Décarbonées Mobilités: Un Défi Global

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MOBILITÉS

DÉCARBONÉES
Un défi global
MOBILITÉS
DÉCARBONÉES
Un défi global

Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 3


Avant-propos

L
es pays développés, dont la France, se sont équipés de sys-
tèmes de transport pour la mobilité des personnes et des
biens qui répondent aux besoins de déplacement de courte
et longue distance. Au-delà du service rendu pour la desserte du
territoire, il reste à faire face à bien d’autres enjeux liés au climat et
à l’énergie dans un contexte de transition écologique. Sur le plan
social, cela nécessite d’apporter des solutions de mobilité à l’en-
semble de la population (enjeu d’inclusivité sociale et territoriale).
Sur le plan budgétaire, il reste à consolider tant le financement
des infrastructures que celui des services collectifs dans le cadre
du quotidien. Cependant, l’enjeu prioritaire concerne l’environ-
nement : atténuer, voire annuler l’impact sur le climat, conformé-
ment à l’engagement pris par la France de zéro émission nette de
carbone à l’horizon 2050.

Le présent ouvrage aborde sous plusieurs angles le sujet de la mo-


bilité décarbonée. À travers une trentaine de contributions d’ex-
perts de divers horizons, qui ont déjà fait l’objet d’une première
publication en ligne sur le site du média social du bâtiment et de la
ville durable Construction21, le présent dossier publié aux éditions
LA COLLECTION « LES DOSSIERS » du Cerema a vocation à pérenniser et élargir le panel de lecteurs.
Centré sur les territoires du quotidien, les villes avec leur périphérie
ou encore les territoires à urbanisation diffuse, ce dossier propose
Cette collection « Les dossiers » ouvre des tendances et des orienta-
des points de vue et ouvre des perspectives de solutions destinées
tions sur des sujets prospectifs qui correspondent soit à une technique
à nourrir la réflexion sur les défis de la mobilité décarbonée. Parmi
nouvelle, soit à une approche innovante ou peu investiguée dans la lit-
les mots-clefs représentatifs de ce dossier, aux côtés de « mobili-
térature spécialisée. Elle s’adresse à des professionnels confirmés qui se
té », on retiendra : climat et carbone, énergie, modes de transport,
questionnent sur de nouveaux sujets et souhaitent approfondir leurs
services de mobilité, agencement de la voirie, aménagement du
connaissances sur des domaines techniques en évolution constante.
territoire, et encore écoconception et coconception.

4 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 5
Remerciements Les partenaires pour
la coordination
éditoriale de l’ouvrage
Ce dossier de 32 contributions traitant de la mobilité précieuse d’Alice Dupuy (Construction21) ainsi que la
décarbonée est issu d’une collaboration partenariale entre participation de Rosa Vicari et Maxime Trocmé (lab
Construction21, le lab recherche environnement VINCI recherche environnement VINCI ParisTech).
ParisTech et le Cerema. L’ensemble de ces articles a fait
l’objet d’un dossier thématique « Mobilités décarbonées : Au regard de l’actualité et de l’audience que ces articles ont
enjeux et solutions » publié sur le site de Construction21 rencontrée, il a été convenu d’un commun accord de réaliser
www.construction21.fr. une version imprimée afin de pérenniser les contributions
écrites et d’élargir le lectorat et la portée du dossier. Le Construction21, Le Cerema
La rédaction en chef en a été assurée par Fabien Leurent, Cerema en tant qu’éditeur a adapté les contributions le média social du bâtiment et de la ville durable (Centre d’études et d’expertise sur les risques,
Nicolas Coulombel (lab recherche environnement VINCI originelles en vue d’une publication partenariale sur l’environnement, la mobilité et l’aménagement)
ParisTech & École des Ponts ParisTech), Catia Rennesson support imprimé. La version numérique de ce dossier est
et Laurent Jardinier (Cerema), avec l’aide continue et téléchargeable gratuitement sur le site du Cerema.

Sont remerciés les auteurs des articles contenus dans ce dossier :


Construction21 est à la fois une plateforme collaborative
Samir Anbri, IFP Énergies Nouvelles (IFPEN), Valérie Leray, Cerema,
Guy Baudelle, Université de Rennes 2 et IAU de Rennes, Marion Leroutier, Stockholm School of Economics,
et un portail d’information à la disposition des
Marlène Bel, Cerema, Johan Leveque, Doctorant CIFRE, La Poste, Université de Bordeaux professionnels de la construction et de la ville. La Le Cerema est un établissement public qui a pour
Larissa Belgouzia, Kedge Business School, et KEDGE BS, plateforme propose des études de cas de bâtiments, mission de répondre aux grands enjeux sociétaux du
Jaâfar Berrada, Institut VEDECOM, Agnès Macaire, De Gaulle Fleurance & Associés, quartiers et infrastructures exemplaires, ainsi que des développement durable et la gestion des territoires et
Régis Blanchet, Université Gustave Eiffel, Hassan Mahdavi, Institut VEDECOM, dossiers thématiques élaborés avec les membres de des villes. Le Cerema accompagne et assiste l’État et
Aurélien Bigo, Chaire Énergie et Prospérité, Stéphanie Mangin, Vélo & Territoires, sa communauté. L’association Construction21 France, les collectivités territoriales dans une vision stratégique
Christian Bitaud, Forum métropolitain du Grand Paris, Frédéric Martinez, Université Gustave Eiffel, rassemble près de 150 organisations professionnelles et des politiques d’aménagement et de mobilités et dans
Anne de Bortoli, Eurovia, École des Ponts ParisTech, Sébastien Marrec, Université de Rennes 2 et Ville de Paris, entreprises pionnières. Construction21 est aussi un réseau l’expérimentation de nouveaux services et solutions.
Agnès Boscher, Université Gustave Eiffel, Gaëtan Merlhiot, Institut VEDECOM, international avec plusieurs portails nationaux en Europe,
Yann Bouchery, Kedge Business School, Natacha Métayer, Institut VEDECOM,
en Chine et au Maghreb, ainsi qu’une plateforme globale Expert de référence sur le domaine Mobilités, le Cerema
Cédric Boussuge, Cerema, Joël Meissonnier, Cerema,
Jean-Louis Carrasco, La Poste, Peggy Mertiny, Cerema,
en anglais. Construction21 est l’organisateur des Green s’engage au service des territoires pour faire face au
Anne-Lise Castel, Mobilize, groupe Renault, Valérie Michel, IGNES, Solutions Awards, concours international de solutions défi de la décarbonation des mobilités. Il construit des
Patricia Champelovier, Université Gustave Eiffel, Pierre Monlucq, Eurovia, durables, afin d’inspirer l’ensemble des professionnels méthodes et outils pour organiser les mobilités, aménager
Jean Coldefy, C3I et ATEC-ITS, Jérôme Monnet, Université Gustave Eiffel, LMVT, Labex Futurs Urbains, du secteur. l’espace public, développer l’usage des modes actifs,
Camille Combe, La Fabrique de la Cité, Vianney Morain, Efficacity, www.construction21.fr il capitalise et anime le partage d’expériences entre
Nicolas Coulombel, LVMT, École des Ponts ParisTech, Université Nicolas Moronval, APRR-AREA, territoires. Sa présence sur l’ensemble du territoire national
Gustave Eiffel, Chloé Noual, CertiNergy & Solutions, via ses implantations territoriales lui permet de proposer
Marielle Cuvelier, Université Gustave Eiffel, Julie Orgelet-Delmas, DDemain, Le lab recherche environnement VINCI ParisTech un appui direct aux collectivités pour mettre en place des
Flora Delhomme, ENS Paris-Saclay, Laurent Perron, The Shifters, solutions innovantes, structurantes et concrètes
Virginie Dunez, Cerema, Chrystèle Philipps-Bertin, Université Gustave Eiffel,
qui s’inscrivent dans la dimension de transition
Hortense Éraud, GIMELEC, Mathieu Pochon, Rue de l’Avenir Suisse,
Claude Escala, Supraways, Alexis Poulhès, LVMT, École des Ponts ParisTech,
écologique et solidaire des mobilités.
Manon Eskenazi, LVMT, École des Ponts ParisTech, Université Philippe Quirion, CNRS, CIRED, Centre de ressources et d’expertise, le Cerema a
Gustave Eiffel, Mathieu Rabaud, Cerema, également pour vocation de produire et de diffuser des
Aurore Fabre-Landry, Sustainable Mobilities, Jean-Jacques Raidelet, GRDF, Le lab recherche environnement est un programme de connaissances et savoirs scientifiques et techniques, il est
Nadège Faul, Institut VEDECOM, Cyprien Richer, Cerema, recherche, issu du partenariat entre VINCI et trois écoles éditeur et produit de nombreuses publications. C’est à ce
Nicolas Furmanek, Cerema, Julien Solé, L’Arbre Mobile, d’ingénieurs, MINES Paris PSL, AgroParisTech, École des titre qu’il réalise cet ouvrage sur les mobilités décarbonées
Pascal Glasson, Cerema, Julie Scapino, Labex Futurs Urbains, Ponts ParisTech, sous l’égide de la Fondation ParisTech. en collaboration avec Construction21 et le lab recherche
Laurent Guihéry, CY Cergy Paris Université, Gautier Stauffer, Kedge Business School, Fondé en 2008, ce partenariat soutient la recherche environnement Vinci ParisTech.
Jean-Baptiste Haué, Le Lab Renault-PSA, Hélène de Solère, Cerema, sur la performance environnementale des bâtiments, www.cerema.fr
Jean-Paul Hubert, Université Gustave Eiffel, AME-DEST, Labex Cécile Théard-Jallu, De Gaulle Fleurance & Associés,
des quartiers et des infrastructures. Le lab recherche
Futurs Urbains, Chloé Thévenet, Université Gustave Eiffel,
Thomas Jouannot, Cerema, Camille Thomé, Vélo et Territoires,
environnement s’inscrit dans une démarche de mécénat
Walid Klibi, Kedge Business School, Khadija Tighanimine, Omexom, scientifique. Les résultats des recherches sont rendus
Natalia Kotelnikova-Weiler, LVMT, École des Ponts ParisTech, Guillaume Uster, Université Gustave Eiffel, publics et partagés non seulement avec la communauté
Université Gustave Eiffel, Vincent Viguié, École des Ponts ParisTech, CIRED, scientifique, mais aussi avec l’ensemble des acteurs de
Jeanne de La Blanchardière, IVM - Institut VEDECOM, Sophie Weill, De Gaulle Fleurance & Associés. la ville et des territoires pour faciliter la prise de décision
Olivier Labarthe, Kedge Business School, et améliorer les usages. Au fil des années, le lab a publié
deux ouvrages « Écoconception des Ensembles Bâtis et
Sont remerciés pour l’élaboration du document actuel et sa relecture : des Infrastructures » aux Presses des Mines et en version
tous les membres de l’équipe partenariale (cités en début de page) Public, Sécurité et responsable du domaine Mobilités du Cerema, anglaise chez Taylor & Francis. Ses recherches dans le
qui ont contribué au dossier initial publié par Construction21, Virginie Cuaz, responsable éditoriale Cerema, champ de la mobilité concernent la simulation des
sans lesquels ce travail n’aurait pas d’existence ; ainsi que : Laure Der Madirossian, directrice déléguée à la diffusion modes de transport et de la mobilité urbaine, ainsi que
Stéphane Boumendil, directeur éditorial Citizen Press, des connaissances du Cerema, l’évaluation de leurs performances environnementales
Stéphane Chanut, directeur du département Mobilités, Espace Pascal Terrasse, directeur stratégique communication au Cerema. et sociales. Ses contributions en Analyse de Cycle de Vie
des modes de transport ont été primées par l’Association
Comment citer cet ouvrage : Cerema, Construction21, lab recherche environnement VINCI ParisTech. Mobilités décarbonées. Un défi
global. Bron : Cerema, 2021. Collection : Les dossiers. ISBN : 978-2-37180-541-5
Mondiale de la Route.
www.lab-recherche-environnement.org

6 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 7
Édito Édito

« La neutralité carbone ne


pourra pas être atteinte sans
la recherche d’une sobriété
Stéphane Chanut, des déplacements. Ce levier
devra inévitablement être
directeur de département,
responsable du domaine mobilités sont essentielles. Au-delà de l’expertise nécessaire
Mobilités au Cerema
mobilisé. » sur les transports, l’articulation urbanisme-déplacements est
à construire systématiquement. Les mobilités sont en effet
les conséquences de l’aménagement du territoire et de l’éloi-
DÉCARBONER gnement, ces dernières décennies, entre d’une part les lieux
de vie, d’autre part les lieux de travail et d’aménités (loisirs,

LES MOBILITÉS, Un enjeu de société et des transformations


services administratifs, santé). Le développement des modes
actifs et le renouveau de la marche impliquent de repenser

L
UN ENJEU AU CŒUR socio-économiques à accompagner

La mobilité constitue un enjeu majeur de nos sociétés ac-


largement l’aménagement des espaces publics et des voiries,
y compris en zones peu denses et notamment dans les cen-
tralités, petites ou grandes. Le lien avec les sources locales
DE LA TRANSITION tuelles. C’est elle qui permet aux citoyens de réaliser leurs
activités, aux entreprises de fonctionner. Ainsi, l’atteinte de la
d’énergie, leur approvisionnement, invite également à rap-
procher sur les territoires les acteurs de l’énergie et ceux des
ÉCOLOGIQUE neutralité carbone ne sera pas l’affaire de quelques secteurs
ou groupes de population. Tous les acteurs économiques et
transports. Une vision multisectorielle et globale doit donc
être développée. Enfin, en même temps que la mobilisation
l’ensemble de la population sont concernés par les mesures de tous les leviers d’atténuation, des mesures d’adaptation
qui seront nécessaires à la réalisation de cet objectif. doivent être mises en place sans attendre, les effets du chan-
Ces mesures induiront donc d’inévitables changements de gement climatique étant déjà présents : identifier la vulnéra-
comportements aussi bien dans nos manières que dans notre bilité des réseaux de transport pour les protéger, améliorer
a France s’est fixé comme objectif d’être de 2,3 à 1,6 en 50 ans ; pour les déplacements domicile-travail, propension à nous déplacer. Elles s’accompagneront vraisem- les conditions d’usage des modes actifs et des transports en
neutre en carbone en 2050, dans la loi du il se rapproche même de 1). blablement d’un renchérissement des coûts de la mobilité. commun face à des conditions estivales ou hivernales plus
8 novembre 2019 relative à l’énergie et au Les évolutions technologiques devront également permettre Ainsi, si la technologie et les techniques à déployer seront marquées, adapter les revêtements et végétaliser, adapter
climat. Cet impératif s’applique au secteur des transports, d’améliorer l’efficacité énergétique des motorisations et de indispensables, elles ne devront pas masquer les enjeux so- les horaires et faciliter le télétravail en situation perturbée.
comme rappelé dans la loi d’orientation des mobilités (LOM), réduire l’impact carbone des énergies utilisées en passant aux ciaux associés. Les plus précaires devront être accompagnés La décarbonation des mobilités est donc un enjeu majeur de
même si les transports maritimes et aériens devraient encore motorisations électriques, au (bio)gaz, à l’hydrogène, en veil- pour que les changements de comportements demandés notre société actuelle et l’ingénierie publique y prendra toute
conserver une part d’énergie fossile. lant bien sûr à la décarbonation des sources de production concernent l’ensemble de la population. sa place : le Cerema, en tant qu’expert public des mobilités se
L’ambition est très forte pour le secteur, car les transports d’énergie. Les effets de ces leviers sont importants et devront Les exemples récents de l’écotaxe poids lourds, de la taxe mobilise notamment au quotidien, aux échelles nationale et
sont peu à peu devenus le premier secteur émetteur de gaz être accentués par des mesures comme la limitation du poids carbone, de la mise en place des zones à faibles émissions locales, au service des territoires pour faire face à ce défi. La
à effet de serre en France (30 %, devant l’industrie et le ter- des véhicules, la promotion de l’écoconduite ou encore la maî- montrent les difficultés associées à la mise en œuvre de po- valorisation et la diffusion des connaissances scientifiques et
tiaire, l’usage de la voiture représentant à lui seul 16 % des trise des vitesses pratiquées. litiques de régulation des usages de mobilité. La définition de techniques permettant de développer et mettre en œuvre
émissions françaises totales). De plus, ce secteur peine à se Enfin, la neutralité carbone ne pourra pas être atteinte sans la stratégies partagées et cohérentes avec les activités écono- toutes les pistes de progrès vers des systèmes de mobilité
mettre sur la bonne trajectoire, ce qui a imposé un ajuste- recherche d’une sobriété des déplacements. Ce levier devra miques et les populations des territoires doit donc être ados- justes et décarbonés sont enfin essentielles. C’est l’objectif
ment de ses plafonds d’émissions initialement envisagés, lors inévitablement être mobilisé. Il s’agira notamment de repen- sée aux évolutions de mobilité rendues nécessaires par les de cet ouvrage d’y contribuer, et c’est dans cet esprit qu’il
de la révision de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ser les mobilités professionnelles (la pandémie de Covid-19 a objectifs de transition écologique : la transition des mobilités a été conçu à travers une collaboration partenariale étroite
en 2020. montré tout le potentiel des visioconférences), les déplace- devra être économiquement soutenable, juste et inclusive. entre Construction21, le lab recherche environnement VINCI
ments domicile-travail (pleinement modifiés par le développe- ParisTech et le Cerema. Nous espérons que vous y trouvez
Pour atteindre la neutralité carbone pour les ment massif du télétravail) et d’envisager un usage plus raison- Impliquer toutes les parties et penser système matière à penser, à expérimenter et à entrer dans l’action !
mobilités, tous les leviers d’action devront être mis né de la mobilité longue distance, une mobilité optimisée des
en œuvre marchandises, ou encore le raccourcissement des distances La décarbonation des mobilités représente un long che- Bonne lecture à toutes et tous.
parcourues au quotidien, grâce à des projets d’aménagement min, mais son urgence est largement avérée. La puissance
La SNBC identifie cinq leviers pour décarboner les mobilités : des territoires adaptés. publique a un rôle majeur à jouer en fixant le cap et en dé-
la demande de transport, le report modal, le taux de rem- Un des enjeux liés à tous ces leviers sera d’anticiper les effets re- ployant les outils nécessaires via des mesures législatives et « Une pensée système et une
plissage, l’efficacité énergétique et l’intensité carbone des
énergies utilisées. Chacun d’eux devra prendre sa part pour
bonds potentiels qui pourraient limiter la portée de certaines
mesures. Le faible coût marginal de recharge des batteries des
réglementaires, des aides, des appels à projets, etc. Mais la
décarbonation gagnera surtout au quotidien et dans les ter- approche pluridisciplinaire
atteindre la neutralité carbone en 2050.
La recherche du report modal des déplacements vers des mo-
véhicules électriques ne va-t-il pas inciter à un usage encore
excessif de la voiture ? Le développement du télétravail ne va-t-
ritoires. Un accompagnement fort des acteurs locaux sera
donc nécessaire, pour adapter immédiatement aux terri-
et ensemblière du sujet
des sobres en émissions devra tout d’abord être activement il pas induire un éloignement des lieux d’habitation et des lieux toires des solutions de mobilité et des innovations qui ont de la décarbonation des
poursuivie. Il s’agit de favoriser de façon volontariste les modes de travail et ainsi présenter un bilan énergétique mitigé ? L’an- réussi ailleurs, pour penser le temps long et des actions struc-
actifs (vélo et marche), les transports collectifs et, à défaut, la ticipation de ces questions est fondamentale, tout comme la turantes dans les projets de territoires. mobilités sont essentielles. »
voiture partagée (covoiturage, autopartage) afin d’augmenter recherche d’adéquation entre les mesures proposées et les Pour cela, une pensée système et une approche pluridisci-
le taux de remplissage des véhicules (il a drastiquement chuté types de territoires – urbains, ruraux, périurbains. plinaire et ensemblière du sujet de la décarbonation des

8 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 9
Sommaire P. 79
Partie 3

Organiser la multi-modalité P. 125


P. 13 P. 41
et partager la voirie
Introduction Partie 2 Partie 4
P. 81 1 «
  Les Routes du futur du Grand Paris » :
Fabien Leurent, Nicolas Coulombel une consultation internationale pour
(École des Ponts ParisTech),
Catia Rennesson, Laurent Jardinier (Cerema) Renouveler les modes imaginer la mobilité de demain
Christian Bitaud (Forum métropolitain
Des outils pour agir
de déplacement P. 85
du Grand Paris)
 es espaces publics qui marchent
D
dans les territoires
P. 15
2
pour le climat
P. 43 1  EE AcoTÉ : un programme
C Cédric Boussuge, Nicolas Furmanek (Cerema) P. 127 1 M
 icro-mobilités : quels impacts pour
pour développer le covoiturage en zone et Mathieu Pochon (Rue de l’Avenir Suisse) l’environnement ?
Partie 1 peu dense P. 89 3 I nfrastructure pédestre : une notion Anne de Bortoli (Eurovia, École des Ponts
ParisTech)
Chloé Noual (CertiNergy & Solutions) pour repenser l’espace public
Jean-Paul Hubert, Jérôme Monnet et Julie P. 131 2 P
 olitique de transport et aménagement
P. 47  rojet SAM : une méthodologie pour
P
Enjeu climatique et 2
évaluer l’impact du véhicule autonome
Scapino (Mobilités Urbaines Pédestres, Labex
Futurs Urbains, Université Gustave Eiffel)
urbain : le cas de la région Île-de-France
Flora Delhomme (ENS Paris Saclay),
Article collectif du Projet SAM
solutions énergétiques P. 51 3  ’autopartage : une réponse aux enjeux
L
P. 93 4 D
 éploiement du vélo en ville :
entre ingénierie de pointe et urbanisme
Vincent Viguié (CIRED, École des Ponts
ParisTech), Nicolas Coulombel (lab recherche
environnementaux des villes et des environnement VINCI ParisTech)
de la proximité
P. 17 1 La décarbonation de la mobilité, entreprises Guy Baudelle (Université de Rennes 2 et P. 135 3 T
 erritoires périurbains : vers une mobilité
un enjeu multiscalaire et multiacteurs Anne-Lise Castel (Mobilize, Groupe Renault) Institut d’Aménagement et Urbanisme de quotidienne bas carbone
Camille Combe (La Fabrique de la Cité) Rennes) et Sébastien Marrec (Université Marielle Cuvelier et Guillaume Uster
P. 55 4  ngouement pour le vélo : quels enjeux
E
Rennes 2 et Ville de Paris). (Université Gustave Eiffel)
P. 21 2 Cinq leviers pour la décarbonation pour les acteurs publics ?
des transports Stéphanie Mangin (Vélo & Territoires) P. 97 5 V
 élos et voitures : séparation ou mixité ? P. 139 4  ouveaux quartiers : un rôle important
N
Aurélien Bigo (Chaire Énergie et Prospérité) Thomas Jouannot (Cerema) dans la stratégie bas carbone de la mobilité
P. 59 5  uand les engins de déplacement
Q Alexis Poulhès (École des Ponts ParisTech) et
P. 25 3  obilités décarbonées : quelles
M personnel transforment la mobilité
P. 101 6 V
 oies réservées : un outil pour optimiser
Vianney Morain (Efficacity)
solutions ? Quels financements ? l’usage des infrastructures routières
urbaine Pascal Glasson (Cerema) et Nicolas Moronval P. 143 5 F
 resque de la mobilité : comprendre
Jean Coldéfy (ATEC-ITS) Mathieu Rabaud et Cyprien Richer
(Groupe APRR-AREA) pour agir
(Cerema)
P. 29 4 Le BioGNV, une solution incontournable
P. 105 7 I nclure les baby-boomers dans la mobilité Laurent Perron (The Shifters)
pour la décarbonation des transports P. 63 6  éman Express : un nouveau service
L du XXIe siècle P. 147 6 V
 VE : un outil pour la transition
Jean-Jacques Raidelet (GRDF) ferroviaire pour le Grand Genève Peggy Mertiny et Joël Meissonnier (Cerema) écomobile des collectivités
Laurent Guihéry (CY Cergy Paris Université) Julien Solé (L’Arbre-Mobile) et Aurore Fabre-
P. 33 5  n référentiel formalisé pour
U P. 109 8 L
 a psychologie sociale au service
Landry (Sustainable Mobilities)
quantifier les impacts de l’infrastructure P. 67 7  e tramway : un outil d’aménagement
L du report modal
de recharge urbain bas carbone Frédéric Martinez, Chrystèle Philipps-Bertin,
Julie Orgelet-Delmas (DDemain) avec Hortense Pierre Monlucq (Eurovia) Patricia Champelovier, Chloé Thévenet,

P. 151 Bibliographie
Éraud (GIMELEC) et Valérie Michel (IGNES) Régis Blanchet, Agnès Boscher (Université
P. 71 8  upraways : le transport aérien du futur
S Gustave Eiffel)
P. 37 6  éploiement et acceptabilité sociale
D contre l’engorgement en ville
de l’électromobilité Claude Escala (Supraways) P. 113 9 I nTerLud : un programme pour une
logistique urbaine durable
P. 155 Les références
Khadija Tighanimine (Omexom)
P. 75 9  éhicules connectés et autonomes :
V Hélène de Solère (Cerema)
impact juridique et recommandations P. 117 L
 ogistique du dernier kilomètre : à
pratiques
Sophie Weill, Agnès Macaire et Cécile Théard-
10
Bordeaux, on livre en vélos cargos Cerema en lien avec
Jallu (De Gaulle Fleurance & Associés)
Yann Bouchery, Larissa Belgouzia, Walid Klibi,
Olivier Labarthe, Johan Leveque, Gautier les thématiques
Stauffer (Kedge Business School) et Jean Louis
Carrasco (La Poste) traitées
P. 121 11 C
 onnaître et réduire les émissions
polluantes des déplacements quotidiens
en Île-de-France
Philippe Quirion (CNRS, CIRED) et Marion
Leroutier (Stockholm School of Economics)
10 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 11
Introduction

MOBILITÉS DÉCARBONÉES :
ASSEMBLER LES SOLUTIONS
POUR RECOMPOSER
LE SYSTÈME

Les clefs pour décarboner la mobilité

Tout système de mobilité est « sociotechnique », car constitué

L
d’une « demande de mobilité » d’ordre social et d’une « offre
de transport » d’ordre technique. C’est pourquoi chacune
des actions concerne en priorité l’un des deux volets, avant
de se répercuter sur l’autre, puisque l’offre et la demande se
façonnent mutuellement.
Du côté de la demande, la plasticité des besoins et des
usages constitue un levier tout naturel : se déplacer moins et
mieux, en privilégiant les destinations de proximité et l’usage
des « modes actifs », marche et vélo, qui sont « doux » pour
l’environnement. Et les adaptations individuelles peuvent
être facilitées et promues par l’aménagement urbain :
a vie sociale et économique subit de localisation des activités dans la ville, et ce, en particulier à
plein fouet la pandémie de Covid-19. l’échelle du quartier, schéma multimodal de circulation et de
Pour « faire tenir le système », entretenir stationnement à l’échelle locale et aux échelons supérieurs.
le tissu social et économique, il a fallu distancier les relations La question de partager la voirie entre les modes concerne
sociales, restreindre la mobilité, réduire certaines activités, chaque tronçon.
soutenir financièrement les entreprises en difficulté. Cette Du côté de l’offre de transport, quatre axes de modernisation
gestion publique nous a révélé qu’il est finalement possible, sont désormais largement reconnus :
face à des enjeux exceptionnels, de dégager des financements
publics d’une ampleur colossale : or, la transition climatique l a mobilité électrique est une bonne nouvelle pour la
ne constitue-t-elle pas un enjeu exceptionnel ? réduction des émissions polluantes (voitures et scooters),
La gestion publique de la crise a également mis en évidence mais aussi pour booster les deux-roues actifs : vélos et
une hiérarchie des besoins de mobilité : priorité aux services trottinettes. Grâce à la mondialisation, des modèles
civils de santé et de sécurité, puis aux approvisionnements de performants sont devenus accessibles à prix modique,
subsistance, ensuite à la production économique générale ; permettant d’amplifier le rayon d’action et de couvrir
viennent après l’activité physique individuelle, et enfin les plus largement les besoins de déplacement individuel.
autres relations sociales et humaines. Chacun a accepté La recharge électrique est une fonction logistique
d’adapter sa mobilité individuelle et les flux de trafic ont baissé destinée à devenir partie intégrante de la voirie. Et au
drastiquement. C’est la plasticité de la mobilité qui est ainsi côté des véhicules à batterie, d’autres formes d’énergie
révélée. sont envisageables : hybride, hydrogène, ou carburants
En parallèle de la pandémie et de sa gestion, la France — comme renouvelables ;
d’autres pays — a tenu une Convention citoyenne pour le
climat : il en ressort la loi Climat et résilience, promulguée le l a connectivité quasi générale des personnes et des
24 août 2021. La mobilité y figure en bonne place, avec des véhicules rend disponible une information très riche, sur
mesures de décarbonation jouant sur le choix des modes, sur la localisation des activités comme sur la disponibilité
l’électrification et la promotion des énergies renouvelables, des moyens de transport, et permet le calcul
sur la recomposition des cadres de mobilité en promouvant d’itinéraires modaux et intermodaux. Cette facilitation
© Getty Images

la proximité. L’accent sur le climat mobilise ainsi les dispositifs informationnelle est le pendant digital de l’agencement
établis par la récente loi d’orientation des mobilités (LOM). des circulations sur le terrain ;

12 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 13
« Les citoyens, riverains et
le partage des moyens — véhicules, places de parking et usagers, au-delà de leur
bornes de recharge, conducteurs aussi — motive un grand
renouveau de l’offre de services. En effet les technologies
représentation démocratique,
de l’information permettent des services en plateforme peuvent contribuer
qui assurent aussi bien la coordination des ressources,
activement à la coconception
que la mise en relation entre clients et serveurs, avec
Partie 1
pour chaque client un traitement en quelques clics
pour s’informer, formuler sa requête, réserver, payer. Il des plans et à l’adaptation
en résulte une révolution économique des taxis (incluant
les VTC), un nouvel essor du covoiturage, l’émergence
du système de mobilité. »
de systèmes de véhicules partagés à deux roues comme
à quatre roues… Pour favoriser leur usage, faut-il leur
réserver non seulement des espaces de stationnement,
mais aussi des files de circulation, des « voies dédiées au
covoiturage » ?

Enjeu climatique
l a conduite autonome des véhicules, déjà implémentée Implication des parties prenantes
sur les lignes automatiques de métro, s’étend et action collective
progressivement vers des milieux de circulation
plus ouverts. Au stade actuel, les « robotaxis » sont Les citoyens, riverains et usagers, au-delà de leur représentation

et solutions
des prototypes de haute technologie faisant l’objet démocratique, peuvent contribuer activement à la
d’expérimentations dans des milieux favorables : voirie coconception des plans et à l’adaptation du système de
américaine en climat sec, navettes lentes sur parcours mobilité. Mais le renouvellement du système existant repose

énergétiques
agencés. Plus largement, des fonctions d’aide à la également sur l’implication d’entreprises, pour proposer des
conduite « augmentent » le conducteur et renforcent innovations, promouvoir des implémentations et proposer
la sécurité du trafic. des aménagements. Une large gamme de spécialités seront
utiles : au-delà des opérateurs de services de mobilité et
d’infrastructures, les offreurs de services à la mobilité (tels que
Google qui a renouvelé notre « rapport à l’espace » grâce à
ses applications géographiques), les fabricants de véhicules
électriques à deux ou quatre roues, les équipementiers, les
énergéticiens, comme les aménageurs et les constructeurs-
Pour sauvegarder le climat, la mobilité
bâtisseurs. doit devenir « bas carbone ». Cette série
La mobilité est l’affaire de tous. Sa transition énergétique et
climatique est une grande ambition à porter collectivement.
d’articles aborde les enjeux technologiques,
Il faut en prendre la mesure pour l’envisager avec lucidité et sociétaux et financiers de cette nécessaire
l’engager avec audace. Par les informations et les perspectives
que ce dossier apporte, il vise à éclairer les acteurs et à stimuler
transformation, qui concerne spécialement
leur engagement. les énergies : électricité et biocarburants
s’imposent, ainsi que l’hydrogène, qui apparaît
comme une technologie prometteuse.
Fabien Leurent, Catia Rennesson,
professeur à l’École des Ponts chargée de mission, experte
ParisTech et chercheur HDR au Aménagement Voirie,
Laboratoire ville mobilité et transport Espace public au Cerema
(LVMT), dont il a été cofondateur https://www.linkedin.com/
linkedin.com/in/fabien-leurent- company/cerema/
7b1433157

Nicolas Coulombel, Laurent Jardinier,


maître de conférences à l’École chargé de mission Recherche,
des Ponts ParisTech et chercheur Innovation, Europe sur le champ
au LVMT mobilité/transport au Cerema
linkedin.com/in/nicolas- linkedin.com/in/laurent-jardinier-
coulombel-438b453 5928a4112

14 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 15
1

LA DÉCARBONATION
DE LA MOBILITÉ :
UN ENJEU MULTISCALAIRE
ET MULTIACTEURS

Le débat sur la lutte contre le changement climatique semble


aujourd’hui se concentrer sur sa composante énergétique et sur
les moyens de production d’électricité, première source d’émissions
de CO2. Il ne semble pas en être de même pour la décarbonation
du secteur des transports dont le niveau d’émissions a augmenté
entre 1990 et 2014. Comment décarboner la mobilité routière ?
Quelles solutions pour réduire les émissions liées aux déplacements ?
À quelles échelles doit-on les considérer ?

Camille Combe
était chargé d’études à La Fabrique de la Cité (think tank à l’initiative du groupe VINCI)
https://www.lafabriquedelacite.com/

16 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 17
« Des instruments de
politiques publiques [...]
peuvent permettre
60
MILLIARDS D’EUROS
de favoriser l’amélioration L’investissement en direction du
développement du véhicule électrique
de l’efficacité énergétique et des batteries annoncé en Europe en
de véhicules électriques, certains montrent la voie. La Nor-
vège fait figure d’exception puisqu’en 2019, près de 42 % des
du parc automobile. » 2019 contre 3,5 milliards en 2018. nouveaux véhicules immatriculés étaient électriques. Cela
s’explique en partie par le fait que ce pays a mis en place des
mesures visant à encourager l’achat de véhicules à faibles
émissions via des incitations directes (suppression de la TVA,
suppression de la taxe à l’importation) et indirectes (péages
Financer, réguler, décarboner (shift) et enfin à améliorer l’efficacité énergétique des modes en direction du développement du véhicule électrique et des et parkings gratuits, possibilité d’emprunter des voies de bus).
existants (improve). L’enjeu de réduction des émissions du batteries ont été annoncés sur le continent européen, contre Des instruments de politiques publiques mis en place par les
Le principal facteur expliquant la hausse des émissions de secteur des transports, en particulier des mobilités routières, près de 3,5 milliards en 2018 (+ 1 700 %). États peuvent ainsi permettre de favoriser l’amélioration de
CO2 dans la mobilité est la demande de déplacement. His- est donc multiforme et appelle à une stratégie holistique Cette forte croissance des investissements va de pair avec l’efficacité énergétique du parc automobile. Récemment,
toriquement, les facteurs de population, PIB et demande portée à différentes échelles. l’augmentation de l’offre de véhicules faiblement émissifs, plusieurs États européens se sont saisis de l’opportunité d’in-
ont été identifiés comme des facteurs participant à la hausse À l’échelon européen, la Commission européenne a fixé dès notamment électriques. Cependant, le coût élevé de ces vé- citer à l’achat de véhicules électriques dans le cadre des plans
des émissions pour la quasi-totalité des études, très souvent 2011 son objectif de réduire les émissions de 60 % à l’horizon hicules constitue un frein à l’achat. Selon une étude conduite de relance.
avec une contribution majeure pour le PIB. Trois axes de dé- 2050 par rapport à leur niveau de 1990. Cette ambition s’est par McKinsey, cela tient notamment au prix nettement supé- Cependant, subventions et régimes fiscaux incitatifs n’ont pas
carbonation de la mobilité peuvent être identifiés. Le mo- accompagnée de la mise en place d’une série de mesures. rieur d’un véhicule électrique par rapport à celui de son équi- vocation à perdurer. En effet, ils doivent permettre de créer
dèle Avoid-Shift-Improve synthétise ces stratégies visant tout Parmi elles, le renforcement des normes CO2 à partir de 2017 valent thermique (+ 12 000 dollars en moyenne). Jusqu’alors, les conditions optimales du développement du marché des
d’abord à réduire le besoin de déplacement via une action vise notamment à réduire la consommation de carburants et au niveau européen, les véhicules électriques représentaient véhicules électriques. À mesure que ce parc automobile s’élec-
sur l’aménagement des villes et des temps de vie (avoid) ; puis inciter, par la régulation, les constructeurs automobiles à in- moins de 1 % du parc automobile en 2019. À l’heure où de trifiera, la question de la révision de ce régime incitatif se posera.
à favoriser le report modal vers des modes moins émissifs nover. En 2019, près de 60 milliards d’euros d’investissements nombreux États ne parviennent pas à accélérer les ventes
Les villes au cœur de la décarbonation des mobilités

La décarbonation de la mobilité routière est également un


enjeu central à l’échelon local et notamment pour les métro-
poles densément peuplées. Dans ces territoires, l’enjeu est
à la croisée de problématiques telles que l’amélioration de
l’attractivité, par la réduction des embouteillages, du cadre et
de la qualité de vie, par la réduction des émissions de CO2, de
particules fines liées à la combustion des moteurs thermiques
ou encore des nuisances sonores. La décarbonation de la mo-
bilité ne peut s’envisager sans intégrer l’échelon urbain. En
effet, les villes jouent un rôle essentiel à plusieurs égards. Tout
d’abord, les métropoles sont en prise directe avec les besoins
en déplacements des populations. Les villes assurent un rôle
d’organisation des mobilités à plusieurs égards.
D’une part, grâce à la commande publique ou à des actions
réglementaires, les villes favorisent la décarbonation des
mobilités. Déploiement des transports collectifs, voies ré-
servées, pistes cyclables ou encore zones à faibles émissions
forment un panel d’outils permettant de favoriser le report
modal vers des modes moins carbonés (shift) et d’encourager
le renouvellement du parc automobile vers des véhicules
moins émissifs (improve). En outre, le déploiement d’un ré-
seau de recharge apparaît comme une condition essentielle
à la décarbonation de la mobilité routière (improve).
D’autre part, de manière plus indirecte, l’action sur l’aména-
gement de la ville peut favoriser la transformation des habi-
tudes de déplacements. En effet, la réduction de la part des
déplacements automobiles peut être soluble dans la densi-
fication du tissu urbain (avoid). La densité de population et
d’activités apparaît comme une condition indispensable à
l’efficacité des transports en commun. En ce sens, les villes,
par leur action sur l’aménagement (transit-oriented develop-
ment) et le déploiement des activités dans l’espace disposent
d’un levier pour décarboner la mobilité.

18 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 19
2

CINQ LEVIERS POUR


LA DÉCARBONATION
DES TRANSPORTS

Toutefois, parallèlement à l’augmentation tendancielle de la L’enjeu consiste donc à apporter une réponse adaptée à
demande de déplacement, sous l’effet conjoint de la crois- chaque situation, capitalisant sur la variété de solutions et
sance démographique et de la hausse du PIB par habitant mécanismes de financement disponibles. La méthode de
depuis les années 1960, États et collectivités locales font face mise en place d’une stratégie de décarbonation semble,
à une raréfaction des ressources publiques qui rend plus com- elle, être essentielle à la réussite de ladite stratégie. Elle est
plexe l’équation du financement de cette transition vers des le dénominateur commun des différents exemples interna-
modes de déplacement décarbonés. Pourtant, bien que la tionaux explorés dans le rapport publié par La Fabrique de la
lutte contre le changement climatique fasse aujourd’hui lar- Cité. Cette méthode s’appuie notamment sur un diagnostic
gement consensus, l’actualité récente (Gilets jaunes, manifes- partagé par tous, ce qui nécessite tout d’abord de définir les
tations chiliennes contre l’augmentation des tarifs de trans- problèmes initiaux, puis de décrire les objectifs à atteindre Pour atteindre la décarbonation des transports terrestres d’ici 2050,
ports…) a montré que la question des voies et moyens reste et enfin, de choisir des outils tenant compte de la situation
il est possible d’agir sur cinq facteurs permettant de réduire les
quant à elle débattue et irrésolue. Si des instruments permet- initiale, des objectifs fixés et de l’acceptabilité des mesures.
tant de favoriser la décarbonation de la mobilité existent à La construction d’une méthodologie claire et partagée par émissions : la demande de transport, le report modal, le remplissage
l’échelle internationale, nationale et locale, la question du le plus grand nombre est donc une condition essentielle de des véhicules, leur efficacité énergétique, et enfin la décarbonation
financement et de la durabilité de ces mesures reste entière. l’acceptabilité du projet et, in fine, de sa réussite. de l’énergie utilisée. Il est proposé ici de revenir sur l’importance
Villes et États ne sont pour autant pas désarmés face à ce de ces leviers dans les trajectoires d’émissions passées, ainsi que les
défi. Des exemples explorés dans le rapport que La Fabrique évolutions à encourager pour atteindre les objectifs climatiques.
de la Cité a publié en mai 2020 le montrent : la probléma-
tique de la mobilité dans un monde post-carbone ne saurait
être résolue par la simple technique, mais bien plutôt par « L’enjeu consiste à Aurélien Bigo,
une conjugaison d’outils techniques et de mesures fiscales chercheur sur la transition énergétique dans les transports,
et financières permettant de pérenniser la dynamique de apporter une réponse Chaire Énergie et Prospérité
décarbonation.
adaptée à chaque situation, linkedin.com/in/aurélien-bigo-551a50203

L’enjeu de la méthode capitalisant sur la variété de


Là encore, pas de solution miracle. La réduction des émis- solutions et mécanismes de
sions de CO2 du secteur des transports, notamment la mo-
bilité routière, n’est pas chose aisée. Ce constat soulève deux financement disponibles. »
questions : « que faire ? » et « comment faire ? ». À la pre-
mière, il est aujourd’hui impossible d’apporter une réponse
universelle tant les contextes géographiques, économiques,
politiques et sociaux varient d’un pays, d’une ville à l’autre.

