Cours Du D.F L'Expropriation

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L’expropriation pour cause d’utilité publique

EL OUAGARI Mohammed / PES à l’INAU


SOMMAIRE

Introduction ......................................................................................................................3
1- Nature et régime juridique de l’expropriation ............................................................3
1.1- Nature......................................................................................................................3
1.2- Régime juridique .....................................................................................................3
2- La notion d’utilité publique .........................................................................................4
3- Identifier les acteurs de l’expropriation ......................................................................5
4- Déterminer les biens expropriables .............................................................................5
4.1- Les immeubles objets de l’expropriation ..................................................................5
4.2- Les immeubles ne pouvant être expropriés ...............................................................6
4.3- Les droits réels immobiliers .....................................................................................6
I- La phase administrative de l’expropriation : ..................................................................7
1- La déclaration d’utilité publique (D.U.P.) ...................................................................7
1.1- La D.U.P dans les textes relatifs à l’urbanisme .........................................................8
1.2- La D.U.P. dans la loi 7-81 ........................................................................................8
2- L’acte de cessibilité ..................................................................................................... 10
3- L’enquête administrative et le dépôt du projet d’acte de cessibilité ......................... 11
3.1- Le dépôt du dossier de l’enquête administrative ..................................................... 11
3.2- Le dépôt du projet d’acte de cessibilité à la conservation foncière .......................... 11
3.3- Le dépôt du projet d’acte de cessibilité au greffe du tribunal administratif .............12
3.4- Les obligations des intéressés et des tiers ............................................................... 12
4- La tentative d’accord amiable et la fixation de l’indemnisation par la commission
administrative ................................................................................................................. 12
4.1- L’évaluation des immeubles à exproprier ............................................................... 13
4.2- La tentative d’accord à l’amiable ...........................................................................13
II- La phase juridictionnelle de l’expropriation ..................................................................... 14
1- Le contrôle juridictionnel de la procédure administrative ....................................... 14
1.1- Le contrôle juridictionnel du respect de la procédure d’expropriation ..................... 15
1.2- Le contrôle juridictionnel de l’utilité publique........................................................ 15
2- La prise de possession ................................................................................................. 16
3- Le transfert de propriété ............................................................................................ 16
4- La fixation de l’indemnité .......................................................................................... 17

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Introduction
1- Nature et régime juridique de l’expropriation
1.1- Nature
- La procédure normale d’acquisition des immeubles se fait de gré à gré ; par le recours
à divers procédés contractuels : achat, échange (…) dans les conditions de droit
commun. Ce qui nécessite le consentement du propriétaire.
- En cas de refus du propriétaire, il apparait indispensable de l’y contraindre pour les
besoins de l’intérêt général.
- Le recours à l’expropriation pour cause d’utilité publique est donc une prérogative de
puissance publique par laquelle l’expropriant peut acquérir la propriété des biens
immobiliers.
- La protection de la propriété est un principe à valeur constitutionnelle : le droit de
propriété et la liberté d’entreprendre sont garantis. La loi peut en limiter l’étendue et
l’exercice si les exigences du développement économique et social du pays le
nécessitent. Il ne peut être procédé à l’expropriation que dans les cas et les formes
prévus par la loi (Art. 35 de la constitution, promulguée par le Dahir n°1-11-97 du 27
Chaabane 1432 (29 juillet 2011).
- Sur le plan juridique, l’expropriation est une des principales manifestations de la
puissance publique. Elle se manifeste par l’usage d’une procédure, à priori
exorbitante, puisqu’elle contraint, en définitive, le propriétaire à céder à une tierce
personne, qu’il n’a pas choisi, la totalité ou une partie de son patrimoine immobilier.
Elle s’achève par le transfert de propriété, sous réserve d’une « juste et préalable »
indemnité.
- On peut définir l’expropriation comme « la prérogative de l’Etat permettant à
l’initiative d’une personne publique ou privée, dans un but d’utilité publique et
moyennant le respect d’un certain nombre de garanties de procédure et de fond, de
contraindre une personne publique ou privée à céder la propriété d’un immeuble ou
d’un droit réel immobilier à une personne publique ou privée ».
- Comment concilier entre la protection de la propriété et la protection de
l’ouvrage public ?
- C’est le souci permanent du législateur qui apparait clairement dans le formalisme
rigoureux de la procédure de l’expropriation, et qui rend dans la pratique les actes à
accomplir longs et complexes.
- Il est indispensable de maîtriser les contours de cette procédure et la phase
administrative et judiciaire, afin d’éviter un allongement des délais et parer à tous
risques d’annulation.

1.2- Régime juridique


- La loi n° 7-81 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et à l’occupation
temporaire, promulguée par le Dahir n°1-81-254, du 11 Rejeb 1402 (6 mai 1982).
- Le Décret n°2-82-382 du 2 Rejeb 1403 (16 avril 1983) pris pour l’application de la loi
n°7-81.
- Le régime instauré par la loi 7-81 ne présente pas par rapport au régime ancien
d’innovations fondamentales. On peut dire qu’il tend à maintenir un certain équilibre
entre les intérêts des propriétaires et l’intérêt général.
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- Ce texte, néanmoins, ne constitue pas le régime unique de l’expropriation. Il laisse
subsister toutes les législations spéciales édictées depuis 1961 et qui sont marquées par
un caractère expéditif et la suppression de la possibilité de recours juridictionnels.
Il s’agit entre autres des :
→ Dahir du 17/1/1961 (BO 1961, p.79) promulgué pour la reconstruction de la ville
d’Agadir ;
→ Dahir du 11/12/1965 (BO 1966, p.1769) relatif à la mise en valeur touristique de la
baie de Tanger ;
→ Dahir du 25/07/1969 (BO 1969, p.781) portant code des investissements agricoles ;
→ Dahir du 25/07/1969 (BO 1969, p.786) instituant une procédure spéciale
d’expropriation pour l’aménagement des structures foncières et la création de
lotissements agricoles ;
→ Dahir du 07/10/1970 (BO 1970, p.874) instituant une procédure pour accélérer la mise
en valeur touristique de la zone de Ksar Sghir ;
→ Dahir portant loi du 21 juin 1976 relatif à la mise en valeur de la baie d’Agadir (BO
1976, p.741).
2- La notion d’utilité publique
- La loi 7-81 n’a pas défini le but de l’utilité publique. Elle s’est contentée d’affirmer
que le droit d’exproprier est ouvert en vue « d’entreprendre des travaux ou opérations
déclarés d’utilité publique » (Art. 3).
- La notion de l’utilité publique est assez vague, car elle change selon le contexte du
développement économique, politique et social. C’est ce qui explique qu’elle n’est pas
déterminée d’une manière précise par la loi. C’est la jurisprudence qui peut, au coup
par coup, reconnaître que tel ou tel projet est d’utilité publique.
L’utilité publique n’est pas une notion formelle qui se réfèrent à la définition donnée
par un texte, mais matérielle, c'est-à-dire en se référant au contenu d’une activité.
- L’expropriant doit constater avant le démarrage de la procédure le caractère d’utilité
publique de son projet. Elle doit être déclarée formellement dans le texte de l’acte
d’expropriation, sous peine d’être annulée par la cour de cassation. L’utilité publique
peut être vérifiée par la jurisprudence en fonction de la destination de l’ouvrage.
- La jurisprudence française exerce un contrôle approfondi de l’utilité publique. Le
Conseil d’Etat pratique un contrôle de l’opportunité qui passe d’une part par une
confrontation entre le projet envisagé, l’avantage qu’en sera tiré et les inconvénients
qu’il entraîne, et d’autre part, par l’étude du caractère indispensable du projet. Le
contrôle exercé va même aller jusqu’à la confrontation des intérêts publics et privés.
- La jurisprudence au Maroc s’oriente vers la même tendance après une période de
contrôle formel, la cour de cassation s’est décidée à pousser davantage son contrôle.
(V. plus loin l’analyse de ce contrôle dans la 2ème partie concernant la phase judiciaire
de l’expropriation).

