » – Grand sourire
ce message, sur Internet ? Lau- Lussac, alias « La Moquette » à un peu édenté : « Ah ben non !
rent, un des cinq responsables Paris. Depuis le confinement, le J’ai déjà raté ma vie, ceux-là, je
de l’association Les Compagnons local est vide (« sans vous »), ne veux pas les rater ! » Quelques
de la nuit. Celle-ci propose, pourtant l’activité se poursuit à jours plus tard, lors d’un autre
trois soirs et un après-midi par distance via le web, ou ensemble concert, donné par « La fanfare in-
semaine, un accueil culturel et mais « hors les murs ». visible », on verra les deux mêmes,
convivial aux gens de la rue, clo- danser entre eux, et une dizaine
chards, SDF (sans domicile fixe) Ce 1er juillet, une trentaine de per- d’autres entonner Bella Ciao ou les
mais aussi ADF (avec domicile sonnes se retrouvent ainsi, place chants de la Commune.
fixe). En somme à tous ceux qui, du Panthéon, pour le concert d’un
petit groupe folk, « Notre projet repose sur trois pi-
bénévole. Saluta- liers, explique Laurent. Le soir
tions « au coude », (fermeture à minuit et demi), la
embrassades parfois, mixité sociale et la culture sous
fraternité et hu- toutes ses formes. Beaucoup de
mour noir. – « Salut structures existent pour donner un
hébergement, un repas, un suivi
médical mais le volet culturel était
vacant. » Des conférences portant
sur l’histoire, la science, l’art ont
lieu régulièrement. « On essaie
d’inviter les meilleurs, sourit Cy-
rille, autre responsable. Le philo-
sophe Edgar Morin, le sociologue
Robert Castel, l’historien Patrick
© Les Compagnons de la nuit
Boucheron, cela fait venir des étu-

diants ! » Des rencontres ont eu
lieu avec des personnalités comme
Pierre Perret, le boxeur Brahim
Asloum, naguère Cabu ou Danielle
Mitterrand. Des veillées littéraires

« Les Compagnons de la nuit »
L’aventure des « Compagnons de la nuit » commence en 1975,
lorsque l’abbé Pierre se voit léguer un bar, situé près de l’église
parisienne Saint-Séverin. Il en fait un lieu ouvert toute la nuit pour
ou poétiques s’organisent autour tous ceux qui travaillent dans le quartier ou vivent dans la rue. Rapi-
d’écrivains (Joy Sorman, Emma- dement, il confie la direction de l’association au dominicain Pedro
nuel Carrère, Sorj Chalandon). Il Meca qui fait appel aux éducateurs de rue et accentue le caractère
y a aussi parfois du théâtre, de universel et laïque de l’espace. En 1992, après une interruption,
la danse, et régulièrement, « la l’association se transporte vers la rue Gay-Lussac, décidant, peu
fabrique de l’info » au cours de après, d’horaires moins nocturnes car des asiles de nuit sont désor-
mais ouverts, coordonnés par le Samu social. Financée aux deux-tiers
laquelle un journaliste explique
par la région Ile-de-France et pour un tiers par la ville de Paris, « La
sa manière de travailler, partant Moquette » emploie cinq salariés. Elle reçoit, suivant les soirées,
d’une actualité connue de tous. entre une dizaine et une cinquantaine de personnes.
« Le but est de dépasser les bar-

rières, de faire société, reprend nirs emprisonnés. Samuel, poète, des émotions, on le revendique.
Laurent. Distribuer des sandwichs, raconte des « errances, dans la C’est un moyen pour atteindre
faire la vaisselle, ça suscite plein nuit lactée » où « l’absence éclai- notre but, la finalité de notre bou-
de volontaires. Mais pour manger rait la nuit ». Francis, plus sombre lot : être en relation avec les gens.
avec des gens qui ne sont pas de évoque une vie « d’échouages en Pour que les fous, les paumés, les
votre monde, plus personne ! Lors échouements » et s’interroge : gens intégrés cohabitent. C’est une
d’une soirée danse, au début tout « Recommencer à vivre ? Quel re- petite utopie. »
le monde est timide. Alors, au bout gret ! » On partage l’espoir et la
d’un moment, quand on voit une trahison, l’amour et les anxioly- Une utopie qui dirait la gratuité
étudiante danser avec un gars de tiques. Un optimiste proclame « Je et l’abondance de Cana, les cœurs
la rue… » Autres moments fédé- me sens vivant ! » Une autre, plus brûlants d’Emmaüs, qui bâtirait
rateurs, les anniversaires, fêtés ardente « Faudra qu’elle gueule la avec les pierres ébréchées et vi-
autour d’un gâteau, d’une mu- vie ! » vantes du Royaume.
sique, d’un texte personnalisé. Pas
Jean-François
moins chaleureuses, les « soirées Laurent, de « La Moquette » ne
impromptues » sans invité, entre s’en cache pas : « On travaille avec
jeux de société et papotages…
Un maillon fort de ce travail de

mise en relation est la pratique
des ateliers d’écriture. Autour d’un
© Les Compagnons de la nuit
thème proposé à l’avance, chacun

creuse, se raconte et trouve l’occa-
sion si rare d’être lu ou écouté, de
combattre l’oubli de soi, propre à
la rue. Lampes d’Aladin, ces efforts
réveillent des images, des souve-
Une théologienne relit cette expérience

« J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert à rien »
(1 Co 13, 3). « Manger avec des gens qui ne sont pas de votre monde » implique une démarche de
conversion coûteuse. Pour se mettre dans les pas de Jésus Christ, la bonne volonté ne suffit pas : il faut
accepter de se laisser déplacer par la grâce.
Se former
Lire la Bible
le péché originel,
une notion à revisiter
La notion de péché originel fait peser sur l’humanité une énorme culpabilité : ses
souffrances seraient dues à la désobéissance d’Adam et Ève qui à peine « mis au
monde », auraient transgressé l’interdit édicté par leur Créateur. À la lumière de
la Tradition et de la Bible, Martin Pochon s.j. revisite la nature du péché originel.
Premier article d’une série de deux.
L
Le Concile de Trente jette l’ana- Comment souscrire à un pareil dans cet énoncé dogmatique ?
thème sur quiconque « ne confesse énoncé aujourd’hui ? La mort Est-il juste de condamner à mort
pas qu’Adam […] a encouru […] est inscrite dans la condition de Adam et Ève pour une faute
Martin Pochon s.j. la colère et l’indignation de Dieu et tous les vivants. Bien plus, elle aussi commune que banale ?
accompagne de par suite la mort dont Dieu l’avait est la condition d’émergence de Quels parents ou éducateurs ose-
nombreux groupes auparavant menacé », et sur qui- l’homme, car pour qu’il y ait évo- raient infliger de pareils châ-
et équipes. Parallèle-
ment à ses activités conque affirme que « la prévarica- lution et apparition de l’homme, timents ? Bien plus qui oserait
pastorales, il poursuit tion d’Adam n’a nui qu’à lui seul et il faut la succession des géné- imaginer qu’il serait juste de
un travail de théologie non à sa descendance » ou encore rations. La mort existait bien condamner tous leurs descen-
biblique, son dernier
livre est L’épître aux
sur ceux qui soutiennent qu’« il avant l’homme, bien avant sa dants de la même manière ? Des
Hébreux au regard des n’a transmis que la “mort” et les désobéissance. milliards d’individus condam-
Évangiles (Cerf, octobre peines du corps à tout le genre nés à mort pour une désobéis-
2020). humain, mais non le péché qui est Par ailleurs quelle conception de sance largement prévisible ! Les
la mort de l’âme »1. Dieu et de sa justice se dessine parents savent bien que leurs
enfants désobéiront un jour ou
l’autre sans que cela les empêche
1. Gervais Dumeige,
La Foi catholique,
d’être heureux de les mettre au
L’Orante, 1962, monde.
pp. 174-179, Concile
de Trente, XIXe concile On comprend que tout un chacun
œcuménique, Ve session
(1546), Décret sur le se révolte face à ce dogme du
péché originel. péché originel. Même les derniers
papes souhaitent une remise en
chantier. En 1966, Paul VI en
appelait déjà à « une définition
© Pascal Deloche / Godong
et une présentation du péché ori-

