Arthur 2
Arthur 2
Arthur 2
est de partager ses admirations avec les lecteurs, son admiration pour les
grands textes nourrissants du passé et celle aussi pour l’œuvre de contem-
porains majeurs qui seront probablement davantage appréciés demain
qu’aujourd’hui.
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cun sont aujourd’hui indisponibles dans un marché du livre transformé
en industrie lourde. Et quand par chance ils sont disponibles, c’est finan-
cièrement que trop souvent ils deviennent inaccessibles.
La belle littérature, les outils de développement personnel, d’identité
et de progrès, on les trouvera donc au catalogue de l’Arbre d’Or à des prix
résolument bas pour la qualité offerte.
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Gwenc’hlan Le Scouëzec
TOME II
arthur, roi des bretons d’armorique
David de Tintajuel,
David, en Galles et en Bretagne, est mis parfois à la place du breton Divi ou
du gallois Dewi, désignant un saint, fils de Nonn. C’est le cas à Quimperlé et à
Saint-David’s, appelé en gallois Tiddewi, la Maison de Dewi.
Le personnage marque peu, mais Tintajuel, ou Tintagel est d’importance, lieu
des amours du trio Uter Pendragon, Gurlois et Igerne, ainsi que de l’autre trio,
Marc’h, Tristan et Yseult. Nous avons dit ce que nous en pensions à propos des
Résidences d’Arthur, au chapitre 28.
arthur, roi des bretons d’armorique
Nous étudierons un peu plus loin le nom de Ban à propos du plus célèbre per-
sonnage à l’avoir porté, le roi de Benoïc et le père de Lancelot. Sa terre, appelée
Ganieret dans Erec et Enide, semble bien une simple variante de Gomeret que
Chrétien lui attribue dans le Conte du Graal.
arthur, roi des bretons d’armorique
arthur, roi des bretons d’armorique
porte, sans doute bien des siècles après, l’enterrement du roi Gradlon, un certain
Bili, moine, est mentionné.
On ne peut manquer bien sûr de rapprocher ce nom de celui du dieu celtique
Belenos et du breton beli, au sens d’autorité et de juridiction. L’ancien breton
possédait l’adjectif Beli, brillant et le mot Bel, au sens de feu. Pour les Gallois du
Xe siècle encore, Beli avait été l’époux d’Anna, la grande déesse.
Bliant, frère de Bilis, roi nain,
Gribalo
Gribalo est un roi nain, comme Bilis, et son vassal. Par lui s’amorce une tria-
de, qui comprendra encore Glodoalan. Faut-il rapprocher ce nom de Kribellou,
les crêtes (de coq ou de montagne…) ?
Glodoalan
Roi nain, lui aussi, et vassal de Bilis, roi d’Antipodes. La première syllabe
pourrait être en rapport avec la renommée : Klod. La seconde correspondant au
prénom armoricain Alain, on aurait ici un Alain célèbre.
40. Gradlon Meur et Guyomarc’h Greslemuef d’Estre Poterne
Parmi les invités à la noce d’Erec et d’Enide, il en est deux que l’on ne manque
pas de remarquer pour les étranges possessions qui sont les leurs :
Et Greslemuef d’Estre Posterne
I amena compaignons vint ;
E Guingamars ses freres i vint,
De l’isle d’Avalons fut sire ;
De cestui avons oï dire
Qu’il fu amis Morgant la fee
E ce fu veritez provee.
« Et Greslemuef d’Estre Poterne y amena vingt compagnons, et Guingamar
son frère y vint. De l’Ile d’Avalon, il était le seigneur ; de lui nous avons entendu
dire qu’il était l’ami de Morgane la fée, et c’était une vérité prouvée. »
Nous avons déjà exercé notre sagacité sur le mystérieux royaume d’Estre-Po-
terne et nous avons montré qu’une situation ainsi définie ne pouvait être autre
que celle de notre moderne Finistère. Là règne donc un nommé Greslemuef,
arthur, roi des bretons d’armorique
frère d’un certain Guingamar dont la principauté n’est autre que l’île d’Ava-
lon, terre de l’Autre Monde, bien connue ici et ailleurs pour être fréquentée par
Morgane. On sait que c’est dans ce pays que le roi Arthur sera emmené, après
la bataille de Camlann, par sa soeur, ladite Morgane, et que de là, les Bretons
attendent son retour.
Guingamar joue donc un rôle capital, quoique peu reconnu, dans les romans
de la Table Ronde. Il apparaît comme celui qui commande aux domaines para-
disiaques des Celtes et à leurs habitants.
Marie de France le connaît sous le nom de Guigemar et lui fait dire d’em-
blée :
De Bretaigne la Menur sui
« Je suis de Petite-Bretagne ».
De fait, il traverse la mer sur la nef merveilleuse, ce qui équivaut à effectuer un
voyage dans l’Autre Monde, où précisément il découvrira celle qu’il doit aimer.
Rien d’étonnant donc dans cette géographie. Guingamar et Greslemuef sont
tous deux des Armoricains et, ce qui est bien conforme à la tradition, l’Armori-
que apparaît comme étroitement liée à l’île d’Avalon, dont elle permet l’accès,
sous la protection des siens.
Nous avions fait remarquer que la terre de Graeslemuef portait dans les ma-
nuscrits plus souvent le nom de Fine-Poterne que celui.d’Estre-Poterne. En fait,
à la lumière de l’histoire des deux frères, il semble bien qu’il faille dédoubler
la signification de ces lieux. Le roi de Fine Poterne, l’extrême-Occident, c’est
Greslemuef, et c’est son frère Guingamar qui, régnant sur Avalon, est le vrai roi
d’Estre-Poterne, l’au-delà de l’Ultime. Avalon ne se tient-elle pas quelque part
dans l’océan au large des terres dernières d’Armorique ?
Le nom de Greslemuef revêt une apparence quelque peu surprenante dans sa
forme. Cependant, et à juste titre, on s’accorde à y voir un personnage connu
dans l’histoire de Bretagne. Peter F. Dombowski nous fournit, dans l’édition de
Chrestien dans la Pléïade, les variantes onomastiques des manuscrits : Graisle-
miers, Grailemus, Graillemers, Garlemmers, Graislemiers. Nous sommes là très
près du Graelent de ce lai anonyme qui nous conte encore une fois une histoire
de fées et d’Autre Monde. Et Graelent, c’est le roi Grallon, seigneur de la Ville
d’Is, qu’on voit toujours représenté dans la pierre entre les tours de la cathédrale
de Quimper.
Les anciens catalogues de princes bretons et notamment celui du Cartulaire
de Landévennec le mentionnent, pour avoir régné de 388 à 405 de notre ère,
sous le nom de Gradlon Meur, c’est-à-dire le Grand. La précision, de fait, est
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arthur, roi des bretons d’armorique
est le fils d’Oridial, seigneur de Léon et il a deux enfants, une fille, Noguent et
un garçon, précisément Guiguemar.
Quant à Guigemar, forme archaïque, il nous ramène normalement à la forme
moderne de Guyomarc’h. Historiquement, c’était, dès le XIe siècle, le nom des
vicomtes du Léon. Le premier d’entre eux, Guyomarchus Leonensis, apparaît en
1021 dans un acte de Judicaël, évêque de Vannes, qui confirme certains droits
de l’Abbaye de Redon.
Guyomarc’h II envoya son fils Hervé à la Première Croisade en 1096. Guyo-
marc’h III fonda le prieuré de Saint-Melaine de Morlaix. Guyomarc’h IV vivait
au temps de Marie de France : il s’opposa avec force en 1179 à l’invasion an-
glaise, combattit Geoffroy Plantagenêt, mais mourut vaincu et dépouillé de ses
biens le 27 septembre 1179. Le duc Geoffroy II rendit cependant leur domaine
à ses fils Guyomarc’h V et Hervé.
Le nom était connu plus anciennement. Dans les actes de Bretagne Armo-
ricaine antérieurs à 1135, on trouve des formes plus proches du Gingemar de
Marie de France et du Guingamars de Chrétien de Troyes.
• Dans l’acte du Roi Erispoë du 19 mai de l’an 851 environ, faisant élection
du monastère de Vadel à Conwoïon, abbé de Redon, dans lequel figure un
témoin du nom d’Arthur, un cosignataire est appelé Viuhomarc.
• Vers 1060, une donation à l’Abbaye de Marmoutiers d’églises et de terres,
est faite par Haimon, fils de Gingomar (filius Gingomari) surnommé Bloc-
cus, et frère également d’un Gingomarus.
• A la même date, le serviteur des moines de Saint-Serge s’appelait Gingo-
maret.
• Dans un titre de Marmoutiers de 1080 environ, le trésorier (Eleemosyna-
rius) du Prieuré de Combourg porte le nom de Gingomarus.
• Le chapelain du Vicomte de Josselin, Josthon, en 1108, est appelé Gingo-
marus.
• Mais l’année précédente, un Guihomarcus, fils de Blenluet, participait à
la fondation du prieuré Saint-Nicolas de Carhaix. Il semble s’agir de la
coexistence d’une forme ancienne (Gingomarus à Josselin) et d’une forme
plus moderne (Guihomarcus à Carhaix).
• Par ailleurs, la Chronique de Robert Abbé du Mont Saint-Michel et des
actes divers des XIe et XIIe siècles font état des vicomtes de Léon dont nous
avons parlé.
• Gingomari monachi figure dans un Titre de Marmoutiers.
• Gigomari monachi également.
• Le Catalogue des évêques de Léon, d’Albert Le Grand mentionne à la
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douzième place, Guyomark, sacré en 735 sous le Pape Grégoire III et l’Em-
pereur de Byzance Léon l’Isaurien, et mort en 783.
• Une commune de Saint Guyomard existe dans le Morbihan, qu’on écrivait
Dyomar en 1532, sans compromettre toutefois la vraie nature du nom.
En revanche, de même que pour Quirion et Gradlon, il ne semble pas y avoir
trace de ce nom au Pays de Galles. Il ne figure en aucun cas dans les Mabino-
gion.
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arthur, roi des bretons d’armorique
– Arès
– Ban de Benoïc
– Bohort
– Bruyant des Iles
– Calogrenant
– Cort, fils d’Arés
– Evrain
– Galaad
– Garin
– Lac
– Lucain le bouteiller
– Marc, le roi de Cornouaille,
– Nut
– Yonet
Arès
Nous aurions du mal à voir désigné par ce mot le dieu grec Arès. La manie
d’interprétation gréco-latine a fait trop de mal aux études celtiques pour que
nous admettions sans preuve, de reconnaître ici l’amant d’Aphrodite. De fait,
nous ne connaissons rien du personnage, si ce n’est qu’il est le père de Cort. Ce
dernier figure parmi les chevaliers d’Arthur, mais non point Arès. Cette ignoran-
ce où nous sommes interdit toute hypothèse sérieuse. Nous remarquerons sim-
plement l’analogie existant avec l’Ahès armoricaine, déesse des grands chemins
et de la Cuve de Huelgoat, mais sans en tirer aucune conclusion. Arès d’ailleurs
est un homme de sexe masculin, Ahès une femme divine.
Ban de Benoïc
Deux personnages portent, dans les Romans, le nom de Ban. L’un, Ban de
Benoïc, est le père de Lancelot, l’autre est Ban de Gomeret. Le nom présente une
analogie certaine avec Ben, l’embouchure. On peut d’ailleurs parler d’un jeu de
mots et d’assonances entre le prince et son royaume.
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arthur, roi des bretons d’armorique
Cependant les acceptions ne manquent pas. En breton moderne, Ban est em-
ployé pour dire une colonne, une éminence et un rayon.
Anciennement, un homonyme avait, comme en irlandais le sens de femme.
En vieux-breton, outre cette dernière acception, le mot Bann possédait plusieurs
significations différentes que voici, telles qu’elles figurent dans le Dictionnaire
du Vieux Breton de Léon Fleuriot : 1 = mélodie, musique, 2 = corne, 3 = élevé,
dressé vers le haut.
A cette dernière rubrique, l’on rattache d’ordinaire le nom gaulois du Lac
de Garde en Italie, Benacos. Dante, en 1305, connaissait encore le mot et l’em-
ployait, puisqu’il nous parle, au vingtième chapitre de l’Enfer, d’ un laco… c’ha
nome Benaco, « un lac… nommé Benaco ». On remarquera cependant que la
vaste étendue d’eau qu’il présente, si elle n’est pas située à plus de 65 m d’alti-
tude, figure en revanche fort bien le dessin d’une corne allongée.
De fait, la seconde rubrique apparaît très vite comme la plus riche en dériva-
tions et en explications. En gallois, le mot ban, en irlandais le mot ben désignent
également la corne. En breton moderne, le mot a subsisté en composition sous la
forme banhez, l’andouiller. Fleuriot signale l’existence dans la toponymie galloise
de Bancarw et de Bancaru, ce qui veut dire la corne de cerf. D’une façon plus
générale, le mot paraît s’appliquer spécifiquement aux bois des cervidés.
En Bretagne, nous n’avons pas retrouvé de noms de lieux analogues au Ban-
carw insulaire. Mais il en existe une traduction française, La Corne de Cerf, en
deux endroits du pays anciennement bretonnant, l’un en forêt de Paimpont,
l’autre sur un carrefour de la voie express sud, entre Muzillac et le pont de la
Roche-Bernard. Nous parlerons, à propos de la géographie de la Basse-Vilaine,
de cette dernière et intéressante localisation., que souligne d’ailleurs l’existence
d’un hameau de Ban en Allaire, dans la même région.
Nous avons eu l’occasion, et nous l’aurons encore, de souligner l’importance
du Cerf et de ses ramures dans la mythologie armoricaine. Nous sommes donc
tentés d’admettre cette signification et de nous intéresser à ces localisations, qui
se montreront pour nous, en avançant dans notre propos, fort riche de sens et
de conséquence.
Bohort
Bohort de Ganne est le frère de Ban de Benoïc et l’oncle de Lancelot. Il s’agit
là d’une famille entièrement armoricaine. Le royaume de Ganne, en quelque
sorte jumelé avec celui de Benoïc, se trouverait dans le nord du pays gallo.
L’étymologie n’est pas très évidente. On pense à un nom de lieu relevant du
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arthur, roi des bretons d’armorique
Calogrenant
Ce personnage, cousin d’Yvain, est présent dans d’autres romans, tels que
Meraugis, Perceval et Jaufré. Le caractère très armoricain du Roman de Jauffré
où nous rencontrons une femme aussi spécifique que la fée de Gibel, nous incite
à porter notre attention d’emblée sur la péninsule.
La syllabe finale du mot suggère deux possibilités : ou bien il s’agit du diminu-
tif –an, doté de ce t adventice qui revient si souvent dans les formes romanisées,
ou bien c’est le vieux mot celtique nant, la vallée qui réapparaît ici et fait songer
à un toponyme pris comme nom d’homme.
Or, dans la très arthurienne vallée de la Rance, un peu en amont de Dinan,
une commune porte le nom de Calorguen. L’agglomération s’appelait Carorgon
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arthur, roi des bretons d’armorique
en 1187, Calorien en 1735 : le mot est donc bien à prononcer avec un g dur et
non avec un gü ou gw. Il s’agirait d’un Caer-orgon ou Caer-Orgen Le nom de
Calogrenant serait la dénomination de la vallée de la Rance en cet endroit Ca-
lorgen-nant.
A souligner qu’Orgen est très proche d’Organ et de Coat-Organ dont nous
parlerons à propos de l’Orcanie du roi Lot.
Evrain
Le roi Evrain, châtelain de Brandigan, qui apparaît à plusieurs reprises dans
Erec et Enide, a été rapproché, en particulier, par Loomis, du prince de Rheged
Urien. Ce serait, pour l’auteur américain, le même personnage. L’analogie des
formes n’est cependant pas hors de toute critique et son origine galloise non
plus.
En fait, nous ne connaissons, pas plus que Loomis, d’anthroponyme de cette
sorte dans le monde celtique. Mais il existe un toponyme, en Bretagne Armo-
ricaine, qui lui ressemble exactement. Il s’agit de la commune d’Evran, en Ille-
et-Vilaine, qu’on trouve encore au XIIe siècle sous la forme Ivran et Evran. La
transformation des finales d’an en ain est classique au XIe siècle en milieu roma-
nisant : c’est ainsi qu’Ivan a donné Yvain… et pane, pain.
La petite ville est située dans la frange orientale de la Bretagne et dans cette
vallée de la Basse-Rance qui paraît si riche en noms de lieux arthuriens.
Galaad
Le nom de Galaad fut le premier nom de Lancelot, celui qui lui fut donné au
baptême. Par la suite, ce fut le nom donné à son fils, le héros qui devait mettre
fin à la Quête du Graal.
Le vocable est apparemment tiré de la Genèse. Il y apparaît d’abord comme le
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arthur, roi des bretons d’armorique
nom d’un lieu : c’est « la montagne de Galaad », vers laquelle se dirige Jacob après
avoir franchi le Jourdain. Un peu plus loin cependant, dans le même chapitre,
lorsque Laban et Jacob concluent une alliance, ils décident d’élever un cairn en
témoignage de leur accord :
Jacob prit une pierre et l’érigea en stèle. Puis Jacob dit à ses frères : « Ramassez
des pierres! » Ils prirent des pierres et en firent un monceau. Ils mangèrent là, sur le
monceau. Laban l’appela Yegar-Sahadouta et Jacob l’appela Galeêd. Laban dit : « Ce
monceau est aujourd’hui témoin entre moi et toi! » C’est pourquoi on l’a appelé du
nom de Galeêd (Galaad)…
Selon Edouard Dhorme, les deux noms auraient le même sens, celui de « mon-
ceau du témoignage », mais le premier, celui donné par Laban, serait araméen et
le second, celui de Jacob, hébreu.
Par la suite, le nom de Galaad devait désigner l’ensemble du pays environ-
nant, soit en Transjordanie entre le plateau de Madaba et l’affluent du Jourdain
nommé Yarmouk. Il fut donné, selon les Nombres (XXXII, 40) par Moïse à
Makir, fils de Manassé.
Ceci dit, on ne peut manquer de rapprocher le mot de celui qui désigne les
Celtes, les Keltoi des Grecs, le peuple des Caletes au pays de Caux, et leurs ter-
ritoires, la Galatia, qui est aussi bien la Gaule que la Galatie et la Galice. Rien
n’empêche de penser que l’auteur du Lancelot en prose ou son prédécesseur n’ait
hébraïsé, pour le christianiser, quelque « dur » – c’est le sens du mot en breton et
en général en celtique – dénommé Kaled ou Galat.
Cette origine nous paraît d’autant plus vraisemblable que la famille sémanti-
que est vaste et interceltique : c’est ainsi que le gaélique d’Ecosse dit galad pour
bravoure et que le breton galloud s’entend du pouvoir.
Garin
Dom Garin apparaît, comme un personnage de peu d’importance, une seule
fois dans le Conte du Graal. Mais ce nom d’allure romanisée, voire romane, est
bien usité dans la Bretagne Armoricaine des XIe et XIIe siècles. Ainsi Garin de
Lanrigan était moine au prieuré de Combourg, dépendant de Marmoutiers, vers
1080. Un Garin fils d’Orric, qui est peut-être le même, figure à la même date
dans un acte concernant également Combourg.
Le 18 février 1086, Boscher fils de Garin, se trouvait à Val-d’Izé in parochia
de Isei, près de Livré juxta Liwri, sur les bords de la Veuvre non longe a fluvio
qui dicitur Vozoura. Quinze ans plus tard, en 1101, un Garin panetier et père
d’Even était témoin à Nantes, d’une donation du duc Alain et de la duchesse
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arthur, roi des bretons d’armorique
Lac
Dans Erec et Enide, le héros est le fils du roi Lac. On ne peut manquer de
faire le rapprochement avec un autre nom de la tradition arthurienne et non des
moindres, celui de Lancelot du Lac. La translation galloise montre bien l’origine
bretonne armoricaine, via la romanité, de ce dernier nom. L’amant de Guenièvre
y est dit en effet Lawnselot dy Lac, dans la Triade 85 de la Myvirian Archaeology
of Wales, ce qui n’est évidemment qu’une copie du roman.
Mais quid de ce Lac ? S’agit-il d’une traduction française de Loc’h, voire, par
cet intermédiaire, du dieu Lugos ? Ou bien du breton Lag, lagen, ce qui est un
peu… boueux ? Ou alors à rattacher à Liac’h, Lac’h, Lec’h, le mégalithe ?
La toponymie, une fois de plus, devrait nous venir en aide. S’il existe, non
loin de Rennes, la commune du Lou-du-Lac, elle s’appelait, en 1314, Le Lou
Lieuc, ce qui paraît équivaloir à un Loc’h Lieuc ou Lac de Lieuc. Le Lac en
somme n’est pas ici celui qu’on pense.
On pourrait aussi évoquer la possibilité d’un Lazh, devenu Lah et francisé en
Lac. Près de la rivière de Crac’h, sur la fin des alignements du Petit-Menec à la
Trinité sur mer, s’élève le château du Laz, aussi appelé du Lac sur certaines car-
tes, sans doute pour la bonne raison qu’en vannetais les z de ce type ont évolué
depuis longtemps en h, que les Français transcrivent en c, quand ils parviennent
à en entendre l’aspiration.
Ce nom est répandu, mais surtout dans des lieux, comme le Finistère, où
cette évolution linguistique ne s’est pas faite. On trouve ainsi un Kerlaz près de
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arthur, roi des bretons d’armorique
Douarnenez, un Laz sur l’Aulne, un Daoulas (ou Double Laz) non loin de Brest
et un autre au voisinage de Guerledan. Le mot signifie meurtre, dans la langue
moderne, mais il s’agit plus vraisemblablement en toponymie commune d’un
ancien terme, glas, employé pour désigner la vallée ou le ruisseau.
Certes, le château du Laz à La Trinité, en plein coeur du pays vannetais, cor-
respondrait assez bien au père d’Erec, lui-même en relation avec le Bro-Erec. Il
n’y a guère qu’une quarantaine de nos kilomètres entre le château de Laz et celui
d’Erech. Mais rien ne viendrait en confirmation d’une telle hypothèse.
En revanche, la région de Lannion, sur la rive gauche et au sud du Leguer
nous fournit les éléments d’une solide localisation du père d’Erec. Il y a en effet
un Leslac’h ou Cour de Lac’h près de Plestin-les-Grèves, joli manoir bien res-
tauré dans un site légendaire, et arthurien de surcroît. Le lieu est niché sur le
plateau, immédiatement au sud du Roc’h Hir Las et de la Lieue de Grève, Lev
Draezh, où la tradition place le combat du roi Arthur avec le dragon.
A une dizaine de kilomètres de là, le bourg de Ploulec’h semble évoquer le
même personnage. Sans doute maladroitement traduit en latin en 1330 sous la
forme Plebe Loci, ce nom est écrit en 1461 Ploelach. Il s’agirait donc bien ainsi
d’une Paroisse de Lac’h, tenu alors pour nom d’homme. On trouvera un intérêt
supplémentaire dans le fait que sur son territoire, on montre les restes d’une an-
cienne petite ville fortifiée, d’époque gallo-romaine, qui dominait superbement
l’embouchure du Leguer et qu’on a désigné jusqu’à nos jours sous l’appellation
de Coz Gueodet, ou Yaudet, la Vieille Cité.
On notera aussi l’existence d’un village du Leslac’h en Pleyben, non loin de
Kroaz-Nu, la Croix de Nuz, et d’un autre du même nom en Plouegat-Moysan.
Mais ce dernier, qui figure sous cette forme dans la Nomenclature du Finistère,
est écrit Lesleac’h sur la carte de l’IGN. Il faut donc mentionner aussi Lesleac’h
en Ploudiry et Leslec’h en Lanmeur, ainsi qu’un Kerlac, tout à fait isolé en Pleu-
cadeuc. A l’exception de ce dernier village, qui nous rapproche plutôt du pays de
Lancelot du Lac, les autres se situent tous dans le quart nord-ouest de la pénin-
sule, à l’ouest du Trieux et au nord des monts d’Arrez. La présence des uns et des
autres ne peut d’ailleurs être tenue comme une objection à la thèse de Leslac’h-
Ploulec’h comme centre des Terres de Lac, mais plutôt une confirmation de la
fréquence du nom.
La ressemblance existant toutefois entre Lac’h et leac’h – ce dernier mot ayant
le sens de pierre plate et de dolmen –, suggère peut-être pour le nom du Roi Lac
une autre étymologie que la boue… Si Arthur est le dieu des pierres, on accep-
terait fort bien que Lac soit son acolyte.
En tout état de cause, l’ensemble Leslac’h-Ploulec’h nous semble ce qu’il y a
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arthur, roi des bretons d’armorique
de plus convaincant. Cette double localisation, dont les termes sont à quelques
kilomètres à vol d’oiseau l’un de l’autre, est en effet comprise dans le cadre d’un
petit territoire de 200 km2 au plus, où huit mentions au moins de la tradition
arthurienne sont inscrites au sol.
Lucain le bouteiller
Lucans i fu li botelliers
Nut
Nous avons présenté dans la Table Ronde, les droits d’Edern, fils de Nuz, à se
dire armoricain. Il nous reste à apporter quelques précisions dans le même sens,
à propos de Nuz lui-même.
Nut est cité dans Erec et Enide comme le père d’Yder. C’est donc le Nus qui
figure dans le nom d’Isdernus, sculpté au portail de Modène. Rappelons que
cette forme a déjà été reconnue à juste titre comme armoricaine. De fait, Nut et
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arthur, roi des bretons d’armorique
Nuz, son état plus évolué, sont entièrement continentaux, les insulaires disant
Nudd. Le double d gallois note en effet un d spirant, analogue au th doux anglais
que le breton a perdu, très récemment d’ailleurs, mais qu’il a toujours noté t, tz
ou z.
Il s’agit cependant du même personnage que le gallois Nudd, père de Gwynn
et d’Edern, dans le Mabinogi de Kullwch et Ollwenn. Joseph Loth a reconnu
en lui le dieu Nodens qui survit encore dans les textes irlandais sous la forme du
Nuada à la main d’argent des Tuatha Dê Danann.
L’intérêt, pour nous, de cette dernière identification réside dans le fait que ce
Nuada est l’un des Tuatha Dê Danan, le peuple de la déesse Dana ou Ana. Cette
population, qui a précédé en Irlande les Celtes, est considérée d’ordinaire com-
me celle des constructeurs de mégalithes. Selon la tradition, ils vivent en effet
dans les shi, les grands tertres soutenus par un dolmen qu’on rencontre partout
et en particulier sur les hauteurs de l’île.
En Bretagne armoricaine, le nom se retrouve en plusieurs endroits du Finis-
tère. Il existe une Kroaz Nu (la Croix de Nuz) en Pleyben, un village de Kernuz
en Carantec, en Loctudy et en Pont-l’Abbé, tandis que Ploujean et Plougasnou
ont un Kernu. Ce vocable divin désigne aussi des bois : Coat Nuz en Cleden-
Poher et un autre, homonyme, en Cleder.
Par ailleurs, la tradition armoricaine a gardé le souvenir d’un personnage du
nom de Nuz dans un environnement légendaire, en relation avec le château
de Kergournadec’h en Plouescat. Dans sa Vie de Saint Paul Aurelien, Albert le
Grand nous conte comment ce saint personnage, invité par le comte Gwithur,
seigneur de l’Ile de Batz, à délivrer la contrée d’un méchant dragon, long de
quelques soixante pieds (18 m), ne trouva pour l’assister qu’un jeune homme de
Cleder qui l’assurera de son épée. Pour le remercier, le comte Gwithur lui concé-
da la château de Kergournadec’h, parce que ce nom, dit-on, doit s’entendre
comme Ker Gour na dec’h, le village de l’homme qui ne fuit pas. L’hagiographe
ne nous donne pas le nom de ce courageux Léonard, mais dans son Armorial de
Bretagne, Potier de Courcy nous apporte la précision, dont nous ne connaissons
pas l’origine : il s’appelait Nuz.
De fait, à partir du XIIIe siècle le nom se manifeste comme le patronyme
des Kergournadec’h : on trouve ainsi dans les Actes, un Nuz, fils de Sen ; un
Salomon, fils de Nuz ; un Alain Nuz. L’Armorial de Potier de Courcy connaît,
outre le ramage de Kergournadec’h, un Briochin du nom de Nuz, un Le Nuz de
Penvern en Plouneventer, un autre Le Nuz de Kergomarc’h en Guimaëc, enfin
un Nuz de Kerfaven. La plupart de ces personnages participent aux montres du
XVe siècle.
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Cela est bien tardif et postérieur à nos romans de la Table Ronde. Mais il y a
là persistance d’un nom qui remonte aux origines de ces seigneurs de Kergour-
nadec’h, qui portaient échiqueté d’or et de gueules. Chose curieuse d’ailleurs, le
ramage des Kergournadec’h, seigneurs de Kerautret, s’est fondu dans Traonelorn
qui portait de même. Or Traonelorn, qui signifie la Vallée de l’Elorn, évoque la
personnalité du roi Elorn, lié lui aussi à une histoire de dragon qui dévorait les
habitants de la région. Elle en fut débarassé par saint Neventer, l’éponyme de
Plouneventer et saint Derrien, patron de la paroise du même nom qui se rendi-
rent maîtres de la bête et la conduisirent à la noyade à Poulbeunzual. Le dragon
de saint Pol, quant à lui, fut mené par Nuz à Toul ar Sarpant sur la côte nord de
l’île de Batz et y disparut.
Un autre château du Finistère mérite d’être cité dans cette revue des Nuz. Il
s’agit du château de Kernuz en Pont-l’Abbé : c’est près de là en effet, à Kervadel,
que l’archéologue Du Chatelier découvrit en 1878 la stèle, haute de trois mètres,
dite des quatre dieux, actuellement déposée au Musée de Quimper. Elle avait été
ensevelie dans un champ, peut-être, comme dans d’autres cas analogues pour
la protéger des anathèmes ecclésiastiques. Elle présente d’un côté un couple,
homme et femme et un animal. Par ailleurs, un guerrier appuyé sur un bouclier
et coiffé d’un casque à cornes, un dieu qu’on identifie d’ordinaire à l’Hercule
gaulois, un autre qui serait Mercure ou plutôt Lug et qui tient par la main un
enfant ou du moins un individu de petite taille.
Si l’on en croît la toponymie des lieux, Nuz devrait être l’un des personnages
représentés dans la pierre. Le château aurait succédé à un site sacré et peut-être
fortifié, placé sous son invocation. Nous le verrions volontiers sous les traits du
porteur de casque, puisque cette coiffure est ornée de cornes. C’est là, cornes de
taureau ou cornes de cerf, des attributs certains du dieu Cernunos, dont nous
avons souligné, comme divinité des enfers celtiques, les relations avec Edern
et Nuz. Mais la remarque que nous venons de faire à propos de Nuada et des
Tuatha Dê Danann, nous incline à penser qu’il s’agit en fait d’une famille de
personnages sacrés qui se rattachent directement à la déesse Ana et au domaine
préceltique des bâtisseurs de tertres mégalithiques.
L’affaire est d’importance, car elle tendrait à faire remonter les traditions ar-
thuriennes plus haut encore que l’arrivée des Celtes en Europe Occidentale.
Certes le culte du cerf et du taureau, la connaissance du monde infernal du
socle armoricain peuvent bien avoir été assimilées par les Gaulois et les Bretons
envahisseurs. Toutefois, nous avons déjà noté que le nom même d’Arthur se
rattachait aux pierres monumentales et que celui d’Anna, sa soeur, n’était pas
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Yonet
Peut-être ce mot est-il mis pour Ivonet, de cette famille sémantique d’Even,
dont nous avons longuement parlé à propos d’Yvain, fils d’Urien. Au XIVe siècle,
le nom d’Ivonet se donnait en Bretagne, comme il appert de l’existence d’un
Ivonet Omnes en 1350.
Marie de France, par aileurs, a écrit un lai de Yonec. Bien que l’histoire se
passe au Pays de Galles, la forme des noms y est résolument armoricaine.
Dans son commentaire sur le Mabinogi de Peredur ab Ewrawc, Joseph Loth
précise que le rôle ici tenu par Owein mab Urien l’est dans Chrestien de Troyes
par Yonès « qui paraît être un dérivé plus ou moins exact (peut-être breton-ar-
moricain) d’Yvain » et chez Wolfram von Eschenbach, de même par Iwanet.
Si Yonès et Iwanet paraissent bien en effet breton-armoricain, Yvain l’est aussi,
comme nous l’avons montré, mais romanisé, et seul Owein et ses analogues sont
insulaires.
51. Merlin
Myrddin et Merlin
Merlin n’apparaît pas en Grande-Bretagne avant Geoffroy de Monmouth.
C’est lui qui le premier fait connaître le personnage et son nom, Merlinus, dans
un opuscule intitulé les Prophéties de Merlin et paru en 1135 ou un peu avant.
Au plus tard en 1138, l’Historia Regum Britanniæ sera diffusée à son tour, dans
laquelle le texte des prophéties sera inséré, du chapitre 106 au chapitre 118.
Vers 1148, Geoffroy consacrera un deuxième ouvrage à son héros. Ce sera
cette fois la Vita Merlini. Elle commence à la façon d’Homère et de Virgile :
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chevaliers ont des armures, ce qui fournit une datation équivalente. Plus surpre-
nant encore, les prêtres portent des robes de laine blanche puisque, à l’occasion
du mariage
But a zo kant sae gloan vuen,
evit rei dar veleien…
il y a cent robes de laine blanche
pour donner aux prêtres…
Marzin ou Melin ?
Venons en maintenant au nom donné au Prophète par La Villemarqué. Dans
le Barzaz Breiz en effet, le premier couplet du Chant X, 2, commence ainsi :
Marzin Marzin pelec’h it-hu…?
« Merlin, Merlin, où allez-vous ? »
et dans toute la version, alors que la traduction française donne Merlin, le texte
breton dit Marzin.
En revanche la gwerz des Carnets est intitulée Merlin, et à une exception près
qui répète le titre, le nom est écrit Melin.
Melin Melin pleac’h et-hu… ?
ce qui est la notation exacte de la phrase entendue.
Cependant :
… nemet Merlin a zo digwet.
« Si ce n’est que Merlin est arrivé »
Dans les deux endroits, où l’on rencontre Merlin, on ne peut savoir s’il s’agit
d’une faute d’inattention ou d’une variante authentique. Quoiqu’il en soit ce-
pendant, la forme Marzin qui apparaît dans les éditions successives du Barzaz
Breiz, est bien le fait de La Villemarqué. A l’évidence son propos a été de rem-
placer un terme tenu pour déformé, ou francisé, par le « vrai » vocable celtique,
une adaptation du gallois Myrddhin.
Pour se conforter, l’auteur aurait pu arguer de ses nombreux compatriotes
portant Marzin comme patronyme. Aujourd’hui encore, ce type d’argument est
fréquemment donné. Mais, bien que La Villemarqué le rapportât à un radical
marzh, la merveille, Marzin ne saurait venir d’une autre origine que Martinus.
Il s’agit primitivement d’un prénom, porté par un bon chrétien, placé sous le
patronage de saint Martin de Tours ou de saint Martin de Vertou. Et de Merlin,
ici encore, point.
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La forme accoutumée au XIXe siècle semble bien, dans le peuple, avoir été
Melin. En était-il de même au XIIe siècle ? Ce serait difficile à dire si nous n’avi-
ons le texte de Geoffroy, qui dit Merlinus. Que ce soit Merlin ou Melin, ce n’est
en tout cas pas Myrddin ou Marzin.
Le nom breton traditionnel rejoint ainsi la forme « française » et en défini-
tive nous paraît le seul authentique. Le gallois, fabriqué a posteriori à partir de
Maridunum-Caermerdin, a servi à traduire le Merlin continental. Et cette seule
remarque tend à établir une fois de plus que les sources de Geoffroy comme de
ses successeurs sont bien continentales : l’insulaire, ici encore, est une copie.
Un Merlin en Toscane
Nous avons parlé en leur lieu de ces sculptures qui ornent le portail de la
cathédrale de Modène, en Italie, et qui représentent quelques-uns des héros de
la Légende arthurienne, avant même que le monde en parle, au début du XIIe
siècle. Eh bien ! le fait est moins isolé qu’on aurait pu le croire.
Un peu au sud de Modène, lorsqu’on a franchi l’Apennin et qu’on approche
de Florence, on parvient à Pistoia, chef-lieu de la province de ce nom. Au mois
de mai 1128, quelques années avant que Geoffroy de Monmouth n’écrivît dans
sa brumeuse Oxford le livre des Prophéties du grand devin breton, de braves
gens de cette lumineuse ville d’Etrurie se réunissaient au monastère du Saint-
Sauveur de Taona pour faire don à l’abbé de ce couvent d’une terre à vigne, pour
le repos de l’âme d’un excellent homme, dont la veuve, Gadia, était présente à la
rédaction de l’acte. Ce personnage s’appelait Merlinus. La pièce existe aux Archi-
ves communales de Pistoia où un érudit italien, Mr Ireneo Sanesi l’a découverte
et c’est Edmond Faral qui l’a fait connaître.
Notre Merlino toscan ne pouvait être né après les premières années du XIIe
siècle. Ses parents avaient-ils entendu chanter les harpistes armoricains qui des-
cendaient avec les croisés de leur nation et leur duc Alain Fergent vers les lieux
d’embarquement pour la Terre Sainte ? Sa mère, une belle Italienne, avait-elle eu
quelque faiblesse pour un charmant joueur de rote issu des brumes d’Armori-
que ? Ou bien Merlino Toscano était-il à sa mort un vieux monsieur, un peu plus
jeune peut-être qu’Yves de Chartres, qui portait lui aussi, bien que né à Beauvais,
un prénom breton et arthurien, et dans ce cas faut-il faire remonter bien avant
les Croisades, au moins au début de notre millénaire, la diffusion de la culture
bretonne à travers l’Europe ?
Nous ne pouvons répondre à ces questions. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en
1100, le nom de Merlin sous sa forme continentale, la seule sans doute à cette
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dans l’expression mell benniged, marteau béni, dont l’usage a été décrit au XIXe
siècle.
Quelques développements sont ici nécessaires. Au congrès de l’Association
Bretonne à Guérande, en 1899, Aveneau de la Grancière racontait comment en
novembre 1830 encore le « mel-béniguet » conservé à la chapelle de Loc-Meltro
en Malguenac avait servi à un rituel d’euthanasie sur la personne d’un vieillard
paralytique de 85 ans : le rite consistait à poser doucement une boule de pierre
de 42 cm de circonférence, ainsi qualifiée, sur la tête du malade, en prononçant
des paroles appropriées, et la mort s’ensuivait, paraît-il, immanquablement.
Zacharie Le Rouzic, qui fut le co-fondateur et pendant ans le conservateur du
Musée archéologique de Carnac, a reproduit, dans son ouvrage sur les traditions
de la région, le récit d’Aveneau de la Grancière. Il disait avoir vu lui-même en
1893, dans la chapelle de Saint-Germain en Brech, deux marteaux bénis que le
marguillier conservait dans le buffet de la sacristie. C’étaient apparemment deux
boules de balustre, de petite taille celles-là, 0,13 m et 0,12 m de diamètre, qui
selon le gardien « avaient cassé beaucoup de crânes ».
On peut fort bien concevoir d’ailleurs que le rituel purement symbolique du
XIXe siècle ait remplacé une méthode plus réaliste qui ne manquait pas d’avoir
un effet certain.
Quoiqu’il en soit, le Musée Miln-Le Rouzic conserve encore un certain nom-
bre de haches préhistoriques tenues pour avoir servi de « mell beniged ».
Le mot mell aurait pour origine le latin malleus, à moins qu’il n’ait existé un
analogue celtique de ce dernier terme. Ainsi que le précise Isidore de Séville
(Orig. 19,7,2,), le marcus était un grand malleus et le marculus, dont nous par-
lions plus haut comme l’origine de notre marteau, un petit marcus.
