Analyse CH 1

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Chapitre 1

Espaces de Banach et de
Hilbert

Contents
1.1 Espaces vectoriels normés . . . . . . . . . . . . . 8
1.1.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.1.2 Espace pré-hilbertien . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.1.3 Éléments topologiques d’un e.v.n. . . . . . . . . . . 12
1.1.4 Compacité dans un e.v.n. . . . . . . . . . . . . . . 15
1.2 Complétude dans un e.v.n. . . . . . . . . . . . . . 17
1.2.1 Suites de Cauchy dans un e.v.n. . . . . . . . . . . 18
1.2.2 Complétude dans un e.v.n. . . . . . . . . . . . . . 19
1.3 Analyse dans un espace de Banach . . . . . . . . 21
1.3.1 Séries normalement convergentes . . . . . . . . . . 22
1.3.2 Théorème du point fixe de Picard . . . . . . . . . . 22
1.4 Analyse dans un espace de Hilbert . . . . . . . . 23
1.4.1 Théorème de projection orthogonale . . . . . . . . 23
1.4.2 Théorème de Riesz . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.4.3 Bases hilbertiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
1.5 Exercices supplémentaires . . . . . . . . . . . . . 26

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Dans ce chapitre, nous présentons les concepts de base de la topologie des
espaces vectoriels normés ainsi que quelques résultats importants de l’analyse
dans les espaces de Banach et dans les espaces de Hilbert. La topologie est
la discipline mathématique qui étudie la “forme” des ensembles. Quand on
l’applique à certains ensembles particuliers, cette étude donne des résultats
intéressants comme l’existence de solutions d’équations ou l’existence de min-
imas et maximas d’une fonction. Par exemple, sur l’ensemble C([0, 1], R),
l’espace des fonctions réelles continues sur le segment [0, 1], on a le résultat
suivant: si f est continue sur [0, 1], alors il existe x0 et x1 , deux éléments de
[0, 1] qui, respectivement, maximise et minimise f sur ce segment. Nous ver-
rons qu’il existe un résultat plus général permettant de démontrer l’existence
de minimas et maximas d’une fonction. En Physique par exemple, les mini-
mas de l’énergie sont les positions stables du système, et un tel résultat peut
s’avérer fort utile.

1.1 Espaces vectoriels normés


Soit K un corps égal à R ou C et soit (E, +, ·) un espace vectoriel sur K. On
notera |λ| le module de λ ∈ C.

1.1.1 Définition
La norme est une notion importante en topologie, elle permet de “mesurer”
la “longueur” des éléments d’un espace vectoriel.

Définition 1.1 (Norme). Une application N : E → R+ est appelée norme


si les propriétés suivantes sont vérifiées:

1. ∀x ∈ E, N (x) = 0 ⇔ x = 0, (séparation)

2. ∀x ∈ E et λ ∈ K, N (λx) = |λ|N (x), (homogénéité)

3. ∀x, y ∈ E, N (x + y) ≤ N (x) + N (y). (Inégalité triangulaire)

Une norme est souvent notée N (x) = kxk.

Définition 1.2 (Espace vectoriel normé). Un espace vectoriel muni d’une


norme est appelé espace vectoriel normé (e.v.n.)

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Exemple 1.3. La valeur absolue est une norme sur R et (R, |·|) est un e.v.n.
Exercice 1.4. Montrer que les applications suivantes sont des normes sur
Rn : n
X
kxk1 := |xi | ,
i=1
et
kxk∞ := sup |xi | .
1≤i≤n

