Martinez Perez Etal 2015 - ProjetTherapeutiqueLigneDeBase
Martinez Perez Etal 2015 - ProjetTherapeutiqueLigneDeBase
Martinez Perez Etal 2015 - ProjetTherapeutiqueLigneDeBase
E xamens Interventions
Key words : therapeutic project, objectives, remediation, speech and language therapy
E xamens Interventions
Orianne DOR
Master en Logopédie
Christelle MAILLART
Docteur en Logopédie
Professeur Ordinaire
Unité de Logopédie Clinique
Université de Liège, Belgique
Adresse de correspondance
Université de Liège
Unité de Logopédie Clinique - Trecy MARTINEZ PEREZ
30, rue de l'Aunaie (B38)
4000 Liège (Sart-Tilman)
Belgique
“L
es orthophonistes-logopèdes doivent prodiguer le meilleur traitement
possible à leurs patients » (Charte Ethique professionnelle des ortho-
phonistes-logopèdes de l’Union Européenne, 1999). S’il est évident
que les orthophonistes n’ont pas une obligation de résultats, ils s’engagent par
contre dans une obligation de moyens. Malgré le caractère chronophage de cette
étape, l’élaboration d’un projet thérapeutique constitue une étape indispensable
du traitement et en augmente la qualité.
Afin d’assurer ce rôle de balise du traitement, le projet thérapeutique doit être
individualisé, précis, argumenté et évalué. Il doit ainsi être adapté aux besoins, à
la personnalité, à la pathologie et aux potentialités du patient. Pour cela, il est
construit sur base d’une évaluation langagière approfondie et en concertation avec
le patient et son entourage. Le projet thérapeutique doit également être clair et dé-
taillé pour assurer la cohérence et la continuité des interventions, surtout lorsque
la prise en charge s’insère dans un contexte multidisciplinaire. Ensuite, les objec-
tifs doivent être argumentés. L’une des conditions pour une pratique de qualité
renvoie à la prise de décisions argumentées y compris lors de la définition du pro-
jet thérapeutique (Pourquoi choisir cette cible ? Opter pour cette stratégie ? Ma-
nipuler cette variable ?). Finalement, ce projet thérapeutique n’est pas figé et évolue
selon les progrès ou l’absence de progrès du patient, selon les résultats de la prise
en charge mesurés au cours du traitement.
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E xamens Interventions
E xamens Interventions
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E xamens Interventions
Le choix des objectifs à long terme et à court terme découle directement des
capacités langagières altérées et des atteintes sous-jacentes identifiées lors de l’éva-
luation orthophonique. Choisir un objectif implique également de sélectionner le
type d’objectif poursuivi. Olswang et Bain (1991) proposent trois types d’objec-
tifs pour la prise en charge orthophonique : le premier est d’éliminer le problème
langagier, le deuxième est de modifier le problème langagier, le dernier est d’ap-
prendre des stratégies de compensation ou d’agir sur l’environnement du patient.
Le choix du type d’objectif est généralement lié à l’âge du patient et/ou à la sé-
vérité du déficit. Ainsi, pour les jeunes enfants et/ou les patients présentant des
troubles isolés ou de faible intensité, l’orthophoniste essaie généralement de res-
taurer un langage normal. Pour les patients plus âgés et/ou avec une longue his-
toire d’intervention, le recours à la mise en place de stratégies de compensation
apparait généralement plus bénéfique.
Lorsque de nombreuses difficultés ont été observées chez le patient, l’ortho-
phoniste est contraint de prioriser les objectifs à long terme de son intervention.
Classiquement, le clinicien débute par ce qui est le plus sévèrement atteint ou ce
qui affecte le plus le patient dans son quotidien familial et scolaire. D’autres cri-
tères peuvent néanmoins aider le clinicien à prendre ses décisions. Ainsi, les ob-
jectifs à long terme prioritaires pourraient être ceux qui ciblent une stratégie plutôt
qu’un travail sur des items spécifiques afin d’augmenter la portée de la prise en
charge. Dans cette optique, face à un patient qui présente notamment des diffi-
cultés dans la lecture par voie d’assemblage et dans l’orthographe d’usage, l’or-
thophoniste ciblera le travail du décodage comme objectif à long terme. En effet,
sur base d’un nombre limité de mots travaillés en séance, cette rééducation per-
mettra à l’enfant de lire correctement des mots non travaillés (rééducation d’une
stratégie). Au contraire, les bénéfices d’un travail au niveau de l’orthographe d’usage
se limiteront aux mots travaillés en séance (rééducation d’items spécifiques) et la
portée de la prise en charge sera par conséquent plus faible.
