SSATP Informal FR Web Single-Small
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Ajay Kumar
Sam Zimmerman
Fatima Arroyo-Arroyo
Le SSATP remercie ses pays membres et partenaires pour leurs contributions et leur
soutien.
Pour citer le présent Document d’analyse : Ajay Kumar, Sam Zimmerman et Fatima Arroyo-
Arroyo. 2022. Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement :
Quelles approches pour moderniser le secteur ? Washington, DC : SSATP.
Remerciements
Le présent Document d’analyse a été coordonné par Fatima Arroyo-
Arroyo, spécialiste en transports urbains à la Banque mondiale
et co-responsable du pilier « Mobilité et transports urbains » du
Troisième plan de développement du SSATP. Son équipe de rédaction
se compose d’Ajay Kumar et de Sam Zimmerman, consultants à
la Banque mondiale. Sa rédaction a été supervisée par Mustapha
Benmaamar, responsable du SSATP, et par Ibou Diouf, directeur du
Pôle d’expertise en transports pour la région Afrique de l’Ouest et
du Centre à la Banque mondiale. Le présent Document d’analyse
a par ailleurs bénéficié des observations de Georges Bianco Darido,
de Nupur Gupta, de Franck Taillandier, d’Elkin Bello, d’Akiko Kishiue
(Banque mondiale) et de Samson Gyamera (responsable des
transports publics de la zone métropolitaine d’Accra), ainsi que de
nombreux entretiens avec des représentants d’autorités municipales,
du secteur privé, d’associations d’exploitants de bus, de groupes
d’usagers et de médias des pays d’Afrique subsaharienne que nous
tenons à remercier pour leurs précieuses contributions.
6
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Table of Contents
Abréviations et acronymes 8
Résumé analytique 13
1. Introduction 21
2. Définir le Secteur des Transports Collectifs 25
3. Cerner les Problèmes 31
4. Déconstruire les Idées Reçues : Mythes et Réalités 43
5. Quelle Démarche Adopter ? 103
6. Principales Conclusions 119
Encadrés
Encadré IV-1. Pourquoi éviter de se focaliser sur la congestion ? 50
Encadré IV-2. Le contexte de Bogotá et celui des villes d’Afrique
subsaharienne 73
Encadré IV-3. La grogne se mue en liesse après la
démission du président du Pérou. 89
Encadré IV-4. Le peuple philippin exprime son soutien aux manifestations
des conducteurs de jeepney (16 octobre 2017). 90
Encadré IV-5. L’interdiction du « matatu » à Nairobi :
une mesure condamnée à l’échec 92
Encadré IV-6. L’essor des minibus dans les années 1970 97
Encadré V-1. Recourir aux technologies pour remédier à la crise
des transports collectifs dans les pays en développement 116
Encadré V-2. Prolongation de la collaboration entre ViaVan
et le réseau de transports londonien 117
Figures
Figure IV-1. Facteurs déterminant la qualité des transports collectifs. 80
Figure IV-2. Dessin dénonçant les pots-de-vin versés aux officiers de police,
publié en 2018 dans le journal Freetown Press. 91
Figure IV-3. Cycle des transports collectifs dans les villes d’Afrique subsaharienne
depuis les années 1980 93
Figure V-1. Schéma montrant comment le manque d’accès aux financements
entrave la modernisation des véhicules. 109
Tables
Tableau III-1. Part du réseau routier dans l’espace public 37
Tableau IV-1. Les étapes du développement des bus urbains express 72
Photos
Photo II-1. De haut en bas : jeepney à Manille, poda-poda à Freetown et terminal de bus à Lusaka. 27
Photo III-1. Installé sur un terre-plein du centre-ville de Lusaka pour répondre
à la demande des passants, ce stand d’alimentation entrave
la circulation et compromet la sécurité routière. 32
Photo III-2. À Freetown, le manque de planification urbaine a entraîné
des glissements de terrain en favorisant la déforestation des hauteurs. 33
Photo IV-1. À Lusaka, terminal de minibus trahissant la carence d’infrastructures dans le secteur. 54
Photo IV-2. Minibus attendant des passagers à l’extérieur de leur terminal. 55
Photo IV-3. Passagère se déplaçant en « okada » à Accra. 59
Photo IV-4. « Okadas » stationnés à une intersection très fréquentée de Freetown
pour y prendre des passagers. 59
Photo IV-5. La croissance exponentielle des trois roues importés d’Asie
a saturé les rues de Freetown ces dernières années. 59
Photo IV-6. Illustration des nombreux inconvénients des transports collectifs :
saturation des lignes, mauvaise qualité des services, vétusté des véhicules,
accidents de la route et pollution de l’environnement. 63
Photo IV-7. Taxis collectifs stationnés dans un quartier commerçant de Harare
pour y prendre des passagers. 65
Photo IV-8. Sur une route de Cochin, en Inde, la présence d’un chemin de fer surélevé
réduit la visibilité et entrave la traversée des piétons. 69
Photo IV-9. Bus express de Lagos 74
Photo IV-10. Très empruntés en raison de leurs tarifs compétitifs, les autobus publics
de Lusaka ne suffisent pas à absorber la demande croissante 77
Photo IV-11. Un jeepney, autrefois surnommé le « souverain incontesté des routes » aux Philippines. 90
8
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Abréviations et acronymes
Albert Einstein
12
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
13
analytique
Résumé
14
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Les transports apparaissent souvent comme un leur nom varie de pays en pays, les raisons et les
secteur paradoxal, où les services peuvent se conséquences de leur essor sont généralement
dégrader alors que les revenus augmentent. Pour similaires, tout comme les tendances économiques,
expliquer une telle dégradation, l’essor du secteur sociales, politiques, financières, techniques et
informel des transports serait un des facteurs géographiques auxquelles sont soumis les systèmes
à l’origine des maux qui affectent nos routes de transport du monde entier.
(congestion, pollution, accidents de la route, etc.),
Apparu aux États-Unis à la fin des années 1960, le
au même titre que la motorisation croissante de la
terme paratransit (transport « parallèle » ou « semi-
population, deux maillons de la même relation de
collectif ») y désignait souvent des services fournis
cause à effet: hausse des revenus > motorisation >
à la demande pour compléter l’offre du système
déclin des transports collectifs > essor du secteur
public. Dans les pays en développement, le grand
informel des transports.
public bénéficie généralement d’une vaste offre
Avant d’identifier les causes du problème et de de transports « parallèles » ou « semi-collectifs »,
réfléchir aux solutions éventuelles, le présent souvent assurés par des prestataires peu encadrés,
Document commence par analyser les symptômes voire illégaux. Ces transports relèvent de l’économie
observés : la dégradation du secteur des transports informelle, car ils sont rarement soumis aux règles et
et l’expansion de sa facette informelle. Il examine procédures d’exploitation officielles. Plusieurs autres
pour ce faire les formes de transport qui impactent facteurs favorisent par ailleurs le développement du
tout particulièrement la vie sociale, économique et secteur informel des transports collectifs, comme
environnementale des pays: les transports collectifs, le taux de chômage élevé, la facilité d’accès à ce
et plus particulièrement les transports « artisanaux » marché ou la possibilité de revenus immédiats, qui
qui composent le secteur informel des transports attirent souvent les nouveaux travailleurs urbains
collectifs. Le présent Document d’analyse entend en l’absence de meilleures perspectives.
ainsi: a) appréhender la singularité historique,
Au fil du temps, différents facteurs ont entravé
institutionnelle, spatiale, environnementale, sociale,
la mobilité urbaine et entraîné l’essor du secteur
économique et politique des systèmes de transport
informel des transports collectifs dans les villes
en Afrique subsaharienne; b) identifier les causes de
en développement. En premier lieu, l’explosion
leur détérioration; c) déconstruire les idées reçues
démographique des villes africaines et leur
pour permettre aux autorités de mieux organiser
considérable expansion géographique depuis le
le secteur informel des transports collectifs à tous
début des années 1990 ont favorisé l’apparition de
les échelons et d’améliorer ainsi les systèmes
périphéries non planifiées et faiblement peuplées.
de transports collectifs dans leur ensemble, en
Les distances à parcourir se sont allongées pour
se laissant toujours guider par les besoins de la
atteindre les logements qui y ont été construits, loin
population; et d) dresser une feuille de route dans
de tout centre d’activité, tandis que la motorisation
ce sens1, à laquelle seront consacrées de futures
et les déplacements ont bénéficié de la hausse des
publications.
revenus. Le décalage entre la quantité, la qualité et
Le présent Document d’analyse examine l’état des infrastructures et services d’une part et,
notamment le cas des minibus et des taxis de l’autre, la rapide croissance de la demande ont
collectifs, les modes de transports les plus anciens et encore aggravé les problèmes de sécurité routière,
répandus d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, et de pollution, de mobilité, de congestion, etc. Le
plus particulièrement ceux qui prédominent encore présent Document d’analyse détaille les causes
en Afrique subsaharienne, bien que d’autres modes complexes d’une telle détérioration.
de transport « artisanaux » à deux et trois roues
En Afrique subsaharienne, les citadins se déplacent
se soient récemment développés sur un modèle
principalement à pied ou en transports collectifs.
économique comparable (respectivement les xiom
Cette région diffère toutefois des pays d’Orient et
au Vietnam et les tempos en Inde, par exemple). Si
1 Dans le présent Document d’analyse, le secteur informel des transports collectifs renvoie essentiellement aux minibus et
aux taxis collectifs, dont les noms varient en fonction des villes. Une prochaine publication sera consacrée aux modes de
transport à deux ou trois roues qui se sont considérablement développés ces dernières années, mais suivent des modèles
d’exploitation et d’organisation différents.
15
Idée reçue n° 4
Le secteur informel des transports collectifs
s’est développé en réponse à la disparition du
système public, dans les années 1970 à 1990.
Idée reçue n° 5
Le secteur informel des transports collectifs
devrait être entièrement supprimé, car
il présente bien moins d’avantages que
d’inconvénients (en matière de sécurité,
de protection de l’environnement et de
rendement).
