Rédaction Commentaire de Chassignet

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Rédaction commentaire composé

« MORTEL, pense quel est », Mépris de la vie et Consolation contre la mort, Chassignet

Procédé
Analyse du procédé

INTRODUCTION
Amorce : Dans un sonnet de son recueil de poésie Le Mépris de la vie et Consolation contre
la mort, Chassignet s’interroge : « Qu’est-ce de votre vie ? », puis répond : « un mensonge
frivole / Qui sous ombre du vrai nous vient à décevoir ». Il apparaît évident que ce recueil
s’inscrit dans la tradition du memento mori, locution latine qui se traduit littéralement par
« souviens-toi que tu vas mourir » et qui se réfère à une vision pessimiste de la condition
humaine : il s’agit de tourner le dos aux vanités pour tendre vers l’ascèse chrétienne.
Transition : Publié en 1594, ce recueil se propose alors comme une révélation qui permet de
dissiper le « mensonge frivole » des choses terrestres afin de convaincre le lecteur de
consacrer sa vie à ce qui le « rend plus savant et plus sage ». C’est là la morale du sonnet à
l’étude, qui, pour toucher le lecteur, lui dépeint une vision macabre d’un corps en
décomposition, et lui annonce ainsi son avenir.
Présentation du passage : Le poème se veut d’autant plus percutant qu’il est choquant,
notamment grâce à une description particulièrement précise : le corps semble se putréfier sous
les yeux du lecteur, qui lit un texte en décomposition.
Problématique : Il s’agira alors d’étudier comment et pourquoi le poète fait subir au lecteur
une vision abominable de ce qui l’attend dans la tombe.
Annonce du plan : Grâce à une description pleine de détails macabres, le poète pousse le
lecteur à imaginer ce qu’il ne veut pas voir, et à envisager ce à quoi il ne pourra échapper.
Bien plus qu’une simple description, c’est toute la décomposition que le poème parvient à
retranscrire, paradoxalement, car il s’agit bien d’un sonnet dont la composition est régulière.
Finalement, tout ce travail aboutit à la morale du poème et à l’interrogation du lecteur sur sa
propre condition humaine.

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Introduction du I- : Le sonnet de Chassignet propose au lecteur une description à la fois


visuelle (1-) et symbolique (2-): le poète lui révèle une réalité terrible et inéluctable, sa propre
mort, représentée par un cadavre en putréfaction.

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Introduction du 1- : Tout le sonnet apparaît comme une description particulièrement


évocatrice ; l’hypotypose amène le lecteur à visualiser le cadavre, en mentionnant chaque
partie du corps : « les os », « l’une des mains », « les yeux », « le ventre » et « le nez ».
Développement : Au fur et à mesure de la lecture, le corps se dessine, prend forme en se
déformant, et s’impose à l’imagination du lecteur. Le poète s’adresse d’ailleurs
immédiatement à l’imagination de ce dernier, notamment avec le verbe « pense » à
l’impératif, dès le premier vers. Néanmoins, il ne s’adresse pas uniquement à notre vue, mais
exploite également les autres sens, pour rendre ce cadavre d’autant plus vivant qu’il se
matérialise dans notre esprit. En effet, le poète parvient dans un premier temps à nous faire
entendre les « vers goulus » qui dévorent le corps, mais aussi les « os » qui « délaissant leur
jointure » grâce à l’allitération en « r » qui retranscrit le bruit grouillant des insectes et le
craquement des articulations, dans une harmonie imitative. Il parvient également, dans un
second temps, à nous faire sentir la « puanteur » du corps en décomposition, qui « infecte l’air
voisin de mauvaise senteur », en insistant sur l’odeur, évoquée par les synonymes à la rime.
Conclusion du 1- : En outre, le lecteur a l’impression de se retrouver face à ce corps, et
même si ce cadavre n’est qu’imaginé, le dégoût ressenti est quant à lui bien réel.

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Transition avec le 1- et introduction du 2- : La description permet de faire un portrait


physique de ce cadavre (rappel du 1-), mais aussi et surtout un portrait symbolique de
l’influence de la Mort comme force d’inversion du processus de la vie.
Développement : Le cadavre se propose comme la métonymie de la Mort et de ses effets
destructeurs, et de la même façon que la Mort inverse l’ordre des choses, il semble que ce
corps soit tout au long du poème inversé, renversé. Là où l’Homme grandit et se développe
tout au long de sa vie, la Mort vient tout anéantir et rompre tout le travail de la nature : le
préfixe privatif « dé-» qui émaille le sonnet mime ce mouvement en inversant le sens de
nombreux mots, tels que « décharné », « dénervé », « découverts », « dépulpés », « dénoués »,
« délaissent » et « détournés ». Dès lors, l’Homme, qui se trouvait au sommet de la chaîne
alimentaire, se retrouve tout en bas, « mangé de vers », et même réifié en « ordinaire pâture ».
Au reste, toutes les fonctions vitales du corps sont niées, et tous ses sens sont également
invalidés : il ne peut plus voir, car ses « yeux d’autre côté [sont] détournés à l’envers », il ne
peut plus toucher car « l’une des mains tombe de pourriture », il ne peut plus sentir car « le
nez mi-rongé difforme le visage », en revanche, c’est bien lui qui « infecte l’air voisin de
mauvaise senteur », enfin, il ne peut plus goûter, car il sert à son tour de « pâture » aux « vers
goulus ».
Conclusion du 2- : En somme, la Mort exerce sa terrible influence sur ce corps et vient
désamorcer tout ce qui lui permettait de vivre.