Exercice 1.5. On considère E = C([a, b], R) l’ensemble des fonctions con-


tinues sur [a, b] à valeurs dans R. On définit sur E trois applications
kf k∞ = sup |f (t)| ,
t∈[a,b]
Z b
kf k1 = |f (t)| dt
a
et
Z b  12
kf k2 = |f (t)|2 dt .
a
Montrer que k·k∞ , k·k1 et k·k2 définissent des normes sur E.
Définition 1.6 (Normes équivalentes). Deux normes N1 et N2 sur E sont
dites équivalentes s’il existe deux nombres réels α > 0 et β > 0 tels que
∀x ∈ E, αN1 (x) ≤ N2 (x) ≤ βN1 (x).
Exercice 1.7 (Équivalence des normes sur Rn ). Montrer que les normes k·k1
et k·k∞ , définies à l’exercice 1.4 sont équivalentes.
En fait, on a le résultat plus général suivant que nous démontrons à l’exercice 1.9.
Proposition 1.8. Dans un espace vectoriel de dimension finie, toutes les
normes sont équivalentes.
Exercice 1.9 (Démonstration de la proposition 1.8). L’objectif de cet ex-
ercice est de montrer que si E est un K-ev de dimension finie, alors toutes
les normes sur E sont équivalentes. Soit (e1 , . . . , ed ) une base de E. Pour
x ∈ E, on note (x1 , . . . , xd ) les coordonnées de x dans cette base. Nous al-
lons montrer que toutes les normes de E sont équivalentes à la norme k · k∞
donnée par
kxk∞ = sup |xi | .
1≤i≤d

9
1. Soit k · k une norme de E. De l’inégalité triangulaire, déduire qu’il
existe une constante c2 > 0 telle que ∀x ∈ E, kxk ≤ c2 kxk∞ .

2. Soit S∞ = {x ∈ E, kxk∞ = 1} la sphère unité de E pour la norme


k · k∞ . Déduire de la question précédente que l’application

ϕ : (S∞ , k · k∞ ) → (R, |·|)


x 7→ kxk ,

est continue.

3. En utilisant un argument de compacité, montrer qu’il existe xm , xM ∈


S∞ tels que ∀x ∈ S∞ , kxm k ≤ kxk ≤ kxM k.

4. Montrer que kxm k =


6 0 et déduire qu’il existe c1 tel que ∀x ∈ E,
kxk∞ ≤ c1 kxk.

Ce résultat n’est pas vrai en général dans un espace de dimension infinie.


Voici un contre-exemple.

Exercice 1.10 (Non équivalence de normes sur les polynômes). Notons R[X]
l’espace vectoriel des polynômes à coefficients réels. On considère les normes
N1 et N∞ sur l’espace R[X] définies pour P (X) = a0 + a1 X + · · · + an X n ∈
R[X] par
Xn
N1 (P ) = |ai |
i=0

et
N∞ (P ) = sup |ai | .
0≤i≤n

Soit la famille de polynômes (Pq )q∈N∗ définie par

Pq (X) = 1 + X + ... + X q−1 .

1. Pour q ∈ N∗ , calculer N1 (Pq ) et N∞ (Pq ).

2. Déduire que les normes N1 et N∞ ne sont pas équivalentes.

10
1.1.2 Espace pré-hilbertien
Définissons d’abord la notion de produit scalaire.

Définition 1.11 (Produit scalaire). On appelle produit scalaire sur E toute


application ϕ de E 2 dans K vérifiant les propriétés suivantes

1. ∀x ∈ E, l’application ϕx : y 7→ ϕ(x, y) est linéaire,

2. ∀x, y ∈ E, ϕ(x, y) = ϕ(y, x) (symétrie),

3. ∀x ∈ E \ {0E }, ϕ(x, x) > 0.

Un produit scalaire est souvent noté ϕ(x, y) = hx, yi.

Noter que si E est un R-espace vectoriel, alors la condition de symétrie revient


à ∀x, y ∈ E, hx, yi = hy, xi.

Définition 1.12 (Espace pré-hilbertien). Un espace vectoriel muni d’un pro-


duit scalaire est appelé espace pré-hilbertien.

Exemple 1.13. Montrer que l’application définie par


Z b
∀f, g ∈ C([a, b], R), hf, gi := f (x)g(x) dx
a

est un produit scalaire sur C([a, b], R).

Une propriété très importante du produit scalaire est l’inégalité de Cauchy-


Schwarz.

Proposition 1.14 (Inégalité de Cauchy-Schwarz). Soit E un espace pré-


hilbertien. Pour tout x, y ∈ E, on a
p p
|hx, yi| ≤ hx, xi hy, yi.