Il faut noter que l’un des emplois du « malleus » latin, le premier qui en soit
donné, était déjà d’assommer les victimes sacrificielles. Dans le monde celtique,
l’usage existait certainement d’un assomoir sacré. L’homme des tourbières, ré-
cemment retrouvé parcheminé dans un marécage des environs de Manchester,
avait été sacrifié aux dieux celtiques. Après avoir été frappé à l’arrière du crâne, il
avait été saigné, puis noyé. Sur la peau du crâne, l’on voit encore les traces laissée
par le coup de la masse.
On peut rapprocher de ces différentes pratiques, comme l’avait d’ailleurs fait
Le Rouzic pour le mell beniged, la coutume, conservée de nos jours, de frapper
d’un marteau d’argent le crâne du pape défunt. Il a déjà été signalé que le rituel
d’accession au grade de Maître, dans la Franc-Maçonnerie, comporte un coup
de marteau frappé sur le front du récipiendaire.
Tout cela n’est en définitive guère différent du merlin des bouchers et ceci
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Le dieu au marteau
C’est, sculpté en ronde-bosse sur un autel gaulois, découvert à Sarrebourg,
où il tient un maillet de la main gauche et un vase de la droite, qu’on a pour la
première fois rencontré l’effigie du dieu accompagné d’une parèdre, Nantosvelta.
De nombreuses statuettes ont été recueillies depuis, qui toutes ont cette attitude
et ces attributs, à ceci près que dans quelques cas la latéralité est inversée.
On écrivait le plus souvent Sucellus et dans certaines inscriptions antiques,
Sucælus. Le mot, nous dit Christian-J. Guyonvarc’h signifie le Bon Frappeur (de
Su–, bon et –kellos, celui qui frappe), et de fait, la ronde-bosse le représente muni
d’un outil à marteler. Les historiens le considèrent comme un dieu protecteur
des morts, qui ne serait autre que celui dont nous parle César sous le nom latin
de Dispater « Seigneur des Morts et Dieu des Enfers » : Tous les Gaulois, nous dit
le général historien, se vantent de descendre de Dispater. A les en croire, ce sont les
druides qui le leur ont révélé. »
Stéphane Boucher qui a étudié la statuaire, admet que l’interprétation ro-
maine, chère à César, des divinités celtiques, a vu dans Dispater le correspondant
de Sucellus. Il y voit en effet un dieu infernal. Le maillet ferait de lui à notre avis
plutôt qu’un seigneur d’en-bas, la divinité du Passage, le pourvoyeur de l’Autre-
Monde. Le rôle du marteau, tel qu’il nous est apparu tant dans la tradition cel-
tique que dans les usages latins, revient essentiellement à donner rituellement la
mort.
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XI
LA GÉOGRAPHIE DE CHRÉTIEN DE TROYES
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des désignations de lieux de lire ici Bren, la Colline. Le terme est largement em-
ployé dans les langues brittoniques, dans des compositions dans le genre de celle
qui nous occupe, principalement dans la toponymie. En gallois et en cornique,
le mot est Bryn, il se trouve en breton occidental sous la forme Bren ou Bre, mais
en Vannetais et dans le pays gallo, à l’exclusion de toute autre région, il existe à
de très nombreux exemplaires sous la forme Bran. Ainsi Branderion, Brandivy,
le Bran et tant d’autres.
La constatation est d’importance, car le roi Evrain, dont le nom évoque déjà
une localité au nord-est de la péninsule armoricaine, serait dès lors à la tête
d’un royaume de Bretagne orientale. Et cela d’autant plus sûrement que, pour
les raisons linguistiques que nous venons d’énoncer, Brandigan ne peut relever
d’aucun autre territoire.
Certes on ne retrouve pas le nom, dans sa totalité, sur les cartes, mais cela ne
change rien à l’appartenance dialectale du composé. Le château a pu disparaître
ou les ruines changer d’appellation. D’ailleurs la seconde partie du mot: Digan,
bien qu’elle ne soit pas très répandue, n’est pas inconnue en Armorique. Il existe
en Brech, commune traversée par la voie romaine de Vannes à Quimper qui
connut là un gué, puis un pont du Loc’h, un hameau du nom de Saint-Degan.
Sur les bords de la Rance, une paroisse semble porter ce nom. Aujourd’hui
connue comme Pleudihen, elle était inscrite Pludihen en 1272 et Pludihan en
1371. La mutation historique du g intervocalique en h permet d’imaginer sans
peine qu’un Pleu-Digan puisse être à l’origine du toponyme actuel. La rive droite
de la Rance en cet endroit, depuis le Port-Saint-Jean au nord jusqu’à la Ville-Ger
au sud, est constituée de falaises, non moins que son affluent à partir du Pont
de Cieux. Ceci s’accommoderait fort bien non seulement d’un Brandigan, mais
encore d’un Caradigan.
Il est sûr que Brandigan, château du roi Evrain, s’accommoderait tout à fait
de cette situation : Pleudihen ne se trouve pas à plus de 30 kilomètres au nord de
la commune portant le nom caractéristique d’Evran.
Une dernière remarque mérite cependant d’être faite. Il n’est pas impossible
que le mot Digan soit le résultat de l’évolution d’un Din-Gan. Il s’agit là sans
doute du nom primitif de la ville de Dinan, qui n’est pas sans rapport lui-même
avec le royaume de Gannes de la tradition arthurienne. Kara-Dingan serait alors
le rocher de la citadelle de Gannes, ce qui correspond bien à la situation de Di-
nan.
Ceci n’ôte rien à ce que nous disions de Pleudihen dont le centre se trouve à
11 kilomètres seulement de Dinan. Il peut s’agir du même mot, plus évolué dans
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le premier cas, le nom des grosses agglomérations, très connues ayant tendance
à se fossiliser plus aisément que celui des petites communes.
Quarraduel
Caradigan est l’un des résidences d’Arthur. Dans Erec et Enide, il en possède
deux autres : Quarraduel et Quarrois.
La première est évidemment celle que tous les romans arthuriens, et Chrétien
de Troyes lui-même, reprendront sous la forme plus courante de Carduel, parfois
Cardueil ou Cardoel. Dans le Conte du Graal, c’est toujours l’une des résidences
du roi Arthur et même, de fait, la principale. Le château est situé au-dessus de la
mer et la domine. Dans le Haut Livre du Graal, dans le Merlin, ce sera aussi le
séjour habituel d’Arthur.
On a ainsi le sentiment que dans la littérature de langue romane, même si
Caerleon s’y trouve mentionné, le site arthurien principal est sans conteste Car-
duel.
Néanmoins, la cour de Carduel n’a pu vraiment être localisée de façon cer-
taine jusqu’à présent. On la place généralement à Carlisle, dans le Cumberland
britannique (et non en Galles), ce que rien ne justifie. Carlisle en effet ne s’est
jamais appelée Caerduel, mais Luguvallium ou Luguvallum, c’est-à-dire le val-
lum de Lugos. Ce nom, bien celtique, confiait au dieu Lugos, la défense de
l’extrémité occidentale du mur (vallum ) d’Hadrien et l’on ne voit pas comment
Carlisle pourrait venir de ce mot, pas plus d’ailleurs que de Carduel.
En revanche sur le territoire de l’Armorique, il existe plusieurs Kerduel, un
village de ce nom à Moëlan dans le Finistère, un autre à Plouay et un château
en Ploërdut dans le Morbihan, un lieu-dit voisin de Carnac, un autre château
enfin près de Lannion. Ce dernier, situé dans une région marquée par la tradi-
tion arthurienne, ambitionne de longue date d’être reconnu pour la résidence
véritable, mais n’a pu vraiment jusqu’à présent faire valoir ses droits, ni même se
faire entendre sérieusement.
Pourtant sa situation est remarquable à plusieurs égards. Il semble en effet
commander la presqu’île de Tregastel, ancien territoire hautement fortifié, por-
tant la trace toponymique et archéologique de plusieurs constructions défensives
d’importance, que ce soit l’île Castel, le sommet de Tregastel, les ruines romaines
de Ploumanac’h, sans doute l’antique Manatias, la citadelle de Lannion, reprise
au moyen-âge par les Templiers, et de l’autre côté du Leguer, la fortification
gallo-romaine encore visible du Yaudet. Un tel établissement militaire, certaine-
ment consolidé à l’époque du Bas-Empire romain pour lutter contre les Saxons,
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Quarrois
Quarrois a entraîné moins de certitudes que Carduel et l’on avoue facilement
n’y rien comprendre. Ainsi lit-on sous la plume de Peter F. Dombowski, dans
la très érudite collection de la Pléïade : Le nom Quarrois, désignant un château
d’Arthur, nous est inconnu. Guiot seul donne cette forme du nom… Les formes
Ro(h)ais, Ro(h)ès renvoyaient à Edessa en Mésopotamie, ce qui n’a aucun sens dans
le cas présent. Nous sommes ici comme en beaucoup d’autres endroits, aux prises avec
la géographie romanesque.
Il est bien inutile de faire appel ainsi à l’imaginaire et au voisinage de l’Euphra-
te. S’il est vrai qu’Edesse s’appelle aujourd’hui Er-Roha, Urfa, Orfa, Rokka, ce
qui pour le moins très approximatif de Quarrois, on ne voit pas très bien ce que
le roi Arthur peut avoir à faire avec la ville de Nemrod, même à l’époque des
Croisades…
La solution est évidemment beaucoup plus simple, et d’autant moins difficile
à trouver qu’on préfère donner, dans cette affaire, un rôle à l’Armorique plutôt
qu’à la Mésopotamie. La ville qui s’appelle Carhaix depuis 1381 au moins et
dont la forme ancienne est sensiblement Kerahes ou Carahes, alors que le nom
d’Ahès lui-même connaît des variantes en Aïs et en Ohès, mérite certainement
l’attribution. Les formes aberrantes elles-mêmes vont dans ce sens : Roais, Ro-
hais, Roès, Rohès, sont simplement tronquées, pour Karohès.
L’on se souviendra que Carhaix est cantonné au sud par deux villages voisins
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la Normandie qui furent bretons à une époque ou à une autre. Rappelons à cet
égard qu’on peut considérer comme la limite atteinte par la Bretagne au IXe siè-
cle, une ligne qui suit la rive droite de la Maine, la Loire vers l’aval, la remontée
du Layon jusqu’à l’Hyrosme, puis cette rivière jusqu’au-delà de Chemillé d’où
elle ira passer à l’est de Cholet, gagner les abords de Saint-Michel-Mont-Mercure
en laissant sur sa droite le très breton Saint-Malo-du-Bois, puis descendre le Lay
jusqu’au devant de l’île de Ré. Et ceci ne tient pas compte de l’installation des
Bretons à Blois et sur la Loire pendant presque tout le VIe siècle, non plus que
l’insistance du Lancelot en prose à rappeler l’autorité des Bretons jusqu’au Berry
inclusivement.
Il reste non moins intéressant à constater que ni Roadan, ni Montrevel n’ont
pu être localisés outre-Manche, alors que ces deux villes sont faciles à reconnaître
sur le continent.
Carnant
Ainsi s’appelle le château qui est la résidence habituelle du roi Lac, père d’Erec.
Wolfram von Eschenbach qui suivra ici une tradition voisine, mentionnera éga-
lement Karnant.
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L’étymologie paraît simple, mais la localisation exacte difficile, parce que va-
gue. Le mot semble composé de Car, soit qu’il s’agisse de Caer, l’enclos fortifié,
soit qu’il s’agisse de Cara, le rocher, et de nant, la vallée. Selon l’époque où le
nom fut donné, ce peut être le rocher (ou le fort) de la Vallée, ou bien la Val-
lée du rocher (ou du fort). Puisque le vocable désigne un château, la première
version semble préférable et l’on concluera alors à une formation relativement
récente.
Il est peu probable qu’il s’agisse ici du « château de Nantes ». Dans ce cas,
Nant représenterait non pas le terme gaulois pour la vallée, mais le vocable ro-
man Nantes, gaulois Namnetes. Il est certain que les domaines du roi Lac qui
comprenaient Rennes et Montrevault auraient pu être centrés sur la forteresse
des bords de Loire, dans l’ancien pays des Namnètes.Mais le nom de ce peuple a
évolué en breton en Naoned qui ne s’accommode pas d’une forme en Nant. En
outre Chrétien de Troyes et Wolfram von Eschenbach connaissent parfaitement
bien la ville de Nantes et l’appellent toujours Nantes. On ne s’expliquerait pas
cette fantaisie.
La capitale du roi Lac, ou plutôt sa résidence principale, paraît bien se situer
ailleurs, comme nous l’avons montré à propos de ce souverain lui-même : nous
avons pensé en effet au Leslac’h et à Ploulec’h, près de Lannion, en plein pays
arthurien.
Wolfram von Eschenbach apporte ici quelques précisions supplémentaires.
Aussi attendrons-nous de reconnaître les apports de l’auteur franconien à notre
connaissance de la tradition, pour en traiter et conclure sur cette curieuse ques-
tion.
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Mais on ne voit pas bien comment elle mériterait ce nom, alors que les deux
territoires sont séparés par la Manche, par la Severn et encore par une autre terre
celtique, la Cornouailles. Cette dernière, à la rigueur, pourrait être désignée de
cette façon, mais il ne semble pas que la Bretagne armoricaine puisse en aucune
manière être située par rapport au Pays de Galles.
Estre-Galles ne peut donc être qu’un pays continental défini par rapport à un
autre pays continental. Autrement dit, Galles est dans l’espace armoricain, au
sens le plus large du terme, et Estre-Galles aussi.
L’affaire est d’importance, car elle concerne non seulement les territoires, mais
aussi la nationalité des personnages qui portent le titre de gallois : c’est le cas de
Galegantin, dont nous avons fortement contesté le caractère britannique, mais
aussi celui du premier chercheur de Graal, Perceval.
Galegantins li Galois, dit le v. 1714 d’Erec et Enide. Cil Galois, dit de lui l’un
des Chevaliers que rencontre Perceval dans la Gaste Forêt. L’adjectif qui corres-
pond à ce nom ethnique, est galesche, tout comme on dit aujourd’hui, quoique
sans chuinter, gallèse, en parlant de la langue des Gallos. La confusion est aisée,
d’autant plus qu’on reproche volontiers aux Gallos, la même balourdise qu’aux
Gallois. Ne disent-ils pas d’eux-mêmes qu’ils sont de sots bretons, plutôt que de
hauts-bretons?
Une confirmation nous est apportée par le surnom donné au prieur de la
Sainte-Trinité de Fougères. Sur l’acte de fondation de cet établissement religieux
en 1064, il est appelé Maino cognomento Gallus, Mainon surnommé Gallus. Il
est bien peu probable qu’il s’agisse d’un Gallois. Ce serait plutôt un Gaulois,
entendez un Français ou un Gallo. Le nom serait l’une des premières formes de
nos Le Gall modernes.
Autant dire que les mentions de Gallois dans les textes continentaux sont, à
chaque fois, sujettes à caution. Perceval et Galegantin sont certainement moins
gallois qu’ils en ont l’air.
Galles pourrait donc bien n’être que le pays gallo et Estre-Galles, à ce mo-
ment-là, considéré d’un point de vue breton, serait les Marches. Tandis qu’à
l’ouest, s’étendent les territoires de Fine-Poterne et d’Estre-Poterne, à l’est, on
trouve Galles et Estre-Galles.
Tergalo
La Vieille de Tergalo est un personnage épisodique, tout juste cité au vers
2143 et dont le rôle est imprécis. Rien ne peut donc nous aider pour décider
d’une quelconque localisation. Le nom ne correspond à rien de connu en to-
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Avalon
Chrétien de Troyes mentionne au vers 1919 d’Erec ce lieu mystérieux que
Geoffroy avait déjà signalé dans la Vie de Merlin et dans l’Histoire des Rois de
Bretagne, mais ici pour dire, comme une chose toute simple, que Guinguemar
en est le seigneur.
Avalon est présenté par tous les auteurs et dès Geoffroy de Monmouth, com-
me un lieu mythique, l’île d’Occident, figure de l’Autre Monde bienheureux,
et c’est là qu’Arthur lui-même a été conduit après la bataille de Camlann par sa
soeur Morgane. Celle-ci règne sur ce séjour avec son amant Guinguemar, frère
de Gradlon de Cornouaille.
La merveille est située en pleine mer. On n’y accède, disait Geoffroy dans la
Vie de Merlin, qu’avec le concours du nautonnier Barinthus, expert à recon-
naître les étoiles et à dompter l’océan. Un tel domaine marin n’a évidemment
rien à voir avec l’abbaye de Glastonbury où le roi Henri II avait fait chercher et
découvrir les restes d’Arthur. Ceci n’est, bien entendu, qu’une escroquerie poli-
tique, et aujourd’hui touristique, puisqu’on fait encore visiter cette prairie et la
pommeraie qu’on y a plantée comme l’Avalon arthurien.
Parce que cette terre est purement mythologique, Avalon n’a rien à voir non
plus avec l’île d’Aval, émergée à côté de l’Ile-Grande en Pleumeur-Bodou et
parfois considérée comme telle. Il est néanmoins intéressant de remarquer l’exis-
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arthur, roi des bretons d’armorique
Eglimon
Menagormon seigneur d’Eglimon figure au vers 1902 d’Erec et Enide. Nos
recherches concernant ce lieu parfaitement inconnu restaient sans aboutisse-
ment quand nous avons, par le plus grand des hasards trouvé une mention dans
le Dictionnaire d’Histoire et de géographie ecclésiastique, à l’article Chartres, ru-
brique Diocèse, concernant un certain prieuré d’Eclimont dépendant de l’Ordre
des Célestins et qui aurait été fondé en 1557 par l’évêque de Bayonne Etienne
de Poncher dans la propriété attenante à son château d’Eclimont.
La carte Michelin d’Ile-de-France signale en effet entre Gallardon (Eure-et-
Loire) et Ablis (Yvelines), sur la frontière des deux départements, mais du côté
chartrain, un château d’Esclimont qui paraît bien être celui du prélat.
C’est actuellement, au sein d’une vaste propriété ceinte de hauts murs, un
hôtel-restaurant quatre étoiles installé dans les restes un peu hétérogènes de la
forteresse ancienne. L’ensemble a encore aujourd’hui grande allure et marque
évidemment la trace d’un site féodal d’importance.
Ce n’est pas la première fois dans cette étude que nous trouvons des relations
établies entre la Bretagne et Chartres. Serions-nous ici au point le plus oriental
de l’influence armoricaine ?
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arthur, roi des bretons d’armorique
Evroïc et Tenebroc
Un tournoi est annoncé au v.2091, Antre Evroïc et Tenebroc. Le nom est géné-
ralement translaté en York, tandis que Tenebroc l’est en Edimbourg… pourquoi
pas ?
Le nom d’Evroïc est à rapprocher du nom d’Evran, de l’Evre, de l’Evron et de
Guenièvre, c’est-à-dire d’Avara, ainsi que de Penevric. Il peut aussi se rattacher à
la famille d’Eburos et donc à Evreux.
Un évêque de cette dernière ville, Episcopus Ebroicensis, un certain Hugues,
intervient dans une donation faite par Richard Ier, duc de Normandie, à la fin du
Xe siècle à l’Abbaye du Mont Saint-Michel. Dans ces conditions, on est tenté de
penser que, moins de deux siècles plus tard, un clerc de Champagne, conteur de
la Bretagne Armoricaine, parlant d’Evroïc, ait plutôt entendu Evreux que York.
Reste à savoir cependant ce que peut bien être Tenebroc. Cette ville fortifiée,
citée deux fois dans Erec et Enide, est généralement translatée en Edimbourg.
Le vers 2091 mentionne un combat (?) entre Evroïc et Tenebroc et le vers 2097
le situe Desoz Tenebroc an la plaigne. Un lai anonyme, celui de Doon, mentionne
également Danebroc, avec pour seule précision qui est au nort.
Comme à l’accoutumé, rien ne justifie vraiment cette identification. Si Evroïc
est York, Tenebroc peut être Edimbourg, mais rien ne nous assure, avons-nous
dit, qu’Evroïc soit York plutôt qu’Evreux.
Il est vrai que le château d’Edimbourg porte le nom de Siège d’Arthur, ce
qui le rattacherait à la tradition, mais rien ne prouve que le nom soit antérieur à
Geoffroy de Monmouth.
L’étymologie d’Edimbourg est donnée par le celtique Dyn Eideann sans doute
modifié par le germanique en Eidean burg. Mais cet Eidean ne doit rien aux Da-
nois ou pseudo-Danois de Danebroc, non plus qu’à un Tenebroc énigmatique.
On nous assure d’ailleurs qu’Edwin de Northumberland n’est rien non plus dans
cette affaire, ce qui paraît logique.
Mais ce Tene ou Dane-broc pourrait fort bien être un Din brittonique, équi-
valent du dunum gaulois. Broc par ailleurs, mot celtique qui signifie le blaireau,
aurait des implications en toponymie au sens de « dent rocheuse ». Le Dauzat
donne à Broc (Maine-et-Loire) et au Broc (Alpes-Maritimes et Puy-de-Dôme)
cette signification. Din-broc, la citadelle du blaireau ou la citadelle de la dent,
cela pourrait donc être.
Peut-être s’agit-il encore d’un Din-Ebroc où se retrouverait un nom voisin
d’Evroïc, une citadelle de l’Evre, de l’Evron ou de l’Eure.
… ou Ten-Ebroc en Moncontour (Côtes-d’Armor).
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arthur, roi des bretons d’armorique
Forêt Aventureuse :
Le terme ne paraît pas désigner un lieu précis. Ce n’est pas un vrai toponyme
en effet, mais une indication géographique. Mais pourquoi ne serait-ce pas Bro-
céliande dont Chrétien nous parlera dans le roman d’Yvain ?
L’aventure, dans les romans de la Table Ronde, donne son sens à la vie. Elle
est la raison du récit et donne à l’homme l’évolution qui est sa règle. Et le lieu de
l’aventure, c’est la Forêt.
La Forêt Aventureuse apparaît donc comme le lieu géométrique et mythique
des drames individuels et cosmique dont on nous conte le déroulement. A ce
titre, elle peut être placée ici ou là, où nous voulons la mettre et la vivre. L’inter-
prétation en reste donc ouverte.
Il est donc hautement vraisemblable que dans l’environnement armoricain
qui est, nous semble-t-il, la scène primitive de la Légende, la forêt des aventures
ne soit autre que Brocéliande.
Ganieret
Le nom de Ban de Ganieret figure dans la liste des invités, au vers 1937. Il
vient aux noces d’Erec, accompagné de deux cents jeunes gens, tous portant au
poing un oiseau de proie.
Il pourrait s’agir d’un roi du Val de Yer, Kan Yer. Rappelons qu’une rivière de
ce nom, avec laquelle la reine Ygerne ne serait pas sans rapport, coule, déguisée
en Hyères, au nord et au nord-est de Carhaix et conflue près de cette ville avec
l’Aulne.
Godegrain et Traverain
Sur le comte de Godegrain nous ne savons rien non plus, sinon que cent
chevaliers l’accompagnent. Il en est de même du comte de Traverain dont le
nom est cité juste avant le sien parmi les invités de la noce. De surcroît, les deux
noms riment l’un avec l’autre. Peut-être même la dernière syllabe était-elle pri-
mitivement la même, – grain, et le g se serait amui dans Traverain pour éviter la
rencontre difficile avec le v. La terminaison en – ain montre bien que les deux
noms sont romans ou romanisés.
Ce Grain, outre son sens de semence, répond à un nom de divinité celtique
Grannos, donné au Soleil. En Champagne, le théonyme a donné le toponyme
Grand, mais en breton il est normalement devenu Grann et cette syllabe, roma-
nisée au XIe siècle n’a pu que donner Grain.
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arthur, roi des bretons d’armorique
Il faut sans doute lui rapporter les anciennes fortifications du nom de Castel
Grannec disposées en bordure de la route ancienne de Carhaix à Quimperlé,
ainsi que le village de Grannec en Tregastel. On compte d’ailleurs rien que dans
le Finistère sept villages de Grannec, Granec ou Granoc, deux dans le Morbihan
et un Granic.
Traverain et Godegrain porteraient ainsi le nom du dieu Grannos. Le premier
serait en quelque sorte le Soleil de la Tribu, Trev Grann. Le second, un Grannos
offensant, du vieux-breton Cod, offense, douleur, en particulier celle provoquée
par le soleil : Léon Fleuriot cite un mot vieux-breton solcodiat qui ressort préci-
sément à ce type d’atteinte.
Haute-Montagne
Le seigneur de la Haute-Montagne reste impossible à distinguer. Un pareil
toponyme peut figurer, on en conviendra, sur n’importe quelle carte européenne
et rien ne nous permet de l’attribuer ici ou là.
Ile-Noire
Moloas est tenu pour le seigneur de l’Ile Noire, li sires de l’Isle Noire.
L’Ile Noire est présente en Bretagne Armoricaine en deux localisations diffé-
rentes.Il en existe une en baie de Morlaix, à proximité du Château du Taureau
et de l’Ile Blanche, exactement entre la pointe de Pen-al-Lann et la presqu’île de
Barnenez, soit à six kilomètres en aval et au nord du confluent du Dourduff et
de la rivière de Morlaix. L’analogie existant entre les noms du Dourduff, l’Eau
Noire, et de l’île du même nom n’est probablement pas fortuite.
Toutefois en Tregastel, il existe un ilot porté sur les cartes comme l’Ile Dhu, ce
qui transcrit manifestement Enez Du, l’Ile Noire. Comme cette dernière région
est marquée par les souvenirs arthuriens, il est difficile de décider laquelle des
deux appartient à ce roi.
Dans le Lancelot en prose, il sera question de l’Ile Noire, mais en la possession
d’un autre roi, Madoc, ancien compagnon d’armes du roi Urien. La forme Ma-
doc est galloise ou vieille-bretonne, sans qu’on puisse distinguer entre ces deux
attributions.
Iles
Les Iles dont Bruyant est le seigneur sont absolument indéterminables. Il ne
semble pas s’agir ici des terres lointaines et mythiques, déjà tenues par Guingue-
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arthur, roi des bretons d’armorique
mar, mais sans doute d’un groupe d’îles comme il y en a beaucoup sur tout le
littoral des pays celtiques.
Ce pourrait être, par exemple les Sept-Iles près de Lannion, pour avoisiner
Kerduel, ou les Triagoz proches dont le roi existe encore dans le folklore de la
région. L’emplacement est tenu pour le site d’une ville engloutie, une autre Ker-
Is dont Anatole Le Braz a traité dans sa légende de la Mort.
Orcel
Orcel est le royaume de ce Quirion dont nous avons parlé. Si le roi en question
est bien notre Kiriou éponyme de la Roche, le territoire qui lui appartient doit
normalement être situé aux alentours. Rien toutefois ne permet de l’affirmer.
Remarquons simplement que le nom ressemble à celui de l’Orcanie, principauté
de Lot, dont nous avons noté la ressemblance avec l’antique Vorganium.
La Roche de Kiriou n’est pas très éloignée de Huelgoat et peut avoir servi
d’observatoire et de point d’appui militaire aux « Orcaniens ».
Orcel cependant, qui a dû se prononcer Orkel, n’est pas très différent non
plus phonétiquement, d’Orquelenes, la cité de Grinomalant, dans le Conte du
Graal.
Penevric ou Pointurie
Penevric, que Guiot appelle Pointurie, est le château de Guivret le Petit. Le
mot est manifestement composé de Penn, la tête, le bout, et d’Evric, à rapprocher
de la famille d’Avara ou d’Eburos. Certes ce pourrait être Eboracum, York, mais
il y a de très nombreux toponymes sur le continent qui se rapportent à l’une ou
l’autre de ces étymologies ! De plus la forme Pointurie constitue une forme net-
tement plus romanisée que Penevric.
Le récit d’Erec et Enide fait mention de Penevric à propos du transport d’Erec
blessé et échappé de Limors. Les deux forteresses ne paraissent pas très éloignées
l’une de l’autre et le trajet de l’une à l’autre demande moins d’une journée.
On pourrait penser à Evriguet, dans la région de Mauron en Bretagne. Mais
nous avons signalé aussi, sur les bords de l’Evre, Ybris fluvii, l’existence de deux
châteaux appelés l’un et l’autre Mons Rebellis, cités par la Chronique de l’abbaye
de Saint-Florent en 1081. Penevric pourrait être situé au voisinage à la source
de l’Evre.
Il faut remarquer cependant que Penthièvre, assez proche d’un breton Pene-
vric, s’appelait Pentheurie en 1232 ce qui évoque bien la forme Pointurie.
Ces localisations nous éloignent de la forêt de Limors de plus qu’il n’en faut
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arthur, roi des bretons d’armorique
pour une journée normale à cheval, surtout pour un blessé. Le château de Limur
près de Vannes répondrait mieux à la nécessité, qu’il s’agisse d’aller au pays de
Penthièvre ou en Saint-Pierre-Quiberon, sur le site de l’actuel Fort-Penthièvre.
Tintagel
Nous avons longuement étudié la situation de Tintagel à propos de la géo-
graphie de Geoffroy de Monmouth qui est le premier à mentionner cet « éperon
barré ». Le texte ne nous apporte ici aucun renseignement complémentaire.
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arthur, roi des bretons d’armorique
aurait été son lit. La relation de Saint-Samson avec le Morholt n’est donc pas
sans explication dans la tradition.
Cependant, on n’est jamais parvenu à localiser cette île Saint-Samson. Il
n’existe en effet aucune île de ce nom sur le littoral de Cornouailles britannique
où la scène est censée se passer, ni d’ailleurs près d’aucun rivage celtique.
Néanmoins il existe bien une île Saint-Samson et c’est en Bretagne armori-
caine sur une rivière marécageuse, à proximité de Dol et du Mont Saint-Michel.
Là, le Couesnon s’élargit et s’étend entre Pontorson en Normandie et Pleine-
Fougères en Bretagne, en lits multiples dont deux d’entre eux enserre un petit
territoire que les deux pays se sont disputé au cours des siècles. Sur la carte 1216
de l’IGN, il est nettement marqué et paraît avoir 600 m de circonférence.
D’après René Cintré, dans son étude sur les Marches de Bretagne, l’île Saint
Samson dépendait autrefois de la paroisse, aujourd’hui disparue, de Cendres,
établie sur la rive gauche du Couesnon, en face de Pontorson. Cette agglomé-
ration relevait selon cet auteur, au temporel de la vicomté de Pontorson et au
spirituel de l’évêché de Dol.
Cette dernière appartenance met en relation les lieux avec l’Eglise celtique
et le métropolitain de Dol. On remarquera également que le Couesnon qui en-
toure cette île, ne tarde pas ensuite à se jeter dans la mer, en face du Mont Saint-
Michel, qui est par voie d’eau à une dizaine de kilomètres de Pontorson.
Le Mont Saint-Michel est bien connu de la légende arthurienne. Geoffroy de
Monmouth déjà y plaçait un monstrueux géant, meurtrier et violeur, dont seul
le roi Arthur parvient à venir à bout. Ce personnage n’est pas sans rapport avec
le Morholt, et, au moins pour ce qui est de la taille, avec le Samson biblique.
La présomption qui existe concernant l’identification de l’île Saint-Samson
de la tradition et le petit territoire de Pleine-Fougères, vient nous conforter dans
l’intérêt que nous portons, pour la Légende, à la région de Dol et de la Rance.
Nous verrons que Marie de France a situé là deux de ses lais, celui du Frêne dans
la partie occidentale de l’ancien évêché de Dol, et celui du Rossignol à Saint-
Malo. La venue du Morholt d’Irlande à l’île Saint-Samson en Cornouaille(s)
évoque une fois de plus la relation, existant entre la légende du roi Marc et le
Bretagne Armoricaine.
L’on sait d’ailleurs que le nom d’Yseult a été historiquement porté par la
Dame de Dol, deuxième personnage non légendaire à en être désigné.
Quant à l’appartenance de Dol à la Cornouaille, elle est attestée, pour surpre-
nant que cela apparaisse de prime abord, en 560 : le deuxième synode de Llandaf,
au Pays de Galles mentionne l’archevêché de Dol en Cornouaille, archiepiscopum
Dolensem in Cornugalliam. Sans doute, la Cornouaille s’entendait-elle à cette
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dans cette région du monde, alors que sa présence est indispensable pour consti-
tuer l’alliage nécessaire. Pas d’étain, pas d’armes, tel était le dilemme auquel les
Italiens et les Hellènes et préhellènes se trouvaient confrontés, et, bien sûr, pas
de pouvoir. Les héros d’Homère en particulier qui se meuvent dans des palais
aux portes de bronze et manient de lourdes épées de ce métal, n’auraient jamais
peuplé l’histoire et la légende de leurs hauts faits si l’étain d’Armorique et du
Cornwall ne leur était parvenu.
Les Vénètes, non content de rassembler le produit des mines et les paillettes
natives des rivières de toute la péninsule, assuraient sans doute la liaison avec les
peuples du sud-ouest de la Grande-Bretagne actuelle. Ceux-ci connaissaient si
bien les Vénètes qu’il leur envoyèrent des renforts contre César. Et il était sans
doute exclu, à cette époque de protectionnisme étroit, que les clients aillent se
servir eux-mêmes sur place. Sans doute est-ce même la raison pour laquelle Cé-
sar voulut à ce point vaincre la puissance vénète.
Mais comment les navires chargés de minerais divers, car le cuivre notamment
abondait dans l’Ile et manquait dans la péninsule, parvenaient-ils aux points
d’embarquement vers la Méditerranée ? Que ce soit les gens du Mare nostrum qui
soient venus eux-mêmes s’approvisionner à l’embouchure de la Loire, ou bien
que les produits aient transité en remontant le fleuve vers Roanne, ou encore que
les Vénètes ou leurs associés les aient transportés jusqu’à Cadix, ils ne pouvaient
dans un premier temps arriver à Lorient, Locmariaker ou Guérande que par
mer. Du moins dans la première partie du voyage. Transférer des cargaisons de
métaux lourds comme l’étain depuis Lizard Point jusqu’à Locmariaker, au risque
des gros temps dont la Manche n’est pas avare, mais les passages d’Ouessant et le
Raz de Sein encore moins, cela tient, dans bien des cas de la folie et cela quelle
que fût la qualité des bateaux et des équipages.
On pouvait diminuer de moitié la longueur du trajet et les dangers de la route
en débarquant la marchandise dans un port du nord de la péninsule et en les
transbordant par rivières sur la côte sud. Nous avions déjà évoqué, dans un autre
ouvrage, cette possibilité, à la vue des lignes de menhir qui signalent les crêtes de
l’échine armoricaine, là où les sources du Leff, du Trieux et du Leguer avoisinent
parfois de très près celles du Blavet et de son affluent le Sulon.
L’axe Leguer-Blavet
Deux points de passage sont particulièrement intéressants pour le transbor-
dement supérieur. L’un se trouve entre le Trieux et le Sulon, frontière de crête,
que signalent au sud, les grands menhirs de Kergornec en Saint-Gilles-Pligeaux
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face à Blavet, à l’ouest, sur la rive droite de la rivière du même nom à son arrivée
dans l’Océan. Ainsi les deux extrémités de l’axe fluvial étaient gardées par une
garnison qui portait le nom de Grande.
Deux autres existent qui se trouvaient l’un, Plomeur, en réserve immédiate
des défenses de la Pointe de Penmarc’h, l’autre, Pleumeur-Gauthier en première
ligne face aux Saxons sur l’étroite péninsule, vaste éperon, lancée entre l’estuaire
du Jaudy à l’ouest et celui du Trieux à l’est. Constatons que là encore, le Grand
Plou de Gauthier défendait l’entrée d’une voie fluviale, le Trieux, qui remontait
vers la ligne de crête centrale et, l’atteignant, rejoignait là dans un paysage de
menhirs dressés, les sources du Sulon d’où l’on pouvait gagner le confluent du
Blavet et sa suite vers Ploemeur et l’embouchure. Cette voie, bien sûr, avait dû
servir comme celle du Leguer, au transbordement des marchandises de la côte
nord vers la côte sud.
Il est cependant d’un grand intérêt de constater que les trois extrémités du
réseau fluvial de transport aient été toutes les trois gardées, à l’époque bretonne,
par un plou qualifié de grand ou mieux d’important par les derniers défenseurs
de l’Armorique gallo-romaine.
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concernent notre projet géographique. Ils sont d’une importance capitale pour
notre propos, car c’est le sens même du mot Bretagne dans les romans arthuriens
qui se joue ici.
Au regard du géographe en effet, l’ensemble du récit repose sur une curieuse
incohérence. L’auteur nous emmène dans la forêt de Brocéliande auprès d’une
fontaine où l’on reconnaît bien vite la source à laquelle Wace donnait le nom de
Barenton. Pendant ce temps – et toute l’aventure part de là –, le roi Arthur se
tient à Carduel en Galles. Or, de façon manifeste, nul ne traverse jamais la mer
pour aller de l’un à l’autre.
Dès les premiers vers du poème, nous sommes apparemment outre-Man-
che :
Artus, li boens rois de Bretaigne…
Tint cors si riche comme roi
A cele feste ki tant coste,
Qu’an doit clamer la Pantecoste.
La cors fu a Carduel en Gales…
Nous voilà donc à la Pentecôte, à la cour d’Arthur, le bon roi de Bretagne et,
c’est très clair, la cour se tenait à Carduel en Gales (sic).
Il avait donc chevauché ainsi tout le jour entier, lorsqu’il sortit de la forêt, en
Brocéliande. De la forêt, il entra dans une lande et vit une bretèche à une demi-
lieue, que la traduction de Philippe Walter dit galloise.
Nous ne savons pas d’où est parti Calogrenant. Cependant ce ne devais pas
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être de très loin puisque son premier mouvement a été de prendre un chemin
à droite pour s’engager dans les bois : il ne se trouve donc pas plus loin qu’une
journée de cheval de son point de départ. S’il a quelque rapport, comme nous
l’avons suggéré, avec la vallée de la Rance et le bourg de Calorguen, au sud de
Dinan, on peut l’imaginer quittant cette région au matin et arrivant dans la soi-
rée, à une petite cinquantaine de kilomètres de là, du côté de Paimpont. Certes,
à part la dernière étape, il n’y a plus guère que des bribes de bois sur ce chemin,
mais l’on ne peut préjuger de l’état à l’époque, d’ailleurs parfaitement indétermi-
née, où notre chevalier allait à l’aventure.
Dans la lande, il aperçoit une fortification qu’il estime à une distance d’une
demi-lieue. Là, surpris par le terme « demi-lieue galloise » employé par Philippe
Walter, je me jette sur le Dictionnaire de l’ancien français de Larousse, j’y cher-
che le mot qui me préoccupe et j’y trouve, sous la plume d’Algirdas Julien Grei-
mas, la définition que j’attendais : galesche adj. fém. (déb. XIIIe s., R. de Beauj. ;
lat. pop. *gallisca, de Gallus). Gauloise, surtout pour désigner la lieue galesche.
Bigre ! Voilà qui n’arrange pas les choses ! J’ouvre donc à son tour pour un
supplément d’information, le bon Motier de galo, Galo-francés e francés-galo, qui
vient tout juste de paraître en ce mois de novembre 1995 sous le copyright de
Bertaeyn Galeizz (Brtégne Galése – Le bourg – 35160 Le Verjer). Ces quelques
mots me permettent déjà d’imaginer ce que le mot Galèse, forme non chuintée
de Galesche, veut bien dire ici. De fait, galés, galése, c’est Qh’ét orinoe du paes
galo, de la Brtégne du soulère, en français un gallo, un haut-breton.
La lieue gauloise de 1500 pas est bien connue depuis l’Antiquité. On s’est
servi aussi de la lieue marine, de la lieue anglaise. La lieue galloise reste pour
l’instant dans un flou certain. Aussi penserons-nous vraiment qu’il s’agit ici de
lieues gauloises.
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un bassin tenu par une chaîne et pendu à un très beau pin qui ombrage le site
permet de s’acquitter du geste.
Les autres merveilles que Wace se contentait d’annoncer, le chevalier appren-
dra dans le détail à les connaître et à ses dépens. Notons toutefois un caractère
précieux d’identification :
Si elle bouillait comme de l’eau chaude, et « vous pouvez m’en croire », c’est
évidemment qu’elle était froide cependant.
