Un Modele Pour Delier Les Divorces Remar
Un Modele Pour Delier Les Divorces Remar
Un Modele Pour Delier Les Divorces Remar
INTRODUCTION
« Un modèle pour délier les divorcés remariés: l'“admission provisoire” des lapsi par
Cyprien de Carthage (+ 258) », Le Supplément, Revue de Théologie morale de l'Institut
Catholique de Paris, n° 165, juin 1988, Paris, pp. 94-134. Texte en ligne :
http://www.rivtsion.org/f/index.php?sujet_id=1302, et
http://enunseulesprit.org/?p=911
1 Voici, dans l’ordre chronologique, les titres des principaux travaux auxquels il
sera fait référence, à plusieurs reprises, et qui seront cités en abrégé, dans la
présente contribution:
- SAINT CYPRIEN, Correspondance, éd. et trad. Bayard. T. II, Paris, 1961-1962 (ci
après: CYPRIEN).
- H. CROUZEL, L’Église primitive face au divorce. Du premier au cinquième siècle,
Paris, 1971 (ci-après: CROUZEL, Église-Divorce).
- R. SIMON, « Questions débattues en France au sujet du divorce,», dans
Recherches de science religieuse, Paris, 1. 51 (1973), pp. 491-542 (ci-après: SIMON,
Questions).
- G. CERETI, Divorzio, nuave nozze e penitenza nella Chiesa primitiva, Bologne,
1977 (ci-après: CERETI, Divorzio).
- C. MUNIER, «Divorce, remariage et pénitence dans l’Église primitive », dans
Revue des sciences religieuses, Strasbourg, n° 52 (1978), pp. 97-117 (ci-après:
MUNIER, Divorce).
- M. R. MACINA, « Pour éclairer le terme digamoi », dans Revue de sciences
religieuses, Strasbourg, 1. 61 (1987) pp. 54-73 (ci-après: MACINA, Digames).
positions antagonistes des principales tendances théologiques en cette matière, et
à celle de la pratique pastorale concrète de l’Église.
Dans la troisième Partie nous procéderons à une extrapolation analogique de la
solution cyprienne de l’admission provisoire, en tenant compte de la différence
d’objets et de situations, certes, mais sans hésiter à transposer ce qui peut l’être,
pour l’appliquer à la douloureuse problématique des divorcés remariés. Nous y
adjoindrons une brève revue des difficultés concrètes de cette éventuelle
« admission provisoire », à l’occasion de laquelle nous ouvrirons des perspectives,
et proposerons des suggestions, dans le but d’aider au mûrissement du jugement de
l’Église sur cette délicate question.
Notre conclusion s’efforcera de récapituler l’essentiel de ce qui paraît acquis, et
de tracer, à partir de cette base de départ, les grandes lignes d’un nouvel état
d’esprit. Celui-ci devra tenir compte, tant des résultats impressionnants de la
recherche philologico-historique concernant l’attitude de l’Église des premiers
siècles à l’égard des divorcés remariés, que des multiples réflexions théologiques
et existentielles des pasteurs et des théologiens sur la condition religieuse et
spirituelle de ces chrétiens marginaux, ainsi que des nécessités pastorales
urgentes, en ce domaine particulièrement douloureux. Ainsi, nous espérons limiter
les inconvénients inévitables 2 de la méthode adoptée ici, laquelle consiste à
réfléchir pastoralement et «prophétiquement» sur les exempla Patrum, avec la
rigueur de la méthode philologico-historique, sans pour autant tomber dans
l’aridité des travaux d’école; mais également avec le souci pastoral et le souffle
« prophétique », qui seuls rendent fécondes de telles entreprises, sans sacrifier à la
séduction des formules aussi brillantes que creuses, des simplifications aussi
abusives qu’éloignées de la vérité, des thèses aussi généreuses qu’aventurées et
dénuées de tout fondement solide dans la réalité des faits.
I
LA QUESTION DE LA PÉNITENCE DES LAPSI
ET DE LEUR « ADMISSION PROVISOIRE »
A. De l’intransigeance à la pénitence : l’attitude exemplaire de Cyprien.
Avant même de nous arrêter sur cette formule quelque peu insolite, rappelons que
ceux qui avaient sacrifié sous la menace, lors de la persécution de Dèce (250-251),
se divisaient en deux catégories : les sacrificati et les libellatici, c’est-à-dire,
respectivement, ceux qui avaient ouvertement sacrifié, et ceux qui avaient obtenu
un billet (libelle) de faveur, attestant qu’ils avaient sacrifié, alors qu’il n’en était
rien.
2 Dans le cadre d’un article, par nature limité, sur une question qui eût nécessité
un ouvrage important, ou, à tout le moins, une monographie. Rappelons que
chacune des questions auxquelles nous allons consacrer quelques pages, forcément
sommaires, exigerait, en stricte méthode scientifique, un article sui generis.
Pour cette dernière catégorie, les évêques et Cyprien lui-même 3 étaient enclins à
plus de miséricorde, car il semblait que, dans l’ensemble, ils avaient agi de bonne
foi. On sait que ce ne fut pas le cas de Novatien qui s’opposa à cette mansuétude
et en vint à se séparer de la communion de l’Église, sur ce point précis. Étant
donné le grand nombre des lapsi, il était urgent de trouver une solution à leur cas.
Après une première phase d’intransigeance, durant la persécution, les évêques
convinrent ensuite d’assouplir leur attitude et d’admettre les lapsi à la communion
de l’Église, sous réserve de pénitence. Deux régimes furent adoptés : l’un, plus
tolérant, concernant les libellatici, l’autre, plus rude, concernant les sacrificati ;
témoin Cyprien qui écrit à Antonianus, son collègue dans l’épiscopat :
« Pour ces raisons, frères très chers, après avoir examiné les cas
séparément, nous avons résolu à l’égard des “libellatices”, de les admettre
provisoirement (interim admitti) ; à l’égard de ceux qui ont sacrifié, de
venir à leur secours au moment de la mort, parce qu’il n’y a plus de
confession aux enfers et que nul ne peut être contraint à la pénitence, si le
fruit de la pénitence [lui] est enlevé. » 4
Dans ce passage apparaît pour la première fois l’expression « admettre
provisoirement », qui sonne si curieusement à nos oreilles. Il est bien évident
qu’elle ne signifie pas que celui qui est admis peut ensuite être exclu de l’Église.
Le mot latin interim, qui s’est d’ailleurs acclimaté dans notre langue, signifie aussi
bien « temporairement», que « en attendant ». Dans le langage d’Église, il peut
même se traduire « ici-bas » 5. Nous comprenons donc que cette « admission » dont
parle Cyprien concerne l’ici-bas, comme si le pasteur n’osait pas lier Dieu par sa
décision. Ce que semble bien renforcer cette autre attestation de l’expression,
chez l’évêque de Carthage 6 :
« Ceux qui, de tout cœur, se repentent et implorent doivent être admis à
titre provisoire (interim suscepi) dans l’Église, et en son sein 7, être réservés
au Seigneur qui doit venir vers son Église et jugera, de toute façon, ceux
qu’il trouvera en faire partie » 8.
