Au Dela de L Affaire de La Chloroquine 2021 Didier Raoult
Au Dela de L Affaire de La Chloroquine 2021 Didier Raoult
Au Dela de L Affaire de La Chloroquine 2021 Didier Raoult
À mon équipe
et à tous ceux qui me soutiennent.
P
J’ai pensé que ce livre était nécessaire car en montrant toutes les armes
qui ont été utilisées contre nous pour nous empêcher de traiter les patients
avec un succès inégalé, harcelés que nous étions par ceux qui ont le plus
échoué dans les prises en charge thérapeutiques : l’assistance publique des
Hôpitaux de Paris1, et Londres, qui a eu la plus forte baisse de l’espérance
de vie au monde au cours de cette maladie. Tous ceux-là se sont imposés
comme les porteurs d’une vérité virtuelle, déconnectée de la réalité, pendant
que nous rapportions nos données observées sur plus de 40 000 patients,
traités ici, observés ici, diagnostiqués ici.
Parmi les modes de harcèlement, outre la presse – qui a utilisé tous les
arguments personnels après avoir épuisé les arguments scientifiques et
techniques –, des harceleurs organisés d’un site de calomnie institutionnelle,
appelé PubPeer, se sont mis en place. Puis une information de type Pravda
s’est développée dans les plus grands journaux scientifiques sans qu’aucune
des erreurs d’analyse ait jamais été réanalysée. Il est nécessaire, pour éviter
que des situations similaires se reproduisent, d’analyser dans le détail ce qui
s’est produit à cette occasion.
*
En effet, dans l’épisode du traitement de la COVID-19 par
l’hydroxychloroquine, tous les événements ont été indescriptibles, inattendus,
et témoignent d’une évolution de fond de notre société. À l’occasion de mes
déclarations, puis de mes publications sur l’hydroxychloroquine, j’ai été pris
dans un tsunami, avec un torrent d’insultes, de malveillances, de menaces, de
plaintes, dont il était difficile d’imaginer qu’elles puissent être la
conséquence de la proposition de traiter une maladie pandémique avec un
médicament dont on avait prouvé, depuis bien longtemps, qu’il était
totalement sans danger. Je vais tenter de remettre en perspective ces éléments
pour, encore une fois, laisser la trace de cette guerre et de ses différents
éléments à la mémoire collective. Noam Chomsky, qui est un expert de la
manière de décrypter la propagande et la « fabrication du consentement »2,
rapporte que Goebbels, le grand communicateur du système nazi, disait : « Il
ne serait pas impossible de prouver en le répétant suffisamment et en
maîtrisant la psychologie des personnes qu’un carré est en fait un cercle. »
« On peut façonner les mots, jusqu’à ce qu’ils habillent des idées
déguisées », disait de son côté Husserl3.
1. Audrey G -G , Philippe C , Didier R et coll., “Comparison of mortality
associated with respiratory viral infections between December 2019 and March 2020 with that of the
previous year in Southeastern France”, International Journal of Infectious Diseases, 2020 Jul,
96:154-156, doi: 10.1016/j.ijid.2020.05.001, Epub 2020 May 7, PMID:32389848, PMCID: PMC7204704.
2. Noam C , Edward H , La Fabrication du consentement : de la propagande
médiatique en démocratie, 2008, collection « Contre-Feux » Agone.
3. Edmund H , La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, 4
mars 2004, collection « Tel » Gallimard.
–1–
L
De vieilles connaissances
*
Lorsque j’ai commencé à travailler sur l’hydroxychloroquine, la question
de sa toxicité potentielle a été posée. La toxicité de la chloroquine était
connue chez les gens qui en prenaient pendant des années, en particulier en
Afrique. Si vous posez la question à des Africains, tout le monde a pris des
antipaludéens, et tous ceux de plus de trente ans ont pris plusieurs dizaines
de traitements par la chloroquine. Les gens qui restaient sur place et
prenaient de la chloroquine en permanence ont présenté un certain nombre de
troubles toxiques, liés à l’accumulation de la molécule. L’accumulation dans
la rétine peut rendre aveugle, mais celle-ci ne se produit jamais, dans mon
expérience, avant un an de traitement. Pendant longtemps, j’ai demandé des
consultations ophtalmologiques pour les patients, avec un ophtalmologiste
spécialisé. Il fallait cet ophtalmologiste spécialisé pour donner l’autorisation
de prescrire de la chloroquine quand les patients avaient déjà un problème
oculaire, car les ophtalmologistes ont comme principe de ne pas additionner
les risques (ce qui est raisonnable), mais en l’occurrence,
l’hydroxychloroquine n’a aucun rapport avec les autres risques oculaires.
Quoi qu’il en soit, nous n’avons jamais eu d’ennui oculaire, et nous avons
fini par espacer la première visite à un an de traitement. Nous avions donc
une énorme expérience de l’hydroxychloroquine (plusieurs milliers de cas),
qui, par ailleurs, est le traitement de référence de plusieurs maladies : le
lupus érythémateux disséminé (qui est une maladie auto-immune), où les
patients présentent des anticorps contre eux-mêmes, et la polyarthrite
rhumatoïde (qui est une maladie inflammatoire).
L
Le virus ne l’aime pas : c’est bon signe.
Mais les laboratoires non plus :
et là, c’est la guerre !
Pour notre part, n’étant pas du tout convaincus par ces accusations de
mensonge, nous avons très rapidement testé au laboratoire, sur le virus, non
seulement l’hydroxychloroquine, à la posologie que nous connaissons
parfaitement bien – à 1 µg/ml – mais aussi l’azithromycine, dont nous
connaissions l’activité sur ce groupe de virus, qui sont les virus à ARN. Au
laboratoire, nous avons pu rapidement montrer, pour la première fois, que les
deux étaient efficaces et que les deux étaient synergiques.11
En parallèle, nous avons déposé un projet de recherche, auprès du
ministère, qui était un projet de recherche observationnelle, mesurant la
baisse du portage du virus par rapport à un groupe de référence historique
extérieur (celui des Chinois), qui évaluait à vingt-huit jours le portage du
virus. Au milieu de cet essai, nous avons fait (cela est banal dans les soins
courants) ajouter un traitement antibiotique, en l’occurrence l’azithromycine,
et nous avons pu observer une décroissance extraordinairement rapide de la
charge virale. Par chance, nous avions réalisé le diagnostic de quelques
patients atteints de la COVID-19 dans la ville voisine de Nice, qui n’avaient
pas été inclus dans le protocole thérapeutique, mais qui ont pu servir de
témoin. Depuis, de nombreuses autres équipes ont confirmé l’efficacité de
l’hydroxychloroquine, in vitro, sur les virus, mais l’histoire de la
thérapeutique chez l’Homme ne faisait que commencer.
Un des membres de l’IHU Méditerranée Infection, rédacteur en chef d’un
journal appelé International Journal of Antimicrobial Agents, a proposé
dès le début de la pandémie de faire un numéro spécial sur le COVID, avec
une expertise et une revue extrêmement rapide, pour être dans le temps du
soin. Dans ce contexte, nous avons décidé d’envoyer notre article à son
journal, où il a été édité par le rédacteur en chef adjoint, qui est aussi
rédacteur en chef du Journal of Microbiology, Immunology and Infection, le
docteur Po-Ren Hsueh, un des spécialistes en maladies infectieuses les plus
connus au monde, en particulier concernant le SARS et les coronavirus, et
qui est à Taiwan. Il a demandé à des reviewers une évaluation rapide, et ce
papier a été publié.
*
Dès le début de notre communication, laquelle rapportait des éléments qui
étaient juste de l’information basée sur des faits, puis dès notre première
publication, nous avons subi un ouragan. Tout d’abord, notre communication
fut censurée sur Facebook, sous l’étiquette « fake news ». Puis, sur le site du
ministère de la Santé, cette même communication fut également marquée
« fake news ». Nous avons contacté le responsable de l’identification de
« fake news » sur Facebook en France (il est, par ailleurs, employé au
Monde), et nous avons demandé qu’il nous explique en quoi le fait de
rapporter l’expérience chinoise était une « fake news », ce qui a amené à
supprimer ce terme sur Facebook, puis sur le site du ministère de la Santé
mais quand même, cela n’effaçait pas l’intention première.
*
Par ailleurs, un site de délation organisée, appelé PubPeer, et une de ses
fournisseuses, le docteur Bik, se sont mis à me harceler. Je ne connais pas
cette femme qui a commencé son harcèlement après mes déclarations sur la
chloroquine. Car c’est bien la chloroquine qui est à l’origine de ce
harcèlement, et non pas la recherche de l’intégrité scientifique, puisque sur
ce site PubPeer, j’avais une citation tous les trois ans, jusqu’au moment de
l’hydroxychloroquine, et à partir de là, j’ai eu, en deux ans, 256 citations,
concernant des sujets pour la plupart hautement fantaisistes, et pour les autres
ne répondant absolument pas à la définition de la fraude.