20 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 21
PERSONNE EN MOYENNE
1,6
Le taux de remplissage moyen des voitures
La France s’est fixé pour objectif d’atteindre la neutralité car- nombre moyen de personnes par ménage. Le covoiturage
bone et une décarbonation quasiment complète du secteur actuellement, contre 2,3 en 1960. s’est redéveloppé plus récemment sur la longue distance,
des transports à l’horizon 2050. Seuls les transports aériens et sans réels bénéfices climatiques puisque la moitié des usa-
maritimes contiendraient encore une part d’énergie fossile à gers auraient pris le train et une petite partie ne se serait pas
cet horizon. À plus court terme, les budgets carbone fixent déplacée sans l’existence du covoiturage. Pour les déplace-
les plafonds à respecter, montrant un fort retard du secteur : ments du quotidien dans des zones très fortement dépen-
les émissions en 2019 étaient 16 % plus élevées que l’objectif dantes à la voiture, de tels effets rebonds seraient beaucoup
qui avait été fixé en 2015, et 2,2 % plus élevées que la limite Décomposition de l’évolution des émissions de CO2 du transport moins forts, et les politiques publiques visant à favoriser le
fixée par la révision de la stratégie nationale bas carbone de voyageurs de 1960 à 2017 covoiturage (ou des formes proches de l’autostop) pourraient
(SNBC) de 2019. Pour atteindre les objectifs de court et de Le schéma montre la contribution des 5 leviers à la multiplication être ciblées en particulier dans ces territoires.
long terme, la stratégie mise sur cinq leviers pour réduire les adaptées pour le moment. En témoigne la relance post-Co- par 4,2 des émissions entre 1960 et 2017. Un facteur supérieur à 1
émissions des transports. vid qui cherche à retrouver aussi vite que possible les niveaux a joué à la hausse sur les émissions : par exemple, le report modal L’efficacité énergétique, entre technologie et
de trafics d’avant-crise, y compris pour les modes les plus a joué à la hausse sur les émissions de l’ordre de + 22 % sur la sobriété
La modération de la demande de transport polluants (voiture, aérien, poids lourds notamment). Par le période, essentiellement par le report de la marche vers la voiture
passé, les politiques publiques ont grandement contribué à en début de période. Le quatrième levier concerne l’efficacité énergétique, soit
Le premier levier concerne la modération de la demande la hausse de la demande, de manière directe en soutenant les la baisse des consommations d’énergie par kilomètre par-
de transport, calculée comme le nombre de kilomètres par- infrastructures de transport, par des politiques ayant un effet couru, qui a été régulière par le passé. C’est essentiellement
courus par les voyageurs, ou le nombre de tonnes-kilomètres indirect sur la demande (politiques d’efficacité énergétique, sur ce levier que repose la SNBC (stratégie nationale bas car-
transportées pour les marchandises. Jusqu’à maintenant, soutien aux poids lourds plus capacitaires, aux transports en bone) pour faire baisser les émissions à court terme. Cette
c’est le facteur qui a le plus influencé les émissions, comme en commun, etc.), ou en ne réussissant pas à contenir la dyna- efficacité regroupe des évolutions technologiques, telles que
témoigne la multiplication par 4,7 de la demande voyageurs mique d’étalement urbain ou la croissance du trafic aérien. l’hybridation ou les progrès sur le rendement des moteurs.
et de 3,4 pour les marchandises entre 1960 et 2017, tandis que Au contraire, une politique de modération de la demande Cependant, les améliorations récentes ont été compensées
leurs émissions étaient multipliées respectivement par 4,2 et nécessiterait de penser l’aménagement du territoire et l’or- trafics internationaux). Il est probable que ces parts modales pour les véhicules neufs par le regain de l’essence par rapport
3,3 (voir la décomposition des émissions voyageurs ci-contre). ganisation des mobilités avec un tel objectif de proximité au bougent relativement peu dans les années à venir, dans le au diesel, et surtout par la croissance des SUV (sport utility
Si la demande augmente encore depuis le début des années quotidien et une certaine sobriété dans les déplacements contexte d’un soutien public à la demande pour l’ensemble vehicles), des véhicules moins aérodynamiques et plus lourds.
2000, y compris hors transport aérien international (non in- à longue distance. Ces éléments sont par ailleurs indispen- des modes. La croissance du vélo, accélérée par la grève de Cela pointe aussi l’importance des évolutions vers plus de
clus dans le schéma ci-contre), c’est uniquement en raison de sables pour obtenir un report modal significatif. fin 2019, le déconfinement et les aménagements tempo- sobriété pour gagner en efficacité, notamment sur la taille,
la croissance de la population. Les kilomètres parcourus par raires, est bien plus dynamique que celle des autres modes. la puissance, le poids et l’aérodynamisme des véhicules. En
personne en France sont au contraire assez stables, et l’arrêt Réduire les modes les plus émetteurs, développer les Mais sa part dans les kilomètres parcourus reste inférieure à poussant la réduction du poids, des véhicules intermédiaires
de leur croissance au tournant du millénaire a été le principal modes bas carbone 1 %, et nécessite le maillage d’un système vélo efficace sur entre la voiture et le vélo, tels que les vélomobiles ou les
facteur expliquant le plateau des émissions. D’une année sur l’ensemble du territoire pour produire des effets significatifs quadricycles (l’équivalent de voitures de moins de 500 kg)
l’autre, l’évolution de la demande est déterminée par l’évo- Le second levier de décarbonation est le report modal, me- sur les émissions de CO2 des mobilités (en plus des gains très pourraient se développer. Enfin, de forts gains d’efficacité
lution du PIB, des prix du pétrole, des vitesses pratiquées sur suré comme l’évolution de la part des différents modes de positifs sur la santé, l’espace occupé ou encore le bruit). En sont possibles par le passage à 110 km/h sur autoroutes, un
les routes, et de manière plus exceptionnelle pour 2020-2021, transport au sein de la demande totale. Ces dernières an- ordre de grandeur, faire un report d’1 % d’un mode carboné ralentissement qui inciterait aussi à réduire le nombre de ki-
par les restrictions de circulation imposées par la pandémie nées, les parts modales restent à peu près constantes, avec (voiture, avion, poids lourds) vers un mode décarboné (mo- lomètres parcourus (pour conserver des temps de transport
de Covid-19. L’influence des politiques publiques dans la mo- une domination très forte du transport routier, seulement un des actifs, ferroviaire) permet de réduire les émissions d’1 %. raisonnables) ou à se reporter sur le train.
dération de la demande est pour l’instant très faible, car ce peu réduite par la légère hausse du ferroviaire pour les voya- D’ici 2050, les scénarios de prospectives les plus ambitieux sur
levier fait en réalité assez peu partie de politiques publiques geurs, et par la croissance du transport aérien (surtout sur les ce levier prévoient un report et ainsi une baisse des émissions La décarbonation de l’énergie, forts potentiels et
de l’ordre de 20 %, aussi bien pour les voyageurs que les mar- limites importantes
chandises. De tels reports ne sont possibles qu’à condition
d’une modération importante de la demande des modes Enfin, le cinquième levier concerne la décarbonation de
les plus carbonés. Par ailleurs, un allongement des distances l’énergie, ou dit autrement, la baisse de l’intensité carbone
du quotidien irait à l’encontre de la volonté d’avoir une part de l’énergie. Il s’agit de passer du pétrole qui représente
croissante de déplacements réalisés à pied et à vélo. plus de 90 % des consommations actuelles des transports,
à l’électrique, l’hydrogène, les biocarburants ou le biogaz, à
Le covoiturage, un potentiel pour les zones peu condition que ces énergies soient produites de manière du-
denses ? rable. Pour le moment, cette décarbonation a été très faible,
car les biocarburants développés (7 % des consommations
Le troisième levier est celui de l’amélioration du remplissage d’énergie des transports) ne sont pas moins émetteurs que le
des véhicules, et en particulier le potentiel de développe- pétrole en analyse de cycle de vie. Les plus forts espoirs sont
ment du covoiturage. Le remplissage moyen des voitures est désormais tournés vers l’électrique, particulièrement adapté
passé de 2,3 personnes par voiture en 1960 à environ 1,6 per- pour les véhicules les plus légers. Les émissions des voitures
sonne en moyenne aujourd’hui. Historiquement, nous avons électriques en France sont environ 2 à 3 fois moindres que
donc dé-covoituré, sous l’effet notamment de la hausse du les voitures thermiques, en prenant en compte l’analyse
Les 5 leviers de réduction des émissions des transports nombre de voitures dans les ménages et d’une baisse du de cycle de vie complète des véhicules. Cependant, les

22 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 23
3

« Le manque d’ambition


MOBILITÉS DÉCARBONÉES :
des politiques publiques QUELLES SOLUTIONS ?
et l’inertie des évolutions QUELS FINANCEMENTS ?
actuelles rendent l’atteinte
­ missions plus fortes à la fabrication ainsi que ses autres im-
é
pacts environnementaux (notamment en raison de la bat- de cet objectif de plus en
terie), doivent inviter à penser son développement en inter­
action avec les mesures de sobriété citées plus haut, ce qui plus difficile, à mesure que
manque actuellement aux politiques publiques favorisant
son essor. De même, l’électrique est beaucoup moins adapté
l’on prend du retard sur les
pour les poids lourds, le maritime ou l’aérien, en raison du objectifs de court terme. »
poids de batteries qu’il faudrait embarquer. Les autres éner-
gies telles que l’hydrogène, les biocarburants ou le biogaz
pourront ainsi être développées. Toutefois, leurs émissions
indirectes, les potentiels de production parfois limités ou
leurs coûts élevés pourraient contraindre leur développe-
ment, pointant l’importance des quatre premiers facteurs
pour réduire la demande en énergie.
La période actuelle ouvre à la fois des opportunités et des
Une ambition à renforcer risques nouveaux. Côté opportunités, on peut citer l’accélé-
ration de l’usage du vélo, du télétravail ou une transition de
C’est donc l’ensemble des cinq leviers de décarbonation l’aérien à repenser. Aussi, l’agenda politique est marqué par
qu’il faudra mobiliser simultanément et en profitant de leurs le plan de relance et la loi Climat (cf. p.11) et résilience (qui fait
synergies pour réussir la décarbonation des transports. Le suite aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat),
manque d’ambition des politiques publiques et l’inertie des avec des investissements intéressants vers une économie bas
évolutions actuelles rendent l’atteinte de cet objectif de plus carbone (véhicules électriques ou trains de nuit), tout en res-
en plus difficile, à mesure que l’on prend du retard sur les tant peu ambitieuse sur les mesures de sobriété (aérien ou
objectifs de court terme. malus au poids par exemple).

Loin des idées reçues et des effets de mode, la décarbonation des


modes de déplacement nécessite une réflexion globale tenant compte
à la fois des aspirations des usagers et de l’urgence climatique.

Jean Coldefy,
directeur du Programme mobilité 3.0, ATEC ITS France
linkedin.com/in/jean-coldefy-36246a46

24 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 25
« L’urbanisme devrait ainsi
favoriser les modes actifs
pour les déplacements
du quotidien (courses, écoles,
médecin…) qui sont courts,
et les transports en commun
Pour contenir le réchauffement climatique, il nous faut ré- pour les déplacements
duire de plus de 55 % nos émissions d’ici 2030. Les mobili-
tés sont en France le 1er poste d’émissions de CO2, la voiture domicile-travail qui sont
en représentant 50 %. Pour baisser ces émissions, il y a trois
moyens possibles : réduire les émissions des véhicules, dimi- longs. »
nuer les distances parcourues, basculer de la voiture indivi-
duelle vers les transports partagés — ce que l’on appelle le
report modal.
Le véhicule électrique permettra de décarboner les mobi- J. Coldefy d’après données CEREMA DEEM/ENTD
lités en zones rurales, mais ne répondra pas aux enjeux de
congestion en zones urbaines. Il devrait permettre une ré-
duction de 20 % des émissions mobilité d’ici 2030. Les dis-
tances parcourues, elles, sont stables depuis 30 ans et les
réduire ne pourra se faire que via une politique d’urbanisme
qui favorise la proximité et donc les modes actifs, pour les se situant dans le périurbain. Ces déplacements font plus toutes les populations de leur aire urbaine. Connecter des qui la vivent, sans forcément y résider. Les villes ne peuvent
déplacements résidentiels et les transports en commun pour de 10 km et peuvent difficilement être réalisés à vélo. Stras- territoires éloignés des centres-villes en transport en com- pas se barricader, sauf à réamorcer la crise des Gilets jaunes.
les trajets domicile-travail, beaucoup plus longs. Elle mettra bourg, Copenhague et Amsterdam, les villes championnes mun n’est pas une difficulté si l’on a densifié. L’urbanisme Relier et décarboner devraient ainsi être les maîtres mots de
20 ans à produire ses effets. C’est donc dès à présent par du vélo, comptent jusqu’à 10 fois plus de part de déplace- devrait ainsi favoriser les modes actifs pour les déplacements la mobilité de la décennie qui s’ouvre.
le report modal qu’il faudra décarboner massivement nos ments à vélo qu’à Lyon, mais la part de la voiture est tout de du quotidien (courses, écoles, médecin…) qui sont courts,
déplacements. même plus forte dans ces villes, parce qu’à Lyon la part des et les transports en commun pour les déplacements domi- La seconde erreur est de croire que l’argent public n’est pas
Pour ce faire, les solutions qui sont aujourd’hui proposées transports en commun et de la marche est plus élevée. Les cile-travail qui sont longs. Cela conduit à n’autoriser l’urba- une ressource rare. Mis sur un projet, il ne sera pas disponible
paraissent simples : pour avoir moins de voitures, il faut plus villes où le vélo est très développé sont aussi celles où l’on nisation qu’autour des pôles de transports en commun et pour d’autres. L’efficacité de la dépense publique sera une clé
de vélos, des transports collectifs gratuits, arrêter l’étalement marche le moins. L’efficacité du vélo sur le report modal est des bourgs centres et à massifier les flux pour accéder aux pour demain : pour 1 € public investi, combien de personnes
urbain et développer « la ville du quart d’heure ». La réalité une thèse qui n’est pas vérifiée par ses supporters. Le vélo à agglomérations en transport en commun. transportées et combien de tonnes de CO2 évitées ? Il vaut
est plus complexe. assistance électrique (VAE) pourra-t-il changer la donne pour ainsi mieux faire rouler des cars de 10 t remplis que des trains
certains déplacements ? Sortir des simplismes et affronter les réalités diesel de 150 t vides et coûtant 5 fois plus cher. Il vaut mieux
Le vélo, atouts et handicaps déployer des pistes cyclables, des parkings sécurisés vélos
Au-delà de la ville du quart d’heure, inventer la Comme l’écrivait Bernard Shaw, « À tout problème com- dans les gares et des transports en commun pour relier les
Le vélo représente l’objet cochant toutes les cases de la mo- métropole de la demi-heure plexe, il existe une solution simple… et fausse ». Trois erreurs bourgs de périphéries aux centres-villes qui sont eux déjà
bilité urbaine : il est plus rapide que la voiture aux heures sont souvent commises. La première est d’oublier que la mo- largement pourvus d’alternatives à la voiture. Il vaut mieux,
de pointe, il occupe trois fois moins d’espace et n’émet pas La ville du quart d’heure devient le nouveau dogme à la bilité dépend de nos lieux de vie : le domicile et le lieu de à Paris, diminuer une offre bus surabondante, très coûteuse
de gaz à effet de serre. Pour finir, il est économe en fonds mode. Le périurbain, qui représente 50 % de la population travail. Depuis 30 ans, les évolutions sociétales (féminisation et roulant à 7 km/h pour la déployer en périphérie.
publics. Malgré ces atouts indéniables, le principal défaut des grandes aires urbaines, est à la fois la résultante d’un dé- du travail, familles monoparentales…), les dynamiques éco-
du vélo est sa portée. Les flux de voitures entrant dans les sir d’espace et de vert, d’arbitrages coût du logement/coût nomiques métropolitaines, la perte de substance industrielle Concilier aspiration pour le progrès et urgence
centres-villes pèsent 50 % des émissions des agglomérations du transport, et aussi de la concentration des dynamiques dans les autres territoires et la multiplication par trois des prix climatique
contre 2 % pour les flux internes aux villes centres, le reste économiques autour des villes. La ville du quart d’heure peut de l’immobilier dans les grandes agglomérations ont induit
avoir du sens pour les déplacements résidentiels, mais n’en une désynchronisation entre lieu de travail et habitat. L’offre Enfin la troisième erreur, plus fondamentale, est de penser que
a pas pour les déplacements domicile-travail, du fait de la de TER n’a malheureusement pas suivi cette dynamique nous allons spontanément réduire nos programmes d’activi-
dissociation entre les lieux de vie et d’habitat. territoriale, et avec un urbanisme d’éparpillement, ceci a tés. L’homme est ainsi fait qu’il cherchera toujours à améliorer
La limitation en couronnes de l’extension urbaine a parado- grandement favorisé l’usage de la voiture pour accéder aux sa condition, innovera pour ce faire et remplira son agenda.
Parts Lyon (intra
Amsterdam Strasbourg Copenhague xalement favorisé l’extension d’un habitat diffus, la rente emplois des agglomérations. Ces flux représentent la moitié Sans brider cette capacité d’innovation dont nous avons plus
modales périphérique)
foncière et les flux de voitures, les gens allant chercher en- des émissions de la mobilité des aires urbaines, tandis que les que jamais besoin à l’heure du réchauffement climatique, il
Sources Données Données Données Données core plus loin ce qu’ils ne pouvaient pas trouver plus près. déplacements dans les centres urbains ne pèsent que 2 %. Il faudra réduire fortement l’usage de la voiture dans l’accès aux
EGT 2014 2019 2015 2014
La métropolisation des dynamiques économiques est le fait faudrait multiplier l’offre de transports en commun par trois grandes villes grâce à un choc massif d’offre de transports en
Voiture 29 % 37 % 25 % 33 % d’une économie de l’innovation, indispensable dans nos (et donc financer ces coûts) pour permettre aux habitants commun et de contraintes : sur l’urbanisation afin de den-
pays qui ne possèdent plus de matières premières clé 29 % du périurbain de laisser leur voiture et baisser significative- sifier les couronnes périurbaines et interdire tout logement
TC 22 % 15,50 % 25 % 25 %
s et n’ont pas de main-d’œuvre bon marché. C’est dans les ment le trafic automobile en ville. Si l’on veut décarboner éloigné de plus de 2 km du pôle central ou d’une gare, sur la
Vélo 25 % 11 % 3 % 30 % grandes villes que cette économie peut se développer, là où les mobilités, c’est là qu’il faut porter l’effort aujourd’hui en tarification, afin de dégager des ressources et éviter les effets
se concentrent centres de recherche, entreprises, ressources massifiant les flux via des parcs relais. La ville est le lieu des rebonds. Il sera inévitable de tarifer l’usage de la voiture dans
Marche 22 % 36,50 % 47 % 17 %
humaines. Par ailleurs, les villes centres ne peuvent accueillir opportunités et de la rencontre. Elle appartient à tous ceux les grandes agglomérations, afin de financer les alternatives et

26 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 27
Des transports gratuits = moins de voitures ?
La question de la gratuité des transports collectifs
repose aussi sur une équation simple : des transports 4
gratuits = moins de voitures. La réalité montre que
ce n’est pas le cas : ceux qui prennent la voiture pour
« Il faudra réduire fortement
LE BIOGNV, UNE SOLUTION
aller travailler dans les centres-villes depuis l’extérieur

l’usage de la voiture dans


n’ont pas d’autres solutions. Les usagers demandent
de l’offre et de la qualité, pas la gratuité. Ce sont des
l’accès aux grandes villes candidats aux élections qui la proposent. Il faudrait
trois fois plus de transports en commun depuis les
INCONTOURNABLE POUR
grâce à un choc massif d’offre périphéries des grandes agglomérations pour pouvoir
délaisser sa voiture. La gratuité, c’est donc pénaliser le LA DÉCARBONATION
de transports en commun et
de contraintes. »
développement des alternatives à la voiture dont on a
tant besoin aujourd’hui pour décarboner la mobilité. DES TRANSPORTS
La gratuité fait une erreur de diganostic, si les gens
prennent peu les transports publics, c’est parce qu’il
n’y en a pas assez et non un problème de demande.
La gratuité met par ailleurs les piétons et les cyclistes
dans les bus et tramways et n’a quasiment aucun
impact sur le trafic routier. À Lyon, l’usager finance
60 % du coût des transports en commun (25 % ailleurs
parce que son coût d’usage avec l’électrification va la ramener en France). C’est aussi une ville qui a fait baisser de
au niveau des transports publics : 0,1 €/km. Sans régulation, 40 % le trafic routier depuis 20 ans, parce qu’elle
l’usage de la voiture augmentera, avec bientôt des bouchons a investi durant cette période 3 milliards dans les
de voitures propres. Cette tarification faible (1 à 2 €/j ouvré) de- transports en commun. La gratuité dans les grandes
vra se faire en épargnant les faibles revenus, avec un fléchage villes est donc non seulement inefficace pour lutter
des ressources vers un programme de mobilité défini et une contre l’usage de la voiture, mais accroît les inégalités
fois les alternatives en place. Il est aussi inévitable que les usa- territoriales et les injustices sociales : pourquoi
gers des transports en commun paient un prix correspondant ceux qui pourraient payer se feraient financer leur
davantage aux réalités des coûts, à l’image de tous les autres déplacement par les autres ?
pays européens. L’universitaire Yves Crozet écrit justement à
propos de la mobilité : « Hier c’était plus vite, plus loin, moins
longtemps. Demain sera plus lent et plus près ». Ajoutons « de-
main sera plus cher » sauf à renoncer à s’occuper sérieusement
du réchauffement climatique.

© GRDF
La réduction des émissions du secteur des transports est primordiale
pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 que se sont
fixé les États européens. Si les mobilités hydrogène et électrique
largement soutenues par les plans de relance répondent aux enjeux
de mobilité durable, d’autres énergies alternatives — davantage
mature — permettent d’agir dès aujourd’hui. C’est le cas notamment
du BioGNV, qui présente toutes les qualités nécessaires pour
répondre à ces enjeux climatiques.

Jean-Jacques Raidelet,
délégué Marché d’Affaires et Mobilité, GRDF
linkedin.com/in/jean-jacques-raidelet-ab9965121

Les 4 axes d’actions pour réduire l’usage de la voiture en accès aux grandes agglomérations (J. Coldefy).

28 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 29
« Les mobilités
électrique, hydrogène et
BioGNV cohabiteront
1
BUS SUR 4
immatriculé en 2019 était un
Le BioGNV accentue sa part
dans la mobilité gaz.
Près de 20 % du GNV consommé est déjà du
BioGNV. La filière biométhane a connu en moins
de 10 ans un essor remarquable. Le premier site de
et contribueront à véhicule GNV/BioGNV. méthanisation a injecté du gaz vert dans le réseau

répondre aux enjeux en 2011. En novembre 2021, la capacité d’injection


de biométhane dans les réseaux gaziers atteint
de décarbonation des blement les polluants locaux dont les particules fines (-95 %
5,8 TWh, soit l’équivalent de la consommation de
22 500 bus roulant au BioGNV. C’est aujourd’hui
transports de demain. » par rapport à la norme Euro VI) et les NOx (-50 % par rapport 333 sites de méthanisation qui sont raccordés aux
au seuil de la norme). S’y ajoute une réduction du bruit de réseaux gaziers, dont 133 sites depuis janvier 2021.
Le GNV (gaz naturel pour véhicules), c’est le gaz naturel uti- 50 % par rapport à un moteur diesel. Tous les véhicules qui Près de 1 150 projets sont à l’étude, illustrant la
lisé comme carburant. Sa version renouvelable, le BioGNV, roulent au gaz, quelle que soit leur génération, bénéficient croissance rapide de la filière. La Loi de transition
correspond à l’usage du biométhane ou gaz renouvelable de la vignette Crit’Air 1, un certificat qualité de l’air qui les énergétique pour la croissance verte (LTECV) fixe
comme carburant. autorise à circuler lors des pics de pollution et dans les zones un objectif de 10 % de gaz renouvelable dans les
à faibles émissions (ZFE). réseaux avant 2030.
Le biométhane : un gaz renouvelable 100 % made in du biogaz qui est épuré et odorisé pour être injecté
France dans les réseaux de gaz et ainsi être utilisé selon tous les Le BioGNV émet 80 % de CO2 en moins par rapport
usages classiques du gaz : cuisson, chauffage, mobilité… à un véhicule diesel de même génération
L’énergie gaz, choisie par 11 millions de Français, se verdit et Quand il est utilisé au service de la mobilité, ce biométhane
peut à présent être produite localement : c’est le biomé- est appelé BioGNV. Les mobilités hydrogène et électrique sont souvent présen-
thane. 80 % des sites de méthanisation français sont des sites agri- tées comme les meilleures alternatives au diesel. Pourtant les
Le biométhane est produit à partir de déchets organiques coles, constituant ainsi des sources complémentaires de re- choses ne sont pas si évidentes quand on prend en compte
(déchets agricoles, effluents d’élevage, déchets alimentaires venus pour nos agriculteurs. l’intégralité du cycle de vie d’un véhicule. On parle alors d’une
de la restauration collective, des supermarchés, des boues Utilisée depuis plus de vingt ans, cette technologie simple, analyse en cycle de vie, intégrant la production du véhicule,
d’épuration…). Ils fermentent dans un méthaniseur et fa- robuste et éprouvée, dispose d’une rentabilité intéressante. son recyclage (et donc l’impact éventuel de la batterie) et la
briquent deux produits : Près de 28 millions de véhicules dans le monde roulent au production du carburant. En outre, ce type d’analyse permet de l’électrique, voire meilleures. Sur l’ensemble de sa vie, un
un engrais organique 100 % bio, le digestat, qui est épandu gaz carburant. Le BioGNV, comme le GNV, présente une so- d’intégrer la réalité des émissions d’un véhicule. véhicule léger de moyenne gamme, un petit utilitaire ou un
sur nos sols, évitant l’utilisation d’engrais chimiques et lution immédiatement disponible pour améliorer la qualité Pour un véhicule électrique, l’analyse prend en compte la camion de livraison consommant du BioGNV impacte moins
permettant ainsi d’éviter la pollution des eaux et des sols ; de l’air. Rouler au gaz carburant permet de réduire considéra- quantité importante de CO2 émise lors de la fabrication des le climat qu’un véhicule électrique. Le graphique ci-dessous
batteries, provenant en grande partie de l’extraction et du illustre le cas d’un camion.
raffinage des métaux utilisés (lithium, cobalt, nickel…), et par
les procédés énergivores mis en œuvre pour la fabrication Le BioGNV a l’avantage d’être un carburant renouvelable issu
et l’assemblage des cellules des batteries. Le recyclage com- de déchets. En analyse du cycle de vie, son bilan carbone est
plexe des batteries est également un élément pénalisant quasiment neutre : le CO2 libéré à l’échappement est équi-
pour la mobilité électrique. valent au CO2 consommé par les végétaux méthanisés lors
En France, une récente étude menée par l’IFP Énergies nou- de la fabrication du biocarburant.
velles démontre qu’en tenant compte du mix énergétique
français, peu carboné grâce au nucléaire, et de l’intégralité Les transporteurs plébiscitent la mobilité gaz
du cycle de vie d’un véhicule, le BioGNV permet des réduc-
tions de gaz à effet de serre tout à fait comparables à celles Tout cela explique que le GNV et le BioGNV soient particu-
lièrement plébiscités par les transporteurs, que ce soit pour
le transport de personnes ou de marchandises. 37 % des bus
immatriculés en 2020 fonctionnent au BioGNV/GNV.
Émissions GES des poids lourds en ACV
(en gCO2 eq/tonne/km)
À titre d’exemple, la RATP, dans son projet Bus 2025, prévoit
d’intégrer entre 60 et 65 % de bus au BioGNV dans sa flotte.
Côté marchandises, les transporteurs y voient un outil per-
mettant de réussir leur transition écologique à un coût maî-
trisé. Pour exemple, la STAF sur un parc de 600 poids lourds
en a déjà converti 180 au BioGNV/GNV.
L’atteinte de la neutralité carbone dans la mobilité nécessite
la mise en place d’une démarche de transition énergétique
pour chaque gestionnaire de flotte. Cette transition ne peut
reposer sur une solution unique, comme nous avons pu le
faire lors des dernières décennies, mais passe par un mix
énergétique diversifié et complémentaire. À chaque usage
correspond une énergie. Ainsi les mobilités électrique, hydro-
Sources : étude IFPEN - étude ACV de véhicules roulant au gène et BioGNV cohabiteront et contribueront à répondre
GNV et au BioGNV, septembre 2019. aux enjeux de décarbonation des transports de demain.

30 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 31
5

UN RÉFÉRENTIEL FORMALISÉ
POUR QUANTIFIER LES IMPACTS
DE L’INFRASTRUCTURE DE
RECHARGE

© Gimelec
Le verdissement des mobilités est l’un des axes prioritaires du plan
de relance économique 2020-2022 de la France. La transformation de
la filière automobile passe certes par l’accroissement du nombre
de véhicules électriques, mais aussi par l’arrivée des infrastructures
de recharge de ces véhicules.

Julie Orgelet-Delmas,
consultante ACV et numérique, responsable DDemain
linkedin.com/in/julie-orgelet

Coauteurs :
Hortense Éraud,
directrice Économie circulaire / Développement Durable, GIMELEC
Valérie Michel,
responsable Efficacité Énergétique et Bâtiment Durable, IGNES
linkedin.com/in/valérie-michel-75819751/

32 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 33
« Le développement d’une
mobilité électrique durable
n’est pas uniquement un
enjeu pour les acteurs
de l’automobile et du
transport, mais aussi pour
les acteurs de l’installation
électrique. »

Dans le cadre d’une politique de mobilité bas carbone, il est Afin de répondre à cet enjeu, la création d’un cadre de dé- En complément de ce cadre, il est opportun de développer
important de travailler sur la réduction des émissions de CO2 claration des performances environnementales des IRVE est et de fixer un certain nombre de paramètres propres à la
des véhicules, mais aussi de leurs infrastructures de recharge. indispensable. Pour ce faire, les acteurs de la filière électrique catégorie de produits considérée, à savoir les IRVE, tels que :
En effet, comment est-il possible de réaliser une politique bas française des syndicats IGNES et GIMELEC se sont regroupés la définition des familles de produits : prise, borne sur
carbone sans pouvoir évaluer l’impact environnemental des pour proposer des règles d’évaluation de l’impact environ- pied, wallbox… ainsi que leur usage privé ou public ;
éléments émettant du gaz à effet de serre ? C’est pourquoi nemental des IRVE, dans le cadre d’un programme de dé- l’unité fonctionnelle à considérer ;
le GIMELEC et l’IGNES, organisations professionnelles repré- clarations environnementales reconnu : le programme PEP les scénarios d’usage associés à chaque famille et à
sentant les industriels des infrastructures de recharge de Ecopassport® (PEP : profils environnementaux produits). chaque usage ;
véhicules électriques (IRVE), se mobilisent et proposent des le mode de calcul de la consommation d’énergie en
règles communes pour évaluer l’impact environnemental des Pourquoi faut-il encadrer le développement de phase d’usage…
IRVE au sein du programme PEP Ecopassport, le programme déclarations environnementales produites pour les
de développement des déclarations environnementales des infrastructures de recharge ? Un processus participatif et itératif
équipements électriques et électroniques. Dès lors, cette
évaluation environnementale pourra être utile non seule- Pour réduire l’impact environnemental d’un secteur, il est La création de ces règles fait l’objet d’un travail collectif entre
ment pour les industriels dans le cadre de l’écoconception nécessaire de le quantifier et de le connaître. Ainsi, le calcul fabricants de prises et bornes de recharge mêlant à la fois
des produits, mais aussi pour les utilisateurs qui trouveront des performances environnementales doit être réalisé de des experts produits et des experts de l’analyse du cycle de
ainsi une information fiable sur les impacts environnemen- manière identique par tous. Le programme PEP Ecopassport® vie et des déclarations environnementales.
taux des bornes de recharge de véhicules électriques. via ses règles spécifiques par catégorie de produit permet de Cette approche basée sur la discussion et l’expérimenta-
disposer d’un cadre méthodologique strict : tion permet de mettre en place des règles conformes aux
Un contexte à dimension internationale conforme aux exigences de la norme ISO 14 025 régis- exigences du programme sans sacrifier leur caractère opé-
sant les déclarations environnementales de type III ; rationnel. En complément, les règles sont associées à des
Afin de respecter les objectifs de l’accord de Paris et la mise adapté à la quantification des impacts environnemen- outils simples qui doivent faciliter leur mise en œuvre et le
en application de la Loi de transition énergétique pour la taux des produits électriques et électroniques et per- développement des déclarations.
croissance verte (LTECV), l’intégration d’infrastructures de mettant de se focaliser sur les enjeux du secteur et ainsi En complément, les fabricants mettent directement en ap-
recharge pour les véhicules électriques dans les bâtiments de simplifier la démarche ; plication ces règles afin d’identifier leur pertinence et de
devient incontournable. Elle constitue d’ailleurs à la fois un reconnu par les instances gouvernementales et inter- potentielles voies de simplification.
des piliers du développement de la mobilité bas carbone nationales, du bâtiment notamment ;
et un moyen de stockage privilégié de l’énergie électrique fixant les indicateurs environnementaux à considérer Un référentiel disponible depuis septembre 2021
produite localement dans les bâtiments. et leurs modes de calcul ;
Il apparaît donc clairement que le développement d’une fixant le périmètre de déclaration : étapes du cycle Ce référentiel constitue le premier référentiel complet for-
mobilité électrique durable n’est pas uniquement un enjeu de vie à considérer (« du berceau à la tombe »), bases malisé portant sur des infrastructures de mobilité au sein du
pour les acteurs de l’automobile et du transport, mais aussi de données recommandées (principalement la base programme PEP Ecopassport®.
pour ceux de l’installation électrique du bâtiment et de l’in- ELCD), données d’impacts obligatoires, règles de cou- Auparavant, des déclarations portant sur les bornes de re-
frastructure en général. pure, traitement des données secondaires… charge existaient déjà, mais s’appuyaient sur des règles géné-
ralistes qui conduisaient à des disparités de traitement entre À propos de DDemain
les différents fabricants. La mise à disposition de ce référen- DDemain accompagne les organisations
tiel permet désormais aux acteurs de la mobilité bas carbone dans la quantification et la réduction de leurs
« Permettre à l’utilisateur également adhérents, afin avons tout naturellement produits respectifs afin de disposer d’éléments comparables et de faire des choix impacts environnementaux pour contribuer au
final d’effectuer un de cadrer la déclaration participé à la rédaction d’évaluer, toujours en éclairés sur la base des performances environnementales. développement d’un monde plus soutenable.
comparatif équitable » environnementale de nos de cette PSR IRVE. Grâce concertation, la robustesse Financé par l’ADEME dans le cadre de l’appel à accompagnement DDemain combine des outils reconnus : l’analyse
produits et ainsi permettre à l’animation efficace du de notre méthodologie. » #FaistaFDES #FaistonPEP, le référentiel a été mis au point dans le du cycle de vie et de l’écoconception (PEP
« Hager est un à l’utilisateur final cabinet DDemain, nous cadre d’un groupe de travail commun GIMELEC/IGNES dirigé par Ecopassport®, FDES, E+C-…) avec une grande
partenaire de longue d’effectuer un comparatif sommes aujourd’hui à le cabinet de conseil DDemain. Il a fait l’objet d’une revue critique expérience de la gestion de projet (Agilité,
date du programme équitable. l’aboutissement de ce David Dupuis, responsable par un vérificateur indépendant habilité par le programme PEP® Intelligence collective…) pour construire avec ses
PEP Ecopassport®. Il En tant qu’industriel et, projet. La prochaine étape environnement chez pour ensuite être publié le 17 septembre 2021 (PSR disponible clients leur stratégie et organiser leur montée en
est en effet de notre notamment, fournisseur significative envisagée en Hager Group (fournisseur sur le site PEP ecopassport® : Faire une ACV (pep-ecopassport. compétences et leur prise d’autonomie.
responsabilité de travailler de bornes de recharge mars 2021 sera de réaliser de solutions électriques org) ». Les industriels de la profession peuvent maintenant pro-
avec les acteurs du secteur, pour véhicules, nous des PEP « blancs » sur nos pour les bâtiments) duire des déclarations environnementales PEP de leurs gammes
de produits. 

34 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 35
6

DÉPLOIEMENT
ET ACCEPTABILITÉ SOCIALE
DE L’ÉLECTROMOBILITÉ

© Omexom
Depuis 2010, la mobilité électrique connaît un essor notoire. En
janvier 2020, la Commission européenne a présenté, à travers le
Green Deal, des objectifs qui visent une neutralité carbone en 2050.
En France, la loi d’orientation des mobilités (LOM) fixait dès 2019 la
fin des ventes des voitures particulières et des véhicules utilitaires
légers utilisant des énergies fossiles, d’ici 20401. L’annonce par l’État
français du plan de relance économique 2020-2022 s’inscrit dans cette
continuité et réaffirme la volonté du gouvernement de répondre aux
enjeux de transition énergétique, grâce au déploiement de 100 000
infrastructures de recharge pour les véhicules électriques (IRVE) à
l’échelle du territoire pour 2021.

Khadija Tighanimine,
project Manager Smart cities & e-mobility chez Omexom
linkedin.com/in/khadija-tighanimine

1. Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, article 73.

36 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 37
« Il est nécessaire
d’établir une typologie

1
Inscrire socialement l’électromobilité en réhabilitant des acteurs touchés par
la maîtrise d’usage
cette transformation et
MILLION DE VÉHICULES
Pour que la transformation culturelle en matière de mobilité
décarbonée soit effective, il faut réussir à élever la valeur per- d’évaluer leur position
RECHARGEABLES souvent sur les conditions de massification de l’électromo-
çue des VE au niveau de la valeur perçue des véhicules ther-
miques6. Il est donc essentiel d’opter pour une approche ho-
stratégique et leur rôle
d’ici à 2022, dans le cadre du contrat
stratégique signé entre l’État et
bilité, à travers le soutien aux mesures réglementaires qui en- listique et inclusive, afin d’amener les usagers à comprendre dans le développement de
cadrent le marché de la demande des véhicules électriques la valeur de l’électromobilité et l’importance de participer
la filière automobile. (VE). Nous faisons ici référence, entre autres, aux primes à la au processus de diffusion. la mobilité électrique. »
conversion des véhicules, aux avantages d’usage des véhi- Il s’agit selon nous de réhabiliter le statut de l’usager dans
cules, aux incitations fiscales et autres dispositifs de soutien la définition des enjeux d’une mobilité électrique durable.
favorisant leur développement. La réduction des coûts des Cette approche repose sur un jeu d’acteurs qui intègre l’usa-
véhicules et le développement d’une stratégie industrielle ger en tant que diffuseur de la culture de la mobilité élec-
Face à l’urgence invoquée par le politique de décarboner en phase avec les mutations du secteur de la mobilité font trique. L’usager est considéré comme partie prenante de la
les mobilités, les acteurs de la filière s’ingénient à consolider partie des sujets qui animent les débats. Ceux-ci retiennent conception des projets et participe à la construction du sys-
un marché très concurrentiel. Cette accélération interroge principalement l’attention des acteurs qui créent le système
la chaîne de valeur de l’électromobilité, de la production de de l’électromobilité pour en assurer la pérennité économique
l’électron par les fournisseurs d’énergie à sa consommation et industrielle. Les impacts environnementaux de ces solu-
par l’utilisateur final. Les réflexions autour de la structuration tions sont aussi pris en considération au regard des enjeux de FOCUS SUR LE MARCHÉ PUBLIC GLOBAL DE PERFORMANCE DE BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ
du marché intègrent difficilement la question de la transfor- décarbonation qui accompagnent la logique conjoncturelle
mation culturelle et sociétale qu’entraîne ce mouvement. de déploiement des IRVE. Le MPGP de Bourgogne-Franche-Comté est le premier utilisateurs du réseau de bornes expliquent le choix d’un
Elle est souvent sous-estimée voire occultée, bien qu’elle soit Ainsi, nous constatons l’absence quasi systématique d’une marché de performance lié à la recharge de véhicules marché à performance, outil contractuel jusqu’alors réservé
déterminante. Pourtant, l’articulation de l’ingénierie du dé- approche par le territoire et plus particulièrement par les électriques en France. Celui-ci a été remporté par au domaine de l’éclairage public. C’est donc l’importance
ploiement avec la question de l’acceptabilité sociale d’une usagers qui sont involontairement davantage perçus comme Citeos, une marque de Vinci Énergies. de la qualité de service recueillie auprès des usagers qui a
innovation est cruciale pour assurer la conduite du change- tributaires de ce système que comme acteurs. Leur partici- Les conditions d’attribution de ce marché ont déterminé le cadre de ce marché dont l’objectif principal
ment dans les pratiques de mobilité. On ne peut envisager de pation est évoquée dans un souci de dialogue, à travers le été déterminées à partir de critères de fiabilité a été d’imposer comme critère d’éligibilité du mandataire,
décarboner les mobilités sans impliquer et former les utilisa- recours aux associations d’utilisateurs existantes, dont le rôle et de robustesse des services de maintenance et une disponibilité élevée des IRVE.
teurs à ces nouveaux modes de transport. Réhabiliter la place se limite à de la consultation plus qu’à une véritable concer- d’exploitation du réseau de bornes, en lien avec des Ainsi, l’on retrouve ici l’importance de l’acceptabilité
de l’usager dans le processus de transformation des mobilités tation sur les choix de déploiement des infrastructures. Il objectifs de performance qualifiés, pour assurer une pratique qui met en avant la notion d’utilisabilité seule
est nécessaire pour une bonne diffusion de l’électromobilité. s’agit pourtant de déployer tout un système et cela passe par qualité de service optimale. et répond aux besoins de l’utilisateur en termes de
Partant d’une expérience participative dans des groupes de une ingénierie dédiée qui crée un environnement favorable Des problèmes antérieurs d’entretien signalés par les fonctionnalités en lien avec la tâche à accomplir.
travail collaboratif sur l’électromobilité, cet article introduit au développement de l’électromobilité : l’ingénierie du dé-
les concepts d’ingénierie du déploiement et d’acceptabilité ploiement du système d’électromobilité3.
sociale lors du développement d’une innovation. Il s’agit de Cette ingénierie suppose l’intervention de nouveaux acteurs
souligner l’importance d’une approche pluridisciplinaire et pour concourir à la réussite du développement de la mobilité
inclusive pour une meilleure diffusion de la culture de l’élec- électrique. Parmi eux, la participation des pouvoirs publics
tromobilité dans les territoires en tenant compte des modali- permettrait ainsi de favoriser la diffusion de l’électromobilité
tés d’« inscription sociale »2 du déploiement d’un tel système. et des infrastructures de recharge grâce à une lecture terri-
toriale plus prompte et des mesures de mise en œuvre ap-
Ingénierie du déploiement, de quoi parle-t-on ? propriées. Contrairement à l’automobilité qui définissait les
dynamiques territoriales, l’électromobilité dépend des op-
Nos participations aux groupes de travail collaboratif réu- portunités qu’offrent les territoires4. L’ingénierie du déploie-
nissant les différents acteurs de l’électromobilité nous ont ment doit donc étudier les spécificités territoriales, afin que
permis d’observer que les réflexions engagées reposent très la transformation des usages soit compatible avec la rupture
en cours.5 Il est nécessaire d’établir une typologie des acteurs
touchés par cette transformation et d’évaluer leur position
stratégique et leur rôle dans le développement de la mobilité
« On ne peut envisager électrique. C’est le cas des usagers qui ont une position dé-
terminante. Leur rôle conditionne les facteurs de succès du
de décarboner les système d’électromobilité et garantit la robustesse du schéma
mobilités sans impliquer de déploiement des IRVE qu’envisage le plan de relance.

et former les utilisateurs


à ces nouveaux modes 2. Joseph Schumpeter
3. Midler Christophe, Von Pechmann Félix, « Du véhicule électrique à

de transport. »
l’électromobilité », Le journal de l’école de Paris du management, 2015/4
(N° 114), p. 8-15. DOI : 10.3917/jepam.114.0008. URL : https://www.cairn.info/
revue-le-journal-de-l-ecole-de-paris-du-management-2015-4-page-8.htm
4. Shadi Sadeghian, Développer la mobilité électrique : des projets
d’acteurs au projet de territoire. Architecture, aménagement de l’espace,
Université Paris-Est, 2013, français. NNT : 2013PEST1190ff. fftel-01130114f
5. Midler Christophe, Von Pechmann Félix
6. Midler Christophe, Von Pechmann Félix

38 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 39
« Il s’agit d’éviter de
tomber dans l’écueil
du déterminisme
tème de l’électromobilité à travers la notion de maîtrise d’usage. technologique, si l’on
Ce concept, né de la volonté des usagers de se situer au cœur
du processus d’élaboration, consiste à placer ceux-ci aux côtés souhaite une rapide
du traditionnel binôme maître d’ouvrage et maître d’œuvre.
adoption de la mobilité Partie 2
Notre approche repose sur l’idée que les usagers détiennent électrique par les usagers. »
une compétence spécifique, fondée sur l’usage et sur la proxi-
mité. Partant du principe qu’ils sont les premiers à souffrir
des dysfonctionnements en matière de mobilité, ils peuvent
mieux identifier les cas d’usage et participer à la bonne dif-
fusion de la culture de la mobilité électrique et à la mise en
place de mesures réalistes et pérennes.
L’expérience et la participation des utilisateurs permettent ridisciplinarité au sein des groupes de travail. La transformation
de définir un certain nombre de modes opératoires appli- des techniques de transport reste réfléchie encore aujourd’hui

Renouveler
cables dans les différents contextes de déploiement. Les sous un angle purement technique. Or, il s’agit selon nous d’évi-
usagers jouent donc un rôle primordial dans le processus ter de tomber dans l’écueil du déterminisme technologique, si
d’adoption d’une solution et dans sa diffusion car : l’on souhaite une rapide adoption de la mobilité électrique par
ils spécifient des cas d’usage par rapport à leur propre les usagers. Ce courant de pensée suppose que le changement

les modes de
environnement ; technique soit autonome et qu’il influence la société. Postulat
ils développent un savoir pratique qui permet de « rou- fortement remis en question par la sociologie des techniques
tiniser » et d’admettre l’intégration et l’utilisation d’une qui étudie les interactions entre les acteurs (concepteurs, usagers,

déplacement
solution ; entreprises, pouvoirs publics…) afin de mettre en place un cadre
ils facilitent sa diffusion. favorable à l’acceptation sociale des progrès techniques.
Pour conclure, nous dirons que la construction du système de
Importance de l’interdisciplinarité l’électromobilité doit certes reposer sur un savoir-faire technique
et un cadre réglementaire propices à son déploiement, mais en
Nous avons observé que penser le sujet du déploiement de s’appuyant sur le tissu social des territoires. L’accélération de la
l’électromobilité par le prisme des utilisateurs n’est pas envisagé mobilité électrique ne sera efficiente que si les infrastructures
comme tel par les acteurs du marché, non pas par refus d’adopter
une méthodologie inclusive, mais en raison d’un manque de plu-
techniques sont envisagées à l’aune de la dynamique sociale qui
caractérise le territoire.
Promouvoir les modes “bas carbone”
dans nos déplacements du quotidien :
le défi est immense tant les usages actuels
restent dominés par les véhicules à carburant
fossile et l’autosolisme. Cette série d’articles
aborde les solutions alternatives :
les mobilités actives (marche et bicyclette),
les micromobilités (trottinettes et autres
engins de déplacement personnel) et les
transports publics. Les transports collectifs,
routiers et ferroviaires, représentent
également des domaines d’innovation,
tout comme le covoiturage.

40 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 41
1

CEE AcoTÉ : UN PROGRAMME


POUR DÉVELOPPER
LE COVOITURAGE EN ZONE
PEU DENSE

© Programme AcoTÉ
70 % des trajets domicile-travail se font en voiture1 et près de 40 %
des Français vivent dans une zone non desservie par les transports
collectifs2. L’une des solutions pour réduire les émissions est de
développer la pratique du covoiturage. C’est l’objectif du programme
CEE AcoTÉ porté par CertiNergy & Solutions et La Roue Verte,
ainsi que par l’Association nationale des pôles territoriaux et des
pays. AcoTÉ propose aux collectivités de développer des lignes de
covoiturage sur-mesure, en levant les freins à la pratique.