Robert Wace n’avait rien vu de pareil, ou du moins, il n’en avait rien dit. Mais,
en notre époque même, tous ceux qui se sont rendus à la margelle de Barenton
ont pu le constater. Pour ma part, j’ai vu bien souvent ces crises de gaieté, où
des montées de bulles, des petites, des grosses, de toutes tailles, s’activent depuis
le fond jusqu’en la calme surface où elles viennent exploser. D’elles-mêmes elles
surgissent, mais aussi parfois comme si elles répondaient à l’invite qui leur a été
faite. La fontaine sourit quand on le lui demande. Mais il faut, dit-on, lui faire
cadeau d’une épingle.
Si les ondes de la parole ou le friselis au contact de l’acier sont capables de
provoquer une réponse de la fée des eaux, la chaleur, sinon morale, n’y est pour
rien. On dit que la température ne dépasse pas 10° et, sans l’avoir mesurée, mais
pour avoir souvent tenue au creux de mes paumes, un peu de son eau, je ne serai
pas éloigné de le penser.
Le phénomène, ainsi bien avéré, est à lui seul la preuve que la fontaine qui
bout, décrite par Chrétien de Troyes, et sise en Brocéliande, est bien la Barenton
de Wace et la nôtre. Il n’en est aucune autre de ce type à cent lieues à la ronde. Et
puisqu’il est question de nouveau de ces mesures de longueur, nous comprenons
mieux maintenant pourquoi il s’agit de lieues gauloises et non galloises.
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de marbre à son côté et un bassin d’argent fixé à une chaîne de même métal.
Le rituel de l’eau versée est analogue à celui rapporté par Chrétien et par Wace.
Mais ni le nom de Barenton, ni celui de Brocéliande ne figurent dans le texte.
Après son aventure malheureuse, Kynon est revenu à sa cour, dont nous igno-
rerons toujours le nom et le lieu, en ramenant des environs de la fontaine, le
cheval qu’on lui a donné pour remplacer celui qu’il s’est fait prendre,. Ce cheval,
il l’a toujours et, dit-il, je ne le donnerais pas encore pour le meilleur palefroi de l’île
de Bretagne. On pourrait de là soupçonner que notre aventurier est allé chercher
sa bête hors de l’Ile de Bretagne. Il nous précise d’ailleurs tout de suite, comme si
un doute pouvait en résulter, que l’objet de cette aventure, c’est-à-dire en somme
l’extrémité du monde, se trouve dans les Etats de l’empereur Arthur.
A son tour, Owein s’en va donc à cheval au bout du monde et vers les déserts
des montagnes. Il est, lui, victorieux en l’affaire et se voit rejoint, après son ma-
riage avec la Dame de la Fontaine, par le roi Arthur et sa cour. Il repartira avec
eux : Owein, dit le conte, alla avec Arthur dans l’île de Bretagne, il y retrouve ses
compatriotes et festoie à Kaer Llion sur Usk. C’est donc bien qu’aux extrémités
du monde, s’il était dans les Etats du roi Arthur, il n’était pas dans l’Ile de Bre-
tagne.
L’auteur du Mabinogi, qui n’en dit rien en clair, n’ignore cependant pas que
la Fontaine est située en Armorique. Mais alors, si en lieu et place de Carduel, il
parle de Kaer Llion, ne sera-ce pas qu’il ne connaît pas Carduel, que personne ne
le connaît outre-Manche, que Carduel n’est pas au Pays de Galles, que Carduel
finalement est en Armorique ?
Comme Erec et Enide, le conte d’Yvain, imité par le Mabinogi d’Owein et
Lunet, rapporte donc une aventure en Bretagne armoricaine
Laudine, dame de Landuc, fille du duc Laududet
Il y a là, manifestement un jeu de mots sur la première syllabe des trois noms
en cause. Le toponyme étant clairement Landuc, où la syllabe initiale Lan est
l’une des plus fréquentes de la toponymie bretonne et galloise, on peut supposer
que les deux anthroponymes en Lau– résultent de la très commune erreur gra-
phique qui consiste à écrire l’une pour l’autre les lettres u et n.
On serait donc en présence de Landine, de Landuc et de Landudet.
Les lan sont des lieux consacrés et le mot est souvent suivi de celui de l’homme
qui les consacre. Ainsi Landudet pourrait être un toponyme au sens de : le Lan
de Tudet. Si nous ne connaissons pas de Tudet, en revanche Tudi, comme dans
Loctudy ou l’Ile-Tudy, et Tudeg, ainsi dans Landudec, sont utilisés en Armori-
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que. Les trois exemples que nous donnons sont même des noms de communes
du sud-Finistère.
Lan-din conviendrait bien à la gardienne de la Fontaine : ce pourrait être en
effet, en construction archaïque, la citadelle du lieu sacré.
Quant à Landuc, je ne vois d’autre explication que « le monastère du duc », ce
qui suppose une origine très récente au XIIe siècle, mais s’adapte assez bien à la
Fontaine de Barenton où furent des lieux monastiques, encore au temps d’Eon
de l’Etoile.
Si le langage qui apparaît ici ne saurait être déterminé avec certitude comme
breton armoricain ou comme gallois, en revanche la localisation armoricaine du
conte et la mention même du duc, souverain bien connu des bretons et inconnu
des gallois, les noms de Tudeg et de Tudy, bien connus des armoricains, inclinent
fortement pour une origine continentale de ces noms.
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Lunette
Le mot est difficile. Rien à voir bien sûr avec une lunette, ni même avec une
petite lune. Les noms celtiques de la lune sont, outre le breton loar, des termes
analogues dans les autres langues. On peut normalement penser à un prototype
ancien en *Lunata. Ce mot évoque le dieu Lugos, dont non seulement la termi-
naison, mais même le g serait tombé, ce qui ne surprend pas en présence du n.
Et si deux g même étaient tombés ? On aurait alors un primitif *Lug-gnata : la
fille de Lugos.
Le rôle important joué par la servante dans Yvain, lui a déjà valu d’être divini-
sée par des commentateurs, mais c’était d’ordinaire dans une assimilation latine
à la lune. Dans le contexte où nous nous trouvons, où ne semble figurer aucun
nom d’origine latine, mais seulement des vocables britonniques romanisés, une
telle interprétation nous paraît impossible. En revanche, un rôle divin, mais cel-
tique, se justifie pleinement.
Le géant Harpin
Ce personnage qui évoque spontanémént à l’oreille d’un bretonnant l’ap-
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arthur, roi des bretons d’armorique
pui, le soutien apporté, voire le coup d’arrêt, ne trouve pas cependant dans de
semblables étymologies chaussure à son pied. Nous préférons le rapprocher de
son collègue, le Gawr de Huelgoat, et du saint bien particulier qu’on dit être le
vainqueur de ce dernier et qu’on honore comme un protecteur du bétail et un
collectionneur de queues de vaches, saint Herbot, doté d’une superbe chapelle
en Plonevez-du-Faou, à proximité des marais et de la rivière de l’Ellez.
Herbot nous paraît avoir succédé à un Sarpatos gaulois, autrement dit à l’un
de ces grands serpents ou dragons qu’on vénérait par la campagne armoricaine.
De là avons-nous tiré que Herbot, comme le Gawr, devait être en notre temps la
pérennité d’un monstre de ce genre, d’ailleurs bon enfant et se prêtant à défendre
les troupeaux contre les loups.
Harpin n’est pas très éloigné, ni comme personnage, ni comme phénomène
linguistique. En phonétique historique du breton, il apparaît normal que le mot
vienne d’un * Sarpinos qui rejoint le * Sarpatos celtique, le breton Sarpant et le
Serpent du français moderne. Le mot a été romanisé, d’où le maintien du p,
tandis que Herbot continuait à évoluer en phonétique bretonne.
La terminaison – inos est connue en celtique comme la terminaison – atos et
il ne semble y avoir là que variante de peu d’importance.
On parviendrait en admettant ce schéma, à une conception nouvelle des
géants de la Fable, et de la tradition arthurienne en particulier, qui ferait d’eux et
des Dragons les mêmes êtres, à la fois très grands et serpentiformes.
49. Le chevalier de la Charette et le royaume de Logres
Pour tous les commentateurs et pour la plupart des auteurs, le pays de Logres
n’est autre que l’Angleterre propre, c’est-à-dire ce qui reste de la Grande-Breta-
gne quand on en a retiré le domaine celtique, l’Ecosse, le Pays de Galles et la
Cornouailles d’Outre-Manche, et c’est de ce pays que le roi Arthur aurait été le
souverain direct.
Mais ni Nennius, ni Geoffroy n’emploient le mot. Le premier à en faire usage,
c’est Chrétien et encore seulement à partir du Chevalier de la Charette.
L’on invoque toujours les formes galloises Lloegr, Lloegrwys, utilisées dans la
littérature postérieure au XIIe siècle, dans le même sens géographique, pour en
déduire le terme français. Mais rien ne permet d’établir l’antériorité du gallois
et jusqu’à plus ample informé nous sommes obligés de reconnaître celle du ro-
man.
Lloegrwys, que Jarman traduit par English ou men of England, figure à trois
reprises dans le Gododdin d’Aneirin, Lloegr, au sens de England, deux fois. C’est
peu sur 1120 vers qui racontent l’affrontement des Anglais aux Bretons du Nord
et lorsqu’on sait que le premier manuscrit que nous en possédions date au plus
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tôt de 1250, même si le texte primitif remonte au VIe siècle, on ne peut écarter
l’hypothèse d’interpolations de termes plus récents. Le dossier du Logres britan-
nique est donc bien mince et la possibilité demeure d’une origine plus ancienne
et d’une localisation différente du terme.
Conformément à la règle que nous nous sommes prescrit de toujours cher-
cher une insertion des lieux et des hommes en Bretagne Armoricaine, il nous
faut à présent répondre à la question : Logres pourrait-il se situer dans notre
péninsule ?
Chrétien de Troyes lui-même ne manque pas de faire le jeu de mots en roman
sur Logres et l’Ogre. Par delà la plaisanterie, y aurait-il une véritable relation
étymologique entre les deux ? Il faudrait pour cela qu’il y ait au moins une réalité
toponymique à cet égard. Or l’Ogre ne figure pas dans la désignation des noms
de lieux en Armorique, ni dans la partie de langue romane, ni dans la partie
bretonnante. Tout au plus pourrait-on évoquer ici les Coat-Organ des cartes de
l’IGN et l’Orcanie, domaine du roi Lot dans nos textes arthuriens. Mais là il
n’est point question d’Arthur et l’affaire paraît douteuse.
Il est au contraire une région de Bretagne, toute pénétrée, comme nous
l’avons montré à plusieurs reprises, de la légende arthurienne, celle où se trou-
vent le château de Kerduel, la cour du roi Lac, le pays de Méliant, la tombe du
roi Arthur, l’observatoire du roi Urien, et qui est traversée par la rivière qui coule
sous les ponts de Lannion, et se nomme, à l’instar de la Loire, le Leguer. Le nom
de Logres ou Lloegr ne serait-il pas dérivé de Leguer ? Le pays de Logres ou de
Lloegr n’aurait-il pas été, à l’origine, le territoire cis et trans-leguerien… ?
Disons par avance qu’un lai anonyme, celui de Tyolet, nous fait connaître une
terre de Logres dont le roi Arthur n’est pas le roi, mais bien en définitive le héros
Tyolet à l’isue de la Quête du Cerf Blanc. Mais nous n’avons aucune précision
sur la situation géographique de ce Pays de Logres.
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don, Kornandon, Korrigan : sera-ce le Royaume des Nains et des Gnomes ? Peu
probable, car rien ne vient confirmer cette idée en l’air.
En revanche, un mot qui revient fréquemment dans la toponymie bretonne
est Gorre (prononcé Gorré), qui signifie « d’en haut ». On a ainsi de nombreux
Gorre-ker ou Gorre-bloue, si fréquemment même qu’on ne sait que choisir sans
autre indication. De même, Tregor ou Trogor qui se rattachent à un vieux-bre-
ton et celtique cor –, pourraient entrer en lice. Il se trouve toutefois, non loin des
crêtes du Mené, à proximité de Collinée et de la montagne de Bel-Air, un gros
bourg du nom de Le Gouray qu’on écrivait Gorre en 1205.
Certes, dans le Chevalier à la Charette, il s’agit d’un territoire de l’Autre Mon-
de. Mais l’un n’exclue pas l’autre et le domaine merveilleux s’ouvre dans notre
univers. Le Gouray, qui s’appelle le Pays d’En-Haut, non loin du sommet sacré
de Bel-Air et de la Butte-à-l’Anguille où naît le Ninian, pourrait être cette porte
vers l’ailleurs.
Au moins peut-on dire qu’un royaume concret ait donné son nom à un do-
maine de l’imaginaire. Nous savons que Baudemagus, le Champ de la Résidence,
en est le roi et qu’Urien son cousin s’y rattache
Le Gouray n’est pas loin non plus de Broons, qui donnera son nom à un
personnage du Graal christianisé non plus que de de Caulnes, d’Evran et de
Calorguen, tous sites arthuriens !
Près de Gorre, croyez-moi, est le Northumberland. C’est un passage du Mer-
lin qui nous l’assure et qui affirme le caractère totalement armoricain de cette
terre apparemment si anglo-saxonne.
La roine Elaine, si tost comme elle connut la damoisele de Norhomberlande, elle
li fist joie et feste mervilleuse. Ne ne cuidiés pas, entre vous qui oés ces contes, que chis
Norhomberlande dont je parole soit li roiames de Norhomberlande qui estoit entre le
roiaume de Logres et chelui de Gorre : che seroit folie à cuidier, car chis Norhomber-
lande estoit en la petite Bretaigne, et (li autres) Norhomberlande en la grant.
De toute évidence, il n’y a pas de Northumberland en petite Bretaigne, pas
plus qu’il ne s’y trouve de rivière Humber ou de territoire au nord ou au sud de
celle-ci.
L’auteur du Merlin ne paraît pas très au fait de la géographie, de quelque côté
de la mer que ce soit. D’ailleurs, d’une façon plus générale, il en parle très peu et
rares sont les notations à cet égard.
Pourtant, il n’est pas dénué de connaissances : il connaît l’existence d’un autre
Northumberland qu’il situe entre le royaume de Logres et le pays de Gannes,
en Grande-Bretagne. Pour nous qui retrouvons Gannes sur la Rance et Logres
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autour de Lannion, tout cela n’a rien à voir ni avec l’ile de Bretagne, ni avec le
nord de la rivière Humber.
Sans doute cependant, dans l’esprit de notre auteur, y avait-il une relation
entre les trois noms. Aussi devons-nous nous interroger sur ce qu’est en réalité
ce curieux Norhomberlande armoricain. Et il nous vient comme l’écho d’un
germanique Nort Oberland, légèrement nasalisé, qui aurait pour particularité
de désigner une haute terre (Oberland), située au nord. Bien sûr, dans l’Ile, les
Highlands répondent exactement à cette définition, mais en Armorique ?
Ce qui est surprenant, c’est de parler du pays de Gorre à ce propos, car c’est
là la traduction exacte d’Oberland. Un pays de Gorre au nord de la Bretagne
serait un parfait Nort Oberland et c’est précisément le cas du Gouray, situé sur
le versant nord du Méné, face à la côte septentrionale de l’Armorique. Si ce n’est
l’Oberland lui-même, ce pourrait être le voisin d’un Oberland situé à l’ouest en
direction de Logres.
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Murin, où, dit-on, repose dans les fonds une ville engloutie. C’est là une pre-
mière relation avec le mythe, mais nous en aurons bientôt d’autres à signaler.
Les défilés de Valdone, dans cette perspective, correspondraient à la vallée
même, lors d’un étrécissement tel qu’on en rencontre entre Moisdon-la-Rivière
et le Grand-Auverné, ou mieux encore à l’entrée en Guémené-Penfao. Là, au
milieu des bois, le cours de l’eau s’étrangle entre deux coteaux abrupts à une
cinquantaine de mètres de dénivelé de part et d’autre. Un poste de surveillance,
à l’est, est constitué par le château de Juzet. Sur l’autre rive, le village dit de la
Vallée évoque précisément le Val Don. La situation générale se prête admirable-
ment au récit de Chrétien :
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reste pas moins que l’hypothèse qui placerait Valdonne et la Gaste Forêt dans la
vallée du Don ne manque pas d’arguments. Le caractère armoricain de Perceval
en reste d’ailleurs fortement accentué.
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La Roche de Champguin
Nous entrerons plus avant dans le domaine bretonnant avec l’examen d’un
nom de lieu, roman d’apparence, mais dont le caractère breton apparaît sous-
jacent. Il s’agit du château de la Roche de Champguin. Celui-ci revêt une impor-
tance particulière parce qu’il est le lieu où Gauvain entre en contact direct avec
ses racines. Il rencontre là deux personnes d’un très grand âge – elles n’hésite-
ront pas à traiter le roi Arthur d’enfant puisqu’il n’a guère que cent ans– et ces
Vieilles Femmes sont sa mère Anne et sa grand-mère Igerne.
Nous avons déjà montré que Champguin n’est que la forme romanisée et
modernisée du vieux-breton Guingamp : le déterminatif Guen, blanc est passée
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Orquelenes
Arquellen, on se le rappelle, est un lieu-dit de la forêt de Huelgoat, situé
dans les fonds, entre le Camp d’Arthur et le Gouffre d’Ahès. Selon notre obser-
vation, le nom, doublement gaulois et même gargantuesque, Art-kellen, signi-
fierait la Couille de Pierre. Le mot est rare, exceptionnel même en toponymie :
nous n’en connaissons pas d’autre exemple. Aussi l’Orquelenes de Chrétien de
Troyes nous fait-il invinciblement penser à son presque homonyme de l’antique
Vorganium.
La syllabe initiale a fort bien pu évoluer d’ar en or à travers l’oreille et la
bouche d’un romanophone. En outre, peut-être faut-il voir dans ce changement
une tentative d’interprétation, faisant de l’Or la matière minérale de l’organe en
question. Faut-il y voir une influence alchimique ?
Orquelenes se retrouve dans Orcel. La différence linguistique entre les deux
formes tient à une particularité grammaticale de la langue bretonne qui donne
au radical d’un mot, dans certains cas, un sens générique, donc pluriel, – on l’ap-
pelle alors singulatif – et à la forme dérivée en -en, le sens individuel. Contrai-
rement à l’usage le plus commun en Europe, le singulier se montre ainsi sous la
forme la plus longue, le pluriel sous la forme la plus courte
Dans le cas qui nous occupe, kell apparaît comme le terme collectif, les Tes-
ticules en général, et kellen comme un singulatif, le Testicule. Orcel, ou mieux
dans notre orthographe, Orkel, serait ainsi le royaume des Couilles de Pierre,
Orquelenes ou Art-kellen, la cité de la Couille de Pierre.
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Disnadaron en Galles
Nous savons ce qu’il faut penser de l’appellation « en Galles ». Aussi lorsque
nous la voyons se manifester aux vers 2734 et 2755 du Conte, nous ne sommes
pas d’emblée persuadé qu’il s’agisse là du Pays des Kymris.
On a eu tendance cependant à voir dans Disnadaron comme d’ailleurs dans le
Dianasdrun de Wolfram d’Eschenbach, un dérivé du Dinas gallois et cornique,
l’équivalent du Din breton, la citadelle, et cela est sans doute à l’origine de la
graphie Dinasdaron du manuscrit B de Guyot. Cependant l’orthographe Disna
est assez constante et incite à chercher une autre interprétation.
La terminaison – on est celle, dans les Gaules, de la plupart des rivières.
Dar est en ancien breton le nom du chêne. Reste Disna –. Si on le compare au
Dianas – de Wolfram on y verrait volontiers un Dias ancien-breton ou Diazen
moyen-breton, qui ont le sens de pente et de vallée. Il s’agirait alors d’une rivière
de la vallée des chênes.
Escavalon
Le roi d’Escavalon est mentionné très épisodiquement au vers 463 du Conte
du Graal, comme le souverain par lequel le frère aîné de Perceval fut adoubé.
Peut-être s’agit-il d’un Ahes-kaval-on. Qu’on ait ici le sens de cours d’eau ou
simplement celui d’une terminaison locative, peu importe au sens général qui
se rapporte au Cheval d’Ahès et fait penser à ce pays du Cap Caval où est situé
Penmarc’h, lieux mythologiques s’il en est. Que ce Caval et Marc’h lui même
aient été le cheval d’Ahès, pourquoi pas ? L’on songe à cette monnaie des Osis-
mes où une femme nue monte à cru le cheval symbolique des revers armoricains
ainsi qu’au cheval de Gradlon d’où Dahud fut jetée dans les eaux de la baie de
Douarnenez, si proche.
Escavalon pourrait bien être le cap Caval.
Signalons toutefois qu’il existe un village du Scalon en Loc Envel près de Coat
an Noz et des bois du Beffou, sur un antique chemin qui montait de la voie de
Huelgoat et Carhaix à Guingamp vers Lannion et Tregastel.
Gomeret
Ban de Gomeret est cité au vers 467 du Conte du Graal, comme le roi auprès
duquel l’un des frères de Perceval apprit la chevalerie. Il fait ainsi le pendant avec
le roi d’Escavalon.
Dans Erec et Enide, nous l’avons vu, la terre de Ban est appelée Ganieret. Ici,
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n’est autre que Guingamp, Orquelenes est situé à Huelgoat. Même le chevalier
de la forêt de Quinqueroi, personnage relativement secondaire appartiendrait à
la région de Paimpont.
Le nom même de Bertwalt, bien connu en Armorique au premier millénaire
de notre ère, nous renvoie au Menez-Hom et à ses traditions, que pour l’instant
nous n’avons fait qu’effleurer. Un texte très postérieur, il est vrai, mais néanmoins
intéressant, se souvient que Perceval était le recteur de la Citadelle du Soleil, sise
en l’actuelle commune de Dineault (Finistère).
Perceval n’était pas gallois, mais gallo, et s’il était sot en son adolescence, cela
nous renvoie à ces Hauts-Bretons qui disent d’eux-mêmes être de sots bretons.
Il a néanmoins montré, comme beaucoup des habitants des pays de Rennes, de
Nantes, de Saint-Malo, de Dol, de l’est vannetais ou de l’est briochin, et même
des Marches, qu’ils pouvaient devenir des Bretons supérieurs.
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XII
LA GÉOGRAPHIE APRÈS CHRÉTIEN DE TROYES
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la « prairie » que sur ses délimitations. Et si nous entendons par là, au lieu d’un
pâturage restreint aux besoins d’un petit troupeau, une plus large étendue de
territoire bocager, voire un domaine princier de ce type, nous élargissons notre
champ de recherche et nous rendons possible la découverte de l’Arsie.
Il existe, un peu au nord de Saint-Nazaire et de Penestin, une affluent, non
pas du grand fleuve atlantique, mais d’une rivière, l’Oust, qui vient elle-même
se jeter dans la Vilaine à Redon. Après avoir traversé la moitié de la péninsule
bretonne du nord-ouest au sud-est, ce dernier cours d’eau reçoit en effet sur sa
droite, au milieu du marais de Codilo, les eaux de l’Arz venues d’ouest en est
depuis Plaudren au nord de Vannes jusqu’ici. De l’Arz à l’Arsie, il y a peu de dis-
tance morphologique et si nous nous reportons à la carte pour juger de l’espace
géographique compris entre la Loire et l’affluent de l’Oust, nous découvrons un
territoire fort bien équilibré entre deux limites tirées d’orient en occident, de
part et d’autre de… quoi donc ?… mais de l’embouchure de la Vilaine.
Quoi d’extraordinaire donc à qualifier de prairie de Benoïc – au sens même
où le roi de France parlait de son pré carré – le domaine entre Arz et Loire ? On
ne l’étendrait pas en longitude au-delà des méridiens communs à l’embouchure
des deux fleuves et l’on aurait ainsi une limite occidentale jalonnée par Ques-
tembert, Billiers, Piriac et la pointe du Croisic, une limite orientale tirée de
Redon à Donges.
Ainsi constitué, le royaume de Benoïc se trouve partie intégrante de la marche
de Gaule et de Petite-Bretagne telle qu’elle pouvait exister au Ve siècle.
La Corne de cerf
C’est en plein Benoïc, tel que nous venons de le définir, que se situe la Corne
de Cerf de la Basse-Vilaine, dont nous parlions à propos du roi Ban.
Epinglons tout de suite cette dernière localisation. La Corne de Cerf, ancien
hameau sur la route de Vannes à Nantes, est devenu l’emplacement d’un échan-
geur entre la nouvelle quatre-voies qui passe par là entre Vannes et Nantes et le
chemin traditionnel de Questembert au Barrage, ancien gué, d’Arzal. De tous
temps a existé en cet endroit, un noeud de communications important entre la
grande artère méridionale de Quimper à Nantes et l’accès à Guérande quand on
vient de Ploërmel et du nord.
Le site commande en outre l’une des traversées de la Basse-Vilaine, peu avant
son embouchure. Nous tiendrions ainsi le lieu correspondant le plus exactement
au personnage du roi Ban, puisque nous sommes ici à Ban Benoïc, la Corne de
Cerf de l’embouchure de la Vilaine.
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son existence dans le gaulois des Helvètes et celui de la côte ligurienne. Ainsi la
ville de Genève, comme celle de Gênes, Genova, tient-elle son appellation du
débouché d’un lac ou d’un fleuve, d’après le vocable celtique Genavos, ancêtre
de notre genou. On reconnaîtra bien vite dans Genewis le Genou-Wis, venu de
Genavo-Wiken, ce qui équivaut absolument à Ben-Wik.
L’argument qui, pour Lot, pulvérisait les prétentions de l’Armorique à possé-
der le royaume de Lancelot, les confirme superbement. Ulrich von Zatzikoven
ne dit pas autre chose que l’auteur du Lancelot en prose, et cela bien qu’il use,
sans préméditation posssible, non pas du même terme, mais d’un synonyme
absolu.
Peut-on de là déterminer l’emplacement du fameux Lac de Viviane ? Le texte
du Lancelot en prose le situe au voisinage d’un château du roi Ban qui avoit non
Trebe, si estoit el chief de sa terre…
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notre gabarre, venue du grand barrage hydro-électrique, ait touché aux rives de
Léhon.
Là se dresse le vieil oppidum, riche encore de murailles et de créneaux venus
du moyen âge, et dont le nom évoque d’emblée les fortifications d’une petite
citadelle : accolée au Din armoricain, l’ancien Dunum celtique, qui trône aussi
dans Dinart, la seconde syllabe – an est un diminutif ancien. L’on pourrait ce-
pendant faire une objection géographique à cette étymologie linguistiquement
peu discutable de prime abord. Dinan n’est pas en effet une petite citadelle, mais
une puissante forteresse, dressée sur la muraille droite des roches qui montent de
la la rivière, et secondée en amont par le château ancien de Léhon.
L’écriture ancienne hésite entre Dinan et Dinam. Il n’est donc pas sûr qu’il
s’agisse de la petite citadelle (Din-an), non plus que que de la forteresse d’Ana
(Din-ana). La notion d’un Dinant, où interviendrait la vallée, nant, à l’instar du
Dinant belge, paraît également exclu. Mais il est intéressant de constater, avec
Bernard Tanguy, que le site de l’actuelle sous-préfecture, en dehors des anciens
remparts, s’appelle le Château-Ganne. Selon la tradition, le nom tiendrait à la
construction par la femme d’Olivier Ier de Dinan qui se serait appelée Cana. Mais
rien n’empêche que le nom, au demeurant peu usuel de Cana, ne soit beaucoup
plus ancien dans la région que le siècle où vivait Olivier et son épouse.
Le Château-Ganne se dit en vieux-breton Din Gan et comment ne pas voir
dans ce Din Gan, à la fois l’ancêtre de Dinan, Din (g)an et la capitale de Gannes,
la cité de Bohort ? Une telle importance accordée à Dinan s’accommoderait fort
bien de l’hypothèse que nous avons émise, qui ferait de Léhon, la deuxième cita-
delle, accolée à celle de Gannes, un Caerleon, non point destiné à accueillir ces
légions qu’on veut omniprésentes, mais un nouveau Lugdunum, établissement
militaire et sacré du grand dieu Lugos. La forteresse qui dominait ce rocher a
de longue date été remplacée par un établissement monastique, comme si le sol
même n’avait point su se séparer de sa vocation religieuse.
La petite ville, admirablement située en oppidum et fortifiée encore à l’épo-
que médiévale, loin d’être la petite Citadelle, pourrait bien être en fait la Cité de
Ganne dont nous parle Chrétien de Troyes et qu’il attribue au roi Bohort.
Celui-ci aurait gardé la basse Rance, comme son frère Ban, nous allons le
voir, défendait la Basse-Vilaine, l’un et l’autre se partageant, symétriquement
en somme, les lignes de défense occidentale de la Bretagne. Ils auraient été les
symboles de cette Wacht am Rhein armoricaine, qu’ils auraient transmise à leur
neveu et fils Lancelot.
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peut fort bien avoir été abrégé graphiquement dès le XIIe siècle, surtout par des
romanophones.
Quinipily, soit Kenec’h Bili en orthographe moderne, signifie la colline aux
galets. Ce peut être aussi la Colline brillante, et l’on remarquera alors que le mot
Bili est de la famille du dieu Belenos, le Brillant, autrement dit le Soleil. Mais
si l’on revient à la forme Quinili, on songera plus prosaïquement à une hauteur
couverte d’arbres à baies.
Rien ne nous permet d’aller plus loin dans la compréhension du lieu et du
terme : la localisation cependant ne manque pas de force.
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Papegau est le seul récit arthurien à faire état de sa résidence à Montgibel ». Ma-
dame Régnier-Bohler n’a manifestement pas compris que Montgibel est la butte
appelée Kastel Gibel à Huelgoat et que la Gibel est la Cuve ou Gouffre d’Ahès,
la fada de Gibel du roman de Jaufré.
Nous tenons ici la certitude de notre localisation et l’identité de Morgane et
d’Ahès. Aussi est-il logique qu’à la Pointe du Van en Cleden-Cap-Sizun, le Ro-
cher Morgane soit battu des flots à l’extrémité du Chemin d’Ahès.
Meliador
Meliador, héros du roman du même nom, appartient manifestement à la
même famille linguistique que les Meliaw et Meliant que nous avons rencontrés.
C’est là affirmer déjà son origine armoricaine.
Quel sens accorder à la syllabe finale ? On peut penser à une indication to-
ponymique qui ferait de Meliador un nom de lieu porté, comme il arrive fré-
quemment par un homme. Dor est en breton moderne et plus ancien, le terme
courant pour désigner la Porte, donc sur le terrain le passage d’entrée. Mais dor
est également l’aboutissant du terme celtique durum qui signifiait le marché ou
le forum.
Dans ces conditions, le lieu dit Meliadurum pourrait être l’un de ces lieu de
marchés porteurs du nom du roi Meliaw que furent depuis l’antiquité, en Bre-
tagne Armoricaine les Ploumilliau, Plumeliau et Guimiliau. Le chevalier Melia-
dor, dans ces conditions, aurait été le seigneur de l’une ou l’autre de ces villes.
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plus épisodiquement, de l’Ile, ou du moins des régions qu’y occupent les Anglo-
saxons, Wolfram dit : l’Angleterre. L’auteur connaît aussi le Pays de Galles qu’il
appelle Waleis et le Norgales (sic). L’Ecosse est citée une fois, à propos de son
roi.
Parmi les territoires de moindre importance, la terre de Graharz semble rele-
ver, sinon de la Bretagne, du moins des Marches. Quant au Brobarz, il se situe
en dehors : peut-être s’agit-il du Berry introduit par le mot breton Bro qui signi-
fie pays. Reste en outre à préciser la situation du Royaume de Löver, qui reste
floue.
Parzival est gallois par sa mère, et c’est ce qui lui vaut son épithète et sa réputa-
tion de rusticité. « Ce sot de Gallois… » lance à son sujet l’un des chevaliers qu’il
aborde près de Soltane, et Wolfram d’enchaîner : Il me faut retourner aux Gallois
la réputation que nous avons, nous autres Bavarois : ils sont plus sots que les Bava-
rois, encore qu’ils sachent bien se battre. Et il ajoute pour leur défense commune :
Finesse fait des prodiges chez qui naît dans l’une ou l’autre de ces deux terres !
Mais Parzival est aussi, par son père un Breton d’Anjou. Son père Gahmu-
ret l’Angevin descend d’Addant, qui était lui-même d’une lignée de Bretons. Le
voilà bien proche géographiquement de Kei le sénéchal, qui, pour Geoffroi de
Monmouth, était, lui, de Chinon en Touraine, et tout aussi breton. Le rappro-
chement est d’importance, car il nous permet d’affirmer que pour Wolfram, qui
n’a rien à faire du pouvoir des Plantagenêt, comme pour Geoffroi, impliqué dans
la défense de la Couronne d’Angleterre, la Loire au moins jusqu’aux abords de
Tours, était à l’époque, sans doute mythique, où se situent les aventures de la
Table Ronde, aux mains des Bretons. N’est-ce pas là un intéressant contrepoint
à la petite phrase de Grégoire de Tours parlant en son temps des Britones supra
Ligerim sitos, des Bretons installés sur la Loire ?
Le grand-oncle de Gahmuret, en ligne collatérale, est Utepandragon, qualifié
de roi des Bretons. L’Angevin est donc le cousin du roi Arthur.
Mais de quels Bretons s’agit-il ? Leur implantation principale est-elle dans
l’Ile ou sur le continent ? La réponse de Wolfram est à cet égard très claire, si
l’on se donne la peine d’analyser sa topographie. Le sénéchal Kingrun, vaincu en
combat singulier devant Pelrapeire en Brobarz, reçoit de Parzival, son vainqueur,
l’injonction de quitter cette plaine, de gagner le pays des Bretons et d’y assurer
le roi Artus de son dévouement. Il s’est donc mis en route pour la cour d’Artus le
Breton.
Le sénéchal Kingrun était donc arrivé au royaume de Bretagne et trouva le roi
Artus dans son pavillon de chasse en forêt de Briziljan, en un lieu qui s’appelait
Karminal.
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Plym qui a donné son nom à la ville de Plymouth, située à son embouchure
(mouth). Ce nom est-il celtique et, désignant un cours d’eau, aurait-il un rap-
port avec le Plimizoel de Wolfram ? Certes, ce que nous avons dit de l’Isole, de
Caridol et du Plimizoel, exclue l’identification avec le petit fleuve de Plymouth
ou tout autre de Grande-Bretagne. Mais le mot Plim peut parfaitement être une
forme bretonne ancienne de notre Plom, bien que nous n’en ayons pas de trace
dans le vocabulaire si restreint dont nous disposons en vieux-breton et à plus
forte raison en celtique.
Le Plimizoel pourrait donc signifier quelque chose comme Fontaine d’Isole et
coïncider avec la rivière de ce nom.
Carcobra et Barbigoël
Mais une autre détermination nous laisse quelque peu rêveur : c’est l’indica-
tion d’un lieu nommé « Carcobra dans l’évêché de Barbigoel, là où le Plimizoel
forme un lac » . Quel est ce Carcobra ? et cet extravagant évêché de Barbigoel ? et
ce lac du Plimizoel ?
Dans l’état actuel de la vallée, l’Isole ne forme pas de lac, mais il existe, immé-
diatement au sud de Scaër, un petit affluent aux rives marécageuses qui semble
couler sur l’emplacement d’un ancien étang. entre les tourbières de Pont-Meur
et le confluent. Peut-être s’agit-il là du lac du Plimizoel, signalé par Wolfram. Le
devenir des pièces d’eau dormantes, si nombreuses en Bretagne, se termine dans
un certain nombre de cas par l’écoulement de la masse liquide et l’assèchement
très relatif, car bien souvent demeure une humidité résiduelle considérable des
terres.
Mais, si notre hypothèse est exacte, nous devrions rencontrer à proximité la
ville de Carcobra et un peu plus loin peut-être l’évêché de Barbigoel. De toutes
façons le nom de Carcobra a forcément évolué depuis le temps de Wolfram : on
pourrait s’attendre à un Kergowr écrit probablement Kergaor. Nous retrouvons
là le nom du Gawr, le géant de Huelgoat.
Nous avons dit combien le légendaire de la vallée de l’Ellez inclinait à penser
que le personnage du Gawr ait été un immense serpent, replié neuf fois sur lui-
même dans sa tombe. De là à y voir le Cobra de Wolfram, il n’y a évidemment
qu’un pas.
Cependant, le mot Cobra n’est entré en français qu’au XVIe siècle, d’origine
portugaise. Dans cette langue il signifie Couleuvre. Les deux termes provien-
nent du latin Colubra, de même sens. Nous n’avons en outre aucune notion
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Et Lac’h ne tire-t-il pas son nom lui-même, non seulement de la fontaine, mais
aussi de la vallée et du cours d’eau qui la suit ?
On a appelé cette citadelle rocheuse Roc’h al Laz, mais aussi Roc’h Hir Glas
et Roc’h Hirlas. Gaultier du Mottay, dans son Répertoire archéologique du dé-
partement des Côtes-du-Nord (1883) donne les deux formes. Il parle de Roc’h-
ir-glas à propos d’une découverte de monnaies curiosolites en ce lieu, datant de
1841, mais s’exprime auparavant beaucoup plus au large en disant qu’à Roc’hel-
laz (Rocher de la mort), sur le bord de la grève de Saint-Michel, existait un cime-
tière gaulois contenant nombre de petits cromlec’hs circulaires s’enlaçant comme les
anneaux d’une chaîne. Il complète cette information en précisant que ce cimetière
a été entièrement détruit de 1839 à juillet 1851, soit pour les travaux de la route
voisine, soit par des défrichements ; on y a trouvé une quantité de vases grossiers, re-
couverts chacun d’une pierre plate et remplis de cendres ou de débris de coquillages. »
et il ajoute entre parenthèses : L’un d’eux est dans ma collection, avec son contenu.
Gaultier du Mottay a traduit Roc’h el Laz, comme il était normal à son épo-
que en entendant Laz au sens de meurtre, qu’il a précisément dans la langue
contemporaine. Mais il ignorait vraisemblablement qu’en toponymie, témoin
du langage ancien, le mot Glas signifie plutôt le ruisseau comme dans Daoulas,
les deux rus, ou Kerlaz, le village du ru (de Nevet). Il s’agit donc d’un Roc’h ar
Glas ou ar Las, avec l’amuissement régulier du G, d’où ensuite al Las.
Parlant de Plestin-les-Grèves, où se trouve situé le Grand Rocher, notre auteur
signale en outre qu’une voie romaine, joignant le Yaudet à Morlaix, entre dans
la commune entre le Leslac’h et le Traou, passe à Toul-y-en-bras, à Saint-Gestin,
au moulin de Lesmaës, près duquel, d’après la tradition, existait un camp romain,
détruit au siècle dernier. Force nous est de constater, une fois de plus que les loca-
lisations de la légende arthurienne se rattachent à des lieux profondément mar-
qués par des installations ou des cheminements antiques. Rien ne nous prouve
qu’ils soient romains, comme auraient trop tendance à le dire les tenants d’une
romanisation importante de l’Armorique. Bien au contraire, nous les tenons
pour simplement antiques et vraisemblablement gaulois et préhistoriques.
La Terre de Löver
Il nous reste cependant à parler de la Terre de Löver qui nous ramène au
problème général du Pays de Logres, dont il semble bien s’agir d’une forme ger-
manisée. Mais si l’on reprend ici notre hypothèse faisant de ce royaume celui du
Leger, le mot, comme de coutume chez les Allemands paraît plus proche encore
du terme breton que n’en est le français.
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Comme par ailleurs le Parzival, ainsi que nous l’avons noté, se passe entière-
ment en Bretagne Armoricaine, il en résulterait que la Terre de Löver, s’y trouve
tout naturellement
Dans le cadre que nous nous sommes fixé pour l’étude de la tradition arthu-
rienne, à savoir rappelons-le, la recherche au sein des toutes premières oeuvres,
Geoffroy de Monmouth, Robert Wace, Chrétien de Troyes, Marie de France,
il ne nous est malheureusement pas possible d’étudier in extenso l’oeuvre de
Wolfram. Nous nous sommes cantonnés aux éléments qui viennent en éclaircis-
sements des textes qui forment le centre de notre recherche.