ginel qui soient plus modernes,
c’est-à-dire qui fassent davantage
droit aux exigences de la foi et
de la raison, telles qu’elles sont
▲ Adam et Ève. Le fruit défendu, Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul d’Aného au Togo. ressenties et exprimées par les

hommes de notre temps »2. Quant à sa ressemblance comme son si Dieu nous a créés pour que 2. Paul VI, Allocution
du 11 juillet 1966
à Joseph Ratzinger, alors cardi- image » (Gn 5,3). C’est donc la no us l u i re s s e m b l i o ns ? N e
aux participants du
nal, il avouait que « l’incapacité notion de filiation qui est impli- dit-on pas que Dieu est in- Symposium sur le péché
de comprendre et de représenter quée dans cette expression. La fini, sans limites ? Dieu se- originel, publiée dans
le “péché originel” est […] un généalogie de Jésus présentée r a i t - i l m e n t e u r ? À m o i n s La Documentation
catholique, 1966,
des problèmes les plus graves de par saint Luc le confirme : elle q u ’ i l ne fa i l le re me t t re e n
col. 1345-1352.2013.
la théologie […] actuelle3. » part de Joseph, « il était, disait- chantier nos conceptions du
on, fils de Joseph, fils d’Héli, fils divin. Ces questions sont incon-
Au fil de Mattha (Lc 3, 23), […] fils tournables et c’est précisément 3. Joseph Ratzinger,
de la Genèse… de Jessé, fils de Jobed […] » (Lc celles qu’aborde le « serpent ».
Entretiens sur la foi,
Fayard, 1985, p. 91.
Les Éditions Vie chrétienne ont 3, 32). En mentionnant les pre-
souvent publié des commentaires mières générations l’évangéliste Dans le chapitre 3, le serpent
du deuxième récit de création du ajoute : « Kaïnan, vient questionner
“
Livre de la Genèse qui, depuis fils d’Enos, fils de le sens de l’inter-
saint Augustin, semble justifier Seth, fils d’Adam, dit ; c’est la suite «
la notion de péché originel 4 . fils de Dieu. » Pour La source du péché logique » et inévi- 4. Cf. Bruno Régent,
Mais l’Écriture ne cesse de nous L uc, e nt re Ad a m est donc dans les table des deux pre- Récit de l’origine, 7 jours,
et Dieu, il y a bien intentions que nous miers chapitres. :
10 paroles, 2016 ; Martin
surprendre et, dans ces relec- Pochon, Les promesses
tures, Dieu fait toute chose nou- un rapport de filia- prêtons à Dieu, et « A l o r s Ya h v é a de l’Éden, 2013.
velle. Nous nous risquons donc à tion. C’est-à-dire dans les conceptions dit : “vous ne man-
proposer ici un changement de q u e D i e u n o u s que nous nous gerez pas de tous
c r é e p o u r q u e faisons de lui
”
perspective sur cette question. les arbres du jar-
Une perspective nouvelle qui se nous soyons ses din” ? » (Gn 3,1)
dégage d’une lecture simple et enfants5. C’est l’enjeu de toute Ce qui n’est pas faux puisque
continue des trois premiers cha- l’Histoire Sainte, c’est le prin- Dieu avait dit « tous sauf un ».
pitres de la Bible. Chaque cha- cipe et fondement de l’histoire Mais loin de se centrer sur tous
pitre définit une étape décisive du salut. Que nous puissions un les possibles il attire l’atten-
dans la compréhension de ce que jour nous adresser à Dieu en lui tion sur la limite, sur l’arbre
5. Il nous a créés
l’on pourrait appeler l’archétype disant : « Notre Père ». interdit. Face au trouble d’Ève, capables de renaître
du péché, ou encore la « source » il affirme que Yahvé est double- d’en-haut pour
du péché, une source qui ne se- D a n s l e c h a p i t re 2 , Ya h v é ment menteur : « Pas du tout être vraiment
à sa ressemblance.
rait pas tant dans la désobéis- donne à l’homme un comman- vous ne mourrez pas » (Gn 3,4)
sance que dans les représenta- dement : « Tu peux manger de et il interprète l’interdit comme
tions idolâtriques que nous nous tous les arbres du jardin, mais de un refus de Yahvé que nous lui
faisons du divin. l’arbre de la connaissance du bien ressemblions : « Yahvé sait que
du mal, tu n’en mangeras pas, le jour où vous en mangerez,
Le chapitre 1 présente le pro- car le jour où tu en mangeras, vous serez comme des dieux qui
jet ultime de Dieu : « Faisons de mort tu mourras » (Gn 2,17). connaissent le bien et le mal »
l’homme à notre image, comme Avant d’être un interdit, c’est (Gn 3,5). Ces propos contre-
notre ressemblance » (Gn 1,26). une autorisation, c’est un don disent directement le projet de
,
Que recouvre cette expression ? fait à l’homme « Tu peux manger Dieu tel qu’il est énoncé dès le
Le même auteur biblique reprend de tous les arbres du jardin », chapitre 1 : « Faisons l’homme
la plume en Gn 5, en rappelant mais il y a une restriction. à notre image comme notre res-
que « Lorsqu’Adam eut cent- Pourquoi une limite, un inter- semblance. » Adoptant le point
trente ans il enfanta un fils Seth, dit ? Comment le comprendre de vue du serpent, l’homme et
Se former
, Lire la Bible
la femme transgressent naturel-

lement l’interdit. Face à un des-
pote menteur la révolte s’impose.
La source du péché est donc dans

les intentions que nous prêtons à
Dieu, et dans les conceptions que
nous nous faisons de lui. Est-il
un tyran qui impose à l’homme
une volonté arbitraire, prêt à
© Sebastien Desarmaux / Godong

sauvegarder des privilèges par
le mensonge, ou son désir est-il
que nous lui ressemblions, que
nous devenions frères et sœurs
de Jésus, « vrai homme et vrai
Dieu » ?
La désobéissance d’Adam et Ève ▲ Le Christ rédempteur ou du Corcovado de Paul Landowski, 1931,

