Roelfstra 2310

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MODELE D’EVOLUTION DE L’ETAT DES

PONTS-ROUTES EN BETON

THÈSE N°2310 (2001)

PRÉSENTÉE AU DÉPARTEMENT DE GÉNIE CIVIL

ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE

POUR L’OBTENSION DU GRADE DE DOCTEUR ÈS SCIENCES TECHNIQUES

PAR

Guido ROELFSTRA
Ingénieur civil diplômé EPF
de nationalité hollandaise et originaire d’Amsterdam

acceptée sur proposition du jury:

Prof. E. Brühwiler, directeur de thèse


M. Donzel, rapporteur
Dr. R. Hajdin, rapporteur
Prof. Th. Keller, rapporteur
Prof. Th. Vogel, rapporteur

Lausanne, EPFL
2001
Préface i

Préface
Des outils pour une gestion optimisée d’un parc de ponts se basent sur la description de l’état
et son évolution dans le temps. Les modèles d’évolution actuellement utilisés sont empiriques
et approximatifs. Dans sa thèse de doctorat, M. Guido Roelfstra s’est fixé comme objectif
d’améliorer cette modélisation par une approche scientifique à l’aide de modèles numériques
et analytiques qui se base sur le comportement physique et chimique et des observations in-
situ. La recherche se situe dans le domaine de la durabilité des ponts en béton qui est un sujet
de grande actualité.

Les éléments novateurs de la recherche de Guido Roelfstra comportent d’abord une approche
segmentielle avec une nouvelle méthode de subdivision des éléments d’un pont en segments
en fonction de la perméabilité et l’épaisseur du béton d’enrobage. Le modèle de corrosion
tient compte des phénomènes de transport, de l’électrochimie de la corrosion de l’acier
d’armature en présence de chlorures et de l’exposition spécifique de l’élément structural. Le
caractère stochastique de ces paramètres et phénomènes est considéré par une approche
probabiliste. Ensuite, l’évolution de l’état est formulée sous la forme de chaîne de Markov en
utilisant le modèle de corrosion. Finalement, la détérioration d’éléments de ponts est simulée
jusqu’à leur ruine.

Cette thèse issue du MCS (Laboratoire de Maintenance, Construction et Sécurité des


ouvrages) permet de mieux cerner les connaissances sur les scénarios et processus de
détérioration (en particulier leur composante temporelle) des ponts en béton. Certains résultats
et approches peuvent s’appliquer directement pour les systèmes de gestion de ponts existants.
Guido Roelfstra a fait preuve de sa maîtrise d’une approche scientifique, ainsi que de son
aptitude à cerner et à résoudre des problèmes complexes de manière indépendante. Nous le
remercions de son engagement et de ses compétences.

Lausanne, le 12 février 2001 Professeur Eugen Brühwiler


ii Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton
Préface i

Préface
Des outils pour une gestion optimisée d’un parc de ponts se basent sur la description de l’état
et son évolution dans le temps. Les modèles d’évolution actuellement utilisés sont empiriques
et approximatifs. Dans sa thèse de doctorat, M. Guido Roelfstra s’est fixé comme objectif
d’améliorer cette modélisation par une approche scientifique à l’aide de modèles numériques
et analytiques qui se base sur le comportement physique et chimique et des observations in-
situ. La recherche se situe dans le domaine de la durabilité des ponts en béton qui est un sujet
de grande actualité.

Les éléments novateurs de la recherche de Guido Roelfstra comportent d’abord une approche
segmentielle avec une nouvelle méthode de subdivision des éléments d’un pont en segments
en fonction de la perméabilité et l’épaisseur du béton d’enrobage. Le modèle de corrosion
tient compte des phénomènes de transport, de l’électrochimie de la corrosion de l’acier
d’armature en présence de chlorures et de l’exposition spécifique de l’élément structural. Le
caractère stochastique de ces paramètres et phénomènes est considéré par une approche
probabiliste. Ensuite, l’évolution de l’état est formulée sous la forme de chaîne de Markov en
utilisant le modèle de corrosion. Finalement, la détérioration d’éléments de ponts est simulée
jusqu’à leur ruine.

Cette thèse issue du MCS (Laboratoire de Maintenance, Construction et Sécurité des


ouvrages) permet de mieux cerner les connaissances sur les scénarios et processus de
détérioration (en particulier leur composante temporelle) des ponts en béton. Certains résultats
et approches peuvent s’appliquer directement pour les systèmes de gestion de ponts existants.
Guido Roelfstra a fait preuve de sa maîtrise d’une approche scientifique, ainsi que de son
aptitude à cerner et à résoudre des problèmes complexes de manière indépendante. Nous le
remercions de son engagement et de ses compétences.

Lausanne, le 12 février 2001 Professeur Eugen Brühwiler


ii Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton
Version abrégée iii

Summary
The management of existing road infrastructures is a multidisciplinary activity that involves
structural engineering, material science, management, economics and ecology. The objective
is to achieve maximum availability of road links at minimum societal costs. Recently, tools
(Bridge Management Systems, BMSs) have been developed to help decision makers to
determine the optimal management strategies within available resources.
The condition development model is a key element of the BMSs. Currently, this model is
using empirical approach making use of data collected during inspections and is formulated
with Markov chains. The assessment units are structural elements and these are classified into
condition classes according to their visual appearance. The condition assessment is therefore
rather subjective since no measurements are involved in it. Consequently, the condition
development based on visual inspections will reflect this subjectivity.
In order to improve the objectivity of condition forecasts physical and chemical phenomena
governing deterioration has to be incorporated in the condition development model.
Observations made on a bridge sample representative of the Swiss highway bridges showed
that chloride-induced corrosion is the main deterioration mechanism. For this reason this
research was focused upon modelling the chloride-induced corrosion.
In this research, the condition development model is established, based physical and chemical
phenomena involved in chloride induced corrosion. This analytical model is able to yield
quantitative results on condition development. Accuracy and availability of input data govern
the level of accuracy of such an analytical model. The existing knowledge on chloride
induced corrosion and inspection techniques available on site are examined in order to
develop a simple and reliable condition development model.
Firstly, non-destructive testing methods are used in addition to visual observations, to
determine quantitative values (permeability and thickness of the concrete cover) of parameters
governing the segment deterioration. The structural elements are divided into areas i.e.
segments where the parameters governing chloride-induced corrosion are assumed to be
constant. It is proposed to divide structural elements into segments based on three concrete
cover permeability classes, concrete cover thickness and three types of surface exposures to
chloride contaminated water.
Secondly, a chloride transport model is developed to simulate the real exposure of
reinforcement to chloride contaminated water, taking into consideration the transport
mechanisms of water and chloride ions. Simulations are performed for the various segment
parameters that have been identified in the segmental approach.
Thirdly, a relation is established between the free chloride ion content and the corrosion
initiation probability. Using the results of the chloride transport model, the development of
the corrosion initiation is determined for road bridges segments. An analysis is made to
predict the corrosion initiation time of existing bridges as a function of their segment
parameters (exposure and concrete cover permeability and thickness), but also to establish
recommendations for the construction of new bridges.
Fourthly, the corrosion rate i.e. loss of steel cross-section is then determined according to the
concrete cover permeability and the exposure to chloride contaminated water.
iv Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Fifthly, the results of the presented model are mapped to conditions states as defined in the
BMSs. Three degradation matrices (Markov chains) are determined, corresponding to three
condition developments: favourable, normal and unfavourable. The three condition
developments can be estimated for given quantitative values of the concrete cover
permeability, thickness and surface exposure to chloride-contaminated water. In this way, the
segment parameters may be used in BMSs to forecasts future condition of segments, elements
and the whole structure.
Finally the structural behaviour of the concrete road-bridges until failure is studied. The
determinant failure scenarios are identified for each bridge type and a case study is performed
on the sample representative for the Swiss highway bridges. For this purpose the determinant
segments for the structural safety are identified. Additionally the required concrete cover
depth for a service life of 50 and 100 years is expressed as a function of the permeability and
the exposure to chloride contaminated water.
This research outlines the need to measure the concrete cover permeability and thickness with
non-destructive test methods as well as to determine the exposure to chloride contaminated
water. These values are essential to predict the condition development of concrete road
bridges.
Version abrégée v

Version abrégée
La maintenance d’infrastructures existantes est une activité pluridisciplinaire qui comprend
aussi bien les domaines de l’ingénierie en structures, de la science des matériaux, de la
gestion que de l’écologie. L’objectif est de garantir la fiabilité du réseau routier en minimisant
les coûts pour la société. Récemment, des logiciels de gestion (Bridge Management Systems,
BMSs) ont été développés pour aider les preneurs de décision à déterminer la stratégie
optimale selon les ressources financières disponibles.
Le modèle d’évolution de l’état est un élément clé des BMSs. Actuellement, ce modèle utilise
une approche empirique, qui se base sur les données relevées au cours des inspections, et il est
formulé selon les chaînes de Markov. Les unités d’évaluation sont les éléments structuraux et
ceux-ci sont classés selon des conditions d’état en fonction de leur apparence visuelle. Pour
cette raison, l’évaluation de l’état est plutôt subjective puisque aucune mesure n’y est
impliquée. En conséquence, l’évolution de l’état basée sur les inspections visuelles reflètera
cette subjectivité.
Afin d’améliorer l’objectivité de la prédiction de la condition d’état, les phénomènes
physiques et chimiques, qui gouvernent la détérioration, doivent être incorporés dans le
modèle d’évolution de l’état. Les observations faites sur un échantillon de ponts représentatifs
du parc des ponts des routes nationales suisses a montré que la corrosion en présence de
chlorures est le mécanisme de détérioration prépondérant. Pour cette raison, ce travail de
recherche se concentre sur la modélisation de la corrosion en présence de chlorures.
Dans cette recherche, un modèle d’évolution de l’état basé sur les phénomènes physiques et
chimiques impliqués dans la corrosion en présence de chlorures est développé. Ce modèle
analytique est capable de donner des résultats quantitatifs de l’évolution de l’état. La qualité
et la disponibilité des données déterminent le niveau de précision d’un tel modèle analytique.
Les connaissances actuelles sur la corrosion en présence de chlorures et les techniques
d’inspection in-situ disponibles sont utilisées afin de développer un modèle d’évolution de
l’état simple et fiable.
Premièrement, des méthodes d’auscultation non-destructives sont utilisées, pour déterminer
la perméabilité et l’épaisseur du béton d’enrobage en complément aux inspections visuelles
pour déterminer des valeurs quantitatives des paramètres gouvernant la détérioration. Les
éléments structuraux sont divisés en zones (c.-à-d. segments) où les paramètres sont présumés
constants. Il est proposé de diviser les éléments structuraux en segments en se basant sur trois
classes de perméabilité du béton d’enrobage, l’épaisseur du béton d’enrobage et trois
expositions types aux eaux chargées de sel de déverglaçage.
Deuxièmement, un modèle de transport (pénétration) des ions chlorures est développé pour
simuler l’exposition réelle de l’armature aux eaux chargées de sel de déverglaçage. Ce modèle
tient compte des différents mécanismes de transport de l’eau et des ions chlorures. Des
simulations sont effectuées pour les divers paramètres des éléments qui ont été identifiés.
Troisièmement, une relation est établie entre la teneur en chlorures libres et la probabilité
d’initiation de la corrosion. En utilisant les résultats du modèle de pénétration des ions
chlorures, l’évolution de la probabilité d’initiation est déterminée pour les segments des
ponts-routes. Une analyse est effectuée pour prédire le temps d’initiation des ponts existants
en fonction des paramètres de leurs segments (exposition, perméabilité et épaisseur du béton
d’enrobage), mais aussi pour établir des recommandations pour la construction de nouveaux
ponts.
vi Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Quatrièmement, la vitesse de propagation de la corrosion (c.-à-d. la perte de section) est


déterminée en fonction de la perméabilité du béton d’enrobage et de l’exposition aux eaux
chargées de sel de déverglaçage.
Cinquièmement, les résultats du modèle présenté sont formulés selon les conditions d’état
telles qu’elles sont définies dans les BMSs. Trois matrices de dégradation (chaînes de
Markov) sont déterminées correspondant à trois conditions d’évolution : favorable, normale et
défavorable. Les trois conditions d’évolution peuvent être estimées pour des mesures
quantitatives de la perméabilité, de l’épaisseur du béton d’enrobage et de l’exposition aux
eaux chargées de sel de déverglaçage. Ainsi, les paramètres des segments peuvent être utilisés
dans les BMSs pour prédire l’évolution de l’état des segments, des éléments et de la structure
dans son ensemble.
Finalement, le comportement structural des ponts-routes en béton jusqu’à leur ruine est
étudié. Les scénarios déterminants sont identifiés pour chaque pont type et une étude de cas
est menée sur l’échantillon de ponts représentatif du parc des ponts des routes nationales
suisses. En plus, l’épaisseur de l’enrobage requis pour une durée d’utilisation de 50 et 100 ans
est exprimé en fonction de la perméabilité et de l’exposition aux eaux chargées de sel de
déverglaçage.
Cette recherche met en évidence le besoin de mesurer la perméabilité du béton d’enrobage et
son épaisseur avec des méthodes d’auscultation non-destructives et de déterminer l’exposition
aux eaux chargées de sel de déverglaçage. Ces valeurs sont essentielles pour prédire
l’évolution de l’état des ponts-routes en béton.
Version abrégée vii

Zusammenfassung
Der Unterhalt der bestehenden Infrastruktur ist eine multidisziplinäre Aufgabe, welche die
Bereiche des konstruktiven Ingenieurbaus, der Materialwissenschaften, des Managements und
des Umweltschutzes vereint. Ziel ist es, die Zuverlässigkeit des Straßennetzes zu
gewährleisten und gleichzeitig die Kosten für die Gesellschaft möglichst gering zu halten. In
letzter Zeit wurden Computerprogramme (Bridge Management Systems (BMSs)) entwickelt,
welche die Entscheidungsträger in der Auswahl der optimalen Strategie mit den zur
Verfügung stehenden finanziellen Mitteln unterstützen.
Das Modell für die Zustandsentwicklung spielt eine Schlüsselrolle in den BMSs. Im Moment
verwendet dieses Modell einen empirischen Ansatz, der sich auf Daten stützt, die bei
Inspektionen erhoben werden, und wird in Markov-Ketten ausgedrückt. Die Bauwerke
werden zur Bewertung in Einheiten (Bauteile) unterteilt. Jedes Bauteil wird nach einer
visuellen Inspektionen einer Zustandskategorie zugeordnet. Die Bewertung des Zustands ist
eher subjektiv, da keine Messung vorgenommen wird. Diese Subjektivität spiegelt sich in der
Zustandsentwicklung, die auf den visuellen Inspektionen basiert, wieder.
Um die Objektivität der Vorhersage der Zustandsentwicklung zu verbessern, müssen die
physikalischen und chemischen Phänomene, welche die Schädigungsprozesse beherrschen, in
dem Modell für die Zustandsentwicklung berücksichtigt werden. Beobachtungen, die an einer
Auswahl repräsentativer Brücken der Schweiz vorgenommen wurden, haben gezeigt, dass der
vorherrschende Schädigungsmechanismus Korrosion infolge des Eindringens von Chloriden
ist. Deshalb konzentriert sich diese Arbeit auf die Modellierung dieser Korrosion.
In dieser Forschungsarbeit wurde ein Modell für die Zustandsentwicklung entwickelt, dass
auf den physikalischen und chemischen Phänomenen beruht, die bei der Korrosion infolge
des Eindringens von Chloriden eine Rolle spielen. Dieses analytische Modell ist in der Lage,
quantitative Aussagen über die Zustandsentwicklung zu treffen. Die Qualität und die
Verfügbarkeit der Daten bestimmen die Genauigkeit eines solchen analytischen Modells. Die
derzeitigen Kenntnisse über die Korrosion infolge des Eindringens von Chloriden und die
vorhandenen Inspektionstechniken in-situ werden untersucht, um ein einfaches und
verlässliches Modell für die Zustandsentwicklung zu erarbeiten.
Zuerst werden zerstörungsfreie Prüfmethoden zusätzlich zu den visuellen Inspektionen
durchgeführt, um die quantitativen Werte der Parameter, die den Schädigungsprozess
beherrschen, nämlich Permeabilität und Dicke des Überdeckungsbetons, zu bestimmen. Die
Bauteile werden in Zonen (d. h. in Segmente) unterteilt, in denen die Parameter als konstant
angenommen werden. Kriterien für die Unterteilung sind drei Kategorien der Permeabilität
des Überdeckungsbetons, die Dicke des Überdeckungsbetons und drei typische
Aussetzungsgrade durch tausalzhaltiges Wasser.
Zweitens wird ein Transportmodell für das Eindringen der Chloridionen entwickelt, um
realitätsnah zu simulieren, in welchem Maße die Bewehrung tausalzhaltigem Wasser
ausgesetzt ist. Simulationen werden für die wichtigen Parameter durchgeführt.
Drittens wird eine Beziehung zwischen dem Gehalt an freien Chloridionen und der
Wahrscheinlichkeit der Korrosionsinitiierung hergestellt. Die zeitliche Entwicklung der
Wahrscheinlichkeit der Korrosionsinitiierung wird für die Segmente der Straßenbrücken
ermittelt. Dazu werden die Ergebnisse des Transportmodells für das Eindringen der
Chloridionen verwendet. Eine Studie wird durchgeführt, um die Zeit der
Korrosionsinitiierung der vorhandenen Brücken in Abhängigkeit der Parameter ihrer
viii Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Segmente (Permeabilität und Dicke des Überdeckungsbetons, Aussetzung durch


chloridhaltiges Wasser) vorherzusagen, aber auch um Richtlinien für den Neubau von
Brücken zu erstellen.
Viertens wird die zeitliche Entwicklung des Fortschreitens der Korrosion (d. h. der Verlust
des Querschnitts) in Abhängigkeit der Permeabilität des Überdeckungsbetons und der
Aussetzung durch tausalzhaltiges Wasser ermittelt.
Fünftens werden die Ergebnisse des vorgestellten Modells als Zustandsbedingungen, wie sie
in den BMSs festgelegt sind, formuliert. Drei Matrizen (Markov-Ketten), die den
Schädigungsverlauf beschreiben, werden je nach der Korrosionsgefährdung des Segments
aufgestellt: günstig, normal und ungünstig. Die Einteilung der Segmente in diese drei
Kategorien kann mit quantitativen Messungen der Permeabilität und der Dicke des
Überdeckungsbetons sowie der Aussetzung durch tausalzhaltiges Wasser erfolgen. Auf diese
Weise können die Parameter der Segmente in den BMSs verwendet werden, um die
Zustandsentwicklung der Segmente, von Bauteilen und somit von Bauwerken vorherzusagen.
Schließlich wird das Tragverhalten der Straßenbrücken bis zu ihrem Bruch untersucht. Die
ausschlaggebenden Szenarien werden für jeden Brückentyp untersucht, und eine Fallstudie
wird für eine repräsentative Anzahl an Brücken der Nationalstraßen durchgeführt. Außerdem
wird die Dicke des Überdeckungsbetons für eine Nutzungsdauer von 50 bis 100 Jahren in
Abhängigkeit der Permeabilität und der Aussetzung durch tausalzhaltiges Wasser
ausgedrückt.
Diese Forschungsarbeit zeigt die Notwendigkeit, die Permeabilität und die Dicke des
Überdeckungsbetons mit zerstörungsfreien Prüfmethoden zu messen und die Aussetzung des
Bauteils durch tausalzhaltiges Wasser zu bestimmen. Diese Werte sind von größter
Bedeutung, um die Zustandsentwicklung von Straßenbrücken aus Beton vorherzusagen.
Table des matières xi

Table des matières


Préface ........................................................................................................................................ i
Summary .................................................................................................................................. iii
Version abrégée ........................................................................................................................ v
Zusammenfassung.................................................................................................................. vii
Remerciements ........................................................................................................................ ix
Table des matières ................................................................................................................... xi
Notations ................................................................................................................................. xv
1 Introduction ....................................................................................................................... 1
1.1 Maintenance des ouvrages......................................................................................... 1
1.2 Gestion d’un parc d’ouvrages .................................................................................... 1
1.2.1 Introduction.................................................................................................... 1
1.2.2 Bridge Management Systems (BMS) ............................................................ 2
1.2.2.1 Introduction...................................................................................... 2
1.2.2.2 PONTIS ........................................................................................... 3
1.2.2.3 BRIDGIT ......................................................................................... 4
1.2.2.4 DANBRO ........................................................................................ 4
1.2.2.5 FINNRA .......................................................................................... 5
1.2.2.6 Développement en Suisse – KUBA-DB et KUBA-MS .................. 5
1.3 Critique des approches utilisées et besoins de recherche .......................................... 6
1.4 Objectifs..................................................................................................................... 7
1.5 Bénéfices de la recherche .......................................................................................... 7
1.6 Démarche................................................................................................................... 8
2 Approche segmentielle ...................................................................................................... 9
2.1 Introduction................................................................................................................ 9
2.2 Approche segmentielle ............................................................................................ 10
2.2.1 Description de l’approche ............................................................................ 10
2.2.2 Division de l’ouvrage en éléments et segments ........................................... 10
2.2.3 Exposition .................................................................................................... 12
2.2.4 Perméabilité du béton d’enrobage ............................................................... 14
2.3 Méthodes d’auscultation non-destructives .............................................................. 14
2.3.1 Général......................................................................................................... 14
2.3.2 Mesure de perméabilité à l’air ..................................................................... 15
2.3.2.1 Méthodes de mesure de la perméabilité......................................... 15
2.3.2.2 Principe de la méthode Torrent...................................................... 15
2.3.2.3 Fonctionnement ............................................................................. 16
2.3.2.4 Validation de la méthode ............................................................... 17
2.3.2.5 Application et recommandations ................................................... 17
2.3.3 Mesure de position de l’armature ................................................................ 18
2.4 Application à l’échantillon représentatif ................................................................. 19
2.4.1 Echantillon représentatif .............................................................................. 19
2.4.1.1 Parc des ponts-routes ..................................................................... 19
2.4.1.2 Etablissement de l’échantillon représentatif .................................. 21
2.4.2 Application de l’approche segmentielle....................................................... 22
xii Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

2.4.2.1 Inspections in-situ.......................................................................... 22


2.4.2.2 Ponts cadres ................................................................................... 22
2.4.2.3 Ponts à béquilles ............................................................................ 24
2.4.2.4 Ponts-poutres continus................................................................... 26
2.5 Mécanismes de détérioration ................................................................................... 28
2.6 Conclusions.............................................................................................................. 30
3 Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures.......................................... 31
3.1 Introduction.............................................................................................................. 31
3.2 Corrosion des armatures .......................................................................................... 32
3.2.1 Phénomène................................................................................................... 32
3.2.2 Corrosion en présence de chlorures ............................................................. 33
3.2.3 Carbonatation............................................................................................... 34
3.2.4 Détérioration ................................................................................................ 35
3.3 Pénétration des chlorures ......................................................................................... 36
3.3.1 Général......................................................................................................... 36
3.3.2 Transport de l’eau ........................................................................................ 36
3.3.2.1 Introduction.................................................................................... 36
3.3.2.2 Modélisation .................................................................................. 38
3.3.2.3 Modèle de diffusion ....................................................................... 39
3.3.2.4 Coefficient de diffusion ................................................................. 40
3.3.2.5 Adsorption capillaire ..................................................................... 41
3.3.3 Transport des chlorures................................................................................ 46
3.3.3.1 Introduction.................................................................................... 46
3.3.3.2 Chlorures libres et chlorures liés ................................................... 46
3.3.3.3 Diffusion des ions chlorures dans l’eau......................................... 47
3.3.3.4 Transport des ions chlorures entraînés par l’eau ........................... 47
3.3.3.5 Modèle de transport des ions chlorures ......................................... 48
3.3.4 Exposition .................................................................................................... 49
3.3.4.1 Précipitations et humidité .............................................................. 49
3.3.4.2 Chlorures........................................................................................ 50
3.3.4.3 Température ................................................................................... 52
3.3.5 Modélisation numérique .............................................................................. 53
3.3.5.1 Algorithme ..................................................................................... 53
3.3.5.2 Etape I : Transport de l’eau............................................................ 54
3.3.5.3 Etape II : Transport des chlorures par l’eau................................... 55
3.3.5.4 Etape III : Transport des chlorures par diffusion dans l’eau.......... 55
3.3.6 Application du modèle aux ponts-routes ..................................................... 55
3.3.6.1 Hypothèses..................................................................................... 55
3.3.6.2 Simulations avec le modèle ........................................................... 57
3.4 Initiation de la corrosion.......................................................................................... 59
3.4.1 Taux critique de chlorures ........................................................................... 59
3.4.2 Application du modèle aux ponts routes...................................................... 61
3.4.2.1 Simulations .................................................................................... 61
3.4.2.2 Analyse des résultats...................................................................... 65
3.4.3 Ouvrages neufs............................................................................................. 66
3.5 Propagation de la corrosion ..................................................................................... 66
3.5.1 Vitesse de corrosion..................................................................................... 66
3.5.2 Perte de section ............................................................................................ 69
3.5.3 Corrosion de la précontrainte....................................................................... 70
3.6 Conclusions.............................................................................................................. 71
Table des matières xiii

4 Chaînes de Markov ......................................................................................................... 73


4.1 Introduction.............................................................................................................. 73
4.2 Dégradation de l’état................................................................................................ 73
4.2.1 Conditions d’état.......................................................................................... 73
4.2.2 Relation entre les conditions d’état et la corrosion...................................... 74
4.2.3 Dégradation des ponts-routes....................................................................... 75
4.2.3.1 Simulation de la dégradation ......................................................... 75
4.2.3.2 Vitesse de dégradation et conditions d’évolution.......................... 76
4.2.3.3 Influence du diamètre de l’armature.............................................. 77
4.3 Chaînes de Markov .................................................................................................. 78
4.3.1 Principe ........................................................................................................ 78
4.3.2 Matrices de dégradation............................................................................... 78
4.3.3 Variantes d’optimisation.............................................................................. 80
4.4 Conclusions.............................................................................................................. 83
5 Scénarios de ruine ........................................................................................................... 85
5.1 Introduction.............................................................................................................. 85
5.2 Méthodologie et hypothèses .................................................................................... 86
5.2.1 Scénarios de ruine ........................................................................................ 86
5.2.2 Méthodologie ............................................................................................... 86
5.2.3 Hypothèses................................................................................................... 87
5.2.3.1 Approche semi-déterministe.......................................................... 87
5.2.3.2 Sollicitations .................................................................................. 88
5.2.3.3 Résistance ...................................................................................... 90
5.2.3.4 Corrosion ....................................................................................... 91
5.2.3.5 Résumé .......................................................................................... 92
5.3 Scénarios de ruine type............................................................................................ 93
5.3.1 Ponts à béquilles .......................................................................................... 93
5.3.1.1 Introduction.................................................................................... 93
5.3.1.2 Mécanismes de ruine ..................................................................... 94
5.3.1.3 Etude de cas 1 – Pont N°2 ............................................................. 96
5.3.1.4 Etude de cas 2 – Pont N°15 ......................................................... 103
5.3.1.5 Discussion sur les scénarios de ruine des ponts à béquilles ........ 105
5.3.2 Ponts poutres continus ............................................................................... 106
5.3.2.1 Introduction.................................................................................. 106
5.3.2.2 Mécanismes de ruine ................................................................... 107
5.3.2.3 Etude de cas 3 – Pont N°7- Porte-à-faux ..................................... 109
5.3.2.4 Etude de cas 4 – Pont N°11 – Précontrainte transversale............ 110
5.3.2.5 Etude de cas 5 – Pont N°7 – Entre les âmes du caisson .............. 113
5.3.2.6 Discussion sur les scénarios de ruine des ponts poutres.............. 114
5.3.3 Ponts cadres ............................................................................................... 114
5.3.3.1 Introduction.................................................................................. 114
5.3.3.2 Mécanismes de ruine ................................................................... 115
5.3.3.3 Etude de cas 6 – Pont N°10 ......................................................... 115
5.3.3.4 Discussion sur les scénarios de ruine des ponts à béquilles ........ 117
5.4 Analyse des résultats et conclusions...................................................................... 117
xiv Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

6 Conclusions .................................................................................................................... 121


6.1 Buts poursuivis ...................................................................................................... 121
6.2 Bénéfice de l’étude ................................................................................................ 121
6.3 Démarche retenue .................................................................................................. 122
6.4 Conclusions............................................................................................................ 124
6.5 Suggestions pour des travaux futurs ...................................................................... 125
Bibliographie......................................................................................................................... 127
Annexe A Plans des ponts sélectionnés de l’échantillon ............................................. 135
Annexe B Résultats des simulations de pénétration.................................................... 143
Annexe C Résultats des simulations de dégradation................................................... 147
Curriculum vitae .................................................................................................................. 153
Notations xv

Notations
Majuscules latines :
A coefficient d’adsorption
A24h coefficient d’adsorption à 24 heures
B coefficient de pénétration
CE condition d’état
C(x,t) teneur en ions chlorures en fonction de l’épaisseur et du temps
Cf teneur en ions chlorures libres
C0 teneur en chlorures à la surface
Cs teneur en ions chlorures liés
Ct teneur totale en ions chlorures
D coefficient de diffusion
D0% coefficient de diffusion dans un béton sec
D100% coefficient de diffusion dans un béton saturé
DCl coefficient de diffusion des chlorures
Dw coefficient de diffusion de l’eau dans le béton
DwT coefficient de diffusion de l’eau en fonction de la température
E énergie d’activation
F constante de Faraday
Gd valeur de dimensionnement du poids propre de la structure porteuse
Gm valeur moyenne du poids propre de la structure porteuse
JCl flux d’ions chlorures
Jw flux d’eau
Kad coefficient de transport
L portée, longueur de la travée
M matrice de dégradation (chaînes de Markov)
Md moment de dimensionnement
MR moment résistant
Q charge concentrée
Qa valeur de dimensionnement de l’action concomitante
Qd valeur de dimensionnement de l’action prépondérante
Qr valeur représentative de l’action
R résistance ultime
Rd résistance ultime avec le coefficient de résistance
RCl coefficient de retard
Rw constante du gaz (vapeur d’eau)
Sd sollicitation de dimensionnement avec les facteurs de charge
Sl saturation en eau du béton
Sl,in saturation en eau initiale
Sl,max saturation en eau maximale
T température
VClf vitesse des ions chlorures libres
Vw vitesse de l’eau
WRd travail des moments résistants avec le coefficient de résistance
WSd travail des sollicitations avec les facteurs de charge
Xt vecteur d’état au temps t
xvi Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Minuscules latines :
a masse atomique
aij coefficients de la matrice de dégradation M
cf concentration dans la solution des chlorures libres
cs concentration des chlorures liés
d(t) diamètre de l’armature en fonction du temps
din diamètre initial de l’armature
e espacement des barres d’armature
fc résistance à la compression du béton
fcw,min résistance minimale sur cube
fy limite d’écoulement de l’acier d’armature passive
fy,p limite d’écoulement de l’acier de précontrainte
h humidité relative du béton
hc humidité relative où le coefficient de diffusion diminue de moitié
i courant de densité
m masse d’eau adsorbée
mcorr masse d’acier qui a corrodé
n coefficient de sécurité structural
néq nombre d’échanges équivalents
napt coefficient d’aptitude au service
q charge répartie
t temps
tcorr temps de corrosion
vcorr vitesse de propagation de la corrosion
w teneur en eau [m3/m3]
win teneur en eau initiale [m3/m3]
wcalc flèche calculée
wlim flèche limite selon la norme
wsat teneur maximale en eau évaporable (béton saturé) [m3/m3]
x variable de distance ou de profondeur
xCl profondeur de pénétration du front des chlorures
xi dimensions du vecteur Xt
xw profondeur de pénétration du front d’eau

Majuscules grecques :
Φ1 Coefficient dynamique

Minuscules grecques :
α0 rapport entre D100% et D0%
ε porosité
γ rapport entre les chlorures liés et les chlorures libres
γg facteur de charge du poids propre
γQ facteur de charge de l’action prépondérante
γR coefficient de résistance
ηal viscosité dynamique
ρ densité
ψ facteur de charge de l’action concomitante
Chapitre 1 – Introduction 1

Chapitre 1

Introduction

1.1 Maintenance des ouvrages


De nos jours, la maintenance des infrastructures de transport joue un rôle déterminant dans les
activités économiques et sociales d’un pays. Les réseaux de transport existants ont atteint des
dimensions importantes et leurs parcs d’ouvrages d’art sont des éléments clés. En Suisse, le
réseau des Routes Nationales compte plus de 3'300 ponts. Sa construction a commencé à la
fin des années 50 et il est presque achevé aujourd’hui.
La maintenance d’infrastructures existantes requiert un grand savoir faire et prend une part
grandissante dans le travail de l’ingénieur. Pour lui, il ne s’agit plus seulement de concevoir et
de construire, mais aussi de gérer et de maintenir des parcs d’ouvrages existants. La
maintenance des ouvrages est un domaine pluridisciplinaire qui comprend aussi bien les
domaines de l’ingénieur en structures, la science des matériaux, la gestion et l’écologie. La
recherche progresse dans tous les domaines et pour l’ingénieur en maintenance, le défi est de
rassembler toutes les connaissances et les progrès dans leur domaine individuel pour en tirer
le meilleur profit au niveau global.

1.2 Gestion d’un parc d’ouvrages


1.2.1 Introduction
L’objectif de la gestion d’un parc d’ouvrages est de maintenir les ouvrages dans un état qui
leur permettent de remplir leurs fonctions tout en minimisant les coûts. Les questions
économiques sont importantes dans ce domaine, car les budgets alloués à la maintenance sont
des sommes importantes, mais qui restent limitées par rapport à la valeur d’un parc
d’ouvrages. A titre d’exemple, pour la maintenance des ponts-routes du réseau des routes
nationales en Suisse, 110 millions de francs ont été investis en moyenne annuellement de
1996 à 1999 et la valeur du parc est estimé à 7.2 milliards [DONZEL_00].
La gestion d’un réseau d’ouvrages se compose des actions suivantes :
• Inventaire des ouvrages
L’inventaire des ouvrages est une grande base de données qui contient la description
de l’ensemble des ouvrages. Etant donné les dimensions des parcs d’ouvrages,
l’inventaire a souvent été informatisé (chapitre 1.2.2). La précision de la description de
2 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

chaque ouvrage dépend de la puissance de la base de données ainsi que de la quantité


des données qui ont été relevées et saisies. Dans de nombreux cas, la création de la
base de données a été faite pour un parc d’ouvrages déjà existant. Le relevé et la saisie
des données peuvent alors représenter un volume de travail conséquent. En général, il
s’avère important de bien définir l’utilisation qui sera faite de l’inventaire des
ouvrages et d’établir les paramètres qui sont nécessaires avant de procéder à leur
acquisition et à leur saisie. Le passage sous forme informatisée des données des
ouvrages, provenant de plans, de schémas, de notes de calcul, de photos et autres
documents, détermine la qualité de l’inventaire des ouvrages. Les logiciels développés
pour cette application sont couramment appelés BMSs, « Bridge Management
Systems » (chapitre 1.2.2).
• Evaluation de l’état des ouvrages
Pour juger l’état des ouvrages du parc, une évaluation de l’état est requise. Celle-ci est
faite sur la base d’inspections visuelles périodiques dans le domaine des ponts-routes.
Un inspecteur effectue une visite in-situ et évalue l’état de l’ouvrage. Etant donné les
dimensions des parcs, cette procédure a été systématisée dans le cadre des BMSs
(chapitre 1.2.2).
• Planification des interventions
La planification des interventions résulte d’un processus de décision concernant les
actions de maintenance. Différents processus existent pour atteindre l’objectif de la
gestion d’un parc d’ouvrages ; garantir l’utilisation des ouvrages tout en minimisant
les coûts. L’informatisation de la gestion de la maintenance permet d’étudier de
manière systématique de nombreuses variantes d’interventions, d’optimiser la
planification et d’établir différentes stratégies de maintenance.
De plus, l’informatisation permet de tenir compte du paramètre temporel. Pour
déterminer la planification des projets d’intervention dans le temps, l’évolution de
l’état des ouvrages est simulée par des modèles de détérioration. Les résultats de la
planification dépendent en grande partie de la qualité des modèles.

1.2.2 Bridge Management Systems (BMSs)

1.2.2.1 Introduction
Une demande croissante en matière de planification des mesures d’entretien a poussé les
propriétaires de parcs importants d’ouvrages d’art à se tourner vers de nouveaux moyens de
management. Le besoin de gérer de manière scientifique, pour obtenir la maintenance
optimale des ouvrages existants, est amplifié par les ressources financières restreintes qui sont
mises à disposition.
Les premières versions de logiciels informatiques de management, connus sous le nom de
BMSs ont été développées dans les années 80 notamment aux Etats-Unis. Les logiciels sont
principalement constitués de bases de données spécialisées, qui contiennent les informations
sur les ouvrages et le relevé de leur état par inspection visuelle, des modèles de prédiction de
l’évolution de l’état et des modèles d’optimisation des ressources financières au niveau de
l’ensemble du réseau. Les logiciels développés et utilisés en Suisse, ainsi que les principaux
logiciels existants à travers le monde, sont exposés dans les sous-chapitres suivants. La
majorité des logiciels s’inspirent du logiciel PONTIS qui est décrit plus précisément.
Chapitre 1 – Introduction 3

1.2.2.2 PONTIS
PONTIS [PONTIS_93A&B] est un logiciel qui a été développé aux Etats-Unis par la FHWA
(Federal Highway Administration) à la fin des années 80 [FHWA_89]. Il peut être considéré
comme le premier logiciel commercialisé au même titre que DANBRO. A ce jour, c’est le
logiciel le plus répandu. Il est employé dans 38 états américains ainsi que dans différents pays
à travers le monde. Dans certains de ces pays, comme par exemple la Hongrie, la version
américaine a été adaptée à leurs propres caractéristiques [GÁSPÁR_99 et MOLNAR_99]. De
plus, PONTIS a servi de base et de référence dans le développement de la plupart des autres
logiciels.
PONTIS se compose des différents modules décrits brièvement ici :
• Une base de données
La base de données contient l’ensemble des informations. Les ponts sont divisés en
éléments types. Au niveau du pont, la base de donnée contient les informations sur sa
localisation, son année de construction, le type de pont, les matériaux, le gabarit, le
trafic, etc. Au niveau des éléments, la base de donnée contient l’état des types
d’élément par un vecteur dont chaque composant représente le pourcentage du type
d’élément qui se trouve dans chaque condition d’état. Pour chaque type d’élément, des
conditions d’état sont définies. Dans le tableau 1.1, la définition des conditions d’état
pour un élément en béton armé est représentée pour le logiciel KUBA-MS-TICINO
qui utilise des définitions analogues. Etant donné que l’information provient
d’inspections visuelles, les conditions d’état sont définies afin qu’il soit possible de les
identifier visuellement.
• Modèle d’optimisation de la maintenance (réparation et réhabilitation)
Ce modèle détermine pour chaque élément la stratégie optimale de maintenance. Cette
stratégie optimale est obtenue par l’interrelation entre un premier module, qui
détermine l’action optimale pour chaque état de chaque élément, et un second module,
qui calcule l’état stationnaire du parc d’ouvrages résultant des actions optimales du
premier module. L’optimisation dynamique des deux modules aboutit à la stratégie de
maintenance optimale à long terme avec un budget annuel minimal. Un troisième
module est intégré et établit la stratégie optimale pour un ouvrage unique. Ce dernier
module permet d’obtenir la meilleure stratégie possible si le budget annuel est
inférieur au budget annuel minimal ou si l’état du parc d’ouvrages est dans un état
inférieur à l’état stationnaire résultat de la première optimisation.
• Modèle d’optimisation des modifications (améliorations)
Ce modèle optimise les bénéfices apportés par les modifications au niveau des coûts
des utilisateurs ou tout autre niveau d’investissement. Les modifications comprennent
par exemple l’élargissement du tablier et une série d’actions spécifiques optimales
pour les utilisateurs.
• Modèle d’intégration et de planification
Ce modèle réunit les résultats des deux modèles d’optimisation précédents. Il permet
de planifier l’ensemble des projets d’interventions et de gérer le budget. La priorité des
projets est établie par le rapport incrémentiel coûts/bénéfices.
• Modèle de condition d’état et d’interventions possibles
Ce modèle attribue à chaque condition d’état de chaque type d’élément des
interventions possibles. Dans le tableau 1.2, les interventions possibles, pour les
4 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

éléments en béton armé, tels que définis dans le logiciel KUBA-MS-TICINO, qui
utilise le même principe, sont représentées. Le modèle comprend aussi une indication
de l’influence de l’environnement sur l’élément (bénin, faible, modéré ou sévère) et
une liste des interventions d’améliorations possibles (par exemple l’augmentation de la
capacité portante ou du gabarit).
• Modèle de prévision
Ce modèle estime la détérioration des éléments de l’ouvrage. La formulation de
chaînes de Markov est utilisée (chapitre 4). En se basant sur un ensemble de données
d’état d’éléments d’ouvrages, les paramètres du modèle de détérioration sont obtenus
par régression. Le modèle est conçu afin de pouvoir corriger automatiquement les
paramètres du modèle d’après de nouvelles valeurs provenant de l’inspection des
ouvrages.
• Modèle des coûts des utilisateurs
Ce modèle génère les coûts des utilisateurs occasionnés principalement par une
déficience de l’utilisation du pont (par exemple une réduction de la largeur des voies,
un mauvais alignement ou une réduction des charges de trafic suite à une capacité
portante insuffisante). Les coûts des utilisateurs se composent des coûts des accidents
et des coûts engendrés (au niveau du véhicule et du temps perdu pour les utilisateurs)
en cas de détour ou de limitation de trafic.
PONTIS utilise une philosophie qui va du niveau global du réseau au niveau du projet
(« project-level »). Le budget et les exigences sont utilisées afin d’établir la politique
optimale, puis les projets sont planifiés.