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3- Identifier les acteurs de l’expropriation
- L’article 3 de la loi 7-81 dispose que : « le droit d’exproprier est ouvert à l’Etat et aux
collectivités locales ainsi qu’aux autres personnes morales de droit public et privé ou
aux personnes physiques auxquelles la puissance publique délègue ses droits en vue
d’entreprendre des travaux ou opérations déclarés d’utilité publique ».
- L’Etat et les collectivités locales sont évidemment titulaires directement du droit
d’exproprier. Les autres personnes morales de droit public ou privé et les personnes
physiques sont délégataires de ce droit.
- Selon que le bien est destiné à entrer dans le domaine public ou dans le domaine
privé : l’autorité compétente pour poursuivre la procédure :
→ Le ministre des travaux publics (domaine public),
→ Le ministre des finances (Direction des domaines / Domaine privé de l’Etat),
→ L’Administration de la défense nationale (le Domaine militaire),
→ Les autres ministères peuvent exercer l’expropriation en relation avec leur
domaine de compétence,
- Les collectivités locales sont soumises au contrôle de tutelle lorsqu’elles exercent le
droit d’expropriation.
- Les particuliers peuvent aussi exercer ce droit lorsqu’ils sont délégataires de services
publics, et que la puissance publique leur délègue le droit d’exproprier afin
d’entreprendre des travaux ou opérations déclarées d’utilité publique. Il s’agit, par
exemple des concessionnaires de service public, de sociétés d’économie mixte et plus
généralement les entreprises privées d’intérêt général.
- Dans la pratique, aujourd’hui, ce sont généralement, les sociétés de développement ou
d’aménagement qui sont délégataires du droit d’exproprier et qui l’utilisent plus ou
moins fréquemment. Ces organismes, dont le capital est souscrit par l’Etat, sont
constitués sous la forme de sociétés anonymes.
4- Déterminer les biens objets de l’expropriation
- L’article 1er de la loi n°7-81 détermine les biens objets de l’expropriation en disposant
qu’elle peut porter en tout ou partie sur les immeubles, ou sur les droits réels
immobiliers.
- Les meubles ne peuvent pas être expropriés sauf s’ils sont devenus immeubles par
incorporation. Les droits personnels (biens mobiliers), même s’ils portent sur un
immeuble comme le Droit au bail commercial, ne peuvent également jamais être
expropriés.

4.1- Les immeubles objets de l’expropriation


- L’article 5 la loi n°39-08 relative au Code des Droits Réels (C.D.R.) (promulguée par
le Dahir n°1.11.178 du 25 Hijja 1432/22 novembre 2011) dispose que les biens
immobiliers sont : soit des immeubles par nature, soit des immeubles par destination.
- Les immeubles par nature sont :
 Le sol, le sous-sol, la surface de tout ce qui s’y attache. Qu’il soit la propriété
de l’Etat ou du privé, terre collective, guich, ou bien habous ; immatriculé ou
non. Ou qu’il soit terrain nu ou bâti, agricole, rural ou urbain, il constitue un
bien immeuble expropriable.

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 Les constructions implantées dans le sol. La condition est qu’elles soient
incorporées au sol. Les bidonvilles ne constituent pas des biens immobiliers
n’étant pas incorporés (jugement du tribunal de Casablanca du 25 avril 1932,
GTM, n°497 du 4 juin 1932).
 Les végétaux dont les racines sont incorporés au sol. Le sol peut-être le seul
objet de l’expropriation ; mais les constructions et les végétaux doivent être
prises en compte dans la fixation de l’indemnité. (Art. 20 de la loi 7-81).
- Les immeubles par destination (Art. 7 du C.D.R.)
 Meubles par nature considérées comme immeubles en raison de leur lien à un
immeuble par nature. 2 conditions :
 Le meuble doit appartenir au même propriétaire que l’immeuble,
 Le propriétaire doit affecter le meuble soit :
 Au service et à l’exploitation du fonds ;
 Ou l’a attaché à son fonds à perpétuelle demeure.
 L’objet de l’expropriation est généralement le sol. Toutefois, les immeubles
par destination se transforment en droit à l’indemnisation à prendre compte
lors de la fixation de cette indemnisation par le juge.
- Les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent
 Ce sont les droits portants sur des immeubles et les actions immobilières en
vue de revendiquer ou protéger un droit réel portant sur un immeuble (Art. 11
du C.D.R.).
 Il est évident que ces actions immobilières en justice ne peuvent faire l’objet
d’expropriation. En plus, elles ne peuvent, selon l’article 38 de la loi n°7-81,
arrêter l’expropriation ou en empêcher les effets. Toutefois, les droits des
réclamants sont transportés sur l’indemnité et l’immeuble en demeure
affranchi.

4.2- Les immeubles ne pouvant être expropriés


- Les immeubles qui échappent au champ d’application de l’expropriation sont :
 Les édifices à caractère religieux des divers cultes ;
 Les cimetières ;
 Les immeubles faisant partie du Domaine public ;
 Les ouvrages militaires.