Idée reçue n° 6
Des transports publics aux horaires, itinéraires et
arrêts préétablis constituent la solution idéale.
Prédominant jusque dans les années 1990 pour
tous les modes de transports, ce modèle devrait
être rétabli dans toutes les villes des pays en
développement.
17
Idée reçue n° 13
Idée reçue n° 8 La population des pays en développement
Les réseaux de bus à haut niveau de service emprunte les transports collectifs parce qu’elle
permettent de réduire la congestion et n’a pas d’autres choix.
d’améliorer la qualité des transports collectifs
dans les villes en développement.
Idée reçue n° 14
Véritable phénomène culturel, les transports
collectifs « artisanaux » exercent une influence
Idée reçue n° 9 politique considérable au-delà de leur propre
Le faible rendement du secteur privé devrait secteur.
pousser les autorités municipales à maintenir
leurs propres compagnies de bus ou à en créer
de nouvelles.
Idée reçue n° 15
Il conviendrait d’inciter les gouvernements
à fluidifier le trafic routier en acquérant une
flotte d’autobus, dont chacun peut remplacer
Idée reçue n° 10 plusieurs véhicules « artisanaux » de plus petite
taille (berline, camionnette, etc.).
Les tarifs des transports collectifs devraient être
encadrés pour être accessibles aux plus pauvres,
sans pour autant éliminer la concurrence.
Idée reçue n° 16
Le remplacement de réseaux informels par des
Idée reçue n° 11 réseaux formels de transports collectifs peut se
Les moyens de transport « artisanaux » ne faire sans perte d’emploi, via la reconversion
devraient pas être autorisés à circuler sur les professionnelle de la main d’œuvre existante.
voies réservées aux BHNS et aux transports
ferroviaires, qui présentent le double avantage
d’être modernes et d’offrir des capacités élevées.
Idée reçue n° 17
La formalisation d’un système informel de
transports collectifs ne requiert aucune aide
financière de l’État.
18
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
1. A
ucune mesure prise pour interdire le secteur
informel (comme à Nairobi, Lagos ou Maputo)
n’a encore produit les résultats escomptés. Le gel
de l’octroi des licences conjugue souvent les pires
effets des différents scénarios en provoquant la
prolifération de véhicules à deux ou trois roues et
de taxis collectifs illégaux.
2. À l’inverse, la stratégie consistant à accepter ce
secteur en l’état s’avère elle aussi problématique
au vu des considérables progrès à réaliser en
matière de sécurité, de décongestion des routes
et de protection de l’environnement.
3. Caractérisé par son faible niveau de
réglementation et son manque de qualité, le
vaste secteur informel des transports collectifs
pourrait être modernisé et rationalisé pour
répondre aux différents besoins de la population.
Trois défis devraient être relevés pour y parvenir :
(a) améliorer la réglementation, l’organisation
et la planification du secteur pour permettre
aux exploitants de travailler dans de meilleures
conditions et de fournir de meilleurs services et
(b) améliorer l’administration des routes et les
conditions de circulation pour permettre aux
exploitants de fournir des services de qualité.
De telles réformes devraient par ailleurs être
menées progressivement pour permettre
une gestion efficace des risques, susciter
l’adhésion des parties prenantes et transformer
progressivement le secteur.
Le présent Document d’analyse fournit un cadre
et des orientations stratégiques, sans pour autant
préconiser de solutions spécifiques aux différents
contextes urbains.
20
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
21
Prédominants dans les pays en développement, Encadré à des degrés divers, ce secteur est
les transports collectifs « artisanaux » du secteur généralement libre de réglementer ses conditions
informel adaptent leur offre à la demande : de travail et l’entretien de ses véhicules. Parfois
assujettis à une licence d’exploitation délivrée par
e
n circulant aux heures et dans les conditions
l’État, ses exploitants sont généralement affiliés à
définies par leurs exploitants ;
un syndicat dont les cotisations donnent accès à ses
e
n ne quittant leur terminal qu’une fois pleins ou itinéraires et à ses terminaux.
largement remplis ;
Généralement très jaloux de leurs prérogatives, les
e
n ne desservent généralement pas d’arrêts
syndicats constituent une force politique majeure
préétablis, mais en s’arrêtant lorsqu’un passager
dans la plupart des pays en développement. Leur
souhaite monter ou descendre ;
influence émane de leur base syndicale et de leur
en déviant de leur itinéraire si besoin ; proximité avec les fonctionnaires qui délivrent leurs
en ne suivant pas d’horaires préétablis. licences ou possèdent leurs véhicules (par ex. : les
La plupart des transports collectifs « artisanaux » agents de police ou de réglementation).
sont exploités par des entrepreneurs individuels Forgé à la fin des années 1960 aux États-Unis, le
qui ne reçoivent aucune subvention publique et terme paratransit (traduit en français par transport
possèdent souvent une flotte de moins de quatre « parallèle » ou « semi-collectif ») y désignait les
unités2, généralement des véhicules d’occasion services proposés pour compléter l’offre du système
importés de pays développés (comme des motos, public3,4. Souvent assimilé aux services qui adaptent
des « pousse-pousse » à trois roues et trois places leur offre à la demande5, il recouvre en pratique la
assises, ou encore des camionnettes ou des minibus
gamme des services situés entre le secteur privé et
pouvant transporter jusqu’à 35 passagers assis et
les transports collectifs aux horaires et itinéraires
debout). Leurs conducteurs sont généralement
préétablis6. Dans les pays en développement,
rémunérés à la commission et assistés de membres
les citadins bénéficient généralement d’une
de leur famille qui vendent les titres de transport et
vaste offre de transports « parallèles » ou « semi-
supervisent la montée et la descente des passagers
collectifs » souvent assurés par des exploitants
et de leurs bagages.
2 Les villes ont récemment vu exploser les services de transports collectifs informels fournis par des véhicules à deux ou trois
roues et par des taxis collectifs, qui sont plus libres encore que les minibus en matière d’entrée sur le marché et de conditions
à remplir, mais ne font pas l’objet de la présente analyse.
3 Paratransit, Special Report 164, Transportation Research Board, National Academy of Sciences, Washington DC, 1976
4 R.F.Kirby, et al. Para-Transit: Neglected options for Urban Mobility, Urban Institute, Washington, DC, 1975
5 Définition Wikipédia: Respectivement employées aux États-Unis et au Royaume-Uni, les expressions paratransit et
community transport renvoient aux services fournis pour compléter l’offre de transports collectifs aux itinéraires et horaires
préétablis. Leur degré de personnalisation et de flexibilité varie considérablement, allant de taxis ou de minibus suivant un
itinéraire vaguement défini et s’arrêtant pour faire monter ou descendre des usagers, à des véhicules desservant des adresses
précises au départ et à destination de n’importe quel l’endroit indiqué par l’usager au sein des zones desservies.
6 Cervero, 1975
27
Photo II-1.
De haut en bas: terminal de bus à Lusaka, jeepney à Manille et poda-poda à Freetown.
28
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
la prestation de services à d
es itinéraires et des arrêts l’obligation de se conformer
des heures précises selon des préétablis entre deux à des réglementations
horaires préétablis ; terminaux ; en matière de licence
d’exploitation, de véhicules, de
tarifs, d’horaires, d’itinéraires,
d’arrêts et de terminaux ;
29
Cerner les Document d’analyse • Ajay Kumar, Sam Zimmerman, Fatima Arroyo-Arroyo
Problèmes
Dans les villes des pays en développement, différents
facteurs ont progressivement entravé la mobilité urbaine
et favorisé le développement du secteur informel des
transports collectifs.
32
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
La population des villes d’Afrique subsaharienne de plus de 20 millions d’habitants comme Lagos
s’élève actuellement à 472 millions d’habitants et aux villes de moins de 500 000 habitants8. L’Afrique
devrait doubler d’ici 25 ans, à raison d’une croissance subsaharienne devrait compter 100 villes de plus
démographique annuelle de quatre pour cent d’un million d’habitants d’ici 2025, soit deux fois
(inimaginable dans les pays développés)7. Cette plus que l’Amérique latine (McKinsey). Dans cette
tendance s’explique moins par l’exode rural à région, la population urbaine se répartit à 34 pour
partir des régions agricoles que par la croissance cent dans les grandes villes (plus d’un million
démographique des villes elles-mêmes et par d’habitants), à environ 15 pour cent dans les villes
l’expansion géographique des conurbations secondaires (de 250 000 à un million d’habitants)
proches. À la lisière des villes, des logements sortent et à 50 pour cent dans les petites villes (moins de
de terre dans le plus grand mépris des règles 250 000 habitants), tandis que les villes de moins de
d’urbanisme. Tous les centres urbains contribuent 50 000 habitants représentent 29 pour cent de la
à cette croissance démographique, des mégapoles population urbaine du continent africain9.
Photo III-1.
Installé sur un terre-plein du centre-ville de Lusaka pour répondre à la demande des passants,
ce stand d’alimentation entrave la circulation et compromet la sécurité routière.
7 The State of African Cities 2008, A framework for addressing urban challenges in Africa, Programme des Nations Unies
pour les établissements humains (ONU-Habitat) 2008.
8 https://www.cfr.org/backgrounder/urbanization-sub-saharan-africa
9 Which Way to Livable and Productive Cities? A Road Map for Sub-Saharan Africa, Kirsten Hommann et Somik V. Lall,
Banque mondiale (2019).
L’accélération de la motorisation sous l’effet conjugué de la croissance
démographique et de la hausse des revenus en milieu urbain
Dans les pays d’Afrique subsaharienne, les pour mille habitants est passé de moins de 40 à plus
déplacements en véhicules particuliers (automobiles de 250 à Accra10 et de 60 à environ 200 à Nairobi11. À
et motos) doublent pratiquement tous les cinq à ces deux facteurs s’ajoutent les capacités restreintes
six ans sous les effets conjugués de la croissance des infrastructures routières, saturées dans la
démographique (deux à trois pour cent par an) et de plupart des villes d’Afrique subsaharienne par un
l’augmentation des véhicules (sept à huit pour cent trafic croissant qu’elles sont incapables d’absorber.
par an). Entre 2000 et 2015, le nombre de véhicules
Le manque d’aménagement du
territoire
10 Franklin Obeng-Odoom (2010) “Drive left, look right: the political economy of urban transport in Ghana”, International
Journal of Urban Sustainable Development, 1:1-2, 33-48.