1.2.2.3 BRIDGIT
BRIDGIT [BRIDGIT_94 et HAWK_98] a été développé aux Etats-Unis conjointement par le
NCHRP (National Highway Research Program). Il est utilisé dans l’état du Maine et d’autres
états sont en train d’examiner une implémentation. Contrairement à PONTIS, l’approche va
du niveau du projet au niveau global. Les exigences déterminent les projets qui génèrent des
coûts. Ces coûts sont ensuite comparés aux budgets, puis les exigences sont adaptées en
fonction du budget et les projets modifiés. Le budget et les exigences sont utilisées afin
d’établir la politique optimale, puis les projets sont planifiés.

1.2.2.4 DANBRO
DANBRO a été développé au Danemark [HENRIKSEN_99]. Il est concentré sur une approche
au niveau du projet et il est basé sur une approche systématique des inspections (principales,
de routine et spéciales). Des développements récents ont permis d’ajouter une fonction de
classement prioritaire des interventions sur des bases économiques.
Chapitre 1 – Introduction 5

1.2.2.5 FINNRA
Le BMS développé par le Finnish National Road Administration (FINNRA) est fondé sur les
mêmes principes que PONTIS [SÖDERQVIST_99]. Il permet de gérer les 12'500 ponts du
réseau des routes finlandaises. La spécificité du logiciel est sa modélisation de la détérioration
et des interventions de maintenance par une chaîne de Markov tridimensionnelle.

1.2.2.6 Développements en Suisse – KUBA-DB et KUBA-MS


KUBA-DB (de l’allemand KUnstBAuten-DatenBank) et KUBA-MS (KUnstBAuten –
ManagementSystem) sont les logiciels développés en Suisse par le bureau d’ingénieur Dr. J.
Grob & Partner SA (Dr. R. Hajdin) pour l’Office fédéral des routes (OFROU) [HAJDIN_95].
Ces logiciels sont basés sur l’approche de PONTIS. Ils sont adaptés aux spécificités locales
suisses [LUDESCHER_99] ; notamment au niveau de la grande variabilité du type de structure,
des trois langues nationales, de la coordination au niveau de l’OFROU, de la variabilité de la
gestion au niveau des cantons et au niveau du projet (« project-level »).
KUBA-DB est un logiciel de base de données, d’inspections et d’interventions exécutées. Le
développement du logiciel a été initié en 1987. Actuellement 22 cantons utilisent la version
3.0 de KUBA-DB. 7'700 ouvrages des routes nationales et cantonales ont été répertoriés avec
30'000 éléments.
KUBA-MS est un logiciel de management. Le développement a été lancé en 1992. Une
première version prototype MS-Ticino a été installée dans 5 cantons et les autres cantons
se préparent à une installation prochaine. Au Tessin, 1’700 ponts des routes nationales et
cantonales ont été saisis et la planification de la maintenance est basée sur le logiciel.
Comme dans PONTIS, les conditions d’état sont définies en fonction de l’état visuel pour être
identifiables au cours des inspections visuelles (tableau 1.1 pour les éléments en béton armé).
Pour chaque condition d’état, les interventions possibles sont déterminées (tableau 1.2).
Condition d’état Description
1 : bon Pas de dégâts visibles ; que de fines fissures superficielles ; pas de
traces de corrosion
2 : acceptable Taches de corrosion visibles et/ou écaillage local ; fines fissures dues à
la corrosion de l’armature et/ou des zones humides ; dégâts mécaniques
insignifiants
3 : endommagé Ecaillage avec armature visible, pertes de section insignifiante, en
moyenne moins de 10% de l’armature visible ; fissures et/ou zones
humides
4 : mauvais état Ecaillage avec armature visible, pertes de section significatives, en
moyenne plus de 10% d’armature visible et/ou piqûres de corrosion ;
fissures et/ou zones humides
5 : état alarmant La sécurité est mise en danger ; des mesures sont nécessaires avant la
prochaine inspection principale ; mesures urgentes

Tableau 1.1 Condition d’état des éléments en béton armé (comme définis dans KUBA-MS-
TICINO [KUBA_98A&B]).
6 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Condition d’état Interventions possibles


1 : bon - aucune intervention
2 : acceptable - aucune intervention
- protection de la surface
- reprofilage local
3 : endommagé - aucune intervention
- protection de la surface
- reprofilage local et protection de surface
- remise en état complète
4 : mauvais état - aucune intervention
- reprofilage local
- reprofilage local et protection de surface
- remise en état complète, y compris le remplacement de l’armature
corrodée
5 : état alarmant - intervention d’urgence

Tableau 1.2 Interventions possibles sur les éléments en béton armé (comme définis dans
KUBA-MS-TICINO [KUBA_98A]).

1.3 Critique des approches utilisées et besoins de recherche


Les BMSs sont de plus en plus répandus dans la pratique. Pour qu’ils soient les plus efficaces
possible, il est nécessaire qu’ils intègrent les dernières connaissances dans les domaines de la
gestion, des matériaux et des structures. Sur la base des logiciels et des approches existantes,
les principales critiques conduisent aux principaux besoins de recherche suivants :
• L’émergence de méthodes d’auscultations non-destructives dans le domaine de la
maintenance nécessite que celles-ci soient intégrées dans les approches faites dans les
BMSs, ce qui n’est actuellement pas encore le cas. En effet, les mesures effectuées in-
situ par ces méthodes permettent d’une part d’améliorer l’évaluation de l’état d’un
ouvrage [HEARN_98] et d’autre part de déterminer des valeurs quantitatives des
propriétés des matériaux qui influencent l’évolution de l’état de l’ouvrage.
• Les modèles de détérioration utilisés dans les BMSs, qui ont un rôle déterminant dans
l’établissement des stratégies d’intervention, sont actuellement basés sur des études
statistiques de la détérioration sans tenir compte des paramètres physiques et
chimiques réels. A titre d’exemple, dans une approche systématique d’évaluation
dégâts de ponts effectuée en Suisse [LADNER_94], des courbes de détérioration ont été
établies sur la base de l’inventaire des dégâts effectué en fonction du type d’ouvrage,
de son âge, du matériau et du type d’élément. L’approche est purement statistique ;
elle ne considère ni les phénomènes physico-chimiques ni les propriétés des
matériaux. Etant donné les connaissances dans le domaine des matériaux, il y a un réel
besoin de développer des modèles de détérioration, basés sur les mécanismes
physiques et chimiques, qui tiennent compte des propriétés des matériaux. Ces
dernières peuvent notamment être établies avec des méthodes d’auscultation non-
destructives.
• Au niveau de l’aptitude au service et de la sécurité structurale, le comportement des
structures et de leurs éléments n’est pas incluse de manière directe dans les
évaluations faites. Il est nécessaire d’établir des scénarios de ruine qui permettent
Chapitre 1 – Introduction 7

d’établir le rôle de chaque élément et l’évolution de comportement de la structure dans


son ensemble.
• La gestion du parc des ouvrages se base sur les coûts. L’introduction des coûts des
utilisateurs prend en compte les accidents et les pertes pour l’utilisateur dans le cas de
détours et de congestion (temps, consommation, usure du véhicule, etc.). Cependant,
l’influence du réseau de transport sur l’économie dans son ensemble doit aussi être
intégrée. Dans le cadre de budgets réduits, la détermination de la priorité des
interventions nécessite une analyse au niveau de l’ensemble du réseau [ADEY_01].

1.4 Objectifs
Ce travail de recherche présente une approche globale de la détérioration dans le cadre de la
maintenance d’un parc d’ouvrages d’art existant (ponts routiers). L’objectif est d’établir un
modèle de la prédiction de l’évolution de l’état d’un ouvrage d’art (pont) spécifique. Le but
principal regroupe les quatre aspects suivants :
• établir l’état des ponts selon une approche segmentielle en incluant des valeurs
quantitatives obtenues avec les méthodes d’auscultations non-destructives.
• établir un modèle de détérioration de la corrosion de l’armature d’éléments de
structure en béton armé en présence de chlorures, qui est le mécanisme de
détérioration prépondérant. Ce modèle établi, basé sur les phénomènes physiques et
chimiques, est développé spécifiquement pour une application aux ponts-routes en
béton et aux conditions d’exposition réelles.
• formuler les résultats des simulations pour pouvoir être inclus dans les BMS existants.
• étudier le comportement des ouvrages et l’évolution de leur état jusqu’à la ruine pour
permettre d’identifier les segments déterminants des ouvrages (ponts).

1.5 Démarche
L’introduction au chapitre 1 place cette recherche dans le domaine de la maintenance des
ouvrages. La manière de gérer les parcs d’ouvrages est exposée et les différents BMS
existants sont décrits. Une critique des approches utilisées permet d’établir les besoins de
recherche et de fixer les objectifs de ce travail de recherche. Les bénéfices et la démarche
adoptée sont décrits.
Le chapitre 2 traite de l’établissement de l’état des ponts-routes en utilisant une approche
segmentielle. Une méthode de division des ponts-routes en éléments et en segments est
exposée en fonction des paramètres nécessaires à une prédiction de l’évolution de l’état avec
un modèle physico-chimique de détérioration. Ceux-ci peuvent être établis au cours des
inspections visuelles avec des méthodes d’auscultations non-destructive étudiés dans ce
chapitre. Finalement, la méthode est appliquée à un échantillon représentatif du réseau des
Routes Nationales Suisse et les mécanismes de détériorations sont identifiés.
La modélisation de la corrosion en présence de chlorures est faite au chapitre 3. Après une
description du mécanisme de détérioration, la pénétration des ions chlorures est modélisée et
simulée pour les ponts-routes, en tenant compte de la perméabilité du béton d’enrobage et de
l’exposition de la structure. Selon une approche probabiliste, l’initiation de la corrosion est
définie en fonction de la teneur en chlorures libres. L’évolution de probabilité d’initiation est
8 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

déterminée pour les segments des ponts-routes. Sur la base des résultats, une analyse est
effectuée pour prédire le temps d’initiation des ponts-routes existants et aussi pour établir des
recommandations pour la construction des nouveaux ouvrages. Finalement, la vitesse de
propagation de la corrosion est établie en fonction des propriétés des segments.
Au chapitre 4, la détérioration des ponts-routes est modélisé en utilisant les résultats obtenus
dans le chapitre précédent. La formulation sous forme de Markov est établie pour permettre
l’intégration du modèle de détérioration dans un logiciel de management en considérant
l’approche segmentielle du chapitre 2. La perméabilité du béton d’enrobage, l’exposition aux
sels de déverglaçage et l’épaisseur de l’enrobage en sont les principaux paramètres.
Au chapitre 5, des scénarios de ruine sont identifiés sur la base de l’analyse de l’échantillon
représentatif des ponts-routes. L’évolution de l’état des différents types de ponts est étudié
jusqu’à leur ruine. La durée de vie des ponts est analysée en fonction des la perméabilité du
béton d’enrobage et de l’exposition des segments. Sur la base de l’étude effectuée, les
éléments et les segments déterminants de chaque type de pont sont identifiés.
Finalement, les conclusions sont tirées dans le chapitre 6 au niveau des résultats de ce travail
de recherche ainsi qu’au niveau des projections pour les recherches futures dans le domaine.
Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 9

Chapitre 2

Etats des ponts-routes selon une approche


segmentielle

2.1 Introduction
L’objectif de ce chapitre est d’établir une méthodologie pour évaluer l’état de ponts-routes en
béton et de permettre de relever les données nécessaires à la prévision de l’évolution de leur
état. Comme exposé au chapitre 1, une démarche systématique est capitale pour le
développement d’un outil de gestion et de management performant.
Le contenu de ce chapitre est divisé en quatre sections :
• Approche segmentielle
Une méthode de division en éléments et en segments est proposée dans le cadre de
cette recherche. La séquence de division de la structure en éléments puis la subdivision
en segments sont présentés. Les paramètres nécessaires à l’évaluation de l’état du pont
et ceux pour la prévision de l’évolution de l’état sont déterminés.
• Méthodes d’auscultation non-destructives
Les méthodes d’auscultation non-destructives qui ont été utilisées dans le cadre de
cette recherche, pour déterminer les paramètres quantitatifs des propriétés des
matériaux, sont présentés.
• Application à l’échantillon représentatif
Le parc des routes nationales du canton de Vaud est décrit et un échantillon
représentatif est sélectionné. L’approche segmentielle développée est appliquée et les
observations effectuées in-situ sont décrites pour établir une évaluation de l’état du
parc des ponts-routes dans son ensemble.
• Mécanismes de détérioration
Sur la base des inspections de l’échantillon représentatif, les différents mécanismes de
détérioration observés sont évalués pour permettre d’identifier le mécanisme de
détérioration prépondérant de l’évolution de l’état des ponts en béton du parc des
routes nationales : la corrosion des armatures en présence de chlorures.
10 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

2.2 Approche segmentielle

2.2.1 Description de la méthode


Une approche segmentielle divise les ponts-routes en béton successivement en éléments
fonctionnels et structuraux puis en segments (figure 2.1). Dans le cadre de cette recherche,
une méthode de division est proposée (chapitre 2.2.2). Cette méthode utilise les paramètres
qualitatifs et quantitatifs qui sont nécessaires et utiles pour l’évaluation de l’état de l’ouvrage
et de l’évaluation de son évolution. Les paramètres pour chaque élément (ou segment) sont
établis par l’analyse des plans de construction de l’ouvrage, des observations visuelles in-situ
et des mesures effectuées avec des méthodes d’auscultation non-destructives in-situ selon le
besoin. L’objectif de la division de la méthode est d’établir des segments de même état qui
ont les mêmes propriétés, donc qui ont la même évolution de l’état.

Ouvrage

Perméabilité du béton Division en éléments fonctionnels et


d’enrobage structurels

Exposition

Propriétés géométriques
Division en segments
Défauts locaux

OBJECTIF
Evaluation de l’état et
prédiction de l’évolution de l’état

Figure 2.1 Méthode de division en éléments et en segments proposée


Pour une application spécifique aux ponts-routes en béton, trois types d’exposition au sel de
déverglaçage (chapitre 2.2.3) sont établis ainsi que trois classes de perméabilité du béton
d’enrobage (chapitre 2.2.4).

2.2.2 Division de ponts-routes en éléments et segments


Selon la méthode proposée, les ponts-routes sont divisés progressivement en éléments puis en
segments selon la démarche suivante :
• Tout d’abord, les ponts-routes sont divisés en éléments selon leurs matériaux et leurs
rôles dans la majorité des BMS et autres approches existantes (tableau 2.1). Les
éléments structuraux sont ceux qui ont un rôle au niveau de la sécurité structurale et
les éléments fonctionnels ceux qui ont un rôle au niveau de l’aptitude au service et de
la sécurité à l’exploitation (circulation).
Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 11

Rôle Eléments
Dalles de tablier (dalle, face supérieure, face inférieure et porte-à-faux)
Poutres et caissons
Entretoises
Structural
Piles, piliers et béquilles
Culées (murs de culée, murs en aile et murs en retour)
Fondations (semelles, pieux et tirants d’ancrage)
Bordures
Revêtement
Etanchéité
Fonctionnel
Joints (de dilatation et de raccord)
Appareils d’appui
Glissières
Tableau 2.1 Principaux éléments des ponts-routes.
• Les éléments en béton sont subdivisés en segments selon leurs propriétés
géométriques, les propriétés de leurs matériaux, leur exposition et leurs défauts locaux
relevés au cours d’inspections visuelles (tableau 2.2).
Critère Description
- Dimensions du béton
Propriétés géométriques - Aire et section de l’armature
- Epaisseur de l’enrobage
- Propriétés mécaniques telles que la résistance à la
traction et à la compression
Propriétés des matériaux
- Propriétés physiques telles que la perméabilité du
béton d’enrobage
- Exposition aux conditions météorologiques et aux
Exposition
agents agressifs tels que les sels de déverglaçage
- Défauts locaux (nids de gravier, manque d’enrobage,
Etat
etc.)

Tableau 2.2 Critères de division en segment.

Pour un ouvrage neuf, la première division des éléments en segments s’effectue sur la base
des plans et d’hypothèses concernant ses paramètres (exposition et épaisseur d’enrobage). Par
la suite, ainsi que pour les ouvrages existants, la division des éléments en segments est faite
sur la base des observations faites in-situ au cours des inspections principales.

La subdivision en segments proposée diffère des approches traditionnelles et des nouvelles


approches segmentielles développées aux Etats-Unis [HEARN_98] et [FRANGOPOL_99]). Dans
la méthode proposée, un élément est seulement subdivisé si une de ses parties a des
paramètres différents du reste de l’élément. Dans les autres approches, le pont-route est
subdivisé en de nombreux segments géométriques réguliers.
12 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Prenons l’exemple de la face inférieure du porte-à-faux d’une dalle d’un pont-caisson de


30 mètres qui a localement un manque d’enrobage de l’armature inférieure et des
efflorescences provenant de coulures. Selon la méthode proposée, le porte-à-faux est
subdivisé en 4 segments : un segment pour la zone avec un manque d’enrobage, un segment
pour la zone avec les coulures et deux segments pour le reste du pont (figure 2.2a). Les
dimensions de chaque segment doivent être définies. Selon les approches traditionnelles, le
porte-à-faux est subdivisé en 15 segments de 2m de long (figure 2.2b). Avec la méthode
proposée, la description de l’ouvrage est précise et contient moins de données, ce qui n’est
pas négligeable lorsque l’on doit relever les données au niveau d’un parc d’ouvrages. De plus,
lorsque la zone de coulures est à cheval entre deux segments et qu’il n’occupe que la moitié
des deux segments adjacents (figure 2.2b), il n’y a pas de problème pour déterminer les
paramètres de chaque segment avec la méthode proposée.
a) division selon la méthode proposée

Zone de coulures Zone de faible épaisseur d’enrobage

1 2 3 4

30 m

b) division traditionnelle en segments

Zone de coulures Zone de faible épaisseur d’enrobage

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15

Figure 2.2 Subdivision en segments d’un porte-à-faux (vue de dessous).

2.2.3 Exposition
Le principal mécanisme de détérioration des ponts-routes en Suisse est la corrosion due à la
présence de chlorures (chapitre 2.5). Pour cette raison, les éléments de l’ouvrage sont divisés
en segments selon leur exposition au sel de déverglaçage. Trois zones d’exposition types sont
identifiés :
• Directe
Les zones qui sont directement en contact avec l’eau salée de la chaussée, soit
notamment toutes les zones où de l’eau provenant de la chaussée peut s’écouler et
s’infiltrer.
• Eclaboussures
Les zones qui sont exposées aux projections émises par le passage des véhicules sur la
chaussée mouillée. Ces zones se situent jusqu’à une hauteur de 1 mètre 50.
Les zones qui sont exposées aux coulures (comme par exemple sur la face inférieure
d’un tablier suite à un défaut de goutte-pendante) et aux infiltrations avec des
Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 13

écoulements moins importants que les écoulements possibles au niveau des joints sont
également considérés comme exposés au type d’exposition « éclaboussures ».
• Brouillard
Les zones qui sont exposées aux fines gouttelettes mises en suspension dans l’air par
le passage des véhicules à grande vitesse et qui crée un brouillard salin. Ce brouillard
expose pratiquement tous les éléments et les segments de la structure de l’ouvrage.
Des exemples d’exposition des tabliers de ponts-routes sont représentés à la figure 2.2 et une
synthèse de l’exposition des éléments de ponts-routes est présentée dans le tableau 2.3.

Infiltrations
défaut de l’étanchéité ?

Mauvaise évacuation
des eaux ?

Coulures ?
Infiltration ?

Figure 2.2 Exemples d’exposition aux sels de déverglaçage

Exposition Eléments
Eléments soumis directement à l’eau de la chaussée
- Bordures
Directe - Face supérieure du tablier en cas d’infiltration (défaut
d’étanchéité)
- Eléments exposés suite à un système d’évacuation de
l’eau défectueux (culées, extrémités de poutres, etc.)
Eléments au bord de la chaussée
- Bordures
Eclaboussures - Piles, piliers et béquilles
- Face inférieure du tablier en cas de coulures et
d’infiltrations
Eléments dans l’environnement de la route
Brouillard salin
- Tous les autres éléments

Tableau 2.3 Exposition des éléments au sel de déverglaçage.


14 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

2.2.4 Perméabilité du béton d’enrobage


Le béton d’enrobage joue un rôle primordial dans les phénomènes de détérioration du béton
armé. C’est la couche (barrière) de protection du béton armé envers les agents extérieurs
agressifs tels que les ions chlorures et la carbonatation. Il est important de connaître la qualité
du béton d’enrobage, non seulement au niveau de la résistance, mais aussi au niveau de sa
perméabilité pour tous les phénomènes de transport. Il ne suffit pas de connaître la classe de
résistance d’un béton pour juger de la qualité de son enrobage. Le dosage en ciment, le type
de ciment, la granulométrie, la teneur en eau, le type de coffrage utilisé et surtout la cure ont
une grande influence sur la perméabilité de l’enrobage.
Pour déterminer la perméabilité du béton d’enrobage, il faut procéder à un essai. Une
inspection visuelle ne permet pas de juger de manière adéquate et quantitative la perméabilité
du béton. Dans le cadre de cette recherche, une méthode d’auscultation non-destructive a été
utilisée et appliquée (2.3.2).
Etant donné la grande variabilité spatiale de la perméabilité du béton d’enrobage observée in-
situ [ADEY_98 ET ROELFSTRA_00], trois classes de perméabilité du béton d’enrobage sont
proposées pour la division en éléments et segments par mesure de simplification afin de
pouvoir utiliser l’approche dans la pratique et notamment dans le cadre des BMS (tableau
2.4). La variabilité de la perméabilité du béton sera prise en compte dans la modélisation par
une approche probabiliste et une distribution des propriétés de transport (chapitre 3.3.6).
Classe de perméabilité du
béton d’enrobage
Bon
Moyen
Mauvais

Tableau 2.4 Classe de perméabilité du béton d’enrobage.

2.3 Méthodes d’auscultation non-destructives

2.3.1 Général
Le relevé de l’état des ponts-routes, par une inspection principale systématique et périodique,
est effectué dans la plupart des pays. Par exemple, aux Etats-Unis et en Suisse, une inspection
visuelle est faite respectivement tous les 2 ou 5 ans. Le compte-rendu de ces inspections est
uniformisé pour être introduit dans les BMS. A chaque élément d’ouvrage est attribué une
note qui correspond à sa condition d’état. Les manuels d’utilisateurs des BMS contiennent des
listes des conditions d’état avec une description et une photographie représentative de la
condition d’état [KUBA_98B].
Avec le développement du secteur de la maintenance des ouvrages, de nombreuses méthodes
d’auscultation non-destructives ont fait leur apparition. Elles ont l’avantage, par rapport aux
méthodes dites semi-destructives et aux méthodes destructives, de ne causer aucun dommage
à la structure et de pouvoir déterminer de manière simple et directe les mesures in-situ.
En effectuant quelques mesures à l’aide de méthodes d’auscultation non-destructives en
complément aux observations visuelles durant les inspections périodiques, des informations
utiles pour les modèles d’évolution de l’état peuvent être relevées. Dans le cadre de cette
Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 15

recherche, des méthodes d’auscultation pour mesurer la perméabilité du béton d’enrobage et


la position de l’armature ont été retenues. Ces méthodes permettent de déterminer rapidement
des paramètres importants pour la prévision de l’évolution de l’état de l’ouvrage (chapitre 3).
De nombreuses méthodes prometteuses sont actuellement en cours de développement et
mériteront certainement, dans un futur proche, d’être intégrées dans l’évaluation des ouvrages
existants. Parmi les principales méthodes et mesures, on peut citer le potentiel
électrochimique, le courant de corrosion [ELSENER_97], la résistivité [HUNKELER_97], les
capteurs de chlorures [FLÜCKIGER_97], l’impact écho [BUJARD_00] et le radar géodésique qui
permet de scanner en 3D le tablier du pont [ROBERT_97].
L’instrumentation des ouvrages, en les équipant avec des capteurs multiples, appelé
« monitoring », est en plein développement. En branchant les capteurs sur des stations de
mesure automatiques, il est possible de suivre l’évolution des propriétés de l’ouvrage en
temps réel. Actuellement, cette technique est tout à fait appropriée pour des nouveaux
ouvrages spéciaux (par exemple de conception nouvelle, avec des nouveaux matériaux ou de
grandes dimensions), mais elle s’avère onéreuse pour les parcs d’ouvrages existants. Il ne
s’agit pas de récolter aveuglément toutes les données possibles, mais d’établir les nécessités,
de peser l’ensemble des intérêts et d’investir les ressources financières à bon escient.

2.3.2 Mesure de perméabilité à l’air


2.3.2.1 Méthodes de mesure de la perméabilité
Différentes méthodes de mesure permettent de déterminer la perméabilité du béton
d’enrobage par des essais :
• Non-destructifs in situ :
o la méthode Torrent [TORRENT_93&95]
o à l’aide de tubes Kartens
• Semi-destructifs in-situ :
o la méthode Field Permeability Test (FPT) développée à l’université de Floride
[ARMAGHANI_93]
o la méthode Reinhardt-Mijnsbergen-Croes de l’université technique de Delft
[REINHARDT_89]
• En laboratoire sur des échantillons prélevés :
o la méthode du CEMBureau de perméabilité standardisée à l’oxygène [KOLLEK_89]
o l’adsorption capillaire [SIA_162/1]
o la porosité au mercure (MIP) [TORRENT_95]
2.3.2.2 Principe de la méthode Torrent
La méthode d’auscultation non-destructive développée par Torrent [TORRENT_95] a été
employée dans le cadre de cette recherche. Cette méthode détermine la perméabilité à l’air du
béton d’enrobage in-situ en faisant le vide dans une chambre placée à la surface du béton et en
mesurant la pression de l’air qui revient dans la chambre au bout de 12 minutes. Cette
méthode a l’avantage d’être simple à réaliser et de mesurer la perméabilité de l’enrobage
directement sur l’ouvrage sans l’altérer. L’inconvénient des mesures obtenues avec cette
méthode, ainsi que toutes les mesures de perméabilité faites in-situ, est qu’elles varient de
manière importante pour les fortes saturations en eau du béton. L’humidité du béton est
difficile à mesurer précisément in-situ, alors que pour un essai sur un échantillon en
16 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

laboratoire, l’échantillon peut être séché. Afin de palier à ce problème, les mesures ont été
effectuées sur les ponts après 2 à 3 jours sans précipitations et sans brouillard pour garantir un
béton d’enrobage avec une humidité inférieure à environ 70%.

2.3.2.3 Fonctionnement
L’appareil Torrent a deux chambres (figure 2.3) ; une chambre intérieure (∅ 32 mm) et une
chambre extérieure (∅ 86 mm). Le vide est créé dans la chambre intérieure avec une pompe
d’une capacité de 1.5 m3/h (figure 2.4). Une fois que le vide est presque atteint (pression
résiduelle d’environ 10-15 mbar), l’appareil mesure le retour de la pression dans la chambre
interne, Pi, par écoulement de l’air à travers le béton d’enrobage sur une période de temps qui
est au maximum de 12 minutes. Afin d’éliminer les effets de bords et de s’assurer que l’air
provient directement du béton sous la chambre intérieure, une chambre extérieure est utilisée.
Un pressostat contrôle électroniquement la pression dans la chambre externe, Po, afin qu’elle
soit égale à la pression dans la chambre interne. En faisant ainsi, l’hypothèse peut être faite
que l’air provenant de l’atmosphère et du béton environnant entre dans la chambre externe et
n’influence pas l’évolution de la pression de la chambre intérieure.

Pi

Po Po

Figure 2.3 Ecoulement de l’air à travers le béton dans l’appareil Torrent.

Pompe

Mesure de pression

Pressostat
Pressiostat

Chambres

Béton

Figure 2.4 Schéma de fonctionnement de l’appareil Torrent.


Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 17

2.3.2.4 Validation de la méthode


Etant donné que la méthode a été développée pour le contrôle de la qualité de nouveaux
bétons, nous avons effectué plusieurs campagnes de mesures in-situ et en laboratoire
[ADEY_98 et ROELFSTRA_00] en complément aux mesures effectuées, sur des bétons âgés, par
Torrent [TORRENT_95]. Elles nous ont permis d’établir que la mesure est répétitive et fiable
sur des bétons âgés in-situ pour autant que l’humidité du béton d’enrobage ne soit pas trop
importante.
Torrent a montré la corrélation des mesures avec celles obtenues avec les autres méthodes de
mesures [TORRENT_95]. Pour vérifier cette corrélation, nous avons effectué des mesures sur
un élément de pont âgé de 30 ans avec l’appareil Torrent. Ensuite nous avons prélevé 2
carottes aux endroits mesurés qui ont été envoyées au TFB à Nyon pour effectuer une mesure
de la perméabilité standardisée à l’oxygène (méthode du CEMBureau). La comparaison
relative des mesures (tableau 2.5) montre que le coefficient de Torrent et la perméabilité à
l’oxygène évoluent de la même manière. Les valeurs absolues mesurées selon les deux
méthodes correspondent aux valeurs obtenues par Torrent pour l’étude du béton âgé.
Coefficient de perméabilité Perméabilité à l’oxygène
Mesure
kT [10-12 m2/s] CEM-Bureau [10-16 m2]
1 3.6 5.0
2 0.6 1.9

Tableau 2.5 Mesures de la perméabilité à l’oxygène avec l’appareil Torrent et les mesures sur des
carottes avec la méthode du CEM-Bureau (effectuée par le TFB à Nyon).

2.3.2.5 Application et recommandations


Pour les 3 classes de perméabilité du béton d’enrobage qui ont été proposées (chapitre 2.2.4),
la relation avec le coefficient de Torrent kT est représenté dans le tableau 2.6. Une mesure in-
situ avec la méthode en complément à l’inspection visuelle permet ainsi d’établir la classe de
perméabilité.
Classe de béton Coefficient de perméabilité
d’enrobage kT [10-16 m2/s]
Bon < 0.2
Moyen 0.2 < … < 2.0
Mauvais > 2.0

Tableau 2.6 Classification de la perméabilité du béton en fonction du coefficient Torrent.


Plusieurs campagnes de mesures ont été effectuées sur les sept ouvrages sélectionnées de
l’échantillon représentatif (chapitre 2.4) ainsi que sur des échantillons prélevés et analysés au
laboratoire [ADEY_98 et ROELFSTRA_00]. Les campagnes de mesures ont permis d’établir au
niveau de la méthode de mesure que :
• L’installation nécessaire pour les mesures est réduite, bien qu’elle requiert l’apport
d’une génératrice pour alimenter la pompe à vide.
• L’ajout de rallonges sur les tuyaux permet une bonne maniabilité, mais il ne faut pas
oublier de recalibrer l’appareil si l’on change la longueur des tuyaux et/ou le nombre
de joints de raccordement.
18 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

• Il est possible de faire des mesures sur pratiquement toutes les surfaces, à l’exception
de certaines surfaces très rugueuses ou des surfaces présentant une importante
fissuration.
• Il est nécessaire de se rendre compte qu’une campagne de mesures prend plusieurs
heures pour un pont-route (une demi journée, voir une journée complète). L’idéal est
de bien identifier à l’avance les éléments et les segments dont on souhaite déterminer
la classe du béton d’enrobage. Plusieurs mesures sont nécessaires pour chaque
élément/segment et la durée de chaque mesure est de 12 minutes. Une telle campagne
de mesures est nécessaire une seule fois sur un pont existant et il serait bénéfique
d’effectuer les mesures progressivement sur l’ensemble du parc.
Au niveau des perméabilités du béton d’enrobage, les mesures mettent en évidence que :
• Il est possible d’établir la classe de perméabilité des différents éléments et segments
d’un pont à l’aide de l’appareil de mesure in-situ.
• La méthode permet d’identifier les segments (zones) qui ont une grande perméabilité
dont l’origine peut être une porosité plus importante, un lessivage de la surface, etc.
• Une grande dispersion spatiale des valeurs a été observée. Pour les segments, les
mesures montrent une distribution normale de la perméabilité avec une variance de
l’ordre de 25%.

2.3.3 Mesure de position de l’armature


De nombreux appareils commerciaux permettent de déterminer la position de l’armature dans
le béton et de mesurer le diamètre des armatures à l’aide d’ondes électromagnétiques. Dans le
cadre de cette recherche, un appareil commercial a été utilisé au cours des inspections in-situ
sur l’échantillon représentatif (chapitre 2.4) [ROELFSTRA_00]. La campagne de mesures a
permis d’établir au niveau de la méthode de mesure que :
• Une sonde ponctuelle permet de déterminer aisément et rapidement l’épaisseur de
l’enrobage sur l’ensemble d’un pont. L’utilisation d’appareils multi-sondes et de
sondes sur rouleaux développés pour des grandes surfaces planes s’avère, dans la
plupart des cas, compliquée et difficile à mettre en place sur les ponts-routes pour un
complément aux inspections visuelles.
• La détermination du diamètre des armatures est possible lorsque les armatures sont
distantes d’une quinzaine de centimètres. Dans les angles, les zones d’ancrages de la
précontrainte et les zones fortement armées, il a été impossible de mesurer le diamètre
des armatures.
• Les mesures sont effectuées rapidement et de manière aisée. Elles permettent d’établir
l’épaisseur de l’enrobage en complément à une inspection visuelle sans grands
investissements supplémentaires.
Au niveau des épaisseurs d’enrobage, les mesurent mettent en évidence que :
• Avec des écarteurs disposés correctement, la grande majorité des valeurs mesurées se
situe dans un intervalle de +/- 2 mm autour de la valeur souhaitée avec les écarteurs.
• Localement, des barres d’armature ont un enrobage plus faible suite à divers
problèmes tels qu’un nombre insuffisant d’écarteurs, une mauvaise fixation de
l’écarteur, un oubli d’écarteur, un écrasement d’écarteur, etc. Pour la plupart des
Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 19

éléments affectés, ce ne sont que quelques barres qui ont une faible épaisseur
d’enrobage (moins de 10 mm).
• Certains éléments sont plus sensibles aux problèmes de mise en place de l’armature et
l’on peut trouver des zones entières où l’armature a un faible enrobage. Les principaux
éléments touchés sont les éléments verticaux tels les piles, les béquilles et les murs,
ainsi que les faces horizontales inférieures tels la face inférieure des porte-à-faux et
des dalles.
• L’épaisseur de l’enrobage des étriers des ponts construits dans les années 60 et 70 a
été sous-dimensionné et le soin nécessaire à leur mise en place a été insuffisant. Les
étriers se retrouvent fréquemment très près des surfaces (moins de 15 mm, voir même
apparents) et des dégâts sont apparus ; selon la détérioration, on observe des fissures
en surface, des écaillages, des épaufrures et des étriers apparents corrodés.