Rio de Janeiro au Brésil.
n’est donc pas l’origine du péché,
elle en est la conséquence ; l’ori-
gine est dans les représentations ne connaît pas ? Le piège est de du Royaume. C’est ce que nous
mensongères du divin auxquelles prendre pour argent comptant développerons dans un pro-
nous souscrivons. D’ailleurs, les représentations du divin qui chain article : Comment la vie du
6. Et l’on pourrait pour Israël, l’idolâtrie est le plus traînent dans l’humanité depuis Christ nous sort-elle du « péché
associer à ces grand des péchés, l’objet de tous que le monde est monde6. originel », comment ôte-t-elle le
conceptions du divin
les anathèmes. péché du monde ?
les pratiques
sacrificielles qui leur C’est précisément par rapport
sont corrélées. Ainsi selon ces trois chapitres, à elles que le Christ s’est situé Martin Pochon s.j.
la méconnaissance du visage avant toute annonce publique
de Dieu est la source de toutes
nos dérives. Inversement sa
connaissance et la reconnais-
Pour aller plus loin :
sance de ses dons ne sont-elles
pas la clé de notre filiation et – Est-ce qu’il m’arrive de poser des limites à d’autres pour leur bien,
de notre ressemblance ? Saint pour le bien de notre relation ?
Jean l’énonce clairement : « Mes – Comment est-ce que je vis les interdits qui limitent mes actions ?
bien-aimés, dès à présent nous – M’est-il arrivé de découvrir que mes limites étaient une chance ?
sommes enfants de Dieu, mais ce Comment m’ont-elles permis d’entrer dans des relations de
que nous serons n’a pas encore confiance, de respect, d’admiration ?
été manifesté. Nous savons que, – Qu’évoque pour moi la figure du père ? Est-ce que la figure de
lorsqu’il paraîtra, nous lui serons mon père m’aide à vivre ma relation à « Notre Père » ? Ou est-elle
semblables car nous le verrons un frein ?
tel qu’il est » (1 Jn 3, 2). De fait, – Est-ce qu’il m’arrive de goûter l’espérance et la tendresse que
comment serait-il possible de Dieu met en moi ?
ressembler à quelqu’un que l’on

Spiritualité ignatienne
le temps, c’est nous !

Gérer notre temps, c’est gérer notre liberté. Chacun a pu en faire l’expérience pen-
dant la « pause » de nos trois mois de confinement. À la lumière de l’Évangile et de
la prise de décision dans les Exercices spirituels, Jacques Fédry s.j. nous invite ici
à « prendre le temps en le recevant », par une attention à la grâce qui passe pour
cueillir le « présent » que Dieu nous fait à chaque instant1.
L
Les Exercices spirituels sont une c’est le temps de mon activité, faire ce qu’on aime. La gestion
démarche pour se disposer à une manière de parler de son dé- de notre temps, c’est la gestion
laisser Dieu agir en ploiement. C’est le de nos choix, de nos priorités,
nous, et nous ame-
ner à prendre une
décision de conver-
“ Vous dites que
fruit de notre liber-
té. Arrêtons donc de
dire : « Je n’ai pas
de notre liberté. Une évidence ?
Oui, mais souvent occultée !
Jacques Fédry, s.j.,
les temps sont Le temps directeur du Centre
sion qui en est eu le temps de te
mauvais ; mais avec Jésus Christ spirituel Vouela
le centre. Ignace rendre ce service », à Brazzaville.
soyez meilleurs
l’appelle l’élec- mais disons honnê- Regardons dans les évangiles com-
vous-mêmes, et
tion, c’est-à-dire tement : « Je n’ai ment Jésus passe ses journées : il
les temps seront
le c ho i x : c ho i x pas pris le temps de n’est jamais stressé en « courant
meilleurs. C’est vous 1. Cette réflexion a fait
d’un état de vie, faire ce que tu m’as après le temps » comme nous. Il l’objet d’une présentation
qui êtes le temps plus développée,
ou choix d’une ré- demandé », car j’ai sait d’où il vient et où il va, il sait
(Saint Augustin)
”
anthropologique et
forme de sa vie. Le bien trouvé ce jour- quelle est sa mission et quand spirituelle, dans la revue
paradoxe de cette là le temps de faire son « heure » arrivera : celle de Christus, n°267, juillet
décision vitale est celui qui est beaucoup d’autres choses aux- sa glorification par sa mort. Il vit 2020. Merci au directeur
de Christus de nous avoir
au cœur de notre liberté : elle quelles j’ai donné la préférence. paisiblement le « présent » des autorisés à reproduire de
n’est jamais autant intimement On trouve toujours le temps de événements parfois imprévus, larges extraits de l’article.
et personnellement nôtre que
lorsqu’elle elle est reçue de Dieu.
À l’image du Christ selon l’évan-
gile de Jean, qui ose affirmer le
« Je suis » divin tout en redi-
sant sans cesse tout recevoir de
son Père. Dans les Exercices, le
retraitant prend sa décision en la
recevant de Dieu. C’est ce même
paradoxe que nous pouvons vivre
dans la manière de gérer notre
,
temps, c’est-à-dire gérer notre
© Fcscafeine / iStock
liberté.
Le temps, c’est nous. Le « temps »

ne préexiste pas à mon activité,
Se former
, Spiritualité ignatienne
comme ce jour où il s’enfuit avec convertir. Il pleure sur Jérusalem la conversion, la grande opportu-
ses disciples pour chercher un qui n’a pas reconnu le moment nité (kairos) de notre existence
moment de calme, et où il trouve où elle était visitée. Il reproche terrestre. Quand il pleure sur
en débarquant une foule qui l’a aux foules qui savent bien dis- Jérusalem dont il décrit la catas-
deva nc é e t q u ’ i l cerner les signes trophe qui se produira effective-
2. La Traduction
oeucuménique de la
Bible (TOB) traduit :
ment (Mc 6, 31-34). “
i ns t r u i t lo ng u e -
Quand on l’informe Jésus invite à

d u t e m p s a t mo s -
phérique de ne pas
de pas reconnaître
ment une quarantaine d’années
plus tard sous le commandement
du général romain Titus en l’an
« le temps de ta visite ».
qu’Hérode cherche plusieurs reprises « le temps présent » 70, il est navré d’une occasion
3. Éditions Vie à le faire mourir, il à profiter de (cf. Lc 12, 54-56). manquée :
chrétienne, 2015. répond : « Allez dire l’occasion favorable Le texte grec dit :
à ce renard : “Voici, qui se présente pour kairon touton, ce « Si toi aussi tu avais su, en ce
je chasse les démons nous convertir
”
qu’on peut traduire jour, comment trouver la paix…
aujourd’hui et de- par « cette opportu- Mais hélas ! Cela a été caché à tes
main, et le troisième nité », « ce moment yeux ! (…) Tes ennemis ne laisse-
jour, c’est fini. Mais il me faut favorable », « cette bonne occa- ront pas en toi pierre sur pierre,
poursuivre ma route aujourd’hui sion », « ce temps de grâce », parce que tu n’as pas reconnu le
et demain, et le jour suivant, car « cette chance à ne pas laisser moment favorable (kairos) où tu
il n’est pas possible qu’un pro- passer ». Préparons-nous à ac- as été visitée » (Lc 19, 41-42.
phète périsse hors de Jérusalem” » cueillir la « grâce qui passe ». 44).2
(Lc 13, 32-33).
Savoir À la fin de son beau livre Or-
Ce que Jésus vit, c’est ce qu’il reconnaître donner son temps à la manière
enseigne. Il nous invite à le les moments d’Ignace 3, Denis Delobre écrit :
suivre dans son style et sa ma- de grâce dans « Laissez du temps à l’imprévu
nière, dans une confiance totale notre vie qui surgira en cours de jour-
au Père : « Ne vous inquiétez pas, L’interpellation principale de Jé- née. Ne remplissez votre agen-
en disant : “Qu’allons-nous man- sus, en particulier selon l’évan- da qu’à 60 % ». C’est dire avec
ger ? qu’allons-nous boire ? de géliste Luc, c’est l’aujourd’hui de humour : laisse à l’imprévu de
quoi allons-nous nous vêtir ?”
– tout cela les païens le cherchent
sans répit – il sait bien, votre
Père céleste, que vous avez besoin
de toutes ces choses. Cherchez
d’abord le Royaume et la justice
de Dieu, et tout cela vous sera
donné par surcroît. Ne vous in-
quiétez donc pas pour le lende-
main : le lendemain s’inquiétera
de lui-même. À chaque jour suffit
© SDI Productions / iStock
sa peine » (Mt 6, 31-34).
Jésus invite à plusieurs reprises