4.3- Les droits réels immobiliers


- L’expropriation peut, d’une manière générale, permettre l’acquisition de tous les droits
réels portant sur les biens immobiliers.
- Le droit réel est le droit d’une personne d’exercer un pouvoir immédiat et direct sur
une chose. Deux catégories :
 Les droits réels principaux : qui confèrent des avantages matériels sur un bien
précis. Ce sont, selon l’art. 9 du C.D.R. : le droit de propriété, les servitudes et
les charges immobilières, l’usufruit, le viager, le droit d’usage, le droit de
superficie, l’emphytéose, le droit de zina, de houa et de surélévation et les
droits coutumiers institués valablement avant l’entrée en vigueur du C.D.R.
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 Les droits réels accessoires : Ils confèrent des droits sur le bien qui tiennent
lieu de garantie d’un autre droit. Ce sont, selon l’article 10 du C.D.R. : les
privilèges, l’antichrèse et l’hypothèque.
 Les droits réels immobiliers principaux font l’objet d’expropriation selon
l’article 1er de la loi n°7-81. Par contre, les droits réels accessoires qui ne sont
réellement que des garanties de droits personnels ne peuvent être expropries
mais sont transformés en droit privilégie sur l’indemnisation dûe au
propriétaire de l’immeuble grevé de ces droits.

I- La phase administrative de l’expropriation :

- En édictant une procédure d’expropriation de la propriété immobilière comportant


deux phases, l’une administrative et l’autre judiciaire, le législateur a imposé à
l’expropriant l’accomplissement intégral de formalités précises dans le temps et dans
l’espace.
- Ces formalités constituent des garanties juridiques ayant pour but la préservation des
deniers publics et la sauvegarde des droits des expropriés.
- Ce formalisme a parmi ses buts d’assurer l’information la plus large possible des
ayants droits. Il procure en même temps, à l’expropriant une sorte de sécurité juridique
principalement par les délais impartis aux ayants droits pour se manifester, évitant
ainsi des réclamations et des procédures interminables.
- C’est au juge, quant il est saisi de donner plein effet à ces garanties en contrôlant la
régularité de la procédure d’expropriation.
- La phase administrative doit être minutieusement conduite par l’expropriant qui agit
seule dans cette phase, sous un contrôle de très prés par le juge.
- Cette phase est entamée par la déclaration d’utilité publique de l’opération. Elle se
poursuit, en principe, par une enquête administrative qui précède la désignation des
parcelles à exproprier par des arrêtés de cessibilité, lorsque cette désignation n’a pas
été réalisée par l’acte déclaratif d’utilité publique. Elle peut se terminer par une
tentative d’accord amiable entre le propriétaire et l’expropriant.
1- La déclaration d’utilité publique (D.U.P.)
- Deux actes soumis à une publicité légale doivent être pris : l’acte déclaratif d’utilité
publique et l’acte de cessibilité. Ils constituent la base légale de l’exercice de
l’expropriation. En absence de ces deux actes, l’expropriant se trouve dans la situation
d’occupation ou d’atteinte au droit de propriété constituant un acte illégal.
- L’acte déclaratif d’utilité publique peut désigner lui-même les parcelles à exproprier et
dans ce cas, il vaut également acte de cessibilité (Art. 7).
- La procédure relative à l’acte administratif portant déclaration d’utilité publique
organisée par la loi n°7-81 ne s’applique pas dans le cadre d’immeubles situés dans
une zone constructible en application d’un document d’urbanisme.
- L’article 1er de la loi n°7-81 dispose : « l’expropriation (…) ne peut être poursuivie
que dans les formes prescrites par la présente loi sous réserve des dérogations y
apportées en tout ou partie par des législations spéciales ». Parmi ces dérogations se
trouvent les textes relatifs à l’urbanisme.
- Nous distinguons dans ce qui suit : la D.U.P. dans les textes relatifs à l’urbanisme de
la D.U.P. dans la loi 7-81.

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1.1- La D.U.P dans les textes relatifs à l’urbanisme
- « Le projet de plan d’aménagement est (…) approuvé dans les formes et conditions
fixées par un décret réglementaire » Art. 23 de la loi n° 12-90 relative à l’urbanisme
(promulguée par le Dahir n°1-92-31 du 15 hija 1412 (17 juin 1992).
- L’article 28 de la loi 12-90 précise les effets du plan d’aménagement approuvé par
décret : « le texte d’approbation du plan d’aménagement vaut déclaration d’utilité
publique des opérations nécessaires à la réalisation des équipements prévus aux
paragraphes 3°, 4°, 5° et 12° de l’article 19 ci-dessus.
Les effets de la déclaration d’utilité publique cessent à l’expiration d’un délai de 10
ans à compter de la date de publication au B.O. du texte d’approbation du plan
d’aménagement (…) ».
- « Le plan d’aménagement peut également valoir acte de cessibilité des terrains
nécessaires à la réalisation des équipements (…). A cette fin, il désigne les propriétés
frappées de cessibilité en mentionnant leur consistance, leur superficie et le nom des
propriétaires présumés.
Les dispositions prévues par la loi n °7-81 (…) sont applicables au plan
d’aménagement valant cessibilité, en ce qui concerne les formalités auxquelles il est
soumis et ses effets. Toutefois la durée de l’enquête prévue à l’article 10 de la loi
précitée, est limitée à un moi (…) ». Art. 29 de la loi 12-90.
- Par conséquent, il faudrait dans ce cas éviter d’entreprendre un acte déclaratif de
l’utilité publique durant la période de 10 ans précitée, et d’entamer la procédure de
l’expropriation par un acte de cessibilité.
- La même conséquence découle de l’article 3 du Dahir n°1-60-063 du 25 juin 1960
relatif au Plan de Développement des Agglomérations Rurales (PDAR). L’arrêté (du
gouverneur, approuvé par le ministre de l’intérieur) d’approbation de ce plan vaut
déclaration d’utilité publique pour les travaux et les opérations publiques nécessaires à
la réalisation de ce plan.
- Il y a lieu de signaler que le Président du conseil communal peut prendre des arrêtés
d’alignement qui valent déclaration d’utilité publique pendant 10 ans. Cette durée est
ramenée à 2 ans pour les arrêtés d’alignement emportant cessibilité.

1.2- La D.U.P. dans la loi 7-81


- l’art. 6 de la loi 7-81 indique que « l’utilité publique est déclarée par un acte
administratif qui précise la zone susceptible d’être frappée d’expropriation ». Et
l’article 1 de son décret d’application précise que, « … l’U.P. est déclarée par décret
pris sur proposition du ministre intéressée ».
- Qui a le droit de demander l’UP ? Qui peut proposer l’acte déclarant l’UP ? et quels
sont les effets de l’UP.
A- Qui a le droit de demander l’UP ?
- Généralement, c’est l’autorité qui effectue l’opération de l’expropriation qui fait cette
demande. Elle peut ne pas être celle qui réalise le projet sur le sol à exproprier
(bénéficiaire) car certains ministères ou administrations procèdent à l’expropriation
pour le compte d’autres autorités gouvernementales ou organismes.
Exemples :
→ Pour le bien immeuble à exproprier destiné au domaine public, c’est le
ministère de l’équipement et du transport,