Pour d’autres patients, l’orthophoniste pourrait être amené à sélectionner prio-
ritairement un objectif à long terme en raison de son impact positif sur une autre
composante langagière ne pouvant pas être travaillée par manque de temps ou
refus du patient. Tyler et al. (2003) ont ainsi montré que l’intervention sur la mor-
phosyntaxe améliore la phonologie de jeunes enfants anglophones avec des trou-
bles phonologiques et morphosyntaxiques expressifs. Par contre, l’intervention en
phonologie n’agissait que sur la phonologie et les progrès en morphosyntaxe n’étaient
pas significatifs par rapport au groupe contrôle. Comme le souligne Schelstraete
(2011), des études supplémentaires sont toutefois nécessaires pour généraliser ces
conclusions.
E xamens Interventions
Finalement, dans certains cas, l’ampleur des difficultés du patient peut placer
le clinicien devant des choix difficiles. McCauley et Fey (2006) décrivent les ob-
jectifs à long terme comme des aires identifiées en raison de leur importance fonc-
tionnelle pour le patient. Dans cette optique, l’objectif à long terme prioritaire sera
celui qui permet au patient d’utiliser un langage plus fonctionnel. Sachant que le
langage sert principalement à renforcer les liens entre les personnes et à manipu-
ler le monde pour répondre à ses besoins, les composantes langagières qui seront
travaillées en premier lieu seront celles qui limitent directement les interactions
ou l’expression des besoins du patient.
Lorsqu’un objectif à long terme est sélectionné, l’orthophoniste identifie les
étapes nécessaires (objectifs à court terme) pour l’atteindre. La sélection des ob-
jectifs à court terme repose notamment sur des connaissances théoriques du pro-
cessus langagier ciblé, des mécanismes et des prérequis sous-jacents (ex. des bases
dans la voie de lecture par assemblage sont nécessaires pour développer la voie
de lecture par adressage (Share, 2008) et seront donc travaillées en premier lieu)
et sur les recommandations dans la pathologie langagière identifiée (ex. dans le
cas d’une dyspraxie verbale, la stabilité des erreurs constituera l’objectif à court
terme prioritaire, McIntosh & Dodd, 2009). Pour d’autres patients, les objectifs à
court terme constituent les étapes pour passer d’un contexte structuré (ex. pro-
duction d’un phonème cible en dénomination d’images) à un contexte non struc-
turé (ex. production d’un phonème cible en langage spontané). Finalement, les
objectifs à court terme peuvent également cibler des facettes complémentaires
mais relativement indépendantes de l’objectif plus large (ex. dans le travail d’en-
richissement sémantique, à chaque objectif à court terme correspond une catégo-
rie sémantique particulière).
Résultat attendu
L’ « outcome » correspond au résultat que l’orthophoniste souhaite atteindre à
travers l’objectif à court terme. Il prend la forme d’une phrase qui décrit le com-
portement attendu (A), la cible travaillée (B), le contexte d’apparition de la cible
(C) et le critère d’atteinte (D).
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E xamens Interventions
COMPORTEMENT (A)
Le comportement ciblé à travers l’objectif à court terme doit correspondre à
un comportement fidèle et mesurable. La notion de fidélité est similaire à celle
employée pour les outils d’évaluation et renvoie à la constance de la mesure (Gré-
goire, 2006) ou du comportement. Un comportement fidèle est stable dans le temps
(fidélité test-retest : à deux moments distincts, le même comportement doit être
présent) et est jugé de manière équivalente par plusieurs personnes (fidélité inter-
juges : plusieurs adultes s’accordent pour dire que le même comportement est ap-
paru). Ensuite, le fait que le comportement soit mesurable permet d’évaluer si
l’objectif à court terme est atteint (cf. section 5). Pour que le comportement soit
fidèle et mesurable, il doit être observable, c’est-à-dire pouvoir être vu et/ou en-
tendu, et posséder un début et une fin. Le choix du verbe (et donc du comporte-
ment ciblé) a toute son importante et contribue au caractère fidèle et mesurable.