Ce site est un site de délation plus ou moins anonyme, et chaque fois
qu’une tête dépasse, un ennemi ou quelqu’un qui est payé pour nuire à un
scientifique dénonce des fautes, des erreurs ou des fraudes putatives qu’il
aurait commises (j’expliquerai dans le chapitre suivant ce qui distingue les
fraudes, les erreurs et les différents éléments qui permettent d’identifier les
unes et les autres). Et ensuite, PubPeer communique aux journaux ces
prétendues fautes ou fraudes. Madame Bik et monsieur Barbour se sont
spécialisés dans ce domaine. En France, on appelle ça des corbeaux ou des
charognards, et c’est une réminiscence de ce que les gens ont connu pendant
la Seconde Guerre mondiale.
Il se trouve que beaucoup de groupes de journaux ont maintenant une
personne spécialisée dans « l’évaluation de l’éthique scientifique ». La
plupart du temps, ces gens ne sont pas du tout compétents dans le domaine de
l’éthique et des cas où elle doit s’appliquer. Ainsi, dans ma vie, on m’a déjà
demandé si on avait fait signer à des chimpanzés un consentement éclairé
pour analyser leurs selles, on m’a demandé d’avoir un comité de protection
des personnes pour analyser des poux, et on a demandé à mon collègue
Michel Drancourt s’il avait eu un consentement éclairé de momies ! En
revanche, personne ne s’est préoccupé d’une chose très simple : regarder si
tous les gens qui ont publié les articles pour ou contre l’hydroxychloroquine
avaient des liens d’intérêts avec le Remdesivir payés par Gilead. Par contre,
on est allé chercher (c’est un des reproches qui nous ont été faits par un
journal, sur les incitations de PubPeer) si je n’avais pas un conflit d’intérêts
en ayant essayé de créer une start-up pour le traitement des poux par
ivermectine (projet qui a été abandonné compte tenu du contexte) et pour la
publication de la séquence génétique d’identification des poux, qui, elle, n’a
rien à voir avec la résistance et le traitement des poux. Autant dire que la
compétence scientifique des gens qui se posent ce type de questions est pour
le moins hasardeuse.
Le site de délation PubPeer est sans contrôle, sans légitimité, et pour
l’instant, plus de 250 signalements y ont été faits contre moi. Pire encore, il
s’en fait aussi contre les personnes avec qui je travaille, leur faisant perdre
du temps, sinon leur réputation. Pour la mienne, je ne suis pas très inquiet, je
n’ai jamais fraudé de ma vie, et pour frauder il faut avoir un mobile. Je vois
mal comment avec plus de 3 000 publications en fin de carrière, et sans
recevoir d’argent d’aucune industrie pharmaceutique, je pourrais m’amuser à
frauder. C’est juste de la malveillance, dans certains cas de la médisance,
quand on repère une erreur typographique, un oubli ne modifiant pas les
résultats, et parfois de la calomnie pure et simple. Il existe par ailleurs,
malheureusement, un réseau de communication entre les groupes qui ont été
les plus actifs contre l’hydroxychloroquine, Citizen4Science, NoFakeMed et
madame Bik, ce qui m’a amené à porter plainte contre madame Bik pour
harcèlement.
F , , ,
’
Tolérance ou condamnations
aux dessous parfois discutables
Fraudes
J’ai été, récemment, dans le contexte du traitement de la COVID-19 par
l’hydroxychloroquine, la cible d’une attaque massive, pour détecter si, dans
mes 3 500 publications scientifiques, il y avait des évidences de fraude. Le
site spécialisé dans la délation PubPeer, souvent rapporté par des auteurs
anonymes, cible usuellement des leaders, ou traduit la malveillance d’auteurs
frustrés ou malmenés par des leaders scientifiques ou les directeurs de
certaines organisations, dont le CNRS. Ce qui a eu des conséquences
drastiques, pour des fraudes identifiées (éventuellement, cela justifiait la
prison) et pour des fraudes supposées (ce qui a amené à faire démissionner
des responsables, tels que la directrice intérimaire du CNRS). Les histoires
qui ont le plus marqué récemment sont la publication erronée et truquée sur
les cellules-souches et sur le vaccin contre le sida, dont l’auteur a été
condamné à la prison aux États-Unis.12
Ce sujet est d’importance, en particulier du fait, dans le domaine de la
biologie et de la médecine, de l’absence de reproductibilité13 de très
nombreux résultats, et amène à une réflexion, de manière à ne pas confondre
les fautes, les erreurs, la négligence et les éléments de scientific misconduct.
*
La fraude consiste en la manipulation consciente de données, afin de
modifier le résultat, pour le rendre plus significatif. Dans ce cas, il y a un
acte volontaire et un mobile. Les mobiles les mieux connus sont la pression
scientifique exercée pour les auteurs qui ont une production scientifique
faible, ou le désir d’appuyer une demande de promotion, ou de faciliter le
passage de la thèse. Il n’y a pas de crime « sans mobile », et l’autre mobile
est, dans le monde de la biologie et de la médecine, la recherche de
financement par des structures extérieures. Ainsi, une revue bien connue a
montré que, dans les essais cliniques, il existait un biais en faveur d’une
molécule, lorsque le travail était sponsorisé par un industriel, qui ne pouvait
pas être expliqué par autre chose que par l’intérêt financier.14
Les intérêts financiers sont donc significativement associés à la fraude, et
celle-ci doit être détectée par la déclaration des liens d’intérêts. Les liens
d’intérêts s’entendent comme liens financiers directs ou indirects. Les
projets de développement scientifique destinés à valoriser les travaux ne
sont pas réellement de la même nature, et peuvent difficilement être évalués.
En effet, il existe des pays, dont les États-Unis, où l’on peut déposer le
brevet après la publication. Dans d’autres pays, en particulier en Europe, le
brevet doit être déposé avant la publication. Ainsi, dans une situation
exactement parallèle, un auteur américain peut déclarer qu’il n’a pas de
brevet en cours, alors que l’auteur européen devra déclarer qu’il a déjà un
brevet en cours. En pratique, tant que le brevet n’a pas rapporté d’argent ou
n’a pas été cédé et rémunéré, il ne représente pas de conflits d’intérêts, et il
est de même nature qu’une publication.
Erreurs
Il existe, incontestablement, des erreurs possibles dans l’exposition des
données. Très heureusement, l’ensemble des données originales est de plus
en plus mis sur des sites en ligne, où ces données peuvent être analysées et
corrigées. Ainsi, il peut exister des erreurs de séquence, ainsi que des
erreurs d’analyse des protéines, mais le fait que les données soient
disponibles amène à pouvoir les rectifier, y compris dans une rubrique qui
est proposée à cet égard dans les journaux, et qui s’appelle « Erratum ».
Ainsi, j’ai eu, dans ma jeunesse, l’occasion de mesurer le génome d’une
bactérie (Rickettsia rickettsii). Elle avait une taille significativement plus
grande que ce que nous pensions au départ, ce qui nous surprenait. Et deux
ans plus tard, nous nous sommes rendu compte que les cellules de cette
rickettsie contenaient aussi une autre bactérie, beaucoup plus petite (un
mycoplasme), et que l’analyse de la taille de la bactérie correspondait, en
réalité, à l’analyse à la fois de cette bactérie et du mycoplasme qui la
contenait. Ces données ont été corrigées dans les publications ultérieures.
À l’époque, un collègue m’avait écrit pour me dire qu’il était surpris par
cette taille, et que cela demandait probablement à être vérifié, ce qui nous a
permis de rectifier cette erreur. Je n’avais pas d’intérêt à dire que cette
rickettsie était plus grande, cela ne constituait pas une découverte, mais juste
un phénomène d’observation qui avait introduit un biais que je n’avais pas
observé.