Exercice 1.15 (Preuve de la proposition 1.14). Nous faisons la preuve dans


le cas où le produit scalaire est réel. Soit x, y ∈ E et considérons l’application
P : R → R définie par P (λ) = hx + λy, x + λyi.

1. Montrer que P est un polynôme de degré 2 et donner son discriminant


∆.

11
2. Quel est le signe de P ? Quel est le signe de ∆?

3. Déduire que p p
|hx, yi| ≤ hx, xi hy, yi.

Proposition 1.16. Soit E un espace pré-hilbertien. On définit l’application


N : E → R+ par p
∀x ∈ E, N (x) = hx, xi.
Alors N est une norme sur E. Un espace pré-hilbertien est donc un cas
particulier d’un espace vectoriel normé.

Exercice 1.17. Démontrer la proposition 1.16

Exemple 1.18. L’application k·k2 définie sur Rn par


q
k(x1 , · · · , xn )k2 := x21 + · · · + x2n

est une norme sur Rn .

1.1.3 Éléments topologiques d’un e.v.n.


Nous définissons dans cette section quelques éléments topologiques des e.v.n.
Dans toute la suite, (E, k·k) désigne un espace vectoriel normé.

Définition 1.19 (Boule ouverte, boule fermée). Soit x ∈ E et r > 0.

• On appelle boule ouverte de centre x et de rayon r l’ensemble

B(x, r) := {y ∈ E, kx − yk < r} .

• On appelle boule fermée de centre x et de rayon r l’ensemble

Bf (x, r) := {y ∈ E, kx − yk ≤ r} .

La nomenclature boule réfère au cas de l’espace R3 muni de la norme k·k2 .


En général, une boule (ouverte ou fermée) n’est pas forcément sphérique,
comme nous le montrons dans l’exemple qui suit.

Exemple 1.20. (Voir Figure 1.1)

12
Figure 1.1: Les boules B1 , B2 et B∞ de R2 .

• Dans R2 muni de la norme k·k2 , la boule fermée de centre x = (0, 0) et


de rayon 1, est le disque unité incluant sa frontière.

• Dans R2 muni de la norme k·k2 , B2 , la boule ouverte de centre x = (0, 0)


et de rayon 1, est l’intérieur du disque unité sans sa frontière.

• Dans R2 muni de la norme k·k∞ , B∞ , la boule ouverte unité est l’intérieur


du carré de bord délimité par les points de coordonnées (−1, −1),
(−1, 1), (1, 1) et (1, −1).

• Dans R2 muni de la norme k·k1 , B1 , la boule ouverte unité est l’intérieur


du carré de bord délimité par les points de coordonnées (0, 1), (1, 0),
(0, −1) et (−1, 0).

Définition 1.21 (Ouvert, fermé).

• Un ensemble O ⊂ E est dit ouvert de E si, pour tout x ∈ O, il existe


r > 0 tel que
B(x, r) ⊂ O.

• Un ensemble F ⊂ E est dit fermé de E si E \ F est un ouvert de E.

Exemple 1.22. • E et ∅ sont des ouverts et des fermés de E.

• Une boule ouverte est un ouvert. Une boule fermée est un fermé.

13
• Considérons (R, |·|) et a < b deux réels. Alors ]a, b[ est un ouvert et
[a, b] est un fermé.

Proposition 1.23 (Caractérisation séquentielle des fermés). Soit A ⊂ E.


Alors
h i
A est fermé dans E ⇐⇒ ∀(an )n∈N ∈ AN , an −→ a ⇒ a ∈ A .
n→∞

La notion de topologie, que nous introduisons ci-après, peut être définie


sur des espaces plus généraux que les espaces vectoriels normés. Nous nous
limitons à ces derniers dans ce cours.

Définition 1.24 (Topologie). La topologie de E est l’ensemble des ouverts


de E. On la note T .

Théorème 1.25. Deux normes équivalentes sur un espace vectoriel normé


E donnent la même topologie.

En vue du théorème 1.25, un espace de dimension finie, n’a qu’une seule


topologie.

Définition 1.26 (Voisinage). Soit a ∈ E. On dit que V est un voisinage de


a s’il existe r > 0 tel que B(a, r) ⊂ V.

