Fourier

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ANALYSE DE FOURIER

par Laurent LAZZARINI


ii

Discours Préliminaire
à la Théorie analytique de la chaleur, 1822.
(Extrait)

“L’étude approfondie de la nature est la source la plus féconde des découvertes mathémati-
ques. Non-seulement cette étude, en offrant aux recherches un but déterminé, a l’avantage
d’exclure les questions vagues et les calculs sans issue ; elle est encore un moyen assuré
de former l’analyse elle-même, et d’en découvrir les éléments qu’il nous importe le plus
de connaı̂tre, et que cette science doit toujours conserver : ces éléments fondamentaux
sont ceux qui se reproduisent dans tous les effets naturels.
On voit, par exemple, qu’une même expression, dont les géomètres avaient considéré
les propriétés abstraites, et qui sous ce rapport appartient l’analyse générale, représente
aussi le mouvement de la lumière dans l’atmosphère, qu’elle détermine les lois de la
diffusion de la chaleur dans la matière solide, et qu’elle entre dans toutes les questions
principales de la théorie des probabilités.
Les équations analytiques, ignorées des anciens géomètres, que Descartes a intro-
duites le premier dans l’étude des courbes et des surfaces, ne sont pas restreintes aux pro-
priétés des figures, et celles qui sont l’objet de la mécanique rationnelle ; elles s’étendent
tous les phénomènes généraux. Il ne peut y avoir de langage plus universel et plus simple,
plus exempt d’erreurs et d’obscurités, c’est-à-dire plus digne d’exprimer les rapports in-
variables des êtres naturels.
Considérée sous ce point de vue, l’analyse mathématique est aussi étendue que la
nature elle-même ; elle définit tous les rapports sensibles, mesure les temps, les espaces, les
forces, les températures ; cette science difficile se forme avec lenteur, mais elle conserve
tous les principes qu’elle a une fois acquis ; elle s’accroı̂t et s’affermit sans cesse au milieu
de tant de variations et d’erreurs de l’esprit humain.
Son attribut principal est la clarté ; elle n’a point de signes pour exprimer les notions
confuses. Elle rapproche les phénomènes les plus divers, et découvre les analogies secrètes
qui les unissent. Si la matière nous échappe comme celle de l’air et de la lumière par son
extrême ténuité, si les corps sont placés loin de nous, dans l’immensité de l’espace, si
l’homme veut connatre le spectacle des cieux pour des époques successives que sépare
un grand nombre de siècles, si les actions de la gravité et de la chaleur s’exercent dans
l’intérieur du globe solide des profondeurs qui seront toujours inaccessibles, l’analyse
mathématique peut encore saisir les lois de ces phénomènes. Elle nous les rend présents
et mesurables, et semble être une faculté de la raison humaine destinée à suppléer à la
brièveté de la vie et à l’imperfection des sens ; et ce qui est plus remarquable encore,
elle suit la même marche dans l’étude de tous les phénomènes ; elle les interprète par le
même langage, comme pour attester l’unité et la simplicité du plan de l’univers, et rendre
encore plus manifeste cet ordre immuable qui préside à toutes les cause naturelles.
Les questions de la théorie de la chaleur offrent autant d’exemples de ces dispositions
simples et constantes qui naissent des lois générales de la nature ; et si l’ordre qui s’établit
dans ces phénomènes pouvait être saisi par nos sens, ils nous causeraient une impression
comparables à celles des résonances harmoniques.(...)”

in Joseph Fourier, Oeuvres, vol. 1, Gauthier-Villars, Paris, 1888-1890.


Chapitre 1

Séries de Fourier

1.1 Introduction
Les séries trigonométriques sont des séries de fonctions particulières. On va
voir qu’à toute fonction périodique raisonnable, peut être associée. une telle série,
sa série de Fourier. Il est alors naturel de se demander sous quelles hypothèses
une série de Fourier converge et si sa limite est égale à la fonction d’origine.
Commençons par un exemple concret. On considère une barre de métal de
longueur L dont les extrêmités sont maintenues à une température constante T0 .
On suppose que le métal est parfaitement isolé en sorte que la chaleur n’est sus-
ceptible de diffuser que par conduction le long de la barre. On souhaite connaı̂tre
l’évolution de la fonction de répartition de la température U (s, t) en chaque point
0 ≤ s ≤ L et à chaque instant, à partir de la donnée initiale U0 (x) = U (x, 0).
Sous l’hypothèse que le flux de chaleur en tout point de la barre est proportionnel
au gradient de température ∂U ∂x (loi de Newton), Fourier a établi l’équation dite
de la chaleur.
∂U ∂2U
=κ 2
∂t ∂s
où κ est une constante fonction de la chaleur spécifique linéaire et de la conduc-
tivité calorifique de la barre. Il ne s’agit pas de discuter ici de la validité de ce
modèle mais d’examiner ses conséquences mathématiques. Avec les changements
de variables

x := sπ/L, t⋆ := tκ(π/L)2 , u := U/T0 − 1 et f := U0 /T0 − 1,

l’équation de la chaleur se réduit à l’écriture suivante.


∂u ∂2u
= (1.1)
∂t⋆ ∂x2
avec pour conditions aux limites

u(x, 0) = f (x) ∀x ∈ [0, π]
(1.2)
u(0, t⋆ ) = u(π, t⋆ ) = 0 ∀t⋆ ≥ 0.

1
2 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

Dans la suite, pour alléger les notations, on identifiera t et t⋆ . La proposition


suivante montre que l’équation (1.1) a au plus une solution.
Proposition 1.1.1 (Unicité) Il existe au plus une unique fonction u : [0, π] ×
[0, +∞) → R qui satisfait les conditions suivantes.
1. Pour tout x ∈ [0, π], la fonction t 7→ u(x, t) est dérivable sur (0, +∞), de
dérivée égale par définition à ∂u
∂t .
2. Pour tout t > 0, la fonction x 7→ u(x, t) est deux fois dérivable sur [0, π],
∂ 2u
de dérivée seconde égale par définition à ∂x 2.

∂u
3. Les fonctions u sur [0, π]×[0, +∞) et ∂t sur [0, π]×(0, +∞) sont continues,
4. u vérifie les conditions (1.2) et l’équation (1.1) sur [0, π] × (0, +∞).
Démonstration : Si u1 et u2 sont deux solutions, alors v := u1 − u2 est encore
une solution qui vérifie toutes les hypothèses de régularité de la proposition mais
avec f = 0 dans les conditions aux limites. Il s’agit de montrer que v = 0. On
considère la fonction “énergie”.
Z
1 π 2
E(t) := v (x, t) dx.
2 o
Comme v est continue, la fonction E est continue positive sur [0, +∞). De plus,
comme v ∂v∂t est continue sur [0, π] × (0, +∞), la fonction E est en fait dérivable
en tout t > 0 et
Z π Z π
′ ∂v ∂2v
E (t) = v(x, t) (x, t) dx = v(x, t) (x, t) dx
o ∂t o ∂x
d’après (1.1). D’où après une intégration par parties
  Z π  2
′ ∂v π ∂v
E (t) = v − dx.
∂x o o ∂x

De plus, le premier terme de cette dernière expression est nul puisque v(0, t) =
v(π, t) = 0 pour tout t ≥ 0 d’après (1.2). Ainsi, E ′ (t) est négative pour t > 0 et par
suite E est décroissante sur [0, +∞). Or E(0) = 0 donc E s’annulle identiquement
et il en est de même pour la fonction v 2 ≥ 0 continue, puis pour v.

Maintenant que nous sommes assurés de l’unicité de la solution, “il ne reste


plus qu’à” l’exhiber. Par la méthode classique de séparation des variables, on
trouve facilement que les fonctions
2t
(ap cos(px) + bp sin(px))e−p

sont solutions de (1.1) si p, ap et bp sont des constantes réelles. De plus, la


condition aux limites u(0, t) = u(π, t) = 0 entraı̂ne que p est entier et ap = 0.
1.2. SÉRIES TRIGONOMÉTRIQUES. 3

Toute combinaison linéaire de solutions est encore solution et plus généralement,


on peut chercher la solution sous la forme d’une série
+∞
X 2
bp sin(px)e−p t .
p=1

En particulier, on doit avoir pour t = 0


+∞
X
f (x) = bp sin(px).
p=1

L’objet de ce chapitre est d’expliquer pourquoi cette dernière condition détermine


entièrement les coefficients bp . On introduira notamment assez d’éléments pour
démontrer le résultat suivant.

Proposition 1.1.2 (Existence) Soit f : [0, π] → R une fonction de classe C 1


telle que f (0) = f (π) = 0. On définit pour p ≥ 1
Z
2 π
bp = f (x) sin(px) dx.
π o
P
Alors la série |bp | est convergente et la fonction

+∞
X 2t
u(x, t) = bp sin(px)e−p
p=1

est solution de l’équation de la chaleur (1.1) avec (1.2) pour conditions aux limites.

1.2 Séries trigonométriques.


Définition 1.2.1 On appelle série trigonométrique toute série de fonctions
de terme général
an cos(nx) + bn sin(nx)
où an et bn sont des scalaires réels ou complexes.

Nous allons répondre, partiellement, à la question suivante.

Question 1.2.2 Connaissant certaines propriétés des suites (an ) et (bn ), que
peut-on dire de la limite
+∞
X
f (x) := a0 + (an cos(nx) + bn sin(nx)) ?
n=1
4 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

Commençons par donner une seconde définition des séries trigonométriques.


La proposition montre qu’une série trigonométrique est aussi bien caractérisée
par ses coefficients (an )n∈N et (bn )n∈N⋆ , que par ses coefficients (cn )n∈Z .

Proposition 1.2.3 Soient (an ) et (bn ) deux suites de scalaires. On pose pour
n≥0
an − ibn an + ibn
cn := , c−n := et c0 = a0 .
2 2
Alors
P PN
(i) Pout tout N ≥ 0, a0 + N n=1 (an cos(nx) + bn sin(nx)) = n=−N cn e
inx .
P P
(ii) Les séries (|an | + |bn |) et (|c−n | + |cn |) sont de même nature.

Démonstration : La premiere assertion découle des formules d’Euler

cos(nx) = (einx + e−inx )/2 et sin(nx) = (einx − e−inx )/2i.

La seconde se déduit des inégalités évidentes suivantes, pour n ≥ 1

|c−n | + |cn | ≤ |an | + |bn | ≤ 2(|c−n | + |cn |).

Cette seconde inégalité vient de l’observation que an = c−n +cn et ibn = cn −c−n .

Proposition 1.2.4 Soit (cn )n∈Z une famille de scalaires telle que la série trigo-
nométrique associée converge en tout point vers une fonction f . Alors on a les
propriétés suivantes.
(i) f est 2π-périodique.
P k
(ii) Si pour un entier k ≥ 0, la série n (|c−n | + |cn |) est convergente, alors
f est de classe C k et pour 1 ≤ j ≤ k, de dérivée d’ordre j
X
f (j)(x) = (in)j cn einx .
n∈Z

(iii) Si les suites (cn )n≥0 et (c−n )n≥1 sont positives décroissantes et convergent
vers zéro, alors la convergence de la série trigonométrique est uniforme sur
tout intervalle de la forme (ǫ + 2πk, 2π(k + 1) − ǫ) avec 0 < ǫ < π. En
particulier, f est continue sur R\2πZ.

Démonstration : L’assertion (i) est évidente puisque chaque fonction x 7→ einx


est 2π-périodique.
L’assertion (ii) découle du théorème de dérivation sous le signe somme, vu en
premier cycle. En effet la série
X
((in)k cn einx + (−in)k c−n e−inx )

converge normalement et donc uniformément.


1.2. SÉRIES TRIGONOMÉTRIQUES. 5

Enfin, l’assertion (iii) est une application de la transformation d’Abel. En


effet, posons pour N ≥ 1
N
X sin(N x/2) i(N +1)x/2
AN (x) = einx = e .
n=1
sin(x/2)

On remarque que pour x ∈]2kπ + ǫ, 2(k + 1)π − ǫ[


1
|AN (x)| ≤ .
sin(ǫ/2)

En outre, pour 1 < p < q


q
X q
X
inx
cn e = cn (An − An−1 )(x)
n=p n=p
q
X q−1
X
= cn An (x) − cn+1 An (x)
n=p n=p−1
q−1
X
= −cp Ap−1 (x) + cq Aq (x) + (cn − cn+1 )An (x).
n=p

Et de même
q
X q−1
X
−inx
c−n e = −c−p Ap−1 (−x) + c−q Aq (−x) + (c−n − c−n−1 )An (−x).
n=p n=p

D’où pour x ∈]2kπ + ǫ, 2(k + 1)π − ǫ[

X cp + c−p
cn einx ≤ 2
sin(ǫ/2)
p≤|n|≤q

P
et la série (c−n e−inx +cn einx ) converge unifomément sur l’intervalle susnommé.

Remarque 1.2.5 On a bien sûr un énoncé analogue pour la présentation des


séries trigonométriques en termes de sinus et cosinus, fort P utile en pratique. On
laisse en exercice qu’il suffit alors, pour (ii), que la série nk (|an | + |bn |) soit
convergente et, pour (iii), que les suites (an ) et (bn ) soient positives décroissantes
et convergent vers zéro.
6 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

1.3 Décomposition en série de Fourier


Nous nous intéressont à présent au problème inverse de la question 1.2.2.
Connaissant la fonction f , on souhaite en déduire des propriétés sur les coefficients
de la série trigonométrique dont f serait la limite.

Question 1.3.1 Si f : R → C est une fonctionX périodique de période 2π, existe-


t-il une famille (cn )n∈Z telle que f (x) = cn einx ?
n∈Z

Ici encore, le problème est délicat en général. Dans ce paragraphe, nous intro-
duisons un bon candidat pour les coefficients cn et nous en donnons quelques
propriétés élémentaires.

R b qu’une fonction f : R → C est dite localement intégrable si les


Rappelons
intégrales a |f (x)| dx convergent pour tous nombres réels a < b.
Rb
Elle est dite de carré localement intégrable si les intégrales a |f (x)|2 dx
convergent pour tous a < b.

Exemple 1.3.2
1. Les fonctions localement bornées et limites simples de fonctions continues,
2. les fonction localement intégrables au sens de Riemann,
3. les fonctions continues par morceaux,
sont toutes des fonctions localement intégrables et de carrés localement intégrables.

Notation 1.3.3 On notera L1 (S 1 ) l’espace des fonctions localement intégrables,


périodiques de période 2π, et L2 (S 1 ) l’espace des fonctions de carrés localement
intégrables, périodiques de période 2π.

Définition 1.3.4
1) Pour f, g ∈ L2 (S 1 ), on définit le produit et la semi-norme
Z 2π p
1
< f, g >:= f (x)g(x) dx ; ||f ||2 = < f, f >.
2π 0

Z 2π
1
2) Pour f ∈ L1 (S 1 ),
notons ||f ||1 := |f (x)| dx.
2π 0
3) On définit, pour n ∈ Z et x ∈ R, la fonction en (x) = einx .

1 si n = m,
Proposition 1.3.5 Pour (n, m) ∈ Z2 , < en , em >= δn,m =
0 sinon.
1.3. DÉCOMPOSITION EN SÉRIE DE FOURIER 7

Démonstration : Le calcul est immédiat.


Z 2π
Pour n = m, 1 dx = 2π.
0
Z 2π " #2π
i(m−n)x ei(m−n)x
Pour n 6= m, e dx = = 0.
0 m−n
0

Ainsi, pour un polynôme trigonométrique de la forme


X
f (x) = cn en (x),
|n|≤N

on retrouve les coefficients cn à partir des valeurs de f sur [0, 2π]. En effet, on a
par linéarité
X X
< en , f >= cm < en , em >= cm δn,m = cn .
|m|≤N |m|≤N
P
Notons
P plus généralement que si la série (|cn | + |c−n |) est convergente alors
f (x) = n∈Z cn en (x) converge uniformément sur sur R et par le théorème d’in-
version des signes somme et intégrale, vu en premier cycle, le calcul ci-dessus
reste valide. On a encore cn =< en , f >.

Définition 1.3.6 La série de Fourier d’une fonction f ∈ L1 (S 1 ) est la série


de fonctions, convergente ou non,
X
SF (f ) = c0 + (cn en + cn e−n ),
n≥1

avec pour tout n ∈ Z, cn :=< en , f >.


On notera C(f ) la fonction amplitude définie par C(f )(n) =< en , f >. Les
nombres cn := C(f )(n), indexés par Z, sont appelés les coefficients de Fourier
de f.

Il est pratique de connaı̂tre également le développement d’une fonction en série


de cosinus et sinus obetenu par la proposition 1.2.3, qui se présente comme suit.
+∞
X
SF (f )(x) = a0 + (an cos(nx) + bn sin(nx))
n=1

Z 2π Z
1 1 2π
avec a0 = c0 = f (x) dx ; an := f (x) cos(nx) dx
2π 0 π 0
Z
1 2π
et bn := f (x) sin(nx) dx.
π 0
8 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

Ces relations s’obtiennent en utilisant les formules de la proposition 1.2.3 expri-


mant an et bn en fonction de cn où s’induisent directement en démontrant les
relations d’orthogonalité pour (n, m) ∈ N2
Z Z
1 2π 1 2π
cos(nx) cos(mx) dx = sin(nx) sin(mx) dx = δn,m
π o π o
Z 2π
et cos(nx) sin(mx) dx = 0.
o
Ce point de vue est particulièrement adapté au cas où f présente des symétries.
On déduit en effet immédiatement des relations ci-dessus la propriété suivante.

Proposition 1.3.7 Soit f ∈ L1 (S 1 ).


1. Si f est paire alors tous sa série une série de cosinus : tous les bn sont nuls
et cn = c−n .
2. Si f est impaire, sa série de Fourier est une série de sinus : tous les coef-
ficients an sont nuls et cn = −c−n .
3. Si f est périodique de période 2π/N , alors seuls ses coefficients d’indices
multiples de N sont éventuellement non nuls.

Démonstration : Nous démontrons seulement la dernière affirmation, qui ne


résulte pas directement de la définition. Si n n’est pas multiple de T , alors
Z 2π Z T +2π
−inx
cn = f (x + T )e dx = f (x)e−inx+inT dx = einT cn
o T

et puisque einT 6= 1, cn = 0.

Proposition 1.3.8
Si f ∈ L1 (S 1 ), alors lim C(f )(n) = 0 et max |C(f )(n)| ≤ ||f ||L1 (T) .
n→±∞ n∈Z

Démonstration : L’existence et le calcul de la limite de C(f )(n) découlent


du lemme de Riemann-Lebesgue qui suit. D’autre part, appliquons l’inégalité du
module à f (x)e−inx . On a
Z 2π Z 2π Z 2π
1 1 1
f (x)e−inx dx ≤ f (x)e−inx dx ≤ |f (x)| dx = ||f ||1 .
2π 0 2π 0 2π 0
La borne supérieure de la famille |C(f )(n)| est donc majorée par ||f ||1 . Comme
cette famille converge vers zéro quand |n| tend vers l’infini. Cette borne est at-
teinte : la borne supérieure est un maximum.

Lemme 1.3.9 (Riemann-Lebesgue) Soit f une fonction à valeurs réelles ou


complexes intégrable sur un segment [a, b] avec a < b. Alors
Z b Z b Z b
iλx
lim f (x)e dx = lim f (x) cos(λx) dx = lim f (x) sin(λx) dx = 0.
|λ|→+∞ a λ→∞ a λ→∞ a
1.3. DÉCOMPOSITION EN SÉRIE DE FOURIER 9

Démonstration : Nous démontrons que la première limite car les deux dernières
s’en déduisent immédiatement par les formules d’Euler.
Commençons par supposer que f est constante. Alors pour λ 6= 0
Z b  b
iλx f eiλx
| f (x)e dx| = ≤ 2|f |/λ|
a iλ a

tend bien vers zéro quand |λ| tend vers l’infini.


Supposons maintenant que f est une fonction intégrable quelconque. Par
définition, f peut être approchée en moyenne par une fonction en escalier :
N Z
X ak
|f (x) − fk | dx ≤ ǫ
k=1 ak−1

pour ǫ > 0 arbitrairement petit, pour une subdivision a = a0 < a1 < · · · < aN = b
de l’intervalle [a, b] et des scalaires fk ∈ C bien choisis. On en déduit les inégalités
suivantes.
Z b N Z
X ak N Z
X ak
f (x)eiλx dx ≤ ǫ + fk eiλx dx ≤ ǫ + fk eiλx dx
a k=1 ak−1 k=1 ak−1

R ak
et comme chaque terme ak−1 fk eiλx dx converge vers zéro, il existe une constante
A telle que Z ak
| fk eiλx dx| ≤ ǫ/N
ak−1

pour tout |λ| ≥ A et pour 1 ≤ k ≤ N . Ainsi on a


Z b
|λ| > A ⇒ | f (x)eiλx dx| ≤ 2ǫ.
a

Proposition 1.3.10 Si f ∈ L2 (S 1 ), alors f ∈ L1 (S 1 ) et ||f ||1 ≤ ||f ||2 . De plus,


X
|C(f )(n)|2 ≤ ||f ||22 .
n∈Z

Démonstration : La première assertion est un corollaire de l’inégalité de Cauchy-


Schwarz. En effet comme la fonction f et la fonction constante g := 1 sont de
carrés intégrables sur [0, 2π], le produit f g = f est intégrable et
Z 2π Z 2π 1/2 Z 2π 1/2
1 1 2 2
|f (x)| dx ≤ 1 dx |f (x)| dx
2π 0 2π 0 0
Z 2π 1/2
1 2
≤ √ |f (x)| dx = ||f ||2 .
2π 0
10 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

La seconde assertion est connue dans la littérature sous le nom d’inégalité de


Bessel. Dans l’espace Hilbertien L2 (S 1 ), notons fn la projection orthogonale de
f dans le sous-espace engendré par les fonctions ek pour |k| ≤ n. Explicitement,
on a
X n
fn = C(f )(k) ek .
k=−n

Alors pour −n ≤ k ≤ n, on a
n
X
< ek , f − fn > = C(f )(k) − < ej , f >< ek , ej >
j=−n
Xn
= C(f )(k) − < ej , f > δk,j
j=−n
= C(f )(k)− < ek , f >= 0.

D’où, par linéarité, on a < fn , f − fn >= 0. Ainsi

||fn ||22 ≤ ||fn ||22 + ||f − fn ||22 = ||f ||22 .

Cette dernière inégalité, conjuguée à l’othogonalité des fonctions ek , montre que


Xn Z 2π
2 2 1
|C(f )(n)| ≤ |f ||2 = |f (x)|2 dx.
2π 0
k=−n

L’inégalité de Bessel s’en déduit en faisant tendre n vers l’infini.

Proposition 1.3.11 Soient f ∈ L1 (S 1 ) et k ≥ 1 un entier. On suppose que f


est C k par morceaux et C k−1 . Alors, pour tout n ∈ Z , on a

||f (k) ||1


C(f (k) )(n) = (ni)k C(f )(n) et |C(f )(n)| ≤ .
|n|k

Démonstration : Pour k = 1, c’est-à-dire pour f de classe C 1 par morceaux


et continue, la fonction dérivée f ′ , définie sur [0, 2π]\{ap | 0 ≤ p ≤ N } pour une
subdivision adaptée 0 = a0 < a1 < · · · < aN = 2π, se prolonge par continuité sur
chacun des intervalles [ap , ap+1 ] en une fonction C 1 .
Par une intégration par partie, on a
Z 2π N
X −1 Z ap+1
′ −int
 ap+1
f (t)e dt = f (t)e−int ap + in f (t)e−int dt
0 p=0 ap
Z 2π
= f (0) − f (2π) + in f (t)e−int dt = 2πinC(f )(n).
0

On en déduit que C(f ′ ) = inC(f )(n). Puis, à l’aide de l’inégalité de la proposi-


tion 1.3.8, on a
|C(f )(n)| ≤ |C(f ′ )(n)|/|n| ≤ ||f ′ ||1 /|n|,
1.4. LES THÉORÈMES D’INVERSION 11

ce qui démontre la proposition pour k = 1.


