Memoire de Master 2: UFR: Communication, Milieu Et Société Département D'anthropologie Et de Sociologie
Memoire de Master 2: UFR: Communication, Milieu Et Société Département D'anthropologie Et de Sociologie
Memoire de Master 2: UFR: Communication, Milieu Et Société Département D'anthropologie Et de Sociologie
MEMOIRE DE MASTER 2
MENTION : Anthropologie- Sociologie
SPECIALITE : Socio-économie, Gouvernance et Développement
Sous la direction de :
Présenté par :
THIAUZ Klantcha Elvis Kalpi Pr Francis Akindès
Professeur des Universités
DÉDICACE
A tous mes amis, mes frères, mes sœurs et mes bienfaiteurs qui m’ont
I
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la
Cobra Force à Abobo
SOMMAIRE
Avant-propos……………………………………………………………………..III
Remerciements…………………………………………………………………...IV
Acronymes………………………………………………………..…………….. V
INTRODUCTION ................................................................................................... 1
MATÉRIELS ET MÉTHODES ............................................................................ 17
RÉSULTATS DE L’ETUDE ................................................................................ 27
I. LES EVENEMENTS AYANT FAÇONNE LA VIE DE ZEBIE DE SON ENFANCE A
L’AGE ADULTE
……………………………………………………………………………….28
II. FACTEURS A L’ORIGINE DU BASCULEMENT DE ZEBES DANS LES
ACTIVITES CRIMINELLES
………………………………………………………………………………57
III. LES SIGNIFICATIONS DE L’APPARTENANCE DE ZEBES A UN
GANG................................................. .................................................................. 63
DISCUSSION ................................................................................................ 85
I. UNE CARRIERE DE GANGSTER FAÇONNEE DURANT UN PARCOURS DE VIE
……………………………………………………………………………….86
II. LES FACTEURS DE DESOCIALISATION PAS TOUJOURS LIES A LA SITUATION
ECONOMIQUE DES PARENTS ......................................................................... 91
III. LE GANG COMME ESPACE DE RESOCIALISATION........................ 97
CONCLUSION GENERALE ............................................................................. 105
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................. 108
Table des matières ............................................................................................... 113
ANNEXES ............................................................................................................... I
II
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la
Cobra Force à Abobo
AVANT-PROPOS
Le contenu de ce document est l’œuvre d’une analyse qualitative. Nous nous sommes
évertués à comprendre la construction processuelle de l’identité de gangster des jeunes à
travers la biographie d’un chef de gangs. Grâce au récit de vie de notre enquêté du nom de
Zébès, nous avons voulu connaître les facteurs internes et externes qui favorisent l’intégration
des jeunes dans le milieu de la violence.
III
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la
Cobra Force à Abobo
REMERCIEMENTS
Selon un dicton bété (langue locale de la Côte d’Ivoire) :« Il faut se mettre à plusieurs
pour tuer un rat dans son terrier ». D’accord avec cette pensée, nous voulons saluer les
remarques pertinentes de nos amis étudiants portées à ce document.
Devant nos maîtres et les membres du jury de cette présentation, nous nous inclinons
en signe de révérence et d’humilité. Nous les remercions d’avance pour leurs critiques et leurs
évaluations. Toutefois, comme le signifie le propos d’initiation Bambara (langue locale du
Mali):« Si je me suis trompé, que l’erreur me pardonne ; si j’ai omis quelque chose, que
l’omission me pardonne ».
IV
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la
Cobra Force à Abobo
Acronymes
BAC : Baccalauréat
V
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
INTRODUCTION
1
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
1. Contexte de l’étude
Le développement incontrôlé de nombreuses villes africaines ainsi que les
mutations socio-économiques et politiques qui ont cours sur le continent offrent un
terreau favorable à la manifestation de la violence sous toutes ses formes. Abidjan,
la capitale économique de la Côte d’Ivoire n’échappe pas à cette situation.
A compter de la crise économique qui a débuté dans les années 80, des
jeunes appelés « loubards » organisés en bandes à travers l'ensemble des communes
d'Abidjan, se présentaient comme de «grands combattants », et des « bagarreurs ».
Ayant pour seul moyen, la force, ils établissaient leur territoire, le « gloglo 1» dans
les bidonvilles des communes de la ville d'Abidjan, où ils régnaient en maîtres
absolus, "rackettant" et exploitant les habitants (Boni, 1996 cité par Amani, 2014).
Au fil des années elle a pris de l’ampleur avec la crise politique et universitaire de
1990. S’en sont suivies les crises politico-militaires de 1999 à 2002 qui ont amplifié
la violence urbaine avec la prolifération des armes légères et de petits calibres. De
5784, le taux de criminalité en 1991 est passé à 8195 en 1994 (Jeune Afrique, n°
1788, 13–19 avril 1996 cité dans Bassett, 2004) pour atteindre plus de 9945 cas
enregistrés en 2009 à Abidjan et banlieues (DGPN citée par De Tessière 2012).
A Abidjan comme dans les autres centres urbains du pays, les activités
criminelles recrutent de plus en plus dans la catégorie sociale des jeunes. En effet,
l’implication des jeunes dans la criminalité organisée est avérée (76% des
délinquants déférés en 2009 avaient entre 21et 40 ans, DGPN citée par De Tessières
2
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
2012). Elle s’est d’ailleurs aggravée avec les épisodes de violences politiques qu’a
traversées la Côte d’Ivoire de septembre 2002 à avril 2011 et dans lesquels les
jeunes furent des acteurs majeurs. Ces violences politiques ont, en effet, favorisé la
prolifération des armes légères et de petits calibres facilitant ainsi l’accès des
« instruments de la mort » à des entrepreneurs de la violence aux profils variés. Au
regard de ce qui précède, nous pouvons dégager les constats suivants :
En Côte d’Ivoire, nombreux sont ces jeunes qui vivent une situation
économique et sociale difficiles. L’absence de perspectives sûres d’emplois ainsi
que les récentes violences politiques ont poussé une jeunesse souvent diplômée et
sans sources de revenus à imaginer des moyens de subsistance parallèles. Ces
jeunes se recrutent dans la tranche d’âge de 17-35 (Amani, 2014). En effet, des
études récentes montrent que le taux de chômage en Côte d’Ivoire est inquiétant. Il
est de l’ordre de 15,7 % et touche particulièrement les jeunes : plus de 24 % des
15–24ans et plus de 17% des 25-34 ans n’ont pas d’emploi (RCI, 2009 cité par De
Tessière 2012). Face à l’étranglement structurel, beaucoup de jeunes utilisent les
gangs comme de nouveaux espaces d’expression, d’affirmation de leur identité et
comme moyen pour faire face à leurs besoins.
3
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Selon certaines études, ont été énumérées quatre principales raisons pour
lesquelles ces jeunes appartiennent ou souhaitent appartenir à un gang de rue :
- Le gang est un groupe d’amis qui partagent des réalités et des problèmes
communs;
- Le gang constitue une occasion pour se faire de l’argent étant donné que la société
ne garantit ni travail, ni protection sociale (Centre canadien de la statistique
juridique, 2008).
2. Problématique
Les jeunes qui s’investissent dans la criminalité sont en général ceux qui
sont en mal d’insertion sociale, ceux qui ont connu la maltraitance dans la cellule
familiale et ceux qui n’ont pas achevé leurs cursus scolaires (Hamel al. 1998 et
Danyko et al. 2002). Leurs âges se situent entre 21 et 40 ans, et pour la plupart n’ont
pas d’emploi (DGPN citée par De Tessières 2012).
Les facteurs d’adhésion des jeunes aux gangs de rue s’étendent à plusieurs
sphères de leur vie. Notons que le cumul de plusieurs facteurs de risque (pauvreté,
immigration, chômage, maltraitance, fort engagement envers les amis délinquants,
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Mais nous nous posons la question de savoir est-ce les seuls motifs de l’adhésion
des jeunes aux gangs de rue ?
Plusieurs études (Fleury, 2008 Prince, 2008) révèlent que les facteurs de
risque associés à l’adhésion à un gang sont présents bien avant qu’un jeune
devienne membre d’un gang. Par exemple, les jeunes qui, pendant leur enfance,
étaient les plus inadaptés sur les plans comportementaux et sociaux étaient les plus
susceptibles d’adhérer à un gang et d’y rester pendant plusieurs années. Cependant,
seuls les facteurs extérieurs ne suffisent pas pour justifier l’adhésion des jeunes aux
gangs. Aussi faut-il que le jeune ait des motivations pour en faire partie. Outre les
conditions sociales des parents ou de l’influence de l’environnement social, les
raisons d’adhérer aux gangs de rue s’expliquent aussi par un manque à combler au
regard des besoins fondamentaux des jeunes. Parmi les besoins qui sont comblés
par l’adhésion aux gangs de rue, on note le besoin d’appartenance, le besoin de
reconnaissance, le besoin de valorisation, le besoin d’argent et le besoin de sécurité
(Prince, 2008).
En Côte d’Ivoire, l’enrôlement des jeunes dans les gangs est attribué à la
pauvreté et au chômage. En effet, les populations ivoiriennes constituées en
majorité de jeunes (36,2% dont l’âge oscille entre 15 et 34 ans, 77,7% de la
population ont entre zéro et 35 ans), rencontrent des problèmes sociaux énormes ;
surtout le problème d’emploi et du chômage. Les jeunes vivants dans des conditions
sociales précaires, ne pouvant pas faire face à leurs besoins immédiats, intègrent le
milieu de la violence pour subvenir à leurs besoins (De Latour, 2001).
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Les mobiles de l’implication des jeunes dans les gangs sont diversifiés. Des
études identifiant les caractéristiques individuelles, familiales et sociales de ces
jeunes hommes (Danyko et al, 2002 ; Dorais et Corriveau, 2006 ; Hamel et al, 1998)
permettent de dresser un portrait de leurs trajectoires. Ceux-ci voient donc dans les
gangs de rue une avenue pour répondre à leurs besoins (Hébert et al, 1997).
L’adhésion à un gang découle d’un long processus, façonné au cours de la
trajectoire de vie et les expériences individuelles, familiales et sociales, vécues par
les jeunes.
Alors, comment s’est fait le déclassement social de Zébès jusqu’à son intégration
dans un gang ?
Quelles sont les évènements qui ont marqué le parcours de vie de Zébès ?
Qu’est-ce qui a favorisé son basculement dans les activités criminelles organisées ?
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
3. Objectifs
Notre étude vise à comprendre la construction processuelle de la carrière de
criminelle à partir de l’exemple d’un chef de gang.
Cet indicateur majeur doit être articulé aux autres composantes de toute
identité sociale : familiale, économique, culturelle, conjugale, résidentielle,
professionnelle, amicale. La trajectoire sociale renvoie à ces différents registres de
l’identité, à leurs variations au cours du temps et à leur articulation. Un divorce ou
un déménagement y sont aussi signifiants qu’une mobilité professionnelle : cela est
vrai du point de vue des effets socialisants d’un contexte, des ressources et des
contraintes auxquelles un individu est soumis, mais aussi du point de vue du regard
qu’un individu porte lui-même sur son parcours.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
vécues sur différentes scènes sociales par un individu au cours du temps. Parcours
au cours duquel, les chocs de certains facteurs sociaux, économiques, symboliques
ont contribué à la construction ou à la forge d’une nouvelle identité.
- La famille ;
- L’éducation ;
- La scolarité ;
- La formation professionnelle ;
- L’expérience de gangster.
4.2. Jeune
Le terme jeune est complexe à définir dans la mesure où il évolue selon les
études. Dans le cadre de notre étude nous partirons de la notion de jeunesse afin de
saisir le terme jeune dans la violence criminelle dans les zones urbaines en Côte
d’Ivoire. Nous retiendrons comme définition de la jeunesse que, d’un point de vue
sociologique, c’est une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte au cours
de laquelle, le jeune se construit comme sujet autonome. Traditionnellement les
sociologues considèrent que la décohabitation de chez les parents, l’accès à un
emploi, la mise en couple stable marquent la sortie de la jeunesse. La sortie de
l’enfance quant à elle se trouve au moment où le jeune commence à développer une
certaine autonomie par rapport à ses parents au moment de l’adolescence (Richez,
2012).
La jeunesse est appréhendée sous un angle biologique et varie selon les pays
en fonction du contexte (politique, économique, social et culturel). Mais
généralement, l’âge est compris entre 13 et 35 ans.
Le jeune est celui qui prend une certaine autonomie vis-à-vis de ses parents
afin de se marquer son autogestion. Dès lors que l’individu commence à s’extirper
de l’autorité parentale pour se prendre en charge, il est considéré jeune. Il faut
cependant noter, que la jeunesse est une construction sociale. En fonction des
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
réalités sociales que vivent les individus et le contexte social dans lequel ils se
situent, la jeunesse prend tout son sens. Ainsi, selon le point de vue notre enquêté
(Zébès) : « le jeune est celui qui a la vivacité physique. Du moment où l’individu
commence à devenir un homme (puberté), jusqu’à 40 ans. Mais au-delà de cet âge,
si l’individu possède la vivacité physique il peut toujours être considéré aussi
jeune ». En fonction de la construction que se fait notre interlocuteur, est considéré
comme jeune tout individu en période d’adolescence, jusqu’à l’âge adulte en
possession de vivacité physique. Ainsi à 47 ans, il se considère toujours jeune.
4.3. Engagement
Investissement personnel avec intensité dans une action sociale/collective.
