Se Retrouver Dans Son Corps Grâce À L'hypnose

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oser les thérapies non

médicamenteuses

Hypnose
Se retrouver dans son corps grâce à l’hypnose
Madame Sarah Carlier est psychologue clinicienne au CMP du Figuier dans le 4° arrt (pôle Paris
Centre). Elle utilise régulièrement l’hypnose en thérapie et nous fait partager son expérience.

Comment en êtes-vous venue à l’hypnose dans votre pratique Pourriez-vous nous en donner un exemple ?
de psychologue clinicienne ? Je vais vous parler d’un de mes patients que j’ai rencontré à
En fait, il y a quelque chose de l’approche du corps qui n’était l’hôpital lors d’une crise accompagnée d’hallucinations très
pas suffisamment pris en compte pour moi par la psychana- fortes. Il est sujet à des angoisses qui génèrent des crises psy-
lyse : je me suis rendu compte qu’il y a des mo- chotiques, au sens psychanalytique du terme...
ments d’angoisse où la parole ne va pas suffire, C'est-à-dire qu’il a une problématique autour des
qu’elle ne permet pas toujours de contenir physi- limites : ses limites sont floues, incertaines, pas
quement. Il existe des thérapeutes qui savent suffisamment rassurantes, perméables, et, à cer-
alors apporter une présence corporelle tains mom en ts, elles s ont f acil em ent
« contenante » : masser, presser, que sais-je ? Je « effractées » par le réel. En crise, il est capable,
ne me sens pas suffisamment à l’aise avec ça, j’ai par exemple, de se mettre à suivre un pigeon et
besoin de maintenir une certaine distance phy- ne saura plus qui il est, où il va et s’il est le pi-
sique avec le patient. geon ou s’il est lui… Ce patient, je fais de l’hyp-
Donc j’étais insatisfaite et je suis allée voir du nose avec lui quand il est très angoissé car ses
côté de l’hypnose, après avoir fait une formation angoisses sont tellement désorganisatrices
en « systémie », et ça a été une vraie rencontre : qu’elles créent de la dépersonnalisation. Je l’ai
cela renforce la présence du corps dans la rela- Mme Sarah Carlier même encouragé à venir quand il est en crise
tion thérapeutique. Cela permet de ne pas parce que, quand il vient dans ces moments-là, le
s’adresser seulement à l’esprit, de travailler aussi sur le lien fait de faire une séance d’hypnose le rassemble.
entre le corps et la psyché… Autre exemple davantage centré sur le corps : une patiente
Pour moi l’hypnose, c’est un outil qui s’est ajouté un peu à suivie par une collègue, qui m’avait été adressée car elle vou-
tout le reste. Je ne fais pas que de l’hypnose et je crois beau- lait arrêter cannabis et alcool. Dans certains cas, une seule
coup à la psychothérapie. L’hypnose va par exemple me per- séance d’hypnose peut permettre de se débarrasser d’une
mettre de soulager un patient de son angoisse et d’installer un addiction. Cette patiente, comme cela arrive parfois, avait tout
climat de confiance. Ce soulagement que l’on partage peut arrêté dès la prise de rendez-vous, mais elle est quand même
créer un lien incroyable avec le patient. Parfois, je pense que venue et m’a dit : « peut-être faudrait-il que j’ancre ça ? » Je
l’hypnose aura surtout agi parce qu’elle aura soulagé, permet- pense qu’elle avait vraiment un travail à faire du côté de l’an-
tant ainsi au travail thérapeutique de commencer. crage, du côté des limites, pour bien sentir son contenant psy-
Alors, ça consiste en quoi, l’hypnose ? chique…
L’hypnose, c’est un état de conscience modifié qu’on atteint au Je lui ai fait un ancrage totalement corporel : s’inscrire dans le
moyen d’une induction. L’induction, c’est le procédé par lequel corps, se laisser peser de tout son poids, être la plus lourde
on va plonger la personne dans un état de conscience modifié. possible, laisser son empreinte dans le fauteuil… On a été in-
La personne reste toujours pleinement consciente. On ne peut terrompues par la sonnerie de son téléphone et, d’un seul
pas lui faire faire des choses qu’elle ne veut pas faire, elle coup, elle s’est mise à pleurer. Elle n’a pas voulu arrêter la
reste très présente, on appelle cela la « transe hypnotique ». séance, je l’ai laissée gérer et, à la fin elle m’a dit : « je ne sa-
Physiquement, cela se voit à de petits signes comme l’affaisse- vais pas ce qu’était cette émotion, je n’avais pas de pensées,
ment des tissus musculaires, le visage qui devient comme de c’est mon corps qui a pleuré ». Elle avait une charge émotion-
la cire, ou encore un changement de rythme respiratoire. nelle à évacuer et, dans cet état de transe, elle se sentait suffi-
samment sécurisée psychiquement pour laisser aller les émo-
tions…