Pour k > 0 quelconque, supposons la proposition vraie pour toute fonction
de classe C k par morceaux et C k−1 . Alors si f est C k+1 par morceaux et C k , on
peut appliquer notre hypothèse à la fonction dérivée f ′ . On a

C(f (k+1) )(n) = C(f ′(k))(n) = (in)k C(f ′ )(n).

D’autre part, k ≥ 1 donc f est de classe C 1 et C(f ′ )(n) = inC(f )(n). On en


déduit que C(f (k+1) (n) = (in)k+1 C(f )(n), puis que

|C(f )(n)| ≤ |C(f (k+1) (n)|/|n|k+1 ≤ ||f (k+1) ||1 /|n|k+1 ,

ce qui démontre par récurence sur k ≥ 1 la proposition pour k quelconque.

Remarque 1.3.12 Dans notre présentation, toutes les fonctions périodiques con-
sidérées ont pour période 2π. Bien sûr, on peut développer une théorie de Fourier
analogue pour toute fonction périodique dont une période est un réel T > 0
quelconque.
En effet, si f admet T pour période, alors 2π est une période de la fonction
définie par g(x) := f (xT /2π). On peut lui appliquer les résultats de ce chapitre.
On retiendra les formules pour f : R → C localement intégrable, périodique de
période T .

X +∞     
2πinx/T a0 X 2πnx 2πnx
SF (f )(x) = cn e = + an cos + bn sin
2 T T
n∈Z n=1
Z T
1
avec cn = f (x)e−2πinx/T ,
Z   T 0 Z  
2 T 2πnx 2 T 2πnx
an = f (x) cos dx et bn = f (x) sin dx.
T 0 T T 0 T

1.4 Les théorèmes d’inversion : la synthèse spectrale


Du point de vue des mathématiques, il s’agit dans ce paragraphe de répondre
à la question 1.3.1. Pour une fonction localement intégrable périodique de période
2π, le seul candidat raisonnable dont nous disposons pour l’écrire sous la forme
d’une série trigonométrique est sa série de Fourier.
Du point de vue de la physique, la décomposition en série de Fourier peut
s’interprêter comme la donnée d’une amplitude complexe cn , pour chaque mode
harmonique d’ordre n du signal. C’est l’analyse spectrale du signal, indéxé par le
groupe Z.
Inversement, étant donnée une distribution d’amplitudes cn , pour tout n ∈ Z,
peut-on trouver un signal dont la suite cn est la décomposition ? Quand cela
est possible, on dit que l’opération qui permet de reconstruire le signal à partir
de sa décomposition est l’inversion de la décomposition de Fourier ou encore la
synthèse spectrale de la distribution des harmoniques.
12 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

1. Si la fonction est C ∞ , alors la situation est idéale car sa série de Fourier


converge normalement vers la fonction initiale, ainsi que toutes ses dérivées.
2. Si la fonction est continue et C 1 par morceaux, sa série de Fourier converge
normalement vers la fonction mais on ne sait rien sur la convergence de la
dérivée.
3. Si la fonction est C 1 par morceaux, sa série de Fourier converge ponctuelle-
ment vers la fonction initiale en tout point où cette dernière est continue, et
l’on sait vers quoi converge la série aux points de discontinuité, bien que la
convergence souffre de ne pas être est uniforme au voisinage de ces derniers
points.
4. Si la fonction est seulement continue, sa série de Fourier converge vers la
fonction initiale en tout point où la série converge.
Notons enfin que ces réponses n’épuisent pas la question 1.3.1. Par exemple,
il existe des séries trigonométriques convergentes en tout point mais qui ne sont
la série de Fourier d’aucune fonction. Nous ne nous demanderons pas non plus
si, quand elle existe, la décomposition d’une fonction périodique en série trigo-
nométrique est unique.

Le théorème de Dirichlet
Ce théorème donne une condition suffisante pour que la série de Fourier
d’une fonction converge ponctuellement vers celle-ci. On peut examiner dans un
deuxième temps si la convergence est uniforme, par exemple en utilisant la pro-
position 1.2.4. On verra au paragraphe suivant une autre condition simple qui
garantit l’uniformité de la convergence.

Notation 1.4.1 Soit f : R → C et x ∈ R. Si f admet une limite en x par valeurs


supérieures, on note

f (x + h) − f (x + 0)
f (x + 0) = lim f (t), fd′ (x + 0) := lim .
t→x,t>x h→0,h>0 h

Si f admet une limite en x par valeurs inférieures, on note

f (x − 0) − f (x − h)
f (x − 0) = lim f (t), fg′ (x − 0) := lim ..
t→x,t<x h→0,h>0 h

Théorème 1.4.2 (Dirichlet) Soient f ∈ L1 (S 1 ) et x ∈ R. On suppose que les


limites f (x + 0), f (x − 0), fd′ (x + 0) et fg′ (x − 0) existent.
Alors la série de Fourier de f converge au point x et
n
X 1
SF (f )(x) = lim < ek , f > eikx = (f (x + 0) + f (x − 0)).
n→+∞ 2
k=−n
1.4. LES THÉORÈMES D’INVERSION 13

Démonstration : Pour n ≥ 0, on considère la fonction



Xn  2n + 1 si t ∈ 2πZ,
1
Dn (t) := ek (t) = sin((n + 2 )t)
 sinon.
k=−n sin( 2t )

On définit le produit (appelé produit de convolution)


Z n Z
1 1 2π
1 X ikx 2π
(Dn ⋆ f )(x) := Dn (x − t)f (t) dt = e f (t)e−ikt dt.
2π 2π 0 2π 0
k=−n

Ainsi on reconnait la somme partielle de le série de Fourier de f


n
X
1
Dn ⋆ f = < ek , f > ek .

k=−n

D’autre part, avec le changement de variable u = x − t et puisque la fonction


u 7→ Dn (u)f (x − u) est périodique de période 2π,
Z 2π Z x Z π
Dn (x − t)f (t) dt = Dn (u)f (x − u) du = Dn (u)f (x − u) du.
0 x−2π −π

Seule la partie paire de la fonction Dn (u)f (x − u) contribue à cette intégrale.


Z π Z π
f (x − u) + f (x + u)
Dn ⋆f (x) = Dn (u) du = Dn (u)(f (x−u)+f (x+u)) du.
−π 2 0

En outre −π Dn (u) du = 2π. Cela entraı̂ne que
Z π
1 1 1 1
Dn ⋆ f (x) − (f (x + 0) + f (x − 0)) = g(u) sin((n + )u) du
2π 2 π 0 2
avec
f (x + u) − f (x + 0) + f (x − u) − f (x − 0)
g(u) = .
2 sin( u2 )
Cette fonction, définie a priori sur (0, π], s’étend par continuité en une fonction
intégrable sur [0, π] et l’on conclut avec le lemme de Riemann-Lebesgue.

Les fonctions de classe C k


Proposition 1.4.3 Soit k ≥ 1.
1) On suppose que f est une fonction périodique de période 2π de classe C k
par morceaux et C k−1 . Alors il existe une constante M telle que

∀n ∈ Z, | < en , f > | |n|k ≤ M.

De plus, SF (f ) converge normalement vers f sur R.


14 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

2) Inversement, pour une famille de scalaires (cn )n∈Z et une constante constante
M > 0, on suppose que

∀n ∈ Z, |cn | |n|k+1 ≤ M,
X
Alors f (x) = cn einx est de classe C k−1 et cn =< en , f >.
n∈Z

Démonstration : 1) Si f est de classe au moins C 1 , le théorème de Dirichlet


montre que la série de Fourier SF (f ) converge en tout point vers f . La pro-
position 1.3.11 montre que |C(f )(n)| ≤ ||f (k) ||1 /|n|k . Il suffit donc de choisir
M := ||f (k) ||1 . Enfin, on a les inégalités suivantes.
X X |C(f (k) )(n)|
|C(f )(n)| = |C(f )(0)| +
|n|k
n∈Z n∈Z\{0}
 1/2  1/2
X  1 2 X
≤ |C(f )(0)| +    |C(f (k) |2 
|n|k
n∈Z\{0} n∈Z\{0}
+∞
!1/2
X 1
≤ |C(f )(0)| + 2||f (k) ||2 .
n2k
n=1

L’égalité de la premiere ligne vient de la proposition 1.3.11. La deuxième ligne


découle de l’inégalité de Cauchy-Schwarz. La troisième ligne vient de l’inégalité
de Bessel de la proposition 1.3.10, appliquée à la fonction f (k) .
2) Inversement, si |cn ||n|k+1 ≤ M , alors pour n 6= 0, on a

|cn | ≤ |n|k−1 |cn | ≤ M/|n|2 .


P
On en déduit la série c0 + (cn+1 en+1 + c−n−1 e−n−1 ) converge normalement
sur R ainsi que les séries de ses dérivées terme à terme, jusqu’à l’ordre k − 1.
La fonction limite f est bien définie et de classe C k−1 . Comme la convergence
de SF(f) est uniforme, il résulte d’un théorème d’intervention des limites, vu en
premier cycle, que le produit scalaire et le signe somme peuvent être échangés.
X X
< en , f >=< en , cp ep = cp < en , ep >= cn .
p∈Z p∈Z

Il s’en suit que SF (f ) = f , ce qui termine la démontration de la proposition.

Corollaire 1.4.4 L’espace des fonctions de classe C ∞ périodiques de période 2π


est en bijection avec l’espace
n o
c : Z → C | ∀k ≥ 0, ∃Mk > 0 tel que |c(n)||n|k ≤ Mk

par l’application
P A : f 7→ (< en , f >)n∈Z (l’analyse spectrale) et de réciproque
S : c 7→ f = n∈Z c(n)en (la synthèse spectrale).
1.4. LES THÉORÈMES D’INVERSION 15

Remarque 1.4.5 En fait, l’application A : f 7→ (< en , f >)n∈Z est définie sur


l’espace des fonction localement intégrable, périodiques, de période 2π. Cette
application étendue est-elle encore injective ?
Certainement pas puisque si l’on modifie la fonction f en lui ajoutant une
constante sur une partie de la forme x0 +2πZ, ses coefficients de Fourier < en , f >
ne sont pas modifiés.
Elle reste cependant essentiellement injective. En particulier, l’analyse spec-
trale est injective sur l’espace des fonctions continues (voir le théorème 1.5.7).

Les fonctions continues


Avec des idée similaires à celles contenues dans le théorème de Dirichlet, nous
pouvons démontrer le théorème suivant, qui entraı̂ne en particulier qu’en tout
point où une fonction est continue, la limite, si elle existe, de sa série de Fourier
ne peut être que la valeur que prend la fonction en ce point.

Théorème 1.4.6 (Fejèr) Soit f : R → C une fonction continue par morceaux,


périodique, de période 2π. Notons

n
X n
1 X
sn (f ) := ck ek ; Sn (f ) := sn (f ),
n+1
k=−n k=0

les sommes partielles de sa série de Fourier et les moyennes successives de ces


sommes partielles. Alors, les conditions suivantes sont satisfaites.
(i) Pour tout t ∈ R, on a
|Sn (t)| ≤ max |f (u)|.
u∈R

(ii) Pour tout t ∈ R, on a

1
lim Sn (f )(t) = (f (t + 0) + f (t − 0)).
n→+∞ 2

(iii) De plus, Sn (f ) converge uniformément vers f sur tout intervalle [a, b] ⊂ R


ne contenant pas de point discontinuité de la fonction f .

Démonstration : Avec les notations de la démonstration du théorème de Diri-


chlet, on a

n
X
1 1
sn = Dn ⋆ f ; Sn = Fn ⋆ f avec Fn = Dk .
2π 2π(n + 1)
k=0
16 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

Calculons explicitement le “noyau de Fejèr” Fn . On a successivement


n
X n
X sin((k + 1/2)x)
2π(n + 1)Fn (x) = Dk (x) =
sin(x/2)
k=0 k=0
n
!
1 X
= ℑm ei(k+1/2)x
sin(x/2)
k=0 !
1 1 − ei(n+1)x
= ℑm eix/2
sin(x/2) 1 − eix
n+1 n+1
!
1 ei 2 x − e−i 2 x −i n+1 x
= ℑm e 2
sin(x/2) eix/2 − e−ix/2
 
sin((n + 1)x/2) 2
=
sin(x/2)
Retenons de ce calcul trois propriétés importantes de Fn .
a) La fonction Fn est positive et paire.
b) Pour tout 0 < ǫ < π, sur [ǫ, 2π − ǫ], la fonction
1 1
|Fn (u)| ≤ 2
2π(n + 1) sin (ǫ/2)
converge uniformément vers zéro.
Z 2π n Z n
1 X 2π Dk (u) 1 X
c) Fn (u) du = du = 1 = 1.
0 n+1 0 2π n+1
k=0 k=0
Le point a) montre en particulier que
Z 2π Z 2π
|Sn (f )(x0 )| = |(Fn ⋆ f )(x0 )| = | Fn (t)f (x0 − t) dt| ≤ Fn (t)|f (x0 − t)| dt
0Z 0

≤ max |f (t)| Fn (t) dt = max |f (t)|,
t∈R 0 t∈R

ce qui démontre (i).


La suite est calquée sur la démonstration du théorème de Dirichlet. On a
Z π  
f (x0 + t) + f (x0 − t)
|Sn (f )(x0 ) − g(x0 )| = 2 Fn (t) − g(x0 ) dt
Z 0π 2
f (x0 + t) + f (x0 − t)
≤2 Fn (t) − g(x0 ) dt
0 2
f (x0 + t) + f (x0 − t) 2 maxt∈R |f (t)|
≤ max − g(x0 ) + ,
|t|≤α 2 (n + 1) sin2 (α/2)

avec g(x) := 12 (g(x + 0) + g(x − 0)), et cela pour tout α > 0. Pour ǫ > 0, il existe
un réel α > 0 tel que
f (x0 + t) + f (x0 − t) f (x0 + 0) + f (x0 − 0)
max − ≤ ǫ/2.
|t|≤α 2 2
1.5. L’IDENTITÉ DE PARSEVAL 17

Pour cet α fixé, il existe un entier N tel que pour tout n ≥ N , on a


2 maxt∈R |f (t)|
≤ ǫ/2.
(n + 1) sin2 (α/2)

On en déduit que pour n ≥ N , on a |Sn (f )(x0 ) − 21 (f (x0 + 0) + f (x0 − 0))| ≤ ǫ, ce


qui démontre (ii). Le point (iii) découle de la continuité uniforme de g sur tout
intervalle [a, b] sur lequel g est continue et je laisse les détails en exercice.

Corollaire 1.4.7 Soit f : R → C une fonction continue périodique de période


2π. Soit x0 ∈ R. Si la série de Fourier
X Z 2π
inx0 1
SF (f )(x0 ) = cn e avec cn := f (t)e−int dt,
2π 0
n∈Z

converge, alors SF (f )(x0 ) = f (x0 ).

Démonstration : C’est une conséquence immédiate du lemme de Cesàro,


k
X
P
si une série sumérique an , de sommes partielles sk := ap , converge, alors
p=0
n
1 X
la suite Sn := sk converge vers la même limite ;
n+1
k=0

dont on trouvera une démonstration dans tout bon livre d’analyse de premier
cycle. Voir par exemple [Whittaker], chapitre 8, paragraphe 8.43.

1.5 L’identité de Parseval


Commençons par donner une interprétation “concrète” de l’identité de Par-
seval. Si un signal est la superposition d’oscillateurs harmoniques de pulsations
toutes multiples d’une pulsation fondamentale, alors l’énergie du signal (l’inté-
grale de droite) est égale à la somme des énergies de chacun des oscillateurs
(la somme de gauche). Il n’en faut pas plus pour prêter à ces oscillateurs une
“réalité physique”. En fait, il existe dans bien des cas des appareils simples (des
résonnateurs de fréquence donnée) capables en pratique d’isoler chacun de ces
oscillateurs.
P
Théorème
P 1.5.1 (Parseval) Soit f ∈ L2 (S 1 ). Alors les séries | < en , f > |2
et | < e−n , f > |2 sont convergentes et
X Z 2π
2 1
| < en , f > | = |f (x)|2 dx.
2π 0
n∈Z

On démontre d’abord le résultat suivant.


18 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

Lemme 1.5.2 Soit f ∈ L1 (S 1 ) et soit ǫ > 0.


Alors il existe une fonction continue g : R → C sur R, C 1 par morceaux et
périodique de période 2π telle que ||f − g||1 ≤ ǫ.
Si f ∈ L2 (S 1 ), on peut de plus exiger que ||f − g||2 ≤ ǫ.
Enfin, dans les deux cas, on peut choisir g de sorte que g(x) 6= 0 pour tout
x∈R

Démonstration : Pour simplifier, nous démontrons ce lemme sous l’hypothèse


supplémentaire que f est bornée, c’est-à-dire qu’il existe une constante M >
0 telle que |f (x)| ≤ M sur [0, 2π]. Quitte à raisonner successivement sur les
parties réelle et imaginaire pure, on peut supposer que la fonction f est réelle.
Par hypothèse, f est intégrable et peut donc être approchée par une fonction en
escalier. Il existe une fonction θ en escalier sur [0, 2π] telle que
Z 2π
|f (x) − θ(x)| dx ≤ η,
0

où η > 0 est arbitrairement petit.


On va maintenant approcher θ par une fonction g avec les propriétés an-
noncées. Soit a0 = 0 < a1 < · · · < aN = 2π une subdivision de l’intervalle [0, 2π]
adaptée à θ. Quitte à poser
 ⋆
θ (x) := η si θ(x) = 0,
θ ⋆ (x) := max(−M, min(θ(x), M )) sinon,

on peut supposer que 0 < |θ(x)| ≤ M pour tout x. On choisit α assez petit de
sorte que
2α < min (ak − ak−1 ).
1≤k≤N

On définit les nombres suivantes.


 
ak + ak+1
θN = η; pour 0 ≤ k ≤ N − 1, θk := θ
2
|ǫk+1 − ǫk |
ǫk := θk /|θk | ∈ {±1}, δk = ∈ {0, 1}.
2
On suppose que η est suffisament petit pour que η < |θk | pour tout 1 ≤ k ≤ N .
On définit une fonction gα continue et affine par morceaux sur [0, 2π] par les
conditions suivantes pour tout 0 ≤ k ≤ N − 1.
  
 1−t 1+t 1+t
gα (ak + tα) = |θk | + |θk+1 | ǫk eiπδk ( 2 )t pour |t| ≤ 1,
2 2

gα (x) = θk sur [ak + α, ak+1 − α].
R 2π
Alors gα ne s’annule pas, |gα | est majorée par M et 0 |θ(x)−ga (x)| dx ≤ 4αN M .
On en déduit que
Z 2π Z 2π
|f (x)−gα (x)| dx ≤ η+4M N α ; |f (x)−gα (x)|2 dx ≤ 2M (η+4M N α).
0 0
1.5. L’IDENTITÉ DE PARSEVAL 19

Le lemme s’en suit en choisisant convenablement les constantes α et η, puis en


posant g(x + 2πn) = gα (x) pour tout n ∈ Z et x ∈ [0, 2π].
1
Démonstration de l’identité de Parseval : On note fn = 2π Dn ⋆ f les
sommes partielles de la série de Fourier de f . Il s’agit donc de montrer que ||fn ||22
converge vers ||f ||22 , ou encore que ||f − fn ||2 converge vers zéro. Soit ǫ > 0.
D’après le lemme 1.5.2, il existe une fonction g continue, C 1 par morceaux et 2π
1
périodique telle que ||f − g||2 ≤ ǫ. Soit gn = 2π Dn ⋆ g les sommes partielles de sa
série de Fourier. D’après la proposition 1.4.3, gn converge uniformément vers g. Il
existe donc un rang N au delà duquel ||g − gn ||2 ≤ ǫ. Enfin, l’inégalité de Bessel
appliquée à f − g donne que ||fn − gn ||2 ≤ ||f − g||2 . On en déduit l’estimation
suivante pour n ≥ N .

||f − fn ||2 ≤ ||f − g||2 + ||g − gn ||2 + ||gn − fn ||2 ≤ 2||f − g||2 + ||g − gn ||2 ≤ 3ǫ.

Remarque 1.5.3 La proposition 1.1.2 qui affirme l’existence d’une solution à


l’équation de la chaleur dès que la température initiale est une fonction C 1 de
l’abcisse est maintenant claire. Connaissant f sur [0, π] avec f (0) = f (π) = 0,
on étend f d’abord sur [−π, π] en posant f (−x) = −f (x), puis sur tout R en
posant f (x + 2kπ) = f (x) pour k ∈ Z. La série de Fourier de f converge bien
normalement vers f d’après la proposition 1.4.3. Puisque f est impaire, seuls
les coefficients bn de la série en sinus sont susceptibles de ne pas être nuls et la
fonction
+∞
X 2
u(x, t) = bn sin(nx)e−n t
n=1

est bien solution du problème.

Nous allons maintenant déduire plusieurs conséquences remarquables de l’iden-


tité de Parseval.

Corollaire 1.5.4 Si f, g ∈ L2 (S 1 ), alors la famille cn (f )cn (g) est sommable et

X Z 2π
1
cn (f ) cn (g) = f (x)g(x) dx.
2π 0
n∈Z

X
Démonstration : La série c̄n (f )cn (g) converge absolument car
n∈Z

|c̄n (f )cn (g)| ≤ 1/2(|cn (f )|2 + |cn (g)|2 ).


20 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

Montrons maintenant l’identité de l’énoncé.


1 
ℜe < f, g > = ||f + g||22 − ||f ||22 − ||g||2
2X
1 
= |cn (f ) + cn (g)|2 − |cn (f )|2 − |cn (g)|2
2
n∈Z !
X
= ℜe cn (f ) cn (g) ,
n∈Z

ce qui démontre la partie réelle de l’égalité annoncée.


Pour la partie imaginaire pure, on applique l’égalité que nous venons d’établir
aux fonctions if et g. On a en effet

ℜe < if, g >= ℜe(−i < f, g >) = ℑm < f, g >


et ℜe(cn (if )cn (g)) = ℜe(īcn (f )cn (g)) = ℜe(−icn (f )cn (g)) = ℑm(cn (f )cn (g)),

ce qui établit la partie imaginaire pure de l’identité annoncée.

Corollaire 1.5.5 Soient f, g ∈ L2 (S 1 ). On peut alors définir les deux produits


suivants, qui sont deux fonction périodiques de période 2π.
1. La fonction continue f ⋆ g définie par
Z 2π
1
f ⋆ g(x) := f (t)g(x − t) dt,
2π 0

2. La fonction f g ∈ L1 (S 1 ) définie par f g(x) := f (x)g(x).


De plus, on a les estimations suivantes.

max |f ⋆ g| ≤ ||f ||2 ||g||2 ; ||f g||1 ≤ ||f ||2 ||g||2 .