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→ Le ministère de l’énergie et des mines, l’habitat, l’urbanisme et la politique de
la ville si le projet est en relation avec les activités entrant dans leurs
attributions.
→ Si l’un de ces 3 ministères où tout autre département qui procède à
l’expropriation d’un immeuble destiné au domaine privé de l’Etat, c’est le
ministère des finances (Administration des domaines) qui est compétente.
→ Pour l’expropriation au profit du domaine communal (municipal ou rural),
c’est la commune qui présente la demande de l’UP après délibération du
conseil communal et approbation de la tutelle (Ministère de l’intérieur).
→ Pour les autres personnes morales, ce sont leurs dirigeants qui effectuent cette
demande.
→ La demande est destinée au ministre intéressée qui propose l’acte de
déclaration d’UP.
B- Qui peut proposer l’acte de déclaration d’UP ?
- La DUP est déclarée par décret pris sur proposition du ministre intéressé.
 Domaine public → le ministre de l’équipement et du transport,
 Domaine minier → le ministre de l’énergie et des mines,
 Domaine forestier (exproprier un terrain pour le planter et l’intégrer au
Domaine forestier) → le ministre de l’agriculture,
 Domaine privé de l’Etat (exproprier des terrains pour la construction d’une
école, hôpital (…) → le ministre des finances,
 Le ministre de l’intérieur → toute expropriation pour le compte des
collectivités locales,
 Etablissements publics → le ministre de tutelle,
 Les personnes physiques ou morales de droit privé → le ministre dont les
activités de son ministère s’approchent du projet pour lequel l’expropriation va
s’opérer.
C- L’acte de déclaration de l’UP et ses effets
 La déclaration de l’UP
- Le ministre intéressé qui propose cette déclaration transmet le projet de décret
accompagné d’une note de présentation et du plan de la zone à exproprier au
secrétariat général du gouvernement (S.G.G.) en vue de sa signature par le
Président du Gouvernement.
- La déclaration de l’UP prend la forme d’un décret, qui est soumis aux publicités et
affichages ci-après :
→ Il est publié intégralement au B.O. (1ère partie),
→ Un avis est inséré dans un ou plusieurs journaux autorisés à recevoir les
annonces légales, avec référence au B.O. dans lequel la publication a été
faite,
→ Il est affiché intégralement dans les bureaux de la commune du lieu de
situation de la zone frappée d’expropriation,
→ Ces mesures peuvent être complétées par tous autres moyens de publicité
appropriés.

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 Les effets de la déclaration de l’UP
- L’UP est déclarée par un acte administratif (décret) qui précise la zone susceptible
d’être frappée d’expropriation (Art. 6),
- La loi 7-81 et son décret d’application n’ont pas précisé comment se fait la
désignation de cette zone. Dans la pratique elle est désignée par ses 4 limites dans
le décret, accompagné d’un plan qui la détermine,
- « Cette zone peut comprendre, outre les immeubles nécessaires à la réalisation des
ouvrages ou opérations déclarés d’utilité publique, la portion restante de ces
immeubles ainsi que les immeubles avoisinants lorsque l’expropriation en est
jugée nécessaire pour mieux atteindre le but d’utilité publique ou lorsque
l’exécution des travaux doit procurer à ces immeubles une notable augmentation
de valeur ». (Art. 6, al. 2),
- « Pendant une période de 2 ans à compter de la publication au B.O. de l’acte
déclaratif d’utilité publique, aucune construction ne peut être élevé, aucune
plantation ou amélioration ne peut être effectuée sans l’accord de l’expropriant sur
les immeubles situés dans la zone fixée par le dit acte » (Art. 15) :
→ La durée des effets de la D.U.P. est de 2 ans,
→ Les immeubles ou la zone désignés par la DUP sont ainsi frappés d’une
servitude générale qui s’oppose à toute modification de l’état des lieux
(sans l’accord de l’expropriant),
→ Le but de cette servitude est d’éviter toute spéculation des expropriés ayant
pour objectif de bénéficier d’indemnisations plus élevées.
2- L’acte de cessibilité
- Lorsque l’acte déclaratif ne vise qu’une zone, il est nécessaire l’individualiser les
parcelles à exproprier : tel est le but de l’acte de cessibilité.
- L’article 2 du décret d’application de la loi 7-81 détermine les autorités habilitées
à le prendre, il s’agit du :
→ Président du conseil du conseil communal, lorsque l’expropriant est une
commune urbaine ou rurale ou toute autre personne à qui elle aura délégué
ce droit,
→ Gouverneur de la province ou de la préfecture, lorsque l’expropriant est
une province ou une préfecture ou une personne à qui elle aura délégué ce
droit,
→ Ministre intéressé après avis du ministre de l’intérieur dans les cas autres
que ceux visés ci-dessus.
- L’acte de cessibilité doit intervenir dans un délai de 2 ans à compter de la date de
publication au B.O. de l’acte de la D.U.P. Passé ce délai, il y a lieu à une nouvelle
déclaration d’utilité publique,
- L’acte de cessibilité fait l’objet des mêmes mesures de publicité et d’affichage,
prévues à l’article 8, que l’acte déclaratif d’utilité publique (Art. 13),
- L’article 9 dispose : « Lorsque l’acte déclaratif désigne en même temps, les
propriétés frappées d’expropriation, il a de ce fait valeur d’acte de cessibilité et, à
ce titre, est soumis et donne lieu aux formalités prescrites par les articles 10, 11 et
12 » (formalités de publicité, d’enquête administrative et dépôt). Généralement
dans la pratique administrative au Maroc, on procède de cette manière.

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3- L’enquête administrative et le dépôt du projet d’acte de cessibilité
- L’enquête administrative doit précéder l’acte qui effectue la désignation des
parcelles à exproprier et qui sera, selon le cas, soit l’arrêté de cessibilité, soit l’acte
déclaratif d’utilité publique lui-même.
- A cet effet, le projet d’acte de cessibilité est publié au Bulletin Officiel (2ème
partie) et dans un ou plusieurs journaux autorisés à recevoir les annonces légales.
La date de cette publication est importante car c’est à partir de cette date que
commence le délai de 2 mois de l’enquête administrative.

3.1- Le dépôt du dossier de l’enquête administrative


- Le projet d’acte de cessibilité est déposé, accompagné d’un plan, au bureau de la
commune où les intéressés peuvent en prendre connaissance et présenter leurs
observations pendant un délai de deux mois, à dater de sa publication au B.O. (Art.
10, dernier alinéa) ;
- Le dossier déposé à la commune est constitué du projet d’acte de cessibilité
accompagné de : l’avis de dépôt, du registre des observations, de l’attestation de
dépôt, de la publicité et d’affichage ;
- L’autorité locale est tenue de publier un avis de ce dépôt (Art. 3 du décret
d’application de la loi 7-81) ;
- Les intéressés, selon l’article 10, durant la durée de l’enquête administrative
peuvent prendre connaissance du projet d’acte de cessibilité et du plan y annexé et
présenter leurs remarques. Ces remarques sont rédigées sur un registre spécifique
ou annexées à ce registre quand elles sont présentées écrites ;
- Au terme de la durée de l’enquête, le dossier est retourné à l’expropriant
accompagné :
→ Du certificat attestant le dépôt du dossier de l’enquête administrative signé
par le président de la commune ;
→ Du certificat attestant la publicité et l’affichage de l’avis de l’enquête
publique signé par le président de la commune ;
→ Du registre des remarques accompagné des déclarations faites par les
intéressés. Ce registre doit être signé sur sa première et dernière page par le
président de la commune.