à profiter de l’occasion favo-
rable qui se présente pour nous

Dieu presque autant de place
qu’à tes prévisions ! Cette atti-
tude est bien résumée dans la
recommandation finale de son
livre : « Vivez au mieux le temps
qui vous est donné ». Cela ne
contredit nullement la nécessité
de la prévision dans nos vies.
Comme le disait le père Paul
Beauchamp s.j., le vrai destina-
taire de l’invitation de Jésus à ne
pas se soucier du lendemain (cf.
Mt 6, 25-34, cité partiellement
plus haut), ce n’est pas le pares-
seux, mais la « femme forte »
des Proverbes, qui « rit au jour à et les contradictions ? La réponse Seigneur, de ce que les choses se
venir » puisqu’elle a tout préparé unanime des disciples du Christ soient déroulées autrement que je
avec diligence dans sa maisonnée – « maîtres spirituels » ou simples l’avais prévu ! »
(Pr 31, 10-31). « fidèles » – reviendra toujours
en substance à ceci : « Tout est Puissions-nous vivre sous le re-
Dans la monotonie de nos vies grâce », tout est un « présent » de gard souriant de Celui qui nous
familiales ou communautaires Dieu. La philosophe juive Simone donne la vie et fait le « présent »
s u rg i s s e nt de s mo me nts de Weil, décédée à Londres en 1943, de tout ce qui nous arrive, y com-
grâce où nous commençons à invitait à voir dans tout événe- pris en donnant la force pour y
nous rencontrer en vérité, à être ment, heureux ou éprouvant, un réagir.
heureux ensemble. Sachons les « Je t’aime » que Dieu nous chu-
Jacques Fédry s.j.
repérer et les préserver. D’où chote. « Je bois un verre d’eau,
cette autre recommandation de l’eau est le « Je t’aime de Dieu ».
Delobre : « Prenez du temps avec Je reste deux jours dans le désert
Mes temps sont dans ta main,
les autres. Goûtez les temps de sans rien à boire. Le dessèchement
Seigneur (Ps 30, 14)
pause. » Une expérience qu’il de la langue est le « Je t’aime »
nous a peut-être été donné de de Dieu. »
faire pendant le temps du confi- Mon passé, puisque
nement ? Cette sérénité repose sur une tu l’as pardonné,
conviction intime et indéraci-
La patience nable : celle d’être aimé de Dieu,
Mon avenir,
devant les aussi bien en temps de détresse puisque tu me garderas encore,
« contretemps » qu’en celui du bonheur. Elle peut Mon présent,
Vivre, c’est faire des projets. Mais être renforcée en expérimentant puisque c’est maintenant
les choses se déroulent rarement que les plans de Dieu se révèlent Que je le reçois de toi
comme nous l’avions voulu ou finalement meilleurs que les Et que je me remets en tes mains,
prévu. D’où l’agacement, l’éner- nôtres. « God had a better plan »,
Avant de le faire
vement, le stress. Comment ac- inscription vue à l’arrière d’un
cueillir sereinement ces divers taxi de Douala, ou cette prière dans mon dernier soupir.
« contretemps », les contrariétés d’un jésuite italien : « Merci,
Se former
Question de communauté
conversion écologique :
un parcours en communauté
Le défi devient urgent. Face à la menace d’un effondrement de la planète, cinq
ans après Laudato si’, changeons nos regards, nos cœurs et nos habitudes. Com-
ment nous éduquer les uns les autres à cette conversion écologique ?
A
Au départ, au cours d’une journée pose sur trois relations fondamen- dialogue, en rencontrant l’un ou
régionale nous avions un simple tales intimement liées : la relation l’autre de ces témoins.
projet de sensibilisation aux en- avec Dieu, avec le prochain et avec
jeux écologiques. Notre équipe la terre… Ces trois relations vi- Changer nos
régionale était convaincue de tales ont été rompues… c’est le habitudes, opter
Pour aller l’importance de ces questions. La péché (…) Dieu invite l’homme à pour la sobriété
plus loin : crise sanitaire nous a fait renon- « cultiver et garder » le jardin du Il est vrai que notre système éco-
Éric Charmetant cer à un rassemblement, mais a monde (Gn 2,15) (…) ce qui im- nomique et notre modèle de socié-
s.j. et Jérôme renforcé notre désir d’entraîner plique une relation de réciprocité té sont remis en cause ! C’est col-
Gué s.j., nos compagnons dans ce parcours responsable entre l’être humain et lectivement que nous relèverons
Parcours éthique et spirituel. la nature » (LS 66-67) et non une ces défis. Mais chacun de nous
spirituel pour Pour l’été, nous avons proposé de attitude dominante d’exploitation est interpellé dans ses choix quo-
une conversion relire Laudato si’ (LS), encyclique des ressources. tidiens : alimentation, gestion
écologique. lucide, prophétique et pleine d’es- Concrètement, chacun de nous est des déchets, chauffage, transport,
L’appel de pérance ! Les vacances sont un invité à calculer son bilan-carbone voyage… Une rencontre en CL sur
Laudato si’, temps privilégié de contempla- et son empreinte écologique. Le ces questions permettra un encou-
Éditions Vie tion et d’émerveillement devant constat est alarmant… ragement fraternel.
chrétienne, la nature. Le témoignage de Fran- Notre équipe régionale a fait ap- D’autre part, chaque CL sera incitée
2020. çois d’Assise nous ouvre égale- pel à des compagnons impliqués à mener, en cours d’année, un « ex-
ment à une écologie intégrale : dans la conversion écologique, périment » touchant à la conver-
« Si nous nous sentons intime- pour constituer un groupe de sion écologique. Ce projet peut se
ment unis à tout ce qui existe, la travail et accompagner ce déployer sur plusieurs mois, voire
sobriété et le souci de protection projet. Nous avons aussi invité une année ou davantage.
jailliront spontanément » (LS 11). Arnaud du Crest 1 à donner une Enfin, nous rendrons grâce pour
Après l’été, une première ren- visio-conférence, suivie d’une ce chemin parcouru lors d’une
contre en communauté locale (CL) table-ronde, qui seront diffusées eucharistie à Penboc’h, diffusée
a permis de partager nos relectures sur Internet pour tous les com- sur Internet, où seront célébrés
1. Voir son article dans
la Revue Vie chrétienne sur notre rapport à la Création. pagnons de la région… Plus tard, plusieurs engagements en CVX
n°66, juillet/août 2020, seront proposés des ateliers, en (Communauté de Vie Chrétienne).
pp. 5-6. Prendre visio-conférence également, à « Dans le pain eucharistique, la
conscience de partir de différents témoignages. création est tendue vers l’unifica-
notre responsa- Nous avons aussi conseillé, de tion avec le Créateur » (LS 236) :
bilité personnelle regarder le documentaire diffusé lumière et espérance !
et collective par Le Jour du Seigneur : Chré- Edmée, Équipe service
« Les récits de la Création sug- tiens chlorophylles. de Communauté régionale (ESCR)
gèrent que l’existence humaine re- Les CL pourront continuer le de Bretagne occidentale

Ensemble
faire Communauté
Une parole à méditer
« Même si le Seigneur nous parle de manières variées, dans notre travail,
à travers les autres et à tout moment, il n’est pas possible de se passer
du silence de la prière attentive pour mieux percevoir ce langage, pour
interpréter la signification réelle des inspirations que nous croyons recevoir,
pour apaiser les angoisses et recomposer l’ensemble de l’existence
personnelle à la lumière de Dieu. »
Pape François, Gaudete et exsultate §171 (extrait)
Ensemble
faire Communauté
En France
vous avez dit « cvx lab » ?