Enfin, on a
X
cn (f ⋆ g) = cn (f ) cn (g) ; cn (f g) = ck (f ) cn−k (g).
k∈Z

Démonstration : 1) Pour x fixé, les fonctions f et gx : t 7→ g(x − t) sont de


carrés localement intégrables. L’identité de Parseval montre alors que
Z 2π X
1
f (t)g(x − t) dt = cn (f¯)cn (gx ),
2π 0
n∈Z
Z 2π Z 2π
1 1
avec cn (gx ) = g(x− t)e−int dt = g(u)e−in(x−u) du = c−n (g)e−inx .
2π 0 2π 0
On en déduit que
X X
f ⋆ g(x) = c−n (f )c−n (g)e−inx = cn (f )cn (g)einx .
n∈Z n∈Z
1.5. L’IDENTITÉ DE PARSEVAL 21

Cette dernière série converge normalement puisque |cn (f )cn (g)| ≤ (|cn (f )|2 +
|cn (g)|2 )/2. On en déduit que f ⋆ g est continue et l’inégalité de Cauchy-Schwarz
montre que |f ⋆ g(x)| ≤ ||f ||2 ||g||2 . De plus, puisque la convergence est normale,
on a X
< en , f ⋆ g >= cm (f )cm (g) < en , em >= cn (f )cn (g).
m∈Z

2) Si f, g ∈ L2 (S 1 ), alors f g ∈ L1 (S 1 ) et on a ||f g||1 ≤ ||f ||2 ||g||2 . Cela découle


immédiatement de l’inégalité de Cauchy-Schwarz pour les intégrales. Enfin, l’iden-
tité de Parseval et son corollaire montrent que
X X
< en , f g >=< en ḡ, f >= < em , en ḡ > cm (f ) = < em−n , ḡ > cm (f ),
m∈Z m∈Z

ce qui établit l’identité annoncée car < em−n , ḡ > =< en−m , g >= cn−m (g).

Remarque 1.5.6 Si f, g ∈ L1 (S 1 ) et si g est de plus bornée, alors la formule


qui définit plus haut f ⋆ g(x) a encore un sens et définit une fonction continue
et périodique. De plus, l’identité C(f ⋆ g) = C(f )C(g) est encore valable et on a
l’estimation suivante.
max |f ⋆ g| ≤ ||f ||1 max |g|.
Notons B(S 1 ) l’espace des fonctions bornées localement intégrables, périodiques
de période 2π et C(S 1 ) celles qui sont de plus continues. On a les inclusions

C(S 1 ) ⊂ B(S 1 ) ⊂ L2 (S 1 ) ⊂ L1 (S 1 ).

On retiendra les résulats sur les produits en écrivant formellement

L2 (S 1 ) ⋆ L2 (S 1 ) ⊂ C(S 1 ) ; L1 (S 1 ) ⋆ B(S 1 ) ⊂ C(S 1 ).

Théorème 1.5.7 (injectivité de la décomposition) Soit f ∈ L1 (S 1 ). On sup-


pose que tous les coefficients cn (f ), n ∈ Z, sont nuls. Alors
Z 2π
|f (x)| dx = 0.
0

En particulier, Si f est continue, elle s’annulle identiquement.

Démonstration : Supposons d’abord f dans L2 (S 1 ). Alors l’égalité de Parseval


montre que X
||f ||22 = |cn (f )|2 = 0.
n∈Z

Comme ||f ||1 ≤ ||f ||2 , il vient que ||f ||1 = 0, ce qui est la conclusion souhaitée.

Supposons maintenant f ∈ L1 (S 1 ). Alors pour tout g ∈ C(S 1 ), le produit f ⋆g


est continu, donc dans L2 (S 1 ), et on a C(f ⋆g) = C(f )C(g) = 0. Le cas précédent
montre que ||f ⋆ g||1 = 0. D’autre part, d’après le lemme 1.5.2, il existe une suite
22 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER

fn de fonctions continues qui ne s’annulent en aucun point et telle que ||f − fn ||1
converge vers zéro. Posons gn (x) := |fn (−x)|/fn (−x). Alors gn ∈ C(S 1 ), on a
max |gn | ≤ 1 et

|fn ⋆ gn (0)| ≤ max |(fn − f ) ⋆ gn (x)| ≤ ||f − fn ||1


x∈R

converge vers zéro. D’autre part, |fn ⋆ gn (0)| = ||fn ||1 converge vers ||f ||1 , ce qui
montre que ||f ||1 = 0.

1.6 Application aux équations différentielles ordinaires


linéaires périodiques
Nous allons voir que la théorie des séries de Fourier permet de donner les
solutions exactes des équations de la forme suivante.

y (n) (t) + a1 y (n−1) (t) + · · · an y(t) = f (t) (1.3)

où les coefficients ak ∈ C sont des constantes et f : R → C est une fonction


de périodique, de période 2π, et dont nous allons préciser la régularité tout
de suite. On sait que l’équation homogène associée (c’est-à-dire avec f = 0
dans (1.3)) a pour ensemble des solutions un espace vectoriel de dimension n,
qu’une solution est exactement déterminée par ses n − 1 premières dérivées
y(x0 ), y ′ (x0 ), · · · , y (n−1) (x0 ), où x0 est un réel quelconque fixé, et qu’elle est auto-
matiquement de classe C ∞ . Il suffit donc de connaitre une solution de (1.3) pour
toutes les connaitre. Nous allons nous limiter au cas où l’une des solutions est
périodique, de période 2π. Au vu de théorème de Dirichlet, nous supposons aussi
que f est de classe C 0 par morceaux. Si la fonction f a des points de disconti-
nuité, il faut cependant prendre garde que l’équation (1.3) n’a pas à strictement
parler de solution sur R. En effet on peut montrer que la dérivée d’une fonction
dérivable, qu’elle soit continue ou non, vérifie toujours la propriété des valeurs
intermédiaires ( on dit qu’une fonction g a cette propriété si pour tout a < b,
et pour c ∈ [g(a), g(b)], il existe a ≤ t ≤ b tel que g(t) = c). Si y etait solution
de (1.3), le terme de gauche de l’équation devrait donc satisfaire cette propriété,
alors que la fonction f ne la satisfait pas. Cependant, pour les applications, il
est très pratique de ne pas supposer f partout continue. Il faut donc affaiblir la
notion de solution de l’équation (1.3).

Définition 1.6.1 Soit f : R → C une fonction de classe continue par morceaux.


On dit que y : R → C est solution faible de (1.3) si elle de classe C (n−1) et de
classe C n par morceaux, et si elle satisfait l’équation (1.3) sur tout intervalle sur
lequel elle est n fois continûment dérivable.

Supposons qu’une telle solution existe et qu’elle est périodique de période


2π. On peut alors calculer ses coefficients de Fourier et l’on sait que cm (y (k) ) =
1.6. ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES 23

(im)k cm (y). En calculant les coefficients de Fourier des deux termes de l’égalité (1.3),
il vient que
cm (y)P (im) = cm (f ), m ∈ Z,
avec P (X) = X n + a1 X n−1 + · · · + an . En particulier, si P (im) = 0, alors
nécessairement cm (f ) = 0. Le théorème suivant montre que cette condition est
aussi suffisante.

Théorème 1.6.2 Soit f : R → C une fonction périodique, de période 2π, de


classe continue par morceaux. Soient a1 , · · · , an ∈ C des constantes. Pour que
l’équation (1.3) admette une solution faible périodique, de période 2π, il faut et
il suffit que cm (f ) = 0 pour tous les entiers m ∈ Z tels que

P (im) := (im)n + a1 (im)n−1 + · · · + an = 0. (1.4)

De plus, si cette condition est remplie, les solutions faibles périodiques de période
2π sont exactement des fonctions de la forme
X cm (f ) imt X
y(t) = e + dm eimt ,
P (im)
m∈Z,P (im)6=0 m∈Z,P (im)=0

avec dm ∈ C quelconque.

Démonstration : Il s’agit de montrer que la condition (1.4) est suffisante. Re-


marquons tout d’abord que l’on peut supposer que f est nulle en moyenne, c’est-
à-dire que c0 (f ) = 0. En effet, sinon (1.4) entraı̂ne que an 6= 0 et l’on se ramène
au cas où c0 (f ) = 0 en remplaçant f par f˜ := f −c0 (f ) et y par ỹ := y −c0 (f )/an .
Pour lever la difficulté de la non continuité de f . Posons
Z t
F (t) := C + f (x) dx,
0

où C est une constante choisie en sorte que c0 (F ) = 0. Alors F est de classe C 1
par morceaux, continue, et périodique de période 2π. De plus, imcm (F ) = cm (f )
pour tout m ∈ Z. Posons
cm (f )
d0 = 0, dm := , si mP (im) 6= 0,
imP (im)
et choisissons dm quelconque pour les entiers m ∈ Z\{0} tels que P (im) = 0.
Notons que P n’a qu’un nombre fini de zéro ; on a donc P (im) 6= 0 pour |m| ≥ N
avec N assez grand. De plus
X X X |mn−1 cm (f )|
|m|n |dm | = |m|n |dm | +
|P (im)|
m∈Z |m|<N |m|≥N
 1  1
2 2 2
X X mn−1 X
≤ |m| |dm | + 
n   2
|cm (f )|
P (im)
|m|<N |m|≥N |m|≥N
24 CHAPITRE 1. SÉRIES DE FOURIER
X
est une série convergente. La fonction Y (t) := dm eint est de classe C n et par
m∈Z
construction, on a
X X
Y (n) (t)+a1 Y (n−1) (t)+· · ·+an Y (t) = P (im)dm eimt = cm (F )eimt = F (t).
m∈Z m∈Z

La dernière égalité ci-dessus découle du théorème de Dirichlet. Ainsi, la n-ième


dérivée de Y est continue et on a Y (n) = F − a1 Y (n−1) − · · · − an Y . La fonction de
droite de cette égalité est de classe C 1 par morceaux (puique les fonctions Y (k) ,
k ≤ n − 1, sont C 1 et que F est C 1 par morceaux). On en déduit que Y est C n+1
par morceaux. En dérivant l’équation précédente, on a donc, sur tout intervalle
ou Y est C n+1 , c’est-à-dire où f est continue,

Y (n+1) + a1 Y (n) + · · · + an Y ′ = F ′ = f.
P
La fonction y := Y ′ est donc solution de (1.3). De plus, puisque m∈Z |m|n |dm |
converge, la série qui définie Y est dérivable termes à termes, et la fonction y est
de la forme X
y(t) = imdm eimt ,
m∈Z

ce qui est exactement la forme annoncée.


Chapitre 2

Transformation de Fourier

Définition 2.0.3 Soit f : R → C une fonction localement intégrable. On dit que


R +∞
1
f est intégrable ou sommable et l’on écrira f ∈ L si l’intégrale −∞ |f (t)| dt
converge.
On dit que f est de carré intégrable ou de carré sommable et l’on écrira
R +∞
f ∈ L2 si l’intégrale −∞ |f (t)|2 dt converge.

Dans la suite de ce cours, on utilisera les notations usuelles suivantes.


Z sZ
+∞ +∞
||f ||L1 := |f (t)| dt; ||f ||L2 := |f (t)|2 dt.
−∞ −∞

Si J ⊂ R est un intervalle (ou plus généralement une partie mesurable de R), on


notera 1lJ (x) = 1 si x ∈ J et 1lJ (x) = 0 sinon. Alors 1lJ ∈ L1 ∩ L2 si et seulement
si J est borné.
Rappelons l’inégalité de Höder, qui dans ce cas particulier se résume à l’inégalité
de Cauchy-Schwarz : Si f et g sont dans L2 , alors le produit f g est dans L1 et

||f g||L1 ≤ ||f ||L2 ||g||L2 .

Cette inégalité montre en particulier que si f est à support compact, c’est-à-dire,


par définition, si f est nulle (presque partout) en dehors d’un segment de la forme
[a, b], avec −∞ < a < b < +∞, alors f est dans L1 dès qu’elle est dans L2 . En
effet, l’inégalité de Cauchy-Schwarz montre que

||f ||L1 = ||f 1l[a,b] ||L1 ≤ ||f ||L2 b − a < +∞,

Enfin, si f est bornée, on notera ||f ||0 := sup |f (x)|.


x∈R

25
26 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

2.1 L’intégrale de Fourier, premières propriétés


Définition 2.1.1 Soit f ∈ L1 . Alors la transformée de Fourier de f est la
fonction fˆ : R → C définie par l’intégrale
Z +∞
ˆ
f (u) = f (x)e−iux dx.
−∞

Cette fonction est bien définie puisque cette dernière intégrale est absolument
convergente. Elle est de plus bornée puisque pour tout u ∈ R, |fˆ(u)| ≤ ||f ||L1 .

Proposition 2.1.2 Soit f ∈ L1 . Alors


1. ||fb||0 ≤ ||f ||L1 .
2. fˆ est (uniformément) continue.
3. lim fˆ(u) = 0.
|u|→+∞

Démonstration Z: Z
+∞ +∞
1) On a |fb(u)| = −ixu
f (x)e dx ≤ f (x)e−ixu dx = ||f ||L1 .
−∞ R −∞
2) Soit ǫ > 0. Soit A > 0 tel que |u|≥A |f (u)| du ≤ ǫ. Alors
Z +∞ Z A
ˆ ˆ
|f (x + h) − f (x)| ≤ |e−ihu
− 1| |f (u)| du ≤ 2ǫ + |e−ihu − 1| |f (u)| du
−∞ −A
≤ 2ǫ + 2 |sin(hA/2)| ||f ||L1 ≤ 2ǫ + |h|A||f ||L1 ≤ 3ǫ,

pour tout 0 ≤ |h| ≤ α tels que αA||f ||L1 ≤ ǫ.

2) Soit fn ∈ Cc∞ (R) une suite de fonctions de classe C ∞ à support compact


telle que ||f − fn ||L1 → 0. Alors |fˆ(u) − fˆn (u)| ≤ ||f − fn ||L1 , et c
fn converge
uniformément vers fb. Mais une intégration par partie montre que
1 ′
|c
fn |(u) = | fc (u)| ≤ ||fn′ ||L1 /|u|.
iu n

On en déduit que lim c


fn (u) = 0, puis que
u→±∞

lim fb(u) = lim lim c


fn (u) = lim lim c
fn (u) = 0.
u→±∞ u→±∞ n→+∞ n→+∞ u→±∞

La proposition suivante résulte immédiatement de la définition de la transformée


de Fourier et des propriétés élémentaires de l’intégrale. Elle est très utile pour
calculer explicitement des transformées de Fourier en les déduisant d’une liste
connue de transformées.
Pour simplifier l’énoncé, convenons de noter f (a◦+b), pour toute fonction f et
tous réels a, b ∈ R, la fonction définie par x 7→ f (ax+b). Le signe “◦” indique donc
2.1. L’INTÉGRALE DE FOURIER 27

la place virtuelle de la variable “x”. Au brouiilon, on pourra aventageusement


remplacer la notation “f (a ◦ +b)” par “f (ax + b)’, mais en gardant à l’esprit que
cette notation désigne une fonction, et non un nombre réel, valeur de la fonction
évaluée au point x. Cette distinction est particulièrement importante quand la
fonction dépend de paramètres.

Proposition 2.1.3 (Propriétés élémentaires) Soient f, g ∈ L1 . Soient λ, µ ∈


C et τ ∈ R⋆ . Alors on a les propriétés suivantes.
(Linéarité) λf\
+ µg = λfˆ + µĝ.
(Transposition) f\
(−◦) = fˆ(−◦).
ˆ = fˆ(−◦).
(Conjugaison) f¯
(Changement d’échelle) f\
(τ ◦) = 1 ˆ ◦
|τ | f ( τ ).
\
(Translation) f (◦ − τ ) = e−iτ ◦ fˆ.
(Modulation) e\
−iτ ◦ f = fˆ(◦ + τ ).

Exercice 2.1.4 Pour f ∈ L1 , on note fˇ(u) = fb(−u). Vérifier les propriétés


suivantes.
ˇ = fˇˆ.
1. (f ∈ L1 , fb ∈ L1 ) ⇒ fˆ
\ ˇ ˇ
2. (f ∈ L1 , fb ∈ L1 ) ⇒ (∀x ∈ R, f (◦ + x) = fˆ(◦ + x)).
3. f ∈ L1 ⇒ (f¯ ˇ = f¯
ˆ et f¯
ˇ = fˆ¯).

En particulier, il découle immédiatement de l’axiome de conjugaison que la trans-


formation de Fourier préserve la parité.

Proposition 2.1.5 La transformée de Fourier d’une fonction paire est une fonc-
tion paire. La transformée d’une fonction impaire est une fonction impaire.

Nous pouvons préciser ce dernier résultat. Comme dans le cas des séries de Fou-
rier, la transformation de fourier admet aussi une formulation en termes des
fonctions circulaires.

Définition 2.1.6 Pour f : R → C dans L1 , On définit les transformées de


Fourier de f en cosinus et sinus
Z +∞ Z +∞
b
fc (u) = f (x) cos(xu)du = 2 f+ (x) cos(xu) du
Z −∞
+∞ Z o
+∞
fbs (u) = f (x) sin(xu)du = 2 f− (x) sin(xu) du
−∞ o

où f+ (x) = 21 (f (x) + f (−x)) est la partie paire de f et f− (x) = 21 (f (x) − f (−x))
est sa partie impaire.
28 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Proposition 2.1.7 La fonction fbc est paire, la fonction fbs est impaire et
fˆ = fbc − ifbs .
On retrouve les mêmes propriétés de symétries que pour les séries de Fourier.
Corollaire 2.1.8
1. La transformée de Fourier d’une fonction paire et réelle est une fonction
paire et réelle.
2. La transformée de Fourier d’une fonction paire et imaginaire pure est une
fonction paire et imaginaire pure.
3. La transformée de Fourier d’une fonction impaire et réelle est une fonction
impaire et imaginaire pure.
4. La transformée de Fourier d’une fonction impaire et imaginaire est une
fonction impaire et réelle.
Enfin, en prévision de la formule de réciprocité de Fourier que nous établirons
plus loin, terminons ce paragraphe par une jolie formule.
Proposition 2.1.9 Si f et fˆ sont dans L1 , alors
Z +∞ Z Z
1 ˆ iux 1 +∞ b 1 +∞ b
f (u)e du = fc (u) cos(xu) du + fs (u) sin(xu) du.
2π −∞ π o π o
Démonstration :

Z +∞
R +∞
1
2π −∞ fˆ(u)eiux du = fˆ(u)(cos(xu) + i sin(xu) du
Z−∞
+∞
= (fbc (u) − ifbs (u)(cos(xu) + i sin(xu)) du
Z−∞
+∞
= (fb(u) cos(xu) + fbs (u) sin(xu)) du
Z−∞
+∞
+i (fbc (u) sin(xu) − fbs (u) cos(xu)) du.
−∞

Mais la fonction u 7→ fbc (u) sin(xu) − fbs (u) cos(xu) est impaire. La dernière inté-
grale est donc nulle.
Remarque 2.1.10 D’autre conventions sont possibles pour définir l’intégrale de
Fourier. On aurait tout aussi bien pu choisir les intégrales
Z +∞
1
√ f (x)e−ixu du,
2π −∞
ou bien encore Z +∞
f (x)e−2πixu du.
−∞
Ces trois conventions ont chacunes leurs avantages et leurs inconvéniants, et sont
malheureusement toutes trois largement répandues dans la littérature.
2.2. CALCULS DE TRANSFORMÉES DE FOURIER 29

2.2 Calculs de transformées de Fourier


Ces exemples sont à connaı̂tre par coeur.
 ( sin u
1 pour |x| ≤ 1 2 , pour u 6= 0,
1) Si f (x) = , alors fˆ(u) = 2sinc(u) = u
0 pour |x| > 1 2, pour u = 0.
  
1 − |x| pour |x| ≤ 1, sin(u/2) 2
2) Si f (x) = alors fˆ(u) = .
0 pour |x| > 1, u/2
n! Γ(n + 1)
 fˆ(u) = = ,
xn e−x pour x > 0, (1 + iu)
Z
n+1 (1 + iu)n+1
3) Si f (x) = alors +∞
0 pour x ≤ 0,
avec Γ(z) = e−t tz−1 dt.
0
La première expression est valable pour tout n ∈ N, la seconde pour tout nombre com-
plexe tel que ℜe(n) > 0.
2
4) Si f (x) = e−|x| , alors fˆ(u) = .
1 + u2

5) Si f (x) = e−x , alors fˆ(u) = πe−u /4 .
2 2

Cette fonction joue un rôle important dans la théorie des probabilités : elle intervient
dans la définitions des lois dites gaussiennes. Nous allons démontrer soigneusement ce
2
résultat. La fonction x 7→ −ixe−x e−ixu est normalement intégrable. Le théorème de
dérivation montre que fˆ est dérivable et
Z +∞ h i+∞ Z +∞
2 2 2
fˆ′ (u) = −i xe−x e−ixu du = ie−x /2e−ixu − u/2 e−x e−ixu du,
−∞ −∞ −∞

par une intégration par parties. Ainsi fˆ est solution de l’équation différentielle ordinaire
2
linéaire y ′ = xy/2. La fonction fˆ est donc de la forme Ae−u /4 . Il reste à calculer
A = fˆ(0). Nous allons pour cela considérer la fonction auxilière
Z 1 −x2 (1+t2 )
e
F (x) = dt.
o 1 + t2
Par le théorème de dérivation sous le signe intégrale puis le changement de variable u = xt
R1 2 2 2 R1 2 2
F ′ (x) = −2x o e−x (1+t ) dt = −2xe−x o e−x t dt
2 Rx 2
= −2e−x o e−u du = −2 G′ (x)G(x)
Rx 2 R 1 dt
avec G(x) = o e−u du. Ainsi la fonction F + G2 est constante et vaut F (0) = 0 1+t 2 =

π/4. D’autre part


Z 1
2 dt 2
F (x) ≤ e−x 2
= π/4 e−x
o 1 + t
converge vers zéro quand x tend vers +∞. On en déduit que G2 (x) tend vers π/4 quand
x tend vers +∞. Puisque G est positive, il vient que
Z +∞ p
2 √
e−u du = 2 lim G(x) = 2 π/4 = π.
−∞ x→+∞
30 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

2.3 La classe des fonctions à décroissance rapide


Comme nous le verrons, parmi d’autres applications la transformée de Fou-
rier est un outil performant pour résoudre des équations aux dérivées partielles
linéaires. Nous allons étudier dans cette partie le lien entre la transformation de
Fourier et l’opération de dérivation. Il se présente ici une difficulté. La trans-
formée de Fourier d’une fonction, même de classe C ∞ , n’est pas nécessairement
partout dérivable.
Par exemple, la fonction définie par g(x) = 2/π sinc2 (x) a pour transformée
de Fourier la fonction ĝ(u) = 2 − |u| sur [−2, 2] et g(u) = 0 pour |u| ≥ 2, qui n’est
pas dérivable aux points 0, −2 et 2.
Nous allons introduire un espace de fonctions, stable par dérivation et par
transformation de Fourier, à rapprocher de l’espace des suites de coefficients de
Fourier des fonctions C ∞ périodiques de période 2π. Cet espace nous servira de
trait d’union entre l’intégrale de Fourier et la théorie des séries de Fourier. Nous
verrons en effet comment un lemme du type des sommes de Riemann nous permet
de réduire les résultats de ce chapitre à des énoncé sur les séries.

Définition 2.3.1 On dit qu’une fonction f sur R à valeurs réelles ou complexes


est à décroissance rapide si elle est de classe C ∞ et si pour tous entiers k, n ∈
N, il existe une constante Mk,n > 0 telle que |x|k |f (n) (x)| ≤ Mk,n . L’ensemble
des fonctions qui ont cette propriété forme un espace vectoriel que l’on note S.