Chloé Noual,
directrice Stratégie chez CertiNergy & Solutions
linkedin.com/in/chloé-noual-a98246118

1. Étude Insee n° 143, « Sept salariés sur dix vont travailler en voiture », https://www.insee.fr/fr/statistiques/3714237
2. Observatoire des inégalités, « Inégaux face à la mobilité », https://www.inegalites.fr/Inegaux-face-a-la-
mobilite?id_theme=25

42 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 43
TERRITOIRES ENGAGÉS
10
dans le programme AcoTÉ en 2020,
Une expérimentation dans la Sarthe
Le Pays Vallée du Loir, territoire situé dans
la Sarthe, a été le premier bénéficiaire du
programme à s’engager dans la coconstruction.
À la suite des échanges avec La Roue Verte,
soit 250 élus et techniciens impliqués. quatre axes ont été identifiés comme intéressants
à expérimenter. C’est pourquoi, depuis janvier
2021, les habitants ont accès à un questionnaire
en ligne pour donner leur avis, notamment sur les
endroits stratégiques où installer des arrêts. Une
campagne de communication a d’ailleurs
Le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) en- L’objectif est de proposer une solution qui prend en compte été mise en place afin d’inciter les acteurs locaux
courage les fournisseurs et vendeurs d’énergie à faire faire l’existant et qui le complète, afin de proposer une offre plus à participer à cette coconstruction, l’ambition
des économies d’énergie aux consommateurs (entreprises, large. Cette prise en compte fait que chaque ligne est unique étant de lancer l’expérimentation des lignes
industries, collectivités, ménages). Le transport est l’un des et a des caractéristiques différentes (longueur, flux, nombre avant la fin du premier semestre 2021.
secteurs concernés par les CEE, que ce soit pour des opéra- d’arrêts…). Les territoires qui le souhaitent ont la possibilité
tions dites « standardisées » (actions couramment réalisées de s’engager dans le programme AcoTÉ
et pré-identifiées dans un catalogue) comme remplacer Co-construire sa ligne avec le programme AcoTÉ afin de développer la pratique du covoiturage
son véhicule par un véhicule moins émetteur de CO2, pour sur leur territoire et ainsi de réduire l’impact
des opérations « sur-mesure » (opérations spécifiques hors À la suite des réunions de formation (préalable nécessaire environnemental lié aux trajets quotidiens
catalogue) ou pour des actions inscrites dans le cadre de au passage à l’action), le territoire peut choisir de se lancer en voiture.
programmes de formation, sensibilisation ou innovation en
faveur de la maîtrise de la demande en énergie, comme le
programme AcoTÉ.

AcoTÉ : un programme pour aider les collectivités


à développer le covoiturage du quotidien sur leurs
territoires

Depuis janvier 2020, le programme CEE AcoTÉ (acteurs et


collectivités engagés pour l’écomobilité) propose aux collec-
tivités qui souhaitent massifier le recours au covoiturage sur
leurs territoires de monter en compétences sur le sujet via
des réunions de sensibilisation, des journées d’études, des
échanges entre territoires. L’objectif étant de co-construire
avec les habitants et entreprises locales des lignes de covoi-
turage adaptées aux besoins.

En 2020, plus de 10 territoires se sont engagés dans le pro-


gramme, ce qui a permis de sensibiliser directement plus de
250 élus et techniciens au covoiturage du quotidien.

Qu’est-ce qu’une ligne de covoiturage ?


« L’objectif est de Une ligne de covoiturage se rapproche d’une ligne de bus : il
co-construire avec les y a des lieux prédéfinis (matérialisés ou non) pour la prise et
la dépose des passagers ainsi que des horaires d’ouverture
habitants et les entreprises et de fermeture. Elle peut être mise en œuvre de plusieurs
manières notamment par le biais d’applications. L’approche
locales des lignes de par ligne a pour objectif de simplifier au maximum l’accès

covoiturage adaptées au covoiturage pour les conducteurs et les passagers afin


de l’adapter à une pratique régulière. Par ailleurs, ces lignes
aux besoins. » peuvent, comme c’est le cas dans le cadre du programme, of-
frir des garanties aux usagers, ce qui permet de lever les freins
liés à la crainte de ne pas pouvoir trouver un covoiturage.

Les lignes proposées dans le cadre du programme AcoTÉ


sont coconstruites avec les habitants et les entreprises. La
coconstruction est en effet un moyen de s’assurer en amont
que la solution envisagée répond bien à un besoin et d’amor-
cer la création d’une communauté pour assurer sa pérennité. Réunion de formation PETR (Pôle d’équilibre territorial et rural) du Pays Vallée du Loir – février 2020.

44 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 45
2

PROJET SAM :
UNE MÉTHODOLOGIE
POUR ÉVALUER L’IMPACT
DU VÉHICULE AUTONOME

© Getty Images
Le véhicule autonome est porté par des enjeux industriels puissants.
Il est soutenu depuis 2018 par une politique nationale visant à
accompagner son déploiement. Depuis, de nombreuses études
tentent d’évaluer les effets de l’introduction de ce nouveau type de
« L’expérimentation doit dans la coconstruction. Dans ce cas, il est mis en relation mobilité. Le projet SAM (sécurité et acceptabilité de la conduite et de
avec La Roue Verte, qui va l’accompagner techniquement la mobilité autonome) se propose de partager dans le bien commun
permettre de décider de la et financièrement : techniquement, d’une part, en permet- des méthodes complémentaires permettant d’évaluer les effets de ces
poursuite ou non de l’offre tant aux collectivités de recenser l’existant, de rechercher des
contributeurs, d’analyser les données obtenues, de qualifier
nouveaux systèmes à différentes échelles.

et de son adaptation afin les potentiels avant d’expérimenter la solution coconstruite


en situation réelle avec l’ouverture aux conducteurs puis aux
de la rendre viable. » passagers. L’expérimentation doit permettre de décider de
la poursuite ou non de l’offre et de son adaptation afin de
la rendre viable. Financièrement, d’autre part, car les CEE
prennent en charge les coûts liés à la coconstruction de la
solution (tests, communication, fonctionnement de la ligne)
et une partie de ceux de l’expérimentation. Les collectivités
peuvent donc expérimenter la solution à un coût réduit avant Samir Anbri (IFP Energies Nouvelles), Marlène Bel (Cerema), Jaâfar Berrada (Institut
de décider de la pérennisation ou non de celle-ci. VEDECOM), Nicolas Coulombel (LVMT, École des Ponts ParisTech, Université Gustave
Eiffel), Jeanne de La Blanchardière (IVM - Institut VEDECOM), Virginie Dunez (Cerema),
Manon Eskenazi (LVMT, Ecole des Ponts ParisTech, Université Gustave Eiffel), Nadège Faul
(Institut VEDECOM), Jean-Baptiste Haué (Le LAB Renault-PSA), Natalia Kotelnikova-Weiler
(LVMT, École des Ponts ParisTech, Université Gustave Eiffel), Valerie Leray (Cerema), Hassan
Mahdavi (Institut VEDECOM), Gaëtan Merlhiot (Institut VEDECOM), Natacha Métayer
(Institut VEDECOM)

46 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 47
« Adossées aux
expérimentations, les
évaluations s’appuient sur
des données directement
EXPÉRIMENTATIONS
13
intégrées dans le projet SAM,
sur des territoires variés et
mesurées lors d’un dans des contextes différents.
Le véhicule autonome (VA) est porteur de promesses à la déploiement réel de services
fois technologiques, sociales, économiques et environne-
mentales. S’il suscite un certain engouement, le véhicule de mobilité autonome. »
autonome est aujourd’hui en phase d’expérimentation et
ses bénéfices doivent encore être démontrés. Dans cette L’originalité de la démarche SAM consiste à combiner ces dif-
optique, la stratégie nationale du véhicule autonome lancée férentes approches afin d’évaluer la pertinence des services
en France en 2018 porte le programme d’expérimentation de mobilité autonome aux différentes échelles. Adossées aux
EVRA1 pour en évaluer la sécurité et l’acceptabilité à travers expérimentations, les évaluations s’appuient sur des données
différents cas d’usage. Le projet SAM, issu du programme directement mesurées lors d’un déploiement réel de services
EVRA, intègre treize expérimentations sur des territoires de mobilité autonome. La variété des expérimentations per-
et dans des contextes d’expérimentation variés (site fer- Face à cette pluralité de situations, comment pouvons-nous met à son tour d’appliquer une seule et même méthode à des
mé, chaussée ouverte, en centre-ville, en périphérie, etc.). construire une méthodologie d’évaluation permettant d’ap- services et contextes diversifiés, fournissant ainsi des résultats
Ces expérimentations étudient le VA dans une pluralité de préhender les différents aspects des services et des VA ? cohérents dont l’analyse pourra dégager des invariants et des
contextes qui sont définis par : spécificités de certains cas. Enfin, un travail de scénarisation
1. Les fonctions de conduite déléguées au conducteur ; Vers une méthodologie d’évaluation multi-échelles mené avec les partenaires du consortium et intégrant ainsi
2. Le domaine d’emploi du véhicule autonome (chaussée leur vision de la place potentielle de la mobilité autonome
ouverte ou non, vitesse maximale autorisée sur la voie, etc.) La méthode d’évaluation de la mobilité autonome proposée dans le système de transport, permettra de se projeter, via
et les conditions de circulation ; dans le projet SAM est pluridisciplinaire et multi-échelle. Elle des simulations, à des échelles de déploiement plus larges.
3. Le niveau d’automatisation. combine des approches issues de disciplines variées (psycho- Tracé de l’expérimentation Keolis, campus de Beaulieu
logie cognitive et sociale, accidentologie, technique, ingénie- Évaluation à l’échelle de l’individu ou du véhicule (Rennes), 2019/2020
Elles visent également à tester de nouveaux services de mo- rie de trafic, études de mobilité, analyse de la gouvernance
bilité autonome, que ce soit du transport collectif et par- et de l’aménagement urbain, environnement et socioécono- L’introduction sur les routes du VA connecté, hautement
tagé (transport public, robot-taxi, transport à la demande), mie) afin de couvrir une gamme d’effets directs et indirects technologique et à conduite automatisée pose de nom-
de l’aide à la conduite individuelle (valet parking, véhicule de l’introduction des services de mobilité autonomes dans breuses questions dont :
particulier) ou de la logistique (compagnon de livraison). Le les territoires. Les effets sont évalués à plusieurs échelles : à les interactions avec les autres véhicules et les effets sur Évaluation à l’échelle du service ou de la zone d’étude
projet regroupe vingt partenaires industriels et académiques, l’échelle de l’individu et/ou du véhicule, à l’échelle du service le trafic routier et la sécurité des usagers ;
issus notamment des filières de l’automobile, du transport ou de la zone d’étude, et enfin, à l’échelle de la gouvernance l’acceptabilité pratique et sociale par les individus, qu’ils L’utilisation du VA, sans conducteur, au sein d’un service de
public et de l’infrastructure. globale des systèmes de mobilité. soient utilisateurs du VA ou autres usagers de la route mobilité modifie le fonctionnement technique et les coûts
comme les piétons, les cyclistes ou les conducteurs de du système véhicule/infrastructure/supervision convention-
véhicules conventionnels (comportements émergents nel. On s’interroge alors sur ses conséquences pour les usa-
face à cette nouvelle technologie, sécurité routière, gers, les collectivités et les territoires, à savoir :
incivilités, etc.) ; la fréquentation du service qui dépendra de sa per-
les caractéristiques environnementales (émissions formance technique et économique (vitesse, temps
acoustiques et de polluants, consommation d’énergie d’attente, prix, etc.) ;
et émissions de gaz à effet de serre et impacts indirects l’impact sur la fréquentation et le temps de parcours
produits au cours du cycle de vie des composants, etc.). des autres modes de transport ;
En effet, le véhicule autonome nécessite des capteurs le bilan environnemental des impacts produits et
et une puissance de calcul suffisante pour en traiter les évités par la mise en place du service (qualité de l’air,

« Adossées aux données, de la supervision à distance impliquant des


transferts de données et, dans certains cas, des équi-
bruit, impacts indirects sur l’ensemble du cycle de vie),
en intégrant les effets du service sur le territoire : ses
expérimentations, les pements d’infrastructure connectée. Éléments dont
il s’agit de mesurer le poids environnemental, notam-
conséquences sur le trafic routier, la motorisation des
ménages, le report modal ;
évaluations s’appuient sur ment sur le bilan carbone, et les bénéfices éventuels. le bilan coûts-bénéfices pour la collectivité, incluant
les usagers des transports (gains de temps, qualité de
des données directement Le consortium SAM étudie ces questions grâce à une ap- service, accidentologie), l’opérateur (coûts d’investisse-

mesurées lors d’un proche transversale des différents sites de tests et des objets
déployés. Plusieurs méthodologies sont utilisées : mesures de
ment, d’exploitation et recettes), la puissance publique
(financement des infrastructures, subventions) et l’envi-
déploiement réel de services terrain, modélisations et analyses de cycle de vie, observa-
tions via des caméras, radars et autres systèmes disposés sur
ronnement (monétarisation du bilan environnemental).

de mobilité autonome. » les parcours expérimentaux et à l’intérieur des véhicules de Pour cela sont mises en œuvre des méthodes de simula-
© Projet SAM

test, données véhicules, entretiens et questionnaires. L’ana- tion et d’évaluation s’appuyant sur des scénarios de mise à
lyse de ces données donnera lieu à l’identification des freins l’échelle des services expérimentés ainsi que des enquêtes de
et des leviers pour l’introduction optimale de cette nouvelle
Intérieur de la navette autonome, expérimentation RATP, Bois de Vincennes, 2019/2020. mobilité dans un écosystème déjà existant et bien ancré. 1. Expérimentation du véhicule routier autonome, financé par l’ADEME

48 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 49
3

L’AUTOPARTAGE :
UNE RÉPONSE AUX ENJEUX
ENVIRONNEMENTAUX DES
VILLES ET DES ENTREPRISES

Carte des expérimentations de véhicule autonome dans le cadre du projet SAM.

terrain. Ces évaluations permettront d’analyser et d’évaluer concrètement les conditions d’aménagement néces-
la pertinence des services de mobilité autonome sur diffé- saires à son inscription dans l’espace public.
rents territoires et contextes multimodaux. L’évaluation des modèles d’affaires cherche à définir
les potentiels nouveaux services qui pourront découler
Effets sur la gouvernance globale des systèmes de

© Gety Images
des expérimentations de VA. À travers des entretiens
mobilité avec les parties prenantes du service et des diagnos-
tics approfondis des expérimentations, les évaluations
L’introduction du VA dans les systèmes de mobilité pose des cherchent, d’une part, à identifier le système d’acteurs
questions à la fois en matière de gouvernance et de modèles complexe qui va porter chaque service de mobilité
d’affaires des services de mobilité autonome. autonome et, d’autre part, le modèle économique et L’autopartage est perçu comme une solution pratique et efficace
L’évaluation de la gouvernance du VA s’attache à com- financier qui en découlera dans l’hypothèse d’une ré- pour décongestionner le trafic routier, optimiser le budget mobilité et
prendre le processus d’action publique qui porte le VA plicabilité ou d’un passage à l’échelle.
surtout améliorer la qualité de l’air dans les villes. Il permet de passer
à deux échelles :
• à l’échelle nationale, l’approche proposée vise à interpré- Conclusion d’une économie de la propriété à celle de l’usage et des services et
ter les relations entre les acteurs publics et privés et leurs d’opter pour une mobilité multimodale. Quels sont les différents types
stratégies, pour comprendre comment leurs logiques d’ac- Les résultats des évaluations des expérimentations de service d’autopartage ? Quels sont les facteurs clés de son succès ?
tion vont définir et orienter la politique française du VA, et de systèmes autonomes dans le cadre du projet SAM ont
• à l’échelle locale, c’est la façon dont les expérimenta- vocation à nourrir un bien commun concernant la pertinence
tions de VA s’inscrivent dans des projets de territoire, de ces services dans un contexte technologique, sociétal et Anne-Lise Castel,
à travers l’analyse des coalitions d’acteurs, de leurs re- économique donné. Leur finalité est d’alimenter la réflexion directrice Déploiement des services de Mobilités, Mobilize (Groupe Renault)
présentations, de leur potentiel d’action et de leurs publique sur le futur de ces innovations technologiques. linkedin.com/in/anneli%E2%9A%A1%EF%B8%8F-castel-04506678
compétences qui est étudiée. Cette évaluation s’ap- La consolidation de cette base de connaissance doit donc
puie à la fois sur le territoire réel, par le biais de parcours être appréhendée comme un processus d’évaluation itéra-
commentés et de cartographies, et sur le recueil et tif au-delà du projet SAM. Il intègre les progrès techniques,
l’analyse des expériences d’acteurs. En construisant des la familiarisation croissante des publics avec ces nouveaux
outils de compréhension sur les problématiques spa- systèmes de transport, l’évolution du contexte socio-éco-
tiales et organisationnelles en jeu dans l’établissement nomique environnant, et les décisions prises par les acteurs
de partenariats entre acteurs, cette méthode permet territoriaux. Dans ce cadre, le projet SAM fournit un socle
d’identifier les freins à la mise en œuvre d’un service de méthodologique et des outils réexploitables pour continuer
mobilité autonome mature sur le territoire, et d’établir d’enrichir cette base de connaissances.

50 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 51
15 000 VÉHICULES ÉLECTRIQUES
sont disponibles en autopartage
Meudon, Sèvres et Vanves depuis septembre 2021 avec
un parc de 500 Renault ZOE et Dacia Spring et à déjà
plus de 40 000 clients.
en Europe.
L’autopartage en trace directe ou boucle fermée : c’est
un service basé sur un système de stations, l’usager doit
déposer le véhicule sur un emplacement dédié au ser-
vice utilisé. La boucle fermée quant à elle impose de dé-
pace public est de 50 %3 alors qu’il n’est utilisé que pour 13 % poser le véhicule à l’emplacement initial. La métropole
des déplacements. Une partie des places pourrait évoluer niçoise a déployé l’autopartage en boucle fermée avec
vers d’autres usages : le stationnement des vélos, motos et le service Mobilize Share, disponible en libre-service,
scooters ou encore l’implantation de stations de véhicules 7 j/7, 24 h/24 et dès 1 heure de location via l’application.
partagés. L’objectif est de mieux partager l’espace public. Ce service est déployé à travers le réseau du groupe
Renault et dispose d’une flotte de 3 100 véhicules par-
L’autopartage de véhicules 100 % électriques est une réponse ticuliers et utilitaires. Par ailleurs, Mobilize Share met à
concrète et efficace à ces enjeux environnementaux. Cette disposition des entreprises une flotte de véhicules leur
solution de mobilité contribue en effet à améliorer la qualité permettant de proposer un service d’autopartage à
de l’air et favorise une mobilité plus fluide avec un nombre leurs propres clients comme IKEA et Leroy Merlin.
réduit de véhicules en circulation (1 voiture en autopartage
remplace 5 voitures personnelles)4.

Aujourd’hui, 15 000 véhicules électriques sont disponibles


en autopartage en Europe et on estime que ce nombre sera
multiplié par 10 environ d’ici à 2025. L’urbanisation croissante
et l’émergence de l’économie du partage (passage de la pro-
priété vers l’usage) devraient accélérer l’adoption de cette
nouvelle forme de mobilité partagée.

L’autopartage : qu’est-ce que c’est ?

L’autopartage est défini par le Code des transports comme


« la mise en commun d’un véhicule ou d’une flotte de véhi-
cules de transport terrestre à moteur au profit d’utilisateurs
abonnés ou habilités par l’organisme ou la personne gestion-
naire des véhicules. Chaque abonné ou utilisateur habilité peut
accéder à un véhicule sans conducteur pour le trajet de son
choix et pour une durée limitée. »5 Les services d’autopartage
peuvent être proposés par des constructeurs automobiles,
tel que le groupe Renault via son entité Mobilize avec ZITY by
Mobilize et Mobilize Share (anciennement Renault Mobility),
Pollution de l’air, congestion et stationnement
dans les villes « Les automobilistes des coopératives comme le réseau CITIZ, des entreprises
comme E.Leclerc ou encore des collectivités locales.
Le bilan de la qualité de l’air en France de 20191 montre qu’elle
s’améliore. Entre 2000 et 2019, les émissions polluantes sont
franciliens passent en L’autopartage en free floating (stationnement libre) :
deux fois moins importantes. Cette réduction est nécessaire moyenne 163 heures par ce service permet d’emprunter et restituer un véhicule
et doit persister. Pour enrayer l’augmentation de la pollution librement sur n’importe quelle place de stationnement
de l’air, plusieurs grandes villes ont dessiné des zones à faibles an dans les embouteillages. à l’intérieur du périmètre couvert par le service. Le ser-
émissions (ZFE) grâce aux systèmes de vignette Crit’Air pour
tous les véhicules. Paris est la première ville vice d’autopartage en libre-service (sans station) ZITY by
Mobilize est constitué d’une flotte de véhicules 100 %

Parallèlement, les villes font face à des problèmes de conges-


congestionnée de France, électriques disponibles 24 h/24 et 7 j/7. L’utilisateur géo-
localise via une application smartphone dédiée le véhi-
tion. Selon l’étude Traffic Index de 20192, les automobilistes suivie par Marseille. » cule le plus proche de sa position, en prend possession,
franciliens passent en moyenne 163 heures par an dans les puis le dépose sur n’importe quelle place publique en
embouteillages. Paris est la première ville congestionnée de surface dans un périmètre donné. Ce service est dé-
France, suivie par Marseille. Une congestion qui n’est pas sans ployé à Madrid depuis 2017 avec une flotte de 800 vé- 1. Bilan de la qualité de l’air extérieur en France en 2019.
conséquences, car elle augmente les émissions polluantes. hicules et compte plus de 400 000 clients. En France, 2. Index Paris traffic.
3. Chiffres et informations sur le stationnement à Paris.
Le stationnement est également une préoccupation pour le service est disponible à Paris, Boulogne-Billancourt 4. 5. Autopartage en France, ministère de la Transition écologique
les villes. À Paris, la place du véhicule individuel dans l’es- et Clichy) depuis mai 2020 ; et à Issy-les-Moulineaux, (https://www.ecologie.gouv.fr/lautopartage-en-france)

52 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 53
4

ENGOUEMENT POUR LE VÉLO :


QUELS ENJEUX POUR
LES ACTEURS PUBLICS ?

© La Ville à Vélo
En quoi l’autopartage contribue-t-il à réduire Les usages et les profils de l’autopartage en France
les émissions ? D’après le ministère de la Transition écologique, 5 %7 des Fran-
Grâce à l’autopartage, la dépendance à la voiture individuelle çais ont recours à l’autopartage (2017). L’utilisation moyenne
est réduite, ce qui favorise le report vers d’autres formes de d’une voiture est de 40 minutes pour une distance de 8 km.
mobilité (vélo, trottinette, bus, train et marche) et permet Selon l’enquête nationale sur l’autopartage réalisée en 2019, Les fréquentations cyclables sont au beau fixe depuis le premier
de réduire la consommation d’énergies et les émissions de ce sont 10 000 à 40 000 km en voiture qui sont évités par un déconfinement du 11 mai 2020. Le vélo se pose en réponse au besoin
polluants. En s’abonnant à un service d’autopartage, l’usager autopartageur sur une année. En France, 70 % des utilisateurs
réduit ses émissions de 1,5 tonne de CO2/an6. Par ailleurs, de l’autopartage habitent dans des centres urbains où les
d’une mobilité du quotidien plus résiliente et décarbonée. La crise
l’autopartage permet de décongestionner le trafic et de libé- services d’autopartage sont déployés. Les utilisateurs sont provoquée par l’épidémie de Covid-19 pourrait marquer un point
rer l’espace urbain utilisé par le stationnement des véhicules plutôt jeunes (34 à 38 ans pour le free floating) et diplômés. de bascule pour le vélo en France. Volonté commune, financements
individuels. disponibles, les choses peuvent avancer vite pour faire décoller
L’autopartage : un écosystème partagé durablement le vélo.
La mobilité électrique partagée est un enjeu collectif où
« Grâce à l’autopartage, chaque partie prenante a son rôle à jouer. La collaboration
entre villes, territoires, constructeurs d’automobiles, fournis- Stéphanie Mangin,
la dépendance à la voiture seurs d’infrastructures de recharge et opérateurs d’autopar- cheffe de projet observation du vélo, Vélo & Territoires
tage est indispensable pour la mise en place de cette solution linkedin.com/in/stephanie-mangin-0627733
individuelle est réduite, ce de mobilité durable. C’est dans cet esprit qu’un cahier de

qui favorise le report vers


recommandations, « Véhicules, cycles et engins en free floa-
ting », a été cosigné par 16 acteurs, dont Mobilize, et publié
d’autres formes de mobilité. » le 17 février 2021 par le ministère chargé des transports.

6. 7. Autopartage en France, ministère de la Transition écologique


(https://www.ecologie.gouv.fr/lautopartage-en-france)

54 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 55
« À chaque grève dans
les transports en commun,
la fréquentation cyclable
dans les grandes villes
progresse grâce à l’arrivée
de nouveaux cyclistes. »
Le suivi de l’évolution de la pratique du vélo s’apparente
à celui de sa part modale parmi l’ensemble des modes de
transport. Malheureusement, à ce jour, il n’est pas possible
d’avoir un suivi régulier mensuel, voire annuel. L’analyse de la
part modale au plan national nécessite des études lourdes 500 km d’aménagement cyclables de transition étaient re-
et coûteuses qui ne sont mises en œuvre que tous les dix à censés dans l’outil Carto1, la fréquentation cyclable du 11 mai
quinze ans. À défaut de suivre l’évolution de la pratique, c’est au 28 juin enregistrait une progression de 29 % par rapport à
donc l’évolution de la fréquentation qui est mesurée, à diffé- la même période de 2019. À la fin décembre, le premier bilan
rents points du territoire. Pour assurer ce suivi, les collectivi- sur l’année, périodes de confinement exclues, reste du même
tés (communes, EPCI, départements, régions) installent des ordre (+ 27 %). Le nombre de passages de vélos comptabilisés
dispositifs de comptages automatiques qui permettent de sur l’ensemble de l’année est en hausse de 10 %, et ce mal-
déterminer le nombre de passages de vélos sur chaque point. gré les confinements ! Des fréquentations records ont été
enregistrées, notamment en espace urbain, et de nouvelles
Un suivi régulier de la fréquentation du vélo habitudes ont fait leur apparition.

Vélo & Territoires, avec le soutien de la CIDUV et de l’ADEME, En milieu urbain, la pratique a fortement progressé en se-
a mis en place en 2013 la Plateforme nationale des fréquen- maine (+ 29 % de passages sur l’année, périodes de confi-
tations permettant de collecter et d’agréger les données de nement exclues), mais également le week-end (+ 34 %). Le
comptages des collectivités contributrices. À la fin mars 2020, vélo affirme son rôle de mode de déplacement utilitaire et
plus de 900 compteurs étaient partagés par 90 contributeurs. pendulaire. Il offre une nouvelle façon de vivre la ville. Cette
La collecte de ces données permet d’analyser chaque année progression était encore plus marquée au printemps (+ 57 %
l’évolution de la fréquentation cyclable au niveau national, sur la période post-confinement à fin juin) et s’est réduite
par territoire, itinéraire ou type de pratique. Ces analyses font avec l’arrivée d’une météo automnale.
l’objet d’un rapport annuel disponible sur le site Internet de
Vélo & Territoires. C’est également grâce à l’ensemble de ces Contrairement à des périodes de grèves, la crise sanitaire a
données que Vélo & Territoires, en lien avec le ministère de également un impact sur la fréquentation dans les milieux
la Transition écologique, propose, depuis mai 2020, un suivi périurbains et ruraux. Ceux-ci ont enregistré de fortes pro-
régulier de la fréquentation vélo, afin d’analyser l’impact de gressions du volume de passages de vélos observés. Périodes
la crise sanitaire et de la mise en place progressive des amé- de confinement exclues, ces territoires affichent respective-
nagements cyclables de transition sur la pratique du vélo ment + 14 % et + 15 % de passages en 2020 par rapport à 2019.
(Bulletin Fréquentation vélo & déconfinement).

La crise sanitaire, quel impact sur l’utilisation


du vélo ?

À chaque grève dans les transports en commun, la fréquenta-


tion cyclable dans les grandes villes progresse grâce à l’arrivée
de nouveaux cyclistes. Même si celle-ci retombe en sortie
de la période de grève, elle dépasse son niveau de départ.
Qu’en sera-t-il pour la crise sanitaire que nous traversons ? Il
est encore trop tôt pour le dire, néanmoins le schéma diffère
et laisse penser que l’impact sera plus grand.

En sortie du premier confinement, en mai 2020, l’utilisa-


tion du vélo s’est positionnée comme un geste barrière à
part entière. Les collectivités ont travaillé d’arrache-pied
pour mettre en place très rapidement des aménagements
cyclables de transition. L’objectif ? Favoriser la pratique du
1. Outil cartographique de suivi des aménagements cyclables de transition
vélo dès la sortie du confinement et éviter l’engorgement développé par la Fédération des usagers de la bicyclette : https://carto.
des territoires par les voitures. Résultats ? Fin juin, alors que parlons-velo.fr

56 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 57
« Pour de nombreuses

200 collectivités, leur politique 5


cyclable fait un grand
MILLIONS D’EUROS bond en avant en ce QUAND LES ENGINS
supplémentaires pour le temps de crise sanitaire.
fonds mobilités actives.
Les mesures mises en DE DÉPLACEMENT PERSONNEL
place font parfois gagner TRANSFORMENT LA MOBILITÉ
Autre fait marquant : malgré l’absence des clientèles étran-
cinq ans aux politiques URBAINE
gères, le tourisme à vélo n’a pas manqué sa saison en 2020. Le cyclables. »
nombre de vélos comptabilisés sur les dix itinéraires EuroVelo
qui traversent la France a progressé de 23 % lors de l’été 2020
(du 6 juillet au 30 août) par rapport à 2019, et de 21 % sur
l’ensemble de l’année hors périodes de confinement.

Pour de nombreuses collectivités, leur politique cyclable fait


un grand bond en avant en ce temps de crise sanitaire. Les l’ADEME, le Coup de pouce vélo prolongé jusqu’à fin mars
mesures mises en place font parfois gagner cinq ans aux po- 2021 ou le programme ALVEOLE porté par la FUB et Rozo, les
litiques cyclables. Même s’il est encore trop tôt pour montrer aides à l’achat d’un vélo sont autant d’occasions d’investir
le lien direct entre les aménagements installés en accéléré et massivement dans les infrastructures cyclables et les services
l’augmentation de la fréquentation cyclable, la crise semble permettant de répondre aux besoins des cyclistes. Maillage
avoir un effet de catalyseur. d’un réseau cyclable continu, jalonné et sécurisé, développe-
ment du stationnement sécurisé, embarquement des vélos
Quels leviers pour maintenir l’élan ? dans les trains et les cars et création d’un véritable système
vélo doivent être au cœur des échanges avec les collectivités
Si l’année 2020 était très singulière et pleine d’incertitudes, pour maintenir cet élan cyclable.
elle a fait le plein d’annonces pour inscrire la progression de
la pratique du vélo dans la durée. Côté financements, il n’y a
jamais eu autant de dispositifs disponibles pour le dévelop-
pement du vélo. Le plan de relance, en lien avec les contrats Pour en savoir plus : Suivi de la fréquentation vélo en 2020
de plan État-Région, les 200 millions d’euros supplémentaires https://www.velo-territoires.org/observatoires/plateforme-
du fonds mobilités actives, le programme AVELO2 porté par

© @okai_co Unsplash
nationale-de-frequentation

Les engins de déplacement personnel (EDP) viennent bousculer


la mobilité urbaine. Qu’il s’agisse de trottinette, de gyroroue, de
skateboard, ces modes individuels légers permettent de parcourir
quelques kilomètres et éventuellement de pratiquer l’intermodalité.
L’objectif de cet article est de faire un point sur la connaissance
actuelle des pratiques de micromobilité et d’estimer l’impact à terme
du développement de ces « nouveaux » modes.

Mathieu Rabaud,
directeur de projets Connaissance et Analyse
de la Mobilité, Cerema
linkedin.com/in/mathieu-rabaud-053394173

Cyprien Richer,
chargé de recherche Géographie, urbanisme
et mobilités, Cerema
linkedin.com/in/cyprien-richer-a65553162

58 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 59
51 % DES UTILISATEURS
DE TROTTINETTES
Nous proposons une classification, en croisant deux dimen-
sions essentielles de ces engins : le poids et la vitesse (figure
Vitesse
45 km/h
Poids
de l’engin 0 kg
moins de 15 kg
prêt à embarquer
15 kg
de 15 kg à 40 kg
possible à embarquer
40 kg
plus de 40 kg
difficile à embarquer
80 kg

1). L’enjeu est aussi de replacer ces modes « nouveaux » par *


sont des habitants des villes centres. rapport à la diversité des cycles. assistance ou * circulation interdite
motorisation en France (décret 23 oct. 2019)
Concernant le poids, nous pouvons distinguer les mo-
des facilement embarquables (moins de 15 kg) et ceux électrique
plus de 25 km/h *
plus difficiles à embarquer.
Concernant la vitesse, on retiendra le seuil réglemen-
La ville du futur sera nécessairement multimodale. La vision taire de 25 km/h pour les engins motorisés, sachant qu’il
25 km/h
binaire du report modal « de la voiture aux transports collec- est techniquement possible de le dépasser.
tifs » semble avoir fait son temps à mesure que la diversité
modale s’accroît par hybridation, (ré)invention, innovation Nous nous focalisons sur les modes dont le poids du véhicule
(servicielle plus que technique) comme l’observe le pros- est inférieur à 40 kg et dont la vitesse maximale est inférieure assistance ou
pectiviste Georges Amar1. Ainsi, les politiques publiques à 25 km/h. Ces engins présentent plusieurs caractéristiques : motorisation
se penchent plus activement sur le « cocktail » de mobilité individuels, ils permettent des déplacements de porte électrique
pour trouver des alternatives à l’autosolisme2. Cependant, à porte sans contrainte horaire ; moins de 25 km/h
la connaissance de certaines pratiques de déplacement privés ou partagés, c’est un marché qui est en plein
comme celles liées aux engins de déplacement personnel développement6, à travers différentes formes de com-
(EDP) est encore très limitée3. Quelles mobilités génèrent-ils mercialisation ou de services ;
ou remplacent-ils ? Est-ce un effet de mode ou le début d’un légers, ils sont « embarquables » dans les transports col-
véritable bouleversement4 ? lectifs ou dans une voiture et peuvent ainsi être utilisés sans motorisation
en pré et/ou post-acheminement dans une chaîne de
EDP, micromobilité, de quoi parle-t-on ? déplacements ;
souvent motorisés, ils sont en capacité d’augmenter la
Motorisé ou non, le décret du 23 octobre 2019 définit un vitesse des métriques piétonnes. Non motorisé
EDP comme « un véhicule sans place assise, conçu et construit Assistance électrique
pour le déplacement d’une seule personne et dépourvu de Les enquêtes mobilité certifiées Cerema pour Motorisé
tout aménagement destiné au transport de marchandises, caractériser les micromobilités
équipé d’un moteur non thermique ou d’une assistance non
Modes actifs
thermique et dont la vitesse maximale par construction est En exploitant une quarantaine d’enquêtes mobilité certifiées
supérieure à 6 km/h et ne dépasse pas 25 km/h ». Pour dési- Cerema (EMC²) réalisées sur la période 2015-2019, nous re- Réalisation
EDP/ Engin de déplacement personnel (selon décret 23 oct. 2019)
gner les trottinettes, gyroroues, overboards, skateboards, les censons 364 utilisateurs d’engins de déplacements person- Cyprien Richer
et Mathieu Rabaud
professionnels utilisent le terme de micromobilité5. nalisés de plus de 15 ans et 904 trajets. Nous avons décidé Véhicules électriques légers (selon Hyvönen, Repo et Lammi, 2016) Cerema Esprim (2021)

Figure 1 : périmètre de la micromobilité

d’exclure les moins de 15 ans de nos analyses, afin de nous 1. Homo mobilis, le nouvel âge de la mobilité, Paris, FP Éditions, 2016.
concentrer sur les déplacements « utilitaires ». Un utilisateur 2. L’autosolisme consiste en l’utilisation d’une voiture particulière par le
seul conducteur, sans passager.
est une personne ayant utilisé au moins une fois le mode 3. Signalons les travaux de 6t sur les services de trottinettes électriques
considéré au cours d’une période de 24 heures. Notons que en free floating en France (2019) https://6-t.co/trottinettes-freefloating/ ou
dans ces enquêtes, nous considérons le mode « rollers, skate, le projet de recherche ANR « URFé » (aménagement de l’espace urbain et
mobilités à faible impact environnemental) qui a débuté en 2021 https://
trottinette » sans savoir s’il s’agit vraiment d’EDP et s’ils sont lma.univ-gustave-eiffel.fr/linstitut/ts2/laboratoires/lma-ifsttar/contrats-et-
motorisés ou non. En revanche, il n’y a pas de trajets réalisés projets-de-recherche-en-cours/projet-urfe
4. Voir les travaux de 15 marches, notamment le « Manifeste pour les
en free floating ; dans nos données, il s’agit donc exclusive- micromobilités » https://15marches.fr/non-classe/manifeste-pour-les-
ment d’engins privés et vraisemblablement très majoritaire- micromobilites
ment de trottinettes. Cet échantillon restreint permet une 5. Cf. Fédération des professionnels de la micromobilité https://fpmm.fr
6. La Fédération des professionnels de la micromobilité annonce qu’il s’est
première analyse des caractéristiques des mobilités « EDP ». vendu 640 000 trottinettes électriques en 2020. Un chiffre qui dépasse
les ventes de vélos à assistance électrique (VAE), pourtant également en
Nous mettons en perspective les EDP avec la marche, le vélo croissance (514 000 VAE vendus en France en 2020). Le marché potentiel
de ces modes et plus largement de l’ensemble de la « micromobilité »
personnel et le vélo en libre-service (VLS). Cette analyse per- est estimé par le cabinet de conseil McKinsey & Company à au moins
met d’avancer trois grands types de résultats sur le profil so- 100 milliards de dollars en Europe en 2030 (plus de 300 milliards de dollars
au niveau mondial).
ciodémographique des utilisateurs, sur les caractéristiques 7. Il serait intéressant dans des travaux complémentaires de pouvoir
des trajets et sur les déplacements intermodaux. distinguer les EDP motorisés ou non sur la question de la portée des trajets.

60 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 61
6

LÉMAN EXPRESS :
UN NOUVEAU SERVICE
FERROVIAIRE POUR
LE GRAND GENÈVE
Figure 2 : quelques caractéristiques des modes individuels légers (source : EMC² Cerema)

« La micromobilité est donc majeur : le temps de marche pour rejoindre une station, es-
timé à près de cinq minutes en moyenne. Ainsi, la trottinette
un enjeu pour toute la chaîne personnelle a des caractéristiques proches des modes en
libre-service avec une spécificité « porte-à-porte » comme
de la mobilité urbaine. » le vélo personnel (disponibilité immédiate).

Les EDP disposent ainsi d’un réel potentiel pour augmenter la


portée de rabattement (distance x2, vitesse x3 par rapport à
la marche) grâce à sa facilité d’embarquement. La micromo-
Les EDP, modes « intermédiaires » entre marche et vélo bilité est donc un enjeu pour toute la chaîne de la mobilité
Les EDP, comme le vélo et les VLS, sont beaucoup utilisés urbaine : elle ouvre la perspective de redéfinir l’organisation
pour les déplacements vers les lieux de travail ou d’études des transports collectifs avec des aires de chalandise plus
(24 à 30 % des déplacements), davantage que la moyenne larges et elle apparaît comme une solution d’accompagne-
(19 %, tous modes de déplacements confondus). La portée ment de mesures visant à diminuer notre dépendance à l’au-
médiane des trajets est légèrement inférieure au vélo (1 km tomobile. Certes, les EDP électriques ne sont pas des modes
pour la trottinette contre 1,4 km pour le vélo privé et partagé) actifs et de ce fait apportent moins de bénéfices en termes

© Laurent Guihéry
mais bien plus élevée qu’à pied (580 m). Via le 85e centile, on de santé. Cependant, s’ils permettent de réduire l’usage de
note une propension à faire de longs trajets moins élevés en l’automobile, alors il peut s’agir d’un levier complémentaire
EDP (85 % des trajets EDP font moins de 2,4 km) qu’en VLS pour les politiques publiques.
(2,7 km) et surtout qu’à vélo (3,6 km). Ces résultats confir-
ment l’intuition que la portée des trajets en trottinette se
positionne entre la marche et le vélo7.
Opérationnel depuis fin 2019, un nouveau service régional ferroviaire
La trottinette, un mode très intermodal Le profil sociodémographique des cadencé dessert Genève, le Canton de Vaud mais surtout Annemasse
Les résultats portent à croire que le potentiel intermodal de la utilisateurs d’EDP et les départements français limitrophes (Ain, Haute-Savoie). Ce
micromobilité est important. On dénombre une proportion Les usagers de la trottinette, à l’image de ceux qui service offre une alternative modale crédible pour répondre à la forte
très élevée de déplacements intermodaux lorsqu’il y a un tra- utilisent le vélo, sont à plus de 60 % des hommes.
demande de mobilité pendulaire des Français travaillant à Genève… et
jet en trottinette : ainsi 28 % des déplacements comportant Parmi les modes étudiés, ce sont aussi les plus
de la trottinette sont intermodaux contre 18 % pour les VLS, jeunes avec 41 % d’usagers entre 15 et 25 ans, dans
aux dommages environnementaux qui en résultent. Le Léman Express
5 % pour les vélos privés et 3 % pour l’ensemble des dépla- des proportions similaires aux usagers de VLS, pourra-t-il répondre à ce défi d’une forte croissance des mobilités ?
cements. Le vélo est surtout associé au train (57 % pour les contre 27 % pour le vélo et 23 % en moyenne dans Permettra-t-il de repositionner Genève comme une grande métropole
intermodalités vélo-train contre 17 % pour vélo-TC urbains) la population considérée. Autre indicateur sur les européenne ?
tandis que les VLS (42 %) et trottinette (49 %) se combinent utilisateurs de trottinettes : ils sont principalement
essentiellement avec les transports collectifs urbains ; une habitants des villes centres (51 %), mais moins que
donnée à rapprocher de la proportion d’abonnés aux réseaux pour les VLS (64 %). Les usagers des EDP et du VLS Laurent Guihéry,
de transports urbains plus importante chez les usagers du sont davantage abonnés aux transports collectifs professeur, CY Cergy Paris Université
VLS et de la trottinette. urbains (45 %) que la moyenne des habitants linkedin.com/in/laurent-guihéry-93581a70
(22 %), à l’inverse des usagers du vélo (18 %). Les
La micromobilité composante clé du système caractéristiques des utilisateurs de trottinettes
de mobilité urbaine ? ont un profil très proche de ceux qui empruntent
Ces analyses de la mobilité EDP laissent entrevoir un potentiel un VLS : de jeunes hommes, urbains et abonnés
intermodal très élevé. Si elle apparaît proche des VLS, il n’en TC, ce qui laisse entrevoir un comportement très
demeure pas moins que la trottinette évite un inconvénient multimodal.

