2017-04 BOUKHARI Con - Partie4

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d’assurance est celui applicable aux obligations contractuelles.

SECTION 3) Règles légales pour déterminer le transporteur contre


qui agir:

La recevabilité de l’action de l’ayant droit contre le transporteur est


instaurée depuis 1924, grâce à un système destiné à obliger le
transporteur maritime à supporter dans le principe la responsabilité des
pertes ou dommages subis par les marchandises à l’occasion du
transport maritime 515.

Cette responsabilité découle du fait que c’est le transporteur maritime


de la marchandise qui délivre le connaissement au moment ou il la
prend en charge. Par cette remise, le transporteur endosse donc la
responsabilité due aux manquements ou aux avaries que pourraient
supporter la marchandise en cours de son voyage jusqu’à sa livraison à
son destinataire.

Le code maritime rappel que c’est le connaissement qui va faire foi des
informations sur : les inscriptions propres à identifier les parties, les
marchandises à transporter, les éléments du voyage à effectuer et le
fret à payer 516, de sorte que les éléments intrinsèques du

515
Contrat d’affrètement – l’action en responsabilité – conclusions : droit
d’action en responsabilité du transporteur, page 789.
516
Article 748 CMA : «après réception des marchandises, le transporteur ou son

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connaissement vont l’emporter sur toute autre preuve intrinsèque 517.
Il s’en suit, qu’à partir du moment ou un connaissement est émis au
nom d’un transporteur donné, ce dernier endossera la qualité de
transporteur maritime et ne pourra pas se prévoir d’une erreur
d’imprimé 518 à l’égard des intéressés à l’action ou « d’un contrat de
louage de connaissement »519.

Le demandeur peut donc assigner indifféremment le transporteur lui-


même ou ses représentants ès qualités, à savoir le capitaine, le
consignataire du navire et aussi le commis succursaliste520 ; concernant
ce dernier, il n’est pas habilité à représenter le transporteur que dans les
instances des opérations locales 521.

De la même manière, le capitaine du navire est habilité à recevoir

représentant est tenu, sur la demande du chargeur, de lui délivrer un connaissement


portant les inscriptions propres à identifier les parties, les marchandises à transporter,
les éléments du voyage à effectuer et le fret à payer»
517
R. Rodière – affarètement et transport tome 2, n° 698 Bonasis – droit maritime- p
605 (année 2010)
518
Le porteur de connaissement dont l’entête mentionnait le nom d’une compagnie a
été admis à agir contre celle-ci, bien qu’elle n’avait pas participé au transport,
l’agent maritime s’étant trompé dans le choix de l’imprimé- CA Bordeaux, 28 mars
1963, DMF 1963, p. 483
519
L’émetteur d’un connaissement endosse la qualité de transporteur maritime et
ne peut se prévaloir, à l’égard du chargeur, d’un « simple louage de connaissement –
CA Montpelier, 2e ch. 23 janvier 2001, Generali Transport c / France Euro Tramp.
520
Lamy transport, tome 2, année 2014, p.844.Cette déduction peut aussi se faire
de la rédaction de l’article 814 du CMA qui dispose que : « Si l’action
mentionnée à l’article précédent est intentée contre une préposé du transporteur, ce
préposé peut se prévaloir des exonérations et des limitations de responsabilité que le
transporteur peut invoquer en vertu des dispositions du présent chapitre »
521
CA Rouen, 2e ch. 18 janvier 2001, Générale de Manutention portuaire c/ P§G
Nedlloyd.

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les actes judiciaires et extrajudiciaires adressés à l’armateur522, ce
qui fait de lui un représentant de la compagnie de transport à laquelle
appartient le navire dont il est responsable523 dans la limite de ce qui y
est inhérent au navire dont il est capitaine.

Cette responsabilité signifie aussi que le capitaine du navire peut être


appelé dans une procédure à titre personnel pour voir sa responsabilité
reconnue, s’il a commis des actes ou des erreurs, intentionnelles ou
pas, qui ont eu pour conséquence des dommages causés au navire, à
la marchandise ou encore au personnel du navire524.

Cependant, le capitaine ne peut être valablement assigné que chez


l’agent consignataire du navire525. Ce dernier est lui aussi habilité par la
loi à recevoir tous les actes judiciaires ou extrajudiciaires que le
capitaine est habilité à recevoir et qui peuvent lui être notifiés 526. Le
consignataire du navire représente donc aussi le transporteur.

522
Article 10 du décret n° 69-679 du 19 juin 1969. Son équivalent art. 584 CMA.
523
Lorsque l’assignation est délivrée à un capitaine en qualité de représentant
« des propriétaires armateurs, affréteurs, sous-affréteurs et tous autres intéressés au
transport maritime », la cour peut interpréter la mention comme désignant le
représentant de l’armateur propriétaire du navire, à l’exclusion des affréteurs – Cass.
Com. 10 mai 1983, n°80-13.569, Bull. civ. IV, n° 139, DMF 1984, p. 269.
524
T. Com. Marseille, 14 juin 2002, Le continent c / CMA CGM et a. BTL 2002, p.
712
525
CA Paris, 5e ch. 6 nov. 2003, n° RG. 2000/06060, Axa et a. / Mbd Amjad
Hossain, BTL 2003, p. 811 ; contra CA Poitiers, 3e ch., 25 Fév.2009, DMF, p. 497 ;
CA Paris 24 sept. 1992, n° RG : 90-6214, La mutuelle agricole de Côte d’Ivoire c/
Delmas Afrique.
526
Art. 18 du décret n° 69-679 du 19 juin 1969. en droit algérien : article 613 du
CMA.

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95. Cas de pluralité des transporteurs, la question de connaitre
l’identité du transporteur de la marchandise n’est pas compliquée
quand il s’agit d’assigner le transporteur inscrit dans un connaissement.
Cependant, dans la pratique nous rencontrons des compagnies de
transport maritime qui ont créé « un service commun » ayant pour
objectif l'exploitation de navires appartenant à des sociétés de transport
maritime différentes afin de réaliser un plus grand nombre de traversée.
Parmi ces compagnies, nous pouvons citer pour exemple, le service en
commun entre le Nord Est de l’Asie, l’Australie et la Nouvelle Zélande,
dont le point de départ sera Shanghai, lancé en novembre 2014 par la
CMA CGM et qui consiste à transporter des marchandises en
partenariat avec des navires appartenant aux compagnies suivantes :
China Shipping Container Lines (CSCL), Orient Overseas
Container Lines (OOCL) et Pacific International Lines (PIL), sur un
service 527.

Le même concept a été lancé entre la Maersk Line, le MSC et CMA


CGM pour un transport entre la Chine et les Etats-Unis transitant par
le Pacifique Baptisés Yang Tse et Bohai Rim 528.

Ce service consiste à mettre en commun des moyens de transport - un


même navire sera utilisé par plusieurs transporteurs en même temps -
afin d’effectuer le maximum de transport de marchandises par mer.
527
https://www.cma-cgm.fr/detail-news/552/cma-cgm-lance-un-nouveau-service-
commun- avec-cscl-oocl-et-pil-qui-relie-le-nord-est-de-l-asie-l-australie-et-la-
nouvelle-zelande
528
http://meretmarine.com/fr/content/maersk-msc-et-cma-cgm-lancent-un-service-
commun- entre-la-chine-et-les-etats-unis.

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Mais, la difficulté ici consiste pour l’intéressé dans l’action en
responsabilité, d'identifier le transporteur maritime qui a transporté la
marchandise et qui est donc responsable des manquements ou préjudices
subis par celle-ci étant donné qu’il aura un titre de transport comportant
la mention de plusieurs compagnies de navigation 529.

Pour tenter de pallier ce problème, la jurisprudence Française a


apporté des réponses suivantes :

• Lorsqu'un connaissement a été établi sur un imprimé à en-


tête d'un « service commun » à deux compagnies, l'action
pour pertes et manquants est recevable contre les deux
compagnies conjointement, bien que le transport ait été en fait
effectué par un navire appartenant à une seule. Les deux
sociétés sont déclarées solidairement responsables 530.

• La société qualifiée de transporteur peut être une société en nom


collectif regroupant des armateurs 531

• Lorsque des connaissements sont émis par plusieurs


transporteurs, celui qui sous-traite le déplacement est le
transporteur apparent et l’autre est qualifié de transporteur «réel».
La responsabilité de chacun peut être recherchée par le chargeur
qui possède ainsi deux débiteurs 532.

529
Lamy transport tome 2, année 2014, p. 847.
530
CA Bordeaux, 25 févr. 1974, BT 1974, p. 248
531
Cass. com., 28 nov. 1989, no 88-16.082, DMF 1991, p. 290 ; CA Aix-en-Provence,
2e ch. civ., 10 déc. 1992, no 90/4896, World Ranger Shipping et a. c/ L'indépendance.
532
CA Aix-en-Provence, 21 janv. 2010, no 07/18033, Kintex c/ Hidoux, BTL 2010, p.

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De manière générale, le connaissement qui indique plusieurs noms de
compagnies comporte souvent une mention indiquant lequel des
transporteurs, figurant dans la liste, est l'émetteur du connaissement (au
moyen d'une croix ou d'une case spéciale).

Si tel n'est pas le cas et si le document de transport n'indique pas,


clairement, le nom du transporteur, le destinataire doit par
prudence assigner individuellement tous les transporteurs indiqués
sur le connaissement. Il est inutile, voire dangereux, d'assigner le
consortium en tant que tel : il n'est pas certain qu'il ait une véritable
existence juridique et que l'assignation puisse lui être valablement
signifiée533.

Le droit algérien est assez similaire au droit français ; il distingue deux


cas de figures tenant de la forme du connaissement émis ;

Ainsi, s’il s’agit d’un connaissement direct, l’article 765 du CMA


dispose que: «… chacun des autres transporteurs répond de
l’exécution de ces obligations sur le trajet du transport qu’il a
assuré, conjointement et solidairement avec le transporteur qui a établi
le connaissement direct »534.

627.
533
CA Paris, 5e ch. A, 30 mars 1993, no 16392/92, Groupe Concorde et a. c/ Veb
Deutfracht- Seereederei Uberseehafen ; CA Aix-en-Provence, 2e ch., 6 mars 1997, no
94/1593, Klein SPPM c/ CGM). Seules ont la qualité de transporteur les compagnies
membres (CA Paris, 5e ch. A, 2 déc. 1985, DMF 1986, p. 551
534
Voir article 765 du code maritime algérien.

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Chaque transporteur est d o n c responsable de la partie du transport
qu'il assure lui-même, il appartient donc à l’intéressé d’assigner
tous les transporteurs qui sont intervenues dans le transport de la
marchandise et demander leur condamnation solidaire.

Dans le cas d’un connaissement combiné (Combined Bill of Lading),


il est considéré que le transporteur a la responsabilité unique de
l’ensemble des phases du transport: un contrat, un transporteur, une
responsabilité. Dès lors, on appliquera les dispositions de l’article 802
du CMA 535 aux termes duquel le transporteur maritime dont le nom
apparait au connaissement est responsable du préjudice ou de la perte
de marchandise; l’intéressé dans l’action en responsabilité pourra en
conséquence assigner le transporteur visé par le connaissement

Ici, la charge de la preuve incombe au transporteur maritime assigné, ce


sera à lui d’indiquer ou du moins faire intervenir tel transporteur qu’il
considère responsable des pertes ou préjudices subis par la marchandise.

96. Cas du groupe armatorial, D’autres difficultés quant à


l’identification du transporteur maritime sont à signaler, comme le
transport sous connaissement délivré par une enseigne d’un groupe
armatorial 536, ou encore d’une société agent de transport ayant un

535
Article 802 CMA : « Le transporteur est responsable des pertes ou dommages
subis pas les marchandises depuis leur prise en charge jusqu’à leur livraison au
destinataire, sauf dans les cas exceptés pas l’article suivant »
536
Cas du connaissement délivré par Maersk Line, l'action intentée par des assureurs
subrogés contre ce qui s'est révélé être une enseigne – dénuée de toute

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statut différent de celui de la société mère.

Ces cas supposent que la société de transport maritime compte au sein


de son groupe armatorial un très grand nombre de sociétés implanté
dans le monde entier ; certaines ayant pour activité le transport des
marchandises, et d’autres sont des représentants ou agents
maritimes. Chacune des sociétés ayant une personnalité morale
distinctes de la société mère.

Cette problématique a été posée aux juges algériens qui devaient statuer
sur la qualité à agir contre l’agent de transport implanté en Algérie.

Il s’agissait en effet de transports qui s’effectuaient sous couvert d’un


connaissement portant le nom d’une des sociétés de transport qui
dans la pratique était difficile, voir impossible à assigner, ce qui avait
poussé les compagnies d’assurance algériennes à assigner l’agent de
transport algérien de ce groupe armatorial, car celui-ci effectue
l’ensemble des démarches incombant au transporteur maritime et
reçoit pour son compte l’ensemble des actes judiciaires et
extrajudiciaires algériens.

Cela a donné lieu à une série de décisions rendues entre 2004 et 2006

personnalité juridique –, puis contre d'autres sociétés du même groupe armatorial,


étrangères à l'opération en cause, a été rejetée par la Cour de cassation. (Cass. com.,
8 juin 1999, no 97-11.517, DMF 1999, p. 603, note Tassel Y., D. 2000, jur., p. 729,
obs. Ammar D., rejetant le pourvoi contre CA Paris, 5e ch., 13 nov. 1996, no
18663/94, Maersk c/ La Réunion européenne).

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par le tribunal de Sidi M’hammed (Alger) par lesquelles le tribunal
considérait irrecevable l’action dirigée contre un représentant du
transporteur maritime, alors même qu’il appartient à son groupe
armatorial 537.

Il semblerait ici que les tribunaux d’Alger faisaient une application


stricte de l’article 748 du code maritime algérien au terme duquel :
«après réception des marchandises, le transporteur ou son représentant
est tenu, sur la demande du chargeur, de lui délivrer un
connaissement portant les inscriptions propres à identifier les parties,
les marchandises à transporter, les éléments du voyage à effectuer et le
fret à payer», de sorte qu’ils ne reconnaissaient la qualité en tant que
transporteur maritime qu’au transporteur dont le nom est inscrit au
connaissement.

Par la suite, les contentieux contre la même société se sont multipliés et


il a été mis en évidence que la société d’agent maritime algérienne
représentait en réalité les transporteurs maritimes appartenant au
même groupe armatorial et c’est la raison pour laquelle, à partir de
2006 538, la cour d’appel d’Alger annulait systématiquement les

537
T. de Sidi M’hammed, section commerciale et maritime en date du 08/11/2006,
n° 7290/2005 – CAAR c / Maersk Algérie SPA : « la requête contre la Maersk
Algérie qui n’a pas la fonction de transporteur maritime et qui est de
nationalité algérienne alors que le transporteur est celui qui est indiqué sur le
connaissement (art.748 CMA)..la requête est rejetée pour absence de qualité et
intérêt».

538
Arrêt CA Alger du 06/11/2006 n° 06/3569 – CAAR c/ Maersk

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décisions de première instance rendues dans ce sens.

Nous n’écartons cependant pas l’éventualité que la cour d’appel d’Alger


ait fait application de la théorie de l'apparence.

En France, la théorie de l'apparence a été expressément visée et


admise, à plusieurs reprises, en raison de l'erreur provoquée
(sciemment ou non) par le véritable défendeur et de sa participation
à l'instance (ce qui dénotait sa parfaite connaissance de la
situation)539en particulier en présence de connaissements dits de charte-
partie qui sont souvent émis sans entête ; Ainsi qu'ont été jugé recevable:

• l'acte visant une enseigne, mais délivré au siège même de la


société dont les responsables avaient spontanément, sous la
bonne dénomination, effectué un appel en garantie540.

• De la même manière, au moins deux procédures contre une


importante compagnie de navigation ont été jugées recevables541.
On notera que dans une de ces affaires, l'arrêt évoque « un flou
et un rideau de fumée », les magistrats ayant des difficultés à
démêler l'écheveau.

539
Lamy transport, tome 2, année 2014, p.845.
540
Ici, la cour d'appel de Paris relevait notamment une confusion artificiellement
utilisée pour tromper les adversaires (CA Paris, 5e ch., 1er juill. 1994, no 92-
15686, Sartec et a. c/ Uni- Europe et a.)
541
CA Aix-en-Provence, 2e ch., 26 sept. 2006, no 05/16255, Albingia c/ AP
Moller Maersk, BTL 2006, p. 648 ; CA Aix-en-Provence, 2e ch., 25 avr. 2005, no
2005/302, AP Moller c/ La Réunion européenne et a., BTL 2005, p. 356, DMF 2006,
p. 207.

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• Une procédure visant une marque commerciale a encore été
validée en raison de la confusion entretenue 542.

97. Cas du Connaissement qui ne comportant pas de nom du


transporteur, En droit algérien, si le transporteur n’a pas été nommé
dans le connaissement, l’armateur du navire à bord duquel les
marchandises ont été embarquées est présumé être le transporteur543.

Cependant, il est permis de déterminer l’identité du transporteur


maritime par la production d’autres documents dont la liste n’est pas
restrictive, en plus du connaissement qui s’est avéré insuffisant 544.
De manière générale, l’armateur sera considéré comme étant le
transporteur responsable si le transporteur maritime n’a pas pu être
identifié pour incertitude ou inexactitude sur son nom dans le
connaissement 545.

La Cour Suprême algérienne a rendu plusieurs arrêts allant dans ce


sens considérant ainsi l’armateur comme étant le transport maritime
responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise car le

542
CA Rouen, 19 oct. 2004, no 03/00882, Kawasaki Kisen Kaisha et a. c/ Bayer
Cropscience
543
Alinéa 1er de l’article 754 du code maritime algérien: « si le transporteur n’a pas
été nommé dans le connaissement, l’armateur du navire à bord duquel les
marchandises ont été embarquées, est présumé être le transporteur ».
544
Cour Supr. Ch. Com.et maritime, arrêt du 25/10/1993, n°111669 : « dans le cas
d’espèce la qualité du transporteur est certaine dans la mesure ou il a été versé la
fiche de renseignement certifiée par le capitaine du navire ».
545
Article 754 alinéa 2 : « il en est de même lorsque le transporteur a été nommé dans
le connaissement de façon imprécise ou inexacte »

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connaissement ne permet pas d’identifier avec certitude le nom du
transporteur546.

Ce mécanisme est aussi appliqué en France ainsi que nous le


démontre les d’espèces suivants:

• Lorsqu'il existe des moyens de procéder « facilement » à


l'identification du transporteur, ou lorsqu’une société autre que
l'armateur est clairement indiquée comme étant le transporteur,
l'action contre le propriétaire du navire ne doit pas pouvoir
prospérer547.

• Ayant constaté que le connaissement ne mentionnait ni le nom de


l'armateur, ni celui de l'affréteur, et que la charte-partie à
laquelle il se référait n'était ni reproduite, ni annexée, la cour
d'appel a pu accueillir l'action formée contre le propriétaire du
navire, quelles que soient les indications relatives à l'identité de
l'affréteur ayant pu résulter d'éléments extérieurs et révélés
postérieurement à sa délivrance548.

546
Cour Supr. Ch. Com.et maritime, arrêt du 09/07/1989, n° 39957 ; Cour Supr. Ch.
Com.et maritime, arrêt du 05/03/2002, n° 271334
547
CA Paris, 5e ch., 29 oct. 1998, PFA Assurances et a. c/ Compania de Navigatione
Maritima Navrom, relevant que l'affrètement coque nue avait été publié et que
les constats d'avarie désignaient l'armateur exploitant, confirmé par Cass. com., 8
janv. 2002, no 99-11.109, BTL 2002, p. 51 ; Ch. arb. Paris, 15 mai 2000, no 1032,
DMF 2001, p. 43, s'agissant également d'un affrètement coque nue, l'identité du
transporteur réel étant du reste connue.
548
Cass. com., 21 juill. 1987, no86-10.195, navire Vomar, DMF 1987, p. 573 ; et en
suite de cet arrêt, Cass. com., 22 janv. 2002, no 99-18.463, BTL 2002, p. 113 ; CA
Paris, 5e ch., 16 juin 2004, no 02/01855, Groupama Transports et a. c/ Speed Welle
Shipping et a. ; CA Paris, 5e ch., 18 déc. 2002, no 2001/05206, Navigation et
transports et a. c/ Heron Shipping et a., BTL 2003, p. 322, estimant que l'armateur-

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• si la charte-partie est inopposable au porteur du connaissement,
celui-ci peut s'en prévaloir en tant que fait juridique549

Cependant, si la loi désigne expressément l’armateur comme étant le


responsable du transport en cas d’incertitude de l’identité du
transporteur maritime, il est toujours possible d’agir contre le
transporteur contractuel comme par exemple l’affréteur.