Exemples : les fonctions u(x) = exp(−x2 ), v(0) = 0 et v(x) = exp −(x − 1/x)2 
pour x 6= 0, w(x) = exp(−ex ) ex , la fonction définie par f (x) = exp −(1 − x2 )−1
pour |x| < 1 et nulle ailleurs, et plus généralement les fonctions C ∞ nulle en dehors
d’un intervalle borné (c’est-à-dire à support compact) sont dans S. Notons aussi
que le produit de deux fonctions de S, et aussi le produit d’une fonction de S et
2
d’une fonction dont toutes les dérivées sont bornées (par exemple cos(αx)e−βx
avec β > 0 et α ∈ R), est dans la classe S.

Notation 2.3.2 Dans la suite, pour f ∈ S, on notera

Mk,n (f ) := sup |xk f (n) (x)|.


x∈R

Nous allons étudier plusieurs opérations naturelles T : S → S. Une telle opération


S S
sera dite continue si pour toute suite fn −→ f , on a T (fn )−→T f .

Définition 2.3.3 On dit qu’une suite de fonctions fn ∈ S converge vers f ∈ S


S
et l’on note fn −→f si pour tout k, p ≥ 0 on a

lim Mk,p (fn − f ) = 0.


n→+∞

Notons que la transformation de Fourier d’une fonction f ∈ S existe toujours, en


vertu de la propriété suivante.
2.3. LA CLASSE DES FONCTIONS À DÉCROISSANCE RAPIDE 31

S
Proposition 2.3.4 On a S ⊂ L1 ∩ L2 . De plus, si fn −→f , alors ||fn − f ||L1 et
||fn − f ||L2 convergent vers zéro.

Démonstration : On a
M0,0 (f ) + M2,0 (f )
|f (x)| ≤ .
1 + x2
Il s’en suit que ||f ||L1 ≤ π(M0,0 (f ) + M2,0 (f )). Toute fonction de S est donc bien
intégrable et la continuité de l’inclusion S ⊂ L1 découle de l’estimation ci-dessus.
Le résultat analogue pour l’inclusion S ⊂ L2 se ramène au précédent parce que
l’application L2 → L1 qui à f associe f 2 est continue.

Lemme 2.3.5 (d’approximation, admis) Soient ǫ > 0 et f : R → C. Alors


on a les trois propriétés suivantes.
(i) Si f ∈ L1 , alors il existe g ∈ S telle que ||f − g||L1 ≤ ǫ.
(ii) Si f ∈ L2 , alors il existe g ∈ S telle que ||f − g||L2 ≤ ǫ.
(iii) Si f ∈ L1 ∩L2 , alors il existe g ∈ S telle que ||f −g||L1 ≤ ǫ et ||f −g||L2 ≤ ǫ.

Exercice 2.3.6  
1
1. Montrer que la fonction f définie par f (x) = exp − 1−x 2 pour |x| ≤ 1 et

par f (x) = 0 pour |x| > 1 est de classe C .
2. Montrer qu’il existe une fonction g : R → [0, 1] telle que g(x) = 0 pour
x ≤ −1 et g(x) = 1 pour xR ≥ 0 (on pourra la construire à partir de la
x
fonction définie par F (x) := 0 f (t) dt).
3. Pour R > 0, on définit une fonction χR : R → [0, 1] en posant χR (x) =
g(x + R) si x ≤ R et χR (x) = g(R − x) si x > −R. Montrer que χR est bien
définie, que χR = 1 sur [−R, R], que χR (x) = 0 pour |x| > R + 1.
4. En déduire que pour tout f ∈ S, il existe une suite fn ∈ Cc∞ de fonctions
S
C ∞ à support compact telle que fn −→f (Considérer la suite χn f ).

Exercice 2.3.7 Soient f, g ∈ S. On pose gǫ (x) := g(ǫx) pour ǫ ∈ R.


1. Montrer que pour tout n ∈ N, (gǫ )(n) (u) = ǫn g(n) (ǫu) et que
n 
X 
(n) n
(f gǫ ) = f (n−ℓ) (gǫ )(ℓ) .

ℓ=0
2. Em déduire que pour 0 ≤ ǫ ≤ 1, on a
n 
X 
n
Mk,n (f (gǫ − g(0))) ≤ Mk,0 (f (n) (gǫ − g(0))) + ǫ M0,ℓ (g)Mk,n−ℓ (f ).

ℓ=1
(n)
3. Montrer que Mk,0 (f (gǫ − g(0)) ≤ ǫMk+1,n (f )M0,1 (g). En déduire que
S
f gǫ −→f g(0) quand ǫ → 0.
32 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Proposition 2.3.8 On note D(f ) := f ′ et L(f ) : x 7→ ixf (x).


[) = L(fˆ).
1. f ∈ S⇒D(f ) ∈ S et (Df
[).
2. f ∈ S⇒L(f ) ∈ S et D(fb) = −L(f
3. f ∈ S⇒fb ∈ S.
De plus, les opérations f 7→ D(f ), f 7→ L(f ) et f 7→ fb sont continues sur S.

Démonstration : Soit f ∈ S
• On a Mk,n (f ′ ) = Mk,n+1 (f ) ; Mk,n (L(f )) ≤ Mk+1,n (f ) + nMk,n−1 (f ). L’égalié
est évidente, l’inégalité vient de la relation

(xf (x))(n) = nf (n−1) (x) + f (n) (x).

On en déduit immédiatement que f ′ et L(f ) sont des fonctions à décroissance


rapide et que les opérations L et D sont continues.
[). vient du théorème de dérivation puisque
• L’identité D(fˆ) = −L(f
Z +∞ Z +∞

(f (u)e−ixu )du = − iuf (u)e−ixu du
−∞ ∂x −∞

converge normalement (car |uf (u)| ≤ (M1,0 (f ) + M3,0 (f ))/(1 + u2 )).


[) = L(fˆ) s’obtient par intégration par parties :
• L’identité (Df
Z +∞
ixe−ixu f (u) du = [−eixu f (u)]+∞ d ′ d ′
−∞ + (f )(x) = (f )(x)
−∞

puisque |f (x)| ≤ M1,0 /|x| converge vers zéro quand |x| → +∞.
• Que fˆ soit à décroissance rapide découle immédiatement de l’estimation
 
n ˆ(p) dn \ p
|(ix) f (x)| = ((−iu) f ) (x) ≤ π(M0,0 + M2,0 )(((−ix)p f )(n) )
dun

et de ce que ((−ix)p f )(n) = (−1)p D n Lp (f ). La continuité de la transformation


de Fourier découle alors de la continuité de D et L.

Nous allons maintenant démontrer le résultat fondamental qui nous permet de


déduire de la théorie des séries de Fourier les théorèmes principaux sur l’intégrale
de Fourier.
2.3. LA CLASSE DES FONCTIONS À DÉCROISSANCE RAPIDE 33

Lemme 2.3.9 (Sommes de Riemann) Soit Z +∞f ∈ S et a > 0. Alors la série


X X
f (na)a converge et lim f (na)a = f (t) dt.
a→0+ −∞
n∈Z n∈Z

Démonstration : Pour A > 0 fixé, la théorie d’intégration de Riemann


R A montre
que les sommes de Riemann de f sur [−A, A] convergent vers l’intégrale −A f (x) dx
quand le pas de la subdivision converge vers zéro. On a donc
X Z A
lim af (ka) = f (t) dt.
a→0+ −A
a|k|≤A

M2,0 (f ) M2,0 (f )
D’autre part, on a |f (ka)| ≤ 2 2
≤ . On en déduit que
k a |k|(|k| − 1)a2

X 2 X  1 1

2M2,0 (f ) 2M2,0 (f )
af (ka) ≤ M2,0 (f ) − ≤ ≤ ,
a k−1 k a[A/a] A−a
|k|a>A ka>A

où [A/a] est la partie entière de A/a, unique entier p tel que p ≤ A/a < p + 1.
On a donc, pour a0 > 0 fixé et pour tout 0 < a < a0 ,
X X
lim af (ka) = f (na)a.
A→+∞
a|k|≤A n∈Z

De plus la convergence de cette limite est uniforme pour a ∈ (0, a0 ). On peut


donc échanger les limites.
X X X
lim f (na)a = lim lim af (ka) = lim lim af (ka)
a→0+ a→0+ A→+∞ A→+∞ a→0+
n∈Z a|k|≤A a|k|≤A
Z A Z +∞
= lim f (t) dt = f (t) dt.
A→+∞ −A −∞

Théorème 2.3.10 (Formule de réciprocité) Soit f ∈ S. Alors


Z +∞
1
∀x ∈ R, f (x) = fˆ(u) eixu du.
2π −∞

Démonstration : Supposons d’abord que f est à support compact, c’est-à-dire


que f s’annule en dehors d’un intervalle de la forme [−R, R], avec R > 0. Alors
appliquons le théorème de Dirichlet pour les séries à la fonction g périodique, de
période 2R, et qui coincide avec f sur [−R, R]. On a pour |x| ≤ R
X   Z R    
ikπx 1 ikπt 1 b kπ
f (x) = ck exp avec ck := f (t) exp − dt = f .
R 2R −R R 2R R
k∈Z
   
1 X b kπ ikπx π 1 ˆˆ
D’où f (x) = f exp → f (−x)
2π R R R 2π
k∈Z
34 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

quand R → +∞ d’après le lemme des sommes de Riemann.


Si f ∈ S n’est pas à support compact, il existe une suite de fonctions fn ∈ C ∞
S ˇ
à support compact telle que fn −→f . Alors 2πfn = fˆn . D’où la formule annoncée
en passant à la limite, puisque la transformation de Fourier est continue sur S.

Exercice 2.3.11 On sait que si f (x) = e−x , alors fb(u) = αe−u /4 avec α > 0.
2 2

ˆ
1. Déduire de l’axiome de changement d’échelle que fˆ = 2α2 f .

2. Retrouver à l’aide de la formule de réciprocité que α = π.

Théorème 2.3.12 (Parseval-Plancherel) Si f ∈ S, alors


1 b 2
||f ||2L2 = ||f ||L2 .

Démonstration : • Supposons d’abord que f est C ∞ à support compact, c’est-
à-dire qu’il existe un réel R > 0 tel que f (t) = 0 pour |t| ≤ R. Alors soit f˜ : R → C
la fonction périodique de période 2R qui coı̈ncide avec f sur [−R, R]. Le théorème
de Parseval pour les séries de Fourier montre que
Z R Z R
1 2
X
2 1 1 ˆ  nπ 
|f (t)| dt = |cn | , avec cn := f (t)e−inπ/R dt = f .
2R −R 2R −R 2R R
n∈Z

On en déduit avec le lemme des sommes de Riemann que


Z +∞ Z R Z
2 2 1 X π ˆ 2  nπ  1 +∞ ˆ
|f (t)| dt = |f (t)| dt = f → |f (u)|2 du.
−∞ −R 2π R R 2π −∞
n∈Z

• Si f est à décroissance rapide, il existe une suite fn de fonctions à support com-


S
pact telle que fn −→f . On a 2π||fn ||2L2 = ||cfn ||2L2 d’après l’étude du cas précédent.
Mais fn et fˆn convergent dans L vers f et fˆn respectivement. D’où L’identité
2

annoncée en passant à la limite.

Théorème 2.3.13 (Échange) Pour f, g ∈ S, on a


Z +∞ Z +∞
b
f (x)g(x) dx = f (x)b
g (x) dx.
−∞ −∞

Démonstration : Le théorème de réciprocité montre que la transformée de


Fourier réalise une bijection de S sur lui-même. On peut donc supposer que
f =bh, avec h ∈ S. On applique alors le théorème de Plancherel à h et g.
Z Z Z +∞
1 +∞ 1 +∞b
f (x)b
g(x) dx = h(x)b g (x) dx = h̄(x)g(x) dx.
2π −∞ 2π −∞ −∞

b ˇ
Mais l’axiome de conjugaison montre que fb = b
h = ĥ = 2π h̄, ce qui montre
l’identité annoncée.
2.4. TRANSFORMATION DE FOURIER DANS L1 35

2.4 Transformation de Fourier dans L1


Le but de cette partie est d’étendre aux fonctions L1 les résultats de l’intégrale
de Fourier démontrées dans S.
Lemme 2.4.1 (Intégration par parties) Soit f ∈ L1 et −∞ < a < b < +∞.
On note χ[a,b] (t) = 1 si a ≤ t ≤ b et χ[a,b] (t) = 0 sinon. Alors
Z x
 
−ixu b
χ\[a,b] f (u) = I(f )e + iu χ \
[a,b] I(f )(u), avec I(f )(x) := f (u) du.
a
−∞

Démonstration : La formule est celle de l’intégration par partie classique si


f ∈ C 0 ∩ L1 . Si f ∈ L1 , il existe une suite de fonctions fn ∈ Cc∞ (R) à support
compact telle que ||f − fn ||L1 → 0. Alors I(fn ) converge uniformément sur R
vers I(f ). On en déduit que χ[a,b] I(fn ) converge en norme L1 vers χ[a,b] I(f ),
\
puis que χ[a,b] \
I(fn ) converge unifomément vers χ[a,b] I(f ) sur R. D’autre part,
χ[a,b] fn converge en norme L1 vers χ[a,b] f donc χ\ [a,b] fn converge uniformément
\
vers χ[a,b] f . L’identité s’obtient donc en passant à la limite.
Rx
Proposition 2.4.2 (Primitive) Soit f ∈ L1 et I(f )(x) := −∞ f (u) du. Si
Z +∞
1
I(f ) ∈ L alors d)(u).
f (x) dx = 0 et fb(u) = iu I(f
−∞
R +∞
Démonstration : Si f ∈ L1 , alors −∞ f (x) dx = limx→+∞ I(f )(x) existe.
Cette limite ne peut être que nulle si I(f ) ∈ L1 . L’identité de l’énoncé s’obtient
alors en faisant une intégration par parties, puis en passant à la limite quand
a → −∞ et b → +∞.
Proposition 2.4.3 (Dérivation) Soit f ∈ L1 . On définit L(f )(x) := ixf (x).
[).
Si L(f ) ∈ L1 , alors fb est dérivable et D(fb) = −L(f
Démonstration : c’est une application directe du théorème de dérivation sous
le signe intégrale.
Z +∞ Z +∞
1
Théorème 2.4.4 (Échange) ∀f, g ∈ L , b
f (x)g(x) dx = f (x)b
g(x) dx.
−∞ −∞

Démonstration : Il existe deux suites de fonctions fn ∈ S et gn ∈ S telles que


fn → f et gn → g dans L1 . En particulier ||fn ||L1 converge vers ||f ||L1 . De plus
on a les inégalités suivantes.
||fn gbn − f b
g||L1 ≤ ||fn gbn − fn bg||L1 + ||fn b
g − fb g||L1 ,
≤ ||gbn − b g ||0 ||fn − f ||L1 ,
g||0 ||fn ||L1 + ||b
≤ ||fn ||L1 ||gn − g| |L1 + ||g||L1 ||fn − f ||L1 .

g dans L1 . Mais par symétrie c


On en déduit que fn gbn converge vers f b fn gn converge
de même vers fbg dans L . D’où le résultat en passant à la limite dans l’identité
1

correspondante pour fn et gn .
36 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Théorème 2.4.5 (Formule de réciprocité) Si f ∈ L1 et si fˆ ∈ L1 , alors


pour tout x ∈ R où f est continue,on a
Z +∞
1
f (x) = fˆ(u) eixu du.
2π −∞

Démonstration : En posant fx (t) := f (t+x), on a fbx (u) = fˆ(u) exp(ixu). On se


ramène ainsi au cas où x = 0. Quitte à remplacer f par x 7→ f (x)−f (0)exp(−x2 ),
on peut aussi supposer que f (0) = 0. Pour α > 0, on a alors successivement
Z +∞ Z +∞
1 1 
f (u) e\
2
fb(x)e−αx /2 dx = −αx2 /2 (u) du
2π −∞ 2π −∞
Z +∞ 2
1 e−u /2α
= √ f (u) √ du
2π −∞ α
Z +∞
1 √ 2
= √ f ( αu)e−u /2 du.
2π −∞

Puisque fˆ ∈ L1 , le théorème de convergence dominée montre que le terme de


ˆ
gauche converge vers 1 fˆ(0) quand α tend vers zéro. Examinons mainteant le

terme de droite en le découpant en deux morceaux.
Z √1 Z +∞
α
−x2 /2 2
|f (αx)|e dx ≤ sup √
|f (x)| e−x /2 dx → 0
− √1α |x|≤ α −∞
Z  
2 /2 1 1
et |f (αx)|e−x dx ≤ ||f ||L1 exp − → 0.
α 2α
|x|≥ √1
α

La première limite se calcule en effet en notant que f est continue en zéro. Le


ˆ
terme de droite converge donc bien vers zéro et on en déduit que fˆ(0) = 2πf (0).

Le résultat qui suit, à rapprocher du théorème de Dirichlet pour les séries,


montre que pour pouvoir inverser la formule de Fourier en point x donné, il
suffit de connaı̂tre le comportement de f au voisinage : si l’on modifie f dans le
complémentaire d’un intervalle ouvert centré en x, l’objet global fb sera modifié
en tout point, mais pas la valeur de la limite donnée par le théorème.

Théorème 2.4.6 (Principe de localisation) Soit f ∈ L1 . Soit x ∈ R. On


suppose que les limites à droite et à gauche f (x + 0) et f (x − 0) existent, et que
les dérivées à droite et à gauche fd′ (x) et fg′ (x) existent. Alors
Z R
1 1
lim fˆ(u)eiux du = (f (x + 0) + f (x − 0)).
R→+∞ 2π −R
2
2.5. TRANSFORMATION DE FOURIER DANS L2 . 37

Démonstration : En posant fx (t) = f (t + x), on a fbx (u) = eixu fb. On peut


donc supposer que x = 0. De plus, le théorème 2.3.10 montre que la formule
à démontrer vaut pour la fonction exp(−x2 ). Ainsi, quitte à remplacer f par
x 7→ f (x) − (f (0+) + f (0−)) exp(−x2 )/2, on peut supposer en toute généralité
que f (0+) + f (0−) = 0. Appliquons le théorème de l’échange.
Z R Z +∞   Z +∞ Z +∞
ˆ u ˆ sin(Rt)
f (u) du = χ f (u) du = Rbχ(Rt)f (t) dt = 2 f (t) dt,
−R −∞ R −∞ −∞ t

avec χ = 1l[−1, 1] . Les hypothèses sur f montrent que la fonction t 7→ f+ (t)/t est
intégrable, avec f+ (t) = (f (t) + f (−t))/2. On a alors
Z Z Z
1 R
1 +∞
sin(Rt) 1 +∞
f+ (t) i\
f+ (t)
fˆ(u)du = f (t) dt = sin(Rt) dt = (R).
2π −R π −∞ t π −∞ t π t
En tant que transformée de Fourier, le terme de droite tend vers zéro quand R
tend vers l’infini.

2.5 Transformation de Fourier dans L2.


La transformée d’une fonction L1 n’est pas nécessairement L1 (considérer
la transformée de 1l[−1.1] ). Cet espace fonctionnel n’est donc pas parfaitement
adapté à la transformation de Fourier. Nous allons voir qu’il vaut mieux, quand
c’est possible, travailler dans L2 .

Proposition 2.5.1 Si L1 ∩ L2 , alors fˆ ∈ L2 ∩ C 0 et


Z +∞ Z
2 1 +∞ b 2
|f (t)| dt = |f (u)| du.
−∞ 2π −∞

Démonstration : Le lemme d’approximation montre qu’il existe une suite de


fonctions de fn ∈ S qui converge vers f en norme L1 et L2 . De plus ||c fn −
b c b
f ||0 ≤ ||fn − f ||L1 et ainsi fn converge uniformément sur R vers f . D’autre part,
| ||fn ||L2 − ||f ||L2 | ≤ ||fn − f ||L2 converge vers zéro. Donc ||fn ||2L2 converge vers
||f ||2L2 . Mais on a dans S l’identité 2π||fn ||2L2 = ||fˆn ||2L2 . Ainsi, on a
Z R Z +∞
RR
b 2 |c
fn (t)|2 dt ≤ lim |c
fn (t)|2 dt
−R |f (t)| dt = limn→+∞ −R n→+∞ −∞
Z +∞ Z +∞
= 2π lim |fn (t)|2 dt = 2π |f (t)|2 dt.
n→+∞ −∞ −∞

Et cela pour tout R > 0. On a donc fb ∈ L2 et de plus, ||fb||2L2 ≤ 2π||f ||2L2 . Mais
fn ||2L2 converge vers ||fb||2L2 .
cette inégalité, appliquée à fn −f , montre que la suite ||c
Ainsi, en passant une nouvelle fois à la limite dans l’identité ||c fn ||2L2 = 2π||fn ||2L2 ,
on obtient que ||fb||2L2 = 2π||f ||2L2 , ce qui est bien l’identité annoncée.
38 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Cette proposition invite à étendre la définition de la transformation de Fourier


à L2 tout entier, considéré comme espace de Hilbert. Pour tout h ∈ L2 , on note
Z +∞
♭(h)(g) := (h|g)L2 := h̄(x)g(x) dx.
−∞

Alors le théorème de Riesz affirme que la transformation ♭ : L2 7→ (L2 )⋆ : h 7→ ♭(h)


est une bijection isométrique. Pour 2
√ f ∈ L et g ∈ S, posons T f (g) := (f |ǧ)L2 .
Alors |Tf (g)| ≤ ||f ||L2 ||ǧ||L2 = 2π||f ||L2 ||g||L2 . Aussi Tf se prolonge
√ en une
2
unique forme linéaire continue Tf : L → C sur C avec ||Tf || ≤ 2π||f ||L2 . On
définit alors
F2 (f ) := ♭−1 ◦ Tf .
Notons que si f ∈ L1 ∩ L2 , alors la proposition 2.5.1 montre que Tf (ĝ) = (fb|b g)
au sens de la théorie dans L1 , pour tout g ∈ S. Aussi F2 (f ) = fˆ dans ce cas.
Définition 2.5.2 Pour tout f ∈ L2 , il existe une unique fonction h ∈ L2 telle
que Z +∞ Z +∞
∀g ∈ S, h̄(x)g(x) dx = f¯(x)ǧ(x) dx.
−∞ −∞
La fonction h s’appelle la transformée de Fourier dans L2 de la fonction f .
Si f ∈ L1 ∩ L2 , cette définition coı̈ncide avec la transformation dans L1 . Aussi
continuera-t-on de noter fb la transformée de Fourier.

