La Loi Et La Coutume
La Loi Et La Coutume
La Loi Et La Coutume
« Une vieille coutume est plus respectée qu'une nouvelle Loi ». Cette citation de Louis-Philippe
de Ségur permet de s’interroger sur la place qu’occupe la coutume au sein du droit. En effet, de
nombreux exemples de rapport existent entre les deux domaines normatifs à l’image des pratiques en
matière agricole, ou de la transmission du nom patronymique, qui font entrer la question coutumière
dans le droit, et notamment dans la Loi.
La Loi et la coutume sont toutes deux des sources du droit. La coutume est un usage qui acquiert
une force obligatoire par sa répétition, et par l’adhésion des sujets sur qui elle s’applique en son caractère
impératif de règle de droit. Elle se caractérise par deux éléments : un élément matériel et un élément
psychologique. Matériellement, la coutume est une pratique effective qui consiste, pour ses pratiquants,
à adopter un même comportement, sans qu’une loi n’en constitue l’origine. Cette pratique se veut
ancienne, constante et générale afin d’être reconnue comme telle. L'élément psychologique correspond
lui à la croyance des pratiquants dans le caractère obligatoire de cette pratique. En effet, la coutume est
l’une des premières sources du droit constituée en un ensemble de traditions perpétuées par les
générations. Ainsi, pour ce qui est de la Loi, on la définira comme une source juridique écrite, puisqu'elle
procède de l'autorité du peuple et a pour but de créer des règles de droit obligatoires, générales et
sanctionnées. Aussi, la Loi est entendue dans son sens matériel ou formel. Au sens matériel, elle désigne
toutes les sources juridiques qui émanent de l’État, du règlement au projet de loi constitutionnel ; et au
sens formel, elle renvoie seulement aux lois adoptées par le Parlement selon la procédure législative
garantie par la Constitution de 1958. On vient de l’évoquer, la Loi et la coutume sont donc deux des
sources principales du droit.
Ce sujet porte alors un intérêt social, historique et juridique. L'étude de ces éléments se fait
d’abord dans un intérêt social commun par ce que la coutume vient combler de la Loi, mais aussi
historique, puisqu’elle est observée et perpétuée depuis des générations, ainsi qu’un intérêt juridique,
dans le sens où elle émane de l’État et, par définition, régit la population dont nous faisons tous partie.
Ainsi, il est possible de s’interroger sur les distinctions et rapports qu’entretiennent la coutume
et la loi.
Il s'agira donc de traiter en premier lieu des différences entre ces deux sources du droit, et de
développer en second lieu de l'entretien des rapports entre celles-ci.
Ces sources du droit ont des caractéristiques différentes. En effet, même si elles sont
obligatoires, elles le sont par des champs normatifs à valeur inégale.
La Loi et la coutume possèdent des caractéristiques bien différentes. Tout d'abord, la Loi est une
source écrite, ce qui n’est pas le cas de la coutume. En effet, la coutume est une source du droit dite
« spontanée » ce qui signifie que sa règle est spontanément créée par les individus eux-mêmes. De plus,
la coutume est orale et suivie. A l'inverse, la loi est écrite et volontaire.
Les lois sont multiples et se hiérarchisent au sein d’une pyramide de norme, celle de Kelsen :
on y trouve en son sommet le bloc de constitutionnalité ainsi que la loi référendaire à objet
constitutionnel, puis les traités internationaux et le droit communautaire, suivi du bloc de légalité,
constitué par les lois organiques et parlementaires, l'ordonnance de l'Article 38 de la Constitution et le
référendaire à objet législatif, et en sa base se situent les règlements.
Ainsi, la Loi implique par essence une durée de vie : de son entrée en vigueur jusqu'à son
abrogation. Lorsqu'elle est votée, elle n'est pas immédiatement applicable et donc pas automatiquement
considérée comme source du droit. Elle ne peut l’être qu’après un passage par trois
étapes fondamentales : de sa promulgation, à sa publication et à l’écoulement d'un jour franc. Aussi, elle
peut être abrogée de façon expresse, ou par abrogation tacite, mais elle ne peut jamais être abrogée par
désuétude. À l'inverse, la coutume est autonome, comme l’affirme le doyen Jean Carbonnier : « La
coutume s'affirme alors sans ambages comme autonome. ». La coutume apparaît seule, spontanément.