98. Autres cas de figure : il existe des cas ou la détermination de


l’identité de transporteur dans un transport sous connaissement présente
des difficultés car le transporteur maritime qui y est indiqué n’est pas
celui qui effectuera réellement le transport.

Fort heureusement, ils ne sont pas très nombreux, mais ce point mérite
néanmoins d’être développé car il intéresse tant le destinataire dans son
action en responsabilité, tant le transporteur émetteur du connaissement
électronique, ce dernier étant facile à modifier et à falsifier avec les
nouvelles avancées technologiques et informatiques.

Il s’agit donc des cas ou le transporteur maritime est victime (ou

propriétaire et l'armateur-gérant avaient conjointement la qualité de transporteur


maritime ; CA Rouen, 20 janv. 2000, Arrow Trans Shipping c/ Navigation et
Transports, DMF 2000, p. 829 ; pour un panorama, voir S. Lootgieter, L'affréteur à
temps qui n'a pas émis de connaissement à son en-tête peut-il être identifié comme
transporteur ?, DMF 2012, p. 103, critique de l'arrêt Vomarcar la réponse est trouvée
au cas par cas à la consultation de registres, notamment le Lloyds' Register, qui ne
sont pas à l'abri de défaillances.
549
CA Aix-en-Provence, 2e ch., 8 sept.1994, arrêt « J.Jessica.», DMF 1995, p. 52 ;
CA Paris, 5e ch., 26 juin 1996, Colonia c/ Hoeggh Freighter.

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pas) de substitution ou d’usurpation de son identité.

N’ayant pas trouvé dans la jurisprudence algérienne des cas traitants de


ces cas de figures, nous nous baserons donc sur l’expérience française
pour tenter d’illustrer nos propos.

Selon la loi, seul celui qui a émis le connaissement et dont le nom y est
inscrit peut être assigné en responsabilité pour les manquements ou
préjudices subis par la marchandise ; nous verrons cependant, que dans
la pratique il existe des cas ou le transporteur indiqué sur le
connaissement n’est pas forcément celui qui l’a émis ni celui qui a
effectué le transport de la marchandise.

Ici la charge de la preuve revient à celui qui est en demande, mais ces
preuves sont bien accueillies par les juges ainsi que le montrent les
cas d’espèces suivants :

• l'argument selon lequel seule l'émission par un transporteur d'un


connaissement à son en-tête crée un lien contractuel entre
celui-ci et le chargeur ne peut valablement être opposé, quand
la compagnie dont la responsabilité est recherchée a bien
effectué le déplacement et a signé, par l'intermédiaire de son
agent, le connaissement émis à l'en-tête d'un autre transporteur 550 ;

• a été jugé recevable l'action dirigée contre un armement qui n'est


550
CA Paris, 5e ch., 28 mars 1991, BTL 1991, p. 780, en l’espèce le déplacement
était soumis à la loi française, dont les règles s’appliquent sans qu'un
connaissement ait été nécessairement émis ; sous l'empire de la Convention de
Bruxelles, l'action eût été jugée irrecevable.

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pas l'émetteur du connaissement mais qui a conclu en qualité de
transporteur le contrat 551.

• Le consignataire du navire qui a traité avec un commissionnaire


de transport en laissant croire faussement qu'il était transporteur
doit être condamné en qualité de transporteur apparent 552.

99. Solutions apportées par la nouvelle Convention ; Afin de faire


face aux nombreuses problématiques susvisées, l’article 37 de la
nouvelle convention apporte des solutions opportunes pour identifier
le transporteur maritime selon que le nom de celui-ci est indiqué ou
pas dans document de transport. Dans ce dernier cas, le propriétaire du
navire a la possibilité d’échapper à la responsabilité s’il désigne au juge
l’identité du vrai transporteur.

SECTION 4) les règles de prescription de l’action et ses limites

Le contrat de transport maritime commence dès la prise en charge de la


marchandise par le transporteur et se termine avec sa livraison au
destinataire ou à son représentant légal réclamant la livraison au titre
d’un exemplaire, même unique d’un connaissement, ou si aucun
connaissement n’a été émis, au titre d’un autre document de transport
valablement établi selon le mode de transport convenu553.

551
CA Paris, 26 janv. 1982, DMF 1982, p. 608, note R. A., s'étonnant qu'une telle
confusion puisse se développer dans un milieu portuaire.
552
CA Paris, 26 janv. 1982, DMF 1982, p. 608, note R. A., s'étonnant qu'une telle
confusion puisse se développer dans un milieu portuaire.
553
Art. 739 CMA

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100. La prescription légale ; Sauf si le connaissement contient des
stipulations spécifiques, la livraison est l’acte juridique en vertu duquel
le transporteur s’engage à livrer la marchandise au destinataire ou à son
représentant légal qui exprime son acceptation ou pas de sorte que
l’acte de livraison devient le point de départ, pour le destinataire, de
faire ses doléances ou d’engager une procédure contre le transporteur
maritime de la marchandise 554.

Ici, il est important de distinguer la date de la livraison qui implique


un acte distinct de la lettre des réserves que le destinataire pourrait
adresser avant ladite livraison de sorte que, si la lettre de réserves
intervient avant la livraison, le délai de prescription anale ne peut
commencer qu’à la date de l’envoi de la lettre de réserves.

On peut illustrer nos propos par un arrêt de 2014 de la Cour


Suprême algérienne qui a annulée la décision de la cour d’appel
dans les termes suivants : « que les juges du fond ont estimé que la
livraison s’est effectuée le 02/11/2010 et que les réserves ont été
effectuées le 03/11/2010, que la saisine le tribunal a été faite hors du
délai d’un an prévu par l’article 743 CMA, sauf que la marchandise
n’a pas été remise au destinataire qu’au moment de la notification
des réserves et que selon l’article 743 précité, cela se fait à la date de la
livraison de la marchandise.. » 555

554
Art. 739 alinéa 2 CMA.
555
Voir arrêt de la ch. Com. et marit.de la Cour Supr. du 04 /12/2014 n° 0733837

Page | 301
En pratique, arrivé au port de destination convenue, le transporteur
maritime de marchandise procède aux opérations de désarrimage et
de déchargement des marchandises, dans le respect des lois et usages
du port de déchargement 556. Dans le même temps, il devra informer le
destinataire de l’arrivée de sa marchandise par écrit.

Cet avis est en effet important car dans un premier temps, dès sa
réception, le destinataire de la marchandise ou son représentant seront
tenus de procéder aux démarches nécessaires pour le retrait de la
marchandise ; par la suite, cet avis va permettre au transporteur, dans le
cas ou le destinataire ne se présente pas ou refuse de prendre livraison
de la marchandise ou s’il n’est pas connu, de mettre les marchandises en
dépôt, en lieu sûr aux risques et frais du destinataire, en avisant de ces
faits immédiatement le chargeur et le destinataire, si ce dernier est
connu 557.

Si le destinataire ne retire par sa marchandise dans les délais impartis


sans en justifier de la raison, le transporteur aura le droit à une
indemnité correspondant au préjudice subi par lui.

Si dans un délai de deux mois de l’arrivée du navire au port de


destination les marchandises mises en dépôt n’ont pas été réclamée
et/ou les sommes dues au transporteur par le destinataire n’ont pas été
payées, le transporteur est en droit de vendre les marchandises avec le

556
Article 780 CMA
557
Art. 793 CMA

Page | 302
consentement de l’autorité judiciaire compétente, sauf si une caution
suffisante a été fournie par l’ayant droit aux marchandises 558.

Ainsi, le transporteur maritime est certes responsable de la marchandise


depuis sa prise en charge à bord du navire et jusqu’à sa livraison à son
destinataire, mais, si par la faute ou négligence du destinataire la
marchandise n’a pas pu être livrée, ce sera ce dernier qui supportera
la charge de ce retard dans la livraison 559.

En pratique, la livraison se fait généralement entre le consignataire du


navire - la compagnie portuaire - et le destinataire, ce dernier est souvent
représenté par une société de transit appelée aussi consignataire de
cargaison. L’intervention du consignataire de cargaison est en
conséquence très importante, car elle libère le transporteur de sa
responsabilité à l’instant où il lui livre la marchandise.

Il faut cependant rappeler que le point de départ du calcul du délai de


prescription n’est pas le même lorsque s’interpose au transporteur
une entreprise monopolistique; ici la question est de savoir si le
délai court à compter de la livraison entre les mains de la société
monopolistique ou bien à partir de la date de la livraison effective
au destinataire?

558
Article 795 CMA
559
Précisons que le contentieux ici est soumis à la prescription prévue pour les actions
découlant du contrat de transport maritime.

Page | 303
Selon la jurisprudence constante, le transporteur est libéré de sa
responsabilité dès l’instant qu’il est établi que la marchandise est
prise en charge par l’entreprise monopolistique ou plus
précisément 560. Ce qui nous amène à conclure que la prescription de
l’action en responsabilité contre le transporteur maritime court de la
remise entre les mains de la société monopolistique, à condition
toutefois que le transporteur puisse prouver la date de cette remise561.

Il est dès lors important de vérifier le contrat liant ces parties et


fixant les modalités de livraison de la marchandise, si cette dernière a
été remise entre les mains de la compagnie portuaire et que les
parties ont convenu que cela équivalait à la livraison, les juges
écarterons la responsabilité du transporteur maritime en cas de
dommages ou pertes causés à la marchandise pendant la période ou
celle-ci se trouvait entre les mains et sous la garde de la compagnie
portuaire.

C’est ce que nous illustre l’arrêt de la Cour Suprême algérienne de


1990, dans lequel elle a écarté la responsabilité du transporteur
maritime car elle a estimé que la remise de la marchandise par le
transporteur à la société portuaire qui était seule habilité au
chargement, déchargement de la marchandise et aussi de la surveillance
et du stockage de la marchandise dans les ports algériens,

560
Cass. com. 13 juin 1989, n° 87-11.825; CA AIX 15 févr. 2007 , DMF 2007, 346
561
CA Rouen déc 2004, DMF 2015, 423 , obs. A-L.Michel

Page | 304
constituait l’acte juridique matérialisant la livraison 562.

Dans le même ordre d’idée, nous pouvons citer un autre arrêt de Cour
suprême algérienne qui a censuré l’arrêt de la Cour d’Appel, cette
dernière avait assimilé la remise de la marchandise à l’entreprise
portuaire à la livraison effective au destinataire alors même qu’il n’y
avait aucune contre spécifiant cela, dans les termes suivants : « que les
juges de la cour d’Appel ont confondu entre la remise et le
déchargement, que l’arrêt mentionne que le chargement est effectué
par l’entreprise portuaire oubliant que cela ne signifie pas que le
transporteur maritime doit être déchargé partiellement ou totalement
de sa responsabilité jusqu’à la livraison de la marchandise au
destinataire » 563.

La livraison qui fait courir le délai de prescription peut ainsi être la


date de délivrance de la marchandise564, ou la date de la remise
sous-palan 565, où encore s'agissant de marchandises empotées de la
date de l'ouverture du conteneur 566.

Dans ce dernier cas de figure, lorsque le transporteur maritime

562
Arrêt ch. Com et mariti. De la Cour Supr. Alg. 30/12/1990 n° 72391 société
libyenne « kaltram » c/ « belbao »
563
Arrêt de la Cour suprême alégrienne n° 153230 du 22/07/1997, SAA c/ BCA.
564
CA Paris, 5e ch. B, 30 juin 1994, Crystal Food Import et a. c/ Ned Lloyd Lijnen
BV et a.
565
Cass. com., 18 janv. 1994, no 92-12.008 et, sur renvoi, CA Rouen, 14 déc. 1999,
DMF 2000, p. 798, prenant en compte la date de la remise sous-palan et non celle du
lendemain.
566
CA Rouen, 2e ch. civ., 16 nov. 1995, DMF 1996, p. 915

Page | 305
procède au dépotage et conserve la marchandise dans ses magasins,
la prescription ne commence à courir qu'à dater de sa remise au
destinataire ou à un de ses représentants 567.

A contrario, si les marchandises, déchargées dans un port autre que


celui de destination, y sont laissées en souffrance, de telle sorte
qu'elles ne sont ni remises ou offertes, ni perdues, le délai de
prescription ne commence pas à courir 568.

Toutefois, si par la volonté du destinataire le dépotage ou l’examen du


conteneur son différés, le point de départ de la prescription ne devrait
pas s’en trouver retardé pour autant. Il doit alors être fixé au
moment où le réceptionnaire ou son représentant a été en mesure de
vérifier l’état des marchandises.

Ainsi, à titr e d ’exemple, une livraison valablement opérée en vertu


d’une clause CY569 fait débuter le délai annal, l’entreposage temporaire
du conteneur chez une société requise par un mandataire du
destinataire concernant alors les relations entre ces derniers 570.

567
T. com. Paris, 2e ch. B, 25 juin 1996, La Réunion européenne c/ Delmas
568
CA Aix-en-Provence, 11 juin 1980, BT 1981, p. 14
569
La clause "CY/CY", signifiant "terre-plein portuaire où sont entreposés les
conteneurs à proximité du quai maritime avant chargement ou après chargement du
navire", elle n'implique nullement que le conteneur ait été empoté par le
transporteur maritime, elle intéresse uniquement la localisation du chargement et le
déchargement de la marchandise à transporter
570
CA de Rouen, 2e Ch., 4 mai 2006, n°04/01825, AP Moller-Maersk c/ Gyma
surgelés et a. ; BLT 2006, p. 348 ;

Page | 306
En résumé, la prescription à l'encontre du transporteur maritime ne court
pas :

• du jour de l'accomplissement du connaissement si cette


opération a lieu antérieurement à la livraison effective 571 ;
• du jour de l'arrivée du navire ou du débarquement des
marchandises572, mais de celui où la cargaison a été remise au
consignataire573.

101. Prescription conventionnelle ; le délai de prescription peut


toutefois être prolongé jusqu’à deux ans par accord conclu entre les
parties postérieurement à l’événement qui a donné lieu à l’action 574.
Le législateur algérien permet en effet la contractualisation des délais de
prescriptions mais dans la limite de deux ans. Cette limite étant fixée
dans un esprit de sécurité juridique et économique.
Le législateur français étant inspiré par l’article 3§6 de la
Convention de Bruxelles modifiée 575, permet aussi la

571
T. com. Rouen, 19 juin 1951, DMF 1952, p. 270
572
CA Paris, 3 nov. 1982, DMF 1983, p. 418
573
CA Paris, 5e ch. B, 30 juin 1994, Crystal Food Import et a. c/ Ned Lloyd Lijnen
BV et a.
574
Article 743 alinéa 2 du C M A : « ..ce délai peut toutefois être prolongé
jusqu’à deux ans par accord conclu entre les parties, postérieurement à l’événement
qui a donné lieu à l’action »
575
Protocole de 1968 : art. 3§6 : « ..Sous réserve des dispositions du paragraphe 6
bis, le transporteur et le navire seront en tout cas déchargés de toute responsabilité, à
moins qu'une action ne soit intentée dans l'année de leur délivrance ou de la date à
laquelle elles eussent dû être délivrées. Ce délai peut toutefois être prolongé par un
accord conclu entre les parties postérieurement à l'événement qui a donné lieu à
l'action… »

Page | 307
contractualisation des délais de prescription mais sans les limiter dans
le temps 576comme l’a fait le législateur algérien 577.

Ainsi la loi Algérienne et la loi Française interdisent aux parties


d’abroger le délai anal, mais elles les autorisent à le prolonger par un
accord conclu postérieurement à l’événement qui a donné lieu à l’action
en responsabilité578.

La possibilité de proroger le délai de prescription est cependant soumise


à des conditions de validité suivantes :

• exprimer une volonté, expresse ou tacite, non équivoque579 ;

• avoir été accordé par le transporteur ou par un de ses


mandataires580;

• être convenu pendant que le délai de prescription est encore en


576
Article L5422-18 Code transports
577
Art. 743 CMA : « toute action contre le transporteur, à raison de pertes ou
préjudices subis aux marchandises transportées en vertu d’un connaissement, est
prescrite par un an. Ce délai peut toutefois être prolongé jusqu’à deux ans pas
accord conclu entre les parties, postérieurement à l’évènement qui a donné lui à
l’action ».
Voir aussi l’arrêt de la ch. Com. et marit de la Cour Supr. algé. N° 59288 du
09/07/1989.
578
Arrêt Cour Suprême, ch. Com. et maritime du 09/07/1989, n°59288 reprend les
dispositions de l’article 743 du code maritime pour senseur un arrêt de la Cour
d’Appel qui avait validé une procédure ne responsabilité introduite 29 mois après la
livraison.
579
Cass. com., 30 oct. 2000, no 98-10.646, DMF 2001, p. 915 ; Cass. com., 27
avr. 1993, no 91-16.249, BTL 1993, p. 473 ; CA Lyon, 3e ch., 1er mars 2001, ACM
c/ Marguet ; T. com. Bobigny, 23 sept. 1999, BTL 1999, p. 802
580
CA Aix-en-Provence, 2e ch., 12 juin 1996, Rev. Scapel 1996, p. 163 ; T. com.
Nantes, 19 avr. 1993, DMF 1994, p. 45 ; CA Rouen, 2e ch., 17 janv. 2002, France
Euro Tramp c/ Mutuelles du Mans Assurances et CA Reims, aud. sol., 9 mai
2000, Atlantic Rhederei c/ Astra Calve, déclarant valable le report accordé par le
représentant du P & I club.

Page | 308
cours581 et qu’en tout état de cause, avoir été accordée dans
le délai de la prescription582.

Si l'accord est assorti de conditions, ces dernières doivent être


scrupuleusement respectées sous peine de voir l'action déclarée
prescrite583. Cela a été le cas notamment pour :

• un destinataire, bénéficiaire d'un report lié au respect de la


clause de compétence du connaissement, qui avait assigné le
transporteur devant une autre juridiction584;

• des assureurs qui se prévalaient d'un report accordé « pourvu


que [leur] réclamation ne soit pas déjà prescrite », alors qu'à la
date du télex l'action était déjà hors délai585 ;

• une compagnie qui, alors qu'elle bénéficiait du principe du report,


n'avait pas adressé, par télécopie, au représentant du navire,
comme convenu, l'acte de subrogation 586

581
CA Rouen, 2e ch., 6 déc. 2001, CNMP c/ Canada Maritime Limited.
582
Dans l'affaire en question, un manutentionnaire se fondant sur la date d'expiration
de la prescription annale avait accordé un report à partir du 29 janvier 1999. Mais,
parallèlement, l'action récursoire à laquelle il était exposé se prescrivait le 2 janvier
1999 (le délai courant de la date d'un règlement amiable effectué début octobre
1998). Infirmant la décision d'appel, la Haute Juridiction estime le report tout à fait
valable pour la période du 29 janvier au 29 avril 1999 (Cass. com., 30 mars 2005, no
03-21.156, Bull. civ. IV, no 75, BTL 2005, p. 271, DMF 2005, p. 699).
583
Lamy transport tome 2- année2015, partie 4 : transport maritime, chapitre 11 :
contentieux maritime, section 3 : prescription – 884 Prorogation conventionnelle
(report de prescription).
584
Cass. com., 18 oct. 1994, n° 92-16.926, BTL 1995, p. 538.
585
CA Rouen, 2e ch., 18 juin 1992, DMF 1993, p. 357.
586
CA Paris, 5e ch., 2 févr. 2005, no 03/15853, Groupama Transport et a. c/ Unison
Shipping et a., DMF 2005, p. 440. Cette condition ne présentant pas de caractère
abusif, le report est « réputé non avenu, peu important que les droits invoqués par

Page | 309
Une fois que le destinataire a conclu un accord de prolongation du
délai de prescription, peut-on imaginer que cet accord profite au
subrogé de l’une des parties ?