Théorème 2.5.3 La transformation L2 → L2 : f 7→ fb/ 2π est isométrique et
ˆ
bijective. De plus, pour tout f ∈ L2 , on a fˆ(−u) = 2πf (u) pour presque tout u.
Démonstration : • √La transformation est isométrique.
On a ||bh||L2 = ||Th || ≤ 2π||h||L2 pour tout h ∈ L2 , ce qui démontre la continuité
de la transformation de Fourier dans L2 .
Soit f ∈ L2 . Il existe alors une suite de fonctions fn ∈ S telle que ||f −fn ||L2 →
0. En particulier lim ||fn || = ||f ||. De plus, la continuité de la transformation de
Fourier dans L2 montre que lim ||fˆn || = ||fˆ||. Or le théorème de Parseval dans S
√ √
montre que 2π||fn || = ||c fn ||. On en déduit que 2π||f || = ||fb|| en passant à la
limite.
• La transformation est bijective.
ˇ
Le théorème d’inversion dans S montre que fˆˇn = fˆn = 2πfn . Cette identité
est valable ponctuellement en tout point de R, mais aussi globalement pour fn
considérée en tant que fonction L2 . Pour f ∈ L2 , on pose fˇ(u) = fˆ(−u). On
obtient ainsi une fonction définie presque partout représentant une fonction de
L2 . Comme les opérations f 7→ fb et f 7→ fˇ sont continue dans L2 , on en déduit
ˇ = fˇˆ = 2πf dans L2 , ce qui établit la bijectivité de
en passant à la limite que fˆ
la transformation de Fourier dans L2 .
ˇ
• Enfin, si fˆ = 2πf dans L2 , alors ces deux fonctions coı̈ncident presque partout
ˆ
et ainsi fˆ(−u) = 2πf (u) pour presque tout u.
2.5. TRANSFORMATION DE FOURIER DANS L2 . 39

Corollaire 2.5.4 (Parseval-Plancherel) Si f, g ∈ L2 , alors fb, gb ∈ L2 et


Z +∞ Z +∞
1
f¯(t) g(t) dt = fb̄(u) b
g(u) du.
−∞ 2π −∞

En particulier Z Z
+∞ +∞
|fb(u)|2 dx = 2π |f (x)|2 dx
−∞ −∞

pour tout f ∈ L2 .
En physique, le terme de droite peut s’interpréter comme une
énergie. Le terme de gauche est la décomposition en fréquences de cette énergie.
Attention : Bien noter que les transformations de Fourier dans L1 et dans L2 ne
sont pas définies de la même façon. Si f ∈ L1 , alors fb est une fonction continue
sur R. Si f ∈ L2 \L1 , la fonction fb est dans L2 et fb(u) est défini a priori seulement
presque partout. En particuler fb n’a pas en général de représentant continu et ne
converge pas nécessairement vers zéro à l’infini.

Proposition 2.5.5 (méthode pratique de calcul) Soit f ∈ L2 . On note


Z A
ϕA (t) := f (x)e−ixu dx.
−A

Alors
1. ||fb − ϕA ||L2 → 0 quand A → +∞.
2. Inversement, on suppose qu’il existe une suite An → +∞ et une fonction
g : R → C mesurable telle que la suite ϕAn (u) converge vers g(u) pour
presque tout u. Alors g ∈ L2 et g = fb.

Démonstration : 1) Notons χA (t) = 1 si |t| ≤ A et χA (t) = 0 sinon. Alors


la fonction χA f est L2 et à support dans [−A, A]. Donc χA f ∈ L1 ∩ L2 . En
particulier f χA ∈ L1 . La formule de la transformée de Fourier dans L1 montre
alors que fd χA = ϕA . De plus, ||f χA − f ||L2 → 0 quand A → +∞ d’après le
théorème de convergence
√ dominée. Le théorème de Plancherel montre alors que
||fd
χA − fb||L2 = 2π||f χA − f ||L2 → 0.
2) On vient de voir que ||f[ χAn − fb||L2 → 0. On peut donc extraire une sous-
suite f χAψ (n) qui converge presque partout vers fb. Mais d’autre part f \
\ χAψ (n)
converge vers g presque partout. Donc à un ensemble de mesure nulle près, on a
g = fb et g représente bien un élément de L2 .

Exercice 2.5.6 Soit f ∈ L2 . Montrer que pour toute suite An → +∞, il existe
une sous suite An′ telle que
Z An′
1
f (x) = ′ lim fb(u)eixu du presque partout.
n →+∞ 2π −An′
40 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Exemples
1) Calculons la transformée de Fourier de la fonction sinc : u 7→ sin(u)/u. Notons
que cette fonction est L2 . De plus sinc = 12 χ
b avec χ(t) = 1 si |t| ≤ 1 et χ(t) = 0
si |t| > 1. Comme la fonction χ est de classe C 1 par morceaux et L1 , le principe
de localisation montre que

Z A  0 si |u| > 1,
1 sin x −ixu
lim e du = 1/4 si |u| = 1,
A→+∞ 2π −A x 
1/2 si |u| < 1.

d = πχ presque partout. En particulier la formule de


On en déduit que sinc
Parseval-Plancherel donne
Z +∞ 2 Z
sin u 2 1 2 π2 1
du = ||sinc||L2 = ||πχ||L2 = dt = π.
−∞ u2 2π 2π −1

Remarquons qu’il n’existe pas de fonction continue qui coı̈ncide presque partout
avec la fonction πχ. On retrouve ainsi que la fonction sinc ne peut être L1 .
2) Calculons la transformée de Fourier dans L2 de la fonction f (x) := x/(x2 + 1).
On commence par décomposer cette fraction en éléments simples sur C.
 
x 1 1 1
= + .
x2 + 1 2 x+i x−i

1 i \ u (x),
=− = −iH(−u)e
D’autre part, on a x+i 1 − ix
1 i \−u (x).
= = iH(u)e
x−i 1 + ix
D’où
f (x) = i/2(H(u)e−u\ \−|u| (x),
− H(−u)eu )(x) = i/2 sign(u)e
1 si u > 0,
avec sign(u) = 0 si u = 0,
−1 si u < 0.
Comme la fonction u 7→ sign(u)e−|u| est dans L2 , le théorème d’inversion dans
L2 donne que fb(u) = −iπ sign(u)e−|u| .
3) Si f (x) = χ(x/a)(1 − |x|/a), alors fˆ(u) = sinc2 (ua/2). D’où par le théorème
de Plancherel,
Z +∞  
sin au 4 2π 3
du = ||fb||2L2 = |a| .
−∞ u 3
4) Si f (x) = χ(x/a) et g(x) = χ(x/b), alors le théorème de Plancherel donne
Z +∞ Z Z
sin ax sin bx 1 +∞ b π +∞ ¯
dx = f (t)b
g(t) dt = f (t)g(t) dt = π min(a, b).
−∞ x2 4 −∞ 2 −∞
2.6. LE PRODUIT DE CONVOLUTION 41

2.6 Le produit de convolution


Convolution : substantif féminin.
A.- Littéraire et rare. Action de s’enrouler sur soi-même ou autour d’un autre
corps (cf. circonvolution). Les convolutions silencieuses de la buée opaque qui se
nouaient et se dénouaient en l’air (Cendrars, in L’homme foudroyé, 1945, p. 40).
B.- En mathématique, opération par laquelle deux fonctions sont mises dans un
rapport suggérant une sorte d’enroulement de l’une sur l’autre.

(Source : les trésors de la langue française informatisés :


http : //zeus.inalf.fr/)

Définition 2.6.1 (cas des fonctions à décoissance rapide) Soient f, g ∈ S.


Le produit de convolution de f et de g est la fonction définie sur R par
Z +∞
f ⋆ g(x) = f (t)g(x − t) dt.
−∞

Théorème 2.6.2 Si f, g ∈ S, alors f ⋆ g ∈ S et

f[
⋆ g = fb b
g (2.1)
1 b
g = fcg.
f ⋆b (2.2)

De plus, le produit (f, g) 7→ f ⋆ g est continu sur S.

Démonstration : Commençons par démontrer (2.2). Puisque f et g sont dans


S, on a aussi fˆ, ĝ ∈ S. Appliquons le théorème de Parseval-Plancherel.
Z +∞ Z +∞
fb ⋆ gb(u) = fb(t)b
g (u − t) dt = fˇ(−t)b
g (u − t) dt
−∞ −∞
Z +∞ Z +∞
= fb(t)b
g (u + t) dt = 2π f¯(t)g(t)e−iut dt
−∞ −∞
= 2π fc
g (u),

ce qui établit (2.2).


Le produit f g est dans S, donc fcg l’est également. On en déduit que fˆ⋆ ĝ ∈ S.
Puisque l’opération f 7→ fˆ est bijective sur S, ceci montre que le produit de
convolution est stable dans S (i.e. f, g ∈ S ⇒ f ⋆ g ∈ S), et que f ⋆ g = fčǧ/(2π).
Cette dernière identité emtraı̂ne la continuité du produit de convolution sur S. Il
reste à montrer (2.1). L’identité ci-dessus montre que f ˇ⋆ g = fˇǧ. D’où (2.1) en
évaluant cette dernière relation au point −u.
42 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Définition 2.6.3 (cas des fonctions mesurables) Soient f, g : R → C deux


fonctions mesurables. On suppose qu’il existe une partie E ⊂ R de mesure nulle
telle que Z +∞
|f (t)| |g(x − t)| dt < +∞
−∞
Z +∞
pour tout x 6∈ E. On pose alors pour tout x ∈ R\E f ⋆g(x) := f (t)g(x−t) dt.
−∞
On obtient ainsi une fonction f ⋆ g définie presque partout, que l’on appelle la
fonction convolée de f et g.
Exemple : Soient f, g ∈ L1 . Alors
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
||f ⋆ g||L1 = f (x − t)g(t) dt dx ≤ |f (x − t)| |g(t)| dtdx
−∞ −∞ Z −∞ −∞
+∞ Z +∞
= |f (x − t)| |g(t)| dx dt = ||f ||L1 ||g||L1 < +∞.
−∞ −∞
Le théorème de Fubini montre alors que f ⋆g(x) est défini pour presque tout x. De
plus, il existe deux suites fn , gn ∈ S telles que ||f − fn ||L1 → 0 et ||g − gn ||L1 → 0.
On en déduit que fc n et gbn converge (uniformément) vers f et b
b g respectivement.
D’autre part, l’inégalité ||f ⋆g||L1 ≤ ||f ||L1 ||g||L1 montre que ||fn ⋆gn −f ⋆g||L1 →
0. Ainsi f\ [
n ⋆ gn converge (uniformément) vers f ⋆ g, puis

fb(u)b fn (u)gbn (u) = lim f\


g (u) = lim c [
n ⋆ gn (u) = f ⋆ g(u).
n→+∞ n→+∞

On a donc montré le résultat suivant.


Proposition 2.6.4 Si f, g ∈ L1 , alors f ⋆ g(x) est défini pour presque tout x et
f ⋆ g ∈ L1 . De plus
||f ⋆ g||L1 ≤ ||f ||L1 ||g||L1 et f[
⋆ g = fb b
g.
Proposition 2.6.5 Le produit de convolution sur L1 vérifie les propriétés sui-
vantes , avec a < b et c < d dans la dernière assertion.
Commutativité : f ⋆ g = g ⋆ f.
Bilinéairité : f ⋆ (a g + b h) = a f ⋆ g + b f ⋆ h pour a, b ∈ C.
Associativité : f ⋆ (g ⋆ h) = (f ⋆ g) ⋆ h pour f, g, h ∈ S.
R +∞ R  R 
+∞ +∞
Si f, g ∈ L1 , alors −∞ f ⋆ g(x) dx = −∞ f (x) dx −∞ g(x) dx
f =0 sur R\[a, b],
Si alors f ⋆ g = 0 sur R\[a + c, b + d].
g=0 sur R\[c, d],
Démonstration : La bilinéarité est immédiate. La commutativité découle d’un
changement de variable affine. Les deux propriétes suivantes résultent du théorème
de Fubini. Enfin, si x 6∈ [a + c, b + d], alors ou bien t 6∈ [a, b] et f (t) = 0, ou bien
t ∈ [a, b] et x − t 6∈ [c, d] et g(x − t) = 0. Ainsi on a f (t)g(x − t) = 0 pour tout t,
puis f ⋆ g(x) = 0.
2.6. LE PRODUIT DE CONVOLUTION 43

1 ď
Exercice 2.6.6 Montrer que dans S, on a l’identité (f ⋆ g) ⋆ h = 2π f ǧȟ. En
1
déduire une autre preuve de l’associativité, d’abord dans S, puis dans L à l’aide
du lemme d’approximation.

Donnons d’autres exemples où le produit est bien défini. En sus des espaces S,
L1 et L2 déjà introduits, on note
B : L’espace des fonctions mesurables bornées
BC : L’espace des fonctions continues bornées,
Cc : L’espace des fonctions continues à support compact (c’est-à-dire nulle en
dehors d’un segment).
Alors les produits suivants sont encore définis

S ⋆S ⊂S ; C c ⋆ Cc ⊂ Cc ;
L1 ⋆ L1 ⊂ L1 ; L1 ⋆ L2 ⊂ L2 ;
L1 ⋆ B ⊂ BC ; L2 ⋆ L2 ⊂ BC.

De plus, il existe pour chacuns d’eux une inégalité analogue à celle de la propo-
sition 2.6.4 avec les “normes” associées aux espaces considérés, avec notamment

||f ||0 := inf{M | |f (x)| ≤ M presque partout }

pour tout f ∈ B. Ainsi, on a

||f ⋆ g||L1 ≤ ||f ||L1 ||g||L1 ; f ∈ L1 , g ∈ L1 ,


||f ⋆ g||L2 ≤ ||f ||L1 ||g||L2 ; f ∈ L1 , g ∈ L2 ,
|f ⋆ g(x)| ≤ ||f ||L2 ||g||L2 ; f, g ∈ L2 , x ∈ R,
|f ⋆ g(x)| ≤ ||f ||L1 ||g||0 ; f ∈ L1 , g ∈ B, x ∈ R.

Ces inégalités entraı̂nent les faits suivant.

Proposition 2.6.7 (Continuité) Le produit de convolution est continu dans les


sens suivant.
1. Si fn → f et gn → g en norme L1 alors fn ⋆ gn → f ⋆ g en norme L1 .
2. Si fn → f et gn → g en norme L2 , alors fn ⋆gn (x) → f ⋆g(x) uniformément
pour x ∈ R.
3. Si fn → f en norme L1 et gn → g en norme L2 alors fn ⋆ gn → f ⋆ g en
norme L2 .
4. Si fn → f en norme L1 et si gn → g ∈ B uniformément pour x ∈ R, alors
fn ⋆ gn → f ⋆ g uniformément.

Proposition 2.6.8 Le produit de convolution vérifie les propriétés suivantes.


1 b
1. Si f, g ∈ L2 , alors f g ∈ L1 et fcg = f ⋆b
g.

2. Si f ∈ L1 et g ∈ L2 alors f ⋆ g ∈ L2 et f[ ⋆ g = fbgb ∈ L2 .
44 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Nous terminons par une dernière propriété, qui illustre l’effet régularisant du
produit de convolution.

Théorème 2.6.9 Soit f ∈ L1 et g ∈ S. On suppose que g(t) ≥ 0 pour tout t et


que ||g||L1 = 1. Posons gǫ (t) := 1ǫ g(t/ǫ) pour ǫ > 0. Alors
(n)
(i) f ⋆ gǫ est de classe C ∞ et pour n ∈ N, (f ⋆ gǫ )(n) = f ⋆ gǫ .
(ii) ||f − f ⋆ gǫ ||L1 → 0 quand ǫ → 0.
(iii) f ⋆ gǫ (x) → f (x) quand ǫ → 0 en tout point x où f est continue.

Démonstration : Montrons (i). Puisque gǫ ∈ S, on a pour tous x, t ∈ R,



|gǫ′ (x − t)| ≤ M0,1 (gǫ )). On en déduit que ∂x (gǫ (x − t)f (t)) ≤ M0,1 (gǫ )|f (t)|.
R +∞
Ainsi la fonction x 7→ −∞ f (t)g(x−t) dt est dérivable et on a bien (f ⋆gǫ )′ = f ⋆gǫ′ .
Puisque les dérivées successives de gǫ sont encore dans S, l’assertion (i) s’en déduit
par récurrence sur n ∈ N.

Montrons (ii). Supposons d’abord que f ∈ S. Alors f\ ⋆ gǫ (u) = fb(u)gbǫ (u) =


fb(u)b
g (ǫu). Mais l’exercice 2.3.6 montre que fbgbǫ converge dans S vers gb(0)fb = fb.
La transformation de Fourier (inverse) est une opération continue dans S. On en
ˇ ˇ
déduit que f ⋆ gǫ = f ⋆ˆgǫ /(2π) converge dans S vers 1/(2π)fˆ = f . La convergence
1
a donc aussi lieu en norme L , ce qui montre l’assertion (ii) dans le cas où f ∈ S.
Pour f ∈ L1 quelconque, il existe une suite de fonctions fn ∈ S telle que
||f − fn ||L1 → 0. Alors ||(f − fn ) ⋆ gǫ ||L1 ≤ ||f − fn ||L1 ||gǫ || = |f − fn ||L1 .
Donc fn ⋆ gǫ converge dans L1 vers f ⋆ gǫ uniformément par rapport à ǫ. Ainsi
f = lim fn = lim lim fn ⋆ gǫ = lim lim fn ⋆ gǫ == lim f ⋆ gǫ .
n→+∞ n→+∞ ǫ→0 ǫ→0 n→+∞ ǫ→0
R +∞
Montrons (iii). On a f ⋆gǫ (x)−f (x) = −∞ (f (x−ǫt)−f (x))g(t) dt. Si f est bornée,
alors le théorème de convergence dominée montre que cette dernière intégrale
converge vers zéro. Si f ∈ L1 est quelconque, soit fn (t) := f (t) si f (t) < n et
fn (t) = 0 sinon. Alors fn ∈ L1 est bornée. Par continuité de f en x, il existe un
réel α > 0 tel que |f (t)−f (x)| < 1 pour tout |t−x| ≤ α. Alors pour n ≥ 1+|f (x)|,
R 2
on a |(f − fn ) ⋆ gǫ (x)| ≤ |t|>α |f (x − t)|gǫ (t) dt ≤ M2,0 (g) αǫ 1ǫ ||f ||L1 . On en
déduit que lorsque ǫ → 0, f ⋆ ge converge vers lim fn ⋆ ge (x) = f (x).
ǫ→0
2.6. LE PRODUIT DE CONVOLUTION 45

Exemples et applications
1) On se propose de calculer la transformée de Fourier de la fonction
sin x
f (x) = e−|x| .
x
On a vu que la fonction x 7→ e−|x| est la transformée de Fourier de la fonction
1
g(x) =
π(1 + x2 )
et que sinc est la transformée de fourier de la fonction χ définie par χ(x) = 1/2
pour |x| ≤ 1 et χ(x) = 0 ailleurs. De plus, g ⋆ χ ∈ L1 comme produit de deux
fonctions L1 et g[ b = f ∈ L1 . Enfin, comme g et χ sont aussi L2 , le
⋆ χ = gb · χ
produit g ⋆ χ est continu. On peut donc appliquer théorème de réciprocité pour
les fonctions L1 . Ainsi
Z +∞ Z 1−u
b [ dt
f (u) = g[⋆ χ(u) = 2π g ⋆ χ(−u) = 2π g(t)χ(−u − t) dt = 2 2
.
−∞ −1−u 1 + t

On en déduit que fb(u) = 2arctg(u + 1) − 2arctg(u − 1). La fonction g ⋆ χ est


de classe C ∞ sur R et on retrouve qu’elle est bien dans L1 ∩ L2 . Elle est en
effet équivalente à 4/u2 quand |u| → +∞ (cela découle de la relation élémentaire
arctg(x) + arctg(1/x) = π/2 pour x 6= 0).
2) Rappelons que le théorème de réciprocité dans L1 s’applique seulement aux
fonctions dont la transformée est intégrable. Or si fb ∈ L1 , alors fb(u) tend vers
zéro quand u tend vers l’infini car fb est intégrable et uniformément continue. En
particulier |fb(u)| ≤ 1 pour |u| assez grand et ainsi |fb(u)|2 ≤ |fb(u)| près de l’infini.
On en déduit que  
f ∈ L1 et fb ∈ L1 ⇒ fb ∈ L2 .

Mais que peut on dire de f si l’on suppose seulement que fb ∈ L2 ?


 
Proposition 2.6.10 f ∈ L1 et fb ∈ L2 ⇒ f ∈ L2 .

Démonstration
R +∞ : Supposons f ∈ L1 et fb ∈ L2 . Soit g ∈ S telle que g ≥ 0
et −∞ g(x) dx = 1. Posons gǫ (x) := g( xǫ )/ǫ. Alors f ⋆ gǫ converge vers f dans
L1 quand ǫ → 0. On en déduit en particulier qu’il existe une suite ǫn → 0 telle
que f ⋆ gǫn (x) converge vers f (x) pour presque tout x. D’autre part, puisque
f ∈ L1 et gǫn ∈ L2 ∩ L1 , on a f ⋆ gǫn ∈ L2 ∩ L1 . Aussi f\ ⋆ gǫn = fbgc 2
ǫn ∈ L et
gc g(ǫn u). Le théorème de convergence dominée montre alors que fbgc
ǫn (u) = b ǫn → f
b
2 b
dans L . La suite f gc 2
ǫn est donc de Cauchy dans L , et il en est de même de la
fonction f ⋆gǫn d’après le théorème de Parseval. Il existe donc une fonction f˜ ∈ L2
telle que f ⋆gǫn → f˜ ∈ L2 . Enfin, quitte à extraire une sous-suite, la suite f ⋆gǫn (x)
converge vers f˜(x) pour presque tout x. On en déduit que f (x) = f˜(x) presque
partout, puis que f ∈ L2 .
46 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Théorème 2.6.11 (Réciprocité presque partout) Soit f ∈ L1 .


Z +∞
1
Si fb ∈ L1 , alors f (x) = fb(u) eixu du pour presque tout x ∈ R.
2π −∞

En particulier, il existe une fonction continue qui coı̈ncide avec f presque partout.
Démonstration : Puisque fb ∈ L1 , on a aussi que fb ∈ L2 et la proposition
ci-dessus montre alors que f ∈ L2 . Or les transformations de Fourier dans L1 et
dans L2 coı̈ncident sur L1 ∩ L2 . On peut donc appliquer à f la théorie L2 . On a
1 ˇˆ 2 1 ˇ
ˆ
2π f = f dans L et en particulier 2π f (u) = f (u) presque partout.
Z
1 +∞ b 2
Exercice 2.6.12 Pour α > 0, soit Gα (u) := f (x)eixu e−αx /2 dx.
2π −∞
1
1. Montrer à l’aide du théorème de l’échange que Gα (u) = f ⋆ g√α , avec
√ 2

g(t) := 2π exp(− t2 ) et les notations du théorème 2.6.9.
2. En déduire que Gα converge vers f en norme L1 quand α → 0, puis qu’il
existe une suite αn → 0 telle que Gαn (u) → f (u) pour presque tout u.
3. On suppose que fb ∈ L1 . Montrer Rà l’aide du théorème de convergence do-
+∞ ˆ
minée que Gα (u) converge vers 1 f (x) exp(iux) dx quand α tend vers
2π −∞
zéro.. En déduire une démonstration du théorème 2.6.11 plus explicite.
Corollaire 2.6.13 (Unicité)
1) Soient f, g ∈ L1 . Si fb = b
g, alors f = g presque partout.
2 b
2) Soient f, g ∈ L . Si f = b g presque partout, alors f = g presque partout.
Démonstration :
1) Appliquons le théorème 2.6.11 à f − g. On a f − g ∈ L1 et f[ − g = fb − gb =
1
R
1 +∞ \ iux
0 ∈ L . Donc f (x) − g(x) = 2π −∞ (f − g)(u)e du = 0 presque partout.

2) Si fb(u) = b
g(u) presque partout, alors 0 = ||fb − b
g||L2 = 2π||f − g||L2 d’après
le théorème 2.5.3. Ainsi f = g dans L2 , puis f (x) = g(x) presque partout.

“F1−1 ”
C0 L1
1111111111111111
0000000000000000
0000000000000000
1111111111111111
000000000000000
111111111111111
0000000000000000
1111111111111111
000000000000000
111111111111111
000000000000000
111111111111111 F2
000000000000000
111111111111111 L2
L2111111111111111
000000000000000
000000000000000
111111111111111
000000000000000
111111111111111
000000000000000
111111111111111 −1
000000000000000
111111111111111 F2
L1 C0
F1

Fig. 2.1 – Résumé graphique des différentes transformations de Fourier


2.6. LE PRODUIT DE CONVOLUTION 47

3) Appliquons la théorie de Fourier aux équations différentielles ordinaires linéaires.