Ce n’est pas dire d’ailleurs que cette recherche ne présente un grand intérêt.
Seule la limite de nos forces, nous empêche à cet égard de tout entreprendre.
Nous reparlerons d’ailleurs de Wolfram à propos du roi Marc et de Tristan, sur
le sujet de Kanoel et de la ville de Kanvoleis.
Il ressort néanmoins de l’approche que nous avons réalisée, plusieurs consta-
tations intéressantes. Pour Wolfram von Eschenbach, il est très clair que la Bre-
tagne du roi Arthur, c’est l’Armorique. Le roi y tient sa cour à Nantes et en
forêt de Brocéliande. Mais il a aussi un château à Quimperlé, à Kerisole, appelé
Lez-Arthur.
En fait, la vie de Parzival se déroule entre la Haute-Bretagne et l’Anjou. Il est
d’ailleurs le fils d’un Breton d’Anjou et d’une puissante dame du Pays de Galles,
mais nulle part il n’est qualifié de Gallois, ce qui ne se justifierait pas en l’occu-
rence.
Bien entendu, le Château du Graal qui occupe tant de place dans l’oeuvre de
Wolfram, se trouve comme toute le reste et sans qu’il soit nécessaire de le dire, en
Bretagne, c’est-à-dire sur le promontoire occidental du continent. Nous aurons
bientôt l’occasion de montrer combien les faits géographiques confirment cette
opinion.
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XIII
LES LAIS : ORIGINE ET LOCALISATION
Prologue
I – Guigemar
II – Equitan
III – Le Frêne
IV – Bisclaveret
V – Lanval
VI – Les Deux Amants
VII – Yonec
VIII – Le Rossignol
IX – Milon
X – Le malheureux
XI – Le Chèvrefeuille
XII – Eliduc
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Marie cependant n’a pas été la seule à composer des lais d’inspiration breton-
ne armoricaine. Il en subsiste 11 autres dont les auteurs sont demeurés inconnus
et qu’on nomme pour cette raison Lais anonymes. Ce sont :
Le lai de Graelent
Le lai de Guingamor
Le lai de Désiré
Le lai de Tydorel
Le lai de Tyolet
Le Lai de l’Aubépine
Le lai de Mélion
Le lai de Doon
Le lai du Trot
Le Lai de Nabaret
Le lai du Libertin
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arthur, roi des bretons d’armorique
(nous). J’en ai entendu conter plusieurs et je ne veux pas les laiser oublier. J’en ai
fait rime et poème. Souventes fois j’y ai passé des veilles. »
Dans l’exposé de son projet, Marie nous dit avoir voulu réaliser une oeuvre.
Elle aurait pu tout simplement traduire une histoire du latin en français, mais il
y a déjà tant d’auteurs qui l’ont fait que cela ne l’aurait guère valorisé. C’est alors
qu’elle a pensé aux lais qu’elle avait entendus et dont elle connaissait un bon
nombre. Et elle en a fait des poèmes.
Il était donc courant pour une personne comme Marie d’entendre chanter
des lais. Mais qu’est-ce donc qu’un lai ?
Le dictionnaire d’Ancien Français de Larousse fixe l’entrée du mot dans la lan-
gue française chez Chrétien de Troyes en 1175 et lui attribue une origine celtique
dont viendrait l’irlandais laid. Ce serait « un petit poème en vers de huit syllabes
qu’on chantait en s’accompagnant d’un instrument de musique et qui consistait
le plus souvent dans le récit d’une aventure amoureuse ». Cette définition nous
paraît correspondre à certains égards aux poèmes de Marie, composés de fait en
vers octosyllabes. Mais nous n’avons aucune connaissance des modèles qu’elle a
suivis et nous serions bien en peine de dire en quoi consistait leur forme.
Cependant, si cela lui a coûté tant de peine et tant de veilles pour en faire ce
qu’elle en a fait, c’est qu’ils devaient différer sensiblement. Sans cela, il eût été
d’ailleurs parfaitement inutile de les adapter. Or ils devaient déjà être en vers,
puisqu’on les chantait. Le propos de surcroît est le même chez Marie et chez ses
devanciers : c’est de pas laisser oublier les aventures qu’ils content. Elle n’est pas
la première à les écrire, puisque d’autres avant elle ont entendu le récit des faits et
en ont fait un lai. Elle, en somme, d’un poème chanté, elle a fait un récit en vers.
Cela ne s’explique que si elle a dû vaincre une difficulté réelle pour y parvenir.
Ceux qui ont composé les lais, ce sont, de la façon la plus générale, nous le
saurons bientôt, li Bretons.
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Les Bretons ont donc composé leurs lais à partir de contes préexistants dont
l’auteur connaît l’existence et l’authenticité. Ces contes peuvent se rapporter,
comme ici, à des faits survenus en un temps ancien. Ce sont ces récits que Marie
entreprend ici de nous raconter brièvement. Dans cette version, ils sont donc
résumés.
Mais alors, ne sera-ce pas que les lais étaient chantés en breton et de ce fait
inaccessibles au public de langue française ? L’oeuvre de Marie aurait été alors de
mettre des poèmes bretons en vers français. Si l’on suit pas à pas l’exposé des mo-
tifs que nous fait la conteuse, l’explication s’impose, parce qu’on ne saisit pas quel
autre travail elle aurait pu avoir à faire sur des textes poétiques déjà composés.
Plusieurs titres d’ailleurs des œuvres qui vont suivre ce prologue, sont en
langue bretonne. Ainsi le Rossignol s’appelle Aüstic, le Loup-garou Bisclaveret.
L’auteur connaît le sens de ces termes et affirme que les Bretons appellent le lai
de cette façon. On imagine mal que le titre seul ait été en breton…
En tout état de cause, la matière paraît avoir été importante., puisque Marie
s’entremet pour rassembler des lais. A-t-elle écrit tout ce qu’elle avait entendu ?
Impossible, bien entendu, de le savoir.
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« De ce conte que vous avez entendu fut tiré le lai de Guigemar, qu’on joue à
la harpe et à la rote : bonne en est à entendre la note ».
On a ici la confirmation des v.19-21, à savoir que le récit a été mis en musique
et chanté avec accompagnement de harpe ou de rote.
La rote (en latin rocta, rota, rotta) était au moyen-âge une cithare qui résultait
de l’évolution de la lyre triangulaire antique à dix cordes dont on avait modifié la
forme et augmenté le nombre des cordes. L’affaire n’est pas simple toutefois, car
il y a un autre article dans du Cange, Chrotta, où l’instrument est défini comme
une flûte (lat. Tibia ; gallois et anglais, Crowde) ou par le grec krotalon, qui signi-
fie castagnettes… On y trouve cependant deux vers de Venance Fortunat (livre
7, chant 8, v. 62-63), où le poète mentionne successivement la lyre romaine, la
harpe barbare, l’achilienne grecque et la Chrotte bretonne.
Il est intéressant de savoir que Venantius Honorius Clementianus Fortunatus,
né en Italie du Nord vers 530 de notre ère, l’un des derniers poètes de la latinité
antique, avait parcouru la Gaule de l’est à l’ouest et au midi. Il connaissait de sa
naissance et de ses études à Ravenne les instruments de musique latins et grecs,
de ses séjours en Austrasie, à Metz notamment, la harpe barbare, et de ses rela-
tions étroites avec l’occident, la Chrotte bretonne. Il avait péleriné au tombeau
de Saint-Martin de Tours et plus tard s’était installé à Poitiers, où, ami de Rade-
gonde, il géra l’abbaye de Sainte-Croix. Il fut d’ailleurs élu évêque de Poitiers en
597 et mourut vers l’an 600.
Il ne pouvait ainsi manquer de connaître les Bretons installés sur la Loire, su-
pra Ligerim sitos, dont parlait Grégoire de Tours, son contemporain (638-594) et
collègue. Aux alentours de 590, ils étaient voisins, l’un à Tours, l’autre à Poitiers,
à 100 kilomètres l’un de l’autre. Même à l’époque des chariots mérovingiens,
deux clercs, écrivains l’un et l’autre, ne pouvaient s’ignorer à cette distance, ni
méconnaître leurs écrits, ni non plus rester sans savoir ce qui se passait à Varades
et à Ancenis, entre Angers et Nantes, dans la Bretagne Ligérienne. Fortunat ne
semble pas en revanche avoir fréquenté l’Ile de Bretagne et on a tout lieu de pen-
ser donc que sa connaissance de la Chrotta lui venait du continent.
En conclusion, on peut affirmer que la rote dont parle Marie de France au
XIIe siècle, était déjà en usage chez les Bretons Armoricains six cents ans plus tôt.
De là à penser qu’au temps de Grégoire et de Fortunat, ils composaient déjà des
lais pour les chanter en s’accompagnant de cet instrument, il n’y a qu’un pas.
Nous sommes ainsi conduit à la notion d’une poésie bretonne ancienne,
accompagnée d’une musique traditionnelle ou originale, développées l’une et
l’autre en Armorique dès le VIe siècle de notre ère. Impossible de dire bien sûr,
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si cet art résultait d’une longue tradition armoricaine, ou bien était venu de l’Ile
avec les immigrants des IVe et Ve siècles, ou les deux…
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Guigemar est un nom d’homme. Nous avons déjà mentionné la liste des sei-
gneurs du Léon, qui portent ce nom au XIe et XIIe siècles. Mais Guyomarc’h V
mérite ici toute notre attention. La Borderie remarque qu’il se montre d’abord
à nous, contrairement à ses prédécesseurs et successeurs, tous vicomtes, puis
comtes, comme le sire de Léon, Guidomarus, Leonensis dominus, dans un acte de
1173. Nous sommes à l’époque des Lais de Marie de France et il faut voir là sans
doute l’origine de l’expression sire de Lïun qu’elle emploie à propos d’Oridial.
Mais le seul comte de Léon qui ait pu avoir pour suzerain un duc Hoël est
Guyomarc’h II au XIe siècle. Hoël, comte de Cornouaille en 1058, devint duc
de Bretagne le 11 décembre 1066 et mourut le 13 avril 1084. Dès 1035 en effet,
à Guyomarc’h Ier a succédé Hamon. En 1065, nous rencontrons Morvan. Après
cette date et jusqu’en 1096, nous ne possédons aucune trace d’un vicomte de
Léon, mais il est évidemment possible que Guyomarc’h II, qui avait à cette date
un fils en mesure de partir à la Croisade, ait eu pour suzerain le duc Hoël avant
le décès de celui-ci en 1084. De toutes façons, son père l’a été certainement et
c’est bien lui, nommé Oridial et par ailleurs inconnu, qui est présenté ici comme
le vassal de Hoël.
Il y eut, il est vrai, un second Hoël, fils de Conan III au XIIe siècle, mais il fut
désavoué par son père et à la mort de celui-ci, en 1148, il fut supplanté par son
beau-frère Conan IV.
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Monde, et celle de la nef sans pilote qui assure le passage. Bien que l’auteur ne
nous donne pas le nom de la jeune femme, sa nature ne nous échappe pas. Elle
est belle en effet comme une fée,
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ce que leur père, par exemple, soit appelé l’Occidental. Ce titre le rapproche ce-
pendant étroitement de Kronan, la divinité du Couchant, Kornog, l’équivalent
de l’Ochidient.
Dans cette perspective qui nous est ainsi ouverte, nous serions tenté de voir
dans ces domaines princiers de Léon et de Cornouaille, la terre de Lug, Lu-
gdunum et la terre de Kronan, Kerne. Ces deux divinités se seraient partagé en
somme l’extrême occident. Le père, Kronan, encore appelé Ochidial, forcément
possesseurs des deux territoires, aurait légué le Sud à Gradlon et le nord à Guyo-
marc’h. Il est à remarquer que c’est du territoire de ce dernier, seigneur de l’île
d’Avalon, à savoir de la pointe de Saint-Mathieu de Fineterre, Loc Maze penn ar
bed, que s’en allèrent les moines armoricains en quête des îles d’Occident.
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moire, pour qu’on ne les mit pas dans l’oubli. Ils en firent un que j’ai entendu
conter et qui doit pas être oublié, (celui) d’Equitan qui fut bien courtois, sei-
gneur des Nanz, juge et roi. »
La confirmation en est apportée, comme souvent, dans les derniers vers du
poème :
Il est bien évident que li Bretun et cil de Bretaigne sont des expressions qui,
dans la seconde moitié du XIIe siècle désignent des Armoricains. Sinon, on le
précise, comme le fait l’auteur anonyme du Lai de Tyolet dans les premières
lignes de son ouvrage :
Tout au long des lais de Marie de France d’ailleurs, il ne subsiste à cet égard
aucune ambigüité. L’on sait toujours si elle nous parle des Bretons ou des Gal-
lois, de la Bretagne ou du Pays de Galles : les acceptions sont sans conteste celles
que nous connaissons de nos jours.
Le seul problème géographique posé par le lai d’Equitan consiste dans l’inter-
prétation à donner du terme les Nanz. On a parlé de Nantes et des Nantais, ce
qui n’est pas impossible, ou des nains, ce peuple de l’Autre Monde si fréquem-
ment présent dans la tradition armoricaine et cela est tout aussi probable, mais
aucune décision ne peut être prise et nous n’imaginons pas ici d’autre hypothèse.
Dans un cas comme dans l’autre, le caractère continental de l’œuvre apparaît
clairement.
Ici encore, on pourra noter que le nom de la femme n’est pas connu. Tout ce
qu’on sait d’elle est qu’elle est très belle et blonde, ce qui conviendrait une fois
encore à une fée.
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Ce nom signifie la Foudre en breton et il n’est sans doute pas sans raison. Il
existe en effet une relation bien connue entre le tonnerre et les arbres, c’est que
l’éclair les frappe et les enflamme. Mais l’auteur ici ne nous donne pas le sens
comme il le fait ailleurs. En revanche, il a manifestement traduit les prénoms des
jeunes filles. Fraisne constitue la version romane d’Onen, qui est bien connue
par ailleurs. Ainsi l’une des sœur du roi Judicaël, qui vivait près de lui au VIIe
siècle dans la région de Brocéliande, s’appelait-elle ainsi. Elle a laissé son souve-
nir dans le nom d’une fontaine à Trehorenteuc, dans le Morbihan, ainsi qu’au
village de Sainte-Onen-la Chapelle, non loin de là.
Le Frêne et le Coudrier
La sœur de Frêne se nomme Coudrier. Contrairement au mot français Cou-
drier, le mot roman Coldre pouvait être masculin ou, comme ici, féminin. Sa
transcription en breton donne Kollenn, mais cela ne peut donner lieu qu’à un
jeu de mots avec la notion de perte, de celle qui a perdu. Toutefois, une notation
beaucoup plus importante a été faite par La Borderie dans son Histoire de Bre-
tagne. A propos de ce nom, qu’il écrit La Coudre, cet auteur signale que dans la
paroisse de Saint Méloir des Ondes existe encore un gros village de ce nom, fief noble
au moyen-âge et seigneurie à juridiction et il en conclut que la jeune fiancée était
la fille de ce seigneur de La Coudre.
De fait le lieu est proche de Dol : on compte 20 kilomètres de l’un à l’autre
sur la carte routière. Toutefois Saint Méloir relevait à cette époque de l’évêché
de Saint-Malo et non du diocèse de Dol, et l’archevêque, titulaire de ce siège n’y
avait pas de pouvoir direct. La Borderie se trompe quand il écrit : C’est donc ici
simplement une aventure domestique d’une famille du pays de Dol, dont on a fait
un lai. Il s’agirait en fait d’une famille du Pou-Alet, c’est-à-dire du Pays de Saint-
Malo.
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Il existe également, cette fois sur l’ancien territoire archiépiscopal de Dol, une
commune du nom de La Fresnais, à 13 kilomètres de la cathédrale. La Fresnais
est séparée de Saint-Méloir-des-Ondes par le territoire d’une paroisse dépendant
autrefois de Saint-Malo, La Gouesnière, et de cette dernière commune par un
bief du marais de Dol, appelé aujourd’hui le canal des Allemands.
On peut donc se demander s’il n’y a pas là une affaire territoriale. La Coudre
et La Fresnais sont deux terres jumelles, mais La Fresnais a été rejetée par sa mère
(Saint-Malo) et adoptée par l’abbesse de Dol, elle est aimée par le sire de Dol.
A celui-ci, on propose de s’unir La Coudre, mais la vérité éclate : c’est bien La
Fresnais qui est unie à Dol et non La Coudre.
Il est bien clair que si proches voisins qu’ils fussent de Dol, les parents n’y
étaient pas chez eux, puisqu’ils retournent en leur pays, y ramenant la Coldre,
leur fille, qui fera ensuite, en échange de sa compréhension, un riche mariage
en leur contrée, c’est-à-dire au Pays de Saint-Malo. La Coudre sera unie à Saint-
Malo et non pas à Dol, avec la bénédiction de l’archevêque qui a autorité en tant
que tel sur les deux évêchés.
Le loup-garou
Autre histoire bretonne armoricaine, celle du loup-garou. Un baron de Bre-
tagne avait le pouvoir, ou le triste destin, de se transformer en loup. Pour cela, il
devait se dévêtir et cacher ses habits : en effet, s’il ne les retrouvait pas, il demeu-
rait loup sans jamais revenir à la forme humaine. Il l’avoua un jour à sa femme,
à son grand dam, car celle-ci n’eut de cesse que de comploter avec son amant et
de s’emparer des vêtements, alors que son mari était parti dans son équipée.
Il disparut donc, la femme épousa son ami et cela dura jusqu’au jour où le
loup rencontra le roi qui chassait par là. Il sut se mettre sous la protection de son
seigneur qui l’adopta. Mais, à l’occasion d’une fête, l’animal s’en prit à son rival
avec violence, puis il attaqua de même son ancienne épouse. La dame présentée
au roi, dut avouer et rendre les vêtements. Il reprit ainsi sa forme d’homme, tan-
dis que le couple maudit devait prendre la fuite. Ils eurent cependant beaucoup
d’enfants, mais leur lignage eut cette curieuse particularité que bien des femmes
y appartenant « sans nez sont nées » (senz nees sunt nees).
Personne dans cette affaire n’est désigné par un nom qui lui soit propre. Seul
le mari légitime est désigné comme le Bisclavret, ce qui indique son état de loup-
garou :
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Le Garulf des Normands, d’où est venu le Garou français, n’est autre que le
Verwolf germanique. En revanche, Bisclavret reste peu clair. En breton moderne,
nous disons d’un loup-garou, un den bleiz, un homme-loup. La seule interpré-
tation que l’on ait pu donner de ce nom suppose que bisc soit une déformation
de Bleiz, le loup, auquel cas l’expression devient Bleiz lavaret, (celui qu’) on dit
(être) loup. Toutefois ceci est loin d’être satisfaisant.
L’origine armoricaine du lai ne fait néanmoins aucun doute. Outre le fait que
les autres langues celtiques ne concourent pas à faire entendre la dénomination,
les mentions de la Bretagne sont pures de toute indication d’Outre-Manche
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Nous savons bien grâce à Chrestien de Troyes que la mythique Avalon est
sous la dépendance de la Bretagne Armoricaine, puisque, nous l’avons dit, son
seigneur n’est autre que Guyomarc’h de Léon, frère de Gradlon Meur de Cor-
nouaille.
La seule partie du texte qui détone à cet égard, c’est la localisation de Kardoeil
et du royaume de Logres à proximité des Ecossais et des Pictes, conforme il est
vrai aux conceptions du XIIe siècle. Mais cette mention apparaît ainsi plutôt
comme une concession à l’opinion publique depuis Geoffroy de Monmouth,
qu’une affirmation plus sérieuse. Au minimum, l’on dira qu’il s’agit d’un conte
breton armoricain qui intègre des données d’Outre-mer.
Le nom de Lanval a été mis en relation avec le mot Lanw, qui existe en gal-
lois comme en breton, et signifie le flux de la mer. L’on ne sait trop que tirer
de ce sens, mais ce qui est certain, c’est qu’il existe un village appelé Lanval,
aujourd’hui prononcé Lawal, à 1500 m environ de la Pointe du Raz. En dépit de
sa position assez élevée, ce pourrait être l’endroit qu’atteint l’effort suprême du
flux les jours de tempête.
Les lieux dits Lanval sont en tous cas étroitement liés au mythe. Nous som-
mes ici à la jointure des deux mondes, tout comme le flux qui amène et ramène
de l’Autre Monde vers le nôtre. L’on dit d’ailleurs que l’étang voisin, situé au
fond de la Baie des Trépassés, et qui se nomme aussi Lawal, recouvre la ville d’Ys.
La flèche littorale qui le sépare de la grève, constitue traditionnellement le lieu
d’embarquement vers les îles du Couchant.
Aussi les gens de ce pays du bout du monde allaient-ils naguère répétant à qui
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Comme il arrive fréquemment, l’origine nous est bien confirmée dans les
derniers vers :
Le roi des Pitrois qui régnait sur le Val de Pitres avait mis pour condition
au mariage de sa fille que son prétendant devrait la porter, sans s’arrêter, jus-
qu’au sommet de la montagne voisine. L’amoureux de la demoiselle, après s’être
concerté avec son amie, se rend à Salerne, l’illustre faculté de médecine, pour s’y
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Le seigneur, vieux mari, dont l’auteur du lai veut nous entretenir, habitait
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lieux de Bretagne qui figurent dans les lais de Marie de France. L’on s’aperçoit
en effet que, Nantes mis à part, les seules cités de Bretagne que notre poétesse
connaisse, au moins dans son texte, sont Dol, Saint-Malo et le Mont Saint-
Michel. Nous venons de rencontrer Pîtres en Normandie, peut-être en relation
plus ou moins directe avec la métropole de Dol et le culte de saint Malo. Tout
ceci nous incline à nous demander si le saint Aaron de Marie n’est pas celui de la
capitale malouine plutôt que celui de Caerleon sur Usk.
En tout état de cause, la seule localisation d’ensemble clairement définie est
celle de la Bretagne. Quant aux noms de personnes, ils viennent bien vite en
confirmation de la situation en Armorique. On remarque que ces seigneurs ont
pour noms des formes armoricaines en – ec : Yonec et Muldumarec. C’est impos-
sible pour des Gallois qui s’appellerait normalement Owenoc et Muldumaroc.
Yonec est sans doute une forme évoluée d’Yvonec. Quant à son père, c’est sans
doute un marhec – chevalier en breton –, mais ce ne peut être un marhoc – che-
valier en gallois –.
Où se trouve le Daoulas ?
Mais on nous a dit que le vieux seigneur jaloux, dont nous ignorerons tou-
jours le nom, habite à Caerüent sur le Duelas. Certes en vertu de notre condi-
tionnement, nous pensons tout de suite à l’ancienne Venta Silurum en Galles,
tout proche de Caerleon sur Usk. Mais quel est, au fait, le nom du ruisseau qui
arrose Caerwent-Venta Silurum ? Le Dulais est un affluent du Val de Neath, près
d’Abertawe, beaucoup plus à l’ouest. De toutes façons, on ne voit guère des nefs
remonter l’un ou l’autre.
Le nom de Venta à l’époque romaine et sans aucun doute auparavant, n’était
pas le propre des Silures, même en Grande-Bretagne : des agglomérations ainsi
nommées se retrouvaient chez les Belges du futur Hampshire et chez les Icéniens
de l’actuel Norfolk. Winchester en effet s’appelait Venta Belgarum et c’est vrai-
semblablement au voisinage de Norwich que se situait Venta Icenorum. Plus que
le peuple des Silures, d’ailleurs, nous est connu, par Tacite, celui des Icéniens.
Boudicca, leur reine, mit sur pied une armée de coalition contre les troupes
d’Agricola, détruisit et pilla de fond en comble deux colonies romaines et finit
vaincue, mais non sans gloire, et plutôt que de tomber vivante aux mains de
l’ennemi, elle s’empoisonna.
Rien ne permet donc d’identifier comme l’a fait Geoffroi, une ville de Venta,
même sous la forme plus récente de Gwent, avec le Caerwent gallois. Mais, outre
129
arthur, roi des bretons d’armorique
130
arthur, roi des bretons d’armorique
aux alentours. Cette altitude permet en effet la surveillance de la route, ainsi que
le contrôle de la vallée parallèle et de son passage.
Les deux endroits dont nous venons de parler, se caractérisent par des qualités
défensives analogues, dans un environnement de communications antiques, voie
importante, rivière et port. L’un et l’autre ont pu servir de résidence à un chef de
guerre. Cependant il n’existe à l’entour aucun cours d’eau du nom de Daoulas.
Une fois encore les Bretons ont fait un lai et l’on ne saurait avoir de doute
sur l’origine, insulaire ou continentale, puisque l’auteur nous dit bien vite que
la scène se passe à Saint-Malo, donc en Bretagne armoricaine. Marie, qui, outre
le français, connaît l’anglais et le breton, nous précise le nom du rossignol dans
ces langues. Aüstic correspond bien, de fait, avec le moderne eostig, tandis que le
gallois dit simplement : eos.
Pour affirmer ses dires à ce sujet, Marie n’hésitera pas à se répéter à la fin du
poème :
§ v. 159-160 : Un lai en firent li Bretun
e l’Aüstic l’apelë hum.
131
arthur, roi des bretons d’armorique
Nous sommes donc là en présence d’une gwerzh armoricaine typique, créée par
des Bretons, vraisemblablement en breton, et rapportée par Marie de France.
En dépit de ces affirmations, il semble bien que le nom de Milon soit une
forme armoricaine. Il est d’ailleurs connu ainsi en Bretagne continentale, à l’épo-
que moderne. Albert Deshayes, qui a étudié les patronymes de ce pays, d’un
temps, il est vrai, beaucoup plus tardif, relève en effet la trace d’un Millon en
1694 à Quimper ; d’un Milon en 1710 et d’un Le Milon, en 1711 dans la même
ville. Selon cet auteur, « il est probablement différent de milon « bête, insecte »
et aussi « âne », dérivé du breton mil « animal », mot encore en usage en moyen
breton » et, après avoir noté « que Milon était le nom de plusieurs personnages
de chansons de geste », il ajoute que « Ce nom se montre en composition dans
le lieu-dit Kervilon en Penmarc’h (29). » Le lexicographe Favereau donne pour
milon : mulet et monture, avec référence au gallois milyn. Effectivement, les mots
mil et millyn existent en gallois moderne au sens d’animal.
Cependant, on est tenté de se référer tout autant à la famille sémantique déri-
vée du latin miles, soldat et au moyen âge chevalier, qui a donné milwr en gallois
et millour en breton.
132
arthur, roi des bretons d’armorique
En tout état de cause, Milon semble bien breton armoricain, puisque l’équi-
valent gallois reste Milyn.
Après un court prologue, Marie de France nous conte comment le chevalier
devint amoureux d’une jeune fille qu’il rendit enceinte. L’accouchement eut lieu
en secret et l’enfant fut confié à sa tante maternelle qui vivait en Northumber-
land.
§ v. 69 : a ma serur l’en porterez,
ki en Norhumbre est mariëe
« A ma soeur vous le porterez, qui est mariée en Northumber(land). »
133
arthur, roi des bretons d’armorique
les Flamands et les Français, mais il n’y eut guère d’Anglais. Milon y est allé le
premier … »
Oui, mais Marie ne nous dit pas de quel pays sont ces anciens auteurs ?
Quatre territoires bien distincts sont en effet représentés dans le lai de Milon :
le Sud-Galles – Karlïun est cité nommément vers 183 – où est né le héros et
où semble-t-il commence l’histoire ; le Northumberland, où habite la soeur de
l’héroïne, notamment vers 451 ; la Normandie où l’on passe pour se rendre de
Southampton à Barbefluet (sans doute Barfleur) et de là en Bretagne ; enfin la
Bretagne elle-même. Bien que le Loegres figure, en tête du récit, parmi les pays
dans lesquels Milon est connu, aucun nom n’est jamais employé pour désigner
l’Ile, l’ensemble formé notamment par le Sud du Pays de Galles et le Northum-
berland et l’on ne sait si le Loegres désigne l’Angleterre ou tout autre territoire.
En revanche, Bretagne désigne toujours, à l’évidence, la Bretagne continentale et
une importance particulière est donnée au Mont Saint-Michel.
L’histoire en somme est celle de Gallois qui viennent chercher aventure en
Bretagne et y trouver le dénouement de leur drame. C’est une fois encore la
région nord-est de la péninsule qui se trouve en cause et la frontière même de la
Bretagne du XIIe siècle. Le nom de Milon, le seul donné, apparaît comme une
forme armoricaine. Dans ces conditions, il nous semble justifié de considérer
le lai d’origine comme breton, du diocèse de Dol ou de celui de Saint-Malo. Il
134
arthur, roi des bretons d’armorique
compte en effet une histoire survenue à des frères d’Outre-mer, mais avec une
importance toute particulière donnée à la contrée qu’affectionne manifestement
Marie de France et d’où elle tire nombre de ses récits. Les Anciens sont li Bretun
des autres lais, qui ont continué ici leur office.
Parmi les étrangers participants du tournoi sont cités notamment les Français,
135
arthur, roi des bretons d’armorique
On notera que, curieusement, son pays ici devient la Cornouaille : est-ce seu-
lement parce que la reine y demeure ou parce qu’il s’agit bien de son vrai pays ?
Il ne s’émeut pas tout de suite de la reine, mais d’abord de sun païs. L’auteur
semble donc faire une différence entre le Sud-galles où Tristan est né, peut-être
par hasard, et le domaine de ses ancêtres, la Cornouaille…
Le héros y revient donc. Il attendra Yseult sur la route de Tintagel, jettera
devant son cheval une branche de noisetier autour de laquelle s’enroule un chè-
vrefeuille. Ainsi est provoquée la rencontre des amants, que Brenguein, la ser-
136
arthur, roi des bretons d’armorique
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arthur, roi des bretons d’armorique
« D’un très ancien lai breton, le conte et tout le sujet je vous dirai, ainsi que je
l’entends, la vérité à ma connaissance. En Bretagne il y eut un chevalier… »
Le nom d’Eliduc a été rapproché de celui d’Iltud par Albert Deshayes. Quant
à Guildelüec et Guilianton, l’aspect breton et même sud-armoricain en est abso-
lument indéniable. On remarquera en particulier le Gu – initial où le u a valeur
de semi-consonne, comme le w dans son analogue gallois et nord-armoricain
Gw –. Les deux vocables commencent chacun par deux syllabes identiques de
l’un à l’autre, les deux phonèmes Guili – ou Guil – .
L’on pense évidemment à la forme bretonne de Guillaume, Gwilherm, mais
aussi Gwilhou. Ce dernier mot, parfois plus simplement Gwilh, s’entend aussi
du diable, du loup, de la mésange, du goéland et du petit pingouin. Mais on
ne peut manquer de s’attacher au sens de deux verbes, l’un Gwilioudin, l’autre
Gwiliourin. Le premier signifie accoucher, le second « être d’humeur galante,
érotiser » et aussi les formes nominales françaises correspondantes, en particulier
« érotisme ». La situation du héros de ce lai, qui conte en somme le triomphe de
l’adultère, voire de la bigamie, nous inclinerait à chercher dans ce sens. Le diable
(Gwilh) en effet ne se mêle guère de cet affront à la morale chrétienne.
Le personnage en question a deux femmes. La première, nommée Guildelüec,
il l’a épousée avant son différend avec son suzerain. Mais voilà que, chassé par
celui-ci, il s’en va dans le royaume de Loegre, à Toteneis, puis à Excestre. Ces
deux villes ne sauraient, c’est évident, être différentes de Totnes et d’Exeter en
Devon britannique.
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arthur, roi des bretons d’armorique
Eliduc se met au service du roi d’Excestre, défait ses ennemis, et, devenu gar-
dien du royaume d’Excestre, il prête serment au roi. C’est alors que notre héros,
séparé de son épouse par l’étendue de la mer, tombe amoureux d’une charmante
personne nommée Guilliadun. Celle-ci accepte son amour en lui faisant parve-
nir un anneau et sa ceinture et ils deviennent amants.
Sur ces entrefaites, le roi de Petite-Bretagne rappelle son vassal qui doit pren-
dre congé du roi d’Excestre et quitter son nouvel amour. De l’autre côté de la
mer, il retrouve Guildelüec, mais il ne tarde pas à repartir secrètement à Excestre
et à en ramener Guilliadun. La tempête les assaille au retour et notre bigame se
voit dans l’obligation d’avouer toute la vérité à sa seconde épouse. Guilliadun
a perdu conscience : au débarquement, elle est déposée comme morte dans une
chapelle dans une forêt.
Dès lors et en dépit de l’espionnage de Guildelüec, Eliduc va et vient entre les
deux femmes, celle qui vit et celle qui dort, tant et si bien que Guildelüec finira
par découvrir la chapelle de sa rivale.
Là elle voit deux belettes : l’une d’entre elles vient d’être tuée, l’autre lui met
dans la gueule une plante qu’elle a été chercher spécialement et la ressuscite.
Ainsi fera donc Guilladuec : elle prendra la même herbe, la mettra dans la bou-
che de la demoiselle endormie et ainsi la réveillera. Puis elle ramènera chez elle
la maîtresse de son mari.
Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, tout se passe très bien dès lors. Le
brave chevalier
ce qui décide la première femme à se retirer dans un monastère pour laisser les
amants en paix. Et pour finir, après tant de liesses, le mari comblé envoya la se-
conde rejoindre la première et se retira lui-même au couvent.
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arthur, roi des bretons d’armorique
Les auteurs de cette chanson, li anciën Bretun curteis, nous rappellent tout à
fait les Anciens qui composèrent Milon et dont nous pensions déjà qu’il s’agis-
sait de Bretons. Le second point intéressant de cette remarque, c’est l’antiquité
de ces chants, que Marie renvoie loin dans le passé. C’est donc d’une littérature
orale – et pourquoi pas écrite, après tout ? – de Bretagne Armoricaine et sans
doute multiséculaire, qu’il s’agit ici. Contrairement à ce qu’on a toujours dit à ce
sujet, et Jean Marx naguère encore, notre pays possédait donc bien une tradition
poétique, et disons-le bardique venue jusqu’au temps de notre auteur. Par delà
les lais que nous venons d’étudier, cela implique la très grande possibilité d’une
transmission et d’une composition de la légende arthurienne sur le continent,
en Armorique.
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arthur, roi des bretons d’armorique
7 Yonec : Lai d’origine non précisée. Les formes des noms sont bretonnes.
L’action se passerait en Galles (Caerüent sur la Duelas, Caerlion), mais
nous savons déjà ce qu’il faut penser de ces localisations outre-Manche,
et il reste très vraisemblable que les chants sont d’origine armoricaine.
8 Le rossignol : Lai breton dont l’action se passe à Saint-Malo.
9 Milon : Lai d’origine non précisée : c’est un lai fait par les Anciens. Qua-
tre pays en cause : deux insulaires et deux continentaux dont la Bretagne
qui semble jouer un rôle prépondérant.
10 Le malheureux : Lai d’origine non précisée, mais qui se passe entièrement
à Nantes, en Bretagne.
11 Le chèvrefeuille : Lai composé par Tristan lui-même. Il n’est question ici
que du Pays de Galles et de la Cornouaille(s). Le mot de Bretagne n’est
pas prononcé, celui de Bretons non plus.
12 Eliduc : Lai breton très ancien, dont l’histoire se déroule des deux côtés de
la Manche, en Devon et en « Petite Bretagne ». Exeter et Totnes sont dési-
gnés comme le Pays de Logres et jamais comme la Bretagne. Les auteurs
en sont les Anciens Bretons.
On est ainsi amené au bilan suivant, valant pour les douze poèmes étudiés.
Lais d’origine bretonne armoricaine : 11. Tous sauf peut-être le lai du Chè-
vrefeuille.
Lais mentionnant la Bretagne armoricaine : 10. Tous sauf le lai du Chèvre-
feuille et celui des Deux Amants, lequel cependant a été écrit par des Bretons.
Le Pays de Galles est mentionné trois fois, mais jamais seul : une fois avec la
Cornouailles, une fois avec Logres (en fait le Devon), une fois avec la Bretagne
et le Northumberland.
La Cornouailles est mentionnée une fois avec le Pays de Galles.
Logres est mentionné deux fois, dont une fois seul.
La Normandie est mentionnée deux fois dont une fois seule.
La Bretagne est mentionnée six fois seule, une fois avec Logres (Devon), une
fois avec le Pays de Galles et le Northumberland, une fois avec la Normandie.
En somme, un seul sur douze (8,33%), le lai du Chèvrefeuille, serait totale-
ment étranger à la Bretagne armoricaine. Il faut bien entendu tenir compte de la
mode qui veut à cette époque que la légende du roi Marc’h, de Tristan et d’Yseult
se passe en Cornouailles britannique. Si l’on pense comme nous le faisons, qu’il
s’agit en fait de la Cornouaille armoricaine, le lai en question ressort dès lors à
la Bretagne.
Quant aux villes, l’on en remarque deux galloises ou prétendues telles : Cae-
141
arthur, roi des bretons d’armorique
rüent sur le Duelas en particulier laisse place au doute. Seule Tintagel pourrait
être attribuée à la Cornouailles britannique, mais nous avons dit, comme pour
Caerleon en « Galles » ce qu’il faut en penser. Aucune autre ne figure dans les
lais de Marie, en particulier ni Bodmin, ni Liskeard. En revanche, deux cités du
Devon, Totnes et la capitale Exeter.
Sur le continent, quatre noms de lieux sont cités : Nantes, Saint-Malo, Dol et
le Mont Saint-Michel. Toutes ces villes appartiennent à la Bretagne orientale et
très particulièrement à l’extrême nord-est de la Bretagne historique. Elles relè-
vent de ce territoire qui a cessé de parler breton à partir du XIe siècle, et souvent
plus tardivement. Nous avons déjà soupçonné l’importance du bilinguisme dans
la transmission à la francophonie, de la littérature en langue bretonne. En ce qui
concerne Saint-Malo en particulier, Erwann Vallerie a bien montré que la ville
est restée bretonnante jusqu’à la fin du XIIe siècle et certaines paroisses autour de
Dinan, tels que Brusvily et Calorguen, jusqu’au XIVe siècle.
142
arthur, roi des bretons d’armorique
vers nous précisent en effet que les lais, dont celui-ci évidemment, se chantent,
qu’ils sont composés de paroles et de musique.
Les parents de Graelent étaient bretons et lui-même nous est présenté comme
un vassal du roi de Bretagne. Il va de soi, dans le contexte, que c’est là Bretagne
armoricaine et rien d’autre.
L’histoire fut connue de toute la Bretagne :
Si l’on doutait encore que tout se passe ici sur le continent, ce petit mot de
Mor entraînerait la conviction, car la forme est armoricaine et non point gal-
loise.
143
arthur, roi des bretons d’armorique
En Normandie conversa
e en Bretaine turneia.
Des Franceis fu mut alosez
e de tuz altres gens amez ;
« Il demeura en Normandie et fit des tournois en Bretagne.
Des Français il fut très vanté et de tous les autres gens aimés. »
144
arthur, roi des bretons d’armorique
Le personnage est qualifié plus loin de sires des Bretons et pour qu’aucune
confusion géographique ne soit possible l’auteur nous assure bientôt que
En fait, Tydorel sera le fils d’un homme de l’Autre Monde qui se rend dans
son domaine en plongeant avec son cheval dans un lac. Par rapport aux lais que
nous avons lus précédemment, les rôles sont ici inversés : c’est la dame qui est
mortelle et le seigneur qui est fée. Le jour où les amants sont surpris, ce dernier
disparaît. Cependant la reine a mis au monde un garçon, Tydorel, qui passe aux
yeux de tous pour le fils du roi. Une étrangeté de son comportement toutefois
signe sa véritable nature : il ne dort jamais et s’entoure la nuit de conteurs qui
lui font passer le temps. A la mort du roi, il lui succède et règne dix ans sur la
Bretagne, après quoi il se rend à son tour à Nantes où il apprend de sa mère sa
145
arthur, roi des bretons d’armorique
véritable origine. Il va alors à cheval jusqu’au lac, y plonge comme le faisait son
père, et disparaît à tout jamais.