Ainsi, on privilégie les verbes suivants : répondra, classifiera, définira, imitera,
nommera, demandera, écrira. Par contre, les verbes (et comportements) suivants
sont peu pertinents : réalisera, connaitra, explorera, examinera, améliorera, inté-
grera, appréciera, visualisera, essaiera.
CIBLE (B)
La cible de l’intervention – le quoi traiter – est au centre du résultat attendu.
Le choix de la cible constitue l’une des décisions cliniques importantes de l’or-
thophoniste. Ce choix peut se baser sur différents critères selon le profil et les be-
soins du patient :
(1) Forme ou fonction dans la zone proximale de développement (ZPD) du
patient. Nelson et al. (1996) suggèrent que les formes/fonctions qui n’apparais-
E xamens Interventions
sent pas dans la communication du patient sont moins susceptibles d’être rapide-
ment améliorées lors de l’intervention. Au contraire, les formes/fonctions qui sont
majoritairement utilisées par le patient, même si quelques erreurs restent présentes,
ne constituent pas des cibles de l’intervention car elles vont probablement s’amé-
liorer sans rééducation directe. Ainsi, Paul et Norbury (2012) suggèrent de dis-
tinguer des objectifs de très haute priorité (ce sont les formes et fonctions qui sont
utilisées par le patient dans 10 % à 50 % des situations), des objectifs de haute
priorité (ce sont des formes et fonctions qui sont utilisées par le patient dans 1 %
à 10 % des situations mais qui sont comprises dans des épreuves réceptives) et des
objectifs de faible priorité (ce sont des formes et fonctions qui sont utilisées dans
50 % à 90 % des contextes ou des formes et fonctions qui ne sont jamais utilisées
et qui ne sont pas comprises dans des épreuves réceptives). Cette stratégie de sé-
lection de la cible peut être mise en relation avec le concept de ZDP de Vygotsky
(1978). La ZPD correspond à la distance entre le niveau présenté par l’enfant et
son niveau potentiel de performance, c’est-à-dire ce que l’enfant est capable de
faire avec l’aide d’un adulte compétent. Selon ce critère, choisir une cible d’in-
tervention qui se situe dans le niveau de connaissance de l’enfant constitue une
perte de temps. Par exemple, si l’enfant produit correctement un morphème dans
80 % des cas, cela signifie qu’il n’a pas besoin d’aide. Il n’est pas mis en défi d’as-
similer une nouvelle connaissance mais démontre simplement ce qu’il sait déjà
faire. Choisir de travailler cette cible confortera le clinicien mais ne permettra pas
à l’enfant d’acquérir de nouvelles formes ou fonctions du langage. Par contre, si
l’enfant produit le morphème dans 40 % des cas, le clinicien peut émettre l’hy-
pothèse que ce morphème se situe dans la ZPD de l’enfant. A l’opposé, l’ortho-
phoniste ne choisira pas une cible qui se situe en dehors de la ZPD de l’enfant.
Celui-ci ne parviendra pas à l’acquérir et n’apprendra rien. Selon Lidz et Gindis
(2003, cités par Paul & Norbury, 2012), l’évaluation dynamique apparait particu-
lièrement intéressante pour identifier les formes et les fonctions qui ne sont pas
acquises par l’enfant mais qui apparaissent avec une aide, suggérant que ces formes
et ces fonctions se situent dans la ZDP de l’enfant. En phonologie, la ZPD est opé-
rationnalisée en termes de stimulabilité. Un phonème est dit stimulable s’il peut
être produit de façon isolée par l’enfant sur imitation directe avec un indice audi-
tif ou visuel, avec ou sans instruction, encouragement ou feedback. Si un phonème
est non stimulable chez l’enfant, peu de progrès spontanés peuvent être attendus
(Powell & Miccio, 1996). Mais contrairement aux conceptions préalables, certains
chercheurs (Miccio, 2005) proposent d’inclure également des phonèmes non sti-
mulables (et donc hors de la ZDP) pour maximiser les effets thérapeutiques.
