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Êilles San Martin et Pierrette Nyssen

Les coccinelles, tout le monde

connaît : rou$€s ou jaunes à

taches noires, prédateurs de

pucerons, insectes o utiles ,,
symboles de la lutte biolo-
gique, voici les clichés qui
nous viennent à l'esprit lors- i"l-

qu'on évoque ces coléoptères CEuls de coccinelle à deux paints

aux cou leurs ruti lantes.

Et pourtant, jusqu'il y a peu, La vie d'une coccinelle

Comme les papillons, les coccinelles
les connaissances sur l'écologie passent par quatre stades principaux
et la répartition de ces insectes au cours de leur vie : l'æuf, la larve
(l'équivalent de la chenille), la pupe
étaient très maigres et la majo- (l'équivalent de la chrysalide) et
l'adulte. Les æufs sont pondus en
rité des naturalistes ignorent
groupes au début du printemps à
l'essentiel de leur mode de vie proximité d'une source de nourriture.
lls éclosent après une dizaine de
ainsi que la diversité des jours et les jeunes larves se mettent , t,j.

espèces, de leurs habitats et

à la recherche de nourriture après
avoir dévoré la coquille de leur æuf. Une larve typique de coccinelle,
de leu rs com portements. À la fin du quatrième stade larvaire, celle de la coccinelle à 7 points
la larve arrête de se nourrir, se fixe à
(Cocci ne I la 7 -punctata )

un support par l'extrémité de l'abdo-

men à l'aide d'une substance adhé-
sive et se transforme en pupe. Juste
a près l'émergence, les élytres de
l'adulte sont mous et entièrement
jaunâtres. Les couleurs définitives
prendront quelques heures à plusieurs
jours à se mettre en place. Les adultes
émergent généralement en été et
se nourrissent pendant plusieurs
semaines avani de rejoindre leurs
quartiers d'hiver. Les sites d'hivernage
sont très variables en fonction des
espèces: lrtière de feuilles mortes,
Si elles sont dérangées, les pupes
crevasses d'écorces, feuillage des peuvent se dresser btusquement.
résineux, cavités diverses (arbres ll s'agit pruhablement d'un mécanisme
petmettant de déloger un parasite qui
creux, caves, greniers)... L'accou-
voudrait pondre dans la pupe.
plement aura lieu au printemps,
juste avant la ponte.

lz numéro 1 mai-juin 2004

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Des habitats diversifiés, La coccinelle à 7 points (Coccinella

7-punctata) est bien connue de tous.
des espèces Et pour cause, elle peut vivre
dans la stnte herbacée d'une grande
Ins0upç0nnees vailété d'habitats.
La faune belge comprend une bonne
trentaine d'espèces de n macro-cocci-
nelles, vivant dans des habitats aussi
variés que les arbres à feuilles
caduques, les résineux, les friches et
pelouses sèches, les zones humides,
les Iandes à bruyères... La plupart
des espèces sont strictement inféo-
La coccinelle à l0 points blancs (Calvia dées à ces habitats, mais quelques-
lo-guttatd est une espèce assez courante
chez nous sur les feuillus. Mais qui peut
unes peuvent vivre à peu près
se vanter d'avoir déjà pu admirer sa partout. Ce sont ces espèces, dites
nagnifique livrée orangée 7
"
généralistes », Çuê nous avons l'ha-
bitude de rencontrer (la coccinelle à
sept points, la coccinelle à deux
points...)alors que les autres passent
généralement inaperçues, bien que
certaines d'entre elles ne soient pas
rares du tout. La coccinelle à 10
points blancs (Calvia 1)-guttata) esT
par exemple une superbe espèce assez
La coccinule (Coccinula 14-pustulata) vit dans
commune chez nours sur les feuillus.
La coccinelle ocellée (Anatis ocellata) est la strate herhacée de nilieux secs et chauds.
la plus grande espèce de coccinelle que
Et que dire de la coccinelle ocellée Elle se rencontre suilout dans l'est du pays.
l'on puisse observer en Belgique. Elle vit (Anatis ocellata), que l'on rencontre
sur les pins et partois sur les épicéas. assez fréquemment sur les résineux ?