2.4 Application à l’échantillon représentatif


2.4.1 Echantillon représentatif
2.4.1.1 Parc des ponts-routes
Le réseau des routes nationales dans les environs de Lausanne a été pris comme domaine
d’étude dans le cadre de cette recherche. Ce réseau a été construit en trois étapes distinctes :
• Lausanne – Genève (RN 1)
Ce tronçon est la première partie du réseau des routes nationales construit au début des
années 60 à l’occasion de l’exposition nationale de Lausanne en 1964. Il relie Genève
à Lausanne en suivant les bords du lac Léman au-dessus de la route cantonale et des
voies de chemin de fer. Le passage de nombreuses vallées (du Boiron, de l’Asse, de
l’Aubonne et de la Venoge) ont nécessité la construction de grands ponts. La RN 1 est
le principal axe est-ouest du réseau des routes nationales.
• Lausanne – Vevey (RN 9)
Ce tronçon a été construit au début des années 70. Il contourne la ville de Lausanne
par le nord et suit le lac Léman perché sur les hauteurs du Lavaux. Il traverse un
terrain vallonné qui a nécessité la construction d’ouvrages importants tels les ponts de
la Lutrive et le pont de la Bahyse ainsi que de nombreux tunnels. La RN 9 permet de
rejoindre le Valais et la capitale Berne par la RN 12.
• Lausanne – Yverdon (RN 1)
Ce tronçon a été construit au début des années 80 dans le prolongement du tronçon
Genève – Lausanne en direction du nord du canton de Vaud. La route nationale monte
sur le Gros de Vaud pour redescendre dans la plaine de l’Orbe à Chavornay. Le viaduc
de la Cornaz, qui enjambe le Talent, et les viaducs dans la plaine de l’Orbe sont les
ponts les plus imposants du tronçon.
Une classification, selon la fonction du pont (passage supérieur, passage inférieur et
pont/viaduc) et son genre (système statique), permet de décrire facilement les ponts, de
planifier la maintenance et d’obtenir une vision claire au niveau de l’ensemble du parc des
ouvrages. Par exemple, le remplacement d’un joint de dilatation sur un passage supérieur a
une toute autre importance que le remplacement d’un joint sur un pont de route nationale. De
20 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

plus, la fonction de l’ouvrage joue un rôle au niveau de l’exposition aux sels de


déverglaçage ; les béquilles d’un passage supérieur sont exposées aux éclaboussures dues au
passage des véhicules sur la route nationale (chapitre 2.2.3).
Sur les 3 tronçons des routes nationales, 236 ponts ont été construits selon les données des
ouvrages introduites dans KUBA-DB par le service des routes nationales du canton de Vaud.
Dans le tableau 2.7, les ponts sont classés selon leur fonction et leur genre. La grande majorité
des ponts est en béton armé (98%).
Lausanne - Lausanne – Lausanne -
Genre de pont Total
Genève Vevey Yverdon
Pont-poutre continu - - - -
Pont-poutre simple - - 1 1
Pont à béquilles - - - -
Passage Inférieur

Pont cadre 32 (2) 22 (2) 9 (2) 63 (6)


Pont dalle 5 4 - 9
Pont arc - - - -
Pont à poutre Gerber - - - -
Tranchée couverte 1 2 - 3
Ponceau à caisson ou tuyau - 1 4 5
Total 38 (2) 29 (2) 14 (2) 81 (6)
Pont-poutre continu 23 (1) 10 (1) 9 (1) 42 (3)
Pont-poutre simple 2 - 1 3
Pont à béquilles 16 (2) 6 (1) 12 (1) 34 (4)
Passage Supérieur

Pont cadre - 2 1 3
Pont dalle 2 5 - 7
Pont arc - - - -
Pont à poutre Gerber 1 - - 1
Tranchée couverte - - - -
Ponceau à caisson ou tuyau - - - -
Total 44 (3) 23 (2) 23 (2) 90 (7)
Pont-poutre continu 19 (2) 28 (2) 10 (2) 57 (6)
Pont-poutre simple - - 1 1
Pont à béquilles 1 - - 1
Ponts et Viaducs

Pont cadre 1 3 - 4
Pont dalle - - - -
Pont arc - 2 - 2
Pont à poutre Gerber - - - -
Tranchée couverte - - - -
Ponceau à caisson ou tuyau - - - -
Total 21 (2) 33 (2) 11 (2) 65 (6)
Total 103 (7) 85 (6) 48 (7) 236 (20)
Tableau 2.7 Nombre de ponts sur 3 tronçons des routes nationales autour de Lausanne (ponts
sélectionnés dans l’échantillon représentatif).
Les passages inférieurs représentent 34% des ponts, dont une grande majorité de ponts-cadres
(63/81). Les passages supérieurs représentent 38% des ponts, qui sont principalement des
ponts-continus (42/90) et des ponts à béquilles (34/90). Les ponts autoroutiers et les viaducs
représentent 27% des ponts, dont la plupart sont des ponts-poutres continus (57/65).
Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 21

2.4.1.2 Etablissement de l’échantillon représentatif


Pour étudier le parc des ponts des routes nationales, un échantillon représentatif de 20 ponts a
été déterminé, soit 8.5% du parc. La particularité du parc étant que chaque pont est un
prototype de conception unique, sauf pour certains passages supérieurs, la sélection a été
établie sur la base de la connaissance de l’ensemble du parc. Les critères de sélections sont :
• le tronçon de route nationale (année de construction)
• la fonction du pont (passage inférieur ou supérieur, pont autoroutier)
• le genre de pont (système statique)
• le type de tablier (dalle, section ouverte ou fermée)
Il est à noter que les ponts n’ont pas été sélectionnés spécifiquement selon leur état. Les 20
ponts ont été choisis selon leur fonction et leur genre ; un tiers des ponts par tronçon et un
tiers par fonction avec le type de tablier caractéristique (tableau 2.8).
Les six passages inférieurs sont des ponts-cadres avec des tabliers formés de dalles pleines.
Quatre passages supérieurs sont des ponts à béquilles avec tous les types de tablier et deux
passages supérieurs sont des poutres continues, l’un avec un tablier à section ouverte (avec
des poutres maîtresses) et l’autre avec un tablier à section fermée (avec caisson). Tous les
ponts et les viaducs ont des tabliers continus (ponts-poutres continus) dont trois avec des
tabliers à section ouverte et quatre avec des tabliers à section fermée.
Genre de pont (système statique)
Pont cadre Pont à béquilles Poutre continue

Dalle (pleine/évidée)
N° 1 / 6 / 8
N° 15
11 / 16 / 17
ou
Type de tablier (section)

Section ouverte
N° 4 / 12 / 13
N° 2 et 3
14 / 20

Section fermée
N° 5 / 7 / 10
N° 9
18 / 19

Tableau 2.8 Genre de pont et type de tablier.


22 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

2.4.2 Application de l’approche segmentielle


2.4.2.1 Inspections in-situ
Plusieurs inspections visuelles ont été effectuées in-situ sur les ponts pour effectuer un relevé
de l’état. Sur la base de ces inspections, sept ponts de l’échantillon ont été sélectionnés
(annexe A) pour effectuer des mesures d’auscultations non-destructrives :
• Deux séries de mesures de la perméabilité à l’air (chapitre 2.3.2) afin de déterminer la
classe de perméabilité du béton d’enrobage (chapitre 2.2.4).
• Des mesures de l’épaisseur de l’enrobage des armatures (chapitre 2.3.3).
• Des mesures avec le scléromètre pour détecter comparativement les zones avec un
béton de moindre résistance.
Les rapports d’inspections des sept ponts sélectionnés sont présentés dans le rapport de
l’Office fédéral des routes [ROELFSTRA_00].

2.4.2.2 Ponts-cadres (6 ouvrages de l’échantillon)


Les ponts-cadres constituent la grande majorité des passages inférieurs. Ce sont
principalement des structures massives avec un tablier-dalle épais en béton armé sans
précontrainte. Les portées les plus fréquentes vont de 6 à 12 mètres.
Ce genre de pont se décompose en éléments structuraux et fonctionnels suivants : dalle du
tablier, bordure, murs (piédroits), murs en retour ou en aile, fondations, talus, revêtement,
étanchéité, joints et glissières. Les principaux dégâts observés, au cours des inspections sur les
ponts avec leurs origines probables selon une subdivision en segments, sont reportés dans le
tableau 2.9 pour les éléments visibles. Dans la figure 2.5, les subdivisions en segments des
piédroits et de la face inférieure de la dalle de tablier sont représentées.

a) Face visible du piédroit b) Face inférieur de la dalle du


tablier

1 3 1 2 1 3 1 2
2 2

Segments types du piédroit : Segments types de la face inférieure de la dalle


1) Piédroit 1) Face inférieure
2) Extrémité 2) Extrémité de la dalle
3) Si observé, zone exposée par des 3) Si observé, zone exposée par des infiltrations
coulures ou des infiltrations
4) Si observé, zone exposée aux
éclaboussures

Figure 2.5 Segments types des piédroits et de la dalle du tablier.


Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 23

Elément Segments Dégâts observés Origine probable


Extrémités exposées aux coulures
d’eau provenant de la chaussée et Efflorescences, coulures, Défaut du système
aux intempéries fissuration, éclatement du d’évacuation de l’eau et
Dalle de tablier
béton et armatures corrosion en présence de
(fig. 2.5) Zones exposées aux infiltrations corrodées visibles chlorures
suite à un défaut de l’étanchéité
Autres surfaces - -
Extrémités exposées aux coulures
d’eau provenant de la chaussée et Efflorescences, coulures, Défaut du système
aux intempéries fissuration, éclatement du d’évacuation de l’eau et
béton et armatures corrosion en présence de
Zones exposées aux infiltrations corrodées visibles chlorures
Piédroits suite à un défaut de l’étanchéité
(fig. 2.5) Bas du piédroit exposé au Fissuration, éclatement du
Corrosion en présence de
éclaboussures provenant du passage béton et armatures
chlorures
des véhicules sous le passage inf. corrodées visibles
Le retrait et les
Autres surfaces Fissures
tassements différentiels
Murs en retour Subdivisés selon l’exposition
Identiques aux piédroits Identiques aux piédroits
ou en aile observée (notamment les coulures)
Corrosion en présence de
Localement : fissuration,
chlorures généralement
Subdivisées selon l’exposition éclatement du béton et
Bordures due à un faible enrobage
observée (notamment les coulures) armatures corrodées
(moins de 10 mm), gel-
visibles
dégel et retrait.
Revêtement - Pas observé -
Détérioration Infiltration d’eau,
Joints - (craquellement, perte exposition au soleil et
d’élasticité) usure
Déformations, impacts et
corrosion des parties Collisions de véhicules et
Glissières -
métalliques telles que les corrosion
vis de fixation
Légers tassements et
Talus - Déformations mineures
instabilités

Tableau 2.9 Eléments et segments visibles des ponts-cadres avec le relevé des dégâts observés et
leur origine probable.
24 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

2.4.2.3 Ponts à béquilles (4 ponts de l’échantillon)


Les ponts à béquilles sont principalement utilisés pour les passages supérieurs. Différents
types de tabliers précontraints sont utilisés : dalle évidée, section ouverte à plusieurs poutres
maîtresses et section fermée. Le système statique permet de franchir avec un grand
élancement les routes nationales avec une portée centrale de 25 à 40 mètres et des travées de
rive de 10 à 20 mètres.
Ce genre de pont se décompose en éléments structuraux et fonctionnels de la manière
suivante : tablier, bordure, béquilles avants, béquilles arrières, culées, fondations, talus,
revêtement, étanchéité, joints et glissières. Les principaux dégâts observés au cours des
inspections sur les ponts avec leurs origines probables selon une subdivision en segments sont
reportés dans le tableau 2.10 pour les éléments visibles. Dans la figure 2.6, les subdivisions en
segments de la face inférieure d’un tablier à section fermée (dalle) et à section ouverte
(poutres) sont représentées.
Elément Segments Dégâts observés Origine probable
Extrémités exposées aux coulures
d’eau provenant de la chaussée à
travers un joint défectueux Efflorescences, coulures, Défaut du système
fissuration, éclatement du d’évacuation de l’eau et
Tablier * Zones exposées aux infiltrations
béton et armatures corrosion en présence de
(fig. 2.6) suite à un défaut de l’étanchéité
corrodées visibles chlorures
Zones de bord (latéral) exposées
aux coulures et aux intempéries
Autres surfaces ** - -
Zones exposées aux coulures d’eau Défaut du système
Localement :
provenant de la chaussée et aux d’évacuation de l’eau et
efflorescences, coulures,
intempéries corrosion en présence de
Béquilles fissuration, éclatement du
chlorures dû à un faible
béton et armatures
Autres surfaces enrobage de certains
corrodées visibles
étriers (mois de 10 mm)
Subdivisées selon l’exposition Défaut du système
Culées Efflorescences et coulures
observée (notamment les coulures) d’évacuation de l’eau
Corrosion en présence de
Localement : fissuration,
chlorures généralement
éclatement du béton et
Bordures - due à un faible enrobage
armatures corrodées
(moins de 10 mm), gel-
visibles
dégel et retrait
Détérioration et Usure et évacuation de
Joints -
encrassement l’eau défectueux
Revêtement - Ornières, fissurations Usure, gel-dégel et eau
Déformations, impacts et
corrosion des parties Collisions de véhicules et
Glissières -
métalliques telles que les corrosion
vis de fixation
Légers tassements et
Talus - Déformations mineures
instabilités
* Division entre poutres et dalle du tablier dans le cas d’une section ouverte
** Subdivision possible selon les différentes faces du tablier
Tableau 2.10 Eléments et segments visibles des ponts à béquilles avec le relevé des dégâts observés
et leur origine probable.
Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 25

a) Face inférieure d’un tablier dalle

2 1 2
4

Segments types d’un tablier dalle :


1) Face inférieure du tablier
2) Extrémité du tablier
3) Si observé, zone exposée aux coulures
4) Si observé, zone exposée à des infiltrations

b) Face inférieure d’un tablier à section ouverte

4 3 6 4
2 1 2
4 3 4
2 1 5 2
4 3 4

Segments types d’un tablier à section ouverte :


1) Face inférieure de la dalle
2) Extrémité de la dalle
3) Poutre *
4) Extrémité poutre *
5) Si observé, zone de coulures
6) Si observé, zone avec des infiltrations
* les poutres peuvent être divisées en segments selon leurs faces (comme pour le
caisson montré dans la figure 2.8)

Figure 2.6 Segments types des tabliers de ponts à béquilles.


26 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

2.4.2.4 Ponts-poutres continus (10 ponts de l’échantillon)


Les ponts-poutres continus (ponts à tablier continu) constituent la majorité des ponts
autoroutiers et viaducs. Ils sont aussi utilisés pour les passages supérieurs lorsque le pont
traverse plusieurs voies de communication en même temps (train et/ou autre route) ou lorsque
la topographie de l’endroit empêche la construction d’un pont à béquilles (dans ce cas, une
pile intermédiaire est fréquemment utilisés sur la berne centrale). Comme pour les ponts à
béquilles, différents types de tabliers sont utilisés ; principalement les sections fermées avec
un caisson et les sections ouvertes avec deux poutres maîtresses. Les ponts ont une
précontrainte longitudinale et parfois une précontrainte transversale pour les grands porte-à-
faux. En moyenne, les portées sont de l’ordre de 30 à 40 mètres avec une hauteur constante et
peuvent atteindre des portées dépassant les cents mètres avec une hauteur variable.
Ce genre de pont se décompose en éléments structuraux et fonctionnels de la manière
suivante : tablier, bordure, piles (piliers ou palées), culées, fondations, talus, revêtement,
étanchéité, joints et glissières. Les principaux dégâts observés au cours des inspections sur les
ponts avec leurs origines probables, selon une subdivision en segments, sont reportés dans le
tableau 2.11 pour les éléments visibles. Dans la figure 2.7, la subdivision en segments types
d’un tablier en caisson est représentée.

Coupe transversale d’un tablier en caisson

8
1

2 3 2
9
5 4 4 5

7
Segments types d’un tablier en caisson :
1) Face supérieure de la dalle
2) Face inférieure du porte-à-faux
3) Face inférieure de la dalle en travée
4) Face interne de l’âme
5) Face extérieure de l’âme
6) Face supérieure de la dalle inférieure
7) Face inférieure de la dalle inférieure
8) Si observé, zone avec des infiltrations
9) Si observé, zone de coulures

Figure 2.7 Segments types d’un tablier en caisson


Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 27

Elément Segments Dégâts observés Origine probable


Défaut du système
Face inférieure du porte-à-faux
d’évacuation de l’eau et
exposée aux coulures provenant
corrosion en présence de
d’un défaut de la goutte-pendante
chlorures.
ou d’infiltrations
Le défaut de la goutte-
Efflorescences, coulures, pendante (au bord du
Face inférieure du porte-à-faux tablier) a souvent été
exposée aux coulures provenant fissuration, éclatement du
béton et armatures observé.
d’un défaut de la goutte-pendante
Tablier ou d’infiltrations corrodées visibles Les pipettes de
décompression utilisées
pour la pose de
Zones exposées aux infiltrations l’étanchéité sont des
suite à un défaut de l’étanchéité. voies d’infiltration sous
la dalle pour l’eau qui a
Zones d’extrémité aux joints pénétré à travers un
défaut de l’étanchéité.
Autres surfaces * - -
Zones exposées aux coulures d’eau Défaut du système
Localement :
provenant de la chaussée et aux d’évacuation de l’eau et
efflorescences, coulures,
intempéries corrosion en présence de
Piles ou palées fissuration, éclatement du
chlorures dû à un faible
béton et armatures
Autres surfaces enrobage de certains
corrodées visibles
étriers (mois de 10 mm).
Subdivisées selon l’exposition Défaut du système
Culées Efflorescences et coulures
observée (notamment les coulures) d’évacuation de l’eau
Corrosion en présence de
Localement : fissuration,
chlorures généralement
éclatement du béton et
Bordures - due à un faible enrobage
armatures corrodées
(moins de 10 mm), gel-
visibles
dégel et retrait.
Détérioration, corrosion et Usure et évacuation de
Joints -
encrassement l’eau défectueux
Revêtement - Pas observé -
Déformations, impacts et
corrosion des parties Collisions de véhicules et
Glissières -
métalliques telles que les corrosion
vis de fixation
Légers tassements et
Talus - Déformations mineures
instabilités
* Subdivision selon les différentes faces possible comme dans la figure 2.7.
Tableau 2.11 Eléments et segments visibles des pont-poutres continus avec le relevé des dégâts
observés et leur origine probable.
28 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

2.5 Mécanismes de détérioration


Les dégâts sur les ouvrages sont provoqués par des mécanismes de détérioration. L’étude des
dégâts observés a permis d’identifier les mécanismes actifs sur le parc des ponts des routes
nationales. Dans le tableau 2.12, les mécanismes sont répertoriés avec leurs dégâts observés,
leur vitesse de propagation, les principales observations et la fréquence des mécanismes.
L’analyse des mécanismes de détérioration, de leurs dégâts, de leur vitesse de propagation et
de leur fréquence, sur la base des observations faites in-situ sur l’échantillon représentatif du
parc des ponts-routes, permet d’identifier la corrosion des armatures en présence des chlorures
comme le mécanisme de détérioration prépondérant et déterminant. Ce phénomène est celui
qui conduit le plus rapidement à la formation de dégâts significatifs nécessitant une
intervention. Pour la prédiction de l’évolution de l’état, la corrosion en présence de chlorures
dicte l’évolution pour la grande majorité des segments de pont.
Dans l’ensemble, le parc des ponts du réseau des routes nationales du canton de Vaud est en
bon état. Généralement, les dégâts observés sont très localisés et n’engendrent pas de
problèmes au niveau de la sécurité structurale, de l’aptitude au service et de la sécurité à
l’exploitation (circulation).
La détérioration et l’usure des équipements (glissières, joints et système d’évacuation de
l’eau), du revêtement et de l’étanchéité ont été observés sur de nombreux ponts de
l’échantillon. Il est important de souligner que leur bon fonctionnement est essentiel pour
garantir la durée d’utilisation de l’ouvrage, car l’exposition de la structure porteuse est dictée
par l’état de l’équipement, du revêtement et de l’étanchéité. Une maintenance appropriée de
ceux-ci permet d’éviter la détérioration de la structure porteuse. Ainsi, il s’agit de leur porter
une attention particulière au cours des inspections et de prévoir rapidement leur entretien et
leur remplacement.
Chapitre 2 – Etats des ponts-routes selon une approche segmentielle 29

Mécanisme de Vitesse de Fréquence


Dégâts principaux Observations principales
détérioration propagation observée
De nombreux éléments sont
Diminution de la section
Corrosion due à exposés aux sels de déverglaçage
de l’armature (piqûres de
et des taches de corrosion
la présence de corrosion), fissuration, Rapide
provenant de corrosion sont
Tous les ponts
chlorures éclatement du béton
observables sur de nombreuses
d’enrobage
surfaces.
Diminution de la section
Corrosion due à de l’armature (corrosion
Actuellement seuls quelques
la généralisée), fissuration, Lente
millimètres sont carbonatés.
Tous les ponts
carbonatation éclatement du béton
d’enrobage
Sur les éléments secondaires ;
Rapide, notamment les bordures et
Fissuration, écaillage, Ponts avec un béton
Gel-dégel souvent 1er ancrages de barrière. Le
désagrégation gélif
hiver phénomène reste dans la plupart
des cas superficiel.
Dissolution, coulures et Lente, tend à se Fréquent mais généralement peu
Lessivage efflorescences stabiliser important.
Tous les ponts

Pas observée sur les surfaces en


Usure de la surface du béton ; peu de surfaces de béton
Très rare, plutôt pour
Erosion béton, écaillage, Lente en contact avec un écoulement
le sol de fondation
désagrégation du béton d’eau (les piles directement dans
l’eau sont rares).
Dû aux déformations entravées
lors de la prise du béton de
Sur les piédroits de
Fissuration traversante grands éléments et du retrait de
ponts-cadres
Stabilisé après séchage (murs des passages
Retrait quelques mois inférieurs, dalle des caissons).

Fréquemment dû à une mauvaise


Fissuration superficielle Tous les ponts
cure.

De quelques
Pas d’anomalie due au fluage
années à
Fluage Déformations différées observé sur les ponts de Cas particuliers
plusieurs
l’échantillon.
dizaines
Perte de force de
précontrainte, fissuration, Quelques Pas d’anomalie due à la
Relaxation Cas particuliers
augmentation des années relaxation observée.
déformations
Aucun dégât dû à la fatigue n’a
Fissuration des armatures
Quelques été observé à ce jour. Sensible :
Fatigue et du béton, augmentation
années dalle de roulement et
Cas particuliers
des déformations
précontrainte partielle.
Généralement, les tassements
Déformations Stabilisé après observés n’ont pas d’influence
imposées par Fissuration quelques sur la sécurité structurale, Cas rares
tassement années l’aptitude au service et la
durabilité.
Usure La plupart des équipements et
équipement et Usure Très rapide des revêtements montrent des Tous les ponts
revêtement signes d’usure.

Tableau 2.12 Analyse des mécanismes de détérioration.


30 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

2.6 Conclusions
En conclusion, l’approche segmentielle avec la méthode de division en segments proposée et
son application à l’échantillon de ponts du parc des routes nationales suisse permet d’établir
que :
• L’approche segmentielle avec la méthode de division en segments proposée est un
moyen efficace pour décrire l’état du pont au niveau des inspections visuelles et de
son implémentation dans un système de gestion (BMS). L’application à l’échantillon
représentatif montre que l’approche segmentielle est utilisable dans la pratique et peut
être intégrée dans les systèmes de gestion (BMS) en utilisant la division en éléments,
la subdivision en segments et la détermination leurs propriétés.
• La perméabilité et l’épaisseur du béton d’enrobage doivent être déterminées, par des
méthodes d’auscultation non-destructives en complément aux inspections visuelles,
pour établir les paramètres prédominants pour la prédiction de l’évolution de l’état
(chapitre 3).
• L’ensemble du parc des ponts du réseau des routes nationales du canton de Vaud est
en bon état. Seuls des dégâts locaux ont été observés qui ne mettent pas en cause la
sécurité structurale, l’aptitude au service et la sécurité à l’exploitation (circulation).
• Les équipements (notamment le système d’évacuation de l’eau), le revêtement et
l’étanchéité se détériorent rapidement. Une maintenance adéquate de ceux-ci permet
généralement de garantir une longue durée de vie pour la structure dans son ensemble.
• Des différents mécanismes de détérioration, la corrosion en présence de chlorures de
la structure en béton constitue le mécanisme de détérioration prépondérant du parc des
ponts des routes nationales.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 31

Chapitre 3

Modèle de détérioration pour la corrosion


des armatures

3.1 Introduction
La corrosion en présence de chlorures a été identifiée comme le mécanisme de détérioration
prépondérant pour les ponts du parc des ouvrages des routes nationales. Ainsi, le but de ce
chapitre est d’établir un modèle de détérioration de la corrosion en présence de chlorures qui
tient compte des phénomènes physiques et chimiques.
Le phénomène de la corrosion des armatures est expliqué dans le chapitre 3.2. La chimie du
mécanisme de corrosion en présence de chlorures, l’influence de la carbonatation ainsi que la
détérioration au niveau de la surface du béton et de la structure sont décrits. L’application aux
ponts-routes est faite avec une approche probabiliste présentée dans la figure 3.1. La
modélisation de la détérioration de la corrosion en présence de chlorures se déroule en trois
étapes :
• Un modèle numérique de pénétration des ions chlorures est développé dans le chapitre
3.3 pour une exposition réelle aux ions de chlorures provenant du sel de déverglaçage
répandu sur les routes. Le modèle est spécialement développé pour simuler une
exposition à des variations d’humidité et de teneur en chlorures de l’eau. Le modèle
est calibré avec des mesures et des essais tirés de la littérature. La pénétration des ions
chlorures est simulée avec les trois classes de perméabilité de béton d’enrobage et les
trois types d’exposition définis dans le chapitre 2.2 pour les ponts-routes.
• La corrosion commence au moment où les armatures sont dépassivées. Ce phénomène
se produit lorsqu’un taux critique est atteint au niveau des armatures. Dans le chapitre
3.4, la probabilité d’initiation (figure 3.1) est déterminée en fonction de la teneur en
chlorures sur la base de recherches dans la littérature et appliquée aux simulations de
pénétrations obtenues avec le modèle de pénétration des ions chlorures pour les ponts-
routes.
• La propagation de la corrosion, c’est-à-dire la perte de section des armatures, est
discutée dans le chapitre 3.5. Plusieurs modèles et mesures de pertes de sections
trouvés dans la littérature sont analysés pour établir une table de vitesses de
propagation de la corrosion en fonction de la perméabilité du béton d’enrobage et de
son exposition. Ces valeurs serviront de base à l’établissement de la simulation de la
dégradation du chapitre 4 et des scénarios de ruine du chapitre 5.
32 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Epaisseur d’enrobage
mesurée
densité de probabilité

Perméabilité
enrobage [mm]
mesurée

densité de probabilité Simulation de la Temps d’initiation


pénétration des chlorures Probabilité d’initiation

taux de chlorures
50 %
perméabilité kT [%/ cim.]
10 %

Exposition aux chlorures Temps [ans]


observée
enrobage [mm]
- Directe
- Eclaboussures Probabilité de
- Brouillard dépassivation

100 % Propagation de la
corrosion
0%
0.5 1 1.5 2 2.5

teneur en chlorures totale [%/ cim.]

Figure 3.1 Approche probabiliste de la détérioration utilisée pour l’application du modèle


développé aux ponts-routes.

3.2 Corrosion des armatures


3.2.1 Phénomène
L’acier des barres d’armature et de la précontrainte est protégé de la corrosion à l’intérieur du
béton. D’une part, la présence d’ions hydroxydes (OH-) suite à la réaction de prise du ciment
crée un environnement basique qui empêche la corrosion des barres d’armatures se propage.
Un micro-film (environ 10 nm) d’oxyde de fer se forme à la surface de l’armature et crée une
couche passive à l’interface entre l’acier et le béton [BREIT_97 et GONZALEZ_96]. L’action
protectrice de cette couche est essentiellement d’ordre électrochimique est garantie par
l’environnement basique (pH 13-14). D’autre part, l’enrobage de béton crée une barrière qui
retient l’eau et l’oxygène, car, pour que la corrosion commence, trois conditions doivent être
remplies(figure 3.2) :
1) La présence d’un électrolyte (par ex. de l’eau).
2) La présence d’oxygène.
3) La couche passivée doit être rompue (dépassivation). La rupture de la couche passive
peut être due à la carbonatation du béton ou à la présence d’ions chlorures.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 33

Oxygène Electrolyte
O2 (humidité)
CORROSION
DE
L’ARMATURE

Dépassivation
de l’acier
carbonatation / chlorures

Figure 3.2 Actions influençant la corrosion des armatures [J UNGWIRTH_86].


Le mécanisme de corrosion se décompose en deux phases distinctes représentées à la figure
3.3 :
1) La phase d’initiation : la teneur en ions chlorures augmente jusqu’à atteindre un taux
de chlorures critiques qui initie la corrosion.
2) La phase de propagation : la corrosion de la barre d’armature se propage.

Dommage
Etat limite

Vitesse de propagation

Temps

Initiation Propagation

Figure 3.3 Phases de la corrosion de l’armature en présence de chlorures [T UUTTI_82].

3.2.2 Corrosion en présence de chlorures


L’épandage de sel de déverglaçage sur les routes en hiver, notamment du chlorure de sodium
NaCl par froids ordinaires et du chlorure de calcium CaCl2 par grands froids, met la surface
du béton de la structure en contact avec des ions chlorures (Cl-) dissous dans l’eau. Ceux-ci
pénètrent dans le béton d’enrobage (chapitre 3.3) et leur présence diminue le pH de
l’environnement de la barre d’armature. Lorsqu’un certain taux d’ions chlorures est atteint,
appelé taux critique, la couche passivée devient instable, c’est-à-dire que la corrosion des
barres d’armature peut commencer (figure 3.2). Au niveau de la barre d’armature (figure 3.4),
une anode se forme par la réaction d’oxydation de l’acier qui est dissous :
Fe (solide) → Fe2+ (aqueuse) + 2e- (anode) éq. (3.1)
Les électrons produits par la réaction d’oxydation sont transportés par la barre d’armature et il
se forme une cathode, où la réduction de l’oxygène (dissous ou gazeux) conduit à la formation
d’ions d’hydroxyde par consommation des électrons formés à l’anode :
34 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

O2 (aqueuse ou gazeuse) + 2 H2O + 4e- → 4 OH- (aqueuse) (cathode) éq. (3.2)


Un champ de potentiel électrique se forme entre l’anode et la cathode. Le fer dissout à l’anode
réagit avec l’hydroxyde pour former de l’hydroxyde de fer :
Fe2+ (aq.) + 2 OH- (aq.) → 2 Fe(OH)2 (s.) (anode) éq.(3.3)
A partir de l’hydroxyde de fer, peuvent se former différents produits de la corrosion comme la
« rouille rouge hydratée » Fe(OH)3 par réaction avec l’oxygène et l’eau :
4 Fe(OH)2 (s.) + O2 (aq. ou g.) + 2 H2O → 4 Fe(OH)3 (s.) (anode) éq. (3.4)
et la « rouille rouge » par réaction avec l’eau si moins d’oxygène est présent :
4 Fe(OH)2 (s.) + O2 (aq. ou g.) → 2 Fe2O3 (s.) (anode) éq. (3.5)

H2O Cl- H2O


O2
O2

Cathode e- Anode e- Cathode

OH- OH-

Figure 3.4 Corrosion de l’armature en présence de chlorures.

L’anode se forme en principe à l’endroit où la concentration des chlorures est la plus élevée,
dans le cas d’un milieu homogène. Etant donné la grande disparité des propriétés des
matériaux et les défauts locaux possibles, la localisation de l’anode n’est pas aussi précise et a
donc un caractère plutôt aléatoire. En présence de fissuration, l’anode aura une forte tendance
à se localiser au niveau de la fissure. Selon [KELLER_91], le croisement d’armatures est aussi
un endroit préférentiel pour la formation de l’anode.
La cathode est généralement constituée par une zone autour de l’anode où sont consommés
les électrons produits par l’oxydation du fer à l’anode et transmis par l’armature. La cathode a
tendance à se localiser aux endroits avec une teneur en oxygène élevée et/ou avec une faible
teneur en ions hydroxydes. Une dynamique s’installe entre les électrons produits à l’anode
(équation 3.1) consommés à la cathode et les ions hydroxyde produits à la cathode.
Cependant, il n’est pas nécessaire que les ions hydroxydes proviennent de la cathode pour
entretenir la réaction à l’anode, car les ions hydroxydes sont présents dans le béton.

3.2.3 Carbonatation
La carbonatation du béton a une influence sur la corrosion en présence des chlorures qui est
traitée dans le chapitre 3.4. Le mécanisme de corrosion en présence de chlorures a été
identifié comme prépondérant dans le chapitre 2.5 par rapport aux autres mécanismes et
notamment à la corrosion due à la carbonatation. Ceci s’explique par le fait que la corrosion
en due à la carbonatation est un phénomène plus lent que la corrosion en présence de
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 35

chlorures, car : (1) il s’agit d’une corrosion généralisée et (2) la progression du front de
carbonatation est moins rapide que la pénétration des ions chlorures. Les observations faites
in-situ, sur l’échantillon des ponts-routes (chapitre 2.4.2) et sur divers éléments prélevés,
montrent que le front de carbonatation a seulement pénétré de quelques millimètres après
plusieurs dizaines d’années.
La carbonatation du béton est le résultat de la pénétration de gaz carbonique et d’eau dans le
béton. L’hydroxyde de calcium dissout (Ca(OH)2) réagit avec le gaz carbonique (CO2) en
présence d’eau pour former du carbonate de calcium (CaCO3) sous forme solide :
Ca(OH)2 (aqueuse) + CO2 → CaCO3 (solide) + H2O éq. (3.6)
Par la progression de la carbonatation, le pH de l’eau contenue dans les pores du béton
diminue et tombe en dessous de 10. Avec une telle valeur de pH, l’armature est dépassivée et
les réactions de corrosion de l’armature peuvent avoir lieu. La progression du front de
carbonatation est notamment influencée par la teneur en eau du béton, car le gaz carbonique
pénètre sous forme gazeuse et le remplissage des pores par l’eau obstrue le passage des gaz.
La formation et le dépôt du carbonate de calcium n’altère pas le béton en lui même. Le
CaCO3 crée un jointage des agrégats améliorant la résistance et diminuant la perméabilité du
béton.
La modélisation de la progression du front de progression est souvent faite de manière
simplifiée par les lois de la diffusion (lois de Fick). Pour une exposition constante, ainsi que
pour un coefficient de carbonatation D constant dans le temps et dans l’espace, l’équation 3.7
donne une solution exacte de la profondeur de carbonatation x en fonction du temps t :
x = D⋅ t éq. (3.7)
La solution ne tient pas compte de l’exposition réelle de la structure (variation de la teneur en
eau et de la température). Cependant, l’établissement d’un coefficient de diffusion, à partir
d’observations expérimentales ou faites in-situ, permet d’établir un pronostic simple et
empirique de l’évolution de la propagation du front de carbonatation qui est largement utilisé.

3.2.4 Détérioration
La corrosion des armatures génère une détérioration à deux niveaux :
• Au niveau de la surface du béton, les dégâts provoqués par la corrosion des
armatures sont dus aux pressions internes. Ces dernières sont créées par
l’augmentation de volume provenant de la formation des produits de la corrosion
(rouille) dans le cas de la corrosion généralisée, ce qui n’est pas forcément le cas avec
des piqûres localisées de corrosion. L’apparition des dégâts suit généralement
l’évolution suivante :
o apparition de taches de rouille à la surface provenant du transport des produits
de la corrosion par l’eau.
o formation de fissures au niveau de l’armature qui se propagent jusqu’à la
surface du béton.
o éclatement et désagrégation du béton d’enrobage. Les barres d’armatures
corrodées sont mises à nu.
• Au niveau du comportement de la structure, la corrosion des armatures est le
mécanisme qui a la plus grande influence parmi les mécanismes de détérioration
identifiés (chapitre 2.5). La perte de section des armatures modifie la sécurité
36 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

structurale et l’aptitude au service, car les armatures reprennent toutes les tractions
dans le béton. La perte de section des armatures peut entraîner :
o une diminution de la sécurité structurale pouvant conduire à la ruine de la
structure comme dans le cas des scénarios de ruine décrit dans le chapitre 5.
o une augmentation des déformations par la diminution de l’effort de
précontrainte et une diminution de la rigidité des sections.
o une fissuration par l’augmentation des efforts dans les barres d’armatures
intactes ou par la perte de l’effort normal de précontrainte.

3.3 Pénétration des chlorures

3.3.1 Général
Le transport des chlorures dissous dans l’eau est un phénomène complexe. Le béton est un
matériau hétérogène poreux avec une saturation en eau variable. Les mécanismes de transport
dans le béton font intervenir les forces physiques de gravité, de tension superficielle et
électromagnétiques d’une part et les réactions chimiques d’autre part. Dans le béton, les ions
chlorures sont transportés avant tout :
• par l’eau : les ions chlorures dissous sont entraînés par les mouvements de l’eau
• par la diffusion : les ions chlorures se déplacent dans l’eau pour égaliser le gradient
de concentration.
Dans le cadre de cette recherche, un modèle spécifique est développé pour simuler les
conditions d’exposition réelles (cycles d’humidité et de teneur en chlorures de l’eau) en tenant
compte de la perméabilité du béton d’enrobage.
De nombreuses recherches sur l’évolution des structures utilisent une approximation par la
modélisation de la pénétration des chlorures par la solution de l’équation de la diffusion sous
une exposition constante (chapitre 3.3.3.3) qui ne tient pas compte des phénomènes réels.
Dans le cadre de cette recherche, un modèle spécifique est développé pour simuler les
conditions d’exposition réelles (cycles d’humidité et de teneur en chlorures de l’eau) en tenant
compte de la perméabilité du béton d’enrobage.

3.3.2 Transport de l’eau

3.3.2.1 Introduction
Le transport de l’eau dans le béton s’effectue par divers mécanismes de transport en fonction
de la teneur en eau dans le béton et des conditions de bord [JOHANNESSON_98, JANZ_97 et
OBERBECK_95].
Pour un béton très sec (humidité relative < 25-40 %) avec des surfaces de pores complètement
sèches, une couche de molécules d’eau diffusée par vapeur d’eau vient se fixer à la surface
des pores pour former des couches d’eau liées [ROSE_65]. Avec une teneur en eau croissante,
ce phénomène de fixation de la vapeur d’eau à la surface des pores crée une superposition de
couches, qui forment des ménisques liquides (figure 3.5).
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 37

béton

vapeur d’eau

ménisque d’eau

Figure 3.5 Formation de ménisques dans le béton très sec sur la surface des pores.
Lorsque la surface des pores est recouverte de ménisques d’eau et que la pression de vapeur
de l’eau est suffisante à l’intérieur des pores (plus de 40%), il se produit la condensation
capillaire de l’eau. Ce dernier phénomène est la conséquence de la formation de surfaces
courbes dans les pores de différents diamètres qui sont maintenues en équilibre par la tension
superficielle et la pression hydrostatique appelée pression capillaire (figure 3.6).

béton
béton

eau Vapeur d’eau

ménisque d’eau

pression
capillaire

tension pression capillaire


superficielle

Figure 3.6 Equilibre et condensation capillaire de l’eau.


Pour une humidité relative au-dessus de 40%, la condensation capillaire est un phénomène
plus important que la fixation d’eau à la surface des pores. Par l’augmentation de l’épaisseur
des ménisques d’eau dans les pores, de plus en plus d’eau est sous forme liquide (libre) et
n’est plus liée à la surface. Ainsi, le transport de l’eau se fait de plus en plus sous forme
liquide par rapport à la diffusion de la vapeur d’eau (figure 3.6).
La relation entre la teneur en eau du béton (saturation) et l’humidité relative de l’air est
représentée à la figure 3.7 pour l’adsorption (augmentation de la quantité d’eau) et la
désorption (séchage). Cette relation représente l’équilibre, qui règne entre l’eau sous forme
liquide et sous forme gazeuse contenue dans le béton. Cette relation diffère selon le sens du
transport [BAZANT_71&86 et utilisé par SAETTA_93].
Les phénomènes de transport de l’eau, décrits jusqu’ici, font appel au transport par diffusion
de la vapeur d’eau. Lorsque la surface du béton est exposée à de l’eau sous forme liquide, il se
produit le phénomène de succion (adsorption) capillaire. L’énergie libre (énergie interne
moins la température fois l’entropie) de l’eau contenue dans les pores est plus faible que celle
de l’eau extérieure et un écoulement de l’eau tend à équilibrer cette différence (figure 3.8). La
moindre énergie libre de l’eau contenue dans les pores est la conséquence des surfaces
courbes entre les phases liquides et de vapeur.
38 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Saturation S l = w / w sat [-]


1
désorption
0.8

0.6

0.4
adsorption
0.2

0
0 20 40 60 80 100
Humidité relative h [%]

Figure 3.7 Saturation en fonction de l’humidité pour l’adsorption et de désorption selon


[BAZANT_71&86] et utilisé par [SAETTA_93]

σ
2⋅σ⋅cosθ
h= r⋅ρω⋅g
θ
h σ
r

Figure 3.8 Phénomène d’adsorption capillaire


La distribution des pores a une large influence sur l’adsorption capillaire. Johannesson a
montré que c’est d’abord le système formé par les grands pores reliés entre eux qui se remplit,
puis ensuite les petits pores à partir des grands pores par diffusion [JOHANNESSON_98]. Dans
le cas du séchage, l’eau quitte tout d’abord les grands pores par évaporation (diffusion de
vapeur) avant que les petits pores ne s’assèchent.
En résumé, l’eau contenue dans un béton non saturé tel qu’on le trouve pour une exposition
aux conditions climatiques et météorologiques des ponts routes, se trouve sous diverses
formes : fixée à la surface des parois des pores, sous forme liquide dans les petits pores et
sous forme liquide et de vapeur d’eau dans les grands pores. Les mécanismes de transport
sont d’une part la succion capillaire et d’autre part la diffusion de vapeur.