Pour répondre à cette question nous nous réfèrerons au cas du


destinataire qui a conclu un accord visant à proroger le délai de
prescription avec le transporteur et entre temps ce même destinataire
se fait indemnisé par son assureur ; l’assureur souhaitant se retourner
contre le transporteur maritime en action en responsabilité cherchera à
se prévaloir de l’accord susvisé pour justifier de la recevabilité de
l’action engagée.

En principe, seul celui qui a demandé et obtenu la prorogation peut s'en


prévaloir 587, cependant, les assureurs peuvent toutefois
invoquer un report accordé à leur représentant dont la qualité était
connue dès le début du litige588 à l’exception du cas de report accordé
au transporteur en raison du fret impayé car il n'entraîne pas un
avantage réciproque au profit du destinataire pour les avaries à la

les assureurs aient été effectifs à cette date ».


587
CA Versailles, 12e ch., 15 juin 2004, no 03/03864, Decathlon c/ Transports
Graveleau, BTL 2004, p. 488, rappelant le principe et estimant que le report
accordé au commissionnaire ne bénéficiait pas au destinataire ; CA Versailles,
12e ch., 13 mars 1997, Rhin et Moselle c/ Delmas ; CA Aix-en-Provence, 2e ch.,
30 juin 2010, BTL 2010, p. 546, DMF 2012, hors série no 16, p. 84, selon cet arrêt
les reports de prescription accordés par le commissionnaire ou le destinataire réel
n'engagent pas le transporteur, vis-à-vis duquel la prescription est acquise.
588
CA Rouen, 2e ch., 17 janv. 2002, France Euro Tramp c/ Mutuelles du Mans
Assurances.

Page | 310
marchandise589.

102. L’action récursoire ; La présomption de responsabilité du


transporteur maritime est une règle de principe qui ne signifie pas
forcément que le transporteur est réellement responsable des pertes
ou dommages causés à la marchandise transportée.

Il arrive, en effet souvent, que les dommages et pertes affectant la


marchandise sont dues à un événement extérieur à la volonté du
transporteur maritime tel que les intempéries, ou du fait de la
marchandise elle-même au moment ou elle été conçue et vendue par son
fabriquant, comme c’est le cas du vice caché, ou des erreurs que
commet le chargeur au moment de l’emballage, le conditionnement
ou le marquage des marchandises. Il incombera dès lors au
transporteur maritime d’en apporter la preuve. A défaut, le transporteur
maritime sera tenu pour responsable des pertes ou préjudices subis par
la marchandise.

Néanmoins, le transporteur maritime peut se retourner contre celui qu’il


estime responsable les pertes ou préjudices subis par la marchandise et
pour lesquels il a été condamné, par le biais de l’action récursoire.

Le problème de la loi applicable à la règle de prescription de


l’action du transporteur maritime contre le chargeur se pose sous

589
CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 7 févr. 1990, Rev. Scapel 1991, p. 79

Page | 311
l’empire de la Convention de 1924 qui est muette sur ce point.
Cependant, les juridictions algériennes et françaises font application
de la lex fori qui fixe le délai d’un an 590

L’article 744 du code maritime algérien rappel ce principe tout le


limitant dans le temps. Ainsi, même si l’action récursoire peut être
exercée après l’expiration du délai prévue pour l’action en
responsabilité du transporteur, elle reste néanmoins limitée dans le
temps. Cette action devra néanmoins être exercée dans un délai
n’excédant pas trois mois à compter du règlement de la réclamation
ou de la réception de la signification de l’action 591.

Le droit français applique la même règle que le droit algérien, dès lors,
l’article L 5422-18 du code des transports prévoit un délai de trois
mois pour déclencher l'action récursoire592.

Rappelons néanmoins que même si le délai de trois mois de l’action


récursoire est indépendant de celui du délai d’un an fixé pour
l'exercice de l'action principale593, le début du délai de l’action
récursoire ne peut se déclencher que si l’action principale a été

590
DMF h.s 2016, P. 73.
591
Article 744 CMA : « les actions récursoires peuvent être exercées même après
l’expiration du délai prévu à l’article précédent, celui-ci n’excédant pas toutefois
trois mois à compter du jour où la personne qui exerce l’action récursoire a réglé la
réclamation ou a elle-même reçu signification de l’assignation ».
592
Cass. com., 12 janv.1988, no 86-14.607 ; CA Paris, 5e ch. B, 6 févr. 1981,
DMF 1981, p. 598 ; CA Aix-en-Provence, 2e ch., 13 févr. 1997, no 93/18149, CMA
c/ Intramar) « alors même que le garanti se trouverait encore dans le délai d'un an ».
593
Cass. com., 7 déc. 1999, no 97-18.035, Bull. civ. IV, no 225

Page | 312
introduite dans le délai légal ou éventuellement prorogé
conventionnellement 594. Lorsque cette condition est remplie, il suffit
que l'appel en garantie soit régularisé dans les trois mois, à compter de
la signification principale 595.

Ce principe a été rappelé par la Cour suprême algérienne dans arrêt de


1997 dans les termes suivants: « l’action en responsabilité du
transporteur maritime pour le préjudice causé à la marchandise
transportée sous connaissement se prescrit par un an ; il est constant
par ailleurs, que l’action récursoire peut être engagée en application
de l’article 744 du code maritime, dans le délai de trois mois à compter
de la date de règlement des sommes condamnées, même après la
prescription du délai anal , qu’à partir du moment où l’action
principale a été introduite dans le délai d’un an prévu à l’article 743
du code maritime, l’action récursoire est recevable » 596.
De la même manière, la jurisprudence française rappelle que l’action
récursoire intentée dans les trois mois qui suivent l'exercice de
l'action contre le garanti est recevable, même si à ce moment le délai
d'un an après la livraison est expiré597.

594
Cass. com., 12 janv. 1988, no 86-14.607, BT 1988, p. 488 ; CA Aix-en-
Provence, 2e ch. com., 30 sept. 2003, no 00/02773, Siat et a. c/ Fast Line, BTL 2003,
p. 720 ; CA Rouen, 12 mars 1987, Régie du Chemin de fer Abidjan Niger c/ Cies ass.
; CA Rouen, 29 mai 1986, BT 1987, p. 312
595
CA Rouen, 2e ch. civ., 12 juin 1997, no 9405556, Roussel c/ Uni Europe, DMF
1998, p. 151.
596
Voir arrêt de la ch. Commerciale et maritime de la Cour Suprême Algérienne n°
151318 du 06/05/1997 (code maritime, édition Berti 2010-2011, page 248)
597
Cass. com., 2 oct. 1990, no 88-18.089, BTL 1991, p. 242.

Page | 313
Comme pour tout délai, le délai de l’action récursoire peut être
interrompu ou suspendu selon les règles de droit commun 598.

Dans le même ordre d’idées, le moyen tiré de la prescription doit être


soulevé par écrit et avant tout débat au fond. Si la partie intéressée n’a
pas soulevé ce moyen in liminé litis, cela n’est pas considéré par la
jurisprudence française comme une renonciation tacite à soulever ce
moyen qui peut l’être en tout état de cause 599.

103. Règle de prescription pour le transport conteneurisé ; la


question s’est posée de savoir si la mise à disposition des conteneurs est
accessoire au contrat de transport maritime et dans ce cas, doit-on lui
appliquer la règle de la prescription d’un an comme pour le contrat de
transport de marchandise par mer?

La Cour de cassation a rendu un arrêt en date du 30 juin 2015 600 qui


répond à cette question en indiquant : « qu’à moins qu’elle ne fasse
l’objet d’une convention distincte du contrat de transport, la mise à
disposition de conteneurs par le transporteur maritime, qui concourt à
l’acheminement de la marchandise, constitue l’exécution d’une
obligation accessoire de ce contrat ».

598
Cass. 1èreciv., 18 septembre 2002, n°00-18.325, Bull. civ.I, n°206. La Cour
après avoir précisé que l’article 2244 « énuméré limitativement les actes
interrompant la prescription », estime que la participation volontaire aux opérations
d’expertises ne peut être assimilée à une citation en justice.
599
CA Versailles, 12ème ch., 17 /03/2005, n° RG 02/06658, SNC TNT France c/
Intégration et Services.
600
Com. 30 juin 2015, FS-P+B, n° 13-27.064

Page | 314
Cet arrêt reprend en réalité une solution affirmée il y a un an et demie de
cela par lequel la Cour de cassation avait indiqué que la mise à
disposition de conteneur ne continue, en principe, pas un contrat
spécifique, mais une obligation accessoire à un contrat de transport601.
En conséquence, l’action visant à la restitution des conteneurs, exercée
par le propriétaire de ces derniers contre le transporteur, obéit, du point
de vue de la prescription, au régime applicable à toute action contre le
chargeur ou le destinataire née du contrat de transport maritime : elle se
prescrit par un an602.

104. Interruption de la prescription, la prescription d’une


action en responsabilité qui peut être interrompue par tout acte
accompli par le créancier en vue de faire valoir son droit, même s’il
saisi une juridiction incompétente 603 à condition que le demandeur soit
de bonne foi.

Ce principe est consacré en droit algérien à l’article 317 du code


civil algérien qui dispose : « la prescription est interrompue par une
demande en justice, même faite à un tribunal incompétent, par un
commandement ou une saisie, par la demande faite par un créancier
tendant à faire admettre sa créance à la faillite du débiteur ou dans une
distribution ou par tout acte accompli par le créancier au cours d’une
instance, en vue de faire valoir sa créance ».
601
Com. 3 déc. 2013, n° 12-22.093, D. 2013. 2910 ; ibid. 2014. 2272, obs. H.
Kenfack
602
Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)Mise à disposition de conteneurs
: caractère accessoire au contrat de transport maritime en date du 16 juillet 2015.
603
Voir les articles 2240, 2241 et 2244 du code civil ;

Page | 315
Cependant, la règle selon laquelle le délai de prescription est suspendue
car le demandeur a saisi la mauvaise juridiction, ne peut être transposée
au cas dans lequel le demandeur assigne la mauvaise personne, dès lors
que l’erreur dans la qualité du défendeur n’est pas une exception
permettant de suspendre ou d’interrompre le délai de prescription.

C’est ce qu’a rappelé le tribunal de Sidi M’hammed dans une affaire


opposant SARL el MANAR et la Maersk sealand Australia en rejetant
la demande de lasociété El Manar car celle-ci avait saisi le tribunal
hors délai d’un an prévu par l’article 743 du code maritime 604.
La jurisprudence française fait application des mêmes règles que ceux
prévues par le code civil algérien ; Il a été ainsi jugé que :

• une citation devant la Chambre arbitrale maritime de Paris dont


le caractère juridictionnel ne peut être sérieusement contesté,
interrompre les délais de prescription605.
• La saisine d’un juge incompétent interrompre les délais de
prescription 606 à conditions que le demandeur soit de bonne foi,
autrement dit qu’il ne s’agisse pas d’une manouvre ou d’un

604
Décision du 20/10/2005, n° 2005/3154 dans une procédure engagée suite à une
décision de rejet pour absence de qualité en la personne du défendeur, le tribunal a
réappelé les dispositions du code civil et a retenu l’expiration des délais qui ne
peuvent pas être interrompus dans ce cas. Voir aussi décision rendue par le tribunal
de Sidi M’hammed, section commerciale et maritime n° 2005/3143 du 29/03/2006,
SARL ARCANE / MAERSK.
605
Cass. com., 7 déc. 1999, no 97-18.035, BTL 2000, p. 140 ; CA Paris, 4 mai 1976,
DMF 1977,p. 305.
606
C. civ., art. 2241 tel qu'issu de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 ; Cass. ch. mixte,
24 nov. 2006, no 04-18.610.

Page | 316
détournement de procédure607.
• L’action engagée par l’assureur non subrogé interrompe
valablement la prescription si le paiement de l'indemnité
intervenant avant que le juge statue608. L'assureur condamné en
première instance à indemniser son assuré, et qui accepte cette
décision, a été admis à poursuivre l'instance en appel sans
qu'aucune prescription ne lui soit opposable 609.
• l'assureur qui avait refusé toute indemnisation ne pouvait exercer à
l'encontre du transporteur maritime qu'une action en garantie
soumise à la prescription de trois mois des actions récursoires610.

En conclusion, l'interruption du délai de prescription dure aussi


longtemps que l'instance ; elle se prolonge ainsi jusqu'à ce que le
litige trouve sa solution 611. Cela signifie « que le nouveau délai de
prescription ne commence à courir qu'à compter de la décision qui met
définitivement fin à l'instance »612. Cette interruption subsiste donc
même si le jugement est frappé d'appel613.

607
Cass. 2e civ., 16 déc. 2004, no 02-20.364, Bull. civ. II, no 531
608
Cass. com., 23 mai 1989, no 86-17.068, BTL 1989, p. 550
609
CA Aix-en-Provence, 22 nov. 1995, no 93/2705, Navigation et Transport c/ Sud
Marine International.
610
Cass. com., 26 mars 1996, no 94-12.524 et no 94-12.525.
611
C. civ., art. 2242 ; article 317 code civil algérien. Cass. com., 11 juin 2002, no 00-
15.483
612
Cass. 2e civ., 8 avr. 2004, no 02-15.096, Bull. civ. II, no 181.
613
CA Bordeaux, 2e ch., 14 nov. 1990, no 4636/87, Skandia c/ Mariana, BTL 1992, p.
149 Rappelons qu’en cas de radiation de l'affaire, l'instance est seulement «
suspendue »

Page | 317
105. La prescription avec les Règles de Rotterdam ; La nouvelle
convention a gardé les principes de prescription instaurés par la
Convention de Bruxelles originelle et modifiée, mais elle a apporté
quelque modifications en ce qui concerne les délais pour émettre des
réserves à la livraison en précisant que le destinataire ou son
représentant peuvent le faire à tout moment avant ou après la livraison
pour ce qui concerne les dommages apparents et dans le délais de 7
jours pour les dommages non apparents.

La nouvelle Convention a par ailleurs rallongé à deux ans le délai pour


agir en justice suivant la livraison de la marchandise où à la date à
laquelle elle aurait dû être livrée.

Nous pouvons résumer ces différences par le tableau suivant :

Page | 318
Régime Bruxelles 1924 Bruxelles modifiée Rotterdam
juridique

Délai pour Délai pour émettre des Délai pour émettre Délai pour émettre
agir contre réserves à la livraison : des réserves à la des réserves à la
le livraison : livraison :
transporteur 1- pour les dommages 1- pour les 1- pour les
apparents : avant ou au dommages dommages
moment de l’enlèvement apparents avant ou au apparents avant ou
des marchandises et de moment de au moment de la
leur remise sous la garde l’enlèvement des livraison
de la personne ayant droit marchandises et de
à la délivrance selon le leur remise sous la 2- Pour les
contrat de transport ; garde de la personne dommages non
ayant droit à la apparents : dans les
2- Pour les dommages délivrance selon le 7 jours suivants la
non apparents : dans les 3 contrat de transport ; livraison
jours de la délivrance Délai pour agir en
2- Pour les justice :2 ans
Délai pour agir en dommages non suivant la
justice : 1 an suivant la apparents : dans les 3 délivrance des
délivrance des jours de la délivrance marchandises ou la
marchandises ou la date à Délai pour agir en date à laquelle elles
laquelle elles auraient justice : idem que la auraient dues être
dues être délivrées , Convention délivrées.
Délai qui peut être originelle Délai qui peut être
prorogé à deux ans prorogé plusieurs
Action récursoire : fois.
Action récursoire, idem que la
Délai 3 mois pendant ou Convention Action récursoire ;
après la fin de l’action en originelle déterminé par la loi
responsabilité applicable de l’Etat
où l’action est
engagée ;Ou
90jours de la
signification du
règlement.

Page | 319
106. Conclusion Chapitre A :

Les questions liées à la recevabilité de l’action en responsabilité du


transporteur maritime représentent en réalité un chantier monumental ;
Pour le solutionner, les juges du fond doivent faire application de leur loi
interne en même temps que la règle des conflits.

De même que pour la détermination de la compétence du juge qui, en


fonction des règles de droit international qui s’imposent à lui, procèdera à
la détermination du régime applicable la responsabilité contractuelle du
transporteur maritime.

CHAPITRE B) Les moyens tirés de la compétence des juridictions :

107. Règles de droit ; Ce sont, en principe, les règles de droit


commun qui vont déterminer la compétence territoriale du tribunal qui
va trancher le contentieux découlant du contrat de transport de
marchandises par mer de sorte que le demandeur peut saisir :

• le tribunal où demeure le défendeur 614 ;


• ou la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou
du lieu de l'exécution de la prestation de service615 ; La Cour

644CPC, art. 42, al. 1er ; article 37 code de procédure civile et administrative
algérien : « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition
contraire, celle du domicile du défendeur… »
645CPC, art.46 ; Cass. 2e civ. 18 janv. 2001, no 96-20.912, Bull. civ. II, no 10
Article 41 du code de procédure civile et administrative algérien : « tout étranger,
même non résident en Algérie, pourra être cité devant les juridictions

Page | 320
Suprême algérienne rappelle en effet : « qu’est permis de citer
devant les juridictions algériennes chaque étranger même non
résidant sur le territoire algérien, pour exécuter ses obligations
contractées en Algérie avec un Algérien »616;
• en cas de pluralité de défendeurs, le demandeur saisit, à son
choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux 617 ;
• Les articles618 qui instituent un privilège de juridiction au bénéfice
des nationaux peuvent aussi trouver place 619 étant donné que la
compétence internationale des tribunaux « est fondée non sur le
droit nés des faits litigieux mais sur la nationalité des parties, sauf
preuve d'une fraude destinée à donner artificiellement

algériennes, pour exécution des obligations par lui contractées en Algérie avec un
algérien »
Voir aussi l’arrêt de la Cour Suprême Algérienne du 27/09/2000, n° 120612,
société GTN c/ société Somane Neptune Allemagne : « .. est permis de citer devant
les juridictions algériennes chaque étranger même non résidant sur le territoire
algérien, pour exécuter ses obligations contractées en Algérie avec un Algérien »
616
Ch. Com. et Mari. de la Cour Suprême Algérienne du 27/09/2000, n° 120612,
société GTN c/ société Somane Neptune Allemagne.
617
CPC, art. 42, al. 2 ; Article 38 du code de procédure civile et administrative
algérien : « en cas de pluralité de défendeurs, la juridiction territorialement
compétente est celle du lieu du domicile de l’un d’entre eux »
618
Articles 14et 15 du code civil, son équivalent en droit algérien articles 41 et 42
du code de procédure civil et administrative aux termes desquels l’article 41: «
tout étranger, même non résident en Algérie, pourra être cité devant les
juridictions algériennes, pour l’exécution des obligations par lui contractées en
Algérie avec un algérien. Il pourra être traduit devant les juridictions algériennes
pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des algériens »,
et l’article 42 indique : « Tout algérien pourra être cité devant les juridictions
algériennes pour les obligations contractées en pays étrangers, même avec un
étranger ».
619
CA Paris, 5e ch., 27 nov. 2002, no 2001/04429, Palimar Shipping et a. c/ Gan et
a., appliquant le privilège édicté par l'article 14 du Code civil après avoir écarté la
clause compromissoire figurant dans la charte-partie ;CA Paris, 5e ch. A, 6 juin
2001, Axa GR et a. c/ Borda Shipping, BTL 2001, p. 679, confirmé par Cass. com.,
8 oct. 2003, no 01-16.028, Bull. civ. IV, no 154 ; CA Aix-en-Provence, 2e ch., 29 juin
2000, BTL 2000, p. 603.

Page | 321
compétence à la juridiction nationale pour soustraire le débiteur
à ses juges naturels »620.

