Le cycle de la condamnation de la guerre

Souleymane Bruillot , Youssef Ouerghi , Yanis Boualam , Yanis Thibert

1.Le Dormeur du val
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons ● sonnet engagé qui a pour but de dénoncer
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière, la guerre franco-prussienne
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
● thèmes abordés : la guerre et la violence
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, ● résumé : Rimbaud écrit un poème en
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
diptyque qui décrit d’abord un paysage
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. puis il va décrire un personnage

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
2. « Morts de Quatre-vingt-douze… »
Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize,
Qui, pâles du baiser fort de la liberté,
● sonnet engagé qui dénonce une
Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse nouvelle fois la guerre
Sur l’âme et sur le front de toute humanité ;
franco-prussienne
Hommes extasiés et grands dans la tourmente, ● thèmes abordés : la mort des
Vous dont les coeurs sautaient d’amour sous les haillons,
Ô Soldats que la Mort a semés, noble Amante,
Révolutionnaires durant la guerre
Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons ; et l’indignation de Rimbaud
envers les Rois et empereurs
Vous dont le sang lavait toute grandeur salie,
Morts de Valmy, Morts de Fleurus, Morts d’Italie, ● résumé : Rimbaud répond à
Ô million de Christs aux yeux sombres et doux ; Cassagnac (qu’il cite à la chute du
poème)
Nous vous laissions dormir avec la République,
Nous, courbés sous les rois comme sous une trique.
– Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous !
3. Le Mal
Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;
Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille, ● sonnet engagé à la suite de Mort de
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Quatre-vingt-douze
● thèmes abordés : violence de la
Tandis qu’une folie épouvantable broie
Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ; guerre et la dénonciation de
– Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !…
l’indifférence de l’église
● résumé : Rimbaud décrit la guerre
– Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées d’une vision effrayante et dénonce
Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ;
l’eglise de manière satirique
Qui dans le bercement des hosannah s’endort,

Et se réveille, quand des mères, ramassées

Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
 4. Rages de Césars
● Sonnet engagé sur la chute de
Napoléon III et sa captivité à
L’Homme pâle, / le long des pelouses fleuries, (rimes croisées)
Wilhemhöhe
Chemine, / en habit noir, / et le cigare aux dents : 2+4+6
L’Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries ● Dernier poème du premier cahier
– Et parfois son œil terne a des regards ardents… ● Légère modernité au niveau des
rimes
Car l’Empereur est soûl de ses vingt ans d’orgie !
● Thème principal de la réflexion de
Il s’était dit : « Je vais souffler la Liberté (rejet → ‘souffle’)
Bien délicatement, ainsi qu’une bougie ! » l’empereur suite à sa défaite
La Liberté revit ! Il se sent éreinté ! ● Premier sous-thème très présent
de sa e et de “l’usure” de l’homme:
Il est pris. / – Oh ! / quel nom sur ses lèvres muettes 3+(1+8) → ‘perturbations’
longue vie de privilèges et de
Tressaille ? / Quel regret implacable le mord ?
On ne le saura pas. L’Empereur a l’œil mort. Déclaratives: ‘réponses tranchées’
pouvoir
● Second sous-thème de l’usure et de
Il repense peut-être au Compère en lunettes*… la fatigue de l’homme
– Et regarde filer de son cigare en feu,
Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu. ⇒ sous-entend:
l’embrasement premier s’est
transformé en fumée
* Il s’agit d’Émile Ollivier, chef du gouvernement en 1870, qui avait annoncé la guerre sur un ton de légèreté.
5.L’éclatante Victoire de Sarrebrück -L’éclatante victoire de Sarrebruck: poème satirique de
Rimbaud.
Remportée aux cris de Vive l’Empereur! -Sonnet écrit pendant l’une de ses fugues en Belgique
(oct 1870)
Gravure belge brillamment coloriée, se vend à Charleroi, 35 centimes.
-S’inspire de la victoire de Napoléon III sur les
Au milieu, / l’Empereur, // dans une apothéose
Prussiens, le 2 août 1870 (l’Empereur sera prisonnier
Bleue et jaune, s’en va, raide, sur son dada1 rejet / lecture érotique?
dans deux mois).
Flamboyant; très heureux, - car il voit tout en rose,
Féroce comme Zeus et doux comme un papa; → Empereur moqué -Beaucoup d’ironie et de langage enfantin, double sens
obscène
En bas, les bons Pioupious qui faisaient la sieste (diérèse: soldats pions, sans motivation)
Près des tambours dorés et des rouges canons Description d’une gravure (relations spatiales): les
Se lèvent gentiment. Pitou remet sa veste, → critique sur leur manque d'héroïsme gravures, de bon marché, informe la population
Et, tourné vers le Chef, s’étourdit de grands noms ! d'événements importants: propagande
Couleurs très vives, criardes à la fin
A droite, Dumanet, appuyé sur la crosse → passivité du soldat Infantilisation de l’Empereur et de ses soldats (figures
De son chassepot2, sent frémir sa nuque en brosse, fictives de journaux)
Et : « Vive l’Empereur !! » – Son voisin reste coi… → exclamation vs mutisme du voisin ≠ héroïsme et grandiloquence superficielles
Ridicule dans le prix “35 centimes” et les noms des
(métonymie)
soldats, comique de situation ⇒ vaudeville
Un schako3 surgit, comme un soleil noir… – Au centre, → oxymore
Cette “éclatante” victoire n’existe en réalité que
Boquillon, rouge et bleu, très naïf, sur son ventre
dans l’imaginaire des illustrateurs, les soldats n’ont
Se dresse, et, – présentant ses derrières « De quoi ?…» Implicite: “L’Empereur de quoi?”
en réalité rien accompli, et subsistent soit dans un
1 Cheval (enfantin) 2 Une sorte de fusil 3 La coiffure militaire rigide portée par les militaires
flou, soit dans une fidélité au “Chef” ridicule
Conclusion

→ Un format, le sonnet, utilisé de manière moderne et variée pour chaque poème

→ Parfois très direct, satirique, quasiment grossier (“L’éclatante Victoire de Sarrebrück”), parfois le sens
se concentre dans la chute (“Le Dormeur du val”) ou dans l’implicite (“Rages de Césars”)

→ Des dénonciations de nature différente:

⇒ dénonçant la violence que subit les soldats
la propagande pro-militariste (“Morts de quatre-vingt-douze” dénonce Cassagnac pour
avoir dressé un parallèle entre la Révolution de 1792 et la guerre franco-prussienne tout en
rendant hommage aux martyrs de la République)(“L’éclatante Victoire de Sarrebrück” dénonce la
propagande propagée par les gravures)
les vices qui accompagnent la guerre (“Le Mal” dénonce la guerre mais aussi le clergé)