Une autre erreur m’a coûté beaucoup plus d’ennuis. Dans mon laboratoire,
nous analysions le rôle de la bactérie du typhus (Rickettsia prowazekii) dans
les lésions vasculaires cérébrales. J’avais commencé à faire ce travail avec
une étudiante en thèse, que je dirigeais pour la partie expérimentale sur la
souris et pour la culture de la bactérie. Quand la recherche a commencé à
concerner la biologie cellulaire, où je ne suis pas compétent, cette étudiante
a travaillé sous la responsabilité du professeur Jean-Louis Mège et du
docteur Christian Capo. Cela l’a amenée à tester ce qui fait que la bactérie
était vivante ou tuée dans son effet sur les cellules humaines en culture. Or la
bactérie n’a pas été annulée par le chauffage (à 65 degrés), ce qui montrait la
persistance de cette activité. Ce papier a été revu deux fois dans le journal
Infection and Immunity, qui fait partie du groupe de l’American Society for
Microbiology (ASM). Il faut noter qu’à cette époque, en 2005, j’étais
l’auteur qui avait le plus publié au monde dans l’American Society for
Microbiology, et que je faisais partie de l’editorial board de deux de leurs
journaux. Après la deuxième review, une nouvelle review a demandé que, en
plus de l’inactivation à 65 degrés, une inactivation à 100 degrés soit
réalisée. Mon étudiante l’a faite, et l’article a été renvoyé par Christian
Capo, un chercheur extrêmement rigoureux qui partait à la retraite deux ans
plus tard, et qui n’avait aucun intérêt à avoir un article de plus. Il se trouve
que, au lieu de renvoyer le graphique de la nouvelle expérience à
100 degrés, il a renvoyé le graphique de la première expérience, qui était
réellement très proche, en disant que c’était celui de la deuxième expérience.
Le reviewer a constaté qu’il s’agissait de la même image, avec deux
légendes différentes, et a suspecté une manipulation de figures. Il a renvoyé
ces documents à Jean-Louis Mège, qui était l’auteur correspondant, et
Christian Capo a répondu : « Oui, c’est vrai que c’est une erreur, voici les
deux figures, voyez qu’elles sont très proches, et donc la bonne figure est le
numéro 2 et non pas la première. Je les ai confondues. » Le rédacteur en chef
du journal a demandé au directeur des journaux de l’ASM son avis, et celui-
ci a décidé de refuser le papier et d’interdire à tous les auteurs du papier, y
compris ceux qui n’avaient jamais vu les allers-retours des reviews (car ils
n’étaient pas concernés par les questions posées), de publier pendant un an
dans les journaux de l’ASM !
Par ailleurs, j’avais deux papiers qui étaient acceptés, et qui devaient être
publiés dans d’autres journaux de l’ASM. Le président des journaux de
l’ASM m’a demandé de rétracter mon nom ou de rétracter les papiers.
Comme je n’ai pas voulu pénaliser les co-auteurs, j’ai rétracté mon nom, ce
qui a permis à un de mes co-auteurs de faire l’usage de ce papier pour me
nuire ultérieurement.
Je me suis plaint auprès de l’ASM. J’étais nommé académicien de
l’ASM, et l’ASM, consciente de la mesure excessive prise pour ces
conditions très précises, m’a donné le plus grand prix qui existait à l’époque
dans cette société : la lecture d’ouverture du congrès de l’ICAAC (qui était
le congrès le mieux doté de l’ASM). Cette histoire est ressortie au moment
de ma première demande de fondation de l’infectiopôle Sud, l’ancêtre de
l’IHU, auprès du ministère de l’Intérieur, grâce à un mail malveillant.
Fort heureusement, le fait que, moins de six mois après, j’aie été nommé
par la même société à son prix medico-biologique le plus connu a arrêté
l’histoire, qui avait été soulevée par une journaliste belge auprès du
ministère de la Recherche, d’après l’information de ce que je pense être un
collègue malveillant. Nous avons publié ce même article ultérieurement dans
un autre journal, avec les deux figures.16
*
Il faut bien imaginer que, depuis cette époque, une vigilance accrue a
porté sur le risque et l’erreur. Il arrive que ce type d’erreur se produise du
fait qu’un étudiant trop zélé veuille montrer des données plus significatives,
et il est difficile d’y échapper sans la possibilité de vérifier précisément les
données initiales. Ces erreurs peuvent être très pénalisantes.
Négligence
La négligence consiste à se tromper pour des éléments qui ne changent pas
la signification du papier. En particulier, se tromper de numéro d’essai ou se
tromper de numéro d’accord de comité d’éthique, ce qui est arrivé dans
plusieurs de mes papiers. Je reconnais que je ne vérifie pas
systématiquement le numéro mis par l’étudiant qui rédige son article. La
publication scientifique est toutefois scientifiquement exacte. Cela peut
relever, au pire, d’un erratum, certainement pas d’une rétractation.
Plagiat
D’autres problèmes sont plus difficiles à évaluer, tels que le plagiat. Il
existe deux types de plagiat.
D’abord le plagiat réel, qui consiste à prendre, in extenso, des données
déjà publiées par d’autres, et de les reproduire sans en donner la source.
Cela constitue moins un problème de science (sauf s’il y a un plagiat des
résultats) qu’un problème d’éditorial ou de morale éditoriale.
Ensuite, encore plus compliqué, on trouve l’autoplagiat, qui consiste à
reprendre des données que l’on a déjà publiées, pour les remettre non pas
dans les résultats (ce qui correspondrait à une duplication de résultats), mais
dans les éléments de commentaire, l’introduction ou la discussion dans
l’article. L’autoplagiat est mal vu des éditeurs plus que des scientifiques, de
mon point de vue. Les éditeurs considèrent, d’une manière étonnante, que
nous avons cédé la propriété des articles que nous avons écrits (parfois pour
lesquels nous avons été payés), et que cette propriété devient ensuite
exclusivement la leur. Réaliser un plagiat d’un auteur (y compris soi-même)
est considéré par l’éditeur comme étant le vol d’une propriété lui
appartenant. Mais le plagiat est très rare, du fait que les outils mis en place
par les éditeurs pour le détecter sont extrêmement performants. Cela amène
parfois à des excès. Ainsi, lorsque l’on fait des analyses dont la méthode est
reproduite, le fait de reproduire intégralement la technique utilisée ne
représente en rien une faute, ni morale, ni scientifique, ni technique. Elle sera
néanmoins détectée par l’éditeur, qui considérera qu’il y a là un plagiat.
Duplication
La duplication des publications est aussi un problème, quand elle
correspond au même travail. La partie commune du nouveau travail avec
l’ancien doit être clairement explicitée dans l’article, de façon à ne pas
tromper le lecteur scientifique sur l’existence de données nouvelles.
Toutefois, l’inclusion de données précédentes, de faible volume dans des
séries de plus grand volume, a un intérêt scientifique indéniable, et
l’évaluation d’une sous-section d’une très large étude peut avoir un intérêt
scientifique aussi important. Cela est d’ailleurs assez communément réalisé.
Scientific misconduct
Parmi les mauvais comportements scientifiques, il en existe plusieurs
(auxquels je suis particulièrement attentif, parce que concerné) qui sont que
certains auteurs ignorent, ostensiblement, les travaux réalisés avant eux sur le
même sujet et avec des résultats identiques ou opposés. Cette erreur,
considérée pendant longtemps comme un élément majeur de scientific
misconduct, est de plus en plus commune, et de moins en moins corrigée.
J’ai ainsi eu l’occasion de mettre au point, pour la première fois, les
diagnostics moléculaires sur la pulpe dentaire de squelettes anciens, pour y
faire le diagnostic de la peste, dans un papier publié en 1998.19 Ce papier a
soulevé encore une fois une hostilité importante (en particulier sur les
réseaux sociaux et sur Wikipédia), laissant penser que cela pouvait être une
erreur due à un artefact que j’avais réalisé, et que la pulpe dentaire ne
représentait pas un bon prélèvement pour traiter ce sujet. En réalité, depuis,
la pulpe dentaire est le prélèvement le plus utilisé, partout dans le monde,
pour les études génétiques anciennes. Tous les travaux réalisés par des
laboratoires, familiers avec les techniques moléculaires, ont confirmé que la
peste du Moyen Âge était bien due à Yersinia pestis, et non pas au fantasme,
qui circulait à l’époque, d’une fièvre hémorragique qui reviendrait de façon
cyclique. D’une manière intéressante, le papier qui a conclu cette histoire,
publié dans Nature, était présenté comme étant le premier papier qui
confirmait l’existence de Yersinia pestis chez les hommes du Moyen Âge,
sans citer aucune des 17 publications antérieures20, et se présentait comme un
papier entièrement original dans ses conclusions concernant cette maladie.
J’ai écrit au journal pour demander qu’il y ait une rectification, et cela n’a
pas été fait. J’avais d’ailleurs été surpris qu’étant le plus cité dans ce
domaine, je n’aie pas été sollicité comme reviewer, alors que Nature n’avait
pas hésité à me solliciter à d’autres reprises. Je pense que l’auteur avait
demandé que je ne fasse pas partie des reviewers, car je connaissais
entièrement la bibliographie non citée.