Exemple 1.27. Dans (R, |·|), [1, 2] est un voisinage de 3/2. En revanche,
[1, 2] n’est pas un voisinage de 1.

Définition 1.28 (Intérieur). Soit A ⊂ E et a ∈ E. On dit que a est intérieur



à A si A est voisinage de a. L’intérieur de A, noté A , est l’ensemble des
points intérieurs à A.

Proposition 1.29 (Caractérisation des ouverts). Soit A ⊂ E.

• A est ouvert si, et seulement si A est voisinage de chacun de ses points.



• A est ouvert si, et seulement si A = A.

Définition 1.30 (Adhérence). Soit A ⊂ E et a ∈ E. On dit que a est


adhérent à A si quel que soit r > 0, on a B(a, r) ∩ A 6= ∅. L’ensemble des
points adhérents à A, noté A est appelé adhérence de A.

14
Proposition 1.31. Soit A ⊂ E. Alors, A fermé ⇐⇒ A = A.
Définition 1.32 (Frontière). Soit A ⊂ E. On appelle frontière de A l’ensemble

F r(A) := A \ A.

Exercice 1.33. Montrer que F r(A) est une partie fermée de E.


Enfin, nous introduisons la notion de partie dense.
Définition 1.34 (Partie dense). Soit A ⊂ E. On dit que A est dense dans
E si A = E.
Exercice 1.35 (Densité de Q dans R). Soit x ∈ R. On définit
[10n x]
xn = .
10n
Montrer que xn converge vers x. En déduire que Q est dense dans R.

1.1.4 Compacité dans un e.v.n.


Définition 1.36 (Partie compacte). Une partie X ⊂ E est dite compacte si
de toute suite d’éléments de X, on peut extraire une sous-suite convergente
dans X.
Exemple 1.37. On considère R muni de la norme usuelle |·|.
1. Un intervalle [a, b], où a < b, est un compact. En effet, soit (un )n∈N
une suite d’éléments de [a, b]. Alors, en vertu du

Théorème de Bolzano-Weierstrass: de toute suite bornée de réels, on


peut extraire une sous-suite convergente,

(un )n∈N étant bornée, on peut en extraire une sous-suite convergente


dans [a, b].

2. R n’est pas compact. En effet, considérons la suite u = (un )n∈N définie


par un = n. La suite u est croissante non majorée, donc toute suite
extraite de u serait non bornée donc non convergente. On ne peut donc
pas extraire de u une sous-suite convergente dans R.

15
Nous donnons le rapport entre la compacité et les parties fermées bornées
d’un e.v.n.
Proposition 1.38. Soit X ⊂ E une partie compacte de E. Alors, X est
une partie fermée et bornée de E.
Exercice 1.39 (Démonstration de la Propriété 1.38). Soit X ⊂ E une partie
compacte de E.
1. Supposons que X est non bornée.

(a) Montrer qu’il existe une suite x = (xn )n∈N d’éléments de X telle
que kxn k tend vers +∞.
(b) Montrer qu’on peut extraire de x une sous-suite convergente.
(c) Déduire qu’une partie compacte est nécessairement bornée.

2. Soit x = (xn )n∈N un suite d’éléments de X convergente dans E.

(a) Montrer qu’on peut extraire de x une sous-suite convergente dans


X.
(b) Déduire que x est convergente dans X.

Remarque 1.40. 1. Attention, la réciproque de cette propriété n’est pas


toujours vraie, à savoir un fermé borné n’est pas nécessairement com-
pact. Dans les espaces de dimension finie, ces deux notions sont équivalentes.

2. Un espace vectoriel normé (E, k·k) n’est jamais compact. En effet, E


n’est pas borné (sauf E = {0}).
Proposition 1.41. Soit X une partie compacte de E. Si Y est une partie
fermée de X, alors Y est compacte.
Proposition 1.42 (Produit de parties compactes). Soient (E1 , N1 ) et (E2 , N2 )
deux espaces vectoriels normés, et X et Y deux parties compactes de E1 et
E2 respectivement. Alors, X × Y est une partie compacte de E1 × E2 , munie
de la norme N définie par

∀(x1 , x2 ) ∈ E1 × E2 , N (x1 , x2 ) := N1 (x1 ) + N2 (x2 ).