11 Franklin Obeng-Odoom (2010) “Drive left, look right: the political economy of urban transport in Ghana”, International
Journal of Urban Sustainable Development, 1:1-2, 33-48.
12 The State of African Cities: A framework for addressing Urban Challenges in Africa, ONU-Habitat (2008).
34
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
14 African Economic Outlook 2016, Sustainable Cities and Structural Transformation, Banque africaine de développement
(BAD), Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) (2016).
15 https://www.weforum.org/agenda/2018/06/Africa-urbanization-cities-double-population-2050-4%20ways-thrive/
16 Somik Vinay Lall, J. Vernon Henderson, Anthony J. Venables Africa’s Cities: Opening Doors to the World, Banque mondiale (2017)
36
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Pour un taux d’urbanisation de 40 pour cent, les pays Le plus faible niveau de PIB par habitant enregistré
d’Afrique subsaharienne disposent actuellement par l’Afrique peut s’expliquer par l’exode rural
d’un PIB par habitant de 1 000 dollars des États- de populations dont le niveau d’instruction et de
Unis17 ; à titre de comparaison, lorsqu’ils ont atteint ce compétence s’avère insuffisant pour décrocher des
taux d’urbanisation, les pays du Moyen-Orient et de emplois stables et relativement bien rémunérés
l’Afrique du Nord disposaient d’un PIB par habitant dans l’économie formelle.
de 1 800 dollars (en 1968) et les pays de l’Asie de l’Est et
du Pacifique d’un PIB par habitant de 3 600 dollars
(en 1994), exprimés en dollars constants de 2005.
L’économie informelle emploie 85,8 pour cent rémunérés, ne donnent droit à aucune prestation
de la main-d’œuvre en Afrique subsaharienne, sociale, ne suivent pas d’horaires réguliers et ne
contre 68,2 pour cent en Asie et dans le Pacifique, disposent pas de locaux fixes. Or, l’existence d’un
40 pour cent dans les Amériques et 25,1 pour cent marché stable et étendu s’avère indispensable pour
en Europe et en Asie centrale18. Dans la construction, pouvoir investir massivement dans le transport des
l’hôtellerie, la vente et d’autres secteurs de l’économie travailleurs et garantir l’efficacité économique et la
informelle, la plupart des emplois sont faiblement viabilité financière de tels investissements.
17 Ibid.
18 Transition from the Informal to the Formal Economy Recommendation, 2015 (No. 204), Organisation internationale du travail (OIT)
Le manque d’investissements dans 37
19 The relevance of street patterns and public space in urban areas, Working Paper de l’ONU-Habitat, avril 2013.
20 Somik Vinay Lall, J. Vernon Henderson, Anthony J. Venables Africa’s Cities: Opening Doors to the World, Banque mondiale (2017)
21 https://nextcity.org/daily/entry/how-much-public-space-does-a-city-need-UN-Habitat-joan-clos-50-percent
38
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
La structure démographique de
l’Afrique subsaharienne
22 The Demographic Profile of African Countries, Organisation des Nations Unies, Commission économique pour l’Afrique, mars 2016.
39
Le secteur informel des transports collectifs se des quartiers), les conducteurs et leurs syndicats, les
compose généralement des acteurs suivants : le vendeurs de véhicules, les gestionnaires d’itinéraires
personnel politique, la police, l’administration, les et de terminaux, les mécaniciens et bien sûr les
propriétaires de véhicules, les titulaires de licences usagers23. Parmi tant d’intérêts contradictoires, celui
d’exploitation, les compagnies d’assurance, les des usagers finit rarement par prévaloir.
associations (à l’échelle des villes, des itinéraires ou
La prestation des services repose sur des alliances ou d’autres organisations, sept pour cent seulement
politiques et sur l’octroi de licences d’exploitation à des exploitants appartenant à une association.
une minorité de prestataires. Le secteur informel des
Si ce marché n’est en théorie fermé à personne, il se
transports est souvent dominé par des syndicats
limite en pratique aux syndicats, qui perçoivent des
d’exploitants et/ou de propriétaires qui recourent
cotisations proportionnelles au nombre de véhicules
souvent à l’intimidation, voire à la violence, pour faire
exploités par leurs adhérents24. En contrepartie des
appliquer des règles qu’ils ont eux-mêmes établies
licences d’exploitation octroyées par les autorités, les
pour compenser l’incapacité des pouvoirs publics
syndicats défendent les intérêts de leurs adhérents,
à réglementer le secteur. Les syndicats divisent
en les protégeant notamment d’une concurrence
souvent les villes en zones dont ils répartissent
rarement autorisée.
ensuite la responsabilité entre leurs différentes
sections, comme c’est le cas à Lagos. À Lagos, les syndicats prélèvent les cotisations
des exploitants par l’intermédiaire de « jeunes
Les syndicats dominants dans les capitales
de quartier » faisant si nécessaire usage de la
Kampala (NAFEBO, National Federation for Boda
violence. Ils se constituent ainsi un budget qu’ils
Operators) et Lagos (NACOWA, Nigerian Auto
emploient pour « administrer » le secteur en
Bike Commercial and Workers Association) se
obtenant les faveurs de la classe politique et
caractérisent par leur poids démographique et
de la police. Il s’avère d’autant plus difficile de
par leur capacité à influencer les politiques, dans
réglementer le secteur que les syndicats ont accru
la mesure où ils comptent respectivement 70 000
leur influence politique en élargissant leur base et
et 200 000 adhérents, représentés respectivement
leurs cotisations. Forts de 200 000 exploitants qui
par 30 et 57 sections dans chacune de ces villes.
emploient 500 000 travailleurs directs, les syndicats
La ville de Douala fait toutefois figure d’exception,
ont le pouvoir économique et politique de paralyser
puisque la majorité des propriétaires de motos-taxis
toute la ville.
préfèrent se réunir au sein d’associations de quartier
23 Jacqueline Kopp et Winnie Mitullah, Politics, Policy and paratransit, in Paratransit in African Cities, Roger Behrens, Dorothy
McCormick et David Mfinanga (eds).
25 Jacqueline Kopp et Winnie Mitullah, Politics, Policy and paratransit, in Paratransit in African Cities, Roger Behrens, Dorothy
MoCormick et David Mfinanga (eds).
26 https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-12-26/matatus-elude-center-city-ban-in-nairobi-kenya-again
27 Tom Opiyo, The Metamorphosis of Kenya Bus Services Limited in the Provision of Urban Transport in Nairobi.
41
Les rares pays qui encadrent les transports collectifs vise à atténuer les effets indésirables de l’économie
ont tendance à tomber dans l’un ou l’autre de informelle sur la circulation (embouteillages,
ces deux excès. L’excès de libéralisme consiste à insécurité, etc.) tout en cherchant à satisfaire les
ne pratiquement pas intervenir dans le secteur usagers et à protéger les employés.
informel des transports et à laisser aux exploitants
Ces deux excès comportent toutefois leur lot
et à leurs syndicats le soin de l’administrer. Sur de
d’inconvénients : la déréglementation du secteur
tels marchés, le secteur informel n’est généralement
sera souvent synonyme d’embouteillages, de
guère réglementé en matière de véhicules autorisés
vétusté, de concurrence tirant les tarifs vers le bas,
à circuler sur le réseau et d’itinéraires (nombre, type,
de laxisme en matière de sécurité routière et de
état), ni en matière d’horaires, de sécurité routière,
mauvaises conditions de travail (temps de travail et
de sélection des conducteurs, de conditions de
niveau de rémunération), tandis que son interdiction
travail, etc. À l’inverse, l’excès d’interventionnisme
pure et simple privera les plus pauvres de modes de
consiste à abolir le secteur informel des transports
transport abordables et d’emplois peu qualifiés.
collectifs au profit d’un secteur entièrement formel
et strictement réglementé pour améliorer les Les décideurs politiques ne sauraient ignorer que le
conditions de transport des usagers et les conditions secteur informel fournit des moyens de subsistance
de travail des employés. indispensables aux plus pauvres et aux plus
vulnérables, en particulier aux migrants pauvres et
La première tendance vise à « donner libre cours à
non qualifiés en milieu urbain, comme l’indiquent
l’esprit d’entreprise »28 caractéristique de l’économie
des études disponibles sur ce sujet29.
informelle pour proposer des services de transport
abordables aux citadins, tandis que la seconde
29 Understanding the informal economy in African cities: Recent evidence from Greater Kampala, Angus Morgan Kathage,
14 mars 2018, https://blogs.worldbank.org/africacan/understanding-the-informal-economy-in-african-cities-recent-
evidence-from-greater-kampala
42
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
43
IDÉE REÇUE
N° 1
Dans les pays en développement,
les besoins de toutes les couches
sociales en matière de mobilité et
d’accessibilité sont généralement
pris en compte dans l’élaboration des
stratégies de transports collectifs
urbains.
45
Souvent rares et limitées à une coûteuse liste « en pratique », « sur le terrain ». Les principales
d’infrastructures, les stratégies de transports décisions y sont souvent improvisées pour répondre
collectifs urbains ne répondent pas véritablement à des pressions politiques, des problèmes ponctuels
aux besoins de la population. Dans les villes ou des intérêts particuliers. Souvent axées sur la
d’Afrique subsaharienne, dont les habitants construction d’infrastructures visant à réduire les
effectuent plus de 70 pour cent de leurs trajets à pied embouteillages, les stratégies existantes profitent
ou en transports collectifs (voire davantage chez les principalement aux propriétaires de véhicules
plus pauvres), les autorités devraient accorder une particuliers.
attention particulière à l’accessibilité, à la mobilité,
Pour atteindre leurs objectifs de mobilité, les villes
à la sûreté et à la sécurité des usagers, en particulier
d’Afrique subsaharienne doivent tenir compte
des plus vulnérables. Leur négligence à l’égard du
de tous les modes de transport et entreprendre
secteur informel des transports collectifs pénalise
des réformes qui se révéleront difficiles sur le plan
les plus pauvres, qui en sont aussi les principaux
politique, mais plus avantageuses sur le long terme.
usagers.