C’est pourquoi elle peut disparaître par désuétude si sa pratique n'est pas constante, perdant alors son
caractère essentiel coutumier.
Il a été démontré ici que la Loi et la coutume entretiennent des caractéristiques différentes selon
leur nature. Il sera maintenant de mise de prouver qu’il en est de même pour ce qui est de leur force
obligatoire.
La Loi et la coutume sont bien différentes en ce qui concerne leur force obligatoire, ce qui les
distingue réside alors dans la nature de cette dernière.
En effet, la Loi crée des règles de droits obligatoires, et est impérative par vocation, régissant
de fait la vie en société, sans quoi s’exercerait une forme de chaos dans les territoires et les États. Ainsi,
il est en principe impossible de déroger à la loi car elle détient une portée universelle et que nul ne peut
ou n’est censé l’ignorer. Y déroger constituerait en une désobéissance, ce qui serait sanctionné par
l’autorité supérieure étatique, seul détenteur de l’exercice de la contrainte physique légitime.
À l'inverse, la coutume devient une force obligatoire, non par l’exercice d’une sanction, mais
par un critère de répétition. En effet, les sujets de cette coutume la font obligatoire par l’adhésion qu’ils
lui portent. Ils croient en son caractère de règle de droit, et la rendent donc impérative par habitude, puis
par transmission. C’est aussi l’aspect psychologique de la coutume qui la maintient dans son statut de
force normative, alors même qu’elle ne constitue pas en une Loi décrétée.
La Loi et la coutume entretiennent un certain nombre de rapport. D’abord, il s’agira de voir que
la Loi s'inspire bel et bien de la coutume, pour ensuite pouvoir montrer qu'elles se complètent dans
certaines situations.
La Loi est inspirée de la coutume. En effet, la coutume est l’une des premières sources du droit,
précédant la Loi. L’écrivain et auteur romain Plaute affirmait que « les lois sont les esclaves de la
coutume. ». La coutume est dès lors très respectée par ses pratiquants, parfois plus que la Loi, puisque
ce sont eux qui l’ont créé. Plaute pointe en ce sens que la coutume est apparue avant la Loi, hiérarchisant
l’échelle de puissance entre les deux normes. La force de la Loi réside dans son origine étatique
obligatoire puisque nul n’est censé l’ignorer ou y déroger. La Loi s'inspire donc de la coutume, base
législative solide et ancrée, pour réussir à établir ou maintenir la paix dans la gouvernance d’une
population. De plus, le respect des lois devient progressivement une habitude. Le critère de la sanction
s’intégrant alors pleinement dans les consciences, menaçant ceux qui la transgressent. Au même titre
que les lois quotidiennes, les diverses coutumes s’appliquent par un phénomène de répétition et
d’habitude.
Aussi, l’édiction d’un Code Civil, à l’aube du 19ème siècle, par une commission nommée par
Bonaparte réunissant Tronchet, Bigot de Préameneu, Maleville et Portalis, est venue regrouper la
multitude d’usages et de textes qui s’éparpillaient alors dans les contrées pour ne former qu’un seul et
même ouvrage, destiné à s’appliquer sur l’ensemble du territoire français et dans les colonies
Napoléoniennes conquises. Ce Code est une preuve supplémentaire de cette inspiration que forme la
coutume pour la Loi. En effet, ce texte est un compromis de divers progrès issus de la Révolution
française, dont les braises sont encore chaudes, et des traditions de l'Ancien Régime, déjà refroidie. Car
tout en ayant intégré les avancées révolutionnaires, ce Code conserve et proclame les coutumes de la
Société qui précédait. Pour n’en citer qu’une, la coutume consacrant l'autorité familiale au père de
famille est intégrée au Code sur ordre de Napoléon, comme c'était le cas sous l'Ancien régime. On assiste
alors à une perpétuation jusque dans l’édiction des règles coutumières.
Ainsi, il vient d’être démontré que la Loi s'inspirait de la coutume. Désormais, il faut aussi voir
que ces deux forces peuvent également se compléter.