3.3.2.2 Modélisation
Plusieurs modèles complexes existent pour simuler le transport de l’eau en intégrant la
fixation de l’eau à la surface des pores, la condensation capillaire, la succion capillaire, la
phase liquide et la phase gazeuse de l’eau [JANZ_97, JOHANESSON_98, LUNK_98,
OBERBECK_95 et TANG_96]. Dans le cadre de ce travail, la modélisation du transport de l’eau
est simplifiée par un modèle de diffusion, mais en tenant compte de l’adsorption capillaire, de
la diffusion de vapeur et de deux types d’exposition :
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 39

• D’une part, pour une exposition à un air environnant avec une humidité relative
inférieure à 100%, le transport de l’eau sous forme gazeuse (vapeur) est modélisé pour
l’adsorption et la désorption (séchage) par les équations de la diffusion (lois de Fick).
Le coefficient de diffusion dépend de la température qui influence grandement la
pression de vapeur et le transport de la vapeur (chapitre 3.4.2.3).
• D’autre part, pour une exposition à de l’eau liquide, l’adsorption capillaire. Celle-ci
est régie par d’autres équations que celles de la diffusion. Cependant, dans le cadre de
ce travail, elle est modélisée par la diffusion en faisant varier le coefficient de
diffusion sur l’épaisseur du béton (chapitre 3.3.2.5). La distribution du coefficient sur
l’épaisseur sera calibrée afin d’obtenir des simulations similaires pour les variations
d’humidité considérées ; les durées de variation à la surface relativement courtes (de
quelques heures à quelques jours) et une humidité relative élevée (plus de 50% la
plupart du temps).
La fixation de l’eau à la surface des pores n’est pas considérée dans le cadre de ce travail, car
elle n’a qu’un rôle pour des teneurs en eau faibles qui sont largement dépassées pour les
expositions climatiques des ponts-routes (humidité relative> 50%).
La distinction entre l’eau capillaire et l’eau totale, telle qu’elle est décrite par Johannesson et
Lunk n’est pas considérée [JOHANNESSON_98 et LUNK_98]. En effet, dans les phénomènes
cycliques impliquant la succion capillaire, seul l’eau capillaire contenue dans les grands pores
a la possibilité de s’évaporer avant le début du prochain cycle, étant donné que l’eau contenue
dans les petits pores ne peut se déplacer que lorsque l’eau libre a quitté les pores capillaires.

3.3.2.3 Modèle de diffusion


Le modèle de transport, basé sur la deuxième loi de Fick (équation 3.8), décrit le transport de
l’eau par la diffusion de la masse d’eau. Le flux d’eau Jw est proportionnel au gradient de la
teneur en eau dw/dx.
dw
J w = − Dw ⋅ éq. (3.8)
dx
Le coefficient de diffusion de l’eau Dw varie en fonction de l’humidité h du béton pour tenir
compte des différents mécanismes de transport (équation 3.9) [BAZANT_71&86] selon
l’équation 3.9 :
 
 
 1−α0 
Dw = D100% ⋅ α 0 + 4
 éq. (3.9)
  1− h  
 1 +   
  1 − hc  
où hc est l’humidité à laquelle le coefficient de diffusion diminue de moitié entre le maximum
et le minimum. Le coefficient α0 représente le rapport entre D0% et D100%. Dans le cadre de
cette recherche, en se basant sur la recherche de [BAZANT_86], les valeurs suivantes ont été
utilisées : α0 = 0.05 et hc = 0.75 (figure 3.9). D’autres recherches ont montré diverses relations
similaires entre l’humidité relative et le coefficient de diffusion (notamment [LUNK_98]).
40 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

100%
Coefficient de diffusion D /D
0.8

0.6

0.4

0.2

0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
Humidité relative h [-]

Figure 3.9 Relation entre le coefficient de diffusion et l’humidité relative (α0 = 0.05 et hc = 0.75)
selon [BAZANT_71&86].

L’humidité relative est liée à la teneur en eau (saturation) selon les relations suivantes pour
l’adsorption et la désorption (figure 3.7, équations 3.10 et 3.11) [BAZANT_71&86 et
SAETTA_93]:
w = wsat · h désorption éq. (3.10)
w = wsat · h (1.16·h3 – 1.05·h2 – 0.11·h + 1) adsorption éq. (3.11)
où w est la teneur en eau en kg/m3, wsat est la teneur en eau évaporable et où h est l’humidité
relative.

3.3.2.4 Coefficient de diffusion


Pour une exposition aux conditions extérieures qui exclut le contact avec de l’eau sous forme
liquide, le transport de l’eau s’effectue par condensation capillaire et diffusion de la vapeur. Il
s’agit de l’adsorption pour une humidité relative de l’air extérieur inférieure à 100% et de la
désorption (séchage). Le coefficient de diffusion, pour les classes de perméabilité des bétons
d’enrobage décrite au chapitre 2.2.1, est indiqué dans la tableau 3.2. Ces valeurs ont été
établies d’après des essais effectués sur des bétons équivalents obtenus dans la littérature
[DELAGRAVE_96, DHIR_93, HALAMICKOVA_95] et celles employées dans les différents
modèles de transport [JANZ_97, JOHANESSON_98, LUNK_98, OBERBECK_95 et TANG_96].

Classe de Coefficient de
perméabilité du diffusion
béton d’enrobage Dw [10-12 m2/s]

A 60
B 130
C 200

Tableau 3.2 Coefficients de diffusion de la vapeur d’eau.

Le transport de l’eau, qui se fait principalement sous forme gazeuse à ce stade, est fortement
influencé par la température. Le coefficient de diffusion est lié à la température par la
relation :
E  1 1
 − 
Rw  To T 
DwT = Dw ⋅ e éq. (3.12)
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 41

où E est l’énergie d’activation (énergie minimale nécessaire qui permet le passage d’un stade
à l’autre), Rw la constante du gaz, To est la température à laquelle Dw a été déterminée et T la
température à laquelle le coefficient de diffusion DwT est calculé selon [SAETTA_93 et
TANG_96].

3.3.2.5 Adsorption capillaire


Comme exposé au chapitre 3.3.3.2, le transport de l’eau est modélisé dans le cadre de ce
travail par les lois de Fick pour la simplicité de la simulation numérique. Etant donné que ces
lois ne sont pas des équations exactes pour le phénomène d’adsorption capillaire (mais celles
de la diffusion), une relation est étudiée entre le coefficient de diffusion et l’adsorption
capillaire dans ce sous-chapitre. Sur la base de résultats d’essais et de simulations avec des
modèles complexes trouvés dans la littérature [JANZ_97, JOHANNESSON_98, LUNK_98,
OBERBECK_95 et TANG_96], une variation du coefficient de diffusion en fonction de
l’épaisseur d’enrobage est définie. La comparaison des résultats des simulations, obtenues
avec le modèle développé avec les essais et les modèles plus complexes, permet de valider la
définition de la variation du coefficient pour des variations d’humidité spécifiques à
l’exposition des ponts-routes ; des cycles relativement courts (quelques dizaines d’heures au
maximum) et une humidité relative de l’air élevée (plus de 50% la plupart du temps). Ainsi
les simulations donnent des résultats similaires et permettent de tenir compte de l’adsorption
capillaire.
Coefficient d’adsorption
Les essais d’adsorption capillaire effectués sur le béton ont établi que le phénomène peut être
décrit par la relation suivante :
m = A⋅ t éq. (3.13)
où m est la masse d’eau adsorbée et A le coefficient d’adsorption capillaire. Cependant, les
essais d’adsorption capillaire ont aussi montré que la relation avec t n’est pas exacte, mais
que la loi se rapproche plutôt d’une puissance 0.24 à 0.47 [LUNK_98]. Néanmoins, pour des
durées d’exposition courtes, la relation avec t est suffisante et fréquemment utilisée pour
décrire le coefficient d’adsorption capillaire. Pour la description de l’adsorption à long terme,
la puissance de la relation varie dans le temps, ce qui indique bien qu’à long terme et en
profondeur dans le béton, le transport s’effectue progressivement par diffusion de vapeur
d’eau.
Le coefficient d’adsorption est lié à la teneur en eau du béton. La recherche menée par Lunk
[LUNK_98] a conduit à exprimer le coefficient d’adsorption en fonction de la saturation
initiale de l’échantillon Sl,in, de la saturation maximale Sl,max, du coefficient de transport Kad ,
de la porosité ε, de la densité ρl et de la viscosité dynamique ηal :

ρ l  l , max 
S

A= ε ∫ (1 − 2 S l ,in ) K ad dS l  éq. (3.14)


η al  Sl ,ini 

Les recherches de Hall [HALL_89], sur des mortiers et des bétons, ont montré une relation
exponentielle entre le coefficient de transport et la saturation en eau :
Kad(Sl)= Ko,ad · exp(bad ·Sl) éq. (3.15)
42 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

En effectuant une intégrale de l’équation 3.14 en incluant la relation 3.15, il est possible de
déterminer le coefficient d’adsorption d’un béton initialement partiellement saturé à partir
d’un essai d’adsorption sur un échantillon séché (figure 3.10 et tableau 3.3).

Coef. d'adsorption
A [g/m 2s 1/2]
8.0
Classe de perméabilité
6.0
C
4.0
B

2.0 A

-
- 0.20 0.40 0.60 0.80 1.00

Saturation initiale [-]

Figure 3.10 Coefficients d’adsorption calculés (équations 3.14 et 3.15) en fonction de la


saturation initiale pour les trois qualités de béton d’enrobage.

Coefficient d’adsorption A
[g/m2s1/2]

Classe de perméabilité Saturation initiale du béton Sl,in


du béton d’enrobage 0% 60 % 80 %
A 2.5 1.4 0.8
B 4.5 2.5 1.5
C 6.5 3.7 2.1

Tableau 3.3 Coefficients d’adsorption des bétons d’enrobage en fonction de la saturation initiale
du béton (0%, 60% et 80%).
Cette relation est confirmée par les recherches de Janz [JANZ_97], qui montrent une
diminution du coefficient d’adsorption en fonction de la teneur en eau initiale win (figure
3.11).

Figure 3.11 Coefficient d’adsorption A, mesurés expérimentalement [JANZ_97] en fonction de la


teneur en eau initiale wi.n.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 43

Coefficient de diffusion uniforme


La simulation de l’adsorption capillaire obtenue avec le modèle de diffusion, en prenant un
coefficient uniforme sur l’épaisseur du béton et une saturation initiale de 60%
(win/wmax=0.60), conduit à une relation entre le coefficient de diffusion et le coefficient
d’adsorption à 24 heures représenté à la figure 3.12 et dans le tableau 3.4. La saturation de
60% correspond à la valeur minimale de la saturation du béton pour les expositions
climatiques telles que les conditions suisses considérées dans le cadre de ce travail (chapitre
3.3.4).

Coeff. diffusion
Coef. diffusion
-12 2
D [10 m2/s]
D ww [10-12m /s]

1.0E-07

1.0E-08

1.0E-09

1.0E-10

1.0E-11

1.0E-12
0 1 2 3 4 5
Coefficient d'adsorption A 24 [g/m 2s 1/2]

Figure 3.12 Coefficients de diffusion uniformes en fonction du coefficient d’adsorption à 24h pour
une saturation initiale de 60%.

Coefficient Coefficient de
Classe de d’adsorption diffusion
perméabilité du A24h Dw,uniforme
béton d’enrobage
[g/m2s1/2] [10-12 m2/s]
A 1.4 2’800
B 2.5 5’300
C 3.7 12’000

Tableau 3.4 Coefficients de diffusion en fonction des coefficients d’adsorption à 24h avec une
saturation initiale de 60% pour les classes de perméabilité du béton d’enrobage.

Les coefficients de diffusion uniformes trouvés (tableau 3.4) sont très élevés. Ils n’ont de sens
que dans les premiers millimètres du béton, où la porosité du béton est plus importante. Les
simulations d’adsorption avec le modèle et un coefficient uniforme ne sont pas exactes.
L’adsorption d’eau à long terme (plus de 24 h) est surestimée et l’adsorption à court terme
(moins de 24 h) est sous-estimée. Il est donc nécessaire d’établir une hypothèse de diminution
du coefficient de diffusion en fonction de l’épaisseur.
Coefficient de diffusion variable en fonction de l’épaisseur
Comme montré ci-dessus, l’utilisation d’un coefficient de diffusion uniforme n’est pas
adéquate pour modéliser l’adsorption capillaire. Il est donc nécessaire d’établir une variation
du coefficient de diffusion en fonction de l’épaisseur.
44 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Dans le cadre de ce travail, l’hypothèse est faite que la valeur du coefficient de diffusion est le
double du coefficient uniforme obtenu précédemment (tableau 3.4). Cette valeur diminue de
manière « linéaire logarithmique » jusqu’à une profondeur égale au double de la profondeur
atteinte par le front de l’eau au bout de 24 heures (figure 3.13).
1.0E-01

Coeff. diffusion Dw [10 -6m2/s]


Classe de
perméabilité
1.0E-02
C

B
1.0E-03
A

1.0E-04
0 10 20 30 40 50 60
Profondeur [mm]

Figure 3.13 Coefficient de diffusion en fonction de la profondeur pour les trois classes de
perméabilité de béton d’enrobage.
Classe de perméabilité A Classe de perméabilité B
1.0 1.0

0.9 0.9
Saturation [-]

Saturation [-]

0.8 0.8

0.7 0.7

0.6 0.6

0.5 0.5
0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100

Durée d'exposition: Profondeur [mm] Durée d'exposition: Prof ondeur [mm]

2h 4h 8h 24 h 48 h 72 h 2h 4h 8h 24 h 48 h 72 h

Classe de perméabilité C
1.0

0.9
Saturation [-]

0.8

0.7

0.6

0.5
0 20 40 60 80 100

Durée d'exposition: Profondeur [mm]

2h 4h 8h 24 h 48 h 72 h

Figures 3.14 Simulations d’essais d’adsorption avec un échantillon saturé initialement à 60% pour
les trois classes de perméabilité du béton d’enrobage.

Des essais d’adsorption capillaire sont simulés, avec le modèle développé, en prenant un
béton saturé initialement à 60% et un coefficient de diffusion variable. Les profils de
saturation obtenus sont représentés dans la figure 3.14. A partir des résultats des simulations,
la masse adsorbée ainsi que le coefficient d’adsorption correspondant sont déterminés (figure
3.15 et 3.16). Les résultats obtenus montre que :
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 45

• Le coefficient d’adsorption à 24 heures, qui sert de référence, est identique à celui


obtenu à partir d’une simulation avec un coefficient de diffusion uniforme
(tableau 3.4).
• Les profils de pénétration de l’eau obtenus sont similaires à ceux obtenus avec des
modèles plus complexes (notamment [LUNK_98]) et à des profils d’essais d’adsorption
pour les durées d’exposition des ponts-routes (quelques dizaines d’heures au
maximum).
• Les simulations à court terme (moins de 24 heures) et à long terme (plus de 24 heures)
sont améliorées par rapport à l’utilisation d’un coefficient uniforme. Il n’y a plus de
surestimation ni de sous-estimation parasite en fonction du temps d’exposition de
l’adsorption.
• L’évolution dans le temps de la pénétration de l’eau est similaire au comportement
observé dans les essais. La figure 3.15 montre que le coefficient d’adsorption varie en
fonction du temps pour la simulation des essais d’adsorption. Ceci indique une
déviation de la puissance t telle qu’elle a notamment été relevée par Lunk
[LUNK_98].
Ainsi, l’hypothèse de la variation du coefficient de diffusion permet de modéliser l’adsorption
capillaire par un modèle de diffusion. Les résultats obtenus sont similaires à ceux obtenus
avec des modèles plus complexes et avec des résultats d’essais, pour des variations
d’humidité spécifiques à l’exposition des ponts-routes ; des cycles relativement courts
(quelques dizaines d’heures au maximum) et une humidité relative de l’air élevée (plus de
50% la plupart du temps).
3.0 6.0
s 1/2]
2
]

2.5 5.0
2
Masse d'eau adsorbée [kg/m

Classe de
Coeff. d'adsorption A [g/m

Classe de
2.0 4.0 perméabilité :
perméabilité :

C
1.5 C 3.0

B B
1.0 2.0

A A
0.5 1.0

0.0 0.0
0 24 48 72 0 24 48 72
Te m ps [h] Tem ps [h]

Figure 3.15 Masse d’eau adsorbée Figure 3.16 Coefficient d’adsorption A


obtenue à partir de la simulation. obtenu à partir de la simulation.

Evolution des propriétés du béton


Dans le cadre de cette recherche, aucune variation temporelle des propriétés du béton n’a été
considérée :
• Les phénomènes du béton au « jeune âge » ont été négligés, car la première exposition
au sel de déverglaçage se fait en général plusieurs mois après le bétonnage et une
grande partie de l’hydratation du ciment a déjà eu lieu.
• Les phénomènes de « vieillissement » du béton n’ont pas été considérés. Il n’existe à
l’heure actuelle aucune recherche qui ait déterminé l’évolution des propriétés des
bétons d’enrobage pour des durées d’utilisation de structures telles que les ponts-
routes. Les observations, faites in-situ sur les ponts de l’échantillon, montrent que la
46 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

surface de béton devient plus poreuse par la perte d’éléments fins de ciment mal
hydratés (problème de cure, érosion, effet des variations de température, du
rayonnement solaire, etc.). Le béton de cœur devient, quant à lui, moins poreux par la
carbonatation et le remplissage (colmatage) des pores par la chaux.

3.3.3 Transport des chlorures

3.3.3.1 Introduction
De nombreux modèles de transport des ions chlorures ont été développés [FLÜCKIGER_96,
JOHANNESSON_98, LUNK_98, NAGESH_98, OBERBECK_95, SAETTA_93 et TANG_96]. Dans le
cadre de cette recherche, un modèle est développé sur la base de ceux-ci pour simuler
l’exposition réelle au sel de déverglaçage.
Les ions chlorures sont présents dans le béton sous deux formes distinctes. Une partie des ions
chlorures qui pénètrent dans le béton se lie chimiquement avec la pâte de ciment et l’autre est
dissoute dans l’eau (chapitre 3.3.3.2).
Le transport des ions chlorures libres s’effectue par deux mécanismes distincts qui sont
modélisés dans le chapitre 3.3.3.5 :
• Les chlorures se dissolvent dans l’eau pour équilibrer la concentration (chapitre
3.3.3.3).
• Les chlorures sont entraînés par les mouvement de l’eau (chapitre 3.3.3.4).

3.3.3.2 Chlorures libres et chlorures liés


La relation entre la concentration des chlorures liés (cs) à la pâte de ciment et les chlorures
libres (cf) dissous dans l’eau s’exprime par le coefficient γ :
cs
γ = éq. (3.16)
cf

Le rapport γ varie en fonction du temps et des propriétés du ciment. Dans son travail de
recherche, Lunk [LUNK_98] considère la vitesse de liaison dans le cas où le transport est
rapide comme c’est le cas dans la zone d’adsorption (premiers millimètres). Dans le cas de la
diffusion des chlorures (plus grande profondeur), Lunk a déterminé que la vitesse de la
réaction n’est pas à considérer. De nombreuses recherches sur la liaison des ions chlorures
[GUNKEL_89 et TANG_96] montrent que le rapport γ est compris entre 0.4 et 1.0. Des essais à
long terme, comme ceux de Johannesson [JOHANNESSON_98] et ceux de Mangat
[MANGAT_95], montrent que le rapport des chlorures libres et des chlorures liés varie en
fonction du temps dans la plage de rapports précités.
Actuellement, les propriétés des réactions chimiques et leur cinétique n’ont pas encore permis
d’établir des paramètres quantitatifs pour décrire de manière précise le phénomène de liaison
des ions chlorures. Ainsi, dans le cadre de ce travail, un rapport des chlorures liés par rapport
aux chlorures libres est fixé à 0.6, qui est une valeur fréquemment observée à long terme.
Aucune cinétique de la réaction chimique n’est considérée étant donné les grandes
incertitudes, les grandes dispersions des propriétés des matériaux et le manque de
connaissance actuel.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 47

3.3.3.3 Diffusion des ions chlorures dans l’eau


La diffusion des ions chlorures dans l’eau à l’intérieur du béton se formule comme pour la
diffusion de l’eau par la deuxième loi de Fick [CHATTERJI_95]. En considérant un coefficient
de diffusion uniforme, une teneur en chlorures initiale nulle et une exposition constante
l’équation 3.17 donne une solution de la loi de Fick :
  x 
C ( x, t ) = C o 1 − erf   éq. (3.17).
 
  2 D c 
t 
où Co est la teneur en ions chlorures à la surface de l’échantillon et C(x,t) la teneur à la
profondeur x au temps t en considérant le coefficient de diffusion des chlorures Dc.
Les résultats obtenus par des essais de pénétration de chlorures dans des bétons saturés
[ANDRADE_96, BREIT_98, DELAGRAVE_96, HALAMICKOVA_95, HORNAIN_95, KONIN_98,
MANGAT_94, NGALA_95, TORRENT_95 et TUMIDAJSKI_96] permettent d’obtenir le coefficient
de diffusion DCl des ions chlorures pour les catégories de béton d’enrobage (tableau 3.5).

Classe de Coefficient de diffusion


perméabilité des chlorures DCl
d’enrobage [10-12 m2/s]
A 6
B 13
C 20

Tableau 3.5 Coefficients de diffusions de chlorures DCl.

Bien que la solution de l’équation de diffusion (éq. 3.17) soit valable pour un béton saturé et
une exposition constante, elle est fréquemment utilisée pour prédire la pénétration des
chlorures dans des prédictions de détérioration [ENRIGHT_98, FRANGOPOL_99, PAULSSON_97,
STEWART_98B&C et THOFT_97]. Les coefficients de diffusion, des concentrations d’exposition
et des temps d’expositions employés sont établis sur la base de résultats d’essais ou
d’analyses statistiques de mesures sur les ouvrages. En utilisant cette solution, il n’est tenu
compte ni du transport des ions chlorures avec l’eau ni de l’exposition réelle de la structure.
La concentration au bord c0, le coefficient de diffusion DCl et le temps d’exposition n’ont plus
de liaison avec la réalité. Ainsi pour une prise en compte des phénomènes réels, un modèle
plus complexe doit être développé.

3.3.3.4 Transport des ions chlorures entraînés par l’eau


Le transport des ions chlorures entraînés par les mouvement de l’eau a été mis en évidence
par de nombreuses recherches (notamment [FLÜCKIGER_96, JOHANNESSON_98, KELLER_91 et
LUNK_98]. Les essais d’adsorption capillaire d’une solution salée montrent que le front de
pénétration des chlorures a un retard sur le front de pénétration de l’eau, comme démontré par
Lunk [LUNK_98]. Ceci s’explique par l’effet de filtre, la vitesse du transport, la composition
du ciment, le remplissage des pores et leur distribution. Lunk a établi une relation entre le
coefficient de pénétration B du front de pénétration (en mm/h1/2) et le coefficient de retard RCl
(figure 3.18). Le coefficient de retard est défini par :
xCl (t )
RCl = 1 − éq. (3.18)
x w (t )
48 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

où xCl(t) est la profondeur de pénétration du front des chlorures et xw(t) la profondeur de


pénétration de l’eau en fonction du temps.

1
zone I zone II zone III

Coef. de retard R [-]


0.75

0.5

0.25

0
- 5 10 15 20
Coef. pénétration B [mm/h1/2]

Figure 3.17 Coefficient de retard RCl en fonction du coefficient de pénétration B selon Lunk
[LUNK_98].

En utilisant l’équation de la pénétration avec le coefficient de pénétration B (éq. 3.19), une


relation peut être établie entre le coefficient de pénétration et le coefficient d’adsorption :
xw = B ⋅ t éq. (3.19)
A
B= éq. (3.20)
w⋅ ρ
où w est la teneur en eau du béton en m3/m3. L’équation 3.20 permet de déterminer les
coefficients de pénétration B pour les bétons des trois classes de perméabilité à partir du
coefficient d’adsorption A24h du tableau 3.4. Les coefficients de pénétration sont de 0.58, 1.04
et 1.54 mm/h0.5. Le coefficient de retard RCl correspondant à ces valeurs est de 0.7 (figure
3.11).

3.3.3.5 Modèle de transport des ions chlorures


Le transport des ions chlorures se formule selon l’équation suivante :
J Cl = − D ⋅ ∇C f éq. (3.21)
où Jcl est le flux de ions chlorures et Cf la teneur en chlorures libres. La condition de
conservation de la masse est donnée par :
C& t = −divJ Cl éq. (3.22)
où Ct est la teneur totale en chlorures par unité de volume du corps poreux (en kg/m3 de
béton). La teneur totale en ions chlorures est égal à la somme de la teneur en chlorures libres
Cf et en chlorures liés Cs :
Ct = C f + C s éq. (3.23)
La concentration des chlorures libres cf dans la solution (en kg/m3 de solution) est liée à la
teneur totale Cf et à la teneur en eau w en m3/m3 :
Cf = w⋅cf éq. (3.24)
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 49

En introduisant l’équation 3.23 et le rapport γ entre les chlorures libres et liés (éq. 3.16) dans
l’équation 3.22, on obtient :
Ct = w ⋅ c f + (1 − wsat ) ⋅ γ ⋅ c f éq. (3.25)
Etant donné les deux mécanismes de transport des ions chlorures, l’équation 3.21 peut se
formuler comme :
dw dc f
J Cl = − Dw ⋅ c f − DCl ⋅ w éq. (3.26)
dx dx
où le flux de ions chlorures JCl est égal à la somme du flux lié au transport des ions entraînés
par l’eau et le flux des ions qui se diffusent dans l’eau, Dw est le coefficients de diffusion de
l’eau et DCl le coefficient de diffusion des ions chlorures.

3.3.4 Exposition

3.3.4.1 Précipitations et humidité


L’exposition du béton, à l’humidité ambiante et à la pluie, joue un rôle capital dans les
mécanismes de transport de substances nocives dans le béton. La diffusion des ions dissous
dans l’eau (tels Cl- et OH-) augmente avec une teneur en eau plus élevée alors que la diffusion
des gaz contenus dans l’air (tels que CO2 et O2) diminue.
Les relevés de l’humidité relative de l’air et des précipitations de la station météorologique de
Pully, qui est la station de mesure automatique la plus proche de l’échantillon de ponts
sélectionnés, sont utilisés pour établir les conditions d’exposition (conditions de bord). Pour la
modélisation, des hypothèses ont été faites concernant les conditions permettant l’adsorption
capillaire, c’est-à-dire le contact de la surface avec de l’eau sous forme liquide. Un extrait des
conditions d’exposition est représenté à la figure 3.19. Pour les trois types d’exposition qui
ont été identifiées (chapitre 2.2.3), les conditions d’exposition pour les simulations, résumées
dans le tableau 3.6, sont les suivantes :
• Direct : Les conditions d’exposition sont égales à l’humidité relative de l’air lorsqu’il
ne pleut pas (transport par diffusion) et la surface est considérée en contact avec l’eau
lorsqu’il pleut (transport par l’adsorption capillaire). Lorsqu’il pleut durant la nuit,
l’hypothèse est faite que la surface est en contact avec l’eau jusqu’au matin, car la
chaussée reste humide parce qu’il n’y a pas de séchage dû au rayonnement solaire.
Les surfaces exposées suite à un défaut de l’étanchéité sont considérées avec une
exposition du type directe, bien qu’elles puissent être exposées plus longtemps
(séchage plus lent).
• Eclaboussures : Les conditions d’exposition sont égales à l’humidité relative de l’air
en absence de pluie et la surface est supposée en contact avec l’eau (sous forme
liquide) une heure après le début de la pluie. Ce délai d’une heure se justifie du point
de vue qu’une certaine quantité d’eau est nécessaire sur la chaussée pour qu’il y ait des
éclaboussures importantes et que le transport puisse se faire par adsorption capillaire.
L’exposition des surfaces avec des coulures et des infiltrations est considéré identique
à l’exposition du type éclaboussures.
• Brouillard : Les conditions d’exposition sont égales à l’humidité relative de l’air,
aucun contact avec de l’eau sous forme liquide n’est considéré.
50 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Exposition Durant les précipitations Par temps sec


Directe - Contact avec l’eau durant la pluie Humidité relative
- Contact avec l’eau durant toute la nuit avec pluie
Eclaboussures - Contact avec l’eau 1h après le début de la pluie Humidité relative
Brouillard - Humidité relative Humidité relative

Tableau 3.6 Conditions de bord (humidité) pour les simulations.

Hum idité Station de mesure de Pully


relative [%]
100
100% = Pluie
90

80

70

60

50

40
15/4/98 16/4/98 17/4/98 18/4/98 19/4/98 20/4/98 21/4/98 22/4/98

Figure 3.18 Extrait des conditions d’exposition pour le type d’exposition directe des pont-routes.

3.3.4.2 Chlorures
Les éléments sont soumis aux chlorures répandus sur la chaussée et dissolus dans l’eau
résultant des précipitations et de la fonte de la glace et de la neige. Malheureusement, à
l’heure actuelle, les données à disposition concernant le salage des routes nationales ne
donnent que le tonnage de sel répandu sur les routes sur une année complète (tableau 3.7 pour
le canton de Vaud). Ainsi pour déterminer l’exposition au sel de déverglaçage, l’approche
statistique suivante a été utilisée :
1) Sur la base des relevés météorologiques de la station de mesure automatique de Pully
de 1981 à 1998, pour chaque demi-jour (jour et nuit), la température minimale et le
total des précipitations sont déterminés.
2) Pour chaque année, la somme du nombre de demi-jours correspondant aux conditions
météorologiques, où l’on suppose que du sel de déverglaçage a été répandu, est
effectuée. Ces conditions météorologiques sont définies par une borne supérieure de la
température minimale et un total minimal des précipitations.
3) Les conditions météorologiques, donnant la meilleure corrélation entre le nombre de
demi-jours correspondants et le tonnage de sel répandu chaque année, est recherchée.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 51

Quantité de Quantité de
Année Année
sel [to] sel [to]
1981 4607 1990 2626
1982 2701 1991 1857
1983 3169 1992 1240
1984 5866 1993 2389
1985 5884 1994 1775
1986 6166 1995 5713
1987 2869 1996 4333
1988 3208 1997 2852
1989 741 1998 3011
Tableau 3.7 Quantités annuelles de sel répandus dans le canton de Vaud.
L’analyse des différentes combinaisons de conditions météorologiques a permis d’établir que
la meilleure corrélation (R2=0.69) est obtenue pour une température limite de 2.8°C (figure
3.20) et une mesure de précipitation (>0mm). Ces valeurs n’ont en fait aucune signification
réelle. Elles représentent seulement la température mesurée à la station de Pully qui donne la
meilleure corrélation avec le tonnage annuel de sel répandu. Cependant, elles ont un sens, car
la station météorologique de Pully est située à basse altitude au bord du lac Léman, qui
tempère les variations de température et où les conditions climatiques sont favorables. Ainsi,
il est raisonnable de considérer, dans l’ensemble du canton de Vaud, qu’avec une température
inférieure à 2.8°C mesurée à Pully, les conditions météorologiques dans le reste du canton
impliquent un salage des routes nationales (risque de gel important et précipitations sous
forme de neige).

R2=0.69
80
70
60
Nb de 1/2 jours

50
40
30
20
10
0
0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000
Quantité de sel [to]

Figure 3.19 Tonnage annuel de sel répandu sur les routes nationales du canton de Vaud et le
nombre de demi-jours (jour/nuit) avec une température minimale inférieure à 2.8°C et
des précipitations (station de Pully).
Il n’y a pas eu de véritables recherches sur la concentration des ions chlorures dans l’eau de la
chaussée des ponts-routes. Dans certaines études (notamment [LUNK_98 et TANG_96]), la
concentration des ions chlorures est considérée comme égale à environ 2% de Cl- soit 3% de
NaCl. Avec une telle valeur, les profils des ions chlorures calculés correspondent aux valeurs
mesurées effectivement sur les ouvrages. Une concentration de 2% correspond à une
température de fusion de –1.8°C selon [BORNAND_98].
52 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

En considérant que l’épandage se fait de manière uniforme sur le réseau vaudois, les demi-
jours de précipitations et de basses températures (37 demi-jours en moyenne), cela correspond
à une quantité de sel de 706 g/m2/an soit 19.1 g/m2/demi-jour. En supposant une concentration
de 2% de Cl-, comme Lunk l’a déterminé pour les routes nationales allemandes [LUNK_98],
cela revient à une épaisseur de la solution de 0.58 mm. Cette concentration des ions chlorures
sera considérée dans la suite de ce travail. Il s’agit d’une simplification de l’exposition réelle
qui se justifie au niveau des résultats obtenus. Cependant, si l’on considère la moyenne des
précipitations sur ces demi-jours qui est de 3.25 mm (par rapport aux 0.58 mm), la
concentration de la solution n’est que de 0.35%. Il est donc probable que le sel se dépose en
surface du béton et que l’eau s’écoule en surface sans entraîner tout le sel. Cette hypothèse se
vérifie par les observations faites de la surface des routes après le séchage ; la route est
blanche de sel.

3.3.4.3 Température
La température influence principalement le transport des gaz dans le béton. Le coefficient de
diffusion de la vapeur d’eau varie en fonction de la température. Hansen [HANSEN_99A] a
montré qu’en considérant un coefficient de diffusion moyen mensuel, le résultat différait peu
par rapport au résultat de simulations considérant des coefficients de diffusions variants tout
au long de la journée en fonction des températures. Ainsi, seul la température moyenne
mensuelle est considérée pour la simulation des conditions d’exposition (tableau 3.8).
En considérant une température moyenne mensuelle, la température du béton d’enrobage peut
être considérée comme uniforme. Le temps d’exposition est suffisamment long pour que
l’équilibre des températures s’installe et il n’y a ainsi pas besoin de simuler le transport de la
chaleur dans le béton pour obtenir un profil des températures.
Température Température
Mois Mois
[°C] [°C]
Janvier 2.2 Juillet 20.1
Février 2.8 Août 19.7
Mars 6.4 Septembre 15.8
Avril 9.3 Octobre 11.5
Mai 13.7 Novembre 6.1
Juin 16.9 Décembre 3.5
Tableau 3.8 Températures moyennes mensuelles (1981-1998 à Pully)
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 53

3.3.5 Modélisation numérique

3.3.5.1 Algorithme
La modélisation numérique unidirectionnelle (figure 3.20) a été effectuée à l’aide d’un
programme en Visual Basic. L’algorithme du modèle est représenté à la figure 3.21. Les
paramètres d’entrée du modèle sont à fournir dans un fichier qui est consulté depuis le
logiciel. Le temps est discrétisé et à chaque pas de temps, la teneur en ions chlorures en
fonction de la profondeur est déterminée en 3 étapes (figure 3.21). Les résultats de la
modélisation sont les diagrammes de teneur en eau, d’humidité relative, de la teneur totale en
chlorures et en chlorures libres en fonction de la profondeur.

Exposition
Précipitations et humidité
100

90

80

70
Elément de béton
60

50

40
15/4/98 16/4/98 17/4/98 18/4/98 19/4/98 20/4/98 21/4/98 22/4/98

Chlorures
1

0.8
Nœuds
0.6

0.4 Epaisseur de l’élément


0.2

0
14/1/98 28/1/98 11/2/98 25/2/98 11/3/98 25/3/98 8/4/98

Figure 3.20 Modélisation unidirectionnelle de l’élément de béton et l’exposition de sa surface.


54 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Données :
- Epaisseur de l’élément
- Nombre de nœuds
- Classe de perméabilité du béton
- Conditions initiales win. et Ci.n
- Durée et pas de temps
- Type d’exposition

Etape 1 : Transport de l’eau


- Calcul du coefficient de diffusion DwT
- Etablissement des équations
- Application des conditions de bord
- Résolution itérative è Convergence
- Résultat: w(x)

t=t+1
Etape 2 : Transport Cl - avec l’eau
- Etablissement des vitesses de l’eau et des
chlorures en chaque point
- Décalage de la concentration des chlorures
Affichage
valeurs

Etape 3 : Transport de Cl - par diffusion


- Calcul du coefficient de diffusion Dc
- Etablissement des équations
- Application des conditions de bord
- Résolution itérative è Convergence
- Résultat: C(x)

Résultats en fonction de la profondeur :


- Profil des ions chlorures libres
- Profil des ions chlorures totales
- Profil de l’humidité
- Profil de la teneur en eau

Figure 3.21 Algorithme du modèle numérique

3.3.5.2 Etape I : Transport de l’eau


Le transport de l’eau est modélisé par les équations de la diffusion (lois de Fick) qui sont
résolues numériquement de manière itérative, en imposant les conditions d’exposition
(précipitations et humidité relative). L’élément est divisé par un maillage uniforme. En
chaque nœud, le coefficient de diffusion est déterminé à chaque pas de temps pour tenir
compte des différents mécanismes de transport de l’eau (3.3.2.4) : d’une part l’adsorption
capillaire en cas d’exposition à de l’eau liquide (précipitations) et d’autre part la diffusion en
cas d’exposition à l’humidité relative (conditions sèches).
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 55

3.3.5.3 Etape II : Transport des chlorures avec l’eau


Dans le modèle numérique, l’équation 3.26 de transport des chlorures est résolue en deux
parties. Le premier terme de droite de l’équation représente le transport des ions chlorures
entraînés avec l’eau. Celui-ci est résolu par le décalage du diagramme des concentrations de
chlorures, en fonction de la profondeur, selon la méthode suivante :
1 Le diagramme de la teneur en eau a été déterminé dans la première étape, ce qui
permet d’établir la vitesse de déplacement de l’eau Vw en chaque nœud par :
dw
Vw = Dw ⋅ éq. (3.27)
dx
2 En introduisant le coefficient de retard RCl (3.3.3.4), la vitesse des chlorures libres
VClf est obtenue à partir de la vitesse de déplacement de l’eau Vw :
VClf = (1 − RCl ) ⋅ Vw éq. (3.28)
3 En chaque nœud, la distance de décalage de la concentration en chlorures libres est
obtenue en multipliant la vitesse par l’incrément de temps.
4 Finalement, la concentration est recalculée en chaque nœud du maillage par
interpolation linéaire à partir de la courbe décalée de la concentration en chlorures.

Chlorures libres

Variation de la concentration

Décalage à chaque nœud

Concentration décalée
Concentration au pas précédent

Nœuds / profondeur

Figure 3.22 Modélisation du transport des chlorures entraînés par l’eau.

3.3.5.4 Etape III : Transport des chlorures par diffusion dans l’eau
La diffusion est modélisée par le second terme de l’équation 3.25. Le transport des ions
chlorures par diffusion dans l’eau est résolu avec la même méthode numérique itérative que le
transport de l’eau (étape I).