Pour Becker (1960) processus saisissable par des « lignes d’action cohérentes »
repérables dans les conduites des acteurs. Pour cette étude, elle correspond à
l’investissement de la catégorie sociale des jeunes dans une forme particulière
d’actions violentes (la criminalité). L’engagement désigne le fait de se mobiliser en
faveur d’une cause, et celle qui renvoie au fait de s’investir personnellement, avec
intensité, par exemple dans une activité professionnelle.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Dans une ethnographie sur les gangs et leurs activités, Mourani (2009)
explique pour sa part, que « le délitement social » induit par la mise en place des
politiques néolibérales, la pauvreté, l’exclusion sociale, le décrochage scolaire, le
manque de perspectives intéressantes pour les jeunes et la banalisation de leurs
aspirations ont concouru à la montée en puissance du phénomène de gang de rue au
Québec. Elle note que « pour survivre à un monde de plus en plus cruel dans lequel
ils sont abandonnés, les enfants se constituent en gangs » (Mourani, 2009, p : 31).
La nouvelle famille ainsi formée va répondre à leurs besoins effectifs, économiques,
sociaux. Elle va également leur inculquer des règles et des valeurs mais aussi leur
conférer un statut important dans leur communauté.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Selon Hamel al. (1998), les parents des jeunes affiliés aux gangs tentent
généralement d’exercer un contrôle sur les fréquentations et sorties de leurs enfants.
Au sein des familles des jeunes rencontrés par Hamel et al. (1998), les sermons et
le retrait de privilège sont les formes de punitions le plus souvent utilisées. Un jeune
sur cinq, majoritairement des garçons, a reçu des coups en guise de punition. Aussi,
ils observent que le vécu familial des jeunes affiliés est généralement marqué par la
désunion2. La plupart (91 %) des participants rencontrés ont vécu au moins une des
quatre situations de désunion suivantes : ruptures répétées, séparations entre les
parents, immigration et placements. Souvent en raison d’une séparation, Hamel al.
(1998) et Danyko et al. (2002) observent que les membres de gangs sont nombreux
à avoir été éduqués par un parent seul, la mère dans la plupart des cas. Danykoal.
(2002) soulignent l’absence des pères et la rareté des modèles masculins. De
surcroît, lorsque le père est présent, la relation serait moins bonne qu’avec la mère.
Les chercheurs concluent que pour certains jeunes, l’affiliation aux gangs
répondrait à un besoin d’être en relation avec des hommes.
Les résultats des travaux de Patton, (1998), sur la culture des gangs (valeur,
langage, rituels, etc.) vont dans le même sens. Dans le cadre de cette étude, des
entrevues individuelles auprès d’un échantillon de cinquante Afro-Américains
membres de gangs et des observations sur le terrain ont été réalisées. Très peu de
jeunes ayant participé à l’étude vivent avec leur père. Ces derniers sont morts, en
prison ou ont abandonné la famille. Interrogés sur les modèles d’hommes auxquels
ils s’identifient, aucun participant n’a nommé son père.
Selon Patton (1998), faute de modèles familiaux, les jeunes s’identifient aux
autres membres de gangs, aux acteurs, aux grands sportifs et aux chanteurs de rap.
Toutefois, la plupart des jeunes ne se projettent pas à travers ces modèles,
considérés trop ambitieux et inaccessibles. Ainsi, ils ne cherchent pas à incorporer
2
Terme sociologique qui signifie rupture, séparation selon le dictionnaire français de l’application
androïde
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
les qualités de leurs modèles à l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Plusieurs membres
de gangs ont été éduqués par des femmes ; mères, sœurs, tantes, grands-mères, etc.
S’ils respectent la ou les femmes qui ont pris soin d’eux, les jeunes associés aux
gangs n’ont pas généralisé ce respect aux autres femmes. Les résultats révèlent que
les valeurs patriarcales et l’absence du père teignent le regard que portent les
membres de gangs sur les femmes. Cette étude ethnographique donne un portrait
des perceptions de jeunes afro-américains affiliées aux gangs qui pourraient
difficilement être appliquées à d’autres groupes et à d’autres contextes historique et
social.
5.3. Motivations des jeunes qui s’engagent dans les activités criminelles
organisées
De Latour (2001) se penche sur les ghettos de Côte d’Ivoire. Elle donne les
motifs de l’appartenance des jeunes aux gangs. Elle mène son étude dans les
bidonvilles et les quartiers à risque pour cerner le phénomène et note que les jeunes
« refusent le relais des socialisations par le travail ou par la scolarisation qui
demandent de l’argent et exigent du temps (…); ils préfèrent le risque et
l’immédiateté du gain à l’effort » (De Latour, 2001, p 151).
Ainsi, ils créent un espace le « ghetto » où ils vont se réfugier pour exprimer
leur singularité. Les notions qui ressortent de la pensée du « ghetto » sont : la
création, l’autonomie, l’indépendance, la solidarité, la parole donnée, le pardon, le
lien de sang, l’amitié, la réussite et cela passe par l’excès des hiérarchies, des lieux
affectifs des règles. Elle met plus l’accent sur les relations sociales dans le Bronx3,
elle soutient que les relations sont structurées de façon verticale « vieux père » et
3
Une zone, un quartier, un endroit qui présente des dégradations urbaines et où règnent le chômage,
l’insécurité, le crime, la délinquance, la drogue et d’autres maux.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
« fiston », chez les filles « vieille mère » et « fistine ». Pour le nouveau membre,
tous les « ghettomens » qui l’ont précédé sont ses vieux pères et l’âge n’est pas pris
en compte. Cependant, elle mentionne que l’initiation des nouveaux passe par la
bastonnade et la torture de la part des membres du gang, des braquages ou de la
réquisition des gains du fiston après une opération. Aussi, ajoute-t-elle que la survie
d’un fiston (nouveau membre) dépend de sa relation avec son premier initiateur qui
assure après son initiation sa protection.
Les auteurs montrent que pour l’adhésion des jeunes aux gangs est une
recherche de besoins primaires (argent, bien être) et de besoins secondaires
(recherche d’identité, de protection). À ce titre donc les rituels ont pour fonction
d’évaluer la loyauté et le courage.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Notre étude ne remet pas fondamentalement en cause ceux des autres, qui dans une
certaine mesure, restent pertinents. Mais nous privilégions une démarche qui part
de l’histoire de l’acteur pour remonter au système social.
Après avoir fait une revue de la littérature existante sur le phénomène des
gangs, les causes mentionnées par les auteurs se résument autour de la pauvreté, de
l’immigration, du chômage, de la recherche d’identité masculine issue de l’absence
d’un père. Aussi disent-ils que le gang est un espace de protection, d’affirmation de
soi, d’expression et de création d’identité. S’inscrivant dans la même veine que ces
auteurs, notre étude dans une approche biographique, va plus loin sur la situation
sociale des parents et la configuration de la famille monoparentale. En étudiant la
trajectoire sociale de Zébès, nous comprenons que certains jeunes sont issus de
milieu social favorable. De plus, la configuration de la famille monoparentale, n’est
pas seulement l’absence d’un père, il y a également l’absence d’une mère dans le
foyer.
Outre ces aspects, le récit de vie de Zébès, nous permet de façon singulière
de saisir les facteurs internes et externes qui entrent en ligne de compte dans le cours
de vie des jeunes à savoir l’impact de l’environnement social et les habitudes
acquises au cours de l’itinéraire social.
Notre étude s’inscrit dans le vaste champ de la sociologie sur les gangs de
rue en général, et en particulier dans le contexte de l’intégration des jeunes au sein
des gangs.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
MATÉRIELS ET
MÉTHODES
Le deuxième chapitre de l’étude met en relief le lieu de l’enquête, les outils et les
techniques de collecte de données, les méthodes d’analyses des données et la
théorie d’analyse.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
1. Matériels
1.1.Lieu de l’enquête
Notre étude s’est déroulée dans la commune d’Abobo précisément dans le
quartier Avocatier fief du gang « Cobra force ». Abobo est une commune située
dans le Nord du district d’Abidjan. Elle est limitée par la commune d’Anyama au
Nord par Adjamé, au Sud et à l’Est par Cocody et à l’ouest, par la forêt du Banco.
C’est l’une des communes les plus peuplées du district (environ 1 500 000
habitants) sur une superficie de 10 000 ha (100 km2) avec une densité de 167
habitants à l’hectare (PASU, 2014).
Abobo est réputé être une zone criminogène dans son ensemble. Elle compte
22 quartiers dont 19 quartiers précaires (colatier, Sagbé 1 et 2, l’Ile verte, Kenédy,
Agnissankoi, Bacabo, AboboNany, Avocatier, Derrière rail etc). Au sein de ces
quartiers, il existe plusieurs secteurs reconnus dangereux par les services de
sécurités. Dans ces zones le taux de la criminalité est très élevé et demeure le siège
de diverses activités criminelles.
4
Type d’habitat composé de plusieurs appartements avec une cour et des toilettes communes à tous
les résidents
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la Cobra Force à Abobo
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
1.2.Recherche documentaire
La recherche documentaire nous a permis de mieux orienter notre cadre
théorique et méthodologique. Ainsi nous avons consulté des articles, des mémoires,
des thèses, des ouvrages etc. La plupart de ces documents ont été consultés via
internet dans les champs disciplinaires tels que la sociologie, l’anthropologie, la
psychologie et l’histoire.
• Ouvrages de méthodologie
Ce sont des articles, rapports, thèses sur les gangs et la délinquance juvénile
qui nous ont permis d’avoir des informations sur les causes, la structure et les
conditions d’intégration dans les gangs. Ces sources nous ont permis de comprendre
comment les jeunes intègrent les gangs et quels sont les motifs de leur engagement
de façon générale.
• Webographie
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
nous a été d’un grand apport, car elle nous a servi de moteur de recherches dans
l’acquisition des documents en rapport avec notre sujet.
1.3.Entretiens
L’entretien sous forme de récit de vie, a été le principal outil de collecte des
données dans cette étude. Il a consisté à reconstituer la vie de notre enquêté. Ainsi,
nous avons séquencé le récit biographique en trois parties, à savoir de la naissance
à 13 ans, de 13 à 18 ans et de 18 à l’âge actuel qui est de 48 ans. Cette méthode
nous a permis de reconstituer le parcours de vie de Zébès, afin de saisir les facteurs
interne et externe qui ont favorisé son investissement dans les activités criminelles
organisées.
Pour notre étude sur la trajectoire sociale des jeunes dans la violence, nous
avons fait le choix de nous intéresser aux parcours de vie d’un ex-membre de gang
de la commune d’Abobo. Aussi la disponibilité de notre enquêté a été le critère de
choix le plus déterminant dans notre étude de recherche.
5
Une personne très respectée par Zébès et autres jeunes du quartier
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
1.5.Analyse de données
Pour traiter les données du récit de vie nous utiliserons l’analyse de contenu
du discours avec ces étapes suivantes :
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
social. Quant à la troisième séquence, elle est basée sur la situation sociale actuelle
et de l’expérience en tant que chef de gang.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
incorporation passe par l’éducation, qui selon Durkheim a pour but de couler
l’individu dans un « moule » aux contours socialement bien arrêtés.
Ce n’est pas la société en tant que telle qui transmet des normes et des
valeurs à l’enfant mais l’action de groupes qui lui sert d’intermédiaire. Ainsi la
famille, l’école sont autant d’institutions qui jouent ce rôle. On les appelle des
agents de socialisation. Les deux agents de socialisation qui interviennent
principalement lors de la socialisation de l’enfant sont la famille et l’école.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Mais dans ce processus l’environnement social (les pairs) a une part active
dans cette socialisation. Un groupe de pairs désigne un ensemble d’individus ayant
choisi d’avoir des relations fondées sur la similitude des goûts et des pratiques. Ex
: un groupe d’amis. Les règles qu’ils suivent, ils les respectent car ce sont les lois
de leur groupe de pairs dont ils ont découvert l’utilité pour pouvoir « faire ensemble
» une action. En les identifiant comme leurs valeurs propres, les enfants
s’approprient donc certaines valeurs sociales. Ils les retraduisent en fonction de la
situation et, de leurs besoins propres. Ainsi, la socialisation entre pairs fait partie du
processus éducatif en ce sens qu’elle permet en quelque sorte la « digestion »
d’éléments que nous cherchons à leur transmettre. Elle est indispensable pour que
les enfants soient des acteurs de leur éducation. (Julie Delalande, 2004).
L’identité humaine n’est pas une donnée acquise une fois pour toute à la
naissance : elle se construit dans l’enfance et, désormais, doit se construire tout au
long de la vie. L’individu ne la construit jamais seul : elle dépend autant des
jugements d’autrui que de ses propres orientations et définitions de soi. L’identité
est un produit des socialisations successives. Elle est le résultat à la fois stable et
provisoire, individuel et collectif, des divers processus de socialisation qui
conjointement, construisent les individus. (Claude Dubar, 2000).
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
mobilité sociale. Ces jeunes vont se construire une identité en décalage avec celle
que leur renvoient leurs parents. Ce qui créée souvent une distance entre générations
et est porteur de tensions, de conflits. L’échec, l’écart entre les aspirations et les
résultats peuvent provoquer de véritables déchirements pour les jeunes dont
l’identité ne correspond plus à celle de leur milieu d’origine, mais ne correspond
pas non plus aux objectifs qu’ils s’étaient fixés. (Bolliet. D, Schmitt. JP, 2008.).