Afin de répondre aux conditions spécifiques de l’exécution du


contrat de transport de marchandises par mer, l'article 54 du décret
n° 66-1078 du 31 décembre 1966 621 de la législation française et l’article
745 du code maritime algérien 622 permettent aux parties de déroger au
droit commun pour saisir le tribunal du port de chargement ou de
déchargement, si celui-ci est situé sur le territoire national 623.

Nous pouvons illustrer nos propos par un arrêt de la Cour Suprême


algérienne rendu en date du 16/12/1998 qui fait application de la règle
de compétence comme suit : « la règle de compétence concernant les
litiges découlant du contrat de transport maritime sont soumis aux
règles du droit commun ;Ainsi, les juges du fond qui ont obligé les
demandeurs à saisir le tribunal du lieu de résidence du défendeur alors

620
Cass. 1re civ., 14 déc. 2004, no 01-03.285, Bull. civ. I, no 311, DMF 2005, p. 423
(Il s'agissait d'un assuré qui, se prévalant de sa nationalité française, avait attrait une
compagnie d'assurances gabonaise devant le tribunal de commerce de Marseille)
621
Article 54 du décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats
d'affrètement et de transport maritimes : «Les actions nées du contrat de transport
de marchandises sont portées devant les juridictions compétentes selon les règles du
droit commun. Elles peuvent en outre être portées devant le tribunal du port de
chargement ou devant le tribunal du port de déchargement, s'il est situé sur le
territoire de la République française ».
622
Article 745 CMA : « les actions découlant du contrat de transport maritime
sont portées devant les juridictions territorialement compétentes selon les règles du
droit commun. Elles peuvent, en outre, être portées devant la juridiction du port de
chargement ou devant la juridiction du port de déchargement, si celui-ci est situé sur
le territoire national»
623
CA Aix-en-Provence, 12 avr. 1985, DMF 1986, p. 613 ; CA Bordeaux, 8 janv.
1987, Bank Line c/ Washington International Insurance.

Page | 322
que l’article 745 CMA donne la possibilité de choisir entre le tribunal
du lieu de résidence du défendeur et celui du déchargement ont commis
une erreur dans l’application de la loi »624.

Précisons cependant, que l’ordre public international français permet à


la juridiction française d’écarter une loi étrangère, mais il n’autorise pas
d’écarter la compétence territoriale d’une juridiction étrangère au profit
d’un tribunal français 625, ce qui n’est pas le cas en droit algérien.

Cependant, il n’est pas rare que le contrat de transport maritime


contienne une clause spécifiant la juridiction compétente appelées clause
de compétence (SECTION 1) ou encore clause commissoire (SECTION
2) dont la force probante l’opposabilité à l’égard du destinataire du
connaissement pose encore des difficultés.

SECTION 1) La force probante de la clause de compétences et


son opposabilité au destinataire du connaissement.

108. Clauses attributives de compétence ; Les règles de compétences


ont, selon le professeur Delebecque, rarement l’occasion de s’appliquer
car la pratique des clauses attributives de compétence sont courantes
dans l’exploitation des navires626. Cette pratique est très certainement

624
Arrêt de la ch. Com. et Mar. de la Cour Suprême Algérienne n°62697 du
16/12/1997
625
Cass 11 juin 2002, droit maritime, exécution et inexécution du contrat page 553,
Monsieur Ph. DELEBECQUE.
626
Droit maritime, exécution et inexécution du contrat page 554, Monsieur Ph.

Page | 323
guidée par la volonté des transporteurs de diriger le contentieux vers
des tribunaux dans le ressort desquels se trouve leur siège social.

Bien que cette pratique soit critiquable du point de vu du destinataire


car elle pourrait l’éloigner de son lieu de résidence ou du lieu de
livraison de sa marchandise, elle est néanmoins justifier du point de
vu du transporteur étant donné que ce type de clause lui permet de
saisir une juridiction près de son siège pour répondre au mieux aux
nombreux contentieux auxquels il doit faire face.

Les parties choisissent peuvent par exemple choisir le tribunal de Paris


pour trancher un litige découlant du transport effectué entre Marseille
et Alger par un transporteur dont le siège se trouve à Copenhague.

Ainsi, même si la clause de compétence présente un avantage en ce


qu’elle est susceptible de procurer une stabilité des juridictions car elle
permet d’éviter la saisine pour le même litige de deux juridictions
différentes en même temps – Algérie et France par exemple, elle est
néanmoins l’objet d’un contentieux important étant donné qu’elle a
pour effet de priver le juge, compétent au terme de ses règles de
compétences nationales et internationales, de sa juridiction sur le litige
couvert par la clause.

Alors que l’opposabilité de la clause de compétence ne suscite, en

DELEBECQUE

Page | 324
principe, pas de difficulté à l’égard du chargeur étant donné que son
acceptation de la clause se manifeste normalement par la signature
qu’il a apposée sur le connaissement, la situation est cependant
différente pour le destinataire.

En effet, la question de l’opposabilité de la clause de compétence


stipulée dans le contrat maritime au destinataire dépend du droit
applicable au contrat627. Si le tiers porteur succède, en « acquérant
le connaissement», aux droits et obligations du chargeur en vertu du
droit national applicable, ce qui est le cas en droit anglais, la cause est
entendue: il est points et pieds lié par la clause628. Si ce même porteur
est considéré comme un tiers au contrat, en application de la loi
nationale applicable, il faut s’assurer de son consentement dans les
conditions prévues par le règlement Bruxelles I629 ou Bruxelles I bis630
si celui- ci s’applique, dans le cas contraire, dans les conditions du droit
commun 631.

Au demeurant, la clause attributive de compétence suscite un


contentieux important et complexe autour de la question de son
opposabilité à l’égard du destinataire qui n’était partie au contrat de
transport de la marchandise et qui souvent ne découvrira cette clause

627
Cass. com. 17/02/2015, n°13-18.086,DMF 2015, 444, obs. S. SANA CHAILLE de
NERE
628
DMF éd; hors série, juin 2016, p. 82.
voir aussi: A. Attalah, Colloque ADBM/AFDM, DMF 2016, n° 777, p.152.
629
art. 23
630
art.25
631
Cass. com. 23 sept. 2014, n° 13-19.108,DMF éd; hors série, juin 2016, p. 82.

Page | 325
que postérieurement à cette étape. D’où le contrôle rigoureux des juges
du fond 632.

Cette rigueur jurisprudentielle n’a cependant pas empêché le


transporteur maritime de développer une pratique nouvelle tendant à
renvoyer le détenteur du connaissement au règlement intérieur de la
compagnie de transport de sorte que, chaque connaissement qui renvoi à
ce règlement est susceptible de rendre la clause de compétence
opposable au destinataire ; On peut donc imaginer que le transporteur
maritime allègue que le règlement intérieur est disponible sur son site
internet pour soutenir que la clause est opposable au destinataire.

C’est en effet un point très épineux et très important au regard de ses


conséquences. L’insertion d’une clause de compétence ne signifie pas
seulement le choix d’une juridiction, mais aussi que les parties
s’exposent à ce que la clause de l’élection du for soit interprétée au
regard des critères certes tirés de la loi propre au contrat ou celles
de la loi du lieu d’émission du connaissement 633, mais le résultat de
cette interprétation ne reflètera pas forcément la volonté des parties au
contrat de transport 634.

De manière traditionnelle, on considère que l’acceptation des

632
En effet, la jurisprudence des juges du fond est loin d’être systématique et
s’efforce de s’assurer du consentement à la clause exp: CA Paris 14/04/2015, BTL
2015, 253.
633
Cass. 1ère civil, 3/12/1991, n° 90-10.078.
634
Article de Claire HUMANN, revue droit Maritime Français, décembre 2010,
n°720, page 1012.

Page | 326
conditions générales d’un transport par le destinataire résulte de
l’acceptation par ce dernier sans réserve, des marchandises. En
revanche, cette seule acceptation sans réserve n’emporte pas
nécessairement approbation des clauses "spéciales"635.

De manière générale, la jurisprudence tient compte, dans le cadre


général de la liberté de preuve en matière commerciale, des relations
d’affaires entre les parties, de la qualité du destinataire et de son
attitude636. L’usage instauré entre les contractants devient un élément
crucial dans l’appréciation de la clause attributive de compétence dans
la mesure où cela permet de vérifier la réalité du consentement des
parties au contrat637.

C’est sur ce fondement que la Cour d'Aix, saisie d'un litige relatif au
commerce de fruits (avocats chargés au Kenya par un transporteur

635
Idem supra
636
En ce sens notamment Com, 5 mars 1991, Bull n° 96 : "Une cour d’appel a pu
retenir la validité d’une clause d’attribution de compétence territoriale après avoir
souverainement relevé que la convention se rattachait directement aux conditions
générales de vente applicables depuis le début des relations devenues habituelles
entre deux sociétés commerciales et tacitement acceptées pour les litiges pouvant
les opposer", mais également, Com, 30 juin 1992, Bull n° 203 : "la connaissance
par l’une des parties des conditions générales de l’autre partie contenant une clause
de juridiction ne suffit pas, même au cas de relations d’affaire suivies, à lui rendre
opposable cette clause si le contrat n’y fait aucune référence directement ou
indirectement", enfin : Com, 29 juin 1993, Bull n° 271 : "C’est par une
appréciation souveraine qu’une cour d’appel décide que la lettre d’une société
accompagnée du document contractuel adressée à un commerçant constituait une
offre précise, complète et ferme dont l’acceptation par le commerçant était
établie par la signature qu’il avait apposée sous ce contrat sans aucune réserve et
avant toute rétractation"
637
Article de Claire HUMANN, revue droit Maritime Français, décembre 2010,
n°720, page 1012.

Page | 327
belge et déchargés à Marseille) a jugé que le destinataire avait
connaissance ou était censé avoir eu connaissance d'une clause
conforme à l'usage qui attribuait compétence aux juridictions du pays,
la Belgique, où le transporteur avait son siège638.

Nous attirons cependant l’attention du lecteur que cette solution n’a


pas été retenue pour le destinataire réel. Alors que la jurisprudence lui
permet d’agir contre la compagnie maritime comme étant le
transporteur de la marchandise, il n’est pas pour autant assimilé au
destinataire contractuel. Au demeurant, la jurisprudence française
considère le destinataire réel comme étant tiers au contrat; non
mentionné au connaissement, il ne peut donc se voir opposer la
clause639.

Cette partie aura pour objectif d e faire le point sur l’équilibre que
devra trouver le juge entre la sécurité du commerce international par
l’interprétation de la clause de compétence et la protection du
destinataire de la clause de compétence à laquelle il n’a pas participé
au regard des règles de droit internationales (a), françaises (b) et
algériennes (c).

638
CA Aix-en-Provence, 2e ch., 28 déc. 2011, no RG : 10/19603, Axa et a. c/ Mark
Gross et a., BTL 2012, p. 127
639
CA Rouen 10 sept. 2015, BTL 2015, 541, DMF 2016, 176;

Page | 328
a) La clause de compétence au regard des règles de droit
internationales :

Ainsi que nous l’avons exposé plus haut, le contrat de transport de


marchandises est conclu entre le transporteur et le chargeur pour le
compte du destinataire afin d’acheminer la marchandise achetée par ce
dernier auprès du vendeur.

L’acheminement international d’une marchandise d’un point « a » à


un point « b » signifie donc qu’il y a eu un contrat de vente entre
l’acheteur et le vendeur ; ce contrat de vente peut prévoir
l’acheminement de la marchandise pour sa livraison à son destinataire
; ici, un contrat de transport sera conclu entre le chargeur et le
transporteur et ce dernier peut contenir des stipulations au profit du
destinataire640.

Si le contrat de vente de la marchandise n’inclut pas l’acheminement,


dans ce cas, ce sera au destinataire de la marchandise d’effectuer les
démarches aux fins de faire acheminer sa marchandise et de la même
manière, une clause attributive de compétence pourra être insérée dans
le connaissement remis au destinataire ou à son représentant. La
question de l’opposabilité de la clause de compétence à l’égard du
destinataire ne se pose pas vraiment dans le cas d’espèce, car il sera

640
https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2
001_117/deuxieme_partie_tudes_documents_120/tudes_diverses_123/juge_commer
_5981.html

Page | 329
considéré comme chargeur et donc la signature qu’il aura apposée lors
du chargement de la marchandise manifeste son acceptation de la
clause.

Mais, de manière plus courante, le destinataire est représenté par le


chargeur à qui le transporteur remet le connaissement. Après signature
du connaissement, le chargeur adressera un exemplaire du
connaissement au destinataire et ce avant même que la marchandise
n’arrive au port de destination. Dès lors, sauf cas de fraude, il devient
très difficile pour le destinataire d’alléguer ne pas être au courant de
l’existence de la clause de compétence641.

Dans le même ordre d’idée, une fois la marchandise acheminée au


port de destination, le transporteur ou son représentant va livrer la
marchandise transportée au destinataire légitime ou à son représentant
réclamant la livraison au titre d’un exemplaire, même unique du
connaissement, ou si aucun connaissement n’a été émis, au titre
d’un autre document de transport valablement établi 642 ; dès lors, si
le destinataire accepte de prendre la marchandise en signant le
connaissement, qu’il doit remettre au transporteur en contrepartie de la
marchandise, il ne pourra pas par la suite prétendre ne pas avoir accepté
la clause de compétence qui y est insérée ; le destinataire est ainsi réputé
avoir accepté la clause insérée au connaissement et ne pourra pas s’y
opposer.

641
Idem supra
642
Voir art. 782 CMA

Page | 330
Que ce passe-t-il si le destinataire ne signe pas le connaissement (par
erreur, oubli ou sciemment) et retire la marchandise qui lui est remise?
La clause de compétence lui-est-elle opposable ? Doit-on dans ce cas
suppléer à cette absence de signature par la signature d’un acte
supplémentaire de la part du destinataire afin de s’assurer de son
acceptation ou le seul retrait de la marchandise suffit pour considérer
que le destinataire acquiesce à la clause de compétence?

L’absence de signature du connaissement par le destinataire lors du


retrait de la marchandise au port de destination peut poser des
difficultés dans la mesure où cela signifie que soit le destinataire n’est
pas au courant de l’existence de cette clause, soit qu’il s’oppose à celle-
ci.

La Cour de justice amenée à apprécier l’interprétation de l’article 17


de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968643 dans un arrêt

643
Une affaire relative à un transport maritime (CJCE, 19 juin 1984, aff. 71/83,
Partenreederei ms. Tilly Russ et Ernest Russ c/ NV Haven-& Vervoerbedrijf Nova et
NV Goeminne Hout : Rec. CJCE 1984, p. 2417 ; Rev. crit. DIP 1985, p. 385, note H.
Gaudemet-Tallon ; DMF 1985, p. 83, note P. Bonnassies), devait permettre à la
Cour de justice de nuancer sa jurisprudence selon différentes hypothèses précises.
L'espèce concernait un transport de bois du Canada en Belgique sous le couvert de
deux connaissements signés uniquement par l'agent américain du transporteur. Au
verso de ces connaissements figurait une clause de compétence en faveur du
tribunal de Hambourg.
La Cour de cassation de Belgique a posé à la Cour de justice la question de savoir
si, compte tenu des usages généralement admis en ce domaine, le connaissement
remis par le transporteur maritime au chargeur pouvait être considéré comme une
“convention (...) écrite” ou comme une“convention (...) confirmée par écrit” entre
les parties au sens de l'article 17 de la convention du 27 septembre 1968.
En l'espèce, les connaissements contenant la clause étaient régis par la convention de
Bruxelles du 25 août 1924 qui n'exige pas la signature du chargeur. Mais, dans sa

Page | 331
Castelliti du 16 mars 1999, la Cour observe que « le consentement des
parties contractantes à la clause attributive de juridiction est présumé
exister dès lors que leur comportement correspond à un usage régissant
le domaine du commerce international dans lequel elles opèrent et dont
elles ont ou sont sensées avoir connaissance » 644.

C’est donc la conception contractualiste qui a été appliquée aux


termes de laquelle l’on considère que le chargeur, qui a signé le
contrat de transport et donc a signé le connaissement, l’a fait pour le
compte du destinataire de la marchandise. En conséquence, même si

réponse, la Cour évite toute référence aux règles de droit maritime. Elle apprécie la
validité de la clause uniquement au regard de la convention sur la compétence,
considérant ainsi, implicitement, que, par son domaine spécial, la convention de
Bruxelles de 1968 prime la convention sur le connaissement.
Au regard des différentes conditions posées par l'article 17, la Cour apporte les trois
solutions qui suivent :“Il n'est satisfait à la condition d'une “convention écrite” (...)
que si le chargeur a exprimé par écrit son consentement aux conditions comportant
cette clause, que ce soit sur le document en question lui-même ou dans un écrit
séparé”(pt 16).
Dans le cas “d'une convention verbale antérieure entre les deux parties portant
expressément sur la clause attributive de juridiction, et dont le connaissement,
signé par le transporteur, devait être considéré comme la confirmation écrite,
cette clause satisferait aux conditions posées par l'article 17 de la convention,
même si elle n'était pas signée par le chargeur et qu'elle ne portait donc que la
signature du transporteur”(pt 17).
“Enfin, une telle clause attributive de juridiction non signée par le chargeur peut
encore satisfaire aux exigences posées à l'article 17 de la convention même en
l'absence d'une convention verbale antérieure portant sur ladite clause, à la
condition toutefois que l'établissement du connaissement fasse partie des
rapports commerciaux courants entre le chargeur et le transporteur, dans la
mesure où il serait ainsi établi que ces rapports sont dans leur ensemble régis par
des conditions générales, comportant cette clause attributive de juridiction de
l'auteur de la confirmation par écrit, en l'occurrence le transporteur, et que les
connaissements sont tous établis sur des formulaires pré-imprimés comportant
systématiquement une telle clause attributive de compétence. Il serait, dans un tel
contexte, contraire à la bonne foi de dénier l'existence d'une prorogation de
compétence”(pt 18).
644
Droit maritime, 2ème édition, P. Bonassies et C. Scapel, page 799.

Page | 332
dans les faits le destinataire n’était partie au contrat de transport de
marchandise, il n’en demeure pas moins que si le destinataire "succède"
dans les droits du chargeur qui a lui-même signé le connaissement645,
la clause insérée au connaissement lui sera ainsi opposable.

Cette conception présente néanmoins des inconvénients car elle


favorise la situation de l’émetteur du connaissement en raison de
l’uniformisation du libellé des titres et l’uniformisation des
réponses contentieuses. Mais, elle pénalise la situation des
destinataires, contraints le plus souvent de plaider à des milliers de
kilomètres en raison soit de la compétence retenue de la loi d’émission
du titre, soit de celle issue de la clause de compétence et entraîne les
conséquences suivantes :

• les clauses de compétence insérées au connaissement sont


opposables au destinataire (successeur) si le chargeur a signé le
titre.

645
Cette conception non contractualiste, tirée d’une stipulation pour autrui de la
situation du destinataire qui "succède" au chargeur se retrouve dans certains droits
européens : c’est ainsi qu’en droit anglais, le tiers porteur d’un connaissement à
ordre doit être considéré comme "succédant" aux droits et obligations du chargeur
"tout bénéficiaire ou endossataire d’un connaissement négociable acquiert les droits
d’action, et est sujet aux mêmes responsabilités par rapport aux marchandises que
si le contrat contenu dans le connaissement avait été conclu par lui-même" -Bill of
lading Act de 1855). Le droit italien consacre une conception abstraite et formelle de
la situation du tiers porteur au regard tant du contrat que du connaissement "le tiers
porteur possède un droit littéral et autonome en vertu du titre lui-même (article 467
du Code de la navigation italien), ainsi en est-il du droit allemand. En revanche le
droit belge applique la conception française de la stipulation pour autrui et du contrat
de transport.

Page | 333
• même en l’absence de la signature du chargeur, les clauses qui y
sont insérées sont opposables au destinataire si ce dernier a signé
le titre ou s’il est lié par un usage régissant le domaine du
commerce international dans lequel il opère ou il est censé avoir
connaissance646.