Incidemment, dans les dires du Fée qui annonce à son amie la durée de leur
amour et les enfants qui leur viendront, nous avons appris qu’ils auraient aussi
une fille de qui naîtraient deux garçons. Eux aussi auront une particularité qui
rappellera leur origine : ils dormiront beaucoup plus que les individus de notre
monde. Et l’affaire prend une allure franchement dynastique quand l’ancêtre en
puissance affirme :
146
arthur, roi des bretons d’armorique
siècle a pour héros un certain Tyolet et que ces deux mots commencent l’un et
l’autre par la syllabe Ty qui signifie Maison, écrit dans l’orthographe du moyen-
breton en usage à cette époque.
Tydorel trouverait facilement un sens conforme aux particularités du conte.
Ce pourrait être en effet la Maison d’eau, plus ordinairement écrit Ti Dourel en
breton moderne bien que la prononciation dor avec o long existe toujours.
147
arthur, roi des bretons d’armorique
de l’Aon et l’étang de Lawal. Cette étendue d’eau qu’une flèche littorale coupe
de la mer, porte le même nom, nous l’avons dit, que le village voisin et cette
pronociation moderne a supplanté l’ancienne, encore marquée dans l’orthogra-
phe, Lanval. Nous en avons bien sûr parlé plus haut à propos du lai de Marie de
France dont le héros porte ce nom. C’est une coîncidence bien digne de remar-
que que les deux lais trouvent ainsi des racines topographiques à moins de deux
kilomètres l’un de l’autre
148
arthur, roi des bretons d’armorique
armoricaine qui se manifeste aussi clairement dans d’autres lais, dans l’hagiogra-
phie et dans les contes traditionnels.
Certes l’aventure est située d’emblée
et l’indication nous est même précieuse par ce qu’elle nous permet de confirmer
qu’à l’époque où fut composé le lai, la Bretagne, sans précision, c’était le pays ar-
moricain, et que pour faire entendre une autre localisation, il était indispensable
de le dire et de se référer au passé.
149
arthur, roi des bretons d’armorique
e en escrit em parchemin,
por ce qu’encor tel tens seroit
que l’en volentiers les orroit.
« Les clercs savants qui étaient alors, les faisaient écrire entièrement ; elles
étaient mises en latin et en écrit sur parchemin parce qu’encore serait un temps
où on les entendrait volontiers. »
Les récits arthuriens, selon la tradition rapportée ici, auraient donc été mis
par écrit dès leur composition, en latin et bien entendu par des clercs. Autre-
ment dit, nous serions ici en présence d’une transmission analogue à celle que
connurent les textes irlandais antiques, écrits par les moines des premiers siècles
chrétiens. La différence, c’est que lesdits textes ne pouvaient être considérés que
comme des « fables », tandis que notre auteur ici veut faire passer ses récits pour
des aventures réelles survenues à des chevaliers bretons.
Si l’on suit bien la logique du discours tenu ici, ce sont les Bretons eux-mêmes
qui auraient fait la traduction du latin en roman sous la forme de lais et cette
nouvelle composition ne daterait pas de l’époque présente, mais assez lointaine-
ment déjà, de celle de nos ancêtre.
Le présent lai de Tyolet est l’un de ceux-là. Le compositeur du lai est celui qui
nous parle et il opère à partir d’un conte qu’il sait, mais il ne nous dit pas com-
150
arthur, roi des bretons d’armorique
ment. Il semble être parti d’un récit oral en prose, un conte, et non d’un poème
dit ou chanté.
L’origine des récits arthuriens est donc rapportées à une époque très lointaine
puisqu’ils demeurèrent un temps indéterminé, apparemment assez long, sous
forme d’écrits avant d’être repris par les ancêtres de l’auteur. Cela correspond
obligatoirement à un certain nombre de siècles.
L’on doit donc admettre que selon cette version des faits, les récits furent
faits à la cour des rois en breton et que le rôle des clercs fut non seulement de
les écrire, mais d’abord de les traduire en latin. Quand on les reprit par la suite,
on se serait emparé non d’une tradition orale vivante, mais d’une lettre morte à
laquelle on redonnait vie immédiatement en roman.
Cependant l’auteur ne parle que par ouïe-dire puisqu’il fait remonter à un
lointain passé, au temps de ses propres ancêtres, cette dernière opération de
mise en oral et en oral roman. Il n’a pas tiré son récit des textes latins qu’il ne dit
même pas avoir vus, mais d’un conte, vraisemblablement dit en roman.
Nous n’avons pas la moindre trace, ni sur le continent, ni en Grande-Bre-
tagne, des prétendus manuscrits latins qui auraient contenu la tradition arthu-
rienne. Un seul toutefois : l’anthologie anonyme, prêtée à Nennius, conservée à
Chartres et à Oxford, dont nous avons parlé au début de cet ouvrage, et dont
aucune partie ne ressemble à un conte.
Quoiqu’il en soit d’ailleurs, à l’heure où parle notre auteur, la tradition orale
est reprise depuis belle lurette et c’est à une tradition orale romane qu’il se réfère,
elle-même branchée sur des manuscrits anciens.
Une telle assertion, si elle était avérée dans toutes ses parties, repousserait cer-
tes la traduction du breton bien au-delà de l’époque à laquelle nous la plaçons,
mais en aucun cas ne saurait aller à l’encontre de notre thèse sur l’origine armo-
ricaine de la légende arthurienne, bien au contraire. En effet si la mise en roman
des contes latins remonte aux ancêtres de l’auteur du lai, on est amené à penser
que cette opération est antérieure à 1066, date de la conquête de l’Angleterre par
les Normands et de la diffusion de la langue romane dans l’île et qu’elle ne peut
donc avoir eu lieu que sur le continent, à partir de manuscrits conservés en Bre-
tagne ou dans le royaume franc dans des villes d’influence bretonne armoricaine
comme Chartres ou Montreuil-sur-mer.
Le processus du passage breton-latin-roman reste cependant, dans l’état ac-
tuel des choses, hypothétique et ne saurait s’imposer à la place de notre propre
hypothèse sur la traduction du breton en roman à la fin du XIe siècle. En outre il
y a pu y avoir coexistence de textes écrits en latin et d’une tradition orale vivante
en breton : les oeuvres romanes du XIIe siècle pourraient provenir de cette dou-
151
arthur, roi des bretons d’armorique
ble source. C’est ainsi que la mise par écrit des textes mythologiques irlandais au
VIe siècle n’a pas empêché certains personnages divins comme le Goban Saer de
posséder un cycle de contes, transmis oralement jusqu’à nos jours.
L’histoire se déroule en Bretagne et les auteurs du lai sont des Bretons qui lui
ont donné son titre :
En Bretaigne ot un damoisel
« En Bretagne, il y eut un jeune homme… »
et plus loin :
152
arthur, roi des bretons d’armorique
« De l’aventure que j’ai dite, les Bretons en firent un lai. Pour ce qu’elle advint
au gué, les Bretons n’ont pas décidé que le lai reçut de nom si ce n’est le nom de
l’Epine. »
Résumons-nous, car cette dizaine de lignes contient plusieurs affirmations
qui nous intéressent :
1° Les histoires (les estores) qui constituent la matière des lais sont conservées
au monastère quasi-mythique de Saint-Aaron d’un non-moins mythique
Caerlion, dont, une fois de plus, on ne nous dit rien de précis.
2° Elles sont par ailleurs bien connues en Bretagne sous leur forme orale.
En l’absence de toute détermination, il s’agit évidemment de la Bretagne
Armoricaine.
3° Ces histoires sont répandues hors de Bretagne, « en plusieurs lieux ».
4° L’aventure ici contée se déroule en Bretagne.
5° Ce sont les Bretons qui ont composé le lai de l’Epine et qui lui ont donné
ce titre.
Une autre source d’intérêt pour notre sujet se trouve dans une vingtaine de
vers où l’on nous conte que le roi, huit jours avant la Saint-Jean réunit ses cheva-
liers après la chasse et le souper, pour une soirée dont voici le programme :
153
arthur, roi des bretons d’armorique
Bretagne sont vues. Parmi eux, il y avait une jeune fille. Elle dit : Au gué de
l’Epine, en la nuit de la saint Jean, il en arrivait plus qu’en toute l’année… »
Nous sommes en mesure de continuer nos constatations :
6° Un Irlandais apparaît ici comme chanteur de lais. Il s’accompagne de la
rote, cet instrument que nous avons déjà rencontré en compagnie de la
harpe et sur lequel nous nous sommes expliqué à propos du premier lai
de Marie de France, Guigemar.
7° Deux titres de poèmes par ailleurs inconnus sont mentionnés ici, celui
d’Aiëlis, qui ne nous évoque rien, et celui d’Orphée, qui se rattache ma-
nifestement à une source classique grecque.
8° La partie chantée de la soirée une fois terminée, les chevaliers passent aux
récits d’aventures les plus célèbres en Bretagne. Nous aurons l’occasion
de retrouver cet usage, plus ou moins différent, dans le Lai du Liber-
tin, à propose de la fête de Saint-Pol-de-Léon. Notons dès maintenant
l’existence en Bretagne à cette époque d’un stock de récits aventureux ou
merveilleux, qui constituent à n’en pas douter à la fois la riche littérature
bretonne de cette époque, en perpétuelle création d’ailleurs, mais aussi
la source où sont venus puiser les conteurs et les chanteurs de langue
romane, ainsi que les écrivains de la légende arthurienne. Il est remarqua-
ble qu’on n’ait pas cessé de nier l’existence de cette tradition littéraire en
Bretagne armoricaine, alors même qu’elle est mentionnée ici et dans le lai
du Libertin, alors même qu’elle s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Notons
aussi que cet usage très vivant au XIIe siècle de la soirée de présentation et
de créativité au cours de ce que nous appellerions aujourd’hui un fest-noz,
une Fête de nuit. Hormis la distinction de forme à reconnaître entre la
soirée aristocratique de cette époque et la liesse populaire de la nôtre, il
n’existe pas de différence essentielle entre la réunion du Lai de l’Epine et
la fête traditionnelle avec chanteurs et conteurs qui se perpétue en notre
fin du XXe siècle.
9° L’intervention d’une meschine, c’est-à-dire une jeune fille ou une femme
seule, évoque bien évidemment l’idée de la fée, toujours présente dans
la tradition arthurienne et bretonne armoricaine en général. Ce qu’elle
nous raconte d’ailleurs nous plonge immédiatement dans les merveilles
de l’Autre Monde. Voici le gué, frontière entre le concret quotidien et le
pays des mythes. Voici l’Aubépine, encore appelé le mai en français pour
avoir été pendant des millénaires le symbole de la fête celtique du 1er
Mai, Beltan, répandu dans les régions occidentales de l’Europe. Voici la
Saint-Jean, autrement dit le Solstice d’été et son rapport noté déjà ailleurs
154
arthur, roi des bretons d’armorique
avec la fête de mai. Voici le cheval de l’Autre Monde présent dans celui-
ci.
10° La traduction du mot Espine par Aubépine ne nous paraît pas nécessaire.
Il vaudrait mieux garder le mot Epine qui en dit plus. En breton, le terme
analogue Spern comprend de façon synthétique deux arbustes voisins,
l’Aubépine, Spern gwen ou Epine blanche, et l’Epine noire, Spern du. La
première est le symbole du printemps de Beltan, en même temps que ce-
lui de l’Autre Monde que lui vaut sa couleur blanche. La seconde a un ca-
ractère défensif, qu’avait également le mot roman Epine, puisque l’Epine
noire constituait des haies de protection devant des camps retranchés ou
de petits chateaux. La trace en est restée dans la toponymie et le Gué de
l’Epine, en breton Roudou Spern, peut s’entendre aussi bien du Gué du
Mai que de celui du Fort.
Le lai de Mélion
La présentation qui nous est faite de ce lai, diffère quelque peu des autres. Il
n’est pas question ici nommément des Bretons et l’aventure se termine par un
latin inattendu :
Explicit de Melion
« C’en est fini de Melion. »
Cependant l’histoire qui nous est contée n’est pas sans rappeler le Bisclaveret
de Marie de France, transposée dans un cadre panceltique.
155
arthur, roi des bretons d’armorique
et aussi que
En somme les Bretons ont donné son nom à cette pièce de vers et en ont com-
posé l’air. Mais le doute subsiste sur la rédaction du poème. Cependant bien que
l’histoire se passe en partie en Ecosse, Doon est breton, il est situé par le conteur,
par rapport à l’héroïne qui vit à Edimbourg,
156
arthur, roi des bretons d’armorique
Où était le Morois?
L’aventure ici contée advint à un chevalier breton du nom de Lorois del castel
de Morois, du château de Morois. Il nous est présenté comme un chevalier de la
Table Ronde du roi Arthur
157
arthur, roi des bretons d’armorique
Cependant le poème a le mérite de nous présenter une sorte de lai peu com-
mune, du moins parmi ceux qui nous ont été conservés de cette époque, qui ne
nous conte ni histoire d’amour, ni enseignement sur l’Autre Monde, mais une
simple satire de la vie ordinaire.
Au pardon de Saint-Pol-de-Léon
Ceci nous amène à parler du dernier poème anonyme que nous connaissions,
et qui porte le nom de Lai dou Léchéor, le lai du Débauché ou du Libertin. Le ti-
tre est un euphémisme. La chanson est constituée par l’éloge d’un organe génital
que le roman hésitait moins que le français, à appeler un con.
Arthur de La Borderie, voici cent ans bientôt l’a signalé à notre attention,
non pas pour son aspect résolument pornographique et son côté provocateur
qui choquaient profondément l’époque bourgeoise et le professeur bien élevé,
mais pour ses premiers vers et l’étonnant personnage de Saint Pantelion. Ainsi
commence en effet le récit :
158
arthur, roi des bretons d’armorique
« Jadis à Saint Pantelion – les Bretons nous racontent cela – un grand nombre
de gens avaient coutume de s’assembler pour honorer la fête du saint, les dames
et demoiselles les plus belles du pays, qui étaient alors dans le pays : il n’y avait
dame de quelque valeur qui n’y vint en ce jour. Beaucoup était en riches atours.
Chacun y mettait son effort à se vêtir et se parer. »
Les Bretons nous racontent donc que jadis à Saint Pantelion, on honorait
la fête du saint par une grande assemblée où s’en venaient notamment les plus
belles dames. C’était un concours d’élégance et un étalage de richesse, bien dans
la tradition, il est vrai, des fêtes bretonnes traditionnelles.
Il s’agit, c’est bien évident, d’un pardon breton en bonne et due forme. Mais
ce qui s’y passe est pour nous bien intéressant. La fête comportait avant tout un
concours de contes. Les chevaliers commençaient en effet à raconter les aventu-
res qui leur étaient arrivées, surtout semble-t-il en matière d’amour et de bonnes
fortunes. L’assemblée désignait le meilleur récit qui était ensuite répétée à loisir.
On en faisait alors une chanson, un lai, et on lui donnait le nom de son héros.
Puis les joueurs de vielle, de harpe ou de rote s’en emparaient et la transportaient
avec eux hors de Bretagne, pour la chanter dans les royaumes étrangers.
159
arthur, roi des bretons d’armorique
A cette assemblée première venaient des clercs, des chevaliers, des dames et
des demoiselles :
Ce n’était donc pas une réunion populaire comme on en verra jusqu’à nos
jours, mais bien des réjouissances aristocratiques. Seuls le clergé et la noblesse
160
arthur, roi des bretons d’armorique
semblent y avoir participé, ce qui n’empêchait sans doute pas les gens des campa-
gnes d’imiter leurs maîtres et d’avoir eux aussi leurs transmissions poétiques.
Ce texte nous conduit par ailleurs à plusieurs commentaires. D’abord, à sa
lecture, on se demande quel est ce Saint Pantelion où se déroulent les fastes du
pardon. La Borderie a apporté déjà la solution à ce petit problème, en montrant
que le n était une cacographie banale des manuscrits et d’ailleurs de toute écri-
ture, pour u, et qu’il fallait lire Pau-te-Lion, c’est-à-dire, à peine déformé, Paul
de Léon. C’est à Saint-Pol-de-Léon que se tenait la grande assemblée littéraire
des Bretons, jadis.
Jadis : cela nous mène il y a bien longtemps avant la composition du Lai du
Léchéor, peut-être un ou deux siècles, peut-être plus. L’emploi de l’imparfait :
Les Bretons racontent qu’un grand nombre de gens avaient l’habitude de se ras-
sembler… augmente encore le sentiment d’un temps irrémédiablement passé,
où nos ancêtres avaient déjà acquis la coutume d’un tel rassemblement, sou-
loient… Nous voilà donc loin dans le temps avant notre XIIe siècle.
Le processus de création maintenant. Voilà une assemblée où l’on accourt des
environs, et sans doute de plus loin, à Kastel-Pol (St Pol de Léon), pour fêter, à
la manière bretonne, l’un des sept saints fondateurs de la Bretagne. On imagine
le fest-noz : des groupes se forment dans les rues de la ville, ou bien peut-être
un seul public s’assied devant la cathédrale, tandis qu’au porche, les conteurs
montent à l’estrade. La pruderie, si l’on en croit le thème de notre lai, ne semble
pas régner, même parmi les nobles dames qui servent de jury et qui couronnent
l’auteur. Il y a là bien sûr déjà des musiciens qui apprécient diversement la pos-
sibilité de mettre tel ou tel récit sur une portée. Il y a des chanteurs qui écoutent
les histoires et sentent monter en eux tel ou tel air, telle ou telle versification,
comme le font encore des créateurs de Kan ha diskan. des dits et des réponses
s’établissent ainsi dans un chantonnement, et la Chrotta déjà s’exerce à souligner
les plus belles phrases.
Il me semble entendre des ébauches de lais, une voix qui s’élève et qui en-
tonne, d’autres qui reprennent, à la manière qui sera plus tard traditionnelle :
161
arthur, roi des bretons d’armorique
La gwerz est un genre qui se rapproche de très près de ce que nous savons du
lai primitif. Le propos, ici encore, est le même.
162
arthur, roi des bretons d’armorique
Ce que nous venons de dire et ce que nous avons précédemment écrit à pro-
pos du Lai de l’Aubépine nous amène à conclure d’une part à la très grande
créativité de l’Assemblée traditionnelle des Bretons, encore appelée pardon, fest-
noz et fest-deiz, d’autre part à l’existence au cours des siècles d’une incroyable
richesse de thèmes littéraires, non moins que d’interprétations et de broderies
à leur sujet, une véritable littérature bretonne dont toute l’Europe a bénéficié
jusqu’au jour où, sous l’influence étrangère, elle fut amenée à se replier sur elle-
même pour survivre.
Nous pensons pour notre part qu’en breton comme dans cette langue françai-
se héritière du roman, la Gwerz de la CRS 13 et la Gwerz de Plogoff, les chants
de Glenmor, de Gilles Servat, la harpe de Stivell, l’orchestration de Dan ar Braz
et tant d’autres manifestations modernes ont pris le relais dans notre monde
contemporain et ont marqué l’ouverture nouvelle de cette tradition orale sans
doute millénaire.
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XIV
QU’EST-CE QUE LE GRAAL ?
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arthur, roi des bretons d’armorique
table. C’est notre plat, encore appelé Grasal et Greil, le même que Gabata
(plat à viande).
L’un des exemples donnés en français par Du Cange, à l’article Grasale, est as-
sez surprenant. Il est tiré des Assises de Jérusalem, au chapitre 289 et dit textuel-
lement ceci : Toutes les escuelles et les Greaus, en que il (le seneschal) aura servi le cors
dou roy dou premier mès, doivent être soues, autrement dit en français contempo-
rain : Toutes les écuelles et les plats (graal, pluriel greaus) dans lesquels le sénéchal
aura servi le corps du roi du premier mai, doivent être… Le sens du dernier mot
nous échappe et les dictionnaires ne fournissent pas ici de sens satisfaisant.
Mais le texte, même ici incomplet, est bien curieux. Les Assises de Jérusalem
font allusion en effet à un service très particulier où les gréaux sont utilisés pour
présenter aux convives le corps d’un prince, appelé roi du premier mai. Il est évi-
dent qu’il ne s’agit pas là du corps du Christ, la fête du premier de mai n’ayant
rien à voir avec la liturgie chrétienne. En revanche, c’est bien la fête celtique de
Beltan ou du feu de Bel, telle qu’elle s’est célébrée jusqu’à nos jours en divers
points de l’Europe.
L’une au moins des utilisations d’un graal au moyen âge, c’est donc de par-
ticiper à un rituel non-chrétien, d’origine celtique, en offrant à la manducation
des fidèles le corps d’un personnage mythique, le roi de Beltan. Il semble, dès
le premier abord, que la cérémonie décrite par le conteur champenois soit en
relation avec cette tradition.
Ce qui est remarquable dès maintenant, c’est le rapprochement qu’il est pos-
sible de faire avec une phrase, assez inopinée d’aileurs, qui vient sous la plume
de Wolfram von Eschenbach. Le Franconien nous dit, au chapitre 281 de son
Parzival, qu’Arthur est le « héros de mai » et que les récits que l’on fait à son sujet
se déroulent « à la Pentecôte ou durant les mois fleuris de mai ». Le rapport entre
Arthur et le rituel de Beltan est ici aussi clairement énoncé qu’ailleurs la relation
de Dyonysos et de la tragédie grecque.
Cette assimilation du règne et du personnage d’Arthur aux fêtes traditionnel-
les de mai vient donc ici en écho du texte des Assises de Jérusalem et tendrait à
faire admettre que le Graal est le plat où l’on sert aux participants du rite le corps
d’Arthur.
Chrétien de Troyes ne nous dit pas ce qu’il y a dans le graal, et nous le re-
grettons. Toutefois la démonstration du service accompagne manifestement un
repas. Dès que le cortège s’est retiré dans une autre pièce, le maître de maison or-
donne l’installation des tables. L’auteur insiste particulièrement sur la blancheur
de la nappe, puis il nous donne le menu : hanche de cerf au poivre chaud, vin
clairet ou vin râpeux au choix. Le rôti est découpé sur le tailloir d’argent et rien
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arthur, roi des bretons d’armorique
n’indique que ce ne soit pas celui de la procession, tandis que le graal, découvert,
passe et repasse à chaque plat.
Notre auteur, à défaut de nous renseigner sur le graal proprement dit, ne
manque pas cependant de le mettre en rapport avec un repas où est servi du cerf.
Etant donné l’importance de cet animal dans toute la tradition arthurienne et en
particulier la fréquence de la chasse au cerf, la relation ne peut être fortuite. L’os-
tension du graal s’accompagne de la manducation de la chair de cerf : ne s’agit-il
pas là aussi de ce corps du roi du premier mai que le graal est destiné à servir, si
l’on en croît les Assises de Jérusalem ?
Cela va d’autant plus loin, qu’un jour viendra, pas très éloigné, où Robert de
Boron, ou l’auteur qui se cache sous ce nom, christianisera la légende et rem-
placera le cerf dans l’assiette par le corps et le sang du Christ, gages eux aussi
de résurrection selon la croyance chrétienne. Nous aurons bientôt l’occasion de
pénétrer plus avant dans ce Mystère du Cerf, à propos du Château même du
Graal.
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de l’élément Grail, Graisle, Graille, Gresle qu’on lit dans les manuscrits d’Erec
et Enide, où du Gradilonus de la Chronique de Saint-Brieuc, des Gradelon,
Gradlon, Grallon des textes romans et français, partout nous nous retrouvons
confrontés à l’analogie existant entre le graal et le Roi de Quimper.
Les questions donc ne peuvent manquer de venir à l’esprit : l’analogie révèle-
t-elle une étymologie ? Gradlon est-il à l’origine du Graal, ou bien l’inverse ?
Autrement dit, Gradlon est-il le Roi du Graal, celui que les romans arthuriens
appellent le Roi Pêcheur, ou encore Pellès, sinon l’un de ses parents ? Nous ne
pouvons dès maintenant répondre à toutes ces interrogations et il nous faudra
pour y parvenir vraiment avoir éclairé les fondations mêmes du Château du
Graal. Mais déjà il nous est possible de jeter quelque lumière sur le sens du mot
et ses implications territoriales.
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pierres levées, si nombreuses jadis dans la région, cailloux des grèves voisines,
moellons de murailles dans cette zone stratégique. Une telle étymologie peut
difficilement être soutenue cependant, les formes anciennes en – t – et – th – ex-
cluant cette possibilité.
Il n’en reste pas moins qu’une forme crate existe en toponymie française que
Dauzat expliquait sur la base commune *c(r)a, rocher et un suffixe – te : ce serait
l’origine de la commune de Cras, dans le Lot, Crat en 1324 et Cratz en 1351,
ainsi que de quelques autres, notamment dans l’Ain et l’Isère. On peut à partir
de là reprendre l’étymologie du rocher pour Crozon qui serait bien une Citadelle
des Pierres, mais un Cratodunum.
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arthur, roi des bretons d’armorique
Talart ? mais alors, si l’on veut plonger à fond dans le légendaire, notre Talart de
Crozon ne serait-il pas le reste du grand Talart dont une partie, son prolonge-
ment au-delà de Talargrip, gît maintenant sous la surface de la baie de Douar-
nenez ? Les « Crêtes du Talart » n’indiquent pas d’ailleurs un terme, mais plutôt
un milieu ?
Certes les interrogations se succèdent maintenant, mais n’allons pas trop loin
et restons-en à l’immédiatemment accessible : le roi Gradlon serait l’Homme du
Rempart.
Mais ce rempart est un front de pierres, Gradal, et le Vase que nous évoquions
il y a peu, devient donc lui aussi dans ce système d’interprétation, un front de
pierres. N’est-ce pas là très exactement ce qu’écrivait Chrétien de Troyes ?
Pour Wolfram von Eschenbach, ce sera plus simple encore: le Graal sera la
pierre.
Mais Gradlon n’est-il pas lui-même Gratalon, le Talar-Groaz, un front de
pierres ? Comme la Vouivre, parente de sa fille la sirène Dahud, ou comme la
licorne dont ne manque pas non plus de parler le Franconien, ne porte-t-il pas
au front l’escarboucle ?
Si nous ne pouvons encore conclure, car il nous reste encore bien des décou-
vertes à faire, il n’en reste pas moins que dès maintenant un lien organique nous
paraît exister entre le Roi Gradlon, le graal aux pierres et de ce fait une référence
à la Pïerre par excellence le roi Arthur.
A cela s’ajoute l’analogie mythique entre la Ville d’Is, cité de Gradlon, et la
Gaste terre du Roi Blessé. Les deux pays sont de l’Autre Monde, les deux hom-
mes sont de vieux seigneurs solitaires. La contrée environnante, dans un cas,
est engloutie, dans l’autre est dévastée. Mais un jour le Graal sera reconnu et la
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arthur, roi des bretons d’armorique
terre retrouvera sa force créatrice. Un jour aussi, la Ville d’Is resurgira des eaux
et retrouvera son pouvoir politique. De même, un jour le roi Arthur reviendra
d’Avallon pour reprendre ce même pouvoir et donner la victoire aux Bretons.
On peut se demander si l’ensemble du mythe n’est pas, entre autres don-
nées symboliques, l’explication sacrée de l’éclipse de la Bretagne sur la scène du
monde. Le Graal n’est-il pas comme le sceptre, non pas anéanti, mais occulté et
comme englouti ?
* *
**
} 4 dames aux grands cierges
* *
* *
} 4 dames portant 1 table d’hyacinthe grenat
172
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* *
**
} 4 demoiselles aux flambeaux
* *
* *
**
} 6 demoiselles aux lampes à huile
173
arthur, roi des bretons d’armorique
En second lieu, le Graal nourrit ceux qui le servent. Il leur apporte mets et
boissons, les meilleurs parmi toutes les productions de la terre. Particulièrement,
elle fournit le gibier, entendu comme viandes et poissons de toute sorte. Cette
vertu toutefois lui est donnée par la descente, chaque Vendredi-Saint, d’une co-
lombe qui y dépose une hostie blanche.
La nature de la colombe comme de l’hostie n’est nullement précisée. Mais
étant donné la date considérée, on peut penser qu’il s’agit du Saint-Esprit, appor-
tant, le jour anniversaire de la Crucifixion, le corps du Christ transubstantié.
Enfin une autre particularité de la pierre merveilleuse est de connaître par
avance le nom des enfants qui, plus tard, devenus adultes, se mettront à son ser-
vice. Elle affiche une fois pour toutes le renseignement sur sa partie supérieure et
l’effacement ensuite est automatique.
La garde du Graal est donc assurée par une communauté d’hommes et de
femmes, exempts de péché et promis à la vie du Paradis. Elle fut d’abord le fait
de cette catégorie d’anges qui ne voulurent pas prendre parti dans la lutte entre
Lucifer et la Trinité et se virent ainsi écartés de la gloire divine sans toutefois
subir la condamnation des pervers.
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ques centaines d’alchimistes européens ou prétendus tels, fait figurer parmi eux
Michaël Scot certes, mais aussi les philosophes irlandais Duns Scot (XIVe siècle)
et Jean Scot Erigène (IXe siècle). On y trouve aussi, il est vrai, le dieu gaulois
Belenos sous sa forme latinisée de Belinus.
L’iconographie postérieure de l’Alchimie réserve des surprises en matière de
celticité. C’est ainsi que le fameux dieu au triple visage, bien connu de l’antiquité
gauloise et repris par la théologie chrétienne pour figurer la Trinité se retrouve
en alchimie pour symboliser les triplicités de cet art, et parfois, ce qui est le com-
ble, sous la plume d’un musulman. On rencontre cette figuration de la Triade
notamment dans un ouvrage hollandais du XIVe siècle, le Bouc der heimelicheden
van mire vrouwen alkemen de Constantinus et dans les Opera medicinalia d’Al
Razi au XVe siècle. On la trouvera aujourd’hui reproduite dans l’Alchimie de van
Lennep.
Un symbolisme analogue ressort des trois jets d’eau à la fontaine, qu’on trouve
associé au Triple Visage dans le Traité sans titre de la seconde moitié du XVIe siè-
cle, mais ce qu’on n’a guère remarqué, c’est que ces trois colonnes rigides figurent
exactement le Tri bann, les trois rayons de lumière repris par le gallois Edward
Williams au XVIIIe siècle dans le cadre du druidisme rénové.
Le développement de l’Alchimie occidentale au XIIe siècle, en même temps
que la première apparition de la pierre en place de l’élixir dans la littérature de
cet ordre, dans les mêmes dates que la tradition arthurienne et les quelques re-
marques que nous venons de faire, imposent une réflexion sur les relations entre
l’une et l’autre. On s’aidera du fait que tout au long de leur histoire en Occident
depuis 1142, textes et illustrations des ouvrages alchimiques ignoreront super-
bement le monde et les traditions arabes et ne montreront qu’un symbolisme
ouest-européen à base naturelle, végétale, animale et minérale. La référence an-
tique de l’Alchimie médiévale et moderne sera alexandrine, grecque et parfois
tenue pour égyptienne : je veux parler d’Hermès Trismégiste, dans lequel on veut
voir le dieu Thot. Ce Trois fois Grand cependant évoque plutôt le dieu au triple
visage dont nous parlions à l’instant et cet Hermès, ainsi décrit, paraît la traduc-
tion du « Mercure » gaulois, c’est-à-dire Lugos.
La Pierre
La Quête du Graal, comme Wolfram von Eschenbach l’avait bien perçu, est
constituée par la recherche de la Pierre. Il me semble que nous sommes proches
ici du Château du Graal. Nous sommes au pied de Kastel Gibel, la Forteresse
de la Cuve, et cette cuve quasi mélusinienne ne peut être autre que le Vase et
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Le Cerf du Mort
Le rôle du Cerf apparaît capital et la chasse au Cerf blanc est un motif réitéré
dans tout le cours des romans arthuriens. Il rejoint ainsi des faits de folklore
comme la Chasse Artus ou des coutumes traditionnelles comme la Chasse à
courre et ses rites, mais aussi des croyances antiques, voire préhistoriques, aisé-
ment identifiables.
La première apparition d’un rituel du cerf en Armorique remonte à la période
mésolithique, soit à quelques sept mille ans de nous. En 1928, Marthe et Saint-
Just Péquart mettaient au jour dans un kjökenmöding de l’îlot de Teviec, situé
à quelques encablures de la côte occidentale de la presqu’île de Quiberon, plu-
sieurs sépultures, accompagné d’un matériel lithique important et datant incon-
testablement de cette époque antérieure à l’érection des mégalithes dans le pays.
L’une d’entre elles, disposée sous les restes d’un foyer, laissait apparaître des bois
de cervidé engagés sous une dalle de 60 cm de long. Après avoir soulevé la pierre
avec précaution, devaient écrire peu après les archéologues, nous avons remarqué
que ces bois s’enfonçaient plus profondément encore dans la couche géologique et les
dégarnissant, nous avons constaté avec surprise que les ramures en question reposaient
directement, et disposées comme une sorte de couronne, sur un crâne humain.
Le crâne appartenait à un squelette en bon état de conservation qu’avoisinait
un second, l’un et l’autre porteurs d’un collier de coquillages. Il reste de cette
découverte, outre le récit des auteurs, deux photographies publiées qui montrent
très clairement la disposition des ramures et des ossements.
La campagne de 1929 sur le même site amena de nouvelles trouvailles, mais,
à la déception des fouilleurs, aucune nouvelle sépulture sous bois de cerf. Ils en
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Il est peu probable que cette particularité ait échappé à ces chasseurs qu’étaient
les hommes du Mésolithique armoricain. Placer de tels emblèmes, comme un
linceul, dans une tombe, sur un corps mort, n’est-ce pas réunir la notion de
mort et l’image du cerf, c’est-à-dire évoquer irrésistiblement la croyance en la
renaissance ?
Si celle-ci ne remonte plus loin, ce qui ne peut se déterminer, mais reste
toujours possible, nous considérerons qu’elle date dans notre pays, jusqu’à plus
ample informé, du Mésolithique.
Nous n’en avons pas d’autre trace jusqu’à l’apparition du Cerf dans la sta-
tuaire gauloise. On le trouve en effet accompagnant la divinité de Cernunos sur
la stèle de Paris. Le dieu est un personnage chtonien, un maître des enfers et son
animal préféré, en compagnie d’ailleurs d’une autre bête à cornes, le taureau,
appartient lui aussi à cet univers souterrain ou ultramarin.
La tradition celtique, semblable en cela à bien d’autres, ne sera-ce qu’à celle
de l’Egypte antique, plaçait à l’Occident le séjour des en-allés de ce monde. Là
encore un symbolisme élémentaire, celui du soleil, était en jeu : puisque l’astre
du jour s’en va le soir dans des demeures occidentales et renaît le matin d’un
accouchement oriental, les morts, pour renaître, partent vers l’ouest et se retrou-
veront ainsi un jour à l’est.
L’Occident, en breton contemporain, se dit toujours Kornog et le vent de
noroît Kornaoueg. On retrouve la famille sémantique des Cornes, analogue en
celtique et en latin, et le nom voisin du dieu Cernunos. Nous avons proposé déjà
de voir dans le moderne Kronan, qui désigne tant le Menez Kronan de Brasparts
que la ville de Locronan que domine le sommet de Plas-ar-C’horn, le lieu de la
corne, l’héritier linguistique de Cernunnos, affecté d’un vocalisme différent et
d’une simple métathèse.
Les implications folkloriques du cerf et des cornes abondent dans toute l’Eu-
rope. La chasse à courre, disions-nous est restée bien vivante, autant que les
courses de taureaux et les mises à mort dans les arènes méditerranéennes. En
Bretagne, la légende du Cerf blanc ou de la Biche blanche a persisté dans le
légendaire et dans l’hagiographie. Cela suppose l’importance millénaire de l’ani-
mal et la profonde résonnance qu’il suscite dans l’inconscient collectif.
Si nous revenons donc maintenant à notre tradition arthurienne, nous pou-
vons constater l’omniprésence du cerf. Non seulement, il fournit le menu du
Graal dans le Perceval de Chrétien de Troyes, mais il est, à plusieurs reprises,
dans Erec et Enide, dans le Merlin et ailleurs, l’objet de la Chasse merveilleuse.
L’on peut donc dire qu’avec la Pierre, le cerf est le centre du symbolisme des
romans bretons. Il convient donc d’entendre ce qu’on veut nous signifier par là.
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Cette Légende est centrée toute entière sur le culte de la Pierre, qui matérialise
l’éternité de la vie, et sur celui du Cerf, qui en rappelle, à travers les morts et les
renaissances, les métamorphoses successives.
La Pierre, Wolfram nous le dira sans ambages, est à la fois nourriture et agent
de la transmutation, elle fait renaître le phénix de ses cendres, elle procure toute
sorte de gibier. On la voit ainsi en relation avec l’Alchimie et avec le sens profond
de la tradition arthurienne. Si Arthur nous apparaît comme le dieu de la pierre
et non l’Ours ou le Guerrier, ce n’est pas sans raison. Faire venir son nom d’Art,
le rocher, c’est l’identifier aux gemmes qui ornent le Graal chez Chrétien, à la
Pierre qui est le Graal chez Wolfram, aux mégalithes, notamment à ceux que
Merlin transporta d’Irlande et qui forment le Cercle de Stonehenge, aux écueils
qui défendent la côte bretonne, à la pierre philosophale qui se manifeste dans
l’alchimie pour la première fois au XIIIe siècle.
L’essentiel de la croyance celtique se trouve donc dans ce double symbolisme
de la Pierre et du Cerf et nous comprendrons mieux maintenant comment cette
intuition de l’Univers a attiré à elle ce que nous appelons la christianisation. En
fait, elle a repris dans la foi chrétienne les termes par lesquels elle traduit la Ré-
surrection et nos relations avec l’Autre Monde.
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phôs to alèthinon… En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes… Il
était la lumière, la vraie… Pas de doute pour les esprits les plus simples ou les
plus pragmatiques : ce Logos dont on leur parlait n’était autre que le dieu Lug et
de l’un et de l’autre irradiait évidemment une même lumière. Traduisez : En to
phôs to alèthinon… en celtique et vous obtiendrez un double sens : C’était Lugos,
Lugos lui-même…
Il n’est pas sans intérêt de remarquer que l’un des fondateurs du néo-drui-
disme au XVIIIe siècle, le gallois Edward Williams, dit Iolo Morgannwg, rap-
portait – de tradition ou de lui-même, on l’ignore – l’origine du monde à un
triple rayonnement de lumière qui était aussi Parole. N’est-ce pas là une com-
préhension de l’analogie du grec Logos et du celtique Lougos ? Curieusement,
l’auteur gallois l’appelle Tri bann, ce qui signifie effectivement les Trois rayons,
mais aussi, comme on sait, les Trois Cornes de cerf.
Mais poursuivons notre lecture du Prologue. Pour l’Evangéliste, ce Logos-
Lougos est devenu chair, sarx en grec et caro en latin. Bien, mais de quelle chair
s’agissait-il ? L’auteur ne le dit pas. Il est néanmoins évident à un celtophone
que Karo, dès le haut-moyen-âge, karvos précédemment en celtique, signifie le
Cerf. Du latin au celtique, le saut est vite fait. De même que l’arbre du Paradis
Terrestre est devenu un pommier dans le monde occidental, parce que le Pom-
mier étant l’arbre sacré qui ouvre à l’Autre Monde, la poma latine, le fruit par
excellence a pris figure de la pomme, de même la chair, sarx, caro, qu’est devenu
le Logos, a pris le sens de la viande de cerf, celle que l’on mange après le sacrifice
rituel de l’animal, lors de la Chasse à courre.
Certes la bête aux bois sacrés est plutôt l’attribut de Cernunnos que de Lugos,
mais puisque ces gens, venus de si loin affirment que Lugos aussi s’est transformé
en cerf, et que, d’ailleurs, rien ne saurait étonner nos Celtes habitués à bien
d’autres métamorphoses, il ne suffit que de croire les missionnaires d’Orient…
d’autant plus que leur Jésus porte le nom d’un troisième dieu de chez nous, Esus.