3.3.6 Application du modèle aux ponts-routes

3.3.6.1 Hypothèses
Les diverses hypothèses faites pour l’application du modèle aux ponts-routes sont les
suivantes :
• L’exposition de la surface du béton est celle décrite dans le chapitre 3.3.4. Des
simulations sont effectuées pour les trois types d’exposition identifiés. Les valeurs
obtenues à partir des relevés météorologiques de la station de mesure automatique de
56 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Pully de 1981 à 1998 sont mises en boucle pour obtenir des valeurs pour la totalité de
la durée simulée.
• Le pas de temps considéré est de 1h et les simulations sont effectuées pour une durée
de 200 ans. Les valeurs obtenues avec les simulations à la fin de chaque année sont
mémorisées.
• L’élément est étudié sur une épaisseur de 100 mm avec un maillage de nœuds distants
de 1 mm. Des tests effectués avec le modèle ont montré, qu’avec ce maillage et le pas
de temps utilisé (une heure), les résultats sont similaires à ceux obtenus pour des
maillages plus fins (par exemple 0.1 mm).
• Le test de convergence pour la résolution itérative est rempli si l’écart entre la
nouvelle valeur calculée et l’ancienne valeur est inférieure à 0.005 kg/m3 pour la
teneur en eau et pour la teneur en chlorures.
• Au départ, le béton est saturé de manière uniforme à 80%, ce qui correspond à la
situation d’équilibre avec l’environnement.
• La teneur en eau évaporable maximale, wsat, est de 144 kg/m3 (0.144 m3/m3) pour les
trois classes de perméabilité du béton d’enrobage.
• Le coefficient de retard des chlorures RCl est de 0.7 pour les trois classes de béton
d’enrobage. Il est considéré comme constant dans le temps et sur l’ensemble de
l’élément.
• Les simulations sont effectuées pour les trois classes de perméabilité du béton
d’enrobage définies dans 2.3.2.3. Afin de tenir compte de la dispersion spatiale de la
perméabilité, des simulations sont effectuées pour 13 valeurs représentatives de la
distribution de chaque classe de perméabilité (figure 3.23). Sur la base des
observations faites in-situ (2.3.2.5), la perméabilité suit une loi normale avec une
variance de 25 %. Cette distribution est appliquée aux coefficients de diffusion de
l’eau (diffusion et adsorption capillaire) et des chlorures. Avec cette approche
probabiliste, les 13 simulations effectuées pour chaque classe de perméabilité du béton
d’enrobage permettent d’obtenir une distribution de la teneur en ions chlorures en
fonction du temps.
Classe de perméabilité B
Distribution
1
Loi normale

0.8

0.6

0.4 Echantillon
représentatif

0.2

0
0 5 10 15 20 25
Moyenne
Coefficient de diffusion
de l'eau D w [10 -12 m 2/s]

Figure 3.23 Distribution de l’échantillon de 13 valeurs pour représenter la distribution spatiale de


la perméabilité du béton d’enrobage. Exemple du coefficient de diffusion de l’eau Dw.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 57

3.3.6.2 Simulations avec le modèle


Comme exposé au point précédent, les simulations de pénétrations des ions chlorures ont été
effectuées pour les trois classes de perméabilité du béton d’enrobage (avec 13 valeurs
représentatives de la distribution de chaque classe) et les trois types d’exposition (directe,
éclaboussures et brouillard). Les résultats de la simulation de la teneur moyenne en chlorures
libres sont reproduites à la figure 3.24 et dans l’annexe B. Pour donner un ordre de grandeur
du temps de calcul nécessaire, chaque simulation sur 200 ans prend environ 1h30 sur un PC
PentiumII 266 MHz.
L’analyse des résultats des simulations met en évidence les points suivants :
• La classe de perméabilité a une grande influence sur la pénétration des ions chlorures.
Pour le béton de bonne classe de perméabilité, la pénétration des ions chlorures reste
au niveau de l’enrobage alors que pour un béton de classe de perméabilité C, les
chlorures pénètrent rapidement jusqu’à de grandes profondeurs.
• Le type d’exposition a une grande influence sur la pénétration des ions chlorures.
L’exposition directe et l’exposition aux éclaboussures sont plus agressifs que
l’exposition au brouillard salin. Cela s’explique par le fait que dans les deux premiers
cas, il y a un transport de l’eau par adsorption capillaire.
• L’effet des deux mécanismes de transport des ions chlorures peut être mis en
évidence :
o Le transport des ions par l’eau affecte surtout la zone de bord du béton
(environ les 15 premiers millimètres). Dans cette zone, les variations
cycliques rapides de l’humidité créent un important mouvement d’eau, qui
conduit à une forte pénétration des ions chlorures au cours des premières
années. La première partie des courbes de teneur en chlorures a une forme
bombée surtout pour les bétons de classe de perméabilité moyenne et
mauvaise.
o Plus en profondeur dans le béton, les variations d’humidité sont moins
prononcées et le transport des ions chlorures s’effectue surtout par diffusion.
La seconde partie des courbes de teneur en chlorures est de forme
asymptotique surtout pour l’exposition au brouillard salin où il n’y a pas
d’adsorption capillaire. La forme de la seconde partie des courbes est
similaire à celle obtenue avec la solution de la diffusion pour une exposition
constante (chapitre 3.3.3.3, éq. 3.17).
• Les irrégularités dans les diagrammes de pénétration proviennent :
o D’une part du fait que les valeurs sont celles mémorisées en fin d’année et
que lorsque le béton est sec en fin d’année, il peut contenir moins de
chlorures libres que s’il était plus humide.
o D’autre part, l’exposition est différente chaque année aussi bien au niveau de
l’humidité que des chlorures. En 1989, presque 9 fois moins de chlorures ont
été répandus qu’en 1986 (tableau 3.7).
• La distribution de la pénétration des chlorures obtenue avec la distribution des
coefficients de diffusion est grande comme le montrent les diagrammes de l’annexe B.
L’influence de la variation du coefficient de diffusion est très importante sur la
pénétration des chlorures et justifie l’utilisation d’une approche probabiliste telle que
celle utilisée dans le cadre de cette recherche. La variance de la teneur en chlorures
peut atteindre plusieurs dizaines de pourcents.
58 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

3) Classe de perméabilité C
2) Classe de perméabilité B
1) Classe de perméabilité A

Figure 3.24 Simulations des teneurs moyennes en chlorures libres en fonction de la profondeur.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 59

3.4 Initiation de la corrosion

3.4.1 Taux critique de chlorures


Selon des travaux récents, et des synthèses effectuées notamment par Breit [BREIT_97&98] et
Glass [GLASS_97], diverses valeurs peuvent être établies comme des valeurs caractéristiques
de l’initiation de la corrosion en présence de chlorures, soit :
• La teneur totale en ions chlorures : Cette teneur est considérée dans de nombreuses
recommandations comme une valeur représentative de l’initiation de la corrosion. Une
valeur de 0.4% par rapport au poids du ciment a été établie [RICHARTZ_69 et
SIA_162.051] comme une limite de dépassivation de l’acier. Cette valeur, largement
utilisée dans la pratique, est considérée comme très conservatrice et, dans de
nombreux cas, aucune corrosion n’a fait son apparition pour une telle teneur en
chlorures.
• La concentration en ions chlorures libres de la solution contenue dans les pores :
Cette concentration décrit les conditions d’exposition de la barre d’armature aux
chlorures. Des recherches [GLASS_97] ont montré que les chlorures liés n’ont pas
d’influence sur l’initiation de la corrosion, mais que ce sont bien les chlorures libres
dissous dans l’eau qui créent la dépassivation de l’acier et permettent l’initiation de la
corrosion.
• Le rapport des ions chlorures libres et des ions hydroxydes (Cl-f/OH-) : Ce rapport
décrit mieux que la teneur en chlorures libres les conditions d’exposition de la
structure, étant donné que les ions OH- créent la basicité du béton. Des recherches,
résumées dans [BREIT_97], montrent que l’initiation de la corrosion s’effectue pour un
rapport compris entre 0.3 et 1.0.
Dans le cadre de cette recherche, étant donné qu’il est difficile d’établir la teneur en ions
hydroxyde dans les pores, la teneur en chlorures libres de la solution est retenue pour définir
l’initiation de la corrosion.
L’étude de la littérature montre une grande dispersion du taux critique de chlorures. Ceci
provient, d’une part de la difficulté de déterminer exactement le début de l’initiation de la
corrosion, mais d’autre part surtout de l’influence des nombreux paramètres tels que
l’humidité, le dosage en ciment, le type de ciment, les adjuvants, la fumée de silice, les
propriétés chimiques des granulats, etc. L’état de l’interface entre le béton et l’acier (couche
passive) joue un rôle déterminant [BREIT_97 et GONZALEZ_96]. Ainsi, pour une application à
un parc de ponts, il a été choisi d’établir une probabilité d’initiation de la corrosion en
fonction de la teneur en chlorures libres.
La probabilité d’initiation de la corrosion a été déterminée sur la base de recherches et
d’essais trouvés dans la littérature. Parmi les références, on peut notamment citer [BREIT_98,
GLASS_97, HOFFMANN_96 et WEYERS_98]. La distribution de la probabilité d’initiation
établie suit une loi normale avec une moyenne de 0.4 % de chlorures libres/masse de ciment
et un écart-type de 0.15 (figure 3.25).
60 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Probailité d'initiation
de la corrosion [%]
100

80

60

40

20

0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
Teneur en chlorures libres
[%/m asse de cim ent]

Figure 3.25 Distribution de la probabilité d’initiation de la corrosion en fonction de la teneur en


chlorures libres.
Une étude effectuée en Angleterre a établi une courbe similaire [VASSIE_86] pour les ponts en
fonction de la teneur en chlorures totale. En rapportant les résultats à des valeurs de teneur en
chlorures libres (établis selon les mêmes paramètres que pour les bétons utilisés dans cette
recherche), la distribution a la même forme, mais les valeurs de probabilité d’initiation sont
plus élevées que celles retenues dans le cadre de cette étude.
La carbonatation, qui consomme des ions OH-, augmente le rapport (Cl-f/OH-) et a donc un
effet défavorable sur la corrosion en présence de chlorures (figure 3.26) [BREIT_97]. Dans les
bétons des ponts-routes observés in-situ, la carbonatation n’a souvent encore progressé que de
quelques millimètres et n’a pas encore atteint le niveau des armatures. De ce fait, l’influence
de la carbonatation est négligée dans le cadre de cette recherche. Néanmoins, dans les cas de
faibles enrobages (moins de 10 mm), la carbonatation a un effet.
Cl critique /ciment

Qualité décroissante

non carbonaté

½% carbonaté

Humidité
Toujours Toujours Toujours
sec humide saturé
< 50% ou manque
humidité fortes variations d’oxygène
relative

Figure 3.26 Influence de l’enrobage et de l’environnement sur la teneur en chlorures critiques


[BREIT_97]
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 61

3.4.2 Application du modèle aux ponts-routes

3.4.2.1 Simulations
L’évolution de la probabilité d’initiation de la corrosion des ponts-routes est déterminée sur la
base des résultats des simulations obtenues avec le modèle de pénétration des chlorures. La
probabilité est obtenue en calculant l’intersection entre la distribution des teneurs en chlorures
libres et la courbe de distribution de la probabilité d’initiation, selon le principe montré dans
la figure 3.1. Pour des épaisseurs d’enrobage variant de 10 à 50 mm, pour chaque classe de
perméabilité du béton d’enrobage et pour chaque type d’exposition, la probabilité d’initiation
est représentée dans la figures 3.28. Le dosage en ciment considéré est de 300 kg/m3.
Remarque : En ce qui concerne l’enrobage à retenir parmi une série de mesures effectuées
in-situ, c’est la valeur moyenne qui est nécessaire pour établir la probabilité d’initiation. En
effet, les mesures qui ont été effectuées in-situ, dans le cadre de cette recherche, ont montré
une petite variation de l’épaisseur d’enrobage (2.3.3). Avec la mise en place d’écarteurs,
l’enrobage varie symétriquement de plus ou moins 2 mm autour de la valeur moyenne. En
calculant la probabilité d’initiation pour une distribution d’épaisseurs d’enrobage, la valeur
obtenue est identique (moins de 1% d’écart) à celle obtenue en calculant la probabilité
d’initiation avec la valeur moyenne de l’enrobage (figure 3.27). Pourtant, dans le cas de barres
proches de la surface (moins de 10 mm) ou alors avec une grande dispersion, il convient
d’étudier le cas de l’enrobage minimal mesuré ou alors d’un fractile de l’épaisseur
d’enrobage.

Probailité d'initiation
de la corrosion [%]

100

80

60

40

20

0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
Distribution du taux de Taux de chlorures libres
chlorures libres obtenu à [%/m asse de cim ent]
partir de la distribution
Valeur moyenne
d'épaisseur d'enrobage

Figure 3.27 Représentation schématique de la probabilité d’initiation pour une distribution


d’épaisseur d’enrobage.
62 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

3) Classe de perméabilité C
2) Classe de perméabilité B
1) Classe de perméabilité A

Figure 3.28 Simulation de l’évolution de la probabilité d’initiation de la corrosion en fonction de


l’épaisseur d’enrobage.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 63

Sur la base des simulations de la probabilité d’initiation de la corrosion, il est possible


d’établir le temps nécessaire pour atteindre 10% de probabilité d’initiation de la corrosion ; le
fractile 10% (figure 3.28). Cette valeur est représentative de l’initiation de la corrosion car, en
ne choisissant pas une valeur extrême, l’influence du choix du type de distributions est
moindre. Dans la figure 3.30, le fractile 10% est déterminé pour une valeur ayant une
espérance de 1 et une variance de 25% selon une distribution normale. Si l’on fait l’hypothèse
que la fonction suit une loi lognormale, l’erreur relative sur le fractile 10% n’est que de 7%
(tableau 3.9), alors que l’influence du type de distribution est beaucoup plus importante pour
des fractiles plus petits, conduisant à une erreur de 103% pour un fractile de 1/1000.
Erreur relative
Fractile
[%]
10 % 7
2% 19
1 / 1’000 103
1 / 10’000 450

Tableau 3.9 Erreur relative sur le fractile entre une distribution normale et lognormale.

Le temps nécessaire pour atteindre le fractile 10% représente le temps pour que la corrosion
atteigne une barre d’armature par mètre avec un écartement de 100 mm ou les barres
d’armature d’un ouvrage sur 10 au niveau d’un parc d’ouvrages. Le fractile 10% est la valeur
qui est retenue pour établir le temps d’initiation des scénarios de ruine du chapitre 5. Il s’agit
d’un pourcentage de probabilité d’initiation qui n’est plus négligeable dans l’analyse d’une
situation de risque.
64 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

1) En fonction de la classe de perméabilité 2) En fonction du type d’exposition


Temps a) Classe de perméabilité A Temps a) Exposition directe
[années] [années]

100 100
Exposition Classe de perméabilité
80 80
Brouillard Eclaboussures A
60 60
Direct
40 40
B
20 20
C
0 0
0 10 20 30 40 50 0 10 20 30 40 50
Enrobage [mm] Enrobage [mm]

Temps b) Classe de perméabilité B Temps b) Exposition aux éclaboussures


[années] [années]

100 100
Exposition Classe de perméabilité
80 80
Brouillard A
60 60
Eclaboussures
40 40 B

Direct
20 20
C
0 0
0 10 20 30 40 50 0 10 20 30 40 50
Enrobage [mm] Enrobage [mm]

Temps c) Classe de perméabilité C Temps c) Exposition au brouillard


[années] [années]

100 100
Exposition Classe de perméabilité A
80 80
B
60 60
Brouillard C
40 40

20 Eclaboussures 20
D
0 0
0 10 20 30 40 50 0 10 20 30 40 50
Enrobage [mm] Enrobage [mm]

Figure 3.29 Temps nécessaire pour atteindre 10% de probabilité d’initiation (fractile 10%) pour
les classes de perméabilité du béton d’enrobage en fonction du type d’exposition.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 65

Probabilité [%]

20
Loi normale

15
Loi lognormale

10

0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
Fractiles 10% Valeur [-]

Figure 3.30 Fractile 10% et influence du type de distribution.

3.4.2.2 Analyse des résultats


La détermination des probabilités d’initiation représentées dans les figures 3.28 et 3.29
montre les aspects suivants :
• Les courbes obtenues montrent l’influence des paramètres qui ont été identifiés (classe
de perméabilité, épaisseur de l’enrobage et type d’exposition).
• Pour un béton d’enrobage de classe de perméabilité C, la probabilité d’initiation de la
corrosion est rapidement élevée, même avec de grandes épaisseurs d’enrobage.
• Pour un enrobage de moins de 15 mm, la probabilité d’initiation de la corrosion est
vite importante ; en quelques années, il y a 100% de probabilité d’initiation de la
corrosion et le fractile 10% est de moins de 20 ans dans tous les cas.
• Pour un enrobage de 25 mm, le fractile 10% varie de 10 à 60 ans selon la
perméabilité et l’exposition. Pour un béton d’enrobage avec une classe de perméabilité
A, le fractile 10% est de 60 ans pour une exposition au brouillard salin, mais cette
valeur passe à 26 ans dans le cas d’une exposition aux éclaboussures, montrant bien
l’influence des coulures.
• Pour un enrobage de 35 mm, un béton d’enrobage de classe de perméabilité A a des
fractiles 10% de 63, 78 et 109 ans pour l’exposition directe, aux éclaboussures et au
brouillard salin respectivement. Pour un béton d’enrobage de classe de perméabilité B,
les fractiles 10% sont de 13, 24 et 61 ans respectivement et pour un béton de classe de
perméabilité C 4, 7 et 41 ans. Ceci permet de conclure qu’avec un enrobage de
35 mm :
o Un béton d’enrobage de classe de perméabilité A garantit un temps d’initiation
de plus de 60 même dans le cas de l’exposition directe.
o Un béton d’enrobage de classe de perméabilité B est insuffisant pour
l’exposition aux éclaboussures et une exposition directe, ce qui est notamment
le cas avec les infiltrations et les coulures.
o Un béton d’enrobage de classe de perméabilité C n’offre qu’une faible
protection. Les temps d’initiation sont très courts. a durée est insuffisant pour
garantir une bonne durabilité avec une mauvaise classe de perméabilité du
béton
66 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

• Les paliers et discontinuités des courbes proviennent comme pour les simulations des
courbes de pénétration des ions chlorures du fait que la valeur de chlorures libres est
celle mémorisée à la fin de la simulation de chaque année et que chaque année est
différente au niveau de l’humidité et des chlorures appliqués (chapitre 3.3.6.2).

3.4.3 Ouvrages neufs


Sur la base des calculs de probabilité d’initiations de la corrosion et du fractile 10% (figures
3.30 et 3.31), il est possible d’établir une série d’observations et de recommandations pour les
ouvrages neufs :
• Un béton d’enrobage de classe de perméabilité A est nécessaire pour les surfaces
exposées aux expositions directes et aux éclaboussures sans protection de surface. Un
enrobage de 45 mm garantit un temps d’initiation de plus de 100 ans (fractile 10%) et
80 ans pour 40 mm.
• Pour une exposition au brouillard salin, un enrobage de 35 mm (enrobage requis dans
la norme [SIA_162]) avec un béton d’enrobage de classe de perméabilité A garantit un
temps d’initiation de plus de 100 ans (fractile 10%).
• Un béton d’enrobage de classe de perméabilité B ne garantit qu’un temps d’initiation
réduit, une protection de surface est à envisager si la surface est exposée directement
ou aux éclaboussures.
• Un béton d’enrobage de classe de perméabilité C ne garantit pas de protection
suffisante du béton d’enrobage si la surface est exposée à l’un des 3 types
d’exposition. Une protection de surface doit être appliquée sauf si l’enrobage est de
plus de 40 mm pour une exposition au brouillard salin.
• En portant une attention particulière à la qualité du béton d’enrobage, lors de la
construction, la durée d’utilisation de l’ouvrage est améliorée.

3.5 Propagation de la corrosion

3.5.1 Vitesse de corrosion


La corrosion en présence d’ions chlorures présentée au chapitre 3.3 est régi par les réactions à
l’anode et à la cathode. Pour que la corrosion soit entretenue, les réactions chimiques ne
doivent pas atteindre leur équilibre. Ainsi, pour que la corrosion se propage il est nécessaire
que :
1) la cathode et l’anode soient approvisionnées en oxygène dissout ou gazeux
2) l’anode soit approvisionnée en ions hydroxydes dissous
3) les ions hydroxydes formés à la cathode soient transportés ailleurs (vers l’anode et
diffusés dans l’ensemble du béton).
La vitesse de la propagation de la corrosion est dictée par le phénomène précité le plus lent
étant donné que les réactions sont liées entre elles. En déterminant la vitesse du phénomène le
plus lent, la vitesse de la corrosion est établie.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 67

Le phénomène qui dicte la vitesse de corrosion dépend de l’exposition de l’élément de


construction de la structure et des propriétés des matériaux. En analysant les processus qui se
produisent pour chaque phénomène, il est possible d’établir le processus déterminant :
1) L’approvisionnement en oxygène dissout et gazeux s’effectue depuis la surface par
transport sous forme dissolue dans l’eau et par diffusion sous forme gazeuse. Ce
processus peut être modélisé comme pour le transport de l’eau et des chlorures
(chapitre 3.4). Néanmoins, les paramètres régissant le transport de l’oxygène ainsi que
les hypothèses concernant la dissolution des ions oxygènes dans l’eau et le transport
de gaz dans un milieu poreux partiellement saturé sous une sollicitation cyclique
donneraient une grande dispersion dans les résultats et les rendraient difficilement
interprétable. Cependant, dans le cas d’expositions cycliques de la surface du béton
soumis aux conditions météorologiques, il peut être conclu que l’approvisionnement
en ions oxygènes est suffisant pour entretenir la réaction et que leur transport ne dicte
pas la vitesse de la propagation de la corrosion. Dans le cas de structures immergées
ou saturées en permanence, au contraire, la présence d’ions oxygènes dicte la vitesse
de la propagation.
2) L’approvisionnement de l’anode en ions hydroxydes est considéré comme déterminant
dans le cas de structures soumises aux conditions météorologiques [HANSEN_99B et
JOHANNESSON_98].
3) Les ions hydroxydes formés à la cathode sont transportés d’une part vers l’anode (2) et
d’autre part transportés et dissous dans l’eau « pure » qui est à la surface du béton. Ce
phénomène ne dicte en principe pas la vitesse de la propagation de la corrosion, car la
cathode est plus petite que l’anode et le mouvement de l’eau disperse les ions
hydroxydes dans des structures exposées aux conditions météorologiques extérieures.
Pour des structures exposées aux conditions météorologiques, l’approvisionnement en ions
hydroxydes de l’anode (2) est déterminant pour déterminer la vitesse de corrosion.
Johannesson [JOHANNESSON_98] a modélisé le transport des ions hydroxydes polarisés par
diffusion dans l’eau contenue dans le béton partiellement saturé en présence d’un champ
électrique. Ce phénomène est complexe et l’estimation d’un coefficient de diffusion est
difficile. Les ions hydroxydes sont transportés dans le système poreux et interagissent avec les
parois des pores et les ions présents dans la solution. Aucune valeur des paramètres n’est
donnée par Johannesson, qui se limite à la formulation théorique du modèle. Etant donné les
incertitudes qui règnent dans ce domaine, on se limite, dans le cadre de cette recherche, à
établir une vitesse de corrosion en fonction de la perméabilité du béton d’enrobage et de
l’exposition d’après des courants de corrosion mesurés et des essais de corrosion dans la
littérature (notamment [GONZALEZ_95]).
La corrosion est régie par l’équation de Faraday :
i ⋅t ⋅a
mcorr = éq. (3.29)
n⋅F
où mcorr est la masse qui a réagit, i le courant de densité, a la masse atomique, t le temps, F la
constante de Faraday et n le nombre d’échanges d’équivalents. Cette équation permet d’établir
la propagation de la corrosion à partir de mesures du courant de corrosion ou de simulations
effectuées avec des modèles électriques [HANSEN_99B] qui font intervenir la résistivité du
béton.
68 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Actuellement, l’état des recherches et des modèles permet d’établir l’influence relative des
paramètres sur la vitesse de propagation de la corrosion, mais ils ne permettent pas d’établir la
vitesse de corrosion de manière absolue et exacte. Les paramètres principaux sont :
• résistivité électrique du béton
• perméabilité du béton (diffusion des ions hydroxydes)
• l’humidité au niveau de l’armature
• l’exposition de la structure
• la température (dans une moindre mesure)
Dans le cadre de cette recherche, les vitesses de corrosion considérées sont basées sur des
mesures d’essais trouvées dans la littérature, notamment [GONZALEZ_95, BALBANIC_96 et
DHIR_94]. Les vitesses considérées sont de deux ordres :
• Pour une étude de la détérioration au niveau de la maintenance d’un réseau de ponts-
routes (chapitre 4), les vitesses de corrosion à considérer sont des vitesses de corrosion
généralisées. Cette corrosion provoque les dégâts sur la surface du béton qui
requièrent des interventions par rapport à la corrosion par piqûres qui ne génère pas
(ou peu) de dégâts à la surface.
• Pour l’étude au niveau de scénarios de ruine (chapitre 5), les piqûres de corrosion
locales sont considérées, car ce type de corrosion risque de réduire rapidement la
sécurité structurale et l’aptitude au service de toute la structure. La probabilité que ce
type de corrosion se produise n’est pas négligeable. Les conditions nécessaires pour
que cette corrosion se produise est une dépassivation très localisée de l’armature qui
conduit à la formation d’une petite anode et d’une grande cathode. Cette anode fournit
de nombreux ions OH- et consomme tous électrons produits à l’anode. Les vitesses de
corrosion sont dans les cas de piqûres de corrosion 4-10 fois supérieures
[GONZALEZ_95&98, BREIT_97 et ANDRADE_96].
Les vitesses de corrosion sont établies en fonction des différentes classes de perméabilité du
béton d’enrobage et du type d’exposition de la structure (tableaux 3.10 et 3.11) ; une vitesse
de corrosion généralisée de 0.004 mm/an correspondant environ à un courant de corrosion de
0.1 µA, 0.02 mm/an à 1 µA et 0.08 mm/an à 10 µA respectivement [GONZALEZ_95]. La
corrosion de la barre est supposée uniforme sur l’ensemble du périmètre ; le diamètre de la
barre diminue de deux fois la vitesse de corrosion.

Classe de Exposition
perméabilité du
béton d’enrobage Brouillard Eclaboussures Direct
d(t) dinit
A 0.004 0.02 0.02
B 0.004 0.02 0.02
C 0.02 0.08 0.08 d(t) = dinit – 2 · vcorr · tcorr.

Tableau 3.10 Vitesses de corrosion généralisées [mm/an] Figure 3.31 Propagation de la


en fonction de l’exposition et de la perméabilité. corrosion des barres d’armature.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 69

Classe de Exposition
perméabilité du
béton d’enrobage Brouillard Eclaboussures Direct

A 0.02 0.1 0.1


B 0.02 0.1 0.1
C 0.1 0.4 0.4

Tableau 3.11 Vitesses de corrosion par piqûres [mm/an] en fonction de l’exposition et de la


perméabilité du béton d’enrobage.

3.5.2 Perte de section


Les pertes de section dues à la corrosion généralisées et dues aux piqûres de corrosion sont
représentées dans le tableau 3.12 pour une barre d’armature de 16 mm de diamètre. Les pertes
indiquées dans les tableaux sont représentatives de changement de condition d’état établie au
chapitre 4.
Corrosion généralisée Piqûres de corrosion
Vitesses de propagation Vitesses de propagation
Perte de section
0.004 0.02 0.08 0.02 0.1 0.4
mm/an mm/an mm/an mm/an mm/an mm/an
50 µm de corrosion 13 2.5 0.6 2.5 0.5 0.1
10 % 103 21 5.1 21 4.1 1.0
25 % 268 54 13 54 11 2.7

Tableau 3.12 Temps de propagation de la corrosion [années] pour atteindre les pertes de section
pour une barre d’armature de 16 mm de diamètre.
La corrosion de la barre d’armature atteint rapidement un niveau très important pour des
vitesses de corrosion élevées et notamment pour les piqûres de corrosion. Le temps
d’initiation d’une telle corrosion sera déterminante pour établir la durée d’utilisation d’une
structure. Pour une vitesse de corrosion moyenne, plusieurs dizaines d’années sont
nécessaires pour que des pertes de sections significatives soient atteintes. Finalement dans les
cas de corrosion lente (généralisée), qui sont plus proches des vitesses de corrosion par
carbonatation du béton, les pertes de sections se font sur l’échelle de la durée d’utilisation
d’un ouvrage.
70 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

3.5.3 Cas de la précontrainte


Les câbles de précontraintes constituent un cas particulier par rapport à l’armature passive.
L’analyse des situations de risques [MATT_98] (figure 3.32) et des observations faites lors de
la démolition de passages supérieurs sur l’autoroute de contournement de Lausanne effectuée
en 1995 et 1996 [FREY_95 et BOURQUIN_96], conduit aux constatations suivantes :
• Au niveau de l’exposition:
Les torons du câble sont exposés à l’eau qui s’infiltre dans la gaine à la suite d’un
problème d’étanchéité, d’un endommagement ou de corrosion de la gaine. Les
observations ont montré que l’eau peut se déplacer longitudinalement dans la gaine.
L’eau s’accumule dans les cavités dues à des défauts d’injection, notamment aux
points hauts, aux points bas et au niveau des ancrages. Les pipettes d’injection et de
décompression peuvent être des chemins préférentiels de pénétration si ceux-ci n’ont
pas été suffisamment soignés.
• Au niveau de la propagation de la corrosion :
Dans les cavités et les zones avec des défauts d’injection, plusieurs (voire tous) les
torons peuvent être en contact direct avec de l’eau (contaminée). L’injection de ciment
ne protège pas l’acier par la création d’un environnement basique et d’une couche
passive. Dans ce cas, la corrosion risque de se propage sur toutes les surfaces de tous
les torons en même temps. Si la gaine est correctement injectée, la propagation de la
corrosion se produit comme dans le cas de l’armature passive en commençant par les
surfaces extérieures des torons de bord.

Figure 3.32 Situations de risque pour la précontrainte des ponts extrait de [MATT_98], coupes
longitudinales et transversale,.
Chapitre 3 – Modèle de détérioration pour la corrosion des armatures 71

3.6 Conclusions
Dans ce chapitre, le développement d’un modèle de la détérioration du béton armé par
corrosion de l’armature en présence de chlorures pour les ponts-routes, ainsi que l’étude des
résultats obtenus, montrent que :
• Le modèle de pénétration des chlorures permet de simuler l’exposition des ponts-
routes au sel de déverglaçage (variations d’humidité, précipitations, salage et
température). La simplicité et la rapidité du modèle numérique permettent de simuler
la pénétration des ions chlorures sur l’ensemble de la durée de vie d’un ouvrage, de
tenir compte des différents mécanismes de transport de l’eau et des chlorures, tout en
considérant la distribution spatiale de la perméabilité du béton d’enrobage. La
formulation du modèle permet une application spécifique aux ponts-routes en
considérant les trois classes de perméabilité et l’épaisseur du béton d’enrobage qui
peuvent être déterminés avec une méthode d’auscultation (chapitre 2.3) non-
destructive, ainsi que les trois types d’exposition qui ont été identifiés (chapitre 2.2.3).
• Une approche probabiliste a permis d’établir l’évolution de la probabilité d’initiation
de la corrosion et les vitesses de propagation en fonction de la perméabilité du béton
d’enrobage, de l’épaisseur de l’enrobage et de l’exposition. Les résultats serviront de
base à l’établissement de la détérioration (dégradation) des segments du chapitre 4 et
des scénarios de ruine du chapitre 5. L’analyse des temps a aussi permis d’établir des
recommandations pour la construction de nouveaux ponts.
• Les résultats et l’analyse de l’évolution de la probabilité d’initiation obtenus avec la
modélisation servent non seulement à la prédiction de l’évolution de l’état d’ouvrages
existants, mais permettent également d’établir des recommandations préventives pour
les ouvrages neufs (chapitre 3.4.3).
72 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton
Chapitre 4 - Dégradation de l’état et chaînes de Markov 73

Chapitre 4

Dégradation de l’état et chaînes de Markov

4.1 Introduction
L’objectif de ce chapitre est de formuler l’évolution de l’état des ponts-routes obtenue par le
modèle de détérioration du chapitre 3 sous une forme qui permette de l’intégrer dans les
BMSs. La formulation de l’évolution de l’état doit contenir les paramètres des segments
déterminés dans l’approche segmentielle (chapitre 2) et utiliser les chaînes de Markov qui
sont largement répandues dans les BMSs tels que KUBA-MS en Suisse.
Pour atteindre l’objectif, les conditions d’état pour les éléments en béton armé sont définies
dans le chapitre 4.2 telles qu’elles sont utilisées dans les BMSs. Leur relation avec la
probabilité d’initiation et la propagation de la corrosion est établie. La détérioration des ponts-
routes est simulée à partir des résultats du modèle du chapitre 3 sous la forme d’une
dégradation probabiliste de l’état. Une dégradation est une détérioration selon les conditions
d’état. Cette simulation a permis de déterminer trois vitesses de dégradation et trois conditions
d’évolution correspondantes : favorables, normales et défavorables. La classification des
simulations de la dégradation permet d’établir le lien entre les conditions d’évolution et les
propriétés des segments (l’exposition, la classe de perméabilité et l’épaisseur du béton
d’enrobage).
Ensuite, dans le chapitre 4.3, les principes et la théorie des chaînes de Markov sont exposés.
Pour les trois vitesses de dégradation, trois matrices de dégradation sont établies. Une variante
de l’établissement des matrices est proposée et finalement les conclusions sont apportées dans
le chapitre 4.4.

4.2 Dégradation de l’état


4.2.1 Conditions d’état
Différentes conditions d’état sont définies pour décrire l’état des éléments en béton. Dans
KUBA-MS, cinq conditions d’état sont utilisées. Elles sont identifiables de manière visuelle
et définies clairement par des photos et une description (tableau 4.1) dans le manuel
d’inspection [KUBA_98B]. Aujourd’hui, les observations visuelles constituent, les principales
sources d’information relevées aux cours des inspections principales. Elles servent de base
pour la collecte de données et d’évaluation. Il est donc important que les logiciels les utilisent.
Dans l’avenir, il est envisageable de compléter ces données par des informations provenant
d’une instrumentation de l’ouvrage (chapitre 2.3.1).
74 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Condition d’état Description


1 : bon Pas de dégât visible ; que de fines fissures superficielles ; pas de trace de
corrosion
2 : acceptable Taches de corrosion visibles et/ou écaillage local ; fines fissures dues à la
corrosion de l’armature et/ou zones humides ; dégâts mécaniques insignifiants
3 : endommagé Ecaillage avec armature visible, pertes de section insignifiantes, en moyenne
moins de 10% de l’armature visible ; fissures et/ou zones humides
4 : mauvais état Ecaillage avec armature visible, pertes de section significatives, en moyenne
plus de 10% d’armature visible et/ou piqûres de corrosion ; fissures et/ou zones
humides
5 : état alarmant La sécurité est mise en danger ; des mesures sont nécessaires avant la
prochaine inspection principale ; mesures urgentes

Tableau 4.1 Condition d’état des éléments en béton armé (comme définis dans KUBA-MS-TICINO
[KUBA_98B]).

4.2.2 Relation entre les conditions d’état et la corrosion


Pour établir l’évolution de l’état des éléments en béton armé selon une dégradation des
conditions d’état définies dans le tableau 4.1, il est nécessaire d’établir une relation
quantitative avec la probabilité d’initiation de la corrosion et la corrosion de la section des
armatures. Les transitions entre les conditions d’état sont représentées dans le tableau 4.2.
Transition Etat
CE 1 à CE 2 0.2 % Cl- libre/masse de ciment
CE 2 à CE 3 50 µm de corrosion de l’armature et fissuration du béton
CE 3 à CE 4 10 % de perte de section de l’armature
CE 4 à CE 5 25 % de perte de section de l’armature

Tableau 4.2 Transitions entre les conditions d’état.


La condition d’état 1 a été définie comme un état dans lequel la teneur en chlorures libres est
petite, de telle sorte que la probabilité d’initiation de la corrosion soit faible. Dans ces
conditions, il est fort probable que les barres d’armature ne soient pas corrodées et qu’aucun
dégât soit visible. Une limite de teneur en chlorures libres pour la transition de la condition
d’état 1 à la condition d’état 2 est fixée à 0.2% de teneur en chlorures libres/masse de ciment,
ce qui correspond à une probabilité d’initiation de la corrosion de 9.1% (chapitre 3.4).
La transition entre les conditions d’état 2 et 3 est fixée pour une corrosion conduisant à
l’ouverture de fissures à la surface du béton. D’une part, il faut que la corrosion ait été initiée,
et d’autre part, que la barre d’armature ait suffisamment corrodé pour que la fissuration se
propage jusqu’à la surface. Pour des enrobages de moins de 40 mm, une épaisseur de barre
corrodée de 50 µm d’armature corrodée, est une valeur moyenne conduisant à la propagation
des fissures jusqu’à la surface, selon les recherches de Hansen [HANSEN_99B] et Gonzalez
[GONZALEZ_95]. Dans le cadre de ce travail, on s’en tient à cette valeur moyenne. L’influence
des paramètres, tels que les propriétés mécaniques du béton, le diamètre de l’armature,
l’espacement des barres et l’épaisseur de l’enrobage [ALONSO_98], ne modifient pas de
manière significative le temps pour atteindre une propagation de la corrosion de quelques
dizaines de microns. Ce temps de propagation est petit par rapport à l’ensemble du processus
de détérioration (tableau 3.12).
Chapitre 4 - Dégradation de l’état et chaînes de Markov 75

La transition entre les conditions d’état 3 et 4 correspond à une perte de section de l’armature
de 10%. Cette limite a été fixée, car avec moins de 10% de perte de section, la diminution de
la résistance et le changement du comportement structural est insignifiant pour la plupart des
éléments en béton armé (chapitre 5).
La transition entre les conditions d’état 4 et 5 correspond à une perte de section de l’armature
de 25%. Pour une diminution de section de plus de 25%, la résistance et le comportement
structural de la majorité des éléments en béton se trouvent affectés au point de réduire de
manière significative les marges de sécurité et d’aptitude au service (chapitre 5)
correspondant à une situation qui requiert des mesures d’urgences [SIA_469].

4.2.3 Dégradation des ponts-routes

4.2.3.1 Simulation de la dégradation


Sur la base des résultats de l’évolution de la probabilité d’initiation (chapitre 3.4.2) et de la
vitesse de propagation de la corrosion (chapitre 3.5.1), la dégradation de l’état des ponts-
routes a été simulée selon les classes d’état définies au chapitre 4.2.1. Les simulations ont été
effectuées pour les trois classes de perméabilité du béton d’enrobage, les trois types
d’exposition et cinq épaisseurs d’enrobage (10, 20, 30, 40 et 50 mm). Une sélection des
résultats de la simulation de la dégradation est représentée dans la figure 4.1 sous la forme
utilisée dans les BMS. L’ensemble des résultats des simulations sont dans l’annexe C. Dans
les figures, sur l’axe des ordonnées, le pourcentage représente soit le pourcentage d’éléments
dans chaque classe d’état (par ex. le pourcentage d’éléments dans chaque classe d’état au
niveau d’un parc de ponts), soit la probabilité de se trouver dans la condition d’état (par
exemple la probabilité d’un élément d’être dans chaque condition d’état au niveau d’un pont).