3.2- Le dépôt du projet d’acte de cessibilité à la conservation foncière


- L’article 12 dispose « le projet d’acte de cessibilité est également déposé à la
conservation de la propriété foncière du lieu de situation des immeubles.
Au vu de ce dépôt, le conservateur de la propriété foncière est tenu de délivrer à
l’expropriant un certificat attestant que la mention dudit projet d’acte a été inscrite :
→ Soit sur les titres fonciers concernés, en application de l’article 85 du dahir du
9 Ramadan 1331 (12 août 1913) sur l’immatriculation des immeubles ;
→ Soit, s’il s’agit d’immeubles en cours d’immatriculation, sur le registre des
oppositions, en application de l’article 84 du dahir précité. Dans ce cas, le
certificat doit mentionner, en outre, le cas échéant, les opposants, la nature
exacte des droits invoqués, la capacité et le domicile déclaré de leur détenteur
ainsi que toutes les charges grevant l’immeuble ou les droits immobiliers en
cause ».

11
- Cette inscription du projet d’acte de cessibilité ne permet pas de transmettre la
propriété à l’expropriant. Ce transfert est effectué par le jugement qui prononce
l’expropriation et le transfert de la propriété après son inscription sur les titres
fonciers.

3.3- Le dépôt du projet d’acte de cessibilité au greffe du tribunal


administratif
- Lorsqu’il s’agit d’immeubles qui ne sont ni immatriculés ni en cours
d’immatriculation, le projet d’acte de cessibilité accompagné du plan est déposé au
greffe du tribunal administratif de la situation des immeubles pour être inscrit sur le
registre spécial prévu par l’article 455 du code de procédure civile. Un certificat
attestant cette inscription est réunis par le greffier à l’expropriant (Art. 12, dernier al.).

3.4- Les obligations des intéressés et des tiers


- L’article 11 précise que pendant le délai fixé par l’article 10 (2 mois de l’enquête
administrative), « … les intéressés doivent faire connaître tous les fermiers, locataires
et autres détenteurs de droits sur les immeubles, faute de quoi ils restent seuls chargés
envers ces personnes des indemnités qu’elles pourraient réclamer.
Tous autres tiers sont tenus, dans ce même délai, de se faire connaître sous peine
d’être déchus de tout droit.
L’expropriant est tenu de se faire délivrer par le conservateur de la propriété foncière
un certificat donnant l’état des détenteurs de droits réels inscrits aux livres fonciers. Ce
certificat peut être collectif ».
- La loi 7-81 a annulé l’obligation de l’expropriant de notifier aux intéressés le projet
d’acte de cessibilité (qui existait impérativement dans les Dahirs de 1914 et 1951. Les
formalités de publicité juridique sont un moyen d’information pour toute personne
intéressées et pour les tiers.
- Les intéressés sont les propriétaires et les titulaires de droits réels qui doivent faire
reconnaître les fermiers, locataires, les titulaires du droit au bail commercial (…).
- « Tous autres tiers » peut désigner, par exemple, toute personne qui conteste la
propriété ou le droit réel objet d’une action de revendication de ces droits.
- Au terme de la durée de l’enquête administrative et la réception du dossier de cette
enquête, l’expropriant doit procéder à l’examen des remarques figurant sur le registre
y afférent, afin de corriger les différentes situations des immeubles objets de
l’expropriation. Parmi ces remarques, on peut citer :
→ L’inscription de l’immeuble objet de l’expropriation au nom d’une autre
personne qui n’est pas propriétaire ;
→ L’erreur concernant la superficie ou la consistance de l’immeuble ;
→ L’omission de certains noms d’opposants à la réquisition d’immatriculation de
l’immeuble objet de l’expropriation (…).
4- La tentative d’accord amiable et la fixation de l’indemnisation par la
commission administrative
- La tentative d’accord amiable subsiste dans la loi 7-81, mais elle change de caractère.
Alors qu’elle était obligatoire dans le Dahir de 1951, elle est devenue facultative. Mais
tout ce qui concerne sa mise en œuvre et ses effets, subsiste.

12
- L’administration doit procéder à l’évaluation des immeubles objets de l’expropriation
afin de fixer le montant de l’indemnité objet de ses offres. Si elle aboutit à un accord,
elle met un terme à la procédure de l’expropriation et fait l’économie de la phase
juridictionnelle.

4.1- L’évaluation des immeubles à exproprier


- La fixation de l’indemnisation par l’administration, objet de son offre aux expropriés,
est utilisée dans 3 cas :
→ Le cas du transfert de la propriété par un accord à l’amiable tel que défini à
l’article 42 ;
→ Le cas du dépôt d’une requête auprès du tribunal administratif, statuant dans la
forme des référés, pour que soit ordonné la prise de possession par
l’expropriant de l’immeuble objet de l’expropriation (Art. 19 et 24) ;
→ Le cas du dépôt d’une requête auprès du tribunal administratif, tendant à faire
prononcer le transfert de propriété et fixer les indemnités.
- En application de l’article 42 de la loi 7-81, l’article 7 de son décret d’application
dispose que « … la commission chargée de fixer le prix des immeubles ou des droits
réels frappés d’expropriation se compose de :
 Les membres permanents sont :
→ L’autorité administrative locale ou son représentant, président ;
→ Le chef de la circonscription domaniale ou son délégué ;
→ Le receveur de l’enregistrement et du timbre ou son délégué ;
→ Le représentant de l’expropriant ou de l’administration au profit de
laquelle la procédure de l’expropriation est poursuivie.
 Sont membres non permanents, suivant la nature de l’immeuble :
Terrains urbain → l’inspecteur des impôts urbains ou son délégué ;
bâtis ou non bâtis → l’inspecteur de l’urbanisme ou son délégué.

Terrain → le représentant provincial du ministère de l’agriculture ou son représentant ;


ruraux → l’inspecteur des impôts ruraux ou son délégué.

 Le secrétariat est assuré par l’autorité expropriante.