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Conclusion du I- : Le poète décrit les conséquences horribles de la Mort, qu’elles soient
matérielles (1-) ou symboliques (2-): le caractère macabre de ce sonnet ne fait aucun doute, et
le texte parvient aisément à provoquer à la fois dégoût et terreur chez un lecteur qui ne peut
s’empêcher d’imaginer ce qui l’attend.

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Transition avec le I- et introduction du II- : Si les mots participent de l’imagination de ce


cadavre (rappel du I-), la poésie achève de créer cette forme décomposée (1-) et c’est
d’ailleurs son étymologie, le grec « poiein » signifie « créer » _ comme si le texte et le corps
se confondaient (2-).

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Introduction du 1- : A l’évidence, la description d’un cadavre va de pair avec la


décomposition, qu’elle soit thématique ou formelle.
Développement : En effet, les champs lexicaux du corps et de la décomposition sont bien
entendu présents dans le texte, mais il s’agit ici d’étudier leur organisation, ou plutôt leur
désorganisation. Les différentes parties du corps sont énumérées sans logique apparente, bien
souvent au pluriel : « les os », « l’une des mains », « les yeux », « les muscles », « le ventre »
et « le nez » s’éparpillent progressivement dans le poème, comme ils s’éparpillent dans la
nature. Les compléments circonstanciels de lieu aboutissent à la même conclusion : « ici l’une
des mains » et « les yeux d’autre côté » retranscrivent la division du corps. Qu’en est-il
néanmoins de la forme du poème ? il s’agit là d’un sonnet régulier qui témoigne d’une
attention particulière quant à l’organisation de chaque phrase. De façon paradoxale, le poète
fait le choix d’évoquer la décomposition dans un texte particulièrement bien composé. En
effet, le poète respecte le schéma traditionnel de rimes, embrassées dans les quatrains, suivies
puis de nouveau embrassées dans les tercets, tout en alternant les rimes féminines et
masculines, comme le veut la forme codifiée du sonnet. Les alexandrins sont eux-mêmes
réguliers, avec le respect de la césure à la sixième syllabe, et il est même possible de trouver
certains tétramètres, qui sont des alexandrins parfaits, découpés en quatre parties de trois
syllabes : « décharné /, dénervé /, où les os / découverts ».
Conclusion du 1- : Finalement, cette organisation rigoureuse permet de sublimer la
description macabre, mais également d’en renforcer le caractère décomposé par contraste.

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Transition avec le 1- et introduction du 2- : La poésie redouble donc la description pour lui
donner plus de profondeur, plus d’impact, à l’échelle du texte (rappel du 1-), mais elle vient
également s’immiscer dans le moindre mot.
Développement : En effet, de la même façon que les vers rongent le cadavre, il apparaît
qu’ils rongent les mots, comme si le texte lui-même était contaminé par la décomposition : le
substantif « vers » se répand, dans les mots « couverture », « découverts », « l’envers »,
« divers », mais on retrouve également ses sonorités (« v », « é » et « r ») dans « dénervé » et
« servent » de façon disloquée. Le terme « vers », placé à la rime, résonne donc tout au long
de la description, et le texte imite le processus de décomposition, où chaque mot, comme
chaque membre du corps humain, finit par être dévoré. Il est alors possible de remarquer une
porosité, une perméabilité entre la description et l’élément décrit, entre l’énonciation et
l’énoncé, entre la forme et le fond. Dans un double mouvement, le texte lui-même se putréfie,
et le cadavre est sublimé par la poésie. D’une certaine manière, « vers » peut être confondu
avec son homophone, et l’insecte dégoûtant peut se métamorphoser en vers poétique. A cet
égard, le corps serait similaire à un poème, contenu dans un « charnier mortuaire » clos d’un
couvercle, comme dans un recueil, protégé par une « couverture ».
Conclusion du 2- : Le poète transcende finalement la réalité répugnante d’un cadavre en
putréfaction pour en faire un objet poétique : il s’agit alors d’ouvrir le recueil, de regarder
sous la couverture pour comprendre ce qu’est la Mort.

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Conclusion du II- : Plus efficace qu’une peinture, la poésie anime le cadavre par les mots
(1-) et le sublime pour un faire un objet de contemplation (2-).

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Transition avec le II- et introduction du III- : Pourtant, le choix d’un cadavre en


décomposition n’est pas anodin (rappel du II-), il véhicule tout un message qui dépasse le
domaine esthétique, et transmet au lecteur une leçon spirituelle (1-) et morale (2-).