*
Le niveau d’adhésion à la déclaration de conflits d’intérêts est plus ou
moins important. Il est, en France, assez peu respecté, ou du moins l’a été
assez peu dans l’affaire de la COVID-19. Encore une fois, pour qu’il y ait
conflit d’intérêts, il faut qu’il y ait un lien d’intérêts rémunérateur. Participer
à une start-up, ou à un brevet non utilisé, peut difficilement représenter un
conflit d’intérêts. Par ailleurs, dans les conflits d’intérêts, les niveaux
financiers jouent un rôle. En effet, il y a des gens qui reçoivent des
financements inférieurs à 5 % de leurs revenus, et sont probablement peu
enclins à changer leur point de vue par rapport à ceux qui en reçoivent 50 %.
Les conflits d’intérêts sont parfois difficiles à identifier quand les
financements ont été réalisés d’une manière internationale, évitant les
déclarations nationales sur le tableau, ou quand il ne s’agit pas de médecins,
comme madame Castagliola, qui a déclaré avoir touché de l’argent de
Gilead. Elle a été grand prix de l’INSERM, commentatrice habituelle des
médias sur le COVID-19, et signataire de tribunes hostiles.
*
Par ailleurs, les conflits d’intérêts personnels ou idéologiques jouent un
rôle au moins aussi important que les conflits d’intérêts financiers. On a la
possibilité, maintenant, dans un certain nombre de journaux, de proposer soi-
même des rapporteurs, ou de refuser des rapporteurs avec qui on est en
conflit. D’autre part, la qualité des rapporteurs, actuellement, compte tenu de
l’augmentation considérable du nombre d’articles et du nombre de revues, va
probablement décliner d’une manière significative, étant donné la difficulté à
pourvoir au besoin. Enfin, il y a peu de journaux purement académiques, ne
vivant pas de financements issus de l’industrie pharmaceutique.
Malheureusement, les grands journaux médicaux et scientifiques en vivent, et
cela entraîne des biais de sélection et de publication parfois stupéfiants.
Ainsi, le premier papier publié sur le Remdesivir, par le New England
Journal of Medecine, est une collection de cas pris dans différents pays,
sans éléments comparatifs, avec des conclusions qui ne peuvent pas être
justifiées par une étude non comparative,23 et la publication, par le New
England Jounal of Medecine et le Lancet, de travaux rédigés par des
auteurs n’ayant rien à voir avec le domaine, rapportant plus d’une dizaine de
milliers de cas collectés dans le monde entier, s’est avérée être une fraude
massive, qui n’a pu franchir le cap de l’édition que pour des raisons
incompréhensibles sur le plan médical et scientifique.24
Il est à noter que le papier publié dans le Lancet qui a amené la décision,
prise en moins de vingt-quatre heures, d’interdire l’hydroxychloroquine dans
les essais thérapeutiques (restée définitive en France mais temporaire à
l’OMS) témoignait, bien sûr, d’une fébrilité dangereuse, mais n’a pas
entraîné, pour l’instant, de poursuite des auteurs du papier qui ont joué un
rôle important dans le domaine de la santé publique. Je rappelle que
maintenant, depuis mai 2021, nous savons que le produit toxique pour le
cœur est le Remdesivir, et qu’il est significativement plus toxique que
l’hydroxychloroquine. Nous attendons toujours une information réelle, et non
pas de la propagande, concernant ce sujet. Peut-être la verrons-nous, car il
est douteux que le laboratoire qui fabrique le Remdesivir continue à inonder
la planète avec ce médicament toxique, dangereux, inutile et coûteux.
12. https://en.wikipedia.org/wiki/Dong-Pyou_Han
13. Possibilité de reproduire une expérience avec les mêmes résultats.
14. Andreas L , Joel L , Barbara M , Jeppe B. S , Lisa B , “Industry
sponsorship and research outcome”, Cochrane Database of Systematic Reviews, 2017 Feb 16,
2(2):MR000033.
15. Mamadou Ousmane N , Catherine M , Cheikh S et coll., “Retraction: How the
Malaria Vector Anopheles gambiae Adapts to the Use of Insecticide-Treated Nets by African
Populations”, PLoS ONE, 2016, 11(5):e0156196;
Mamadou Ousmane N , Seynabou S , Abdoulaye G et coll., “Retraction: Resistance
to DDT and Pyrethroids and Increased kdr Mutation Frequency in An. gambiae after the
Implementation of Permethrin-Treated Nets in Senegal”, PLoS ONE, 2016, 11(5):e0156195;
Mamadou Ousmane N , Aurélie C , Seynabou Mocote D , Abdoulaye G ,
Christian B , Vincent R et coll., “Effects of the kdr resistance mutation on the
susceptibility of wild Anopheles gambiae populations to Plasmodium falciparum: a hindrance for
vector control”, Malaria Journal, 2014 Aug 30, 13:340;
Mamadou Ousmane N , Jean-Birram S , Lobna G et coll., “Low and seasonal malaria
transmission in the middle Senegal River basin: identification and characteristics of Anopheles vectors”,
Parasites & Vectors, 2012 Jan 23, 5:21;
Mamadou Ousmane N , Anna C , Abdoulaye G et coll., “Comparative susceptibility to
Plasmodium falciparum of the molecular forms M and S of Anopheles gambiae and Anopheles
arabiensis”, Malaria Journal, 2011 Sep 19, 10:269.
16. Yassina B , Christian C , Georges E. G , Didier R , Jean-Louis M , “A murine
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19. Michel D , Gérard A , Michel S , Olivier D , Didier R ,
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and Mortality in COVID-19”, The New England Journal of Medicine, 2020 Jun 18, 382(25):e102.
–4–
L’INSERM ’IHU
Quand un institut en péril condamne
les meilleures innovations
Pour expliquer la raison de cette déficience, une réflexion a été menée par
plusieurs scientifiques de haut niveau, dont Claude Griscelli et Jacques
Marescaux, et s’est terminée sous la direction d’Arnold Munnich, devenu
conseiller du président Sarkozy. Celui-ci a proposé, dans le cadre du grand
emprunt succédant à un travail de messieurs Attali, Juppé et Rocard, la
création de structures de recherche indépendantes, afin de doter la France de
clusters de science susceptibles de rendre notre pays compétitif.
C’est dans ce cadre qu’ont été créés les instituts hospitalo-universitaires
(IHU), dont celui que j’allais diriger à Marseille. À l’époque, le directeur de
l’INSERM et le directeur des sciences de la vie du CNRS étaient
parfaitement en harmonie avec cette demande ; ils avaient d’ailleurs été
présents quand nous avions demandé la création de ces instituts.
Mais les hommes changent à la tête des instituts, et leurs opinions
changent aussi. Rapidement, le CNRS s’est désengagé, alors que le directeur
des sciences de la vie de l’époque, le professeur Netter, était enthousiaste
sur le sujet et l’est resté. Le professeur Sirota, lui, a été remplacé par Yves
Lévy qui lui aussi s’est montré très hostile aux IHU, considérant que c’était
le rôle de l’INSERM de s’occuper de cela, et que celui-ci n’avait pas à
créer des instituts nouveaux à l’intérieur des CHU ou associés aux CHU.
Cette hostilité a eu des traductions très claires, d’autant renforcées quand
l’épouse d’Yves Lévy, madame Buzyn, est devenue ministre de la Santé, ce
qui a conféré à son mari une puissance considérable. Il a même réussi à faire
se déclencher une tentative de révolution, à la suite d’un mécontentement
d’une partie de mon personnel, au moment du déménagement à l’IHU de
Marseille. Puis ce qui était un phénomène banal qui se serait résolu
spontanément est devenu une inspection générale qui comportait un niveau de
critiques et d’insultes franchement inhabituel. J’y ai répondu point par point
sur le plan juridique, et j’attendais avec gourmandise toute tentative du
ministère pour m’attaquer car j’étais sûr de gagner. J’en aurais fait une
conférence de presse. Le ministère n’a rien tenté.
Mais bien sûr, ce rapport, d’une malveillance et d’une bêtise qui me
laissent encore rêveur, a circulé dès que l’on a commencé à nous attaquer à
propos de la chloroquine. Cela m’indifférait. On ne peut pas imaginer créer
le premier institut de recherche en France depuis l’Institut Pasteur sans
déclencher, en particulier quand ce n’est pas à Paris, les réactions de rejet et
d’intolérance qui sont toujours associées à l’apparition de phénomènes
nouveaux. De toute manière, le professeur Lévy avait suscité, en dehors de
nous, une hostilité du milieu scientifique qui était totalement nouvelle. Je
n’avais jamais vu un directeur de l’INSERM être aussi détesté, ni une
confusion des rôles entre un(e) ministre et le directeur d’un institut, qui
dépendait de celui-ci, aussi surprenante dans un temps où l’on considérait
que les députés n’avaient plus le droit d’employer quelqu’un de leur famille
comme assistant parlementaire ! Il a fini par y être mis fin.
Quoi qu’il en soit, monsieur Gilles Bloch a été nommé après Yves Lévy.