Il s’avère absolument nécessaire, mais rarement
Dans ce secteur, on ne trouve par ailleurs suffisant, d’élaborer une feuille de route pour
guère de directives claires et exhaustives sur les atteindre de tels objectifs.
investissements à réaliser et la façon de l’organiser
Les 6 éléments clés du processus
de planification stratégique
L’efficacité de ces stratégies
repose sur six critères, rarement L’exhaustivité
satisfaits.
Ces stratégies doivent couvrir l’ensemble de la zone
métropolitaine (voire être pensées au-delà de ses limites
administratives et politiques), aborder la problématique
générale du transport et les questions de qualité de vie qui s’y
rapportent (par ex. : aménagement du territoire, changement
climatique, qualité de l’air, consommation d’énergie,
développement économique et social) et tenir compte de tous
les modes de transport. Le secteur des transports se caractérise
Les autorités locales trop souvent par le cloisonnement de ses réformes (par zone et
s’approprient peu ces stratégies, par mode de transport) et par l’insuffisance des informations sur
qui émanent rarement du lesquelles il fonde ses décisions.
principal secteur des transports
collectifs (le secteur informel) et La coopération
de la police.
Toutes les parties prenantes doivent avoir leur mot à dire, parmi
les autorités publiques investies de diverses compétences (par
ex. : transports, aménagement du territoire, environnement,
questions sociales, maintien de l’ordre, etc.) et la société civile
(par ex. : ONG, entreprises et citoyens).
La communication
Ces stratégies tiennent
rarement compte des freins en Il convient d’informer les parties prenantes et d’en recueillir les
matière de mise en œuvre ou de contributions en instaurant et en maintenant constamment
financement. une communication dans les deux sens.
La gouvernance
IDÉE REÇUE
N° 2
La solution aux problèmes de mobilité
urbaine réside dans la construction
d’infrastructures routières et
l’acquisition de matériel roulant.
49
30 Gordon Pirie, Sustainable Urban Mobility in ‘Anglophone’ Sub-Saharan Africa, Thematic study prepared for Global
Report on Human Settlements (2013). Disponible à l’adresse http://www.unhabitat.org/grhs/2013
31 https://www.bloomberg.com/news/articles/2019-11-11/why-a-new-expressway-in-nairobi-is-a-bad-idea
50
Encadré IV-1. Pourquoi éviter de se focaliser sur la congestion ?
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 3
La popularité croissante des taxis
collectifs et d’autres moyens de
transport « parallèle » est le résultat
d’une déréglementation délibérée des
transports collectifs.
53
Dans le secteur des transports collectifs, les autobus ont progressivement été supplantés par des
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
a) D
ans l’Afrique des années 1960, avant la fin coûts conjuguée à une baisse des recettes, qui
de la décolonisation, la plupart des citadins ne ont creusé le déficit public et progressivement
possédaient pas d’automobiles et se déplaçaient contraint l’État à supprimer ces subventions
en véhicules non motorisés ou en autobus pourtant nécessaires et tacitement promises.
exploités par des entreprises privées en situation d) P
rivées de subventions publiques, ces entreprises
de monopole. ont été contraintes de réduire la fréquence, la
b) À
partir des années 1980, après la décolonisation, capacité, la couverture et la qualité des services
l’État a nationalisé ces entreprises et réglementé en raison de leurs difficultés croissantes pour
ce secteur pour marquer une rupture symbolique entretenir et renouveler leur parc d’autobus.
avec l’ère coloniale. Plusieurs de ces compagnies Détenues ou subventionnées par l’État, la
ont fusionné dans un but de rationalisation et plupart d’entre elles ont ensuite fait faillite ans les
d’économies d’échelle, tandis que les tarifs ont années 1990, car les programmes d’ajustement
été encadrés dans un souci légitime d’égalité structurel avaient considérablement limité
sociale. la quantité de fonds publics et de devises
c) D
ifférents types de subventions publiques ont étrangères disponibles pour importer des pièces
été accordés au secteur formel des transports détachées et de nouveaux véhicules.
collectifs, en théorie pour favoriser la mobilité e) L
ancés à la fin des années 1980, ces programmes
des populations, en pratique pour conserver le d’ajustement structurel ont par ailleurs contraint
soutien des plus pauvres : prestations destinées les pays à mener des politiques de réforme
à compenser les pertes des exploitants, économique et à rationaliser le fonctionnement
exonérations d’impôts, aides à l’achat d’autobus de leur fonction publique. Cette libéralisation
et construction de centres d’exploitation et de a donc contribué à déréguler les transports
maintenance. Le fonctionnement du secteur a collectifs et à réintroduire des compagnies
néanmoins été mis à mal par une hausse des d’autobus privées.
Photo IV-1.
À Lusaka, terminal de minibus trahissant la
carence d’infrastructures dans le secteur.
55
f) A
u début des années 1990, le développement h) D
epuis 2006-2007, l’importation de berlines
du secteur privé et la multiplication de minibus depuis le Japon via Durban s’est accélérée
sous toutes leurs formes ont profondément de plus de 10 pour cent par an. Ces véhicules
métamorphosé les transports urbains. Face à d’occasion, qui ont entre dix et quinze ans et
l’importation de minibus d’occasion, dont le taux coûtent entre 2 et 4 000 dollars, sont utilisés pour
d’augmentation était alors supérieur à 10 pour fournir des services de taxis collectifs.
cent par an, le lancement d’une production i) L
a récente prolifération de ces minibus et taxis
locale en Afrique du Sud a favorisé l’introduction collectifs a saturé le marché des transports
de véhicules produits dans la région. Construits collectifs. Aux véhicules particuliers qui
par Toyota, IVECO ou Mercedes-Benz, ces encombrent déjà les routes se sont ajoutés
nouveaux véhicules à mi-chemin entre les transports collectifs informels, dont les
grandes camionnettes et petits autobus se sont conducteurs rivalisent pour attirer le plus
parfaitement adaptés au type de marché, de d’usagers possible. Insatisfaits des services de
routes et de transports informels de la région : transport collectif dont la vitesse, la qualité, la
ils sont plus rapides et moins chers à exploiter fiabilité et la sécurité ne cessent de décliner,
et à entretenir, mais aussi plus confortables et les usagers (et la classe politique) préféreraient
passent plus fréquemment. Les femmes s’y sont bénéficier de services plus efficaces et
en particulier senties plus en sécurité que dans les conventionnels fournis par des véhicules neufs,
autobus importés par les compagnies formelles, grands et modernes, aux horaires et itinéraires
où la densité des passagers et la contrainte de préétablis.
voyager debout favorisaient l’incivilité.
g) La popularité croissante de ces minibus auprès
des exploitants comme des passagers a encore
réduit la demande de transport en autobus.
56
À l’heure actuelle, peu de pays d’Afrique circulation, d’octroyer les licences d’exploitation et
subsaharienne encadrent le secteur informel de contrôler les véhicules, elles-mêmes disposées à
des transports en minibus et en taxis collectifs, compromettre l’application des règles pour arrondir
généralement exploités par des entrepreneurs leur maigre traitement. Ces pratiques contribuent
individuels. Au fil du temps et en fonction des toutefois à : 1) amenuiser encore la marge de profit
circonstances, des modalités de gestion et des exploitants et les incitent à négliger encore
d’exploitation uniques en leur genre se sont parfois davantage les normes d’exploitation et de sécurité,
développées et imposées pour répondre aux besoins et 2) inciter les autorités à privilégier les petits profits
des usagers locaux. à la mise en œuvre de plus vastes réformes, comme
certaines l’admettent elles-mêmes. Les petits et
Mus par la recherche du profit et encadrés par
les grands véhicules sembleraient plus enclins
des réglementations laxistes ou inexistantes, les
à enfreindre le code de la route, les premiers en
exploitants sont souvent libres de poursuivre leurs
raison de leur grand nombre et les seconds de leur
intérêts particuliers. Ces exploitants n’ont d’autre
gestion déléguée à des entreprises, tandis que les
choix que de transiger sur la qualité de leurs
exploitants de minibus affirment être plus enclins à
services pour se maintenir sur un marché où les
s’y conformer32.
tarifs et la productivité sont faibles, et de verser des
pots-de-vin aux autorités chargées de superviser la
32 Ibid
Préconisée par les autorités, la réduction du nombre des minibus de 14 places a entraîné des effets
inattendus :
L
a multiplication des deux et trois roues L
a multiplication des véhicules utilitaires
pour combler ce manque. Plusieurs quartiers illégaux et le creusement du manque à
ne peuvent être desservis que par des petits gagner pour les villes. Tributaires des transports
véhicules, notamment les petites rues des collectifs, les citadins ont recouru aux transports
banlieues périphériques en pleine expansion. illégaux qui se sont multipliés pour compenser
La baisse des minibus a entraîné une hausse la réduction des nouvelles licences d’exploitation
des motos (« okadas »), pousse-pousses et taxis octroyées aux minibus. Cette évolution a
collectifs. Favorisée par un taux de chômage représenté un manque à gagner pour les
élevé, la reconversion de différents types de autorités municipales, compliqué l’application
véhicules particuliers en taxis collectifs a exacerbé des règles et favorisé le développement des
les problèmes de congestion, de sécurité et de transports illégaux en poussant les forces de
pollution. l’ordre à fermer les yeux sur ces nouvelles
pratiques en contrepartie de pots-de-vin.
58
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 4
Le secteur informel des transports
collectifs s’est développé en réponse à
la disparition du système public, dans
les années 1970 à 1990.
59
Réalité, en partie
Photo IV-5.
La croissance exponentielle des trois roues importés d’Asie
a saturé les rues de Freetown ces dernières années.