La famille des coccinellidés au sens strict comprend toute une série

d'espèces minuscules qui ne sont généralement pas reconnues
comme coccinelles par le grand public. ll existe une vingtaine d'espèces
de ces « micro-coccinelles" en Belgique.

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TTITilîIITGN

Espèces menacées :
les coccinelles ne sont pas épargnées
Sur la trentaine d'espèces belges, une quinzaine sont rares ou menacées. Les
trois espèces des zones humides et les trois espèces des landes à bruyères sont
protégées en Région wallonne depuis la nouvelle loi sur la conservation de la
nature de.lanvier 2002. Ces espèces sont en effet liées à des habitats qui ont
fortement régressé depuis l'intensification de l'agriculture. Certaines de ces
espèces sont plus menacées que d'autres. La coccinelle des roseaux
(Anisosticta 19-punctata) est par exemple encore assez répandue dans les
roselières de la Lorraine belge alors que la coccinelle des tourbières
(Hippodamia 7-maculata) ne survit plus que dans quelques tourbières de la
région d'Elsenborn. Les coccinelles
des landes sont toutes fortement Cette petite espèce (Exochomus nigrona-
cutatus) vivant dans les landes à hruyères
menacées. ll semblerait qu'elles soient a vu ses populations loftenent diminuet
très exigeantes quant au type de lande ces cinquante dernières années. Conne
et très sensibles au mode de gestion : cinq autres espèces de coccinelles,
elle bénélicie depuis peu d'un statut de
certaines landes très étendues n'abri-
protection en Région wallonne.
tent pas la moindre coccinelle des
landes alors que de petits reliquats
La coccinelle des tourbières (Hippodamia 7'
forestiers permettent parfois le main- naculata), connue seulement dans deux sites,
tien de l'une ou l'autre espèce. aura bientôt disparu de Belgique. À moins que...

Hinvasion asiatique
Récemment, la coccinelle asiatique ment peut entrer en compétition pour
(Harmonia axyridis)a été introduite en l'espace et la nourriture avec nos espèces
Belgique pour la lutte biologique contre indigènes mais qui a en plus une
les pucerons. Depuis la fin de l'année fâcheuse tendance à se nourrir directe-
2002, elle a commencé à se répandre ment d'autres coccinelles. Au Canada,
à une vitesse époustouflante dans tout quelques années après leur introduction,
le pays. Les problèmes liés à cette la coccinelle asiatique et notre coccinelle
espèce sont multrples. à 7 points représentent plus de 50 % des
observations de coccinelles, ce qui
Tout d'abord, elle pose un problème en
La coccinelle asiatique : une petite bête
montre l'impact que peuvent avoir de
conservation de la nature. ll s'agit en effet qui nonte, qui monte...
telles introductions sur la faune indigène.
d'une espèce très vorace qui non seule-
Elle est également susceptible de poser La commercialisation et l'introduction
Ë1. d'autres problèmes. Harmonia axyildis volontaire de cette espèce en Belgique
\i: peut par exemple s'agréger par milliers sont donc étonnantes puisqu'on pouvait
\,r:
i.f
d'individus dans les habitations où elle en prévoir les conséquences, et ce d'au-
devient alors une véritable peste. tant plus qu'il existe une espèce indigè-
ne, la coccinelle à deux poinls (Adalia
La coccinelle asiatique a été introduite il y a bipunctata), produite en masse pour la
une dizaine d'années aux États-Unis avec lutte biologique par une entreprise de la
les conséquences écologiques et écono- région liégeoise, Horpi Systems, et qui
miques que nous venons de décrire. ne pose aucun problème écologique.