Proposition 2.6.14 Soit f ∈ S et P = an + an−1 X + · · · + a1 X n−1 + X n ∈ C[X]
tel que P n’a pas de zéro sur Ri, alors l’équation

y (n) + a1 y (n−1) + · · · + an y = f

admet une unique solution dans L1 . De plus, elle est de la forme y := E ⋆ f , où
b
E : R → C est l’unique fonction telle que E(u) = 1/P (iu).
Démonstration : Verifions que la fonction E existe. Décomposons la fraction
1/P en éléments simples sur C.

X N
1 ck
= ,
P (z) (z − zk )αk
k=1

avec ck ∈ C, zk = ak + ibk ∈ C, ak 6= 0, et αk ∈ N⋆ .
 
1 1 1 u−b
Or =   = (−a)−n fc
n ,
(iu − a − ib)n (−a) 1 + i u−b n
n −a
−a
tn−1 −t
avec fn (t) = H(t) e .
(n − 1)!
 
xn−1 (a+ib)x 1
Ainsi F −sign(a) e H(−ax) (u) = par les
(n − 1)! (iu − (a + ib))n
propriétés élémentaires de la transformation de Fourier.
N
X sign(−ak )
On pose alors E(t) := ck H(−sign(ak )t) tαk −1 e(ak +ibk )t .
(αk − 1)!
k=1

Si maintenant f ∈ S. Alors y := E⋆f est de classe C ∞ d’après le théorème 2.6.9


mais aussi dans L1 puisque E, f ∈ L1 . Et il en est de même pour les dérivées
successives puisque y (k) = E ⋆ f (k) . Enfin, on a yd b fd
(k) = E b fb. On en
(k) = (iu)k E

déduit que
P (iu) b
F(y (n) + a1 y (n−1) + · · · an y − f ) = P (iu) f (u) − fb(u) = 0.
L’injectivité de la transformation de Fourier montre donc que E ⋆f est solution de
l’équation de l’énoncé. L’unicité vient de ce que l’on connait toutes les solutions
de l’équation homogène associée, qui sont des combinaisons linéaires de fonctions
de la forme Q(x)erx avec P (r) = 0 et Q ∈ C[X] qui sont dans L1 seulement si
elles sont nulles.

Interprêtation phénoménologique. En physique, de nombreux phénomènes


peuvent être décrits de la manière suivante. La donnée expérimentale est modélisée
par un signal d’entrée Se dépendant d’un certain nombre de paramètres, par
exemple de temps et d’espace. Celui-ci est transformé par un système physique
48 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

en un signal de sortie Ss et l’on étudie l’opérateur Se 7→ Ss . L’exemple de la


proposition 2.6.14 est un cas particulier d’un résultat général qui s’énonce plus
facilement dans le cadre de la théorie des distributions.
On peut en effet démontrer que si l’opérateur est
a) linéaire : si S1 7→ S1′ et S2 7→ S2′ , alors aS1 + bS2 7→ aS1′ + bS2′ ,
b) invariant par translation : si S1 (t) 7→ S1′ (t), alors S1 (t − τ ) → S1′ (t − τ ),
c) causal : si Se (t) = 0 pour tout t < 0, alors Ssortie (t) = 0 pour tout t < 0,
d) continu (au sens des distributions),
alors l’opérateur se repésente à l’aide d’une distribution sous la forme Ss = D⋆Se .
Exemples :
1. Se est la tension d’entrée d’un circuit électrique et Ss sa tension de sortie.
2. Ss (x, t) est l’intensité lumineuse en tout point d’une plaque photographique
éclairée à travers un système optique par les rayons issus d’une source lumi-
neuse Se (u, t).
3. Ss (t) est le mouvement d’une masse soumise à l’excitation Se (t) d’un ressort
amorti.
4. Ss (x, t) est le champ électromagnétique engendré par une distribution de
charges et de courant ρ(x, t), j(x, t).
4) Étudions l’équation de la chaleur

∂u ∂2u
=
∂t ∂x2
pour une barre indéfiniment longue. Sa température est donnée par une fonction
θo : R → R à l’instant t = 0 et on cherche une solution pour t > 0. On va
supposer que θo ∈ S et on va chercher une solution qui reste dans S, c’est-
à-dire telle que la fonction x 7→ u(x, t) soit dans S pour chaque instant t ≥
0. Alors, en prenant la transformée de Fourier par rapport à la variable x et
en utilisant la proposition 2.3.8, l’équation de la chaleur se transforme en une
équation différentielle ordinaire
Z +∞
∂ û 2 2
= (iξ) û = −ξ û avec û(ξ, t) = u(x, t)eixξ dx.
∂t −∞

Ainsi
2t 2
û(ξ, t) = û(ξ, 0)e−ξ = θbo (ξ)e−ξ t .
On déduit du corollaire que pour t > 0
Z +∞
1 ξ2
u(x, t) = W (◦, t) ⋆ θo (x) = √ θo (x − ξ) e− 4t dξ
2 πt −∞

1 x2
où W (x, t) := √ e− 4t est le noyau de Weierstrass.
2 πt
2.6. LE PRODUIT DE CONVOLUTION 49

Un peu d’histoire. Si l’on prend θo (x) = 1 pour x > 0, θo (x) = −1 pour


x < 0 et θ0 (0) = 0, bien que θo ne soit pas à décroissance rapide, on constate que
u = W ⋆ θo est solution de l’équation de la chaleur pour t > 0, que u(0, t) = 0
pour t > 0 et que pour x > 0,

lim u(x, t) = 1.
t→0+

En négigeant la courbure de la terre, ce qui est légitime pour modéliser la tempéra-


ture proche de sa surface, William Thomson, alias Lord Kelvin, utilisa ce modèle
pour estimer l’âge de la terre. En effet, en mesurant la temp´rature moyenne To
de fusion de diverses roches, en supposant qu’aucune réaction chimique ne peut
durer plusieurs millions d’années et ralentir sensiblement le refroidissement de la
terre depuis sa formation et surtout en supposant que la terre s’est solidifiee “d’un
bloc” (il n’y a jamais eu de croûte solide flottant sur un noyau liquide) dans les
premiers instants de la vie de la terre (à la température To ), notre modèle donne
la loi, avec les paramètres non réduits
Z +∞  
To (x − u)2 (x + u)2
U (x, t) = √ exp(− ) − exp(− ) du.
2 πκt o 4κt 4κt
Kelvin en déduit la variation de température en fonction de la profondeur près
de la surface (elle aussi mesurable)
∂U To
v= (0, t) = √ .
∂x πκt
Comme la conductivité thermique et la chaleur spécifique de la croûte terrestre
peut elle aussi être estimée, Kelvin en déduit une valeur probable de l’âge de la
terre
T2
t = 2o
v πκ
d’environ 100 millions d’années, et certainement pas plus de 400 millions ! Les
contemporains de Kelvin n’ont pas manqué d’être troublés par une telle estima-
tion. D’abord parce que les connaissances du dernier quart du XIXe siècle en
géologie et géomorphologie semblaient incompatibles avec un tel résultat, mais
Kelvin suggéra que l’évolution de la planète avait du être plus rapide dans ses
premiers âges, du fait de sa température plus élevée, qui augmentait la fréquence
des tremblements de terre et autres phénomènes volcaniques. Une objection plus
sérieuse vint de la toute récente théorie de l’évolution des espèces de Darwin, qui
suppose des périodes géologiques beaucoup plus longues pour que des mutations
biologiques soient observées.
Lord Kelvin n’a pas tenu, ne pouvait pas tenir compte d’une source de chaleur
due à un phénomène physique découvert quelques décénies plus tard : la radioac-
tivité, longuement étudiée par Marie et Pierre Curie...Le calcul précédent montre
que cette source n’est pas du tout négligeable pour expliquer la température
actuelle de la Terre.
50 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

2.7 La transformation de Fourier rapide


La transformation de Fourier rapide (souvent notée FFT, pour Fast Fou-
rier Transform) est un algoritme de calcul rapide. Son succés et son importance
tiennent à la fois au développement de l’informatique et à la profusion des appli-
cations techniques où l’on utilise la transformation de Fourier intensivement. En
voici le principe, tel qu’il a été inventé par Cooley et Tukey au cours des années
1960.
Un calcul sur ordinateur portant toujours, in fine, sur des nombres entiers,
la première étape consiste à discrétiser le signal f et sa transformée de Fourier.
La proposition qui suit montre comment les valeurs d’une transformée de Fourier
peuvent être approchée par le calcul des coefficients de Fourier d’une fonction
périodique bien choisie. Il restera ensuite à développer un algoritme rapide pour
calculer ces coefficients.
Attention : pour alléger les notations, la définition des fonctions eλ donnée ici
diffère de celle du premier chapitre d’un facteur 2π.

Proposition 2.7.1 Soit f : R → C une fonction continue par morceaux. Soient


A, B > 0.
1) Alors pour tout ǫ > 0, il existe un entier NA,B,ǫ > AB et des coefficients
A,B
an,ǫ ∈ C pour −NA,B,ǫ ≤ n ≤ NA,B,ǫ tels que
 X 
χA f − aA,B
n,ǫ e 2A
n
1
≤ ǫ,
L

où la somme porte sur les entiers −NA,B,ǫ ≤ n ≤ NA,B,ǫ , où χA est la fonction
égale à 1 sur [−A, A) et nulle ailleurs, et où eλ (t) := exp(2πiλt) pour tous λ, t ∈
R.
2) Si de plus f ∈ L1 , il existe deux constantes A0 > 0 et B0 > 0 telles que
pour tout u ∈ R, pour tous A > A0 , B > B0 , et ǫ > 0, on a
AB
X  nπ 
fb(u) − 2A aA,B
n,ǫ χ π u − ≤ 2ǫ + ||(1 − χA )f ||L1 .
2A A
n=−AB

Démonstration : Démontrons 1). La fonction f est continue par morceaux


sur [−A, A).
P Prolongeons χA f en une fonction périodique de période 2A. Soit
SN (f ) = an en/2A la somme partielle de sa série de Fourier, où les indices
varient entre −N et N . Alors le théorème de Fejèr montre que la moyenne
N
1 X
fN := Sk (f )
N +1
k=0

converge simplement vers la fonction t 7→ 1/2(f (t + 0) + f (t − 0)) sur (−A, A) et


que pour tout |t| < A, on a

|fN (t)| ≤ max |f (x)|.


|x|≤A
2.7. LA TRANSFORMATION DE FOURIER RAPIDE 51

Le théorème de convergence dominée montre que ||χA (f − fN )||L1 converge vers


zéro, ce qui montre 1) puisque les fonctions fN sont des polynômes trigonométri-
ques, combinaisons linéaires de fonctions exponentielles de la forme en/2A .
Démontrons 2). les coefficients du polynôme trigonométrique fN sont donnés
par les intégrales
Z A
1 n
an (fN ) = fN (t) e− 2A 2πit dt.
2A −A
D’après 1), on a l’estimation
 nπ 
|2Aan (fN ) − fb | ≤ ǫ + ||(1 − χA )f ||L1 .
A

D’autre part, nous savons que fb est uniformément contine et que fb(u) converge
vers zéro quand |u| tend vers +∞. Choisissons A0 > 0 et B0 > 0 tels que
π
|u − v| < ⇒ |fb(u) − fb(v)| ≤ ǫ,
2A0
|u| > B0 π ⇒ |fb(u)| ≤ ǫ.

On suppose que
X
||χA (f − fN )||L1 ≤ ǫ ; fN = an en/2A ;

où fN est un polynôme trigonométrique, sommé sur les indices −N ≤ n ≤ N ,


avec N > AB, A > A0 et B > B0 .

Alors on a les deux estimations suivantes.


π
– Pour |u| < Bπ + , il existe un unique entier tel que
2A
nπ π nπ π
− ≤u< + ; −AB ≤ n ≤ AB ;
A 2A A 2A
et l’on a
 nπ   nπ 
|fb(u) − 2Aan (fN )| ≤ fb − fb(u) + fb − 2Aan (fN )
A A
≤ 2ǫ + ||χA (f − fN )||L1 .
π
– Pour |u| ≥ Bπ + , on a
2A

|fb(u)| ≤ ǫ ≤ 2ǫ + ||(1 − χA )f ||L1 .

Ces deux estimations établissent 2).


52 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Corollaire 2.7.2 Avec les hypothèses et les notations de la proposition précé-


dente, quand A et B tendent vers +∞ et que ǫ converge vers zéro, la fonction
définie par
AB
X  nπ 
gA,B,ǫ (u) := 2A aA,B
n,ǫ χ π u −
2A A
n=−AB

converge uniformément vers fb sur R.

Démonstration : Ceci découle immédiatement de la seconde partie de la pro-


position 2.7.1 en remarquant que ||(1 − χA )f ||L1 converge vers zéro quand A tend
vers +∞.

Nous avons donc réduit le calcul approché d’une transformée de Fourier à


celui des coefficients d’une série de Fourier. Supposons donc que sur un intervalle
[−A, A], la fonction f est donnée par un polynôme triogonométrique de période
2A. Quitte à reparamétrer f par x 7→ 2Ax − 1/2, on peut supposer que f est
décrite sur [0, 1) par un polynôme trigonométrique de degré N élevé, de la forme
N
X
f (t) = an e2πint ,
n=−N

dont on souhaite calculer les coefficients de Fourier an pour tout |n| ≤ N avec le
moins d’opérations élémentaires possible.
L’objectif de discrètisation du problème sera atteint s’il est possible de calculer
ces coefficients uniquement à partir des valeurs f (m/M ) avec M ∈ N⋆ assez grand
et 0 ≤ m < M entier, ce que montre la proposition suivante.

Proposition 2.7.3 (Transformation de Fourier discrète) Soient f une fonc-


tion de R dans C, p < q dans Z, et q − p + 1 scalaires an ∈ C, avec p ≤ n ≤ q,
tels que
q
X q
X
2πint
f (t) = an e = an en (t)
n=p n=p

Alors pour tout entier M ≥ q − p + 1, on a


1 X m m
an = f e−n .
M M M
m∈Z/M

Démonstration : Cela résulte immédiatement, par linéarité, de l’observation


que pour ℓ ∈ Z, on a

1 X m  m   1 si p = n mod M,
eℓ e−n =
M M M 0 sinon.
m∈Z/M
2.7. LA TRANSFORMATION DE FOURIER RAPIDE 53

vérifions cette dernière identité. On a


X m X  
m+1
Sn,ℓ := eℓ−n = eℓ−n
M M
m∈Z/M  m∈Z/M
X m 1
= eℓ−n eℓ−n = Sn,ℓ e2πi(ℓ−n)/M .
M M
m∈Z/M

On a bien Sn,ℓ = 0 si n et ℓ ne sont pas congrus modulo M , car alors on a


exp(2πi(ℓ − n)/M ) 6= 1. En outre, on a la relation Sn,n+kM = M , avec k ∈ Z, car
alors ekM (m/M ) = 1 pour tout m ∈ Z/M .

Évaluons la vitesse de cet algoritme. Chaque calcul de coefficient nécessite M multi-


plications (les multiplications de f (m/M ) par e−n (m/M )/M ) et de M − 1 additions, soit
2M − 1 opérations pour chaque coefficient, puis au total (q − p + 1)(2M − 1) oérations
P
élémentaires pour calculer l’ensemble des coefficients. Partant de f = |n|≤N an en , on
obtient ainsi un algoritme en O(N 2 ) opérations élémentaires en prenant M = O(N ) (on
peut choisir par exemple M = 2N + 1) dans la proposition ci-dessus.

Nous allons décrire un algoritme qui ne nécessite que O(N log N ) opérations
élémentaires. En voici le principe.
Considérons successivement les valeurs f (0), puis f (1/2), puis f (1/4) et f (3/4),
puis f (1/8), f (3/8), f (5/8) et f (7/8), et cetera...(chaque nouveau point de R/Z
est obtenu en prenant le milieuP de deux points P successifs obetnus aux étapes
précédentes). On a f (0) = an et f (1/2) = (−1)n an . Par combinaisons de
f (0) et de f (1/2), on obtient ainsi la somme des an pour les indices pairs, et celle
pour les indices impairs.
Le théorème suivant généralise cette observation et décrit une procédure qui
permet de calculer des sommes de an pour des ensembles d’indices réduits de
moitié à chaque étape. On obtient donc des sommes contenant un seul indice au
bout de O(log N ) étapes.

Théorème 2.7.4 (Transformation de Fourier rapide) Soient p < q dans


Z, soient an ∈ C pour p ≤ n ≤ q. Soit µ > 0 tel que 2µ > q − p. Pour 0 ≤ j ≤ µ
et pour 0 ≤ k < 2j , on définit les nombres
X X j+1
A(j, k) := an ; B(j, k) := an ζjn , avec ζj := e2πi/2 .
n=k mod 2j n=k mod 2j

Alors ces nombres se calculent par étapes successives suivant l’algoritme qui suit
à partir des nombres f (m/2µ ), où f est la fonction
q
X
f= an en .
n=p

Première étape. On pose A(0, 0) = f (0).


54 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Deuxième étape. On pose B(0, 0) = f (1/2).


(2j + 3)-ième étape. Supposons construits A(j, k) et B(j, k) pour 0 ≤ k < 2j .
Alors on pose
A(j + 1, k) = 21 A(j, k) + 21 ζj−k B(j, k),
A(j + 1, k + 2j ) = 12 A(j, k) − 21 ζj−k B(j, k).

(2j + 4)-ième étape. On construit pour 0 ≤ k < 2j les nombres A(j + 1, k)(fj )
et A(j + 1, k + 2j )(fj ) en exécutant les 2j + 1 premières étapes avec pour
nouvelle fonction fj (t) := f (t + 1/2j+2 ). Puis on pose
B(j + 1, k) := A(j + 1, k)(fj ) ; B(j + 1, k + 2j ) := A(j + 1, k + 2j )(fj ).
Alors les coefficients ak s’obtiennent par ce procédé à la 2µ + 1-ième étape, après
µ2µ+1 opérations élémentaires à partir des nombres f (m/2µ ) pour 0 ≤ m < 2µ .
Démonstration : On a bien
q
X q
X q
X
f (0) = an = A(0, 0) ; f (1/2) = an (eiπ )n = an ζ0n = B(0, 0),
n=p n=p n=p

ce qui montre que les deux premières étapes calculent bien les nombres souhaités.
Montrons que les étapes de rang 2j + 3 et 2j + 4 sont correctent. Notons que pour
n ∈ Z, pour 0 ≤ k < 2j , on a l’alternative exclusive suivante.
n=k mod 2j ⇔ (n = k mod 2j+1 ou n = k + 2j mod 2j+1 ).
Ainsi la somme A(j, k) se décompose sous la forme
X X
A(j, k) = an + an = A(j + 1, k) + A(j + 1, k + 2j ).
n=k mod 2j+1 n=k+2j mod 2j+1

De même, pour n = k mod 2j+1 , on a ζjn = ζjk , et pour n = k + 2j mod 2j+1 ,


on a ζjn = −ζjk . D’où la décomposition

B(j, k) = ζjk (A(j + 1, k) − A(j + 1, k + 2j )).


De ces décompositions, on obtient bien A(j + 1, k) en multipliant bien la première
par 1/2 et la seconde par ζj−k /2 en prenant la somme, et A(j+1, k+2j ) en prenant
la différence. La (2j + 1)-ième étape calcule donc bien (en quatre opérations) les
nombres A(j + 1, k) et A(j + 1, k + 2j ). La (2j + 2)-ième étape s’en déduit en
remarquant que
X X   X
1 1 1 n
f (t + j+2 ) = an en (t + j+2 ) = an en en (t) = an ζj+1 en (t).
2 2 2j+2
Notons Nj le nombre d’opérations nécessaires pour effectuer la (2j+1)-ième étape.
Alors N0 = 0 et Nj+1 = 2Nj + 42j , soit encore 2−(j+1) Nj+1 = 2−j Nj + 2. On
en déduit que Nj = 2j2j+1 . En particulier, pour j = µ et 0 ≤ k < 2µ , il existe
au plus un entier p ≤ n ≤ q tel que n = k mod 2j . Les nombres A(µ, k) = an
calculent donc les coefficients de f et s’obtiennent en Nµ = µ2µ+2 opérations.
2.7. LA TRANSFORMATION DE FOURIER RAPIDE 55

P
Remarque 2.7.5 En particulier, pour f = |n|≤N an en , il suffit de choisir
l’unique l’entier µ > 0 tel que 2µ ≥ 2N + 1 > 2µ−1 . L’algoritme FFT calcule
bien les coefficients de f en
log(2N + 1) + 1
4µ2µ−1 ≤ 4µ(2N ) ≤ 8N = O(N log N )
log 2
opérations élémentaires.

Si f est un polynôme trigonométrique, l’algoritme de la transformation de


Fourier rapide donne ses coefficients, qui sont aussi calculables par la formule de
la transformation discrète donnée dans la proposition 2.7.3. L’algoritme FFT doit
aussi, en principe, donner lieu à une formule, et ces deux formules calculent les
mêmes valeurs sur les polynômes trigonométriques. Le lemme qui suit montre que
ces formules calculent les mêmes nombres pour une application f quelconque.
Cette formule n’a cependant pas d’intérêt pour faire les calculs, puisqu’elle
nécessite, évidemment, O(N 2 ) opérations élémentaires à nouveau ! Tout l’art de
la FFT est précisément de mieux tenir compte de l’organisation d’un polynôme
trigonométrique pour diminuer la redondance du calcul. Ce lemme nous sera
néammoins utile pour étudier la stabilité de l’algoritme de la transformation ra-
pide, c’està dire pour contrôler l’erreur commise si on remplace f par des fonctions
approchées.

Lemme 2.7.6 Pour toute fonction f : [0, 1) → C et pour tout µ > 0, l’algoritme
de la transformation de Fourier rapide calcule les nombres
µ −1
2X m m
−µ
A(k, µ)(f ) = 2 f e−k ,
m=0
2µ 2µ

pour tout 0 ≤ k < 2µ .

Démonstration : Soit N := 2µ . Soit A : CN → CN défine par


    
0 N −1
A(a0 , · · · , aN −1 ) := g ,··· ,g ,
N N
avec pour t ∈ Z,
N
X −1
g(t) := an en .
n=0
Alors A est une application C-linéaire et la proposition 2.7.3 montre que A est
injective. Le théorème du rang de l’algèbre linéaire en dimension finie montre alors
que l’endomorphisme A est un isomorphisme. L’application A est donc bijective
de réciproque A−1 (c0 , · · · , cN −1 ) = (a0 , · · · , aN −1 ) donnée par
N −1  
1 X k
ak := cn en−k .
N N
n=0
56 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Soit maintenant une fonction f : [0, 1) → C quelconque. Nous allons utiliser deux
fois la bijectivité de A. Tout d’abord, A étant surjective, il existe des coefficients
an tels que pour tout 0 ≤ m < 2µ , on a
µ −1
m 2X m
f = an en .
2µ M
n=0
P
Mais l’algoritme FFT doit converger pour la fonction f := an en , et n’utilise
que les valeurs de f aux points m/N . On a donc

A(k, µ)(f ) = ak = A−1 (f (0/N ), · · · , f ((N − 1)/N ).