34 https://diggers.news/business/2017/09/28/youth-unemployment
IDÉE REÇUE
N° 5
Le secteur informel des transports
collectifs devrait être entièrement
supprimé, car il présente bien moins
d’avantages que d’inconvénients (en
matière de sécurité, de protection de
l’environnement et de rendement).
Mythe
La diversité de leurs horaires, itinéraires et tarifs L
eurs services et véhicules représentent une
permet aux minibus de répondre aux besoins montée en gamme.
du marché en s’adaptant à la composition I ls peuvent facilement et rapidement adapter
démographique et à l’aménagement d’un territoire leurs services à l’évolution de la demande.
donné.
I ls sont conduits par des personnes faiblement
Les minibus présentent les avantages suivants : instruites, peu qualifiées et mal rémunérées,
qui exercent néanmoins une forte influence
I ls desservent tous les quartiers des zones
collective.
métropolitaines, aussi étendues et complexes
soient-elles. Ils stimulent l’esprit d’entreprise.
I ls fournissent des services financièrement I ls sont financés par des investissements locaux
viables sur des marchés impraticables pour tous et/ou des fonds propres.
les autres modes de transport.
62
Ils sont par ailleurs maniables, abordables, exploitables sans subventions et flexibles en
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Abordables. La plupart des transports collectifs « artisanaux » sont des véhicules d’occasion
importés et acquis au moyen d’une épargne familiale, de prêts contractés auprès de proches
et/ou de revenus tirés de cette activité. Les exploitants n’ont guère recours au système
bancaire, réticent à financer des véhicules d’occasion et à accepter des revenus irréguliers
comme garantie.
Exploitables sans subventions. Caractérisé par des itinéraires et des horaires préétablis,
le secteur formel des transports collectifs ne permet guère de réaliser des économies
d’échelle, car ses autobus plus grands et plus coûteux : 1) sont tenus d’appliquer des tarifs
abordables pour les citadins à faibles revenus ; 2) ne peuvent pas desservir les nouveaux
quartiers en raison du mauvais état des routes ; 3) les flux de passagers sont limités par
la faible densité géographique ; et 4) ils ne peuvent être exploités à pleine capacité dans
certaines villes, qui interdisent de transporter des passagers debout.
Moins strictement encadrés, les tarifs des plus petits bus peuvent au contraire être négociés
au cas par cas pour permettre aux conducteurs de circuler n’importe où, n’importe quand
et sans dépendre d’aides publiques imprévisibles. Le faible coût de la main-d’œuvre réduit
par ailleurs l’avantage économique des véhicules à plus grande capacité.
Photo IV-6.
Illustration des nombreux inconvénients des transports collectifs : saturation des lignes, mauvaise qualité
des services, vétusté des véhicules, accidents de la route et pollution de l’environnement.
64
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 6
Des transports publics aux horaires,
itinéraires et arrêts préétablis
constituent la solution idéale.
Prédominant jusque dans les
années 1990 pour tous les modes de
transports, ce modèle devrait être
rétabli dans toutes les villes des pays
en développement.
65
Réalité, selon le contexte
Photo IV-7.
Taxis collectifs stationnés dans un quartier commerçant
de Harare pour y prendre des passagers.
66
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 7
Face au déclin quantitatif et qualitatif
des services de transport urbain et
à l’encombrement des routes dans la
plupart des pays en développement,
la seule solution consiste à investir
dans des modes de transport collectif
rapides (comme des bus ou des trains)
et à y subordonner le reste du système.
67
36 Don Pickrell, A Desire Named Street Car: Fantasy and Fact in Transit Planning. American Planning Association, printemps 1992.
69
Des modes de transport
Photo IV-8.
Sur une route de Cochin, en Inde, la présence d’un chemin de fer surélevé
réduit la visibilité et entrave la traversée des piétons.
70
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 8
Les réseaux de bus à haut niveau
de service permettent de réduire la
congestion et d’améliorer la qualité des
transports collectifs dans les villes en
développement.
71
37 L’organisation non gouvernementale ITDP (Institute for Transportation and Development Policy) estime que les
déplacements en bus express coûtent entre 4 et 20 fois moins cher que les déplacements en tramway ou en métro léger et
entre 10 et 100 fois moins cher que les déplacements en métro. Voir Bus Rapid Planning, p. 1.
38 https://brtdata.org/location/africa
39 Agence internationale de l’énergie, Bus systems for the future: Achieving sustainable transport worldwide. Publication de l’OCDE,
Paris, 2002.
40 Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF, International Transport Workers’ Federation), Transport toolkit:
Trade union influence on World Bank projects. Case study: urban public transport in Bogota (ITF, London, 2010), p. 1.
72
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement Tableau IV-1. Les étapes du développement des bus urbains express41
Amélioration
Adaptation des Localisation et
Information des des quais pour
technologies pour suivi des véhicules
passagers pour des réduire le temps
Technologies réduire le temps de pour renforcer la
services plus pratiques d’embarquement
trajet et favoriser le coordination et la
et plus fréquentés et de
respect des itinéraires sûreté/sécurité
débarquement
et moins coûteux que les réseaux de chemin de fer. organismes chargés de planifier, financer, exploiter
Photo IV-9.
Bus express de Lagos
Malgré toutes ces nuances, la planification et la mise de BHNS dans le cadre d’un système de transports
en œuvre des BHNS sont trop souvent considérées collectifs, comprenant à son tour un secteur informel,
comme des exercices d’ingénierie consistant à on accorde en d’autres termes plus d’importance
concevoir des voies réservées, des véhicules de pointe au « matériel » qu’à la demande et au marché
et des applications technologiques complexes. Pour (pourtant le principal critère), aux institutions et à la
planifier, mettre en œuvre et exploiter un réseau gouvernance, ou à l’appui politique et technique.
IDÉE REÇUE
N° 9
Le faible rendement du secteur
privé devrait pousser les autorités
municipales à maintenir leurs propres
compagnies de bus ou à en créer de
nouvelles.
77
Photo IV-10.
Très empruntés en raison de leurs tarifs compétitifs, les autobus publics
de Lusaka ne suffisent pas à absorber la demande croissante.
78
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 10
Les tarifs des transports collectifs
devraient être encadrés pour être
accessibles aux plus pauvres, sans
pour autant éliminer la concurrence.
79
Ta
rif
e
ic
erv
es
ud
Qualité du
ea
transport public
Niv
D
es tarifs, qui doivent être supérieurs au coût d
u niveau de service, qui ne peut être maintenu
réel d’exploitation pour pouvoir être rentables, en que si les services sont rentables.
l’absence d’autres sources de revenus (comme
les subventions) ; À terme, la déréglementation du marché pour
combler le manque de services publics pourrait
d
es autres sources de revenus (comme les
poser de nouveaux problèmes.
subventions), qui permettent de fixer des tarifs
inférieurs à leur coût réel d’exploitation ;
82
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 11
Les moyens de transport
« artisanaux » ne devraient pas être
autorisés à circuler sur les voies
réservées aux BHNS et aux transports
ferroviaires, qui présentent le double
avantage d’être modernes et d’avoir
des capacités élevées.
83
IDÉE REÇUE
N° 12
La formalisation du secteur informel
des transports collectifs constitue
la principale solution à son évasion
fiscale délibérée, qui prive les
municipalités de recettes budgétaires
et exerce une concurrence déloyale vis-
à-vis de son équivalent formel.
85
Réalité, en partie
Les liquidités recueillies servent en grande partie à Un début de solution a été trouvé en confiant le
« inciter » les forces de l’ordre à fermer les yeux sur les paiement des trajets à des organismes centralisés
règles applicables en matière de permis de conduire, (par ex. : syndicats/associations d’exploitants
de licence d’exploitation, d’immatriculation, de locaux, banques, autorités publiques responsables
contrôle technique et de tarifs, entravant du même des transports, etc.), tout en recueillant des
coup la possibilité de réglementer l’octroi des données vérifiables au moyen de technologies de
licences d’exploitation, les conditions de travail, l’information et de la communication.
l’état des véhicules, les tarifs pratiqués et le code de
la route.
86
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 13
La population des pays en
développement emprunte les
transports collectifs parce qu’elle n’a
pas d’autre choix.
87
IDÉE REÇUE
N° 14
Véritable phénomène culturel, les
transports collectifs « artisanaux »
exercent une influence politique
considérable au-delà de leur propre
secteur.
89
Réalité
42 Woolf, S.E., Joubert, J.W. (2013). « A people-centered view on paratransit in South Africa ». Cities, 35, 284-293.
43 https://globalpressjournal.com/africa/zambia/public-transit-drivers-in-zambia-say-competition-bribery-demands-force-
them-to-violate-road-rules/ Global Press Journal (November 22, 2014)
90
Encadré IV-4. Le peuple philippin exprime son soutien aux
manifestations des conducteurs de jeepney (16 octobre 2017).
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Longtemps surnommé le « souverain incontesté pour répondre à ses propres besoins locaux de
des routes » (« the undisputed king of the road »), transport bon marché, alimentant ainsi une
le jeepney incarne la créativité, l’inventivité et florissante industrie. Pendant des décennies,
l’ingéniosité du peuple philippin44. ce véhicule a ainsi transporté d’innombrables
travailleurs philippins, méritant bien son
Récupérée au lendemain de la Seconde Guerre
surnom de « souverain incontesté des routes ».
mondiale pour servir de taxi collectif, cette jeep
militaire a beaucoup évolué depuis : elle s’est En 2017, un projet de modernisation des
coiffée d’un toit pour protéger ses passagers, transports collectifs (bus, camionnettes
sa banquette arrière s’est allongée pour en et jeepneys) a suscité l’opposition des
transporter davantage et elle s’est parée de conducteurs de jeepneys, qui ont organisé
toutes sortes d’accessoires et de couleurs. Même plusieurs manifestations contre cette réforme
lorsque leur distribution a cessé aux Philippines, jugée injuste45.
la population locale a continué de les fabriquer
Photo IV-11.
Un jeepney, autrefois surnommé le « souverain
incontesté des routes » aux Philippines.