(2) Les repères développementaux permettent également de sélectionner la
cible de l’intervention. Les repères de développement suggèrent de débuter par
les aspects langagiers qui sont acquis les plus précocement (souvent les plus sim-
ples) en suivant la séquence normale de développement. Ainsi, l’orthophoniste
choisira de travailler d’abord la production des phrases avec des termes topolo-
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giques qui sont acquises plus précocement dans le développement que la produc-
tion des phrases relatives. Comme le souligne Schelstraete (2011), le fait de com-
mencer la rééducation sur base d’un critère développemental permet de motiver
le patient car les résultats sont généralement plus rapides. Des données récentes
(Gierut et Hulse, 2010) suggèrent cependant que choisir des cibles acquises tar-
divement plutôt que précocement conduit à une meilleure généralisation des ré-
sultats obtenus.
(3) L’efficacité communicative peut constituer le critère de décision. Il sera
privilégié chez les patients qui ne peuvent pas atteindre les niveaux de communi-
cation adulte, comme l’enfant avec un trouble du spectre de l’autisme ou un re-
tard mental (Paul et Norbury, 2012). Choisir d’instaurer et d’utiliser un outil de
communication augmentative et/ou alternative, permettant ainsi au patient d’ex-
primer ses besoins, illustre le recours à ce critère.
(4) La complexité linguistique suggère de cibler une forme ou une fonction
plus complexe afin de favoriser un plus grand transfert (pour des exemples en pho-
nologie, voir Gierut, 2005 ; Schelstraete, 2011) et permettre un gain de temps. En
morphosyntaxe, Thompson et al. (2003) montrent chez des adultes que le fait de
travailler des énoncés plus complexes (tels que L’homme a vu le voleur que l’ar-
tiste chassait) a un impact sur des énoncés plus simples non travaillés (tels que
Qui l’artiste a-t-il chassé ?).
(5) La facilité de rééducation, c’est-à-dire la facilité avec laquelle une forme
ou une fonction peut être rééduquée constitue un dernier critère possible de sé-
lection de la cible. Les formes/fonctions facilement rééducables (a) sont faciles à
démontrer, dessiner ou représenter, (b) se rééduquent via du matériel facile d’ac-
cès ou via un environnement facile à organiser, (c) sont fréquents dans un contexte
naturel. Ce critère permet de rendre la rééducation plus efficace en minimisant le
temps de préparation pour le clinicien et en maximisant les chances que le patient
comprenne le concept et ait l’opportunité de l’utiliser dans des situations réelles
de communication. Mais ce critère doit toujours être utilisé de manière conjointe
avec d’autres critères et ne devra jamais être choisi comme un critère primaire
(Paul et Norbury, 2012). Le clinicien devra garder en tête le risque, dans ce cas,
de n’obtenir que peu de généralisation des résultats.
Si la cible renvoie classiquement à une catégorie particulière d’items à tra-
vailler, dans certains cas, la cible constitue simplement une déclinaison plus pré-
cise du comportement attendu : pour le comportement « demander », la cible correspond
à la manière dont l’enfant doit réaliser sa demande : verbalement, en pointant, en
signant. Pour le comportement « participer », la cible correspond au type de par-
ticipation attendu : en écoutant, en posant une question, en suivant des instruc-
tions. De même, « résoudre un problème » impliquera la description de la stratégie
ou de l’action que l’enfant devra utiliser pour résoudre un problème : demander
de l’aide à un adulte, consulter un document ressource (style dictionnaire).
Rééducation Orthophonique - N° 261 - mars 2015
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E xamens Interventions
Stratégies d’intervention
Lorsque le résultat attendu est défini, l’orthophoniste est amené à sélectionner
les stratégies d’intervention en privilégiant une démarche d’Evidence-Based Prac-
tice. L’Evidence-Based Practice (EBP) correspond à une méthodologie permet-
tant de réduire l’incertitude lors d’une décision clinique. Elle fournit une aide au
choix thérapeutique en se basant sur les meilleures « preuves » issues de la re-
cherche scientifique et l’expérience clinique, tout en tenant compte des préférences
du patient (Sackett et al., 1996). Ces dernières années, de plus en plus d’auteurs
ont développé et discuté l’EBP dans le champ de l’orthophonie (Dollaghan, 2007 ;
Durieux, Pasleau, et Maillart, 2012 ; Maillart et Durieux, 2014a et 2014b).