Étude de la stabilité de l’algoritme


Résumons l’algoritme de la transformation de Fourier rapide. Fixons ǫ > 0.
a) On fixe un réel A > 0 tel que ||(1 − χA )f ||L1 ≤ ǫ et tel que fb ne varie pas
plus de ǫ sur des intervalles de longueur au plus π/2A.
b) On divise l’intervalle [−A, A] en M = 2µ intervalles réguliers et l’on calcule
des coefficients an pour 0 ≤ n < M , à partir des scalaires f (−A+2Am/M ),
pour 0 ≤ m < M , à l’aide de l’algoritme décrit par le théorème 2.7.4.
c) La transformée de Fourier est alors approchée par la fonction
X  nπ 
gA,µ (u) = 2A bn χ 2A
π u− ,
A
où la somme est calculée pour les indices n compris entre −M/2 et M/2,
et où bn = ap avec 0 ≤ p < M et n = p mod M .
Alors la proposition 2.7.1 laisse espérer que gA,µ approche fb avec une erreur de 3ǫ
quand µ → +∞. Ce serait exactement le cas si f était donnée par un polynôme
trigonométrique sur [−A, A].
Les coefficients A(µ, k) dépendent linéairement des scalaires f (Am/2µ ), avec
−2µ−1 ≤ m < 2µ−1 . Cette simple observation donne déjà un premier résultat
de stabilité : si l’on remplace la fonction f par une autre fonction g telle que
|f (t) − g(t)| ≤ ǫ pour tout t, l’algoritme FFT donne des coefficients an (g) qui
convergent vers an (f ) quand ǫ converge vers zéro.
Malheureusement, dans l’opération de discrétisation décite ci-dessus, nous
avons fait un peu plus que cela : nous avons remplacé la fonction f , supposée
dans L1 et continue par morceaux, par un polynôme trigonométrique fǫ , restreint
à l’intervalle [−A, A].
Si la fonction f a des points de discontinuité, il n’y a aucun espoir que cette
approximation soit uniforme pour ǫ > 0 arbitraire (car f , discontinue, ne pour-
rait être limite uniforme des les polynômes trigonométriques fǫ , continues). Le
2.7. LA TRANSFORMATION DE FOURIER RAPIDE 57

théorème de Fejér nous apprend seulement que si f (vue comme fonction res-
treinte à [−A, A) puis étendue en une fonction périodique de période 2A, et enfin
reparamétrée en une fonction périodique de période 1 par une dilatation) est
exactement discontinue aux points di avec

0 ≤ d1 < · · · < dℓ < 1,

alors pour tout α > 0, il existe un polynôme trigonométrique fǫ,α de période 1


tel que
1) Pour tout t, on a |fǫ (t)| ≤ sup |f (t)|,
0≤t≤1
2) |fǫ,α(t) − f (t)| ≤ ǫ pour t ∈ [0, 1] à distance au moins α des discontinuités
di , c’est-à-dire si |t − di | ≥ α pour 1 ≤ i ≤ ℓ.
Essayons d’utiliser cette information pour aller plus loin.

Théorème 2.7.7 (Stabilité) Soit f : R → C une fonction continue par mor-


ceaux telle que f ∈ L1 . Soit ǫ > 0 et A > 0 tel que
(i) ||(1 − χA )f ||L1 ≤ ǫ.
π
(ii) |u − v| ≤ ⇒ |fb(u) − fb(v)| ≤ ǫ.
2A
Soient M = 2µ et an (µ, f ) les scalaires calculé pour 0 ≤ n < M à l’aide de
l’algoritme décrit par le théorème 2.7.4 à partir des nombres f (−A + 2Am/M )
pour 0 ≤ m < M .
Alors il existe un entier µ0 > 0 tel que pour tout µ > µ0 et pour u ∈ R, on a
µ−1
2X  nπ 
fb(u) − 2A bn (µ, f ) χ 2A
π u− ≤ 4ǫ,
µ−1
A
n=−2

avec bn (µ, f ) := ap , où p est l’unique entier tel que 0 ≤ p < M et p = n mod M .

Démonstration : Notons M le maximum de f sur [−A, A]. Fixons α > 0.


D’après le théorème de Fejèr, il existe un polynôme trigonométrique fǫ,α qui
vérifie les conditions 1) et 2) ci-dessus. Alors, on a les estimations suivantes.

X
|bn (µ, f ) − bn (µ, fǫ,α | = 2−µ (f − fǫ,α)(m) ,
m∈I
X
≤ 2−µ |f − fǫ,α |(m),

m∈I 
X X
≤ 2−µ  |f − fǫ,α|(m) + |f − fǫ,α|(m) ,
m∈I1 m∈I\I1

avec
kA
I := {−A + | 0 ≤ k < 2µ }; I1 := {m ∈ I | ∃i 1 ≤ i ≤ ℓ |m − di | ≤ α}.

58 CHAPITRE 2. TRANSFORMATION DE FOURIER

Mais |di −(−A+k2−µ A)| < α si k, entier, est tel que k2−µ A varie dans l’intervalle
]A − di − α, A − di + α[. L’entier k peut donc prendre au plus [2α2µ /A] + 1 valeurs.
On a donc
2αℓ2µ
#I1 ≤ + ℓ.
A
On en déduit que
   
1 2αℓ2µ 2α 1
|bn (µ, f ) − bn (µ, fǫ,α )| ≤ ǫ + µ + ℓ M = ǫ + Mℓ + µ .
2 A A 2

Il existe donc deux réels α0 > 0 et µ0 > 0 tel que pour tous 0 < α ≤ α0 et µ ≥ µ0 ,
on a
2A|bn (µ, f ) − bn (µ, fǫ/4A,α )| ≤ ǫ.
Mais quitte à choisir µ0 assez grand, les coefficients bn (µ, fǫ/4A,α0 ) sont pour tout
entier n ∈ Z exactement ceux du polynôme trigonométrique fǫ/4A,α0 . De plus, on
a
||χA (f − fǫ/4A,α0 )||L1 ≤ 2Aǫ/4A + 2α0 ℓM ≤ ǫ/2 + ǫ/2 ≤ ǫ.
Nous pouvons donc conclure comme dans la proposition 2.7.1. Pour µ > µ0 assez
grand et pour |u| > 2µ−1 π/A + π/2A, on a

|fb(u)| ≤ ǫ.

Pour |u| ≤ 2µ−1 π/A + π/2A, on a


P 
|gA,µ (u) − fb(u)| ≤ |fb(u) − 2A bn (µ, fǫ/4A,α0 ) χπ/2A u − nπ
A |+ǫ
≤ 3ǫ + ||(1 − χ2µ π/A )f ||L1
≤ 4ǫ

pour µ > µ0 assez grand.

Remarque 2.7.8 La FFT a été employée en génie électrique et en radioastro-


nomie dès son invention. Elle fut ensuite appliquée, au milieu des années 1970,
à la cristallographie. L’un de ses succès les plus spectaculaires a été, en 1978, la
détermination moléculaire d’un virus. Aujourd’hui, la biologie est un champ d’ap-
plication très prolifique des méthodes cristallographies. Ces méthodes utilisent
abondamment des transformations de Fourier tridimentionnelles (la théorie de
Fourier et l’algoritme FFT se généralisent aisément à toutes dimensions). Pour
un réseau de 640 x 640 x 640, le nombre de valeurs à calculer dépasse N = 2.108 .
On apprécie alors la différence entre O(N 2 ) et O(N log N ). Le calcul d’une telle
transformation de Fourier serait impossible sans cet algoritme !
Chapitre 3

Transformation de Laplace

Dans la suite, toutes les fonctions considérées seront mesurables. On pourra se


limiter par exemples aux fonctions continues par morceaux.

3.1 Définitions et premières propriétés


Soit f une fonction intégrable sur [0, +∞). Si on pose f (t) = 0 pour t < 0, alors
Z +∞
ˆ
F (ω) = f (ω) = f (t)e−iωt dt.
0

est définie pour tout ω ∈ R, mais aussi sur tout le demi-plan {ω ∈ C, ℑmω ≤ 0}.
Plus particulièrement, s’il existe une constante C ≥ 0 telle que |f (t)| ≤ Ceat ,
la fonction F associée converge sur le demi-plan {ℑmω < −a}. Ce type de fonc-
tion, bien adapté à la transformation de Laplace, est un bon exemple de fonction
à croissance au plus exponentielle.

Définition 3.1.1 Soit a ∈ R et Ea l’espace des fonctions f : R → C telles que


1. ∀t < 0, f (t) = 0 ;
2. ∀b > a, f e−b ∈ L1 , avec eb (t) = exp(bt).
[
On note E := Ea l’espace des fonctions à croissance au plus exponentielle.
a∈R

Dans le contexte des transformées de Laplace, et sauf mention contraire, nous


conviendrons que toutes les fonctions considérées seront de support dans [0, +∞).
Ainsi la fonction constante 1 est en fait la fonction de Heaviside

1 si t ≥ 0,
H(t) = .
0 si t < 0

De même, la notation cos renvoie à la fonction élément de E, donnée par la formule


H(t) cos t, qui est bien nulle pour t < 0. De manière générale, on peut retenir que
l’on supposera toujours implicitement que f (t) = H(t)f (t).

59
60 CHAPITRE 3. TRANSFORMATION DE LAPLACE

Pour démontrer qu’une fonction est à croissance au plus exponentielle, on


pourra utiliser les deux observations suivantes, qui découlent facilement de la
définition.
1. a < b ⇒ Ea ⊂ Eb ;
2. (|f (t)| ≤ g(t) et g ∈ Ea ) ⇒ f ∈ Ea .
Exemples 3.1.2
Montrer que 1 ∈ E0 , et ∈ E1 , cosh, sinh ∈ E1 , cos, sin ∈ E0 , et tn ∈ E0 pour n ≥ 0.
Définition 3.1.3 Soient a ∈ R et f ∈ Ea . Alors l’intégrale
Z +∞
Lf (z) := f (t)e−zt dt
o

converge uniformément sur tout demi-plan de la forme {ℜez ≥ a′ } avec a′ > a.


La fonction ainsi définie est analytique sur {ℜez > a} au moins. En particulier,
la fonction (a, +∞) → C, x 7→ L(x) est de classe C ∞ . On appelle transformée
de Laplace de f la fonction Lf .
Il peut arriver que cette fonction Lf , définie par une intégrale, se prolonge
en une fonction analytique sur un domaine plus grand qu’un demi-plan. Par le
théorème du prolongement analytique, cette nouvelle fonction est unique sur le
domaine considéré ; nous la noterons encore Lf .
Proposition 3.1.4 Soit f ∈ Ea . Alors pour b > a fixé, Lf (z) → 0 quand |z| →
+∞ uniformément sur ℜe(z) > b.
C’est l’analogue de la propriété que pour f ∈ L1 , fb(y) → 0 quand |y| → +∞ et
la démonstration repose ici aussi sur le théorème de Riemann-Lebesgue.

Propriétés fondamentales de symétrie


Proposition 3.1.5 Soient f ∈ E, a > 0 et c ∈ C. Alors la transformation L
satisfait les axiomes suivants.
(Translation) L(H(t − a)f (t − a)) = e−az Lf (z).
(Déphasage) L(ect f (t)) = Lf (z − c).
(Dilatation) Lf (at) = a−1 Lf (a−1 z).
Rt
(Primitive) L( o f (s) ds) = Lfz(z) .
(Polynôme) L(tf (t)) = −(Lf )′ (z).
Proposition 3.1.6 (Dérivation)
1) Si f est C 1 par morceaux et continue sur [0, +∞) et si f ′ ∈ E, alors f ∈ E et

L f ′ (t) (z) = zLf (z) − f (0+).
2) Si f est C k par morceaux et C k−1 sur [0, +∞) et si f (k) ∈ E, alors f ∈ E et
L(f (k) ) = z k Lf (z) − z k−1 f (0+) − z k−2 f ′ (0+) − · · · − f (k−1) (0+).
3.2. EXEMPLES CLASSIQUES 61

Corollaire 3.1.7 (Théorème de la valeur initiale) Soit f une fonction conti-


nue et C 1 par morceaux sur (0, +∞). Si f ′ ∈ E, alors f ∈ E et
lim zLf (z) = f (0+).
ℜe z→+∞

Corollaire 3.1.8 (Théorème de la valeur finale) Soit f une fonction conti-


nue et C 1 par morceaux sur (0, +∞). Si f ′ ∈ E ∩ L1 , alors lim f (t) existe et
t→+∞

lim zLf (z) = lim f (t).


z→0 t→+∞

Linéarité
Jusqu’ici, nous avons toujours considéré la transformée d’une seule fonction à la
fois. Comme pour la transformée de Fourier, d’autres propriétés importantes de
la transformée de Laplace font intervenir deux fonctions. C’est le cas par exemple
de la linéarité. La nature de l’espace E induit ici une petite difficulté. Il faut en
effet prendre garde que si f et g sont dans E, cependant Lf et Lg n’ont aucune
raison d’être définie exactement sur le même domaine de C. On ne peut donc pas
écrire en toute rigueur pour tous c, c′ ∈ C,
L(cf + c′ g) = cLf + c′ Lg.
Toutefois, cette relation est bien sûr satisfaite sur tout domaine de la forme
{ℜez > a} sur lequel Lf et Lg sont toutes deux définies, c’est-à-dire pour a assez
grand, et par suite sur tout domaine de définition commum de Lf et Lg contenant
un tel demi-plan. Nous retiendrons donc la linéarité de la transformation de
Laplace par la formule ci-dessus pour sa simplicité, mais nous garderons à l’esprit
le problème de domaine de définition qu’elle passe sous silence.

3.2 Exemples classiques


Polynôme d’exponentielles : On appelle polynôme d’exponentielles toute
combinaison linéaire de fonctions de la forme
tn ect pour t ≥ 0 et c ∈ C.
Commençons par calculer la transformée de Laplace de la fonction tα . Pour que
R +∞
l’intégrale 0 tα e−tz dt converge, il suffit que α > −1. Dans ce cas, L(tα )(z) est
définie pour tout ℜe(z) > 0 a priori. En particuler pour x > 0 réel
Z +∞ Z +∞
α α −tx −α
L(t )(x) = t e dt = x uα e−u x−1 du
o o

avec le changement de variable u = xt. Rappelons la définition de la fonction Γ


d’Euler définie pour ℜez > 0 par
Z +∞
Γ(z) = tz−1 e−t dt.
o
62 CHAPITRE 3. TRANSFORMATION DE LAPLACE

Γ(α + 1)
On a donc : L(tα )(x) = .
xα+1
Cette formule reste en fait valable pour x ∈ C \ {0]. La formule générale s’obtient
par modulation. Il vient
n!
L(tn ect )(z) = .
(z − c)n+1
Corollaire 3.2.1
1) Une fonction définie sur une demi-plan de la forme {z ∈ C | ℜez > a}
est une fraction rationnelle propre (c’est-à-dire une fraction R telle que
R(x) → 0 quand x → +∞) si et seulement si elle est la transformée de
Laplace d’un polynôme d’exponentielles.
2) Un polynôme d’exponentielles converge vers zéro en +∞ si et seulement si
sa transformée de Laplace est une fraction rationnelle dont chaque pôle a
une partie réelle strictement négative.
Un polynôme d’exponentielle est de classe C ∞ sur [0, +∞) mais, vue comme
fonction sur R, elle a une singularité en zéro.
Proposition 3.2.2 Soit R = PQ une fraction rationnelle propre. On note do R :=
do P − do Q = −n < 0 son degré et f := L−1 (R) sa transformée de Laplace
inverse (telle que Lf = R). Alors f est de classe exactement C n−2 sur R. Plus
précisément,
f (0+) = · · · = f (n−2) (0+) = 0,
f (n−1) (0+) = lim xn R(x) = ap /bq ,
x→+∞
où ap et bq sont les coefficients dominants de P et Q respectivement.
Démonstration : La dérivée d’un polynôme d’exponentielles est encore un po-
lynôme d’exponentielle. Toutes les dérivées de f restent donc dans E. Ainsi
L(f (n) ) = z n Lf − z n−1 f (0+) − · · · − f (n−1) (0+).
par l’axiome de dérivation. Mais quand x tend vers l’infini, L(f (n) )(x) converge
vers zéro, tandis que la fraction xn (Lf )(x) = xn P (x)/Q(x) converge vers ap /bq .
Il s’ensuit que le polynôme z n−1 f (0+)−· · ·−zf (n−2) (0+) admet une limite quand
z tend vers +∞. Ceci n’est possible que si ce polynôme est constant, c’est-à-dire
nul. On a donc f (0+) = · · · = f (n−2) (0+) = 0 et lim(z n Lf (z) − f (n−1) (0+)) = 0,
d’où le résultat car lim(z n R(z)) = ap /bq .

Fonctions hyperboliques : nous allons calculer les transformées de Laplace de


sinh, cosh, qui sont des exemples de polynômes d’exponentielles. En effet
 
1 t −t 1 1 1 z
L cosh(z) = L(e + e )(z) = + = 2 ;
2 2 z−1 z+1 z −1
 
1 t −t 1 1 1 1
L sinh(z) = L(e − e )(z) = − = 2 .
2 2 z−1 z+1 z −1
3.2. EXEMPLES CLASSIQUES 63

Fonctions circulaires
Z t : nous allons calculer les transformées de Laplace de sin,
cos, sinc et de sinc ds.
0
⋄ Comme sin′′ = − sin, l’axiome de dérivation montre que : −L sin = L(sin′′ ) =
z 2 L sin −z sin(0) + cos(0) = z 2 L sin +1. De là vient que
1
L sin(z) = ;
1 + z2
z
et L cos(z) = L sin′ (z) = zLcos(z) − sin(0) = .
+1 z2
⋄ On a |sinc(t)| ≤ 1 donc sa transformée de Laplace est définie sur ℜez > 0 et
pour x > 0, par l’axiome du polynôme,
Z +∞
dz π 1
L(sinc)(x) = 2
= − arctg x = arctg ,
x 1 + z 2 x
  X
1 (−1)n 1
avec arctg =
z 2n + 1 z 2n+1
n≥0
pour |z| > 1 et donc en particulier pour ℜe(z) > 1. Les fonctions arctg et Lsinc
sont en fait égale au moins sur le demi-plan {ℜe(z) > 1} (c’est une conséquence
du théorème des zéros isolés, hors programme).  
Z t
1 1
⋄ Enfin par l’axiome de la primitive, L( sinc(s) ds)(z) = arctg .
0 z z

Séries entières
P
Proposition 3.2.3 Soit f (t) = +∞ n
n=o an t une série entière
P+∞ de rayon de conver-
gence infini. Supposons qu’il existe b > 0 tel que la série n=0 |an | bn!n converge.
Alors Lf (z) existe pour ℜe(z) > b (au moins) et sur ce domaine
+∞
X n!
Lf (z) = an .
z n+1
n=0
+∞
X t2n+1
Application : considérons sin t = (−1)n .
n=o
(2n + 1)!
+∞
X
La série b−2n−1 converge pour tout b > 1 donc pour ℜe(z) > 1,
n=o
+∞
X +∞  
(−1)n (2n + 1)! 1 X 1 n 1 1 1
L(sin t) = = 2 − 2 = 2 1 = .
n=0
(2n + 1)!z 2n+2 z n=0 z z 1 + z2 1 + z2

On peut de même calculer les transformées de Laplace des fonctions sin, sint t ,
Rtsin s

o s ds, cos t et cetera... Bien que cette méthode ne soit pas à négliger, elle
P n t4n
n’aboutit pas toujours. Par exemple pour cos(t2 ) = +∞
n=o (−1) (2n)! , la condition
de la proposition n’est pas satisfaite, alors que cos(t2 ) a une transformée de
Laplace au moins sur ℜe(z) > 0.
64 CHAPITRE 3. TRANSFORMATION DE LAPLACE

3.3 De Fourier à Laplace


3.3.1 Inversion
Pour c ∈ R et f ∈ Ec , fixons a > c. Alors f e−a ∈ L1 , avec e−a (t) = exp(−at).
Comme f (t) = 0 pour t < 0, on a successivement, pour tout b ∈ R,
Z +∞ Z +∞
Lf (a + ib) = f (t)e−(a+ib)t
dt = f (t)e−at e−ibt dt = f[
e−a (b).
0 −∞

Théorème 3.3.1 (Formule d’inversion de Mellin-Fourier) Soit f ∈ E et


fixons a ∈ R tel que f e−a ∈ L1 . On suppose que r 7→ Lf (a + ir) est de classe L1 .
Alors pour tout x0 ∈ R où f est continue, on a
Z +∞
1
f (x0 ) = Lf (a + ir)e(a+ir)x0 dr.
2π −∞

Démonstration : On a Lf (a + ir) = f[ e−a (r) et par hypothèse, f[


e−a ∈ L1 . Par
le théorème d’inversion L1 , il en résulte que
Z +∞
−ax0 1
f (x0 )e = Lf (a + ir)eirx0 dr.
2π −∞
D’où le résultat en multipliant chaque membre de cette égalité par eax0 .

3.3.2 Convolution

Théorème 3.3.2 Soient f, g ∈ E. Alors f ⋆ g ∈ E et L(f ⋆ g) = Lf · Lg.


Démonstration : Remarquons d’abord que pour a, a′ ∈ R,
Ea ∩ Ea′ = Emin(a,a′ ) ; Ea ∪ Ea′ = Emax(a,a′ ) .
Si f et g sont deux fonctions dans E, elles sont donc dans le même espace Ea
quitte à prendre a assez grand. Ainsi f e−a et ge−a sont L1 , ce qui montre que
(f e−a ) ⋆ (ge−a ) ∈ L1 . De plus pour s < 0 ou s > t, on a g(s)f (t − s) = 0. Il en
résulte que (f e−a ) ⋆ (ge−a )(t) = 0 pour tout t < 0 et, pour presque tout t ≥ 0,
Z +∞ Z t
(f e−a ) ⋆ (ge−a )(t) = g(s)f (t − s)e−a(t−s) e−as ds = e−at g(s)f (t − s) ds
−∞ 0

Ainsi (f e−a ) ⋆ (ge−a ) = (f ⋆ g)ea , ce qui montre que f ⋆ g ∈ E. Enfin, On a

L(f ⋆ g)(a + ib) = f \


ea ⋆ ga (b) = fd ca (b) = Lf (a + ib)Lg(a + ib).
ea (b)ge

Remarque 3.3.3 On notera qu’au passage, on a montré que pour presque tout
t ∈ R, on a Z +∞
f ⋆ g(t) = g(s)f (t − s) ds.
0
3.3. DE FOURIER À LAPLACE 65

3.3.3 Régularisations
Dans le chapitre sur la transformation de Fourier, nous avions déjà observé qu’une
des principales vertus du produit de convolution est qu’il est réguliarisant : le
produit est de classe C k dès que l’une des deux fonctions l’est. Dans le contexte
de la transformation de Laplace, ce résultat est rarement utilisable tel quel. En
effet les fonctions dont on calcule le produit peuvent certes être C ∞ sur [0, +∞)
mais, vues comme fonctions définies sur R, elles sont généralement discontinues
en zéro (exactement si f (0+) 6= 0, car f (0−) = 0). On retiendra cependant la
propriété suivante, que nous utiliserons pour étudier les équations différentielles
ordinaires linéaires.
Proposition 3.3.4 On suppose que f ∈ L∞ ∩E et g ∈ E. Alors f ⋆g est continue.
Démonstration : Soit a ≥ 0 tel que g ∈ Ea et soit b > a. Alors ge−b ∈ L1 .
Comme f e−b est bornée, la convolée (f ⋆ g)e−b = (f e−b ) ⋆ (ge−b ) est continue
bornée, ce qui montre bien que f ⋆ g est continue.
Proposition 3.3.5 Soit f ∈ E et g : R → C une fonction de support dans
[0, +∞) qui, restreinte à [0, +∞), est de classe C 1 . Alors g ⋆ f est dérivable en
tout point t0 où f est continue et
(g ⋆ f )′ (t0 ) = (g′ ⋆ f )(t0 ) + f (t0 ) g(0+).
Démonstration : Nous allons d’abord considérer trois R t cas particulier.
⋄ Supposons d’abord que g = 1. Alors 1 ⋆ f (t) = 0 f (s) ds et comme f est
continue en t0 , 1 ⋆ f est bien dérivable en t0 , de dérivée f (t0 ), ce qui démontre la
proposition dans le cas où g = 1. Rt
⋄ S Supposons que g(t) = t pout t ≥ 0. Alors f ⋆ g(t) = 0 (t − s)f (s) ds. Il en
résulte que
Z t Z t
(f ⋆ g)′ (t) = f (s) ds + tf (t) − tf (t) = f (s) ds = 1 ⋆ g(t),
0 0
ce qui démontre la proposition dans le cas où g(t) = t.
⋄ Supposons que g de classe C 1 sur R (en particulier g(0+) = 0). Fixons ǫ > 0
et supposons que f est continue en t0 ≥ 0. Puisque g′ est uniformément continue
sur le segment [−2, t0 + 1], il existe un réel 1 > α > 0 tel que pour 0 ≤ |h| < α,
pour −α ≤ s ≤ t0 et pour |s − t| ≤ α,
|g′ (t) − g′ (s)| ≤ ǫ.
Le théorème des acroissements finis montre alors que |g(s+h)−g(s)−hg′ (s)| ≤ ǫh.
D’autre part
Z t0 +h Z t0
(g ⋆ f )(t0 + h) = g(t0 h − s)f (s) ds = g(u + h)f (t0 − u) du
0 −α
= g ⋆ f (t0 ) + h (g′ ⋆ f )(t0 )
Z t0
+ (g(u + h) − g(u) − hg′ (u))f (t0 − u) du.
−α
66 CHAPITRE 3. TRANSFORMATION DE LAPLACE
Z t0 +α

D où |(g ⋆ f )(t0 + h) − (g ⋆ f )(t0 ) − h(g ⋆ f )(t0 )| ≤ ǫh |f (s)| ds,
0

ce qui démontre la proposition dans le cas où g est C 1 sur R et par linéarité

g ⋆ f (t) = g1 ⋆ f (t) + g(0+) (1 ⋆ f )(t) + g′ (0+) (t ⋆ f )(t).