Ça bouge à la Communauté de Vie Chrétienne (CVX) ! En février dernier une tren-
taine de jeunes membres (25/35ans) se sont réunis pour créer le premier CVX LAB.
Retour sur la genèse de cet événement, son déroulement et leurs projets.
L
Le CVX LAB qu'est-ce que c’est ? Des expériences : nous avons Et si… j’étais invité(e) à un
expérimenté de nouvelles ma- temps de rencontre et de par-
Une intuition : « Ce qui est bon nières de faire. Ensemble, nous tage (journée régionale…) avec
pour les plus jeunes membres de avons pris le temps de jouer sous des membres plus anciens de la
la communauté de Vie Chrétienne le regard amusé du Seigneur : un CVX : qu’est-ce que j’aimerais y
est bon pour la communauté tout vrai plaisir de redécouvrir la spi- vivre ?
entière. » ritualité ignatienne à travers un
« escape game » qui nous a inter- Et si… on faisait des proposi-
Un désir : L’équipe service Jeunes pellés et a fait appel aux talents tions pour permettre à toute per-
(ESJ) de la Communauté souhai- de chacun ! sonne d’expérimenter nos trésors
tait proposer aux plus jeunes un ignatiens pour aller à la suite du
temps festif pour se retrouver, Le CVX LAB, ce fut aussi un temps Christ ?
pour prier, pour partager, pour de travail et de réflexion. Quatre
créer, pour expérimenter… startups se sont créées le temps Une impulsion donnée par le res-
du week-end pour réfléchir aux ponsable mondial : nous avons
Puis il y a eu questions suivantes : entendu ce que nous a dit Denis
une rencontre Dobbelstein (le président mon-
En février dernier, ce projet Et si… il y avait un réseau dial de la CVX) lors d’un échange
s’est concrétisé : une trentaine actif animé par les 25/35 ans en très riche : « Je souhaite que
de jeunes de la CVX de toute la France ? les jeunes puissent dire qu’ils se
France se sont retrouvés, le temps sentent chez eux en CVX. »
d’un week-end, à la Maison Magis Et si… il existait un site Inter-
à Paris. net CVX Jeunes ? Et des convictions : nous avons
pris le temps de nous écouter, de
nous interroger mutuellement et
chacun a pu exprimer une convic-
tion qui l’habitait après avoir vécu
ce premier CVX LAB. La relecture
de ce week-end était claire :
« c’était top », ou – comme dirait
« l‘Autre » – « cela était bon, très
bon »… Et cela a produit un élan,
pour nous-mêmes et pour les par-
ticipants. Bref, une envie de ne
© CVX LAB
pas s’arrêter là !

Et c’est là que – ce qui n’était
au départ qu’un événement
ponctuel – est devenu… le nom
d’une équipe. En septembre der-
nier, une équipe de quinze jeunes
s’est constituée, accompagnée par
les membres de l’ESJ.
Et maintenant,
le CVX LAB c’est…
Un compagnonnage : cette
équipe travaille en lien avec
l’Équipe service de la Communau-
© CVX LAB
té nationale (ESCN). Nous avons
pris le temps de nous rencontrer,
d’écouter les désirs de chacun, de
discerner les chantiers prioritaires Et pourquoi pas contribuer à la Bref, en bons ignatiens, nous
et les lieux de mission (Il fallait communication, au site Internet, sommes animés par un « grand
bien discerner après la relecture en lien avec l’ESCN, pour donner désir » et les idées ne manquent
et puis c’est quand même l’équipe l’envie à d’autres jeunes de nous pas… Alors, si cette dynamique
nationale !). rejoindre et pouvoir partager avec vous intéresse, contactez-nous !
eux les trésors de la spiritualité
Une manière de faire : un style ignatienne ? Pascale Bourgarel,
qui nous caractérise, qui allie Virginie Duval, Gwenn Le Gall,
joie, convivialité, humour, créa- Un lieu « ressource » : une Geneviève et Luc Maelstaf,
tivité et profondeur en mettant équipe qui pourrait – en fonction équipe service Jeunes (ESJ) :
toujours la Parole du Christ au de ses moyens – répondre à des [email protected]
centre. demandes locales pour s’appro- accompagnateurs
prier les différents outils créés, de l’équipe CVX LAB
Une force de proposition : le par exemple pour aider à animer
désir de travailler sur des pro- un rassemblement régional.
jets concrets, déployer ce que
nous avons expérimenté entre
nous, créer des outils autour du
Témoignages après le premier CVX LAB
jeu, de la créativité, du corps, de « Je suis convaincue que la JOIE doit être au cœur de notre commu-
l’humour, et les mettre à dispo- nauté. »
sition de tous les membres de la « Pour que la CVX se renouvelle et se redynamise, il faut que des jeunes
Communauté. puissent s’engager dans des instances (régionales, nationales) aux côtés
des plus expérimentés pour proposer des activités plus attractives pour
les jeunes tout en gardant la richesse de l’intergénérationnel. »
N o us s o u h a i to ns o rg a n i s e r
chaque année un événement « Il faut faire un effort de communication pour donner envie de
découvrir les moyens ignatiens dans des lieux d’Église (paroisse…)
à destination de tous les plus
ou au-delà car ils méritent d’être plus connus. Il faut que la CVX fasse
jeunes membres de la CVX pour des propositions claires et attractives pour ouvrir la Communauté au
créer du lien, faire réseau et ex- monde. Cela permettrait d’être davantage disciple, missionnaire. »
périmenter tous ces moyens.
Ensemble
faire Communauté
En France
quand ma maison devient

un lieu de retraite
Lors du confinement, le centre Saint-Hugues de Biviers lance l’idée d’une retraite
en ligne. Le succès est au rendez-vous avec soixante retraitants. Entretien avec Alain
Combescure, animateur de retraites.
D
Dans le cadre de Saint-Hugues, ou Skype, la participation à un de pépites reçues dans son envi-
fin avril, avec vingt-quatre ac- temps ecclésial, messe ou office à ronnement quotidien ! Comme ac-
compagnateurs vous avez ani- distance, et la rencontre virtuelle compagnateur je suis émerveillé.
mé deux retraites à la maison. en petits groupes pour un exposé Je rends grâce pour la croissance
Comment se passent-elles ? et une prière commune. En un des personnes, pour leur joie de
Cinq jours, du lundi matin au ven- mot, une retraite à plein temps. (re)découvrir le Seigneur et aime
dredi soir, la retraite se calque La mise en place de ce nouvel à contempler ces beaux fruits.
sur la semaine professionnelle. emploi du temps exige de réser- Avec les nouvelles conditions ma-
Au programme, comme au centre, ver chez soi un lieu de silence et térielles je me découvre toujours
trois moments de prière person- de se délester de certaines obli- plus humble instrument de Dieu.
nelle, un entretien individuel avec gations quotidiennes. C’est loin
l’accompagnateur par téléphone d’être évident… Comment voyez-vous l’avenir de
ces retraites ?
Quels fruits en ont En dépit de l’absence physique,
jailli ? accompagnateurs et retraitants
L a p a n d é m i e, s o n ont vécu une retraite pleine et en-
cortège de peurs et tière. Son coût modique convient
le temps si particu- à des participants disposant d’un
lier du confinement, faible budget. Accessible aux ma-
les retraitants en ont lades ou à des personnes isolées,
beaucoup parlé car elle rejoint un autre public. Cet
ils en éprouvaient le été, le centre jésuite de Manrèse
besoin. Mais ce vécu a résolument offert la possibilité
nous oblige à nous de choisir la durée de sa retraite
recentrer sur l’essen- avec un « accompagnement en
tiel, une chance est ligne ». Gageons un avenir pro-
à saisir. S’ouvre alors metteur pour ces retraites dif-
un authentique che- férentes. Avec audace, propo-
min spirituel. De la sons-les et osons y reconnaître
Parole méditée et goû- « le fruit de l’Esprit : amour, joie,