Probabilité [%]
Classe A / direct / 40 mm Probabilité [%]
Classe A / direct / 30 mm
100% 100%
CE5 CE5
90% 90%
80% CE4 80% CE4
70% CE3 70% CE3
60% CE2 60% CE2
50% CE1 50% CE1
40% 40%
30% 30%
20% 20%
10% 10%
0% 0%
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Temps [années] Temps [années]

Probabilité [%]
Classe B / direct / 40 mm
100%
CE5
90%
80% CE4
70% CE3
60% CE2
50% CE1
40%
30%
20%
10%
0%
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Temps [années]

Figure 4.1 Diagrammes d’évolution de l’état obtenus avec les simulations en fonction de la classe de
perméabilité du béton d’enrobage, du type d’exposition et de l’épaisseur d’enrobage.
76 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Remarque : Les irrégularités des courbes d’évolution proviennent des discontinuités des
courbes de pénétration des chlorures (chapitre 3.4.2).

4.2.3.2 Vitesse de dégradation et conditions d’évolution


Pour une approche au niveau d’un parc de ponts-routes et afin de pouvoir implémenter
l’approche dans un Bridge Management System, l’ensemble des dégradations est classé selon
trois vitesses définies comme suit :
• Rapide : qui conduit à moins de 50% en conditions d’état 1 et 2 après 40 ans.
• Moyenne : qui conduit à moins de 50% en conditions d’état 1 et 2 après 80 ans.
• Lente : qui conduit à moins de 50% en conditions d’état 1 et 2 après 120 ans.
A chaque vitesse de dégradation correspondent des conditions d’évolution : favorables,
normales et défavorables. La comparaison et le regroupement des simulations de la
dégradation permettent d’établir les conditions d’évolution en fonction des propriétés des
segments (tableau 4.3).
Remarque : Pour la classification des dégradations de segments avec une grande vitesse de
propagation de la corrosion (0.08 mm/an), le rapport entre le temps d’initiation et le temps de
propagation est différent de celui des vitesses inférieures. Ainsi, pour la classification en
vitesses de dégradation des simulations, l’ensemble de la courbe de dégradation a été
considérée plutôt que les définitions ci-dessus basées sur les conditions d’état 1 et 2.
Conditions d’évolution
Béton Exposition Favorables Normales Défavorables
Brouillard - 50 mm 30 mm
Classe A Eclaboussures - - 50 mm
Direct - - -
Brouillard 45 mm 25 mm 15 mm
Classe B Eclaboussures 60 mm 30 mm 20 mm
Direct - 50 mm 40 mm
Brouillard 25 mm 15 mm 20 mm
Classe C Eclaboussures 35 mm 25 mm 20 mm
Direct 40 mm 30 mm 20-25 mm

Vitesse de dégradation Lente Normale Rapide

Tableau 4.3 Conditions d’évolution et vitesses de dégradation selon l’exposition, la classe de


perméabilité et l’épaisseur du béton d’enrobage.
Chapitre 4 - Dégradation de l’état et chaînes de Markov 77

4.2.3.3 Influence du diamètre de l’armature


Dans les simulations de la dégradation, un diamètre de l’armature de 16 mm a été considéré
pour limiter le nombre de paramètres et de simulations. Il s’agit d’un diamètre moyen des
barres que l’on trouve en surface des éléments des ponts-routes. La figure 4.2 montre
l’influence du diamètre des barres d’armatures et de la vitesse de corrosion sur les pertes de
section.
v corr = 0.08 mm/an vcorr = 0.02 mm/an
25
10 - 20
20
Perte de section [%]

10 12 14 16 18 20 diamètre [mm]
15

v corr = 0.004 mm/an


10

20-10
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Temps [années]

Figure 4.2 Perte de section de l’armature en fonction du diamètre de


l’armature et de la vitesse de corrosion.
L’influence du diamètre des barres d’armatures sur le temps de propagation de la corrosion
qui est nécessaire pour que 10% de la section soit corrodée (transition de la condition d’état 3
à la condition d’état 4) est la suivante :
• pour une vitesse de corrosion de 0.08 mm/an, le temps de propagation est de 4, 6 et 7
ans pour des barres d’un diamètre respectivement de 10, 16 et 20 mm.
• pour une vitesse de corrosion de 0.02 mm/an, le temps de propagation est de 13, 18 et
23 ans pour des barres d’un diamètre respectivement de 10, 16 et 20 mm.
• pour une vitesse de corrosion de 0.004 mm/an, les temps de propagation sont
supérieurs à 200 ans pour tous les diamètres de barres.
L’influence du diamètre des barres d’armature sur le temps de propagation de la corrosion qui
est nécessaire pour que 25% de la section soit corrodée (transition de la condition d’état 4 à la
condition d’état 5) est la suivante :
• pour une vitesse de corrosion de 0.08 mm/an, le temps de propagation est de 9, 12 et
14 ans pour des barres d’un diamètre de 10, 16 et 20 mm respectivement.
• pour une vitesse de corrosion de 0.02 mm/an, le temps de propagation est de 34, 54 et
67 ans pour des barres d’un diamètre de 10, 16 et 20 mm respectivement.
• pour une vitesse de corrosion de 0.004 mm/an, les temps de propagation sont
supérieurs à 200 ans pour tous les diamètres de barres.
On s’aperçoit que la vitesse de corrosion joue un rôle prépondérant dans l’évolution du
pourcentage de section perdue et que le diamètre de l’armature joue uniquement un rôle
secondaire. Le choix d’une barre d’un diamètre de 16 mm, pour établir la dégradation est une
simplification qui introduit une erreur acceptable au niveau des prévisions dans le cadre des
BMSs pour la transition de l’état 3 à 4 ; moins de 5 ans de différence pour des diamètres
78 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

compris entre 10 et 20 mm. Le seul problème est pour la transition de l’état 4 à 5 avec une
vitesse de corrosion de 0.02 mm/an, la différence peut atteindre 20 ans pour une barre d’un
diamètre de 10 mm. Cependant, la condition l’état 5 décrit un problème de sécurité
structurale, ce qui est rarement le cas avec des barres d’armatures de faible diamètre qui sont
souvent constructives.
En conclusion, pour des barres d’armatures d’un diamètre inférieur à 16 mm (comme les
étriers), les simulations surestiment légèrement le temps de propagation. Pour les barres
d’armatures d’un diamètre plus important, le temps de la propagation est sous-estimé de
quelques années et les prédictions sont du côté de la sécurité.

4.3 Chaînes de Markov


4.3.1 Principe
Les chaînes de Markov sont couramment utilisées dans la plupart des BMSs tels que PONTIS
[PONTIS_93A&B] et KUBA-MS [KUBA_98A&B]. Ils permettent de mettre en relation l’état
d’un ouvrage au temps t et l’ouvrage au temps t+1 par une matrice de détérioration (ou
dégradation) M selon l’équation 4.1. Cette méthode a l’avantage de pouvoir être implémentée
de manière aisée dans les logiciels.
X t +1 = M T × X t éq. (4.1)
Les dimensions xi du vecteur d’état X, d’un élément ou d’un ouvrage, sont les pourcentages
qui sont dans la condition d’état ou la probabilité d’être dans la condition d’état. Ainsi
l’équation 4.1 peut être formulée selon les conditions d’état :
T
CE1 :  x1  a11 a12 a13 a14 a15   x1 
  0  
CE 2 :  x2   a 22 a 23 a 24 a 25   x 2 
CE 3 : x  =  0 0 a33 a 34 a35  ×  x3  éq. (4.2)
 3    
CE 4 :  x4  0 0 0 a 44 a 45   x 4 
x  a55   x5  t
CE 5 :  5  t +1  0 0 0 0
où le vecteur de condition d’état Xt+1 au temps t+1 est obtenu en multipliant le vecteur de
condition d’état Xt au temps t par la matrice de dégradation M. Les pas de temps utilisés entre
les états sont le temps entre les inspections principales [SIA_469] sur les ouvrages (5 ans sur
le réseau des routes nationales suisses). Les coefficients de la matrice aij représentent le
pourcentage d’éléments qui passent de l’état i à l’état j entre deux pas de temps. La matrice de
dégradation est diagonale supérieure et la somme des coefficients de chaque ligne est égale à
un.

4.3.2 Matrices de dégradation


Dans le chapitre 4.2.3.2, les dégradations ont été classées selon trois vitesses. Pour chaque
vitesse de dégradation, une matrice est déterminée selon la méthode des moindres carrés.
Toutes les matrices possibles sont testées et la matrice donnant la plus petite somme des
carrés des écarts entre les prévisions obtenus avec la matrice et les simulations est retenue.
Les trois matrices obtenues sont représentées dans le tableau 4.4 et les profils de dégradation
correspondants dans la figure 4.3.
Chapitre 4 - Dégradation de l’état et chaînes de Markov 79

Les courbes d’évolution de la dégradation utilisées pour l’établissement des matrices de


dégradation sont celles représentées dans la figure 4.1 (lente : béton/direct/40mm, moyenne :
bon/direct/30mm et rapide : moyen/direct/40mm).

La période pour laquelle les matrices sont optimisées est de 200 ans pour la dégradation lente
avec des conditions d’évolution favorables, 150 ans pour la dégradation moyenne avec des
conditions d’évolution normales et 100 ans pour la dégradation rapide avec des conditions
d’évolution défavorables. Cette période correspond au temps pour que plus de 50 % ait atteint
la condition d’état 5.
Conditions favorables Conditions normales Conditions défavorables
0.94 0.08 0 0 0 0.87 0.13 0 0 0 0.76 0.24 0 0 0
0 0.97 0.03 0 0 0 0.90 0.10 0 0 0 0.74 0.26 0 0
0 0 0.84 0.16 0 0 0 0.81 0.19 0 0 0 0.75 0.25 0
0 0 0 0.95 0.05 0 0 0 0.91 0.09 0 0 0 0.93 0.07
0 0 0 0 1.00 0 0 0 0 1.00 0 0 0 0 1.00

Tableau 4.4 Matrices obtenues pour la dégradation des ponts-routes en béton.


Les matrices obtenues, par optimisation avec la méthode des moindres carrés, ont deux
coefficients non-nuls par ligne. Ceci s’explique par l’incompatibilité de forme entre les
courbes de dégradation obtenues par les simulations et les matrices de dégradation (figure
4.2). D’un côté, les dégradations obtenues avec les simulations considèrent une phase
d’initiation de la corrosion, avec un temps d’initiation selon une distribution qui se situe entre
une loi-normale et une loi log-normale de l’évolution, donnant une forme bombée de la
courbe de transition entre la condition d’état 1 et 2. De l’autre côté, les chaînes de Markov
imposent une courbe de transition entre l’état 1 et 2 qui est une fonction asymptote de formule
a11t (avec a11<1).
La signification physique qui peut être tirée de deux coefficients non-nuls par ligne de la
matrice est que l’état de l’ouvrage ne change que d’une condition d’état au maximum entre
deux pas de temps. Cette propriété diminue le nombre de matrices possibles et réduit le temps
de calcul.
80 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Matrice "favorable" Simulation "favorable"


100 % 100 %
90 % CE5 90% CE5
80 % 80% CE4
CE4
70 % 70%
CE3 CE3
60 % 60%
CE2 50% CE2
50 %
40 % CE1 40% CE1
30 % 30%
20 % 20%
10 % 10%
0% 0%
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200

période optimisée temps [années] temps [années]

Matrice "normale" Simulation "normale"


100 % 100 %
90 % CE5 90% CE5
80 % 80% CE4
CE4
70 % 70%
CE3 CE3
60 % 60%
CE2 50% CE2
50 %
40 % CE1 40% CE1
30 % 30%
20 % 20%
10 % 10%
0% 0%
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200

période optimisée temps [années] temps [années]

Matrice "défavorable" Simulation "défavorable"


100 % 100 %
90 % CE5 90% CE5
80 % 80% CE4
CE4
70 % 70%
CE3 CE3
60 % 60%
CE2 50% CE2
50 %
40 % CE1 40% CE1
30 % 30%
20 % 20%
10 % 10%
0% 0%
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200

temps [années] temps [années]


période optimisée

Figure 4.3 Dégradations calculées avec les matrices et les simulations numériques

4.3.3 Variante d’optimisation


Les matrices obtenues au point précédent sont les matrices donnant la meilleure
approximation possible de la dégradation selon les chaînes de Markov pour l’ensemble des
conditions d’état. Comme expliqué précédemment, les courbes de détérioration obtenues avec
les matrices de dégradation ne sont pas identiques à celles obtenues avec les simulations
numériques. Ainsi, il est possible qu’en utilisant les matrices dans le cadre d’un BMS, la
planification de la maintenance soit affectée par cette différence.
Dans le cadre de la gestion d’un parc de ponts-routes en béton, la transition entre deux
conditions d’état peut avoir un rôle déterminant dans l’établissement de la stratégie
d’intervention. Par exemple, dans le cas des ponts-routes en béton, aucune intervention n’est
planifiée pour les éléments en condition d’état 1 et 2, alors que lorsque l’élément passe en
condition d’état 3, une intervention est envisageable. Il est dès lors essentiel que les matrices
soient optimisées pour la transition entre les conditions d’état 2 et 3. Un raisonnement
identique peut être effectué pour la transition entre les conditions d’état 3 et 4, où
l’intervention devient nécessaire. Les matrices optimisant la transition 2-3 figurent dans le
tableau 4.4 et les matrices optimisant les transitions 3-4 dans le tableau 4.5. Les dégradations
calculées avec ces matrices sont représentées dans la figure 4.4.
Chapitre 4 - Dégradation de l’état et chaînes de Markov 81

Conditions favorables Conditions normales Conditions défavorables


0.96 0.04 0 0 0 0.88 0.12 0 0 0 0.67 0.33 0 0 0
0 0.93 0.07 0 0 0 0.87 0.13 0 0 0 0.81 0.19 0 0
0 0 0.80 0.20 0 0 0 0.76 0.24 0 0 0 0.76 0.24 0
0 0 0 0.89 0.11 0 0 0 0.83 0.17 0 0 0 0.91 0.09
0 0 0 0 1.00 0 0 0 0 1.00 0 0 0 0 1.00

Tableau 4.4 Matrices optimisant la transition de la condition d’état 2 à la condition d’état 3


Conditions favorables Conditions normales Conditions défavorables
0.93 0.07 0 0 0 0.85 0.15 0 0 0 0.74 0.26 0 0 0
0 0.92 0.08 0 0 0 0.84 0.16 0 0 0 0.74 0.26 0 0
0 0 0.93 0.07 0 0 0 0.85 0.15 0 0 0 0.75 0.25 0
0 0 0 0.89 0.11 0 0 0 0.83 0.17 0 0 0 0.90 0.10
0 0 0 0 1.00 0 0 0 0 1.00 0 0 0 0 1.00

Tableau 4.5 Matrices optimisant la transition de la condition d’état 3 à la condition d’état 4.


Les matrices, obtenues avec la variante d’optimisation, diffèrent de celles obtenues avec une
optimisation de l’ensemble des transitions. Les coefficients des matrices varient de quelques
pourcents (11% au maximum) et il y a aussi deux coefficients non-nuls par ligne. En
optimisant l’une des transitions d’une condition d’état à une autre, la courbe de celle-ci est
améliorée mais des écarts subsistent, car l’allure des courbes obtenues avec les chaînes de
Markov reste similaire.
Les chaînes de Markov sont limitées dans la modélisation de la détérioration. En considérant
une matrice constante dans le temps, aucune relation directe n’existe entre le mécanisme de
détérioration et les coefficients de la matrice. Etant donné que différentes optimisations sont
possibles, il est nécessaire de définir clairement l’application qui sera faite de la matrice et ce
qu’il faut optimiser. Ainsi, les matrices de dégradations rempliront au mieux leur fonction
dans le cadre de Bridge Management Systems.
82 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Matrice "favorable" 2->3 Matrice "favorable" 3->4


100 % 100 %
90 % CE5 90 % CE5
80 % CE4 80 % CE4
70 % 70 %
CE3 CE3
60 % 60 %
50 % CE2 50 % CE2
40 % CE1 40 % CE1
30 % 30 %
20 % 20 %
10 % 10 %
0% 0%
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
temps [années] temps [années]

Matrice "normale" 2->3 Matrice "normale" 3->4


100 % 100 %
90 % CE5 90 % CE5
80 % CE4 80 % CE4
70 % 70 %
CE3 CE3
60 % 60 %
50 % CE2 50 % CE2
40 % CE1 40 % CE1
30 % 30 %
20 % 20 %
10 % 10 %
0% 0%
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
temps [années] temps [années]

Matrice "défavorable" 2->3 Matrice "favorable" 3->4


100 % 100 %
90 % CE5 90 % CE5
80 % CE4 80 % CE4
70 % 70 %
CE3 CE3
60 % 60 %
50 % CE2 50 % CE2
40 % CE1 40 % CE1
30 % 30 %
20 % 20 %
10 % 10 %
0% 0%
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
temps [années] temps [années]

Figure 4.4 Dégradations calculées avec les matrices pour une optimisation de la transition 2 à 3
et de la transition 3 à 4.
Chapitre 4 - Dégradation de l’état et chaînes de Markov 83

4.4 Conclusions
Dans ce chapitre, le modèle développé au chapitre 3 a été utilisé pour simuler la dégradation
des ponts-routes selon les conditions d’état utilisées dans les BMS et la dégradation a été
formulée selon les chaînes de Markov. L’étude effectuée permet d’établir que :
• Les chaînes de Markov intègrent aisément les approches probabilistes (notamment la
probabilité d’initiation de la corrosion).
• Sur la base des simulations, une relation a été établie entre les paramètres des éléments
en béton armé, définis dans l’approche segmentielle (chapitre 2), et leur dégradation.
• La définition de trois vitesses de dégradation permet de classer l’ensemble des
dégradations selon des conditions d’évolution (favorables, normales et défavorables).
• Par la détermination de trois matrices de dégradation correspondant aux trois vitesses
de dégradation, les résultats du modèle peuvent être intégrés dans les BMS.
• La formulation de chaînes de Markov avec des matrices à coefficients constants
présente une certaine imprécision pour représenter la détérioration. Une variante
d’optimisation a permis d’établir des matrices optimales pour différentes transitions de
conditions d’état.
• La forme des courbes de dégradations conduit à des matrices de dégradation qui n’ont
que deux coefficients non-nuls par ligne. Ainsi, le nombre de matrices possibles est
réduit et le temps nécessaire, pour la détermination de la matrice optimale de la
dégradation par la méthode des moindres carrés, est diminué.
84 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 85

Chapitre 5

Scénarios de ruine

5.1 Introduction
Dans le chapitre 4 et actuellement dans les BMS, les notions de sécurité structurale et
d’aptitude au service ne sont pas inclues en considérant le comportement structural des
ouvrages. La condition d’état 5 est la seule qui fait référence à la sécurité structurale en
déterminant un « état alarmant » (chapitre 4). Aucune autre relation n’est utilisée entre l’état
d’un élément et son comportement. De plus, le rôle structural de chaque élément et de son
armature n’est pas considéré. Cela convient bien dans le cas de la maintenance d’un réseau
d’ouvrages où l’état visuel de l’ouvrage dicte les interventions (durabilité), mais cela fait
défaut lorsqu’il s’agit de traiter des aspects de l’aptitude au service et de la sécurité
structurale.
Une approche au niveau du comportement structural, qui étudie l’évolution de l’état des ponts
jusqu’à leur ruine par l’établissement de scénarios de ruine, comme proposée dans ce chapitre,
permet d’introduire l’échelle du temps et d’établir une durée d’utilisation. L’approche apporte
une meilleure vue sur l’évolution à long terme de l’aptitude au service et de la sécurité
structurale des ponts-routes en béton. Les éléments/segments « déterminants », les points
faibles et les zones clés de l’ouvrage sont identifiés. Une telle approche peut avoir des
répercutions sur la stratégie de maintenance à adopter et conduire à un choix de mesures
d’interventions différent.
La méthodologie et les hypothèses utilisées pour l’établissement des scénarios de ruine sont
exposé au chapitre 5.2. Ensuite, les scénarios de ruine déterminants sont identifiés pour
chaque type de pont et appliqués à l’échantillon représentatif des ponts dans le chapitre 5.3.
Les segments déterminants sont identifiés et l’influence des paramètres sur le comportement
structurel est analysé. Finalement, dans le chapitre 5.4, une analyse globale de l’ensemble des
scénarios permet d’établir les conclusions. Un système pour inclure la sécurité structurale
dans les BMSs est proposé.
86 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

5.2 Méthodologie et hypothèses


5.2.1 Scénarios de ruine
L’étude du comportement d’un ouvrage jusqu’à sa ruine passe par l’analyse d’un scénario de
ruine. Un scénario de ruine se définit par :
• Les propriétés du pont :
o Le comportement structural du pont
o Les propriétés des segments telles que l’armature, la classe de perméabilité et
l’épaisseur du béton d’enrobage.
• Les sollicitations :
o Les charges permanentes et les charges utiles de trafic.
o L’exposition au sel de déverglaçage.
La ruine du pont se produit selon un mécanisme de ruine en rapport avec le comportement
structural du pont, c’est-à-dire la formation de rotules plastiques ou de lignes de rupture. Le
mécanisme évolue suite à la perte de section de l’armature, par corrosion en présence de
chlorures. La plastification des sections crée une redistribution des efforts dans la structure
jusqu’à ce que la sécurité structurale ne soit plus garantie. Pour le mécanisme, des valeurs
représentatives du comportement structurel aussi bien au niveau de l’aptitude au service qu’au
niveau de la sécurité structurale sont définies.

5.2.2 Méthodologie
L’établissement des scénarios de ruine suit le cheminement suivant :
• Sur la base de l’expérience et de la connaissance du parc des ponts du réseau des
routes nationales et particulièrement de l’échantillon représentatif sélectionné dans la
région lausannoise de la structure, les mécanismes de ruine déterminants sont
identifiés pour chaque type de pont (chapitre 2.4).
• En fonction de l’exposition, des propriétés du béton d’enrobage et du système
d’évacuation de l’eau (étanchéité, joints et « goutte-pendante »), qui déterminent les
temps d’initiation et les vitesses de propagation de la corrosion, l’évolution de l’état
est établie pour les mécanismes identifiés.
• La méthode cinématique est utilisée pour analyser les mécanismes de ruine. Elle
s’adapte bien à ce type d’analyse, car en plaçant des rotules (ou lignes de rupture) au
niveau des sections attaquées par la corrosion, elle permet d’obtenir une borne
supérieure de la sécurité structurale. Les mécanismes sont établis afin de se rapprocher
au plus près du comportement de la structure et ainsi obtenir une borne supérieure la
plus proche possible de la solution exacte. Pour les mécanismes des poutres, la valeur
minimale est obtenue selon le mécanisme le plus défavorable en vérifiant que le
moment résistant plastique n’est pas dépassé dans les autres sections que les rotules.
Pour les mécanismes des dalles, la valeur minimale est obtenue par le choix d’une
configuration réaliste des lignes de rupture et la variation de leur géométrie (angle et
taille).
• Une analyse comparative des différents scénarios et des paramètres permet de mettre
en évidence les éléments essentiels des scénarios et de tirer les conclusions.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 87

5.2.3 Hypothèses

5.2.3.1 Approche semi-déterministe


Dans le cadre de cette première approche sur les scénarios de ruine au niveau de l’ensemble
d’un réseau d’ouvrages, une approche semi-déterministe/semi-probabiliste, comme dans la
norme de dimensionnement [SIA_160], a été utilisée. Des valeurs caractéristiques de la
résistance des matériaux et des sollicitations sont obtenues en prenant des valeurs
caractéristiques correspondant à des fractiles de la distribution probabiliste des sollicitations
et des résistances.
Une approche semi-déterministe permet de comprendre de manière aisée l’influence des
nombreux paramètres, de cerner les mécanismes principaux, de déterminer les éléments
déterminants et de ne pas se perdre dans l’interprétation des résultats. Actuellement, de
nombreuses études et recherches établissent des probabilités de rupture des structures
[ENRIGHT_98, Paulsson_97, STEWARD_98B&C et THOFT_98]. De telles recherches sont très
utiles pour étudier un mécanisme spécifique dont on connaît bien tous les paramètres. Dans le
cas des scénarios de ruine des ponts-routes en béton au niveau d’un réseau, les paramètres
sont trop nombreux et leurs distributions probabilistes encore mal connues pour obtenir des
résultats clairs avec une approche probabiliste. Dans le cas présent, l’utilisation d’un
coefficient de sécurité structural semi-déterministe permet de comparer l’évolution de la
sécurité d’une structure au même titre qu’une probabilité de rupture de la structure.
L’évaluation de la sécurité structurale de la structure est faite en déterminant le coefficient de
sécurité structural n. Celui-ci est obtenu par le rapport entre la résistance ultime R, le
coefficient de résistance γR et la sollicitation de dimensionnement avec facteurs de charge
Sd (équation 5.1). Le coefficient de résistance tient compte des divergences entre le système
porteur réel et celui considéré dans le modèle, des simplifications et imprécisions du modèle
de résistance ainsi que des imprécisions relatives aux dimensions des sections. La
détermination du coefficient de sécurité structural est faite en considérant une actualisation
des actions et des résistances, décrite dans ce sous-chapitre et résumée dans le tableau 5.2.
R / γ R Rd
n= = (équation 5.1)
Sd Sd
L’évaluation de l’aptitude au service est faite en déterminant le coefficient d’aptitude au
service napt par le rapport entre la flèche calculée de l’ouvrage wcalc et de la flèche limite selon
la norme wlim, soit l/600 sous l’effet d’une action variable de courte durée et l/700 sous l’effet
du poids propre de la structure porteuse, des actions permanentes et d’une action variable de
longue durée, y compris les déformations de longue durée [SIA_160] :
wcalc
n apt = (équation 5.2)
wlim
Dans le cadre de cette recherche, seule la vérification de la sécurité structurale par des
mécanismes de ruine à la flexion et la vérification de l’aptitude au service par des flèches sont
effectuées. Les principaux mécanismes et autres vérifications qui n’ont pas été considérés ou
négligés dans ce travail sont :
• Le poinçonnement de la dalle du tablier sous la charge concentrée d’une roue de
camion. Ce mécanisme n’a pas été considéré, car les contraintes de cisaillement
occasionnées dans la dalle du tablier sont très faibles par rapport à la résistance du
béton pour des épaisseurs usuelles des dalles (20 cm et plus).
88 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

• Aucun mécanisme avec un problème d’effort tranchant n’a été considéré. La


résistance à l’effort tranchant des poutres principales et des caissons est largement liée
à précontrainte ; d’une part par la forte inclinaison des bielles comprimées, qui est
possible grâce à l’effort normal de la force de précontrainte et d’autre part par la
reprise d’une partie de l’effort tranchant par la composante inclinée de la force de
précontrainte Vp sinα.
L’analyse complète des structures existantes en béton armé peut être effectuée par
l’intermédiaire de champs de contraintes dans les éléments de la structures avec la
théorie de la plasticité par la formation de treillis (bielles comprimées et tendues)
[MARTI_99]. Dans le cadre de cette recherche, cette approche n’a pas été considérée,
mais elle permet souvent de vérifier la sécurité structurale en cas de problème d’effort
tranchant [STOFFEL_99&00].
• La diminution de l’adhérence entre l’armature et le béton, suite à la corrosion de la
surface de l’armature, et une diminution de l’ancrage des barres n’ont pas été
considérés.
• La corrosion des têtes d’ancrage des câbles de précontrainte n’a pas été considérée.
• Aucune vérification n’a été effectuée au niveau de la fissuration du béton. Il n’y a pas
vraiment de critère visuel et esthétique de l’ouverture des fissures pour la plupart des
éléments et des ponts-routes. D’autre part, il n’existe pas de critère absolu pour
déterminer la dimension de la fissure qui est acceptable sur un pont-route. La
durabilité de la structure, qui peut être modifiée lorsque les fissures permettent le
passage d’eau, peut être considérée comme une base pour fixer une valeur limite (par
exemple wc = 0.3 à 0.5 mm).
• La fatigue et les contraintes en service (déformations et fluage) sont des phénomènes
qui peuvent générer des problèmes dans certains cas particuliers et pour les ponts à
grandes portées (fluage). Pour la grande majorité des structures en béton armé (et
précontraint), qui constituent le parc des ouvrages routiers, la fatigue et les contraintes
en service ne sont pas essentielles.

5.2.3.2 Sollicitations
Les actions considérées dans les scénarios de ruine sont les actions liées à une utilisation
normale routière :
• Poids propre de la structure porteuse.
• Poids propre des éléments non-porteurs tels que le revêtement, l’étanchéité, les
bordures, les glissières, etc.
• Actions verticales du trafic, les modèles de charge 1, 2 et 3 selon la norme suisse
[SIA_160]. Les charges de transports exceptionnels, correspondant au modèle de
charge 4 de la norme, n’ont pas été considérées.
Les sollicitations dues aux autres actions n’ont pas été considérées : soit notamment les
pressions du vent, les charges de neige, les variations de température, les chocs, les forces de
freinage, le séisme, etc.
La sollicitation de dimensionnement Sd, pour la vérification de la sécurité structurale,
s’obtient par la combinaison des actions avec des coefficients partiels (facteurs de charge)
[SIA_160]. La sollicitation maximale est généralement obtenue en considérant le poids propre
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 89

de la structure porteuse Gd, la charge de trafic comme prépondérante Qd et le poids propre de


la structure non porteuse comme action concomitante Qa :
S d = G d + Qd + Qa (équation 5.3)
Poids propre de la structure porteuse
La valeur de dimensionnement du poids propre de la structure porteuse Gd est défini par :
Gd = γ g ⋅ Gm (équation 5.4)

où γg est le facteur de charge du poids propre et Gm la valeur moyenne du poids propre de la


structure porteuse. Dans le cadre de cette recherche, l’actualisation des sollicitations dues au
poids propre des éléments porteurs est faite en réduisant le facteur de charge de 1.3 à 1.15
comme montré par la recherche [BAILEY_99] et en appliquant la directive [SIA_462]. Cette
réduction peut être effectuée seulement à la suite la vérification des dimensions réelles de la
structure.
Poids propre des éléments non-porteurs
La valeur du dimensionnement du poids propre non-porteur en tant qu’action concomitante
Qa est défini par :
Qa = ψ ⋅ Qr (équation 5.5)
où ψ est le facteur de charge de l’action concomitante et Qr la valeur représentative de
l’action. Comme pour la structure porteuse, l’actualisation est faite en réduisant le facteur de
charge de 1.3 à 1.15 en considérant que les dimensions réelles de la structure ont été mesurées
[SIA_462, BAILEY_96 et BANZ_98].
Actions du trafic
La valeur de dimensionnement des charges dues au trafic Qd est donné par :
Qd = γ Q ⋅ Qr (équation 5.6)

où γQ est le facteur de charge de l’action prépondérante égal à 1.5 et Qr la valeur


représentative de l’action.
Dans la norme SIA 160, les charges de trafic se composent de 3 modèles de charge si l’on
exclut les charges de trafic exceptionnelles. Les charges sont représentées à la figure 5.1. Sur
le modèle de charge concentrée, un coefficient dynamique Φ1 s’applique pour tenir compte de
la sensibilité de la structure porteuse à l’égard des actions dynamiques.
Dans cette recherche, une actualisation des charges de trafic est faite par une diminution des
charges (tableau 5.2). Cette diminution est faite en accord avec les recherches dans le
domaine des charges routières [BEZ_95 et BAILEY_96]. Le modèle de charge 1 a été modifié
au niveau de sa valeur représentative en passant de 75 kN à 65 kN dans les situations de
risque où seul un camion peut se trouver dans la zone de rupture. Cette réduction se justifie,
car une valeur de 75 kN tient compte de la probabilité que deux camions surchargés se
trouvent côte à côte.
Pour les dalles des tabliers, le coefficient dynamique Φ1 est actualisé en le diminuant de 1.8
(selon la norme [SIA_160]) à 1.2. L’étude du comportement dynamique des dalles de
roulement des ponts existants effectués au MCS [BROQUET_99] a montré que l’effet
dynamique est de 20% au maximum sur les sollicitations déterminantes pour les tabliers des
ponts ayant les caractéristiques du réseau des routes nationales.
90 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

modèle de charge 3 1.30

modèle de
modèle de

charge 1
charge 2

1.80
3.00
modèle de charge 3

Figure 5.1 Modèles de charge de trafic selon la norme [SIA_160].

5.2.3.3 Résistance
La résistance des sections de la structure porteuse est déterminée en utilisant les modèles de
résistance de la norme de béton armé et précontraint [SIA_162]. Les valeurs des résistances
des matériaux de la norme de dimensionnement des structures sont utilisées avec une
augmentation de 10% pour les barres d’armature passives. La valeur de la norme utilisée pour
le dimensionnement est conservatrice et des essais sur les aciers en place montrent souvent
une meilleure résistance que les valeurs caractéristiques de la norme. Ces valeurs se basent sur
un fractile de 5% des essais. Pour la précontrainte, une augmentation de 5% seulement de la
résistance a été considérée, étant donné que les propriétés des matériaux ont été établies
initialement de manière plus fine par des essais de qualité [SIA_162/1] et que la rupture est
plus fragile que pour l’armature passive.
En ce qui concerne la résistance du béton, aucune actualisation n’a été considérée. Comme le
montre la figure 5.2, pour une section rectangulaire (pourcentage d’armature de 1%, un béton
B35/25 et de l’acier S500), une augmentation de la résistance du béton de 10% ne modifie la
résistance de la section que de 1.6% par rapport à 8.1% pour l’acier. Ainsi, pour une
vérification de la flexion, une actualisation de la valeur de la résistance du béton peut
généralement être négligée.

Ractualisé/Rinitial
1.5

1.4
Acier f y

1.3

1.2

Béton f c
1.1

1.0
0% 10% 20% 30% 40% 50%
Augmentation de la résistance

Figure 5.2 Influence de l’augmentation de la résistance de l’acier (S500) fy et du béton (B35/25)


fc sur la résistance d’une section avec un pourcentage d’armature de 1%
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 91

5.2.3.4 Corrosion
Comme présentée dans le chapitre 4, la corrosion en présence de chlorures se déroule en deux
phases ; la phase d’initiation et la phase de propagation. Plusieurs hypothèses ont été faites
dans le cadre de cette recherche :
• Les classes de perméabilité du béton d’enrobage (avec leur distribution) et les types
d’expositions définies dans les chapitres précédents sont utilisés.
• Le temps d’initiation de la corrosion est considéré comme le temps pour que 10% de
probabilité de corrosion de l’armature soit atteinte (tableau 3.9).
• La durée de vie de l’étanchéité posée sous le revêtement est estimée à 20 ans. Après
cette période, la face supérieure du tablier est supposée être exposée directement au sel
de déverglaçage. Cette valeur correspond aux observations faites in-situ sur les ponts
du réseau des routes nationales dans le cadre de cette recherche et dans les travaux
effectués au laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EMPA)
[FRITZ_99]. Les ponts montrent des défauts de l’étanchéité par l’apparition locale de
zones humides sous le tablier au bout d’une vingtaine d’années.
• La corrosion est localisée au niveau de la section la plus défavorable pour le
mécanisme de détérioration choisi. Dans certains cas, cette hypothèse a une grande
importance, comme pour l’armature pour le moment négatif sur appui, alors que dans
d’autres cas, comme pour l’armature en travée, l’influence de la localisation est
mineure (chapitre 5.3.1.3).
• La corrosion considérée est celle par piqûres locales (tableau 3.12, reproduit dans le
tableau 5.1).

Classe de Exposition
perméabilité du Brouillard Eclaboussures Directe
béton d’enrobage
Vitesse de propagation [mm/an]
A 0.02 0.1 0.1
B 0.02 0.1 0.1
C 0.1 0.4 0.4

Tableau 5.1 Vitesses de propagation des piqûres de corrosion en fonction de l’exposition et


de la perméabilité du béton d’enrobage
• Pour les câbles de précontrainte :
o Dans le cadre de l’étude des scénarios de ruine, il n’est pas tenu compte des
chemins préférentiels que peuvent être les pipettes de décompression et
d’injection, ainsi que de la corrosion au niveau de l’ancrage (chapitre 3.5.3). Il
est supposé qu’il n’y a pas de problème d’infiltrations dans les pipettes et que
l’ancrage est suffisamment protégé. Il est à souligner que lorsque l’on traite
d’un ouvrage réel existant, il est nécessaire d’évaluer ces points particuliers et
le cas échéant faire d’autres hypothèses.
o Le temps d’initiation de la corrosion est le temps mis pour que la corrosion
commence au niveau de la gaine dans la zone où le temps d’initiation est le
plus faible. Cette hypothèse est conservatrice du point de vue de la circulation
d’eau dans la gaine (défauts d’injections) et tient compte d’observations
effectuées (chapitre 3.5.3). Une fois que la gaine est atteinte, des défauts
92 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

d’injections des gaines peuvent permettre aux chlorures de se déplacer


rapidement et d’atteindre tous fils ou torons.
o La propagation de la corrosion des câbles de précontrainte se fait comme pour
les barres d’armature par la diminution de la section dans le temps. Le
diamètre considéré pour le calcul de la perte de section est le diamètre des
torons ou des fils. Cette hypothèse est conservatrice ; elle considère une
mauvaise injection, où la corrosion se propage sur tous les torons en même
temps. Dans les cas favorables, la corrosion commence par les torons situés au
bord du câble (chapitre 3.5.3), mais l’hypothèse défavorable est retenue.

5.2.3.5 Résumé
L’ensemble des hypothèses pour la prévision de l’évolution de la sécurité structurale et de
l’aptitude au service sont résumés dans le tableau 5.2.
Valeurs actualisées
Facteur de charge du poids propre
1.15
de la structure porteuse γg
Facteur de charge du poids propre
1.15
des éléments non porteurs ψ
Facteur de charge du trafic γQ 1.5
Coefficient dynamique Φ1 1.2
Charges de trafic :
- modèle 1 65 kN* / 75kN
- modèle 2 5 kN/m2
- modèle 3 (selon largueur) 2.5 – 3.5 kN/m2
Coefficient de résistance γR 1.2
Résistance du béton fc = 0.65 fcw,min
Résistance de l’acier :
- armature passive fy + 10 %
- précontrainte fy,p + 5 %
fractile 10%
Temps d’initiation
selon tableau 3.9
Durée de l’étanchéité 20 ans
par piqûres
Propagation de la corrosion
selon tableau 5.1
* 65 kN pour mécanisme de ruine sans la juxtaposition de 2 camions
Tableau 5.2 Valeurs actualisées pour l’évaluation de la vérification de la sécurité structurale et de
l’aptitude au service.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 93

5.3 Scénarios de ruine type


5.3.1 Ponts à béquilles

5.3.1.1 Introduction
Les ponts à béquilles constituent une grande partie des passages supérieurs sur les routes
nationales. Le principal système statique de ces ouvrages est composé de plusieurs systèmes
longitudinaux identiques (figure 5.3) qui sont reliés entre eux transversalement. Les systèmes
de tabliers sont la juxtaposition de plusieurs caissons ou de poutres (en I ou en T) souvent
préfabriqués qui reposent chacun sur leurs propres béquilles. Les dalles évidées, qui sont
parfois utilisées, peuvent aussi être considérés comme des poutres en I juxtaposées, qui sont
liées entre elles.
b) Système transversal

a) Système longitudinal
- Poutres en T

- Caissons

- Dalle évidée

Figure 5.3 Pont à béquilles, système longitudinal et transversal.