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
RÉSULTATS DE
L’ETUDE
Le présent chapitre expose (i) les événements qui ont marqué le parcours de vie de
Zébès, (ii) les facteurs qui ont concouru à son basculement dans les activités
criminelles, et (iii) le sens qu’il donne à son appartenance à un gang. Chacune de
ces rubriques sera illustrée par le récit de vie de Zébès. Les données seront
présentées en ordre, de façon linéaire suivant l’itinéraire social de Zébès. Le registre
du discours présenté a été ajusté pour une bonne compréhension. Mais toute la
teneur du discours a été maintenue en état.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
- Présentation de l’enquêté
Zébès, nom d’emprunt est né à Daloa. Il a 47ans, célibataire et père de deux
(2) enfants. Il est le deuxième enfant de son père qui fut un cadre supérieur dans les
années 70, 80. Il a fait la connaissance du milieu de la violence depuis son enfance
et y a fait carrière. Zébès affirme être ex-membre de gang qui, suite à la crise post-
électorale 2010 s’est disloqué. De temps en temps, il travaille en tant que
contractuel dans des sociétés à la zone industrielle de Yopougon (Abidjan, Côte
d’Ivoire). Mais, quand il n’a pas de contrat en ces lieux, il exerce en tant que
pickpocket dans les transports en commun, notamment la SOTRA.
6
Le grand frère de sa mère a su fait entendre raison à ces parents de ne pas porter le problème devant
les tribunaux
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès : Quand mon père a été affecté à Abidjan, j’avais entre trois et quatre
ans. Il a demandé à venir avec moi pour me mettre à l’école et a récupéré mon
grand frère, celui qu’il avait eu un an avant moi, avec la femme d’un chef de village
[…]. Nous vivions à Marcory, à l’avenue de Côte d’Ivoire. L’école où enseignait
mon père était juste à trois cents mètres. A la maison, il n’y avait pas de femme.
Seulement, mon père avait de nombreuses copines qui venaient faire de temps en
temps la cuisine.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès : Mon père m’a récupéré parce que les parents de ma mère lui
exigeaient trop. Il m’a donc récupéré et n’a plus eu affaire à ma mère qui est restée
au village. Elle ne m’a pas donné à téter, pourtant c’est très important pour un
enfant, et cela permet que l’enfant connaisse sa mère. Elle a continué ses « gazoils »
et après le village elle s’est retrouvée à Bouaflé pour continuer son « djandjouya ».
7
Terme en argot ivoirien (nushi) qui désigne la prostitution
8
Terme en argot ivoirien (nushi) qui fait allusion à l’amusement, aux virés nocturnes
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès et père
Zébès : Mon père me soutenait dans tout ce que je faisais, que ce soit bon
ou pas. Quand je commettais des gaffes dehors, il disait : « mon fils ne manque de
rien à la maison ». Mais arrivé à la maison il me punissait. Il nous donnait tout ce
qu’on voulait, sauf que tous nos besoins pour lui se limitaient à l’argent. Il ne
causait pas beaucoup avec nous.
Zébès et mère
Zébès : Sincèrement, là c’était difficile car je n’ai pas vite connu ma mère.
Un jour j’ai eu à serrer les colles de ma mère parce que je lui en voulais
terriblement de m’avoir abandonné. Tu sais ! Entre les enfants à l’école, il arrive
que souvent chacun parle de ses parents : « toi tu as une maman ! Toi tu n’as pas
de maman ! » Aussi à l’école on a appris que le lait maternel est très important
pour l’enfant. Ces petites causeries à l’école m’ont beaucoup frustré. Et quand j’ai
appris qu’elle ne m’a pas donné le sein et qu’elle est partie faire son djandjouya de
son côté, qu’elle n’a pas pris soin de moi, j’avais gros sur le cœur. Elle n’avait que
pour objectif l’argent et l’argent. Quand elle me parlait, je ne l’écoutais pas. Je la
respectais mais je n’écoutais pas ce qu’elle me disait.
La relation entre ma mère et moi n’était pas ça. J’ai connu ma mère lorsque
j’avais sept à huit ans. Ce jour-là, je revenais de l’école et j’ai vu une dame assise
au salon. Je l’ai salué et j’ai regagné ma chambre. Quelques minutes plus tard le
boy m’a appelé pour me dire que la dame voulait me voir. Lorsque je suis arrivé,
elle m’a appelé par mon nom : « Zébès, pardon ». Je lui ai répondu : « madame est
ce que vous me connaissez et puis vous avez dit mon nom » […]. Elle s’est mise à
couler des larmes. J’ai pensé à l’une des nombreuses go9 de mon père […]. Je lui
ai demandé encore : « vous coulez les larmes pourquoi ? Mon papa vous à fait
quoi ?
9
Terme dans l’argot ivoirien (nushi) qui signifie une copine, une petite amie, une personne avec qui
l’on a des rapports intimes.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Je pensais que c’était une bordelle de mon père. Et elle m’a répondu : « non,
j’attends ton père ». Elle n’a pas osé me dire que j’étais son fils. Je suis reparti
jouer dans ma chambre. Lorsque mon père est arrivé, il m’a fait appeler et m’a dit :
« voici ta maman » et j’ai répondu : « mais madame, tu es venu, je t’ai demandé !
Il faillait me dire que tu étais ma maman ? Ou bien tu voulais qu’il vienne me le
dire ? Papa c’est maman ? Ah ! Maman bonjour ». Et je suis reparti m’amuser dans
ma chambre, car mes jeux me préoccupaient. A son départ mon père m’a demandé
de l’accompagner, j’ai refusé et je me suis mis à pleurer.
Quelques jours après, elle est revenue avec son grand frère celui qui avait
défendu mon père. Il habitait Koumassi et était régulier chez nous à la maison. Elle
lui avait expliqué la situation et le lendemain ils sont venus voir mon père pour
qu’il me raisonne. C’est ainsi que j’ai commencé à la voir.
Zébès et frère
Le père de Zébès n’a eu que deux enfants, notre enquêté et son frère ainé
qu’il a eu un an avant Zébès avec la femme d’un chef de village. Quant à sa mère,
elle a eu six (6) autres enfants qu’il dit ne pas les connaître.
Zébès : Je m’entendais avec mon grand frère, mais souvent il y avait des
petits palabres entre nous. Je le frappais très souvent. Au quartier, je le défendais
la plupart du temps, bien que je fusse son petit frère. Je me mesurais aux personnes
de la même promotion que lui et souvent plus âgées. Il disait : « tu vas voir mon
petit frère viendra te frapper », et cela me donnait la force. A la maison je disais
que si dehors tu m’appelles pour te défendre, c’est que tu ne peux rien me faire.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès : […] Nous partions à l’école en voiture et mon père nous donnait
beaucoup d’argent. Depuis la classe de CP1 mon père nous donnait l’argent de
poche pour le mois. Mon père nous avait inscrits au centre culturel français (CCF)
où nous avions accès au cinéma et à la bibliothèque. En ce temps-là, tout le monde
rêvait d’aller au cinéma et nous fréquentions les endroits où les blancs envoyaient
leurs enfants. Aussi chacun avait sa chambre et dans chacune, nous avions tous les
jouets qu’on souhaitait.
10
Terme en langage familier qui signifie un enfant dont le père est à ses petits soins.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès : Mon père après m’avoir récupéré m’a mis « au jardin »11. Quand
je devais faire le CP1, il m’a inscrit dans l’école où il enseignait […] J’ai fréquenté
l’école jusqu’en classe de CM2. Il était véhiculé, donc on partait à l’école en
voiture, sauf quand je refusais d’emprunter la voiture parce que j’avais commis
une gaffe et après une punition je me fâchais. L’école était juste à moins de trois
cents mètres de la maison. A l’école tellement j’avais l’argent j’achetais les
friandises pour mes amis. J’avais tout.
11
Terme dans le langage familier qui signifie l’école maternelle (préscolaire)
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
J’attendais que les élèves sortent de la classe pour me fondre à la masse ? Il arrivait
très souvent, que je sautais la clôture, à la vue du véhicule de mon père devant le
portail. Parce qu’il restait toujours dehors à nous attendre, il ne rentrait jamais à
l’intérieur l’école.
12
Le Pont Henri Konan BEDIE
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès : A l’école j’étais très turbulent. Très bavard, même lorsque dans la
classe personne n’ouvrait la bouche, moi j’avais mon nom sur la liste des bavards
d’office. Toute la classe savait que « tchocotchoco13 » j’allais bavarder. Une fois,
en classe de CE2, le maître a apporté un paquet de biscuit « gaufrette ». Lorsqu’il
est entré en classe, il a dit : « Zébès, si tu n’as pas bavardé inutilement jusqu’à dix
heures, temps de recréation, je te donne ce biscuit avec une pièce de 25 francs ».
Je me suis concentré, j’ai fait un effort sur moi et je n’ai pas bavardé jusqu’à
l’heure de la récréation.
Terme dans l’argot ivoirien (nushi) issu de la langue malinké qui veut dire : quel que soit alpha
13
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
les deux premières années […]. Après la deuxième fois, il m’a envoyé à Bingerville
où j’ai eu le CEPE et l’entrée en classe de sixième.
Tu sais les enfants pour les blaguer c’est très facile ; il suffit de leur
promettre une pièce pour qu’il fasse toutes les courses que tu veux et avec
promptitude. J’étais en première année de CM2, j’avais entre 10 et 11 ans. Ils ont
commencé à m’envoyer et me donnaient de l’argent.
Ma première mission, c’était d’aller faire une commission à une fille qu’un
des gangsters courtisait. Le père de cette dernière était sévère, mais j’ai pu faire
la commission. Je suis devenu leur « fiston15 » Lorsqu’on jouait au football et qu’on
avait soif, nous ne pouvions pas partir à la maison prendre de l’eau, car les parents
refusaient qu’on sorte avec les bidons d’eau de la maison pour donner à nos amis.
Comme les « vieux pères » m’envoyaient et me donnaient de l’argent, je partais les
15
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie un enfant bien aimé, un individu moins âgé à qui l’on
porte toute confiance
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
voir pour qu’ils me donnent de l’argent pour acheter de l’eau pour mes amis et moi
et souvent des galettes.
Un jour, nous étions dans le « ghetto » et l’un d’entre eux a senti la présence
des policiers. Je ne sais pas si c’était par magie, mais ils m’ont remis un sachet
noir que j’ai fourré dans ma culotte. Je portais un tee-shirt qui m’arrivait juste
avant les genoux et ils m’ont dit de sortir. À la sortie, j’ai dépassé des gens au
nombre de 4 à 5 personnes qui entraient dans la maison inachevée et comme ils
n’avaient pas porté d’uniforme de policier, je n’ai pas eu peur. J’étais assis dehors
à les attendre quand les policiers sont sortis avec eux. Ne sachant rien, je partais
vers eux pour leur remettre leur colis lorsque l’un d’entre eux a commencé à me
faire signe pour m’empêcher d’aller à leur rencontre, d’autant plus que pour moi
il fallait leur retourner ce qu’ils m’avaient confié plus tôt.
Plus tard, ils sont venus chez nous à la maison pour récupérer leur paquet.
Sans que je ne le sache, le colis en question était de la drogue, c’est quelque temps
après dans leur causerie qu’ils me l’ont dit. Ils me montraient des armes et des
objets qu’ils avaient et m’expliquaient les risques quand on les possédait. Mais moi,
je n’avais pas peur, je continuais toujours de les fréquenter.
16
Terme en argot ivoirien qui signifie territoire
17
Terme en argot ivoirien (nushi) qui veut dire : être sans argent
18
Terme du langage familier qui fait allusion à l’argent
19
Terme en argot ivoirien qui signifie L’amante
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Après mon opération, j’ai déposé l’argent dans un coin au pied de mon lit
que j’avais fait fabriquer par le menuisier de mon père lors d’un des travaux de
mon père. Auparavant, lorsque je volais, je le mettais dans le matelas, mais le boy
dans ces nettoyages a découvert.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
maison lui dire qu’elle a perdu de l’argent. Mon père lui a dit simplement de rentrer
chez elle qu’il allait régler cette affaire. Sur le champ il n’a pas réagi. Il m’a même
proposé qu’on achète du poulet rôti et moi j’ai répondu : « papa je veux, j’aime
ça ». Il a acheté, nous l’avons mangé puis il m’a donné une bouteille de sucrerie
comme si c’était une fête. Il m’a dit que le lendemain qu’il allait me donner
beaucoup d’argent pour acheter tout ce que je voulais et je suis allé me coucher.
Aux environs d’une heure et deux heures du matin pendant que je dormais
paisiblement, il m’a réveillé et m’a dit : « Zébès vient ». Il s’est assis au salon et a
allumé la télévision. J’avais attaché mon drap et en dessous je portais un caleçon.
Il m’a demandé d’aller chercher de l’eau dans la cuisine.
Lorsque je suis entré dans la cuisine, j’ai aperçu quelque chose allumé sur le
gaz. C’était un couteau. Le temps de me retourner il était derrière moi. Il était bien
musclé et m’a poussé à l’intérieur de la cuisine. Il m’a dit : « déshabille-toi et
donne-moi le drap ! Je lui ai demandé : « Papa j’ai fait quoi ? ». Il a répliqué :
« Qu’est-ce que je ne te donne pas et tu m’humilies ! Les pauvres filles qui viennent
ici, c’est leur argent que tu voles ». J’ai dit : « Papa ce n’est pas moi ! Papa, ce
n’est pas moi ! ». Il a dit : « tu dis quoi, nous sommes combien dans la maison ?