62 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 63
460
MILLIONS D’EUROS
Les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF)
et la Région Auvergne-Rhône-Alpes ont
investi près de 460 millions d’euros dans
Genève occupe une position singulière au bord du lac Lé- le matériel roulant.
man : 110 km de frontière avec la France qui l’entoure, mais
seulement 4 km avec le canton de Vaud qui permettent de
la rattacher à la Confédération helvétique. Partant de cette
configuration particulière, la place de Genève dans l’Europe
reste centrale : siège historique de la Société des Nations
(SDN), elle reste aujourd’hui un lieu d’échanges diploma- Les mobilités en voiture particulière, surtout d’ailleurs carac-
tiques, de conventions et accueille encore de nombreuses térisées par l’autosolisme, sont très majoritaires dans une ville
organisations internationales (OMC, BIT, CERN, HCR1…). On qui pendant longtemps s’est donnée à la voiture : ce n’est pas
évalue le poids de ces organisations internationales à près par hasard que Genève accueille à un rythme annuel le grand
de 11 % du PIB soit 1 emploi sur 10 environ. Mais qu’en est-il salon international de l’automobile, qui a fêté son centenaire
de son ancrage local, de son lien avec les territoires qui l’en- en 2005. La ville connaît une très forte congestion dans ses
vironnent, de son développement à long terme face à un différents accès, en particulier pour le passage des frontières,
espace contraint, car la Suisse protège fortement ses espaces ce qui entraîne des nuisances environnementales et fait de
ruraux et agricoles ? Et comment gérer les flux pendulaires Genève une des villes les plus touchées par la pollution auto-
qui alimentent un dynamisme économique genevois avéré ? mobile. Aux problèmes de congestion et de nuisances — pol-
lution, bruit, insécurité routière — s’ajoutent des difficultés
Chaque jour, 630 000 déplacements ont lieu (surtout pendu- de stationnement dans un espace public très contraint. France). Le bassin d’emploi couvre environ un million d’ha- L’entrée en service du Léman Express devrait permettre une
laires) autour de Genève, entre la France et la Suisse (65 %), Comment sortir de ce cercle vicieux ? bitants sur plus 2 000 km2 : sur ce territoire, un Français sur diminution du trafic motorisé de 12 %, ce qui est énorme.
mais aussi entre le canton de Vaud et le canton de Genève deux travaille à Genève. Malgré quelques difficultés d’exploitation dues à des goulots
(35 %). La part modale globale des transports publics aux La construction du Grand Genève et un projet d’étranglement sur le réseau régional SNCF vieillissant et des
frontières cantonales est proche de 14 % en 2018. Pour les ferroviaire phare : le Léman Express Une réponse à ces défis s’est concrétisée le 15 décembre 2019 problèmes de recrutement sous contrainte de pandémie, le
actifs habitant en France et travaillant dans le canton de Ge- avec la mise en service d’un grand réseau ferroviaire métropoli- Léman Express a trouvé son public, avec 45 000 voyageurs
nève, 80 % des déplacements s’effectuent en voiture, 13 % en Pour faire face à ces défis, une organisation transnationale a tain, le Léman Express. D’emblée, montrons son impact sur les début mars 2020, ce qui est proche de l’objectif fixé à 50 000/
transport en commun et 7 % en deux roues (2014). vu le jour : le Grand Genève qui regroupe, selon l’INSEE, 189 mobilités : Genève-Annemasse en 22 minutes, contre plus de jour (Le Dauphiné, juin 2020). Ainsi ce service ferroviaire per-
communes en France et en Suisse (canton de Genève, com- 50 minutes auparavant. Ce projet n’est pas nouveau puisqu’il met d’abord aux Français titulaires d’un permis frontalier de
munes du canton de Vaud et des départements de l’Ain et remonte au XIXe siècle, avec un barreau manquant entre le rejoindre leur lieu de travail en Suisse… même si Annemasse
de la Haute-Savoie)2. Un schéma prospectif d‘agglomération réseau ferroviaire français et la Suisse. Ce sont en tout 230 km parie sur l’essor du tourisme avec un centre d’accueil et une
a donné un cadre au développement partagé entre tous les de lignes ferroviaires en Suisse et en Auvergne-Rhône-Alpes, maison des mobilités bienvenue. Mais que ferait Genève sans
territoires. Au centre de ce schéma se place la question des avec un axe central en tunnel de 16 km, dont 2 km en France ces salariés ? 6 % des employés du centre hospitalier univer-
mobilités pendulaires entre France et Genève, car, côté fran- débouchant à la gare d’Annemasse qui ont été modernisés, sitaire vaudois sont de nationalité française. La Compagnie
« L’infrastructure et la mise çais, cette région d’Auvergne Rhône-Alpes attire une popu- comme les espaces environnants. Un service ferroviaire caden- générale de navigation sur le lac Léman emploie 20 % de

en service opérationnelle lation de plus en plus nombreuse (+ 37 % entre 1990 et 2014,


soit un peu plus de trois fois la croissance démographique en
cé s’arrête dans 45 gares en France et en Suisse (dont 4 gares
nouvelles souterraines dans Genève), ce qui a permis à la Ville
Français dans ses effectifs.

ont été ouvertes au public de lancer de nombreux projets d’aménagements urbains et


d’habitat, avec un terminus actuel à la gare de Coppet, tout
Financement et perspectives
Le financement du Léman Express se fonde sur une conven-
le jour prévu, sans retard, FRANCE
Part modale des transports publics pour
les flux transfrontaliers vers Genève
près du château de Germaine de Staël. C’est à ce jour le plus tion franco-suisse qui a deux mérites : d’une part, il n’y a pas
grand réseau ferroviaire transfrontalier d’Europe. eu de dépassement de coût par rapport au budget initial. Et
soit le 15 décembre 2019. Côté Annemasse 15 % plus important encore, l’infrastructure et la mise en service

Une prouesse de ce point


Côté matériels roulants, 40 trains flambant neufs et confor- opérationnelle ont été ouvertes au public le jour prévu, sans
Côté Ain 8 % tables nous ramènent à la frontière puisque Alstom, côté retard, soit le 15 décembre 2019. Une prouesse de ce point
de vue et… une marque Côté Saint-Julien-
en-Genevois
3 %
français, a produit les 17 rames françaises pour 210 millions
d’euros et Stadler, côté suisse, a produit les 23 rames suisses.
de vue et… une marque de fabrique suisse !

de fabrique suisse ! » Côté Chablais 2 %


Les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) et la Région Au-
vergne-Rhône-Alpes ont ainsi investi près de 460 millions 1. Respectivement Organisation mondiale du commerce, Bureau
international du travail, Organisation européenne pour la recherche
Part modale des transports publics pour d’euros dans le matériel roulant. Le service ferroviaire est nucléaire, Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
SUISSE
les flux transfrontaliers vers Genève cadencé avec une forte fréquence, par exemple au départ 2. Plus précisément : canton de Genève, le district de Nyon et le pôle
d’Annemasse, mais aussi des autres grands pôles du Grand métropolitain du Genevois français avec les communautés de communes
Canton de Vaud 33 % du Pays Bellegardien, du Genevois, de l’Arve et Salève, du Pays Rochois,
Genève, ce qui pose de redoutables difficultés d’exploitation de Faucigny-Glières, du pays de Gex et les communautés d’agglomération
Source : annuaire statistique des transports, Office cantonal en cas d’incidents. d’Annemasse et de Thonon Agglomération.
des transports (OCT), Genève, 2019.

64 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 65
« Le réseau du Léman 7
express n’est qu’une étape
pour Genève sur la route LE TRAMWAY :
d’une reconquête de sa place
naturelle comme métropole
reste est à la charge de la Confédération. Ces financements
ont évidemment été validés par des votations (un vote réfé-
UN OUTIL D’AMÉNAGEMENT
européenne de premier
rendaire le 29 novembre 2009, très classique dans le fédéra-
lisme suisse, et validé à plus de 61 %). URBAIN BAS CARBONE
rang. » Les grèves SNCF au début de l’année 2020 ont impacté le
service. Ce fut une grande surprise côté suisse de voir des
trains supprimés sur l’affichage des correspondances, en gare
de Genève-Cornavin : une expérience rare pour les Suisses,
peu habitués à des retards ou à des interruptions de service.
Précisons tout d’abord que le financement du cœur de l’in-
frastructure, à savoir la liaison Cornavin–Eaux-Vives–Anne- Vers des adaptations institutionnelles ?
masse (ligne CEVA), a été majoritairement apporté par la Et l’avenir ? La nouvelle configuration des mobilités dans le
Suisse, la France ne prenant à sa charge que les 2,5 km sur Grand Genève entraîne-t-elle des adaptations institution-
son territoire. Ces 2,5 km de CEVA ont coûté 234 millions nelles, par exemple du côté français ? Certains signes en
d’euros (construction de l’ouvrage et restructuration de dif- témoignent : ainsi, au 1er janvier 2019, une fusion de com-
férentes gares). Le financement vient de différents acteurs : munes importante a été actée entre les communes de Belle-
l’État français (45 millions), la Région Auvergne Rhône-Alpes garde-sur-Valserine, Châtillon-en-Michaille et Lancrans qui
(55 millions), le département de la Haute-Savoie (65 millions), deviennent Valserhône (16 500 habitants environ). Ces com-
l’agglomération d’Annemasse (11,75 millions) ou encore six munes appartiennent au Grand Genève et sont distantes de
communautés de communes ainsi que l’Union européenne 30 km de Genève et de 15 km de la frontière franco-suisse. La
(1 million). Côté suisse, le coût du projet s’établit à 1,567 mil- ligne L6 du Léman Express relie en effet Bellegarde et Genève
liard de francs : 44 % sont investis par l’État de Genève et le Cornavin. À la mi-décembre 2020, une convention relative à
la communauté tarifaire du Léman Express a été signée entre
Valserhône — et son réseau de transport Mobi’Vals — et le
Léman Express pour une intégration tarifaire transfrontalière
plus poussée : les charges d’investissement sont partagées à
50 % entre le canton de Genève et les autorités organisatrices
françaises, la part de Valserhône s’élevant à 2,13 %. De même,
une répartition des charges de fonctionnement a été vali-
dée : Valserhône devra participer à hauteur de 3 300 à 4 748 €
par an au dispositif jusqu’en 2024. Le maire de Valserhône ob-
serve avec attention cette intégration tarifaire : « Ce qui est
intéressant dans ce système, c’est que nous entrons de plus
en plus dans cette mutualisation transfrontalière » (Régis Pe-
tit, interview Le Dauphiné, 17/12/2020). Tout un programme ? À ce jour, 29 agglomérations sont équipées de tramways, une dizaine
de lignes font l’objet de travaux (construction ou prolongement)
Quelles perspectives à long terme ? et une trentaine sont en projet. Si ce transport en commun est de
Le réseau du Léman Express n’est qu’une étape pour Genève plus en plus plébiscité, réaliser un projet de tramway, ce n’est pas
sur la route d’une reconquête de sa place naturelle comme
qu’apporter des rails, c’est procéder à une véritable métamorphose
métropole européenne de premier rang. Une votation en
février 2014, à une large majorité, a permis de mettre sur pied urbaine. Constructeur des réseaux de transport urbain en France,
un fonds d’investissement ferroviaire (FIAF) qui va permettre Eurovia bénéficie d’une solide expérience sur les tramways.
de renforcer les synergies du réseau ferroviaire du Grand Ge-
nève. Ainsi les prévisions de trafic côté suisse, entre Lausanne Pierre Monlucq,
et Genève indiquent qu’il pourrait passer de 50 000 voyages directeur marketing stratégique chez Eurovia
par jour en 2010 à près de 100 000 en 2030, ce qui devrait linkedin.com/in/pierre-monlucq-6b446ab8
amener un cadencement du Léman Express au quart d’heure
et des liaisons vers le canton de Vaud avec un doublement
prévu des places assises. La gare de Genève, comme celle
de Renens, devrait connaître de larges aménagements, en
particulier une extension souterraine pour Genève-Cornavin.
Ces perspectives devraient donner matière à réflexion pour
Lyon, capitale régionale, mais aussi Annecy, Chambéry et
Grenoble pour se positionner dans la nouvelle donne des
métropoles européennes.

66 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 67
AGGLOMÉRATIONS
29
en France, sont équipées de tramways.
BREST

RENNES
CAEN
LE HAVRE

ORLÉANS
LILLE

VALENCIENNE

STRASBOURG

TOURS

NANTES DIJON
BESANÇON

LYON

CLERMONT FERRAND

SAINT-ÉTIENNE
GRENOBLE

BORDEAUX

NICE

MONTPELLIER

AUBAGNE

TOULOUSE

MARSEILLE

Une étude menée par Alstom et Carbone 4 en 2016 a dé- 1

montré la meilleure performance carbone du tramway face


aux bus à haut niveau de service (BHNS). Tramways sur la construction
Hors vélo, le tramway est le mode de transport urbain le plus desquels Eurovia et ETF sont intervenus
écologique : une seule rame transporte à elle seule autant de
passagers que 170 voitures. Et contrairement à la voiture, il
permet l’intermodalité, essentielle dans les villes modernes
qui ne cessent de s’étendre : là où la voiture nécessite une
place de parking, le tramway s’inscrit dans une offre com-
plète permettant de mixer marche, vélo, trottinette et offres
de transports en commun. Une offre d’autant plus intéres-
sante pour les usagers qu’un abonnement d’un an revient
environ 17 fois moins cher que l’usage d’une voiture2.
Aujourd’hui, les projets en France concernent les villes de
50 000 à 200 000 habitants souhaitant une nouvelle ligne de
tramway et les agglomérations souhaitant étendre les lignes
de tramway existantes.
Trouver le bon partenaire pour accompagner le projet de A
à Z est capital.

Eurovia et ETF, 35 ans de tramway


Tramway réalisé par Eurovia, à Caen
Depuis 1985, Eurovia et ETF, sa filiale ferroviaire, participent
à la renaissance et à l’extension des tramways dans les plus Réalisation Eurovia, à Saint-Étienne
grandes villes et conurbations françaises : Paris (et Grand Paris),
Aubagne, Besançon, Bordeaux, Brest, Caen, Clermont-Ferrand,
Dijon, Grenoble, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, 1. Différencier les structures de la voie selon leur situa- etc.). C’est un véritable ouvrage dans les projets de tramway
Nantes, Nice, Orléans, Rennes, Saint-Étienne, Strasbourg, Tou- tion en ville classique. Son véritable besoin peut être si nécessaire réduit
louse, Tours, Valenciennes. Parmi les chantiers les plus récents Les infrastructures de voies doivent être adaptées aux dif- à deux fourreaux calés dans le béton de bordure du gabarit
et les plus structurants : le T3b (petite couronne nord-est de férentes configurations rencontrées, pour lier le choix de limite d’obstacle (GLO), de part et d’autre de la plateforme
Paris), le T9 (Paris – Orly) et le T10 (Croix-de-Berny – Clamart) en l’infrastructure à son emplacement géographique — hy- (quand l’ancien modèle en proposait beaucoup plus).
Île-de-France, ainsi que les tramways de Nice, Caen et Saint- percentre (plateforme béton flottante en rail bas), centre
Étienne. Ces contrats démontrent la complémentarité des (plateforme béton en rail bas) ou périphérie (plateforme en 3. Intégrer la voie au trafic et mieux cohabiter avec les
activités d’Eurovia et sa capacité à proposer une offre globale voie végétalisée ballast). autres moyens de transport
en matière de solutions de mobilité. La structure réduite a donc moins d’impact sur les réseaux Dans la ville, le tramway traverse des espaces variés : centre-
concessionnaires. ville très passant avec peu d’espace, périphérie moins ur-
Un aménagement urbain de façade à façade banisée… Il est logique d’adapter la voirie à l’espace qu’elle
Réalisation d’une plateforme béton en rail bas
2. Recourir à des solutions ingénieuses pour diminuer parcourt. Grâce à son expertise en matière de voirie, Eurovia
Réaliser un projet de tramway, ce n’est pas qu’apporter des notre empreinte dans le sol conçoit la réalisation du tramway comme un vrai projet ur-
rails, c’est apporter une véritable métamorphose urbaine. les métiers de la voirie, du génie civil ferroviaire, de la caté- Deux techniques permettent de limiter sensiblement les bain. Le tramway est mieux intégré à la cité et le budget de
Les collectivités demandent des projets globaux contribuant naire, de la distribution d’énergie et de la signalisation (fer- coûts et de réduire l’impact des travaux pour les riverains. construction optimisé pour plus d’agrément.
à rénover la ville. Voies ferrées, chaussées, réseaux, trottoirs, roviaire ou horizontale). Le savoir-faire d’Eurovia englobe la L’objectif est de limiter le décaissement par l’usage de tech-
mobilier urbain, espaces verts… c’est tout l’environnement conception du projet jusqu’à la réalisation et la maintenance, niques plus légères et proches des besoins d’exploitation. 4. Utiliser des solutions discrètes et intelligentes pour le
urbain qui est aménagé, harmonisé, embelli. couvrant ainsi l’ensemble des étapes de construction et de Tout d’abord le rail bas. En effet, le rail classique nécessite transport de l’énergie tout au long du tracé
vie des infrastructures. de libérer en moyenne 60 cm en sous-sol. Le nouveau rail Transporter l’énergie au sein du réseau tramway nécessite
Des compétences multimétiers bas, quant à lui, ne demande que 42 cm (à +/- 2 cm selon la une infrastructure particulière. Deux techniques permettent
En accompagnant ses clients dans la conception et la position dans la ville). Cette différence est essentielle, car elle
Eurovia propose des solutions techniques et économiques construction d’un projet urbain adapté, Eurovia vise à opti- évite dans certains cas de réaliser des travaux de dévoiement.
1. http://www.carbone4.com/alstom-carbone-4-ont-compare-lempreinte-
optimisant l’organisation des travaux et minimisant la gêne miser la performance du système de transport choisi via huit Ensuite la multitubulaire, qui permet de faire circuler les carbone-tramways-bus-ahaut-niveau-de-service
pour les riverains. Cette large palette de compétences couvre domaines d’expertise. câbles au sein du réseau tramway (électricité, télécoms, 2. Source : macop21.fr

68 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 69
8
d’optimiser les travaux pour minimiser les coûts sans modifier
les fonctionnalités.
SUPRAWAYS :
Tout d’abord les shelters. Sur des projets de tramway clas-
sique, les sous-stations d’énergie sont volumineuses, lourdes
LE TRANSPORT AÉRIEN
et coûteuses. Mais il existe des sous-stations dites « shelters ».
Ce sont des containers préfabriqués. DU FUTUR CONTRE
Ensuite, les poteaux caténaires. Eurovia propose de simpli-
fier la construction des poteaux des caténaires en les fixant L’ENGORGEMENT EN VILLE
directement à la voie. Cette technique évite de construire
les nombreux massifs de béton nécessaires habituellement
sur une seule ligne.
Des économies sont réalisées sur deux aspects. D’abord, la
matière première est moins coûteuse, car les massifs béton Tramway à Toulouse
sont moins volumineux. De plus, l’emprise réduite de ces
nouveaux massifs engendre une simplification des travaux.
« Plus tôt commence
5. Calibrer la taille du centre de maintenance en fonc-
tion des besoins du réseau tramway la réflexion commune de
Dans une logique d’économie, nous concevons un centre de
maintenance aux dimensions adaptées. Ce nouveau modèle
conception entre les maîtres
condensé joue ni plus ni moins le rôle technique qui le rend in- d’œuvre et d’ouvrage et le
dispensable.
Le centre de maintenance regroupe sur sa parcelle les voies d’ac- constructeur, meilleure sera
cès au site et les voies de remisage, une station de lavage et son
local technique, une station sable ou station-service, un bâtiment l’adaptation possible des
de maintenance, quatre voies de maintenance (une d’accès au
toit, une sur fosse, une avec levage, une avec tour en fosse).
infrastructures et donc
Ce nouveau centre dispose donc de fonctionnalités préservées, des modes de transport. »
pour un foncier nécessaire réduit à 20 000 m². C’est un modèle
de rationalisation, adapté à tous les réseaux de tramway.

6. Simplifier et rationaliser la signalisation du tramway


Les systèmes de signalisation du tramway nécessitent des sys-

© Supraways
tèmes d’information et des constructions complexes. Nous 8. Mettre la conception-construction au service des ac-
préconisons de les rationaliser en garantissant le même ni- teurs de la ville
veau de sécurité et de service. La conception-construction, c’est l’art et la manière de me-
D’un côté la signalisation routière : elle permet au tramway ner un projet intégré. Pour le constructeur, c’est l’occasion de
de circuler en sécurité avec les voitures et les piétons. Elle est gérer toutes les interfaces des différents métiers nécessaires Les villes et agglomérations croissent inexorablement et atteignent
réglementée et ne peut être modifiée. La priorité est donnée à la réalisation du projet de tramway. tous les ans des records de congestion et de pollution. Le manque
au tramway au niveau des intersections. C’est optimiser la phase amont, des études d’avant-projet d’espace est de plus en plus prégnant et complexifie l’organisation
D’un autre côté, la signalisation ferroviaire : les codes de la aux études d’exécution. Les infrastructures de transport de la mobilité urbaine, essentiellement déployée au niveau du sol.
signalisation ferroviaire assurent un niveau de défaillance de constituent un patrimoine commun qu’il nous appartient,
En conséquence, les coûts augmentent et les conflits d’usage se
10-14 incidents par heure. Il existe deux modes de fonction- ensemble, avec nos agences et filiales déployées localement,
nement pour la signalisation ferroviaire : le mode normal de pérenniser et de développer. multiplient. L’exploitation des couloirs aériens urbains (routiers,
(appliqué dans la majeure partie des cas) et le mode dégra- La conception intégrée du projet vise à optimiser la gestion ferroviaires ou fluviaux), avec une offre de transport durable et à
dé. Celui-ci entre en vigueur de façon exceptionnelle, en cas de toutes les interfaces métier, ce qui favorise la préserva- haut niveau de service, garantirait à l’usager fluidité et vitesse, tout
d’incident (panne, etc.) obligeant les trains à manœuvrer de tion des infrastructures existantes ainsi que la réduction de en permettant à la ville de réorganiser et d’optimiser son espace.
manière inhabituelle à l’approche du dépôt. Afin de réduire l’empreinte carbone. Supraways a cette ambition de faire circuler des véhicules électriques,
les coûts sans risque sur la sécurité, les communications en Ainsi, Eurovia propose des projets « clé en main », multidis-
ligne servant au retournement en mode de service dégradé ciplinaires, intégrant les marchés de fourniture, de construc-
autonomes et partagés au-dessus de l’espace public.
ne sont pas équipées de signalisation ferroviaire. Ces signa- tion de voies de tramway, mais encore de lignes aériennes
lisations sont remplacées par des consignes d’exploitation. de contact — projets qui peuvent être étendus à l’étude, la Claude Escala
coordination (ordonnancement-pilotage-coordination), la président fondateur de Supraways
7. Distinguer le choix du matériel roulant du projet urbain garantie et la maintenance. linkedin.com/in/claude-escala-66268411
Nous avons conçu des plateformes voie compatibles avec Plus tôt commence la réflexion commune de conception
tout matériel roulant (Bombardier, Alstom, CAF, Staedler, entre les maîtres d’œuvre et d’ouvrage et le constructeur,
etc.), d’écartement standard (UIC de 1,435 m) et de charge à meilleure sera l’adaptation possible des infrastructures et
l’essieu courante sur le marché (11 à 13 t). donc des modes de transport.

70 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 71
« Supraways propose aux
métropoles de construire des
parcs relais aux abords de la
ville et de les connecter au réseau
urbain Supraways pour former
un vrai rempart à la voiture. »

Les Supras, cabines autonomes de sept à neuf places cir-


culent sous une infrastructure discrète, composée d’un rail
de guidage supporté par des piliers. Se déplaçant en toute
sécurité au-dessus de l’espace urbain, les Supras sont libérés
du trafic et de la congestion. Ils peuvent entrer et sortir du
réseau sans gêner les autres véhicules grâce à la construction
de stations en dérivation, permettant aux passagers d’aller
d’un point A à un point B sans arrêt intermédiaire. Le réseau
Supraways vient en complément des modes de transports
en commun existants. Maillant le territoire, il offre un moyen
de rabattement et de connexion ultra-efficace vers les trans-
ports en commun lourds (métro, tramway, etc.), les aéroports
ou les gares. Grâce à leur vitesse de déplacement, les Su-
pras offrent une alternative très compétitive à la voiture et

© Supraways
Supraways propose aux métropoles de construire des parcs
relais aux abords de la ville et de les connecter au réseau
urbain Supraways pour former un vrai rempart à la voiture.

La solution innovante Supraways offre la possibilité de né- économique du démonstrateur, les gains de temps colossaux
gocier des pentes de plus de 15 % et des courbes, atouts représentant un atout majeur pour l’attractivité du territoire.
considérables pour l’insérer dans des corridors publics exis- la station de son choix. Il doit juste détenir un titre de trans- La fréquentation a été estimée à près de 6 millions d’usagers
tants. Les villes peuvent ainsi optimiser le foncier, éviter les port valide, prendre place, s’asseoir et s’attacher, conditions par an. Dynamisant l’ensemble des transports collectifs, ce
expropriations et les survols. sine qua non pour le départ du Supras. Simple, sans horaires, démonstrateur supprimera autant de voyages en voiture
Les stations relient les quartiers, les gares et parkings et for- sûr et confortable. chaque année, ce qui représente des centaines de tonnes
ment des centres d’intermodalité. Des bornes de vélos, trot- Dans un système Supraways, une personne ou un groupe a de CO2 évitées, des places de parkings en moins et une baisse
tinettes en libre-service ou navettes autonomes peuvent être la possibilité de privatiser un véhicule, comme pour un taxi, de l’accidentologie et des nuisances sonores.
organisées dans la continuité pour desservir les quartiers. moyennant un coût majoré. Il s’agit là d’un nouvel usage qui
garantit l’attractivité du service et améliore la rentabilité pour Les Supras sont des véhicules électriques partagés pilotés
La capacité de transport d’un réseau Supraways dépasse celle l’exploitant. par un système de contrôle commande. Chaque courbe est
des bus, des téléphériques ou des tramways, grâce à un es- Enfin, une attention particulière a été portée à l’accessibilité parfaitement négociée ce qui induit une écoconduite quasi
pace intervéhiculaire très court (quelques secondes) et à la des personnes à mobilité réduite, chaque Supras disposant parfaite pour le confort des passagers et pour les émissions
vitesse moyenne de 50 km/h. Ces performances reposent en d’une place dédiée pour les fauteuils roulants. de CO2. De fait, ils émettront moins de CO2 que les dernières
partie sur le développement d’un système de mobilité spé- voitures électriques : entre 0,6 et 3,5 g de CO2/passager/km
cifique breveté, qui comprend une suspension intelligente Un modèle économique compétitif en fonction du type d’énergie consommée (contre 20 g CO2/
et un système de guidage embarqué. km pour la voiture électrique).
La solution de transport public aérien Supraways représente une Malgré l’augmentation de la fréquentation, le coût des trans- bus). De plus, il est prévu de ne pas limiter le modèle d’affaires
alternative efficace et massive à la voiture. Elle restitue l’espace ports en commun est de moins en moins supporté par les aux seuls usagers : l’infrastructure pourra être mise à disposi- De plus, avec ses auvents solaires, le réseau produira une
aux citadins, aux cyclistes, aux piétons et aux commerçants. usagers. Cette tendance oblige les collectivités à accroître tion d’entreprises ou de collectivités utilisant des véhicules partie de l’énergie qu’il consomme pour fonctionner, avec
leur participation afin d’assurer l’équilibre financier des opé- adaptés pour le transport logistique. Il suffira alors de relier l’utilisation de batteries recyclées pour le stockage.
Remettre l’usager au centre des transports rateurs de transport collectif urbain (CGDD, 2018). le réseau à des hubs ou plateformes logistiques, des zones Par ailleurs, par son caractère aérien, cette technologie vise
cargos ou autres pôles de transit de marchandises comme à diminuer les ruptures des corridors écologiques des terri-
L’offre de service Supraways correspond aux attentes des Avec des coûts d’investissement inférieurs à ceux d’un les ports, les gares et les aéroports. toires, réduisant ainsi son impact sur la biodiversité.
usagers du XXIe siècle en termes de confort, de sécurité, tramway ou d’un téléphérique, de l’ordre de 8 à 12 millions
d’ergonomie et d’expérience. Pour pouvoir voyager dans le €/km, ce système s’inscrit dans ce contexte de raréfaction Un transport écologique et décarboné Les prochaines étapes
réseau, l’usager doit détenir un titre de transport virtuel. Via des financements. Par ailleurs, Supraways envisage d’at-
l’application et depuis son smartphone, il reste connecté en teindre la compétitivité de son système, notamment par la En proposant un mode de transport fiable, confortable, ra- Supraways a clôturé l’année 2020 par une levée de fonds et
temps réel au système et bénéficie d’informations, d’aide et réduction des coûts d’exploitation et la diversification de pide et à la demande, la technologie Supraways offrira un démarre 2021 sous les meilleurs auspices avec une structure
de services divers. Dans la station de départ, le voyageur in- son modèle de revenus. En effet, cette solution ne nécessite service attractif aux usagers, conduisant certains à aban- renforcée et des objectifs ambitieux :
dique sa destination via des écrans ou sur son application, est pas de conducteurs, lesquels représentent plus de 50 % des donner leur voiture au profit d’un Supras. L’étude de Saint- en 2020, un premier dossier a été conclu avec le Groupe
dirigé vers un quai où l’attend une cabine en partance pour coûts d’exploitation des transports collectifs (2/3 pour les Quentin-en-Yvelines a par exemple mis en évidence l’intérêt CNIM, groupe industriel français intervenant dans les

72 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 73
9

VÉHICULES CONNECTÉS
ET AUTONOMES :
IMPACT JURIDIQUE ET
RECOMMANDATIONS PRATIQUES

Une première expérimentation a été secteurs des hautes technologies, pour valider la fai-
étudiée à Saint-Quentin-en-Yvelines sabilité technique et industrielle du brevet Supraways
Plusieurs territoires français s’intéressent relatif à l’autoguidage sécurisé des véhicules ;
à cette solution durable : des études ont déjà en 2021, formalisation de son dossier de sécurité de
été menées sur l’axe franco-luxembourgeois, en fonctionnement, avec l’appui de la société Clearsy ;
région parisienne, en région lyonnaise, en Suisse en 2021, conclusion d’un accord avec l’entreprise BE-
ou encore à la Réunion, et des discussions sont RARD SAS pour la construction des cabines et négo-
en cours avec d’autres métropoles françaises ciation de partenariats avec différents acteurs des in-
et étrangères. Mais c’est surtout dans le dustries automobile et ferroviaire, dans une logique de
département des Yvelines (78) que Supraways codéveloppement, visant à bénéficier des meilleures
a fait une percée. Portée par une forte volonté expertises et avancées technologiques ;
publication des résultats de travaux de recherche lancés

© De Gaulle Fleurance
d’innover et de poursuivre son développement
économique, mais handicapée par une congestion en juillet 2017 (thèse CIFRE) sur la réglementation rela-
automobile croissante, l’agglomération de tive au régime juridique, réglementaire et normatif pour
Saint-Quentin-en-Yvelines espère accueillir le transport de passagers et de marchandises dans l’es-
la première expérimentation mondiale d’un pace aérien urbain. M. Ojevan, employé de Supraways
système Supraways, dès lors que la technologie conclut qu’il n’y a aucun point de blocage juridique ou
sera prête. Le site pilote reliera le REC C à la zone réglementaire pour implanter ce système de transport
industrielle d’Élancourt, soit 19 grands comptes, dans nos villes ; En France comme ailleurs, les véhicules les plus polluants sont
30 000 emplois et 45 000 habitants. construction d’un prototype à l’échelle en 2022, per- progressivement interdits à la circulation en faveur de mobilités plus
mettant de mettre au point sa technologie de guidage propres. Le véhicule connecté, quant à lui, s’est rapidement imposé
et d’attirer des partenaires et investisseurs. et poursuit son évolution en s’insérant dans une ville devenant
« intelligente », au service du bien-être et de la santé des usagers. En
Supraways prépare également l’étape d’après, celle de la
construction en 2023 d’un centre d’essais pour réaliser des permettant de nouvelles formes de partage, de collaboration et de
tests d’endurance, de résistance et de comportement des gestion de la donnée, le numérique peut être un outil puissant pour
« En proposant un mode de matériels et de l’infrastructure. Plusieurs sites d’accueil ont modifier positivement les comportements, à la fois dans les modes de
été repérés dans des territoires dont le département des Yve- production et de consommation, contribuant à une protection accrue
transport fiable, confortable, lines, la région Auvergne Rhône-Alpes, les Hauts de France, de l’environnement et à un développement plus durable.
qui soutiennent ce système afin de permettre à l’entreprise
rapide et à la demande, de mettre au point et d’homologuer sa technologie.
la technologie Supraways De plus en plus de territoires et d’industriels s’intéressent à
l’entreprise Supraways, dont l’innovation apparaît comme
Agnès Macaire et Cécile Théard-Jallu,
avocats – associées, Société d’avocats De Gaulle Fleurance & Associés
offrira un service attractif très prometteuse pour décarboner la mobilité urbaine et
lutter efficacement contre la congestion, dès 2025.
linkedin.com/in/agnès-macaire-32650926
linkedin.com/in/cécile-théard-jallu-35830a10
aux usagers. »
http://www.supraways.com/ Sophie Weill,
avocat – Senior counsel, Société d’avocats De Gaulle Fleurance & Associés
linkedin.com/in/sophie-weill-8268b9130

74 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 75
138
MESURES D’APPLICATION
68 ordonnances et 17 rapports
.
parmi lesquelles l’intervention humaine à permettre dans la
prise de décision adossée à un droit d’opposition et autres
garanties du RGPD.
L’adoption du cadre juridique relatif aux données des sys-
tèmes d’automatisation est attendue, avec impatience, pour
En matière de VA, plus de 50 pays dont les États membres de la fin 2021.
l’UE, le Japon et la Corée du Sud, ont adopté le 25 juin 2020 à
l’ONU un règlement contraignant incluant la présence obliga- Ceci fait écho aux débats éthiques en matière d’IA et à la
toire d’une boîte noire8. Il est entré en vigueur en 2021 et bien question de l’autonomie de l’homme et de son contrôle sur la
que les États-Unis ne fassent pas partie du Forum mondial, machine. Cette garantie humaine, désormais introduite dans
leurs constructeurs automobiles devront s’y conformer pour le droit français de la santé par la loi bioéthique n° 2021-1017
vendre leurs véhicules à l’étranger. du 2 août 2021, est également légitime pour les VA et consti-
tue l’un des piliers de la politique européenne de développe-
La valorisation des projets par la data et l’intelligence ment de l’IA. Elle est aussi au cœur du partenariat mondial
artificielle (IA) pour l’IA lancé en juin 2020 par la France et le Canada.
Le fonctionnement des VA repose sur la présence de cap-
teurs, de radars et de caméras qui modélisent leur environ- Le Parlement européen a adopté trois résolutions12 sur le
nement, afin de respecter les règles de circulation, d’éviter les développement de l’IA, indispensable à la valorisation de la
obstacles et de faciliter les trajets. En son cœur figure donc donnée : les enjeux éthiques, le lien entre l’IA et la propriété
l’intelligence artificielle, capable de traiter l’ensemble de ces intellectuelle et les questions de responsabilité, le tout me-
informations et de décider des manœuvres à effectuer en nant à une politique industrielle européenne globale sur l’IA
agissant sur le système de gouvernance des commandes. et la robotique13.

Un premier enjeu est celui de la valorisation des actifs de Le 20 janvier 2021, le Parlement complétait ce dispositif par
propriété intellectuelle ou assimilés (notamment le retour sur une résolution sur l’usage civil et militaire de l’IA, tandis qu’en
investissement dans la création et l’enrichissement de bases avril 2021, la Commission européenne publiait un projet de
de données) tandis que le marché glisse progressivement vers règlement sur l’IA en classant les IA par niveaux de risques.
une valeur ajoutée par le service dans un contexte d’open La France n’est pas en reste avec la publication d’un avis du
Les réglementations foisonnent et pourtant des freins juri- parus à ce jour. Dans ce contexte, le gouvernement fait une data nécessité par l’optimisation du fonctionnement des CNPEN relatif aux véhicules à conduite automatisés14.
diques perdurent. Voici un point d’étape sur une réglemen- priorité pour 20223 de finaliser le cadre juridique d’un service nouvelles mobilités. Cette valeur sera partagée puisqu’elle
tation en mouvement aux niveaux français et international organisé de transport automatisé de passagers sur parcours bénéficiera à la fois aux utilisateurs, aux collectivités et aux II. Recommandations juridiques pour favoriser et
(I) et quelques recommandations juridiques visant à favoriser ou zone prédéfinis. industriels9. sécuriser le développement des projets de véhicules
et à sécuriser le développement des projets (II) dans l’attente connectés et décarbonés
de la consolidation du cadre réglementaire. Aux niveaux européen et mondial, l’effervescence réglemen- En application de la LOM, une ordonnance du 14 avril 2021 a
taire est similaire : le « paquet Mobilité »4 adopté en 2020 précisé (i) les cas dans lesquels les données de mobilité seront Retenir une approche globale pour la structuration
I. Une réglementation en mouvement en France comporte un volet « Mobilité connectée et automatisée »5. accessibles (prévention, observation du trafic, détermination des projets
et à l’international L’objectif à terme serait l’adoption d’une directive sur les des responsabilités en cas d’accidents) et (ii) les personnes Le principal enjeu des projets impliquant des véhicules dé-
véhicules propres6. Des textes de portée plus générale com- qui pourront y accéder pour chacun de ces cas (gestionnaires carbonés et connectés est de les insérer efficacement dans
Le cadre juridique des véhicules connectés et décarbonés portent également des avancées notables, à l’instar de la d’infrastructures, forces de police, assureurs...). leur environnement, par exemple celui de la Smart & Healthy
est posé et continue d’évoluer définition des véhicules autonomes (dits « entièrement auto- Par ailleurs, l’open data implique lui-même un large accès aux City : réseaux de communication, infrastructures routières et
Ces véhicules s’inscrivent dans des modèles juridiques dis- matisés ») introduite par le règlement européen de sécurité données pertinentes des véhicules connectés et pose donc de parking, dispositifs de recharge, fournisseurs de services,
tincts puisque les véhicules plus propres relèvent du cadre générale (GSR II) du 27 novembre 20197. la question du traitement des données personnelles qui y plateformes liées à l’usage… De fait, de nombreux acteurs,
réglementaire actuel, alors que les véhicules connectés — et figurent. En France et dans l’Union européenne, le Règlement notamment publics, y seront impliqués, dans une démarche
a fortiori les véhicules autonomes (VA) — génèrent de nou- général européen sur la protection des données personnelles partenariale.
veaux enjeux juridiques avec des règles encore en gestation. du 27 avril 2016 (RGPD) donne le ton, agrémenté de la Loi
Dans les deux cas, la loi d’orientation des mobilités dite LOM1
tient une place prépondérante, avec la première inscription
« Le principal enjeu des informatique et Libertés n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée.
Parmi d’autres bases légales, le consentement à la collecte
Établir une gouvernance plurale public-privé dans la
gestion des projets partenariaux autour de la Smart &
dans la loi des objectifs du Plan climat (neutralité carbone projets impliquant des des données y est très encadré : il doit être libre, éclairé et Healthy City
des transports terrestres d’ici 2050 et réduction de 37,5 % des spécifique10, et une série de mesures techniques et organisa-
émissions de CO2 d’ici 2030). Surtout, deux de ses disposi- véhicules décarbonés et tionnelles doivent être assurées dont la réalisation d’analyse Ces partenariats seront clés dans les projets de mobilité,
tions (art. 31 et 32) concernent spécifiquement les véhicules
autonomes et connectés et un chapitre entier est consacré connectés est de les insérer d’impact, notamment en cas de traitement à grande échelle
combiné à un croisement de fichiers ou à l’usage de techno-
comme l’illustre le nouveau territoire d’expérimentation
pour les véhicules connectés et autonomes créé sur l’auto-
à l’ouverture des données. efficacement dans leur logie innovante11. route A63 en octobre 2020. Cette zone d’expérimentation
à haut niveau de service (ZEHNS) pour les véhicules commu-
Au-delà, malgré le retard dû à la crise sanitaire, la LOM1 ambi- environnement. » Le RGPD interdit également de prendre une décision fondée nicants, coopératifs et automatisés est pour partie financée
tionne avant tout de fixer une stratégie pour la période 2019- uniquement sur un traitement automatisé des données dès par la Région Nouvelle-Aquitaine, et implique l’Université
2037, impliquant l’adoption de 138 mesures d’application, 68 lors qu’elle affecte significativement une personne physique. Gustave Eiffel aux côtés de partenaires privés. Nul doute que
ordonnances et 17 rapports2, dont tous ne sont pas encore Cette pratique n’est autorisée qu’à certaines conditions, cette tendance associant une diversité d’acteurs se poursui-

76 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 77
« En amont du projet et
tout au long de son
évolution, la protection
des données personnelles
devra nécessairement
être intégrée. »
Partie 3

vra avec les mesures de relance économique à venir, fondée Se doter d’outils d’IT efficaces pour se conformer à la
en partie sur l’open innovation. réglementation et penser à la certification et à l’adop-
tion de normes (voir notamment les nouveaux sché-
Anticiper les comportements des employeurs et des mas de certification de conformité au RGPD comme
particuliers Europrivacy15).
Mettre en place un plan de prévention et de maîtrise de

Organiser
La mobilité des travailleurs est une cible primordiale des pro- risques en matière de sécurité des données, y compris
jets de véhicules décarbonés et connectés. Parmi les critères de cybersécurité.
de sa réussite figurent les avantages fiscaux des actions en
faveur des mobilités individuelles vertes : forfait mobilités Il s’agit d’un travail pluridisciplinaire à mener au sein des orga-

la multi-modalité
durables exonéré d’impôt sur le revenu et de cotisations so- nisations, en coordination avec les compagnies d’assurances,
ciales, réductions d’impôts en cas de mise à disposition des voire les forces de l’ordre.
salariés d’une flotte de vélos pour les déplacements domi-

et partager la voirie
cile-travail… Il s’agit également de sensibiliser les citoyens utilisateurs aux
réflexes à acquérir pour préserver leur vie privée.
La sécurisation et la valorisation des projets en misant
sur le digital Identifier, protéger et valoriser ses actifs immatériels
Compte tenu du rôle central du digital et de l’IA dans ces pro-
jets, quelques actions seront particulièrement nécessaires : Entre autres outils, la création de bases de données de mo-
bilité peut être protégée en tant que telle par le droit de la
Soutenir l’open data en faisant de la protection des
données personnelles un atout
propriété intellectuelle et des licences accordées pour en
permettre l’usage au profit du fonctionnement sécurisé des
Le grand renouvellement des usages de
véhicules connectés et décarbonés16. mobilité est à accompagner et à faciliter
En amont du projet et tout au long de son évolution, la pro-
tection des données personnelles devra nécessairement être 1. Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités. par l’aménagement de la voirie. Il s’agit bien
intégrée, en utilisant les référentiels, méthodologies et autres
2. Rapport d’information déposé à l’Assemblée nationale le 29 juillet 2020.
3. Stratégie nationale de développement de la mobilité routière de remodeler les conditions de circulation
publications de la CNIL et du Comité européen de protec- automatisée 2020-2022 dévoilée le 15 décembre 2020.
tion des données. 4. Une mobilité durable pour l’Europe : sûre, connectée et propre, et de stationnement, et donc de rejouer
Communication européenne, 17 mai 2018.
5. Accompagné d’une communication et de deux initiatives législatives, en profondeur le partage de la voirie entre
Entre autres mesures, la présentation d’une analyse d’impact dont un règlement sur la sécurité des véhicules et des piétons, et une
(Privacy Impact Assessment ou PIA) à des clients, des parte-
directive sur la sécurité des infrastructures.
6. Point 4.2 de la communication du 17 mai 2018.
les différents modes. Cette série d’articles
naires ou des investisseurs est un outil de conviction puissant, 7. Règlement 2019/2144 publié le 27 novembre 2019.
8. Règlement sur « les systèmes automatisés de maintien de trajectoire »
aborde diverses solutions d’aménagement,
même lorsqu’il n’est pas obligatoire.
adopté par le Forum mondial pour l’harmonisation des règlements
concernant les véhicules (WP 29).
parmi lesquelles les « voies dédiées » qui
Dans un cadre international, il faudra également veiller à la 9. Voir sur ce sujet le décret n° 2020-1753 du 28 décembre 2020 relatif aux
compensations financières applicables à certaines mises à disposition de
méritent une attention spécifique, de même
sécurisation des flux transfrontaliers dont l’environnement
juridique est aujourd’hui moins sécurisé, depuis la décision
données.
10.Article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, que les questions liées à la logistique urbaine.
Schrems II du 16 juillet 2020 de la CJUE ayant invalidé le Pri- aux fichiers et aux libertés et le Règlement (UE) 2016/679 (RGPD).
11. Article 5 du RGPD.
vacy Shield, et qui permettait auparavant des exportations 12. Résolutions du 20 octobre 2020 contenant des recommandations
dérogatoires de données vers les États-Unis ou encore de- à la Commission concernant un cadre pour les aspects éthiques de
puis le Brexit pour ce qui concerne le Royaume-Uni ; au-delà l’intelligence artificielle, de la robotique et des technologies connexes
2020/2012(INL), sur les droits de propriété intellectuelle pour le
de ces seuls pays, ces deux décisions majeures ont impac- développement des technologies liées à l’intelligence artificielle
té l’ensemble des transferts internationaux de l’UE ; certes, 2020/2015(INI) et sur un régime de responsabilité civile pour l’intelligence
artificielle 2020/2014(INL).
en juin 2021, de nouvelles clauses contractuelles types ont 13. Résolution du Parlement européen du 12 février 2019 sur une
été éditées par la Commission européenne et des décisions politique industrielle européenne globale sur l’intelligence artificielle et la
d’adéquation ont été établies avec le Royaume-Uni, mais une robotique 2018/2088(INI) venant deux ans après celle du 16 février 2017
contenant des recommandations à la Commission concernant des règles
stabilisation plus globale et des retours de terrain pour faci- de droit civil sur la robotique 2015/2103(INL).
liter leur mise en place seront les bienvenus. 14. Avis du 7 avril 2019 du Comité national pilote d’éthique du numérique,
agissant sous l’égide du comité consultatif national d’éthique
15. https://europrivacy.org/fr.
16. Voir sur ce sujet la « Licence Mobilité » publiée en mars 2021 par l’UTP
et le GART pour inciter le partage et la réutilisation des données.

78 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 79
1

« LES ROUTES DU FUTUR


DU GRAND PARIS » :
UNE CONSULTATION
INTERNATIONALE POUR IMAGINER
LA MOBILITÉ DE DEMAIN

En 2019, quatre groupements pluridisciplinaires (l’Atelier des Mobilités,


le Collectif Holos, New Deal pour les voies du Grand Paris et Shared
Utility Network – SUN1) composés d’architectes, d’urbanistes,
de paysagistes et d’experts en mobilité ont imaginé dans le cadre de
la consultation internationale « Les Routes du futur du Grand Paris »
ce que pourrait être notre façon de nous déplacer en 2030 et en 2050
en région parisienne.