Je l’ai contacté pour avoir un rendez-vous. Nos secrétaires n’avaient pas
réussi à l’obtenir, ce qui était étonnant. C’était, d’ailleurs, la première fois
que je n’avais pas le numéro de téléphone privé d’un directeur de l’INSERM
depuis bien longtemps. Pourtant, je connaissais monsieur Bloch, car il était
au cabinet de madame Haigneré, ministre de la Recherche, en 2002, lorsque
j’avais été chargé de mission par celle-ci, via son directeur de cabinet
Bernard Bigot, pour mon rapport de 2002-2003. Monsieur Bloch connaissait
très bien mon intention de créer des infectiopôles. Il avait, d’ores et déjà, à
l’époque, entièrement négligé mes propositions à ce sujet et n’avait tenu
compte d’aucune d’entre elles lorsque madame Haigneré est partie. On ne
peut pas dire que je l’avais convaincu. Lorsqu’il m’a demandé quelle
perspective je voyais entre l’IHU et l’INSERM, en 2019, je lui ai dit que
cela ne pouvait pas résulter du caprice du directeur de l’IHU ni du directeur
de l’INSERM, mais devait partir d’une stratégie définie d’intégration de
l’IHU dans les projets de lutte contre les maladies infectieuses en France.
Après, nous n’avons plus eu de contacts, et cela à l’exception du fait que les
gens qui étaient des employés de l’INSERM et qui demandaient à revenir à
l’IHU n’ont pas été autorisés à le faire par le directeur de l’INSERM. Et au
cours de l’épidémie de COVID-19, celui-ci ne nous a jamais contactés. En
revanche, il a fait pression sur notre ancien directeur général des hôpitaux de
Marseille, pour faciliter le morcellement de la virologie à Marseille. Encore
une fois, Gilles Bloch est un directeur qui n’a aucune lisibilité scientifique,
qui n’a pas de formation dans les domaines de la santé, et qui épouse la
coopération de l’INSERM, comme l’avait fait Yves Lévy, non pas dans une
perspective, de mon point de vue, d’évolution de la qualité scientifique de la
médecine en France, mais pour simplement défendre un institut en péril.
Quoi qu’il en soit, une des choses les plus tristes que j’ai vues à
l’INSERM, avec qui j’ai toujours des rapports assez distants, a été la
distribution des prix de l’INSERM. Connaissant ma réticence pour l’institut,
le professeur Sirota m’avait demandé mon accord avant de me donner le
grand prix de l’INSERM en 2010, sachant qu’il était possible que je le
refuse. Je l’ai accepté car j’ai beaucoup d’estime pour monsieur Sirota. Onze
ans plus tard, le grand prix de l’INSERM et les prix associés ont
essentiellement concerné des gens dont la carrière scientifique était basée
sur des essais thérapeutiques avec l’industrie pharmaceutique et qui ont eu
des liens d’intérêts assez conséquents. Parmi eux, madame Costagliola, pour
un montant inconnu, car elle n’est pas médecin pratiquant et donc n’est pas
sur les listes d’Euros For Docs, mais qui a déclaré qu’elle avait reçu les
financements de Gilead pour ses derniers papiers, dénigrant comme
d’habitude l’hydroxychloroquine.26
*
En conclusion, l’état de l’INSERM, qui est devenu un clan hostile, doit
poser question dans son organisation même. L’expérience a montré qu’il ne
suffisait pas de nommer des directeurs de qualité (trois directeurs de qualité
incontestable ont été nommés : les professeurs Griscelli, Bréchot et Sirota),
sans que ceux-ci changent réellement l’évolution même de l’INSERM, qui ne
gère toujours pas les finances les plus importantes de la recherche médicale,
qui sont celles de la recherche hospitalière et de l’Agence nationale pour la
recherche. Mais il n’y a rien de plus dangereux qu’une bête blessée, et les
administrations ou les instituts en péril finissent par avoir des comportements
que je ne crois pas dignes d’une véritable stratégie scientifique.
25. https://www.mediterranee-infection.com/wp-content/uploads/2020/03/bioterrorisme03.pdf
26. Florence A , Nathan P -S , Julien P et coll., “DisCoVeRy study group. An
open-label randomized, controlled trial of the effect of lopinavir/ritonavir, lopinavir/ritonavir plus IFN-
β-1a and hydroxychloroquine in hospitalized patients with COVID-19”, Clinical Microbiology and
Infection, 2021 May, 25:S1198-743X(21)00259-7, doi: 10.1016/j.cmi.2021.05.020.
–5–
L’A
(ANSM)
Encore une fois, nous avons traité une vingtaine de milliers de personnes
avec l’hydroxychloroquine, sans qu’aucune n’ait présenté de manifestations
cardiaques. Quoi qu’il en soit, l’Agence nationale de surveillance du
médicament a rapidement pris une position très hostile, et le ministre de la
Santé, monsieur Véran, ainsi que le Haut Conseil de la santé publique ont
décidé, dans un premier temps, d’interdire la chloroquine, puis de la
réserver aux hôpitaux après une réflexion collective, et enfin, ont été obligés
de rétablir la possibilité de sa prescription aux gens qui prenaient de
l’hydroxychloroquine depuis des années pour un lupus érythémateux
disséminé ou une polyarthrite rhumatoïde. Nous avons demandé à l’ANSM,
après avoir publié 3 000 cas de traitement du COVID par
l’hydroxychloroquine, d’avoir une autorisation temporaire de traitement,
usage qui nous a été refusé. La même autorisation a été attribuée au
Remdesivir de Gilead, en dépit du fait qu’aucune étude n’avait montré son
efficacité, et qu’il ne se prescrivait que par perfusion pendant dix jours (ce
qui est accompagné dans toute la littérature d’au moins 5 % de complications
sévères), et qu’il était associé aussi à des insuffisances rénales.
Ainsi, pour des raisons qui, là encore, laissent perplexe, un médicament
inconnu qui n’avait pas fait la preuve de son efficacité, qui était toxique et
dangereux, a été préféré à un médicament utilisé depuis soixante-dix ans chez
des gens qui en prennent pendant plusieurs années de suite.
Nos données de thérapeutique étaient celles basées sur les maladies
infectieuses et la virologie : la diminution ou la disparition des virus dans
les prélèvements est la meilleure manière d’évaluer une efficacité
thérapeutique antivirale, comme cela a été montré depuis très longtemps pour
le virus du sida et le virus de l’hépatite C. Dans ces deux maladies, on
mesure la présence ou l’absence de virus dans le sang, cette dernière
témoignant de l’efficacité thérapeutique. Il en est de même pour les maladies
bactériennes : la disparition de la bactérie, sous traitement, est le meilleur
indicateur de l’efficacité du traitement. D’ailleurs, la multiplication des
essais thérapeutiques aveugles, sans mesurer les charges virales, témoigne
de l’emprise qu’a l’industrie sur les thérapeutiques, car bien entendu, si l’on
ne mesure pas la charge virale, on ne peut pas mesurer l’efficacité
thérapeutique.
Cependant, compte tenu des critiques multiples que nous avons eues, de
l’interdiction du médicament et de l’absence de thérapeutiques nouvelles,
nous avons été amenés à faire des demandes d’essais thérapeutiques. En
effet, il est étonnant, pour nous, que l’État français n’ait pas organisé une
thérapeutique utilisant l’hydroxychloroquine et l’azithromycine dans un bras,
et un placebo dans l’autre, s’il pensait que c’était nécessaire. Pour nous,
l’efficacité de cette thérapeutique que nous avions trouvée rendait immoral
de faire un essai contre placebo avec des patients. Si l’État tenait à faire
confirmer ce traitement par d’autres équipes, c’était à lui d’assumer ce rôle.
Il est intéressant à cet égard de voir que, dans l’un des papiers majeurs
publiés par les Chinois, ceux-ci rejoignent notre sens de la morale, et qu’ils
écrivent : « Nous n’avons pas mis de bras placebo, car cela n’est pas
conforme à notre idée de l’éthique médicale dans notre pays. » C’est encore
une leçon à apprendre, qui n’est pas négligeable. Un médecin soigne !
Quoi qu’il en soit, nous avons déposé quatre projets scientifiques
successifs, permettant d’évaluer, en particulier dans les EHPAD, notre
protocole thérapeutique. En effet, parmi nos travaux, l’un avait été fait en
EHPAD, comparant la mortalité chez les sujets non traités et chez les sujets
traités. Chez les sujets non traités, dans cette tranche d’âge, la mortalité était
de 28 %, et de 14 % chez les sujets traités, donc divisée par deux.