Notons cependant que certains auteurs considèrent que cette


jurisprudence de conception libérale favorise le commerce
international ainsi que la circulation des titres mais au détriment des
intérêts des victimes ou de leurs assureurs subrogés 647.

b) La clause de compétence au regard des règles de droit


applicable en France :

La jurisprudence française a toujours manifesté une certaine réserve à


l'égard des clauses de compétence, du moins dans les relations
transporteur / réceptionnaire mais, depuis quelques années les choses
ont changés, en l'état d'une politique jurisprudentielle délibérément

646
Cour de Justice des Communautés Européennes en 1984 (arrêt Tilly Russ)
et 1999 (Castelletti). L’acceptation du destinataire, dans cette conception importe
peu. Ce qui compte, c’est de constater que le connaissement a été utilisé par un
destinataire, professionnel du transport maritime. Cette conception abstraite du
connaissement entraîne en outre le fait que la loi applicable à la situation est la loi de
l’émission du titre et non celle du contrat.
647
Réflexions sur une difficulté d’application en matière maritime
:l’opposabilité au destinataire d’un transport maritime des clauses de compétence
insérées dans le
connaissement(https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel
_36/rapport_2001_117/deuxieme_partie_tudes_documents_120/tudes_diverses_12
3/juge_commer_5981.html)

Page | 334
libérale, voire ultra libérale648.

109. Rappel historique ; Avant 1992, l'opposabilité de la clause de


compétence était «mécanique», le destinataire étant considéré comme
l'ayant en cause du chargeur. En conséquence, les clauses acceptées
par le chargeur l’étaient également par le destinataire649. Ce principe
simple avait le mérite d’être claire.

Depuis 1992, l'opposabilité de la clause attributive de juridiction


n'est plus systématique mais dépend de certaines conditions, principe
qui, ainsi que nous l’avons vu plus haut, a été renforcé par la
jurisprudence communautaire 650.

Rompant avec la jurisprudence antérieure, la chambre commerciale de


la Cour de cassation française a considéré dans un arrêt de
1992 qu'une clause de compétence figurant dans un connaissement
fluvial était inopposable au destinataire qui ne l'avait pas acceptée au
moment de la formation du contrat651. La cour de cassation
française a même exigé l’acceptation formelle par le destinataire652

648
Droit maritime, Précis, professeur Philippe DELEBECQUE, 772 Clauses
attributives de juridiction.
649
Monsieur Rodière R., Traité général de droit maritime, t. 2, no 406 ; Cass.
com., 10 mars 1987, no 85-14.561, Bull. civ. IV, no 70 ; CA Aix-en-Provence, 8 oct.
1989, BT 1990, p. 440.
650
Lamy transport, p. 906 - Clauses attributives de compétence dans le cadre
d'opérations communautaires.
651
Cass. com., 26 mai 1992, no 90-17.352, BTL 1992, p. 476
652
ces stipulations devant être acceptées par le destinataire au plus tard au moment
où il a reçu livraison de la marchandise, soit au moment où il a adhéré au contrat de

Page | 335
des clauses attributives de compétence653.

Il a été ainsi jugé que la « simple » détention du connaissement n'est pas


censée prouver l’acceptation. Dès lors, ont été censurés les décisions
tendant à appliquer la règle selon laquelle le destinataire succède au
chargeur dans ses droits et obligations en acquérant le connaissement.
L'apposition sur le connaissement de sa signature et du tampon
humide est devenue insuffisante 654, si bien que la Cour de
cassation a jugé que : «la clause de compétence figurant au
connaissement doit faire l'objet d'une acceptation spéciale de la part
du destinataire, laquelle ne résulte pas de l'accomplissement sans
réserves du connaissement »655.

L'acceptation manifeste pourrait donc résulter d'un acte séparé ou


d'une signature en face de ladite clause656, voire de l'envoi des
delivery orders et connaissements à l'acquéreur des marchandises,
celui-ci n'émettant aucune réserve à la réception de ces documents et
donnant ordre à sa banque de payer 657.

transport.
653
Cass. com., 29 nov. 1994, no 92-19.987, DMF 1995, p. 209 ; Cass. com., 10
janv. 1995, no 92-21.883, BTL 1995, p. 89, arrêt « Nagasaki »
654
Cass. com., 16 janv.1996, no 94-12.542 ; Cass. com., 25 nov. 1997, no 95-
21.021, Bull. civ.IV, no 310.
655
Cass. com., 25 juin 2002, no 00-13.230, BTL 2002, p. 471 ; CA Rouen, 2e ch., 28
févr. 2002, CP Ships c/ P & O Nedlloyd, BTL 2002, p. 356.
656
Nicolas P.-Y., DMF 1999, p. 101
657
CA Rouen, ch. réun., 8 oct. 2002, Cargill c/ Capitaine du Walka Mlodych, DMF
2003, p. 547, la cour considérant que l'acheteur destinataire avait ainsi manifesté sa
connaissance et son acceptation de la clause compromissoire.

Page | 336
Par un autre arrêt rendu le 4 mars 2003, la chambre commerciale a
rappelé sa position selon laquelle pour être opposable au destinataire,
la clause attributive de juridiction doit avoir été acceptée au plus tard
lors de la livraison. Dans cette affaire, la Cour de cassation a considéré
que la loi française était applicable au contrat de transport et, au regard
de celle-ci, a déclaré la clause de compétence inopposable au
destinataire dans la mesure où « il ne résulte d'aucun texte de droit
interne que le porteur du connaissement, en acceptant la livraison
de la marchandise, succède aux droits et obligations du chargeur
découlant de la clause attributive de juridiction acceptée par celui-
ci»658. Le destinataire ne succède donc plus au chargeur ce qui
constitue un sensible retour en arrière659.

Par un autre arrêt du 7 décembre 2004, la chambre commerciale de la


Cour de cassation française a précisé que la notion «d'acceptation
spéciale» utilisée pour l’appréciation de l'opposabilité de la clause
de compétence, ne pouvait pas être appréciée par la seule attitude
du destinataire660, au regard de « l'usage courant dans ce type de
relations». Il fallait, selon la Cour de cassation, constater si «la
clause attributive de compétence avait fait l'objet d'une acceptation
spéciale de la part du destinataire»661. Il semblerait ici que la Cour de

658
Cass. com., 4 mars 2003, no 01-01.043, Bull. civ. IV, no 33, BTL 2003, p.
193, qui approuve CA Paris, 5e ch., 29 nov. 2000, DMF 2001, p. 684.
659
Lamy transport, p. 906 - Clauses attributives de compétence dans le cadre
d'opérations communautaires.
660
qui avait préalablement saisi le tribunal de commerce de Tunis désigné au
connaissement.
661
Cass. com., 7 déc. 2004, no 02-19.825, Bull. civ. IV, no 215, BTL 2005, p. 11
;DMF 2005, p.133, note Remery J.-P

Page | 337
cassation exige un écrit distinct de la part du destinataire.

110. Revirement jurisprudentiel ; Le revirement jurisprudentiel


opèrera de manière graduée étant donné les positions divergentes de la
chambre civile et de la chambre commerciale de la Cour de Cassation
française.

Souhaitant s’aligner à l’arrêt Castelléti rendu par la Cour de justice de


l’Union européenne en 1999, la première chambre civile de la Cour
de cassation procèdera à un revirement de sa position dans l’arrêt
Bonastar II rendu e n d a t e d u 12 juillet 2001 m o t i v a n t s a
décision comme suit : « la détermination des effets du
connaissement à l'égard du destinataire de la marchandise s'effectuait
selon la loi applicable au contrat de transport ». La Cour de
cassation écartera ainsi la compétence des juridictions françaises en
posant le principe selon lequel « l'insertion d'une clause de juridiction
étrangère dans un contrat international fait partie de l'économie de
celui-ci, de sorte qu'elle s'impose à l'assureur subrogé »662.

Ainsi que nous l’avons vu plus haut, la position de la chambre civile de


la Cour de cassation est différente de celle de la chambre commerciale
qui considérait « qu’une clause attributive de compétence territoriale
n’est opposable au destinataire de la marchandise que s’il l’avait
expressément acceptée, que la seule détention du connaissement ne
662
Précisons que la loi régissant le contrat (la loi de Singapour) rendait les clauses
de juridiction opposables aux tiers porteurs des connaissements - Cass. 1re civ.,
12 juill. 2001, no 98-21.591, Bull. civ. I, no 224, BTL 2001, p. 605.

Page | 338
constitue pas la preuve d’une pareille acceptation » 663.

Il a fallu attendre 2008 pour que les deux chambres mettent fin à cette
divergence. En effet, par deux arrêts rendus simultanément par la
chambre commerciale et la chambre civile de la Cour de cassation en
date du 16 décembre 2008, les deux chambres adoptent la même
énonciation de principe en s'appuyant sur la jurisprudence
communautaire dans les termes suivants : « Attendu qu'une clause
attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un
chargeur et insérée dans un connaissement, produit ses effets à l'égard
du tiers porteur du connaissement pour autant que, en l'acquérant, il
ait succédé aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit
national applicable ; que dans le cas contraire, il convient de vérifier
son consentement à la clause, au regard des exigences de l'article 17
de la convention de Lugano du 16 septembre 1988»664, autrement dit
en conformité avec un usage commercial 665.

C’est donc ainsi que la première chambre civile et la chambre


commerciale de la Cour de cassation se sont finalement entendu pour
s’aligner à la jurisprudence communautaire qui a posé le principe selon
lequel « quand la loi applicable fait succéder le destinataire la clause
lui est opposable »; dans le cas contraire, il faut retourner au règlement
pour déterminer s'il a consenti à la prorogation666.

663
Droit Maritime, P. Bonassies et C. Scapel,, p. 800.
664
aujourd'hui, Règl. (CE) no 44/2001, art. 23
665
Cass. 1reciv., 16 déc. 2008, no 07-18.834, BTL 2009, p. 11 ; Cass. com, 16
déc. 2008, no 08-10.460, BTL 2009, p. 7, DMF 2009, p. 124.
666
Il demeure bien cependant d’autres incertitudes, notamment dans le cas où le

Page | 339
Désormais, en droit français, l'analyse de la clause et de son opposabilité
doit être s’appréciée au regard du droit national applicable 667 qui peut
s’illustrer par les exemples tirés de la jurisprudence survenue après les
deux arrêts de 2008:
• à propos d'un transport international de crevettes congelées,
le connaissement à ordre laissé en blanc prévoyait une clause
attributive de compétence à une juridiction anglaise. La
recherche du droit national applicable menant à la loi anglaise,
selon laquelle la transmission du connaissement à un tiers
implique la dévolution de tous les droits et obligations du
chargeur, la stipulation était opposable au destinataire réel668.
• en droite ligne des deux arrêts de 2008, la cour d'Aix, saisie
d'un litige relatif au commerce de fruits (avocats chargés au
Kenya par un transporteur belge et déchargés à Marseille) a
jugé que le destinataire avait connaissance ou était cessé avoir eu
connaissance d'une clause conforme à l'usage qui attribuait
compétence aux juridictions du pays, la Belgique, où le
transporteur avait son siège669;
• lorsque la banque (suisse) émettrice d’un crédit documentaire

droit national applicable ne considère pas le destinataire (par hypothèse, non désigné
au connaissement) comme l'ayant- cause du chargeur.
667
CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 7 sept. 2011, no 09/06787, Deutsche Afrika Linien
GmbH c/ Dole France et a., DMF 2012, p. 252, sur renvoi après Cass. com., 16 déc.
2008, no 08-10.460, précité : « Les juridictions du fond ont suivi le raisonnement.
Ainsi, la loi allemande – applicable au litige – ne prévoyant pas que le
destinataire non désigné au connaissement succède au chargeur, la clause lui est
inopposable ».
668
CA Aix-en-Provence, 2e ch., 9 nov. 2011, no 10/22956 et 10/22960, Covea Fleet c/
AP Moller Maersk, DMF 2012, p. 246.
669
CA Aix-en-Provence, 2e ch., 28 déc. 2011, no RG : 10/19603, Axa et a. c/ Mark
Gross et a., BTL 2012, p. 127

Page | 340
figure au connaissement en tant que destinataire. Devenant
partie au contrat de transport, elle peut se voir opposer la
clause attribuant compétence au tribunal du siège social du
transporteur, stipulation conforme aux usages en la matière selon
la Convention de Lugano 670 du 16 septembre 1988 671.

111. Cas de la clause de compétence insérée dans la lettre de


garantie; A l’occasion d’un contentieux pour responsabilité du
transporteur maritime, il n’est pas rare que la partie qui saisie la
juridiction d’une demande de condamnation du transporteur maritime
saisisse en même temps le juge de l’exécution afin d’obtenir
l’autorisation de saisir le navire tenu pour responsable dans le but de
garantir des créances suffisamment importantes. Ici, le transporteur
maritime formule une demande de mainlevée afin de libérer le navire
et pour cela il demande à son assureur de responsabilité civile (P & I
Club) ou à un organisme bancaire de délivrer une lettre dite « de
garantie » ou un cautionnement672. Ces documents contiennent
l'engagement d'indemniser les dommages sur présentation soit d'un
accord amiable entre les parties, soit d'une décision de justice et
précisent en général la juridiction compétente en cas de litige. En
présence de ces deux documents, la question se pose alors de savoir
quelle disposition prévaut.

670
Rappelons que cette Convention, liant les États de la CEE à ceux de l’AELE
contient des dispositions similaires à celles de l’article 23 du Règlement no 44/2001.
671
Cass. com., 12 mars 2013, no10-24.465, BTL 2013, p. 191, étant précisé que pas
moins de 146 connaissements avaient été produits aux débats.
672
selon les termes de l'ordonnance autorisant la saisie.

Page | 341
En réponse à cette difficulté, les juridictions françaises ont retenu le
principe selon lequel la clause de compétence figurant dans la lettre de
garantie prévaut selon les énonciations suivantes: « le P & I Club avait
reçu instruction irrévocable des propriétaires et/ou armateurs du navire
d'accepter de soumettre le litige au tribunal de commerce de Rouen et
que le transporteur ne contestait pas avoir donné cet ordre » 673.

On retrouvera cette position a l’occasion de plusieurs autres cas


d’espèces, notamment celui de l’arrêt rendu par la cour d’appel de
Paris en 2004 où s’agissant d'une lettre de garantie d'un P & I Club
émise « dans l'intérêt et forcément sur instruction » de l'armateur,
les juges soulignant la «volonté spéciale bien déterminée de confier
désormais le litige à la seule juridiction française »674.

Ainsi, la notion de consentement de l’armateur pour soumettre le litige


à une nouvelle juridiction est donc un élément fondamental dans
l’appréciation de la clause de compétence car ainsi que l’a précisé le
tribunal de commerce de Marseille, « il n'est pas concevable [que le P
& I Club agisse] de son propre chef sans en référer à son mandant »675.

673
CA Rouen, 2e ch., 17 janv. 2002, Sté France Euro Tramp et a. c/ Mutuelles du
Mans et a. BTL 2002, p. 241.
674
CA Paris, 1re ch., 4 févr. 2004, no 2003/17917, Generali France et a. c/ Jolie
Maritime ; même sens, T. com. Marseille, 13 janv. 2006, no 2005F02757, Fortis et a.
c/ Sea Bean Maritime, DMF 2006, p. 856
675
T. com. Marseille, 10 oct. 2003, Axa et a. c/ Oceantramp shipping et a., BTL
2003, p. 703.

Page | 342
De la même manière, les juridictions françaises estiment que les
assureurs du destinataire de marchandises, endommagées pendant leur
transport maritime, subrogés dans les droits de leur assuré, doivent
soumettre le litige à la juridiction convenue entre le destinataire, tiers
porteur du connaissement, qui succède, en l’acquérant, au chargeur dans
ses droits et obligations676.

112. Pour conclure, le transport maritime de marchandises étant


souvent de dimension internationale, les litiges qui y sont liés posent
la question de la compétence qui sera résolue en fonction que le
transport est extracommunautaire, auquel cas, le juge appliquera la
règle de droit commun des conflits, où que le transport est
intracommunautaire et dans ce cas ce seront les textes européens qui se
verront appliqués, le juge devra ici rechercher le lieu où l’obligation doit
être exécutée, en tenant compte de la loi applicable.

La Cour de Cassation française n’est certes plus très exigeante sur


les conditions de l’opposabilité de la clause de compétence au
destinataire et considère la question par référence à l’usage; les juges
du fond quant à eux, témoignent d’une certaine réserve à l’égard de
ces clauses, ce qui est un juste retour l’ordre naturel des choses.
Notons cependant, que ce n’est pas une règle absolue étant donné
que nous retrouvons encore des décisions isolées, comme celle du 4
juin 2015, rendue par Cour d’Appel de Versailles, aux termes de
laquelle la cour a estimé que le chargeur qui fait régulièrement
676
Cour Cass. Ch. Com. arrêt n° 194 du 17 fév. 2015, n° 13-18.086

Page | 343
transporter des conteneurs vers l’Algérie, est, en tant qu’opérateur
habituel, censé connaître les clauses attributives de compétence
figurant au connaissement maritime auquel il peut avoir recours et les
avoir ainsi acceptées 677.

Rappelons enfin, qu’en ce qui concerne les saisies conservatoires du


navire, il n’est pas rare, hormis les cas où le fréteur intervient sans
consulter l'affréteur, émetteur des connaissements, que le transporteur
renonce au bénéfice de la clause de compétence car il privilégie
ses intérêts à court terme étant donné qu’il doit repartir rapidement
pour honorer d’autres contrats de transport de marchandises et le
blocage de son navire dans un port représentera finalement une perte
plus importante que de se borner sur la question de la compétence
territoriale (soit l'exploitation de son navire) 678.

c) La clause de compétence au regard des règles de droit


algérien

L’article 747 du code maritime algérien permet aux parties d’inclure


des stipulations contractuelles tendant à choisir le tribunal
compétent pour trancher un litige éventuel découlant du contrat de
transport de marchandises par mer679.

677
CA Versailles du 4 juin 2015, DMF 2016, p. 173, DMF 2016 h.s. p 82.
678
Lamy transport 2015- lettre de garantie et clause de compétence, p. 901.
679
Article 747 CMA : « sous réserves des stipulations prévues ci-après, les
dispositions du présent titre ne sont applicables que dans la mesure où d’autres
stipulations n’ont pas été expressément convenues. Aux transports maritimes
effectués entre les ports algériens et les ports étrangers, les dispositions

Page | 344
De la même manière, l’article 106 du code civil 680 fait de l’accord des
parties une règle de loi et le juge algérien est, en principe, tenu de
faire application des stipulations contractuelles conclues entre les parties.

On constatera ainsi, que cette règle se voit souvent appliquer par les
juges du fond comme a i n s i q u e n o u s l ’ i l l u s t r e l’arrêt de la
Cour d’appel d’Alger de 2014 qui a retenu la validité de la clause de
compétence insérée dans le contrat conclu entre les parties et ainsi
écarté la compétence du tribunal algérien au profit d’une juridiction
étrangère681.

Ainsi, le juge algérien estime que la clause de compétence est


opposable à l’égard du chargeur de sorte qu’il écartera sa
compétence si tel est l’accord des parties.

Même solution concernant le transport de marchandises par mer ou


le destinataire est en même temps chargeur. Le juge algérien
assimilera la position du destinataire à celle du chargeur q u i a
signé le contrat de transport et donc il a forcément acquiescé à la
clause de compétence.

particulières de la convention internationale en la matière, dont l’Algérie est


partie, sont applicables au besoin ».
680
Art. 106 cc algérien : « le contrat fait la loi entre les parties, il ne peut être
révoqué, ni modifié que de leur consentement mutuel ou pour les causes prévues par
la loi ».
681
Arrêt ch. Com. de la Cour d’appel d’Alger, n° 2014/04113 du 14/12/2014.

Page | 345
Le problème réside dans les contrats où le destinataire reçoit le
connaissement postérieurement à sa signature par le chargeur de sorte
que la question de l’opposabilité des clauses insérées dans celui-ci
posera problème étant donné que le destinataire n’est pas partie au
contrat de transport maritime de marchandises dès sa conclusion.