De l’analyse de ces deux passages, il semble bien ressortir que Cyprien n’ose user
du droit de remettre les péchés, que Jésus avait expressément conféré à ses
Apôtres, comme une prérogative allant de soi 9. On ne saurait s’en étonner. Il
convient de se remémorer que les événements qui nous occupent se déroulent dans
la période de formation progressive de l’Église, alors que cette dernière n’a pas
v. 1.
6 lbid. 29. CYPRIEN. 151.
7 Litt.: « en elle ».
judicabit ». Notre traduction diffère ici de celle de Bayard: il semble, en effet que
l’utilisation d’intus connote l’appartenance canonique à l’Église. Cf., du même
Cyprien, Epist. LXXIII, 9 ; et cf. BLAISE, op. cit., s. v. « intus ».
9 Jn 20, 23.
encore approfondi son propre mystère, ni mesuré les immenses ressources de son
pouvoir d’initiative, avec l’appui de l’Esprit Saint. C’est l’époque des persécutions
sanglantes, de la foi sans compromis, de la fin des temps considérée comme
imminente. L’idéal est de conserver à tout prix la pureté baptismale, quitte à la
gagner par le martyre. Les partisans de la sévérité à l’égard des lapsi sont
nombreux, et Novatien ne devait pas être le seul à refuser de transiger avec les
dures paroles de l’auteur de l’Épître aux Hébreux, qui semblaient viser par avance
les apostats de ce genre (He 6,4-6) :
« Il est impossible, en effet, pour ceux qui ont été une fois illuminés [...] et
qui néanmoins sont tombés, de les rénover une seconde fois en les amenant
à la pénitence, alors qu’ils crucifient pour leur compte le Fils de Dieu et le
bafouent publiquement ».
Il est vrai qu’à en croire un ancien synaxaire 10, les Pères du synode romain de 251
surent lui démontrer que
« l’Apôtre n’avait pas dit cela à propos de la pénitence, mais à propos de
celui qui voudrait se faire baptiser autant de fois qu’il aurait péché, parce
que le baptême ne peut avoir lieu qu’une seule fois ».
Mais on ignore ce qu’ils répondaient à l’évocation des paroles mêmes du Christ,
affirmant qu’il rougirait, devant son Père, de ceux qui auraient rougi de lui devant
les hommes 11, et qu’il renierait celui qui l’aurait renié 12.
C’est sans doute ce contexte historique exceptionnellement troublé, qui pousse
Cyprien à justifier sa mansuétude à l’égard des lapsi, avec une finesse et une
pénétration, assaisonnées de sagesse spirituelle, en ces termes 13 :
« Ce n’est pas que nous préjugions de ce que jugera le Seigneur. S’il trouve
complète et juste la pénitence du pécheur, alors il ratifiera ce que nous
avons décidé ici-bas. Si, au contraire, quelqu’un nous a trompés en simulant
la pénitence, Dieu, dont on ne se moque point et qui voit le cœur de
l’homme, jugera lui-même de ce que nous n’avons pas bien pénétré, et le
Seigneur corrigera la sentence de ses serviteurs. »
21 Ibid. 15, 1. CYPRIEN, 140-141. Voir aussi Epist. LVII, 4,4 : CYPRIEN, 158.
22 C’est-à-dire, après avoir examiné, à la lumière de passages scripturaires, les
arguments en faveur de la miséricorde, ou en faveur de l’intransigeance. C’est
ainsi que nous avons cru devoir paraphraser l’expression latine extrêmement
concise: « Scripturis diu ex utraque parte prolatis ».
23 Ibid. 6,1; CYPRIEN, 134.
24 Ibid. 20, 1-2. CYPRIEN, 144. Nous reviendrons longuement, plus loin, sur la
26 Cf. Mt 5, 26.
recevoir immédiatement la récompense de la foi et de la vertu ; une chose
d’être émondé pour ses péchés, en étant frappé d’une longue douleur, et
purifié par un feu qui dure, autre chose de purger tous ses péchés par la
passion [= martyre] ; une chose enfin d’être dans l’attente de la sentence du
Seigneur au jour du jugement (pendere in die judicii ad sententiam Domini),
et une autre d’être immédiatement couronné par le Seigneur. »
E. Synthèse.
On voit donc jusqu’à quelles extrémités étaient amenés les partisans de
l’intransigeance. Au nom du respect des paroles et des commandements du
Seigneur, ils en venaient à s’opposer au dépôt même de la foi, contenu dans les
Écritures. Cette attitude vaudra finalement l’exclusion de l’Église à ceux d’entre
eux, et surtout les partisans de Novatien, qui refusèrent de céder aux décisions des
évêques. Leur parti subsista encore longtemps, sous l’appellation générique de
Novatiens 39, ou de Cathares, au grand dam de l’unité de l’Église, au point qu’un
canon du concile de Nicée (325) posera comme condition à leur réadmission dans la
Grande Église, qu’ils acceptent de communier avec les lapsi et les digames.
Nous reviendrons, en son lieu40, sur le sens du mot digame. Notons seulement, au
passage, cette attitude du concile envers des schismatiques qui, au demeurant,
étaient parfaitement orthodoxes sur le plan de !a foi et des mœurs. On retiendra
34 Ap 2, 5.
35 Tb 4, 10.
36 Le 15, 7. 37. Sg 1, 13.
37 Jl 2, 12-13.
38 Ps 89, 33-34.
39 Sur les Novatiens, voir l’étude de H.J. VOGT, Cœtus Sanctorum. Der
Kirchenbegriff des Novatian und die Geschichte seiner Sonderkirche, Bonn 1968.
40 Ci-après, en II.
ce qui apparaît, de la part de l’Église, comme une exigence absolue de
communion, au sens profond du terme: être uni à, ne faire qu’un. En effet, dans ce
canon, il n’était pas question d’article de foi, mais d’une décision disciplinaire
concernant une catégorie spécifique de fidèles; pourtant, l’Église d’alors ne
transigea pas plus sur ce point que sur une question majeure de credo, car il y
allait de l’unité d’esprit de tout l’organisme, divin et incarné à la fois, qu’est
l’Église.
Pour notre objet, on notera d’emblée l’intérêt majeur que présente l’évocation,
dans ce canon, du cas des digames. On verra, dans le chapitre suivant,
l’importance considérable de ce terme pour la compréhension de l’attitude
historique de l’Église, face aux divorcés remariés, selon le sens que l’on veut bien
conférer au mot digame et à son synonyme: adultère. Mais, d’ores et déjà, on
remarquera qu’il n’est pas indifférent que cette classe de “pécheurs publics” ait
été liée quasi automatiquement à celle des lapsi. Il semble qu’on puisse déduire,
de ce phénomène, que les deux cas avaient posé la même question d’importance
vitale pour l’Église d’alors, à savoir: en l’absence de textes scripturaires explicites
et de directives claires de Jésus ou de ses Apôtres, le collège des évêques, en tant
que détenteur du dépôt de la foi et de la tradition apostolique, avait-il le pouvoir
imprescriptible d’engager l’inerrance assurée à l’Église par l’Esprit Saint, en
prenant la responsabilité d’une décision inédite, en n’importe quelle matière,
lorsque les pasteurs estimaient indispensable une prise de position claire et
irréversible sur un point précis de la foi, de la morale ou de la discipline ?