44 http://www.stuartxchange.com/Jeepney.html
45 https://www.bbc.com/news/world-asia-41632035
46 https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-12-26/matatus-elude-center-city-ban-in-nairobi-kenya-again
47 Jacqueline Klopp, Winnie Mitullah. Politics, policy and paratransit: A view from Nairobi. (2015) Routledge
91
en 1928, « le plus grand nombre de véhicules travailleur de ce secteur fait vivre un foyer de cinq
Figure IV-2. Dessin dénonçant les pots-de-vin versés aux officiers de police, publié en 2018 dans le journal Freetown Press
48 Kenda Mutongi, Matatu: A history of popular transportation in Nairobi, Presses de l’université de Chicago, juin 2017.
50 Idem
92
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
En décembre 2018, l’interdiction de circuler en « matatu » dans le quartier des affaires de Nairobi n’a
pas tenu plus d’une journée.
Cette mesure a clairement montré la dépendance vis-à-vis de ce système privé de milliers de citadins
kényans, contraints d’effectuer un long périple dans le seul but d’aller travailler. Le chaos provoqué
par cette décision a entraîné la chute de Mike Sonko, le gouverneur de la région, qui a été congédié
le lendemain de son entrée en vigueur.
Instaurée en décembre 2010, l’interdiction d’importer L’opinion publique s’est ainsi laissé convaincre que
des véhicules à 14 places traduit la ferme intention du les autobus :
gouvernement de réduire la circulation des minibus constitueraient un moyen de transport plus sûr
ou « matatus » et d’encourager les exploitants à et confortable pour les femmes et les personnes
investir dans de plus grands véhicules52. L’opposition handicapées ;
manifestée en 2011 par différentes parties prenantes
feraient passer les usagers avant leurs intérêts
a fini par faire reculer le gouvernement, qui est
commerciaux, car ils seraient exploités par des
revenu en 2012 sur cette décision.
entreprises publiques ;
Adoptée cette même année, la Politique nationale réduiraient les embouteillages sur les routes des
intégrée des transports (INTP ou Integrated National villes causés par les mini/midibus car le nombre
Transport Policy) visait à interdire progressivement de véhicules conduits de manière erratique sur
la circulation des « matatus » et d’autres petits la route diminuerait considérablement ;
transports collectifs afin d’accroître la capacité des
seraient exploités par des entreprises capables
transports collectifs et de réduire la congestion sur
de proposer des systèmes d’information et de
les routes. Les fonctionnaires et les propriétaires
titres de transport intégrés.
d’autobus considéraient ces véhicules comme le
principal facteur de congestion et d’accidents de la La Politique nationale a toutefois été rejetée par
route, et donc comme une menace pour la sécurité les travailleurs directement ou indirectement
routière : en effet, les propriétaires de « matatus » employés dans le secteur, comme les propriétaires
en déléguaient l’exploitation à des conducteurs de « matatus » ou les associations de conducteurs,
engagés à la journée ou sur une courte durée, qui considéraient au contraire :
sans formation ni incitation au respect du code de q
ue les potentiels effets d’une telle politique sur
la route, dont la principale motivation consistait à les moyens de subsistance des travailleurs du
maximiser leurs profits. secteur n’avaient pas été pris en compte ;
q
u’il était erroné de rendre les petits véhicules
largement responsables des problèmes
d’accidents de la route, de sécurité routière, de
criminalité et de violence.
51 https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-12-26/matatus-elude-center-city-ban-in-nairobi-kenya-again
52 Source de cette section : Ommeh Marilyn, McCormick Dorothy, Mitullah Winnie, Orero Rispe et Chitere Preston, « The Politics
Behind the Phasing Out of the 14-seater Matatu in Kenya », 13e Conférence mondiale sur la recherche dans les transports
(CMRT), juillet 2013, disponible à l’adresse : http://www.wctrs-society.com/wp-content/uploads/abstracts/rio/selected/2864.pdf
Des études empiriques ont révélé une faible « À des considérations purement techniques 93
corrélation entre la taille du véhicule et le respect (accroître la capacité des transports collectifs,
réduire la congestion, favoriser le développement
Figure IV‑3.
Cycle des transports collectifs dans les villes d’Afrique subsaharienne depuis les années 1980
Secteur Restrictions
exploité par des petits
l’État véhicules
Hausse de la demande,
Demande de meilleurs
chômage croissant et
services et opportunisme
réglementation peu
politique
appliquée
53 McCormick, D., W. Mitullah, P. Chitere, R. Orero et M. Ommeh (2012) Institutions and Business Strategies of Matatu
Operators in Nairobi: A Case Study ACET Project 14 ; Paratransit operations and regulation in Nairobi, Working paper 14-03,
université de Nairobi.
54 Jansson J, (1980) « A simple bus line model for optimization of service frequency and bus size », Journal of Transport
Economics and Policy 14 (1):53-80.
55 Vijayakumar S. (1986) « Optimal vehicle size for road‐based urban public transport in developing countries ». Transport
Reviews: A Transnational Transdisciplinary Journal, 6(2):193-212.
56 Ommeh Marilyn, McCormick Dorothy, Mitullah Winnie, Orero Rispe et Chitere Preston, The Politics Behind the Phasing
Out of the 14-seater Matatu in Kenya, 13e Conférence mondiale sur la recherche dans les transports (CMRT), juillet 2013,
disponible à l’adresse http://www.wctrs-society.com/wp-ontent/uploads/abstracts/rio/selected/2864.pdf
94
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 15
Il conviendrait d’inciter les
gouvernements à fluidifier le
trafic routier en acquérant une
flotte d’autobus, dont chacun
peut remplacer plusieurs véhicules
« artisanaux » de plus petite taille
(berline, camionnette, etc.).
Pas nécessairement une réalité
La possibilité de remplacer les minibus par des (fréquents, flexibles et directs) par des autobus aux
autobus pour considérablement réduire le nombre horaires et itinéraires préétablis.
de véhicules collectifs repose sur les hypothèses
Dans l’un des premiers documents d’orientation
suivantes : a) la demande est suffisamment
à ce sujet (1986)57, la Banque mondiale a montré
élevée pour justifier le passage à une fréquence
que les économies d’échelle seraient réduites,
raisonnable d’autobus circulant selon des
voire nulles, car les coûts augmenteraient
horaires et itinéraires préétablis, b) les routes sont
proportionnellement au développement des
suffisamment larges et solides pour leur permettre
compagnies assurant ce service : « Les petites
de circuler, en particulier dans les banlieues et zones
compagnies de transport, qui sont très variées
périphériques, c) l’évolution et la croissance de la
et davantage soumises à la concurrence, optent
demande (nombre et profil des passagers) justifient
souvent pour des véhicules moins chers à exploiter
d’adapter et de standardiser l’offre en conséquence,
que les autobus, généralement préférés par les plus
et d) le niveau de la demande et des recettes se
grandes entreprises. »
maintiendra malgré le remplacement des minibus
57 Banque mondiale, (1986) Urban Transport. Policy Study de la Banque mondiale, Washington DC.
Le recours aux autobus se justifie dans les souples (souvent à domicile), plus fréquents et
environnements où la demande et/ou le coût de donc plus pratiques que les autobus. Ils présentent
la main-d’œuvre est élevé (il peut représenter les également l’avantage de se remplir plus facilement
deux tiers du coût d’exploitation d’un autobus que les autobus, et donc de quitter plus rapidement
dans les villes développées). Les villes d’Afrique leur terminal, et d’être plus maniables que ces
subsaharienne affichent une faible densité de derniers sur des routes étroites ou encombrées.
population, car la croissance démographique est
L’intérêt des autorités pour les autobus n’est pas
inférieure à la croissance géographique. Le coût
nouveau : face à l’essor des minibus dans certaines
de la main-d’œuvre y varie considérablement :
villes d’Asie de l’Est, elles ont recommandé dès les
il est plus élevé pour les services de transport en
années 1970 et 1980 d’en réduire, voire d’en interdire
autobus, essentiellement fournis par l’État, que pour
les activités (voir l’encadré IV-6). Des recherches
les services de transport en minibus privés, dont
menées par Walters (1979) ont brisé une idée
les chauffeurs font de longues journées de travail
reçue en démontrant que les minibus fournissaient
sans bénéficier des mêmes prestations que leurs
souvent des services plus fréquents, rapides et
homologues du secteur public.
adéquats au transport de passagers en milieu
Les minibus réduisent par ailleurs le temps d’attente urbain que les grandes compagnies de transport en
des passagers en leur proposant des services plus autobus. La situation n’a guère changé ces dernières
97
décennies, si ce n’est que les villes d’Asie de l’Est privatisés. » C’est notamment le cas de Buenos
D’après différentes études consacrées aux les seconds comptent de 12 à 14 places (1 000
transports urbains depuis les années 1970, à 1 500 centimètres cubes) et s’arrêtent en
l’introduction des minibus a largement fonction de la demande. Les déplacements
bénéficié aux exploitants comme aux usagers en minibus coûtent deux fois plus cher que
de ces véhicules. À Manille, ces études ont ceux en autobus, mais représentent presque
montré que les propriétaires de « jeepneys » 90 pour cent du total des déplacements, car
parvenaient à dégager de confortables les usagers en préfèrent le confort et la rapidité.
bénéfices, contrairement aux compagnies Les minibus parviennent donc à dégager de
d’autobus, pénalisées par l’application des modestes bénéfices, tandis que les autobus
tarifs réglementés, l’achat de ces véhicules et n’en dégagent pas suffisamment pour couvrir
l’absence de mécanismes d’incitation. leurs coûts de fonctionnement.