tée jaillit la grâce de patience, bonté, foi, douceur, maî-
la rencontre intime, trise de soi » (Ga 5, 22).
profonde et vivifiante
avec le Seigneur. Que Marie-Claude Bouley

prendre soin de la vie
familiale
Des sessions pour les familles sont organisées au centre spirituel de Penboc’h
(Morbihan), avec pour fil rouge de l’été 2020 Laudato si’, en cultivant les relations
aux autres et au monde. Témoignage.
D
Deux sessions « familles » succes- périments » 1 à vivre en famille Il en a émergé un grand désir de
sives ont réuni à Penboc’h cet été comme la création d’un bâton cultiver en famille ignatienne
environ cent vingt personnes de de la parole ou d’une maison à ce soin de la vie familiale, et
tout âge dont la moitié d’enfants. construire ensemble avec des ma- de partager au-delà nos trésors.
Ce fut un temps de grâce pour tériaux de récupération. Des expérimentations ici ou là
beaucoup, après la période très pourraient naître cette année,
intense et souvent éprouvante du La seconde session, co-animée comme la proposition d’un temps
« déconfinement ». Nous y avons avec des jésuites et coordonnée « d’accompagnement familial »,
vécu des moments de ressource- par Benoît de Maintenant s.j., parents/enfants avec la présence
ment et de convivialité, en laissant était centrée sur le soin de la vie d’un facilitateur, ou de se re-
une large part à la gratuité, au familiale, et s’est construite au trouver à deux ou trois familles
temps lent, à la contemplation et à fur et à mesure de la semaine pour des périodes de vacances
la rencontre. Créer du lien, chacun avec les apports de chacun. La mêlant des activités pour tous,
portant dans son cœur et dans sa belle diversité des participants introduites comme un exercice
vie le soin large de la vie familiale, a été riche de propositions, al- spirituel (par exemple autour des
cultiver notre relation aux autres lant du théâtre d’improvisation cinq sens), des temps conviviaux
et au monde : le fil rouge de l’été à un atelier d’écriture partagée ! et de relecture.
2020 à Penboc’h, Laudato si’, a été Chacune était organisée avec des
bien honoré ! Nous avons aussi temps séparés parents/enfants le Pierre Guy
été portés par la beauté du lieu, matin, et les après-midis libres
qui vient d’être refait à neuf, et pour être en famille ou avec
respecté les consignes sanitaires d’autres au gré des rencontres.
(en vivant beaucoup à l’extérieur),
© Michel Jamoneau
malgré un peu de frustration au

moment des repas, chaque famille
mangeant à une table séparée.
La première session, animée par

des membres de la Communauté
de Vie Chrétienne (CVX) en par-
tenariat avec Familles & Co, était
tournée vers l’écologie intégrale, 1. Une expérience
avec une approche ancrée dans concrète fondatrice.
nos vies et la proposition d’« ex-
Ensemble
faire Communauté
Dans le monde
être « témoins d’espérance

et ouvriers de la charité »
Romolo Guasco, président de la Communauté de Vie Chrétienne (CVX) Italie, revient
sur les premiers mois de l’épidémie de la Covid et relève les signes d’espérance en
s’enracinant dans la confiance en Dieu.
P
Pendant la quarantaine, j’ai été communautés. Le 1 er mai nous plus pauvre et bien plus effrayé.
frappé par un entretien donné par avons organisé le premier Conseil Mais il faut être là, témoins d’es-
Mgr Olivero, évêque italien. À la national sur Internet, pour témoi- pérance et ouvriers de la charité.
question sur ce qu’il a ressenti gner d’une communauté qui vit
quand, gravement atteint par le « comme des frères ». Au temps C’est le moment de vivre ensemble,
virus, il a été hospitalisé, il a ré- de la pandémie, la foi en Dieu et à commencer par les communau-
pondu : « C’était comme si tout l’amour du prochain avaient be- tés CVX d’Europe, autour de trois
s’effondrait. Savez-vous ce qui soin de racines encore plus fortes. thèmes : comment vivre concrè-
restait ? La confiance en Dieu et tement les appels du Pape à l‘éco-
les relations. » La quarantaine a été aussi une logie et à la justice, en s’appuy-
période fertile ; beaucoup ont ant sur Laudato si'. Car comme
Ces mots, je les ai partagés avec découvert la force du réseau lors nous y invite le pape : « Puissent
la communauté. L’Italie, premier de rencontres sur Internet, comme les communautés chrétiennes du
pays européen à lutter contre la à l’occasion des messes retrans- XXIe siècle retrouver cette réalité –
pandémie, s’était arrêtée, terrifiée. mises chaque dimanche par les la sauvegarde de la Création et la
Avec le Comité exécutif national, jésuites de Saint-Ignace à Rome, justice sociale : elles vont de pair –
nous avons écrit aux communautés, notre siège national. en témoignant ainsi de la Résur-
en proclamant cette confiance en rection du Seigneur » (Audien-
Dieu avec le psaume : « Non, il Nous avons mis en place une col- ce générale du 26 août 2020) ?
ne dort pas, ne sommeille pas, le lecte de fonds pour les œuvres mis- Comment construire une Europe
gardien d’Israël » (Ps 121, 4). Puis sionnaires en Roumanie, à Cuba, au nouvelle qui aille au-delà de l’éco-
nous avons réaffirmé la force des Kenya et au Pérou et pour un fonds nomie – même si l’Union euro-
relations construites dans nos national de solidarité destiné à péenne a répondu courageusement
aider les victimes de la à la crise avec le plan de relance
crise économique. et sur la question des frontières,
en construisant des liens civils et
Et maintenant ? Je éthiques ? Comment assumer une
ne pense pas que le plus grande responsabilité en tant
monde sera meilleur que laïcs dans l’Église ?
dans les mois et an-
Romolo Guasco,
nées à venir, comme
président de la CVX Italie
beaucoup essaient de
le dire. Au contraire,
© CVX Italie
le monde sera peut- Traduit de l’italien par Anna Aluffi

être plus en colère, Pentini.