- La loi 7-81 n’a pas fixé les modalités de fonctionnement de cette commission. Ce qui
pose des problèmes de délais et dates de ses réunions, du mode de vote et de prise de
décisions et le rôle assigné aux membres permanents et non permanents ;
- Dans la pratique, la commission se réunit au siège de l’autorité locale sur la demande
de l’expropriant. Elle consigne ses décisions dans un procès-verbal envoyé aux
autorités administratives intéressées ;
- Les indemnités fixées par la commission d’évaluation n’obligent pas les expropriés au
moment de l’offre qui leur est faite. Ils peuvent contester son montant auprès du juge
dans la phase juridictionnel.

4.2- La tentative d’accord à l’amiable


- Dans le cadre de la procédure de l’expropriation et dès la fixation des indemnités par
la commission d’évaluation d’expropriation, l’expropriant peut tenter l’acquisition à
l’amiable des immeubles, objet de l’expropriation ;

13
- Selon l’article 42, si après la publication de l’acte de cessibilité, l’expropriant et
l’exproprié s’entendent sur le prix fixé par la commission et sur les modalités de
cession de l’immeuble ou des droits réels frappés d’expropriation ou sur le transfert de
la possession, cet accord, qui doit être conclu en application de l’acte de cessibilité est
passé selon deux modalités :
A- Lorsque l’exproprié réside dans le lieu de situation de l’immeuble exproprié :
a) Cas de l’accord amiable sur la cession de l’immeuble
- L’accord passé par un procès-verbal est signé par les parties devant l’autorité
administrative locale du lieu de situation de l’immeuble. Cet accord est préparé en 04
exemplaires destinés : aux archives, au service de l’enregistrement, à la conservation
de la propriété immobilière et à la trésorerie générale ;
- L’exemplaire destiné à la conservation foncière sert à l’inscription de la cession de
l’immeuble au nom du nouveau propriétaire ;
- Une copie certifiée conforme à l’original du procès-verbal de l’accord à l’amiable de
cession de l’immeuble est remise aux propriétaires intéressés.
b) Cas de l’accord amiable sur le transfert de la possession de l’immeuble
- Un accord amiable peut, également, intervenir dans les mêmes conditions entre
l’expropriant et l’exproprié, en ce qui concerne la prise de possession. Dans ce cas le
montant de l’indemnité provisionnelle (fixée par la commission administrative
d’évaluation) allouée vient en déduction de l’indemnité d’expropriation. La perception
de cette indemnité provisionnelle ne porte pas atteinte aux droits des intéressés de
faire valoir ultérieurement en justice l’intégralité de leurs prétentions.
B- Lorsque l’exproprié ne réside pas dans les lieux de situation de l’immeuble
exproprié
- L’accord est conclu conformément aux dispositions du droit privé (article 4 du
C.D.R. : par acte authentique ou par acte à date certaine dressé par un avocat agréé
près de la Cour de Cassation). Cet accord peut concerner la cession de l’immeuble ou
le transfert de la possession.

II- La phase juridictionnelle de l’expropriation

- Elle comprend trois éléments : la prise de possession, le transfert de la propriété et la


fixation de l’indemnité. Mais, puisque la loi n°7-81, comme le Dahir de 1951 a prévu
un contrôle de régularité au juge de l’expropriation, nous allons traiter ces quatre
éléments.
1- Le contrôle juridictionnel de la procédure administrative
- La loi n°7-81 pose le principe selon lequel l’expropriation se réalise par voie
juridictionnelle : « l’expropriation pour cause d’utilité publique s’opère par autorité de
justice » ; (Art. 2).
- Cette loi dispose à l’article 24 : « lorsque la prise de possession est demandée par
l’expropriant, le juge des référés ne peut refuser l’autorisation que pour cause de
nullité de la procédure ;
- Nous allons apprécier ce contrôle au niveau du respect de la procédure d’expropriation
et sur l’utilité publique de l’opération.

14
1.1- Le contrôle juridictionnel du respect de la procédure
d’expropriation
- Depuis leur création le 1er mars 1994, les tribunaux administratifs qui sont devenus
compétents en matière d’expropriation ont accompli un saut qualitatif et quantitatif
dans ce domaine. Ceci en contrôlant la légalité de la procédure et en appréciant le
travail de l’administration dans le déroulement des actes de la procédure. On peut
apprécier la nature de ce contrôle à travers un certain nombre de jugements ;
- Les actes prescrits pour la phase administrative doivent être accomplis sous peine de
nullité. « Le jugement de transfert de propriété peut être prononcé, lorsque la
déclaration d’utilité publique et la procédure ont été accomplis conformément à la loi
7-81… » (trib. adm. de Casablanca, jugement n°189 du 21/6/2000/Remald n°46, sept.
Oct. 2001, p. p. 171-172) ;
- Le non-respect de la procédure met l’expropriant dans une situation de voie de fait :
« considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la commune urbaine d’Al Idrissia
a occupé l’immeuble de la requérante, qu’elle a utilisé comme dépôt pour voitures et
vélos saisis, et que rien dans le dossier ne prouve que la commune a suivi la procédure
d’expropriation conformément à la loi n°7-81, ce qui la met en situation de voie de fait
commise sur la propriété d’un tiers (…) et de ce fait, le droit des requérants a
demander une indemnité au titre de la valeur de l’immeuble (perte subi) et au titre de
la période durant laquelle ils ont été empêchés d’en profiter est ainsi établi (manque à
gagner) (…), le tribunal administratif, condamne la commune urbaine d’Al Adarissa à
payer aux requérants la somme de quatre millions de dirhams ». (trib. adm. de
Casablanca, jugement n°70 du 21 mars 2001 /Remald n°46, sept. Oct. 2001, p.p.235-
236) ;
- Même le commencement de la procédure d’expropriation est jugé inopérant lorsque
l’occupant n’a pas obtenu au préalable une ordonnance de prise de possession et
déposé la requête de transfert de propriété. Il y a par conséquent voie de fait
constitutive d’une faute de service ouvrant droit à indemnité, conformément à l’article
79 du D.O.C. (Trib. adm. de Meknès, n°12/2002/74 du 26/09/2002, dossier n°
12/2201/112, ministère des Habous c/ministère de l’éducation nationale).
- Le dépôt tardive de la requête de transfert de propriété, au-delà de 2 ans, est
sanctionné par le rejet de la demande de transfert de propriété (…), il faut reprendre la
phase administrative dans son intégralité » (trib. d’Oujda, Etat marocain c/AL HAJ
Alhabib Mimoun, La Gazette du Palais, n°8, mai 2004, p.p. 198-200).