C’est en ayant cet éclairage présent à l’esprit, tout au long de la présente
enquête, que l’on pourra procéder, avec la prudence indispensable, à une
comparaison en forme d’analogie de la foi, entre la décision difficile, mais
irréversible, courageusement prise par des évêques, en des temps troublés, et
rendue contraignante par un concile œcuménique célèbre, concernant les lapsi, et
celle que tant de pasteurs et de fidèles attendent de l’Église, concernant les
divorcés remariés, dont nous abordons maintenant le cas spécifique.
II
PROBLÉMATIQUE ACTUELLE DE
L’ADMISSION DES DIVORCÉS REMARIÉS
AUX SACREMENTS
Il n’est guère possible, dans le cadre limité qui est le nôtre ici, de faire le point
complet d’une question aussi complexe, de surcroît grevée d’une charge que l’on
peut bien qualifier d’émotionnelle, voire passionnelle, étant donné les enjeux
existentiels et dogmatiques qui pèsent sur les solutions envisagées pour la
résoudre. Les lignes qui suivent ne veulent donc être qu’une esquisse pratique,
visant à mettre en lumière les lignes de force de la problématique, à démarquer les
difficultés majeures, et à esquisser des ébauches de solution.
On procédera en deux étapes. Dans la première, on fera le point des deux
principales positions de la recherche sur la question de l’attitude historique de
l’Église des premiers siècles envers les divorcés remariés. Ayant traité ailleurs, en
détail, de cette question 41, notre exposé se limitera à présenter les principaux
éléments d’un différend qui n’épuise certes pas la problématique étudiée, mais qui
en illustre bien la nature réelle, en ce qu’il dévoile les convictions théologiques
sous-jacentes des tenants des positions antagonistes en la matière.
La seconde étape consistera en un exposé succinct des tendances actuelles de la
théologie du mariage et de la pastorale des divorcés remariés. Nous nous
efforcerons d’en distinguer et d’en apprécier les lignes de force.
41 MACINA, Digames.
42 Outre les ouvrages cités dans notre n. 1, ci-dessus, voici, dans l’ordre
44 Sur ces mesures disciplinaires prises à l’encontre du remariage des veufs, dans
les premiers siècles de l’Église, et imputables à l’ascétisme, voire à l’encratisme
exacerbés des premiers chrétiens et surtout des hérétiques (spécialement
Novatiens et Montanistes), voir l’enquête diachronique de CROUZEL, Église-
Divorce, 73 ss., 90 ss., 148 ss., 203 ss., 266 ss., 296 ss., 354 ss., 374 ss., etc.
45 Cité ici d’après la traduction de CROUZEL. Ibid., 269. C’est nous qui soulignons.
tout d’abord, il atteste explicitement la permission de remariage; mais surtout, en
la fondant sur l’incise, il est clair qu’il interprète celle-ci dans le sens large, c’est-
à-dire, comme inférant de la possibilité de la répudiation à celle du remariage, et
non dans le sens restrictif de la seule tolérance d’une séparation sans remariage
possible.
A ce stade, une constatation s’impose : tandis que la controverse entre les parties
en présence s’avère insoluble, un double consensus se dégage, parmi les tenants du
remariage dans l’Église primitive: a) il n’est question, dans les textes envisagés,
que des secondes noces de l’époux innocent, et pour certains, de l’épouse
innocente, tandis que, dans le cas du divorce sans faute de son précédent conjoint,
il n’est absolument pas question de remariage; b) il est admis que le terme digame
désigne indistinctement, tant le veuf que le divorcé (innocent) remarié.
46 CERETI, Divorzio.
47 Dans sa Lettre à Amphiloque. Sur Basile, canoniste en matière de remariage, voir
CROUZEL, Église-Divorce, 137 ss. Nous citons ici d’après la traduction du savant
jésuite, p. 141.
48 Voir CERETl, Divorzio, 278-286.
Justin :
« De même que ceux qui, selon une loi humaine, contractent des doubles
mariages (digamias) sont coupables devant notre Maître, ainsi sont pécheurs
ceux qui regardent une femme pour la désirer. » 49
Concile de Nicée :
« Au sujet de ceux [il s'agit des clercs] qui s’appellent eux-mêmes cathares,
c’est-à-dire purs, quand ils voudront venir à l’Église catholique, il a plu au
saint concile qu’on leur impose les mains et qu’ils demeurent dans le clergé;
mais, avant toutes choses, qu’ils promettent par écrit de recevoir et de
suivre les enseignements (dogmas) de l’Église universelle (katholikê), c’est-
à-dire d’être en communion (koinônein) tant avec ceux qui se sont mariés en
secondes noces (digamoi) qu’avec ceux qui ont failli pendant la persécution
(tois en tô diôgmô parapeptôkôsin), et auxquels on a fixé un temps et un
moment [= une période de pénitence], de sorte qu’ils [les Cathares]
obéissent (akolouthein) en toutes choses aux enseignements de l’Église
universelle (katholikê) et apostolique. » 50
Pour Cereti et les partisans du double sens du mot digame, il est clair que tant
Justin que le 8e canon du Concile de Nicée parlent de divorcés remariés. Les
partisans de la position traditionnelle, illustrée surtout par Crouzel, s’ils veulent
bien admettre la chose dans le cas de Justin, la dénient formellement, tant en ce
qui concerne le concile de Nicée, que pour l’usage général du terme digame. Nous
avons constaté ailleurs 51 le poids des présupposés théologiques, dans les
conceptions de ceux pour qui il ne fait pas le moindre doute que les seuls digames
dont le remariage était assorti d’une pénitence étaient les veufs mariés. Nous n’en
voulons pour illustration que cette profession de foi de Crouzel 52 :
« Il ne nous paraît pas concevable que l’Église puisse un jour autoriser
quelqu’un, dont le mariage est certainement valide, sacramentel et
consommé, à contracter de nouvelles noces du vivant de son conjoint. La
quasi-unanimité des cinq premiers siècles concernant le refus d’un
remariage après séparation constitue, en effet, dans le désarroi complet des
exégètes contemporains sur le sens des incises, la seule donnée solide: ainsi
l’Église dès le début a-t-elle compris, dans l’interprétation vivante que
donnent ses institutions, ces expressions difficiles. »
49 Première Apologie, XV, 3-4 : et éd. Pautigny, Textes de Documents, Paris 1904,
26 et 28. On suit la traduction de CROUZEL, Église-Divorce, 54.
50 Canon n° 8. Cité ici d’après P. J. JOANNOU, FONTI, IX Discipline Générale
Antique (IIe-IXe s.), Rome, 1962, t. I, I, pp. 30-31. Pour le texte grec de ce canon,
voir J. D. MANSI, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Florence,
1759 ss., II, 672. Voir aussi J. HEFÉLÉ – H. LECLERCQ, Histoire des Conciles d’après
les documents originaux. Paris 1907 ss., I, 1, 576. N’étant satisfait ni de la
traduction de Joannou (la plus fautive), ni de celle d’H.-L. (qui est trop large),
nous proposons ici la nôtre, qui serre le texte au plus près. Celle de Cereti est très
satisfaisante : cf. CERETl, Divorzio, 266-267.