Ici, la loi algérienne considère le destinataire comme étant tiers au


contrat signé entre le chargeur et le transporteur maritime et donc le
destinataire ne succèdera pas aux obligations du chargeur;
La solution adoptée par les juridictions algériennes sera donc
assez proche de l’ancienne position des juridictions françaises dès
lors, le juge algérien fera application du droit commun et regardera
l’apposition de la signature du chargeur sur les stipulations du
connaissement comme lui étant opposables à lui seul et non pas
opposables au destinataire de la marchandise, sauf si le chargeur a
accueilli l’accord préalable du destinataire.

Nous pouvons illustrer nos propos par les jurisprudences suivantes :

• Arrêt de la Cour Suprême Algérienne rendu en date du 27


septembre 2000 qui a censuré un arrêt de la cour d’appel au motif
que celle-ci, se basant sur des clauses insérées au connaissement,
s’est déclarée incompétente au profit d’un tribunal étranger

• estimant qu’elles primaient sur les stipulations

Page | 346
contractuelles 682.
Ici, la Cour suprême a fait application est dispositions du
droit commun 683.
• Arrêt de la Cour suprême algérienne rendu en 2010 par lequel
la Cour a rejeté un moyen de la société Sloman Neptune qui
avait soulevé l’incompétence du juge algérien au profit d’un
tribunal étranger en invoquant la clause de compétence insérée au
connaissement ; La Cour Suprême a indiqué que « le
connaissement concerne la relation entre le chargeur et le
transporteur et cette relation ne peut avoir des conséquences
pour le destinataire qui au demeurant n’est pas partie au
contrat de transport, la clause de compétence ne lui est dès lors
pas opposable »684.
• Arrêt de la Cour suprême algérienne de 1999, dans lequel elle
indique que le fait que le destinataire réclame sa marchandise et
la retire en contrepartie de la remise de son exemplaire du
connaissement au transporteur après l’avoir signé au préalable,
n’est pas un élément retenu par les juges algériens pour
apprécier l’opposabilité de la clause de compétence à l’égard
du destinataire685.

682
Arrêt Cour Suprême n° 120612 su 27/09/2000 ;
683
Les articles 41 et 41 du code de procédure civile et administrative.
684
Arrêt de ch. com. et mar. de le Cour Suprême n° 661705 du 03/03/2010,
société Sloman Neptune c/ CAAT et l’entreprise portuaire d’Alger.
685
Arrêt de la ch. Com. et mar. de la Cour Suprême algérienne, chambre
commerciale et maritime, n° 162697 du 16/12/1997, revue de la cour suprême
algérienne, 1999.

Page | 347
113. Conclusion; La Convention de Bruxelles de 1924 ne contient
aucune disposition relative à la compétence des juridictions appelées
à statuer sur la responsabilité du transporteur maritimes, le juge
algérien va donc faire application de ses règles de droit commun. En
conséquence, il peut admettre l’opposabilité de la clause de
compétence si la partie intéressée rapporte la preuve que le destinataire
était partie au contrat de transport, chose qui serait impossible à faire
à moins que le chargeur soit en même temps destinataire de la
marchandise. La solution serait donc de recueillir l’accord préalable
du destinataire au plus tard au moment de la livraison de la
marchandise étant donné que la Convention de Bruxelles de 1924 ne
prohibe pas en matière de compétence juridictionnelle de clauses
dérogeant au droit commun.

SECTION 2) La force probante de la clause compromissoire et son


opposabilité au destinataire du connaissement.

La clause compromissoire est une stipulation contractuelle insérée soit


au contrat de transport maritime directement ou par référence dans le but
d’écarter la juridiction judiciaire au profit d’une instance arbitrale.

114. Les avantages de l’arbitrage ; L’arbitrage est un moyen de


règlement alternatif très utilisé dans le commerce international. Cette
attraction en matière commerciale a certainement pour raisons la
spécialisation des arbitres, le pouvoir des parties à choisir leurs
arbitres réputés et indépendants, qui vont pouvoir, en principe,

Page | 348
rendre une décision rapidement et de manière confidentielle686,
sans oublier la simplicité de la procédure dans la mesure où elle est
soumise à la loi des parties.

De la même manière que pour la clause de compétence, l’opposabilité


de la clause compromissoire insérée dans le contrat au transport
maritime de marchandise pose des difficultés à l’égard du destinataire de
la marchandise dès lors que celui-ci n’est pas partie au contrat.
Il est, en effet, difficile d’imaginer un accord complet du
destinataire qui n’était pas partie au contrat de transport de la
marchandise et qui hérite de cette clause en acceptant de signer le
connaissement au moment de réceptionner sa marchandise.

Cette question est au demeurant très importante en ce qu’elle implique


pour le destinataire en cas de litige, en particulier, la prise en charge
des frais de l’arbitrage que le destinataire sera contraint d’avancer
pour faire valoir ses droits.

Même s’il existe aujourd’hui des sociétés de financement des


procédures arbitrales appelées « Third Party Funding » (TPF) 687 qui
peuvent prendre en charge les frais de cette procédure en échange d’un
pourcentage sur les dommages et intérêts obtenus et payés à l’issu du

686
É. Loquin, Les obligations de confidentialité dans l'arbitrage : Rev. arb. 2006, p.
323 et s.
687
https://www.sav-fsa.ch/de/documents/dynamiccontent/207_le-financement-de-
contenieux-par-des-tiers.pdf.

Page | 349
procès, ce financement n’est cependant pas automatique car il est
soumis à l’acceptation du dossier par l’organisme financeur, de sorte
que les dossiers avec peu de chance de gain seront écartés. N’est-ce pas
là un déséquilibre supplémentaire que subi le destinataire ?

Par ailleurs, la clause d’arbitrage est insérée par le transporteur


maritime, celui-ci désignera en général un centre d’arbitrage connu dans
le domaine maritime ; Vont donc recevoir compétence la chambre
arbitrale maritime de Paris, la chambre arbitrale de Londres (la London
maritime Arbitration Association), de New-York ou certain centre
d’arbitrage en Asie688. L’Algérie n’a pas de centre d’arbitrage spécialisé
dans le contentieux maritime 689.

Alors que l’absence d’un centre d’arbitrage spécialisé en droit


maritime en Algérie peut paraître étonnante pour un pays importateur
à 80% par les voies maritimes, elle s’explique cependant par une
évolution tardive de l’arbitrage en Algérie car ce mode de règlement
des litiges n’était pas ouvert aux sociétés commerciales jusqu’à il y
a quelques années; L’arbitrage en Algérie n’était admis qu’entre deux

688
Les centres d'arbitrage spécialisés, essentiellement dans les pays anglo-saxons
: les plus réputés d'entre eux sont Society of Maritime arbitrators (New
York depuis 1963), http :www.maaus.com/ ; (LMAA) London maritime
arbitration association, London Court of International Arbitration (LCIA). Certains
centres importants existent également en France avec notamment la chambre
arbitrale maritime de Paris. On trouve également des centres en Asie : Tokyo
maritime arbitration commission, Singapore chamber of maritime arbitration...
689
il existe à notre connaissance un seul Centre de Conciliation, de Médiation et
d'Arbitrage de la CACI.

Page | 350
sociétés étatiques 690 pour ce qui est de l’arbitrage interne, et ouvert à
une catégorie d’entreprises étatiques, comme par exemple l’entreprise
exploitant les richesses du sous-sol du Sahara concernant l’arbitrage
international 691.

La réforme du code de procédure civile et administrative algérien en


2008 692, a eu pour objectif d’harmoniser les règles de procédures
arbitrales avec celles qui existent en occident et en particulier en
France 693; L’Algérie a en conséquence affirmé sa volonté de
développer ce mode règlement des litiges694et les partenaires algériens
peuvent désormais choisir l’arbitrage comme mode de règlement de leur
contentieux.

On constate néanmoins que les partenaires algériens utilisent toujours


peu ce mode de règlement, en particulier en matière maritime. Cela
pourrait s’expliquer par le manque de connaissance de cette procédure
du côté algérien ou plus généralement, parce que les importateurs
algériens sont souvent des petites PMU qui n’ont pas les moyens de
payer les frais d’une procédure arbitrale qui pourraient être
équivalents à la valeur de la marchandise objet du litige.

690
voir arrêt de la Cour Suprême en date du 07/07/1992 sous le n° 96228.
691
Décret n° 63-364 du 14 septembre 1963 portant publication d’un accord algéro-
français relatif à l’arbitrage et d’une annexe signée à Paris le 26 juin 1963.
692
Loi n° 08-09 du 25 février 2008 portant cde de procédure civile et administrative
(voir livre V, titre II du code)
693
On a noté que la rédaction des nouveaux textes de droit algériens sont très
similaires à ceux du code de procédure civile français.
694
Article 1442 CPC, articles 1007 et 1011 du code de procédure civile et
administrative algérien.

Page | 351
115. La clause compromissoire insérée au connaissement; En
réalité il est rare qu’un connaissement contienne une clause
compromissoire. Elle est plus fréquente dans les connaissements
dits “de charte” qui sont des connaissements simplifiés émis en
considération d'une charte-partie à laquelle ils renvoient. On peut alors
qualifier la clause compromissoire de clause par référence 695.

Certes, notre étude ne traite ni du connaissement de charte-partie, ni des


nombreux contentieux découlant de la clause compromissoire, qui
concernent pour la plupart des règles de droit commun, mais il nous
parait néanmoins important de développer sommairement cette question
car les difficultés liées à cette clause peuvent faire l’objet d’un débat
judiciaire quant à son opposabilité et par conséquent la compétence
du juge judiciaire ou rejaillir plus tard à l’occasion de l’exécution
de la sentence arbitrale et poser des difficultés au moment de
l’exequatur.

Ainsi, même si l’ont retrouve cette clause dans la charte-partie (ou


contrat d’affrètement) et que l’essentiel du contentieux concerne la
relation entre fréteur et affréteur de navire, il n’en demeurant pas moins
qu’une partie du contentieux issus du contrat de transport est traité par
voie d’arbitrage, en particulier lorsque le titre de transport est un

695
E. Loquin, La clause d'arbitrage par référence : toujours l'incertitude : RTD com.
1993,p. 297. – X. Boucobza, La clause arbitrale par référence en matière d'arbitrage
commercial international : Rev. arb. 1998, p. 495. – V. JCl. Procédure civile, Fasc.
1056

Page | 352
connaissement dit « de charte».
Ces connaissements renvoient ainsi aux conditions de la charte-partie696,
d’où l’application de la clause d’arbitrage dans la charte.

Cette extension de la force obligatoire de la clause d’arbitrage aux


contentieux nés du contrat de transport constitue l’une des difficultés des
rapports entre arbitrage et transport. En effet, le recours à l’arbitrage
suppose en principe un consentement préalable des parties en litige. Or,
dans ce type de situation, les parties au contrat de transport se voient
imposer le recours à l’arbitrage, alors même qu’elles n’y ont pas
expressément consenti.

Cette question de l’opposabilité des conventions d’arbitrage aux parties


au contrat de transport, et plus particulièrement au destinataire de la
marchandise ou au tiers porteur du connaissement, alimente
jurisprudence et doctrine en débats nourris depuis des années.

La jurisprudence française considère en effet que le litige entre le


transporteur et un destinataire de la marchandise doit être porté devant le
tribunal arbitral dès lors qu’il n’existe pas de cause de nullité ou
d’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire697.

696
C’est le cas notamment des connaissements de la BIMCO. Une clause
compromissoire CMAP est généralement stipulée dans la charte-partie
SYNACOMEX concernant le transport de grains.
697
Arrêt navire PELLA, Cass. com. 21/02/2006, Clunet, Journal du droit
international, n°2/2006, p.283, note C. Legros.

Page | 353
Ainsi, la clause n’est pas opposable par principe au destinataire bien
qu’il n’y ait en général pas personnellement consenti. Cette question
pourrait d’ailleurs se rencontrer dans tous les modes de transport dans la
mesure où tous les contrats de transport de bien se caractérisent par leur
nature tripartite (expéditeur, transporteur, destinataire), les clauses
dérogatoires étant le plus souvent insérées dans le contrat de transport
par le transporteur sans réelle négociation entre les parties 698.

Ainsi, la jurisprudence française considère le destinataire comme partie-


adhérente au contrat de transport maritime, son consentement est par
conséquent soumis aux mêmes conditions que celles applicables à une
partie initiale au contrat de transport.

De manière générale, le régime de la clause compromissoire est calqué


sur celui de la clause de l’action du for dès lors, la loi régissant le
problème d’effet relatif du contrat sera, en principe, la loi qui régit la
convention contenant la clause compromissoire. Selon une opinion
doctrinale majoritaire 699, la loi du contrat doit être compétente pour
décider à quelle personne s’applique les effets du contrat ou des clauses
qu’il renferme. Tout comme la clause attributive de juridiction, la clause
d’arbitrage suivra en cas de reventes successives des choses, le sort des
autres droits et obligations énoncées par le contrat principal dans lequel
elle s’insère.

698
arbitrage- clause compromissoire, « arbitrage et transport » par C. Legros , revue
Transidit n°71 -2016.
699
F. Leborgne, « l’action directe en responsabilité dans le groupe de contrats »
Thèse Renne I, 1995.

Page | 354
La question de la validité de la clause compromissoire doit être tranchée
par le tribunal compétent ; Ainsi, en présence d’une clause
compromissoire le juge pourra faire application soit de l’effet positif du
principe de « compétence-compétence » et dans ce cas le juge ne se
contentera pas de se prononcer sur la « nullité manifeste » de la clause
compromissoire, il va déterminer si la clause est valable ou pas en
application des critères de références tels que « les usages » et
« l’acceptation tacite » du destinataire700 ; ou bien en application de
l’effet négatif du principe « compétence-compétence » qui limite le
contrôle du juge sur la « nullité manifeste » de la clause.

116. Application du principe de « compétence-compétence » par le


juge français ; L’insertion d’une clause compromissoire, n’exclut pas
que les parties puissent saisir le juge des référés d’une demande de
mesures urgente. De la même manière, le juge des référés reste
compétent pour les demandes de provision à condition que le tribunal
arbitral n’ait pas été encore saisi701.

En revanche le tribunal arbitral est seul compétent pour se prononcer


sur sa compétence, alors même que celle-ci est contestée sur le
fondement de la nullité de la convention principale, le principe dit «
compétence-compétence » interdisant au juge judiciaire toute intrusion
en la matière.

700
O. Cacahrd, note sous Cass. 1ère civ. 22/11/2005, Rev. arb. 2006, n°2, p.438.
701
Voir article 809 CPC

Page | 355
L’application de ce principe n’a cependant pas toujours était évidente
et les juges français ont longtemps hésité en ce qui concerne
l’opposabilité à cette clause au destinataire de la marchandise.

Le débat autour de cette question à été traité en même que pour la


clause de compétence de sorte qu’on estime aujourd’hui que la
clause d’arbitrage est opposable au destinataire dans les mêmes
conditions que la clause de compétence judiciaire.

Ainsi la cour de cassation est aujourd’hui très favorable au


développement de l’arbitrage et est, selon le Professeur Delebecque,
très accueillante702 en ce qui concerne la question de la validité de la
clause compromissoire. Il appartient, selon la chambre commerciale703,
au tribunal arbitral de statuer sur sa propre compétence en application
du principe « compétence-compétence »704.

Il en résulte que lorsqu'une partie prétend qu'elle n'est pas liée par une
clause compromissoire ou que celle-ci n'est pas valable ou encore
ne lui est pas opposable, de s’adresser en priorité aux arbitres.

Cet aspect positif du principe de compétence est corroboré par son


aspect négatif, régi par le code de procédure civile705selon lequel le juge

702
Voir droit maritime, Ph. Delebecque, page 556
703
Navire Pella, Cass. com., 21 févr. 2006 : BTL 2006, p. 166 ; DMF 2006,
p. 383, obs. Ph. Delebecque ; JDI 2006, p. 283, note C. Legros
704
CPC, art. 1466
705
Art.1458 CPC

Page | 356
saisi alors qu’existe une clause d’arbitrage doit se déclarer incompétent,
et renvoyer au tribunal arbitral, à moins que la clause ne soit
manifestement nulle 706.

Dès lors, la seule limite à l’efficacité de la clause d’arbitrage à l’égard


du destinataire ou tiers porteur, réside dans la possibilité de démonter
que telle clause est « manifestement inapplicable »707. Tel est le cas,
selon le Professeur Bonassies708, lorsque la clause est manifestement
inopposable709 comme par exemple, le cas ou la clause était contenue
dans une « booking note » laquelle avait été remplacée par le
connaissement émis par la suite, lequel ne comportait pas de clause
d’arbitrage710, ou encore l’exemple d’une clause d’arbitrage figurant
dans un connaissement qui pourra être mise en échec par une lettre de
garantie au déchargement comportant une attribution de compétence
différente 711.

La clause peut ainsi être évincée à condition toutefois que la nouvelle

706
Cette même règle a été consacrée par l’article 1009 alinéa 2 du code de
procédure civile et administrative dispose : « si la clause compromissoire est, soit
manifestement nulle, soit insuffisante pour permettre de constituer le tribunal
arbitral, le président du tribunal le constate et déclare n’y avoir lieu à désignation ».
707
Jurisclasseur, Fasc. 1269 : COMMERCE MARITIME . – Contrat de
transport de marchandises. Responsabilité du transporteur. – Régime international :
conflits de lois, conflits de conventions, conflits de juridictions.
708
P. Bonassies, Traité de droit maritime, op. cit., n° 1169, p. 755
709
V. Cass. 1re civ., 11 juill. 2006, n° 05-80.890 : Bull. civ. 2006, I, n° 366, p. 314
; D. 2006,pan. 3029, obs. Th. Clay ; RTD com. 2006, p. 764, obs. E. Loquin ; JCP
G 2006, I, 187, n° 10, obs. Ch. Seraglini ; Rev. crit. DIP 2007 p. 128, note F. Jault-
Seseke
710
Cass. 1re civ., 27 avr.2004 : Bull. civ. 2004, I, n° 112
711
DMF 2006, obs. Cachard, p. 856 ; Ph. Delebecque, "Anti-suit injunction" et
arbitrage : quels remèdes ? : Gaz. CAMP n° 12 – Hiver 2006-2007, p. 1.

Page | 357
attribution de compétence ait bien été acceptée par les parties
auxquelles on l'oppose 712.

Ainsi, s'il y a lieu à une importante et difficile réflexion pour


établir si le destinataire est, ou non, lié par la clause, l'inopposabilité
ne pourra être qualifiée de manifeste, de sorte que le juge étatique
devra renvoyer les parties vers le tribunal arbitral 713.

Après avoir franchi la barrière de l’opposabilité de la clause


d’arbitrage puis celle de la validité de cette clause, la question de
l’exécution d’une sentence arbitrale internationale pose souvent
difficulté lorsqu’une des parties refuse la sentence. Dans ce cas, ce sera
au juge judiciaire de trancher cette question en application de la
convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et
l'exécution des sentences arbitrales étrangères ratifiée par l’Algérie714
et la France.

117. Application du principe de « compétence-compétence »


par le juge algérien ; Le nouveau code de procédure civile et
administrative algérien a ouvert les portes des modes alternatifs de
règlement des litiges à toute personne ayant intérêt à condition que cela
ne concerne pas des questions liées à l’ordre public ou l’état des

712
Cass. com., 13 nov. 2002, n° 00-19340, inédit
713
CA Paris, 5 juill. 2006 : JCP G 2006, IV, 2912. – Cass. 1re civ., 11 juill. 2006, n°
05-18.681 :Bull. civ. 2006, I, n° 365, p. 313 ; RTD com. 2006, p. 947, obs. Ph.
Delebecque
714
Loi n° 88-18 du 12 juillet 1988 portant adhésion à la convention pour la
reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, adoptées par la
conférence des Nations Unies à New-York le 10 juin 1958.

Page | 358
personnes 715.

De même l’article 1008 du code précité prévoit que : « La clause


compromissoire doit, à peine de nullité, être stipulée par écrit dans la
convention principale ou dans un document auquel celle-ci se réfère.
Sous la même sanction, la clause compromissoire doit, soit désigner le
ou les arbitres, soit prévoir les modalités de leur désignation ».
Le principe « compétence-compétence » trouve donc son application
chez les juges algériens à condition que la clause compromissoire soit
opposable aux parties au contentieux et qu’elle ne soit pas
manifestement nulle716.