Afin de choisir les stratégies de rééducation les plus pertinentes pour le patient
(ex. Le programme Lidcomb permet-il de diminuer significativement les dysfluences
et comportements associés au bégaiement chez un enfant qui bégaie depuis plus
de 6 mois ? Le modelage suffit-il à améliorer la production de phrases complexes
à l’oral ? Quelle rééducation permet d’améliorer significativement les capacités
inférentielles chez un enfant d’âge scolaire ?), il est recommandé à l’orthopho-
niste de prendre notamment en considération les données provenant de la recherche
scientifique. L’enquête menée par Durieux, Pasleau, Vandenput, Detroz et Mail-
Rééducation Orthophonique - N° 261 - mars 2015
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E xamens Interventions
lart (2012) montre que 93 % des orthophonistes sondées perçoivent des difficul-
tés à obtenir des informations scientifiques de qualité et la première barrière citée
renvoie à un manque de temps. Néanmoins, de nombreuses initiatives existent et
permettent de faciliter l’étape de collecte d’informations pour le clinicien. Au-delà
des ouvrages et articles de synthèse (ex. Schelstraete (2011) sur les interventions
en langage oral ; Fey, Long, & Finestack (2003) et Proctor-Williams (2009) sur la
façon de travailler la morphosyntaxe), nous proposons au lecteur quelques sources
d’informations utiles.
(1) La « Cochrane Collaboration » est un organisme international qui aide
les intervenants dans le secteur de la santé à prendre des décisions qui tiennent
compte d’informations actualisées et de bonne qualité. A cette fin, la « Cochrane
Collaboration » élabore et diffuse des revues systématiques qui tentent de répon-
dre à des questions précises sur les effets des interventions. Les résumés des re-
vues systématiques sont disponibles gratuitement en ligne. Dans le domaine de
l’orthophonie, on y retrouve notamment une revue systématique qui étudie l’effi-
cacité de l’éducation musicale sur les performances en lecture chez des adoles-
cents et des enfants présentant une dyslexie.
(2) L’ASHA (« American Speech-Language-Hearing Association ») est une
association professionnelle et scientifique américaine qui regroupe des audiolo-
gistes, des orthophonistes et des scientifiques autour du langage, de la parole et
de l’audition. Sur le site internet de l’ASHA, le clinicien pourra trouver des re-
vues systématiques réalisées par l’ASHA ou publiées dans des revues scientifiques
internationales ainsi que des résumés de recommandations pour la pratique cli-
nique (guidelines). Parmi les documents diffusés, l’orthophoniste pourra notam-
ment lire la synthèse des recherches ayant étudié l’utilisation de la communication
augmentative et alternative pour la production de la parole chez des personnes
avec un trouble développemental.
(3) La base de données speechBITE rassemble finalement les études ayant
exploré les effets d’interventions langagières. Le moteur de recherche en ligne
permet d’accéder à des synthèses de revues systématiques, des études contrôlées
randomisées ou non, des études de cas uniques ou multiples ainsi que des recom-
mandations pour la pratique clinique.
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E xamens Interventions
E xamens Interventions
En pratique, la mesure (1) qui permet d’objectiver les progrès du patient com-
prend des items travaillés en séance et le clinicien s’attend à un progrès sur
cette mesure après la rééducation.
• Par exemple, en cas de travail de la catégorie sémantique des animaux, la
mesure (1) inclut notamment les items suivants à dénommer avant et après
plusieurs semaines de prise en charge : insecte, reptile, chimpanzé, galo-
per, planer.
• Par exemple, en cas de travail de la morphologie dérivationnelle pour en-
richir l’orthographe d’usage, la mesure (1) inclut les mots suivants à écrire
avant et après plusieurs semaines de prise en charge : renard, camp, haut,
éclat, allemand.
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E xamens Interventions
ment aux items travaillés lors de l’intervention mais seront également visibles pour
des items non travaillés et pour lesquels la stratégie s’applique. Une mesure sup-
plémentaire (2) est donc construite par le clinicien afin de vérifier que le patient
a réellement intégré la stratégie (c’est-à-dire qu’il est capable de l’appliquer à des
nouveaux items) et que les progrès relevés pour la mesure (2) ne sont pas la consé-
quence d’une simple mémorisation par cœur des items travaillés en séance.