51 MACINA, Digames.
Bayard).
dispose et dirige son action, sauf à rendre compte de sa conduite
(propositum) au Seigneur. »
Il doit être clair cependant que la tendance au pardon l’emporta finalement. C’est
même le précédent dont Cyprien se prévalut, lorsqu’il préconisa l’admission des
lapsi :
« Aux adultères aussi nous accordons un temps de pénitence et nous leur
donnons la paix. » 57
On notera, pour en finir avec la controverse concernant l’identité des digames, que
les contre-arguments de Crouzel, en réponse aux thèses de Cereti, ne sont pas
convaincants. Sans pouvoir nous attarder ici sur leur contenu 58, disons que le
savant français s’en tient aux textes qu’il estime indubitables et qui, selon lui,
parlent clairement des digames comme de veufs remariés, et récuse les
interprétations plus compréhensives du spécialiste italien. Ce qui inspire à Cereti
ce jugement dont les derniers mots masquent à peine l’ironie :
« De même qu’au niveau de l’interprétation philologique il faut considérer
comme un jugement a priori et infondé la conception, courante jusqu’à nos
jours, et qui n’a pas encore bénéficié de l’attention nécessaire, selon
laquelle les digames du Concile de Nicée seraient seulement ceux qui se sont
remariés après la mort de leur conjoint, ainsi cette conception apparaît-elle
injustifiée également, au niveau de l’interprétation historique, dans ce sens
qu’aucun des documents examinés ne laisse supposer que les novatiens
excluaient de la communion, en tant que pécheurs jusqu’à la mort, outre les
apostats, les veufs remariés, ou seulement eux. » 59
4. Synthèse
Disons, pour conclure ce premier point, que, devant l’évidence massive des textes
apportés par Cereti à l’appui de sa thèse, il semble difficile aujourd’hui de nier
l’existence, dans la pratique de l’Église des premiers siècles, d’une pénitence des
divorcés remariés non innocents de leur divorce 60. On ne dispose malheureusement
pas, comme c’est le cas pour les lapsi, de documents explicites sur le pourquoi et
le comment de cette mesure de miséricorde, mais il semble que les quelques
allusions évoquées sont de nature à convaincre que, si ce ne fut pas une affaire
facile, une décision courageuse fut prise, à propos de laquelle l’Église engagea son
autorité, au point de refuser la communion à ceux qui s’en tenaient à la rigueur
primitive.
60 Notre opinion s’appuie, entre autres témoignages, sur celui d’un praticien des
65 Ibid., 504.
« sauvages » et « clandestines » qui tentent de faire face empiriquement aux
besoins réels d’une fraction importante de la communauté catholique 66.
2. Attitude de l’épiscopat 67
Malgré son apport positif à la question conjugale et l’accent mis sur l’amour et la
relation, la contribution de Vatican II à la théologie du mariage, n’est pas jugée
très constructive par Simon, qui la résume ainsi: « Les textes que Vatican II a
consacrés au mariage manquent de cohérence : voilée, mais présente, la théologie
classique des fins du mariage y cohabite, sans qu’une synthèse soit tentée [...]
avec la théorie anthropologique et personnaliste des valeurs de la vie conjugale. La
notion d’indissolubilité souffre de l’incohérence de l’ensemble : rattachée aux
dimensions objectives de l’institution et des fins du mariage, elle semble “faire
violence” aux dimensions plus personnelles de l’amour » 68. Simon passe ensuite en
revue l’attitude des évêques, depuis le concile. « Vis-à-vis des divorcés remariés,
l’accent est mis sur la compréhension, l’accueil fraternel, dans les limites de la
discipline canonique actuellement en vigueur. Il faut chercher un Mgr Zoghby pour
trouver une proposition d’ouverture, un cardinal Krol pour laisser entendre [...]
que la question de l’admission des divorcés remariés aux sacrements de pénitence
et d’eucharistie est à l’étude à Rome et à la Commission épiscopale nationale de la
pastorale des Etats-Unis » 69. Évoquant la position particulière de l’épiscopat
français, Simon constate que sa réponse à l’admission éventuelle des divorcés
remariés aux sacrements est négative. Pour terminer ce tour d’horizon, il évoque
la nouveauté qui consiste à accorder les funérailles religieuses, à la seule condition
que le divorcé remarié ait manifesté son attachement à l’Église 70. A propos de la
Lettre de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi, du 29 mai 1973, qui
approuve cette initiative, Simon estime qu’elle est d’autant plus intéressante
qu’elle avait été précédée par une autre, du 11 avril 1973, émanant de la même
Congrégation, qui rappelait les dangers doctrinaux menaçant aujourd’hui
l’indissolubilité du mariage, dénonçait les abus commis dans la discipline
sacramentaire relative aux divorcés remariés, et demandait aux évêques de veiller
à la fidélité doctrinale et de maintenir en ce domaine la discipline actuellement en
vigueur 71.
3. Recherches théologiques
C’est la partie la plus fouillée de l’étude de Simon 72. Elle passe en revue les
contributions des principaux théologiens dans les trois domaines suivants: sciences
humaines 73, exégèse et patristique 74, théologie dogmatique et morale, et droit
66 Ibid., 504.
67 Ibid., 505-511.
68 Ibid., 505-506.
69 Ibid., 509.
70 Ibid., 510.
71 Ibid., 511.
72 Ibid., 512-530.
Locht.
76 Ibid., 528-530.
80 Ibid., 517.
81 Ibid., 519-520.
82
Ibid., 520-521.
83 Ibid., 521.
84 Ibid., 523.
85 Ibid., 523.
d’autres, Duquoc entrevoit la possibilité d’instaurer une pratique ecclésiale qui
unisse le radicalisme de l’exigence évangélique d’indissolubilité et l’accueil humain
et chrétien de l’échec, non pas sous la forme de la réitération du mariage
religieux, mais dans le sens de la miséricorde (admission à la pénitence et à la
communion eucharistique) 86.
- Là où l’unité conjugale n’a pu se maintenir, faut-il continuer à faire comme si la
communauté était réelle ? 87 Cette interrogation lucide donne le ton de la réflexion
profondément humaine et pastorale de son auteur 88, P. de Locht, dont Simon
rappelle quelques-unes des idées maîtresses : l’Église devrait accueillir, plus
largement qu’elle ne le fait, l’échec et l’erreur pratique. Le divorce entre le plus
souvent dans ces catégories. La réception des sacrements de pénitence et
d’eucharistie devrait, sous conditions, être autorisée 89.
4. Synthèse
Des différents points passés en revue ci-dessus, se dégagent un certain nombre de
données importantes, dont certaines sont fort constructives, et que nous proposons
de résumer de la manière suivante. Tout d’abord, au plan des pratiques et des
attitudes des catholiques, on constate une prise de conscience, de plus en plus
lucide, par les divorcés remariés, de ce que l’attitude hostile ou passive à l’égard
de leur situation a d’inadmissible. Loin d’être une insolence ou un désir impudent
de justifier un échec, cette réaction témoigne au contraire d’un réalisme et d’une
détermination peu communs, de la part de chrétiens décidés à vivre
courageusement, devant Dieu et devant les hommes, ce qu’ils ont cru devoir
assumer, en réponse au drame conjugal qui fut le leur.