Voilà une bien belle Triade, même si elle a quelque caractère de nouveauté : Cer-
nunnos, Lugos et Esus !
Les doctes professeurs d’histoire des religions diront peut-être que c’est là tout
confondre. Effectivement, c’est bien là tout mélanger, mais nous ne parlons pas
ici de théologiens diserts, mais de bonnes gens, et parmi elles, de maints ecclé-
siastiques sans une lourde formation comme il advient de nos jours. L’on ne peut
nier que l’esprit d’un homme ou d’une femme sans complication admet volon-
tiers ce genre d’amalgame. Bien plus, les analogies sont si frappantes qu’on ne
peut pas ne pas l’avoir fait. Surtout que le Logos en question, Jésus de Nazareth,
est devenu, comme le Cerf, un dieu qui meurt et qui ressuscite
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La syllabe Kar d’ailleurs a une pluralité de sens dans les langues celtiques qui
l’ouvre aux significations mystiques. C’est en effet le Rocher, sens dont nous
connaissons l’importance non seulement chez les Celtes, mais dans le symbo-
lisme universel : l’immortalité, l’éternel. Mais c’est aussi Karr, la voiture ou pour
mieux dire le Véhicule, celui de l’Ankou, le dieu de la Mort, la barque de pierre
qui franchit l’Océan, véhicule et rocher à la fois. Karo, c’est le Cerf, image encore
d’immortalité, nous venons de le dire. Mais Kar, c’est aussi la racine des mots
qui signifient l’Amour, les amis, les parents, les amants. Le véhicule de pierre
qui permet de franchir le grand Passage, est le Cerf psychopompe et c’est aussi
l’Amour. O Tristan et Yseult ! L’Amour plus fort que la Mort… Oui, mais le
Cerf Jésus, victorieux lui aussi du Trépas, ne nous l’enseigne-t-on pas comme le
Maître de l’Amour ?
Le Prologue de saint Jean n’épuise certes pas la théologie chrétienne. Mais il
n’achève pas non plus les analogies existant entre celle-ci et les croyances celti-
ques. Il est ainsi bien établi maintenant que l’image, sinon le dogme, de la Tri-
nité était répandu dans le monde gaulois, avant le christianisme. Mieux encore,
de nombreuses représentations de la Trinité chrétienne ont copié la sculpture
celtique préchrétienne.
Enfin, nous savons que Jésus a fondé son Eglise sur la pierre (pètra) qu’est
Pierre (Pètros). Traduisons le grec en celtique et nous apprendrons que Jésus a
fondé son Eglise (ou plus correctement : son Assemblée) sur l’artua qu’est Artuos.
Or, notre roi Arthur, est, on se le rappelle, Arthur mab Pezr, en latin : Arthur
filius Petri, est bien Pierre fils de Pierre. Et si le clerc Geoffroy de Monmouth, tar-
divement puisqu’au XIIe siècle, avait changé le nom du père de son héros de Per
en Uter, non pas à la suite d’une erreur de lecture, mais parce qu’il savait qu’une
interprétation gravement hérétique, comme on disait à son époque, naissait de
ce nom et de l’amalgame qui se cachait derrière ? Geoffroy vivait à l’époque des
derniers soubresauts de l’Eglise celtique et, en bon romain qu’il était, il souhai-
tait sans doute laïciser son personnage et en faire le Guerrier -c’est l’autre sens du
mot Arth– sans implications mythologiques douteuses et sans confusion possi-
ble avec Pierre ou la pierre.
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Perceval
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l’exercice de l’office curial, ce qui est pour le moins étrange dans le cas qui nous
occupe. En ce qui concerne Calixte Ier, son orthodoxie semble avoir donné lieu
à discussions.
Calobrutus : le septième des Douze fils de Gai le Gros de la Croix des Ermi-
tes. Son nom rappelle celui du Brutus, ancêtre des Bretons selon Geoffroy, et le
roman de Brut de Wace.
Elinand d’Escavalon : le sixième des Douze fils de Gai le Gros de la Croix
des Ermites.
Ermite Noir (L’) :, c’est Lucifer. L’Autre Monde apparaît bien ici aux mains
des moines solitaires, puisque le diable lui-même est un ermite.
Eval : empereur de Rome. On pense à l’Avallach de Geoffroy.
Fortuné de la Lande Vermeille : le neuvième des Douze fils de Gai le Gros de
la Croix des Ermites porte un nom bien roman dans toutes ses parties.
Gai le Gros de la Croix des Ermites : père de Julain le Gros des Vaux de Ca-
maalot. Cette Croix des Ermites aurait pu faire couler beaucoup d’encre si l’on
s’était quelque peu intéressé à son caractère particulier. En effet, si les ermites
représentent, comme il paraît normal, l’Eglise Celtique au sein de laquelle ils
jouèrent un rôle principal, leur croix ne peut être que celle de cette même église,
autrement dit la croix cerclée, dite croix celtique.
L’indication est intéressante dans la mesure où, comme certaines autres men-
tions, elle tend à nous montrer l’influence de l’Eglise celtique dans la christiani-
sation du Graal.
Le nom de Gai pourrait être une forme de Ké et se trouver en relation de ce
fait avec notre Saint Quay des Côtes d’Armor.
Galerian de la Blanche Tour : le onzième des Douze fils de Gai le Gros de la
Croix des Ermites. On pense, plutôt qu’au galerien, au vent de galerne, gwalarn
en breton, venu du sud-est, ou peut-être necore à quelque gaulois comme le
personnage suivant.
Gosgallian : second des Douze fils de Gai le Gros de la Croix des Ermites.
S’agit-il d’un « ancien Gaulois » comme le laisserait supposer son nom ?
Gurgaran : ce roi méchant et cruel, qui ne croît pas en Dieu et qui possède
l’épée avec laquelle Saint Jean fut décapité, est baptisé par Archer, roi d’Ecosse.
Jésus : on le désigne comme le Saint Prophète. C’est sous cette appellation,
un peu curieuse, comme tout le reste, que le fondateur du Christianisme est
constamment présenté dans le Haut Livre. Faut-il y voir une négation de la di-
vinité de Jésus ? Ce n’est pas sûr.
Joseph d’Arimathie : oncle de la mère de Joséphé, il a descendu le corps du
Christ de la croix. Il se trouve donc associé, avec Nicodème, à ces gestes fonda-
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« Comment l’homme étant vieux, peut-il naître ? Peut-il entrer une seconde fois dans
le sein de sa mère et naître ? » et, comme décidément, il n’y comprenait rien, Jésus
finit par s’exclamer : « Tu es le professeur d’Israël et tu ne sais pas cela ? ». La posté-
rité admit tout de même qu’il avait fini par entendre ce que lui disait le Christ,
puisqu’il aurait été chargé de son ensevelissement et qu’il acquit de ce fait, aux
yeux des fidèles futurs, particulièrement chez les Celtes une fonction de Passeur.
C’est lui aussi, dans le texte de Jean, qui apporta les aromates le soir même de
la Crucifixion, alors que pour Marc et Luc, ce sont les femmes, le lendemain du
sabbat et que Mathieu n’en parle même pas. Les aromates, destinés à embaumer
le corps, sont un gage d’éternité et c’est bien ainsi que l’entendaient les grands
embaumeurs de l’Antiquité, les Egyptiens. Nous sommes donc ici en plein cœur
du mythe de mort et de renaissance, avec l’ensevelissement qui prépare la résur-
rection le troisième jour. Or le Graal, sang du Christ dans les textes christianisés,
est en étroite relation, dans le texte brut de Chrétien de Troyes, avec le Cerf, lui-
même mythe celtique de renaissance. Ceci nous confirme une fois de plus que la
christianisation ne fait rien d’autre que de remplacer certains noms par d’autres,
ou même simplement d’en ajouter.
Nous connaisons de ce nom deux implantations en Bretagne armoricaine :
1° la commune de St Nicodème en breton Sant Nigouden (Côtes-d’Armor
22160) entre Kergrist Moelou et Maël Pestivien, au centre du plateau
granitique.
2° la chapelle de St Nicodème en Plumeliau (Morbihan 56930), près du
site antique de Sulim, ses quatre fontaines, dont trois accolées et une dis-
tincte, son monument de l’ensevelissement, son feu allumé du clocher, St
Corneli et ses bœufs dans le chœur.
Il faut ajouter à cela tous les grands calvaires où figure l’ensevelissement du
Christ : Guimiliau, Plougastel… Nicodème en effet est avec Joseph d’Arimathie
celui qui ensevelit le Christ. Son rôle de psychopompe paraît assuré : Nicodème
serait à l’Occident le grand ensevelisseur, celui du Soleil, celui du Cerf. Et cela
d’autant plus que le nom est exceptionnel en Europe tant continentale qu’insu-
laire.
Le mot est d’origine grecque. Dans cette langue, il signifie le Pays victorieux.
En breton, il est devenu Nigouden et il présente en celtique un sens bien dif-
férent. Nigo y est en effet le verbe « je nage » : Nigou-den serait donc l’homme
qui nage. Or curieusement, tant la commune de Plumeliau que celle de Saint-
Nicodème possèdent un cours d’eau remarquable, ici dans de superbes gorges et
un chaos, là le Blavet, sur les rives duquel on trouve le toponyme, au demeurant,
assez peu fréquent, Le Coronq, c’est-à-dire le bain.
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le Roi de le le Roi du
Iglai le Roi Pêcheur
basse gent Château Mortel
Pellès
Le Bon Chevalier Sa sœur Dandrane
Nicodème
Douze fils :
Julain des Vaux de Camaalot
Gosgallian
Brun Brandalis
Bertolé le Chauve
Brandalus de Galles
Elinand d’Escavalon
Calobrutus
Méralis du Pré du Palais
Fortuné de la Lande Vermeille
Méliarman d’Ecosse
Galerian de la Blanche Tour
Aliban de la Gaste Cité
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te dans des conditions telles que les fidèles ressemblent plus aux membres d’une
société secrète, comme les Templiers de Wolfram, qu’à une Eglise ouverte. La
cérémonie du Graal, telle qu’elle est décrite, tient lieu et place de communion.
Mais il n’y a pas ici de partage du pain et au vin. Le visiteur voit le Graal, il ne
boit pas. Ce qui est consommé c’est la chair du cerf. Le Graal demeure lointain,
inaccessible en somme. et cependant il donne à manger à tous, mais par nourri-
ture interposée.
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XV
LE CHÂTEAU DU GRAAL
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notre enquête, le Méné-Bré, terre de sortilèges sans qu’il y soit fait mention de
bosquets protecteurs ou consacrés, le Mont de Brasparts, sur les hauteurs, chau-
ves de longue date de l’Arrez, et au-dessus des marécages infernaux, et le Mane
Guen, auprès desquels nulle tradition ne fait état de bois d’asile.
Le Mont Saint-Michel du Couasnon, « au péril de la mer » qui l’entoure et le
Mont-Dol, situé au milieu d’un marais asséché, ne portent aujourd’hui aucune
trace de forêt. Cependant, les profondeurs des terrains alluvionnaux de Dol re-
cèlent des troncs d’arbres d’époque préhistorique, conservés en milieu anaérobie.
En outre, les traditions rappellent l’existence d’une forêt, dite de Koquelunde ou
de Scissy, dont l’engloutissement par les eaux salées remonte à une date qu’on ne
peut guère préciser. Le souvenir de transgressions marines à l’époque historique
s’applique surtout à des villages dont on a retenu le nom, et même d’une ville
nommée Gardaine, ensevelie aujourd’hui sous les atterrissements de la Mare
Saint-Coulman.
De surcroît, le Mont Saint-Michel a longtemps bénéficié du droit d’asile et
pourrait, à cet égard, être retenu comme un éventuel candidat. Cependant, au
XIIe siècle et même dans les siècles précédents, depuis une assez longue date, il
passerait difficilement pour une montagne sauvage. Enfin, il est bien connu de
la légende arthurienne, et dans un tout autre sens : c’est la résidence d’un géant
violeur qui ne sera mis à la raison et tué que par le roi Arthur lui-même. Une
éventuelle christianisation ne suffit pas à expliquer ce texte, d’aspect archaïque et
totalement indépendant, à notre avis de la vision chrétienne du monde : ou alors
il faudrait reconnaître dans la lutte de Zeus contre les Titans, dans la mythologie
grecque, l’influence pacifiante de Jésus. Dans ces conditions, il nous paraît diffi-
cile de reconnaître dans le Mont Saint-Michel, non plus que dans le Mont-Dol
qui lui est lié à bien des égards, le Mont-Salvage de Wolfram.
Reste le Menez-Hom. C’est là une montagne sacrée. On en a même retrouvé
en 1913, la déesse tutélaire, qui trônait sans doute jadis sur le site de Sainte-
Marie et de sa fontaine. Même à l’époque où le château, qui nous est conté par
la Chanson d’Aquin au XVIIe siècle, se dressait encore sur l’un de ses sommets,
l’endroit devait être à peu près aussi sauvage qu’il l’est aujourd’hui. Les arbres
montaient assez haut sur les bas-flancs : l’ermitage de Saint-Corentin à Lescobet
se trouvait dans les bois, et ceux-ci étaient une extension de la célèbre forêt de
Nevet, aujourd’hui réduite aux abords occidentaux de Locronan, mais jadis pro-
longée par celle du Duc et sans doute par une partie du Porzay.
Le nom de Nevet trahit un ancien nemeton, c’est-à-dire en celtique une forêt
sacrée. Que celle-ci ait joui du droit d’asile, nous paraît évident puisque Locro-
nan fut au moyen-âge un minihi, soit précisément un lieu de sauveté, dont on
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fait encore aujourd’hui le tour dans une procession appelée Troménie, an Dro-
veni ou le tour du minihi. Le caractère préchrétien des rituels qui se déroulent
encore aujourd’hui en ces lieux, ne fait de doute pour personne.
Locronan est situé à quinze kilomètres de Sainte-Marie-du-Menez-Hom et
à dix-sept kilomètres du sommet, par les cheminements anciens. Le bourg et
l’église, situés au carrefour de voies gauloises, sont disposés eux-mêmes sur les
flancs d’une hauteur intégrée en partie au Minihi. Nous sommes ici en présence
d’un très ancien site militaire et religieux qui rassemblait le Menez-Hom et le
Porzay jusqu’au-delà de Locronan et s’étendait d’une certaine manière sur les
ensembles défensifs de la presqu’île de Crozon et du Cap-Sizun.
La Colline de l’Occident
La première mention que nous ayons de la sainte montagne nous est noti-
fiée, selon Léon Fleuriot, par le passage de l’Historia Britonum, qui concerne
l’installation des Bretons sur le continent. Le pseudo-Nennius, rappelons-le,
nous dit en effet que Maximien, une fois conquis le pouvoir impérial, donc vers
383, donna à ses soldats diverses régions situées « depuis l’étang qui est sur le
sommet du Mont-Jou jusqu’à la cité qu’on appelle Cantguic, et jusqu’au som-
met occidental, c’est-à-dire Cruc Ochidient ». Léon Fleuriot a proposé de voir
dans ces trois points de la géographie antique, le col du Grand-Saint-Bernard,
aujourd’hui entre la Suisse et l’Italie, la ville d’Etaples située sur l’estuaire de la
Canche et le sommet le plus occidental des Gaules, le Menez-Hom, appelé Cruc
Ochidient, ou la Colline de l’Occident en vieux-breton.
Le savant celtisant rapproche ce texte d’une courte citation du Lebor Bret-
nach irlandais qui place Duma Ochiden, l’équivalent vieil-irlandais de notre Cruc
Ochidient, aux mains des soldats de Maxime dans le Chros Ergnea, que notre
linguiste interprète comme Eichros Ergnea, le Promontoire du Cheval et retrouve
dans la péninsule de Penmarc’h et le Cap-Caval, territoires aussi du Cheval,
parmi de nombreux autres en Cornouaille armoricaine.
Cruc Ochidient serait donc le Menez-Hom, montagne la plus occidentale de
cet Occident européen, et de plus, point remarquable du littoral, pouvant servir
d’amer au moment de doubler les finistères.
Le Cap-Caval, le Cap-Sizun, la presqu’île de Crozon et la côte de Locmaze-
Penn-ar-bed au-delà de Portsall, devait être, depuis une assez lointaine préhis-
toire, des régions commerciales et de ce fait, militaires, destinées à la protection
des échanges, au temps de l’étain certes, mais aussi de la pierre taillée et polie.
Le Raz de Sein en effet, l’Iroise et le Chenal du Four permettaient de passer
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La Triple Montagne
Aiquin, en fuite, rencontre, sur le chemin de la mer, l’ermite saint Corentin.
La tradition locale, par ailleurs, veut que la retraite, de celui-ci, ait été située à
Lescobet, sur le flanc même de la montagne, un peu au-dessous de la route mo-
derne de Chateaulin à Crozon. Le duc Naimes et les Français s’installent alors
à Nyvet pour mettre le siège : c’est là le bois sacré, tout voisin de Lescobet, que
nous évoquions tout-à-l’heure.
Où pouvait être édifié le château lui-même ? On pense bien entendu au point
culminant, coté 330. Il existe en effet trois sommets et ce chiffre a certainement
favorisé la sacralisation de ces lieux : une seule montagne à trois dômes n’a cer-
tainement pas attendu les tenants de la Trinité chrétienne pour attirer la véné-
ration de gens qui enseignaient par triades et adoraient le Triple Visage. Le fait
est souligné de surcroît par l’appellation Menez an Drinden, la Montagne de la
Triplicité qui est donné au versant nord et par la présence de deux chapelles de
la Trinité, aujourd’hui ruinées, qui encadraient le massif, l’une à l’ouest, dans la
paroisse d’Argol, avec une croix du même nom Kroaz an Drinded, l’autre à l’est,
dans la commune de Dineault.
Le sommet sud-ouest, à 298 m d’altitude, s’appelle le Hielc’h. Le plus central,
au nord-est du précédent, point culminant coté 330, est le Yed, ce qui signifie la
Guette. Enfin, dans le même alignement, une hauteur innominée vers 275 m.
A part les substructions du blockhaus allemand sur le Yed, aucun monument
d’aucune sorte, même en ruines, même arasé n’apparaît sur la ligne de crête.
Toute la presqu’île de Crozon fut cependant, à l’époque néolithique recou-
verte de mégalithes. D’érudits voyageurs comme Fréminville ou Bachelot de la
Pylaie, dans la première moitié du XIXe siècle, nous en ont laissé des descriptions
précises. Cependant, les sites culminants ont échappé à leur sagacité. Il est vrai
qu’il ne devait pas être aisé à cette époque de monter là-haut. En 1936 encore,
date à laquelle je gravis pour la première fois, à dos d’homme heureusement,
la sainte montagne, on partait de Sainte-Marie par une pente raide à travers la
bruyère et l’ajonc qui montaient aux genoux. On excusera le Baron de la Pylaie,
pourtant passablement audacieux, mais point téméraire, de n’en avoir pas fait
autant.
Il est vraisemblable que les fossés d’Aiquin, rapportés à une époque nette-
ment antérieure au VIIIe siècle aient été ouverts très anciennement, peut-être à
la protohistoire. Quel que soit l’ordre dans lequel on énumère les sommets, du
nord-ouest au sud-est ou l’inverse, le second est obligatoirement le plus central,
donc le plus élevé, celui que nous appelons le Yed.
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figurent, nous les avons cités en passant, d’autres personnages dont deux nous
intéressent ici : l’un est le prieur du château de Landévennec un nommé Haemo,
l’autre, un laïc, le vicomte Hameus. Curieusement ces deux noms, qui forment
en latin un accusatif en Haemonem et en Hameum, sont proches de Hamn et
de Hom. Autant dire que le prénom Hamon, très fréquent dans la Bretagne du
moyen âge, et généralement rapporté à une origine germanique, pourrait avoir
aussi quelque rapport avec notre monde celtique.
Or donc, que signifie Hamn ? Selon la règle qui veut que le H initial breton
provienne, lorsqu’il n’est pas le résultat d’une mutation consonantique, d’un S
celtique, nous sommes amenés à faire dériver le mot de Samn, forme réduite par
l’accent tonique, d’un vocable qui pourrait bien être Samon. Et Samonios, nous
le savons, comme l’irlandais Samhain, c’est la grande fête celtique du 1er novem-
bre où le monde des vivants et celui des morts communiquent. Cette aptitude
de la saison à ouvrir sur l’Autre Monde, est ici digne de remarque, car, comme
tout bon Celte le sait, celui-ci se trouve préférentiellement à l’Occident, du côté
de l’île d’Avalon.
On objectera cependant que, si rien ne s’oppose à faire dériver Aon de Hamn
et Hamn de Samon, en revanche les linguistes accepteront difficilement de don-
ner Samon pour origine à Hom. Régulièrement en effet le m n’aurait pu se
conserver qu’à condition d’être doublé en – mm –, ce qui n’est pas le cas ici.
L’écueil pourrait cependant être évité en suggérant un celtique *Samo-monid-,
la montagne de Samos, donnant en ancien breton Sammonid, accentué sur la
première syllabe puisqu’il s’agit du nom même. La chute de la dernière réduit
le mot à Sammon, puis à Samm. Comme il arrive lorsqu’un vocable n’est plus
compris, le besoin se fait sentir de préciser sa nature et l’on en vient à dire Menez
Samm, la montagne de Samm, sans plus reconnaître dans le m résiduel, la forme
ancienne du nom de la montagne, monid, devenu par ailleurs menez. Le mot
Sammon réunit à vrai dire toutes les conditions pour se transformer en Hom et
notre Menez Sammon en Menez Hom.
Une dernière observation mérite d’être faite : c’est que sur la carte d’Ogée,
datant de la fin du XVIIIe siècle, généralement exacte et précise dans ses nota-
tions orthographiques, la montagne qui nous occupe est inscrite sous la forme
Meneham, avec un a. Dans son Dictionnaire, notamment aux articles Ploeven-
Porzay, Plomodiern et Plounevez-Portzai, Ogée lui-même écrit toujours Mene-
ham, que ses continuateurs de l’édition de 1843 rectifient en Ménéhom. Il ne
s’agit donc pas d’une coquille, mais d’une connaissance bien précise du nom et,
par delà toute discussion linguistique, cette écriture se rapproche fortement de
notre interprétation.
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Aussi la sainte, bien décidée à retrouver son ami, graissa la patte d’un men-
diant du voisinage pour qu’il ajoutât une pierre au cairn chaque fois qu’il passe-
rait par là. Comme le mendiant exécuta ponctuellement la consigne, l’usage se
répandit.
Moi, disait Katig gozh, quand je chemine de ce côté, j’ai soin, dès le pied de la
montagne, d’emplir de cailloux mon tablier. Beaucoup de femmes font de même pour
être agréable à sainte Marie. Avant que le tas soit assez élevé, il faudra sans doute
attendre bien des années et des années encore. Mais aussi le roi Marc’h sera sauvé pour
l’éternité, et sainte Marie aura joué au bon Dieu un tour dont certainement il ne se
fâchera pas.
L’on remarquera dès maintenant le caractère très peu monothéiste de cette
divinité pas méchante, mais un peu sotte, le « bon dieu », bien masculine en face
d’une femme et qu’on berne de la même manière qu’en d’autres contes, le diable,
lui non plus pas si mauvais bougre d’ailleurs. Quant à sainte Marie, en dehors
du fait qu’elle est indissolublement liée au Menez-Hom, en sa chapelle voisine,
on ne sait pas grand-chose d’elle et il n’est guère évident qu’il s’agisse de la mère
du Christ.
Cela crée une ambiance très particulière autour de ce site préchrétien et de
ce tas de pierres protohistorique. Mais nous n’avancerions pas beaucoup notre
propos, si nous ne donnions une suite à cette curieuse légende.
La Marie du Hom
Que la montagne de Samonios recèle la Tombe du roi Marc’h, dieu cheval
psychopompe des rivages occidentaux, qu’elle domine la Ville d’Is et son univers
englouti, qu’elle soit à la vue de l’autre Montagne, celle de Kronan ou Kernun-
nos, le dieu cornu qu’on rencontre aussi à Plas-ar-C’horn de Loc-Cronan, quoi
de surprenant dans tout cela ? Si le roi Marc’h est là, dans tout cet environne-
ment, c’est qu’il est bien le messager de Samonios
En outre, Sainte-Marie-du-Menez-Hom est-elle bien la Marie que l’on croît
de prime abord ? Bien avant que la mère de Jésus ne vint en ces lieux, ils étaient
occupés par une charmante déesse, dont, par miracle, nous connaissons les traits,
à défaut du regard. L’on ne peut passer outre sans conter l’étrange histoire surve-
nue en ces lieux mêmes dans le courant de notre XXe siècle.
Sainte-Marie-du-Menez-Hom est un très modeste hameau, situé sur la route
moderne qui va de Châteaulin à Crozon, au carrefour d’un chemin secondaire
qui monte de Locronan et franchit ici un col en direction des bords de l’Aulne.
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Les maisons peu nombreuses donc, entourent une superbe chapelle, lieu de pè-
lerinage et de vénération, édifiée dans un enclos où trône un calvaire.
La fontaine sacrée, malheureusement n’existe plus : elle coulait jadis vers le lit
du Carvan, mais on l’a captée pour les besoins de la population en eau potable.
L’abbé Thomas recteur de Plonevez-Porzay entre les deux guerres mondiales, la
situait à trois cent mètres au nord-est de la chapelle et en donnait une photo. Il
la disait intarissable, ce qui est le propre des sources sacrées.
A une petite distance de là, en 1913, un paysan de Kerguilly en Dineault,
Jean Labat, labourait en compagnie d’un parent et d’un ouvrier, un champ qu’il
possédait aux flancs du Menez-Hom, au-dessus de la vallée où coulait les eaux
venues de la fontaine, au lieu dit Gorre ar C’hoat, lorsqu’il découvrit un masque
de bronze. Les évènements mondiaux qui survinrent bientôt reportèrent à 1928
la suite des fouilles qui s’avérèrent fructueuses, puisque le reste de la statue fut
alors mis à jour, à un mètre environ de profondeur.
A la suite de péripéties nombreuses, l’essentiel de la statue a trouvé de nos
jours place au Musée de Bretagne à Rennes, où on peut la visiter.
Il s’agit d’une jeune femme casquée et accompagnée d’un cygne sauvage que
René Sanquer et Donatien Laurent ont rapproché de l’antique déesse Brigantia
et de sa suppléante chrétienne, sainte Brigitte de Kildare. On a pensé qu’elle
avait été ensevelie là, à la limite supérieure de la forêt, comme le nom de Gorre ar
C’Hoat, le haut du Bois semble l’indiquer, sans doute par le dernier prêtre païen
qui voulait lui épargner le viol des Chrétiens. Pour le moins, on peut dire qu’elle
a précédé ici la Vierge Marie si même elle n’est pas, comme nous le pensons, la
vraie sainte Marie du Menez Hom.
Le nom de Marie en effet n’est pas réservé à la mère de Jésus. De l’autre côté
de la baie, dans le Cap Sizun, Sébillot a signalé la présence d’une femme de
l’Autre Monde, sorte de serpente, que l’on nomme la Marie du Cap. Si l’on
compulse d’ailleurs les dictionnaires tant bretons que français, on s’aperçoit que
l’appellation de Marie s’applique dans le langage courant à une foule de fonc-
tions féminines dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles ne correspondent
pas à l’idée que l’on se fait ordinairement de la Sainte Vierge.
Il semble bien que la Marie désigne un personnage relevant de l’ancienne
religion et diversifié selon les lieux, de la même manière que l’on connaît une
Notre-Dame de Rumengol ou une Notre-Dame de Lourdes. D’ailleurs, même
dans ces derniers cas, il est manifeste que le nom donné à la déesse, Notre-Dame,
en breton Itron Varia, Madame Marie, a permis en son temps de voiler admira-
blement le fait que l’humble villageoise de Nazareth était remplacée et comme
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mise à la porte de la croyance chrétienne, par la Reine du Ciel, la déesse des eaux
de l’éternelle tradition.
Il me semble entendre François Villon
Je sais bien que Villon n’est pas apte à recevoir un brevet d’orthodoxie, mais
justement, dirais-je, c’est bien là la preuve et le sens du culte populaire sinon
théologique qui s’appliquait entre autres à la Marie du Hom.
René Sanquer appela Brigitte, du nom de la toujours jeune déesse celtique, la
statuette frêle et robuste, désormais sans yeux ni membres, mais toujours désira-
ble, découverte sur les flancs de la montagne sacrée. Donatien Laurent, parlant
à ce propos, de la christianisation de l’antique Brigantia a décrit très clairement
cette mutation : Ici encore, la sainte a hérité des fonctions de la déesse, mère des
dieux de l’Irlande comme on l’a vu plus haut. Son association avec la Vierge, mère de
Dieu, est constante dans la tradition irlandaise depuis les plus anciens textes. Elle est
« la Marie des Gaëls », celle que saint Ibar, d’après une vie latine de la sainte écrite
au début du IXe siècle, désigna par ces mots : Haec est Maria quae habitat inter
vos.« C’est elle la Marie qui habite parmi vous !
La déesse du Menez-Hom est donc bien aussi la Marie, celle qu’on retrouve
dans le Cap, et bien sûr celle de la ville d’Is dont le souvenir surgit de partout en
ces lieux. C’est bien sûr Ahès, que d’aucuns appellent Dahud, comme le disait
Yann ar Floc’h.
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passage au diocèse de Lisieux en janvier 1092, nous affirme d’après Gautier Map,
que des phalanges noctivagae quas Herlethingi dicebant, ces « phalanges noctam-
bules qu’on dit de Herlething » auraient été bien connues en Basse-Bretagne dès
le siècle suivant : « elles ont cessé de se montrer en Angleterre et dans le Pays de
Galles pendant la deuxième année du règne de Henri II, c’est-à-dire en 1155.» Il
semble décidément que le roi Henri II ait décidé de purger la Grande-Bretagne
de tout compétiteur surnaturel !
Quoiqu’il en soit à cet égard, cette phrase latine à propos de ces troupes noc-
tambules qu’on dit de Herlething a le mérite de nous montrer la mesnie en Bre-
tagne et au Pays de Galles, dans des régions de langue celtique où l’on n’imagine
guère un diable flamand.
Toujours sous la plume de Henri Dontenville, l’on apprend qu’un moine
dominicain, Etienne de Bourbon, au début du XIIIe siècle écrivait un de familia
Allequini vel Arturi, sur la famille d’Allequin ou d’Arthur.
Ceci nous ramène une fois de plus à l’enterrement légendaire du roi Gradlon.
Nous y avons déjà trouvé sous la forme de Haemon, prieur du château de Lan-
dévennec, le parrain du Menez-Hom, un certain Samonios lui-même. Mais il
est dans ce texte un autre prieur, celui de Saint-Gildas de Rhuys, dont le nom est
Halcun et qui voisine avec le recteur d’Argol qui se nomme Halcuin. Ces noms
renvoient au radical celtique de la chasse Halc’h ou Helc’h, en vieux-breton, et
par ailleurs à une terminaison en – cun qui s’entend d’un sommet, d’un chef,
mais aussi de chiens. Le mot signifierait soit le Sommet (ou le chef ) de la Chasse,
soit les chiens de chasse. Ce Halcun, qui en fait de prieur, ressemble plutôt à un
Grand Veneur, est en fait non sans relation avec le premier des sommets du Me-
nez-Hom vers le sud qui s’appelle le Hielc’h, autrement dit la Chasse.
Mais alors notre Hellequin est-il si germanique et si infernal que cela ? Entre
Halcun et Hellequin, il n’y a phonétiquement pas grande différence. Helle ne
sera-ce pas la chasse plutôt que l’enfer et Quin, ne sera-ce pas Cun, le sommet ou
le chef, plutôt qu’un diminutif flamand ? Hellequin deviendrait alors le Grand
Veneur celtique en même temps qu’il s’implanterait sur la Montagne sacrée en
tête de la Chasse de nuit.
On ne manquera pas alors de songer à Aiquin, ce sarrasin sauvage et mécréant,
musulman et néanmoins polythéiste, qui régnait sur le Menez-Hom, d’après la
Chanson du XIIe siècle qui porte son nom, jusqu’à ce que Charlemagne vint l’en
déloger. Aiquin pourrait bien être en effet une forme de Halcun. La phonétique
romane et son écriture justifient parfaitement qu’un son– al – se soit transformé
en – è –, que la notation ai soit purement orthographique et que le h non pro-
noncé en français ait disparu.
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glomération. Il ne précise même pas si l’endroit est situé d’un côté ou de l’autre
de la mer.
Dans ces conditions, on est légitimement amené à penser qu’il était établi là
où se trouve encore aujourd’hui la « tombe du roi Marc«, c’est-à-dire sur le site
renommé du Menez Hom, au pied duquel notre auteur passe son existence de
cénobite. Cette localisation en outre n’est disputée par quelque lieu que ce soit
dans la tradition des pays celtiques, pas même par la Cornouailles d’outre-mer.
Si à son époque en effet le petit cairn préhistorique était déjà connu pour ce
qu’il est considéré aujourd’hui, il est inimaginable de penser qu’Wrmonoc ait été
chercher ailleurs, sans le préciser, le tumulus du roi de Cornouaille. On pourrait
objecter évidemment que la tradition en question soit plus récente que le IXe
siècle. Cependant l’implantation du mythe du Cheval dans la toponymie de la
Bretagne armoricaine paraît très archaïque. La plupart de ces noms de lieux re-
couvrent en effet ou avoisinent des ruines gallo-romaines ou des éperons barrés
protohistoriques, voire, comme ici, un tumulus de l’âge du fer.
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On peut exclure à notre avis des hypothèses la désignation tardive, par des
lettrés bretons, de lieux antiques sur le modèle du roman de Tristan et Yseult,
d’abord à cause de la diversité des antiquités en cause, de leur extension géogra-
phique qui supposerait un véritable système appliqué aux lieux, enfin de l’ab-
sence de toute fioriture, de toute allusion aux autres personnages et en particulier
Yseult, si ce n’est sous des formes archaïques telles que Kazeg, la Jument.
Quant aux légendes, elles ne paraissent guère fabriquées, en ce sens qu’elles ne
tendent jamais à rapprocher leur héros des descriptions littéraires de Béroul et
de Thomas, non plus que des Allemands. L’une d’elles nomme même le prince
Guinvarc’h, ce qui nous rappelle plutôt Guyomarc’h, le Guigemar ou Guinga-
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l’on veut bien admettre que dans le passage d’une langue à l’autre, le Car ait pu
s’entendre ou se répéter Cor par fermeture de la vocalisation, le reste va de soi.
Un autre toponyme d’ailleurs requiert notre attention. C’est celui, moins
haut placé et plus proche de la mer, de Kervennec, dont l’analogie avec Karve-
nig est frappante. Nous avons dit que Car et Ker sont deux formes d’évolution
différente du mot vieux-breton Caer, l’enclos fortifié. Quant à Vennec, issu de
bannacos, et Venig, de bannicos, le sens est le même.
Mais une linguistique plus coutumière entendrait par Kervennec, le village
de saint Gwenneg, bien connu dans la région pour être le fils de sainte Gwenn,
le frère de Gwenole et de Jacut, l’éponyme de Landévennec. Il n’est bien sûr, pas
possible de décider entre les deux propositions. Dans l’esprit même des habi-
tants, l’une des interprétations a fort bien pu succéder à l’autre : c’est là l’un des
modes habituels de la christianisation.
Il existe d’autres Kervennec dans le Finistère, d’autres Cornes de Cerf en
Bretagne. C’est bien normal lorsqu’il s’agit d’un terme mythologique doublé
de surcroît d’une christianisation. Il n’est pas exclu enfin que le terme celtique
bannacos, qui donne ici – venec, n’ait pas eu dans certain cas son autre sens de
hauteur, élévation.
Un seul retiendra notre attention : sur la rive gauche de l’Aber Rozan, en po-
sition d’observation et de défense à l’entrée de la plus importante voie d’accès
fluviale au Menez-Hom, c’est l’un de ces domiciles seigneuriaux, lieux de com-
mandement militaire, qui portent aux VIe et VIIe siècles le nom caractéristique
de Les ou Lis, traduit par le mot français Cour. Lesquervénec, aujourd’hui vil-
lage voisin de la pointe de Tréboul en Crozon, constitue un élément capital de
défense avancée, pour toute agression venant de la baie de Douarnenez et de son
ouverture sur l’Océan au cap de la Chèvre.
Correctement orthographié de nos jours Leskervennec, il signifie sans conteste
la Cour de Kervennec. Il apparaît nettement que dans un nom de cette époque,
et de plus accolé à un préfixe dont le sens stratégique est indéniable, le mot Ker
s’entend non d’un hameau, mais d’un camp retranché. Le pieux personnage de
l’Eglise celtique n’a pas sa place ici, mais bien plus le sens mythique et guerrier :
Kervennec ici encore est bien Corbenic, Leskervennec est le poste avancé dans la
défense de Caer Bann Hed.
Au sud et au sud-ouest, on notera la proximité immédiate du village en par-
tie homonyme, du Véniec, non moins que celle des alignements néolithiques,
en partie détruits, de Kerglintin-Tréboul. Le caractère stratégique est accentué
par l’avancée de la presqu’île de l’Aber, où des fortifications de Napoléon III,
aujourd’hui en ruines, ont succédé à des établissements militaires antérieurs.
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Dès 1850, Bachelot de la Pylaie signalait à la fois les restes d’un corps de garde
et d’une poudrière, le tout accompagnant l’installation d’une batterie, édifiés
pendant notre dernière guerre avec l’Angleterre, et l’existence de retranchements
assez semblables, à lire l’auteur, à ces remparts protohistoriques qui abondent
sur la côte. D’une façon générale, la presqu’île de Crozon montre à l’évidence
la pérennité des intérêts militaires dans cette région, de l’époque mégalithique à
celle de la désintégration atomique.
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Wenmonid était portée en 852 par une bourgade du Pays Nantais qui deviendra
Guémené-Penfao en Loire-Atlantique. La femme Gwenn ne serait-elle pas la
Montagne Blanche ?
Mais alors Gwenn ne serait-elle pas la déesse du Menez-Hom, la petite « Bri-
gitte », la Marie de la Montagne? En tout état de cause, si Gwenn est le nom de la
sainte Montagne et Gwenneg l’un de ses fils, ou de ses seins, ou de ses sommets,
Kervennec vient-il de saint Vennec, ou bien saint Vennec de Kervennec, de Gar-
venig, de Caer Bannicos ? S’agit-il en somme d’une christianisation des lieux ou
d’une paganisation de la tradition chrétienne ?
Le problème déborde, bien évidemment, sur Landévennec, la grande abbaye
celtique du voisinage immédiat, celle notamment d’Wrmonoc. On la tient d’or-
dinaire pour être « le monastère du cher Gwenneg », Lann-to-vennec. Mais le
nom, dans son état actuel, se moque de distinguer le cher Gwenneg du cher
Benneg, quoique ce dernier soit moins connu… On en dira de même de l’écueil
de Tevennec, dans l’ouest de la pointe du Van.
Mais au fait, la pointe du Van elle-même ne mérite-t-elle pas d’être interrogée
à cet égard ? Beg ar Van peut difficilement se rattacher à la Corne de Cerf, car
ce nom, en breton, est masculin et ne saurait devenir van après l’article. Mais
la carte d’Ogée, qui date de 1771, écrit Pointe de Carnarvan, ce qui est entière-
ment différent. On est là en présence d’un cairn, tumulus de pierres, qui se serait
trouvé au voisinage de la Corne de cerf : Carn are van. L’ancienne préposition
are, près de, entraîne régulièrement la mutation de l’initiale après elle, quel que
soit le genre du mot.