À Hong Kong, des « bus légers » (PLB ou Public Le même constat s’applique à la ville de Kuala
light buses) ont été légalisés en 1969 après s’être Lumpur, où quelques minibus ont été introduits
popularisés dans la clandestinité. Détenus par et se sont avérés plus rentables que les autobus,
des entrepreneurs individuels dont 75 pour malgré leurs tarifs plus élevés.
cent ne possédaient qu’un bus, ces véhicules
À Bangkok, l’entreprise publique BMTA
n’étaient soumis à aucune réglementation en
(Bangkok Mass Transit Authority) a repris en
matière de tarif ou d’itinéraire, mais se voyaient
1976 l’exploitation des autobus, auparavant
interdits dans certaines zones. En moyenne, ils
répartie entre plusieurs entreprises privées.
passaient huit fois plus souvent et circulaient
En parallèle, l’absence de contrôles de police
15 pour cent plus vite que les autobus, ce qui
dans la zone métropolitaine permettait à de
explique leur capacité à dégager des bénéfices.
nombreux minibus d’y circuler illégalement
À Chiengmai, une ville d’environ et d’y dégager des bénéfices en appliquant
100 000 habitants dans le Nord de la Thaïlande, le même tarif que les autobus, tandis que la
le marché des transports est ouvert à la BMTA enregistrait des pertes considérables.
concurrence entre les autobus et les minibus. Au bout de quelques années, l’État s’est trouvé
Les premiers comptent une trentaine de places contraint de légaliser ces minibus et d’en
et suivent des itinéraires préétablis, tandis que contrôler l’exploitation.
Adapté de: A.A. Walters, Costs and Scale of Bus Services, Staff Working
Paper No. 325, avril 1979, Banque mondiale, Washington, DC.
58 A.A. Walters (1982), « Externalities in Urban Buses », Journal of Urban Economics, 11, 60-72.
98
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 16
Le remplacement de réseaux informels
par des réseaux formels de transports
collectifs pourrait en réaffecter toute
la main-d’œuvre sans la perturber.
99
Réalité
59 Nairobi Bus Rapid Transit, Labor Impact Assessment Research Report, janvier 2019, Global Labor Institute, Genève.
60 Khayesi, M. (1997). Matatu Workers in Nairobi, Thika and Ruiru Towns, Kenya: Analysis of their Socio-economic
characteristics, Career Patterns and Conditions of Work. Final Research Report Submitted to the Institute for Development
Studies, Université de Nairobi.
100
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
IDÉE REÇUE
N° 17
La formalisation d’un système informel
de transports collectifs ne requiert
aucune aide financière de l’État.
101
D
e favoriser le développement du secteur formel
des transports collectifs :
» e
n créant des entreprises publiques
directement financées et exploitées par l’État
et en interdisant la fourniture de tels services
par des particuliers ou des entreprises privées
du secteur informel ;
» e
n investissant massivement dans toutes les
formes de transports collectifs.
D
e plafonner les tarifs des transports collectifs
pour les rendre accessibles aux plus pauvres.
Or, ces mesures n’ont guère amélioré la mobilité des
plus pauvres en facilitant leur accès aux transports
collectifs, si tant est que ce fût leur objectif. À travers
le monde, il est de plus en plus admis que le secteur
doit réduire le nombre de véhicules particuliers
sur les routes en favorisant une transition vers des
transports collectifs ou non motorisés chez tous
les citadins, quel que soit leur niveau de revenus.
Dans cette perspective, les politiques publiques
doivent non seulement convaincre les citadins
d’abandonner leurs deux et trois roues, mais
également les dissuader d’y revenir, malgré des prix
de plus en plus abordables.
61 https://www.pinterest.com/pin/the-philippine-jeepney-the-undisputed-king-of-the-road-by-godofredo-u-
stuart--197384396145745578/oup consulté le 17 novembre 2020.
106
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Pour remédier aux nombreux problèmes Plusieurs étapes doivent être suivies pour passer
actuellement rencontrés par ce secteur en matière à un marché dont les acteurs (en premier lieu les
d’aménagement du territoire, de qualité des véhicules, exploitants) sont tenus de conclure un contrat
de conditions d’exploitation, de qualification des stipulant la nature, la période, les horaires et les
conducteurs et de circulation d’exploitants illégaux, conditions des services qu’ils sont autorisés à fournir.
il conviendrait principalement62 :
Appuyé par la Banque mondiale, le programme de
D
’améliorer l’organisation et la planification renouvellement du parc de « car rapides » à Dakar
des transports urbains pour créer un meilleur fournit un excellent exemple de restructuration
environnement de travail et permettre aux d’un réseau urbain de transports collectifs63. Pour
exploitants de fournir de meilleurs services ; participer à ce programme et bénéficier d’aides à
De mieux administrer les routes et la circulation l’achat de nouveaux véhicules, les exploitants ont
routière pour faire un meilleur usage des dû commencer par se constituer en « groupements
infrastructures et montrer aux exploitants d’intérêt économique » (GIE) ; les itinéraires leur
les avantages d’adhérer au nouveau cadre ont ensuite été attribués par ordre de priorité. Pour
réglementaire. inciter au renouvellement des flottes de minibus,
ce programme a également versé de généreuses
Pour améliorer la qualité des services, on peut
primes à la casse et facilité le versement d’acomptes
notamment ouvrir l’exploitation de certains
en prolongeant le délai de remboursement des
transports « parallèles » ou « semi-collectifs » à
autres sources de financement. La clé du succès a
une concurrence qui présenterait des avantages
toutefois résidé dans l’introduction d’un nouveau
supérieurs aux inconvénients de la réglementation
système de titres de transport qui a rééquilibré la
en termes de coûts pour les exploitants, les
distribution des recettes entre les propriétaires et
travailleurs et les voyageurs. Sur un tel marché,
les conducteurs de véhicules, permettant ainsi aux
les contrats seraient réservés à des exploitants
premiers de toucher un pourcentage plus proche du
constitués en personnes morales, stipuleraient les
coût réel et de remplir les conditions requises pour
véhicules autorisés à circuler et encourageraient
accéder aux financements.
leurs bénéficiaires à investir pour les renouveler.
62 Brendan Finn, Abeiku Arthur et Samson Gyamera, New Regulatory Framework for Urban Passenger Transport in Ghanaian
Cities, 11e Conférence sur la concurrence et la possession de véhicules dans le transport terrestre de passagers, septembre 2009.
63 Ajay Kumar et Christian Diou, Renouvellement du parc d’autobus à Dakar : avant et après, document d’analyse du SSATP
N° 11 (mai 2010).
107
p
rolonger la vie utile des véhicules pour
générer un profit après avoir amorti les
véhicules ;
p
rocéder à un entretien suffisamment
consciencieux pour garantir le
Difficultés Services de
fonctionnement et la fiabilité des véhicules d’accès aux mauvaise
à un coût acceptable tout au long de leur financements qualité
durée de vie utile ;
s igner des contrats permettant d’encadrer
l’exploitation des véhicules et, ce faisant,
d’allonger leur durée de vie utile et de
garantir la génération de revenus réguliers ;
o
ptimiser les recettes d’exploitation en Faible recouvrement
des coûts
établissant un système de perception sûr
et abordable ;
m
utualiser les coûts et les risques entre
plusieurs véhicules pour parer aux
imprévus.
110
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Les Philippines ont lancé un ambitieux « Programme que de 1,3. On estime qu’environ 180 000 « jeepneys »
de modernisation des véhicules d’utilité publique » desservent les villes et les campagnes des
(PUVMP, Public Utility Vehicle Modernization Philippines. À lui seul, le grand Manille concentre
Program) dans le but : 55 000 « jeepneys » sur plus de 700 itinéraires. Les
exploitants illégaux de jeepneys ont commencé à
de moderniser l’actuel parc de jeepneys65 ;
proliférer en 2003, après l’adoption d’un moratoire
de réformer et d’uniformiser le secteur ; sur l’octroi de nouvelles licences d’exploitation, et
d
e réduire, voire de neutraliser les émissions de sont connus sous le nom de colorum ; leur grand
carbone ; nombre laisse penser que le parc réel de jeepneys
d
’accroître le confort des passagers et de les pourrait être bien plus vaste.
encourager à adopter les transports collectifs ; Dans le cadre de l’actuel système de licences
d
’améliorer les conditions de travail et l’état de d’exploitation, qui octroie à chaque exploitant le droit
santé des conducteurs et de leur famille. de n’exploiter qu’un seul véhicule, les conducteurs
Très fragmenté, le secteur des « jeepneys » se font de longues journées (vingt heures en moyenne)
compose d’une multitude de petits exploitants. À pour ne gagner qu’un maigre salaire. Ce système
Manille, où près de 80 pour cent des exploitants ne a pour inconvénients d’exacerber la concurrence
possèdent qu’un véhicule et moins d’un pour cent entre les conducteurs, de faire baisser les normes
en possèdent plus de dix, le rapport moyen entre le de sécurité et de considérablement aggraver la
nombre d’exploitants et le nombre de véhicules n’est congestion.
64 Transforming Public Transport in the Philippines (2016), ministère des Transports des Philippines, GIZ, disponible à l’adresse
www.transport-namas.org/
65 Jeeps militaires souvent très anciennes reconverties en minibus, les jeepneys peuvent en moyenne transporter entre 12 et
20 passagers.
Le programme de modernisation des véhicules Le nouveau système publiera des appels d’offres
utilitaires publics (PUVMP, Public Utility Vehicle qui stipuleront le nombre maximal de véhicules
Modernization Program) interdira le transport de exploitables et les normes de services à respecter pour
voyageurs par des véhicules de plus de quinze ans desservir un itinéraire et les licences d’exploitation
et veillera : ne seront octroyées qu’à des entreprises ou des
coopératives. Cette réforme représente un tournant
a
u bon état des véhicules, qui devront être
majeur dans l’octroi des licences d’exploitation, qui
conformes aux nouvelles normes de sécurité
ne seront plus accordées par exploitant/véhicule,
et d’émissions, et équipés de technologies
mais par itinéraire.
embarquées pour pouvoir obtenir une licence
d’exploitation ; L’évaluation de l’impact du programme au cours
à la planification et à la rationalisation des de l’année écoulée indique : a) une amélioration
itinéraires de transports collectifs ; des performances commerciales des exploitants,
b) une hausse des recettes et une formalisation
à la révision des procédures d’octroi de licences
de l’activité des conducteurs, dont les heures de
d’exploitation, qui seront désormais octroyées
travail quotidien sont désormais encadrées, c) une
par itinéraire et non plus par exploitant/véhicule ;
meilleure administration du parc de jeepneys et
à l’harmonisation du secteur et à la une plus grande productivité grâce à la mise en
professionnalisation des conducteurs pour commun de l’entretien des véhicules, de l’achat
améliorer le niveau de service. de pièces détachées, etc., et d) une amélioration
L’ancien système consistait en effet à octroyer des des conditions de travail des conducteurs, dont les
licences d’exploitation à des titulaires de « certificat salaires sont déclarés et le temps de travail a baissé.
d’utilité publique » pour leur permettre d’exploiter
un ou plusieurs véhicules sur un itinéraire donné.