Pour certaines interventions, plusieurs transferts peuvent être postulés sur base
des connaissances du clinicien sur les mécanismes en jeu et les études ayant pré-
cédemment montré des généralisations de la prise en charge. Plusieurs mesures
sont alors construites et proposées au patient (cf. section 6.4.). Dans d’autres in-
terventions, le clinicien n’a pas d’hypothèse a priori car aucun lien ni étude n’a
montré l’effet de cette stratégie d’intervention sur cet aspect langagier. L’ortho-
phoniste peut alors envisager de proposer une mesure supplémentaire (3) afin d’ex-
plorer un éventuel transfert de la prise en charge.
E xamens Interventions
Décisions cliniques
Lorsqu’il construit une ligne de base thérapeutique, le clinicien est amené à
prendre une série de précautions méthodologiques : (1) veiller à l’équivalence des
mesures (A-B-C) en termes de difficultés initiales afin d’éviter que les progrès sur
une mesure ne soient liés à une meilleure performance au départ pour cette me-
sure ; (2) proposer un nombre élevé d’items afin d’augmenter la sensibilité des
mesures et détecter les progrès du patient (ex. choisir minimum 10 items par me-
sure) ; (3) veiller à la stabilité des mesures afin d’augmenter leur fidélité (ex. pro-
poser la mesure à deux reprises avant et deux reprises après la prise en charge) ;
(4) contrôler un maximum de variables psycholinguistiques afin d’apparier au
mieux les mesures (ex. pour le travail de la phonologie, contrôler la fréquence des
mots, la position du son travaillé dans le mot et la structure syllabique) ; (5) ne
coter dans la mesure que ce qui est visé par la prise en charge (ex. si le travail porte
sur le décodage du digraphe an, le patient recevra un point s’il lit ETRANGUE
pour ETRANGE car la cible est correctement décodée). Face à ces recommanda-
tions méthodologiques, le clinicien devra en pratique trouver un compromis entre
un idéal théorique (des mesures hautement contrôlées, appariées et fidèles) et des
contraintes de temps ou de disponibilités des items.
L’orthophoniste devra finalement choisir les tâches proposées au patient en lien
avec l’outcome qui aura été préalablement défini (ex. dénomination, phrases à
compléter, langage spontané, texte à produire, anecdote à raconter) et le moment
où il lui semblera opportun de proposer à nouveau les mesures afin de vérifier les
progrès du patient.
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E xamens Interventions
♦ Illustrations
La démarche de précision du plan thérapeutique peut être réalisée quel que soit
le domaine langagier ou communicatif visé dans la rééducation. A travers cette
section de l’article, nous illustrons la démarche de précision et d’argumentation
pour quelques objectifs à long terme et à court terme, ainsi que la démarche du
choix des mesures d’évaluation de notre intervention.
Manque du mot
Niveau initial : Luc (11 ans) obtient une performance déficitaire en fluence, ainsi
qu’en dénomination. Par contre, il obtient une performance dans la moyenne en
désignation et l’ébauche phonémique lui permet d’améliorer sa performance en
production, suggérant un problème d’accès au lexique. En langage spontané, Luc
est gêné dans son discours et cherche régulièrement ses mots (cherche en moyenne
3 mots lorsqu’il raconte une anecdote d’environ 5 minutes).
Objectif à long terme : réduire de 50 % les manifestations de manque du mot
(latence de plus de 3 secondes, utilisation de mots remplisseurs) dans le langage
spontané de Luc
Objectif à court terme 1 :
Résultat Luc produira (A) minimum 9 (D) noms ou verbes travaillés
attendu dans la catégorie sémantique « animaux » (B) lors d’une
discussion sur cette catégorie sémantique (C).
Comportement (A) : production spontanée
Cible (B) : noms ou verbes travaillés en séance (au minimum
insecte, mammifère, félin, reptile, chimpanzé, gorille, lézard,
serpent, libellule, bourdon, vautour, aigle, rugir, galoper,
pondre, planer, ramper, grimper).