Sur la base de quelques simulations du comportement transversal de plusieurs ponts à
béquilles il a pu être établi que :
• Dans le cas de poutres en caissons, la redistribution entre les poutres peut être
importante si la dalle est uniforme. Dans le cas d’un joint longitudinal constructif
bétonné en place, seule une faible redistribution transversale est possible.
• Dans le cas de poutres en I (ou en T) souvent préfabriquées, et recouvertes d’une
dalle coulée en place, la redistribution est limitée par le moment de torsion créé par
l’excentricité des charges provenant de la poutre de bord. Les poutres en I (ou en T)
ont une faible résistance à la torsion et limitent la redistribution des efforts. Pour un
pont tel que le pont N°2 (annexe A), seule une dizaine de pourcents de la charge
totale peuvent être transmis entre les poutres.
• Dans le cas d’une dalle évidée, le problème est plus complexe. La dalle se comporte
comme la juxtaposition d’une multitude de poutres qui sont reliées entre elles plus
solidement que dans le cas des poutres. Dans le cadre de cette recherche, le
comportement de la structure a été considéré en prenant comme hypothèse d’une
distribution transversale des charges entre les parties de la dalle du tablier situées au-
dessus de chaque béquille.
94 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

5.3.1.2 Mécanismes de ruine


Différents mécanismes de ruine d’un pont à béquille sont possibles. Sur la base des
observations faites, les principaux mécanismes probables et retenus sont :
i) La corrosion de l’armature de la section au centre de la travée (figure 5.4). La
diminution de la résistance de la section conduit à la formation d’une rotule. Suite
à la diminution de résistance, il y a une redistribution des efforts qui se reporte au
niveau des moments négatifs au-dessus de la béquille avant. La sécurité
structurale est garantie jusqu’à ce que la résistance au-dessus des béquilles avant
soit atteinte et que des rotules se forment, conduisant à un mécanisme.

MR-/ γR MR-/ γR
Md
Etat initial
Rotule en travée
Formation de rotules
Md
sur les béquilles

Mécanisme

Corrosion

MR,init+/ γR

Figure 5.4 Corrosion de l’armature de la travée centrale.


Chapitre 5 – Scénarios de ruine 95

ii) La corrosion de l’armature de la section au-dessus de la béquille avant (figure


5.5). La diminution de la résistance de la section conduit à la formation de rotules
sur appui. L’effort est redistribué en travée et la sécurité structurale est garantie
jusqu’à la formation d’une rotule dans la travée centrale.

MRinit-/ γR MRinit-/ γR
Md
Corrosion Corrosion Etat initial
Rotules sur les béquilles
Formation d’une rotule
Md
en travée

Mécanisme

MR,init+/ γR

Figure 5.5 Corrosion de l’armature au-dessus de la béquille.


iii) Combinaison des mécanismes i) et ii) par des temps d’initiation de la corrosion
qui font que la corrosion se propage en travée et sur la béquille.
iv) La corrosion de l’armature de la béquille arrière (figure 5.6). Le choix des portées,
lors de la conception, a été effectué de sorte qu’il n’y ait pas de traction dans la
béquille sous les charges permanentes. Ainsi, ce n’est que dans le cas d’une
charge de trafic sur la travée centrale que le système longitudinal génère une
traction sur la béquille arrière.
La perte totale de la résistance à la traction de la béquille arrière conduit à une
plastification de la section en travée (figure 5.6). La sécurité de la poutre seule
n’est juste pas garantie. L’entretoise d’extrémité permet d’apporter la petite
réaction d’appui qui est nécessaire étant donné que les poutres adjacentes
n’apportent qu’une redistribution transversale limitée (chapitre 5.3.1.1).
96 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Mécanisme

MR-/ γR MR-/ γR
Md

MR+/ γR

Figure 5.6 Corrosion de l’armature de la béquille arrière.

5.3.1.3 Etude de cas 1 – Pont N°2


Le passage supérieur (pont N°2) est décrit dans l’annexe A. Les armatures des sections au
milieu de la travée centrale et sur la béquille centrale sont représentées à la figure 5.7. Les
enrobages moyens mesurés sont de 20 mm pour 11 fils précontraints les plus proches de la
surface, de 30 mm pour les 24 autres fils et de 35 mm pour le câble de précontrainte continu
[ROELFSTRA_00].
a) En travée b) Sur appui
6 Ø 12 mm

10 Ø 8 mm

1 Câble 1154 mm2

35 fils précontraints Ø 6 mm

Figure 5.7 Armatures des poutres du pont N°2.


La vérification de la sécurité structurale est faite sur les poutres latérales, qui sont les plus
chargées à cause du poids propre des trottoirs. Pour les charges de trafic, sur la base de la
disposition des charges et du système transversal, les 5/8ème des charges concentrées du
modèle de charge 1 sont repris par la poutre latérale, et les 3/8ème restants étant redistribués
sur la poutre centrale.
Le coefficient de sécurité n est calculé en effectuant le rapport de la somme des moments
résistants (milieu de la travée centrale et sur la béquille) et la somme des moments de
dimensionnement (équation 5.7). Cette vérification, selon la théorie de la plasticité, est
garantie si une redistribution des efforts est possible entre la section sur appui et la section en
travée. Dans le cas de cet ouvrage, les sections de rive ont une capacité de déformation
suffisante pour permettre les redistributions.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 97

( M R+,travée + M R−,béquille ) / γ R
n= (équation 5.7)
M d ,travée + M d ,béquille

M- M-

M- + M +

M+

Figure 5.8 Moments dans les poutres principales


Différents scénarios de ruine déterminants ont été identifiés avec les mécanismes de ruine
présentés au point 5.3.1.2 :
• Scénario 1a :
Mécanisme de ruine avec la corrosion de la section en travée. La poutre est exposée au
brouillard salin. L’évolution de la sécurité structurale est représentée à la figure 5.9
pour un béton d’enrobage de classe A et B.
La sécurité structurale est garantie avec une marge de sécurité de 41%. Ce scénario de
ruine n’engendre aucun problème de sécurité structurale pour les deux classes de
perméabilité de béton d’enrobage pendant plus de 100 ans.
En ce qui concerne le comportement structural, la section en travée plastifie sous les
charges de service, juste avant que la sécurité structurale ne soit plus suffisante. Il
faudra compter avec la formation d’une importante fissuration à ce stade en travée et
sur les béquilles.
Après 68 ans, pour un béton d’enrobage de classe B et 110 ans pour la classe A, le
moment de dimensionnement est plus grand que le moment résistant en travée, ce qui
implique une redistribution des sollicitations en travée est nécessaire du point de vue
du calcul du coefficient de sécurité.
98 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

n = Rd /S d Exposition au brouillard
1.5 4

1.4
Béton d’enrobage classe B
1
1.3 2 5 1) Corr. fils préc. ext. (18 ans)
1.2 3 6 2) Corr. fils préc. int. (42 ans)
3) Corr. câble précontrainte (61 ans)
1.1 Béton d’enrobage classe A
1.0 4) Corr. fils préc. ext. (37 ans)
Classe B Classe A 5) Corr. fils préc. int. (80 ans)
0.9
6) Corr. câble de précontrainte (109 ans)
0.8
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Début de la redistribution du moment
Temps [ans]
Début de la plastification sous charges
de service
Sécurité structurale insuffisante
Figure 5.9 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de la section en travée
pour des bétons de classe de perméabilité A et B.
• Scénario 1b :
Même mécanisme de ruine que le scénario précédent, mais en supposant que l’eau de
la chaussée sur le pont s’écoule en partie le long du bord de la poutre à cause d’un
défaut du système d’évacuation de l’eau (goutte pendante et infiltration sous la
bordure comme observé in-situ) ; l’exposition de la poutre est du type éclaboussures
(figure 5.10).
La vitesse de corrosion, de 0.1 mm/an, modifie grandement l’évolution de la sécurité
structurale par rapport au scénario précédent. pour un béton de classe de perméabilité
B. Après 34 ans, la sécurité structurale est insuffisante pour le béton de classe de
perméabilité B et après 85 ans pour un béton de classe de perméabilité A, alors que les
durées d’utilisation sont respectivement de 120 et 160 ans.

Exposition aux coulures


n = R d/S d
(éclaboussures)
1.5 4

1.4 Béton d’enrobage de classe B


1.3 1 1) Corr. fils préc. ext. (5 ans)
2
5 2) Corr. fils préc. int. (13 ans)
1.2
3) Corr. câble préc. (24 ans)
1.1 3
Béton d’enrobage de classe A
6
1.0 4) Corr. fils préc. ext. (15 ans)
5) Corr. fils préc. int. (52 ans)
0.9
Classe B Classe A 6) Corr. câble de préc. (78 ans)
0.8
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Début de la redistribution du moment
Temps [ans] Début de la plastification sous charges
de service
Sécurité structurale insuffisante

Figure 5.10 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de la section en travée


pour des bétons de classe de perméabilité A et B.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 99

• Scénario 1c :
Le mécanisme de ruine avec la corrosion de l’armature de la poutre au-dessus de la
béquille. La défaillance de l’étanchéité au bout de 20 ans expose les surfaces de béton
de la dalle et de la poutre (par infiltration) à l’eau provenant de la chaussée du pont.
Les temps d’initiation sont très courts une fois que l’étanchéité n’est plus efficace ;
l’enrobage ne constitue pas une protection suffisante. Dans le cas d’un béton de classe
de perméabilité A, la durée d’utilisation de l’ouvrage est de 82 ans.
La sécurité structurale est garantie tant que la précontrainte n’est pas corrodée. Le
temps d’initiation de la corrosion du câble de précontrainte est le garant de la longévité
de l’ouvrage.
Dans ce scénario de ruine, la section en travée ne plastifie juste pas sous les charges de
service. La redistribution des efforts est moindre que dans le cas de la corrosion de
l’armature en travée. Cependant il faut s’attendre à la formation d’une fissuration
importante de la poutre au-dessus de la béquille.
Avec un béton de classe de perméabilité B, les temps d’initiation sont très courts une
fois que l’étanchéité n’est plus efficace ; l’enrobage ne constitue pas une protection
suffisante. Dans le cas d’un béton de classe de perméabilité A, la durée d’utilisation de
l’ouvrage est de 85 ans.
n = Rd /S d Exposition aux coulures
(éclaboussures)
1.5

1.4
1 3
1.3

1.2 2 Béton d’enrobage de classe B


1) Corr. armature dalle (25 ans)
1.1 2) Corr. câble précontrainte (33 ans)
1.0 Béton d’enrobage de classe A
4 1) Corr. armature dalle (45 ans)
0.9
Classe B Classe A 2) Corr. câble précontrainte (83 ans)
0.8
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Début de la redistribution du moment
Etanchéité intacte Temps [ans]
Sécurité structurale insuffisante

Figure 5.11 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion des sections sur les
béquilles en fonction de la classe de perméabilité du béton d’enrobage.
• Scénario 1d :
La combinaison des deux mécanismes de ruine (corrosion en travée et sur les
béquilles) se rapproche le plus de la situation réelle, car des signes d’infiltrations à
travers l’étanchéité ont été observés. Dans la figure 5.12, l’évolution du coefficient de
sécurité est représentée pour le passage supérieur avec des bétons d’enrobage de classe
de perméabilité A et B. La section au centre de la travée est exposée au brouillard salin
et la section sur la béquille aux infiltrations d’eau sous l’étanchéité après 20 ans.
La corrosion de l’armature de la section sur les béquilles a le temps d’initiation le plus
court et a une influence déterminante sur l’évolution de la sécurité structurale. La
comparaison des deux scénarios de ruine montre l’importance de la qualité du béton
d’enrobage dans le phénomène de corrosion en présence de chlorures.
100 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

n = Rd /S d Exposition aux coulures


(éclaboussures)
1.5

1.4
Béton d’enrobage de classe B
1
1) Corr. fils ext. (18 ans)
6
1.3 7 2) Corr. armature dalle (25 ans)
2
1.2 3) Corr. câble préc. béq. (33 ans)
3 4) Corr. fils int. (42 ans)
1.1
5) Corr. câble préc. centre (61 ans)
8
1.0 Béton d’enrobage de classe A
0.9
6) Corr. fils ext. (37 ans)
Classe B Classe A 7) Corr. armature dalle (45 ans)
0.8 8) Corr. fils préc. ext. (80 ans)
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
9) Corr. câble préc. béq. (83 ans)
Etanchéité intacte Temps [ans]
10) Corr. câble préc. centre (109 ans)
Début de la redistribution du moment
Sécurité structurale insuffisante

Figure 5.12 Evolution du coefficient de sécurité avec corrosion des sections sur les
béquilles et en travée en fonction de la classe de perméabilité du béton
d’enrobage.
• Rupture d’une béquille arrière :
Les scénarios de ruine impliquant la rupture d’une béquille arrière ne génèrent pas de
ruine de la structure. Les dimensions des travées et les résistances des sections font
que la sécurité structurale est garantie en l’absence d’une béquille. Au centre de la
travée centrale, le moment augmente fortement et la redistribution des efforts entraîne
la formation d’une rotule plastique. Le comportement de la structure est modifié et des
fissures de flexion apparaissent sous les charges de trafic en service. La formation de
ces fissures sera un indice qui devra être identifié au cours des inspections visuelles.
La corrosion de l’armature d’une béquille arrière pourrait provenir de l’infiltration de
chlorures à travers l’enrobage de la béquille qui peut être facilitée par une fissuration
de la béquille provenant de déplacements imposés (tassement du talus). Cependant, la
béquille arrière est fréquemment précontrainte, ce qui limite la fissuration, ainsi la
béquille est peu exposée à des cycles d’humidité et de chlorures.
Dans la présente étude, l’exposition spécifique de la béquille arrière n’a pas été
étudiée. Néanmoins, la béquille arrière doit être considérée comme un segment
déterminant pour la planification des interventions.
• Evolution des flèches :
En ce qui concerne l’évolution des flèches du pont dans les différents scénarios de
ruine, les calculs montrent une rapide augmentation des déformations lorsque la
section de précontrainte corrode. Il est difficile d’estimer les valeurs absolues de cette
augmentation, à cause des imprécisions liées à la longueur du câble affecté par la
diminution de contrainte (suite de la corrosion locale) et à la difficulté de déterminer
précisément les effets différés liés à la perte de l’effort de précontrainte. Cependant,
des estimations de l’évolution des flèches montrent que la diminution du balancement
du poids propre crée une forte augmentation des flèches qui dépassent les limites
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 101

acceptables lorsque la section du câble de précontrainte est réduite de l’ordre d’une


vingtaine de pourcents.
Concernant l’approximation faite avec l’hypothèse de la localisation de la corrosion dans la
section déterminante (section 5.2.3.4), on s’aperçoit que pour ce type de pont, la localisation
n’a pas une très grande influence en travée et sur appui (au-dessus de la béquille avant) :
• En travée
Pour un écart x à partir du milieu de la travée centrale (figure 5.13), pour les charges
uniformément réparties et les charges concentrées, les sommes des moments en travée
et sur béquille sont données par :

qL2  1  x 2 
Charge répartie : ( M + + M − )( x ) =  −   (équation 5.8)
2 4  L 
 
 1  x 2 
Charge concentrée : ( M + M )( x) = QL −   
+ −
(équation 5.9)
4  L 
 
Ainsi, pour un écart x à partir du milieu de la travée centrale, le rapport de la somme
du moment en x et sur la béquille sur la somme du moment au milieu de la travée et le
moment sur la béquille est donné par :

M+ +M−
2
 x
+ −
( x ) = 1 − 4  (équation 5.10)
( M + M ) max  L

M- M-
x
(M- + M+)max

M+
L

Figure 5.13 Diagramme des moments


Dans le tableau 5.3, on s’aperçoit que la localisation a peu d’influence sur la somme
des moments pour des écarts par rapport au centre allant de 20-25%. L’effet de cet
écart est atténué par la diminution de la résistance de la section en travée par le tracé
parabolique du câble. Les pertes de section nécessaires pour aboutir à une sécurité
structurale insuffisante sont proches de la perte dans le cas de la corrosion au centre de
la travée centrale et le temps nécessaire pour atteindre ce pourcentage plus important
est de quelques années seulement. Les valeurs, pour le cas de la corrosion de
l’armature en travée (scénario 1a) sont indiquées dans le tableau 5.3.
102 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

x/L (M++M-)/(M++M-)max Durée d’utilisation


0% 100 % 42 ans
5% 99 % 42 ans
10 % 96 % 44 ans
15 % 91 % 47 ans
20 % 84 % 50 ans
25 % 75 % 54 ans
Tableau 5.3 Influence de la localisation de la corrosion en travée

• Au-dessus de la béquille avant


D’une part, la corrosion de l’armature, dans la zone au-dessus de la béquille, réduit la
résistance à la flexion dans toute la zone sur appui, étant donné qu’il faut une distance
de quelques mètres depuis la section corrodée pour que l’effort puisse à nouveau être
transmis dans la section intacte du câble.
D’autre part, en considérant les diagrammes de moments, on peut établir que pour un
écart x à partir de l’appui (béquille avant), le rapport de la somme des moments en x et
sur la béquille sur la somme des moments au milieu de la travée et la béquille est
donné par :
q Q
+ − ( L − 2 x) 2 + ( L − 2 x)
M +M
( x) = 8 4 (équation 5.11)
( M + + M − ) max qL 2
QL
+
8 4
Le rapport obtenu n’est pas indépendant des charges (q et Q) et de la portée (L).
L’application au pont N°2 permet d’établir le tableau suivant, en tenant compte du
tracé des câbles pour établir la durée d’utilisation et du scénario 1c.
x x/L (M++M-)/(M++M-)max Durée d’utilisation
0 0% 100 % 57 ans
1m 3.7 % 89 % 59 ans
2m 7.3 % 78 % 61 ans
3m 11 % 68 % 63 ans
4m 14.7 % 58 % 65 ans
Tableau 5.4 Influence de la localisation de la corrosion au-dessus des béquilles avant.

La durée d’utilisation n’est pas beaucoup influencée par la localisation de la corrosion,


bien que le rapport des moments diminue rapidement. Ceci s’explique par le tracé des
câbles sur appui qui crée une diminution de la résistance en même temps qu’une
diminution du rapport des moments.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 103

5.3.1.4 Etude de cas 2 – Pont N°15


Le passage supérieur (pont N°15) est décrit dans l’annexe A. Le tablier est composé d’une
dalle évidée dont l’armature est représentée à la figure 5.14. Les enrobages moyens mesurés
in-situ sont de 30 mm pour l’armature passive et estimés à 40 mm pour la précontrainte.
a) sur appui

16 câbles 50 torons Ø 7 mm
b) en travée

Figure 5.14 Coupes des sections sur béquille et en travée.


Le comportement structural est identique au pont N°2 (5.3.1.5). Pour la répartition
transversale des efforts, l’hypothèse est faite que chaque partie de la dalle au-dessus de
chacune des 3 béquilles travaille indépendamment des autres. La charge concentrée du
modèle 1 est reprise par l’un des câbles de la partie au-dessus des béquilles, ce qui revient à
(3/16) de la sollicitation.
Différents scénarios de ruine déterminants ont été identifiés avec les mécanismes de ruine
présentés au point 5.3.1.2 :
• Scénario 2a :
La corrosion de l’armature en travée par une exposition au brouillard salin et un béton
de classe de perméabilité B (figure 5.15).
La vitesse de corrosion est faible (0.02 mm/an) et aucun problème de sécurité
structurale n’est à signaler durant 170 ans. Dès que la précontrainte corrode, la sécurité
structurale décroît plus rapidement ; l’armature passive sert d’indicateur.
104 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

n = Rd /S d Exposition au brouillard

1.8
Classe B
1.6
1
2
1.4
Béton d’enrobage de classe B
1.2 1) Corr. armature (42 ans)
2) Corr. précontrainte (79 ans)
1.0
Début de la redistribution du moment
0.8 Début de la plastification sous charges
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 de service
Temps [ans] Sécurité structurale insuffisante

Figure 5.15 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de la section en travée.


• Scénario 2b :
Le cas de coulures le long du bord du tablier en travée (exposition du type
éclaboussures) est représenté à la figure 5.16. Les temps d’initiation sont plus faibles
que dans le cas de l’exposition au brouillard salin (scénario précédent).
La durée d’utilisation de l’ouvrage est largement influencée par la perméabilité du
béton d’enrobage (figure 5.16). Pour un béton avec une classe de perméabilité C, la
durée d’utilisation de l’ouvrage est de moins de 20 ans alors qu’elle est de 55 ans et de
120 ans pour une classe de perméabilité B et A respectivement.
Ce scénario montre l’importance de l’exposition de la face inférieure du tablier par
rapport au scénario précédent. Sans la présence de coulures, la durée d’utilisation de
l’ouvrage est supérieure à 170 ans (figure 5.15), alors qu’elle est réduite à 55 ans, pour
un béton de classe de perméabilité B.
Juste avant que la sécurité structurale ne soit plus garantie, la section en travée plastifie
sous les charges de service, créant une importante fissuration de la section et
entraînant une grande redistribution des efforts.

n = Rd /S d Exposition aux éclaboussures


1.8 3
Béton d’enrobage de classe C
1.6 1) Corr. armature (5 ans)
1 5
4 2) Corr. armature (8 ans)
6
1.4 2 Béton d’enrobage de classe B
3) Corr. armature (13 ans)
1.2 4) Corr. armature (35 ans)
Béton d’enrobage de classe A
1.0
Classe B
5) Corr. armature (52 ans)
Classe C Classe A
6) Corr. armature (104 ans)
0.8
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Début de la redistribution du moment
Temps [ans] Début de la plastification sous charges
de service
Sécurité structurale insuffisante

Figure 5.16 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de la section en travée


en fonction de la classe de perméabilité du béton d’enrobage.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 105

• Scénario 2c :
La corrosion de l’armature au-dessus de la béquille avant, suite à l’infiltration d’eau à
travers une défaillance de l’étanchéité au bout de 20 ans (figure 5.17).
La diminution de la sécurité structurale est rapide pour avec un béton d’enrobage de
classe de perméabilité C ; les temps d’initiation sont courts et la vitesse de propagation
plus élevée que pour les meilleures classes de perméabilité. La durée d’utilisation de
l’ouvrage est de 30, 60 et 120 ans en fonction de la classe de perméabilité.
Dans ce scénario de ruine, comme dans le cas du pont N°2, la section en travée ne
plastifie pas sous les charges de service (figure 5.11). La redistribution des efforts est
moindre que dans le cas de la corrosion de l’armature en travée. Cependant il faut
s’attendre à la formation d’une fissuration importante de la poutre au-dessus de la
béquille. Avant que la sécurité structurale ne devienne insuffisante, il y a une
redistribution du moment.

n = Rd /S d Exposition directe aux infiltrations


1.8 2
Béton d’enrobage de classe C
1) Corr. armature (23 ans)
1.6 2) Corr. précontrainte (25 ans)
1 3 4 5 Béton d’enrobage de classe B
6
1.4 3) Corr. armature (26 ans)
4) Corr. précontrainte (40 ans)
1.2 Béton d’enrobage de classe A
5) Corr. armature (59 ans)
1.0 6) Corr. précontrainte (100 ans)
Classe C Classe B Classe A
0.8
Début de la redistribution du moment
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Début de la plastification sous charges
Etanchéité intacte Temps [ans] de service
Sécurité structurale insuffisante

Figure 5.17 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de la section sur la


béquille avant en fonction de la classe de perméabilité du béton d’enrobage.

5.3.1.5 Discussion sur les scénarios de ruine des ponts à béquilles


L’application des scénarios de ruine sur l’échantillon des ponts montre :
a) Au niveau du comportement structural :
• Une forme de courbe caractéristique avec des paliers provenant de la corrosion
de différentes armatures dans différentes sections ; ni les temps d’initiation ni
les vitesses de propagation ne sont forcément identiques, les phénomènes sont
décalés dans le temps.
• La corrosion de l’armature passive diminue la marge de sécurité, mais tant que
la précontrainte principale est intacte, aucun problème de sécurité structurale
n’est à signaler.
• Lors de la corrosion de la précontrainte, des problèmes d’aptitude au service
avec des flèches excessives et de grandes déformations peuvent se produire
juste avant que la sécurité structurale soit insuffisante.
106 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

• Une forte redistribution des efforts et la plastification de la section corrodée


sous les charges de service (avant que la sécurité structurale soit insuffisante)
conduit à la formation d’une fissuration importante dans cette zone.
• La rupture de la béquille arrière crée une instabilité du système porteur dans le
cas d’une charge de trafic sur la travée centrale. Cependant, grâce à une
redistribution, la sécurité structurale n’est pas mise en péril. Des déformations
et des fissurations excessives devraient donner un signal d’alarme à
l’inspecteur.
• L’armature constructive augmente la sécurité structurale, mais n’est pas
indispensable pour que la sécurité structurale soit garantie. Elle sert
d’indicateur pour la corrosion des armatures principales.
b) Au niveau temporel :
• Le rôle du béton d’enrobage est déterminant. La classe de perméabilité et
l’épaisseur d’enrobage ont une grande influence sur le comportement temporel
de la structure.
• L’exposition de la structure a une grande influence. Notamment dans le cas
d’un défaut du système d’évacuation de l’eau qui conduit à la formation de
coulures (type d’exposition : éclaboussures), la durée d’utilisation est
considérablement réduite.
• Les durées d’utilisation sont longues (plus de 100 ans) surtout pour les bétons
de classes de perméabilité A et B. La détérioration se propage à une faible
vitesse qui permet la mise en place d’une surveillance et d’interventions
adéquates.
c) Au niveau des segments déterminants :
• La zone sur la béquille avant et la zone au milieu de la travée centrale peuvent
être définies comme des segments déterminants pour les ponts à béquilles.
L’armature principale de l’un de ces segments doit corroder pour que la
sécurité structurale devienne insuffisante.
• La béquille arrière est un segment déterminant, bien qu’il soit invisible au
niveau des inspections.

5.3.2 Ponts-poutres continus

5.3.2.1 Introduction
Les ponts-poutres continus sont composés de tabliers avec des sections fermées (caisson) et
des sections ouvertes (deux poutres maîtresses). Ces ouvrages ont une importante
précontrainte longitudinale composée de plusieurs câbles qui assurent l’aptitude au service et
une grande partie de la sécurité structurale longitudinale. Ces câbles ont généralement un
enrobage important qui limite la probabilité de corrosion des câbles. La sécurité structurale
longitudinale est ainsi garantie pour une longue durée.
Au niveau de la précontrainte longitudinale, les problèmes viennent surtout des zones
d’ancrages qui peuvent être exposées notamment à des coulures d’eau contaminée par les
chlorures suite à un défaut du joint à l’extrémité de l’ouvrage. Les têtes d’ancrages sont
souvent mal protégées par un béton de mauvaise qualité qui constitue une protection
insuffisante.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 107

L’élément prédominant relevé par l’inspection de l’échantillon des ouvrages est le système
porteur transversal : la dalle du tablier. Les armatures sont proches de la surface (de 15 à
30 mm) et les surfaces sont exposées au sel de déverglaçage .

5.3.2.2 Mécanismes de ruine


La corrosion de l’armature du tablier, qui est la plus proche de la surface du béton, constitue
le scénario de ruine qui détériore l’ouvrage le plus rapidement. Deux mécanismes de ruine
peuvent être rencontrés :
i) Rupture du porte-à-faux à la suite de la corrosion de l’armature, selon le
mécanisme de ruine représenté à la figure 5.18.
ii) Rupture de la dalle entre les âmes du caisson ou entre les poutres maîtresses, selon
le mécanisme de ruine représenté à la figure 5.19.
b) Vue en plan
a) Coupe transversale

modèle de charge 1
Lignes de rupture

Figure 5.18 Mécanisme de rupture du porte-à-faux.


108 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

a) Coupe transversale
modèle de charge 1

b) Vue en plan

Lignes de rupture

Figure 5.19 Mécanisme de rupture de la dalle du tablier en travée.


Les deux mécanismes de ruine sont analysés selon la méthode cinématique. Le coefficient de
sécurité est obtenu en effectuant le rapport entre la somme des travaux des moments résistants
(coefficient de résistance inclus) ΣWRd et la somme des travaux des sollicitations (facteurs de
charge inclus) ΣWSd (équation 5.12). Etant donné que la méthode cinématique donne une
borne supérieure du coefficient de sécurité, sa valeur minimale est obtenue en faisant varier
l’angle α. Cet angle change en fonction du temps à cause de la réduction de la résistance des
armatures, due à la corrosion des armatures (perte de section).

n=
∑W Rd
(équation 5.12)
∑W Sd

Remarque : Au cas où la précontrainte longitudinale est proche de la surface, dans le cas d’un
point haut sur appui ou très exposée par un défaut d’injection ou de défaut local, il se peut que
le mécanisme de rupture longitudinal soit déterminant. Dans ce cas, il faut introduire un
« segment déterminant » au niveau de chaque appui et au milieu de chaque travée. Comme
pour les ponts à béquilles, l’armature principale de précontrainte doit être corrodée avant que
la sécurité structurale soit insuffisante.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 109

5.3.2.3 Etude de cas 3 – Pont N°7 – Porte-à-faux


L’armature du tablier est représentée à la figure 5.20 et les plans dans l’annexe A. L’enrobage
moyen mesuré sur l’ouvrage est de 20 mm pour l’armature inférieure transversale et une
hypothèse de 30 mm pour l’armature transversale de la nappe supérieure.

Ø 16 mm e=125
Ø 10 mm e=150

Ø 10 mm e=150

Ø 10 mm e=100

Figure 5.20 Coupe transversale du porte-à-faux.


Différents scénarios de ruine déterminants ont été identifiés avec les mécanismes de ruine
présentés au point 5.3.2.2 :
• Scénario 3a :
La corrosion de l’armature inférieure se propage, suite à l’exposition à des coulures
d’eau provenant de la chaussée (éclaboussures) engendrés par un défaut de
l’évacuation de l’eau (goutte-pendante et bordure).
L’évolution du coefficient de sécurité, représenté à la figure 5.21, montre une
asymptote vers une valeur de 1.6. Ainsi la sécurité structurale du tablier ne peut être
mise en danger par la corrosion de l’armature inférieure qui est constructive.
Cependant, celle-ci sert d’indicateur pour la perméabilité du béton qui permet de
prédire l’évolution de l’état de l’armature supérieure.

Exposition aux coulures


n =ΣWRd /ΣWSd
(éclaboussures)
2.2 2 4

2.0
1 3 5 Classe de perméabilité
1.8 A
C
B Béton d’enrobage de classe C
1.6 1) Corr. arm. trans. (1 an)
2) Corr. arm. long. (5 ans)
1.4
Béton d’enrobage de classe B
1.2 2) Corr. arm. trans (5 ans)
3) Corr. arm. long. (13 ans)
1.0
Béton d’enrobage de classe A
0.8 4) Corr. arm. trans. (15 ans)
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 5) Corr. arm. long. (52 ans)
Te mps [ans]

Figure 5.21 Evolution du coefficient de sécurité par la corrosion de l’armature inférieure


du porte-à-faux en fonction de la classe de perméabilité du béton d’enrobage.
110 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Bien que la sécurité structurale soit garantie, la différence de comportement est bien
marquée selon la perméabilité du béton. Pour un béton de classe de perméabilité C, le
temps d’initiation est très faible et la vitesse de corrosion très grande. Au bout de 20
ans, les barres sont complètement corrodées, alors que pour un béton de classe de
perméabilité A, le même processus prend 100 ans.
• Scénario 3b :
L’armature supérieure de la dalle corrode suite à un défaut de l’étanchéité (figure
5.22). Il est admis que la face supérieure du tablier soit exposée directement à l’eau de
la chaussée après 20 ans.
La sécurité structurale est largement suffisante à l’état initial par la vérification selon
le mécanisme de ruine. Au bout de 38, 86 et 125 ans, la sécurité structurale devient
insuffisante, montrant l’influence de la perméabilité du béton d’enrobage.

Exposition aux infiltrations


n =ΣWRd /ΣWSd
(directe)
2.2

2.0
13 5
Béton d’enrobage de classe C
1.8 1) Corr. arm. trans. (23 ans)
2) Corr. arm. long. (28 ans)
1.6
Béton d’enrobage de classe B
1.4 2 3) Corr. arm. trans (26 ans)
4) Corr. arm. long. (48 ans)
1.2
4 Béton d’enrobage de classe A
1.0 5) Corr. arm. trans. (59 ans)
C B A Classe de perméabilité 6) Corr. arm. long. (116 ans)
0.8
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Etanchéité intacte
Te mps [ans] Sécurité structurale insuffisante

Figure 5.22 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de l’armature


supérieure suite à un défaut de l’étanchéité faux en fonction de la classe de
perméabilité du béton d’enrobage.

5.3.2.4 Etude de cas 4 –Pont N°11 - Porte-à-faux du tablier avec précontrainte


transversale
L’armature du tablier est représentée à la figure 5.23. Le tablier est précontraint avec un câble
tous les 1.25m. La précontrainte balance l’ensemble des charges permanentes du porte-à-faux
et le degré de précontrainte mécanique est de 54 % [WALTHER_90]. L’enrobage moyen,
mesuré sur l’ouvrage, est de 25 mm pour l’armature inférieure longitudinale, une hypothèse
de 30 mm pour l’armature longitudinale de la nappe supérieure et 40 mm pour la
précontrainte.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 111

câble 6 torons de 93 mm 2, e= 1.25m

Ø 16 mm , e = 150
Ø 12 mm , e = 150

Ø 12 mm , e = 150

Ø 12 mm , e = 150

Figure 5.23 Coupe transversale et armature du porte-à-faux.


Différents scénarios de ruine déterminants ont été identifiés avec les mécanismes de ruine
présentés au point 5.3.2.2 :
• Scénario 4a :
L’armature inférieure corrode suite à une exposition au brouillard salin. Comme le
montre la figure 5.24, la sécurité structurale est largement suffisante (coefficient de
sécurité de 2.32) et la détérioration diminue le coefficient de sécurité jusqu’à une
valeur de 1.89. Comme dans le cas sans précontrainte, la corrosion de l’armature
inférieure ne suffit pas à mettre en danger la sécurité, mais sert d’indicateur pour
l’armature supérieure.

n =ΣWRd /ΣWSd Exposition au brouillard


5
2.4
Classe de perméabilité
2.2
1 3 A
4 B
2.0 6
2 C
1.8
Béton d’enrobage de classe C
1.6 1) Corr. arm. long. (20 ans)
1.4 2) Corr. arm. trans. (41 ans)
1.2 Béton d’enrobage de classe B
3) Corr. arm. long. (30 ans)
1.0
4) Corr. arm. trans. (61 ans)
0.8 Béton d’enrobage de classe A
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 5) Corr. arm. long. (59 ans)
Te mps [ans] 6) Corr. arm. trans. (109 ans)

Figure 5.24 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de l’armature inférieure


du porte-à-faux en fonction de la classe de perméabilité du béton
d’enrobage.
• Scénario 4b :
L’armature supérieure corrode suite à un défaut de l’étanchéité après 20 ans. La
précontrainte transversale est considérée comme protégée (figure 5.25).
La sécurité structurale n’est plus garantie lorsqu’un pourcentage d’armature très
important (près de 90%) de l’armature passive est corrodé si l’armature précontrainte
est intacte. La durée d’utilisation de l’ouvrage varie en fonction de la classe de
perméabilité du béton d’enrobage ; respectivement 38, 90 et 155 ans.
112 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Précontrainte intacte Exposition aux infiltrations


n =ΣWRd /ΣWSd
3 (directe)
2.4
2.2 5
1
2 Béton d’enrobage de classe C
2.0
4
1.8
1) Corr. arm. long. (23 ans)
6
2) Corr. arm. trans. (25 ans)
1.6 Béton d’enrobage de classe B
1.4 3) Corr. arm. long. (26 ans)
Classe C Classe B Classe A
1.2 4) Corr. arm. trans. (40 ans)
Béton d’enrobage de classe A
1.0
5) Corr. arm. long. (59 ans)
0.8 6) Corr. arm. trans. (100 ans)
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Etanchéité intacte
Te mps [ans] Sécurité structurale insuffisante

Figure 5.25 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de l’armature


supérieure suite à un défaut de l’étanchéité avec la précontrainte intacte en
fonction de classe de perméabilité du béton d’enrobage.
• Scénario 4c :
Scénario de ruine est identique au précédent mais considérant que la précontrainte
transversale n’est pas protégée. L’évolution du coefficient de sécurité est représentée
dans la figure 5.26 pour les différentes classes de perméabilité du béton d’enrobage.
L’évolution de l’état est identique qu’avec une précontrainte intacte (scénario 4b), sauf
que la diminution du coefficient de sécurité est plus rapide dès que la précontrainte
commence à corroder.
Précontrainte attaquée Exposition aux infiltrations
n =ΣWRd /ΣWSd
3 (directe)
2.4
2.2 5
1
2
2.0 Béton d’enrobage de classe C
4
1.8 6 1) Corr. arm. long. (23 ans)
1.6 2) Corr. arm. trans. (25 ans)
et corr. précontrainte
1.4 Béton d’enrobage de classe B
Classe B Classe A
1.2 3) Corr. arm. long. (26 ans)
Classe C
1.0 4) Corr. arm. trans. (40 ans)
et corr. précontrainte
0.8
Béton d’enrobage de classe A
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Etanchéité intacte 5) Corr. arm. long. (59 ans)
Te mps [ans] 6) Corr. arm. trans. (100 ans)
et corr. précontrainte
Sécurité structurale insuffisante
Figure 5.26 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de l’armature
supérieure et de la précontrainte suite à un défaut de l’étanchéité avec la
précontrainte.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 113

5.3.2.5 Etude de cas 5 – Pont N°7 - Entre les âmes du caisson


La coupe transversale du tablier du pont est représentée à la figure 5.27 et les plans sont dans
l’annexe A. L’enrobage de l’armature moyen mesuré est de 30 mm pour l’armature inférieure
et une hypothèse de 30 mm est faite pour l’armature supérieure.

Ø 16 mm, e =125

Ø 10 mm, e =150

Ø 10 mm, e =150

Ø 14 mm, e =125

Figure 5.27 Coupe transversale du pont N°7


Scénario 5 :
Pour cet ouvrage, le scénario de ruine de la corrosion de l’armature supérieure de la dalle,
suite à un défaut de l’étanchéité après 20 ans est déterminant. L’évolution du coefficient de
sécurité est représenté à la figure 5.28 pour un béton des trois classes de perméabilité.
La sécurité structurale est importante par rapport à ce mécanisme de rupture, étant donné
l’effet favorable des armatures constructives.
La durée d’utilisation de l’ouvrage est de 38, 82 et 147 ans en fonction de la classe de
perméabilité du béton d’enrobage, montrant l’influence importante de ce paramètre.