Proposition 1.43. Si E est de dimension finie, alors les parties compactes


de E sont les parties fermées bornées.

16
Démonstration. On démontre le résultat pour E = Rn , la généralisation à
un espace quelconque est immédiate. On a déjà montré que si X est un
compact, alors X est fermé borné. Supposons donc, réciproquement, que X
n
Qn fermée bornée dans R . X étant bornée, il est aisé de voir
est une partie
que X ⊂ i=1 [aQ i , bi ], où ai et bi sont des réels tels que ai < bi pour tout
1 ≤ i ≤ n. Or, ni=1 [ai , bi ] est un produit de compacts de R, et donc c’est
un compact de Rn . Puisque X est fermée dans un compact, elle est donc
compacte en vertu de la propriété 1.41.
Enfin, nous faisons le lien entre la compacité et la continuité.
Théorème 1.44 (Image d’un compact par une application continue). Soient
(E, k·k) et (F, N ) deux espaces vectoriels normés, et f : E → F une appli-
cation continue sur E. Soit X ⊂ E une partie compacte de E. Alors f (X)
est une partie compacte de F .
Démonstration. Soit (yn )n∈N une suite de f (X). Alors, il existe x = (xn )n∈N
telle que pour tout n ∈ N, yn = f (xn ). La suite x ∈ X N , avec X un
compact, donc elle admet une sous suite (xϕ(n) )n∈N qui converge vers une
valeur d’adhérence x∞ ∈ X. Puisque f est continue, on en déduit que
yϕ(n) = f (xϕ(n) ) −→ f (x∞ ) dans F . Or f (x∞ ) ∈ f (X). Ceci montre que
n→∞
(yn )n∈N admet une valeur d’adhérence dans X, donc f (X) est compact.
Corollaire 1.45. Soit X un compact non vide de E et f une application
continue de X dans R. Alors, f est bornée et atteint ses bornes.
Exercice 1.46 (Démonstration du corollaire 1.45).
1. Montrer que f (X) est borné. En déduire que f est bornée.
2. Montrer que sup f (X) et inf f (X) sont des limites de suites d’éléments
de f (X).
3. Montrer que f (X) est fermé. En déduire que f atteint ses bornes.

1.2 Complétude dans un e.v.n.


La notion de complétude est centrale en Analyse. En effet, les e.v.n. com-
plets jouissent de propriétés agréables qui permettent de déduire des résultats
intéressants. Il est donc important de savoir démontrer la complétude d’espaces
vectoriels normés.

17
1.2.1 Suites de Cauchy dans un e.v.n.
Nous définissons dans cette section la notion de suite de Cauchy et donnons
ses principales propriétés.

Définition 1.47 (Suite de Cauchy). Une suite (un )n∈N d’éléments de E est
dite de Cauchy si

∀ε > 0, ∃N0 ∈ N, ∀p, q ≥ N0 , kup − uq k ≤ ε.

Les propriétés suivantes découlent directement de la définition.

Proposition 1.48.

1. Toute suite convergente est de Cauchy.

2. Toute suite de Cauchy est bornée.

3. Toute suite de Cauchy admettant une valeur d’adhérence est conver-


gente.

Démonstration.

1. Soit (un )n∈N une suite convergente de limite l, soit ε > 0 et soit N ∈ N
tel que pour tout n ≥ N
ε
kun − lk ≤ .
2
Alors, pour tous p, q ≥ N , on a
ε ε
kup − uq k ≤ kup − lk + kl − uq k ≤ + =ε
2 2

2. Soit (un )n∈N une suite de Cauchy et soit N ∈ N tel que pour tous
p, q ≥ N , on a
kup − uq k ≤ 1.
Alors, pour tout n ∈ N, on a

kun k ≤ M := max {ku0 k , · · · , kuN −1 k , 1 + kuN k} .

18
3. Supposons que (uϕ(n) )n∈N converge vers u∗ . Soit ε > 0, soit N ∈ N tel
que pour tout n ≥ N , on a
uϕ(n) − u∗ ≤ ε .