Habituellement le boy est présent, aujourd’hui nous étions deux dans la maison.
Personne n’est entré ici, jusqu’à ce que j’accompagne la dame ». Et j’ai avoué :
« papa c’est moi, papa c’est moi qui ai pris ». Et il reprit : « donc habituellement
c’est toi qui prends ».
J’ai cru qu’il allait me pardonner, il a pris le couteau qui était devenu rouge
et l’a tapoté sur tout mon corps. Dans la nuit toutes les parties de mon corps qui
ont été touchées par le couteau se sont enflées avec un liquide à l’intérieur. Le
lendemain, j’ai été hospitalisé à la clinique l’Harmattan et j’y ai passé 2 jours et
j’ai fait une semaine sans aller à l’école.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès : La première fois où j’ai volé dehors c’était au marché. C’était juste
après que mon père m’ait sévèrement puni avec le couteau chaud. C’était toujours
dans ma deuxième année de CM2. Je ne pouvais plus voler à la maison car il y
avait un « danger ». L’un de mes petits camarades avait sa mère qui vendait du
poisson fumé et de l’attiéké au marché de Marcory. Nous avions mûri l’idée depuis
un bon moment, mais comme dans mes « racketage20 » les « vieux pères » me
donnaient de l’argent, nous n’avions pas mis en exécution. Il m’avait raconté dans
les moindres détails où sa mère mettait l’argent de son commerce. Il avait dit que
le fric se trouvait sous la couverture de la table. Sous le premier sachet, il y avait
les jetons et sous le deuxième les billets. Sa mère me prenait comme son fils.
Nous sommes allés à son commerce et elle nous a servi du poisson, mais son
attiéké était fini. Comme nous avions faim elle est allée en chercher chez une autre
commerçante juste à côté et au même moment mon ami était allé chercher de l’eau.
J’ai donc profité de leur absence pour mettre ma main sous le deuxième sachet et
j’ai pris tout ce que ma main avait touché et j’ai fourré dans mon caleçon.
Quand elle est revenue, une dame est venue acheter du poisson pour une
somme de 2000 francs et lui a tendu un billet de 5000 francs. Lorsqu’elle a voulu
faire la monnaie à sa grande surprise, il n’y avait rien. Elle s’est mise à chercher
partout mais ne l’a pas exprimé. Nous lui avons demandé : « mais maman tu
cherches quoi ? ». Elle nous a répondu : « rien ». Mon ami ne savait pas que j’avais
opéré et moi je voulais le « maloniser21 ». Je lui ai demandé d’aller manger ailleurs
mais il ne voulait pas et il m’a dit : « on n’a pas pris encore l’argent, attendons
d’abord ».
Sa mère qui ne trouvait pas son argent est allée chercher de la monnaie chez
les femmes d’à côté pour le remettre à la cliente. À son retour elle a cherché encore
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
dans tous les coins mais n’a pas osé nous fouiller parce qu’elle ne pouvait pas
s’imaginer que des enfants pouvaient poser un tel acte. Quand nous avons fini de
manger, sur la route mon ami m’a dit : « je sais que c’est toi qui a pris l’argent que
ma maman cherche là ! Pourquoi tu me mens ? » Et je lui ai répondu : « non je ne
te mentais pas, c’est moi qui ait pris, si je te disais, tu allais me dire de déposer,
c’est parce que j’ai pris tout que je ne voulais pas te le dire sur le champ, tu allais
me dire de remettre, alors qu’en rendant, elle allait nous attraper ».
Nous nous sommes éloignés et nous avons compté l’argent. Il y avait des
billets de 500 francs, 1000 francs, je pense que l’argent pouvait atteindre 7000
francs. Le soir à la maison, la mère de mon ami lui a demandé : « ton ami là, je
pense que c’est lui qui a pris l’argent » et mon ami lui a répondu : « la vieille, son
papa a l’argent, il lui donne tout, il ne peut pas faire ça ! ».
C’était loin et pour mon père le bus allait me fatiguer, parce qu’il travaillait
au Plateau et il ne pouvait pas me déposer à chaque fois à l’école vu la distance
entre Marcory et Yopougon. Entre-temps, mon grand frère avait été affecté au
CEG de Port-Bouët et dans le même moment, avait obtenu son concours d’entrée
à l’EMPT. Il est entré à l’EMPT et comme nous avions le même nom, mon père
sans ma permission a fait mon transfert de Yopougon à Port-Bouët. Du coup,
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
j’avais perdu tous mes amis de classe de CM2 de Bingerville. Or, je voulais à tout
prix rester avec mes amis à Yopougon avec mes amis et mon père s’y est opposé.
C’est ainsi que mon père et moi avons commencé notre palabre.
Au cours des contrôles, le contrôleur citait les noms des élèves affectés par
l’État. Et moi qui ne savais rien de tout ça, j’ai signalé l’absence de mon voisin. À
partir de ce moment, j’ai commencé à avoir des problèmes avec l’administration.
Lorsque mon père est arrivé, il m’a appelé pour que je vienne à table prendre
le repas. En sortant de ma chambre, j’ai entendu mon professeur dire à mon père
qu’il y avait un élève de ce nom où elle enseignait qui était très voyou et qui causait
beaucoup de problèmes aux professeurs et à l’administration, mais qu’il ne
s’agissait pas de moi. Mon père lui a ensuite dit que je fréquentais le CEG et que
c’était moi. Il lui a dit tout mon nom et lui a précisé que j’étais le seul qui portait
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
ce nom. J’étais dans le couloir quand j’ai entendu toute leur causerie. Je venais à
la salle à manger car mon père obligeait tout le monde à manger ensemble à table.
Elle a continué à dire que : « cet enfant nous fout la merde à l’école ». Elle parlait
mal de moi et étant dans le couloir « mon cœur était chaud 23 ». Arrivé à la table à
manger, je ne l’ai pas salué et mon père m’a demandé pourquoi je ne l’ai pas salué.
Je lui ai répondu : « mais si je fous le désordre à l’école ce n’est pas chez moi que
je ne vais pas l’exercer». Et mon père m’a conseillé de ne pas parler ainsi. Il m’a
calmé et j’ai repliqué ensuite que j’avais compris tout ce qu’elle avait dit et j’ai
ajouté : « toi tu viens manger la nourriture de mon père et c’est toi qui parles mal
comme ça ! Papa je ne mange pas tant qu’elle est là ». Je me suis levé et je suis
allé dans ma chambre. Sincèrement, au collège si je n’avais rien eu c’était des
points en moins sur ma conduite.
Zébès : Après avoir quitté la table mon père est venu me trouver en chambre
pour me raisonner. Je lui ai dit : « à partir d’aujourd’hui si c’est elle qui prend ma
classe, je ne fais plus son cours ». Effectivement, je n’ai plus fait le cours de cette
dame. Mais en reconnaissance à mon père, elle me donnait toujours 11 de moyenne
dans sa matière, bien que je n’assistais plus à ces cours d’anglais. Elle a tout fait
pour me ramener à la raison et a même pris l’année suivante la classe où j’étais.
Ce qui a fait que j’étais très nul en anglais.
23
Expression en argot ivoirien (nushi) qui veut dire : être en colère
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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camarades, je ne participais plus à ses cours. A force de ne plus suivre les cours
d’anglais, mon niveau était bas dans l’ensemble. En mathématique et en science
physique j’avais de bonnes moyennes environ quinze (15) sur vingt (20). Ces
matières étaient mes matières de base.
Zébès : Après que mon père m’ait brûlé la première fois, je me suis fait
oublier à la maison pendant un bon moment. Mais en classe de cinquième, j’ai
refait surface.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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de mon père qui était juste à côté. Les sœurs de mon père ont laissé leurs sacs au
salon. Elles ne savaient pas que j’étais dans ma chambre. Il y avait une enveloppe
dans le sac d’une d’entre elles et je l’ai prise pour la cacher dans mon petit coin de
la maison.
C’était un dimanche et le boy n’était pas là car c’était son jour de repos. A
leur retour, ils ont discuté un peu et au moment de partir, ils se sont rendu compte
que l’enveloppe avait disparu. Ils ont cherché partout, ils sont repartis à la
pâtisserie et revenus bredouilles. Je ne savais pas s’il y avait de l’argent ou pas.
Peu de temps après mon père s’est rappelé que je dormais. Sa sœur aînée lui a
rappelé : « mais, toi tu penses que ton fils dort, va le réveiller ! Va le fouiller ! Entre
nous trois si quelqu’un n’a pas pris qui l’a fait alors ? S’il dort, toi-même tu le
connais ! ». J’ai fait comme si je dormais, j’ai laissé couler ma salive sur mon
visage comme si j’étais plongé dans une léthargie. Mon père m’a réveillé et je suis
allé au salon. J’ai salué ses sœurs et l’aînée ne m’a pas répondu. Mon père m’a
dit : « Zébié, ce que je t’ai fait la dernière fois ne t’a pas suffi ». J’ai répondu :
« papa tu m’as fait quoi » il a repris : « il y a une enveloppe qui a disparu, où est
l’enveloppe ? ». Je lui ai dit : « je viens de me réveiller, je ne sais pas ». À même
temps sa sœur aînée qui a repris : « toi Zébès tu ne peux pas changer un jour ! ».
Mon père lui a répondu : « pardon, tu n’as pas de preuve, il ne faut pas accuser
mon fils ». J’ai ensuite dit: « papa tu as vu, quand j’étais chez elle et je t’ai dit
qu’elle n’est pas bonne là ! Tu as vu non ! ».
Après ces échanges, l’autre sœur m’a pris et m’a emmené dans la cuisine
pour me questionner. Elle m’a demandé : « Zébès, l’enveloppe que tu as prise là,
ce sont des papiers qui s’y trouvent, ce n’est pas de l’argent ». Je lui ai répondu :
« tantie c’est moi qui aie pris, si mon papa sait, il va me tuer, donc fait comme si tu
allais avec moi dans la chambre pour causer et je vais te remettre ». Nous sommes
allés dans ma chambre et je le lui ai remis. De retour au salon, elle leur a fait savoir
que ce n’était pas moi qui avais pris.
L’ainée lui a répondu : « tu es partie avec lui dans la cuisine, vous êtes
repartis dans sa chambre. Donc tu veux dire que où tu es arrêtée là, Zébès ne t’a
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
pas remis quelque chose ! Je sais que tu lui as signifié que ce n’était pas de l’argent.
Il sait que l’enveloppe était fermée, si elle était ouverte, s’il n’avait pas vu de
l’argent, il allait laisser, mais comme c’est fermé c’est pourquoi il a prise. Donc de
te fouiller alors ? ».
Mon père lui a dit : « tout à l’heure, nous nous sommes bien fouillés, alors que ce
sont des papiers ».
L’ainée : « toi ton fils, c’est bien que tu ne l’envoies pas au village, ce qu’il
m’a montré chez moi pendant une semaine seulement là ! C’est mon fils aussi […]
il sait ce qu’il a fait ». Dans la nuit encore mon père m’a réveillé, et m’a enjoint
comme la première fois d’aller chercher quelque chose dans la cuisine. Je lui ai
répondu que je ne partais pas. Il m’a sommé : « tu es sûre que tu ne vas pas ? ». Je
cherchais une issue de sortie, mais toutes les portes étaient closes. Il m’a
« sagba »24comme un petit mouton et m’a emmené dans la cuisine. Il m’a brûlé
comme la première fois sans trop exagérer. J’ai fait deux semaines sans aller à
l’école, parce que je frimais trop à l’école, j’étais en cinquième.
Dehors, je dormais chez mes amis. Quand je partais chez eux, le soir venu, je
faisais semblant d’avoir sommeil et lorsque le père de mon ami me demandait de
24
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie attraper, saisir
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
rentrer, mon ami disait de me laisser dormir et que mon père savait que j’étais chez
eux et le lendemain sa mère allait m’accompagner. Le lendemain venu, je quittais
très tôt leur maison pour le domicile d’un autre ami ou je faisais la même scène. Je
ne restais pas chez un même ami durant deux (2) jours. Quand je dormais dans la
rue, j’étais content de passer la nuit à la belle étoile avec mes amis.
Zébès : Mon père ne m’a jamais jeté à la rue, c’est moi qui fuyais et dormais
chez mes amis. Toutes les fois où j’ai dormi dehors c’était de mon bon vouloir, et à
cause de mes amis. Mon père n’était pas informé de cela. Très tôt le matin, je
rentrais à la maison comme si de rien n’était.
En fin des vacances, mon père a reçu mon bulletin de fin d’année et a
constaté que j’étais renvoyé. Il m’a indiqué que si je lui avais dit plutôt il aurait vu
ses collègues et amis pour me maintenir au CEG. Mais que ce n’était pas grave
qu’il allait contacter sa copine professeur pour plaider mon cas auprès du
directeur. Je lui ai répondu que je ne savais pas et qu’au calcul des moyennes je
passais en classe supérieure. Et comme j’ai été renvoyé je ne voulais plus aller dans
ce collège.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès : Un jour j’ai mis mon grand frère en danger. J’avais entre seize (16)
et dix-sept (17) et j’étais en classe de quatrième je pense. Dans le temps les enfants
avaient des difficultés pour accéder au stade Félix Houphouët Boigny.