La proposition s’ensuit alors aisément des trois cas précédants.

Remarque 3.3.6 Si f n’est pas continue en t0 , mais a des limites à droite et


à gauche, on peut cependant montrer que g ⋆ f a tout de même des dérivées à
gauche et à droite, égales respectivement à

(g′ ⋆ f )(to ) + g(0+)f (to − 0) ; (g′ ⋆ f )(to ) + g(0+)f (to + 0).

Corollaire 3.3.7 Soit a < b. Soit f ∈ E, n ≥ 1 et g : R → C une fonction de


classe C n sur [0, +∞). On suppose que f est continue sur (a, b). Si n ≥ 2, on
suppose en outre que g est de classe C n−2 sur R, c’est-à-dire que

g(0+) = · · · = g(n−2) (0+) = 0,

Alors g ⋆ f est de classe C n sur (a, b) et

pour 1 ≤ k < n, (g ⋆ f )(k) = g(k) ⋆ f,


pour k = n, (g ⋆ f )(n) (t) = (g(n) ⋆ f )(t) + g(n−1) (0+) f (t).

Démonstration : Par récurrence sur n. Le cas n = 1 est exactement la propo-


sition précédente. Soit g de classe C n+1 sur [0, +∞) et C n sur R. Supposons la
proposition vraie pour toutes les fonctions C n sur [0, +∞) et de classe C n−1 sur R.
Alors puisque g(0+) = · · · = g(n−1) (0+) = 0, l’hypothèse de récurrence montre
que g ⋆ f est dérivable n fois sur (a, b) et que pour k < n, (g ⋆ f )(k) = g (k) ⋆ f
d’une part, (g ⋆ f )(n) = g(n) ⋆ f + g(n−1) (0+)f d’autre part. Mais g(n−1) (0) = 0
par hypothèse sur g, ce qui donne la première partie du résultat au rang n + 1.
Montrons maintenant que la fonction (g ⋆ f )(n) , égale à g(n) ⋆ f sur (a, b),
est dérivable encore une fois. Pour cela, il suffit d’appliquer une nouvelle fois la
proposition ci-dessus à la fonction g(n) . Il vient en effet que
(g(n) ⋆ f )′ = g(n+1) ⋆ f + g(n) (0+)f.

3.3.4 Injectivité de la transformée de Laplace


Théorème 3.3.8 Soient f et g dans E continues en x0 . Alors

Lf = Lg ⇒ f (x0 ) = g(x0 ).
3.3. DE FOURIER À LAPLACE 67

Démonstration : Soit ϕn (t) = H(t)n2 te−nt ∈ L∞ . Alors ϕn ⋆ f est continue.


De plus Lϕn (z) = n2 /(n + z)2 . Ainsi pour b assez grand fixé, la fonction

r 7→ L(f ⋆ ϕn )(b + ir) = L(f )(b + ir)L(ϕn )(b + ir)

est de classe L1 . Nous pouvons appliquer la formule de Mellin-Fourier, la fonction


f ⋆ ϕn étant continue. AInsi
Z +∞ 2
1 n Lf (b + ir) (b+ir)x0
ϕn ⋆ f (x0 ) = e dr.
2π −∞ (n + b + ir)2

Si Lf = Lg, alors la formule ci-dessus montre que ϕn ⋆ f (x0 ) = ϕn ⋆ g(x0 ). Quand


n tend vers +∞, on obtient que f (x0 ) = g(x0 ).

On peut définir une transformée de Laplace inverse, que l’on notera L−1 ,
unique aux points de discontinuité près de la fonction d’origine

Lf = F ⇔ (L−1 F = f sauf aux points de discontinuité def ).

Dans les problèmes pratiques, très souvent (nous verrons des exemples), la
fonction F est donnée et on cherche la fonction f dont elle est la transformée.
Il est tentant mais délicat d’utiliser la formule de Mellin-Fourier à cette fin, en
remplaçant Lf par F dans l’expression de l’intrégale. Il se présente ici une sérieuse
difficulté.

Remarque 3.3.9 Il existe une fonction analytique F telle que l’intégrale


Z b+i∞
1
f (t) := F (z)ezt dz
2πi b−i∞
converge vers une valeur indépendante de b et qui pourtant n’est la transformée
de Laplace d’aucune fonction.
2
Exemple : considérons la fonction F (z) = ez . Alors pour tout b ∈ R
Z b+i∞ Z +∞
1 2 1 2
ez ezt dz = e(b+is) e(b+is)t ds
2πi b−i∞ 2π −∞ Z
1 b2 bt +∞ −s2 i(t+2b)s
= e e e e ds
2π −∞ 
1  2
 √ (t+2b)2
= eb +bt 2πe− 4

1 2
= √ e−t /4

est bien une fonction indépendante de b. Pourtant F (x) → +∞ quand x → +∞ contrai-
rement à une transformée de Laplace qui convergerait vers zéro d’après la proposition
3.1.4.
Cependant, l’idée peut être fructueuse. Donnons sans démonstration une
condition suffisante pour qu’elle soit concluante.
68 CHAPITRE 3. TRANSFORMATION DE LAPLACE

Théorème 3.3.10 (admis) Soit F une fonction analytique sur ℜez > a. Pour
b > a et r > 0 et t ∈ R, on pose
Z b+ir
1
fr,b (t) = F (z)ezt dz.
2πi b−ir
1
On suppose qu’il existe α > 2 et C ≥ 0 tels que

|F (z)| ≤ C(1 + |z|)−α pour ℜe(z) > a.

On suppose de plus que pour un bo > a, fr,bo (t) converge simplement quand
r → +∞ vers une fonction f (t) ∈ E,
Alors pour tout b > a, fr,b (t) converge simplement vers la même fonction f (t)
et F est la transformée de Laplace de f .

3.3.5 De Laplace aux séries de Fourier


Théorème 3.3.11 Soit f une fonction périodique de période 2π continue et C 1
par morceaux. Posons Z 2π
G(z) = f (t)e−zt dt.
0
1 X G(z)
Alors f (t) = G(in)eint et pour ℜe(z) > 0, Lf (z) = .
2π 1 − e−2πz
n∈Z

Démonstration : La formule pour f (t) exprime le théorème de Dirichlet pour


les séries de Fourier. Considérons

g(t) = H(t)f (t) − H(t − 2π)f (t).

C’est la fonction qui coı̈ncide avec f sur [0, 2π) et qui s’annulle ailleurs. C’est donc
une fonction L1 à support compact dont la transformée de Laplace est partout
définie. Or le calcul donne immédiatement L(g) = G(z). D’autre part l’axiome
de translation donne
G(z) = L(g) = L(H(t)f (t)) − L(H(t − 2π)f (t))
= Lf (z) − L(H(t − 2π)f (t − 2π))
= Lf (z) − e−2πz Lf (z).
On obtient la deuxième identité du théorème.

3.4 Équations différentielles ordinaires


Équations
Nous allons montrer comment la transformée de Laplace permet de résoudre les
équations différentielles linéaires ordinaires à coefficients constants de manière
très efficace. Ces équations apparaissent dans une grande variété de situation.
3.4. ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES 69

Nous considérerons plus particulièrement le cas suivant. Un système physique


(par exemple mécanique) est excité par une force extérieure, donnée par une
fonction f ∈ E. Si l’état du système est connu au temps t = 0, nous supposons
que les données phénoménologiques du problème permettent de décrire l’évolution
du système par une équation de la forme
 (n)
y (t) + a1 y (n−1) (t) + a2 y (n−2) (t) + · · · + an y(t) = f (t),
(3.1)
y(0) = co , y ′ (0) = c1 , · · · , y (n−1) (0) = cn−1 .
avec pour inconnue y, des coefficients constants a1 , · · · , an ∈ C et des conditions
initiales co , · · · , cn−1 ∈ C. Nous allons voir qu’une telle équation a toujours une
solution sur [0, +∞) et qu’elle est unique.
Comme dans tout problème différentiel, il nous faut préciser dans quel espace
de fonctions nous cherchons les solutions éventuelles. Attention : la fonction f
est seulement continue par moreaux. Or, on peut montrer que la dérivée d’une
fonction réelle vérifie toujours le théorème des valeurs intermédiaires : l’image
d’un intervalle par la dérivée est encore un intervalle. Il en résulte que si f a des
points de discontinuité, il est sans espoir de trouver une fonction n fois dérivable
sur [0, +∞) solution de notre équation.
Cependant, parce que leur intérêt physique est bien trop important (essayez de
modéliser la frappe d’une corde de piano par un de ses marteaux, ou faites appel
à votre culture en électronique pour donner des exemples de systèmes excités par
des signaux discontinues...), nous ne voulons pas renoncer aux excitations discon-
tinues, éléments de E. Nous devons donc élargir l’espace des solutions possibles, et,
en même temps, affaiblir le sens que nous donnons à léquation différentielle (3.1).
En général, pour des équations aux dérivées partielles, il est nécessaire d’in-
troduire des fonctions “généralisée” (des distributions, voir la suite de ce cours)
comme solutions possibles, mais notre contexte est suffisamment modeste pour
en faire l’économie. Pour les (systèmes d’) équations différentielles ordinaires, il
suffira de chercher les solutions parmi les éléments de E qui sont continues sur
(0, +∞), et d’exiger seulement qu’elles vérifient l’équation différentielle partout,
sauf aux points de discontinuité de f . Les conditions initiales devront être com-
prises en tant que limite et dérivées à droite.
Ce point de rigueur éclairci, supposons qu’il existe une solution y ∈ E (ce qui
est le cas, nous le démontrerons). Alors en transformant par L les deux membres
de l’équation, l’axiome de dérivation montre que
z n Ly − z n−1 co − z n−2 c1 − · · · − cn−1 + a1 (z n−1 Ly − z n−2 co − · · ·
· · · − cn−2 ) + · · · + an−1 (zLy − co ) + an Ly = Lf.
Soit encore
P · Ly − Q = Lf,
avec
n
X X n−k−1
n−1 X
P (z) := an−k z k ; a0 = 1; Q(z) := ak cj z n−1−j−k . (3.2)
k=0 k=0 j=0
70 CHAPITRE 3. TRANSFORMATION DE LAPLACE

Dans les applications numériques, les coefficients des polynômes P et Q se cal-


culent aisément, directement à partir des propriétés fondamentales de la trans-
formée de Laplace, sans qu’il soit nécessaire de se référer aux formules compliquées
ci-dessus. On retiendra seulement que P est un polynôme qui dépend uniquement
des coefficients ak , alors que Q dépend aussi des coefficients ck , et que ce dernier
polynôme est nul si tous les coefficients ck le sont.
Quoi qu’il en soit,
1 Q
Ly = · Lf + .
P P
Or nous savons calculer la transformée de Laplace inverse d’une fraction ration-
nelle (par la méthode des résidus ou directement en décomposant la fraction en
éléments simples). Comme un produit de convolution se transforme en produit
simple par L, on obtient une jolie formule.

Théorème 3.4.1 Pour f ∈ E, (ak )1≤k≤n , (ck )0≤k≤n−1 ∈ Cn , il existe une unique
fonction y ∈ E, continue sur (0, +∞), telle que

y(0+ ) = co , y ′ (0+ ) = c1 , · · · , y (n−1) (0+ ) = cn−1 ,

et satisfaisant, partout où f est continue, l’équation

y (n) (t) + a1 y (n−1) (t) + a2 y (n−2) (t) + · · · + an y(t) = f (t).

De plus, la fonction y est indéfiniment dérivable en tout point où f l’est. Enfin,
elle vérifie la formule suivante.
   
−1 Q −1 1
y=L +L ⋆ f,
P P

où P et Q sont définis par (3.2).

Démonstration :
Unicité. Si y1 et y2 sont deux solutions dans le sens généralisé du théorème, alors
y := y1 − y2 est une fonction de E, continue sur (0, +∞), telle que y(0+) = · · · =
y (n−1) (0+) = 0 et qui vérifie pour tout t, sauf là où f n’est pas continue,

y (n) (t) + a1 y (n−2) + · · · + an y(t) = 0.

La théorie générale des équations différentielles montre qu’alors y est de classe


C ∞ sur [0, +∞), puis que y est identiquement nulle, ce qui démontre l’unicité.
Existence.
Pour f = 0, vous savez déjà depuis longtemps que l’équation à une unique
solution, que l’on notera y, et qu’elle est une polynôme d’exponentielles. D’après
la discussion qui précède
  l’énoncé du théorème, puisque y est dans E, Ly = Q/P ,
−1 Q
mais alors y = L P .
3.4. ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES 71
 
Pour f quelconque, en posant yf := y −L−1 PQ , on se ramène à chercher une
solution de léquation différentielle du théorème, mais avec des conditions initiales
nulles. Posons alors  
−1 1
yf := L ⋆ f.
P

Puisque P est de degré n, la fonction L−1 P1 est de classe C n−2 sur R, et C ∞
sur [0, +∞). Ainsi yf ∈ E et sur tout intervalle ouvert où f est continue, yf est
de classe C n d’après le corollaire 3.3.7. De plus
  

 −1 1 (k)

 (L ) ⋆ f, pour k < n,

 P   
 1 (n) 1 (n−1)
(k)
yf (t) = ((L−1 ) ⋆ f )(t) + (L−1 ) (0+)f (t)

 P  P

 1 (n)


 = ((L−1 ) ⋆ f )(t) + f (t), pour k = n.
P

Le calcul direct montre alors que yf est solution (avec des conditions inilales
nulles.

Remarque 3.4.2 La démonstration ci-dessus nous rappelle un fait que vous


connaissez déjà, mais dans un nouveau langage. Toute solution d’une équation
différentielle linéaire à coefficients constants se décompose en la somme y = yo +yf
de deux fonctions.
La première  
−1 Q
yo := L
P
est la solution de l’équation homogène associée, où f est remplacée par la fonction
nulle.
La seconde  
−1 1
yf := L ⋆ f,
P
est une solution dite particulière de l’équation originelle, où les conditions initiales
sont remplacées par zéro.
Le fait nouveau est que cette dernière solution se présente sous la forme d’un
produit de convolution.

Système d’équations
La méthode ci-dessus fonctionne tout aussi bien pour les système d’équations
différentielles. Considérons en effet n ≥ 1 équations différentielles d’ordre au plus
p ≥ 1.
Xn X p
(k)
ajik yj = fi , pour 1 ≤ i ≤ n,
k=0 j=1
72 CHAPITRE 3. TRANSFORMATION DE LAPLACE

où akij sont des constantes et les fj sont des fonctions dans E. Ce système a aussi
une ecriture matricielle sous la forme
p
X
Aj y (j) = f, (3.3)
j=0

   
f1 y1
   
avec Aj := (akij )1≤i,k≤n ; f =  ...  ; y :==  ...  .
fn yn
Pour que le système soit non dégénéré, nous allons supposer de plus que

detAp = det(akip ) 6= 0.

Calculons la transformée de Laplace de chaque mebre de 3.3. Notons


   
Lf1 Ly1
 ..   .. 
F = Lf :=  .  ; Y = Ly :=  . .
Lfn Lyn

On obtient à l’aide de l’axiome de dérivation l’équation suivante.


 
Xp
 Aj z j Y  − C = F, (3.4)
j=0

où C est un vecteur colonne de polynôme en z qui dépend des conditions initiales

y( 0+), · · · , y (p−1) (0+).

D’où l’équation
A(z)Y (z) = F (z) + C
Pp
avec A(z) : j=0 z j Aj . Mais cette dernière matrice est inversible pour ℜez > a
dès que a est assez grand. En effet, en développant detA suivant les puissances de
z, on reconnait un polynôme de degré z np et de coefficient dominant detAp 6= 0.
Ce polynôme, non nul, n’a qu’un nombre fini de zéros et ne s’annule pas sur tout
un demi-plan ℜez > a (il suffit de choisir a égal à la plus grande partie réelle des
zéros du polynôme). D’où pour ℜez > a

Y (z) = A−1 (z)F (z) + A−1 C.

Puisque l’inverse de A se calcule à partir de son déterminant et de la transposée


de sa commatrice suivant la formule
1 t
A−1 = Com(A),
detA
3.5. EXEMPLE : UN PROBLÈME DE STABILITÉ. 73

la matrice A−1 est une matrice de fractions rationnelles propres. Si pour toute
matrice B = (bij ), on note L−1 B := (L−1 (bij )), alors on a ici encore une jolie
formule analogue à celle de la solution d’une unique équation.
y = L−1 (A−1 C) + L−1 (A−1 ) ⋆ f.
Ici, L−1 (A−1 ) est une matrice de polynômes d’exponentielles et f est un vecteur
de coordonnées dans E. On généralise le produit matriciel en posant
Xm
B ⋆ f = (bij )1≤i≤n,1≤j≤m ⋆ (fj )1≤j≤m := ( bij ⋆ fj )1≤i≤n .
j=1

Ici encore, l’analogie avec le cas d’une équation unique est parfait : la solution est
la somme de la solution homogène, et d’une solution particulière donnée par des
conditions initiales nulles. Cette dernière se calcule par un produit de convolution
avec le vecteur f .

3.5 Exemple : un problème de stabilité.


À titre d’illustration, considérons le système mécanique suivant (figure 3.1),
constitué de deux ressorts de même raideur k accouplés sur deux masses m, M > 0
et supposons que la masse M est soumise à une force M f (ce choix de normalisa-
tion se justifie par la simplicité des équations que nous allons obtenir ainsi). Alors
si on dénote par x et y les positions des masse m et M relatives à leur équilibre,
la loi fondamentale de la mécanique de Newton donne les équations suivantes.
 ′′
x + 2ω12 x + ω12 y = 0,
y ′′ + 2ω22 x + 2ω22 y = f,

avec ω12 := k/m et ω22 := k/M .

111111
000000
000000
111111
000000
111111
00000
11111
00000
11111
00000
11111
f
000000
111111
000000
111111 00000
11111
11111111
00000000
000000
111111 00000
11111
000000
111111 00000
11111
00000
11111
000000
111111
00000000000000000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111111111111111
000000
111111 00000
11111
00000000000000000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111111111111111

m M

Fig. 3.1 – Un système de deux ressorts

Supposons pour simplifier que les conditions initiales sont nulles. Alors les trans-
formées de Laplace des équations ci-dessus donnent le système
 2    
(z + 2ω12 ) ω12 X 0
= .
ω22 (z 2 + 2ω22 ) Y F
D’où
    
X 1 (z 2 + 2ω22 ) −ω12 0
= 2 ,
Y z 4 + 2(ω12 + ω22 )z 2 + 3ω12 ω22 −ω2 (z + 2ω12 )
2 F
74 CHAPITRE 3. TRANSFORMATION DE LAPLACE

Il existe donc deux fractions rationnelles R1 et R2 telles que X = R1 F et Y =


R2 F . Précisément,
−ω12 z 2 + 2ω12
R1 = ; R2 (z) = .
z 4 + 2(ω12 + ω22 )z 2 + 3ω12 ω22 z 4 + 2(ω12 + ω22 )z 2 + 3ω12 ω22
Notons que

(ω12 + ω2 )2 − 3ω12 ω22 = ω14 + ω24 − ω12 ω22 > ω14 + ω2 − 2ω12 ω22 = (ω12 − ω22 )2 > 0.

Le polynôme Z 2 + 2(ω12 + ω22 )Z + 3ω12 ω22 a donc deux zéros, distincts et négatifs.
On en déduit que le polynôme P (z) := z 4 + 2(ω12 + ω22 )z 2 + 3ω12 ω22 a exactement
4 racines, simples et imaginaires pures,
r q
±i −(ω12 + ω22 ) ± ω14 + ω24 − ω12 ω22

l’on notera ic1 , · · · , ic4 . De plus, on vérifie facilement que ces racines ne sont pas
zéro du polynôme z 2 + 2ω12 . Ainsi R1 et R2 n’ont que des pôles simples, et il existe
des constantes a1 , · · · , a4 et b1 , · · · , b4 telles que
4
X 4
X
−1 ick t −1
L (R1 )(t) = ak e ; L (R2 )(t) = bk eick t .
k=1 k=1

Mais d’après la discussion du paragraphe précédent,


4
X 4
X
ick t
x(t) = ak e ⋆ f; y(t) = bk eict ⋆ f.
k=1 k=1

Remarque 3.5.1 Supposons que f est à support compact, c’est-à-dire que qu’il
existe un instant t0 > 0 tel que f (t) = 0 pour t ≥ t0 . Alors pour t > t0 , l’expression
de x et y ci-dessus s’écrivent sous la forme suivante.
4
X Z t0 4
X Z t0
ick t −ick s ick t
x(t) = ak e f (s)e ds; y(t) = bk e f (s)e−ick s ds.
k=1 0 k=1 0

Ainsi, même si le sytème n’est perturbé par f que sur un temps fini, le système ne
va pas tendre vers sa position d’équilibre, même au bout d’un temps très long : la
perturbation reste essentiellement comparable à la taille de f sur [0, t0 ] à chaque
instant. Pour obetnir un système stable, il faut du frottement, qui amortira le
sytème jusqu’à l’équilibre. Vous connaissiez ce phénomème pour des exemple
simples de fonctions f . La transformée de Laplace permet de traiter ce problème
pour toute les fonctions f en même temps. On peut se poser par exemple la
question suivante : Comment modifier le système ci-dessus pour que le système
soit stable (c’està-dire pour que x et y tendent vers zéro) pour toute perturbation
f à support compact ?

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