Cependant, de la même manière que pour les clauses de


compétences de juridiction, la clause compromissoire n’est
opposable au destinataire que s’il est rapporté la preuve de son
acceptation de ladite clause. Or, la Convention de Bruxelles originel et
le code maritime algérien sont muets sur ce point. Le raisonnement
du juge algérien sera dès lors assez simple, tant qu’il n’a pas été
rapporté la preuve du consentement du destinataire par un écrit
distinct de celui du connaissement, la clause ne lui sera pas opposable.
La jurisprudence algérienne actuelle est, hélas, assez pauvre en ce qui
concerne la question de l’opposabilité de la clause compromissoire

715
Art. 1006 code de procédure civile et administrative : « toute personne peut
compromettre sur les droits dont elle a la libre disposition. On ne peut compromettre
sur les questions l’ordre public, l’état et la capacité des personnes.. »
716
voir arrête de la Cour suprême n°791649 du 04/07/2012 Voir aussi l’arrêt n°
804074 du 08/11/2012

Page | 359
insérée au contrat de transport maritime de marchandise de sorte que
nous nous baserons sur la jurisprudence concernant la clause de
compétence pour tenter d’illustre nos propos.

Dans un arrêt de 2010, la Cour Suprême algérienne a rejeté le moyen


tiré de l’opposabilité d’une clause de compétence par l’argumentation
suivante : « le connaissement concerne la relation entre le chargeur et
le transporteur maritime et il ne peut y avoir d’incidence sur le
destinataire,…, il ne ressort pas non plus de l’article 746 du code
maritime que le détenteur du connaissement soit considéré comme une
partie au contrat de transport maritime de marchandises »717.

Par un autre arrêt rendu la même année, la Cour suprême algérienne a


rejeté un moyen soulevé par la société Sloman Neptune tendant à
écarter la compétence du juge algérien au profit d’un tribunal étranger
par la motivation suivante : « le connaissement concerne la relation
entre le chargeur et le transporteur et cette relation ne peut avoir
des conséquences pour le destinataire qui au demeurant n’est pas
partie au contrat de transport, la clause de compétence ne lui est dès
lors pas opposable »718.

On en déduira que pour la Cour suprême algérienne, le destinataire


n’est pas partie au contrat de transport de marchandise et ne peut en

717
Arrêt de la ch. Com. et Mar. de la Cour Sup. n° 661705 du 03/06/2010, revue de la
Cour sup. année 2012.
718
Arrêt de la chambre commerciale et maritime de le Cour Suprême n° 661705 du
03/03/2010, société Sloman Neptune c/ CAAT et l’entreprise portuaire d’Alger.

Page | 360
conséquence se voir appliquer des clauses tirées de ce même contrat.

En juxtaposant cette jurisprudence au cas de la clause compromissoire


nous en concluons que le juge algérien aura tendance à écarter le
moyen tiré de l’opposabilité de la clause compromissoire au motif que
le destinataire n’est pas partie au contrat de transport de marchandise
par mer.

De la même manière que pour le juge français, le juge algérien peut


écarter la clause d’arbitrage s’il estime que celle-ci est manifestement
nulle, la question est cependant de savoir quelle serait la loi
applicable s’il s’agit d’un arbitrage international.

Ici, à défaut d’un accord conclu entre les parties, le juge algérien
appliquera la loi de son pays pour apprécier la validité de la clause
compromissoire.

Ce même raisonnement sera utilisé pour les demandes d’exequatur


des sentences étrangères.

D’après le professeur Belki719, le juge algérien peut refuser


l’exequatur d’une sentence arbitrale internationale au motif que la
clause compromissoire est nulle en application du droit algérien et ce

719
article du professeur Noureddine Belki « l’exécution des sentences arbitrales
internationales et les moyens de recours en droit algérien » - revue de la cour suprême
n° 2/ 2013, p. 48.

Page | 361
même si elle ne l’est pas dans la législation du pays ou s’est déroulé
l’arbitrage720.

Nous restons cependant réserver sur ce point, car en application de


l’article 1051 du code de procédure civile et administrative algérien721,
le champ de contrôle du président du tribunal auquel est soumise la
demande d’exequatur se limite à vérifier que la sentence n’est pas
« contraire à l’ordre public international », il n’est dès lors pas
compétent pour vérifier la véracité de l’application du droit algérien
pour une sentence arbitrale internationale.

118. Conclusion Chapitre B ; La question de l’opposabilité de la


clause compromissoire a suivi un long périple jurisprudentiel en
France qui a conduit à revirement plus ouvert et plus accueillant en la
matière.

Ce n’est certes pas le cas en Algérie pour l’instant, car l’évolution de


l’économie du marché algérien ne manquera pas de faire changer la
jurisprudence comme cela a été le cas en France.

Des questions restent cependant posées concernant la loi que le juge


devra appliquer pour statuer sur l’exequatur d’une décision étrangère
écartant la clause compromissoire, le juge français doit-il faire

720
voir article 1056-2 du code de procédure civile et administrative
721
art. 1051 CPCAA: « Les sentences d’arbitrage international sont reconnues en
Algérie si leur existence est établie par celui qui s’en prévaut et si cette
reconnaissance n’est pas contraire à l’ordre public international »

Page | 362
application de ses lois internes o ù le règlement européen ?

Le règlement européen semble écarter l’arbitrage de son champ


d’application 722 ; Le juge français procédera donc à un examen selon
son code de procédure civile et les accords éventuels que la France,
comme celui conclu avec l’Algérie de la même manière que le juge
algérien à l’égard des décisions qui émanent des juridictions
françaises.

119. Conclusion du premier titre ; Les moyens tirés de la nullité des


formes soulevées par les parties tirent en principe leur source des
dispositions de droit commun, mais en matière de transport maritime de
marchandises des règles spécifiques à ce contentieux sont applicables.
En effet, les questions liées aux clauses insérées au contrat de
transport maritime de marchandises ne sont pas admis de la même
manière que pour un contrat soumis au code civil car les énonciations
que comporte le connaissement, même sommaires, sont déterminantes
dans l’appréciation des règles de forme légales et contractuelles de
recevabilité de l’action découlant du contrat de transport maritime de
marchandises.

C’est pourquoi, il est recommandé aux petites entreprises souhaitant


importer ou exporter à l’étranger de passer par des commissionnaires de
transport.

722
Arbitrage et droit de l’Union européenne, sous la direction de Pierre Mayer, p16,
éd. 2012, volume 38.

Page | 363
TITRE II) Les moyens de fond sources du contentieux maritime
de transport de marchandises :

Nous avons vu que l’action contre le transporteur maritime qui n’a pas
honoré son contrat est soumis d’abord aux règles de recevabilité de
l’action telles que prévues au droit commun et dans les procédures
propres au contentieux maritime de transport de la marchandise.

Nous avons démontré dans la première partie que la forme de


rédaction du connaissement et les énonciations qu’il comporte, bien que
souvent très sommaires, sont déterminantes dans l’appréciation des
règles de forme légales et contractuelles de recevabilité de l’action
découlant du contrat de transport de marchandise par mer.

Dans cette deuxième partie, nous verrons qu’une fois les questions de
recevabilité ont été vidées, d’autres questions relatives à la recevabilité
de l’action du destinataire vont être soulevées, à commencer par la loi
applicable au regard des dispositions législatives applicables et au regard
des accords conclus entre les parties (CHAPITRE A) pour enfin discuter
des questions relatives à l’état de la marchandise au moment de sa
livraison au destinataire (CHAPITRE B).

Page | 364
Ici, nous verrons que, même si l’action en responsabilité est justifiée,
elle est limitée par la loi.
C’est à la lumière de ces analyses que peuvent prendre forme les pièces
d’un dossier contentieux que le destinataire ou son représentant
peuvent mettre en forme en vu d’une action en justice.
CHAPITRE A ) Les exceptions de fond tirés de la loi applicable au
contrat de transport de marchandise par mer ( Paramount) :

Sauf accord contraire, le règlement des litiges liés à l’exécution du


contrat de transport maritime de marchandises est soumis à la
juridiction et à la loi du port de déchargement de la marchandise.

La loi applicable au contrat de transport de marchandises est déterminée


selon qu’il s’agisse d’un transport intérieur ou d’un transport
international. Ce sont donc les règles posées par la loi de chargement ou
de déchargement qui vont déterminer le droit applicable au contentieux
maritime (SECTION 1)

Les contrats de transport de marchandises étant souvent soumis au droit


international en raison de leur nature même, ils comportent presque
systématiquement une clause désignant la loi applicable au contrat, dite
clause Paramount. Cependant, soumises au juge français, elles n’auront
pas la même portée que si elles étaient soumises au droit algérien
(SECTION 2). De même, leur interprétation donne lieu à un important
contentieux limitant ainsi le champ de la liberté contractuelle
(SECTION3)

Page | 365
L’utilisation de ces clauses requiert donc une grande attention en raison
de leur complexité juridique et de leurs enjeux économiques car cela
pourrait causer de nombreuses difficultés menant à un contentieux
long et parfois mêmes inutile.

SECTION 1) Règles posées par la loi pour déterminer le droit


applicable.

Pour déterminer la loi applicable au contrat de transport de marchandise


par mer, il faut répondre à deux questions :

- s’agit-il d’un transport intérieur ou d’un transport international ?


- à quel stade du transport l’évènement ayant causé le dommage a-t-
il eu lieu ?

Cependant, la recherche de la loi applicable se heurte à d’autres


difficultés 723 :

- Chaque texte détermine son propre champ d’application en


fonction des différents critères : caractère international ou national
du transport, lieu de chargement ou de déchargement des
marchandises, lieu d’émission du connaissement (ou des
documents de transport utilisés), voire de la nature des
marchandises ou du mode de chargement sur le navire (certains

723
Lamy transport, tome 2, 2016 – ch. 2 : champ d’application des différents textes
en transport maritime

Page | 366
transports étant exclus, en tout ou partie, d’autres étant soumis à
des règles particulières) ;
- aucun texte ne couvre impérativement l’ensemble des modalités
d’une opération de transport maritime moderne. Ainsi les
opérations de préparation et de manutention terrestres ne sont-elles
pas comprises dans le champ d’application de la Convention de
Bruxelles ;
- les parties peuvent être autorisées, dans certaines circonstances et
sous certaines conditions, à adopter les dispositions
conventionnelles dérogatoires au régime qui aurait dû être
appliqué ;
- enfin, une loi de police étrangère peut trouver application à
l’occasion de l’exécution d’un transport 724.

La recherche de la loi applicable en droit français passe par l’application


des règles énoncées à l’article 4.4 de la Convention de Rome qui dispose
que la loi applicable au contrat de transport de marchandises est celle du
pays dans lequel le transporteur a sa résidence principale, dès lors que
cette loi est aussi celle du lieu de chargement, du lieu de livraison ou le
lieu de résidence habituelle de l’expéditeur. Toutefois, si le contrat a des
liens plus étroits avec un autre Etat, la loi de cet Etat trouvera
application. Le Règlement de Rome I reprend ces dispositions mais fait

724
Par deux arrêts de la Cour de cassation du 25 juin 2005 l’une émanant de la
chambre civile et l’autre de la chambre commerciale portant n° 02.14-686 pour la
première et n° 00-15-734 pour la deuxième, elles imposent aux juges du fond : 1- la
recherche de la teneur du droit étranger, « soit d’office , soit à la demande d’une
partie qui l’invoque », cette recherche se fait avec le concours des parties et
« personnellement s’il y a lieu » ; 2- donner à la question litigieuse une solution
conforme au droit positif étranger

Page | 367
également référence à la loi du pays où se situe la livraison quand les
critères propres au transport ne sont pas remplis 725.

Ainsi, la loi française s’applique à une expédition du Mexique à


destination de Rungis, via les Etats-Unies et la Belgique726, effectuée par
un transporteur allemand.

En droit algérien, l’article 747 du code maritime algérien dispose : « Sous


réserves des exceptions prévues ci-après, les dispositions du présent titre
ne sont applicables que dans la mesure où d’autre stipulation n’ont pas
été expressément convenues. Aux transports maritimes effectués entre les
ports algériens et les ports étrangers, les dispositions particulières de la
convention internationale en la matière, dont l’Algérie est partie, sont
applicables au besoin » ;

La loi algérienne est de tradition jurisprudentielle francophone, elle


appliquera en matière de transport international de marchandises la loi du
lieu d’exécution du contrat.

En effet, l’article 18 du code civil algérien qui énonce : « les obligations


contractuelles sont régies par la loi d’autonomie dès lors qu’elle a une
relation réelle avec les contractants ou le contrat.
A défaut, c’est la loi du domicile commun ou de la nationalité commune
qui sera appliquée.
A défaut c’est la loi du lieu de conciliation du contrat qui sera

725
Incidence de la Convention de Rome et du règlement communautaire « Rome1 »,
Lamy transport t.2 ; 591.
726
Cass. com. 04/03/2003, n°01.01.043, bull. civ. IV, n°33, DMF 2004, HS n°8, p71

Page | 368
applicable… »

Ainsi, les obligations contractuelles sont régies par la loi du lieu où le


contrat a été conclu, à moins que les parties conviennent qu’une autre loi
sera appliquée. Par extension, la loi applicable sera la loi du port
d’arrivée727

Comme le rappel l’adage « le juge aimant bien sa loi nationale » ; le


comportement du juge pourrait être tributaire de cette praxis.

Ainsi, la loi applicable pour un transport entre l’Algérie et la France est


en principe soumise à la Convention de Bruxelles de 1924, mais si le
litige concerne des points de droit non prévus par cette dernière, le juge
algérien se réfèrera à sa loi nationale pour trancher le litige.

Le mode de recherche de la loi applicable par les juges algériens est


ainsi différent de celui des juges français.

L’analyse de la jurisprudence f r an ç a is e ne permet cependant pas de


citer une méthode précise dans la détermination de la loi applicable.
Nous verrons en effet, qu’il existe une concurrence entre la méthode
directe et indirecte et la méthode des lois de police et la méthode
indirecte.

Pour illustrer nos propos, reprenant quelques exemples empruntés à la

727
les nouvelles dispositions de la loi 98-05 portant code maritime algérien, par
Fatima BOUKHATMI, DMF, n°610, 1er décembre 2000.

Page | 369
jurisprudence française :

- Dans susvisée du « Navire Juris Avots » la Cour


d’Appel de Paris applique directement les dispositions de la
Convention de Bruxelles de 1924 sans passer par la
méthode des règles de conflit. Le transport maritime
litigieux reliait Marseille à Alger, la France ayant ratifié
la Convention de Bruxelles d’origine et ses deux
protocoles d’amendement. L’Algérie, pour sa part, n’a
ratifié que la Convention de Bruxelles de 1924. Quant au
connaissement, celui-ci avait été émis à Marseille ou se
trouvait le port du départ 728.
La Cour d’appel de Paris a fait application de la Convention
de Bruxelles originelles au motif que ses condition
d’application étaient remplies, en l’espèce c’est le critère
du lieu déchargement des marchandises en Algérie qui a été
retenu.

- Dans l’affaire « Aïn Oussera » 729 le transport maritime avait


été effectué par un armateur domicilié en Algérie, entre les
Etats-Unis et l’Egypte, ce dernier pays ayant ratifié les
Règles de Hambourg. Le connaissement avait été émis aux
Etats-Unis qui ont ratifié les Règles de la Haye, mais ne sont
pas liés aux Règles de Hambourg, et il comportait une
clause « Paramount » désignant la loi américaine, le Carriage

728
CA Aix-en-Provence, 2ème ch., arrêt n° 13 du 14 janvier 2010 n° RG : 07/14620 ,
AG Distribution c/ SNTM (CNAM).
729
TC Paris, 10 sept. 1997 (BTL 1998.183).

Page | 370
of Goods by sea Acte (COGSA) de 1936.

Le tribunal de Paris a choisi ici l’application directe des


Règles de Hambourg au motif que ses conditions
d’application étaient remplies (le port de déchargement était
l’Égypte) alors que la Convention de Bruxelles était
également applicable puisque les connaissements avaient été
émis aux Etats-Unis, pays contractant. Et aussi parce que le
connaissement désignait la loi américaine, le COGSA 730.

- Notre dernière illustration est tirée d’un arrêt de la Cour de


Cassation concernant un transporteur algérien (CNAN) qui
s’est engagé à transporter de Marseille à Alger trois
climatiseurs pour lesquels trois connaissements ont été
émis, donnant compétence à la loi algérienne pour les
questions pouvant se poser hors du champ d’application de
la Convention de Bruxelles de 1924. Sur renvoi, la Cour
d’Aix a rappelé que le contrat était soumis à la loi
algérienne731.

Ici la jurisprudence française n’a pas fait application des


règles des conflits de lois et a raisonnée en termes
d’équivalence. Il s’agit, selon le Professeur Delebecque de
se demander si la situation de fait constatée par le juge

730
Le Connaissement Maritime Et Conflit De Lois Binnaz Topaloğlu, LL.M.
page 308. [Annales XLIII, N. 60, 283-336, 2011],
731
Arrêt de la Cour de cassation, cham. Com. du 10 Juillet 2012 , N° 10-17.325,
809 .sté . CNAN Group c/ Société AG distribution.

Page | 371
aurait les mêmes conséquences en vertu de la loi appliquée,
qui est généralement la loi du for, comme en vertu de la loi
désignée par les règles de conflits 732.
Pour finir, il y a lieu de souligner que si des dispositions
conventionnelles sont intégrées dans l’ordre juridique de l’Etat
signataire, le recours à une règle de conflit devient nécessaire, dès
lors on ne peut résoudre un conflit de lois sans l’aide d’une règle qui
désigne une loi parmi celles qui sont en présence ; le procédé direct ne
se suffit pas de lui-même, il doit être combiné avec le procédé
indirect, même si celui-ci se réduit à donner automatiquement
compétence à la loi du for733.

SECTION 2) Règles posées par l’accord des parties dites « clauses


Paramount »

Alors que le consensualisme du contrat de transport permet aux parties


d’inclure des clauses visant à désigner la loi applicable, cette règle n’est
cependant pas absolue comme il a été développé ci-dessus pour les
transports entre l’Algérie et la France.

La clause dite « Paramount » est en effet une clause du choix de la loi


applicable. Elle a pour finalité de déterminer le régime juridique

732
L’équivalence des législations à l’épreuve du droit maritime algérien et du droit
maritime français, professeur Ph. Delebecque, ouvrage « Mélanges en
hommage à Abdallah NABHAMOU », p313-323.
733
P. MAYER , V. HEUZE, Droit international privé, p.101 n° 136.

Page | 372
applicable à l’opération de transport maritime considérée734. Ce sera
un régime tiré d’une convention internationale telle que :

- La Convention de Bruxelles de 1924 pour l’unification de


certaines règles en matière de connaissement, connue sous
le nom de « Règles de La Haye », modifiée par un
premier protocole en 1968, désigné sous le vocable «
Règles de La Haye-Visby », et par un second protocole en
1979;
- La Convention des Nations-Unies sur le transport des
marchandises par mer de 1978, dites « Règles de
Hambourg » 735, Ou un régime de législation national
tel que par exemple : « Carriage of goods by sea
act » 736

120. Validité de la clause Paramount ; Pour la validité de la clause


Paramount, la jurisprudence française exige que soient remplies les
deux conditions suivantes:

- la clause Paramount doit figurer sur le connaissement,


de façon suffisamment lisible, selon les critères retenus en
matière de transports maritimes internationaux pour les

734
Lamy transport T.2, partie 4, chapitre 2, sacion1, art. 595 la clause Paramount :
définition.
735
Revue de droit des transports n° 4, Octobre 2013, form. 4, La clause Paramount
dans les contrats maritimes, Formule par Régis MAHIEU directeur juridique.
736
Carriage of Goods By Sea Act 1992.

Page | 373
clauses attributives de juridiction 737. Cette condition est dès
lors nécessaire, mais elle n'est pas suffisante ;
- la clause Paramount doit avoir été connue et acceptée par
le chargeur ou son représentant, la preuve de cette
acceptation devant être rapportée par le transporteur 738.