J’ai utilisé la tenue trois fois et c’est la troisième que j’ai été pris. Mon frère
et moi nous nous ressemblions sauf que lui est de teint noir et moi clair. J’étais
assis en train de regarder le match et il y avait un ami de mon père qui m’avait vu.
Ce jour-là l’Asec avait gagné l’Africa. Mon père supportait l’Asec, mon frère et
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
moi supportions l’Africa. Comme il aimait les petits débats, il a son ami qui est
venu lui rendre visite. Le monsieur assis en train de causer avec mon père me fixait.
Ce jour-là mon frère était présent car il devait repartir le lendemain à l’école. J’ai
dit à mon frère : « mais pourquoi le tonton là me regarde comme ça ! », et le
monsieur qui ne suivait pas trop la causerie de mon père lui a demandé : « excuse-
moi, mais tes deux enfants sont tous à l’EMPT ? Moi je croyais que c’était le noir
là seulement ». Mon père lui a répondu que c’était mon grand frère. Le monsieur
répète : « j’ai vu un enfant qui ressemble à celui qui a le teint clair ». Sur le coup
j’ai répondu : « non hein ! Ce n’est pas moi tu m’as vu où ? Tu veux que mon papa
me frappe ». Si j’étais resté tranquille le monsieur allait penser qu’il avait vu
quelqu’un d’autre. Et mon père qui me demande : « tu as quel problème », le
monsieur qui réplique : « c’est que c’est lui que j’ai vu ». Mon père a demandé à
mon frère d’aller vérifier sa tenue. Comme il avait peur de moi, dès qu’il a vu sa
tenue à la place où il avait laissée, il a confirmé à mon père que c’était là. Mais
mon papa lui a demandé de venir avec la tenue et de sentir. Quand il a senti, il a
soupçonné que quelqu’un l’avait portée. J’ai nié les faits et après insistance de mon
père j’ai avoué et il m’a demandé de ne plus recommencer car je risquais de faire
renvoyer mon grand frère de l’école militaire. Je n’avais pas peur et je faisais plein
de faux coup comme ça.
Zébès : Après mon renvoi, du CEG de Port-Bouet, mon père m’a inscrit au
collège Pascal qui se trouvait entre Marcory et Koumassi. J’y ai repris la classe de
quatrième. C’est dans cette école que j’ai rencontré Obou Arsène qui est devenu un
grand footballeur quelques années après. Il était dans l’équipe cadette de l’Africa
sport national et l’équipe l’avait inscrit dans cette école. J’aimais jouer au football
et je rencontrais très souvent Obou Arsène dans les comités et les tournois de
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
football. C’est ainsi qu’il m’a envoyé à l’Africa sport national dans l’équipe des
cadets.
L’année qui a suivi, mon père m’a inscrit au collège Nobel à Marcory. Dans
cette école j’ai été inscrit en classe de troisième. J’ai échoué au BEPC et bien qu’on
payait mes cours, le collège a refusé de me prendre l’année suivant tellement j’étais
voyou. J’ai été reçu plus tard au collège Voltaire, là encore j’ai échoué et j’ai été
renvoyé.
25
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie semer la zizanie
51
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
disait au lieu de rester à Abidjan à ne rien faire et devenir un bandit, c’était mieux
de m’envoyer au village « attraper la machette »26.
Zébès : Le fait qu’il m’ait dit de faire une formation en agriculture ne m’a
pas inspiré confiance. Il m’a remis de l’argent pour acheter tout ce que je voulais
et est allé me déposer au centre de formation à Singrobo. Dès qu’il s’est retourné
je suis allé à la gare routière. J’ai emprunté un véhicule et je me suis retourné à
Abobo chez mon oncle maternel. Il venait de déménager de Koumassi à Abobo,
parce qu’il avait perdu son emploi et ne pouvait plus faire face aux charges à
Koumassi où il résidait avec sa famille. Je suis resté chez lui pendant toute l’année
où j’étais censé suivre la formation à Singrobo. Pour mon père j’étais en formation.
Il n’est pas parti prendre de mes nouvelles ni de mes résultats.
26
Figure de style qui veut dire aller au champ
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
qui était très voyou. Quand je partais chez eux à Koumassi je me plaignais très
souvent de lui qu’il était très bandit. Il a commencé les « sciences »27 avant moi.
Dans mes débuts à Abobo, je fréquentais les jeunes du bas28. Il y avait un tournoi
de football qui était organisé dans le quartier et nous avons constitué une équipe
de football du nom « les 11 frères de Gagnoa ». Au cours du tournoi, nous avons
rencontré l’équipe du « Mavou » (gang). J’étais remplaçant au début de match
étant nouveau dans le groupe. Nous étions menés 3 buts à 0.
Lorsque je suis rentré en milieu de match, j’ai tout fait et nous avons retiré
2 buts. L’autre équipe avait du mal à m’arrêter, j’ai fatigué leur défense. Entre-
temps, mon cousin Claude avec qui je vivais en bas avec ses parents passait la
majeure partie de son temps en Haut (Mavou). Pendant le match, lorsque
j’impressionnais les supporters et les membres de l’équipe du Mavou, mon cousin
Claude se vantait que j’étais son grand frère. Il leur a raconté que lorsqu’il faisait
ses gaffes, c’était mon père qui venait le libérer. Après le match ils ont commencé
à me faire la cour afin que j’intègre leur équipe. J’ai commencé à les fréquenter.
Tellement qu’il a parlé de moi et pour me maintenir dans leur staff, ils ont trouvé
une copine pour moi.
Zébès : Mon petit frère (cousin) Claude depuis l’âge de 6 à 7 ans fréquentait
les gangsters à Koumassi. Il gardait leurs armes, lorsque la police était à leur
poursuite. Après m’avoir présenté à ses amis lors du match où je les ai
impressionnés, je ne marchais pas trop avec eux, parce que je ne les connaissais
pas.
27
Terme en argot ivoirien (nushi) qui désigne l’activité criminelle
28
Une indication pour désigner les environ du camp commando d’Abobo.
53
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Mon petit frère était un individu qui ne tardait pas à piquer avec un couteau,
c’était sa spécialité. Il avait tout le temps son canif sur lui et à cause de cela, tout
le monde avait peur de lui au quartier personne n’osait l’affronter. Lorsque la fille
a brandi son couteau, il lui a déclaré : « quand je prends un couteau ce n’est pas
pour faire peur mais pour l’utiliser, si tu veux, dépose le couteau, moi je vais
prendre et te piquer ». Quand elle a déposé le couteau, il a pris et l’a piqué son
côté. Il y avait du monde et les frères de la fille étaient présents. Comme c’était leur
ami et qu’ils avaient peur de lui, ils ne lui ont pas fait d’histoire. Ils ont dit que
c’était leur sœur qui avait tort. Mais il y avait un autre jeune qui voulait se battre
avec mon petit frère et c’est à ce moment que je suis arrivé. J’ai demandé à mon
cousin ce qui se passait. Lorsqu’il a fini de me raconter et que j’ai compris qu’il
avait exagéré, je l’ai giflé et frappé. Je lui ai demandé de se mettre en genou devant
tout le monde pendant qu’il avait les deux couteaux en main, ce qu’il a fait. Je lui
ai demandé encore de déposer le couteau de la fille et de mettre son couteau en
poche. Il saignait et n’a pas réagi. A ce moment, j’ai épaté tout le monde. Celui qui
traumatisait tout le quartier, et un homme aux mains nues, est arrivé à le calmer.
Je lui ai demandé de rentrer à la maison et de ne plus mettre son pied dans le
secteur de Mavou jusqu’à nouvel ordre. Ce qu’il a respecté pendant 6 mois, et sur
demande des jeunes du quartier Mavou ; je lui ai dit de revenir dans la zone. Selon
ces jeunes, il défendait le quartier lorsqu’il était présent. C’était à partir de cette
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
histoire que tout le quartier m’a respecté, et la majorité des jeunes m’écoutait et
me suivait.
Zébès : quand je partais jouer avec mes amis, je partageais ce que j’avais.
Ce qui faisait que mon argent finissait vite, parce que je partageais beaucoup, je
suis devenu le chef de groupe. Quand on avait soif, j’achetais de l’eau et même les
galettes quand on avait faim. Le jour où je n’avais pas d’argent pour acheter des
choses pour le groupe, je partais voir les « vieux pères » pour leur demander de
l’argent […].
Zébès : Depuis mon arrivée à Abobo, pour avoir de l’argent je volais dans
les bus de la SOTRA et dans les gares routières et les gares de gbaka30. Dans mes
débuts je jouais dans le club espoir de Koumassi. Mais ce que je gagnais ne me
30
Véhicule de transport en commun comprenant plus 8 places qui assure la liaison intercommunale
dans la ville d’Abidjan
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
suffisait pas. Je gagnais 60.000 francs et souvent j’inventais des histoires pour que
le responsable me donne de l’argent, comme j’étais le meilleur joueur.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Cette seconde partie met en lumière les facteurs qui sont à la base de
l’intégration de Zébès dans le milieu de la violence. Nous parlerons de la situation
familiale, de l’éducation, le contrôle parental et des habitudes au cours de la vie de
Zébès.
1- La famille monoparentale
Zébès a grandi dans une famille mono parentale. Les seules personnes
présentes étaient le major d’home et la cuisinière. Zébès et son frère au cours de
leur éducation n’ont connu que des successions de femmes.
Zébès : […] Mon père avait l’habitude d’envoyer des femmes à la maison.
Le matin pour le petit-déjeuner, il y avait une femme, à midi pour faire la sieste une
autre femme était présente, le soir pour dormir il envoyait encore une autre. Ce
n’était pas les mêmes femmes qui défilaient à la maison.
Zébès : Mon père ne s’invitait jamais dans nos chambres pour voir si j’y
étais ou si c’était propre. Quand il passait et que la porte était entre-ouverte il
disait que la chambre sentait et demandait au boy de la nettoyer le lendemain. Il ne
nous contrôlait pas et n’aimait pas nous embrouiller. Ce qui m’a permis de dormir
dehors à son insu.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Le défaut qu’il avait aussi c’était qu’il ne demandait jamais les quittances
des achats même quand il nous envoyait pour acheter des choses pour lui. Il nous
apprenait à être des responsables et à nous débrouiller seuls. C’est mon grand frère
qui a tout compris et aujourd’hui il est lieutenant-colonel. Si mon père suivait un
peu mon éducation comme j’étais brouillon et turbulent contrairement à mon frère,
j’allais mieux me comporter.
Le récit de Zèbès, fait savoir qu’à part les privations de goûter, de certaines
friandises et les refus de partir au cinéma, il n’a pas connu de punitions rigide pour
lui faire savoir qu’il avait commis une faute et qu’il ne devait plus le refaire. Certes
les corrections avec le couteau chaud étaient sévères, mais il n’y a pas eu de suivi
pour contrôler ses forfaits.
Aussi, Zébès n’a pas eu de correction lorsqu’il volait dehors. Son père le
libérait à chaque fois qu’il était pris.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès : Mon père m’a toujours soutenu dans tout ce que je faisais […].
Lorsque je volais dehors avec mes amis et que nous étions pris par la police, que
l’affaire soit grave ou pas, il venait me faire sortir. Il utilisait ses relations du PDCI
pour m’extraire. Lorsqu’il s’agissait d’une petite histoire, tout le groupe était
libéré, mais si c’était grave j’étais libéré seul. Il disait : « mon fils ne manque de
rien, il ne peut pas faire ce genre de chose ».
Une fois j’ai volé dans un supermarché au Plateau et j’ai été pris. J’avais
17 ans. Il est venu et a commencé à crier sur les agents de police parce qu’il m’avait
mis en prison. Il leur a dit que je ne manque de rien et que c’est parce que j’avais
oublié l’argent à la maison. Il me disait toujours que si j’étais pris par la police de
ne jamais avouer mes actes […].
Après m’avoir brûlé la deuxième fois, mon père m’a confié qu’il n’allait plus
jamais me toucher, mais je n’allais plus avoir l’occasion de voler à la maison. Aussi
si je volais dehors, j’allais avoir des problèmes, mais étant donné qu’il était mon
père avec les moyens et les relations qu’il avait, il ne pouvait pas me laisser en
prison. Parce qu’il ne voulait pas avoir honte. Il faisait sortir de prison les enfants
de ses amis et même des inconnus et les gens diront qu’il est incapable de faire
sortir son propre fils […].
Ce n’est pas parce que mon père n’avait pas de moyen, mais il n’y avait pas
de suivi. Il ne demandait pas mes bulletins scolaires, mes relevés de classe.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Lorsque le père de Zébès a commencé à savoir que son fils avait commencé
à avoir des fréquentations non appropriées et des activités malsaines, des mesures
de recadrage n’ont pas été mise en place par le père.
Zébès : Mon père avait commencé à soupçonner que je faisais des bêtises
après quelque temps parce que je ne lui demandais plus de l’argent. Il nous donnait
chaque mois de l’argent de poche et je dilapidais pour moi. Puis je volais pour mon
frère ou je lui arrachais de force comme je pouvais le frapper.
Zébès : Quand j’ai connu mes « vieux pères » et que j’avais plus d’argent
pour acheter des choses pour mes amis et moi, je partais leur quémander souvent.