Christian Bitaud,
chef de projet chez Forum métropolitain du Grand Paris
linkedin.com/in/christian-bitaud-422b32a3

1. L’Atelier des mobilités, Mandataire D&A Devillers et Associés/Le Collectif Holos, Mandataire Richez Associés/New Deal
pour les voies du Grand Paris Mandataire Seura Architectes/Shared Utility Network - SUN, Mandataire Rogers Stirk Harbour
& Partners.

80 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 81
« La transformation des
autoroutes est l’occasion
773
de voies express ou d’autoroutes cyclables
à travers le Grand Paris : la proposition
KM

de reconstruire la ville Les routes du Grand Paris : vers un système de du groupement SUN.
sur la ville. » transport métropolitain intégré Pour l’ensemble des équipes, la transformation en profon-
deur du réseau sera d’autant plus aisée et efficace que le
Pour les équipes, l’optimisation du réseau routier structurant bouquet d’offres de transport pourra être utilisé de la façon
passe par une réduction de la place de la voiture individuelle la plus fluide et la plus transparente possible pour l’utilisateur,
et de l’autosolisme. Pour y parvenir, elles proposent la créa- et adossé à un système de billettique et de tarification unique
tion de voies dédiées aux transports en commun, à l’auto- et intégré. Le développement du MaaS (Mobility as a Service)
partage et au covoiturage, sur l’ensemble du réseau franci- doit permettre cette inclusion d’autres offres de mobilité
lien. Les autoroutes et voies rapides seraient connectées aux Le second levier repose sur une diminution de la vitesse (vélos en libre-service, autopartage…).
S’appuyant sur une approche holistique, les groupements autres modes de transport grâce à des hubs situés sur des sur les grands axes, avec des maxima compris entre 50 et
ont fait émerger de nombreuses propositions inspirantes nœuds de communication répartis sur la région, créant ainsi 90 km/h, depuis le boulevard périphérique jusqu’à la Franci- Inévitablement, l’exercice de projection à 2030 et 2050 invite
pour optimiser près de mille kilomètres du réseau routier un vaste réseau intermodal. lienne comme préalable nécessaire au changement d’affec- les équipes à s’appuyer sur les nouvelles technologies. Le véhi-
structurant francilien. Ces grands axes deviennent des lieux tation des voies à emprise constante. Pour les équipes, cet cule autonome est ainsi au cœur d’une offre future de trans-
d’opportunités pour transformer les mobilités mais aussi la Pour réussir cette transformation, elles proposent de s’ap- outil a l’avantage de pouvoir être mis en œuvre rapidement port pour les particuliers et pour la logistique urbaine. Pour
ville et réduire leurs nuisances. puyer concomitamment sur plusieurs leviers. Le premier sans investissements importants et de réduire quasi immé- New Deal, il devrait à terme permettre d’élever fortement
correspond au déploiement d’un réseau étendu de bus ex- diatement le niveau de pollution et la congestion du trafic. le débit des voies dédiées jusqu’à 16 000 personnes par voie
Si la crise sanitaire a mis provisoirement en sommeil les pro- press avec des lignes de rabattement vers le réseau de trans- et par heure. SUN propose de son côté un nouveau concept
blèmes de congestion chronique du réseau francilien, il est port ferré existant et à venir (Grand Paris Express), des lignes Le futur réseau repose enfin sur le maillage et la complémen- de véhicule de transport collectif : l’Autonomous Rail Transit
certain que ceux-ci réapparaîtront rapidement. Un an après offrant des trajets banlieue-banlieue, notamment vers les tarité des différentes offres de transport dans lesquelles s’ins- (ART), composé de plusieurs modules autonomes se disper-
cette démarche prospective, il semble donc plus que jamais grands pôles d’emploi, et enfin d’autres lignes plus locales. crivent pleinement les modes actifs et plus particulièrement sant ou se regroupant selon la densité du tissu urbain.
utile de parcourir à nouveau les principales propositions des New Deal propose ainsi de déployer 200 lignes de bus ex- le développement des pistes cyclables. Ainsi, SUN propose le
équipes, tant le défi d’amélioration des mobilités en Île-de- press à forte fréquence et l’Atelier des Mobilités va jusqu’à déploiement d’un réseau de 773 kilomètres de voies express La mise en œuvre de ces propositions, conjuguée au chan-
France est immense et complexe. détailler un réseau de 60 lignes. ou d’autoroutes cyclables. gement de comportement des usagers, permet d’imaginer
des transformations urbaines et une meilleure insertion des
voies dans la ville, autre objectif de la consultation.

Des autoroutes mieux insérées dans la ville qui


réduisent les nuisances et produisent de l’énergie

Il serait réducteur d’imaginer une transformation des axes


structurants par le seul prisme de l’optimisation du trafic,
alors que de nombreuses voies rapides sont très souvent per-
çues par les riverains, comme autant de fractures urbaines,
sources de pollutions. Pour les équipes, l’autoroute en 2050
est une voie apaisée qui devient habitable, en particulier
dans la zone dense où les emprises reconquises permettent
de recréer des continuités urbaines et de valoriser d’autres
usages le long des grands axes de transport (plantation mas-
sive d’arbres, voies cyclables…) et autour des hubs, qui de-
viennent de nouvelles centralités.

La transformation des autoroutes est l’occasion de recons-


truire la ville sur la ville. D’ici 2050, SUN estime à 160 km²
le foncier mutable formé par les berges, les délaissés et les
emprises. Le Collectif Holos identifie 25 km² de foncier va-
lorisable sur les échangeurs et sur les bretelles d’accès deve-
nus obsolètes. Pour New Deal, il serait possible de récupérer
6 km² de foncier sur les emprises des voies rapides.

Les nouvelles technologies sont également sollicitées pour


transformer les autoroutes franciliennes en infrastructures
productives et résilientes. D’ici 2050, New Deal imagine
l’installation d’un sol productif (panneaux photovoltaïques,
production agricole…). L’Atelier des mobilités propose l’amé-
nagement d’une armature verte réparatrice à l’échelle de
l’Île-de-France. SUN estime qu’il est possible de produire
jusqu’à 27 % de la consommation d’électricité francilienne
grâce aux nouveaux revêtements de chaussées et aux pan-
neaux photovoltaïques installés sur les abords. L’équipe

82 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 83
2

DES ESPACES PUBLICS


QUI MARCHENT POUR
LE CLIMAT

© SUN
« Les équipes se sont
essayées à l’exercice de transport alternatives à la voiture individuelle, afin qu’ils
d’estimation des dépenses. puissent percevoir les avantages qu’elles pourraient leur pro-
curer. Toutefois, sur certains territoires, la voiture reste plus
Les résultats varient attractive du fait de la possibilité d’effectuer un trajet de

du simple au double. » porte-à-porte, sans rupture de charge. Il faudra donc trouver


le juste équilibre entre incitation et contrainte. Enfin, le suc-
cès de la transformation du réseau autoroutier passera selon
les équipes par une gestion coordonnée, voire intégrée des

© GodefroyParis
différents acteurs en jeu, tant publics que privés.

Le défi le plus grand à surmonter réside très certainement


propose également la mise en place d’une zone à émissions dans cette dernière condition, tant les acteurs concernés
réduites (ZERo) en 2040 sur l’ensemble du réseau francilien. par cette transformation sont nombreux, et les visions ou
Le Collectif Holos milite pour la désimperméabilisation des intérêts parfois divergents. Ainsi, toucher à la vitesse est po- La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 nous aurait presque
sols en réduisant les emprises de chaussée au profit d’espaces litiquement sensible et soulève la question de l’acceptabilité fait oublier les grands rassemblements pour le climat à travers le
verts et de cheminements piétons. par les usagers. Que dire de la question du financement, qui monde. Et pourtant, ces images de milliers de personnes manifestant
en ces temps de restriction budgétaire et de contraction
à pied sont plus évocatrices qu’il n’y paraît. En effet, comment
L’agglomération s’organise progressivement autour d’un ré- économique reste éminemment délicate ? Les équipes se
seau routier hiérarchisé : l’A104 est une autoroute préservée sont essayées à l’exercice ardu d’estimation des dépenses. parler de décarbonation de la mobilité et d’adaptation de la ville au
dans ses fonctions de transit et de contournement, l’A86 est Les résultats peuvent varier du simple au double. changement climatique sans parler de « marchabilité » ? Encore peu
une autoroute urbaine multifonctionnelle, le boulevard péri- considérée, la marche pourrait avoir un rôle majeur à jouer sur ces
phérique et les autoroutes intra-A86 sont en forte mutation. La consultation internationale Les Routes du futur du Grand enjeux du siècle.
Paris, pilotée par le Forum métropolitain du Grand Paris, a
Les conditions de réussite à la mise en œuvre su toutefois démontrer qu’il était possible de travailler de
de la transformation des autoroutes et les suites manière coordonnée avec toutes les parties prenantes sur Cédric Boussuge,
de la consultation un sujet qui transcende toutes les frontières territoriales chef de projets Espace Public et Piétons, Cerema
d’Île-de-France et les gouvernances, pour offrir une vision de linkedin.com/in/cédric-boussuge-b3236718b
Résumer plus d’une année de travail en quelques lignes serait transformation des infrastructures routières et des mobilités
une gageure, tant les équipes ont poussé loin leur réflexion, mais aussi d’amélioration de la qualité de vie des Franciliens.
avec comme ambition de proposer dès l’horizon 2030 une Cette démarche unique a par ailleurs inspiré d’autres initia- Nicolas Furmanek,
transformation profonde du réseau routier structurant fran- tives et notamment la Conférence stratégique des mobilités chef de projet Aménagement de la voirie urbaine et résilience,
cilien, jusque-là monofonctionnel, en une infrastructure mul- routières en Île-de-France, lancée par le préfet de Région Mi- Cerema
timodale mais aussi multiressource. chel Cadot, pour faire perdurer le tour de table de la consul- linkedin.com/company/cerema/
tation, ainsi que l’Atelier du périphérique, créé à l’initiative
Aussi audacieuses et inspirantes que soient leurs proposi- de la Ville de Paris.
tions, elles admettent néanmoins que plusieurs conditions Mathieu Pochon,
devront être réunies pour y parvenir. D’une part, pour pro- Retrouvez toutes les informations sur les travaux de la ingénieur en environnement indépendant, membre du comité de Rue de l’Avenir Suisse
voquer des changements d’habitudes chez les usagers, il est consultation internationale « Les Routes du Futur du Grand linkedin.com/in/mathieupochon
primordial qu’ils soient informés des nouvelles possibilités Paris » sur www.routesdufutur-grandparis.fr

84 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 85
« Le développement
de la marche a un rôle-
clé à jouer dans la
décarbonation de la climatique en ville. On commence à voir des bancs munis
d’ombrières ou conçus pour rester au frais, ou même des
mobilité, y compris dans interventions sur des rues entières, comme cet alignement

les zones de moyenne de parapluies multicolores en Pologne.


La saisonnalité est aussi déterminante : les rues et places sans
densité » ombre sont désertées en été. Les aménagements transitoires,
piétonnisations temporaires et extensions de terrasses sai-
sonnières constituent autant d’occasions de rendre la ville
plus agréable aux piéton·ne·s (et ont prouvé leur utilité lors

© Elżbieta Sikora
de la crise sanitaire). Ainsi, la Ville de Sion (Suisse) a déployé
avec succès une arborisation temporaire sur la place de la
Sur l’une des îles artificielles de Dubaï, le promoteur d’un Planta (5 000  m2) durant tout l’été 2020. Les groupes d’arbres,
vaste projet hôtelier appelé The Heart of Europe prévoit la accompagnés de points d’eau et de mobilier, ont ensuite été
construction d’une « raining street » (rue pluvieuse). Pour Un ombrage bienvenu pour le confort de la marche dans une plantés dans une rue à proximité10.
rue de Bad Polzin en Pologne (tiré de OFEV, “Quand la ville
donner l’illusion d’un « climat à l’européenne », une pluie
surchauffe”9)
artificielle serait déclenchée sur les passant·e·s dès que le Vers un maillage d’oasis urbaines ?
mercure dépasserait 27 °C. L’exemple fait sourire, mais sou-
lève des questions épineuses sur l’avenir des villes et de la Des bancs et de l’ombre au service Installer des bancs dans des boulevards arborés, sur une place
mobilité sous l’angle climatique. À Dubaï, où la température de la marchabilité touristique ou le long de berges est assez consensuel. Mais l’ajout
peut dépasser les 40 °C en été, marcher dans la rue n’a rien d’assises ou d’arbres dans une petite rue ou sur une placette
d’une promenade de santé. Qui plus est, les prédictions Dans un contexte de changement climatique, comment ac- semble plus complexe : manque de place, coûts d’installation
d’évolution climatique n’augurent rien de bon pour l’habi- croître la marchabilité des espaces publics, en centre-ville et d’entretien ou craintes de conflits d’usages. Pour autant, de
tabilité et la marchabilité des villes, même sous nos latitudes comme en périphérie ? Des cheminements sécurisés et ac- beaux exemples existent, mêlant stratégie piétonne, implication
encore relativement tempérées1. Ironie du sort, les véhicules cessibles sont nécessaires8 mais pas suffisants. La marchabili- citoyenne et confort en été : les super-îlots aménagés de manière
motorisés – et climatisés – pourraient gagner en attractivité té ne se limite pas aux déplacements mais touche aussi à l’ha- tactique et ludique à Barcelone, des ruelles végétalisées par des
par rapport à la marche… pour des raisons climatiques. bitabilité des espaces publics. L’attractivité de ces derniers riverains à Marseille, des espaces désimperméabilisés à Courbe-
nécessite des réflexions à l’échelle du quartier, en lien avec voie11. Autant d’oasis de fraîcheur à démultiplier et à relier entre

© Cerema
Décarboner la mobilité : oui, mais pas sans la marche les plans de circulation, les alignements d’arbres existants et elles par des parcours intuitifs et confortables, pour mailler les
les ombrages naturels de la rue et des bâtiments. Le mobilier itinéraires piétons.
Et pourtant, avec le vélo, la marche est le mode de dépla- urbain est aussi déterminant, voire essentiel pour certaines À Marseille, une association de riverains a pris l’initiative de
cement à l’empreinte écologique la plus faible. Un point im- personnes : bancs, ombrages, points d’eau, toilettes, etc. Or poser et d’entretenir de nombreux bacs plantés pour embellir, Au-delà des températures mesurées, le confort ressenti en
portant quand on sait que les transports génèrent à eux seuls les designers abordent de plus en plus la question du confort végétaliser et rafraîchir les rues de leur quartier. marchant, variable d’un individu à l’autre, doit faire partie de
30 % des émissions de CO2 en France. Une étude publiée en l’analyse. À cet égard, des méthodes participatives comme
2015 pour le compte de la SNCF2 comparait trois scénarios les balades urbaines thermiques permettent d’identifier et
d’évolution de la mobilité en France sur le plan de l’empreinte de hiérarchiser les zones les plus fraîches comme les plus
carbone : ultramobilité, altermobilité et proximobilité. En chaudes. C’est dans cet esprit que la Ville de Lyon a conçu et
conjuguant une réorientation forte du système de trans- mis à disposition sa cartographie de « parcours frais »12 : des
port vers les alternatives à la voiture individuelle (marche, balades estivales valorisant un patrimoine communal original
vélo, transports publics) avec une relocalisation des modes (fontaines, points d’eau et espaces verts).
de vie et de la mobilité, la proximobilité est le seul scénario
qui permettrait d’atteindre l’objectif national de réduction Saisir des opportunités pour adapter l’existant
par quatre des émissions de gaz à effet de serre (facteur 4
de la stratégie nationale bas carbone lancée en 2015)3. Le Les interventions ponctuelles ou des rénovations de voiries
développement de la marche a donc un rôle-clé à jouer dans donnent souvent l’occasion d’optimiser l’espace urbain au
la décarbonation de la mobilité, y compris dans les zones de profit de la lutte contre la surchauffe urbaine. Par exemple,
moyenne densité (voir le guide du think tank The Shift Pro- remplacer une place de stationnement par une surface plan-
ject sur la mobilité bas carbone dans les zones de moyenne tée en amont de passages piétons (sous réserve que les plan-
densité4). Malheureusement, ce potentiel contraste avec tations n’entravent pas leur visibilité)13, enlever de l’asphalte de-

© Service de l’urbanisme et de la mobilité, Ville de Sion


des parts modales piétonnes en trop faible progression5 et vant des pieds d’immeubles pour créer des micro-implantations
la place encore très timide de la marche dans les politiques florales, ou végétaliser des délaissés urbains le long d’axes routiers.
de mobilité, comme le relève une recherche récente du Fo-
rum Vies mobiles6. À grande échelle, ces adaptations peuvent transformer en
profondeur l’usage des lieux. Il convient alors d’assurer une
Face au changement climatique, la marche est à la fois por- certaine progressivité dans leur réalisation. À Nice, certains
teuse de solutions… et victime. En effet, en comparaison sites propres de bus ont été affectés à d’autres usages : piste
avec les autres moyens de transport, les piéton·ne·s sont cyclable et accotement végétalisé réalisé en plusieurs étapes
les plus exposé·e·s à la saisonnalité et aux effets du change- (installation en pots dans l’attente d’une plantation définitive
ment climatique (chaleur, intempéries), et les seniors et les en pleine terre). De la même façon, les autorités peuvent dé-
enfants y sont particulièrement sensibles7. De ce point de cider de reconvertir des parkings sous-exploités en parc, ré-
vue, l’aménagement de l’espace public revêt une importance duisant ainsi localement la température ressentie (parc urbain
particulière. Place de la Planta (Sion) : une arborisation estivale source de fraîcheur dans un espace 100 % minéral. François Mitterrand à Saint-Étienne14 ; jardins urbains à Niort).

86 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 87
3

INFRASTRUCTURE PÉDESTRE :
UNE NOTION POUR REPENSER
L’ESPACE PUBLIC

SPL Lyon Part-Dieu © Laurence Danière


Place de Francfort Lyon : un réaménagement intégrant une arborisation particulièrement dense pour un parvis de gare très fréquenté.

Intégrer les enjeux climatiques dès la conception


Les enjeux urgents de rafraîchissement urbain exigent d’inté-
grer progressivement la performance climatique aux projets Premières expériences en France
d’aménagement. En devenant un critère supplémentaire pour D’autres réalisations privilégiant le confort
la pérennité et la qualité d’usage des espaces publics, la perfor- thermique des piéton·ne·s et mobilisant des
mance climatique implique une évolution des pratiques et des solutions des plus frugales aux plus innovantes,

© @samvbussel
techniques, ainsi que la participation de nouveaux acteurs. La commencent à se déployer en France et en Europe
Ville de Stuttgart s’est par exemple dotée de services dédiés à (voir les Actes de la Journée Rue de l’Avenir 2020
la climatologie urbaine pour éclairer les choix d’urbanisme et et le bulletin associé16). En effet, les collectivités
d’aménagement. À Lyon, la prise en compte de la contrainte intègrent peu à peu la dimension climatique
climatique dès la phase amont du projet et une bonne coor- à leurs politiques territoriales, parfois sous Pour développer la marche en ville, il faut pouvoir argumenter la
dination interservices ont contribué à la réussite du réaména- l’impulsion de l’État ou grâce aux remontées des réorganisation de l’espace public à son profit. Or, les interventions sur
gement de la place de Francfort15. Un exemple inspirant, qui citoyen·ne·s. L’enjeu est de taille, car aménager dès
montre tout l’intérêt d’une vision intégrant à la fois marchabilité aujourd’hui les espaces publics en accordant plus
la voirie en faveur des piétons sont souvent ponctuelles, cantonnées
et adaptation climatique. d’importance au confort thermique de ses usagers à l’amélioration de la fluidité et de la sécurité du déplacement
participe à la résilience des villes de demain. ou couplées avec des aménagements cyclables, avec la difficulté
1. Courrier International, « Ces villes où il fera (vraiment) très chaud en
2050 », 2019.
d’évaluer leurs effets sur les usages des marcheurs. C’est pour intégrer
2. SNCF, Étude Facteur 4, « Vers une mobilité sobre en CO2 : une opportunité ces derniers dans une approche systémique que nous proposons la
pour vivre mieux ? », 2015.
3. Ministère de la Transition écologique, « Stratégie Nationale Bas Carbone », notion d’« infrastructure pédestre ».
2015, révisée en 2018-2019.
4. The Shift Project, Guide sur la mobilité bas carbone dans les zones de

« Les enjeux urgents


moyenne densité, 2020. Jean-Paul Hubert,
5. Enquête sur la mobilité des personnes, 2019.
6. Forum Vies Mobiles, « Réduire l’empreinte carbone de la mobilité : quelles directeur de recherche du développement durable à l’Université Gustave Eiffel,
politiques en France ? », 2020.
7. Cerema, Adapter la mobilité d’un territoire au changement climatique, 2018.
de rafraîchissement laboratoire Dynamiques économiques et sociales du transport (AME-DEST), membre du
groupe transversal « Mobilités urbaines pédestres » du Labex Futurs Urbains
8. Cerema, série de fiches Favoriser la marche, 2020.
9. Office fédéral de l’environnement, Quand la ville surchauffe. Bases pour urbain exigent d’intégrer linkedin.com/school/universit%C3%A9-gustave-eiffel/

progressivement la
un développement urbain adapté aux changements climatiques,
Connaissance de l’environnement, N° 1812 : 109 S, éd. OFEV, Berne, 2018. Jérôme Monnet,
10. Ville de Sion (Suisse), Aménagement temporaire de la place de la Planta, professeur de l’Université Gustave Eiffel à l’École d’Urbanisme de Paris et au
communiqué.
11. Végétalisation participative à Courbevoie performance climatique aux Laboratoire « Ville Mobilité Transport », membre du groupe transversal « Mobilités

projets d’aménagement. »
12. Ville de Lyon, « Carte des lieux et parcours frais ». urbaines pédestres » du Labex Futurs Urbains
13. Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, article 52. linkedin.com/school/universit%C3%A9-gustave-eiffel/
14. Cerema, « Reconversion d’un parking en parc urbain à Saint-Étienne » (fiche),
Éditions du Cerema, 2019, 12 pages.
15. Cerema, « Le réaménagement de la place de Francfort à Lyon » (fiche),
Éditions du Cerema, 2020, 8 pages. Julie Scapino,
16. Rue de l’Avenir, « Ça chauffe dans la rue ! S’adapter, dès maintenant », bulletin post-doctorante au Labex Futurs Urbains : Groupe « Mobilités urbaines pédestres »
Rue de l’Avenir 3 -2020.
linkedin.com/in/julie-scapino-a8110191

88 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 89
« Il s’agit de sortir les
piétons de leur place
périphérique dans le
système de transport. »

La marche en ville : du mode de transport


au mode d’habiter
Dans le domaine du transport, toute activité a besoin d’in-
frastructures en réseau adhérant à un territoire pour connec-
ter des lieux. Développer un mode implique une vision d’en- des terrasses de café, des itinéraires exceptionnels pour des
semble de l’infrastructure qui le soutient et de l’espace qu’il manifestations politiques, sportives ou festives, des installa-
faut lui réserver. C’est pourquoi, dans le cas de la marche, il est tions hebdomadaires pour les marchés, des vitesses de vé-

© DR
important d’identifier son infrastructure. hicules qui varient en fonction des horaires des écoles, etc.

© J. Scapino
À ce jour, à l’exception des rues ou quartiers piétonniers, la L’observation des usages dans le cadre d’une vision globale
Figure 2 : avenue du général Leclerc à Maisons-Alfort (RD19),
marche n’est prise en charge qu’à titre secondaire par les in- aide au développement de la marche en faisant une place
octobre 2019. Un trottoir généreux, récemment aménagé,
frastructures de transport et la voirie en particulier reste le plus Figure 1 : avenue Paul Vaillant-Couturier, Vitry-sur-Seine où la bande cyclable s’intercale entre la bouche du métro aux initiatives des usagers et en utilisant au mieux l’espace
souvent dominée par la circulation et le stationnement des vé- (RD155), septembre-octobre 2019. Un fort trafic piéton, ici de Maisons-Alfort Stade et une bande piétonne obstruée un peu utile pour les piétons à un moment donné.
hicules. L’usage des trottoirs reste compliqué par nombre d’im- collégiens, dans des conditions inconfortables. plus loin par un mobilier urbain.
plantations (signalisation et affichage, conteneurs ménagers, Concevoir ce réseau demande alors de le décrire selon les
armoires techniques, etc.), voire d’aménagements cyclables, dimensions morphologiques pertinentes pour comprendre
qui ne sont pas au service des piétons. Les interventions en Ces nouveaux outils sont mis en œuvre de façon ponctuelle Nous distinguons trois principaux sous-systèmes de l’in- la régulation des flux et des pratiques à l’échelle de systèmes.
faveur de leur sécurité mais fondées sur le principe de la sépa- et il reste à les insérer dans une démarche globale. Il s’agit frastructure pédestre. Le plus important pour les dépla- Il faut, par exemple, connaître précisément les variations de
ration des flux ont produit et produisent encore (notamment de sortir les piétons de leur place périphérique dans le sys- cements fonctionnels est constitué par la voirie, avec les largeur et d’encombrement des trottoirs, analyser leurs inter-
dans les pays du sud) des obstacles à la marche, en augmen- tème de transport et de répondre aux nombreuses attentes, composants que sont les trottoirs, traversées de chaussée faces avec la chaussée et ses traversées comme avec le bâti
tant les distances et les dénivelés, voire en exposant les pié- ambitieuses mais floues, vis-à-vis de leur présence dans l’es- et places, conçus et gérés par des services dont l’expertise est riverain plus ou moins poreux en termes de flux de piétons et
tons à des risques d’agression (tunnels, passerelles, etc.). En pace public : animer la ville, en produire la convivialité et centrée sur la circulation automobile et la sécurité routière. de véhicules ou de pénétration par le regard. L’infrastructure
2010, l’urbaniste Jan Gehl remarquait qu’« il est stupéfiant de l’attractivité, favoriser l’inclusion sociale, être disponible aux Ensuite, les espaces publics fermés à la circulation automo- pédestre ainsi conçue peut alors soutenir des projets de dé-
constater combien d’obstacles et de difficultés ont encombré sollicitations commerciales de la rue, lutter contre les pa- bile (parcs et jardins, berges, cimetières…) dépendant de di- veloppement de la marche en établissant des priorités. Est-ce
les trajets des piétons au fil des ans1 ». thologies de la sédentarité, etc. Récemment, il s’est ajouté verses administrations qui ne sont pas structurées autour des par exemple la continuité du réseau, en réparant les coupures
à ces attentes l’objectif de décarboner les déplacements. problématiques de mobilité. Enfin, le troisième sous-système créées par les autoroutes urbaines ou les sillons ferroviaires,
Cependant, des initiatives en faveur de la marche se multi- Mais si marcher à 4-5 km/h peut devenir une excellente façon dépend surtout d’acteurs privés, parfois très peu impliqués et en évitant d’en créer de nouvelles lors de la reconversion
plient et un référentiel de bonnes pratiques, certifiées et re- d’accéder économiquement et écologiquement à de nom- dans l’entretien et la surveillance : il regroupe les passages à de friches industrielles ? Est-ce la coordination des services de
groupées sous diverses dénominations (code de la rue, voirie breux lieux et services dans la ville dense, encore faut-il que l’intérieur de bâtiments ou de grands ensembles et à travers voirie, des espaces verts et de l’urbanisme pour interconnec-
pour tous, rue apaisée…) se constitue depuis près d’une tren- des obstacles ne diminuent pas cette vitesse, ne rallongent des délaissés urbains (terrains vagues, friches…) où les mar- ter les espaces marchables, assurer l’accessibilité pédestre
taine d’années. Elles visent à encourager les déplacements à pas les distances ou ne multiplient pas les désagréments. cheurs définissent eux-mêmes leur place. aux équipements publics (collège, piscine, hôpital, gare…)
pied, ainsi qu’à vélo ou engin de déplacement personnel, en C’est pourquoi une vision plus systémique des conditions de dans un rayon important, sans oublier de protéger cette in-
rééquilibrant le partage de la voirie pour réduire les risques marche semble nécessaire. Ce sont donc les divers usages (déplacement, loisirs, accès frastructure d’autres moyens de transport (trottinettes ou
d’accident et améliorer le confort des pratiques. aux lieux recevant du public…) qui définissent les espaces de autres) ou de l’implantation d’un nouveau mobilier urbain ?
Quand le « Grand Paris » donne envie de marcher à l’infrastructure pédestre comme combinaison d’éléments

3
la « Petite couronne » « low tech4 », voire « low cost », produits par les usagers avec De la méthode au terrain
d’autres éléments produits par des services techniques. À
Le projet de conceptualiser l’infrastructure pédestre est né ce jour, ce bricolage ne garantit pas toujours la continuité, Le travail engagé avec le CD94 depuis 2018 se présente en
de la rencontre du service transport et études générales la sécurité, ni la qualité de l’infrastructure, privant ainsi di- plusieurs phases. D’abord, il s’agissait de se connaître et se com-
(STEG) du Conseil départemental du Val-de-Marne avec le verses populations fragiles ou vulnérables (femmes, enfants, prendre en échangeant sur un échantillon varié de situations
Groupe Transversal de recherche « Mobilités urbaines pé- personnes âgées ou à mobilité réduite, étrangers…) d’auto- urbaines concrètes, où la marche était plus ou moins aisée et
SOUS-SYSTÈMES DE
destres2 » (MUP) du Labex Futurs Urbains. Le STEG devait nomie et d’accès à certaines ressources urbaines. Pour lutter pratiquée. Puis d’évaluer des aménagements ou des besoins,
L’INFRASTRUCTURE PÉDESTRE : répondre à la demande des élus de transformer les routes contre ces exclusions, le défi est d’assembler les composants en se concentrant sur des rues stratégiques : par exemple, celle
la voirie, les espaces publics fermés aux départementales en « espaces publics à vivre »3. Cette col- hétérogènes dans un ensemble cohérent mais qui continuera où l’on marche beaucoup, mais dans de mauvaises conditions
automobiles et les espaces gérés par laboration a permis de faire du Val-de-Marne un cas d’étude d’offrir un réseau évolutif, bien différent de la conception du (figure 1), ou cette autre dont l’aménagement récent pose
des acteurs privés (passage à l’intérieur sur les interdépendances systémiques qui conditionnent le réseau routier hiérarchisé et permanent. des questions sur la cohabitation des flux de cyclistes et de
des bâtiments, terrains vagues...). développement de la marche, dans un contexte où le Grand piétons (figure 2). Cette phase d’observation des usages et
Paris Express doit entraîner d’importants changements dans En effet, l’infrastructure pédestre ne peut être développée des comportements, complétée par des entretiens, a suivi
les mobilités, où des mutations sociales, économiques et fon- comme un jardin à la française. Pour rendre service aux usa- et heureusement produit avant la crise sanitaire des résul-
cières se produisent de manière accélérée, et où la voirie est gers, elle doit être transformable et capable d’intégrer des tats de deux ordres. D’une part : caractériser la commodité
particulièrement hétérogène. aménagements et régulations temporaires : une extension du trottoir, vécue et gérée de façon très différente selon la

90 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 91
4

DÉPLOIEMENT
DU VÉLO EN VILLE :
ENTRE INGÉNIERIE DE POINTE
« L’observation des
usages dans le cadre ET URBANISME DE LA PROXIMITÉ
d’une vision globale aide
au développement de la
marche en faisant une
place aux initiatives
des usagers. »

© Dutch Cycling Embassy


Figure 3 : points de comptage d’un segment de l’avenue
Paul-Vaillant-Couturier, Vitry-sur-Seine (source : CD94-STEG)

situation professionnelle, le genre ou le besoin de former des La meilleure connaissance du fonctionnement des flux et des Les politiques en faveur du vélo connaissent une dynamique
groupes à certaines heures et certains lieux. D’autre part, activités pédestres doit aider à déterminer plus précisément particulièrement vigoureuse dans de nombreux pays, en particulier
démêler la complexité des heures de pointe où interfèrent l’emprise au sol, c’est-à-dire la place qu’il convient de donner en France depuis quelques années. Ces politiques ne reposent pas
les différents rythmes des mobilités pendulaires de travail, à la marche dans l’espace limité de la rue. Cela ne réduira
uniquement sur des techniques simples et low tech, mais surtout sur
des écoles et des commerces ; elles ont des implications en pas l’importance des arbitrages politiques concernant le
termes de tactiques spatiales pour se croiser ou se dépasser partage de la voirie entre les différents modes de transport une ingénierie solide. En s’inspirant de l’expertise, des concepts et des
sur les trottoirs et de stratégies temporelles pour les éviter, à d’une part, et la répartition dans le temps ou dans l’espace de méthodes des Pays-Bas, pays d’Europe où la pratique du vélo est la
prendre en compte pour évaluer la géométrie des trottoirs différents usages pédestres, d’autre part. Mais ces décisions plus diffusée, les villes françaises se réinventent ainsi en une nouvelle
ou la répartition des traversées. pourraient être prises selon des critères non seulement plus forme de « smart cities ».
scientifiques car plus précis sur les enjeux et les implications,
Nous entrons maintenant dans une autre phase de travail mais aussi plus démocratiques grâce à la prise en compte de
basée sur la simulation des comportements en fonction de la diversité des usages, qui dépasse celle des usagers qu’on Guy Baudelle,
l’aménagement de l’infrastructure pédestre considérée à peut mobiliser dans les démarches participatives. professeur d’aménagement de l’espace et urbanisme au laboratoire ESO
l’échelle du tronçon de rue représenté ci-dessus (figure 3). (UMR CNRS 6590) à l’Université de Rennes 2 et président de l’Institut d’Aménagement
Elle est ciblée sur une forte gêne à la circulation des piétons 1. GEHL J., Pour des villes à échelle humaine, Montréal, Éditions Écosociété, et Urbanisme de Rennes.
2012, p. 135 (édition anglaise 2010).
aux heures de pointe accentuée par une dissymétrie entre 2. https://www.futurs-urbains.fr/groupes-transversaux/presentation-des-
les trottoirs de la rue menant à la gare RER. Une campagne groupes-transversaux/groupe-transversal-mobilites-urbaines-pedestres/
3. Conseil départemental du Val-de-Marne, Plan de déplacements en Val-de-
de comptage a quantifié ce déséquilibre aux différents mo- Marne, 2018, p.23 : « Axe 2. Les routes départementales: un espace à vivre ». Sébastien Marrec,
ments de la journée. Les modèles dont l’élaboration com- https://www.valdemarne.fr/le-conseil-departemental/cadre-de-vie/ameliorer- doctorant en aménagement et urbanisme à l’Université Rennes 2 (UMR CNRS 6590 ESO)
mence viseront à évaluer cette gêne à la circulation et cette lesdeplacements/le-plan-des-deplacements-du-val-de-marne
4. MONNET J., « Marcher en ville : technique, technologie et infrastructure(s) et à la Ville de Paris
difficulté à traverser la chaussée, ainsi que leur sensibilité à low tech ? », Urbanités n ° 12, 2019 : www.revue-urbanites.fr/12-monnet/ linkedin.com/in/s%C3%A9bastien-marrec-9bbb9947/?originalSubdomain=fr
la géométrie de l’infrastructure.

92 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 93
50 %
LA PART DES VÉLOS
À ASSISTANCE ÉLECTRIQUE (VAE)
dans les ventes globales de vélos aux Pays-Bas.

Les villes françaises concernées sont tournées en priorité vers


l’optimisation de l’usage du vélo et non plus la gestion des
flux motorisés, et réintroduisent les qualités d’un urbanisme
de la proximité et des courtes distances. Cet article entend
montrer les phénomènes de transfert entre les Pays-Bas
et la France à partir de composantes indispensables à un
« système vélo », l’un des fondements d’une mobilité bas
carbone : plans de circulation, réseaux cyclables à haut

© Christophe Belin/Ville de Paris.


© Dutch Cycling Embassy

niveau de service et vélorues.

La majorité des agglomérations des pays développés et plus


encore émergents sont confrontées aux multiples problèmes
posés par la prédominance de la voiture : congestion,
pollution, nuisances pour le cadre de vie, l’environnement
Les autoroutes cyclables interurbaines (snelfietsroutes)
et la santé. L’aménagement des villes françaises, quelle que
se sont multipliées depuis la fin des années 2000 dans les Le boulevard de Sébastopol (Paris), avant 2019 et depuis 2019. Le plan de circulation de Groningue, mis en place en 1977, a
soit leur taille, est encore marqué par l’héritage de décennies zones urbaines des Pays-Bas. Elles offrent une alternative aux
d’adaptation aux besoins de l’automobile (Flonneau, 2005 ; Une piste bidirectionnelle, tronçon du Réseau Express Vélo permis de rendre le vélo plus rapide et efficace que la voiture
embouteillages des axes d’entrée et de sortie des villes. nord <> sud, a remplacé une file de circulation générale. Elle dans le centre. Il a été couplé à un réseau cyclable hiérarchisé
Laisney, 2008 ; Héran, 2005). Les pouvoirs publics sont 675 kilomètres sont prévus d’ici à 2025. permet d’emprunter l’axe à vélo dans les deux sens en étant et maillé dans le reste de l’agglomération. Source : Capture
désormais confrontés à la nécessité d’améliorer l’attractivité
séparé de la circulation, contrairement à la situation antérieure. d’écran d’un reportage de Streetfilms, Groningen : The World’s
et la lisibilité des espaces publics (Laisney, 2001), d’élargir
Cycling City.
la palette des modes de déplacements et de favoriser
l’intermodalité. L’une des solutions incontournables pour
l’accessibilité urbaine est d’investir dans des politiques en
faveur des modes actifs, en particulier du vélo : son potentiel mais des exigences d’efficacité, de sécurité et de confort pour décarboner la mobilité à faible coût avec la marche Les plans de circulation modernes, conçus non pour fluidifier
d’usage est immense, mais reste sous-exploité en France de ces modes. Une politique en faveur du vélo ne repose (DGE / ADEME, 2020). La conception de ces réseaux obéit aux la circulation automobile mais pour l’encadrer, sont un des
par rapport aux Pays-Bas, où 27 % des déplacements du pas uniquement sur des techniques élémentaires comme impératifs définis par l’ingénieur André Pettinga (2005), pour outils les plus efficaces pour empêcher le transit automobile.
quotidien sont réalisés à vélo. le montrent les systèmes de flottes de vélos en libre-service qui les Pays-Bas font figure de laboratoire grandeur nature
qui mobilisent des technologies toujours plus sophistiquées pour le vélo : cohérence, continuité, rectitude (absence de Inventés en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas dans les an-
Une ingénierie solide, fruit de décennies (Castex, 2018 ; Cohen et Shaheen, 2018), ou encore les sys- détours et de temps d’attente), sécurité, agrément et confort nées 1970, ces plans obligent les automobilistes à contour-
d’expérimentations tèmes d’« ondes vertes » (Carrignon, 2015) régissant la circu- (trajet tranquille et rapide). ner des pôles urbains denses ou des quartiers résidentiels. Ils
La ville à l’urbanisme orienté vers les modes actifs utilise les lation de manière que les véhicules motorisés (à l’origine) et permettent de réduire la circulation motorisée et redonnent
technologies non plus au service de la vitesse automobile, les vélos (aujourd’hui) rencontrent le moins de feux rouges. À En France, de nouveaux investissements s’inspirent directe- de l’espace, du confort et de la sécurité aux piétons et aux cy-
plusieurs carrefours de Groningue, ville du nord des Pays-Bas, ment de cette innovation néerlandaise. Grenoble, Strasbourg clistes. Là encore, c’est aux Pays-Bas qu’ils ont été le plus géné-
le passage au vert est donné en priorité et simultanément à et Rennes (à un niveau embryonnaire pour cette dernière) dé- ralisés, à partir du modèle élaboré dans la ville de Groningue,
tous les cyclistes, avant l’écoulement des flux motorisés. Cela veloppent des réseaux cyclables « à haut niveau de service », divisée une nuit de 1977 en quadrants infranchissables les uns
« L’une des solutions évite les contacts entre les usagers vulnérables de la route et
le trafic motorisé, et donc aussi les accidents.
plus communément appelés « réseaux express vélo ». En Île-
de-France, le Collectif Vélo porte depuis 2019 un projet simi-
par rapport aux autres pour les automobilistes (Van der Zee,
2015). Le plan de circulation a depuis grandement contribué
incontournables pour laire ambitieux baptisé RER V, cette fois à l’échelle régionale, à rendre les déplacements à vélo supérieurs à ceux de la voi-
Des réseaux efficaces en plein déploiement réseau dont les cinq premières lignes sont prévues d’ici 2025 ture dans plus de 200 villes néerlandaises.
l’accessibilité urbaine et seront largement financées par la Région. Il complétera en

est d’investir dans des


Aux Pays-Bas, l’aménagement d’itinéraires cyclables rapides banlieue l’armature parisienne du Réseau Vélo Express (REVe), En France, Strasbourg a été pionnière en la matière dès 1992 :
(snelfietsroutes) s’est tellement développé depuis la fin des concrétisation phare du dernier plan vélo parisien. dans le cadre du lancement des travaux de la première ligne
politiques en faveur années 2000 que les villes et les provinces sont reliées par
des axes propres, directs, larges et avec le minimum d’arrêts. Un outil délaissé mais promis à un avenir florissant :
de tramway, quatre boucles de circulation furent créées, les
zones piétonnes élargies et le transit motorisé rendu impos-
des modes actifs, en Ces voies en site propre offrent une alternative aux axes rou- le plan de circulation sible dans le centre. Depuis le déconfinement de mi-2020,
tiers congestionnés aux heures de pointe, et leur succès est dans des villes aussi diverses que Dinan, Arras, Saint-Malo,
particulier le vélo. » encouragé par l’essor des vélos à assistance électrique (VAE), Un nombre croissant de collectivités françaises prennent Bayeux ou Paris, des rues ont été piétonnisées (partiellement
qui représentent une part croissante des ventes de vélos, conscience que pour changer le cadre de vie et l’adapter ou totalement, parfois en permanence, parfois seulement le
plus de 50 %. Le vélo, sous ses différentes formes, mais no- aux enjeux du XXIe siècle, elles doivent mettre en œuvre des week-end ou en soirée), des sens de circulation inversés et des
tamment sous celle du VAE, reste la solution la plus efficace dispositifs plus ambitieux de remise en cause de la voiture. rues mises à sens unique, modifiant souvent en profondeur

94 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 95
27 % LA PART DU VÉLO
dans les déplacements
5
du quotidien aux Pays-Bas.
VÉLOS ET VOITURES :
SÉPARATION OU MIXITÉ ?