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Introduction du 1- : Ce poème, et tout le recueil Le Mépris de la vie et Consolation contre la
mort, s’inscrit dans la tradition du memento mori, en rappelant à l’homme qu’il est mortel.
Développement : C’est d’ailleurs par le biais de cette caractéristique essentielle que le poète
s’adresse au lecteur, en l’apostrophant dès le début du sonnet par « MORTEL ». Cette
apostrophe fait visuellement écho au mot « DIEU », grâce aux majuscules, pour en souligner
l’opposition : implicitement, l’Homme se fait le contraire de Dieu, qui lui est immortel. Le
début du sonnet et la fin se répondent alors, et marquent une véritable progression entre, dans
un premier temps, la description macabre, et dans un second, dans la pointe du sonnet, la
morale religieuse. Cette progression mime le dépassement des choses terrestres, prôné par le
memento mori, et invite à l’élévation spirituelle, afin de permettre le salut de l’âme. Le
mouvement ascendant est d’ailleurs retranscrit par l’évaporation du corps, qui, palpable et
concret au début du poème avec le « corps » et les « os », se dématérialise en « pourriture » et
en « glaire », pour finalement se dissoudre en « puanteur » et en « mauvaise senteur »,
impalpables. Autrement dit, une fois libéré des choses matérielles et prosaïques, comme le
corps et les biens terrestres et éphémères, l’Homme peut s’élever vers Dieu. Le poète offre
donc au lecteur un conseil, qu’il énonce à l’impératif et qui découle de la description macabre,
pour se détourner des « vanités » et se consacrer à la connaissance, exprimée par le champ
lexical avec le verbe connaître et les termes « savant » et « sage ».
Conclusion du 1- : En outre, le poète reprend la morale de l’Ecclésiaste : vanitas vanitatum,
et omnia vanitas, qui signifie « vanité des vanités, et tout est vanité ».

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Transition avec le 1- et introduction du 2- : Si ce sonnet véhicule un message religieux


(rappel du 1-), il transmet aussi et surtout un message moral qui invite l’Homme à
reconsidérer sa condition. La projection au-delà de la mort, permise grâce à la description, a
pour ambition de rendre l’Homme humble.
Développement : La formule du memento mori avait d’ailleurs déjà cette fonction dans
l’Antiquité gréco-romaine, afin d’éviter que les généraux victorieux ne se complaisent dans la
vanité et l’orgueil en leur rappelant leur mortalité. Cette symbolique est reprise dans le motif
artistique de la danse macabre, qui représente différents hommes de différents statuts (Pape,
roi, paysan…) rendus similaires et égaux par la Mort. Cette puissance supérieure domine tous
les Hommes et leur rappelle leur faiblesse : le cadavre décrit dans le poème perd toute
humanité, il est réifié en « ordinaire pâture » et il est passif, comme le démontrent les
nombreux participes passés qui placent le corps en position de patient qui subit l’action. Le
poète clos le champ lexical du corps en mentionnant « le visage », point culminant et
symbolique de l’humanité car siège du savoir et de la distinction physique, ici « difforme ».
Conclusion du 2- : En somme, le poète blesse l’orgueil de son lecteur pour lui donner une
leçon, et l’invite à revoir ses prétentions.

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Conclusion du III- : Le poète prend la plume dans une ambition didactique : son texte
transmet un message à la fois religieux (1-) et moral (2-), il amène le lecteur à s’interroger sur
son propre statut et soulève de grandes questions existentielles qui concernent la vie et la
mort.

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CONCLUSION
Rappel de la problématique : Le sonnet à l’étude déploie toute une description macabre
d’un cadavre en décomposition, interrogeant ainsi le sort inéluctable de tout Homme. Mais
alors, comment et pourquoi le poète fait-il subir au lecteur une vision abominable de ce qui
l’attend dans la tombe ?
Rappel du plan : C’est ce que nous avons essayé d’expliquer : la description du cadavre se
fait véritablement percutante grâce à sa précision et à ses nombreux détails répugnants, et le
cadavre symbolise une réalité bien supérieure, à savoir la Mort et son influence. Néanmoins,
le caractère terrible et dégoûtant semble sublimé par la poésie : il s’agit alors de mettre en
évidence et d’étudier l’innommable et l’irreprésentable, la poésie et les mots permettant alors
de se rapprocher le plus possible de la Mort et d’en faire l’expérience. Ainsi, le lecteur qui
envisage ce qui l’attend dans la tombe, tire les conclusions nécessaires et adhère plus
facilement à la morale du poète : il se souvient qu’il est mortel et reconsidère sa condition et
son statut, en prenant les dispositions adéquates, c’est-à-dire tourner le dos aux vanités.
Ouverture : Cette vision pessimiste de la vie découle d’une éthique religieuse, et en
particulier chrétienne, et se développe en parallèle d’une autre vision, quant à elle optimiste,
le carpe diem. Ces deux perceptions sont en totale opposition ; en effet, le carpe diem, qui
signifie « cueille le jour », invite, à l’inverse, à profiter de l’instant présent.

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