à lire - à faire - à voir - à vivre - à suivre
À LIRE
À VOIR Discernement et engagement politique
Par-delà l’enfer de Lesbos Pierre de Charentenay, s.j., Éditions Vie
« We don’t want a new hell ! » : chrétienne, septembre 2020 - 12 €
© D.R.
nous ne voulons pas d’un nouvel Les dérives que l’on constate dans l’exercice
enfer ! C’est par ces mots que du pouvoir abîment l’image de la politique et
manifestaient en septembre les éloignent les citoyens d’un engagement au service
réfugiés chassés du camp de de la personne et du bien commun. Pourtant l’Église oser inviter
Moria sur l’île de Lesbos en Grèce les croyants à entrer en politique. Le chrétien qui s’interroge
par l’incendie qui l’a réduit en sur un tel engagement peut s’appuyer sur cet ouvrage solide et
cendres. Or c’est bien en enfer que 20 000 demandeurs très actuel pour effectuer le discernement nécessaire, conscient
d’asile se sont retrouvés confinés durant de longs mois. des pièges possibles et des critères de choix. Il sera aidé par les
Le documentaire Par-delà l’enfer, plonge avec Maurice exercices proposés.
Joyeux s.j., membre du Service jésuite des réfugiés, (JRS
international), dans une sorte de descente aux enfers, où il
a rejoint les milliers de réfugiés que l’Europe a totalement
abandonnés dans sa mobilisation contre la Covid. Arrivé les À LIRE
mains vides, ce jésuite tente de repérer, de réveiller et de La louange n’a pas de prix
soutenir, les forces de résurrection parmi les réfugiés eux-
mêmes dont il se fait compagnon. En s’appuyant sur leur Michel Farin, s.j., Éditions Vie chrétienne,
énergie et leur dignité, il les invite à prendre leur grabat et septembre 2020 - 11,50 €
à se tenir debout et solidaires. Au-delà de ce récit, Maurice Aujourd’hui, le marché fait la loi. Tout se
Joyeux invite à une urgente conversion « fraternitaire » de vend, jusqu’à l’homme à l’heure des « progrès »
l’Europe, pour qu’elle applique le droit d’asile, et se montre biologiques. Que reste-t-il de la gratuité ? Que
fidèle à ses sources et à ses valeurs. devient la réalité du frère au sein d’un monde désincarné ?
Par-delà l’enfer, documentaire de 52 mn, réalisé par Mortaza La Bible oppose l’esprit de louange, qui n’a pas de prix, aux
Behboudi et Laurence Monroe, sera diffusé sur KTO TV fin dérives totalitaires marchandes qui empêchent l’humanité de
novembre (www.ktotv.com). se reconnaître aimée de Dieu, gratuitement. Une démonstration
fine et actuelle.
À LIRE
Matière à prier. Dimanches et fêtes À LIRE
de l'année B Fratelli tutti, lettre encyclique sur la
Jean-Claude Sailly, Éditions Vie chrétienne, fraternité
octobre 2020, 14,50 € et l’amitié sociale
Pour préparer ou prolonger l’écoute de la Pape François, différents éditeurs, octobre 2020
Parole des dimanches ou fêtes, l’auteur La fraternité et l’amitié sociale sont les voies
propose, selon la façon de procéder d’Ignace de Loyola, des indiquées par le Pape pour construire un monde
pistes à suivre à son propre rythme pour prier les textes, meilleur, plus juste et plus pacifique, avec l’engagement de tous,
relire sa vie et l’offrir à Dieu. Un accompagnement précieux peuples et institutions. Il rappelle avec force l’opposition à la
tout au long de l’année liturgique B qui s’ouvre. guerre et à la mondialisation de l’indifférence.
À FAIRE
Appel à projets innovants au
service du bien commun
La Fondation Amar y Servir mobilise une
enveloppe de 50 000 euros, sous la forme d’un concours, pour soutenir des projets innovants à la recherche de
nouveaux modèles pour notre monde. Les projets (actions, études, expérimentations d’intérêt général) devront
être menés en France, portés par une association, apporter des solutions aux problématiques d’écologie
intégrale et pouvoir être dupliqués sur d’autres territoires.
https://fondation-amaryservir.org/
une accompagnatrice
© Ferik / iStock
spirituelle vous écrit

«  Je suis née dans une famille peu pratiquante, j’ai découvert le Christ grâce à l’aumônerie
étudiante, où j’ai rencontré Paul, avec qui j’ai été très heureuse jusqu’à sa maladie et sa mort, il y a
cinq ans. Je vis aujourd’hui avec mon fils Jules, six ans. Depuis deux ans, je vois régulièrement Guy,
un célibataire de trente-cinq ans, qui m’aide à vivre ma solitude. J’ai accepté de le recevoir chez
moi…
Je m’interroge sur la validité de la promesse faite à Paul de ne pas me remarier. Guy s’attache à
Jules qui aime bien « l’ami de Maman ». Cependant Guy ne veut ni s’engager avec moi, ni vivre
loin de Paris, alors que j’ai le désir de déménager à Valence où habitent ma mère et mes amies.
J’ai besoin d’aide pour voir où Dieu veut me conduire. »
Virginie, 29 ans
Chère Virginie,
« Où Dieu veut-il me conduire ? » : voilà, Virginie, - Qu’en est-il précisément de votre relation à Guy :
la question que l’Esprit met aujourd’hui dans votre peut-elle avoir un avenir au-delà du rôle rassurant
cœur ! qu’il a pour vous ?
N’avez-vous pas déjà entendu la réponse ? : « Je suis - Vivre à Valence : quels avantages cela aurait-il ? Et
venu pour qu’ils aient la vie et la vie en abondance » quels inconvénients ?
(Jn 10,10). Oui, Dieu veut pour vous la VIE. - En quoi vous remarier constituerait-il une infidé-
Rappelez-vous ces dernières années : la rencontre lité à Paul ? Et aussi, comment l’amour scellé avec
de Paul, votre union dans le mariage et la naissance Paul vous convie-t-il, aujourd’hui, à inventer votre
de Jules. Le bonheur trop tôt interrompu par la chemin ?
maladie de Paul. Alors s’ensuit une traversée dou- Notez au fur et à mesure ce qui vous procure paix,
loureuse qui vous conduit, avant que Paul ne meure, joie, ce qui va dans le sens de la vie et ce qui y
à lui promettre de ne pas vous remarier. Dieu était fait écran. Cela éclairera le moment venu le choix
là, avec vous jusque dans l’épreuve pour que vous que vous aurez à faire. Et, dans la prière, remettez
teniez debout. entre les mains du Seigneur la question que vous
Et vous rencontrez Guy, il vous aide à vivre votre portez.
solitude. A priori, la perspective d’un projet de vie L’avenir qu’il vous revient de bâtir n’effacera pas,
commune semble écartée : Guy désire vivre à Paris et quel qu’il soit, le chemin parcouru avec Paul, ni
vous à Valence, terreau affectif sécurisant. votre amour l’un pour l’autre. Jules en est et en
Mais, au-delà de ce besoin légitime, quel désir pro- demeurera le plus beau fruit. Ouvrez-vous à l’inat-
fond vous habite, Virginie ? Qu’est-ce qui vous rend tendu de Dieu, en vous autorisant à être heureuse.
heureuse et est de nature à rendre Jules heureux ?
Le trouble suscité par la promesse faite à Paul ne révé- Sachez, en tout cas, que l’Église peut vous délier
lerait-il pas ce qui vous empêche d’accueillir la VIE ? Il de la promesse faite à Paul (cf. 1 Co 7,39) sans que
Si le cas proposé y a là matière à un vrai discernement spirituel. vous lui soyez infidèle, lui qui n’a désiré que votre
peut s'inspirer d’une Un accompagnement spirituel à cette fin, personnel bonheur. C’est aussi le désir de Dieu pour vous, Lui
situation réelle, il est
ou lors d’une retraite, vous aiderait à nommer votre qui est l’Amour.
retranscrit de manière à
préserver strictement la désir pour inventer votre réponse à l’appel de Dieu.
confidentialité (prénom Quelques questions peuvent déjà vous aider, vous Michèle Vallée, centre spirituel Manrèse
et contexte modifiés). faire sentir ce qui « bouge » en vous : et centre spirituel de Penboc’h