Récemment, nous avons eu l’occasion de faire une méta-analyse sur les
traitements chez les sujets d’EHPAD ou de leur équivalent dans le monde, et
de montrer que toutes les études allaient dans le même sens.27 Ces études ont
été rejetées par les comités de protection des personnes, dont l’une (la plus
étonnante) où il n’y avait aucun universitaire. Le comité a jugé que le
professeur Brouqui et le professeur Million n’avaient pas suffisamment
d’expérience de la recherche clinique pour mener ce type de travaux.28 Il est
facile de regarder les épreuves de titre, sur PubMed, de Matthieu Million et
de Philippe Brouqui pour comprendre jusqu’à quel point le délire a pu aller
dans ce domaine.
27. Matthieu M , Jean-Christophe L , Didier R et coll., “Early combination therapy
with hydroxychloroquine and azithromycin reduces mortality in 10,429 covid-19 outpatients”,
International Journal of Infectious Diseases, 2021, in press.
28. https://www.youtube.com/watch?v=YprfFTmgOr8
–6–
L L
La manipulation de l’information
La manipulation de l’information
La manipulation de l’information, parfois, a été absolument spectaculaire.
Par exemple, un ami m’avait communiqué l’existence d’un site, appelé
Expertscape, en me disant : « Bravo, tu es le premier au monde pour les
maladies transmissibles. » C’est flatteur, j’étais très content. J’en ai fait état,
puisque dans les vingt premiers les plus cités, il y avait trois ou quatre
personnes de notre institut, et que, bien entendu, c’est plutôt agréable. J’ai
parlé de ce classement devant la Chambre des députés, et j’ai eu la surprise,
peu de temps après, de voir que j’avais disparu de ce classement, ainsi que
tous mes collaborateurs de l’IHU. J’ai demandé au responsable de ce site
Expertscape comment il avait réussi un tour de passe-passe pareil. Il m’a
donné des explications confuses, auxquelles je n’ai pas cru, mais j’ai trouvé
que les coïncidences malveillantes se multipliaient.
*
La presse scientifique a un problème majeur d’autorité et de crédibilité.
Depuis plusieurs années, elle est devenue la cible, pour les journaux les plus
cités, d’un financement vraiment spectaculaire par l’industrie
pharmaceutique.
Parmi les modes utilisés par l’industrie pharmaceutique, l’achat massif de
bons à tirer (articles sur papier que l’on peut distribuer indépendamment du
journal), qui ne seront probablement jamais utilisés, peut constituer jusqu’à
50 % des revenus d’un journal comme le Lancet dans l’année. La liberté des
journaux, dans ces conditions, est extrêmement compromise. Ainsi, la presse
scientifique traditionnelle a, dans l’ensemble, présenté une hostilité
considérable vis-à-vis de l’hydroxychloroquine. Qu’il s’agisse de Nature et
de Science pour les journaux scientifiques, du New England Journal of
Medicine, du Lancet, du British Medical Journal ou du Journal of the
American Medical Association (JAMA) pour la presse médicale. Quant à la
presse spécialisée, Clinical Infectious Diseases (CID), qui est le journal
dont j’étais l’auteur le plus publié jusqu’en 2020, a désormais un rédacteur
en chef qui fait partie du board de Gilead, et aucun des papiers que j’ai
envoyés à ce journal n’a été « reviewé ». Par ailleurs, un numéro spécial que
nous avions commandé à CID a été annulé à la dernière minute, nous mettant
en difficulté. Il est vrai qu’il comportait plusieurs analyses dont nous
pensions qu’elles étaient plus objectives que ce qui avait été publié
jusqu’alors. Cet éditeur doit être remplacé bientôt, et je le souhaite pour la
qualité de ce journal.
L
Impossible d’y débusquer les conflits d’intérêts
L ,
É -U
Petite mise au point
L ’
Quand les experts eux-mêmes ont des conflits d’intérêts avec les
laboratoires
et la presse scientifique
*
Il est nécessaire d’être conscients de la pression massive de l’industrie
pharmaceutique et de la presse scientifique. L’industrie pharmaceutique est
celle qui dégage les bénéfices les plus spectaculaires, en particulier depuis
le début du e
siècle, en dépit du fait qu’extrêmement peu de molécules
nouvelles ont été découvertes. Les molécules à service important – c’est-à-
dire montrant une différence pour la santé humaine – découvertes au
e
siècle sont rarissimes. Donc, soit les molécules qui vont apparaître sur
le marché sont des améliorations mineures dont la démonstration ne pourra
être réalisée, soit elles viendront en remplacement de vieilles molécules que
l’on aura réussi à éliminer.
Les améliorations impossibles à démontrer font l’objet d’essais de non-
infériorité. Dans un essai de non-infériorité, vous prescrivez un traitement
dont vous n’êtes pas sûr qu’il est aussi bon que le traitement de référence,
pour voir s’il est égal ou inférieur à ce traitement de référence. Que ce type
d’essais soit autorisé par le comité d’éthique montre qu’est apparue, petit à
petit, une divergence entre l’éthique et la morale qui laisse rêveur. Nous
avons testé, en pratique, des malades qui avaient été informés sur ce type
d’essais. Dans l’immense majorité des cas, ils ont déclaré qu’ils
n’accepteraient pas de participer à un essai quand on leur a dit qu’ils
n’avaient aucun bénéfice à espérer, mais éventuellement des désagréments à
attendre. Nous en avons conclu que la présentation de ces essais, la plupart
du temps, devait leur permettre de ne pas être compris par le malade.
*
Par ailleurs, le remplacement des vieilles molécules efficaces par de
nouvelles molécules est un enjeu incroyablement important. Il est très
vraisemblable que la guerre contre la chloroquine y puise son origine. Elle a
commencé non pas avec le COVID, où les uns et les autres ignoraient qu’elle
puisse être utilisée, mais pour le traitement des maladies auto-immunes
comme le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde, pour lesquelles il existe
maintenant des anticorps monoclonaux qui ont un coût considérable, et qui
auraient pu, si l’hydroxychloroquine était éliminée, prendre une place et
rapporter un financement tout aussi considérables. Elle ne l’a pas été, mais la
guerre a repris avec l’arrivée de la chloroquine. Ainsi, une plainte auprès du
procureur de la République, qui n’a pas eu de suites, a été déposée à
Marseille par un pharmacien, un free-lance qui fait des communications pour
l’industrie pharmaceutique. Par ailleurs, un groupe extrêmement toxique, qui
s’appelle Citizen4Science, composé essentiellement, dans son conseil
d’administration, d’employés de l’industrie pharmaceutique ou de personnes
communiquant pour l’industrie pharmaceutique, se déchaîne contre
l’hydroxychloroquine. Le collectif NoFakeMed a des supports que je ne
connais pas, et sur lesquels je n’ai pas le temps de faire des recherches, mais
qui mériteront sûrement un jour de faire l’objet d’une investigation un peu
plus précise. Curieusement, aucune des personnes que j’ai vues dans ce
groupe n’a une activité scientifique comparable à la mienne, ni de près ni de
loin. Incontestablement, il existe une intervention très puissante, directement
ou indirectement, de l’industrie pharmaceutique, qui défend son propre
champ. Il est aussi clair que la crédibilité des journaux des groupes majeurs
(comme Springer, qui publie le journal Nature parmi d’autres, et Elsevier,
qui publie le Lancet parmi d’autres) est en cause d’une manière sérieuse. Si
nous arrivons à établir que tous ont propagé de fausses nouvelles et des
informations qui étaient plus basées sur des opinions que sur des faits réels,
cela amènera à un discrédit qu’il faudra bien assumer, et qui risque de faire
le lit de concurrents nouveaux extrêmement actifs.
33. Matthieu M , Viet-Thi T , Mathilde R et coll., “Clinical efficacy of
hydroxychloroquine in patients with covid-19 pneumonia who require oxygen: observational comparative
study using routine care data”, The British Medical Journal, 2020 May 14,
https://doi.org/10.1136/bmj.m1844.
– 10 –
L ’
’
et la manipulation des données fausse tout !
*
En pratique, la méthodologie sert fréquemment à donner un aspect
scientifique à l’objectif que l’on s’est fixé a priori, qui amène d’ailleurs
souvent à modifier, au fur et à mesure des résultats, les objectifs que l’on
avait affichés. Cela a été le cas, par exemple, pour l’étude faite aux États-
Unis et coordonnée par le NIH et Fauci, sur le Remdesivir. L’objectif
premier était la réduction de la mortalité, dans cet essai. Rapidement, il s’est
avéré que ni cet objectif ni celui du passage en réanimation ne pouvaient être
atteints car le Remdesivir n’est pas efficace sur l’évolution de la maladie. En
cours de route, ce qui arrive rarement, l’objectif premier a donc été
remplacé par la diminution de la durée d’hospitalisation, qui a permis encore
une fois de faire un magnifique article dans le New England Journal of
Medecine. D’une manière intéressante, le deuxième papier publié par cette
équipe américaine était stupéfiant. En effet, un des effets secondaires bien
connus du Remdesivir est le déclenchement d’une insuffisance rénale. Or,
dans cet article, tous les effets secondaires étaient regroupés, y compris les
insuffisances rénales, qui étaient mises avec des effets banals (tels que maux
de tête ou troubles digestifs), de façon à ce que, analysés collectivement,
tous ces effets ne présentent aucune différence avec les placebos. Toutefois,
il suffisait de lire ce qui n’était pas analysé, c’est-à-dire les insuffisances
rénales, pour voir qu’il existait une différence significative entre les gens qui
avaient reçu du Remdesivir – les seuls à avoir une insuffisance rénale – et
ceux qui avaient reçu un placebo.