Contexte d’apparition (C) : discussion autour de la catégorie
sémantique
Critère d’atteinte (D) : minimum 9 parmi les items travaillés
Stratégies • Thérapie mixte (phonologique et sémantique)
d’intervention * Traitement sémantique (catégorisation, identification
d’intrus, identification d’indices)
* Traitement phonologique (segmentation et
identification phonémique, identification de voisins
phonologiques)
• Soutien par la représentation orthographique
E xamens Interventions
Dans cet exemple, chaque objectif à court terme concerne le travail d’une ca-
tégorie sémantique particulière et sera a priori entrainé pendant un mois. Plusieurs
catégories sémantiques (sélectionnées en raison de leur fréquence chez l’enfant,
Rondal et Seron, 2003) ont été proposées à Luc qui a choisi de travailler en pre-
mier lieu les animaux puis les objets quotidiens. Comme suggéré par Rondal et
Seron (2003), les items choisis au sein de la catégorie sémantique ne sont pas les
mots les plus fréquents, car trop prototypiques, ni les mots les plus rares, car moins
fonctionnels et pas nécessairement présents dans le stock lexical de Luc. Les mots
ont été sélectionnés via la base de données Lexique 3.8 (fréquence des lemmes
dans les sous-titres de films). Les items correctement compris + par Luc ont été
conservés pour la prise en charge. Le critère d’atteinte de 9 items a été déterminé
sur la base des normes pour les enfants de 11 ans à l’épreuve de fluence-animaux
de la batterie Exalang 11-15 : moyenne 11.46 et écart-type 2.61.
En ce qui concerne les stratégies d’intervention, les auteurs proposent de com-
biner les thérapies phonologiques et sémantiques afin de diminuer le manque du
mot (Bragard et al., 2012 ; Easton et al., 1997). De plus, Ehri (2014) a montré l’in-
térêt d’utiliser les représentations orthographiques pour soutenir l’enrichissement
sémantique. Ces deux stratégies seront donc principalement utilisées avec Luc.
Finalement, lors des activités proposées à Luc, plusieurs variables seront ma-
nipulées et permettront d’augmenter progressivement la complexité des proces-
sus réalisés par Luc : manipulation de la proximité sémantique et phonologique
(en proposant au départ des mots éloignés puis proches), manipulation du traite-
ment sémantique et phonologique (en lien avec les activités proposées par Bra-
gard et Maillart, 2005 ; Schelstraete, 2011), manipulation de la contrainte temporelle
dans les comportements à réaliser.
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E xamens Interventions
Compréhension à la lecture
Niveau initial : Marine (5ème primaire) présente des difficultés importantes en
compréhension à la lecture et rappel de récit. Elle ne parvient pas à répondre
aux questions demandées : principalement les questions qui reposent sur un
ancrage référentiel (pronoms, plusieurs termes pour désigner un même élément)
ou sur des inférences. Par contre, son décodage est correct et sa vitesse de lecture
est appropriée. De plus, elle parvient à répondre à des questions qui reposent
sur un ancrage spatial ou temporel.
Objectif à long terme : Augmenter de 30 % le nombre de réponses correctes de
Marine à des questions de compréhension écrite
Objectif à court terme 1 :
Résultat Marine répondra (A) à des questions qui/quoi/comment (B)
attendu suite à la lecture d’un texte (C) dans 80 % des cas (D).
Type de questions : reposent sur la compréhension de
l’ancrage référentiel et n’impliquent pas la compréhension
d’inférences
Stratégies • Stratégie métalinguistique
d’intervention • Imagerie mentale
Progression • Familiarité thématique du texte (famille > sport > éveil)
dans les • Type de texte (narratif > informatif > argumentatif)
activités de
• Présence de supports (plusieurs illustrations > quelques
l’intervention
illustrations > rien)
Temps 3 mois
Objectif à court terme 2
Résultat Marine répondra (A) correctement à des questions d’inférences
attendu causales et informatives (élaboration et définition) (B) suite à
la lecture d’un texte (C) dans 90% des cas (D)
Stratégies • Stratégie métalinguistique
d’intervention • Imagerie mentale
• Lecture partagée de livres
Progression • Indices syntaxique, sémantique, phonémique (diminution
dans les progressive)
activités de • Proportion de questions référentielles/inférentielles
l’intervention (inversion de la proportion)
Temps 2 mois
E xamens Interventions
Dans cet exemple, les objectifs à court terme concernent des aspects langagiers
différents mais complémentaires pour atteindre l’objectif à long terme. Notons
que le travail des questions inférentielles tel que proposé par Van Kleeck (2008)
a démontré son efficacité pour l’amélioration des capacités narratives du patient
(Dunst et al., 2012). Par conséquent, choisir de travailler la compréhension d’in-
férences permet a priori d’influencer positivement le rappel de récit, également
problématique chez Marine. Les inférences (cibles de l’objectif à court terme 2)
travaillées ont été sélectionnées sur base de la classification de Van Kleeck (2008).