L’une des particularités de cet état, c’est qu’il y a suspension


du jugement. Cela ne veut pas dire qu’on n’a plus nos pensées
mais il y a quelque chose de suspendu et cela permet de faire L’hypnothérapeute peut faire ce qu’il veut ?
des associations beaucoup plus librement. C’est un état où on Jamais de la vie : l’hypnose n’est pas une baguette magique et
est très réceptif et aussi très suggestible, où l’on peut activer l’hypnothérapeute n’est pas un magicien ! Je fais très peu de
des ressources non conscientes. Avec l’hypnose, on peut faire suggestions car j’aurais trop peur de me tromper. Je pratique
un peu tout ce qu’on veut... Si la question, c’est de renforcer beaucoup l’hypnose conversationnelle développée par Milton
les limites, alors on va renforcer les limites… Erikson*. Cela permet de sortir de la lourdeur de ce rapport
avec le psy « assis dans son fauteuil avec son stylo et son
Vidal » pour introduire le fait qu’il peut se passer autre chose.
(*) Milton Erikson est un psychiatre et psychologue américain qui a joué
un rôle important dans le renouvellement de l'hypnose thérapeutique. Cela permet d’ouvrir les possibles…

La Lettre de l’Unafam-Paris n° 87 - page 18


oser les thérapies non
médicamenteuses

Partir en psychothérapie, c’est un peu partir à l’aventure et il abolir les limites. On sent bien que cela peut être vécu par
faut bien voir que, sur ce chemin-là, le patient est bien plus certains patients comme une intrusion. Je me rappelle d’un
fort que le thérapeute… C’est lui qui sert de guide, lui seul est patient schizophrène qui voulait arrêter de fumer par l’hypnose.
capable de reconnaître le terrain ! J’étais plutôt réticente mais j’ai fini par essayer quand même
et, à peine avions-nous commencé qu’il a eu très mal à
l’épaule. On s’est concentrés sur son épaule et dès qu’il s’est
senti soulagé, on a arrêté. Plus tard, il m’a dit que « j’étais trop
Vous arrive-t-il souvent de pratiquer l’hypnose avec des pa- proche ». Dans cet état d’hypnose, il y a cette idée de lien
tients psychotiques ? « inconscient - conscient », « corps - esprit » et, chez certains,
Je suis très précautionneuse avec les patients psychotiques : cela provoque une réaction de défense : ils se rigidifient car
j’utilise l’hypnose avec parcimonie et certainement pas avec cela les met en danger.
les patients que je ne connais pas. J’ai débuté par hasard, avec Un dernier mot à l’intention de nos lecteurs ?
une patiente amnésique. Elle n’avait pas de langage accessible Je voudrais juste insister sur le fait que l’hypnose n’est pas une
et on m’a demandé de travailler avec elle sur un possible trau- méthode alternative : elle est complémentaire et il me parait
matisme. Quand elle a retrouvé la parole, il s’est avéré qu’elle important de choisir un hypnothérapeute ayant aussi une qua-
était suivie pour schizophrénie. Sous hypnose, elle éprouvait lification médicale, psychologique ou psychiatrique. Bien sûr, il
une sensation de bien-être qu’elle ne connaissait pas. C’était y a le CMP, mais on peut également s’adresser à des centres
très fort et elle est revenue plusieurs fois pour se rassem- comme « l’Elan retrouvé » par exemple. Le mieux consiste à
bler sur ses sensations. s’adresser à ses référents : psychiatre, psychologue, infirmier,
Pourquoi cette « parcimonie » dans l’usage de l’hypnose avec etc. Nous coopérons bien entre CMP.
les patients psychotiques ? Propos recueillis par Luc Vave
J’évite l’hypnose avec des patients que je sens trop dissociés.
Chez certains patients cela prend beaucoup de temps pour
relier l’esprit et le corps car cette dissociation entre l’esprit et le CMP du Figuier, 2 rue du Figuier, 75004 Paris
corps peut avoir été « salvatrice » pour la personne… Et Consultations « Hypnose » sur rendez-vous :
« rassembler ça » peut s’avérer très violent parce que, si elle a · le lundi, de 9h00 à 17h00
laissé cette dissociation s’opérer, c’est qu’elle en avait besoin... · le jeudi, de 17h00 à 19h00
Il ne faut pas aller trop vite ni trop loin. · le vendredi, de 9h00 à 17h00
Et puis, si l’hypnose permet de « rassembler », elle peut aussi Tel : 01 4887 8193 ou 01 4272 2069