© Nantes Métropole
Nantes : entrée dans la vélorue provisoire d’Allonville,
ouverte en 2020.

s’approprier la chaussée grâce à un très faible trafic motorisé,


limité aux riverains, taxis, livreurs et véhicules d’urgence. À
Rennes, la première vélorue des quais nord de la Vilaine a
permis de conforter la place des usagers habituels, d’atti-
rer de nouveaux cyclistes et de leur permettre de rouler en
double sens sur un axe stratégique pour traverser et desservir
© Nantes Métropole

le centre. Début septembre 2020, près de 5 000 vélos étaient


comptabilisés chaque jour, le double de la fréquentation de

Alain Rouiller
début juin. Le rapport entre les modes s’est inversé, puisqu’il
ne reste plus qu’un millier de véhicules motorisés à emprun-
Au milieu de la nouvelle vélorue d’Allonville, à Nantes (1,2 km ter la rue contre 5 000 auparavant.
de long), une aire piétonne a été créée, redonnant une
centralité au quartier. À la rentrée 2020, une terrasse y côtoie Une forme alternative de smart city ?
un boulodrome. En conclusion, alors qu’implicitement la ville lente renvoie Doit-on mettre en place des pistes cyclables dans toutes les rues ?
toujours aux modes dits « doux » — vocable de plus en plus À partir de quelle valeur de trafic doit-on séparer les cyclistes de la
délaissé au profit de celui des « modes actifs » — la ville « mar- circulation motorisée ? La zone 30 est-elle un aménagement cyclable ?
chable » et cyclable n’est pas synonyme de lenteur ni de dis- Voici les questions fondamentales qui se posent aux aménageurs
des plans de circulation à l’échelle de centres ou de quartiers positifs technologiques faibles (Baudelle, 2019). Elle concilie quand il s’agit d’organiser la voirie pour les cyclistes. Et quelques
entiers (CVTC, 2020-2021). la diffusion de solutions techniques novatrices avec l’encou-
ragement aux interactions sociales offertes par la rue, à des
principes fondamentaux à respecter pour garantir une voirie attractive
La vélorue, un nouvel aménagement mixte importé espaces publics de qualité et à la diversité de ses usages. Elle pour tous les cyclistes, présents et à venir.
des Pays-Bas peut être considérée comme une forme alternative de smart
La vélorue est un concept apparu en Allemagne à la fin des city qui cesse de privilégier l’automobile et vise avant tout Thomas Jouannot,
années 1970 où il s’est beaucoup développé, tout comme l’efficacité, la facilité et le confort des déplacements à pied directeur de projets modes actifs au Cerema
aux Pays-Bas à partir des années 2000. C’est avant tout le fruit et à vélo : fluidité des itinéraires et de l’intermodalité, résorp- https://www.linkedin.com/company/cerema/
d’une hiérarchisation de la voirie qui sépare le flux du transit tion des coupures urbaines, possibilité d’atteindre à vélo une
vélo du flux du transit motorisé. C’est devenu un aménage- vitesse constante, régulation des flux cyclistes, atténuation
ment indispensable aux urbanistes néerlandais pour complé- des conflits d’usage potentiels, etc.
ter le réseau cyclable là où des cyclistes passent, mais où il
est impossible d’introduire des pistes cyclables, pour diverses Les choix politico-techniques les plus décisifs relèvent de la
raisons. Les premières vélorues françaises ont été mises en modération de la circulation, et de réseaux cyclables conti-
place à Strasbourg en 2017, mais les exemples français ne re- nus, cohérents, en site propre ou sur des axes peu motorisés.
flètent pas toujours le concept tel qu’il s’est standardisé aux La ville favorable aux modes actifs s’avère donc un objectif
Pays-Bas, tant en termes de conception que de flux. de longue haleine qui réclame un meilleur rapport de force
pour restreindre trafic et vitesse automobiles et redonner un
La vélorue est pourtant promise à un bel avenir dans les zones visage humain à la ville : même à l’heure de la smart city, les
denses très fréquentées par des cyclistes. En 2020, des vélo- piétons et les cyclistes, qui participent pleinement à l’anima-
rues provisoires, introduites à Rennes et à Nantes, davantage tion de la rue, restent les socles de l’urbanité.
inspirées par le modèle néerlandais, ont entraîné des refontes
de plans de circulation. Elles y correspondent chacune à un La bibliographie et les sources sont disponibles
axe structurant du réseau cyclable local où les vélos peuvent dans la version web, sur Construction21.fr

96 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 97
Mesurer la vitesse réelle des automobilistes
La modération de la vitesse en ville est une
nécessité tant pour la sécurité routière que pour la
qualité de vie et la convivialité. C’est une condition
nécessaire (mais non suffisante) pour envisager de
faire circuler les cyclistes et les usagers motorisés
sur un même espace. En outre, ce sont les vitesses
réelles des véhicules motorisés et non la vitesse
limite autorisée qui conditionnent la sécurité
Le choix entre mixité et séparation des modes est fondamen- et le ressenti de sécurité vécu par les cyclistes.
tal lorsqu’on cherche à construire un espace public accueillant Pour mesurer la vitesse pratiquée, on utilise
et inclusif pour l’ensemble des modes actifs. Ce choix s’appuie couramment le V85 : c’est la vitesse en dessous de
nécessairement sur une hiérarchisation préalable des réseaux laquelle circulent 85 % des véhicules libres (non
viaire et cyclable ou à défaut sur une réflexion locale sur la contraints par la circulation des autres véhicules).
vocation des aménagements mis en place. Trois critères prin-
cipaux sont à considérer conjointement avant de choisir de
faire cohabiter ou non les cyclistes et les usagers motorisés

© Rivo Vasta
sur un même espace : le volume de trafic motorisé, la vitesse
réelle pratiquée par les usagers et le trafic cycliste souhaité.

Le volume de trafic motorisé

La proximité avec les usagers motorisés est souvent facteur révéler problématique si le trafic cycliste atteint plusieurs les cyclistes qui ne peuvent ni dé-
de stress, d’inconfort et de sentiment d’insécurité pour les milliers de passages par jour, a fortiori sur un réseau cyclable passer ni se faire dépasser dans de
cyclistes, même si elle ne s’avère pas rédhibitoire pour certains à haut niveau de service. bonnes conditions ;
d’entre eux. Le volume de trafic est un indicateur qui permet présence éventuelle de dis-
d’apprécier si cette proximité risque d’être fréquente ou non, Quel type d’aménagement ? positifs de modération de
et donc si une mixité d’usages de la chaussée est envisageable. la vitesse pour les véhicules
La hiérarchisation du réseau permet d’identifier les quelques motorisés ;
Ainsi, les différents retours des gestionnaires de voirie en axes de transit nécessitant des aménagements cyclables. Le voirie en pente générant,
France et à l’international montrent qu’au-delà de 4 000 uvp1/ reste du réseau est constitué des voies de desserte limitées dans le sens de la montée,
jour, la cohabitation entre les cyclistes et les usagers moto- à 30 km/h ou moins, faiblement circulées, nécessitant rare- une augmentation du diffé-
risés sur un même espace est très souvent problématique. ment des aménagements séparatifs. rentiel de vitesse entre les
Face à des situations où ce seuil est dépassé, deux options vélos et les voitures ;
principales s’offrent à l’aménageur pour garantir la cyclabilité Le long des voies limitées à 30 km/h ou moins, la piste cyclable étalement ou resserrement
de la solution technique retenue : ou la bande cyclable sont souvent pertinentes si on souhaite de l’heure de pointe : des
créer des aménagements cyclables séparatifs : cette maintenir un trafic motorisé supérieur à 4 000 véhicules par jour. dispositions spécifiques
option suppose de créer des aménagements suffisam- peuvent être envisagées
ment qualitatifs pour être plus attractifs que la chaus- Le long des voies limitées à 50 km/h ou plus, où des aména- pour des axes dont les tra-
sée générale. Ils devront être dimensionnés de manière gements séparatifs sont à privilégier, la piste sera générale- fics motorisés et cyclables
adéquate et bénéficier d’un traitement particulière- ment préférée à la bande cyclable dès que le trafic motorisé se trouveraient particulière-
ment favorable dans les carrefours ; devient significatif (> 6 000 uvp/jour). ment étalés dans la journée
prévoir un usage mixte de l’espace, mais agir sur le plan Voici un tableau d’aide à la décision qui propose, en fonc- ou au contraire concentrés
de circulation pour faire baisser le trafic motorisé en tion de ces trois critères, le type d’aménagement cyclable à sur les heures de pointe (tra-
dessous des seuils précités : c’est souvent la solution qui envisager en milieu urbain : fics pendulaires) ;
s’impose dans les rues étroites où la création d’aména- volume de trafic piéton : le
gements séparatifs conformes aux standards de largeur croisement du niveau de
n’est pas réalisable. Pour autant, on veillera à conserver « Le choix entre mixité service recherché pour les
dans la mesure du possible une largeur permettant une piétons et les cyclistes avec
bonne cohabitation entre cyclistes et automobilistes, et séparation des modes les volumes en présence
notamment en situation de dépassement.
est fondamental lorsqu’on L’examen de ce tableau donne une idée assez précise du choix
à opérer entre mixité et séparation des modes. Mais, d’autres
est également à prendre en
considération dans le choix
Le trafic cycliste cherche à construire paramètres pourront également être examinés :
largeur de la chaussée et nature des séparateurs : à
de l’aménagement.

Le trafic cycliste, constaté ou désiré, est également à prendre un espace public trafic et vitesse égaux, la largeur circulable fait varier
en considération, de même que le niveau de service visé pour sensiblement le niveau de service offert aux cyclistes.
les cyclistes. Par exemple, si une zone 30 à faible trafic moto- accueillant et inclusif. » Par exemple, même avec un faible trafic motorisé, une
1. Uvp : unité de véhicule particulier. Cette unité de mesure du trafic tient
risé (< 4 000 uvp/jour) peut parfaitement admettre la mixité chaussée monodirectionnelle étroite avec bordures compte de l’impact plus important de certains véhicules, en particulier les
pour un trafic jusqu’à 750 cyclistes/jour, cette mixité peut se infranchissables est souvent très inconfortable pour poids lourds en leur affectant un coefficient multiplicateur de deux.

98 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 99
6

VOIES RÉSERVÉES :
UN OUTIL POUR
OPTIMISER L’USAGE DES
INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES

© AREA
Afin de maîtriser ou de réduire le trafic automobile, le développement
d’alternatives à l’autosolisme est un enjeu fort pour les grandes
agglomérations congestionnées. Il est également nécessaire de
répondre aux exigences d’amélioration de la qualité de l’air en
favorisant la circulation de véhicules moins polluants. Voici un état
des lieux du déploiement des voies réservées à ces usages en France.

Nicolas Moronval,
chef du Département Innovation et Développement, Groupe APRR-AREA
linkedin.com/in/moronval-nicolas-73540512

Pascal Glasson,
directeur de projets régulation des trafics et voies réservées, Cerema
linkedin.com/company/cerema/

100 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 101
Visibilité d’un usager de la VR2+ sur un usager entrant

En parallèle de la création de voies réservées, il est nécessaire, Elle accepte les VL2+, taxis et véhicules crit’Air 0, tandis que
pour les maîtres d’ouvrage et leurs partenaires d’inscrire leurs les véhicules réguliers de transport public collectif circulent
projets de VR2+ dans une politique globale en matière de sur la VRTC située sur l’ancienne bande d’arrêt d’urgence.
mobilités, en étudiant par exemple la création de disposi-
tifs ou d’aménagements en faveur des mobilités partagées :
plateforme de mise en relation de covoitureurs, incitations

© M. Mathieu/Cerema
financières, information multimodale, aires de covoiturage,
parcs relais, etc.

Des enjeux de sécurité, d’acceptabilité


Voie réservée aux services réguliers de transport public collectif sur A51. et d’efficience
L’un des principaux enjeux de sécurité d’une VR2+ est la

© AREA
gestion des changements de file entre les voies de circula-
En France, les voies réservées sont d’abord apparues sous la route… ce qui risque de générer une augmentation du trafic tion générale congestionnées et la VR2+, où les véhicules Profil en travers type sur A48
forme de voies réservées aux services réguliers de transport automobile et des nuisances environnementales. circulent plus rapidement. Cette problématique nécessite
public collectif (VRTC) avec la mise en service de plusieurs notamment :
voies réservées sur des axes routiers structurants du réseau En France, le principe privilégié consiste à aménager ces voies un dimensionnement adéquat de la voie réservée (via
national : A1, A6a, A10 et A12 en Île-de-France, A7 et A51 entre réservées en lieu et place d’une voie de circulation existante en une augmentation de sa largeur par rapport à une voie Dès l’ouverture de la voie réservée et afin de sensibiliser à la
Aix-en-Provence et Marseille ou encore A48 à Grenoble. l’exploitant de façon dynamique : la voie de circulation n’est rapide “traditionnelle”) permettant d’améliorer les visi- bonne utilisation de la voie, le message pédagogique « Seul(e)
réservée que certains jours et à certaines heures de la journée1. bilités et de faciliter les manœuvres d’évitement ; à bord/Changez de voie » est affiché sur un panneau lumi-
L’enjeu porte désormais sur la réalisation des premières voies une baisse de la vitesse sur l’ensemble des voies de cir- neux situé au-dessus de la voie, au passage des véhicules non
réservées au covoiturage et à certaines catégories de véhi- Les objectifs des voies de covoiturage culation. autorisés. L’affichage de ce message est rendu possible par la
cules (VR2+) aux abords des grandes métropoles, qui per- La mise en œuvre de VR2+ sur les axes routiers structurants, solution de comptage automatique du nombre d’occupants
mettent d’accroître le nombre de personnes transportées sans créer d’infrastructures nouvelles, vise à répondre à deux En parallèle, l’acceptabilité de la voie réservée nécessite que : dans les véhicules développée par la société Pryntec.
(et non de véhicules), mais dont la mise en place est plus objectifs : l’accroissement de la longueur de la congestion soit maî-
complexe, notamment en termes d’acceptabilité, de sécu- à court terme, exploiter plus efficacement l’infrastruc- trisé pour ne pas dégrader les conditions de circulation L’activation de la VR2+ est proposée automatiquement à
rité et de contrôle de l’usage… ture en permettant une réduction du temps de par- sur des itinéraires jusque-là épargnés par la congestion ; l’opérateur en fonction de l’état du trafic. Dans la pratique,
cours moyen des usagers empruntant la VR2+ ; la baisse des vitesses sur ces axes structurants (poten- son activation a été observée quotidiennement entre 6 h 50
Le principe des voies réservées au covoiturage et à à moyen terme, inciter les usagers à changer de mode tiellement à 50 km/h) soit restreinte aux périodes de et 7 h 10, pour une durée de 2 h en moyenne. Dès les pre-
certaines catégories de véhicules de déplacement en ayant recours aux mobilités parta- montée en charge du trafic et d’activation de la voie miers jours, la quasi-totalité des VL2+ a emprunté la voie qui
gées ou faiblement émissives du fait de la fiabilisation réservée ; leur était réservée. Bien qu’une proportion non négligeable
Les voies réservées correspondent à l’utilisation d’une voie de et de la réduction de leurs temps de parcours. la voie réservée soit généralement réservée aux “2 oc- d’autosolistes aient utilisé la VR2+, un différentiel moyen de
circulation sur un axe subissant une congestion récurrente, cupants et plus” et non “aux 3 occupants et plus” afin vitesse de 10 km/h a été rapidement constaté, sans qu’aucun
pour en réserver l’usage à certaines catégories de véhicules. Les d’éviter le « syndrome de la voie vide » ; incident ne soit à déplorer. Ce différentiel, facteur d’attrait
catégories d’usagers ou de véhicules autorisés sur les “VR2+” le contrôle de leur utilisation soit efficace. et donc d’adhésion, devrait légèrement croître à mesure que
sont : les seuls covoitureurs emprunteront la voie.
les véhicules transportant au minimum deux occupants Enfin, les retours d’expérience sur les premiers projets de
notamment dans le cadre du covoiturage (VL2+) ; VR2+, en 2021, permettront de mesurer l’efficience de ces Concevoir collégialement, avec méthode et finesse un nou-
les véhicules de transport en commun ; voies notamment via la quantification des impacts sur le tra- veau service est un préalable nécessaire à la réussite d’un
les taxis ; fic (fréquence et dureté des phénomènes de congestion), de tel projet, mais cela ne suffit pas à emporter l’adhésion des
les véhicules à très faibles émissions (crit’Air 0). la progression de la pratique du covoiturage, des temps de usagers ni même à leur permettre d’en appréhender la fi-
parcours des usagers autorisés… nalité et l’usage. Afin d’y parvenir, une première campagne
L’aménagement d’une VR2+ peut se faire soit en réaffectant de communication a été engagée dès le printemps 2020
une voie existante (généralement la voie de gauche) soit en Les premières voies réservées au covoiturage pour informer les automobilistes de l’arrivée de ce nouveau
ajoutant une nouvelle voie. La première solution présente En France, les premières voies réservées sur autoroutes et service. En 2021, une nouvelle phase axée sur l’incitation au
l’avantage de nécessiter moins d’investissements, mais com- voies structurantes d’agglomérations ont été mises en service covoiturage sera lancée, elle prévoit notamment de valoriser
porte un risque d’accroissement de la longueur de congestion. en 2020 : A48 en entrée de Grenoble et M6/M7 près de Lyon. les bonnes pratiques.
La seconde solution engendre des coûts élevés, nécessite des La VR2+ sur A48, en amont de la bifurcation A48/RN481,
emprises supplémentaires et peut accroître la capacité de la Principe de fonctionnement d’une VR2+ dynamique s’étend sur une longueur de 8 km et utilise la voie de gauche. 1. Propositions SD-A2.4 de la Convention citoyenne pour le climat.

102 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 103
7

INCLURE LES BABY-BOOMERS


DANS LA MOBILITÉ
« Le déploiement des
voies réservées devrait
DU XXIe SIÈCLE
également s’accélérer
grâce aux travaux de la
Convention citoyenne
pour le climat. »
Le contrôle des voies réservées
Comme mentionné précédemment, l’acceptabilité des voies
réservées passe également par un contrôle performant du
nombre d’occupants permettant de vérifier que les véhicules
présents sur la voie sont bien autorisés à y circuler. L’article
39 de la loi d’orientation des mobilités (LOM) précise le cadre
juridique applicable aux dispositifs de contrôle automatisé
de ces voies réservées qui peuvent être mis en œuvre par les
forces de l’ordre.

À l’heure actuelle, certaines solutions de comptage du


nombre d’occupants dans les véhicules apparaissent suffi-
samment efficaces pour permettre l’affichage de messages
pédagogiques incitant au bon usage de la voie. Cependant,
dans l’attente de l’homologation de ces dispositifs per-
mettant un contrôle sanction totalement automatique, le
recours à un dispositif de contrôle par vidéo-verbalisation
assistée par ordinateur est privilégié.

© DR
Perspectives
Les VR2+ sont des objets routiers innovants dont le déploie- La génération des baby-boomers nés après-guerre est désormais
ment monte progressivement en puissance grâce à un cadre confrontée aux difficultés relatives à la fin de vie. Parmi les nombreux
juridique complet, une volonté politique forte, des possibili-
tés de financement accrues (plan de relance, 4e appel à pro-
outils technologiques qu’elle a vu se démocratiser au cours
jets “Transports collectifs en site propre”…) et des avancées du XXe siècle, l’automobile est sans doute l’un des plus emblématiques
notables sur les capteurs du nombre d’occupants. Les pre- de cette génération. Aujourd’hui, face aux enjeux liés aux
miers retours d’expériences, attendus en 2021, permettront changements climatiques, il est crucial de ne pas laisser nos aînés sur
de consolider les règles de l’art sur ce sujet. le bas-côté, au risque de leur faire rater le train de la décarbonation,
créant une nouvelle fracture sociétale majeure.
Enfin, le déploiement des voies réservées devrait également
s’accélérer grâce aux travaux de la Convention citoyenne
pour le climat qui a proposé, dans les trois prochaines an- Peggy Mertiny,
nées, de « généraliser les aménagements de voies réservées chargée de mission, directrice d’études en charge
aux véhicules partagés et aux transports collectifs sur les au- du stationnement au Cerema
toroutes et voies rapides ». linkedin.com/in/peggy-mertiny-24912384

Pour aller plus loin : guide Voies structurantes


d’agglomération – Aménagement des voies réservées Joël Meissonnier,
au covoiturage et à certaines catégories de véhicules, chargé de recherche au Cerema
Cerema, 2020. linkedin.com/company/cerema/
© AREA

104 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 105
« Les baby-boomers
d’aujourd’hui s’avèrent
bien plus mobiles que
leurs aînés et le passage à
+ 20 % LA CROISSANCE DU TAUX
DE POSSESSION le défaitisme : 31 % renonceront à certains de leurs dé-
du permis de conduire chez les femmes
la retraite s’accompagne de 75 à 85 ans en 10 ans.
placements et 30 % auront recours à la mobilité inver-
sée (achats en ligne, télémédecine, livraisons…) ;
d’une augmentation l’appel à la solidarité : 29 % auront recours à un proche
(famille, amis) ou à un tiers (bénévole, professionnel :
notable des pratiques 17  %) ;
le pragmatisme : 9 % seulement s’orienteront vers un
de mobilité. » véhicule personnel adapté et 5,5 % le covoiturage.
Les plus de 60 ans sont aujourd’hui plus nombreux que les de vie de plus en plus variés dans la vieillesse5 et à 80 ans,
moins de 20 ans, mais au sein du 3e âge, deux profils spéci- tout comme à 30 ans, 88 % des déplacements (hors travail) se Les personnes âgées sont ainsi tentées de prolonger indéfini-
fiques se distinguent. Les baby-boomers d’une part, nés après font en voiture particulière. On s’attend donc à ce qu’ils pour- ment leur pratique de la conduite lorsqu’elles ont les moyens
la Seconde Guerre mondiale, ont construit la France des suivent leurs activités jusqu’à un âge avancé et restent acteurs économiques d’investir dans des véhicules équipés des der-
Trente Glorieuses et sont près de 12 millions à avoir entre 60 de leur mobilité, fortement centrée sur l’usage de la voiture. nières technologies, et ce, même si elles n’ont plus toutes les
et 75 ans1. Chaque année, ils sont environ 700 000 à prendre aptitudes physiques et/ou cognitives requises pour le faire. Le
leur retraite ce qui en fait la cible principale des acteurs de Ainsi en 2050, les baby-boomers continueront de grossir les Plus de femmes au volant risque est réel, faute de solutions alternatives crédibles, de
la silver économie. Les 6 millions de seniors de la génération rangs des plus de 75 ans et 4 millions d’entre eux devront faire La motorisation croissante, surtout celle des femmes, ap- placer les personnes âgées dans un non-choix, les rendant
silencieuse d’autre part, nés entre la Grande Dépression de face à une perte d’autonomie : la transformation des mobilités paraît comme un puissant facteur de transformation de la otages de leur voiture jusqu’à leurs derniers jours.
1930 et la Seconde Guerre mondiale, ont désormais plus de devra donc se faire avec eux et avec les spécificités inhérentes mobilité quotidienne au cours du troisième âge. Pour preuve,
75 ans et 30 % sont en perte d’autonomie2. à ces deux catégories de population. le taux de possession du permis chez les femmes de 75 à 85 Certes, l’arrêt de la conduite est redouté, quel que soit l’âge,
ans a augmenté de plus de 20 points en seulement 10 ans. car vécu comme un signe d’entrée dans la vieillesse et la
Évolution de la population française par âge Une mobilité plus active, mais toujours ancrée dans dépendance8. Mais le défaut de lucidité de la part des per-
le XXe siècle Néanmoins, la diminution de la taille des familles et la dissé- sonnes âgées justifie-t-il que la puissance publique ne mette
mination géographique de plus en plus grande des cellules pas tout en œuvre pour les éclairer ?
La génération entière des baby-boomers a baigné dans l’ère du familiales font que les personnes âgées auront de moins en
« tout automobile » : motorisation de masse, développement moins de membres de leur famille proche pour s’occuper À l’instar du logement, le maintien dans la conduite le plus
des grands axes routiers et périurbanisation. Que ce soit pour d’elles. Alors malgré l’amélioration de ce facteur d’autono- tard possible semble encore faire consensus. Mais l’adapta-
leurs trajets quotidiens ou pour les loisirs, la voiture a été leur mie des femmes, la pression sur la collectivité pour fournir tion de la voiture aux aptitudes des personnes ne répondra
mode de transport privilégié quelle que soit leur catégorie des services et des équipements en remplacement lorsque pas à elle seule aux changements sociétaux attendus en ce
socioprofessionnelle et son abandon est envisagé comme une cette capacité ne pourra plus être maintenue6 continuera début de XXIe siècle. Cette position délibérément pro-voi-
véritable « mort sociale »3. de s’accroître. ture n’est sans doute pas sans lien avec la pression exercée
par les constructeurs automobiles qui trouvent là une formi-
Les baby-boomers d’aujourd’hui s’avèrent d’ailleurs bien plus Une évolution de la mobilité difficile à appréhender dable occasion de justifier la course à l’innovation, loin des
mobiles que leurs aînés et le passage à la retraite s’accom- impératifs internationaux de décarbonation des mobilités9.
pagne d’une augmentation notable des pratiques de mobilité4 Alors qu’ils n’ont jamais été aussi en phase avec leur temps, Dès lors, sous couvert de permettre aux conducteurs les plus
générées par la mobilité de consommation et de loisirs. De 16 % des personnes âgées de 56 à 74 ans et surtout 44 % des âgés d’être mobiles plus longtemps, cette « conception uni-
plus, l’amélioration des conditions socio-économiques des plus de 75 ans déclarent être gênées pour se déplacer. Ces verselle » sert de prétexte pour reculer la fin de la conduite
aînés, leur accès quasi généralisé à la voiture individuelle ainsi difficultés à anticiper les changements liés à l’âge sont très automobile, au risque de compromettre son anticipation,
qu’aux nouvelles technologies, permet le maintien de modes hétérogènes7, parmi lesquelles : bien qu’inéluctable.
le déni : 21 % des futurs seniors n’ont jamais réfléchi à
l’évolution de leur mobilité ; En outre, le développement des zones à faibles émissions et la
l’optimisme naïf : 32 % envisagent un report futur sur les diminution progressive de l’offre de stationnement en voirie
transports en commun, alors qu’ils ne sont que 5,5 % à (dont seulement 2 % minimum sont réservés aux personnes
les utiliser (+ 65 ans) ; à mobilité réduite10) vont rendre l’accès aux centralités plus
difficile. Des changements devront alors être engagés à court
terme, au risque d’en exclure cette frange grandissante, et
non moins fragile, de la population.

1. Population INSEE en 2020.


2. Khaled Larbi (Insee), Delphine Roy (Drees), 2019.
3. Drulhe, Pervanchon, 2004.
4. Hidlebrand (2003), Rosenbloom (2003), Fökber & Grotz (2006)
5. Alsnih & Hensher (2003), Rosenbloom (2003) et Daris (2003)
6. Rapport OCDE, 2001.
7. Étude du Laboratoire de la mobilité inclusive, Dreyfus, 2019.
8. Espinasse, 2005.
9. Pascale Hebel, Crédoc, 2010.
10. Voirie : Décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 et établissements
recevant du public : Arrêté du 1er août 2006.

106 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 107
« Les personnes à la retraite
sont, par définition, moins 8
sujettes aux contraintes
d’horaire et de mobilité. Ne LA PSYCHOLOGIE SOCIALE
pourrait-on pas attendre
d’elles que leur mobilité
AU SERVICE DU REPORT MODAL
soit, selon le cas, plus lente,
moins instantanée et plus
écologique ? »

Développer de nouveaux modes de mobilité Des réponses assez classiques apparaissent de prime abord
adaptés pour engager une mutation vers la mobilité comme les services à la demande de transport et d’assistan-
décarbonée et inclusive de demain ce11, mais d’autres solutions plus originales émergent aussi.
D’ici que la voiture devienne 100 % autonome, des solutions Tout d’abord, les buggys et les tricycles motorisés, moins
de moyen terme sont à mettre en œuvre. Mais lorsqu’il s’agit stigmatisants en situation de handicap, sont une excellente
de faire le bilan de l’offre de mobilité des personnes âgées, solution pour maintenir la mobilité. Peu commercialisés en
la voiture ne souffre d’aucune réelle concurrence. Ce n’est France, on dénombre environ 500 000 utilisateurs de ces
d’ailleurs qu’à partir de 80 ans que commence effective- « scooters » PMR au Royaume-Uni contre quelques milliers
ment la démotorisation et à partir de 88 ans que les mé- en France.
nages sans voiture deviennent majoritaires. En l’absence de

© Université Gustave Eiffel


choix effectif, les personnes âgées sont donc prisonnières Ensuite, d’autres initiatives misent sur la formation, afin
du système automobile, comme otage d’un mode de trans- « d’apprendre à être vieux », comme celle de la prévention
port assigné auquel on tarde à trouver des alternatives. routière12 ou l’Attaining Energy-Efficient Mobility in an Ageing
Or les personnes âgées pourraient être mises tout particu- Society13 sur le management de la mobilité des personnes
lièrement à contribution pour engager cette transition, car âgées dans les transports en commun.
anticiper une alternative serait un gage de meilleure appro-
priation pour un public très attaché à ses routines. De plus, Enfin, des expérimentations de covoiturage solidaire ont
les personnes à la retraite sont, par définition, moins sujettes montré leur efficacité comme « the Independent Transpor- Dans quels cadres de vie, avec quelles perspectives les individus, les
aux contraintes d’horaire et de mobilité. Ne pourrait-on pas tation Network (ITN)14 » aux États-Unis. Ce réseau national de ménages ou les groupes en viennent-ils à bousculer leurs habitudes en
attendre d’elles que leur mobilité soit, selon le cas, plus lente, 25 filiales locales regroupe environ 1 650 conducteurs volon-
moins instantanée et plus écologique ? taires (60 ans d’âge moyen) à destination des personnes âgées
renonçant à la voiture individuelle pour des modes de déplacement plus
et malvoyantes (80 ans d’âge moyen). Il est une démonstra- durables ? Cet article se propose de présenter un exemple de recherche
tion de la « propension à payer » pour un service de qualité, s’appuyant sur un outil dédié aux expérimentations et mettant en
a fortiori lorsque les transports en commun sont inexistants œuvre des environnements immersifs simulés en réalité augmentée.
ou insuffisants.

Il paraît donc plus que nécessaire d’envisager la mobilité des Frédéric Martinez, Régis Blanchet,
personnes âgées sous l’angle de l’anticipation. En dédrama- chargé de recherche, responsable de ingénieur d’études, Équipe
tisant ce changement grâce à des médias appropriés aux l’équipe Dynamique des Changements Dynamique des Changements de
seniors et surtout en dissociant liberté individuelle et auto- de mobilité, Université Gustave Eiffel. mobilité
mobile, usagers et autorités organisatrices des transports
envisageront mieux les évolutions à venir dans cette « vie
après la conduite ». Patricia Champelovier, Chloé Thévenet,
ingénieure de recherche, Équipe doctorante, Équipe
Dynamique des Changements de Dynamique des Changements de
11. L’association Compagnons du voyage, et le programme « SORTIR PLUS ».
12. Flyer de la prévention routière : « Avec le temps, comment adapter sa mobilité mobilité
conduite ?  »
13. Rapports, guides et études de bonnes pratiques : www.aeneas-project.eu
14. www.itnamerica.org
Chrystèle Philipps-Bertin, Agnès Boscher,
chargée de recherche, Équipe ingénieure d’études, Équipe
Dynamique des Changements de Dynamique des Changements
mobilité de mobilité

https://www.linkedin.com/school/universit%C3%A9-gustave-eiffel/

108 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 109
120 HABITANTS
de Lyon et des communes limitrophes
ont participé à l’expérimentation.

Située au carrefour des sciences psychologiques et sociales, (LSEE) a été conçu dans l’objectif de créer et de « mettre en
la psychologie sociale développe un regard centré sur les scène » des contextes variés permettant d’immerger des per-
interactions individus/contextes pour observer et analyser les sonnes dans un cadre de vie simulé. Les participants sont ins-
expériences, les pratiques et les perceptions des personnes tallés dans une pièce meublée comme le salon d’un logement.
et des groupes. Ainsi, elle propose d’étudier comment les Elle dispose d’une fenêtre équipée d’un écran sur lequel est
perceptions, décisions et comportements des individus projetée une vidéo présentant un environnement extérieur.
sont influencés par des facteurs contextuels liés aux modes Avec la diffusion d’une ambiance sonore idoine, le sujet se
et contenus de communication, aux interactions sociales, retrouve alors immergé dans un appartement en centre-ville,
aux objets et situations proposés. Les comportements de ou une maison de campagne, ou une résidence pavillonnaire,
mobilité, comme les autres comportements humains, ne en fonction du contenu diffusé. Des cadres de vie actuels ou
sont pas prédéfinis. Ils sont dépendants du contexte, de la prospectifs intégrant par exemple des modes de transports
construction subjective de la situation. La décision n’est existants ou futuristes et leurs conséquences sur l’environne-
jamais figée. Elle peut évoluer en fonction du contexte au ment sont ainsi simulés. Les ressources technologiques du LSEE
moment de la décision, du cadre de vie, de l’environnement associées à la maîtrise de l’animation 3D et de l’audio immer-
construit, de la présence ou de l’absence de nature. Les sif assurent le réalisme des environnements reproduits. Elles
changements comportementaux dépendent également des offrent la possibilité de créer les situations les plus complexes Photo 2 : cadre de vie simulé : « appartement en centre-ville ».
perspectives offertes, de l’anticipation et de la visualisation et les plus abouties pour étudier l’influence du cadre de vie
des conséquences. La tension, créée par la perception sur les décisions et comportements de mobilité.
subjective de la différence entre la situation actuelle et la
situation future potentielle, déclenche une motivation à agir Illustration empirique
et oriente la décision.
Dans le cadre d’un projet de recherche plus large (PUNCH,
Simuler des cadres de vie… pour agir sur le report financé par l’ADEME), une des expérimentations qui a été
modal : une application innovante réalisée au LSEE consistait à tester les effets simples et d’inter­
action du cadre de vie et de la formalisation d’un dispositif
La méthode expérimentale en sciences humaines et sociales, de communication sur les choix de mode de transport.
en recourant à la réalité virtuelle, offre une réelle opportunité
d’identifier les cadres de vie, les perspectives individuelles et Méthodologie
collectives les plus efficaces pour accroître le report modal. Le
Laboratoire de simulation et d’évaluation de l’environnement Les participants
120 habitants de Lyon et des communes limitrophes (70
femmes, 50 hommes, âgés de 22 à 63 ans, moyenne = 40,6
« La tension, créée par ans) ont participé à cette expérimentation en 2019. Le re-
crutement des participants s’est effectué via un mail envoyé
la perception subjective dans différents réseaux (réseau interne de l’université et ré-
seaux personnels). Les volontaires étaient invités à remplir
de la différence entre en ligne un questionnaire préalable permettant de vérifier
la situation actuelle les différents critères de recrutement (être actif, habiter de
façon permanente dans son domicile depuis plus d’un an,
et la situation future être titulaire d’un permis de conduire depuis plus de trois ans,
posséder une voiture et pouvoir l’utiliser quand il le souhaite,
potentielle, déclenche être en capacité physique de se déplacer en transports en
commun ou d’utiliser des modes alternatifs à la voiture) avant
une motivation à agir de les sélectionner.
et oriente la décision. » Le matériel
Deux animations réalisées en images de synthèse en 3D si-
mulaient les contextes :
« appartement en centre-ville », avec des immeubles,
sans végétation, et à la circulation dense (cf. photo 2) ; Photo 3 : cadre de vie simulé : « pavillon en péri-urbain ».

110 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 111
« L’efficacité des
dispositifs de 9
« pavillon en péri-urbain », avec des maisons indivi-
duelles, de la végétation et peu de circulation (cf. pho- communication pour
to 3). inciter au report INTERLUD :
Deux messages prônant l’utilisation de modes de transport modal dépend de la
alternatifs à la voiture individuelle ont été élaborés :
le premier met en exergue le gain à l’utilisation des trans- perception de la qualité UN PROGRAMME POUR UNE
ports alternatifs, et se termine par le slogan : « Amélio-
rez dès maintenant la qualité de l’air pour votre santé » ; environnementale du LOGISTIQUE URBAINE DURABLE
le second met en exergue l’évitement de pertes lié au
renoncement à la voiture individuelle, et se termine par
cadre de vie. »
le slogan : « Évitez dès maintenant la pollution de l’air
pour ne pas tomber malade ».

36 scénarios de déplacements fictifs avec le motif « se rendre


à son travail » ont été établis. Ils proposaient de choisir entre
la voiture individuelle et un autre mode de transport alter-
natif : le vélo, les transports en commun (métro, tramway ou il n’y avait pas de différence sur la perception de proxi-
bus) ou le covoiturage. mité des arrêts de transport en commun et des stations
de vélos en libre-service ;
Ces scénarios étaient répétés en faisant varier la durée du les participants immergés en situation « centre-ville »
trajet et l’écart de temps de parcours entre le mode alternatif ont perçu le cadre de vie plus pollué que ceux en situa-
présenté face à la voiture individuelle. tion « pavillonnaire » ;
dans le contexte perçu comme le plus pollué (ex. centre-
La procédure ville), les participants choisissent significativement da-
Les 120 participants ont été distribués aléatoirement dans vantage le mode alternatif lorsque le message souligne
quatre conditions expérimentales en fonction du cadre de les conséquences positives, à savoir l’amélioration de
vie induit et de la variation de la formalisation du dispositif la qualité de l’air ;
de communication. Ils étaient installés individuellement dans dans le contexte perçu comme le moins pollué (ex. pa-
le salon expérimental où était diffusée la séquence audiovi- villonnaire), les arguments les plus efficaces pour inci-
suelle représentant le cadre de vie qui leur était affecté. La ter au report modal sont ceux axés sur l’évitement des
mise en situation reposait sur une consigne orale de l’expé- conséquences négatives, à savoir la diminution de la

© InterLUD
rimentateur qui invitait les participants à s’imaginer dans un pollution de l’air.
cadre de vie spécifique.
Nous avons montré, à travers cette recherche, que l’efficacité
Pour chacun des 36 scénarios de déplacement, ils devaient des dispositifs de communication pour inciter au report mo- La logistique urbaine ou la logistique du dernier kilomètre est « l’art
faire leur choix en se positionnant sur une échelle allant de 1 dal dépend de la perception de la qualité environnementale d’acheminer dans les meilleures conditions les flux de marchandises
(voiture individuelle) à 6 (mode de transport alternatif). du cadre de vie. La comparaison expérimentale de contextes
qui entrent, sortent et circulent dans la ville1 ». Son rôle est devenu
contrastés offre des informations sur ce qui influence les
À la fin de l’expérimentation, les participants ont répondu à changements de comportements de mobilité. Dans des visible aux yeux de tous depuis la pandémie de Covid-19, avec des
une batterie d’items sur une échelle d’accord en cinq points travaux ultérieurs, il s’agira par exemple de : travailleurs de la livraison mieux reconnus et un approvisionnement
allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord » : modéliser des quartiers avec et sans végétation en in- des ménages via le e-commerce pouvant pallier en partie la fermeture
5 items sur le sentiment d’immersion : il s’agissait de fographie 3D, afin de tester l’impact de ces différents des commerces non essentiels pendant les périodes de confinement.
vérifier que les participants s’étaient bien imaginés dans cadres de vie sur le choix d’un mode de transport ;
le cadre de vie induit (ex. « J’ai réussi à m’imaginer que insérer des éléments virtuels dans la prise de vue à 360°
j’étais chez moi ») et qu’il n’y avait pas de différence d’un quartier existant, pour évaluer l’efficacité d’amé- Hélène de Solère,
au niveau de la perception de proximité des arrêts nagements destinés à encourager des changements de cheffe de projets logistique urbaine et interurbaine, Cerema
de transport en commun et des stations de vélos en choix modal ; linkedin.com/in/helene-de-solere-98bb16a5
libre-service (ex. « Je me suis imaginé être proche des simuler les conséquences à long terme de la pollution
arrêts de bus, de métro, de tramway, d’une station de dans un environnement virtuel ou de réalité augmen-
vélos en libre-service ») ; tée pour identifier les perspectives à mettre en avant
7 items sur la qualité environnementale du quartier (ex. dans les dispositifs de communication (spot télévisuel,
« Dans ce quartier, la santé des habitants est affectée affiche, actions de sensibilisation…).
par la pollution »).
L’identification d’autres situations de décision (cadre de vie,
Les résultats contenu du message, perspectives offertes…) les plus effi-
caces permettra de favoriser la mobilité décarbonée en in-
Les résultats montrent notamment que : citant au report modal qui impacte aussi bien la qualité de
les participants se sont bien sentis comme chez eux et l’air que nous respirons que l’atténuation des changements
dans le cadre de vie simulé, dans les deux contextes ; climatiques et donc l’avenir de la planète.
1. Définition de D. Patier, La logistique dans la ville, Celse, Paris, 2002.

112 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 113
Un cadre méthodologique et des outils à disposition « La logistique
des collectivités
urbaine est un moteur
Issue de la conférence environnementale de 2014, « La feuille
de route 2015 » pour la transition écologique a initié l’élabo- indispensable au bon
ration d’un cadre national pour des chartes de logistique ur-
baine durable. Le développement de ce cadre national a été
fonctionnement et à la
piloté par l’ADEME, la DGITM/MTES et le Cerema en associant vitalité économique
les organismes institutionnels ainsi que les représentants des
professionnels (Groupement des autorités responsables des des territoires. »
transports, Association des maires de France, Chambre de
commerce et d’industrie France…). Ce cadre méthodolo-
gique a ensuite été expérimenté dans six collectivités.

La logistique du dernier kilomètre n’est pas exempte d’externalités L’ensemble de ces travaux est mis à disposition sous la forme en place avec l’ensemble des acteurs du territoire – à
négatives sur les territoires, tant environnementales, d’un rapport sur le site de l’ADEME4 : Engagement volontaire la fois les acteurs institutionnels : collectivités, services
qu’organisationnelles. Les pouvoirs publics locaux disposent en faveur d’une logistique urbaine durable. de l’État, chambres consulaires et les acteurs écono-
de différents leviers afin de relever l’ensemble des défis de la miques (transporteurs, commissionnaires de transport,
logistique du dernier kilomètre sur leur territoire : améliorer la Cette méthode a pour objectifs de répondre aux principaux grossistes, commerçants, artisans, entreprises) ;
qualité de l’air, prendre en compte des enjeux sociaux liés au enjeux suivants : enfin, le dernier principe consiste en l’élaboration et la si-
statut des livreurs, poursuivre le développement de l’attractivité d’une part, permettre de réduire les impacts sur l’envi- gnature par l’ensemble des parties prenantes, d’une charte
économique de leur territoire, améliorer la qualité de vie CO2 liées au transport, 30 % à 40 % des NOx liées au transport ronnement (pollution, consommation, bruit, etc.), de d’engagement volontaire partenariale en faveur d’une lo-
(gestion du trafic, sécurité routière). Le programme innovations et 40 à 50 % des particules fines liées au transport3. contribuer à apaiser les centres-villes (pollution visuelle, gistique urbaine durable, comprenant un plan d’actions
territoriales et logistique urbaine durable (InTerLUD) a pour congestion, conflits d’usage de la voirie, etc.) et d’amé- ainsi que les modalités de suivi et de gouvernance.
objectif d’accompagner les collectivités dans ces démarches. Outre ces impacts environnementaux, la logistique urbaine liorer le cadre de vie et la santé publique ;
génère également des dysfonctionnements ou des conflits elle permet également de répondre à des enjeux écono- Pour mettre en œuvre cette méthodologie, trois étapes sont
Répondre à des enjeux majeurs pour les territoires d’usages sur l’espace public : arrêt sur la voirie pour livrer, miques notamment contribuant à améliorer l’efficacité proposées :
et la planète stationnement en double file, etc. Ces pratiques peuvent du transport des marchandises. Ceci permet ainsi de la première étape consiste à : « comprendre la démarche
conduire à des situations accidentogènes et contribuer au renforcer l’attractivité et la compétitivité du territoire de charte d’engagement volontaire pour la logistique »
La logistique urbaine comprend de multiples opérations telles congestionnement des centres urbains. et in fine de créer de l’emploi. à travers une description globale de la démarche et des
que la préparation et l’emballage des commandes, le trans- outils proposés ainsi qu’une présentation des fondamen-
port et la livraison, la gestion des points de collecte des colis, Pour autant, la logistique urbaine est un moteur indispensable La méthodologie se décline selon trois principes : taux de la logistique urbaine et de ses acteurs ;
des retours, des palettes vides. Les flux liés au transport de au bon fonctionnement et à la vitalité économique des ter- le premier principe consiste à rassembler des connais- la deuxième étape, nommée « socle d’engagement »,
marchandises en ville sont constitués de la manière suivante2 : ritoires. L’optimiser est une nécessité afin de faire converger sances par l’élaboration d’un diagnostic pour mieux permet de structurer la démarche au sein de chaque
les enjeux environnementaux, les enjeux économiques et les connaître les enjeux de la logistique sur les territoires collectivité. Cette étape consiste à élaborer une straté-
Les déplacements liés au transport de marchandises en ville re- conditions de travail pour l’ensemble de la chaîne logistique. et identifier les acteurs principaux ; gie à partir d’un diagnostic et d’une concertation avec
présentent 15 à 20 % des flux. Ces différents flux se répartissent Infléchir les pratiques logistiques actuelles pour les optimiser, le second principe relève de la concertation à mettre l’ensemble des parties prenantes du territoire pour
ainsi : 50 % liés à des déplacements d’achat et de livraison aux trouver des solutions d’intérêts communs pour construire une aboutir à un engagement sur des actions partagées
particuliers, 40 % pour des livraisons et des enlèvements au- logistique urbaine durable, c’est le défi qui s’impose dès à pré- avec ces acteurs ;
près d’entreprises et 10 % liés à des flux de « gestion urbaine » : sent à l’ensemble des acteurs publics et économiques. Une enfin, la troisième étape consiste en la sélection d’un
déchets, services postaux, chantier du BTP, déménagements. connaissance affinée des enjeux du transport de marchan- « choix des actions » à mettre en œuvre sur le territoire.
En ville, le flux de l’ensemble de ces déplacements représente dises en ville, une meilleure appréhension de son organisation La démarche propose un socle d’actions répondant
20 % du trafic urbain, 30 % de l’occupation de la voirie, mais économique et sociale peuvent permettre de répondre aux aux enjeux de la logistique urbaine. Ces actions sont
représente en moyenne en ville, 25 % à 30 % des émissions de problématiques identifiées. classées en trois groupes : actions de « planification »,
actions « collectivités », actions « collaboratives ». Les
territoires qui s’engagent dans cette démarche auront
toute latitude pour combiner ces différentes actions,
afin de bâtir leur stratégie. Les actions envisageables
sont toutes explicitées dans le rapport de l’ADEME.

Enfin, il est recommandé de faire « vivre » la charte grâce à la


gouvernance mise en place pour son élaboration. Il est im-
portant de suivre les actions définies et de partager avec l’en-
semble des acteurs cet avancement, afin de poursuivre la dy-
namique engagée sur le territoire et d’en évaluer les résultats.
© SEQ source\* ARABIC 1 dumas.ccsd.cnrs.fr

2. Source Laboratoire d’économie des transports, 2013.


3. CEREMA, Logistique urbaine (guide), éditions du Cerema, coll. Connaître et
Agir, 2014.
4. https://www.ademe.fr/engagement-volontaire-faveur-logistique-urbaine

114 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 115
10

LOGISTIQUE DU
DERNIER KILOMÈTRE :
À BORDEAUX, ON LIVRE
EN VÉLOS CARGOS

Un programme pour les villes moyennes et les des points de recharge en énergie alternative, etc.) pour amélio-
métropoles rer le transport de marchandises en ville.