Les Adalia box, les kits d'éle-

vage de coccinelles à deux points
de la société Horpi Systems, sont
notamment disponibles à la
Maison Liégeoise de l'Environ-
I
i

nement, rue Fusch 3, 4000 Liège

04/250 95 90.
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Agrégat hivernal de coccinelles asiatiques.

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Des mangeurs de pucerons ?
Oui, mais pas uniquement...
La majorité des espèces de coccinelles ont en effet un régime alimentaire
essentiellement constitué de pucerons ou de cochenilles. Cependant, il faut
savoir que toutes les espèces de coccinelles carnivores peuvent utiliser une
très grande variété d'insectes à corps mou et d'æufs d'insectes comme nour-
riture d'appoint. Certaines espèces présentent un régime alimentaire plus
particulier. La coccinelle à hiéroglyphes (Coccinella hieroglyphica), par
exemple, semble spécialisée sur les larves d'une chrysomèle des bruyères.

Conne son non I'indique, la coccinelle des

nelons (Epilachna argus) ne se nouffit pas de
pucercns, mais bien d'une plante grinpante
de la fanille des nelons : la bryonne dioïque.

Le cannibalisme est très fréquent. Ce comportement peut nous paraître

étrange, mais constitue pourtant une adaptation essentielle : les æufs
sont pondus en petits groupes et les larves sæurs se trouvent donc à
proximité les unes des autres au début de leur vie, ce qui augmente le
risque de cannibalisme. Ainsi, si la nourriture vient à manquer, les larves
pourront s'entre-dévorer et il y aura plus de chances que quelques larves
au moins survivent.

La coccinelle à 22 points (Psyllobon 22-punc-

tata) est une espèce très courante chez nous. ll existe également des espèces non carnivores qui se nourrissent soit de
0n peut la truuvet dans une grande variété plantes soit de champignons microscopiques parasites de feuilles (de type
rl'habitats où elle se nounit de chanpignons... oÏdium, mildiou...). Les coccinelles complètent aussi leur régime alimentaire de
base par du pollen, du nectar ou du
miellat de pucerons. Ces supplé-
Les pucerons se nourrissent exclu- ments de protéines et de sucres
sivement de sève, qui est compo- constituent un apport de nourriture
sée essentiellement d'eau et de
non négligeable, qui permet aux coc-
cinelles de survivre lorsque leur nour-
sucre. Pour obtenir tous les élé-
riture habituelle vient à manquer et
ments nutritifs dont ils ont besoin, qui aide à la constitution de réserves
les pucerons doivent ingérer de pour passer l'hiver en fin de saison.
très grandes quantités de sève. La coccinelle zigzag (Tytthaspis I 6-punctata)
mange également des champignons micro-
L'excédent d'eau et de sucre est
scopiques, mais elle vit uniquement sur les
rejeté par l'anLts. C'est le miellat. graminées dans des zones sèches.

Pourquoi des couleurs si vives ?

Rouges, jaunes, oranges, avec des taches claires ou sombres, les coccinelles ne sorrt
pas très discrètes. Comme beaucoup de gens le savent, ces couleurs vives servent
à prévenir les prédateurs de leur mauvais goût ou de leur éventuelle toxicité. Ce mau-
vais goût est dû aux substances contenues dans le liquide jaunâtre émis par la
coccinelle lorsqu'on la manipule et qui lui donne une odeur si caractéristique.

lVlais, d'après certains scientifiques, les couleurs vives des adultes pourraient
également assurer une meilleure chance de survie aux larves ! Le raisonnement
est le suivant: les adultes avec leur carapace bariolée et leurforme bombée cap-
turent assez difficilement leur proies qui les repèrent de loin. Les larves, quant à
elles, sont beaucoup plus habiles que les adultes à capturer leurs proies grâce
à leur forme plus plate, leur couleur plus terne et leur rapidité. ll est donc pro-