Exposition aux infiltrations


n =ΣWRd /ΣWSd 3 (directe)
2.6
2.4
1 5
2.2 Béton d’enrobage de classe C
2.0 1) Corr. arm. trans. (23 ans)
1.8 2) Corr. arm. long. (28 ans)
1.6 2 4 Béton d’enrobage de classe B
3) Corr. arm. trans. (26 ans)
1.4
Classe C 4) Corr. arm. long. (49 ans)
1.2 Classe B Béton d’enrobage de classe A
1.0 Classe A 5) Corr. arm. trans. (59 ans)
6
0.8 6) Corr. arm. long. (139 ans)
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Etanchéité intacte Sécurité structurale insuffisante
Te mps [ans]

Figure 5.28 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de l’armature supérieure suite à
un défaut de l’étanchéité en fonction de la classe de perméabilité du béton
d’enrobage.
114 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

5.3.2.6 Discussion sur les scénarios de ruine des ponts-poutres continus


Les scénarios de ruine de la dalle du tablier montrent :
a) Au niveau du comportement structural :
• Les ouvrages présentent une grande marge de sécurité par rapport aux
mécanismes de ruine. Cela provient d’une part de l’effet favorable de
l’armature constructive (nappe inférieure) et de l’actualisation des charges
(notamment au niveau du coefficient dynamique).
• En présence d’une précontrainte transversale, pratiquement toute l’armature
passive doit avoir corrodé pour que la sécurité structurale devienne insuffisante
avec une précontrainte transversale intacte.
• L’armature constructive augmente la sécurité structurale, mais n’est pas
indispensable pour que la sécurité soit garantie.
• Une forte redistribution des efforts et la plastification de la section corrodée
sous les charges de service (avant que la sécurité structurale soit insuffisante)
conduit à la formation d’une fissuration importante dans cette zone qui devrait
donner un signal d’alarme à l’inspecteur.
b) Au niveau temporel :
• L’influence de l’étanchéité et du système de l’évacuation de l’eau est
prépondérante sur la durée d’utilisation. Les temps d’initiation sont courts, une
fois qu’un défaut d’étanchéité est apparu. Une exposition à des coulures réduit
de manière importante la durée d’utilisation du porte-à-faux.
• Les durées d’utilisation sont longues surtout pour les bétons de classes de
perméabilité A et B. La détérioration se propage à une faible vitesse, ce qui
permet la mise en place d’une surveillance et d’interventions.
c) Au niveau des segments déterminants :
• Les faces supérieure et inférieure du tablier sont les segments déterminants des
ponts-poutres continus.

5.3.3 Ponts-cadres

5.3.3.1 Général
La plupart des passages inférieurs sont constitués de ponts-cadres en béton armé sans
précontrainte avec des dalles pleines pour des portées de 5 à 15 mètres. Ces ouvrages sont très
monolithiques et ont des grandes épaisseurs de béton. Sur la base des observations faites in-
situ et de l’étude des plans, il est difficile de concevoir une rupture globale de l’ouvrage.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 115

5.3.3.2 Mécanismes de ruine


Les mécanismes de ruine retenus sont les mécanismes locaux de la dalle du tablier des ponts-
continus :
i) Rupture au bord de la dalle selon le mécanisme de ruine représentée à la figure
5.18.
ii) Rupture de la dalle en travée selon le mécanisme de ruine représentée à la figure
5.19.
Pour les deux mécanismes, une zone affectée par la détérioration doit être déterminée. Dans le
cas du pont N°10 (section 5.3.3.3), un angle limite de 45° a été donné pour la détermination
de la sécurité structurale en présence de la corrosion de l’armature.

5.3.3.3 Etude de cas 6 – Pont N°10


Le pont cadre (pont N°10) est présenté dans l’annexe 2. Une coupe du bord de la dalle est
représentée à la figure 5.29. L’enrobage mesuré sur l’ouvrage est de 25 mm pour l’armature
inférieure et une hypothèse de 30 mm pour l’armature supérieure est faite.

Ø 10 mm, e = 200

Ø 12 mm, e = 100

Ø 26 mm, e = 100
Ø 12 et 14 mm
alterné, e = 200

Figure 5.29 Coupe transversale du bord de la dalle du pont N°10.


Différents scénarios de ruine déterminants ont été identifiés avec les mécanismes de ruine
présentés au point 5.3.2.2 :
• Scénario 6a :
La corrosion de l’armature inférieure se propage suite à des coulures d’eau provenant
de la chaussée suite à un défaut de l’évacuation de l’eau, goutte-pendante et bordure.
L’évolution des coefficients de sécurité est représentée à la figure 5.30 pour les trois
classes de perméabilité du béton d’enrobage.
La marge de sécurité structurale est grande pour ce mécanisme de rupture locales étant
donné la forte armature qui a été mise en place pour la sécurité globale de l’ouvrage.
Lorsque pratiquement toute l’armature principale a corrodé (plus de 90%), la sécurité
structurale devient finalement juste insuffisante.
La durée d’utilisation de l’ouvrage est de 40 ans pour un béton d’enrobage de classe C
et de plus de 150 ans pour de les autres classes.
116 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Exposition aux coulures


n =ΣWRd /ΣWSd
(eclaboussures)
3.8 3 5
3.4
3.0
Béton d’enrobage de classe C
1 4 6 1) Corr. arm. trans. (5 ans)
2
2.6 2) Corr. arm. long. (8 ans)
2.2 Béton d’enrobage de classe B
1.8 3) Corr. arm. trans. (13 ans)
Classe C Classe B Classe A 4) Corr. arm. long. (35 ans)
1.4
Béton d’enrobage de classe A
1.0 5) Corr. arm. trans. (52 ans)
0.6 6) Corr. arm. long. (104 ans)
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Sécurité structurale insuffisante
Te mps [ans]

Figure 5.30 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de l’armature inférieure


suite à des coulures en fonction de la classe de perméabilité du béton
d’enrobage.
• Scénario 6b :
L’armature supérieure corrode suite à un défaut de l’étanchéité après 20 ans.
L’évolution du coefficient de sécurité au niveau II est représentée à la figure 5.31 pour
les trois qualités du béton d’enrobage.
La sécurité structurale n’est pas mise en danger par la corrosion de l’armature
supérieure. Ceci s’explique par la forte armature inférieure longitudinale capable de
porter les charges sur l’ensemble de la portée du passage inférieur.
Exposition aux infiltrations
n =ΣWRd /ΣWSd
(direct)
3.8 2 5
3.4 6
3.0 Classe de perméabilité
13 4
B A
2.6
C Béton d’enrobage de classe C
2.2 1) Corr. arm. trans. (22 ans)
1.8 2) Corr. arm. long. (24 ans)
1.4
Béton d’enrobage de classe B
3) Corr. arm. trans. (25 ans)
1.0 4) Corr. arm. long. (35 ans)
0.6 Béton d’enrobage de classe A
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 5) Corr. arm. trans. (45 ans)
Etanchéité intacte 6) Corr. arm. long. (80 ans)
Te mps [ans]

Figure 5.31 Evolution du coefficient de sécurité avec la corrosion de l’armature supérieure


suite à un défaut de l’étanchéité en fonction de la classe de perméabilité du
béton d’enrobage.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 117

5.3.3.4 Discussion sur les scénarios de ruine des ponts-cadres


Les scénarios de ruine des ponts-cadres montrent :
a) Au niveau du comportement structural :
• Les ouvrages présentent une grande marge de sécurité par rapport aux
mécanismes de ruine locaux. Cela provient de la grande épaisseur des éléments
et de l’importante armature qui a été mise en place pour le comportement
global de la structure.
• Pour que la sécurité structurale devienne insuffisante, il faut que pratiquement
toute l’armature principale soit corrodée à l’échelle du mécanisme de ruine
(plus de 80%).
• La corrosion de l’armature supérieure n’a pas d’influence déterminante sur le
comportement local dans le cadre des mécanismes considérés et seul la marge
de sécurité est réduite en cas de corrosion.
b) Au niveau temporel :
• Comme dans le cas des dalles de roulement des ponts-continus, l’étanchéité et
le système d’évacuation de l’eau jouent un rôle déterminant dans l’évolution de
l’état. L’influence relative de l’étanchéité est très importante lorsque le béton
d’enrobage est de classe de perméabilité C, étant donné la grande vitesse de
propagation dans ce cas.
• Les durées d’utilisation sont longues surtout pour les bétons de classes de
perméabilité A et B. La détérioration se propage à une faible vitesse, ce qui
permet la mise en place d’une surveillance et d’interventions.
c) Au niveau des segments déterminants :
• Comme dans le cas des dalles du tablier des ponts-continus, les faces
supérieures et inférieures de la dalle du tablier sont considérés comme
segments déterminants.

5.4 Analyse des résultats et conclusions


L’étude des scénarios de ruine a permis de mettre en évidence les scénarios prépondérants
pour l’évolution du comportement structural et les segments déterminants des ponts. Pour que
la sécurité structurale devienne insuffisante, l’armature principale de ces segments
déterminants doit corroder jusqu’à ce qui peut être défini comme un « pourcentage de
corrosion critique » représenté dans le tableau 5.5, en fonction du type de segment.
En établissant pour chaque type de pont ses « segments déterminants », avec toutes les
propriétés relatives au temps d’initiation de la corrosion (exposition, présence d’une
étanchéité, qualité du béton d’enrobage et épaisseur de l’enrobage) et à la propagation
(exposition, classe de perméabilité du béton d’enrobage et pourcentage de corrosion critique
de corrosion critique de l’armature principale), le temps pour atteindre une sécurité structurale
insuffisante peut être établi de manière systématique. La prédiction de la durée d’utilisation de
l’ouvrage peut être intégrée dans les BMSs en introduisant les segments déterminants et leur
pourcentage de corrosion critique pour atteindre la condition d’état 5 tout en supprimant la
condition d’état 5 pour les autres éléments. Ainsi l’évolution de la sécurité structurale est
inclue de manière directe (tableau 5.5) : dès qu’un élément est en classe d’état 5, la sécurité
structurale de l’ouvrage n’est plus garantie.
118 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

Classe de
Durée ∅ Pourcentage
Type de Elément Segment perméabilité
étanchéité Enrobage Exposition armature critique de
pont clé déterminant du béton
ou protection principale corrosion
d’enrobage
A Direct
Sur béquille mesuré
Poutre [années] B Eclaboussures [mm] 20-30%
avant [mm]
Pont à C Brouillard
béquilles A Direct
Milieu travée mesuré
Poutre [années] B Eclaboussures [mm] 30-40%
centrale [mm]
C Brouillard
A Direct
mesuré
Sur appui [années] B Eclaboussures [mm] 20-40%
Pont [mm]
Dalle du C Brouillard
poutre
tablier A Direct
continu mesuré
En travée [années] B Eclaboussures [mm] >50%
[mm]
C Brouillard
A Direct
Face mesuré
[années] B Eclaboussures [mm] >50%
supérieure [mm]
Pont Dalle du C Brouillard
cadre tablier A Direct
Face mesuré
[années] B Eclaboussures [mm] >50%
inférieure [mm]
C Brouillard

Tableau 5.5 Propriétés des segments déterminants des types de ponts et leur pourcentage critique
de corrosion.

En ce qui concerne la durabilité et donc la durée d’utilisation des ouvrages, l’étude effectuée
dans ce chapitre permet d’établir pour les « segments déterminants » :
• L’étude montre l’effet bénéfique de l’étanchéité sur la face supérieure des tabliers de
ponts-routes. En maintenant cette barrière de protection, par le renouvellement de
l’étanchéité, la durée d’utilisation de l’ouvrage dans son ensemble est garantie,
quelque soit la perméabilité du béton d’enrobage.
Pour se passer de cette protection avec un béton de classe de perméabilité A, un
enrobage moyen de 25 mm est nécessaire pour garantir une durée d’utilisation de 50
ans et un enrobage de 35 mm pour 100 ans. Avec un béton de classe de perméabilité
B, 40 à 45 mm d’enrobage sont nécessaires en moyenne pour 50 ans et 50 mm pour
100 ans. Et avec un béton de classe de perméabilité C, il n’est pas possible de garantir
une durée d’utilisation de 50 ans (tableaux 5.6 et 5.7).
Avec les enrobages recommandés et disposés sur les ouvrages (35 mm), une durée
d’utilisation est seulement garantie avec un béton d’enrobage de classe de perméabilité
A. Pour les bétons des autres classes de perméabilité, une étanchéité est nécessaire.
• En plus de l’épaisseur d’enrobage, c’est la perméabilité du béton d’enrobage qui
influence de manière significative le processus de détérioration. Les différents
scénarios de ruine étudiés ont montrés que pour un béton avec une faible perméabilité,
les temps d’initiation sont grands et que les vitesses de propagations de la corrosion
petites. Au contraire, pour un béton avec une grande perméabilité, les temps
d’initiation courts et les vitesses de propagation de la corrosion élevées. Ainsi, la
durée d’utilisation des ouvrages avec les épaisseurs d’enrobages de 25 mm à 40 mm
observés in-situ sur les ouvrages de l’échantillon est :
o de plus de 80 ans pour un béton d’enrobage de classe de perméabilité A.
o de 40 à 100 ans pour un béton d’enrobage de classe de perméabilité B.
o de 20 à 50 ans pour un béton d’enrobage de classe de perméabilité C.
Chapitre 5 – Scénarios de ruine 119

• L’exposition est un paramètre important qui influence le processus de détérioration.


En fonction du type d’exposition, la durée d’utilisation d’un pont est grandement
modifiée. En changeant de type d’exposition, la durée d’utilisation est diminuée.
Ainsi, il est important de relever l’exposition des segments au cours des inspections
principales. Cette observation est déterminante, notamment en ce qui concerne les
modifications d’exposition suite à un défaut de l’étanchéité ou un problème
d’évacuation de l’eau qui crée des coulures sur les faces inférieures du tablier. En
conséquence, il importe, lors de l’entretien des ponts, d’intervenir immédiatement à
tout écoulement d’eau non-intentionnelle le long des surfaces de béton.
Pour les segments sans étanchéité, les tableaux 5.6 et 5.7 montrent les enrobages
moyens nécessaires pour une durée d’utilisation de 50 et 100 ans. Les enrobages
indiqués sont uniquement valables dans le cas de la corrosion en présence de chlorures
et ne considèrent aucun autre mécanisme de détérioration.

Classe de Exposition
perméabilité du
béton d’enrobage Brouillard Eclaboussures Direct

A 10 - 15 20 25
B 20 30 40 - 45
C 25 – 30 >> >>

Tableau 5.6 Enrobages moyens nécessaires (en mm) pour garantir une durée d’utilisation
de 50 ans en fonction de la classe de perméabilité du béton d’enrobage et de
l’exposition du segment sans étanchéité.

Classe de Exposition
perméabilité du
béton d’enrobage Brouillard Eclaboussures Direct

A 15 25 35
B 25 – 30 40 50
C 35 – 40 >> >>

Tableau 5.7 Enrobages moyens nécessaires (en mm) pour garantir une durée d’utilisation
de 100 ans en fonction de la classe de perméabilité du béton d’enrobage et de
l’exposition du segment sans étanchéité.

L’ensemble de l’étude sur les scénarios de ruine effectué dans ce chapitre permet de tirer les
conclusions suivantes :
• Pour la détérioration, par la corrosion dues aux chlorures des ponts étudiés dans ce
travail, il y a peu de scénarios et de segments déterminants.
• Au niveau du comportement structural, la corrosion de la précontrainte longitudinale
est peu probable et l’armature passive sert d’indicateur pour d’un processus de
corrosion.
• Le béton d’enrobage (perméabilité et épaisseur) ainsi que l’exposition jouent un rôle
décisif dans la prévision de l’évolution de l’état. Ces paramètres doivent donc
impérativement être déterminés pour chaque segment d’un pont par une inspection
120 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

visuelle et des méthodes d’auscultation non-destructives afin de pouvoir améliorer la


prévision de l’évolution de l’état.
• Le processus de détérioration est relativement lent. Les courbes de détérioration sont
en forme de paliers du fait que différentes armatures et sections du système porteur
sont impliquées dans les scénarios de ruine.

Remarque : Cette étude confirme la stratégie de maintenance « implicitement » appliquée


actuellement pour les ponts-routes en béton, à savoir, que les interventions sont motivées par
des problèmes de durabilité et non pas par des problèmes de sécurité structurale ou d’aptitude
au service. Cela veut aussi dire qu’il est vivement recommandé d’évaluer systématiquement
tous les ponts en béton du réseau, d’éliminer la cause des dégâts et d’effectuer les
interventions vis-à-vis :
1) des défauts du système d’évacuation de l’eau (tuyaux, pipettes, joints, toute sorte de
coulures, etc.) à remettre en état les systèmes d’évacuation de l’eau défectueux et
supprimer toutes les coulures d’eau incontrôlées
2) des segments fortement exposés avec une mauvaise « protection » (peu d’enrobage,
grande perméabilité) à apporter une protection de la surface.
Si ces deux interventions (en plus de la réparation des dégâts éventuels déjà présents) sont
effectuées, les ponts-routes en béton existants sont des ouvrages durables. Cette constatation
peut paraître triviale, mais il est possible qu’elle relativise un peu l’image négative que
l’ingénieur en structure et le public se fait de la détérioration des ponts en béton.
Chapitre 6 - Conclusion 121

Chapitre 6

Conclusion

6.1 Buts poursuivis


Ce travail de recherche présente une approche globale de la détérioration dans le cadre de la
maintenance d’un parc d’ouvrages d’art existants (ponts-routes). L’objectif est d’établir un
modèle de détérioration qui permet de prédire l’évolution de l’état et de formuler la prédiction
sous une forme utilisable dans les logiciels utilisés pour la maintenance des ouvrages d’art en
béton (BMSs). Le but principal regroupe les quatre aspects suivants :
• établir une approche qui permette de déterminer et d’évaluer l’état des ponts, en
incluant des valeurs quantitatives obtenues avec des méthodes d’auscultation non-
destructives en complément aux inspections visuelles qualitatives.
• établir un modèle de détérioration de la corrosion en présence de chlorures, qui est le
mécanisme de détérioration prépondérant des ponts-routes, basé sur les phénomènes
physiques et chimiques.
• prédire l’évolution de l’état des ponts-routes et formuler les résultats afin de pouvoir
être inclus dans les systèmes de gestion existants (BMSs).
• étudier le comportement structural des ponts et l’évolution de leur état jusqu’à la
ruine.

6.2 Bénéfices de la recherche


Les bénéfices apportés par de cette recherche sont multiples dans le domaine de la
maintenance :
• Le développement d’une nouvelle méthode de division en segments pour les
approches segmentielles a permis d’améliorer la description de l’état d’un pont et
d’établir les paramètres nécessaires à une prévision plus réaliste de l’évolution de
l’état. La méthode de division est directement applicable dans les systèmes de gestion
(BMSs).
122 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

• La prise en considération de la perméabilité et de l’épaisseur du béton d’enrobage


(mesurés avec des méthodes d’auscultation non-destructives sur l’ouvrage), ainsi que
de l’exposition (observée au cours d’une inspection visuelle in-situ) permet
d’améliorer la prévision de l’évolution de l’état des ponts-routes en béton et par
conséquent la gestion optimale d’un parc de ponts.
• Le développement d’un modèle de corrosion de l’armature, basé sur les phénomènes
physiques et chimiques, permet d’étudier l’effet des paramètres ainsi que de
considérer le caractère stochastique des paramètres et des phénomènes par une
approche probabiliste.
• La formulation des simulations de la détérioration, obtenue avec le modèle de
corrosion, sous la forme de chaînes de Markov, permet une utilisation directe des
résultats dans les BMSs. Les relations, établies entre les paramètres des segments et
les courbes d’évolution de l’état (chaînes de Markov), permettent de tenir compte des
conditions d’évolution. Ainsi la précision de la prédiction de l’évolution de l’état et,
par conséquent, la gestion du parc des ouvrages sont améliorées.
• L’étude du comportement des ponts jusqu’à leur ruine et l’identification des scénarios
de ruine permet de mieux comprendre les mécanismes de détérioration, d’inclure
l’effet du temps, d’obtenir une image de l’évolution de l’état de l’ensemble du parc
des ponts-routes et d’identifier les segments déterminants.

6.3 Démarche retenue


Les ponts-routes sont décomposés selon une approche segmentielle. La division est faite selon
les paramètres qui déterminent l’état des segments et surtout l’évolution de leur état. Les
paramètres retenus sont l’exposition aux sels de déverglaçage et les propriétés du béton
d’enrobage. Des méthodes d’auscultation non-destructives sont testées et appliquées pour
déterminer des valeurs quantitatives de la perméabilité et de l’épaisseur du béton d’enrobage.
Trois classes de perméabilité du béton d’enrobage sont définies et trois types d’exposition au
sel de déverglaçage sont identifiés, pour la division des segments.
L’approche segmentielle, avec la division proposée, est appliquée à un échantillon
représentatif des ponts du réseau des routes nationales suisses. Le relevé de l’état des ponts
permet d’identifier les différents mécanismes de détérioration et leurs dégâts. L’analyse des
dégâts caractéristiques, des vitesses de propagation et des fréquences d’apparition permet de
conclure que la corrosion en présence de chlorures est le mécanisme de détérioration
prépondérant.
Le mécanisme de corrosion en présence de chlorures est décrit, et un modèle de détérioration
pour la corrosion des armatures en présence de chlorures est développé selon les étapes
suivantes :
• Modèle de pénétration des chlorures
Un modèle de pénétration des chlorures est développé spécifiquement pour simuler
l’exposition des ponts-routes au sel de déverglaçage en tenant compte des mécanismes
de transport de l’eau et des chlorures. Les caractéristiques principales de l’exposition
sont les variations de l’humidité (en fonction de l’humidité relative de l’air et des
précipitations) et les variations de la teneur en chlorures de l’eau (été/hiver). Les
mécanismes de transport de l’eau sont l’adsorption capillaire et la diffusion de vapeur.
Chapitre 6 - Conclusion 123

Les deux mécanismes de transport des chlorures sont le transport par diffusion dans
l’eau et par entraînement avec l’eau.
Les deux mécanismes de diffusion (de l’eau et des chlorures) sont modélisés par les
équations de la diffusion. Le transport des chlorures entraînés par l’eau est modélisé en
effectuant une translation de la concentration de chlorures. Pour l’adsorption capillaire
de l’eau, un coefficient de diffusion, variable en fonction de l’épaisseur, permet la
modélisation du phénomène par les mêmes relations que la diffusion. Ainsi, la
pénétration des chlorures peut être modélisée avec un modèle numérique simple et
rapide sur l’ensemble de la durée de vie d’un pont.
Une analyse des mesures météorologiques (humidité relative de l’air, température et
précipitations) et des statistiques de salage des routes nationales permet de modéliser
l’exposition pour les trois types d’exposition au sel de déverglaçage identifiés.
Les simulations de la pénétration des ions chlorures sont effectuées pour les trois
classes de perméabilité du béton d’enrobage définies et les trois types d’expositions
identifiés en tenant compte de la distribution spatiale de la perméabilité du béton
d’enrobage (approche probabiliste).
• Initiation de la corrosion
Une définition probabiliste de l’initiation de la corrosion est déterminée en fonction
d’une teneur en ions chlorures libres, sur la base de l’analyse d’études et d’essais
trouvés dans la littérature.
L’évolution de la probabilité d’initiation de la corrosion est déterminée pour les
segments des ponts-routes sur la base des résultats de pénétration des chlorures.
• Propagation
Les phénomènes de propagation de la corrosion par piqûres et de la corrosion
généralisée sont décrits. Sur la base de la littérature, une relation est établie entre les
vitesses de propagation et les paramètres des segments, utilisés dans cette recherche
(l’exposition et la perméabilité du béton d’enrobage).
Pour déterminer l’évolution de l’état des segments des ponts-routes sous une forme utilisable
dans les BMSs, une relation est établie entre les conditions d’état définies dans les BMSs et
les propriétés des segments (probabilité d’initiation et la propagation de la corrosion des
armatures). Ainsi, la détérioration des segments est simulée par une dégradation en classes
d’état. Les simulations effectuées pour les trois classes de perméabilité, les trois types
d’exposition et pour diverses épaisseurs d’enrobage, sont classées selon trois vitesses de
dégradation correspondant à trois conditions d’évolution. Pour chaque vitesse de dégradation,
une matrice de dégradation (chaîne de Markov) est calculée par la méthode des moindres
carrés. Ainsi, trois matrices de dégradation sont déterminées pour des conditions d’exposition
favorables, normales et défavorables.
Le comportement structural des ponts-routes, jusqu’à leur ruine, est étudié par des scénarios
de ruine selon une approche semi-déterministe. Un scénario de ruine est défini par les
propriétés du pont (le comportement de la structure et les propriétés des segments) et les
sollicitations (charges et exposition au sel de déverglaçage). La ruine se produit selon des
mécanismes de ruine qui sont identifiés et analysés sur la base des ponts de l’échantillon du
parc des routes nationales. L’influence des différents paramètres (perméabilité, épaisseur
d’enrobage et exposition) est étudiée pour chaque scénario. L’analyse de l’ensemble des
scénarios permet d’identifier les segments déterminants.
124 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

6.4 Conclusions
Cette recherche mène aux conclusions suivantes :
Au niveau du relevé de l’état des ponts-routes en béton
• L’approche segmentielle pour décrire l’état des ponts-routes est basée sur la
détermination de la perméabilité et de l’épaisseur du béton d’enrobage ainsi que
l’exposition au sel de déverglaçage. Elle permet de diviser facilement la structure en
segments. L’avantage de cette division est que l’ensemble de la surface de chaque
segment a les mêmes propriétés et, par conséquent, la même évolution de l’état.
• Les méthodes d’auscultation non-destructives, utilisées in-situ dans le cadre de cette
recherche (mesure de la perméabilité à l’air et la profondeur de l’enrobage), se sont
révélées pratiques à utiliser et apportent un complément quantitatif aux inspections
visuelles. Elles permettent notamment d’effectuer la division en segments des ponts-
routes selon la méthode proposée.
• L’évaluation de l’état d’un échantillon représentatif du parc des ponts-routes du réseau
des routes nationales suisses a permis d’établir que l’ensemble du parc est en bon état.
Seuls quelques dégâts locaux ont été observés sur les structures, mais la sécurité
structurale, l’aptitude au service et la sécurité à l’exploitation (circulations) ne sont pas
mises en causes. Quant aux fréquents défauts des systèmes d’évacuation de l’eau,
observés in-situ, ainsi que leur détérioration rapide, ils mettent en cause la durabilité
des structures par une exposition plus importante des éléments de la structure.
Au niveau du modèle d’évolution de l’état des pont-routes en béton
• Le modèle de pénétration des chlorures développé permet de modéliser l’exposition
spécifique des ponts-routes au sel de déverglaçage et les différents mécanismes de
transport de l’eau et des chlorures. La simplicité et la rapidité du modèle numérique
permettent de simuler la pénétration des ions chlorures sur l’ensemble de la durée de
vie d’un ouvrage, de tenir compte des différents mécanismes de transport de l’eau et
des chlorures, tout en considérant la distribution spatiale de la perméabilité du béton
d’enrobage par une approche probabiliste.
• La prise en considération de la perméabilité et de l’épaisseur du béton d’enrobage
(mesurés avec des méthodes d’auscultation non-destructives sur l’ouvrage), ainsi que
de l’exposition (observée au cours d’une inspection visuelle in-situ), permettent
d’améliorer la prévision de l’évolution de l’état des segments des ponts-routes en
béton.
• Le développement de modèles, basés sur les phénomènes physiques et chimiques, a
permis d’étudier l’effet des paramètres sur la détérioration des ponts-routes et de
considérer le caractère stochastique des phénomènes par une approche probabiliste.
Au niveau de la dégradation et des chaînes de Markov
• La détérioration des segments peut être formulée selon une dégradation en classe
d’état, définis dans les BMSs, en fonction d’une relation établie entre les conditions
d’état et l’état de la corrosion (probabilité d’initiation et propagation de la corrosion).
Chapitre 6 - Conclusion 125

• L’établissement de trois matrices de dégradation, correspondant à des conditions


d’évolution des segments permet d’intégrer les résultats obtenus avec le modèle de
détérioration dans les BMS. En établissant la relation entre les vitesses de dégradation,
les conditions d’évolution et les propriétés des segments, la matrice de dégradation
correspondante pour chaque segment est déterminée sur la base de ses propriétés
(classe de perméabilité, épaisseur d’enrobage et exposition).
• La formulation de chaînes de Markov avec des matrices à coefficients constants est
imprécise pour représenter la détérioration. Si une transition entre deux conditions
d’état joue un rôle déterminant dans l’établissement de la stratégie d’intervention
(notamment entre les conditions 2 et 3, ou alors entre les conditions 3 et 4), d’autres
matrices ont été déterminées selon une variante d’optimisation pour obtenir la
meilleure prédiction possible de la transition déterminante.
Au niveau des scénarios de ruine
• L’étude du comportement des structures, jusqu’à leur ruine, a permis l’identification
des scénarios de ruine déterminants. Il y a peu de scénarios de ruine des ponts-routes
qui conduisent à la ruine de la structure dans le cas de la corrosion en présence de
chlorures.
• Les processus de détérioration sont relativement lents. L’implication de diverses
armatures avec différents temps d’initiation permet, dans la plupart des cas, par une
observation visuelle de la détérioration de prendre les mesures nécessaires pour éviter
les problèmes de sécurité structurale. Les zones avec des armatures ayant moins
d’enrobage ou les armatures constructives servent d’indicateur de l’évolution de l’état
du segment, de l’élément ou du pont dans son ensemble.
• La maintenance d’une étanchéité efficace de la dalle de roulement et d’un système
d’évacuation de l’eau en bon état permet en général de garantir sans problème la durée
de vie des ponts-routes existants.
• Pour les ouvrages neufs, des exigences de perméabilité du béton d’enrobage et de
l’épaisseur de l’enrobage ont été établies. Si celles-ci ne peuvent être garanties, une
protection de surface est nécessaire pour les éléments et les segments exposés.
• Actuellement, la sécurité structurale n’est pas considérée directement dans les BMS,
seul la condition d’état 5 décrit une situation où la sécurité est mise en danger. En
simulant la détérioration des segments déterminants dans les BMS à partir de leurs
propriétés (établis dans le chapitre 5.4 sur la base des scénarios de ruine), la sécurité
structurale et le comportement structural pourraient être inclus de manière directe.
Lorsque la corrosion d’un segment déterminant atteint le pourcentage de propagation
de la corrosion critique, qui a été déterminé pour chaque segment, celui-ci passe en
condition d’état 5.
126 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

6.5 Suggestions pour des travaux futurs


Ce travail a montré une approche globale de la détérioration dans le domaine des matériaux et
des structures des ponts-routes en béton. Les résultats ont été formulés pour être utilisables
dans le domaine de la gestion d’un parc d’ouvrages. Les suggestions pour des travaux futurs
sont les suivants :
1. Afin de traiter le sujet dans son ensemble, il a été nécessaire de limiter l’étendue de
l’étude. Au cours des recherches, diverses simplifications ont été effectuées, des
problèmes n’ont pas été résolus ou alors partiellement et le niveau de connaissances
actuelles ne permettait pas une meilleure prise en compte. Les suggestions
d’amélioration de l’approche sont les suivantes :
• intégrer une relation temporelle de liaison des chlorures avec le béton.
• approfondir les connaissances dans le domaine de la corrosion et notamment en ce
qui concerne la définition des conditions d’initiation de la corrosion, la probabilité
d’initiation de la corrosion et les vitesses de propagation en fonction de
l’exposition, de l’humidité, de carbonatation et des propriétés du béton.
• étudier l’exposition au sel de déverglaçage : la fréquence, la concentration,
l’environnement, etc..
• établir des matrices de dégradation avec des coefficients variables dans le temps
afin de mieux prendre en compte les phases de la détérioration : l’initiation et la
propagation.
• tenir compte de la probabilité de l’état de chaque barre (ou câble) impliquée dans
le scénario de ruine et d’une probabilité d’occurrence des piqûres de corrosion.
• effectuer une étude sur la durabilité des étanchéités et les équipements (joints,
appuis, etc.), puis d’intégrer des valeurs probabilistes dans les scénarios de ruine.
2. L’approche utilisée dans le cadre de cette recherche pour les ponts-routes en béton du
réseau des routes nationales peut être étendue aux autres types de ponts, parcs
d’ouvrages et mécanismes de détérioration. On peut citer notamment le parc des ponts
de chemins de fers fédéraux (CFF), les ponts métalliques, les ponts en maçonnerie, les
tunnels, les murs de soutènement, la fatigue des structures en acier, etc.
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134 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton
Annexe A – Plans des ponts sélectionnés de l’échantillon 135

Annexe A

Plans des ponts sélectionnés de l’échantillon

A.1 Photos des ponts sélectionnés

Pont N°1 Pont N°2 Pont N°7

Pont N°14 Pont N°15 Pont N°17

Pont N°18
Figure A.1 Photos des ponts sélectionnés de l’échantillon représentatif des ponts du réseau des
routes nationales suisses.
136 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

A.2 Pont N°1

Figure A.2 Plans du pont N°1.


Annexe A – Plans des ponts sélectionnés de l’échantillon 137

A.3 Pont N°2

Figure A.3 Plans du pont N°2.


138 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

A.4 Pont N°7

Figure A.4 Plans du pont N°7.


Annexe A – Plans des ponts sélectionnés de l’échantillon 139

A.5 Pont N°12

Figure A.5 Plans du pont N°12.


140 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

A.6 Pont N°15

Figure A.6 Plans du pont N°15.


Annexe A – Plans des ponts sélectionnés de l’échantillon 141

A.7 Pont N°17

Figure A.7 Plans du pont N°17.


142 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

A.8 Pont N°18

Figure A.8 Plans du pont N°18.


Annexe B – Résultats des simulations de pénétration des ions chlorures 143

Annexe B

Résultats des simulations de pénétration des


ions chlorures

Les résultats fournis dans cette annexe correspondent aux simulations de la pénétration des
ions chlorures effectuées avec le modèle du chapitre 3, pour les trois types d’exposition (au
sel de déverglaçage) et pour les trois classes de perméabilité du béton d’enrobage. Les valeurs
des coefficients de transport de l’eau et des chlorures sont les coefficients moyens, plus un
écart-type et moins un écart-type.
144 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

B.1 Simulations avec les valeurs plus un écart-type


3) Mauvaise classe de perméabilité
2) Moyenne classe de perméabilité
1) Bonne classe de perméabilité

Figure B.1 Simulations des teneurs en chlorures libres (paramètres plus un écart-type).
Annexe B – Résultats des simulations de pénétration des ions chlorures 145

B.2 Simulations avec les valeurs moins un écart-type


3) Mauvaise classe de perméabilité
2) Moyenne classe de perméabilité
1) Bonne classe de perméabilité

Figure B.2 Simulations des teneurs en chlorures libres (paramètres moins un écart-type).
146 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

B.3 Simulations avec les valeurs moyennes


3) Mauvaise classe de perméabilité
2) Moyenne classe de perméabilité
1) Bonne classe de perméabilité

Figure B.3 Simulations des teneurs en chlorures libres (paramètres moyens).


Annexe B – Résultats des simulations de pénétration des ions chlorures 143

Annexe B

Résultats des simulations de pénétration des


ions chlorures

Les résultats fournis dans cette annexe correspondent aux simulations de la pénétration des
ions chlorures effectuées avec le modèle du chapitre 3, pour les trois types d’exposition (au
sel de déverglaçage) et pour les trois classes de perméabilité du béton d’enrobage. Les valeurs
des coefficients de transport de l’eau et des chlorures sont les coefficients moyens, plus un
écart-type et moins un écart-type.
144 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

B.1 Simulations avec les valeurs plus un écart-type


3) Mauvaise classe de perméabilité
2) Moyenne classe de perméabilité
1) Bonne classe de perméabilité

Figure B.1 Simulations des teneurs en chlorures libres (paramètres plus un écart-type).
Annexe B – Résultats des simulations de pénétration des ions chlorures 145

B.2 Simulations avec les valeurs moins un écart-type


3) Mauvaise classe de perméabilité
2) Moyenne classe de perméabilité
1) Bonne classe de perméabilité

Figure B.2 Simulations des teneurs en chlorures libres (paramètres moins un écart-type).
146 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

B.3 Simulations avec les valeurs moyennes


3) Mauvaise classe de perméabilité
2) Moyenne classe de perméabilité
1) Bonne classe de perméabilité

Figure B.3 Simulations des teneurs en chlorures libres (paramètres moyens).


Annexe C – Résultats des simulations de la dégradation 147

Annexe C

Résultats des simulations de la dégradation

Cette annexe contient l’ensemble des dégradations établies dans le chapitre 4. Les
dégradations sont données en fonction de l’épaisseur de l’enrobage, de la classe de
perméabilité du béton d’enrobage et de l’exposition au sel de déverglaçage.
148 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

C.1 Dégradation pour un enrobage de 10 mm


3) Classe de perméabilité C
2) Classe de perméabilité B
1) Classe de perméabilité A

Figure C.1 Simulations de la dégradation pour un enrobage de 10 mm.


Annexe C – Résultats des simulations de la dégradation 149

C.2 Dégradation pour un enrobage de 20 mm


3) Classe de perméabilité C
2) Classe de perméabilité B
1) Classe de perméabilité A

Figure C.2 Simulations de la dégradation pour un enrobage de 20 mm.


150 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

C.3 Dégradation pour un enrobage de 30 mm


3) Classe de perméabilité C
2) Classe de perméabilité B
1) Classe de perméabilité A

Figure C.3 Simulations de la dégradation pour un enrobage de 30 mm.


Annexe C – Résultats des simulations de la dégradation 151

C.4 Dégradation pour un enrobage de 40 mm


3) Classe de perméabilité C
2) Classe de perméabilité B
1) Classe de perméabilité A

Figure C.4 Simulations de la dégradation pour un enrobage de 40 mm.


152 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

C.5 Dégradation pour un enrobage de 50 mm


3) Classe de perméabilité C
2) Classe de perméabilité B
1) Classe de perméabilité A

Figure C.5 Simulations de la dégradation pour un enrobage de 50 mm.


Curriculum vitae 153

Curriculum vitae

Nom : Guido ROELFSTRA


Date et lieu de naissance : 9 juin 1972 à Amsterdam / Pays-Bas
Origine Pays-Bas

Formation :
1988 - 90 : Maturité fédérale type C (math.-science), CESSNOV
1990 - 95 : Diplôme d’ingénieur civil EPFL - Orientation : Conception et analyse de
structures, EPF-Lausanne
1997 - 98 : Certificat postgrade en “Risque et management des systèmes techniques“,
EPFL / ETH-Zurich / UNI St-Gall

Expériences professionnelles :
Dès 1995, MCS-EPFL, Lausanne
Assistant sous la direction du professeur E. Brühwiler
- Recherche sur la détérioration des ponts-routes en béton
- Réalisation d’essais en laboratoire sur des éléments de structure (colonnes,
renforcement au poinçonnement, murs, tirants et goujons)
- Collaboration à des expertises d’ouvrages existants (bâtiments et ponts)
- Collaboration aux tâches d’enseignement dans le domaine de la maintenance et suivi
de quatre travaux de diplôme.

Publications :
ROELFSTRA, G., BRÜHWILER, E., "Sécurité au poinçonnement de dalles existantes", Ingénieurs
et Architectes Suisses, N°24, pp. 434-440, Lausanne, Novembre 1996.
ADEY, B., ROELFSTRA, G., HAJDIN, R., BRÜHWILER, E., "Permeability of Existing Concrete
Bridges", 2nd International Ph.D. Symposium, Budapest, Hungary, August 25-28, 1998.
ROELFSTRA, G., ADEY, B., HAJDIN, R., BRÜHWILER, E. : "The condition evolution of concrete
bridges based on a segmental approach, non-destructive testing and deterioration models",
Proceedings, International Bridge Management Conference, Denver Colorado, United States,
April 26-28, 1999, section C-2.
154 Modèle d’évolution de l’état des ponts-routes en béton

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