Pour ce qui est de l’attitude de l’épiscopat à l’égard de ce problème, force est de
constater qu’à l’exception de deux ou trois prélats, trop rares sont les initiatives
épiscopales en faveur d’une adaptation de la théologie sacramentaire au cas
douloureux des divorcés remariés. Il semble que les évêques soient comme retenus
d’agir par les positions pontificales encore très prudentes en la matière, et qu’ils
attendent des théologiens l’élaboration d’une doctrine novatrice, mais solidement
fondée sur l’Écriture et la Tradition, pour appuyer un assouplissement de la
discipline, que beaucoup d’entre eux souhaitent vivement, même s’ils ne
s’expriment pas toujours librement sur ce sujet.
Enfin, en ce qui concerne la recherche théologique, on a pu constater le recul des
positions rigoureusement traditionnelles, qui mettent l’accent sur le danger d’une
évolution de la discipline de l’Église en matière de remariage, et ce au profit
d’analyses réalisées avec l’apport des sciences modernes, davantage conscientes
de l’aspect personnaliste et contingent de tout engagement humain, et résolument
pastorales et généreuses dans leurs perspectives.
86 Ibid., 527.
87 Ibid., 527.
88 Précisons que nous ne retenons ici de la théologie de P. de Locht que ce qui se
III
92 Les lapsi. Il convient de noter à quel point l’acception même de ce terme ‘colle’
à la situation des divorcés remariés qui sont, eux aussi, à leur manière, des
« tombés ».
sans appel: condamné à la solitude affective à vie, à la condition d’eunuque
involontaire, sans que cela soit “donné » [par Dieu] (cf. Mt 19, 11).
Autre inadéquation apparente de l’analogie: les évêques qui décidèrent de
réadmettre les lapsi ne se trouvaient pas en face de textes scripturaires aussi
radicalement contraires à leur initiative que ceux qui traitent de l’indissolubilité
du mariage et de l’interdiction absolue du remariage. Mais est-ce tellement
évident ? On a vu, plus haut 93, que les partisans de la rigueur envers les lapsi ne
manquaient pas d’arguments néotestamentaires pour confirmer la nature,
prétendument irrémissible, de cette apostasie. Que l’on rougisse du Christ devant
les hommes (Mc 8, 38 ; Lc 9, 26), ou qu’on le renie publiquement (Mt 10, 33 ; Lc
12, 9 ss.), la sanction était la même: pas de salut éternel, puisqu’en retour de leur
lâcheté, le Christ lui-même rougirait de tels disciples et les renierait devant son
Père des cieux. Rappelons également que Novatien se prévalait, pour refuser la
pénitence aux fautes les plus graves, du texte terrible de l’Épître aux Hébreux: « Il
est impossible, en effet, pour ceux qui ont été une fois illuminés [...] et qui
néanmoins sont tombés, de les rénover une seconde fois en les amenant à la
pénitence, alors qu’ils crucifient pour leur compte le Fils de Dieu et le bafouent
publiquement. » (He 6, 4-6) 94.
Il reste qu’en vertu du dicton: « Comparaison n’est pas raison », on ne peut
inférer, de la solution du cas des lapsi par Cyprien, à l’obligation, pour l’Église
d’aujourd’hui, d’agir de même en ce qui concerne les divorcés remariés. En effet,
outre que les deux cas sont très spécifiques et n’ont de commun que la difficulté et
l’importance extrêmes de leur solution, il faut également tenir compte de la
différence radicale de problématiques spirituelles et théologiques entre les deux
situations, et de la gravité exceptionnelle des implications d’une mesure
d’"amnistie" religieuse éventuelle des divorcés remariés, analogue à celle qui fut
prise jadis à l’égard des lapsi. Nous reviendrons d’ailleurs sur ce point, lorsque
nous traiterons des difficultés des modalités concrètes d’une réadmission des
divorcés remariés à la communion de l’Église. Mais auparavant, il convient
d’aborder une question qui n’a pas reçu toute l’attention qu’elle mérite, et de
nous demander quelles peuvent bien être les raisons qui poussent les divorcés
remariés à demander instamment l’accès aux sacrements.
B. L’émouvante fidélité envers l’Église de ceux qui n’y ont plus qu’une
place symbolique
Que les « pécheurs publics » du Moyen-Âge aient pu assumer toutes les rigueurs de
la pénitence d’alors, et ce durant de longues années, ne s’explique pas seulement
par ce qu’on appelle trop volontiers la « foi naïve de l’époque ». Si l’on se souvient
de l’influence immense qu’avait l’Église sur la société médiévale, dont la
soldatesque de la dernière était si souvent le bras séculier de la première, la
pénitence publique apparaît davantage comme ayant constitué le moyen amer,
mais incontournable, d’une réhabilitation sociale dont seul le clergé détenait alors
la clé. On conviendra que ce n’est plus le cas depuis longtemps et, a fortiori, de
nos jours. Si donc, alors que le divorce et le remariage ne constituent plus
aujourd’hui une tare civile infamante, des hommes et des femmes de confession
93 Voir, ci-dessus : B. La réaction novatienne et l’autojustification de Cyprien.
94 Voir, ci-dessus, Ibid.
chrétienne demandent instamment à l’Église de les réadmettre aux sacrements, il
semble odieux et irresponsable de considérer leur démarche comme l’impudente
exigence de déchus et de déclassés religieux, qui intriguent en vue de « se refaire
une vertu », au mépris des commandements divins et de la responsabilité de
l’Église dans la sauvegarde des exigences de l’Évangile.
De fait, que demandent ces gens ? Qu’on ne considère pas leur échec conjugal
comme le seul péché irrémissible. Qu’on cesse de leur répéter qu’ils ne sont pas
exclus de l’Église, que leur situation n’implique pas automatiquement qu’ils soient
en état de péché mortel, qu’ils peuvent même mener une vie édifiante, voire
sainte, devant Dieu, tout en leur refusant ce qui découlerait naturellement de ces
belles assurances, à savoir: la rémission de leurs péchés par l’accession au
sacrement de réconciliation, et la nourriture de leur âme par la communion au
corps du Christ 95.
Dans le droit fil de la présente réflexion, on peut se demander d’où vient aux
divorcés remariés chrétiens cette certitude profonde, quoique obscure, que, si
l’Église n’a pas de voie à leur proposer, Dieu, lui, n’a pas renoncé à leur retour,
qu’il les attend à la maison paternelle, dont il saura bien leur faire retrouver le
chemin. Comment se fait-il qu’ils n’aient pas apostasié en masse et ne se soient
pas détournés d’une mère, perçue comme par trop inflexible envers ses « fils
prodigues » ? La réponse, pour étonnante qu’elle puisse paraître, s’impose d’elle-
même. L’Esprit Saint, qui ne leur a pas davantage été retiré, qu’il ne l’a été à
David, après sa lourde faute (Ps 51, 13), les a gardés de se couper du Corps visible
du Christ ici-bas. Leur dure épreuve les a initiés, sans même qu’ils le réalisent
intellectuellement, le plus souvent, au mystère de l’incarnation du dessein de Dieu
dans l’Église. Ils ont réalisé confusément que l’unité de leur couple antérieur,
aujourd’hui irrémédiablement détruite, avait été prévue, de toute éternité, pour
symboliser et, en quelque sorte, ‘sacramentaliser’ celle du couple Jésus-Église.