En pratique, encore une fois, la manipulation de l’information dans les
essais thérapeutiques est une des bases qu’il faut connaître avant d’analyser
ces essais, qui amènent d’ailleurs très souvent à des exigences de
modifications des éditeurs sur le titre et sur le résumé, et à des conclusions
non justifiées dans le texte même de l’article, et en particulier dans les
résultats si on les analyse soi-même. Comme la plupart des gens ne lisent que
les résumés et ne sont souvent pas capables de décrypter les données
pratiques publiées, cela fait que l’on ne peut pas accuser les auteurs de les
avoir dissimulées, mais seulement de ne pas les avoir analysées, de ne pas
les avoir mises en évidence, « l’honneur est sauf ».
34. Olivier P , Florence T , Amandine B et coll., “Compassionateuse of
hydroxychloroquine in clinical practice for patients with mild to severe COVID-19 in a French university
hospital”, Clinical Infectious Diseases, 2020 Jun 18, ciaa791.doi: 10.1093/cid/ciaa791, PMID: 32556143;
PMCID: PMC7337663;
Matthieu M , Hervé C , Didier R , “hydroxychloroquine Failure: The End Does Not
Justify the Means”, Clinical Infectious Diseases, 2021 May 4, 72(9):e439. doi: 10.1093/cid/ciaa1117.
PMID: 32761148.
– 11 –
L
en particulier dans les vaccins
*
Pour les vaccins, la situation aussi est complexe. Sous prétexte qu’on
avait affaire à une maladie d’une gravité extrême, pour laquelle « aucune
solution thérapeutique n’avait été proposée » (!), il a été considéré comme
normal de griller toutes les étapes, et en particulier de ne pas évaluer la
toxicité et l’efficacité des vaccins sur une échelle de temps raisonnable.
C’est un pari considérable. Nous verrons ce qu’il en adviendra. Il a été
découvert, d’ores et déjà, a posteriori, que le vaccin AstraZeneca entraînait
des thromboses (les vaisseaux sanguins se bouchent) parfois mortelles, et
que son bénéfice chez les femmes qui sont le plus atteintes par cette
complication du vaccin mais qui, si elles ont moins de 50 ans, n’ont
pratiquement aucune chance de mourir de la COVID, était probablement
modeste.
Par ailleurs, toute la théorie qui explique que les vaccins empêcheront la
circulation du virus n’a jamais été testée, c’est-à-dire qu’en pratique, les
gens qui ont vendu ces vaccins n’ont jamais testé l’efficacité sur le portage
vaccinal, sauf dans les cas de maladies diagnostiquées comme étant liées au
COVID.
Dans l’expérience que nous avions en juin 2021 à l’IHU de Marseille,
documentée par PCR, qui portait sur près de 600 patients vaccinés et
néanmoins infectés par le COVID, nous n’avons pas noté que le vaccin
diminuait la gravité de la maladie, la mort étant aussi fréquente chez les gens
vaccinés que chez les gens non vaccinés, de même que l’hospitalisation.
En réalité, il faudra du temps pour évaluer l’efficacité du vaccin sur la
mortalité et sur la circulation du virus. Il sera difficile de distinguer, dans
l’évolution de l’épidémie, les éléments liés à la vaccination, les éléments
liés à l’évolution naturelle du virus et ceux liés à l’état d’immunité de la
population. En effet, dans notre expérience, l’infection naturelle est beaucoup
plus protectrice que la vaccination. En pratique, nous avons vu des
réinfections après infection par le premier variant de Chine, mais pas par le
variant Marseille 4 ou par le variant anglais. L’effet potentiel de la
vaccination n’est issu que de modèles mathématiques dont l’efficacité ne
s’est pas révélée du tout durant cette épidémie. En effet, une partie de la
terreur liée à cette épidémie a été associée, dès le départ, à la réalisation de
modèles dramatisants, qui ont été brandis d’abord par le Conseil
scientifique, puis sur tous les plateaux de télévision, sans que personne n’ait
jamais rien pu prédire de réaliste. L’épidémie, telle que nous l’avons vécue,
n’avait été prédite par personne. Je me garde bien d’ailleurs de faire des
prédictions de cette nature. Quand je m’exprime, c’est toujours pour dire
qu’il existe des exemples qui ressemblent à ça, comme les courbes en cloche
qu’on voit dans toutes les épidémies saisonnières. La deuxième épidémie
était d’autant plus difficile à prévoir qu’elle a été limitée à un certain nombre
de pays. Beaucoup de pays, en particulier en Asie, n’ont vécu qu’une
épidémie en forme de cloche et des cas sporadiques importés et contrôlés,
sans que cela cause de deuxième épidémie.
En pratique, les modèles n’ont pas non plus fait la démonstration de leur
efficacité. Et donc, la capacité de modèles qui n’arrivent pas à déterminer ce
qu’est l’évolution naturelle d’une épidémie, ni à prédire le rôle du vaccin
dans son évolution, est plus que fantaisiste.
– 12 –
L’
Encore un problème de rentabilité
*
La limite de notre système se traduit, au e
siècle, par le fait que
l’accumulation de tellement de travail au cours du e siècle, en particulier
en chimie, a fait que nous sommes actuellement en possession d’un
patrimoine moléculaire, pour les médicaments, qui est considérable. Ainsi, il
y a très peu de niches médicales dans lesquelles nous n’ayons pas de
solutions avec nos stratégies thérapeutiques actuelles. Il existe, certes,
quelques maladies génétiques, quelques cancers qui pourraient encore en
bénéficier, mais cela ne représente pas des niches économiques extrêmement
importantes, sauf à faire ce qu’il s’est passé ces dernières années : une
augmentation absolument considérable du coût des molécules. Nous n’avons
pas réussi, pas plus que nos ancêtres, à trouver l’eau de jouvence, ni la
recette de l’immortalité, qui fait partie de toutes les légendes de l’histoire de
l’humanité depuis que nous avons une trace de l’écriture. Nous vieillissons
tous, et nous mourrons tous !
Les éléments, qui sont nouveaux et modernes, sur lesquels nous aurions dû
nous projeter depuis longtemps, sont les outils et l’électronique. Les outils
qui permettent de surveiller à distance l’état de santé, la prise de l’oxygène,
la prise de la tension, l’électrocardiogramme à distance (qui peut se réaliser,
maintenant, sur des montres simples), constitueront un progrès considérable
dans la surveillance des maladies. Le développement des techniques de
détection radiologique précoce des cancers permettra de traiter des cancers
à leur début, avant qu’ils deviennent incurables. Cet élément technologique
est absolument primordial, et c’est un domaine dans lequel nous avons pris
beaucoup de retard, en France, sur le plan des équipements. Notre
équipement, en 2019, sur les scanners et les IRM, était un des plus pauvres
des pays de l’OCDE, de même que nos stratégies de séquences génétiques,
pour lesquelles on a pu voir, au printemps, que la France avait un retard
considérable, alors que nous étions les seuls, à Marseille, à séquencer de
façon régulière les organismes, dont le virus du COVID-19.
L
… Et l’oubli du rôle essentiel du médecin !
De tout temps, les humains ont cherché à exercer une tyrannie sur le
contrôle du comportement des autres humains. Cette tyrannie a pu être basée
sur des éléments religieux ou ethniques, à l’occasion de catastrophes
naturelles… Actuellement, la tyrannie s’exerce par le biais d’une fausse
science imputée à la médecine. Des groupes de pression, plus au moins
efficaces, comme les collectifs NoFakeMed ou Citizen4Science, et même,
dans une certaine mesure, le conseil de l’ordre des médecins, expliquent ce
qui est exact et ce qui ne l’est pas à l’aide de sentences péremptoires et de
certitudes dérisoires. La plupart des gens qui s’expriment dans ce domaine-
là ne sont pas de vrais scientifiques. Ils ignorent totalement l’évolution des
sciences, l’instabilité des connaissances, et ils essayent d’imposer une forme
de certitude scientifique liée, pour certains, à l’industrie pharmaceutique, et
pour d’autres à un simple délire de puissance. Cela remet en cause la place,
si ancienne, du médecin dans la prise en charge des malades. J’ai eu,
récemment, l’occasion de me faire maltraiter par une jeune femme médecin
qui nous avait contactés pour faire des dosages de médicaments chez son
malade (en l’occurrence doxycycline et Plaquenil), sauf que nous n’avions
pas trouvé de trace de médicaments chez ce patient !