Un tumulus qui aurait existé non loin de la pointe du Van, elle-même consi-
dérée comme la Corne, dont elle a l’aspect, ainsi fichée sur le crâne de Plogoff,
suffit pour entraîner la validité du sens et sa pérennité dans la forme actuelle. Et
dans ces conditions quoi de plus normal que de voir veiller dans les parages le
cher Homme de la Corne, Tevennec, avatar d’un sommet du Menez-Hom, avec
lequel d’ailleurs il est en relation à vue, doublet d’un cénobite, pieux quoiqu’un
peu vague, fondateur cependant, dit-on, d’un monastère illustre, qui porte son
nom, première personne de la Trinité.
Le Château du Graal
Nous n’irons pas plus loin que ces questions posées. Car ce sont avant tout
des questions et toutes les idées ne sont pas forcément les meilleures. Toutefois,
nous avons voulu aller aussi loin, pour bien montrer l’importance du problème.
Il ne s’agit en effet rien moins que de déceler le caractère factice et superficiel de
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MARC ET TRISTAN
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Exit donc la princesse Ahès, que nous connaissons bien pour l’avoir rencontré
dans d’autres aventures et qui reprend ici la fonction de la biche merveilleuse qui
introduit à l’Autre Monde.
Mais l’histoire du pauvre souverain continue inflexiblement :
Désormais, affublé des oreilles et de la crinière de son cheval, le roi fut l’homme
le plus malheureux de la terre. Il se cacha dans son palais, et ne voulut plus voir per-
sonne. Seul, un barbier pénétrait chaque semaine auprès du souverain. Mais il n’en
revenait jamais : pour avoir connu le secret, il était aussitôt mis à mort. A ce régime,
le royaume de Poulmarc’h fut assez vite privé de coiffeurs, et il fallut faire appel au
dernier d’entre eux, le propre frère de lait du roi, nommé Yeunig.
Or celui-ci possédait des ciseaux merveilleux, après le travail desquels les cheveux
ne repoussaient plus. Il s’en servit pour Marc’h qui, dans sa joie, se contenta de faire
promettre à Yeunig de ne parler à personne de son infirmité. Le jeune barbier aimait
son maître, mais il était bavard, et le secret lui pesa bientôt terriblement. Il lui devint
même si insupportable qu’il ne put s’empêcher de le raconter à quelqu’un, voire à
quelque chose, pour s’en décharger. Il se méfia des vagues, il se méfia du vent, mais il
ne se méfia pas du sable. Il y creusa un large trou et, s’y cacha la tête, il prononça tout
bas les mots interdits : « Marc’h a les oreilles de son cheval Morvarc’h ».
A quelques temps de là, le roi maria sa fille et, à cette occasion, il accepta de pa-
raître en public. La crinière n’avait pas repoussé depuis que Yeunig l’avait taillée et,
sur ses oreilles, le souverain fixait un chapeau spécialement conçu pour les cacher. En
outre, il se tenait sous une tente spéciale qui le protégeait du moindre souffle d’air.
Lorsqu’après le repas de noces, on voulut danser, cinquante sonneurs de biniou et
de bombardes s’approchèrent pour donner le branle. On s’aperçut alors que, durant
la nuit, les anches de tous les instruments avaient été dérobées. Qu’à cela ne tienne :
on chercha du bois tendre pour en tailler de nouvelles, et l’on trouva sur la grève trois
roseaux fraîchement poussés.
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Mais lorsque les sonneurs commencèrent à souffler, au lieu du son aigrelet des cor-
nemuses, les danseurs eurent la stupéfaction d’entendre les mots fatidiques : « Marc’h
a les oreilles de son cheval Morvarc’h. » Le roi, qui n’avait rien remarqué, sortait de
sa tente pour donner le signal des réjouissances quand le vent se leva d’un coup et le
décoiffa.
Le voilà qui court, le voilà qui s’enfuit pour cacher sa honte, éperdu. Mais son
pied glisse et sa tête frappe une roche. Un cri strident retentit: celle qui l’a poussé, c’est
justement une femme-sirène, juchée sur un cheval aux oreilles d’homme. Elle crie :
« Voici Morvarc’h, cheval de Marc’h, roi de Poulmarc’h. Les oreilles de Morvarc’h sont
celles de Marc’h, et celles de Marc’h sont celles de Morvarc’h. »
La fête ne s’en poursuivit pas moins, et le roi mort ne fut pleuré que par sa fille,
son gendre et son coiffeur Yeunig. Mais le soir, quand la foule se rendit près du rocher
qui lui avait brisé la tête, la pierre avait pris la forme d’une tête d’homme aux
oreilles de cheval.
Depuis ce jours, le pays changea de nom : on ne l’appela plus désormais Poul-
marc’h, mais Penmarc’h, la « tête de cheval ».
Il est bien intéressant de constater que la fin du récit nous ramène à cette
mythologie de la pierre qui est celle du roi Arthur. La Tête de Cheval est ici une
statue, voire plutôt un mégalithe ou un rocher aux formes curieuses.
Ce qu’on ignore d’ordinaire, c’est qu’une statue de ce genre existe réellement,
aujourd’hui transportée au Musée breton de Quimper. Le continuateur d’Ogée,
en 1843, décrivant les intéressants manoirs de Plonevez-Porzay, écrit à propos
de Lezarscoët, ceci : Lezarscoët ou la Cour du Bois, est aussi un fief fort ancien. La
primitive habitation dut être ce que l’on nomme encore dans le pays Coz-Maner,
ou le Vieux-Manoir. Lezarscoët n’existe plus ; mais les paysans ont transmis ce nom
au village voisin de Coz-Maner, village dont le véritable nom est Toul-ar-Porz. On
a conservé longtemps à Lezarscoët un buste en granite du pays très grossièrement
travaillé, représentant un prince avec une petite couronne sur la tête et d’énormes
oreilles. Cette statue était appelée par les paysans Ar-Roue-Pen-Marc’h.
L’auteur de ces lignes concluait ainsi : Ces mots veulent-ils dire le roi de Pen-
marc’h, ou le roi à tête de cheval ? C’est ce que nous ne saurions préciser. Quoiqu’il
en soit, cette statue avait peut-être quelque rapport avec Penmarc’h, et pourrait servir
à retrouver l’étymologie de ce nom, qui jusqu’ici à été assez mal expliquée.
Nous répondrions aujourd’hui à la question posée en disant que les deux ré-
ponses sont valables et en relation l’une avec l’autre. Mais ce qui nous intéresse
ici, c’est le renseignement lui-même.
L’actuel Lezascoët de la carte de l’IGN est situé à proximité de Coz Castel,
qui est le vieux Château de Nevet, et de Coz Ti, la vieille maison, traces d’une
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grande antiquité du site. Ajoutons qu’à un peu plus d’un kilomètre au sud, on
trouve dans le bois même de Nevet et au-dessus du ruisseau de ce nom un village
de Kermarc, qui a beaucoup de chances d’être un Ker Marc’h.
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d’une grande marée, très en avant du littoral, les restes ultimes de la Ville d’Ys
émergeant des lieux mêmes où la légende la fait connaître.
Le boug de Quimerc’h, établi de nos jours sur le flanc d’un coteau à l’est du
Faou, pourrait être aussi une mémoire du roi Marc’h. Quimerc’h serait ainsi
pour Kein Merc’h, le dos du cheval, sous une vieille forme génitive oubliée. Avant
de désigner le bourg actuel, sis à flanc de côteau, l’expression s’est appliquée
à ce lieu du plateau qu’on appelle aujourd’hui Kimerc’h kozh, le vieux Qui-
merc’h, où une église préservée dans ses ruines, dresse encore son petit clocher
cornouaillais sur le devant de la ligne de crête. Celle-ci semble former l’échine où
s’appliquerait la selle d’un être gigantesque.
La pointe de Lostmarc’h sur la côte ouest de la presqu’île de Crozon entre
Pen Hir et la Pointe de Dinan. Le nom signifie la Queue de Cheval et le site
est un ancien établissement militaire armoricain, du type que les archéologues
désignent par l’expression d’éperon barré : il s’agit d’un petit promontoire, à la
base étranglée et parcourue d’un ensemble de remparts et de fossés qui en inter-
disaient l’accès du côté de la terre. Au sud de cette langue de terre, le sable s’étend
en bordure d’une palud et la plage s’incurve pour recevoir, adoucies en longs
déferlements, les vagues soulevées par l’océan. Au nord, au contraire, le relief se
hausse et se déchire. Sur la crête qui se déchiquette sur fond de ciel, un menhir
et quelques pierres rappellent le souvenir d’un bel alignement est-ouest et des
hommes qui, en d’autres temps le dressèrent. Le promontoire s’ouvre, enserrant
entre deux bras la charpie sanguinolente et noircie d’un ventre ouvert. Vue des
galets, en bas, les lèvres immenses d’une gueule nous enserrent : seule du côté de
la mer, la liberté est démesurée.
La Jument de pierre
Et puisque nous parlions tout à l’heure de jument, à propos des écueils de
Penmarc’h, il ne faut pas oublier non plus de mentionner la plus illustre des
juments de Bretagne, en pierre elle aussi, celle dont les pèlerins païens de la Tro-
ménie, à Locronan, font pieusement le tour et que les femmes stériles invoquent
pour obtenir des dieux une progéniture, je veux dire ar Gazeg ven, la Jument
de pierre, à moins que ce ne soit la Jument Blanche, la Jument Bénie, celle de
l’Autre Monde. Bien que rien ne nous permette de préciser le sens du mot ven
ici, nous pencherions pour lui donner la forme wenn, blanche, parce qu’il existe
dans la toponymie bretonne une autre expression semblable : l’un des faubourgs
de Brest, là même où l’on vient de construire le nouvel hôpital, porte le nom, en
français aujourd’hui, traduit évidemment du breton, de la Cavale Blanche.
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Mais peu importe, car l’un et l’autre nom lui convient. C’est ce rocher, qui
pointe de terre et qu’on rencontre sur le trajet de la Troménie quand on a dépassé
la croix archaïque de Keben, au bas de la descente de Plas ar C’horn, peu avant
l’angle sud-ouest du parcours.
La femme du Cheval de Locronan, nous dit-on aussi, serait une de ces bar-
ques de pierre sur lesquels les vieux saints de l’Eglise celtique naviguaient entre
les promontoires de l’Extrême-Occident, à moins que ce ne soit du même coup
entre les Mondes. Ce sont là de fait des montures destinées à franchir les Passa-
ges. La Kazeg Wenn transporta ici saint Ronan depuis l’Irlande, son pays d’ori-
gine. Elle vient donc de cette Hybernie, à la fois historique et mythique, d’où la
blonde épouse du roi Marc’h, Yseult, venait aussi.
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figurés en rapport visible avec l’irréel (de types sans doute nombreux, particulière-
ment dans ce pays de légendes qu’est l’Armorique) et abondamment diffusés grâce à
l’importante production monétaire. Silhouettes imaginaires, proches du monde di-
vin plutôt que proprement célestes. On emploierait volontiers le mot « féérie » pour
caractériser l’atmosphère de leurs rencontres s’il ne demandait… des fées et n’avait
donc une résonance au plus tôt médiévale, et plus particulièrement shakespearienne.
Certaines de nos images ne manquent pas, en effet, de nuances malicieuses, ni même
d’un charme profond.
L’opinion ainsi exprimée est d’autant plus intéressante qu’elle caractérise très
bien non seulement la numismatique armoricaine, mais aussi l’ensemble de la
littérature parvenue jusqu’à nous. Mais il ressort de ce texte que si son auteur
n’admettait pas le rapprochement entre le cheval et un quelconque dieu celtique
connu de nous, il n’aurait pu s’empêcher de mettre en équivalence le cheval des
monnaies antiques et un cheval médiéval, en l’occurrence le roi Marc’h de ce
légendaire armoricain qu’il semble avoir apprécié. En Armorique occidentale
en effet, au pays des Osismes, l’importance de l’animal dans la numismatique
rejoint le prestige du roi dans la tradition.
La plupart des chevaux reproduits sur les coins des Osismes ont un visage
humain et rappellent le Cheval aux oreilles d’homme que monte Ahès dans le
conte de Yann ar Floc’h.
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aux Ve et VIe siècles de notre ère, Gradlon de même, encore que nous soyons per-
suadés qu’ils remontent l’un et l’autre à une antiquité bien plus lointaine. Le roi
Marc’h n’a pas d’âge. Il semble hanter les hauteurs du Menez-Hom, les rivages
bigoudens ou léonards, depuis la nuit des temps. Il affectionne des lieux, comme
Saint-Derrien, Saint-Fregant ou Douarnenez, dont la relation avec l’époque gal-
lo-romaine est évidente, et qui furent peuplés encore bien avant. La tombe qu’on
lui attribue n’est-elle pas un tumulus, peut-être de l’âge du fer ? Les mégalithes ne
le fuient pas, comme en témoignent l’alignement de Lostmarc’h en Crozon, les
ensembles détruits sur le Menez-Hom, les nombreuse pierres de Penmarc’h.
Le roi Marc’h apparaît comme le personnage central de très vieux mythes,
celui de l’homme aux oreilles de cheval, celui de la chasse à la biche, celui de la
Jument blanche, celui de la conduite des âmes en l’Autre Monde, et sans doute
aussi celui de Tristan et Yseult.
Certes nous n’avons plus de récits de ce dernier type et si nous en avions,
on nous dirait que nous les avons copiés. Précisément si nous n’en avons pas,
c’est que nous les avons donnés, mais le monde européen, loin de nous en faire
hommage, les a attribués aux puissants qui ne voulaient ni de notre grandeur
culturelle, ni de nos espoirs politiques.
D’ailleurs Marc’h a pour sœur Blanchefleur au nom roman. Qu’aurait-elle
fait au pouvoir des Anglais ? De ce côté-ci de la mer, on parlait breton et roman
dans le pays de Bretagne et ce n’était pas être transfuge que de parler une langue
qui tenait en partie du latin et en partie du celtique, et qu’on n’appelait pas en-
core sottement le français. Et cela n’empêchait pas d’être breton.
Blanchefleur épousera un autre cornouaillais, Rivalin, celui-ci certainement
du monde osisme. Leur enfant sera Tristan de Loonois.
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Insula Trestani
Comme on l’a fait pour le Camp d’Artus à Huelgoat, on a voulu voir dans
cette trace armoricaine de Tristan, une allusion littéraire. L’île, naguère sans dou-
te presqu’île, aurait porté le nom de Tutuarn, mais l’on n’en a aucune preuve :
certes il y eut là un prieuré de Saint Tutuarn, qui n’était peut-être d’ailleurs
que de saint Tudwal, mais cela n’implique pas que la terre ait été marquée de
cette appellation. En outre, Joseph Loth a bien fait remarquer la dénomination
ancienne d’insula Trestani, alors qu’une allusion littéraire aurait pris la forme
d’insula *Tristani.
Contrairement à ce qu’on a dit d’ailleurs, le nom de Tristan n’est pas absent
de la Bretagne Armoricaine. S’il est vrai en effet qu’on a trouvé en Cornouailles
britannique une stèle au nom de Drustanus, s’il est exact que des princes d’Ecos-
se ont porté ce même nom, il n’est nullement établi que le Tristan, Trestan ou
Trestran des romans bretons en proviennent. Une charte des environs de 1038,
fait mention d’un certain Driscamnus, fils de Rivellonus, lequel est qualifié de
« chevalier de la province de Redon ». Chose curieuse, Rivellon, le nom du père
de Driscamn, est ici identique à Rifalin, forme germanisée du père de Tristan
chez Eilhart d’Oberg.
On a donc tout lieu de tenir l’île Tristan pour un toponyme ancien et respec-
table qui ne manque pas d’attirer l’attention sur cette localisation de la légende.
Elle a en tous cas le privilège de se situer à la vue de Plomarc’h et de la Tombe du
roi Marc’h sur le Menez-Hom, c’est-à-dire en plein pays du mythe.
Riwelen de Cornouaille
Selon Eilhart d’Oberg donc, le père de Tristan s’appelait Rifalin. Gottfried de
Strasbourg donne moins germaniquement un Rivalin qui aurait eu pour surnom
Kanelangres. Ce dernier terme, que l’on retrouve seul dans la saga islandaise de
Tristram et d’Isönd, venait selon Gottfried du château de Kanoel
Le nom de Rivalin, Rivalon et plus anciennement Riwelen, est fréquent en
Bretagne armoricaine dès le Haut moyen âge. Albert Deshayes en a recueilli
vingt formes différentes utilisées de nos jours comme noms de famille, en parti-
culier la plus proche de l’ancienne, Rivalain. Le sens que cet auteur leur attribue
est : Roi valeureux.
Le roi Gradlon, quatrième sur la liste des rois de Cornouaille avait un fils
nommé Rivelen qui mourut avant lui. Mais les deux premiers de ses prédé-
cesseurs s’appellent ainsi, dans les états donnés par les Cartulaires de la région.
Celui de Quimper porte Ri-welen Mur Marchou et Ri-welen Marchou. Ceux
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nitive, Douarnenez. On comprend dans ces conditions que, dans des articles
récents, Bernard Tanguy ait reconnu Laïounes dans Douarnenez. Il est curieux
d’ailleurs de constater que le voisinage immédiat de cette ville, et notamment
l’île Tristan soit constitué selon la tradition par la Ville d’Ys engloutie. Il existe
en effet en Cornouailles britannique une légende de cité submergée entre le
promontoire de Land’s End et les Scilly et nommée Lyonesse qui se prononce à
l’anglaise Laïounes.
et en faisant de lui non pas un héros des Lowlands, mais Tristram de Lyonesse.
Nous entendrions volontiers le nom comme le résultat de l’évolution d’un
Lugdunensis, tout comme Lodonésie, que ce mot se soit rapporté à l’antique
province Lyonnaise ou bien qu’il ait désigné la contrée d’un autre Lugdunum,
comme il en existait un certain nombre dans les Gaules.
L’Arménie en Bretagne
Les Allemands cependant, Eilhart von Oberg et Gottfried de Strasbourg, ne
suivent pas la tradition française de Béroul, mais celle de Thomas, dont les frag-
ments conservés ne donnent à cet égard aucune indication topographique. Pour
eux, la patrie de Tristan est la Parmenie, que la Saga islandaise de frère Robert
rapporte à une ville nommée Armenie. La situation en est chez ces auteurs net-
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La Montagne
Voilà de toutes manières, beaucoup d’incitations à voir dans Douarnenez un
point-clé de la mythologie de Tristan. Ce lieu extrême de la Lyonnaise aurait
regroupé divers territoires autour de lui comme la Parménie, voire la cité d’Ar-
ménie.
Il nous reste cependant à signaler un curieux problème de la géographie an-
cienne et de l’histoire des hérésies, qui se concentre autour de cette notion de
Montagne. Au XVIIIe siècle en effet, un apôtre chrétien de la Bretagne, laquelle
avait sans doute bien besoin d’être christianisée, avait nom Julien Maunoir. Vers
1665, il menait la guerre contre des groupes d’affidés qui semblent avoir prati-
qué une antique forme de religion non-chrétienne, que lui, le convertisseur, bap-
tisait du nom de secte. Il l’appelait la Montagne, sans doute, a-t-on pensé parce
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arthur, roi des bretons d’armorique
Kanelangres de Kanoel
Mais revenons à Riwelen, le père de Tristan. Gottfried de Strasbourg nous dit
qu’on lui donnait le surnom de Kanelangres et qu’il tirait cette appellation de la
forteresse de Kanoel qui était sienne, car « Kanel vient de Kanoel ».
Ceci semble nécessiter une petite mise au point. L’étymologie facile a toujours
été de règle en breton de la part des étrangers qui ne connaissaient pas la langue,
et de celle des autochtones qui en ignoraient les règles phonétiques fondamen-
tales. Outre le fait que la discussion est toujours possible et même souhaitable.,
mais n’a pu que bien rarement être réalisée.
Kanel ne vient pas de Kanoel, nous semble-t-il. La seule explication que nous
trouvions à Kanoel est de l’assimiler à Canvel. La forme intermédiaire est Kanwel
et l’accent régulier sur la pénultième rapproche au maximum les trois termes. Or
Canvel constitue l’élément déterminatif de Roscanvel, « la colline de Canvel »,
située à l’extrémité nord de la presqu’île de Crozon. Roscanvel s’appelait Ros
Catmagli au XIe siècle et Ros Kadmael en 1186, mais s’écrivait Roscanvel dès
1218. On peut penser que quelques dizaines d’années plus tôt, on disait déjà
ainsi et que Gottfried de Strasbourg put recueillir cette forme. L’important, c’est
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arthur, roi des bretons d’armorique
que le sens de Catmagli et Kadmaël nous soit clair : il s’agit du Grand Combat.
Cette forteresse du grand combat, fort conforme à cette région de Roscanvel,
forme en effet barrière à l’entrée de la rade de Brest où maints débarquements de
troupes étrangères, notamment espagnoles et anglaises se sont effectués en direc-
tion de Brest à l’époque moderne. Encore aujourd’hui, bourrée de défenses à la
Vauban et de parcours du combattant qui servaient naguère à l’entraînement des
corps-francs, elle sert à protéger l’Ile Longue et ses sous-marins nucléaires. Que
Roscanvel ait été l’un des éléments défensifs majeurs aux mains de Riwelen, roi
de Cornouaille, ne saurait nous étonner.
Kanelangres viendrait difficilement de Kanoel. Kanel paraît plutôt en relation
avec la famille de mots qui se groupent en français et en latin, comme en celtique
et en breton, autour de la racine Kan, le canal. Le latin Canalis, le français canal,
caniveau, le breton moderne kanol, le gallois canel en font partie. Anc est signalé
en vieux-breton par Léon Fleuriot, au sens d’étroit, sans doute en relation avec
le latin angustia. Kanel anc, c’est en breton de cette époque, un canal étroit. C’est
donc là exactement le sens du mot Goulet, en breton Mulgul.
Nul n’ignore que le bastion de Roscanvel domine de la hauteur de la Pointe
des Espagnols le Goulet de Brest, passage étroit s’il en est. La connotation sexuel-
le et même psychanalytique n’est pas absente ici : les marins de la rade l’appellent
Toul ar Chilienn, le trou – c’est-à-dire le vagin – de l’Anguille et comme chacun
sait, l’angoisse nous serait venu de l’angustia, l’étroitesse du passage à franchir
pour naître en ce monde.
Riwelen personnifie le Goulet de Brest : il est donc Kanel-anc, le Goulet et
son château est Kanvel, le lieu du Grand Combat, à Roscanvel.
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arthur, roi des bretons d’armorique
Kaherdin
Nous dirons un mot de Kaherdin enfin, le compagnon de Tristan en Armori-
que, qui nous est présenté comme un homme de ce pays, fils du roi de Carhaix.
S’il n’est pas de la presqu’île de Crozon, on ne peut dire qu’il en soit bien éloi-
gné.
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arthur, roi des bretons d’armorique
Le Morholt « d’Irlande »
Qui était en revanche le Morholt, l’oncle d’Yseult, le géant d’Irlande? Peut-
être n’est-il pas aussi éloigné que cela, non plus que sa nièce, des lieux que nous
fréquentons en ce moment
L’on a vu l’interprétation que nous donnions des noms de Lancelot et d’Yseult,
fondée sur le sens du mot solot, les fonds. Notre Morholt paraît relever de la
même étymologie : le mot viendrait de Mari solot, avec cette fois, la mutation
historique de S en H. Le Morholt serait tout simplement les fonds marins, que
ce soit ceux de la mer d’Iroise, de la baie de Douarnenenez.
Qu’on se reporte aux réalités concrètes de ces lieux et l’on comprendra mieux
ce que nous voulons dire. La conquête par Tristan, ilot au péril de la mer, des
réalités de la ville d’Ys, représentées par Yseult, passe par sa victoire sur les fonds
marins, les parages mangeurs d’hommes qui s’étendent de la Gamelle devant
Audierne, la côte d’Igerne, jusqu’à Men Goulven, la Pierre de Portsall, visage de
Gauvain. Là est le Morholt.
Lorsque celui-ci est vaincu, le Menez-Hom, sous son nom du Roi Marc’h,
peut épouser la Ville d’Ys, Yseult, la Jument Blanche. Mais l’île Tristan n’en
pointera pas moins son rocher, toujours, au milieu des eaux de la Baie et des
fonds d’Ys.
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XVII
L’A RMORIQUE D’A RTHUR
La résidence de Kerduel
Certes, le château de Kerduel près de Lannion n’est pas le seul à porter ce
nom. Mais, outre le fait qu’on rencontre plus souvent Kerdual, comme tout près
de là, en Ploumilliau par exemple, il n’en reste pas moins que nous avons à faire
ici à un site de forteresse ancienne, sur une terre, la région de Tregastel, vouée à
la défense des côtes depuis des millénaires, et de surcroît peuplée de souvenirs
et de noms arthuriens. Compte tenu du fait qu’on n’a jamais trouvé de Kerduel
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arthur, roi des bretons d’armorique
outre-Manche, hormis Carlisle qui n’a aucun droit à ce titre, nous n’hésiterons
pas à penser – et à dire – que Kerduel de Lannion est bien la résidence principale
du roi Arthur.
Le Traon Morgan
La vallée de Morgan est signalée par le village dit Traou Morgan, près de
Perros-Guirec. Le ruisseau qui descend dans ce fond, naît un peu en amont de
Kerduel et forme bientôt une pièce d’eau sur le côté du château, puis traverse la
petite route de St Antoine à l’endroit où la vue se découvre sur la résidence et
fait alors un coude vers le nord. Il passe ensuite au-dessous de Creac’hlagadurien,
avant de séparer le village de Traou Morgan de l’église de St Quay Perros. On le
désigne comme le ruisseau de Kerduel, qu’il est véritablement.
La présence de Morgane, la sœur d’Arthur, en ces lieux, auprès de son élé-
ment favori, l’eau courante, confirme bien le caractère de l’endroit.
Signalons à titre de complément qu’on rencontre aussi un Kermorgan, non
loin de là, en Ploubezre. Une autre vallée de Morgane existe près de Morlaix,
c’est le Tromorgan, affluent du Jarlot aux portes de la ville.
L’œil d’Urien
La hauteur de Crec’hlagadurien dont le nom est normalement décomposable
en Crec’h Lagad Urien, est située sur la rive gauche du ruisseau de Kerduel. C’est
« la colline de l’observatoire d’Urien ». Ce personnage de la Table Ronde, roi de
Garlot, est le mari de Morgane et donc le beau-frère d’Arthur.
Vénération de Ke
Le site de l’église de St Quay Perros domine les fonds de Traon Morgan et
avoisine l’embouchure du ruisseau de Kerduel. Les lieux s’appelaient Sancto Ke
en 1330, Saint Que en 1516, ainsi que nous le signale Erwan Vallerie dans son
Corpus. En dépit d’une sanctification dont il n’avait que faire, c’est bien là le
nom du sénéchal d’Arthur, au caractère impossible, toujours prêt à agacer tout
le monde, sinon à provoquer.
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Gauvain, le neveu
Le village du Golven en Tregastel est construit sur le bord de la grève, entre
l’allée couverte de Kerguntuil au sud et Coz Pors au nord. Non loin de là il y a
d’ailleurs un Golgan. Ici comme ailleurs, nous retrouvons Goulven, dont nous
prétendons qu’il n’est autre que Gauvain, dans les sites défensifs littoraux de la
Bretagne occidentale.
Gauvain serait donc présent ici avec nombre de ses parents.
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arthur, roi des bretons d’armorique
Le manoir de Leslac’ h
Dans son état actuel, c’est un beau monument du XVe siècle, parfaitement
restauré, qu’avoisine une chapelle et quelques pierres mégalithiques. Le nom
signifie Cour de Lac’h (Les Lac’h) et dans l’environnement arthurien dans lequel
ici se trouve ici, on pourrait y voir une attribution au roi Lac, père d’Erec l’Ar-
moricain selon Chrétien de Troyes.
Il existe aussi un village de Leslac’h en Trelevern, à petite distance de Perros-
Guirec…
La Garde au Yaudet
La rive gauche du Leguer se termine, à l’embouchure de la rivière, par un
promontoire élevé qu’on nomme le Yaudet. Il s’agit d’un ancien poste militaire
romain qui a succédé sans doute à un oppidum plus ancien. Outre la présence
d’antiquités de toute sorte sur cet emplacement, la tradition est fortement éta-
blie d’une ville antique en cet endroit.
La commune, aujourd’hui Ploulec’h, s’appelait Ploelach en 1461. On peut
y voir la Paroisse de Lac’h, qu’autorise de surcroît l’existence du manoir et du
village de Leslac’h dont nous venons de parler.
Le roi Lac de Chrétien deviendrait ainsi un antique défenseur de la côte ar-
thurienne aux bouches du Yar et du Leguer, établi sur deux points forts de ce
littoral, le Grand Roc’h Hir Laz et le poste de garde du Yaudet.
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arthur, roi des bretons d’armorique
La présence de Caradec
Le nom de Caradec, ou plus anciennement Caradoc, roi de Vannes selon la
Première Continuation du Graal, dite Continuation Gauvain qui en traite lon-
guement, est présent à vrai dire dans toute la Bretagne Armoricaine, de même
qu’au Pays de Galles et en Cornouailles britannique : nous l’avons rencontré
aussi bien dans les vies de saints gallois qu’à Saint-Caradec sur les bords de l’Oust
ou à Saint-Caradec-Tregomel.
Mais il n’est pas absent de ce »royaume du Leguer« que nous attribuons au roi
Arthur. En Ploulec’h même, il existe un Kercaradec ; en Plouzelambre, un autre ;
un troisième en Caouënnec, enfin un peu plus loin un Coscaradec en Langoat.
Ce dernier vocable est précieux, car Caradec est toujours porté comme pa-
tronyme et l’on ne saurait dire qu’un Kercaradec n’est pas la ferme d’un certain
Caradec qui vivait au début du XXe siècle. En revanche, la précision apportée
par l’adjectf Cos, ancien, et qui plus est en première position tend à nous faire
admettre l’appellation comme antérieure à l’an mille.
La présence de Mauduit
Mauduit, avons-nous dit serait à rapporter à Maodez. Le Tregor est le pays
par excellence d’un saint de ce nom, mais plutôt dans sa partie orientale. On a
ainsi Maudez en Lanvellec, St Maudez en Quemperven, Maudez en Plouaret, St
Maudez en Port-Blanc.
En outre, bien que le fait soit probablement arrivé assez souvent, rien ne nous
permet d’affirmer que le saint ne soit autre chose qu’un guerrier pacifié par la
postérité.
La plage de St Kiriou
Une grève est ainsi appelée, toujours en Ploulec’h. Ceci accentue encore le
caractère arthurien de ces lieux. Saint Kiriou évoque de bien près en effet le vieux
roi d’Orcel que Chrétien de Troyes appelait Quirion. On sait qu’il y a une Ro-
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arthur, roi des bretons d’armorique
Kerguyomar en Ploumilliau
Guyomarc’h, l’amant de la fée Morgue et le roi de l’île d’Avallon, bien proche
de son frère Greslemuef ou Gradlon Meur, roi de Cornouaille, semble se mani-
fester à Kerguyomar en Ploumilliau. Mais, de même que Caradec, Guyomarc’h
demeure aujourd’hui usité comme nom de famille et il est impossible de fixer
une date à la création de ce village. Signalons-le simplement.
L’ île d’Aval
L’île d’Aval ou île de la Pomme se trouve au voisinage immédiat de l’île Gran-
de, d’où l’on peut y venir à pied sec lorsque la marée est basse. La seule raison
de la faire figurer ici tient à ce nom qu’elle porte et qui évoque singulièrement
l’île d’Avalon. Mais celle-ci est un domaine mythique et on la situe très loin à
l’occident du monde, au-delà de la mer Atlantique. Morgane y règne avec son
amant Guyomarc’h, frère de Gradlon.
Aval n’a pas manqué cependant d’exciter l’imagination des chercheurs et des
curieux, en raison de cette coïncidence des appellations.
Dans l’énumération que nous venons de faire, il se trouve bien sûr, plusieurs
éléments de moindre valeur que nous avons signalés en y passant, mais qui ne
manquent pas de faire nombre d’une façon assez impressionnante. Cependant
leur antiquité reste discutable et l’on ne peut écarter la possibilité d’une création
récente, ou du moins plus récente que la divulgation, au XIIe siècle, de la Légen-
de arthurienne. L’hypothèse même d’une reconstitution historique pourrait à
l’extrême se soutenir si ces données toponymiques de date incertaine postulaient
seules en faveur de l’attribution de la région au roi Arthur.
Mais quelques-uns de ces noms remontent sans conteste possible au-delà du
VIIIe siècle et sont généralement reconnus comme datant au moins de l’épo-
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arthur, roi des bretons d’armorique
que de l’émigration bretonne. Sur le territoire qui nous occupe, c’est le cas de
Ploumilliau, de Ploulec’h, de Ploubezre et de Leslac’h, en raison même du ca-
ractère ancien des désignations en Plou –, la paroisse de ou mieux le Peuple de ;
et en Les –, la Cour princière. La présence de Milliau, de Lac’h et de Pezr en
ces lieux, dès le Ve ou le VIe siècle au bas mot, ne fait pas de doute. Rien n’em-
pêche évidemment que les compositions en Plou ou en Les, qu’on s’accorde à
reconnaître aujourd’hui comme indiquant des installations militaires de troupes
»romaines« d’origine bretonne, n’aient repris des noms plus anciens, datant de
l’antiquité armoricaine. Mais cela demeure impossible à démontrer.
La légende de la Lieue de Grève est liée au débarquement d’Efflam, à son arri-
vée de Grande-Bretagne et se trouve de ce fait datée par la voix populaire de cette
même époque de l’émigration et de la christianisation à laquelle sont rattachées
toutes ces histoires de dragons. Mais il ressort à l’évidence de ce type de récit que
le dragon a été interprété par les missionnaires chrétiens comme le symbole de
l’ancienne religion et de »l’idolatrie« . Ils le considéraient donc comme antérieur
à leur venue, relevant d’une culture archaïque. On peut se demander si le récit
même de la lutte contre le dragon ne relève pas lui aussi, tout entier, de cette
tradition antique. Dans la mythologie grecque, Heraklès, bien avant la venue
de saint Paul à Corinthe, n’avait-il pas vaincu et tué l’Hydre de Lerne, qui n’est
autre chose que l’équivalent de nos dragons ? Les prêtres du Christ n’auraient
fait que se substituer dans la légende à quelque druide thaumaturge et redresseur
de torts, voire à tel chevalier, Arthur ou Nuz, dont le nom est resté cependant
présent dans le récit, comme celui en somme d’un acolyte du nouveau pouvoir
spirituel.
Des noms comme Traou Morgan ou Creac’hlagadurien ne sentent pas la re-
constitution. Un faussaire ou un poète les eût mis mieux en évidence. La men-
tion est tout de même modeste ici, même si elle est pour nous de grande impor-
tance. Quant à Kerduel même, si l’on ne peut conclure absolument, l’antiquité
du site nous paraît indéniable dans cette région vouée à la défense des côtes.
Avec Traon Morgan et Creac’hlagadurien, il semble bien s’agir là d’un ensemble
défensif dont les membres sont liés entre eux et forment le talus est et sud-est du
castellum de Tregastel.
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La région sud-ouest de cet ensemble, nous l’avons vu au cours des pages pré-
cédentes, contient une véritable mine de données mythologiques et historiques
et il apparaît nettement que toute une partie de ce domaine, au moins le triangle
du Porzay et ses frontières montagneuses, a constitué à l’époque antique un vaste
sanctuaire, Nemeton, dont le nom même s’est perpétué dans l’actuelle forêt de
Nevet, et qui comprenait trois lieux sacrés principaux : le Menez Hom, la mon-
tagne de Locronan et le site de Sainte-Anne-la-Palud.
En fait, l’espace concerné par la Légende s’étend beaucoup plus loin. Il faut
y rattacher manifestement la péninsule de Penmarc’h et la presqu’île de Crozon,
lieux d’élection du roi Marc’h, ainsi que la baie de Douarnenez au fond de la-
quelle règne la ville d’Ys. Il faut y adjoindre le Cap Sizun et ses installations mili-
taires confiées à la garde des hommes certes, mais aussi des dieux. Il faut l’étendre
encore plus en direction de l’intérieur, vers la montagne de Kronan, baptisée du
nom de Saint-Michel, le Yeun Elez, porte des Enfers préhistorique, et bien en-
tendu le monde d’Arthur et d’Ahès qui se cache sous la futaie de Huelgoat.
C’est donc toute la Cornouaille armoricaine, qui se trouve indiquée dans ce
schéma de reconstitution. En suivant la côte depuis l’embouchure de l’Odet jus-
qu’à Landévennec, puis en remontant l’Aulne en direction de Locmaria-Berrien,
nous allons tenter un rappel, puis une synthèse des incroyables richesses conte-
nues dans les limites de l’ancien comté de Cornouaille. Nous serons amené ce
faisant à déborder quelque peu le cadre de la tradition arthurienne, mais ce sera
toujours dans le propos de montrer que nous sommes ici dans une région excep-
tionnelle et que la légende d’Arthur s’y adapte à merveille comme une figurine
dans le moule qui l’a créée.
On rencontre ainsi successivement :
La Pointe de Penmarc’h ou la Tête du Cheval. C’est là l’un des domaines ma-
jeurs du roi Marc’h.
Beg an Dorchen, la pointe dite à tort de la Torche, où s’élève encore quelque
peu un dolmen ruiné, mais où l’on trouve aussi, plus anciens encore, les res-
tes de cuisine laissés ici par des hommes du mésolithique, autrement dit vieux
aujourd’hui de quelques 7000 ans.
Menez Dregan en Plouhinec, à proximité du littoral où l’on vient de décou-
vrir les restes d’un feu, allumé par des hommes, voici 460 000 ans. C’est là le
plus ancien foyer connu dans l’histoire de l’humanité et du coup, voici nos an-
cêtres de la baie d’Audierne promus au rang de premiers « hommes », c’est-à-dire
d’êtres intelligents, capables de dominer l’élément et de maîtriser ses dangers.
Jusqu’à quelle hauteur d’antiquité peuvent donc bien remonter notre roi Arthur,
notre roi Marc’h ainsi que leurs compagnons ?
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L’Ile de Sein, Enez Seun, est l’insula Sena de Ptolémée. Elle s’appelait encore
Sina au IVe siècle, alors qu’au XIe siècle, elle apparaît sous la forme insula Seid-
hun, puis Ille de Sayn (1303), insula Sizunt (XIVe s.), insula Sizun (1516) et
ainsi de suite. Il semble que le nom ancien de l’île, conservé en français, ait été
remplacé en breton entre le IVe et le XIe siècle par le nom du Cap Sizun. Sena
signifie la Vieille en celtique et le sens du mot est à rapprocher de celui du Phare
et rocher de la Vieille, situé devant la Pointe du Raz. On peut penser que ce soit
de la même Vieille qu’il s’agit et qui pourrait être la Grande Mère Ana, à moins
qu’il ne s’agisse de la Keban.
La commune de Goulien, le pays de Gauvain, et ses cours (Lezoualc’h etc),
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Elez, la Porte des Enfers et le Menez Kronan de Brasparts qui le domine, la mon-
tagne de Cernunnos, le dieu de l’Occident
La rivière Yer, affluent principal de l’Aulne qui baigne les pieds de la cita-
delle de Carhaix, capitale gallo-romaine de l’Osismie, porte peut-être le nom
d’Igerne.
La forêt de Huelgoat, où se cachent les restes prestigieux de Vorganium, le
camp du roi Arthur, la cuve de Morgane, la fée de Gibel et son château, la cha-
pelle de Merlin dite St Ambroise, l’Art-Kellen et l’origine du monde
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chacune leur attrait, donner une réponse à la question : y a-t-il une relation en-
tre l’Arzh, la Pierre et le Dartos ? Artua serait-elle, par exemple, une forme plus
récente de Dartua ?
Remarquons tout de suite que l’homonyme britannique de notre ruisseau, le
Dart, donne son nom à une région, d’ailleurs fort belle, de landes parsemées de
rochers et de mégalithes, d’où s’écoule aussi vers le nord et vers la rivière Taw, un
autre cours d’eau, le Little Dart. Nous sommes en plein domaine de rochers.