2
D’autre part, comme (un )n∈N est une suite de Cauchy, il existe M ∈ N
tel que pour tout p, q ≥ M , on a
ε
kup − uq k ≤ .
2
Soit maintenant L = max {M, N }. Alors pour tout n ≥ L, on a

kun − u∗ k ≤ un − uϕ(L) + uϕ(L) − u∗ ≤ ε,
car n, ϕ(L) ≥ L ≥ M et L ≥ N .

Remarque 1.49. On a montré qu’une suite convergente est de Cauchy;


attention, le contraire n’est pas forcément vrai: une suite de Cauchy n’est
pas nécessairement convergente. En effet, considérons par exemple la suite
(xn )n∈N introduite à l’exercice 1.35 avec x ∈ R \ Q. Pour tout n ∈ N, xn ∈ Q
et il est facile de montrer que la suite (xn )n∈N est de Cauchy dans (Q, |·|).
Par contre, elle converge vers x ∈ R \ Q, donc elle ne converge pas dans
(Q, |·|). C’est pour éviter ces cas litigieux que nous introduisons les espaces
vectoriels complets.

1.2.2 Complétude dans un e.v.n.


Définition 1.50 (Espace complet). L’espace E est dit complet si toute suite
de Cauchy dans E converge dans E.
Définition 1.51 (Espaces de Banach et de Hilbert). 1. Un espace vecto-
riel normé complet est appelé espace de Banach.
2. Un espace vectoriel pré-hilbertien complet est appelé espace de Hilbert.
Exemple 1.52. L’espace vectoriel R muni de la valeur absolue est un espace
vectoriel complet. En effet, soit (un )n∈N une suite de Cauchy dans R. Elle est
donc bornée. Par le théorème de Bolzano-Weierstrass, on déduit qu’il existe
une sous suite (uϕ(n) )n∈N qui converge dans R. Par la proposition 1.48, on
déduit que (un )n∈N est convergente dans R.

19
Exercice 1.53. (L’espace (C([0, 1], R), k·kL∞ ) est complet) On note C([0, 1], R)
l’espace des fonctions continues sur [0, 1]. On définit sur C([0, 1]) l’application
k·kL∞ :
∀f ∈ C([0, 1]), kf kL∞ := sup |f (x)| .
x∈[0,1]

1. Montrer que k·kL∞ est une norme sur C([0, 1]).


Soit (fn )n∈N une suite de Cauchy dans (C([0, 1], R), k·kL∞ ).
2. Montrer que pour tout x ∈ [0, 1], (fn (x))n∈N est une suite de Cauchy
dans R.

3. En déduire que pour tout x ∈ [0, 1], il existe un réel noté f (x) tel que
(fn (x))n∈N converge vers f (x) quand n → +∞.

4. Montrer que la fonction f est continue.

5. Montrer que la suite (fn )n∈N converge vers f pour la norme k·kL∞ .

6. Déduire que (C([0, 1], R), k·kL∞ ) est complet.

Exercice 1.54. (L’espace (C([0, 1], R), k·kL1 ) n’est pas complet) On con-
sidère Cm ([0, 1]) l’espace des fonction continues par morceaux sur [0, 1]. On
définit sur Cm ([0, 1]) l’application k·kL1 :
Z 1
∀f ∈ Cm ([0, 1]), kf kL1 := |f (x)| dx.
0

1. Montrer que k·kL1 est une semi-norme sur Cm ([0, 1]) et une norme sur
C([0, 1]).
On considère la suite de fonctions (fn )n∈N∗ définie par (voir figure 1.2)

0 ≤ x ≤ 12 − n1

 0
n
x − 12 + n1 1
− n1 ≤ x ≤ 12 + n1

fn (x) :=
 2 2
1
1 2
+ n1 ≤ x ≤ 1

et la fonction f∗ définie par

0 0 ≤ x < 12

f∗ (x) :=
1 12 ≤ x ≤ 1.

20
1

fn

1
1/2−1/n
1/2+1/n

Figure 1.2: Graphe de la fonction fn .

2. Montrer que (fn )n∈N∗ converge dans (Cm ([0, 1]), k·kL1 ) vers f∗ .

3. Montrer que (fn )n∈N∗ est une suite de Cauchy dans (C([0, 1]), k·kL1 ).

4. Montrer que (fn )n∈N∗ n’est pas convergente dans (C([0, 1]), k·kL1 ) et
déduire que (C([0, 1]), k·kL1 ) n’est pas un espace complet.

Proposition 1.55 (Complétude de produit d’e.v.n complets). Soient (E1 , N1 )


et (E2 , N2 ) deux espaces vectoriels normés complets. Alors, l’espace produit
E1 × E2 , muni de la norme N définie par

∀(x1 , x2 ) ∈ E1 × E2 , N (x1 , x2 ) := N1 (x1 ) + N2 (x2 )

est également complet.

Corollaire 1.56. Tout espace de dimension finie est complet.

1.3 Analyse dans un espace de Banach


Un grand nombre d’espaces que nous côtoyons en analyse sont des espaces
de Banach. Ceux-ci jouissent de propriétés agréables comme la convergence
normale des séries et le théorème de point fixe, que nous présentons dans
cette section.

21
1.3.1 Séries normalement convergentes
Définition 1.57 (Série). Soit (xn )n∈N une suite d’éléments de E. La série
P
n∈N xn est la suite (Sn )n∈N définie par

n
X
∀n ∈ N, Sn = xk .
k=0
P
On dit que la série n∈N xn converge si la suite (Sn )n∈N converge dans E.
P+∞
Dans ce cas elle est
P dite convergente et sa limite S := k=0 xk est appelée
somme de la série n∈N xn .
P
Définition 1.58 (Convergence normale). On dit qu’une série n∈NPxn d’éléments
de E est normalement convergente lorsque la série à termes positifs n∈N kxn k
est convergente.

L’intérêt des séries normalement convergentes réside dans la propriété suiv-


ante.

Théorème 1.59. L’espace (E, k·k) est un espace de Banach si et seulement


si toute série normalement convergente est convergente.

Exercice 1.60. Démontrer le théorème 1.59.

Exemple 1.61 (Série normalement


 convergente
dans un espace non com-
plet). On considère E = P 1P [0,1] , P ∈ R[X] muni la norme N∞ (Q) =
supx∈[0,1] |Q(x)|. Alors la série n∈N xn! est normalement convergente. Elle
n

converge dans C([0, 1], R) vers x 7→ ex , mais ne converge pas dans E.

Exemple 1.62 (Série convergente mais pas normalement convergente dans


un Banach). Dans un espace de Banach, il peut exister des séries conver-
gentes maisn pas normalement convergentes. Par P 1exemple dans R, la série
P (−1)
n∈N∗

n
est convergente alors que la série √ est divergente.
n

1.3.2 Théorème du point fixe de Picard


Définition 1.63 (Application contractante). Soit f une application de E
dans F . On dit que f est contractante s’il existe un réel 0 ≤ k < 1 tel que

∀x, y ∈ E, kf (x) − f (y)k ≤ k kx − yk. (1.3.1)

22
Remarque 1.64. Une application contractante est continue.

Théorème 1.65 (du point fixe). Soit E un espace de Banach et f une


application contractante de E dans E. Alors, l’équation

f (x) = x,

admet une solution unique x∗ ∈ E. Cette solution est appelée le point fixe
de f .

1.4 Analyse dans un espace de Hilbert


Dans un espace de Hilbert, nous disposons de la structure supplémentaire de
produit scalaire. Les outils qui en découlent sont similaires à ceux de l’espace
euclidien. Les démonstrations des résultats énoncés dans cette section suivent
le même esprit que les résultats correspondant en dimension finie. Dans cette
section, (H, h·, ·i) désigne un espace de Hilbert.

1.4.1 Théorème de projection orthogonale


Théorème 1.66 (de projection orthogonale). Soit K un sous-espace vecto-
riel fermé de H. Pour tout x ∈ H, il existe un unique y = PK x ∈ K, appelé
projection orthogonale de x sur K (voir figure 1.3), tel que

kPK x − xk = inf kz − xk. (1.4.1)


z∈K

PK x est caractérisé par

PK x ∈ K et hPK x − x, zi = 0, ∀z ∈ K. (1.4.2)

1.4.2 Théorème de Riesz


Théorème 1.67 (de Riesz). Pour toute forme linéaire continue ϕ sur H, il
existe x ∈ H unique tel que

∀z ∈ H, ϕ(z) = hx, zi.

De plus, on a kxk = kϕkH ′ .

23
x

PK x

Figure 1.3: Illustration du théorème de projection orthogonale.

Remarque 1.68. On peut identifier l’espace de Hilbert H et son dual H ′ .


En effet, l’application de H ′ dans H qui à ϕ associe x est un isomorphisme
isométrique.
2
Exemple 1.69. On note l2 = u = (un )n≥0 ,
 P
n≥0 |u n | < ∞ l’ensemble
des suites de carrés sommables. Muni du produit scalaire
X
hu, vi = un v n ,
n≥0

l2 est un espace de Hilbert. La forme linéaire continue sur l2 qui à v ∈ l2


associe v0 est représentée par u ∈ l2 donné par u0 = 1 et ui = 0 pour i ≥ 1.
Remarque 1.70. Lorsque plusieurs espaces de Hilbert sont en jeu, on ne
peut pas faire plusieurs identifications en même temps. Considérons par ex-
emple une situation où interviennent deux espaces de Hilbert, H et F , chacun
équipé de son propre produit scalaire notés h·, ·iH et h·, ·iF respectivement.
Supposons que F ⊂ H avec injection continue et dense.
• Identifions H et H ′ . On peut alors injecter H dans F ′ en considérant
l’application T : H → F ′ qui à y ∈ H associe T y ∈ F ′ défini par

∀z ∈ F, (T y)(z) = hy, ziH .

On vérifie aisément que T est linéaire, continue, injective et que T (H)


est dense dans F ′ (mais en général, T n’est pas surjective). On a donc
le schéma
F ⊂ H ≡ H ′ ⊂ F ′,
avec injections denses continues. On dit que H joue le rôle d’espace
pivot.

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• On peut aussi choisir d’identifier F et F ′ à l’aide du produit scalaire
h·, ·iF . Dans ce cas, les injections ci-dessus deviennent absurdes ce qui
montre qu’on ne peut pas faire simultanément les deux identifications.
Dans ce deuxième cas, on a le schéma
H ′ ⊂ F ′ ≡ F ⊂ H,
avec injections denses continues.

1.4.3 Bases hilbertiennes


Définition 1.71 (Base hilbertienne). On appelle base hilbertienne de H une
suite (en )n≥0 d’éléments de H tels que
• ∀m, n, hem , en i = δm,n ;
• l’espace vectoriel engendré par la famille (en )n≥0 est dense dans H,
où δm,n est le symbole de Kronecker et qui est donné par δm,n = 0 si m 6= n
et δm,m = 1.
Exemple 1.72. Dans l2 une base hilbertienne est donnée par ∀n ∈ N,
(un )m = δn,m .
La notion de base hilbertienne généralise la notion de base orthonormée en
dimension finie.
Remarque 1.73. En dimension infinie, un espace de Hilbert n’admet pas
nécessairement de base hilbertienne. Une condition suffisante pour qu’un es-
pace de Hilbert admette une base hilbertienne est que celui-ci soit séparable,
i.e. qu’il existe un sous-ensemble D ⊂ H dénombrable et dense dans H. La
base s’obtient alors par un procédé d’orthogonalisation. Tous les espaces de
Hilbert rencontrés dans le cadre de ce cours seront séparables, donc admet-
tront une base hilbertienne.
Théorème 1.74. Soit H un espace de Hilbert admettant une base hilberti-
enne (eP ∈ H. Posons xn = hen , xi pour tout n ≥ 0. Alors, les
n )n≥0 . Soit x P
séries n≥0 xn en et n≥0 |xn |2 sont convergentes dans H et R respective-
ment et on a X X
x= xn en et kxk2 = |xn |2 . (1.4.3)
n≥0 n≥0

La deuxième égalité s’appelle égalité de Bessel-Parseval.

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