112
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Toute réforme présente des avantages et des des parties prenantes en vue d’adapter le projet à
inconvénients. En omettant de consulter les parties leurs besoins et d’en faciliter la mise en œuvre, et
prenantes, on risquerait de leur faire craindre le 3) alimenter une communication constante avec les
pire et de se heurter à une résistance d’autant plus parties prenantes (information, négociation et rétro
difficile à surmonter que les travailleurs du secteur alimentation) et adapter le projet en conséquence.
sont nombreux et que les propriétaires/exploitants
de véhicules occupent souvent des postes influents
au sein de l’administration ou de la classe politique.
D
éfinir les responsabilités des a) C
artographier les itinéraires a) O
ctroyer les licences d’exploitation
différentes parties prenantes. de tous les systèmes de définies pendant la phase de
D
ésigner un organisme de transports collectifs existants planification
réglementation. F
ormaliser le secteur des minibus
É
quiper les terminaux/arrêts pour en l’inscrivant dans la loi. b) É
quiper les terminaux/arrêts pour
permettre aux exploitants et à
I nstaurer des formations à
permettre aux exploitants et à leurs
leurs véhicules de les desservir. véhicules de les desservir
l’intention des conducteurs et
R
éviser les politiques Organiser des appels d’offres pour
des contrôleurs.
d’importation de véhicules attribuer les licences d’exploitation.
utilitaires (par ex. : bus) et de b) R
ecueillir des données relatives
pièces détachées. c) Professionnaliser les exploitants
aux itinéraires et aux licences
Créer des associations d’exploitants.
d’exploitation
E
ncourager tous les exploitants
Recourir aux technologies
à y adhérer pour contribuer à la
de l’information et de la
réglementation du secteur et favoriser
communication (TIC) et à des
leur responsabilisation.
applications de transports
collectifs pour faciliter la S
timuler la croissance des entreprises
collecte, le traitement et à en les encourageant à dispenser
l’utilisation des données. des formations, à diversifier leurs
activités, etc.
ÉTAPE 4 ÉTAPE 5 ÉTAPE 6
a) O
ctroyer des licences d’exploitation a) P
roposer des licences a) P
rocéder à l’intégration
correspondant à plusieurs itinéraires d’exploitation à des du système de transports
pour améliorer la qualité des services « associations » d’autobus collectifs
M
ettre en place un
b) Stimuler la croissance des entreprises b) O
rganiser des appels d’offres environnement et des
D ispenser des formations à la gestion pour octroyer ces licences infrastructures propices à
d’entreprise. d’exploitation l’amélioration des services de
Promouvoir de bonnes pratiques. transports collectifs.
Améliorer la logistique des transports. c) Fournir des services de conseil
b) Instaurer un programme de
c) A
méliorer l’environnement des renouvellement des véhicules
transports collectifs
C onstruire davantage d’arrêts/de c) I nstaurer des pratiques de suivi
terminaux. et d’évaluation
Établir l’ordre de priorité des différents
véhicules (y compris des autobus) sur
la route et dans le code de la route.
Améliorer les installations destinées
aux véhicules non motorisés.
Harmoniser le système de titres de
transport.
Instaurer un système d’information
des passagers.
Sensibiliser les usagers au respect de
la réglementation.
Remplacer les vendeurs de tickets à
bord des véhicules par des contrôleurs
ou des distributeurs automatiques.
d) Établir des partenariats publics-
privés pour financer la construction
d’infrastructures et l’achat d’autobus
e) E
ncourager le renouvellement des
véhicules
C
onclure des accords pour faciliter
l’accès à des financements collectifs
par le biais d’associations/de
coopératives.
116
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
Encadré V-1.
Recourir aux technologies pour remédier à la crise des transports collectifs dans les pays en développement66
Face aux flots de véhicules particuliers et à le Ghana, le Bangladesh cherche lui aussi à
l’insuffisance chronique des transports publics résoudre ses problèmes chroniques de transport
dans un contexte de vertigineuse croissance grâce aux nouvelles technologies. Dans la ville
urbaine, les applications mobiles de transports de Dhaka, l’application Jatri permet aux usagers
collectifs ont le vent en poupe. de connaître l’heure approximative du prochain
bus et d’acheter leur titre de transport en ligne.
Au Bangladesh, des applications comme
L’application permet ainsi de supprimer les
Jatri, Swvl ou Airlift permettent d’adapter les
flux d’espèces et d’accélérer les transactions,
itinéraires d’autobus aux besoins des usagers,
mais également de rendre les fiches
qui peuvent ainsi bénéficier de services fiables,
d’horaires obsolètes en indiquant la situation
abordables et efficaces. Les fonds respectivement
géographique des véhicules en temps réel. Pour
levés par la première application pakistanaise
les usagers ne possédant pas de smartphone, il
de ce type, Airlift, et par la startup du Caire,
reste néanmoins possible d’acheter des titres de
Swvl (12 et 42 millions de dollars), lancées l’an
transport auprès de guichets et de distributeurs
dernier au Pakistan et en Égypte, en ont fait les
automatiques, dispensant ainsi les conducteurs
plus grands investissements technologiques
du contrôle des titres de transport. Outre ces
d’Asie du Sud et d’Égypte.
fonctionnalités, Jatri permet également aux
D’autres applications ont suivi leur voie : Shuttle exploitants de gérer leur flotte, d’analyser leurs
en Inde, Gona au Nigéria ou encore ClickBus données et de faciliter leur gestion financière en
au Brésil, attirant de gros investissements et dématérialisant complètement leur système
des millions d’usagers. De grandes entreprises de paiement.
comme Careem et Uber ont quant à elles lancé
La popularité croissante de Jatri démontre
peur propre service de bus pour se faire une
la capacité des technologies du transport à
place sur ce marché en pleine expansion.
transformer les déplacements des citadins
Suivant l’exemple d’autres économies en en leur donnant accès à des transports mieux
développement comme l’Égypte, l’Inde et planifiés et plus efficaces.
TfL (Transport for London), l’organisme leurs partenaires ont pu proposer des services
public responsable des transports collectifs à de transports collectifs à Londres comme dans
Londres, a renouvelé pour trois ans la license d’autres zones urbaines et rurales du Royaume-
d’exploitation de ViaVan, coentreprise fondée Uni, d’après la compagnie.
par Via et Mercedes-Benz.
À Liverpool, Leicester et Sittingbourne, les
Depuis son lancement en avril 2018, ViaVan a technologies de Via sont également utilisées
assuré plus de sept millions de déplacements par ArrivaClick, dont 50 pour cent des usagers
et évité l’émission de 660 tonnes de CO2 en ont abandonné leur véhicule particulier et
favorisant le partage de véhicules. Elle a beaucoup se servent de l’application pour se
étendu ses services à l’ensemble de la capitale rendre jusqu’à une gare ferroviaire. À Oxford,
britannique et gagné un appel d’offres pour ViaVan a également conclu un partenariat
lancer un projet pilote de services à la demande avec Go Ahead couvrant 4 000 déplacements
dans l’arrondissement de Sutton, contribuant par semaine ; à Milton Keynes, l’entreprise a
ainsi à réaliser la vision d’avenir de la ville de évité l’émission de plus de 18 tonnes de CO2 en
Londres. assurant plus de 55 000 déplacements depuis
le lancement de nouveaux services en octobre
À Londres, ViaVan s’est principalement
2018, et prévoit l’introduction de véhicules
distinguée en réduisant l’usage individuel de
électriques dans sa flotte pour l’automne
véhicules, la congestion et les émissions de CO2.
prochain.
Grâce au fournisseur de technologie américain
Via, les exploitants de transports collectifs et
67 https://www.metro-magazine.com/10031210/transport-for-london-renews-viavan-microtransit-service-for-3-years
118
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
119
Conclusions
Principales
120
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement
1
Pour remédier aux problèmes de
4
Les problèmes de transports collectifs revêtent
transports collectifs, il ne suffit pas de multiples dimensions qu’il convient de
d’en identifier les symptômes : il faut décomposer et d’aborder séparément.
en analyser les causes.
2
Les problèmes de transports collectifs
5
En l’absence de solution universellement applicable
entraînent non seulement des à toutes les villes, il convient d’envisager chacun
embouteillages, mais aussi des des problèmes rencontrés puis d’en hiérarchiser les
conséquences sociales, sanitaires, différentes solutions possibles en fonction de critères
économiques et environnementales. prioritaires (sociaux, économiques, environnementaux,
sanitaires, etc.).
3
Pour être efficace, toute stratégie
6
La solution idéale consisterait en un système intégré
doit reposer sur des principes dont l’offre comprendrait notamment des services de
d’exhaustivité, de coopération, de transport « parallèle » ou « semi-collectif » (paratransit)
communication, de visibilité, de adaptés au contexte des villes en développement.
coordination et de continuité.
121
8
Les exploitants devraient se constituer en personnes morales pour
pouvoir accéder à ce marché concurrentiel.
9
Pour réduire le nombre de véhicules particuliers sur les routes
en favorisant une transition vers des transports collectifs ou
non motorisés, les politiques publiques doivent non seulement
convaincre les citadins d’abandonner leurs deux et trois roues, mais
aussi les dissuader d’y revenir.
122
Mythes et réalités du transport « informel » dans les pays en développement