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bable que, lorsque la femelle adulte
La coccinelle zébrée (Myzia
estime qu'un site de ponte est suffi-
oblongoguttata) vit exclusive-
samment riche en proies, elle suresti- ment sur les pins. Sa coloration
me les besoins des larves, qui dispose- est parlaitement adaptée à son
ront donc de nourriture en suffisance. habitat. Lo$qu'elle se tient
imnobile, blottie conte l'écorce,
Certaines espèces arborent cepen- sa couleur de fond brunâtre
da ntdes cou leu rs
plus ternes. la rend pratiquenent invisible.
Aphidecta obliterata est, par exemple, Par contrc, lorsqu'elle se

une espèce entièrement brune qui vit déplace, les taches hlanches
contrastées envoient un signal
sur les épicéas. Contrairement à ses
net aux prédateurc: "ie ne suis
cousines, elle a préféré une couleur pas bonne à nanger".
lui permettant de se camoufler et de
ce fait elle ne secrète aucune sub-
stance répulsive.

La coccinelle des roseaux (Anisosticta

19-punctata) semble quant à elle
alterner une couleur rosâtre en été La coccinelle des roseaux (Anisosticta lg-punctata)
annonçant sa toxicité et une couleur arbore une couleur de fond rose vif durunt la période
d'activité en été afin de prévenir les prédateurs de son
beige en hiver lui permettant de pas-
mauvais goût. En hiver, sa couleur vire au beige afin
ser inaperçue parmi les roseaux des- de mieux se camouller dans les rcseaux séchés parmi
séchés dans lesquels elle hiverne. lesquels elle passe la mauvaise saison.

Une variabilité étonnante

Les différentes espèces de coccinelles L'utilité pour les coccinelles d'une
présentent des motifs et des couleurs telle variabilité est encore inexpliquée
extrêmement variés. ll suffit d'exami- par les scientifiques. Cette variabilité
ner les photos pour s'en rendre compte. va même à l'encontre de ce que l'on
Mais ce n'est pas tout, il peut égale- sait. En effet, lorsque des insectes
ment exister une très grande variabi- annoncent par leur couleur qu'ils ne
lité au sein d'une même espèce. sont pas bons à manger, ils ont tout
La coccinelle à 2 points (Adalia intérêt à ce que ce signal d'avertisse-
bipunctata) peut par exemple être ment soit le plus uniforme posstble.
rouge à 2 taches noires ou noire à 2, C'est le cas par exemple des abeilles,
4 ou 6 taches rouges. La coccinelle à guêpes et bourdons qui arborent pour
Une espèce noire qui s'accouple avec une 10 points (Adalia 10-punctata) eI la la plupart des couleurs jaunes et
espèce rouge ?! Et hien non ! Ces deux coc- coccinelle asiatique (Harmonia axyri- noires contrastées. Le message est
cinelles font toutes les deux partie de la dis,), deux espèces parmi les plus alors très facile à apprendre pour les
même espèce : Adalia hipunctata (que l'on
variables, présentent à elles deux une prédateurs : jaune, ça pique I
appelle en français la " coccinelle à deux
points que ce ne soit pas toujours le vingtaine de formes différentes et de
", hien
cas conme vous pouvez le constater). nombreux intermédiaires.

Coccinula
ll existe un groupe de travail, appelé Coccinula, qui récolte des données sur l'écologie et la
répartition des différentes espèces de coccinelles de Belgique. Ce groupe a publié une clé
de détermination de terrain. Elle est en vente (pour un prix modique) à la librairie Aves.
Le groupe de travait Coccinula organise également des activités de terrarn et édite une feuille de contact semestildle.

lntéressés ? Prenez contact avec Pierrette Nyssen (087/78 87 16 ou [email protected])

Le G.T. Coccinula est coordonné, pour ta partie francophone, par l'asbl Jeunes & Nature, dont les buts sont la sensibi-
tisation et l'éducation aux sciences de la natltre, notamment grâce à l'organtsation de camps pour les jeunes de
B à 27 ans durant l'été. Leur site lnternet : www.ieunesetnature.be

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