121. Opposabilité de la clause Paramount ; les clauses Paramount


existaient dès avant l'entrée en vigueur du Protocole modificatif de
1968, mais elles pouvaient être tenues en échec par une législation
interne impérative739.Tel n'est plus le cas en France sous l'empire du
Protocole modificatif de 1968 qui prévoit expressément l'application de
la Convention de Bruxelles amendée à tout connaissement relatif à un
contrat de transport international quand ce connaissement stipule que
737
Ont été jugées inopposables : 1- une clause écrite en caractères indéchiffrables
sans le secours d'une loupe (CA Rouen, 8 févr. 1974, BT 1974, p. 261 ; CA
Versailles, 12e ch., 15 oct. 1992, SCCM et a. c/ Turiski et a. ; CA Bordeaux, 2e ch.,
8 janv. 1987, The Bank Line c/ Washington International Insurance et a.) ; 2- une
clause comportant quelques lignes « noyées » dans un texte d'une très grande
longueur ou difficilement déchiffrable (CA Aix-en-Provence, 15 mai 1991, MGFA et
a. c/ Cotunav) ; 3- une clause rédigée en très petits caractères, insérée sans
distinction parmi 36 articles (CA Aix-en-Provence, 20 mars 1979, BT 1979, p. 364
; T. com. Paris, 7 mars 1979, DMF 1980, p.416).
En revanche, ont été jugées opposables :1- une clause imprimée en petits caractères,
au motif que la rédaction des documents maritimes suit en tout temps et en tout lieu
les mêmes usages (T. com. Paris, 6 mars 1973, DMF 1974, p. 98 ; CA Paris, 27 juin
1980, DMF 1981, p. 85) ; 2- une clause contenue dans un paragraphe spécial séparé
du précédent par un double interligne (CA Aix-en-Provence, 8 oct. 1989, BT 1990, p.
440).
738
CA Paris, 14 mars 1985, DMF 1987, p. 364, retenant que, dans l'espèce, il ne
résultait d'aucun élément que le chargeur ait eu connaissance des stipulations figurant
au dos des connaissements et qu'il les ait acceptées ; Cass. com., 5 juill. 1988, no 87-
10.566, BT 1989, p. 449
739
T. com. Paris, 14 mars 1973, BT 1974, p. 274
Décret n° 64-71 du 02 Mars 1964, JO N° 28 du 03 avril 1964, n° 414, portant
adhésion de la République algérienne démocratique et populaire à la convention
internationale pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement.

Page | 374
« les dispositions de ladite Convention ou de toute autre législation les
appliquant ou leur donnant effet régiront le contrat »740.

La France et l’Algérie ont adopté la Convention de Bruxelles du 25


août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de
connaissement. Contrairement à la France, l’Algérie n’a pas ratifiée les
versions modifiées de la Convention susvisée de sorte que cette clause
peut être mise en échec par le juge algérien et ce même si le code
maritime algérien admet que les parties puissent insérer des clauses
dans le contrat de transport maritime.

En effet, la règle pour l’opposabilité de la clause Paramount n’est pas la


même selon que cette clause désigne dans ses conditions la Convention
de Bruxelles originelle ou révisée741. C’est pourquoi, la question de
sont opposabilité dans un transport entre un port français et un port
algérien est importante à poser et devra être traitée dans cette partie.

En tout état de cause, il existe des différences notables entre les deux
textes (convention de Bruxelles originelle et modifiée) en ce qui
concerne, le mode de calcul et le montant de l'indemnité normalement
due et les cas dans lesquels la limitation légale de responsabilité peut
740
Protocole 1968, art. 10 c
D. 25 mars 1937 : Journal Officiel 8 Avril 1937. – V. JCl. Transport , Fasc. 1252 à
1262, 1268 et 1269
741
Lorsque le connaissement est émis dans un État contractant ou, à défaut, lorsque
le transport a lieu au départ du port d'un État contractant. Les parties peuvent
également donner conventionnellement compétence à la convention, au moyen de la
clause Paramount.

Page | 375
être invoquée.

Selon la doctrine dominante, lorsque la clause Paramount renvoie à la


convention révisée, celle-ci s’appliquerait en tant que traité
régulièrement ratifié et « rendu applicable selon ses propres
dispositions, par la volonté des parties »742. Selon le Professeur J.M
Jacquet: « Lorsqu’une clause Paramount désigne la convention révisée,
celle-ci s’applique selon l’une des conditions qu’elle a mise à sa propre
application et il n’y a aucune raison de considérer qu’elle est
incorporée »743.

Mais, lorsqu’une clause Paramount se réfère à la Convention de


1924 non révisée, dont aucune disposition ne prévoit l’application par
le seul effet de la volonté des parties, le statut d’une telle clause est
nécessairement inférieur et donc n’est plus applicable en tant que traité
international dès lors qu’aucun des éléments qui délimitent de plein
droit son champ d’application ne se rencontre744. En conséquence,
les dispositions de la Convention de Bruxelles adoptées par les parties
deviennent de simples stipulations contractuelles 745.

En France, depuis un arrêt de la Cour de cassation de 1987 le juge

742
selon la formule de M. Lagarde commentant l’arrêt navire Hilaire-Maurel rendu
le 4 février 1992, source Le Connaissement Maritime Et Conflit De Lois page 321.
J.M. JACQUET : ≪ L’incorporation de la loi dans le contrat ≫, Tavaux du
743

Comite français de droit international prive, 1993-1995, p. 23, spec. p. 30.


744
S. CHEVAL: ≪ La clause Paramountt : aspects de droit international prive ≫,
Gazette du Palais, 5 aout 2006, n°17, p. 17.
745
Le Connaissement Maritime Et Conflit De Lois page 321.

Page | 376
prend en considération la rédaction du nouvel article 10, ce qui conduit
à distinguer les deux hypothèses suivantes746:

• Le pays dans lequel le connaissement a été émis ou d'où le navire


est parti a ratifié la Convention de 1924 mais pas le Protocole de
1968 : On doit tenir pour acquise la solution selon laquelle le
transport en cause sera exclusivement soumis à la Convention de
Bruxelles de 1924, les dispositions de l'article 10 ne se trouvant
pas remplies, puisque le pays concerné n'est pas un État
contractant 747.

• Le connaissement a été émis en France (ou dans un pays lié


par les deux textes) ou le transport s'effectue au départ de
France (ou d'un pays lié par les deux textes) à destination d'un
pays simplement signataire de la Convention de Bruxelles de
1924 748.

Se fondant sur la nouvelle rédaction de l'article 10, les tribunaux


français considèrent qu'il y a lieu d'appliquer la Convention amendée,
la circonstance que le pays de destination n'ait pas ratifié le Protocole

746
Lamy transport 2015,partie 4 ; art. 590 - Convention de Bruxelles amendée par le
Protocole de 1968.
747
Cass. com., 15 juill. 1987, no 86-10.409 R, rejetant le pourvoi contre CA
Rennes, 10 oct. 1985, DMF 1987, p. 46 ; CA Aix-en-Provence, 6 déc. 1984,
Navigazione Beta c/ Agrimpex CY Ltd, cette décision reprenant même l'exigence de
la ratification par les deux pays ; CA Aix-en- Provence, 6 juill. 1987, DMF 1988, p.
390 ; CA Paris, 5e ch., 19 déc. 1996, BTL 1997, p. 244, en extrait et CA Montpellier,
2ech., 12 août 1998, Helvetia c/ Setramar.
748
Lamy transport 2015, partie 4 ; art. 590 - Convention de Bruxelles amendée par le
Protocole de 1968.

Page | 377
étant indifférente749.

Les juridictions algériennes font application de l’article 747 du code


maritime et ainsi refusent d’appliquer une loi étrangère visée par les
parties si l’une des parties est de nationalité algérienne750.

SECTION 3) Les limites de la clause Paramount et de la liberté


contractuelle

Si la clause Paramount incorporée dans un contrat de transport maritime


a pour finalité de déterminer le régime juridique applicable à l’opération
de transport maritime considérée751 et permettre ainsi l’application de la
loi choisie par les parties, elle ne bénéficie pas pour autant d’une
interprétation extensive752.

La jurisprudence algérienne n’étant pas développée sur ce point, nous


indiquerons seulement qu’elle est en voie d’évolution étant donné que
nous constatons de plus en plus de décision faisant application des
accords conclus entre les parties, mais n’ayant pas trouvé de

749
CA Aix-en-Provence, 22 févr. 1985, Feron de Clebsatel c/ Marseille Fret, Rev.
Scapel 1985,p. 35, pour un transport de France vers l'Algérie, pourvoi rejeté par
Cass. com., 10 mars 1987, no 85-14.008, mais ce problème n'avait pas été soulevé en
cassation.
750
Arrêt Cour Supr. Algérie n° 661705 du 03/06/2010, sté. Neptune c/ CAAT et
EPAL.
751
Revue de droit des transports n° 4, Octobre 2013, form. 4 : La clause
Paramount dans les contrats maritimes.
752
A. Chao, Clause Paramount, quand la loi française interfère : BTL 1994, p. 899

Page | 378
jurisprudence visant expressément la clause « Paramount » nous nous
baserons sur la jurisprudence française pour illustrer nos propos comme
suit :

• “qu'il est de règle que les parties qui conviennent de


soumettre le contrat qu'elles concluent à une Convention
internationale ne peuvent écarter celles de ses prescriptions
auxquelles, si la Convention internationale était applicable de
plein droit, il ne saurait être dérogé à peine de nullité” 753

• Qu'une clause Paramount ne pouvait "avoir pour effet de


soumettre à la Convention internationale un transport effectué «
en pontée », alors que l'article 1 c) exclut la cargaison qui par
le contrat de transport est déclarée comme mise sur le pont, et,
en fait, est ainsi transportée754.
• Cette même Cour, dans un arrêt du 10 décembre 1993, a en outre
conclu que "la volonté des particuliers ne peut se permettre
d'écarter la loi française" par l'effet d'une clause Paramount se
référant à la Convention de 1924 ne prévoyant pas pareille
faculté 755.

753
Cass. com., 4 févr. 1992, navire Hilaire-Maurel : DMF 1992, p. 289, note P.
Lemaître ; Rev. crit. DIP 1992, p. 495, note P. Lagardère ; DMF 1993, p. 90, obs. P.
Bonassies. – CA Rouen, 8 févr. 1994, navire Hilaire-Morel : DMF 1994, p. 568, note
Y. Tassel.
754
CA Aix-en-Provence, 18 janv. 1994 : DMF 1994, p. 551 ; DMF 1995, p. 179,
n° 49, obs. critiques P. Bonassies. – En sens contraire, V. la jurisprudence
américaine : DMF 1995, n° 18, p. 60 et 33, p. 73
755
CA Aix-en-Provence, 18 janv. 1994 : DMF 1994, p. 720, note Y. Tassel
Les juges du fond ont d'ailleurs maintenu leur position dans un arrêt du 27 septembre
1996 (CA Paris, 27 sept. 1997 : Rev. Scapel 1997, p. 17 ; DMF 1998, p. 50, n° 92,
obs. P. Bonassies) en rejetant l'application de la Convention de 1924 pourtant visée

Page | 379
Ainsi, le contentieux concernant la clause Paramount est
essentiellement focalisé sur l’interprétation du terme utilisé dans le
contrat de transport ou le connaissement. Il est dès lors important
qu’elle soit correctement et précisément insérée dans les documents
contractuels pour que son application ne laisse place à aucune
ambiguïté756.

En effet, dans la pratique, il n’est pas rare de croiser des clauses


utilisant des termes anglais dont l’interprétation pose souvent des
difficultés ainsi que nous l’illustre le cas d’espèce tiré d’un arrêt de la
Cour de cassation de 1999.

Pour illustrer nos propos, nous pouvons citer le terme «corresponding


legislation » qui est défini par les juges du fond comme « législation
correspondante et non identique»757.

En effet, la clause Paramount a été interprétée par les juges du fond


comme désignant comme loi du contrat de transport, le droit maritime

par la clause Paramount. La Cour d'Aix-en-Provence a, en effet, décidé d'appliquer la


loi française, en observant que le transport à destination d'un port français
répondait aux dispositions de la règle impérative posée par l'article 16 de la loi
du 18 juin 1966 plus favorable aux ayants droit de la marchandise. Notons que la
solution aurait été identique si la Convention de Rome s'était trouvée applicable
en l'espèce (en ce sens, P. Bonassies : DMF 1998, p. 63, n° 92).
756
En pratique, il est préconisé de reprendre l’intégralité de la clause Paramount
pour que son acceptation par les parties ne fasse aucun doute.
757
JurisClasseur Responsabilité civile et Assurances, Fasc. 465-10 :
TRANSPORT MARITIME . Responsabilité du transporteur de marchandises . –
Principes généraux ; Date du fascicule : 25 Septembre 2002

Page | 380
du pays de déchargement, quand bien même les solutions de ce droit
seraient différentes de la Convention de Bruxelles visée à l'origine dans
le connaissement 758.
Cependant, l’interprétation de ce même terme par la chambre arbitrale
maritime de Paris est différente en ce sens que pour le tribunal
arbitral, celle-ci va au- delà de l’interprétation du terme «
corresponding legislation» et il faut chercher l’interprétation qui doit
être donnée aux autres termes utilisés dans la clause tels que « as
enacted » et « such enactment » 759.

Ces deux approches sont au demeurant importantes à souligner car la


solution qui sera retenue par les juges étatiques pourrait être différente
de celle de la juridiction arbitrale pour un même cas d’espèce.

Cette divergence est illustrée par une sentence arbitrale de la Chambre


Maritime de Paris en 2008 760 concernant un litige pour des avaries et
manquements intervenus à l’occasion d’un transport de riz entre l’Inde
et le Sénégal. L’Inde, pays de chargement, n’a pas ratifié la Convention
de Bruxelles du 25 août 1924 alors que le Sénégal après y avoir adhéré,
758
Cass. com., 7 déc. 1999, navires Vassilli Klochkov et Klim Voroshilov :
Juris-Data n° 1999-004390 ; DMF 2000, p. 903, note F. Le Louer, rejetant les
pourvois formés contre les arrêts CA Aix-en-Provence, 7 mai 1997, navire
Vassilli Klochkov : BTL 1997, p. 867 et navire Klim Voroshilov : DMF 1998, p.
29, obs. P.-Y. Nicolas ; DMF 1998, Hors-série n° 2, p. 64, n° 95, obs. P. Bonassies.
759
En langage juridique anglais, l’« enactment » vise la procédure par laquelle un
ensemble de règles est incorporé dans le système juridique national et la
procédure par laquelle la Convention internationale a pu, ou non, être transposée
dans le droit du pays de chargement.
760
Sentence dech. Arb. Mariti. De Paris N°1156 du 25/08/08.

Page | 381
a ratifié le 17 mars 1986 la Convention de Hambourg du 31 mars 1978
sur le transport de marchandises par mer.

Alors que devant un juge étatique, le débat se serait arrêté sur la


question la loi applicable au regard de l’interprétation du terme «
corresponding legislation » et donc tout se serait passé comme si
les termes en question devaient se rapporter à une procédure de
ratification au sens «français » du terme de sorte qu’il est habituel de
lire dans les décisions judiciaires que l’Inde n’ayant pas «ratifié » la
Convention de 1924, celle-ci ne peut être considérée comme loi
applicable, lorsque le port de chargement est en Inde761 de sorte que
solution qui sera retenue par le juge étatique sera certainement
l’application de la convention de Hambourg comme loi applicable car
celle-ci a été ratifiée par le pays de déchargement, quand bien même
les solutions de ce droit seraient différentes de la Convention de
Bruxelles visée à l'origine dans le connaissement 762.

La chambre arbitrale maritime a eu une approche différente, dès lors elle


a estimé que le problème d’interprétation se situe non pas dans la
traduction de formule « corresponding legislation », mais repose
d’abord sur le sens que l’on donne aux termes « as enacted » et « such
enactment » étant donné que celui-ci n’est pas l’équivalent du mot «
ratified »763.

761
Clause Paramount - Régime juridique applicable Pierre Raymond – gazette de la
chambre n° 20.
762
Lexis Nexsis jurisclasseur, art. 42 ; fasc. 465.10 : Transport maritime.
763
Clause Paramount - Régime juridique applicable Pierre Raymond – gazette de la

Page | 382
La chambre arbitrale indique en effet, que dans le langage juridique
anglais, l’«enactment» vise la procédure par laquelle un ensemble de
règles est incorporé dans le système juridique national et, ici, la
procédure par laquelle la Convention internationale de 1924 a pu, ou
non, être transposée dans le droit du pays de chargement. Or l’Inde,
comme beaucoup de pays de l’ex- Commonwealth britannique, a
transposé en droit interne dès le 21 septembre 1925 les dispositions de
la Convention de Bruxelles du 25 août 1924. Cette transposition est
littéralement un «copié-collé » de la Convention de Bruxelles dans sa
version originelle et plus précisément les points qui soulèvent
difficultés relevant du régime des obligations du transporteur, les
limites juridiques du transport maritime (de palan à palan),
exonérations et limitations de responsabilité 764.

Le tribunal arbitral en a conclu que la clause Paramount qui renvoie à


« entactment » des règles de la Haye par le pays de chargement, c’est
bien le « Carriege of goods by sea Act » du 21 septembre de 1925, que
la clause Paramount désigne comme applicable dans le cas d’espèce.

122. Conclusion chapitre A ; Il nous semble important


d’avertir le lecteur sur cette problématique d’interprétation de la
clause Paramount, en particulier quand elle est insérée dans une langue
qui n’est pas celle du juge compétent pour trancher le litige; Ainsi,

chambre n° 20.
764
Idem supra

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avant d’insérer ce type de clause, il faut d’étudier les cas de figures de
son interprétation à la lumière des conventions internationales visées par
cette même clause.

C’est d’autant plus important que de cette interprétation dépendra le


régime juridique qui sera appliqué par le juge au litige issu de l’exécution
du contrat de transport maritime sous connaissement.
CHAPITRE B) Des autres moyens de fond sources du contentieux
maritime de marchandises sous connaissement :

L’action contre le transporteur maritime qui n’a pas honoré son contrat
est soumise d’abord aux règles de recevabilité de l’action telles que
prévues au droit commun et dans les procédures propres au contentieux
maritime de transport de la marchandise.

Nous avons démontré que la forme de rédaction du connaissement et


les énonciations qu’il comporte, bien que souvent très sommaires, sont
déterminantes dans l’appréciation des règles de forme et de fond légales
et contractuelles de l’action découlant du contrat de transport de
marchandise par mer.

Nous allons voir que ce sera finalement l’appréciation du destinataire


de l’état de la marchandise qui lui est livrée qui rendra compte si le
contrat de transport a été fidèlement exécuté par le transporteur et ses
auxiliaires de transport qui ont concouru à cette prestation s’il y a lieu
(SECTION 1) , soit à des réserves graves, dans le cas de fautes liées à

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la dénaturation de la marchandise ou alors à des détériorations
accidentelles ou chimiques qui font appel à une ou des expertises avant
enlèvement s’il y a lieu ou autres constats ou analyses qui auront
vocation à estimer les pertes ou préjudices subis par la marchandise
(SECTION 2) en cours du transport maritime en vu d’en déterminer la
responsabilité du transporteur (SECTION 3).

Nous verrons cependant, que même si l’action en responsabilité est


justifiée, elle est limitée par la loi.

C’est à la lumière de ces analyses que peuvent prendre forme les pièces
d’un dossier contentieux que le destinataire ou son représentant peut
mettre en forme en vu de son action en justice.

Les procédures de constats et analyses seront examinées en premier lieu.

SECTION 1) Des actes préparatoires à l’action en responsabilité

Dans un contentieux du transport maritime de la marchandise, le


connaissement constitue la preuve de la réception par le transporteur des
marchandises qu’il reçoit du chargeur dont il endosse la responsabilité en
vu de la transporter par voie maritime et autres moyens de transport;

Ainsi, à l’arrivée de la marchandise au port de sa destination, elle est


sensée être dans le même état que celui qui est décrit dans le
connaissement ; le destinataire qui n’était pas présent lors du
chargement de sa marchandise au bord du navire n’a pas d’autres

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