Le projet InTerLUD (innovations territoriales et logistique ur- Un troisième axe permettant d’accompagner les territoires qui se
baine durable) a pour objectif de favoriser une gestion de lancent dans l’élaboration d’une charte : il s’agit de subvention-
la logistique urbaine plus durable et économe en énergie ner de façon importante (jusqu’à 70 % pour les plus petites col-
fossile au niveau des agglomérations, par des démarches de lectivités) le coût de réalisation des chartes de logistique urbaine.

© Kedge BS
concertation entre les acteurs publics et privés. Retenu par D’organiser des séminaires de mobilisation, réunissant acteurs
la ministre chargée des transports Élisabeth Borne le 7 février publics et économiques, pour initier la dynamique à l’échelle lo-
2020, il s’inscrit dans le cadre de l’appel à programmes 2019 cale et faciliter la concertation avec les acteurs économiques.
pour l’obtention de certificats d’économie d’énergie (CEE).
Conduit par le Cerema, la CGI (Confédération du commerce L’axe quatre du programme a pour objet de proposer des for-
Face aux nouveaux défis écologiques et aux contraintes grandissantes
de gros et international), Logistic-Low-Carbon (filiale à 100 % mations aux techniciens des collectivités aux enjeux de la logis- auxquelles se confronte la logistique urbaine, le Groupe La Poste exploite
de la CGI), l’ADEME (agence de la transition énergétique) et le tique urbaine, aux différents leviers d’actions de l’EPCI, ainsi qu’à depuis le mois d’octobre 2020 une flotte de vélos cargos pour livrer les colis
bureau d’études Rozo, le projet InTerLUD vise à engager en 3 la méthodologie d’engagement volontaire en faveur de la lo- dans le centre-ville de Bordeaux. Cette expérimentation d’une année est
ans, 50 chartes de logistique urbaine durable sur le territoire gistique urbaine. Pour les acteurs économiques, le programme axée sur l’évaluation de la performance environnementale et opérationnelle
national. Ces chartes ont vocation à contractualiser de nom- prévoit de compléter les formations déjà existantes, afin d’amé-
de cette cyclo-logistique. En comparaison avec l’utilisation de véhicules de
breuses actions volontaires entre les acteurs publics et privés, liorer la prise en compte des enjeux de la logistique urbaine
entreprises à court terme, pour améliorer les conditions du pour les conducteurs et au sein des entreprises de logistique. livraison motorisés, les premiers résultats obtenus sont très encourageants.
transport des marchandises en ville.
Le programme s’adresse en particulier aux villes de taille Enfin, comme tout programme issu des certificats d’innovation Yann Bouchery, Olivier Labarthe,
moyenne et métropoles, dont les problématiques en termes énergétiques, InTerLUD fera l’objet d’une évaluation globale des professeur, directeur du Centre professeur, Centre d’Excellence en
de logistique urbaine peuvent être complexes. Il permet un effets du programme, au fil de l’avancement du projet, pour d’Excellence en Supply Chain, KEDGE BS Supply Chain, KEDGE BS
financement pour l’élaboration des chartes jusqu’à 70 % par mesurer l’apport du programme et l’atteinte des gains attendus linkedin.com/in/yann-bouchery- https://www.linkedin.com/school/
les contrats d’économies d’énergie pour les communautés en termes d’émissions ou de consommation d’énergie. 81a45912a kedge-business-school/
d’agglomérations et communautés de communes, à 50 %
pour les métropoles et communautés urbaines. Face aux enjeux environnementaux et aux différents dé- Larissa Belgouzia, Johan Leveque,
sordres observés sur le territoire en lien avec le transport cheffe de projets, Centre d’Excellence doctorant CIFRE, La Poste,
Les cinq axes principaux d’InTerLUD de marchandises : augmentation de la congestion de la cir- en Supply Chain, KEDGE BS Université de Bordeaux et KEDGE BS
culation, conflits d’usages de la voirie, dans un contexte où linkedin.com/in/larissa-petrikova- linkedin.com/in/johan-leveque-phd/
Un axe sensibilisation des acteurs (collectivités et filières éco- le nombre des livraisons de colis augmente avec l’accroisse- belgouzia-rfr
nomiques) aux enjeux actuels de la logistique urbaine, aux ment du e-commerce, les collectivités se mobilisent de plus Gautier Stauffer,
actions possibles et aux outils existants, tels que les chartes en plus pour porter une politique publique visant à améliorer Jean-Louis Carrasco, professeur, Centre d’Excellence en
de logistiques urbaines. Des évènements territoriaux seront la logistique du dernier kilomètre. Le programme InTerLUD directeur Logistique Urbaine branche Supply Chain, KEDGE BS
organisés en partenariat avec les collectivités et les entreprises, propose à ces territoires un accompagnement adapté pour Service Courrier-Colis, La Poste linkedin.com/in/gautier-
favorisant également la mise en réseau des différents acteurs. répondre à ces questions et permettre la mise en place d’ac- linkedin.com/in/jean-louis-carrasco- stauffer-b823424/
tions concertées par les différents acteurs de la logistique. 35301b14
Un second axe, visant à mettre à disposition de tous via une plate-
forme Internet, des bonnes pratiques et à proposer des outils Pour en savoir plus sur le programme : www.interlud.green, Walid Klibi,
applicatifs aux acteurs économiques (navigation GPS qui tienne ou vous pouvez prendre contact avec les équipes chargées professeur, Centre d’Excellence en
compte des arrêtés de circulation des communes, localisation du déploiement territorial : interlud [a] cerema.fr Supply Chain, KEDGE BS
linkedin.com/in/walid-klibi

116 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 117
10 à 20 % DU TRAFIC URBAIN
Des résultats préliminaires encourageants

Pour répondre aux objectifs du projet, les partenaires réa-


lisent un pilote sur une année complète, de novembre 2020
est assuré par le transport de marchandises, avec une à novembre 2021, avec cinq vélos cargos opérationnels pour
la livraison de colis dans le centre-ville de Bordeaux. En ana-
« Face à l’essor du
occupation de la voirie d’environ 30 %.
lysant les données issues des suivis de tournées, il est ainsi e-commerce et à
possible d’identifier un processus préliminaire ainsi que les
résultats associés. l’augmentation des flux
Les pictogrammes « maisons orange » indiquent chaque
qui en découle, la cyclo-
point de distribution exact (prédéfini par tournée). Les zones
violettes indiquent le stationnement du vélo cargo pour livrer
logistique représente un
un ou plusieurs colis autour de chaque point de distribution. secteur à fort potentiel. »
Le transport de marchandises occupe une part importante les rendant peu performants sur la phase de « haut-le-pied »
du trafic en ville, 10 à 20 %, avec une occupation de la voirie (temps d’atteinte entre la zone de livraison et le dépôt). Les
d’environ 30 % (City logistics: a public/private comprehensive opérateurs débutent souvent un projet de cyclo-logistique
approach, M. Savy, 2014). Au niveau environnemental, le pour la livraison de colis en remplaçant un ou plusieurs vé-
transport des marchandises en milieu urbain représente hicules existants par des vélos cargos. Leur utilisation n’est
jusqu’à 50 % des émissions de gaz à effet de serre et génère souvent pas optimisée du fait du manque de connaissance Les facteurs démarrent leur journée au dépôt urbain, localisé
des émissions de polluants atmosphériques de l’ordre de 40 % en matière d’exploitation des performances de ce moyen de en centre-ville, pour effectuer les opérations de chargement
pour les NOx et 50 % pour les particules fines (Cerema. La transport. Les pilotes réalisés sur quelques jours ou quelques des vélos cargos. Ensuite, ils réalisent la distribution des colis
logistique urbaine-Connaître et agir, 2015). En 2017, l’agence semaines ne suffisent pas pour dégager des bonnes pratiques en effectuant des tournées. La capacité d’emport relative-
européenne pour l’environnement estimait qu’en Europe la pérennes quant à l’utilisation performante de vélos cargos. ment faible des vélos cargos peut impliquer un retour au
pollution atmosphérique serait responsable chaque année dépôt urbain pour effectuer de nouveaux chargements as-
de 500 000 décès prématurés. Dans son rapport publié en In Vivo Cyclo : une année de livraison en vélos cargos sociés à de nouvelles tournées. La localisation du dépôt au
2020 sur la Mobilité urbaine durable dans l’UE, la Cour des cœur même de la ville permet de minimiser les pertes de
comptes européenne estime le coût sociétal de la congestion Le Groupe La Poste en partenariat avec le Centre d’Excel- temps et de limiter considérablement les temps d’atteinte
à 270 milliards d’euros par an. lence en Supply Chain de Kedge Business School est l’un des sur zone. Le retour au dépôt pour la pause méridienne fa-
trois lauréats de l’appel à projets recherche TRANSLOG 2020 vorise de nouveaux chargements. Une fois le processus de
Face à de tels constats, les collectivités locales cherchent à de l’ADEME sur l’axe cyclo-logistique. Le projet InViCy (In Vivo distribution journalier complété, les facteurs retournent au
mettre en place une nouvelle gestion urbaine, incluant de Cyclo) lancé en octobre 2020 repose sur le déploiement Le facteur distribue rapidement ses colis dans les zones com- dépôt urbain pour entreposer les vélos cargos. Ceci consti-
nouvelles formes de logistiques qui s’inscrivent dans une d’une flotte de vélos cargos à assistance électrique pendant merciales, en utilisant les rues piétonnes signalées par des tue un gain de temps comparé aux véhicules traditionnels
dynamique de croissance verte. une année pour la livraison de colis en milieu urbain dense. voies vertes sur le schéma. On remarque une présence au qui lors de cette phase de retour se dirigent généralement
Cette expérimentation inédite à l’échelle nationale a pour plus près du client final, ce qui renforce l’image de proximité hors du centre-ville.
Le vélo cargo : un mode de livraison propre objectif le développement d’une logistique du dernier kilo- qu’amène le facteur.
mètre décarbonée qui soit pérenne, mais aussi généralisable L’exploitation de vélos cargos en zone urbaine dense offre
Face à l’essor du e-commerce et à l’augmentation des flux à l’ensemble des grandes métropoles à l’échelle nationale. une grande flexibilité face aux variations de la demande. En
qui en découle, la cyclo-logistique représente un secteur à Les modèles d’optimisation généralement proposés à cet effet, les vélos cargos effectuant plusieurs boucles dans la
fort potentiel au-delà de ses vertus environnementales, car effet se fondent sur l’analyse des performances, afin d’iden- journée facilitent l’ajout ou la suppression de tournées. Par
les vélos cargos peuvent permettre des gains de productivité tifier si une meilleure optimisation des ressources aurait été E-commerce : augmentation des ventes rapport à l’utilisation traditionnelle de véhicules de livrai-
en zone urbaine dense (zéro émission, moindre sensibilité à possible. Les limites de cette évaluation a posteriori consti- et des livraisons son motorisés, de nombreux avantages opérationnels se
la congestion, moindres difficultés de stationnement). Néan- tuent un verrou scientifique fort. Pour lever ce verrou, les Sous l’influence des nouveaux modes de vie dégagent. Le principal résulte dans l’agilité du vélo cargo à
moins, la cyclo-logistique se heurte souvent à des difficultés acteurs du projet proposent une logique itérative basée sur et des fortes attentes des citoyens sur les circuler dans un espace urbain contraint. En effet, le facteur
de mise en œuvre opérationnelle relatives à la planification et les préceptes de l’apprentissage machine en remplaçant les questions environnementales, les villes sont peut facilement se garer sur les trottoirs et se saisir des colis
à l’optimisation des tournées de vélos cargos. En effet, com- données, généralement simulées, par des données réelles. aujourd’hui en pleine mutation. La croissance à livrer via le compartiment de son vélo cargo, qui s’ouvre
paré aux autres véhicules utilisés pour la livraison de colis en Cette démarche scientifique innovante s’appuie donc sur démographique couplée à l’essor du e-commerce, rapidement. Les vélos cargos sont soumis à la même régle-
zone urbaine, les vélos cargos ont une capacité d’emport re- une logique de “in vivo” – simulation-based optimization. L’ob- + 14 % entre 2018 et 2019 au niveau européen mentation que les vélos et peuvent stationner sur le trottoir
lativement faible, ce qui implique des recharges de colis. Par jectif consiste à évaluer de façon précise et fiable la perfor- (European Ecommerce Report 2019), engendre tant qu’ils n’encombrent pas la totalité de ce dernier.
ailleurs, les vélos cargos disposent d’une autonomie limitée mance environnementale et opérationnelle de la cyclo-logis- une augmentation du flux de marchandises en
et ne sont pas conçus pour effectuer de longues distances, tique en milieu urbain dense pour la livraison de colis. ville. Selon la Fédération e-commerce et vente La circulation de point à point est également nettement faci-
à distance (FEVAD), en 2017 le nombre de colis litée. Un facteur est ainsi en capacité de monter sur son vélo
livrés en France était de 505 millions, projetant et d’avancer vers le point de livraison suivant sans avoir à se
1 milliard pour 2020. Dans son communiqué de soucier de la présence ou non de places de stationnement,
presse du 4 février 2021, la FEVAD détaille le bilan là où un opérateur en voiture va se voir contraint par ces
du e-commerce en 2020 et précise : « Les ventes dernières et effectuera des microtournées à pied depuis son
en ligne des enseignes magasins confirment leur véhicule, en distribuant plusieurs points. Les trajets entre les
progression : + 53 % sur l’année avec des pics à points de distribution sont considérablement réduits (pas de
+ 100 % pendant les deux confinements. » Pour bouchons, pas de recherche de stationnement, utilisation
acheminer les biens achetés en ligne, différents des voies cyclables…).
schémas logistiques urbains sont mis en œuvre
(livraison à domicile, points relais, consignes),
exploitant en majorité des véhicules motorisés à
Adapté de European Cycle Logistics Federation, F. Luciano, 2018. énergies fossiles.

118 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 119
« L’exploitation de 11
Il est ainsi possible de recenser un gain allant jusqu’à plus vélos cargos en zone
de 40 %, par rapport à l’utilisation de véhicules de livraison
urbaine dense offre une
CONNAÎTRE ET RÉDUIRE
motorisés, sur les éléments suivants :
le temps de route qui correspond au temps pour se
rendre d’un point de distribution à un autre ; grande flexibilité face
le temps de séjour qui correspond au temps pour sta-
tionner son vélo cargo et aller chercher le colis à l’inté-
aux variations de la LES ÉMISSIONS POLLUANTES
rieur du compartiment ;
le temps de service qui correspond au temps pour livrer
demande. » DES DÉPLACEMENTS
le colis au client, le laisser dans la boîte postale ou laisser
une note de passage. QUOTIDIENS EN ÎLE-DE-FRANCE
De nombreuses pistes d’améliorations sont identifiées au
niveau de l’optimisation des tournées et du découpage des
secteurs de livraison. En effet, les systèmes d’information ac- Le métier de la livraison à vélo étant différent, les algo-
tuels sont basés sur des utilisations massives de véhicules de rithmes d’optimisation doivent être modifiés pour prendre
livraison motorisés, ce qui implique un découpage en tour- en compte les caractéristiques d’urbanisme influant sur la
nées optimisées au métier de la livraison en voiture. qualité des livraisons à vélo et non en voiture.

© Getty Images
Le transport routier constitue l’une des principales sources d’émissions
de dioxyde de carbone (CO2) d’une part, responsable du changement
climatique, et d’oxydes d’azote (NOx) et de particules fines (PM2.5)
d’autre part, deux polluants de l’air locaux ayant des effets délétères
sur la santé humaine.

Philippe Quirion,
directeur de recherche CNRS, chercheur au CIRED
linkedin.com/in/philippe-quirion-674b63207

Marion Leroutier,
chercheuse post-doctorante à Misum,
Stockholm School of Economics
linkedin.com/in/marionleroutier

120 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 121
« Le potentiel de report
modal vers le vélo et
surtout le VAE apparaît
nettement supérieur à
celui des transports en
commun. »

Figure 1: Différence d’émissions de NOx entre chaque quintile


(où Q1 représente les 20 % les moins émetteurs et Q5 les
20 % les plus émetteurs) et le quintile du milieu (Q3), et En se concentrant sur les personnes en emploi, pour les-
responsabilité des facteurs distance, part modale et émissions quelles on dispose de davantage de données, on trouve que
unitaires des modes dans la différence la probabilité de se déplacer en voiture est fortement influen-
cée par le type de déplacement : elle augmente de 24 à 35
points de pourcentage pour les déplacements banlieue-ban-
lieue par rapport aux autres. Travailler dans une usine ou en
horaires atypiques est aussi associé à une plus forte proba-
bilité de se déplacer en voiture, ainsi qu’être artisan ou avoir
une profession libérale. À l’inverse, cette probabilité est plus
faible pour les employés de la fonction publique et pour les
personnels de service direct aux particuliers. Enfin, les véhi-
cules des artisans et commerçants présentent des émissions
unitaires plus élevées pour les trois polluants, sans doute à
cause d’une part importante de véhicules utilitaires légers.

Quel potentiel de report modal ?

Nous avons ensuite cherché quelles pourraient être les alter-


natives aux trajets en voiture, responsables dans notre base
Pour réduire ces émissions, il importe de comprendre qui y en commun). Pour les NOx et les PM2.5, le quintile le plus Figure 2: Différence d’émissions de PM2.5 pour chaque quintile de données de 90 % à 96 % des émissions, selon le polluant
contribue et quelles alternatives pourraient permettre de émetteur se caractérise à la fois par des distances plus éle- (où Q1 représente les 20 % les moins émetteurs et Q5 les 20 % considéré. Pour chacun des trajets en voiture répertoriés dans
réduire ces émissions. Dans un article de recherche que nous vées, un mode de transport plus émetteur (principalement les plus émetteurs) par rapport au quintile du milieu (Q3), et l’EGT, nous calculons le temps que prendrait ce trajet s’il était
résumons ici1, nous traitons ces questions dans le contexte la voiture individuelle) et un véhicule dont les émissions uni- responsabilité des facteurs distance, part modale et émissions effectué à vélo, vélo à assistance électrique (VAE) et transport
des déplacements quotidiens en utilisant l’enquête générale taires sont plus élevées. Pour le CO2, seuls les deux premiers unitaires des modes dans la différence en commun. Nous considérons qu’un changement de mode
des transports (EGT) 20102, le calculateur de temps de tra- facteurs jouent de manière importante. est possible s’il n’augmente pas la durée du déplacement de
jet Google Console Directions et le calculateur d’émissions plus de 10 minutes Nous imposons des restrictions supplé-
polluantes d’Airparif. Nous nous concentrons sur les dépla- Qui émet le plus ? mentaires liées à l’âge pour le vélo (moins de 60 ans) et le VAE
cements des personnes en semaine, à l’intérieur de la région (moins de 70 ans), et pour certains déplacements dont nous
Île-de-France. En utilisant des méthodes économétriques, nous étudions considérons qu’ils impliquent de transporter des charges im-
ensuite les caractéristiques individuelles corrélées aux trois portantes (tournées professionnelles, typiquement pour les
Rôle de la distance, de la part modale et du facteurs explicatifs des émissions. La distance parcourue et artisans), et pour ceux dont l’objectif est d’accompagner une
véhicule dans les émissions le mode de transport sont largement influencés par le lieu de personne. Dans deux autres scénarios, nous imposons des res-
résidence (Paris, petite ou grande couronne ; proximité d’un trictions supplémentaires : dans l’un, nous limitons le temps
Ces émissions sont très inégalement réparties puisque sur arrêt de transports en commun), mais aussi par le fait d’être supplémentaire quotidien à 20 minutes, et dans le dernier,
un jour de semaine moyen, les 20 % des personnes les plus en activité plutôt que chômeur ou retraité. Le revenu joue nous excluons en plus les déplacements à destination des
émettrices génèrent 75 % des émissions de CO2, 78 % des également un rôle, mais principalement parce qu’il augmente supermarchés et grands centres commerciaux, considérant
émissions de PM2.5 et 85 % des émissions de NOx. Nous dé- la probabilité de posséder une voiture. Les caractéristiques qu’ils entraînent le port de charges lourdes ou encombrantes.
composons les émissions individuelles selon trois facteurs : associées aux émissions unitaires des véhicules diffèrent entre
la distance, le mode de transport et les émissions unitaires les polluants : être dans le décile de revenu le plus élevé est
des véhicules individuels, et classons les personnes par positivement corrélé aux émissions unitaires de CO2 (vraisem-
quintile d’émissions, c’est-à-dire en 5 catégories de taille blablement parce que les véhicules les plus lourds et les plus Figure 3 : Différence d’émissions de CO2 pour chaque quintile 1. Marion Leroutier, Philippe Quirion, Tackling Transport-Induced Pollution in
Cities: A case Study in Paris. CIRED, PSE et Université Paris 1, à paraître.
égale et de niveau croissant d’émissions (figures 1 à 3). Le puissants sont à la fois plus émetteurs et plus chers), tandis (où Q1 représente les 20 % les moins émetteurs et Q5 les 2. L’Enquête Globale Transport (EGT) a été réalisée entre 2009 et 2011.
quintile le moins émetteur (c’est-à-dire les 20 % d’individus qu’être dans les deux premiers déciles de revenu est positive- 20 % les plus émetteurs) par rapport au quintile du milieu Elle a été pilotée par le STIF, ancien nom de Île-de-France Mobilités, en
qui émettent le moins) se distingue surtout par un mode de ment corrélé aux émissions de PM2.5 (sans doute parce que (Q3), et responsabilité des facteurs distance, part modale et partenariat avec la DRIEA dans le cadre de l’Omnil. 18 000 ménages (soit
émissions unitaire près de 43 000 personnes) ont répondu à un questionnaire détaillé sur leurs
transport peu émetteur (marche, vélo et surtout transports les véhicules plus anciens sont plus émetteurs). déplacements. Source : « EGT 2010-STIF-OMNIL-DRIEA ».

122 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 123
90 %
à 96 % DES ÉMISSIONS
mesurées en Île-de-France sont liés
aux trajets en voiture.
Au-delà du report modal, nous avons donc cherché à fournir
de premiers éléments d’évaluation sur le rôle que pourrait Partie 4
avoir le télétravail (seule source potentielle de diminution des
distances parcourues que nous pouvons étudier avec notre
base de données) et le passage au véhicule électrique. Pour
le télétravail, en combinant les informations sur le lieu de
Le potentiel de report modal vers le vélo et surtout le VAE travail et celles sur la catégorie socio-professionnelle, nous
apparaît nettement supérieur à celui des transports en com- concluons qu’au maximum 40 % des personnes qui vont tra-
mun (deux à trois fois supérieur pour le VAE, en nombre de vailler en voiture pourraient passer au télétravail, et qu’un
déplacements). Pour 49 à 68 % des déplacements (selon le passage au télétravail à temps plein (hypothèse extrême)
scénario), un report modal est possible. En revanche, au total diminuerait de 17 % les émissions de NOx et de 16 % celles

Des outils
ces reports ne réduiraient les émissions que de 18 à 33 %, de PM2.5 et de CO2. Si l’on suppose de manière plus réaliste
selon le scénario et le polluant considéré, l’explication étant un télétravail 2 jours sur 5, ces chiffres tombent à 7 et 6 %.
que les déplacements les plus courts sont les plus faciles à
substituer par le vélo ou le VAE, mais génèrent chacun moins Au sujet de la voiture électrique, nous pouvons seulement

pour agir dans


d’émissions. apporter quelques éléments informatifs, considérant que le
coût d’acquisition et la disponibilité des points de recharge
L’extension du réseau de transport en commun en Île-de- sont deux des principaux freins à son développement.

les territoires
France à l’horizon 2030 va certes augmenter le nombre de Concernant le coût, parmi les 58 % de conducteurs qui ne
déplacements en voiture qui pourraient se voir remplacés peuvent recourir au report modal pour chacun de leurs dé-
par ce mode de transport, en particulier les déplacements placements, seulement 9 % figurent parmi les deux premiers
banlieue-banlieue, pour lesquels la part de la voiture est au- déciles, ce qui indique que la contrainte de budget est moins
jourd’hui le plus élevée. Cependant, il paraît peu vraisem- forte qu’en moyenne. Parmi ces conducteurs pour lesquels le
blable que cette extension renforce massivement le poten- report modal n’est pas une option, au moins 17 % ont une sta-
tiel de baisse des émissions permis par le report modal. Ce tion de recharge publique à moins de 500 m de leur domicile
constat invite à étudier les autres sources de réductions po-
tentielles des émissions que sont la diminution des distances
en 2020, et 77 % ont une place de parking privée sur leur lieu
de résidence, où une station peut donc être installée. Enfin,
Transformer les usages, adapter les conditions
parcourues et le recours à la voiture électrique. moins d’un pour cent d’entre eux roule plus de 200 km par locales de circulation, de stationnement,
jour, donc l’autonomie des voitures électriques ne serait pas
un obstacle pour la mobilité quotidienne couverte par l’EGT.
d’alimentation des véhicules en énergie :
autant d’enjeux de société qui concernent
Ce travail montre que parmi les options disponibles pour
réduire la pollution due aux déplacements routiers, aucune
chaque territoire. Pour décarboner la
ne peut être négligée. Le vélo, particulièrement à assistan- mobilité, l’action publique locale doit être
ce électrique, permet potentiellement de remplacer la voi-
ture pour une grande partie des trajets. En ajoutant vélo et fondée sur la solidarité et le consensus. Cette
transports en commun, le report modal peut éviter entre série d’articles propose des outils au service
un cinquième et un tiers des émissions, selon les hypothèses
prises concernant les limites à ce report. Le télétravail, quant de la cohésion : aussi bien des outils
à lui, ne pourrait éviter que moins de 10 % des émissions non d’évaluation pour diagnostiquer les
substituables par le report modal. Le potentiel de la voiture
électrique apparaît plus important, mais la question de l’au- performances et éco-concevoir des solutions,
tonomie pour les déplacements hors de la région ne peut
être traitée avec les données dont nous disposons, ce qui in-
que des outils de concertation pour
vite à mobiliser en parallèle les autres leviers de réduction des co-concevoir les situations futures.
émissions, en particulier celui du développement du vélo.

124 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 125
1

MICROMOBILITÉS
PERSONNELLES ET PARTAGÉES :
QUELS IMPACTS POUR
L’ENVIRONNEMENT ?

© DR
L’économie servicielle a longtemps été présentée comme une
économie plus verte. Ainsi, la mobilité partagée est naturellement
perçue comme plus écologique que ses alternatives personnelles.
Qu’en est-il vraiment ? Nous proposons une approche chiffrée et
dépassionnée basée sur l’analyse de cycle de vie intégrée des vélos,
trottinettes et scooters partagés et personnels à Paris. L’étude
complète est publiée dans la revue scientifique « Transportation
Research Part D : Transport & Environment ».

Anne de Bortoli,
chercheuse associée, École des Ponts ParisTech ; ingénieure-chercheuse, Eurovia ;
chercheuse invitée, CIRAIG, Polytechnique Montréal
linkedin.com/in/anne-de-bortoli-69a3b450

126 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 127
motorisés (2RM) à essence. Les hypothèses dimensionnantes
« Aujourd’hui, la du modèle sont présentées dans le tableau 1. La gestion de Véhicule Possession
Masse Durée de
Transport pour la
gestion de flotte Source des données
micromobilité, qu’elle soit flotte (figure 1) correspond aux déplacements réalisés par (kg) vie (km)
(m/pkm)
l’opérateur de service pour charger, maintenir, ou changer de
personnelle ou partagée, place aux véhicules partagés. Dans notre étude, elle est effec-
tuée en camionnette électrique. Nos données proviennent
Vélo Partagé 21/27 12 500 11 Auteur

Ecoinvent + Chen
s’affiche comme un mode des opérateurs (JCDecaux, Cityscoot, DOTT), des manufac-
Personnel 17 20 000 N/A
et al. 2020
turiers (SMOVE), de la littérature scientifique et de sources de
plutôt vertueux, bien plus données statistiques pour la ville de Paris.
Trottinette Partagé 22 7 300 45 Auteur

performant que les modes Quelle performance environnementale


Personnel – entrée
de gamme
12 4 000 N/A Auteur

thermiques. » des micromobilités en France ? Personnel – milieu


de gamme
22 10 000 N/A Auteur

Nous réalisons une évaluation environnementale holistique : 2RM Partagé 136 48 000 20 Auteur
elle ne s’arrête pas au paradigme énergie-climat, mais présente
également les dommages générés sur les trois sphères de pro- Personnel 127 50 000 N/A Auteur
L’analyse de cycle de vie, ou ACV, est une méthode normalisée tection de la planète : ressources naturelles, biodiversité, santé
permettant de quantifier l’impact environnemental d’un humaine. Les résultats d’impact sont présentés sur la figure 2, Tableau 1 - Hypothèses dimensionnantes du modèle d’ACV
système sur son cycle de vie. Elle compare la performance rapportés à l’impact maximum trouvé sur chacun des cinq in-
des modes de transport sans biais, car elle permet d’inclure dicateurs. Cette figure, appelée diagramme radar, représente
à la fois les impacts liés aux infrastructures et au véhicule l’impact de chaque mode par catégorie environnementale, partagée de seconde génération. La trottinette personnelle engin ? L’analyse montre que le partage n’a pas d’impact
formant le mode de transport. Comme le montre la figure 1, chaque branche du radar représentant un des cinq indicateurs de milieu de gamme en revanche est plus écologique : bien direct sur la performance environnementale, car la perfor-
elle évalue les impacts sur le cycle de vie complet du système, sélectionnés dans notre étude. Plus on se situe proche du centre que plus lourde, donc plus gourmande en ressources, elle mance micromodale dépend principalement du poids en-
depuis l’extraction des matières premières utilisées jusqu’à la du radar, plus l’impact est faible, donc le mode vertueux. présente une durée de vie plus élevée qui lui permet in fine vironnemental du véhicule rapporté au kilomètre parcouru.
gestion de la fin de vie, en passant par toutes les étapes de d’émettre moins au kilomètre parcouru. Ainsi, les deux facteurs clés de la performance environne-
manufacture, transport, usage et maintenance du système. L’analyse montre que le vélo personnel est de loin le mode le mentale sont l’impact lié à la manufacture du microvéhi-
Enfin, elle considère plusieurs indicateurs environnementaux plus performant, suivi du Velib’. Par rapport au vélo person- Le deux-roues motorisé personnel est globalement le mode le cule et sa longévité kilométrique. Pourtant, la micromo-
— au lieu de se focaliser sur les simples émissions de gaz à nel, le Velib’ pèche surtout par sa durée de vie plus courte moins performant sur l’ensemble des indicateurs : il est deux fois bilité partagée présente des impacts plus importants que
effet de serre par exemple — pour une prise de décision (12 500 km contre 20 000 km), et sa masse plus importante plus impactant que le mode électrique le moins bon, sauf sur le la micromobilité personnelle à Paris. Cela s’explique par
environnementale éclairée, en toute conscience des (= plus de consommation de ressources et d’impacts). Envi- dommage à la santé humaine. Sur cet indicateur, le scooter élec- les plus courtes durées de vie des véhicules partagés par
compromis à réaliser entre divers impacts. ron la moitié des kilomètres parcourus en Velib’ le sont sur trique partagé, la trottinette personnelle d’entrée de gamme et la rapport aux véhicules personnels. Les vols et le vandalisme
un vélo à assistance électrique. Pour autant, la version élec- trottinette partagée sont moins bons, du fait de la forte contribu- touchent particulièrement les engins constamment sur la
Modèle d’évaluation de la micromobilité parisienne trique n’est pas beaucoup plus impactante que la version tion des composants électroniques et batteries sur ce dommage. voie publique. Les usagers sont également moins soigneux
mécanique, notamment en raison du relatif faible impact avec un véhicule loué qu’avec leurs propres possessions.
Nous évaluons les Velib’, les trottinettes électriques en free environnemental de l’électricité française (en termes clima- Le partage est-il environnementalement structurant ? Enfin, des enquêtes montrent aussi que les nouveaux ser-
floating (= sans stations) de « nouvelle génération » (2019-2020) tiques et de dommages, mais pas de consommation d’éner- vices partagés attirent des usagers non expérimentés, plus
et les scooters, ainsi que leurs alternatives privées : les vélos, les gie primaire). La trottinette personnelle d’entrée de gamme Finalement, est-ce qu’utiliser un véhicule partagé est plus sujets aux accidents, et qui dégradent ainsi plus rapidement
trottinettes d’entrée et de milieu de gamme, et les deux-roues présente des performances très similaires à la trottinette bénéfique à l’environnement que de posséder son propre les engins.

Figure 1 – Principe de l’analyse de cycle de vie intégrée d’un système de transport


Figure 2 - Comparaison environnementale des modes de micromobilité à Paris

128 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 129
2

POLITIQUE DE TRANSPORT
ET AMÉNAGEMENT URBAIN :
LE CAS DE LA RÉGION
ÎLE-DE-FRANCE

Figure 3 – Empreinte carbone de la mobilité parisienne, par passager transporté sur un kilomètre

Malgré un impact plus important au kilomètre, la micromo- L’impact carbone des modes parisiens
bilité partagée est porteuse de bénéfices environnementaux La figure ci-dessus présente l’empreinte carbone
indirects. Étant facile d’accès, puisque quelques euros et une moyenne des modes parisiens, par passager
application suffisent à louer son engin, les services partagés transporté sur un kilomètre (p.km). Les modes actifs,
permettent l’appropriation de ces engins par des utilisateurs marche et vélo, ainsi que les transports en commun
qui n’auraient pas nécessairement sauté le pas d’une acquisi- électriques sont les plus respectueux du climat. Le
tion personnelle. Il n’est pas rare que ces usagers achètent par métal choisi pour constituer le cadre du vélo est

© Sophie Augustin
la suite un engin personnel, ce qui, in fine, devrait permettre primordial pour son impact environnemental : un
de réduire l’impact environnemental de la mobilité. vélo standard en aluminium qui parcourt 20 000 km
émet en moyenne 12 g de CO2 équivalent par km
Quelles évolutions pour les vélos et trottinettes sur sa durée de vie, mais le même vélo avec un cadre
partagés ? en acier émet presque 4 fois moins. Les trottinettes,
partagées ou personnelles, ainsi que les autres
Les premières évaluations de l’impact environnemental des modes de micromobilité émettent davantage : entre Les politiques environnementales interagissent entre elles, parfois
trottinettes partagées de première génération étaient plutôt 33 g pour le Velib’ et 61 g pour la trottinette partagée de manière complexe, avec comme résultat que les conséquences
décevantes pour un microvéhicule. Cet impact avoisinait les de seconde génération. Les empreintes carbones du globales d’une combinaison de politiques peuvent différer de la
110 g de CO2eq/km à Paris et les 130 g aux États-Unis. Pour Velib’ et du scooter partagé sont très similaires. Enfin, somme de chaque politique prise séparément. Il y a donc un enjeu
autant, la prise de maturité des opérateurs, leur amélioration viennent les modes thermiques classiques, émettant à identifier les combinaisons de mesures les plus efficaces afin
de la gestion de flotte et leur travail de conception des engins entre 133 g pour le bus diesel et 300 g pour le taxi.
a permis en moins d’un an de réduire cet impact d’un facteur Le deux-roues motorisé est fortement émissif pour
d’atteindre les objectifs de décarbonation.
deux. Aujourd’hui, la micromobilité, qu’elle soit personnelle un microvéhicule : 143 g de CO2eq/km. Ces engins
ou partagée, s’affiche comme un mode plutôt vertueux, bien présentent de fortes consommations d’essence pour Flora Delhomme,
plus performant que les modes thermiques. Néanmoins, un leur masse, presque comparables aux voitures. étudiante en économie à l’ENS Paris Saclay
grand travail reste à accomplir pour améliorer l’impact lié à linkedin.com/in/flora-delhomme-399273193
la manufacture des engins au kilomètre parcouru sur cycle
de vie. Réduire le recours à l’aluminium et aux composants
électroniques, ainsi que travailler sur leur réemploi ou réuti- Vincent Viguié,
lisation, sont deux pistes prometteuses. Notamment dans le lui de la micromobilité personnelle, principalement du fait de chercheur au CIRED (École des Ponts ParisTech)
cas des engins (à assistance) électriques, dont un surpoids lié durées de vie plus courtes. Mais les opérateurs proposent des linkedin.com/in/vincentviguie
au choix d’un métal plus lourd que l’aluminium sera moins améliorations rapides et continues. Les autorités publiques
dissuasif pour l’usager, celui-ci ne devant pas fournir plus d’ef- doivent guider les reports modaux pour que les modes par-
forts physiques pour se déplacer avec un engin plus lourd. tagés remplacent des modes plus impactants pour l’environ-
nement, afin d’obtenir un effet net positif. Enfin, si le vélo per- Nicolas Coulombel,
Quels messages retenir ? sonnel en acier demeure le mode indétrônable sur le podium directeur scientifique au lab recherche environnement VINCI ParisTech
environnemental, l’assistance électrique permet de rendre le linkedin.com/in/nicolas-coulombel-438b453
Finalement, l’impact environnemental de la micromobilité vélo plus accessible avec un surcoût environnemental limité.
partagée est plutôt plus élevé au kilomètre parcouru que ce- Alors, tous à vélo !

130 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 131
« Pour inciter les ménages mobilités quotidiennes à l’échelle de régions ou de métro- « Pour inciter à une
poles. Ils permettent d’éclairer la double question : comment
franciliens à réduire la la structure de la ville transforme la mobilité quotidienne mobilité décarbonée,
pratique de l’autosolisme il est nécessaire d’assurer
d’une part, et réciproquement, comment l’offre de mobilité
et l’accessibilité qu’elle fournit influent sur le développement
[...], il convient d’être urbain et les choix de localisation des ménages et des entre-
prises. Les modèles LUTI permettent ainsi d’étudier des po-
une cohérence à l’échelle
vigilant sur les litiques environnementales dans le secteur des transports et du système de transport
dans celui de l’aménagement, et d’étudier leurs interactions
alternatives proposées. » à l’échelle d’un territoire. (voiture-transports
Si les émissions de CO2 résultent de multiples activités hu- en commun) et à l’échelle
maines, les modèles LUTI se concentrent ainsi sur deux ac-
tivités émettrices : la mobilité et le bâti. Le choix modal, les
du bassin de vie
La classification Avoid Shift Improve distingue trois catégories Faire interagir les politiques pour plus d’efficacité distances parcourues et les temps de déplacement associés (caractérisant les
de politique selon le levier d’action qu’elles utilisent pour environnementale sont autant de facteurs influant sur les émissions de CO2.
réduire les émissions de CO2 : L’étalement urbain, en engendrant une augmentation des déplacements
domicile-travail). »
« Limiter » (Avoid) qui regroupe les mesures permettant Les études sur les interactions entre les politiques et leurs distances quotidiennes parcourues et en favorisant la voi-
de diminuer la demande totale de transport (le volume) potentiels gains en termes d’efficacité émergent pour aider à ture au détriment des modes collectifs et des modes doux,
en évitant les trajets inutiles et en réduisant les distances la conception de plans d’action cohérents (Sethi et al., 2020). contribue également à l’augmentation des émissions de CO2.
de parcours : télétravail, ceinture verte, etc. ; Le concept de synergie décrit une situation où deux mesures
« Report modal » (Shift) qui regroupe les mesures prises conjointement produisent un effet supérieur à la À l’aide du modèle NEDUM+MODUS calibré pour la région
incitant à un report de modes consommateurs d’énergie somme des deux mesures prises séparément. Dans un lan- Île-de-France sur l’année 2015, la réduction des émissions de
et émetteurs de CO2 vers des modes plus durables : gage mathématique, cela correspond à la formule suivante : CO2 est calculée pour un ensemble de politiques de décarbo-
mise en site propre des transports en commun, taxe nation dans le domaine de la mobilité et de l’aménagement. Pour réduire la dépendance à la voiture, proposer
carbone, gratuité des transports en commun, etc. ; Bénéfices (A+B) > Bénéfices A + Bénéfices B On peut ainsi comparer la variation des émissions de CO2 des alternatives efficaces
« Améliorer » (Improve) qui regroupe les mesures résultant de l’implémentation individuelle puis en combinai-
technologiques majoritairement de réduction des Les travaux portant sur les synergies rappellent qu’identifier son de ces politiques, et ainsi identifier les synergies positives Notre étude montre que pour inciter les ménages franciliens
consommations énergétiques et de passage à bas les synergies est une tâche délicate du fait de la complexité et ou négatives. à réduire la pratique de l’autosolisme pour leur déplacement
carbone : amélioration de la performance énergétique la multiplicité des interactions qui peuvent exister entre deux domicile-travail, il convient d’être vigilant sur les alternatives
des voitures, etc. mesures. Cependant, les synergies ne sont pas négligeables Des synergies importantes selon les cas proposées.
(May et Roberts, 1995 ; Litman, 2013).
Si le dernier levier d’action « Improve » porte sur les Les synergies ont été calculées sur un ensemble de neuf poli- Ainsi, il est efficace d’instaurer une taxe carbone tout en
performances du véhicule et l’intensité carbone associée, les Modéliser des politiques de réduction d’émissions tiques pouvant être classées d’après la typologie ASI (Avoid- proposant la mise en site propre des transports en commun
deux premiers leviers d’action dépendent de l’organisation de CO2 à l’échelle de l’Île-de-France Shift-Improve). D’après le tableau ci-dessous, on observe des (- 1,2 %, cf. tableau 1). Le signal prix envoyé par la taxe car-
spatiale et de la distribution de la population et des activités. synergies positives (cases vertes) et négatives (cases rouges) bone vient amplifier l’effet lié à l’amélioration de la qualité
Il est donc nécessaire de s’inscrire à l’échelle d’un territoire Les modèles LUTI (Land Use Transport Interaction) analysent entre les différentes mesures testées. À titre d’exemple, l’as- de service en termes de report modal vers les transports en
pour étudier l’efficacité des politiques environnementales. les interactions entre le développement des territoires et les sociation d’une taxe carbone de 150 euros avec des mises en commun, et l’efficacité de chaque mesure en est améliorée.
site propre des transports en commun permet d’accroître la À l’inverse, la taxe carbone impacte négativement les poli-
baisse des émissions de CO2 d’environ 1,19 % par rapport à la tiques en faveur du covoiturage (-1 % cf. tableau 1). Aucun
mise en œuvre individuelle de ces deux mesures. gain supplémentaire n’émerge de leur association, car ces

Tableau 1 : matrice des synergies (en % de variations). Les cases laissées vides correspondent à des scénarios pour lesquels la
convergence n’était pas atteinte dans le modèle. Lecture : les cases grises indiquent la baisse des émissions de CO2 résultant de la
mise en place de l’unique mesure correspondante. Ainsi, la taxe carbone permet une baisse d’environ 5 % des émissions de CO2.

132 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 133
3

TERRITOIRES PÉRIURBAINS :
VERS UNE MOBILITÉ
QUOTIDIENNE BAS CARBONE

© Murielle Cuvelier
La recherche-action CISMOP1 vise le développement d’une mobilité
décarbonée sur le territoire de Loos-en-Gohelle (bassin minier
deux mesures agissent toutes deux sur les déplacements mise en œuvre d’une ceinture verte conduit à une perte de
longue distance. Ces deux mesures interagissent même néga- 4 % sur les émissions de CO2. En effet, une ceinture verte a des Hauts-de-France) s’inscrivant dans la trajectoire citoyenne et
tivement, car si la taxe carbone désincite à utiliser la voiture, pour objectif de limiter la construction dans les zones peu énergétique de la ville (TEPOS 2050). Le projet cherche à réduire la
le covoiturage repose sur son utilisation. denses, c’est-à-dire en périphérie. Le télétravail, comme dé- fracture sociale et urbaine du territoire et à améliorer la qualité de vie
crit plus haut, incite les ménages à se relocaliser en périphé- des citoyens, et notamment la qualité de l’air.
Pour réduire les distances de déplacement en rie. Ces incitations contradictoires ne permettent donc pas
voiture, raisonner à l’échelle du bassin d’emploi de réduire efficacement les émissions de CO2.
Marielle Cuvelier,
Raisonner à l’échelle de l’Île-de-France est nécessaire pour Conclusion ingénieure de Recherche, Laboratoire COSYS-ESTAS
intégrer les dynamiques résidentielles. Ainsi certaines com- Université Gustave Eiffel - Campus de Lille
binaisons de mesures permettent des gains additionnels en Ainsi les décideurs publics gagneraient à analyser en amont linkedin.com/in/marielle-cuvelier-63065678
termes d’émissions de CO2, car elles incitent à un schéma de les interactions entre les mesures de réduction d’émissions
déplacements durables des ménages. de CO2 afin de gagner en efficacité. Les synergies positives
et négatives ne sont pas négligeables à l’échelle de l’Île-de- Guillaume Uster,
Par exemple, il existe une synergie positive entre une mesure France. Ce travail montre que pour inciter à une mobilité dé- chargé de Recherche Département COSYS, Université Gustave Eiffel - Campus de Lille
incitant au télétravail et une mesure de mise en site propre carbonée, il est nécessaire d’assurer une cohérence à l’échelle linkedin.com/in/guillaume-uster-0054a41
des transports en commun (-1.7 %, cf. tableau 1). Grâce au du système de transport (voiture-transports en commun) et à
modèle NEDUM+MODUS, on observe que le télétravail induit l’échelle du bassin de vie (caractérisant les déplacements do-
une relocalisation des ménages en périphérie où les loge- micile-travail). Cependant les mesures simulées dans le mo-
ments sont moins chers, et favorise ainsi l’étalement urbain, dèle ne sont pas prises et mises en œuvre à la même échelle
l’allongement des distances domicile-travail, ainsi que l’utili- (Corfee-Morlot et al., 2009). Par exemple, une taxe carbone
sation de la voiture, prédominante dans les franges de l’agglo- est une mesure à portée nationale alors que la ceinture verte
mération. Des mesures rendant plus attractifs les transports est une mesure régionale s’inscrivant dans les schémas direc-
en commun permettent de contrecarrer ces effets négatifs, teurs. Il s’agirait d’affiner la classification ASI pour intégrer ces
1. CISMOP (coconstruction et innovations pour les services de mobilités en péri-urbain) initiée et pilotée par
résultant en des synergies positives entre les deux mesures. multiples échelles de gouvernance, afin d’aider les décideurs l’Université Gustave Eiffel, avec le soutien financier de la région Hauts-de-France et l’appui humain et logistique de
À l’inverse, associer une mesure incitant au télétravail à la publics dans la fabrique d’une mobilité décarbonée. la Ville de Loos-en-Gohelle, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02476463/document.