Billet
l'appel des cloches

Chaque samedi en sortant
de la danse, Zoé entendait
les cloches. Avec sa ma-
man elles passaient de-
vant l’église du quartier,
en revenant de « gym &
music » pour les 3-4 ans.
L’église, on n’y entrait
© StephaneDebove / iStock
jamais, car la famille
n’était pas croyante. Et
d’ailleurs Zoé n’était « pas
du tout » baptisée. Mais
ces cloches l’appelaient :
leur ding-dong joyeux lui
parlait de fête, une fête mystérieuse qui l’attirait. Alors un jour, résolument, la petite fille
tira sa maman par la main, pour monter les marches et entrer derrière les retardataires de
la messe du samedi soir. Dans la pénombre, après les cloches, ce fut l’orgue qui lui parla
de sa voix puissante et grave. Il jouait tout doux, pendant que loin là-bas dans la lumière,
le prêtre en robe blanche et dorée mettait de la fumée partout.
Pas intimidée pour un sou, Zoé voulait voir ça de plus près, et elle alla s’asseoir au premier
rang, les yeux écarquillés. Sa maman l’avait suivie, toute intimidée, en baissant la tête.
Ce fut leur première messe, car elles restèrent jusqu’au bout. Il y en eu d’autres, d’autres
messes du samedi soir, quand la maman se laissait faire par sa fille, qui avait trouvé ça
merveilleux. Et puis il faut dire que les paroissiens habituels, étonnés de voir cette jeune
maman et sa fille, ne les ont pas laissées repartir sans les saluer, et papoter un peu de
l’école, de la danse, du quartier…
L’autre jour, le curé de la paroisse croise justement Zoé sur le trottoir (il avait retenu son
prénom) avec sa maman et son papa : « Bonjour Zoé ! » La petite reconnaît le visage, et
touchée qu’il l’appelle par son nom, elle lui fait la bise. Le papa et la maman, intimidés
mais polis, acceptent d’engager la conversation. Et les voilà tous trois invités à la messe
de Noël, la veillée du 24 décembre à 19h, veillée des enfants et des familles. Justement,
la grand-mère de Zoé sera là, et c’est rare qu’elle vienne depuis l’Alsace. Elle est baptisée,
elle, et sera sûrement heureuse d’aller à la messe de Noël avec sa petite-fille.
Ce n’est pas un conte de Noël, c’est une histoire vraie que m’a confiée avec émotion le
curé de la paroisse. Ni lui ni moi ne connaissons la suite qui n’appartient qu’à Dieu. Mais
je prie pour Zoé et sa famille, et je me réjouis avec Jésus que « Ce que Tu as caché aux
sages et aux savants, Tu l’as révélé aux tout-petits. »
Denis Corpet
Prier dans l’instant
deux mains pour saluer :

au détour d’un chant
1. Deux mains pour saluer, deux mains pour travailler,
Deux mains pour bien compter, deux mains pour faire la paix.
Refrain : La paix est dans nos mains, aujourd’hui et demain
C’est ici au Tchad, en observant les enfants, que ces mots
sont sortis de terre, assortis d’une musique qui les fasse
résonner. Ils sont sortis de terre ou plutôt sortis de cette

partie de moi qui ne m’appartient pas. Une fois sorti de
terre, le chant a pour mission de se promener dans la vie
des enfants. Je suis donc partie les trouver, dans les écoles,
ou dans le quartier. Ces mots sont assortis de gestes qui
aident non seulement à la mémorisation, l’attention, mais
à la compréhension pour ceux, nombreux, qui ne maîtrisent
pas encore la langue.
2. Deux mains pour s’amuser, deux mains pour consoler,
Deux mains pour bagarrer, deux mains pour faire la paix.
Ref : La paix est dans nos mains, aujourd’hui et demain
3. Deux mains pour bien rythmer, deux mains pour mieux prier
Deux mains pour alerter, deux mains pour faire la paix.
Ref : La paix est dans nos mains, aujourd’hui et demain
Parmi la vingtaine de chants que nous avons composés, un ami tchadien et moi, pour les
enfants, celui-là est le premier au hit-parade. Sans doute sa facilité de compréhension,
l’extrême simplicité de la mélodie, proche de la comptine, y sont pour beaucoup, mais il y a
autre chose que je vais essayer de traduire sous forme de prière.
Mon Dieu, c’est toi qui as formé mes mains. Je ne le savais pas, mais à présent, quand je les
vois, je suis émerveillée de ce cadeau incroyable que tu m’as donné.
Ces mains sont-elles moi ? Oui et non, car même sans elles, je serai moi. Et puis, elles ont leur
vie propre quand elles parlent d’elles-mêmes pour accompagner la parole, sans compter les
multiples tâches de la vie quotidienne, qu’elles accomplissent toutes seules sans qu’on le leur
demande. Mais elles sont aussi moi, ces mains qui consolent, qui réparent, qui écrivent, qui
jouent, qui construisent. Merci pour ces mains, mains qui bâtissent un monde de vie.
Deux mains pour faire la paix, oui, car mes mains ne se disputent jamais. Comme le dit
saint Paul, notre corps forme un tout. Elles sont donc nos guides pour apprendre à vivre
ensemble avec les autres. Oui, la paix est dans nos mains, aujourd’hui et demain.
C’est Toi mon Dieu qui nous la confies, cette paix, et c’est encore Toi qui nous la donnes.
Sois béni, aujourd’hui et demain.
Marie Hélène Dupré la Tour
revue Vie Chrétienne – novembre/décembre 2020

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2 revue Vie Chrétienne - N° 68

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4 revue Vie Chrétienne - N° 68

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6 revue Vie Chrétienne - N° 68

voir vers où cela le mène.

8 revue Vie Chrétienne - N° 68

nous vivions et soyons en bonne

Atteint d’une maladie grave de-

propre adolescence que nous trou-

10 revue Vie Chrétienne - N° 68

Voici le temps de la réalisation.

sage. Je sens monter en moi de

périences ressemblent à des

▲ Le Christ chassant les marchands du temple, Le Greco, vers 1571,

12 revue Vie Chrétienne - N° 68

« seigneur : tu m’as relevé »

2 J e t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé,

14 revue Vie Chrétienne - N° 68

Dominique Salin s.j.,

Ignace n’a pas inventé ce qui

16 revue Vie Chrétienne - N° 68

© Fred de Noyelle / Godong

pour aller plus loin

18 revue Vie Chrétienne - N° 68

Nuit, lumière, ciel, envol, oiseaux, colombes…

rait être d’oser nommer de notre liberté profonde, c’est ce

20 revue Vie Chrétienne - N° 68

Boucheron, cela fait venir des étu-

22 revue Vie Chrétienne - N° 68

« Le but est de dépasser les bar-

Un maillon fort de ce travail de

thème proposé à l’avance, chacun

Une théologienne relit cette expérience

et une présentation du péché ori-

24 revue Vie Chrétienne - N° 68

la femme transgressent naturel-

La source du péché est donc dans

© Sebastien Desarmaux / Godong

La désobéissance d’Adam et Ève ▲ Le Christ rédempteur ou du Corcovado de Paul Landowski, 1931,

26 revue Vie Chrétienne - N° 68

le temps, c’est nous !

Le temps, c’est nous. Le « temps »

Quand on l’informe Jésus invite à

sa peine » (Mt 6, 31-34).

Jésus invite à plusieurs reprises

28 revue Vie Chrétienne - N° 68

30 revue Vie Chrétienne - N° 68

Une parole à méditer

vous avez dit « cvx lab » ?

32 revue Vie Chrétienne - N° 68

quand ma maison devient

Parole méditée et goû- « le fruit de l’Esprit : amour, joie,

34 revue Vie Chrétienne - N° 68

malgré un peu de frustration au

La première session, animée par

2 J e t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé,