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O
n s’en rend compte à la lecture du texte d’Helena Hirata et
de Danièle Kergoat, l’inspiration et la ligne directrice des
recherches qui sont présentées ici sur la division sexuelle
du travail ne sont pas les mêmes que celles qui sous-tendent les
approches des auteurs précédents. Pour le lecteur qui n’est pas socio-
logue, les divergences peuvent être difficiles à saisir. Il n’est malheu-
reusement pas possible de restituer ici les termes d’un débat entre
ces courants de la sociologie, même si ce débat a des implications
fondamentales pour le thème même du plaisir et de la souffrance au
travail. Soulignons, toutefois, d’abord que, dans l’argument présenté
par Helena Hirata et Danièle Kergoat, il est une proposition qui fait
consensus parmi les participants au séminaire, à savoir : que ce qui
retient ici l’attention des auteurs est « la capacité des hommes et
des femmes, même dans des situations d’extrême domination, de se
battre et de s’opposer » aux contraintes constitutives de ces situa-
tions extrêmes. On retrouve donc ici une posture épistémologique
qui n’est pas sans rappeler, même si elle s’en différencie, une posi-
tion convergente avec celle des auteurs précédents, sur les limites du
déterminisme sociologique des conduites, des comportements et de
la pensée.
À partir de ce débat revient immanquablement la question de
définir ce qu’est un rapport social. Selon les auteurs de cet exposé,
cette notion permet de rendre compte des contradictions – contradic-
tions entre les groupes sociaux, contradictions à l’intérieur même des
groupes et des individus.
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contradictions, les transgressions et les luttes... » « Reste que le problème
du choix ou de la liberté se décèle bien au niveau du sujet, pas immédiate-
ment au niveau du groupe. »
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Hirata et Danièle Kergoat non pas le signe d’une naturalité de la rencontre,
mais l’indice d’un volontarisme interdisciplinaire ayant effectivement
fonctionné.
Enfin, il reste à souligner que le travail de synthèse et de recentrage
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opéré ici par Helena Hirata et Danièle Kergoat autour du thème du sémi-
naire fait faire une étape significative dans le dégagement et dans l’esquisse
de ce qu’on appellera plus loin (voir conclusion de ce volume) le « fonds
commun » de questions scientifiques rassemblées par les chercheurs ayant
participé au séminaire.
La discussion qui a pris pour point de départ le texte d’Helena Hirata
et de Danièle Kergoat, ici retranscrit, ainsi qu’une série d’articles cités en
référence, fait apparaître que la thèse de D. Kergoat en vertu de laquelle
les rapports sociaux de sexe ne constituent pas un domaine spécifique de la
sociologie, mais forment une problématique coextensive à la théorie socio-
logique dans son ensemble, doivent être reconnus dans le domaine même
de la psychopathologie du travail. Il semble effectivement impossible en
psychopathologie du travail :
– De cliver le travail du hors-travail.
– De penser les rapports de production sans les rapports de repro-
duction.
– De définir l’organisation du travail, en psychopathologie du
travail, comme on l’avait fait jusqu’à présent : les travaux du séminaire
avaient déjà conduit à critiquer la conception de l’organisation du travail
en psychopathologie du travail pour faire valoir que l’organisation du
travail est d’abord un rapport social de travail. Les rapports sociaux de
production étant reconnus comme indissociables des rapports de repro-
duction, on aboutit à la conclusion qu’il devient nécessaire maintenant
de revoir dans son ensemble la question de la souffrance et du plaisir au
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les engendrent ne sont tout simplement pas les mêmes non plus, ce que
la psychopathologie du travail « inaugurait » ou « refoulait » jusqu’à pré-
sent. Par exemple, en France, la souffrance psychique résultant du travail
aux pièces est presque toujours une souffrance féminine, parce que seules
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les femmes connaissent aujourd’hui ces situations de travail (et pas les
hommes ; encore que sur ce point on ait à envisager la question de cer-
tains travailleurs immigrés). Autre exemple : la souffrance des ouvriers du
bâtiment et des travaux publics est une souffrance masculine. Il n’y a pas
d’équivalent féminin de cette souffrance, parce qu’il n’y a pas, en France,
de femme tailleur de pierre, manœuvre ou maçon.
Or, le partage entre souffrances réservées aux femmes et souffrances
réservées aux hommes ne dépend pas que des rapports de production. Les
rapports de domination pèsent directement sur ce partage. De sorte que
la forme de la souffrance elle-même aurait partie liée non seulement avec
l’organisation du travail (thèse classique de la psychopathologie du tra-
vail), mais aussi, et en profondeur, avec les rapports de domination des
hommes sur les femmes.
En poussant un peu plus loin encore les conséquences de l’objection
faite par H. Hirata et D. Kergoat à la psychopathologie du travail, on en
viendrait facilement à cette hypothèse que la souffrance ne serait peut-être
pas la seule à être sexuée. La problématique de la division sexuelle du
travail et des rapports de reproduction suggère en effet des différences fon-
damentales, des différences sexuées, dans les processus mis en œuvre pour
construire les systèmes défensifs contre la souffrance. La psychopatholo-
gie du travail soutient, on le sait, l’hypothèse que la souffrance peut être
utilisée ou exploitée. Elle précise que cette exploitation passe précisément
par la manipulation des procédures défensives. Ainsi retrouvera-t-on, si
les défenses elles-mêmes sont sexuées, que les modalités de l’exploitation
seraient elles aussi à leur tour sexuées.
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Tout le débat sur les idéologies défensives de métier, sur les pro-
blèmes spécifiques de la construction des collectifs de femmes, et sur les
syllogismes psychopathologiques, est à cet égard exemplaire (à propos de
syllogisme, d’autres exemples que ceux cités dans le texte donné par H.
Hirata et D. Kergoat ont pu être cités, qui sont construits sur le même
modèle : par exemple « les femmes se plaignent toujours », « les femmes
parlent par derrière », « les femmes cancanent », « les femmes font des
crises de nerfs », « les femmes ont besoin d’être tenues », etc.). La logique
décrite par D. Kergoat à partir de ces syllogismes, et de leur pouvoir anti-
collectif, placerait donc effectivement en fin de processus la souffrance des
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femmes au travail dans une situation bien différente de la souffrance des
hommes au travail.
L’intrusion des rapports sociaux de sexes dans la psychopathologie
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situation sociale et professionnelle.
Relativement aux collectifs – deuxième condition de la sublima-
tion –, on remarquera que les communautés d’appartenance sont essentiel-
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que la productivité est liée avant tout à la manipulation de l’opposition
entre statut de travailleur stable et statut de travailleur précaire. Mais il
faut au-delà poser la question ici des formes de plaisir et d’utilisation (ou
d’exploitation ?) du plaisir au travail, et de ses incidences sur la santé et
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le système de valeurs, et l’indexation de la création à ce système de valeurs
(voir note sur la notion de souffrance, Tome I, Chapitre 5), alors on accor-
dera une attention toute particulière à la rétribution « morale » de cette
activité de recherche, d’expérimentation, et d’innovation ouvrières. Or, ce
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sur quoi il faut insister ici, c’est que les conditions sociales définissant,
et le système de valeurs, et la communauté d’appartenance, passe par un
ensemble de conditions spécifiques à la société japonaise, au rapport entre
la famille et l’entreprise, entre les hommes et les femmes, tant dans la vie
domestique que dans le travail, et aux rapports hiérarchiques en ce qui
concerne les questions de responsabilité et de culpabilité en cas de faute,
d’accident ou de maladie du travail. Même si les comparaisons montrent
ici qu’on est loin de l’homologie entre Japon et France (ou Brésil), ce n’est
pas tant cette question qui intéresse la psychopathologie du travail que les
modalités différentielles d’engagement de la subjectivité et des rapports
de plaisir et de souffrance au travail, que les travaux d’Helena Hirata
semblent soulever de façon complètement originale.
Dans la mesure où ces hypothèses pourraient être confirmées par de
nouvelles enquêtes effectuées sur ce thème au Japon, il serait inévitable
de poser ensuite la question de « l’exploitation » de la sublimation et du
plaisir au travail, thème rarement envisagé jusqu’à présent. Si, comme le
suggèrent certains (J. D. Reynaud), cette mobilisation ouvrière n’a pas de
comparaison avec ce qui se passe en France pour les ouvriers, mais a en
revanche des traits de similitude avec ce qui se passe au niveau des cadres,
tout un domaine de recherche se trouverait ici désigné. Beaucoup d’argu-
ments suggèrent en effet que le comportement de cadres, d’ouvriers de
métier et d’artisans, dont l’engagement dans le travail se fait sans comp-
ter, n’aboutit pas qu’à des désastres au plan de la santé. Malgré un travail
intense, cette catégorie de travailleurs présente un état de santé et une lon-
gévité meilleurs que les ouvriers. Même si, dans certains cas, des excès
sont observables qui conduisent à des accidents somatiques et psychiques
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coup moins les femmes ouvrières. La référence à la notion de sublimation
redevient à nouveau problématique. Surtout si l’on tient compte, une fois
de plus, du dispositif social impliqué par la sublimation, et notamment
celui de la communauté d’appartenance. Cette dernière, en effet, requiert
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la souffrance de la condition de femme dans le travail, avant même d’être
dirigée contre la souffrance liée à la condition de travailleuse exposée aux
risques d’accident ou de maladie du travail. Cette « idéologie défensive de
sexe » varierait beaucoup selon le degré d’exploitation, conduisant parfois
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nir la violence à l’intérieur d’elles-mêmes, à faire usage d’un processus
de rétention, voire d’un processus d’intériorisation (pris dans une accep-
tion prosaïque), et finalement sont condamnées à retourner cette violence
contre elles. Cela serait en relation avec la difficulté, voire l’impossibilité,
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lumière de ce qui a été dit ici sur les rapports de production et les rapports
de reproduction, ou sur les relations entre rapports d’exploitation et rap-
ports de domination.
Si l’on se tourne maintenant du côté des femmes, et que l’on exa-
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de violence sont particulièrement résistantes à tout travail d’élaboration
mentale. L’inanalysabilité de ces conduites pourrait résulter de ce que leur
déconstruction ne serait pas possible à partir des seules références de la
psychopathologie classique, et qu’il faudrait pour avoir accès à l’interpré-
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tation faire référence aussi aux rapports sociaux d’exploitation et aux rap-
ports sociaux de domination.
Tout cela ne représente qu’un aperçu de l’apport de la théorie de
la division sexuelle du travail à des secteurs de la psychopathologie mal
balisés jusqu’à ce jour.
Il resterait à discuter les jeux de circularité entre rapports de pro-
duction et rapports de reproduction. Ce problème a été évoqué à partir de
l’exemple utilisé par D. Kergoat pour introduire ses concepts de pratiques
sociales et d’apprentissages collectifs (Bulledor). D. Kergoat soulignait
que la combativité dépendait finalement du choix de chaque travailleur
entre le projet de retour au pays ou le projet de sédentarisation en France.
Or, si l’on suit les travaux proposés par certains sociologues sur les projets
de vie, il apparaît que ces derniers sont eux aussi l’objet d’une construction
sociale. De sorte que le choix opéré entre projet de retour au pays et projet
de sédentarisation en France pourrait ressortir à une construction sociale
lui aussi. Est-on alors en droit de séparer deux groupes au regard de la
combativité, en les rattachant à deux groupes constitués par les projets de
vie ? Ou bien faut-il chercher au-delà de ces deux typologies un détermi-
nisme commun, relevant d’une construction sociale, qui pèserait à la fois
sur la position vis-à-vis du projet de vie, et sur la position vis-à-vis de la
combativité ?
La discussion de l’exposé d’Helena Hirata et de Danièle Kergoat
a donné lieu, on le voit, à une avalanche de questions qui n’ont malheu-
reusement pu être qu’ébauchées. On s’en rendra compte notamment en se
reportant à la série de remarques, de critiques et de questions posées par
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ment inachevé. C’est pourquoi il s’adresse avant tout aux chercheurs ; il ne
constitue, somme toute, qu’une invitation à poursuivre dans les voies qui
ont été ici esquissées.
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