Les stratégies d’intervention choisies sont assez similaires dans les deux ob-
jectifs à court terme : tout d’abord, une stratégie métalinguistique qui explicite les
éléments à analyser dans le texte (attirer l’attention de l’enfant sur le pronom ou
sur l’inférence à réaliser, inciter l’enfant à se poser des questions, à chercher des
indices dans le texte) (Oakhill, 1994 ; Yuill et Oakhill 1991). La seconde technique
est celle de l’imagerie mentale qui encourage l’enfant à visualiser les différents
segments de phrases (Joffe et al., 2007).
Finalement, dans le premier objectif, la progression concerne le contexte d’ap-
parition des questions, à savoir le type de textes proposés : progression dans les
thématiques (une thématique familière pour l’enfant lui permet de baser partiel-
lement sa compréhension sur des connaissances préexistantes), les structures (un
texte narratif respecte un schéma facilitant la recherche d’informations et la com-
préhension) et les supports (une illustration permettra à l’enfant de compenser ses
échecs de compréhension). Dans le second objectif à court terme, une diminution
progressive des indices aidant Marine à trouver la réponse est proposée et se base
sur les travaux de Desmarais et al. (2013).
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Sonorisations
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E xamens Interventions
Niveau initial : Rémi (24 mois) ne produit que 8 mots et ne les combine pas. Sa
maman est peu réceptive aux initiatives de son enfant (ne répond pas ou après
un long délai).
Objectif à long terme : augmenter le nombre de mots produits par Rémi
(atteindre 50 mots) et faire apparaitre la combinaison (atteindre 5 % de ses
productions)
Objectif à court terme 1 :
Résultat La maman de Rémi répondra par une production verbale (A)
attendu aux initiatives de son enfant (verbales ou motrices) à son égard
(B) dans 80% des cas sur une période de 10 minutes (D).
Objectifs • Objectiver des progrès sur la cible travaillée (1)
poursuivis • Vérifier l’acquisition du conseil « suivre les intérêts » dans
avec un contexte non travaillé (2)
l’évaluation
• Vérifier la spécificité de mon intervention (3)
Attentes • Progrès dans les mesures 1 et 2
• Pas de progrès dans la mesure 3
Epreuves • Mesures 1-3 : jeu libre pendant 10 minutes avec une maison
proposées 3D et des personnages
• Mesure 2 : lecture partagée de livres pour enfants pendant
10 minutes
(1) Application (2) Application du (3) Utilisation de la
du conseil en conseil en situation de stratégie d’incitation
situation de jeu lecture d’un livre par ébauche
E : donne le jouet E : pointe le dragon P : C’est un ca… (camion)
P : (regarde l’E) P:/
E : dit « chat » E : veut tourner la page ….
P : Ho oui, le chat. P : arrête son énoncé et
dit « tu veux tourner la
page ? »
…. …. ….
…. …. ….
…. …. ….
Pré : % Post : % Pré : % Post : % Pré : Post :
E xamens Interventions
♦ Conclusions
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E xamens Interventions
♦ Note
Cet article est lié aux modules sur l’élaboration et l’évaluation du projet thé-
rapeutique proposés aux étudiants du master en Logopédie à l’Université de Liège
dans le cadre d’un stage socle. Celui-ci permet d’entrainer et d’évaluer les com-
pétences professionnelles des étudiants en situation authentique et s’inscrit dans
une démarche de préparation aux stages réalisés sur le terrain, à l’extérieur de
l’université.
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