Sismothérapie
L’ECT*, une thérapie efficace dans plus de 80%
des cas
Avec le Dr Marion Plaze, praticien hospitalier à l’hôpital Sainte Anne

L’ECT* semble avoir désormais bonne presse, surtout est extrêmement efficace dans les
qu’est-ce qui a changé depuis le temps des troubles de l’humeur et particulièrement la
électrochocs ? dépression… Et si la dépression est sévère et
Le principe est resté le même, mais les conditions mélancolique, alors les ECT se révèlent
de réalisation ont complètement changé… Avant, quasiment miraculeuses !
les électrochocs étaient administrés sans
anesthésie ni curarisation et donnaient lieu à des
convulsions à la fois désagréables pour le patient
et très impressionnantes. Aujourd’hui, les ECT se
font sous anesthésie générale et il n’y a plus de
mouvements corporels puisque les patients sont Dr Marion Plaze
curarisés comme pour toute opération chirurgicale.
Seule, la crise électrique reste désormais visible à l’électro- Il y a 2 grandes situations où l’on doit privilégier l’ECT :
encéphalogramme… avant d’être stoppée par le cerveau ! C’est l’urgence et la résistance. Pourquoi l’urgence ? Parce que c’est
d’ailleurs cette réaction du cerveau qui nous intéresse sur le le traitement dont nous disposons actuellement qui agit le plus
plan thérapeutique car elle va donner lieu à la production de efficacement et le plus rapidement. Les traitements
neurotransmetteurs qui vont permettre de soigner la antidépresseurs, s’ils sont efficaces, nécessitent un délai
pathologie psychiatrique. d’action de 2, 3, 4 semaines là où l’ECT, à raison de 2 à 3
Et quelles sont les pathologies de prédilection ? séances par semaine, pourra soulager le patient dès la
L’ECT s’est vue initialement développer pour traiter la première semaine de traitement. Par exemple, pour des
schizophrénie, mais on va se rendre compte très vite que, patients mélancoliques suicidaires ou avec refus alimentaire :
certes l’ECT donne des résultats dans la schizophrénie, mais le patient ne sera pas guéri au bout de quelques séances mais
on aura dépassé le stade où son pronostic vital est engagé.
(*) ECT, nom abrégé de « Électro-Convulsivo-Thérapie » est la nouvelle
dénomination des électrochocs ou encore « sismothérapie ».
La Lettre de l’Unafam-Paris n° 87 - page 19

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