134 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 135
15,5 %
« Co-construire et
mettre en place des
mobilités alternatives à
DES HABITANTS DE LOOS-EN-GOHELLE Mettre l’habitant au centre de la démarche pour
réfléchir, accompagner et construire
la voiture individuelle
n’ont ni permis, ni véhicule.
nécessitent d’identifier
Co-construire et mettre en place des mobilités alternatives à
la voiture individuelle nécessitent d’identifier les caractéris- les caractéristiques du
territoire, d’interroger
tiques du territoire, d’interroger et de comprendre les habi-
tudes en matière de déplacement des habitants, pour envisa-
ger leurs évolutions et les voies à explorer. Une démarche de
coconstruction avec les habitants a ainsi été mise en œuvre
et de comprendre les
Inscrire la mobilité durable dans la continuité pour connaître les besoins, co-construire et expérimenter de habitudes en matière
des actions de transition de la commune nouvelles solutions de mobilité. L’hypothèse prise est que les
solutions seront mieux diffusées, appropriées et pérennisées de déplacement des
habitants. »
Depuis une trentaine d’années, pour faire face aux enjeux sur le temps long par un large public si elles sont construites
environnementaux, Loos-en-Gohelle s’est engagée, avec et avec les habitants. En parallèle d’une stratégie de commu-
pour ses habitants, dans la construction d’un territoire qui vise nication, la méthodologie appliquée est basée sur quatre
à répondre aux exigences du développement durable. Pour phases successives qui se sont déroulées sur 18 mois et que
© Visitworldheritage.com/fr/eu/bassin-minier-du-nord-pas-de-calais-france

cela, elle s’appuie sur un dispositif ambitieux de participation l’on peut résumer en cinq verbes d’action (figure 1) :
des habitants associant au maximum l’ensemble des acteurs immersion : comprendre ;
à la définition et à la conduite des projets. C’est pourquoi diagnostic : enquêter ;
la commune est connue et reconnue notamment par ateliers : sensibiliser et co-construire ;
le protocole ADEME de démonstrateur national « villes défi : expérimenter.
et territoires durables ». Cette approche a donné des
résultats dans les domaines de l’habitat (écoconstruction/ Partir des besoins des habitants
rénovation), de l’énergie (production d’énergie renouvelable),
de l’alimentation (conversion à l’agriculture biologique)… et L’innovation sociale de ce projet consiste à construire des leviers au changement de comportement de mobilité des
dans une moindre mesure dans le domaine de la mobilité solutions alternatives à la voiture individuelle à partir des be- habitants ont pu être identifiés.
au sein de la commune (voies cyclables, pédibus et service soins réels des habitants. Ces besoins ont pu être formulés
communal de transport à la personne). Loos-en-Gohelle explicitement et implicitement à travers une enquête com- Co-construire avec les habitants
est à la fois un territoire d’expérimentation dans plusieurs portant une cinquantaine de questions.
domaines et jouit d’une expertise et d’une expérience À la suite du diagnostic de terrain, une phase d’ateliers
importante sur les questions d’implication des habitants. Cette enquête a permis d’identifier, de quantifier et de quali- participatifs a été initiée. La méthode consiste à créer les
L’ambition du projet CISMOP est d’inscrire la question de fier les conditions de mobilité à Loos, les habitudes de dépla- conditions qui mettent en relation des habitants motivés
la mobilité dans la continuité des actions déjà engagées. cement selon les activités, la sociologie des répondants, les par la problématique de la mobilité, en apportant les outils
Cette recherche vise à construire avec et pour la population difficultés et les envies concernant la mobilité. Elle a permis pour garantir le processus participatif et accompagner les
une transition vers des mobilités plus durables pour réduire d’établir un bilan statistique, mais aussi un panorama qua- participants à atteindre les objectifs fixés. Ce processus re-
la trop grande dépendance de ce territoire périurbain à la de la ville (Territoire TEPOS 2050) et vise à réduire la fracture litatif sur différents aspects, par exemple concernant l’at- pose également sur l’intelligence collective en s’appuyant sur
voiture individuelle et lutter contre l’exclusion sociale. sociale et urbaine du territoire. Une attention particulière est tachement à la voiture, la connaissance et l’utilisation des l’expertise de chacun des participants afin de co-construire
portée au fait que les solutions doivent permettre de garantir nouvelles solutions de mobilité (vélo en libre-service, covoi- des solutions.
Réduire la fracture sociale du territoire à tous l’accès au service de mobilité sans nécessairement de turage, télétravail…) ou encore sur les difficultés financières,
recours à un smartphone ou à une connexion Internet afin pratiques, physiques, psychologiques que les personnes pou- Parmi une douzaine de problématiques identifiées dans les
Le territoire est confronté à des enjeux sociaux et écono- de ne pas accroître les inégalités. vaient rencontrer dans leurs déplacements quotidiens. Elle a ateliers, la suite du travail s’est focalisée sur les thématiques
miques spécifiques hérités notamment de la fin de la période également permis de relever les disparités dans les réponses dans lesquelles se reconnaissait la totalité des participants.
minière dans les années 1990. Même si la ville a su garder un Améliorer la qualité de vie des citoyens en fonction des quartiers excentrés de la commune, reflé- Ces problématiques, qui peuvent être regroupées en deux
grand nombre de services et de commerces, elle ne dispose tant les inégalités sociales et spatiales. Enfin, des freins et des enjeux pour le territoire — développer les modes actifs pour
que d’une faible desserte en transports en commun et pré- Le transport représente jusqu’à 50 % des émissions d’oxydes les déplacements de proximité et mettre l’accent sur la mo-
sente une forte dépendance des habitants à la voiture indi- d’azote, polluant atmosphérique identifié comme problé- bilité inclusive et solidaire — concernent essentiellement les
viduelle. Comme sur d’autres territoires, les publics fragiles matique en raison du dépassement récurrent des normes mobilités quotidiennes de proximité :
(seniors, personnes sans emploi, personnes en situation de de qualité de l’air. Le bassin minier et la région des Hauts-de- développement du vélo : enjeu de sécurité des dépla-
handicap, précaires) peuvent rencontrer des difficultés à se France en général, par leurs densités de population, leurs cements dans la ville/sécurisation ;
déplacer en voiture individuelle (15,5 % des habitants n’ont industries, leurs nombreuses infrastructures de transport, problématique de congestion et de sécurité des dépla-
ni véhicule ni permis), pouvant entraîner un isolement so- sont fréquemment concernés par des pics de pollution (33 cements à pied et à vélo aux abords des écoles ;
cial, des difficultés d’accès à l’emploi ou aux commerces et épisodes de pollution dans le département du Pas-de-Calais échange de services de mobilité/réduire le nombre de
services de base. Ces situations sociales difficiles auxquelles en 2019). Même si Loos-en-Gohelle ne présente pas de pro- trajets individuels au sein d’une communauté identifiée ;
s’ajoutent le manque d’alternatives à la voiture individuelle blème spécifique, la démarche engagée vise à contribuer à réduction des inégalités spatiales entre les quartiers ;
et les questions d’illectronisme d’une partie de la population l’échelle de la commune à l’amélioration de la qualité de l’air. problématique des nombreuses personnes ne maîtri-
(37 % des habitants se disent peu ou pas à l’aise avec le numé- L’enjeu porte sur des solutions opérationnelles permettant sant pas les outils numériques, voire n’y ayant pas accès
rique) tendent à aggraver la fracture sociale. La volonté d’un d’améliorer la qualité de vie des citoyens en réduisant les (illectronisme).
développement des mobilités alternatives à la voiture indi- nuisances impactant la santé des habitants (pollution, bruit,
viduelle s’inscrit dans la trajectoire citoyenne et énergétique insécurité routière…). Figure 1 : méthodologie du projet

136 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 137
4

NOUVEAUX QUARTIERS :
UN RÔLE IMPORTANT
DANS LA STRATÉGIE BAS
CARBONE DE LA MOBILITÉ

Figure 2 : plan d’actions mobilité (2020-2026).

Vers un projet de développement d’une mobilité identification de solutions de covoiturage ou d’au-


quotidienne bas carbone to-stop sécurisé et organisé pour le territoire ;

© Bernard Blanc
élaboration d’un plan vélo ;
Le projet CISMOP a permis une acculturation de l’équipe élaboration d’une démarche d’écomobilité scolaire
municipale aux enjeux de la mobilité. Ces enjeux ont été in- (PDES) ;
tégrés dans le projet de transition écologique et sociale de la solution d’alimentation de véhicules partagés élec-
ville pour la mandature 2020-2026, un adjoint est chargé de triques par les installations photovoltaïques existantes Les nouvelles constructions au sein de quartiers favorisent
la mobilité et un chargé de mission « mobilité » a été recruté. sur le territoire de Loos-en-Gohelle ;
une mobilité décarbonée. Mais une localisation pertinente des
Un projet de développement d’une mobilité quotidienne bas réflexions sur l’élaboration d’une stratégie de conduite
carbone est en cours d’élaboration avec l’objectif d’apporter de changement de comportement de mobilité. nouveaux projets urbains ainsi que certaines bonnes pratiques
une réponse systémique bas carbone à partir des besoins ex- d’aménagement seront essentielles dans le cadre d’une stratégie
primés par les habitants. Le projet ne s’appuie pas sur une so- Afin de ne pas accroître les inégalités sociales, ces projets bas carbone de la mobilité.
lution unique, mais sur un bouquet de solutions de mobilité se préoccupent de trouver des solutions garantissant à tous
décarbonée. La première étape de ce projet est l’élaboration l’accès aux services de mobilité, sans nécessairement recourir
d’un plan d’actions (figure 2) autour de trois axes à mettre en à des interfaces numériques. Alexis Poulhès,
œuvre conjointement : ingénieur de recherche LVMT - École des Ponts
rendre moins attractive l’utilisation de la voiture indi- La recherche en appui aux politiques publiques linkedin.com/school/ecole-des-ponts-paris-tech/
viduelle ;
développer un système de modes actifs et partagés, Cette recherche-action a ainsi permis de montrer qu’une
accessibles à tous ; synergie collectivité locale-habitants-acteurs du territoire
susciter et accompagner le changement de compor- appuyée par une ingénierie (provenant ici de la Recherche) Vianney Morain,
tement. contribue positivement à construire une démarche vers une ingénieur R&D Efficacity
mobilité plus durable. Le plan d’actions est en cours de vali- linkedin.com/in/vianney-morain
Un comité de pilotage mobilité réunit élus, agents, citoyens dation, ce qui ouvre la voie au développement et à la péren-
et partenaires autour de ces enjeux. Une méthodologie nisation des solutions retenues.
d’évaluation à partir d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs
sera élaborée avec les partenaires du comité de pilotage.

Développement des projets identifiés


dans les ateliers

La commune a d’ores et déjà initié les études concernant les


projets du futur système de modes actifs et partagés :

138 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 139
« Pour être efficaces,
même pour les nouveaux
quartiers, les voiries des
quartiers centraux des
villes devront restreindre
la place de la voiture. »

La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone Le quartier, maillon d’un système complexe faits à l’extérieur du quartier et l’urbanisme de l’ensemble de
en 2050. Le secteur des transports, qui est le secteur le plus l’espace des déplacements doit être considéré. Un projet
émetteur et le seul qui n’arrive plus à baisser ses émissions Le fait de parler de « quartier » sous-entend une réflexion en favorable aux mobilités actives sera résilient face à une aug-
de CO2, doit entamer une mue profonde. termes d’aménagement et de cohérences entre les bâtiments, mentation des coûts du carbone ou toute autre mesure qui
contrairement à ce que peut être une zone monofonction- contraindra l’usage de la voiture. La présence de transports
On sait aujourd’hui que les moyens de transport comme le nelle (pavillonnaire, logistique ou commerciale) où seule la en commun, d’un réseau de pistes cyclables structurant ou
véhicule électrique, le vélo ou les transports en commun logique d’efficacité des flux routiers prédomine. Aujourd’hui, encore la possibilité d’accéder aux services urbains sans de-
ne pourront répondre seuls à cet enjeu de décarbonation. les créations de quartiers sont souvent initiées dans le cadre voir prendre la voiture seront des conditions importantes
Pour que les gens diminuent leurs distances de déplacement de zones d’aménagement concerté (ZAC). Celles-ci sont déci- de la réussite d’un nouveau quartier du point de vue d’une Nous recensons dans cet article trois domaines de l’aména-
et utilisent la marche ou des modes neutres en carbone, le dées après la production d’un certain nombre de documents mobilité sans voiture. gement à l’échelle du quartier qui ont un impact important
contexte urbain doit y être favorable. En France, la quasi- de conception répondant à des problématiques d’aménage- sur les pratiques de mobilité des usagers : l’aménagement du
totalité de la population française vit en zone urbaine. ment urbain. Par cette réflexion urbaine rendue nécessaire Peut-on y vivre sans voiture ? quartier, le stationnement et « le système vélo ».
par le cadre juridique et par l’échelle des aménagements, les
Cette notion renvoie pourtant à une grande variété bonnes pratiques émergent et les enjeux de mobilité sont Il est donc important de voir qu’un nouveau quartier proche L’urbanisme et la voirie
d’aménagements urbains plus ou moins propices à certaines de plus en plus réfléchis à l’échelle du quartier. Pourtant, une d’un centre urbain qui dispose d’aménités diverses acces- D’un point de vue urbain, le nouveau quartier doit bien évi-
formes de mobilités. Si aujourd’hui la construction de grande part des nouvelles constructions ne se fait pas dans le sibles autrement qu’en voiture a toutes les chances d’avoir demment suivre la continuité urbaine plus dense qu’il jouxte.
nouveaux logements représente chaque année seulement cadre d’une ZAC et surtout loin des centres-villes. de bonnes performances d’un point de vue environnemental Ainsi, les espaces extérieurs devront être accueillants pour
1,1 % du parc1, leur localisation et la forme urbaine dans pour la mobilité. Par contre, un quartier loin de ces centres, les modes actifs (piétons, vélos, etc.) avec éventuellement
laquelle ils s’insèrent doivent favoriser le plus possible une Le contexte urbain même s’il est desservi par une ligne de métro et écoconçu, une piétonnisation du quartier pensée en continuité avec
mobilité faiblement carbonée. Nous verrons donc quels sont c’est-à-dire réfléchi pour minimiser ses impacts environne- les quartiers alentour, pour ne pas créer d’enclave. Les activi-
les principaux enjeux, quels types de quartiers proposer et Le contexte urbain dans lequel s’inscrit le nouveau projet de mentaux, ne sera jamais optimal pour une mobilité décarbo- tés proposées par le nouveau quartier devront aussi rompre
les solutions pour les décideurs. quartier est central. Les déplacements seront très largement née. La manière la plus simple de voir ce contexte favorable avec la logique du stationnement voiture partout. Il ne s’agit
est de se poser la question suivante : « peut-on vivre dans ce pas de créer un centre commercial à ciel ouvert, mais de
quartier sans voiture ? » Il ne suffit pas alors d’avoir accès à rompre avec les pratiques urbaines toujours en cours dans
son emploi en transport en commun comme le permettent les zones périphériques en (re)mettant le piéton au centre
les gares ferroviaires de périphéries qui desservent les grands de la réflexion sur l’espace public. Proposer les activités de
pôles d’emploi, mais d’offrir aux habitants l’accès autrement commerce ou autres en rez-de-chaussée ouvertes sur la rue,
qu’en voiture à toutes les aménités urbaines. Cette seconde en plus de répondre aux besoins des usagers du quartier,
contrainte limite considérablement les localisations opti- facilite la promenade et les déplacements lents.
males des nouveaux quartiers.
Un stationnement à l’échelle du quartier
Dans une perspective de neutralité carbone en 2050, le nou- En restreignant le nombre de places de stationnement des
veau quartier ne peut donc être vu que comme une exten- véhicules motorisés et leur accessibilité, le choix de l’usage
sion spatiale du centre urbain. Il remplace alors un urbanisme des modes alternatifs à la voiture peut devenir attractif. Aug-
de zones pensé pour la voiture et très peu dense. Le nouveau menter la distance entre le lieu de stationnement et l’origine
quartier contribue aussi à repenser l’environnement urbain ou la destination favorise les modes concurrents de la voi-
dans lequel il s’insère pour faciliter les déplacements non ture. Les places de stationnement dans la rue sont égale-
seulement avec la ville centre, mais aussi avec la périphérie. ment autant de place perdue pour le piéton ou le cycliste
Le montage financier à l’échelle du quartier est aussi l’op- et favorisent l’effet de séparation des voies qui encourage
portunité pour les municipalités de construire de nouveaux la vitesse. Penser le stationnement à l’échelle du quartier
logements sociaux soit pour se mettre en conformité avec donne à l’aménageur la possibilité de mutualiser les places
la loi SRU, soit pour pouvoir reloger les anciens résidents. et donc de réduire le nombre de places totales. L’obligation,
souvent inscrite dans les plans locaux d’urbanisme, d’avoir
Des propositions pour un quartier incitant un minimum de places de stationnement par logement, ne
aux mobilités décarbonées peut plus être la règle. Si le nombre de places ne peut être
trop restreint, une réversibilité des places pour autre usage
Même si le contexte urbain du quartier joue un rôle essen- que le stationnement des voitures doit être pensée dès la
tiel sur les pratiques de mobilités des usagers du quartier, conception.
l’aménageur a à sa disposition des clés pour que les mobilités
soient plus vertueuses du point de vue de l’environnement. 1. INSEE, « Le parc de logements en France au 1er janvier 2017 », 2017.

140 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 141
5

FRESQUE DE LA MOBILITÉ :
COMPRENDRE POUR AGIR

Équiper certaines places de stationnement de bornes de L’évaluation environnementale du futur quartier constitue
recharge électrique permet d’anticiper et de promouvoir le un outil complémentaire. Comme actuellement les bâti-
développement des véhicules électriques pour les déplace- ments sont soumis à des normes strictes de construction,
ments le nécessitant. Cependant, la priorité est de permettre nous pouvons imaginer que le quartier dans son ensemble

© Getty Images
aux ménages s’installant dans le quartier de vivre démotori- soit contraint de respecter un certain nombre de critères
sés, c’est-à-dire sans voiture. Un système de partage de voi- environnementaux. C’est en partie la démarche suivie par le
tures à l’échelle du quartier faciliterait ce choix radical. projet « Quartier E+C- »6. Les quartiers sont évalués suivant
une méthodologie fixe calculant de nombreux critères envi-
Un système vélo efficace ronnementaux et sont référencés par rapport à la trajectoire Les récents débats autour des propositions de la Convention
Une réponse à cela est en partie dans le système vélo qui se bas carbone.
citoyenne pour le climat ou le mouvement des Gilets jaunes
pense bien sûr à une échelle plus large, mais pour lequel un
certain nombre de mesures concerne l’échelle du quartier. Les nouveaux quartiers ne pourront bien sûr répondre seuls montrent la difficulté de faire changer les comportements sur un
Il s’agit de développer le système vélo2, pour que ce dernier aux enjeux de la décarbonation de la mobilité. Pour être ef- sujet aussi sensible que la mobilité. Faut-il pour autant renoncer à
soit sécurisé, visible et continu. Plus un quartier proposera ficaces, même pour les nouveaux quartiers, les voiries des imaginer et proposer des alternatives à la voiture individuelle ou aux
un écosystème vélo complet (stationnement, réparation, quartiers centraux des villes devront restreindre la place de voyages à l’autre bout du monde ? Ou est-ce qu’un effort particulier
location…), plus il favorisera cette pratique. Aujourd’hui, 8 % la voiture et le réaménagement en profondeur des zones d’information et de pédagogie sur l’ampleur du sujet à traiter peut
des Français qui ne font pas de vélo, n’ont pas franchi le cap périphériques est à penser dès à présent. Enfin, dans ces
par peur de la circulation3 alors qu’on peut estimer des gains grandes métropoles, les nouveaux quartiers se construisent
contribuer à des changements dans nos habitudes de mobilité ?
importants de réductions de CO2 engendrés par un système souvent dans un environnement social défavorisé au profit
vélo efficace4. de populations plus riches venant du centre urbain, faisant Laurent Perron,
déplacer encore plus loin les populations pauvres. La logique chef de Projet de la mission Fresque de la Mobilité – Association Les Shifters
Perspectives financière de bénéfice qui prévaut n’est alors pas adaptée et linkedin.com/in/laurent-perron
nécessite d’être réorientée.
Pour restreindre les constructions hors quartier à l’œuvre
aujourd’hui, l’État et les collectivités locales ont un rôle à Pour aller plus loin : Site Efficacity, projet UrbanPrint
jouer pour limiter l’étalement urbain et planifier les dévelop-
pements urbains. Par planifier, nous entendons uniquement
localisation des nouveaux quartiers et non doctrine urbaine.
Le nouvel objectif de « zéro artificialisation nette » porté no-
tamment par la Convention citoyenne5 en est, par exemple, 2. Résumé de l’intervention de Frédéric HERAN, IFRESI-CNRS, à la 3e
un outil de contrôle strict qui permettrait de réguler les journée d’étude de la FUBicy, intitulée : « Pour un usage généralisé du vélo »,
Lyon, 6 avril 2001.
nouvelles constructions et surtout de faire en sorte qu’elles 3. Enquête nationale transports et déplacements (ENTD) 2008
suivent certaines recommandations. Cette forte restriction 4. Décarboner la mobilité en Vallée de la Seine, The Shift Project,
dans la construction qui peut être vue comme une atteinte décembre 2020.
5. Convention citoyenne pour le climat, Se loger
à la liberté est aussi l’occasion de repenser l’aménagement 6. [Dossier Quartiers Bas Carbone] - Projet Quartier E+C- ou l’application de
du territoire en dehors des grandes métropoles. l’analyse de cycle de vie à l’échelle quartier.

142 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 143
PLUS DE 800 PARTICIPANTS
ont pu suivre la Fresque de la Mobilité
depuis son lancement.

Les enjeux soulevés par le changement climatique n’ont


jamais été aussi prégnants dans le débat public et au cœur
des interrogations d’une partie grandissante de la population.
Hors pandémie en effet, l’environnement est l’une des trois
préoccupations principales des Français, avec le pouvoir
d’achat et l’avenir du système social1. Et parmi les problèmes ment inquiétantes et éminemment complexes. Afin d’ob-
d’environnement, le réchauffement climatique apparaît de tenir une compréhension des enjeux qui soit la plus exacte
loin comme le plus préoccupant. possible, il est nécessaire d’y consacrer un temps important.
Faire face au problème exige une population certes sensibi-
Cependant, encore un quart des Français considèrent que lisée, mais aussi informée et formée à tous les niveaux de la
le réchauffement climatique est un phénomène naturel qui société : étudiants, citoyens, dirigeants, décideurs politiques.
a toujours existé et plus de 60 % sont convaincus que les
centrales nucléaires contribuent beaucoup ou assez aux De nombreuses initiatives ont vu le jour ces dernières années
émissions de gaz à effet de serre2. pour développer des outils de sensibilisation et d’informa-
tion à ces enjeux fondamentaux. On peut citer le rapport du
Pour accompagner l’intérêt croissant des Français pour les Shift Project « Déployer la sobriété numérique »3, le succès de
enjeux climatiques et pour aider aux décisions individuelles la Fresque du Climat4, atelier ouvert à tous, visant à expliquer

© DR
et collectives, il est primordial que les connaissances soient les causes et les conséquences du réchauffement climatique
diffusées le plus largement possible et que nous ayons tous que 100 000 personnes ont déjà suivi, ou le service d’infor-
accès au bon niveau d’information. mation environnemental Ecolab de l’ADEME5.

Un problème complexe et des enjeux pas toujours La mobilité des personnes, un sujet sensible sur L’atelier de la Fresque de la Mobilité : un format grand public qu’en séminaire pour tout type d’organisation :
bien identifiés lequel il faut pourtant agir ludique et collaboratif pour comprendre et prendre une version « grand public » pour sensibiliser le plus
en main sa mobilité largement possible ;
Si les phénomènes physiques liés au dérèglement climatique La mobilité des personnes va évoluer fortement sous la une version « entreprise » pour aider les organisations à
sont désormais bien identifiés par la communauté scienti- double pression de la lutte contre le dérèglement climatique Cet atelier se déroule par groupe de 6 à 8 personnes, guidées s’engager avec leurs collaborateurs dans une démarche
fique, ils restent néanmoins difficiles à appréhender par tous. et du risque d’un moindre approvisionnement en pétrole par un animateur dédié et formé, et comprend deux parties. de mobilité moins carbonée ;
Et les perspectives du dérèglement sont à la fois profondé- dans la décennie qui vient6. Cette évolution nécessite d’en La première partie, sous forme de cartes quiz, propose aux et enfin, une version « collectivité » pour accompagner
comprendre les mécanismes et de mesurer les responsabili- participants de construire un panorama de la mobilité des les élus et les agents dans la transition des territoires.
tés, tant individuelles que collectives que nous devons assu- personnes en France : besoins, modes de transport et éner-
mer et qui doivent nous guider dans nos décisions. gies utilisés pour y répondre, conséquences économiques, La réponse à la décarbonation de la mobilité ne sera
« La Fresque de la sanitaires et environnementales. pas unique
Forte de ce constat, l’association Les Shifters, qui regroupe
Mobilité a aussi pour maintenant plusieurs milliers de bénévoles et qui œuvre à La seconde partie met en scène des profils types dans les- La Fresque fait le choix d’offrir aux participants la possibilité
objectif de permettre aux l’élaboration de solutions pour la transition carbone de l’éco-
nomie en appui au think tank The Shift Project, a constitué
quels les participants peuvent se reconnaître, et propose des
leviers d’action à mettre en place. Le but est alors de choisir
d’identifier un ensemble de leviers d’action plutôt que de
laisser penser qu’une solution unique et universelle serait
participants d’explorer fin 2019 une mission pour concevoir un instrument de sensi-
bilisation à la mobilité décarbonée : la Fresque de la Mobilité.
les trois ou quatre leviers les plus pertinents pour réduire le
bilan carbone mobilité du profil étudié.
suffisante pour décarboner la mobilité.

les avantages de différents L’objectif est de disposer d’un outil facilement et massi-
vement déployable, qui puisse s’adresser au plus grand La Fresque permet ainsi une appropriation ludique et dyna-
leviers de décarbonation nombre, pour sensibiliser et informer sur les enjeux et les mique du sujet et favorise l’émergence des comportements

de la mobilité, à l’échelle conséquences de la mobilité des personnes. individuels et collectifs permettant à chacun de devenir ac-
teur d’une mobilité moins carbonée. 1. « Fractures françaises 2019 : la défiance vis-à-vis des dirigeants et des

individuelle comme à
institutions atteint des sommets », sondage Ipsos Sopra Steria pour Le Monde,
La Fresque de la Mobilité a aussi pour objectif de permettre la Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne, 2019.
aux participants d’explorer les avantages de différents le- Pour réduire la dépendance à la voiture, proposer 2. Représentations sociales du changement climatique : 20e vague – (enquête),
l’échelle collective. » viers de décarbonation de la mobilité, à l’échelle individuelle des alternatives efficaces baromètre ADEME, 2019.
3. « Déployer la sobriété numérique », rapport du Shift Project, octobre 2020.
comme à l’échelle collective. 4. Association La Fresque du Climat
L’animation peut s’organiser en présentiel ou à distance, sur 5. L’information environnementale au plus près des citoyens
6. The Shift Project, « Possible déclin de l’approvisionnement en pétrole de l’UE
L’identification de ces leviers se base sur le Guide pour une une durée de deux à trois heures. Elle est déclinée en trois d’ici 2030 ».
mobilité quotidienne bas carbone, du Shift Project7. versions pour s’adapter à une utilisation aussi bien auprès du 7. Rapport du Shift pour les collectivités, février 2020.

144 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 145
6

VVE : UN OUTIL
POUR LA TRANSITION
ÉCOMOBILE DES COLLECTIVITÉS

© tejvanphotos
Nous sommes convaincus que la décarbonation du trans-
port, en particulier celui des personnes, passera par un en-
semble d’actions différentes adaptées aux usages, aux be-
soins et aux moyens de chacun, en jouant sur les cinq facteurs “Vve – Vers une ville écomobile” est un outil d’autodiagnostic en
structurant les émissions : la demande de transport, le report
ligne à destination des collectivités locales qui a été lancé en avril
modal, le taux de remplissage, l’efficacité énergétique des
véhicules et l’intensité carbone de l’énergie utilisée. 2020. Chaque utilisateur évalue un territoire sur des critères simples
et complets, pour dresser un état des lieux de ses forces et de ses
Nous n’avons retenu que des leviers d’action existants et ap- faiblesses, tant sur les aspects d’urbanisme et d’aménagement que sur
plicables rapidement. les offres de mobilité, grâce à de nombreuses ressources actualisées.
Vve favorise l’émergence d’une vision commune et partagée sur la
Un outil disponible dès à présent
mobilité durable.
L’atelier est actuellement en langue française et utilise les
données du secteur des transports en France. Des extensions Julien Solé,
pour d’autres pays sont en réflexion. fondateur et dirigeant L’Arbre-Mobile
linkedin.com/in/julien-solé-38144754
Déjà plus de 800 participants ont pu suivre la Fresque de la
Mobilité depuis son lancement en février, lors des sessions
publiques. Ces ateliers sont ouverts à tous, par inscription
sur le site Internet. Aurore Fabre-Landry,
fondatrice et dirigeante Sustainable Mobilities
Les Shifters sont également à la disposition des associations, linkedin.com/in/aurore-fabre-landry-2610049
des entreprises et des collectivités pour animer cet atelier et
mettre ce nouvel outil au service de la compréhension des
enjeux de mobilités durables et d’action vers une mobilité
sobre et décarbonée. 

Site Internet : https:\\fresquedelamobilite.org


Mail : fresquedelamobilite[@]theshifters.org

146 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 147
« L’outil peut permettre
de faire émerger un
diagnostic commun et
une vision partagée
des acteurs ou citoyens
d’un territoire. »

Pour devenir écomobile, une collectivité doit mettre en


place un système complet de déplacements alternatifs à
l’automobile solo, meilleur pour l’environnement, moins
cher, plus sûr et plus sobre, permettant d’offrir un cadre de
vie et un environnement plus agréables.

La polyvalence de la voiture ne peut être remplacée ni par le


vélo ni par les transports en commun. Seule la combinaison
harmonieuse de l’ensemble des modes de transport (marche,
micromobilités, vélo ou vélo électrique, train et transports en
commun, autopartage ou covoiturage pour les destinations
non desservies...) peut offrir une alternative efficace et des thématiques Vve : une interface simple, ludique et ani- L’outil peut permettre de faire émerger un diagnostic commun
adaptée aux différents besoins. La voiture individuelle peut mée, qui lui donne un premier score. Cette roue permet de et une vision partagée des acteurs ou citoyens d’un territoire.
continuer à être utilisée, mais pas de manière systématique. conserver une vision globale, elle donne envie de poursuivre Même s’il n’y a pas d’interface réellement collaborative ni de Entretien avec Thomas Moutin,
Aussi la collectivité doit-elle agir sur tous les leviers le diagnostic en travaillant en priorité sur les points faibles synthèse dans la version actuelle de l’outil, ce travail peut être chargé de mission Mobilité,
simultanément : des usages à l’aménagement, de la gouvernance du territoire. L’utilisateur peut alors affiner son diagnostic à réalisé soit par un territoire « à la main » soit en faisant appel à Communauté d’agglomération du
au revêtement de la chaussée… et il est urgent d’accompagner l’aide d’une quarantaine de critères complémentaires plus un accompagnement auprès des concepteurs de l’outil. Grand Montauban (Occitanie)
les collectivités les moins outillées dans cette démarche et vers détaillés et explorer un ensemble de ressources disponibles L’idée, dans notre collectivité, c’est de pouvoir,
cette transition. (bons exemples, chiffres clés, liens, financements). Genèse du projet et premiers utilisateurs avec cet outil, mettre autour de la table les
techniciens des différents services dont l’action
Un outil d’autodiagnostic, simple mais offrant L’outil s’adresse délibérément à un large public sans restric- Ce projet a été mené grâce au soutien financier de l’ADEME. contribue à la politique de mobilité durable.
une vision globale tion : aux élus, aux membres des services techniques et aux Trois collectivités partenaires ont été associées : le Syndicat Mais également de proposer à la nouvelle équipe
associations ou aux citoyens. des mobilités de Touraine, la Communauté d’aggloméra- municipale d’utiliser Vve pour travailler sur le
L’outil digital “Vve – Vers une ville écomobile” a été conçu tion du Grand Montauban et la commune des Lilas. Elles projet de mandat en termes de mobilité.
pour initier et accélérer la transition des collectivités vers Chacun est légitime pour réaliser et éditer son propre dia- sont intervenues depuis l’élaboration du cahier des charges Nous pouvons utiliser Vve avec l’ensemble des
l’écomobilité. Il cible plus particulièrement les villes petites gnostic. Celui-ci est daté et signé afin qu’il puisse être soumis jusqu’aux étapes de validation, afin d’en faire un outil plei- services pour réaliser un diagnostic en commun,
et moyennes, mais a été mis au point pour s’adapter à tout à d’autres acteurs de la collectivité. En cours de diagnostic, nement opérationnel. De nombreux experts de la mobilité, dans le but de faire émerger des points de
type de territoire. Il est disponible en ligne gratuitement à l’utilisateur peut également partager un critère ou une res- entre autres de l’ADEME, du Cerema ou encore du GART, ont vue différents sur l’existant, ce qui est assez
l’adresse www.ville-ecomobile.org. source avec un contact, pour l’aider à compléter son dia- été consultés, afin que Vve relaie les bonnes pratiques et les intéressant, car générateur de débats. Puis
gnostic ou pour favoriser le débat. connaissances sur les différentes thématiques. permettre de hiérarchiser et de programmer
L’outil offre une vision globale à travers dix thématiques qui les actions que l’on pourra mettre en place.
couvrent l’ensemble des sujets. Vve a reçu en septembre 2020 le premier prix de la catégo- En termes de valorisation et de communication,
L’utilisateur procède d’abord à un premier « diagnostic éclair » rie ante-création au concours METHA Europe. Ce concours, l’outil permet de mesurer l’évolution du diagnostic
du territoire en répondant à une question par thématique, organisé à l’occasion du salon EVER 2020, a récompensé les au fur et à mesure de l’avancée
qui l’aide à prendre conscience de la diversité des sujets à meilleurs projets innovants sur le thème de la « ville durable ». du mandat municipal et de la mise en place
traiter et de l’effet de système. Il accède ensuite à la roue Depuis son lancement en avril 2020, 3 700 personnes ont de nouvelles actions. Il serait également
découvert Vve, plus de 1 000 diagnostics ont été réalisés, sur intéressant que des habitants, associations,
450 communes, en particulier par des maires, élus, membres puissent réaliser des diagnostics et ainsi évaluer

3 700
de services techniques dont des chargés de mission mobili- l’efficacité des actions engagées par la collectivité
tés, climat, air, énergie… Même si des progrès peuvent encore en matière de mobilité durable.
être faits pour la diffusion de l’outil et pour organiser son Aux territoires peu denses — ceux qui n’ont pas
utilisation afin de faire émerger des diagnostics réellement de spécialiste des mobilités ou qui n’ont pas le
partagés sur les territoires. temps de participer à tous les réseaux — Vve peut
également apporter l’ingénierie et la connaissance
PERSONNES
Pour aller plus loin, Vve Conseil technique nécessaires. Il constituerait un bon outil
ont découvert la démarche Vve
Pour mobiliser et prolonger l’outil, les bureaux pour réaliser un plan de mobilité simplifié.
depuis son lancement en avril d’études concepteurs proposent désormais une offre
2020, sur 450 communes. d’accompagnement des collectivités avec des formations
à destination des élus et des services, des ateliers pour
inclure l’écomobilité dans les projets d’aménagement, ou
encore réaliser une consultation numérique des citoyens.

148 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 149
Bibliographie

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Bulletin n° 13 du 06/01/2021
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d’alternatives à la voiture en solo dans les zones de urban ridesharing: Simulating travel decisions in Confinements_13_2p-1.pdf

152 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 153
Les références Cerema
en lien avec
les thématiques traitées

LES OUVRAGES Cerema. Adapter l’espace public aux enjeux climatiques :


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agir. Bron : Cerema, 2020. Collection : Connaissances. quelcout-quels
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Bron : Cerema, 2015. Collection : Références. ISBN : F01 - Expérimentations de voies réservées au
978-2-37180-038 covoiturage et à certaines catégories de véhicules
Cerema. Rendre sa voirie cyclable, les clés de la sur voies structurantes d’agglomération - Opportunité
réussite. Bron : Cerema, 2021. Collection : Les cahiers. et pré-faisabilité
https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/ F02 - Conception - Scénario 1 - Voie réservée
rendre-sa-voirie-cyclable à horaires d’ouverture prédéfinis par mobilisation
Cerema. Aménagements provisoires pour les piétons : de la voie de gauche
tester pour aménager durablement. Bron : Cerema, F03 - Conception - Scénario 2 - Voie réservée
2021. Collection : Les cahiers. permanente à gauche avec suppression de la bande
https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/ d’arrêt d’urgence
amenagements-provisoires-pietons-testeramenager- F04 - Conception - Scénario 3 - Voie réservée
durablement à horaires d’ouverture prédéfinis par mobilisation
Cerema. Voies structurantes d’agglomération - de la voie de gauche, avec VRTC à droite
Aménagement des voies réservées au covoiturage et à F05 - Conception - Scénario 4 - Voie réservée
certaines catégories de véhicules. Bron : Cerema, 2020. permanente à droite avec suppression de la bande
Collection : Références. ISBN : 978-2-37180-436-4 d’arrêt d’urgence
https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/
voies-reservees-convention-citoyenne-climat
LES SÉRIES DE FICHES
Cerema. Voirie, espace public : solutions économes
Cerema. Favoriser la marche Fiche n° 01 - Le réemploi d’une voie ferrée en liaison
Fiche n° 01 : Plan piéton La Chapelle-Glain douce : l’expérience de Caux-Austreberthe, Pays de
Fiche n° 02 : Mieux accueillir les piétons âgés dans Caux
l’espace public Fiche n° 02 - Un parking-relais modulable en période
Fiche n° 03 : Les lieux de pause et de repos : éléments estivale : l’exemple d’Arcachon
essentiels de la marche en ville Fiche n° 03 - Reconversion d’un parking en parc urbain
Fiche n° 04 : Les itinéraires pédestres balisés en ville : à Saint-Étienne
l’exemple de Mulhouse Alsace Agglomération Fiche n° 04 - Une solution innovante pour le
Fiche n° 05 : La prise en compte de la marche dans retraitement en place d’une chaussée polluée
les documents de planification https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/
Fiche n° 06 : Les outils fonciers pour rétablir voirie-espaces-publics-solutions-economes
les continuités piétonnes
Fiche n° 07 : Éclairage des espaces publics pour
les piétons
Fiche n° 08 : Les micro-aménagements en faveur
des piétons
Fiche n° 09 : Les magistrales piétonnes - Un réseau
piéton à haut niveau de service
https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/
favoriser-marche

154 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 155
DECARBONIZED MOBILITY
A GLOBAL CHALLENGE
MOVILIDAD DESCARBONIZADA
UN RETO GLOBAL
In France, transportation is the largest source of greenhouse
gas emissions. It is therefore a crucial priority to design energy-
efficient vehicles today. Beyond this technological challenge, it
is important to act in depth in order to adapt our transportation En Francia, el transporte es la actividad que más contribuye
infrastructure, initiate new low-carbon mobility practices, and a las emisiones de gases de efecto invernadero. Por eso, es
rethink our economic and legal models. As part of a partnership de suma importancia diseñar lo más pronto posible vehículos
collaboration, the authors of this study raise thought-provoking energéticamente eficientes. Más allá de este reto tecnológico,
issues for consideration and put forward concrete solutions, aimed es importante actuar en profundidad para adaptar nuestras
at all mobility players and professionals. infraestructuras, iniciar nuevas prácticas de movilidad con bajas
emisiones de carbono, y replantear nuestros modelos económicos
e incluso jurídicos. En el marco de una colaboración con diferentes
socios, los autores de este informe abren algunas vías de reflexión
estimulantes y proponen soluciones, en beneficio de todas las
partes interesadas y los profesionales de la movilidad.

156 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global Mobilités décarbonées, un défi global • Les dossiers _ 157
© 2021 – Cerema

Le Cerema, l’expertise publique pour la transition


écologique et la cohésion des territoires

Le Cerema, Centre d’Études et d’Expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité


et l’Aménagement, est un établissement public qui apporte son concours à l’État et aux
collectivités territoriales pour l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des poli-
tiques publiques au service de la transition écologique, de l’adaptation au changement
climatique et de la cohésion des territoires. Il porte des missions de recherche & innova-
tion et appuie le transfert d’innovations dans les territoires et auprès des acteurs privés.
Le Cerema agit dans 6 domaines d’activité : Expertise & Ingénierie territoriale, Bâtiment,
Mobilités, Infrastructures de transport, Environnement & Risques, Mer & Littoral. Pré-
sent partout en métropole et dans les Outre-mer par ses 26 implantations, il développe
une expertise de référence au contact de ses partenaires européens et contribue à dif-
fuser le savoir-faire français à l’international.
Le Cerema capitalise les connaissances et savoir-faire dans ses domaines d’activité. Édi-
teur, il mène sa mission de centre de ressources en ingénierie par la mise à disposition
de près de 3 000 références à retrouver sur www.cerema.fr rubrique nos publications.

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est illicite (article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle). Cette reproduction,
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Cet ouvrage a été imprimé sur du papier issu de forêts gérées durablement (norme
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classée pour la protection de l’environnement et respecte les directives européennes
en vigueur relatives à l’utilisation d’encres végétales, le recyclage des rognures de
papier, le traitement des déchets dangereux par des filières agréées et la réduction des
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Coordination : Direction de la Stratégie et de la Communication / Pôle éditions


Couverture : Farénis
Mise en pages : Citizen Press
Impression : Jouve-Print – 733 rue Saint-Léonard – 53100 Mayenne – Tél. 02 43 11 09 00
Achevé d’imprimer : janvier 2022 – Dépôt légal : novembre 2021
ISBN : 978-2-37180-542-2 (pdf) ISBN : 978-2-37180-541-5 (imprimé) ISSN : en cours

Éditions du Cerema
Cité des mobilités
25, avenue François Mitterrand CS 92803 – 69674 Bron Cedex – France
www.cerema.fr

158 _ Les dossiers • Mobilités décarbonées, un défi global


MOBILITÉS
DÉCARBONÉES
Un défi global

En France, le transport est l’activité qui contribue le plus aux


émissions de gaz à effet de serre. Il est donc de première
importance de concevoir dès aujourd’hui des véhicules sobres
en énergie. Au-delà de ce défi technologique, il importe
d’agir en profondeur pour adapter nos infrastructures, initier
de nouvelles pratiques de mobilité bas carbone et repenser
nos modèles économiques, voire juridiques. Dans le cadre
d’une collaboration partenariale, les auteurs de ce dossier
ouvrent des pistes de réflexion stimulantes et des solutions, à
destination de tous les acteurs et professionnels de la mobilité.

EXPERTISE & INGÉNIERIE TERRITORIALE I BÂTIMENT


I MOBILITÉS I INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT I
ENVIRONNEMENT & RISQUES I MER & LITTORAL

Gratuit
ISSN : en cours
ISBN : 978-2-37180-541-5

www.cerema.fr
Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement
Cerema Territoires et ville : 2 rue Antoine Charial - CS 33927 - F-69426 Lyon Cedex 03 - Tél. +33 (0)4 72 74 58 00
Siège social : Cité des mobilités - 25 avenue François Mitterrand - CS 92803 - F-69674 Bron Cedex - Tél. +33 (0)4 72 14 30 30

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