Ceci nous amène toutefois à discuter un peu du sens de ce mot. Evidemment,
le fleuve de Cornouailles nous conduit vers la fléchette, dont c’est le nom en
anglais : nous avons bien en Bretagne Armoricaine une Flèche qui se jette dans la
Manche sur la côte nord du Léon. Mais les hydronymes dans le Sud-Ouest de la
Grande-Bretagne sont surtout d’origine celtique et il est de ce fait peu probable
que le nom s’interprète à partir de l’anglo-saxon.
Regardons-y de plus près cependant, car le terme existe non seulement en
anglais, mais aussi en français. Un dard, c’est d’abord, nous dit le Petit Robert
une « ancienne arme de jet, composée d’une hampe de bois garnie à l’une de ses
extrémités d’une pointe de fer ». Le même dictionnaire renvoie pour l’étymolo-
gie au latin dardus, qui viendrait du francique *darod.
Les lexicographes du Robert ont, à vrai dire, un goût démesuré pour les étymo-
logies franciques, surtout quand le doute plane. Le grand savant modeste qu’était
Littré, était beaucoup plus prudent dans ses affirmations. Ici, il se contente de
citer le provençal dart, l’espagnol et l’italien dardo ; l’anglais dart, en les faisant
venir de l’anglo-saxon daradh ou darodh, voire de l’ancien scandinave darradhr
ou de l’ancien haut-allemand tart, mais non sans ajouter immédiatemment : « Ce
mot se trouve aussi dans le celtique : bas-breton, dard ; gaél. dart, dairt », ce qui,
évidemment, remet tout en question.
Comme le vocable n’existe que dans les langues germaniques et celtiques,
mais ni en latin, ni en grec, ni en slave, ni surtout en sanscrit, il est difficile de
parler d’une origine indo-européenne. En revanche, rien n’empêche d’envisager
une source pré-indo-européenne, d’où il aurait passé dans l’un ou l’autre des
groupes germanique et celtique, puis de l’un dans l’autre, ou bien encore d’em-
blée dans les deux.
La pièce de fer qui garnit l’extrémité du bois est historiquement postérieure,
cela va de soi, à l’apparition des métaux en Europe. Auparavant, les pointes de
flèche en pierre taillée ont certainement rempli le même office. A cette époque,
qui correspond précisément à l’emploi en Occident de langues pré-indo-euro-
péennes, un dard pouvait fort bien être tenu pour une pierre volante. Et si le
dard était une pierre?
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Dartoritum, notre Vannes, devient alors le Gué d’une rivière nommée la Pierre.
Ptolémée appelait la capitale des Vénètes Dariorigum et si – rigum renvoie au
sens de royaume, dario – peut bien n’être qu’une faute de copiste pour darto –.
Nous serions ici en présence du nom de la ville souveraine d’un Etat appelé Dar-
torigum, le royaume de la Pierre.
Quand on songe aux milliers de mégalithes qui parsèment encore le dépar-
tement du Morbihan et tout particulièrement la côte, d’Etel à Penestin, où pré-
cisément se situe Vannes, on ne peut manquer d’être satisfait d’une semblable
possibilité.
Il est bien évident que le souverain d’une semblable nation ne pouvait s’ap-
peler que le *Dartorix ou l’*Artorix, le Roi de la Pierre. Une autre forme, plus
proche encore de l’Artua gauloise, serait *Arturix.
Un rapport étroit existerait dans cette hypothèse entre le roi Arthur et le pays
vannetais. Arthur aurait-il été primitivement un Vénète ? On sait que ce peuple
fut le maître du commerce de l’étain entre la Cornouailles britannique et l’Ar-
morique d’une part, le monde méditerranéen de l’autre tant à l’âge du bronze
que postérieurement et jusqu’à la conquête romaine.
Non content d’exploiter les mines de notre péninsule, la Vénétie servait de
relais au minerai venu d’outre-Manche. Il est peu probable que l’on ait fait subir
aux précieuses cargaisons en provenance de Plymouth, le risque de contourner
les promontoires occidentaux de notre Létavie. Plus vraisemblablement, elles
parvenaient sur la côte nord, remontaient l’une ou l’autre des rivières qui vont de
la Manche à la ligne de partage des eaux, laquelle abonde en mégalithes de toutes
sortes, et redescendaient ensuite vers le littoral atlantique au sud.
Le meilleur, semble-t-il, de ces itinéraires consisterait à entrer dans le système
fluvial aux pieds de l’oppidum antique du Yaudet, de gagner le gué de l’actuel
Lannion et de remonter ainsi le Leguer jusqu’à sa source. Là, la distance est faible
jusqu’à la haute vallée du Blavet et le roulage des bateaux réduit au minimum. Le
voisinage en est indiqué par l’un des plus énormes menhirs qui soient, celui de
Cosquer Jehan. De là on rejoint le confluent du Sulon, la rivière du Soleil, par
laquelle peuvent arriver encore d’autres chargements, débarqués à l’embouchure
du Trieux, et le tout s’achemine par le territoire ancien de Mur-de-Bretagne, vers
Pontivy et le méandre qui enclot la haute citadelle vouée à la déesse Sul, la place
de Sulim, et de là gagne à Blavet, aujourd’hui Port-Louis, les entrepôts de la rive
sud. De Blavet ensuite, l’étain gagne l’entrée de la Loire qui sera remontée à son
tour jusqu’à Roanne d’où par Feurs on gagne Gisors et le Rhône, ouverture vers
la Méditerranée.
Ce qui nous intéresse le plus dans ce trajet, c’est d’une part la présence des
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Manche et de l’Océan depuis peut-être bien la Somme, sinon plus haut, jusqu’à
la Loire au moins, voire la Gironde.
Au IXe siècle encore, les moines bretons, en fuite devant les Normands, s’en
vont se réfugier jusqu’à Montreuil-sur-mer, près du Cantguic de Nennius et jus-
qu’à Tournus en direction du Saint-Gotthard.
Les traces de cette influence persistent dans la tradition arthurienne : Ke est
un breton de Chinon (Indre-et-Loire) et Beduer un breton de Bayeux (Calva-
dos). L’Allemand Wolfram fera de Parzival un Breton d’Angers dont la mère est
galloise. Si nous trouvons la trace des Bretons à Blois au VIe siècle, n’oublions
pas qu’ils sont en nombre parmi les bâtisseurs de la cathédrale de Chartres et que
l’Ecole théologique et philosophique de cette ville est fortement marquée par les
chanceliers bretons.
On signale les troupes bretonnes de Riothime en Berry, à Deols en particu-
lier, au siècle, mais le Lancelot en prose, au XIIIe siècle, se souvient bien de la
vassalité dont Bourges est redevable vis-à-vis du roi Arthur : régulièrement, nous
dira l’auteur qui est berrichon ou du moins qui connaît bien le pays, le Berry ne
dépend pas du roi de Gaule, le pays qu’on appelle France aujourd’hui, mais du
roi de Bretagne.
Il semble, si l’on suit la tradition arthurienne, que ces terres angevines, poite-
vines, tourangelles peut-être, et berrichonnes sont des territoires qui relèvent du
Benoïc, le pays de Ban et de Lancelot. Montrevel, l’actuel Montrevault et Saint-
Pierre-Montlimard en Maine-et-Loire, sont classés par Chrétien de Troyes dans
le royaume du roi Lac.
Des seigneurs portent des noms bretons aussi illustres que celui de Gauvain,
non seulement dans la Bretagne propre, comme Machecoul dans l’actuelle Loi-
re-Atlantique, mais en Anjou comme à Chemillé qui est aux mains d’une famille
manifestement bretonne.
Jusqu’à la Révolution enfin, quelques petits territoires, tout au long de la
frontière avec l’Anjou et le Poitou, les Marches communes et les Marches avan-
tagères, ont rappelé le souvenir du royaume d’Erispoë et de Salomon qui com-
prenait outre la Bretagne « une grande partie de la Gaule »
A la suite de Roger Bansard, une équipe de chercheurs d’Anjou, de Mayenne
et de Normandie, a entrepris de relever les traces de la tradition arthurienne dans
ces territoires des Marches où subsistent, comme à la Fosse-Arthour, des souve-
nirs du Grand Roi des Bretons. Il ont trouvé la trace d’Oringle de Limors, mais
aussi de Ban et de Lancelot.
L’importance de ces Marches de Bretagne dont on dira mieux ce qu’elles sont
en précisant qu’il s’agit non de territoires français dirigés contre la Bretagne, ce
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qu’ils ne sont devenus que beaucoup plus tard, mais de terres bretonnes servant
de défenses contre la ruée des Français vers l’Ouest, sera extrême dans la diffu-
sion de la légende arthurienne. Ce sont les seigneurs de Chemillé, les moines
de Tournus et de Montreuil-sur-mer, les clercs de Bourges qui transmettront
la tradition mise en roman entre Dol et Clisson et tout au long de la forêt de
Brocéliande.
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XVIII
ARTHUR L’A RMORICAIN
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dire d’une hypothèse que c’était une hypothèse et laisser le lecteur libre de l’ap-
prouver, de la rejeter ou de l’approfondir avec ses moyens à lui.
Mais surtout, ce que nous avons voulu faire c’est de casser le système politi-
que qui sous-tendait l’interprétation de la légende arthurienne et qui régnait en
maître depuis neuf cents ans pour le plus grand profit des grands Etats français et
anglais qui s’étaient partagés l’Ouest européen, c’est rappeler la grandeur politi-
que et culturelle de notre pays, la Bretagne Armoricaine, de rendre leur honneur
et leur dignité aux plus petits d’entre nous, car il n’y a pas même de petits parmi
nous : Bretoned tudjentil holl, les Bretons, tous des gentilshommes, comme dit le
proverbe.
Notre histoire de la légende arthurienne n’est pas partiale, elle n’est pas mal-
honnête. Nous l’avons voulu militante, parce que les combats d’Arthur ne sont
pas terminés, qu’ils durent concrètement encore de nos jours, que nous y avons
participé et que nous savons de quoi nous parlons.
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Robert de Boron, ou l’auteur inconnu que ce nom représente, entreprit, non sans
succès, à son tour d’ôter le venin de ces contes païens teintés d’un christianisme
fortement hétérodoxe ou tout au moins d’en masquer l’archaïsme religieux.
Il résulte de tout cela l’immense domaine de l’Arthurianisme qui rassemble
les pires contradictions, les plus anciennes croyances et les nouvelles, un univers
foisonnant, composé entre le XIIe siècle et la fin de notre XXe siècle, par les opi-
nions les plus diverses.
Il n’en reste pas moins que la version qu’on peut appeler anglaise des faits l’a
emporté largement dans l’Université et dans la vulgarisation, à peine contrebat-
tue par la version française. La réalité bretonne armoricaine s’est vu noyée dans la
Seine avec le duc Arthur Ier, sous les coups de Jean sans Terre. Ce qui restait d’elle
a suivi dans sa tombe la duchesse Anne. Et cependant Arthur, Anna sa sœur et
tous les autres compagnons n’ont pas cessé d’être présents sur la terre d’Armori-
que : nous pensons l’avoir montré.
Le ricanement de l’Histoire
Remarquons d’abord combien la géographie des romans coïncide avec la to-
ponymie de la Bretagne Armoricaine. La construction que nous en avons faite
devrait paraître cohérente et permettre avec un maximum de certitude l’iden-
tification de très nombreux lieux avec des sites armoricains. Dans certains cas,
comme à Kerduel, nous avons repris des hypothèses qui avaient été formulées
avant nous, mais nous en avons précisé et augmenté les arguments favorables.
Dans d’autres cas, nous avons pu présenter des hypothèses nouvelles, fortement
appuyées, comme dans le cas du Karidol de Wolfram von Eschenbach. De très
nombreuses suggestions sont aussi soutenues par l’éclairage nouveau donné par
la version armoricaine des faits.
Ainsi nous sommes sérieusement amenés à penser que la légende arthurienne,
en ce début du XIIe siècle qui vit fleurir l’Historia Regum Britanniae, s’est vue
transférée et adaptée par le clerc de Monmouth, d’un côté de la Manche à l’autre.
A partir d’une divinité interbrittonique, de sa parèdre, de sa famille, de ses dieux
compagnons, qui avaient gardé certes une implantation folklorique en Angleter-
re, en Cornouailles et en Galles, mais dont la littérature s’était surtout dévelop-
pée dans le grand pays celtique, prédominant, qu’était la Bretagne Armoricaine
d’alors, notre auteur, sans doute breton, peut-être britto-angevin d’origine, a
peuplé une Angleterre dont il ne connaissait même plus l’ancien nom celtique
des villes, et où il a distribué généreusement, pour faire plus authentique, des
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anthroponymes gallois arrachés aux titres familiaux publiés dans des manuscrits
plus anciens.
Ce faisant, il pensait sans doute, en œuvrant pour la dynastie angevine, donc
armoricaine, et pour l’établissement quasi dynastique de son empire, donner
aux Bretons, en particulier armoricains, un lustre peu commun. Le patriotisme
de Geoffroy n’est pas en cause. Mais le ricanement de l’histoire nous montre
combien il s’est trompé : il a ainsi servi la gloire des Anglais, et à un moindre
titre celle des Français, en attendant que les Américains à leur tour brandissent
Excalibur.
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armoricain. Mais on ne saurait préciser si son nom le classe parmi les gens
d’outre-mer ou les nôtres.
39 – Guingamar est manifestement un armoricain. Son nom le définit comme
tel, mais, de surcroît, il est le frère, nous dit Chrétien de Troyes de Gres-
lemuef, c’est-à-dire de Gradlon Meur, roi bien connu de la Cornouaille
continentale.
40 – Greslemuef est une transformation du nom de Gradlon Meur, frère de
Guingamar. Il est le seigneur de l’île mythique d’Avalon et l’amant de la
fée Morgane. Sa parenté en fait un armoricain et tend à placer Avalon
dans l’ouest de la Bretagne plutôt qu’ailleurs.
41 – Aguiflez, roi d’Ecosse : tenons-le donc pour ce qu’il est, un Ecossais.
42 – Cadret, fils d’Aguiflet de même.
43 – Quoi, deuxième fils d’Aguiflet également.
44 – Garraz, roi des Corques, serait irlandais en raison de son royaume de
Cork.
45 – David de Tintagel. Mais où est Tintagel ? Nous sommes maintenant en
présence non plus d’un seul Tintagel cornique, mais d’une foule de Tin-
tagel armoricains parmi lesquels il est impossible de faire un choix.
46 – Marc : nous avons montré quelle emprise le roi Marc’h possédait sur le
territoire occidental de l’Armorique, de Plouguerneau à Belle-Ile. Même
si l’on établissait une localisation de l’autre côté de la mer, la présence
armoricaine resterait largement dominante. La tombe du roi est à Caer
Bann Hed au sommet du Menez-Hom en Cornouaille continentale.
47 – Nut : comme pour Edern, son fils, nous pensons que Nuz est suffisam-
ment représenté en Armorique pour qu’on localise son origine, dans les
romans, de ce côté-ci de la Manche.
48 – Perceval dit le Gallois serait normalement un Berthwal, comme il s’en
trouve dans les vieux cartulaires armoricains. En outre, une tradition,
très récemment transcrite, mais d’un grand intérêt au regard de la Lé-
gende met un Perceval-Berthwal en rapport étroit avec le roi Gradlon de
Cornouaille armoricaine, à l’enterrement duquel il assiste, et en fait un
recteur de Dinéaul, la Citadelle du Soleil, au pays du Menez Hom. C’est
bien là une position adéquate pour le Gardien du Graal. Quant à son
surnom de Gallois, il nous semble plutôt, comme Galegantin, gaulois et
gallo.
49 – Bruyant des Iles (Briant) : le nom est parfaitement interceltique, mais la
forme romanisée qui a cours ici l’entraînerait du côté armoricain.
50 – Evrain : ce nom est celui d’une commune armoricaine, Evran, dans la
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Quatre nains :
34 – Bilis.
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35 – Bliant.
36 – Gribolo.
37 – Glodoalan.
Neuf indéterminables :
6 – Le beau Couard, peut-être armoricain.
7 – Le laid Hardi, de même.
10 – Dodin le Sauvage.
11 – Gandelu.
15 – Blioberis
25 – Girflet, fils de Do
27 – Loholt, fils d’Arthur
38 – Maheloas.
45 – Bruyant des Iles.
Trois écossais :
41 – Aguiflez.
42 – Cadret.
43 – Quoi.
Un irlandais :
44 – Garraz.
Merlin
Quant au personnage, très à part de Merlin, lié à Viviane, donc à la forêt de
Brocéliande, le nom gallois est Myrddhin et n’est connu que postérieurement à
Geoffroy de Monmouth dans la littérature galloise. Le nom breton armoricain et
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roman, est antérieur à Geoffroy puisqu’on trouve en Italie dès 1128 la mention
de défunt Merlino. Ajoutons que tous les romans, Geoffroy lui-même, toute
la tradition armoricaine l’appellent Merlin ou Mellin. Ce nom qui est celui du
marteau en roman, mais également en breton, renvoie à une origine continen-
tale que confirme le folklore et la toponymie bretonne.
Les femmes
Les femmes peuvent être considérées toutes comme armoricaines. Ainsi Gue-
nièvre est un nom britto-roman, donc armoricain.
Bien que le nom d’Anne ait été connu en Galles et mentionné dans les Généa-
logies du Xe siècle, il était déjà au XIIe siècle principalement armoricain. Sainte
Anne est la patronne, grandement vénérée, de la Bretagne armoricaine où elle
continue la tradition de la déesse Ana.
Viviane n’est connue qu’en Armorique. Son nom exact, Ninian, est celui
d’une rivière de Bretagne, proche de Brocéliande.
Morgane se rattache à l’évidence aux mari morganes du folklore péninsulaire,
lesquelles sont des êtres de l’Autre Monde. Elles se réfèrent au vieux-breton mor
moroin, la jeune fille de la mer.
Le nom d’Yseult était porté en Bretagne avant Geoffroy, puisque nous connais-
sons en 1116 l’existence d’Ysold, fille de Joscelin de la Roche-Bernard. Même s’il
y a trace d’une Eseld en Cornouailles britannique, la forme bretonne orientale
est beaucoup plus proche de celle utilisée dans les romans.
Enide : on l’a avec beaucoup de vraisemblance rapproché de Gwened, le nom
de Vannes en breton. Enide, comme Erec est armoricaine dans Chrétien de
Troyes.
Lunet, dont le nom serait à rattacher peut-être à celui du dieu Lug, appartient
à la région orientale de la péninsule, puisqu’elle est gardienne de la fontaine en
Brocéliande.
Blanchefleur, le nom de l’amie de Perceval étant entièrement roman, se trouve
donc vraisemblement issue de l’est breton.
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anciennnement qu’Arthur ait été un Gaël. Le roi a toujours été présenté comme
Breton et roi des Bretons.
Reste à savoir de quels bretons : Breton du Nord, c’est-à-dire de Cumbrie
ou Cumberland, voire Picte d’Ecosse ? Breton du bassin de Londres et des Mi-
dlands, territoire entièrement passé aux mains des Anglo-Saxons ? Breton de
Galles ? Breton de Cornouailles ou du Devon d’avant la conquête ? Breton d’Ar-
morique enfin ?
Bien que rien ne nous permette vraiment de nous prononcer, nous serions
tentés de considérer qu’il fut la personnalité mythique centrale de tous les Bre-
tons et peut être même qu’il appartint au monde gaulois continental.
Son nom nous a incliné à penser que son origine dans le temps est beaucoup
plus ancienne qu’on ne le reconnaît d’ordinaire. Arthur, pour nous, est le dieu
de la Pierre et la souveraineté de la pierre nous emmène bien au-delà des inva-
sions saxonnes en Grande-Bretagne. Arthur serait ainsi la divinité majeure, avec
sa sœur Anna, des hypogées mégalithiques : est-il encore dans ces conditions un
Celte et un Breton? Rien n’empêcherait que ce Précelte et cet Armoricain ait été
par la suite naturalisé, comme il est arrivé à nombre de dieux dans l’histoire des
peuples et des religions.
Arthur, comme Gargan, appartiendrait à la totalité du monde des Pierres
Levées en Europe. Ainsi s’expliqueraient le folklore de la Chasse Arthur en des
régions qui n’ont pas connu les Bretons. Ainsi pourrait s’expliquer aussi l’extra-
ordinaire diffusion de la légende arthurienne comme nous la connaissons dans
tout le domaine ouest-européen, et notamment en Italie du Nord où nous la
trouvons connue dès la fin du XIe siècle.
Ceci n’implique pas que la légende arthurienne ait été une œuvre collective
dans tout ce domaine. Seul Arthur paraît avoir été ainsi connu et sa « mesnie »
dans son ensemble n’apparaît en Europe qu’à partir du XIIe siècle. Geoffroy de
Monmouth le premier, produit une œuvre historico-littéraire, construction de
son génie propre, qui rassemble autour d’une base relativement étroite, sans
doute d’origine armoricaine, des données arrachées à des documents gallois dis-
parates et souvent sans relation avec son sujet.
Wace peu après, fait état de données merveilleuses inconnues du texte comme
de l’esprit de Geoffroy. Enfin Chrétien de Troyes nous révèle un monde totale-
ment inconnu du Monmouthien, un monde de rêves et d’aventures, d’amour et
d’images, qui forme l’essentiel de notre Légende arthurienne dès le XIIIe siècle et
jusqu’à nos jours. Ajoutons que Beroul, Thomas, Eilhart von Oberg, Gottfried
de Strasbourg, comme Marie de France et Wolfram von Eschenbach, continue-
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arthur, roi des bretons d’armorique
ront dans la voie ouverte par Chrétien, non historique, mais profondément my-
thologique.
Nous avons amplement montré que l’origine de ce courant ne pouvait être
gallois, qu’aucun caractère gallois ne pouvait s’y déceler en aucune manière en
dépit de deux ou trois noms portant à confusion par la faute de Geoffroy. Nous
avons montré que l’influence romane très nette sur les noms de personnes et
de lieux était antérieure à Chrétien et même à Geoffroy, et que cette influence
romane ne pouvait être rapportée qu’à la Bretagne orientale et aux Marches, en
aucun cas bien entendu à ce Pays de Galles où, pour être entendu, les Normands
se faisaient accompagner d’interprètes bretons armoricains. Le seul pays capable
de faire le pont entre la langue bretonne et la langue romane était bien celui des
Bretons Armoricains.
Le nom même d’Arthur apparaît dans les écrits en Bretagne armoricaine dès
le début du IXe siècle. Celui de Gauvain est à Chemillé sur les Marches et à
Machecoul-en-Retz au XIe siècle, comme il était à Goulien et à Goulven dans
l’Ouest dès le Ve ou le VIe siècle au moins. Anna est la grande déesse des Bre-
tons armoricains. Les premiers compagnons sont Ke, de Chinon, et Beduer, de
Bayeux. Perceval le Gallo avait sa gaste Forêt dans la Vallée du Don, en Guémené
Penfao. Cela suffit, pêle-mêle, à reconnaître le rôle essentiel joué par la Bretagne
de langue déjà romane, mais où flotte le souvenir récent de la langue bretonne,
de Dol à Brocéliande et à la Loire, non moins que le rôle des Marches, en partie
bretonnisées au IXe siècle.
A ce rôle joué par les Bretons on pourra évidemment objecter l’extension que
nous disions mégalithique du personnage d’Arthur. Ce serait oublier le rôle es-
sentiel joué par la langue bretonne dans la conservation des traditions. De même
que notre langue a permis jusqu’à nos jours le maintien de croyances et de tradi-
tions qui remontent au-delà du Christianisme, de même a-t-elle été en Europe
continentale le seul moyen de survie des mythologies celtiques et préceltiques.
Là où d’autres folklores n’ont gardé que des bribes, la langue bretonne a conservé
jusqu’au XIIe siècle pour la tradition arthurienne et au-delà pour tout le reste une
étonnante intégralité des valeurs et des images.
Le royaume d’Arthur coïncide avec l’expansion des Bretons armoricains du
Menez-Hom jusqu’au Grand Saint-Bernard. Nous avons noté en effet la petite
phrase de Wace, dans le Roman de Brut, au vers 1038, par laquelle il définit
l’ensemble des territoires d’où viennent les vassaux du roi Arthur : depuis l’Oc-
cident jusqu’à Mont-Giu, c’est-à-dire jusqu’au Saint-Bernard, ce qui coïncide
exactement avec la terre donnée selon Nennius, par le tyran Maxime aux Bre-
tons venus avec lui sur le continent. Arthur est donc bien, au Moyen Age, le roi
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arthur, roi des bretons d’armorique
des Bretons Armoricains, en Armorique et jusque dans leurs extensions les plus
lointaines, jusqu’en Suisse.
C’est dire incontestablement l’origine armoricaine de la légende arthurienne.
Si l’on tient compte en outre des arguments géographiques que nous avons am-
plement développés, de notre identification du Leguer, de l’Orcanie, de la Lo-
donésie, du Benoïc et de Gaunes, de la coulée de la Rance et de l’importance in-
discutable des Marches tant dans le récit que dans la transmission, on ne pourra
que reconnaître le caractère entièrement armoricain de cette tradition. Est-ce à
dire que les Gallois, les Corniques, les Ecossais et les Gaulois orientaux n’ont pas
connu le roi Arthur avant la diffusion de cette littérature au XIIe et XIIIe siècle ?
Evidemment non, car ce serait nier le caractère mythologique de ces récits, ce
qui est le contraire de notre propos. Il est sûr que le personnage divin d’Arthur,
le dieu de la Pierre, a été répandu dans tout le monde celtique, au moins brit-
tonique et gaulois. Mais c’est seulement en Bretagne Armoricaine que sa geste a
connu, avant Geoffroy de Monmouth, le développement qui est le sien.
Le dieu Arthur, dont l’un des derniers avatars a été le dux bellorum antisaxon
que nous dépeint Nennius, n’a laissé le plus souvent que quelques traces folklo-
riques qui nous laissaient cependant subodorer un plus grand message. Celui-ci,
qui fleurit dans le mythe du Graal et dans le roman du roi Marc’h, s’est mani-
festé dans notre péninsule, très probablement dès avant l’arrivée des émigrants
Bretons, chez les Celtes autochtones, dans le terreau sans doute très riche de
la civilisation néolithique : seule une culture de la Pierre pouvait engendrer les
grands cultes de Carnac et de Huelgoat, seul un Pays des Pierres pouvait se don-
ner une divinité de la dimension d’Arthur, le rocher.
La diffusion des établissements mégalithiques dans l’Europe de l’Ouest, nous
trace sur le terrain, le domaine du Roi. La pré-Bretagne, centre de cette ex-
pansion, à la richesse et à l’importance incomparables, à la primauté dans l’art
d’élever ces monuments, ne pouvait qu’être aussi le point central du culte arthu-
rien. Et lorsqu’un peuple a vécu une aventure de cette ampleur, quels que soient
ensuite les déboires de l’histoire, il ne peut qu’affirmer avec force le retour dans
la chair de son Empereur fantasmatique.
Il y a plusieurs millénaires qu’à intervalles réguliers – ceux des défaites – nous
l’attendons et qu’il nous revient. Aussi savons-nous avec certitude, que, comme
le Messie, Ogier le Danois ou Frédéric de Hohenstaufen, Arthur retrouve à cer-
tains moments sa place parmi nous.
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chantait naguère notre poète Glenmor avant d’aller lui-même rejoindre en Ava-
lon, les grandes figures de la terre bretonne. Le présent livre, par delà l’apport
historique et ethnologique qu’il entend réaliser, voudrait être plus que cela, un
fragment de cette Poésie éternelle des Celtes, de ce chant inspiré qui crée l’avenir.
Il voudrait apporter sa pierre à l’édifice culturel de cette Bretagne qui est en train
de naître, celle-là même dont parlait mon ami Xavier Graal, quand il s’écriait,
empruntant la voix de Merlin :
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BIBLIOGRAPHIE
Nous nous sommes servi particulièrement des ouvrages qui figurent dans les
listes ci-dessous, et en particulier les citations que nous faisons dans notre texte
en ont été extraites.
La Bible que nous avons utilisée est celle éditée par la Pléïade, aux éditions
Gallimard, en trois tomes. Le tome II est consacré aux écrits intertestamentaires
parmi lesquels nous nous sommes intéressé au Livre d’Henoch, au Livre hébraï-
que des Jubilés et aux Livre des Antiquités Bibliques.
Il existait une traduction latine du livre hébraïque des Jubilés, aujourd’hui
perdue, mais dont on a retrouvé des fragments à Milan en 1861 sur un palimp-
seste du VIe siècle. Mais elle a pu être connue encore à l’époque de la rédaction
des Généalogies Galloises. Cf la Bible de la Pléïade, Ecrits intertestamentaires,
Paris, Gallimard, 1987, pp. 629-630.
La Chronographie de Georges le Syncelle date du IXe siècle. Elle contenait
quelques extraits en grec du Livre d’Henoch, parmi lesquels le chapitre VII. Cf la
Bible de la Pléïade, Ecrits intertestamentaires, Paris, Gallimard, 1987, pp. 465.
Le Livre des Antiquités bibliques, écrit en hébreu ou en araméen au Ier siècle
avant notre ère, fut traduit en latin vers le IIe ou IIIe siècle après Jésus-Christ. Des
manuscrits en existaient au XIe siècle en Allemagne. Cf la Bible de la Pléïade,
Ecrits intertestamentaires, Paris, Gallimard, 1987, p. 1227.
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offset Librairie Guénégaud, Paris, 1979).
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Gallois :
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english english-welsh Dictionary, Llandybie, Llyfrau ’r Dryw & Aberysthwyth,
Gwasg Aberysthwyth.
Grec :
Magnien (Victor) et Lacroix (Maurice), Dictionnaire grec-français, Paris, Librai-
rie Belin, 1969.
Latin :
Pour le latin classique et la géographie antique :
Freund (Guillaume) et Theil (N.), Grand Dictionnaire de la langue latine, Paris,
Firmin-Didot, 1855, 2 tomes.
Pour le latin médiéval :
Du Cange (Charles Dufresne, seigneur), Glossarium mediae et infimae latinita-
tis, Paris, Firmin-Didot,1840. 7 tomes dont le Glossaire français.
Sanscrit :
N. Stchoupak, L. Nitti, L. Renou, Dictionnaire sanskrit-français, Paris, J. Mai-
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Listes de lieux-dits :
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Rosenzweig, Répertoire archéologique du département du Morbihan, Paris, Im-
primerie impériale, 1863.
Nomenclature des hameaux, écarts, lieuxdits du Finistère, Rennes, INSEE,
1946.
Gaultier du Mottay, Répertoire archéologique du département des Côtes-du-
Nord, Saint-Brieuc, Prudhomme, 1883
et les cartes de l’IGN (voir ci-dessous).
Etymologie :
Pour l’étymologie des mots français :
Larousse : Dictionnaire étymologique et historique du français, par Albert Dau-
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Pour l’étymologie de certains noms de lieux en Bretagne :
Tanguy (Bernard), Dictionnaire des noms de communes, trêves et paroisses des
Côtes-d’Armor, Douarnenez, Ar Men-Le Chasse Marée, 1992.
Francis Gourvil, Noms de lieux communs au pays de Galles et au département
du Finistère, Bull. Soc. Arch. du Finistère, t. CX, 1982, pp. 123-145.
Pour l’étymologie des noms de lieux en territoire français :
Dauzat, Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, Paris, Librairie
Guénégaud, 2ème édition, s.d. (la première est de Larousse, 1963).
Pour l’étymologie des mots anglais et des noms de lieux en territoire britanni-
que :
The Oxford Library of Words and Phrases, edited by T.F. Hoad, t.III : Word ori-
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Pour les formes anciennes des noms de paroisses en Bretagne :
Vallerie (Erwan), Diazezou studi istorel an anviou-parrez, Ar Releg-Kerhuon,
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Renseignements encyclopédiques :
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Textes anciens :
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Hésiode, Théogonie, 492, traduction Patin, citée par P. Decharme, Mythologie
de la Grèce Antique, Paris, Garnier, 1886, pp. 40-41 et publiée à nouveau par
Michel Leturmy, Dieux, Héros et Mythes, Le club français du Livre, 1958.
Ptolémée (Claudius Ptolemaeus), Geographie, édition Firmin Didot, Paris,
1883.
Strabon, Géographie, en particulier les livres 3 et 4, édition bilingue Les Belles
Lettres, Paris, 1966.
Tacite, Annales XIV et Agricola, 16.
Venance Fortunat.
Textes médiévaux :
Bertrand de Born, in : Félix Bellamy, op. cit., t. I, p. 12.
Chrétien de Troyes, œuvres complètes, Paris, La Pléïade, NRF, Gallimard,
1994
Edrisi, Géographie, traduite de l’arabe en français sur deux manuscrits de la
Bibliothèque du Roi, et accompagnée de notes par P. Amédée Jaubert, Paris,
Imprimerie Royale, 1840, 2 vol. in-4°, Tome II, p. 352 à 356. Le sixième climat,
première section est reproduite in Arthur de La Borderie, Histoire de Bretagne,
Rennes J. Plihon et L. Hervé, Paris, Alphonse Picard, 1899, Tome III, pp. 148-
149.
Généalogies galloises : Elle ont été publiées par Joseph Loth à la suite de sa tra-
duction des Mabinogion, t. II,pp. 326-329 et par Edmond Faral, La légende ar-
thurienne, t. III, pp. 50-51.
Giraud de Cambrie, Itinerarium Kambriae.
Geoffroy de Monmouth, Historia Regum Britanniae, in Faral.
Geoffroy de Monmouth, Vita Merlini, in Faral.
Godefroy de Viterbe, Pantheon ou Chronique, dans lequel sous le nom d’His-
289
arthur, roi des bretons d’armorique
toire d’Enoch et d’Elie sont rapportées les navigations des moines de Saint-Ma-
thieu. Celles-ci ont été publiées et étudiées par Albert Villacroux dans son article
« Godefroy de Viterbe et les moines de la pointe Saint-Mathieu », Bulletin de la
Société Archéologique du Finistère, tome CVIII, 1980, pp. 143-163.
Gottfried de Strasbourg, Tristan et Isolde, La Pléïade, p. 437. Trad
Guillaume de Malmesbury, in Faral
Henri de Saltrey, Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii, 1189, traduit par Marie
de France en français L’Espurgatoire seint Patrice.
Huntingdon (Henri de), Histor. libr. II, cité par Bellamy
Jaufre,v. 10654-10658, cité dans L. Harf-Lancner, Les fées au Moyen-Age, Paris,
Librairie Honoré Champion, 1984.
La Chanson d’Aiquin, traduit (sic) et présenté (resic) par Jean-Claude Lo-
zac’hmeur et Maud Ovazza, Paris, Jean Picollec, 1985
La Légende arthurienne, Paris, Editions Robert Laffont, 1989, notamment : Pré-
face de Danielle Régnier-Bohler, p. I, mention d’après Césaire d’Heisterbach,
Dialogus Miraculorum, Edition Joseph Strange, 1981 et pp. 431 sqq le Livre de
Caradoc, traduit et présenté par Michelle Szkilnik, écrit à la fin du XIIe siècle par
un auteur anonyme.
Lais anonymes des XIIe et XIIIe siècles, présentés par Alexandre Micha, Paris,
GF-Flammarion, 1992.
Lancelot en prose : François Moses, édition, traduction et notes de Lancelot du
Lac, Edition du Livre de Poche, collection Lettres gothiques, Librairie Générale
Française, 1991.
Le Chevalier au Papegau, in : La Légende arthurienne ci-dessus.
Mabinogion, Kullwch et Olwen, édition de Joseph Loth ; Triades du Livre Rou-
ge. Owen et Lunet ou la Dame de la Fontaine, in Les Mabinogion, traduits et
commentés par Joseph Loth, Paris, Fontemoing et Cie, 1913.
Marie de France, Les lais, publiés par Jean Rychner, Paris, Honoré Champion,
1983.
Marie de France, Les lais, édition bilingue par Laurence Harf-Lancner et Karl
Warnke, Paris, le Livre de poche, 1990
Merlin, roman en prose du XIIIe siècle, publié avec la mise en prose du Poème de
Merlin de Robert de Boron, d’après le manuscrit appartenant à M. Robert Huth
par Gaston Paris et Jacob Ulrich, Paris, Librairie de Firmin-Didot et Cie, 1886
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Santez Tryphina hag ar roue Arzhur, Sainte Tryphine et le roi Arthur, mystère
breton, traduit et publié par F. M. Luzel, Quimperlé, Clairet, 1863.
Vie de Sainte Ninnok, in : Albert Le Grand, ci-dessus.
Vita sancti Carantoci, éd. W.J. Rees, Lives of the Cambro British Saints,
Vital (Orderic) cité in Dontenville, Les dits et récits…, ci-dessus.
Wace (Robert) : La geste du Roi Arthur, selon le Roman de Brut de Wace et
l’Historia Regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth. Présentation, édition
et traductions par Emmanuèle Baumgartner et Ian Short.
Wace (Robert), Le Roman de Rou, édition F.Pluquet, t. II, p. 142, vv. 11508 sqq,
in Félix Bellamy, La Forêt de Brecheliant, Rennes, Plihon et Hervé, t. I, p. 387.
Wolfram von Eschenbach, Parzival, dans la traduction de Danielle Buschinger,
Wolfgang Spiewok et Jean-Marie Pastré, Paris, UGE 10-18, Bibliothèque mé-
diévale, 1989.
Cartulaires :
Cartulaire de Quimper
Cartulaire de Quimperlé, DM 431.
Cartulaire de Redon.
Dom Morice, Mémoires pour servir de preuves pour servir à l’Histoire de Breta-
gne, 2 tomes, Paris, Charles Osmont, 1744.
Sacro sancta consilia… studio Philip. Labbei et Gabr. Cosartii, t. V, Lutetiae
Parisorum, 1671.
Cartes :
Carte de Cassini
Cartes de l’Etat-Major, type 1889, au 1/80000e.
Il est bon de savoir que la Carte de Cassini et les anciennes Cartes de l’Etat-
Major au 1/80000e sont publiées aujourd’hui de manière suivie par l’Institut
Géographique National et peuvent être commandées à IGN-Sologne 41200 Vil-
lefranche sur Cher.
Cartes de l’IGN au 1/25000e et au 1/50000e.
Cartes de l’IGN au 1/100000e.
Carte Michelin Bretagne n° 230 au 1/200000e. Cette carte est malheureusement
amputée du sud de la Loire (Pays de Retz).
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Un Merlin en Toscane. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Les deux Merlin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Sur les traces de Merlin en Bretagne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Mais que veut donc dire Merlin ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Le dieu au marteau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
Retour à Huelgoat : Ambroise Merlin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Retour à Huelgoat : le porteur du maillet sacré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Hoël, roi des Bretons Armoricains. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Merlin est-il l’Ankou ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
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Haute-Montagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Ile-Noire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Iles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Orcel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Penevric ou Pointurie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Tintagel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Val Périlleux (le) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Où se trouvait l’île Saint-Samson ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Les ports de Galvoie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Sur la route de l’étain et du cuivre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
L’axe Leguer-Blavet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Le rôle des Grands Plou. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Aux points de franchissement de la Montagne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Les péages de Galvoie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
57. Yvain et brocéliande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
La cour se trouvait à Carduel en Galles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
La fontaine qui bout. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Le Mabinogi d’Owen et Lunet ou la Dame de la Fontaine . . . . . . . . . . . . . 70
Esclados le Roux, son époux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
Lunette. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
Le géant Harpin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
Gorre : le royaume n’est pas de ce monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
58. Perceval et le Graal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Perceval li Galois. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Perceval est né près du défilé de Valdone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Perceval est né dans la Gaste Forêt. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Les amours de Perceval au château de Beaurepaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
Perceval, vainqueur dans la forêt des Cinq Limites. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
La Roche de Champguin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
Orquelenes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Quelques pays gallois… ou autres : Carlion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Disnadaron en Galles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Escavalon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Gomeret. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Les Isles de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
Perceval n’était pas gallois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
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BIBLIOGRAPHIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280
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