Ils me donnaient de gros billets. La première fois ou je me suis dit que telle somme
d’argent est à moi seul, c’était avec eux. Mon père me donnait certes de l’argent
de poche soit 20.000 francs ou 30.000 francs pour mes achats. Mais lorsque les
gangsters me remettaient 5000 francs, je me disais que c’était à moi seul. Je pouvais
faire de ça ce que je voulais, soit déchirer ou dépenser sans rendre compte à
31
Terme en langage familier et en argot (nushi) qui veut dire que le père a commencé à soupçonner
qu’il avait des fréquentations malsaines
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Un jour les « vieux pères » m’ont demandé si mon père n’avait pas d’argent
à la maison. Je leur ai dit qu’il y en avait et ils m’ont demandé de voler et d’envoyer.
Mon père avait l’habitude de rentrer du travail avec une petite mallette où il prenait
souvent de l’argent pour remettre à ses copines. Un jour de retour de son travail,
il a déposé la mallette dans sa chambre et est sorti. J’ai volé et je suis parti donner
aux « vieux pères ». Ils m’ont remis beaucoup d’argent et j’ai fui pour aller chez
mon oncle à Koumassi. Le lendemain il est allé me chercher. Ma mère y était ce
jour-là, elle a dit que c’était de sa faute qu’il m’avait trop habitué à l’argent.
Zébès : Pour moi, toute ma vie j’allais avoir de l’argent de mon père.
Jusqu’à ce qu’il meure en 2004, il me donnait la somme de 50.000 francs chaque
fin de mois comme argent de poche. Pendant les fêtes, il me donnait la somme de
100.000 francs pour que je fête avec ma petite famille. Il se foutait que mon frère
et moi travaillions ou pas. Mais mon frère lui a dit de ne plus lui en donner parce
qu’il avait une très bonne situation financière […].
Aujourd’hui, c’est mon grand frère qui s’occupe de moi. Depuis la mort de
notre père, il me soutient. Chaque fin de mois, il me donne de l’argent pour ne pas
que je fasse des gaffes. Pour la scolarité de mes enfants, il me donne de l’argent et
aussi pour les fêtes. Quand il apprend que l’un de mes enfants est malade il
m’appelle pour me remettre de l’argent pour les soins. Même quand je ne lui envoie
pas d’ordonnance médicale. Mon premier fils est en France avec sa mère depuis 5
ans. Mais je lui ai fait toujours croire qu’il était avec moi ici et il me donnait de
l’argent pour lui. C’est dernièrement qu’il a appris cela et s’est fâché contre moi.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
À cause de cela il ne m’a pas remis de l’argent avant d’aller en mission au Mali et
je n’ai pas encore inscrit mon fils.
[…] Après mes échecs au CM2, je disais à mon père que je voulais jouer au football.
Depuis la classe de CP1, j’aimais le football, je jouais dans les comités et les
tournois du quartier. Mais mon père refusait.
Zébès : La première fois où j’ai dormi c’était pour soutenir mes amis.
Certains de mes amis avaient des problèmes à la maison parce que leur mère n’était
plus avec leur père, et la femme de leur père ne leur donnait pas à manger. Ainsi,
ils dormaient au marché de Marcory. J’ai donc décidé volontairement de leur tenir
compagnie comme ils étaient mes amis. Après ce jour, j’ai vu que cela était
intéressant, je venais passer souvent des nuits avec eux quand mon père était en
mission ou même s’il était là, en cachette. Je leur apportais de quoi manger, je
partais voir mes « vieux pères » gangsters. Ils me donnaient de l’argent et j’achetais
de la nourriture et d’autres choses dont mes amis avaient besoin.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Tellement que j’étais connu, lors de la crise postélectorale, j’ai été sauvé de
justesse. Les FRCI m’avaient pris et m’avaient mis dans le coffre du véhicule, après
m’avoir bien frappé. Ils m’ont emmené devant leur chef et il s’est trouvé que ce
dernier me connaissait. Moi, je ne le connaissais pas. Il m’a dit : « Zébès, c’est toi !
Mais il y a quoi ! Libérez-le c’est mon vieux père ». Il m’a remis des habits et m’a
demandé d’intégrer son groupe de FRCI. Mais moi les affaires de corps habillé je
n’aimais pas surtout avec cette histoire de politique.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès : Si l’Etat venait à nous dire qu’il allait financer nos projets où
trouver du travail pour nous, je pense que cela allait être difficile. Seulement, un
petit nombre de personnes va vouloir alors que beaucoup n’ont pas de diplôme.
Aussi parce que l’argent que les jeunes gagnent dans les sciences est important.
Pour une seule opération s’ils n’ont rien eu ce n’est pas moins de 200 000 frs. Moi
par rapport à mon activité je ne gagne pas plus de 100 000 frs. Car les téléphones
et autres ne rapportent pas gros.
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Terme en argot ivoirien (nushi) qui veut dire chercher de l’argent
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
que les usagers me voient et que j’ai honte. Il m’a dit qu’il allait m’humilier afin de
ne plus mettre les pieds à la gare. Cela fait environ deux semaines, mais j’attends
un peu d’être oublié, pour repartir car c’est de ça je vie. Actuellement c’est la
rentrée et je n’ai même pas encore payé la scolarité de mon fils qui est en classe de
cinquième et acheté les fournitures scolaires. Mon frère est actuellement en
mission et il est fâché avec moi, sinon c’est lui qui payait tout.
Quand le matin je me lève et que je vais dans mes sciences je sais que je
peux ne plus revenir, que je peux être tué. Je vis au jour le jour. Mais quand on veut
changer de vie c’est difficile.
De plus, étant donné qu’ils étaient conscients de leurs actes ils ouvraient une
caisse qui était alimentée par des cotisations pour soudoyer les agents de police en
cas d’arrestation d’un membre.
Zébès : quand ils ont ouvert le 32ième arrondissement, quatre de nos gars
ont été arrêtés et on a géré sans l’apport des parents… avec l’argent de la caisse
qui était garnie par nos cotisations.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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Lorsque j’ai intégré le groupe et que la majorité des jeunes m’aimait bien,
je leur ai dit : « c’est vrai que c’est un simple club de jeunes, mais on va chercher
à se réorganiser, instaurer des cotisations, avoir des cartes de membre afin qu’à la
rentrée, si certains parmi nous avaient des difficultés ou les parents n’avaient pas
les moyens pour leurs besoins scolaires, que nous puissions les aider et plus tard
les parents allaient nous rembourser ». C’est ainsi que j’ai constitué un petit groupe
pour aller parler aux parents et ils y ont adhéré.
Nous organisions souvent des soirées, pour ceux qui avaient obtenu des
diplômes (BAC, BEPC). Lorsque nos petits frères voulaient participer à un tournoi
on les inscrivait et on louait des maillots pour eux […]. J’ai organisé de telle sorte
que le groupe ait un fond pour être autonome, lorsqu’il veut organiser une activité.
Mais les activités criminelles ont été intégrées au fur et à mesure. Tout a commencé
lorsqu’on participait aux tournois. Il arrivait que parmi les supporters, une bagarre
éclatait ou qu’il y avait des histoires entre notre et équipe et une autre ou encore
qu’il y avait un règlement de compte. Nous avons donc constitué un groupe d’auto-
défense pour défendre l’association.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
football. On mettait tout en place, je dis bien tout. Même si notre équipe était faible
par rapport à l’adversaire, on m’était tout en place pour remporter le match. (Rire)
[…] Une année, lors d’un match de demi-finale d’un tournoi vers le château
d’eau (Abobo avocatier château d’eau), on était mené et le match était presque fini.
Il y avait un « vieux père » qui est actuellement en France. Il est allé déboucher le
château d’eau et l’eau a jailli sur le terrain. Le match a été arrêté et nous avons
rejoué quelques jours après sur un autre terrain. Nous étions encore menés et
c’était 1 à 0. Il restait quelques minutes lorsque l’un de nos supporters, un membre
du groupe est parti de la foule et est venu gifler l’un de nos joueurs sur le terrain.
Sur le coup nous avons dit que c’était un supporter de l’équipe adverse. Sur le
champ nous avons créé une bagarre générale. On a repris encore le match et nous
avons remporté en fin de compte le tournoi.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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J’ai été choisi parce que les jeunes s’avaient que si je dirigeais le groupe je
n’allais pas dépenser leur argent puisque, je partageais déjà et après mes
« sciences » dans les bus je partageais avec eux. Aussi depuis que je suis petit je
dirigeais des groupes d’amis.
34
Terme en nushi qui signifie avoir la grande gueule
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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nous avons mis la section affaire sociale. Les membres se chargeaient d’étudier la
demande des personnes qui nous sollicitaient et ils transmettaient aux chefs leurs
avis en vue de décaisser l’argent ou non.
Après cet affront, mon petit frère (cousin) a dit à son complice Cheik Mo
que je connaissais un Burkinabé qui faisait louer des armes aux Braqueurs, et si je
partais le voir il n’allait pas me prendre de l’argent. Mais ils ont eu peur de moi
craignant ma réaction et ne m’en ont pas parlé. Le « fiston36 » Cheik Mo ayant peur
de se faire tabasser à nouveau avec son couteau a agressé un policier au niveau de
la cité policière (Abobo SOGEFIHA) et lui a arraché son arme. Ils ont commencé
à braquer avec une seule arme mais c’était difficile d’opérer. Toute cette histoire
se déroulait à mon insu. Lorsqu’ils ont eu l’arme les deux « fistons » ont intégré
quelques éléments de la section sécurité. Au cours des réunions du groupe, lorsque
je disais qu’on avait besoin d’argent et que je demandais des cotisations, Cheik Mo
et mon petit frère Claude payaient pour eux et leurs éléments en plus des cotisations
mensuelles. J’ai commencé à me poser la question : « c’est quelle affaire ça ! ».
35
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie se faire battre ;
Terme en argot ivoirien (nushi) qui désigne un individu moins âgé à qui l’on porte toute confiance
36
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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À la maison, j’ai posé la question à mon frère Claude sur leurs sources de
revenue. A ma grande surprise, il m’a dit qu’il pensait que c’était moi qui leur avais
fourni les armes pour braquer. Dans la nuit je suis allé chercher Cheik Mo. Quand
je l’ai retrouvé, il était « fourré37 ». Je lui ai demandé : « où tu as eu cette arme ? ».
Il m’a dit qu’il avait agressé un policier et a pris son arme, parce qu’un jour au
cours d’une de leur opération, ils ont été bien frappés par une espèce de maître
chinois.
Nous sommes allés à Koumassi « sans fil38 » pour prendre des armes. Mon
« vieux père » était content de me revoir. Il m’a demandé si c’était moi avait envoyé
mon petit frère Claude et son ami la première fois. Je lui ai dit non que je n’étais
pas au courant, parce qu’il avait refusé de leur louer les armes. Il leur avait dit que
cette « science » est risquée. Si l’un d’entre eux se faisait tuer la première fois, ils
allaient jeter les armes et fuir. Mais comme je suis venu, il allait nous donner. Il
nous a demandé combien d’armes nous voulions ; je lui ai dit trois avec quatre mois
de location. Cheik Mo avait déjà une arme et comme ils étaient cinq, il fallait avoir
au total quatre. Sur le terrain, il y a toujours un qui n’a pas d’arme pour lui
permettre de récupérer les gains. Ça lui permet d’être libre Comme j’étais son
« bon petit39 », comme cadeau, il nous a laissés un mois de location gratuite, et
37
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie cacher une arme sous les vêtements portés
38
Quartier précaire de Koumassi
39
Terme en argot ivoirien (nushi) qui désigne un individu moins âgé à qui l’on fait confiance
72
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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nous a dit : « après chaque moi envoyez mes trucs, parce que c’est de ça je vis.
Dans les mois cherchez votre argent à même temps. Si vous n’avez pas eu pour
vous, si vous venez vous allez me donner mon argent, parce que si vous avez eu des
milliards, vous n’allez pas venir me donner des millions. Si la date arrive que vous
ne venez pas avec mes armes, je vais me renseigner, je vais vous trouver et je vais
vous créer des problèmes, moi quand on tire sur moi ça ne rentre pas ». C’est ainsi
que les « boss40 » ont été créés.
40
Terme dans le langage des gangsters qui désigne les braqueurs
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
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Zébès : On ne faisait pas d’affiche pour faire appel à des nouveaux. Les
jeunes des quartiers environnants enviaient notre groupe. Parce que nous étions
très organisés et on défendait les habitants du quartier, même s’ils ne fréquentaient
pas le groupe. Personne ne pouvait quitter un autre quartier pour frapper un
habitant du quartier Mavou. Ainsi, pour avoir la protection du gang, pour être en
sécurité, pour être défendu, certains jeunes demandaient à intégrer le groupe. En
général, ceux qui voulaient intégrer le gang avaient des connaissances au sein du
groupe ou cherchaient à y avoir des amis. Le groupe était tellement craint dans la
zone que les personnes qui voulaient intégrer le groupe n’osaient pas venir
directement. Ils passaient toujours par quelqu’un.
6.2. La sélection
Zébès : lorsqu’on participait à un tournoi de football, on (le gang) détectait
les bons joueurs pour l’équipe de football. De la même façon j’ai été approché par
les jeunes du Mavou lorsque je jouais avec les 11 frères, c’était de la même manière
le groupe faisait la cour aux bons joueurs dans les tournois. Certains éléments,
après les tournois on cherchait à les rencontrer. On passait par tous les moyens
pour qu’il intègre le groupe. S’il refusait je demandais qu’une fille lui fasse la cour
et cette technique marchait très bien.