1.2- Le contrôle juridictionnel de l’utilité publique


- Le recours en annulation pour excès de pouvoir, lorsque les actes administratifs sont
pris par décret, doit être porté devant la cour suprême ; quand il s’agit d’arrêtés
(exemple : arrêté d’alignement), le recours est du ressort des tribunaux administratifs ;
- Le contrôle de la Cours Suprême (Cour de Cassation) a connu depuis 1990 une
évolution importante. La Cour s’est décidée de pousser davantage son contrôle au lieu
de vérifier la matérialité des faits ;
- L’utilité publique est vérifiée en fonction de la destination de l’ouvrage projeté :
« Considérant que l’idée de créer une zone industrielle dans la ville de Marrakech, n’a
pas pour objectif de dépouiller les particuliers, y compris les requérants de leur
propriété, mais d’attirer les capitaux nationaux pour créer des industries vitales (…) ce
qui signifie que l’élément d’utilité publique est établi et que le décret attaqué n’est pas
entaché d’excès de pouvoir » (Cour Suprême, arrêt n°176 du 13/06/1991, dossier

15
n°10394/89). Le même raisonnement a été retenu pour la création d’un lotissement
d’habitation (Cour Suprême, Arrêt n°557 du 21/12/1995).
- La Cour Suprême a ouvert la voie depuis l’arrêt du 7 mai 1997 (Arrêt n°500, dossier
n°1995/63, Arrêts de la cour suprême en matière administrative 1958-1997, p.473 et
ss.) à l’utilisation de la théorie du bilan : coût-avantage dans le domaine du contrôle de
l’utilité publique où l’administration jouissait jusqu’alors d’un pouvoir discrétionnaire
très large.
- La théorie du bilan se base sur la vérification : « si les atteintes à la propriété privée, le
coût financier et les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas
excessifs eu égard à l’intérêt de l’opération ». théorie appliquée par la jurisprudence
française.
2- La prise de possession
- L’expropriant peut toujours prendre possession de l’immeuble avec l’accord amiable
du propriétaire, à la seule condition de verser une indemnité provisionnelle. Mais en
cas de refus, la prise de possession est également possible par le recours au juge des
référés.
- « Dès que les formalités relatives à l’acte de cessibilité (…) ont été accomplies (…),
l’expropriant dépose auprès du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé
l’immeuble, une requête tendant à faire prononcer le transfert de propriété et fixer les
indemnités.
L’expropriant dépose également, auprès dudit tribunal, statuant cette fois dans la
forme des référés, une requête pour que soit ordonné la prise de possession moyennant
consignation ou versement du montant de l’indemnité proposée … » (Art. 18).
- Le juge des réfères ne peut refuser cette prise de possession que dans le cas où la
procédure suivie par l’administration est entachée de nullité (Art. 24).
Donc, il a la compétence de contrôler la régularité des actes administratifs de la
procédure, réalisés par l’expropriant. La requête tendant à prononcer le transfert de la
possession doit être accompagnée de documents attestant cette régularité.
- L’ordonnance du juge des référés autorisant la prise de possession n’est susceptible ni
d’opposition, ni d’appel (Art. 32).
3- Le transfert de propriété
- Afin d’obtenir le transfert de propriété, l’expropriant doit déposer une requête
introductive d’instance devant le tribunal administratif du lieu de situation de
l’immeuble dans les deux ans à compter de la publication. Si cette requête n’a pas été
déposée au cours de ce délai, l’expropriation ne peut être prononcée qu’en vertu d’une
nouvelle déclaration d’utilité publique (Art. 17) ;
- Cette règle est d’ordre public, le juge doit veiller à contrôler l’application de ce délai
d’office. Il est aussi compétent pour le contrôle de la régularité de la procédure de
l’expropriation, surtout que l’article 1er de la loi 7-81 dispose qu’elle ne peut être
poursuivie que dans les formes prescrites par cette loi ;
- L’article 18 (3° al.) dispose que par dérogation à l’article 32 du code de la procédure
civile, les 2 requêtes (auprès du juge des référés et la requête introductive d’instance)
sont recevables nonobstant le défaut des énonciations prescrites audit article (noms,
prénoms, qualités … du défendeur) si l’expropriant ne peut la rapporter.
- Les 2 requêtes ci-dessus, qui doivent préciser le montant des offres de l’expropriant
sont assorties de toutes les pièces justificatives de l’accomplissement des formalités de
la procédure administrative (Art. 18, al. 4). Ces pièces sont dans la pratique :
16
→ Un exemplaire du décret de la D.U.P., avec l’indication du B.O. de sa
publication ;
→ Un exemplaire du plan de la zone qui accompagne le décret ;
→ Les certificats attestant le dépôt, la publicité et l’affichage ;
→ Le registre des remarques (copie) ;
→ Un exemplaire du P.V. de la commission administrative d’évaluation ;
→ Le certificat attestant l’inscription sur les livres fonciers quand il s’agit
d’immeubles immatriculés ou en cours d’immatriculation ;
→ Le certificat attestant l’inscription sur le registre spécifique au greffe du
tribunal administratif, quand il s’agit d’immeubles non immatriculé ;
→ L’attestation de publication du décret ;
→ Le B.O. de publication du décret ;
→ Les journaux ayant publié le projet de décret ;
→ Les journaux ayant publié l’avis du décret de l’expropriation.
4- La fixation de l’indemnité
- Elle est réalisée par le jugement qui prononce le transfert de la propriété. Cette
indemnité définitive fixée par le juge ne doit pas être, dans tous les cas inférieure, à
l’indemnité proposée par la commission administrative d’évaluation (jugement du
Trib. Adm. d’Agadir du 14/03/1996, n° 531/96, dossier n°15/94). En plus, le tribunal
n’est pas dans l’obligation d’adopter l’indemnité proposée par cette commission
puisqu’elle a été rejetée par les intéressés. (Arrêt de la Cour Suprême n°714 du
24/10/1996, dossier n°480/5/1/1996).
- Le tribunal chargé de l’évaluation de cette indemnité n’est pas libre ; la loi 7-81 pose
un certain nombre de règles à respecter dans cette évaluation, notamment dans son
article 20 :
→ « l’indemnité d’expropriation ne doit indemniser que le dommage actuel et
certain directement causé par l’expropriation ; elle ne peut s’étendre à un
dommage incertain, éventuel ou indirect »,. (Arrêt C.A. Cour Suprême du 1er
juin 2005, GTM n° 100, p. 144 et ss.). Le juge peut se faire aider dans cette
évaluation par des experts. L’avis de ces derniers est important dans la mesure
où le tribunal sera tenté de le suivre. Il est donc utile à l’expropriant de
remettre à l’expert une fiche technique justifiant l’évaluation de la commission
administrative.
→ « elle est fixée d’après la valeur de l’immeuble au jour de la décision
prononçant l’expropriation sans qu’il puisse être tenu compte, pour la
détermination de cette valeur, des constructions, plantations et améliorations
faites, sans l’accord de l’expropriant, depuis la publication ou la notification de
l’acte déclaratif d’utilité publique désignant les propriétés frappées
d’expropriation ».
→ « l’indemnité ainsi calculée ne peut dépasser la valeur de l’immeuble au jour
de la publication de l’acte de cessibilité ou de la notification de l’acte déclaratif
d’utilité publique désignant les propriétés frappées d’expropriation. Il n’est pas
tenu compte dans la détermination de cette valeur des éléments de hausse
spéculative qui se seraient manifestés depuis l’acte déclaratif d’utilité publique.