Aussi, ont-ils encore davantage à cœur de réussir leur nouvelle entreprise
conjugale, en la purifiant mieux des scories de l’égoïsme et du péché, qui
n’avaient pas peu contribué à la détérioration de leur union précédente. Certains
d’entre eux, dont le Seigneur a ouvert l’esprit, ont même reçu la grâce de
mesurer, à la lumière crue de leur échec, quelle catastrophe constituerait pour le
salut de l’humanité, si Dieu ne l’avait rendue impossible, une rupture éventuelle
de l’unité substantielle entre le Christ et son Église. Aussi bien, que ce soit
d’instinct ou en pleine conscience, un nombre croissant de fidèles, spirituellement
et religieusement marginalisés par leur échec humain, se tournent vers l’Église, qui
assume en elle, ici-bas, la maternité spirituelle du peuple de Dieu, et la supplient
de « ne pas les rejeter du nombre de ses enfants » (Sg 9,4). Est-ce une folle
démesure d’inférer de l’œuvre de l’Esprit dans la conception virginale du Christ
par Marie, la possibilité, pour Dieu, de réaliser, d’une manière tout aussi
95 Dans une étude intitulée « Pistes néotestamentaires pour une pastorale des
divorcés remariés », publiée dans Ad Veritatem (Revue trimestrielle de réflexion et
de théologie protestante), n° 26, juin juillet 1990, Bruxelles, pp. 23-52, nous avons
passé en revue cette attitude de paternalisme spirituel irresponsable, administrée
par des gens qui sont peut-être de bonne foi, mais bien peu éclairés, ainsi que les
réactions qu’elle suscite chez les victimes de cette doucereuse et vaine
compassion. Ce texte est en ligne sur le site Rivtsion.org
(www.rivtsion.org/f/index.php?sujet_id=1301).
transcendante et incompréhensible, par ce même Esprit, pour les divorcés
remariés, une “nouvelle naissance d’eau et d’esprit”, comme celle dont parlait
Jésus à Nicodème (Jn 3, 3-5), en les faisant “rentrer à nouveau dans le sein de leur
mère”, l’Église ?
besoin d’observer que, là également, “il n’y a rien de nouveau sous le soleil”, tant
nos États nous donnent l’exemple d’une application fidèle de cette antique
maxime politique.
99 On ne rappelle pas ici les références à l’œuvre de Cyprien, celles-ci ayant été
100 Comme c’est évident, les termes originaux de Cyprien ont été changés, pour les
faire correspondre à la situation analysée ici. Il en est de même, ci-après, partout
où figurent des mots entre crochets carrés.
Quant aux esprits chagrins et aux prophètes de malheur, qui annoncent une baisse
générale du niveau de conscience du péché, et un délabrement encore plus grand
de la fidélité conjugale, il faudra leur répondre, à la manière de Cyprien: « Et
n’allez pas croire que la vertu diminue ou que [l'héroïsme et l'abnégation
conjugales] aillent cesser, du fait que la pénitence aura été rendue plus aisée aux
pénitents [...] En accordant aux adultères un temps de pénitence et en leur
donnant la paix, nous n’allons pas, pour autant, faire cesser dans l’Église, ni la
virginité, ni l’engagement glorieux à la continence. »
- Objection n° 5 : Une telle mesure reviendrait à donner aux pécheurs le même
statut qu’à ceux qui acceptent leur malheur avec une résignation et une
abnégation héroïques.
Répondre à cette objection requiert la même sagesse que celle de Cyprien, dont
nous rappelons ici, in extenso, les profondes paroles: « C’est une chose, en effet,
d’être en attente de pardon, une autre de parvenir à la gloire; une chose d’être
envoyé en prison et de n’en pas sortir avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou 101,
autre chose de recevoir immédiatement la récompense de la foi et de la vertu; une
chose d’être émondé pour ses péchés en étant frappé d’une longue douleur, et
purifié par un feu qui dure, autre chose de purger tous ses péchés par la [sainteté
de sa vie], une chose enfin d’être dans l’attente de la sentence du Seigneur au jour
du jugement, et une autre d’être immédiatement couronné par le Seigneur ».
Chacun fera les transpositions nécessaires, mais il est bien clair que si l’Église
décide un jour de suivre les traces de Cyprien et des évêques de son temps, en
rendant la communion à ceux que la législation canonique classait, jusqu’à il y a
peu, dans la catégorie des « pécheurs publics » 102, cette mesure ne dépréciera pas
pour autant l’héroïcité des vertus de ceux qui ont choisi de ne pas se remarier. Ici
comme en d’autres domaines, il convient de laisser le jugement au Seigneur (cf. 1
Co 4, 5). Si certains divorcés restés seuls se sentaient pénalisés par une éventuelle
réception des divorcés remariés à la pénitence, c’est qu’ils se seraient laissés
contaminer, à leur insu, par une mentalité « pharisienne », en se considérant
comme meilleurs que leurs frères, du fait de leur choix héroïque. Aux yeux de
l’ensemble des fidèles, en tout cas, il ne risquerait pas d’y avoir la moindre
ambiguïté de situations: les divorcés remariés qui demandent la miséricorde de
l’Église seraient des « pénitents », tandis que les divorcés restés seuls seraient des
fidèles dignes de plus d’éloges encore que les « fidèles » au sens fort du terme.
D. Difficultés objectives de la mise en œuvre d’une réadmission des
divorcés remariés. Questions et réponses. Perspectives
A supposer que les considérations qui précèdent aient convaincu, ou qu’elles aient,
à tout le moins, ébranlé les objections apparemment les plus insolubles, il reste
encore un certain nombre de difficultés objectives considérables à surmonter pour
mener à bien une telle réforme. Nous laisserons ici de côté les problèmes
dogmatiques et historiques déjà évoqués, ainsi que les effets psychologiques
négatifs prévisibles d’une telle initiative sur une partie non négligeable de la
Chrétienté. Nous pensons, en effet, que quiconque aura médité attentivement
l’exemple de l’attitude de Cyprien et de ses collègues de l’épiscopat admettra
101Cf. Mt 5, 26.
102Même si l’expression a disparu du Droit Canon, la réalité qu’elle recouvre a,
hélas, subsisté.
volontiers qu’il constitue un précédent extrapolable à la situation des divorcés
remariés, et que les réactions qu’il a suscitées en son temps et les réponses que
leur a données l’Église d’alors valent, mutatis mutandis, pour le cas qui nous
occupe.
Cela étant dit, il ne paraîtra pas inutile de répondre, par avance, aux principales
difficultés sérieuses dont ne manqueront pas de faire état des pasteurs, au
demeurant bien décidés à favoriser une telle initiative, à propos de certaines
mesures préconisées par les tenants de l’urgence d’une révision radicale de
l’attitude de l’Église à l’égard des divorcés remariés. D’ores et déjà, le point le
plus délicat, à leurs yeux, est incontestablement constitué par les demandes de
plus en plus pressantes en faveur d’une réadmission de ces fidèles blessés aux
sacrements de la réconciliation et de l’eucharistie. Les raisons qui font hésiter le
Magistère à accéder à ce désir ne sont pas toujours claires. Il semble même qu’il
existe, à son égard, une véritable allergie, chez certains membres de la hiérarchie
ecclésiastique. Peut-être considèrent-ils qu’il serait plus conforme à une attitude
« réellement pénitente » de renoncer, avec une humble obéissance, à ce privilège.