Une fois après un match, il y avait un très bon joueur du nom de willy qui
nous avait fatigués. Nous avons dit d’intégrer notre équipe mais il a refusé. J’ai
demandé à l’une de nos petites qui aimait bien le groupe, du nom de Dadier rose
de faire tout pour que ce dernier intègre l’équipe de football. Elle l’a séduit, a
couché avec lui et après elle l’a convaincu pour jouer avec nous. Ce genre de
recrutement, c’était plus l’équipe de football. Dans les autres sections c’était rare
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
de faire la cour, parce que le groupe était déjà convoité par les jeunes des autres
quartiers.
7.3. La bagarre
Zébès : Le groupe se retrouvait sur le terrain UESO, aujourd’hui nommé
terrain « Gervihno » pour une séance de bagarre. On formait un cercle et selon le
physique du nouveau membre on lui trouvait un adversaire avec qui il devait se
battre. Ils se battaient jusqu’à ce qu’un d’entre eux signe forfait.
75
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
41
Terme en argot ivoirien (nushi) qui fait allusion aux scarifications dans le but d’avoir une
protection mystique
42
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie knock-out (KO)
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
43
Terme du langage familier qui désigne Une personne âgée, un adulte, une personne plus âgée
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
10.1. Le courage
Le brigandage dans le gang « cobra force » permettait de tester le courage
et à ne pas avoir peur au cours d’une opération.
Zébès : Cette épreuve, c’était juste pour tester son courage et sa capacité à
exécuter une mission. S’il est en difficulté face à celui qu’il devait brigander, nous
venons à son secours et nous faisons comme si nous n’étions pas au courant de
cette histoire pour éviter les problèmes. Mais le fait d’échouer ne voulait pas dire
qu’il avait échoué à l’épreuve.
10.2. Le silence
L’aptitude des aspirants à garder le silence au cas où ils étaient pris par les
agents de sécurité était le souci majeur du gang. Tout au long de l’entretien sur la
signification sociale des rituels d’intégration, Zébès a longtemps parlé du silence.
Lorsque les parents s’en rendaient compte il était frappé, questionner, punis
et certains parents les faisaient mettre en garde à vue. Il devait déclarer ce qu’il
avait volé. Certains membres du groupe faisaient exprès pour passer chez le
nouveau pour prendre des informations sur la tournure de l’histoire afin de voir
s’il n’avait pas dit le nom d’un élément. S’il était à la gendarmerie ou à la police
les membres du groupe trouvaient des filles pour aller lui donner à manger.
Le fait de lui envoyer à manger c’était pour lui dire qu’on était fière de lui
et que le groupe le soutenait. Même si l’on était prêt à t’égorger tu ne devais jamais
dénoncer et dire le nom d’un membre. Actuellement il y a l’un de mes petits du nom
de « Gnangnan » qui est à la MACA qui a été pris. Lorsqu’on l’a attrapé, il n’a pas
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
10.3. La force
Zébès :Le gang « cobra force » se bagarrait très souvent, ce qui faisait qu’il
était craint dans la zone. Les bagarres entre gangs rivaux étaient très fréquentes.
Zébès nous a montré de nombreuses cicatrices sur son corps suite à des bagarres
avec des gangs rivaux (les zaionnais). Il fallait donc être capable de se bagarrer afin
de ne pas mettre en péril les missions.
D’abord :
1 : le respect mutuel. Que tu sois chef ou pas, tu devais respecter tout le monde et
les parents des membres du groupe. S’il arrivait qu’un ami ou le parent d’un
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Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie bagarre en groupe
45
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie groupe
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
membre avait affaire au groupe ou à un élément, une fois su, on avait plus le droit
de le toucher. Celui qui s’entêtait à enfreindre la règle, en tout cas il allait avoir
une sanction selon son acte. Si on était clément, c’était juste une amende sinon on
le frappait. « C’est ce qu’on a appelé chien ne mange pas chien ».
2 : les cotisations. Lorsque la date limite était passée les membres qui n’avaient
pas d’argent pouvaient plaider pour un autre délai après avoir démontré par A plus
B qu’ils ont grouillé sans rien avoir. On accordait tout au plus une semaine. Mais
si on devait partager de l’argent ceux qui n’étaient pas à jour n’en bénéficiaient
pas.
3 : le groupe pouvait se retrouver quelque part soit dans un maquis et par exemple
parmi les membres le chef était le moins âgé. Si un autre membre, quel que soit son
titre dans le groupe arrivait, le plus petit du groupe se levait pour lui remettre la
chaise, tant bien qu’il soit le chef. Il partait chercher une autre chaise pour
s’asseoir. Les moins âgés se levaient pour remettre les chaises aux plus âgés. Cette
façon de fonctionner faisait la force du groupe. S’il y avait un problème entre deux
personnes, le moins âgé s’arrangeait pour présenter des excuses à son aîné, sinon
lorsque cela arrivait aux oreilles des chefs, le moins âgé était sanctionné.
4 : si un membre avait des problèmes d’argent, il devait aviser les responsables une
semaine avant par écrit au secrétariat du groupe. Le secrétariat l’envoyait aux
affaires sociales pour voir si c’était possible et quel montant le groupe devait
décaisser. Si le groupe ne pouvait pas, deux jours avant le rendez-vous on lui faisait
appel pour lui dire qu’on ne pouvait rien faire pour lui.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
pensaient. Mais comme on les respectait, avant les prises de décision on écoutait
ce qu’ils pensaient et les responsables prenaient les décisions.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Comme je l’avais dit, il y avait une fille du nom de Dadié Rose qui aimait le
groupe. Cette fille nous a marqués, elle était très belle avec une belle forme. Mais
il y a quelques années, elle est décédée. Elle connaissait tous les membres du
groupe, et assistait souvent aux réunions. Elle était comme une sœur. Elle nous
aimait tellement qu’elle était prête à tout faire pour qu’on obtienne tous les bons
joueurs. Elle était capable de draguer et coucher avec eux pour les emmener à
intégrer notre équipe. Quand le groupe était « moisi49 » elle nous disait : « restez
tranquille, il y a un monsieur qui m’embrouille beaucoup là, on dirait qu’il est un
50
« peu en forme ». Elle appelait un homme et lui disait de venir lui donner une
bière. Ils buvaient et mangeaient et elle lui proposait d’aller à l’hôtel. Elle nous
appelait et donnait le nom de l’hôtel dans lequel ils étaient.
En pleine nuit sans que ce dernier ne sache, elle ouvrait la porte et des
éléments entraient pour les braquer. Ils prenaient tout sur le monsieur et la fille, et
l’un d’entre les braqueurs pouvait coucher avec elle, comme s’il la violait afin de
lever tout soupçon sur elle. On faisait de telle sorte que le monsieur ne se doute de
rien, et même va chercher à soigner la fille et lui donner un peu d’argent par
rapport à l’agression. Elle organisait des coups comme ça mais n’était pas membre
du gang. Je peux dire qu’elle était une sympathisante, elle nous venait en aide.
46
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie copine ou petite amis
47
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie petite sœur
48
Terme en argot ivoirien (nushi) qui veut dire : une façon de faire
49
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie ne pas avoir d’argent
50
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie avoir un peu d’argent
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
C’était elle qui avait trouvé le président de notre équipe de football. C’était un
instituteur qui aimait l’équipe et lors d’un de nos matchs, dans la foule ce dernier
a échangé avec elle. À la fin du match il nous a remis 5000 francs pour acheter du
« bandji51 » et le même jour elle a dormi avec lui. A la suite de leur relation, elle
lui a demandé de devenir le président de l’équipe. Il assurait les besoins de l’équipe,
surtout en frais de participation, en maillots et en eau […].
51
Terme en argot ivoirien qui désigne le vin de palm
52
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie celui qui a de l’argent et le gaspille
53
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie personne se qualifiant par sa naïveté hors du commun
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Quand il y avait une situation où seuls les membres du gang devaient être
informés, on utilisait des termes codés. Par exemple lorsqu’on sentait la présence
d’un danger, soit des gens qui nous cherchaient pour la bagarre et qu’on était dans
un maquis, celui qui sentait le danger ou était se levait puis disait : « la base est
mieux ». Cela voulait dire : « dans les 2 minutes qui suivent tout le monde doit se
rendre au quartier général ». Mais tous nos termes découlaient du « nushi ».
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
DISCUSSION
Cette dernière partie porte un regard plus théorique sur le phénomène à l’étude. Les
résultats présentés au chapitre précédent seront discutés à la lumière des travaux
empiriques recensés et de la théorie de la socialisation. Ce chapitre mettra en lien
l’itinéraire social de Zébès et son adhésion à un gang. Enfin, des pistes de recherche
et d’intervention seront proposées.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
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Terme dans le jargon ivoirien qui désigne un cadre du parti politique PDCI
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Les échecs scolaires et la reprise de classe d’au moins une année au primaire
ont marqué le parcours scolaire des jeunes qui intègrent les gangs. La situation qu’a
vécue notre enquêté rejoint les résultats de Danykoet al. (2002). Les jeunes affiliés
aux gangs sont plus enclins à s’absenter de l’école sans raison valable et à vivre des
échecs scolaires.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
avec son père, suite à son transfert au CEG de Port-Bouët. Lorsqu’il faisait des
fugues, il se réfugiait chez ses amis. En tant que chef de groupe, il porte assistance
à ses amis, puis il leur venait en aide. L’environnement social hors de la maison
(amis, et connaissances) influence les attitudes et les choix des jeunes (Hamel et al,
2003). Comptant, sur ses amis, Zébès fait des fugues pour obtenir refuge chez ses
amis et fréquente les gangsters dans le souci de se procurer de l’argent.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Les évènements qui ont marqué Zébès ont imprimés en lui certains
sentiments (colère, manque d’attention) et des expériences qui ont participés à la
construction d’une identité de gangster.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
A l’instar de Maxson et al, 1998 et Hamel et al, 1998, sur les jeunes
affiliés aux gangs au Canada, la désunion familiale est facteur majeur dans le
virement de ceux-ci dans la violence. La famille, premier espace de socialité dans
le cas de Zébès a eu un impact sur la construction de son identité sociale. Très tôt
il est confronté à un manque d’affection maternelle. La rupture familiale
(séparation des parents) de même que les problèmes des parents et l’instabilité
matrimoniale des parents sont des expériences qu’ont vécues certains jeunes
affiliés aux gangs nous dit Patton (1998). De ce faite, l’absence d’un des parents
(père ou mère) au foyer dans l’encadrement des enfants en cas de déviance
constaté, est un élément prépondérant. La transmission des valeurs passe par une
emprise du cadre familial et social, dès la plus tendre enfance, sur les actes de la
vie quotidienne. Mais contrairement, à Hamel et al, (1998), au Canada et Patton
(2002) sur les jeunes afro-américains, Zébès a été éduqué par son père.
Cependant, la désunion familiale constitue un facteur important dans le manque
d’encadrement des jeunes.
91
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Son discours révèle le lien entre cette absence de l’autorité parentale et l’affiliation
au gang (Danyko, 2002). Livré à lui il extériorise ses facultés à être responsable,
puis dirige un groupe d’enfants. Il découvre le milieu de la violence sans être
soupçonné par son père. Le laxisme dans l’éducation des enfants est un facteur qui
participe à la déviance des jeunes dans les gangs.
Les corrections, Zébès n’en a pas eu en tant que telle au cours de son
éducation. Corriger un enfant ne signifie pas maltraitance ou punition physique.
Nous rappelons justement que l’autorité est un pouvoir doté d’une dimension
magique ou sacrée qui doit susciter une adhésion sans condition de ceux à qui elle
s’adresse. Les parents doivent exercer leur autorité, car si les mauvaises habitudes
de l’enfant ne sont pas limitées, alors un boulevard s’ouvre. Il subissait des
privations alimentaires (gouté) et des distractions (cinéma) en général, mais
seulement à deux (2) reprises son père a usé de violences physiques.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Zébès savait que son père n’était pas du genre à corriger après une gaffe. Au
cours de nos entretiens, il nous fait savoir que son père le soutenait dans tous ces
méfaits. Son père lui apprenait à nier les faits lorsqu’il était pris par la police. Au
regard de ce que nous a dit notre interlocuteur, le trop grand amour pour les enfants
est source de déviation. Les corrections servent plus ou moins à recadrer l’attitude
des enfants et de participer à la construction de leurs identités sociales. Cette
correction est pareille que de la violence familiale dont parle Danyko et al (2002)
dans son étude qui sont entre autres que les sermons, le retrait de privilège sont les
formes de punitions et des coups (fessés), qui sont des causes du virement es jeunes
dans la violence. Dans le cas de notre étude, nous notons que cette formes de
corrections que nous jugeons mineurs, devrait participer à recadrer les enfants sans
toutefois être excessives. En confession, il nous dit que si son père l’avait laissé une
seule fois en prison, lorsqu’il avait commencé à voler dans les supermarchés, il ne
serait pas aujourd’hui un gangster. Ce qui nous fait dire que le manque de contrôle
et la perte de l’autorité parentale sont des facteurs importants dans la déviation des
jeunes dans les activités criminelles.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Pour leur part, Hamel et al. (1998) constatent que les jeunes associés aux
gangs font face à plus de difficultés scolaires, manquent plus souvent l’école et sont
davantage susceptibles de croire qu’ils sont perçus négativement (délinquants,
colériques ou ayant des problèmes personnels) par leurs enseignants. Ce profil tel
que mentionné par Hamel et al. (1998) correspond à celui de Zébès.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Le fait que le père de Zébès ait refusé que son fils pratique le football, serai
l’une des causes qui l’ait entrainé dans le milieu de la violence puisqu’il n’avait pas
d’autre qualification et compétence. Tenir compte des aspirations des jeunes dans
la construction d’un profil de carrière est très importante. Cela permet aux jeunes
de construire leurs identités sociales en tenant compte de leurs capacités sous
l’impulsion des parents.