17
Toutefois, dans le cas où l’expropriant n’a pas déposé, dans un délai de six
mois à compter de la publication de l’acte de cessibilité ou de la notification de
l’acte d’utilité publique désignant les immeubles frappés d’expropriation, la
requête tendant à faire prononcer l’expropriation et fixer les indemnités ainsi
que celle demandant que soit ordonnée la prise de possession, la valeur que ne
peut dépasser l’indemnité d’expropriation est celle de l’immeuble au jour où a
lieu le dernier dépôt de l’une de ces requêtes au greffier du tribunal
administratif ».
Les dates de la fixation de l’indemnité d’expropriation telles qu’elles sont
fixées par la loi 7-81 sont des dispositions légales que le tribunal doit appliquer
sous le contrôle de la cour de cassation (Arrêt de la C.A. de la cour suprême du
14 mars 1985, Revue AL MOHAMI, Marrakech n°7, p.87 et ss.).
→ « le cas échéant, l’indemnité est modifiée en considération de la plus-value ou
de la moins-value résultant, pour la partie de l’immeuble non expropriée, de
l’annonce de l’ouvrage ou de l’opération projetée ».
- « Dans le cas où il existe des droits d’usufruit, d’usage, d’habitation ou autres droits
analogues ou de même nature (Droits réels), une seule indemnité est fixée par le juge
de l’expropriation eu égard à la valeur totale de l’immeuble. Les divers intéressés
exercent leurs droits dur le montant de l’indemnité ». (Art. 21).
- « Si les immeubles expropriés sont occupés par des locataires réguliers (Droit
personnel) dûment déclarés à la suite de l’enquête administrative prévue à l’article 10,
ou régulièrement inscrits sur les livres fonciers, leur indemnisation ou éventuellement,
leur recasement, lorsque la possibilité en est offerte, sera à la charge de l’expropriant »
(Art. 22).
L’indemnisation de ces droits personnels doit être distinguée et fixée indépendamment
de l’indemnité des titulaires des droits réels.
- Les décisions judiciaires prononçant l’expropriation ou autorisant la prise de
possession sont notifiées d’office par le greffier du tribunal administratif à
l’expropriant et aux intéressés, et font l’objet de publication et d’un affichage au siège
de la commune du lieu de situation de l’immeuble exproprié. (Art. 26).
- La décision judiciaire prononçant le transfert de la propriété et fixant l’indemnité n’est
pas susceptible d’opposition. Elle est susceptible d’un appel ayant pour seul objet la
fixation de l’indemnité. (Art. 32).
 Paiement ou consignation de l’indemnité
- « L’indemnité provisionnelle et celle fixée par jugement sont versées dés
l’accomplissement des formalités (de notification et de publicité) prévues à l’article
26 » Art. 29.
- « Toutefois, quand les ayants droit ne se sont pas fait connaître, les indemnités leur
revenant doivent être consignées à la Caisse de Dépôt et de Gestion. Il en est de
même, si les titres justificatifs de propriété ne sont pas produits ou sont jugés
insuffisants » (Art. 30).
- « Si les sommes dues ne sont pas versées ou consignées dans le délai d’un mois à
compter de la notification ou de la publication du jugement de la prise de possession
ou d’expropriation, des intérêts aux taux légaux (6%) en matière civile courent de
plein droit au profit des intéressés dès l’expiration de ce délai.
Des intérêts courent également en plein droit au profit des intéressés, lorsque les
sommes consignées n’ont pas été déconsignées dans le délai d’un moins à partir du

18
jour où les intéressés ont produit soit des titres valables, soit la mainlevée des
oppositions ». (Art. 31).
 Les incidents à la procédure normale de l’expropriation
 La procédure d’urgence
→ Pour travaux militaires : l’administration a la possibilité de s’affranchir de la
publicité de la D.U.P. et de l’enquête administrative, à condition que l’acte de
la D.U.P. désigne en même temps l’immeuble à exproprier et qu’il soit notifié
aux propriétaires présumés. (Art. 14).
→ Réglementation spéciale pour le regroupement au profit de l’Etat de certaines
ressources hydrauliques. (Art. 41).
 La réquisition d’emprise totale
« Le propriétaire d’une partie d’un bâtiment frappé en partie d’expropriation peut en exiger
l’acquisition totale par une déclaration expresse adressée à l’expropriant avant l’expiration du
délai de 2 mois prévu à l’article 10 ».
Il en est de même du propriétaire qui, à la suite de l’expropriation partielle d’un terrain lui
appartenant, ne conserverait qu’une parcelle reconnue inutilisable au regard des règlements
d’urbanisme ou d’une exploitation viable. (Art. 23).
 Utilisation pour travaux différents
« Si l’expropriant veut utiliser un immeuble acquis par voie d’expropriation pour des travaux
ou opérations différents de ceux qui ont justifié l’expropriation, il ne pourra le faire que
lorsque ce changement d’affectation aura été autorisé par un acte administratif. (décret) (Art.
39).
 L’expropriant peut-il renoncer à l’expropriation ?
- La renonciation est possible sous conditions, selon l’article 43 qui dispose « … si à
n’importe quel stade de la procédure administrative ou judiciaire avant le prononcé du
transfert de propriété, l’expropriant, pour quelque raison que ce soit, renonce à
l’expropriation de tout ou partie d’un immeuble compris dans la zone frappée
d’expropriation ou désigné dans l’acte de cessibilité, cette renonciation donne lieu à
l’établissement par l’expropriant, d’un rectificatif, de l’acte déclaratif d’utilité
publique ou de l’acte de cessibilité. »
- Cette renonciation peut engendrer des dommages aux expropriés ; ce qui leur donne le
droit de soulever la responsabilité de l’Etat sur la base des articles 79 et 80 du D.O.C.
 La rétrocession est-elle possible ?
- L’expropriant ne peut revendre les immeubles acquis par voie d’expropriation depuis
moins de cinq ans qu’en recourant à la procédure de l’adjudication. Pendant le même
délai, les précédents propriétaires ont la faculté de reprendre leurs immeubles au prix
initial à la condition de verser ce dernier dans le délai de vingt jours. (Art.40).
- Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque la destination
prévue dans la déclaration d’utilité publique a été remplie ou lorsque l’immeuble est
revendu à une autre tierce personne physique ou morale avec obligation de lui donner
la destination prévue par l’acte déclaratif d’utilité publique. (Art. 40).

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