C’est sans doute dans cette conception élitiste des conditions de la réception des
dons divins, que réside le malentendu. C’est oublier que l’accès à ces deux
sacrements est indispensable à une vie chrétienne normale. On n’en prive pas un
chrétien pécheur, comme on prive de liberté un repris de justice.
L’éloignement des sacrements a toujours été considéré, dans l’Église, comme la
sanction (au sens étymologique du terme, c’est-à-dire, l’entérinement concret) de
l’attitude de quiconque s’excluait lui-même de leur réception par des actes qui en
constituaient la négation. Qu’on ait cru devoir, à certaines époques, en priver
précisément les adultères et les divorcés (remariés ou non), ne change rien à
l’intention originelle de cette discipline. Et si, à en croire les thèses évoquées dans
la présente étude, l’Église des premiers siècles admettait à sa communion ces
« adultères », sous réserve de repentir, il est clair qu’à ses yeux, ce n’était pas
leur remariage qui constituait la négation des sacrements, mais leur impénitence
antécédente.
Il convient donc d’en revenir à l’esprit de telles mesures, et de cesser de les
appliquer, par routine et par tradition, à ceux qui, à y regarder de plus près, ne les
méritent guère. Et si ces considérations ne suffisaient pas, il faudrait, une fois de
plus, se demander pourquoi des chrétiens en situation irrégulière insistent tant
pour être réadmis à la réception des sacrements. Ne serait-ce pas parce qu’ils ont,
d’instinct - et pourquoi pas sous la motion de l’Esprit Saint ? - un sens de la nature
et de l’efficacité des sacrements, plus développé que ne l’ont certains de ceux
dont c’est la fonction de les administrer, ou d’en enseigner la nature et les
modalités ?
Il vaut peut-être la peine d’examiner le bien-fondé éventuel de l’affirmation
suivante, dont nous prenons la responsabilité :
En refusant aux divorcés remariés l’accès aux sacrements, on risque de les
décourager de toute vie spirituelle, et, a fortiori, d’une participation active à
l’extension du Règne de Dieu. A la lettre, on fait d’eux des membres atrophiés du
Corps du Christ. Autant admettre officiellement qu’on les déclare inaptes au
Royaume des cieux et à sa Justice. Autant reconnaître publiquement que, pour
eux, Jésus est mort en vain. Que le baptême dont le Christ a été baptisé et dont
nous avons tous été baptisés en lui, ne produit pas ses effets sur les « pécheurs
publics ». Que son sang n’a plus, en ce qui les concerne, le pouvoir de remettre les
péchés. Que son corps n’a plus la vertu de nourrir l’âme et la vie intérieure de
ceux qui ont le plus besoin de cette manne divine. Et, pour le dire en parabole:
que penserait-on d’un médecin qui, après avoir annoncé à son patient atteint d’un
cancer qu’il n’en a plus que pour quelques années de vie, refuserait désormais
systématiquement de le soigner pour d’autres affections moins malignes, sous le
prétexte que c’est inutile, puisque, de toute façon, notre homme est atteint d’une
maladie incurable ? On peut sourire, mais n’est-ce pas précisément la situation de
celui que son état spirituel, réputé sans espoir, prive définitivement du remède à
la multitude des péchés qu’il a pu commettre et commettra encore, après son
remariage ? En outre, on oublie peut-être trop vite que beaucoup de ces nouveaux
« pécheurs publics » ont été, avant leur malheur conjugal, des chrétiens
« engagés », souvent fervents, voire admirables. Sait-on ce que représente ensuite,
pour eux, la véritable « descente aux enfers » qu’on leur impose ? Amoureux de
Dieu, les voici réduits à faire semblant de ne plus être concernés par lui. Apôtres et
zélés pour la parole, les voici désormais contraints au silence sur les choses divines
dont ils faisaient auparavant leurs délices. Dociles serviteurs de l’Église, et
obéissant jadis comme des enfants à ses plus exigeantes directives, jusque dans les
domaines les plus crucifiants de son ingérence, les voici aujourd’hui assimilés à
ceux qui la méprisent et n’ont cure de son mystère. Peut-on imaginer pire sort ? Et
comment s’étonner du véritable traumatisme psychologique qui frappe beaucoup
de ces malheureux, qui n’en mériteraient pas tant, même si, comme s’empressent
de l’affirmer les mauvaises langues chrétiennes, ils étaient totalement
responsables de leur sort !
Pour en terminer avec ces difficultés, et sans prétendre en avoir épuisé la liste,
nous en envisagerons encore une qui n’est, en fait, qu’apparente, et dont la
solution pourrait s’avérer riche de conséquences positives, pour la gloire de Dieu et
la sainteté de l’Église. Certains pasteurs s’interrogent, en effet, sur les formes
concrètes d’une intégration ecclésiale éventuelle de cette catégorie de chrétiens.
Ils se demandent si de telles gens se sentiraient vraiment comme les autres, et
quel rôle ils pourraient jouer dans les paroisses, dans les groupes d’apostolat et les
autres œuvres chrétiennes. Ils craignent même de les voir atteints d’une espèce de
« schizophrénie » religieuse, en ce sens qu’ils réagiraient comme des inadaptés,
brutalement insérés dans une société de gens normaux. En effet, pensent ces
pasteurs, sur la foi d’autres expériences analogues, on ne traverse pas impunément
une telle épreuve sans en garder des séquelles, dont, entre autres, une instabilité,
une fragilité psychologiques et affectives, dont les conséquences pourraient
s’avérer dangereuses, allant même jusqu’au risque de rechutes, génératrices d’un
scandale encore plus grand que le précédent.
Ces craintes ne sont pas purement imaginaires et il convient d’affronter toute
éventualité avec autant de réalisme et d’optimisme que ceux dont témoignent les
psychiatres, psychologues, criminologues, sociologues et autres spécialistes qui
décident de rendre à une vie normale un malade ou un marginal, considérés
désormais comme récupérables et aptes à affronter les conditions objectives de la
société qu’ils réintègrent. A l’instar de la thérapeutique souvent appliquée avec
succès à ces derniers, il convient donc de confier progressivement à ces divorcés
revenus à Dieu, des responsabilités de plus en plus grandes, jusqu’au moment où il
s’avérera que leur réinsertion est un plein succès.
Pour pousser jusqu’au bout la comparaison, disons qu’il ne faudra pas inférer,
d’échecs ponctuels éventuels, à l’inutilité de telles expériences, ni en revenir au
status quo ante, en refusant l’évidence de maints autres cas, pour lesquels le
traitement aura été un succès.
En d’autres termes, on n’hésitera pas à rendre confiance à ces « fils prodigues »
revenus au bercail. On les persuadera qu’ils ne doivent pas se considérer comme
des « mercenaires », dans la maison de leur Père, puisque ce dernier les a lui-
même rétablis « au rang de fils ». Il faudra qu’ils soient convaincus que leur Mère,
l’Église, ne saurait être moins miséricordieuse et accueillante que son divin Époux.