Depuis l’enfance de Zébès à Marcory, il avait des amis avec qui il s’est initié
à la vie de la rue, puis il fréquentait des gangsters pour qui il avait un fort
engagement. L’intégration dans les gangs se fait par les réseaux d’amis, comme
nous l’a dit notre enquêté au cours de son récit de vie. Le fort engagement envers
les camarades délinquants et relations sociales dans la rue ont été des éléments
stimulateurs dans l’adhésion de Zébès à un gang.
95
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
En outre, les jeunes qui adhéraient au gang comme nous l’a signifié Zébès,
éprouvaient un grand besoin d’appartenance et de protection. Les individus qui
adhéraient aux gangs cherchaient une protection contre les difficultés de la vie et
contre les milieux hostiles. Le gang se propose comme une protection, comme
l’aurait fait une famille responsable.
55
Terme argot ivoirien qui désigne la pauvreté, la galère
56
Terme en argot ivoirien qui fait allusion aux bonheurs, à la richesse
97
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Selon lui, son appartenance au gang a été suscité par une volonté d’aider et
de s’entraider entre membre du groupe, car lui aussi avait des besoins. Lorsqu’il
volait, il partage son butin avec les membres de son gang et cherchait des moyens
pour survenir aux besoins des autres. Ce sentiment d’être utile et de participer à
l’épanouissement de ses amis lui donne une certaine satisfaction. Il considère ses
actes comme utiles pour sauver des âmes en détresse. Au sein du gang il crée une
branche nommée affaire sociale pour résoudre les problèmes des membres en
difficulté. Il le signifie lui-même au cours de l’entretien qu’il a été porté à la tête du
groupe grâce à son élan de charité.
Tel que mentionné par De Latour (2001), Au sein du gang les liens étaient
forts. « Au ghetto, […] les sentiments, les mouvements du cœur sont au centre du
lien entre frères de sang » De Latour (2001, p16). Le gang remplaçait
temporairement la famille biologique bien que dans le cas de Zébès son père ne
l’avait chassé de la cellule familiale et même continuait de le soutenir
financièrement.
57
Terme en argot ivoirien (nushi) qui signifie être vaillant, être courageux
98
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
58
Il s’agit de notre introducteur auprès de Zébès
59
Ce terme énuméré par le vieux père de Zébès signifie le don de sa personne, une personne avec
s’implique personnellement dans la vie de ses membres
60
Terme en argot ivoirien (nushi) qui désigne un bandit de grand chemin
61
Un film américain sur les gangs de l’acteur AI Pacino titré Scarface [Palma, 1983]
99
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
et il n’a pas été mis en maison de correction. Plusieurs fois, il a été bastonné et
humilié en public surtout à la gare nord de la SOTRA. Selon Haut (2010) la majorité
des jeunes affiliés aux gangs ont eu affaire aux services de police suite à des actes
antisociaux et la majorité des chefs de gang finissent par faire de la prison, après
démantèlement de leur organisation (Haut, 2010). Certes Zébès n’a pas eu ce même
sort que ses amis tués, emprisonnés ou en exil, mais il a plusieurs fois eu affaire aux
services de police. Il a même été sauvé de justesse par un chef des FRCI après le
conflit armé de l’élection de 2010.
Pour Zébès le gang était une entreprise, tel qu’il nous l’a décrit. L’étude de
De Latour (2001) faisait plus allusion à l’espace, au territoire (ghetto) où les jeunes
délinquants se retrouvaient pour affirmer leur singularité, partager leur joie, leur
peine et trouver des stratégies pour faire face aux difficultés du moment. Le gang
« cobra force » partait au-delà du simple territoire. Il était un groupe bien structuré
à l’image des mafias comme nous l’a décrit Mourani (2009). Zébès s’est projeté
dans une construction d’organisme à l’image des gangs dans les films américains.
Le gang tel que structuré par Zébès, répond à un souci de construction d’une
identité factice. Après sa fuite de l’école professionnelle, Zébès n’avait plus d’issu
100
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
de sortie. Après plusieurs tentatives pour s’insérer dans certains clubs de football
tel que l’espoir de Koumassi, il se met à l’activité criminelle62. De Latour (2001) et
Bibeau (2003) affirment que les jeunes affiliés aux gangs les utiliseraient pour
atteindre des rêves. Le rêve de Zébès était de devenir un grand footballeur. Ne
pouvant atteindre ses objectifs, il structure le club d’amis en association qui
deviendra un gang après introduction des activités criminelles. Le souci est de se
procurer des sous puis de survenir aux besoins des membres du gang. Le gang
pratiquait des activités licites (sécurité, protection, équipe de football) et des
activités illicites braquage à main armée, brigandage, vol, agression physique, viol).
Le phénomène des gangs fait son apparition en Côte d’Ivoire dans les
alentours des années 80. A cette période correspond, une phase de crise
économique avec l’avènement du PAS. Le coût social de ces programmes étant la
stagnation des salaires, la réduction du pouvoir d’achat, l’augmentation du
chômage, les licenciements, la privatisations d’entreprises publiques,
l’augmentation des prix des produits de base, la réduction des aides sociales
au logement, à la santé, à l’éducation et la limite les possibilités d’accès des
jeunes à des emplois décents (N’goran et al, 2014). Ainsi certains jeunes se
regroupent au sein des groupes à caractère criminel afin de répondre à leurs besoins.
Le gang devient un espace d’affirmation et de recherche de moyens de survie. Tous
les moyens étaient bons pour se procurer de l’argent. En plus des activités licites
62
Il exerçait en tant que pickpocket à la gare nord de la SOTRA
101
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
A l’instar, des gangs aux Canada (Corriveau, 2009) et aux Etats unis (Haut
et al, 2010), l’intégration d’une nouvelle recrue passe par la commission d’un acte
de violence. A la différence, les rituels soumis étaient, la bagarre entre le postulant
et un membre choisi en fonction du gabarit de celui-ci.
Cette pratique avait pour objectif de tester la force physique. Ensuite, il était
soumis à un test où il devait commettre un vol au domicile familiale ou de détourner
l’argent que les parents lui avait remis pour effectuer des courses soit pour payer
les factures en complicité avec les membres du gang. L’objectif visé était de tester
sa capacité à ne pas dénoncer ses complices après avoir été pris. Aussi, la nouvelle
recrue devait commettre des agressions des passants ou violer des filles pour
montrer les capacités à accomplir une mission avec promptitude, et pour terminer
102
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
8. La loi du plus fort pas forcement une règle au sein des gangs
Pour être responsable au sein du gang « cobra force », il fallait avoir
certaines qualités, dont le courage, le sens de la responsabilité et être un
rassembleur, comme l’a mentionné De Latour (2001). Mais contrairement à De
Latour (2001) qui note que le ghetto était un monde où les plus forts pouvaient
toujours dominer par la terreur, par les rapports de forces et régner en maître avec
la soumission des autres, le gang cobra force utilisait un autre moyen pour la gestion
du groupe.
Le gang cobra force fonctionnait comme une association. Il y avait des chefs
de section en fonction des domaines d’activités. Les responsables étaient proposés
en conclave. Cette façon de fonctionner comme l’a signifié Zébès avait pour but de
créer une cohésion, une entente et une stabilité au sein du groupe. Ainsi le chef était
respecté par tous et avait plus de pouvoir et d’autorité. En plus, les décisions étaient
prises en conclave.
103
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
difficultés et créent des liens pour se sentir comme des frères issus d’une même
famille traduite en ce terme nushi « frère sang »63.
63
Terme en argot ivoirien nushi qui signifie : frère de sang/ frère de même famille ou un ami intime
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
CONCLUSION GENERALE
A travers le récit d’un ex-chef de gang abidjanais, notre étude a mis en
évidence la spécificité des situations dans le basculement des jeunes dans la
criminalité. A priori, le basculement des jeunes dans les activités criminelles
organisées était justifié et encouragé par les conditions économiques des parents.
Cette étude suggère que l’intégration des jeunes dans le milieu de la violence
découle du processus construit durant le parcours de vie des individus. L’affiliation
aux gangs est un processus complexe impliquant, des facteurs familiaux,
individuels et sociaux.
Dans une vue synoptique de l’étude que nous avons mené pendant un mois
environ sur l’intégration des jeunes dans la violence, c’est cette substance que nous
avons recueillie. Toutefois, il convient de rappeler les principales démarches qui
ont fondé cette investigation. En effet, la réalisation de cette présentation intitulé
« Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo » s’est faite sous la direction d’une question
centrale : Quelle est la trajectoire sociale des jeunes qui s’investissent dans la
violence criminelle ? Pour mieux l’expliquer, nous avons dégagé trois (3) questions
particulières.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
Seule une comparaison des résultats obtenus par ces enquêtes autoriserait à
généraliser et permettrait de vérifier ou non nos résultats.
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
BIBLIOGRAPHIE
I- DOCUMENTS METHODOLOGIQUES
Durkheim E. 1999. Les règles de la méthode sociologique, 10ème édition, Paris
Quadruge/ PUF, p.34
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Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de
gang de la Cobra Force à Abobo
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III- WEBOGRAPHIE
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gang de la Cobra Force à Abobo
http://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2012-1-page-21.htm
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gang de la Cobra Force à Abobo
1.1. Une naissance dans un contexte de vives tensions entre les parents de la
mère de Zébès et son père ................................................................................ 28
1.2. Une enfance sous la couverture du père et loin de la mère .................... 29
1.3. Un fils à papa .......................................................................................... 33
1.4. Une éducation dans un environnement de laisser- faire ......................... 33
1.5. Quand le fiston gagne l’affection des vieux pères du quartier ............... 37
1.6. Quand l’initiation aux activités criminelles commence avec le jeton de la
go de papa .......................................................................................................... 38
1.7. De la maison au marché : la mise en pratique des compétences de voleur
41
2. Une adolescence controversée (13 -18 ans) ................................................... 42
2.1. La rupture des liens avec ses amis de la classe de CM2 ............................ 42
2.2. Des problèmes avec l’administration et les professeurs du CEG de Port
Bouët ................................................................................................................. 43
2.3. Le refus de participer au cours d’anglais .................................................... 44
2.4. Un élève avec un capital guerrier ............................................................... 45
2.5. La rechute dans les vols à la maison .......................................................... 45
2.6. Des fugues qui inquiètent le père. .............................................................. 47
2.7. L’expérience de la rue ................................................................................ 48
2.8. Exclusion du CEG de Port-Bouët ............................................................... 48
2.9. Un goût pour le risque .............................................................................. 49
2.10. Le rêve de footballeur professionnel brisé ............................................... 50
2.11. Des exclusions répétées dans des écoles privées ...................................... 51
3. De l’école à l’expérience dans un gang ......................................................... 51
3.1. Echec scolaire et abandon de la formation professionnelle........................ 51
3.2. La bonne impression faite au club d’amis .................................................. 52
3.3. Le courage et l’autorité manifestés par Zébès devant les membres du
groupe ................................................................................................................ 53
3.4. La charité comme moyen de construction du leadership personnel ........... 55
3.5. L’activité de pickpocket comme gagne-pain .............................................. 55
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gang de la Cobra Force à Abobo
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gang de la Cobra Force à Abobo
ANNEXES
I
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la Cobra Force à Abobo
Rituels d’intégration des jeunes dans le gang «cobra force » à Abobo, biographie d’un chef de gang
Première phase: enfance et l’éducation
Récit biographique
Questions clés Questions subsidiaires de Types Sources Instrume Méthode
recadrage du récit d’informatio nt de d’analyse
ns collecte
1- Naissance - En quelle année est tu né ? Descriptif Ex membre de Interviews Analyse de
« cobra force » discours
- Où est tu né ?
2- Situation familiale - Quel travail faisait ton père ?
Parles-nous de vos parents ? - ta mère ?
- Vivait-il ensemble pendant Ex membre de
ton enfance ? si non chez qui « cobra force »
est tu resté ? pourquoi ? Photos, documents Interviews Analyse
Descriptif de
- Qualité des relations entre tes personnels discours
parents ?
- As-tu des frères ?
- Qualité des relations avec tes
frères ?
- Relation avec ton père ?
- Relation avec ta mère ?
3- Education - Voyais-tu tous les jours tes Ex membre de
parents ? « cobra force »
II
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la Cobra Force à Abobo
Comment était ton enfance ? - Quelle a été la qualité de ton Photos, documents Analyse de
personnels
éducation ? Descriptif Interviews discours
III
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la Cobra Force à Abobo
IV
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la Cobra Force à Abobo
V
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la Cobra Force à Abobo
-
9- Significations sociales des - Pourquoi faut-il poser
rituels des actes de bravoure/ou
subir des épreuves avant
d’entrer dans le gang ?
- Est-ce que tous les actes
de bravoure ont la Descriptif Ex membre de Interviews Analyse de
même signification ou « cobra force » discours
valeur ? Pourquoi ?
VI
Trajectoire sociale des jeunes criminels en Côte d’Ivoire: biographie d’un chef de gang de la Cobra Force à Abobo
- Comment le groupe
s’organise quand il doit
mener des actions de
terrain/attaques ?
VII
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Cobra Force à Abobo
VII