Alors, émus de joie, réconfortés et stimulés par cette chaleur humaine et
spirituelle, ils brûleront d’un zèle d’autant plus grand pour le Royaume, qu’avait
été poignante leur déréliction antérieure. S’étant vu remettre leur « dette » envers
Dieu, et devenus ainsi des artisans de paix, ils n’auront de cesse d’avoir remis, à
leur tour, toutes les dettes de leurs débiteurs (cf. Mt 6, 12). Alors, se réalisera
pour eux cette merveilleuse prophétie de l’apôtre Paul: « Là où le péché a abondé,
la grâce a surabondé ! » (Rm 5, 20). Il est même permis d’espérer que, faisant de
leur échec conjugal antécédent un tremplin pour une vie nouvelle, non seulement
ils réussiront mieux leur union subséquente, mais même qu’ils aideront d’autres
couples à surmonter leurs difficultés, et leur éviteront le naufrage qu’ils ont eux-
mêmes vécu. Mieux encore, s’ils font preuve de la maturité humaine et spirituelle
nécessaires, l’Église envisagera peut-être de les encourager à mettre leur
expérience au service de leurs frères, en les invitant à témoigner modestement,
mais sans fausse pudeur, par le biais du mode d’expression le plus adapté à leurs
dons humains et surnaturels, du cheminement fidèle, en eux, de la grâce divine, au
travers de leur échec désormais transformé en victoire de l’amour sur la haine, et
en signe de résurrection de la mort du péché.
CONCLUSION
Il est temps de conclure le troisième volet 103 de cette réflexion sur la condition
des divorcés remariés dans l’Église. Conformément à l’ordre d’exposition suivi dans
la présente contribution, nous distinguerons trois aspects dans la solution envisagée
pour « délier » les divorcés remariés : 1. Ce qui est acquis et peut servir de base à
une attitude nouvelle. 2. Ce qui est devenu intolérable, eu égard à la lucidité et à
la maturité spirituelles de l’Église d’aujourd’hui. 3. Ce qui peut s’envisager, selon
certaines modalités, dans un avenir que l’on souhaite proche.
présent article, rédigée par le R.P. D. Dideberg, S.J., ancien directeur de la NRT
(Nouvelle Revue Théologique, Namur), dans sa lettre du 16 mars 1986, par laquelle
il déclinait la publication de cette étude ; les guillemets sont de notre main et
visent à attirer l’attention du lecteur ; le soulignement du mot « exprimer », est du
« Dieu ne vous a pas rejetés, loin de là. L’Église non plus, d’ailleurs. Vous
en êtes membres à part entière. Elle vous demande seulement de vous
abstenir de communier, parce que vous êtes dans un état de “péché
objectif’. En effet, le sacrement de l’eucharistie est le sacrement de l’unité
nuptiale du Christ et de l’Église. Quiconque se trouve – peut-être sans faute
de sa part – en contradiction avec le sacrement de mariage qu’il a reçu ne
peut donc pas, sans contradiction, communier. De la même manière, le
sacrement de pénitence impliquant un aspect de réconciliation avec l’Église,
vous ne pouvez, en tant que divorcés remariés, exprimer la pleine
communion avec l’Église; de la même manière, vu votre état, vous ne
pouvez pas non plus poser l’acte de réconciliation sacramentelle. Ce qui ne
veut pas dire que vous ne pouvez pas, dans l’intime de votre cœur,
demander pardon à Dieu, en recevoir pleine miséricorde et vivre par
conséquent en état de grâce. »
On ne sait si de telles considérations sécurisent ceux qui les prodiguent, mais ce
qui est certain c’est qu’elles constituent une pierre d’achoppement pour ceux qui
s’entendent administrer d’aussi minces et dérisoires ‘explications’ et justifications
des malheurs qui les frappent, par la bouche de ces “consolateurs de pacotille” (cf.
Jb 16, 2). Qu’on ne s’étonne pas, dans ces conditions, du nombre de plus en plus
grand des divorcés remariés qui désespèrent de l’Église et de ses ministres, et
s’abstiennent définitivement de les fréquenter.
P. Dideberg. Nous l’avons déjà cité ce texte dans notre article, « Pistes
néotestamentaires pour une pastorale des divorcés remariés », Op. cit., ci-dessus,
note 95.
envisagé quelques-uns dans la présente contribution et il y en a certainement
d’autres. Mais, n’était-ce pas le cas, mutatis mutandis, à l’époque de l’évêque de
Carthage ? Et est-ce une raison suffisante pour en rester encore – et pour combien
de temps ? – au status quo invivable actuel en la matière ?
Est-il besoin de préciser qu’il ne faudrait pas confondre les mesures que nous
préconisons, avec une « amnistie » générale et sans conditions, des divorcés
remariés ? Ceux d’entre eux qui voudront « être greffés à nouveau sur leur propre
olivier » (cf. Rm 11, 24) devront cesser de « demeurer dans l’incrédulité » (v. 23).
A l’instar de ce que disait Paul du peuple juif: « ils ne sont pas rejetés par Dieu »
(v. 1) et « ce n’est pas pour une vraie chute qu’ils ont trébuché » (v. 11). Mais, il
est vrai que, comme celle des juifs, leur « plénitude » est encore à venir (v. 12) ;
aussi, ne faut-il pas en attendre passivement la réalisation « eschatologique », qui
sera l’œuvre de Dieu lui-même, mais la « signifier » déjà, par avance, dans la foi,
hic et nunc, par la médiation d’une sorte de “sacramental” 106 qu’il faudra
inventer, avec l’inspiration de l’Esprit Saint. On se permettra de proposer celui
d’un « état pénitentiel », dont les modalités restent à définir, en fonction des
temps et des mœurs actuels 107. Une telle initiative, si elle est bien vécue, n’aura
pas pour conséquence d’aider quiconque a failli, à se réhabiliter à bon compte,
mais bien plutôt elle favorisera un regain d’énergie spirituelle dans une Église
affaiblie par cette hémorragie permanente, en lui rendant, purifié et renouvelé, la
meilleure partie du sang qu’elle avait perdu, en la personne de ces âmes,
désormais toutes vouées à Dieu et à l’amour de leurs frères.
En résumé, on souhaite un changement radical de perspectives, dans la difficile
problématique du divorce et de son corollaire fréquent : le remariage. Sur le plan
théologique, il faudra tenir compte, si elle s’avère confirmée, d’une pratique
positive de l’Église des premiers siècles envers les divorcés remariés, indirectement
attestée par Cyprien, et sur laquelle ce dernier se fonde même, comme constituant
un précédent à la réadmission des lapsi, qu’il préconise.
Il faudra également cesser de poser le problème en termes de « reconnaissance »
éventuelle, par l’Église, d’un remariage des divorcés. Sur la foi du commandement
exprès de Jésus, l’Église n’a pas à admettre le remariage des divorcés, mais à
admettre à sa communion des divorcés remariés qui témoignent d’une véritable
conversion intérieure et d’une vie humaine et spirituelle digne de l’Évangile.
Comme son maître, elle a pour mission d’aimer le malade et non sa maladie qu’il
lui incombe de guérir, d’aimer le pécheur et non son péché, qu’il lui est loisible de
remettre, en vertu des pouvoirs qu’elle a reçus, à cet effet, de Dieu lui-même.
On nous permettra de terminer par une parabole, dont on voudra bien excuser le
caractère intentionnellement idyllique, comme pour conjurer, si l’on ose
s’exprimer ainsi, le sort de la situation actuelle, qui n’a été que trop funeste.
© M. R. Macina