J’ai une grande expérience des échecs thérapeutiques, et c’est la raison
pour laquelle j’ai commencé à mettre en place les dosages des médicaments
dans le sang. Globalement, les gens qui ont une certaine expérience des
dosages savent qu’entre 10 et 15 % des patients ne prennent pas le traitement
et ne le disent pas à leur médecin. Bien entendu, il faut les prévenir à
l’avance que l’on va doser les médicaments dans leur sang, et que lorsque
l’on n’en trouve pas, il n’y a guère d’autre explication que le fait qu’ils n’ont
pas pris leurs médicaments. Le fait que j’aie dit ça à cette jeune femme lui a
fait écrire que je n’y connaissais rien, que le malade avait dit qu’il prenait
très bien ses médicaments et que, d’ailleurs, il refusait qu’on communique
avec moi à ce sujet. J’étais peiné de voir qu’une notion aussi basique que
celle du problème de la compliance, c’est-à-dire, le fait que le malade fasse
ou non ce que vous demandez, soit une leçon aussi ignorée.
Par ailleurs, l’hydroxychloroquine avec la doxycycline (ces médicaments
que je prescris depuis si longtemps) donnent des risques de coups de soleil
extrêmement importants, et donc, je préviens toujours très longuement les
patients qu’ils vont passer un été difficile, en leur donnant des
recommandations. Cette façon d’agir amène à une différence de réaction des
patients considérable d’un site à l’autre. Il y a des sites où jusqu’à 30 % des
patients abandonnent leur traitement à cause de ces coups de soleil, alors que
chez moi, extrêmement peu de malades abandonnent à cause de ça. Il suffit de
les voir en consultation au retour des vacances : ils sourient plutôt en disant :
« Vous m’aviez prévenu, mais je ne pensais pas que c’était à ce point. »
Cette question est très importante, et l’un des papiers les plus cités dans
les sciences humaines et sociales est signé Bruno Latour et intitulé From
Matters of Fact to Matters of Concern.36 Dans cet article, Latour développe
la théorie selon laquelle quand les faits remettent en cause quelque chose
qui, sociologiquement ou politiquement, présente un danger, il ne faut pas
présenter les faits. C’est une question très intéressante, apparemment
paradoxale, car l’objectif des scientifiques n’est pas de conforter la société
dans ses certitudes, mais de rapporter des faits. Or il est difficile de
rapporter les faits d’une manière entièrement neutre. Comme nous l’avons
vu, les faits peuvent être habillés, déguisés par les méthodes, par la
présentation ou par l’observation.37 On sait bien qu’une des raisons majeures
de non-reproductibilité des sciences biologiques était que les manipulations
qui donnaient des résultats inverses à ce qui était espéré pouvaient être
écartées du fait qu’elles présentaient des petites anomalies que l’on ne
vérifiait pas chez celles qui confirmaient votre propre hypothèse. Ainsi,
d’une façon inconsciente, vous pouvez orienter les résultats. Et le fait
d’avoir une hypothèse pour commencer, que l’on cherche à confirmer,
introduit un biais dans l’analyse des données. Il faut donc regarder ce que les
chercheurs ont mis dans la poubelle comme n’étant pas exploitable pour être
sûr qu’ils n’y ont pas mis les éléments qui remettraient en cause leur
conclusion.
*
Par ailleurs, la question qui est posée par Latour est celle du symbolisme
contre la science. Encore une fois, la science n’est pas là pour être
théoriquement au service ni d’une idéologie, ni d’une industrie, mais pour
aider à augmenter la connaissance. Quand elle prend une dimension
symbolique trop importante, elle devient, au contraire, un facteur d’inhibition
de la connaissance. Un des exemples sur lesquels je me suis penché avec
beaucoup d’insistance est celui de Darwin. Darwin était un scientifique qui a
joué un rôle social important en permettant, en Angleterre, de faire
comprendre que les choses changeaient au cours du temps, et qu’elles
n’étaient pas figées (c’est l’évolution), alors qu’une partie de la population
(et ils sont toujours nombreux aux États-Unis) pensait que tout s’était passé
comme décrit dans la Bible : il y a 5 000 ans, il y a eu une création en sept
jours, point final. Ce débat avait déjà eu lieu longtemps avant Darwin, en
France, avec Lamarck, qui fut condamné au silence sous la pression de
l’Académie des sciences de l’époque, et avec Cuvier, qui était pourtant un
grand scientifique. Toutefois, la théorie de Darwin était déjà peu vérifiée au
e
siècle, et peu crédible, et bien entendu elle est entièrement dépassée
maintenant que nous connaissons le mosaïcisme des êtres vivants qui ont des
origines génétiques multiples. La théorie de Darwin a été renforcée par la
situation de l’Angleterre, qui dominait le monde à l’époque, et par le racisme
ambiant qui tentait à prouver que ceux qui étaient les plus forts à un instant
donné étaient les plus forts définitivement, et que leur présence au sommet de
la pyramide était justifiée par une sélection des meilleurs. Les autres
ouvrages de Darwin, en particulier sur l’Homme, sont juste totalement
illisibles tant ils font la preuve d’une ignorance, même à l’époque, qui
démythifie le personnage.
En fait, les scientifiques et les grands hommes ne doivent pas être
idolâtrés. Ils incarnent un changement de pensée, « Ce sont les ruses de la
raison pour nous faire avancer », comme le dit Hegel. Toutefois, ce ne sont
pas des idoles et ils ne doivent pas le devenir. Je suis d’ailleurs consterné de
voir que, dans cette affaire de l’hydroxychloroquine, je sois devenu un sujet
symbolique. Cela montre que certains n’aiment pas la science, mais juste la
science avec une activité exclusivement sociale. Lorsque l’on est pour ou
contre un symbole, c’est un reliquat de la pensée d’Auguste Comte. En
réalité, les résultats scientifiques sont les résultats scientifiques, et qu’on
veuille les cacher ou non n’empêchera pas, à un moment, la réalité
scientifique d’apparaître… et de changer avec le temps !
Un des éléments, qui est d’ailleurs troublant, de la stratégie des journaux
scientifiques, c’est que leur problème vise plus désormais à être en harmonie
avec une forme de consensus social qu’à faire de la science. Récemment, une
publication d’Elsevier mettait en évidence qu’il faisait de la « bonne
science » parce qu’à chaque échelon il y avait une proportion égale
d’hommes, de femmes et de transgenres parmi leurs éditeurs et leurs
reviewers. Pour ma part, comme la plupart des scientifiques, je me moque de
savoir quel est le genre de celui qui me reviewe. En revanche, je me
préoccupe de savoir s’il a un conflit d’intérêts personnels ou financiers avec
moi, ou avec le travail que je suis en train de réaliser. Or on voit bien que la
priorisation actuelle sur des problèmes sociaux, et non sur des problèmes
scientifiques, traduit un malaise très profond dans la recherche scientifique
réalisée dans les journaux les plus anciens et les plus traditionnels.
36. Bruno L , “Why Has Critique Run out of Steam? From Matters of Fact to Matters of
Concern”, Critical Inquiry Volume 30, Number 2 Winter 2004, https://doi.org/10.1086/421123.
37. Didier R , La science est un sport de combat, Éditions HumenSciences/Humensis, 2020.
– 15 –
H
Quand l’affabulation prend le pas sur la réalité,
comment peut-on prendre des mesures réalistes ?
C ’
Où l’on semble avoir oublié que l’éthique
est la science de la morale
*
Par ailleurs, le circuit actuel de la validation sur le plan de l’éthique
exige une analyse par un comité de protection des personnes (CPP). Ces
comités de protection des personnes sont tellement nombreux et si peu
intéressants qu’en réalité, la plupart des gens qui auraient le niveau suffisant
pour pouvoir analyser purement et simplement la morale de l’étude y
deviennent de plus en plus rares. Ainsi, selon le CPP sur lequel on tombera,
pourra-t-on avoir une réponse positive ou négative. La documentation des
réponses laisse parfois perplexe. Dans la guerre contre
l’hydroxychloroquine, tous nos projets ont été rejetés, sauf le premier. Le
deuxième projet, qui demandait simplement la prolongation du premier, a été
rejeté par un comité de protection des personnes différent du premier. Par la
suite, la direction des projets envoyés par le ministère vers tel ou tel CPP
était entièrement dépendante du ministère et de l’INSERM, ce qui fait que les
CPP choisis étaient plutôt naturellement hostiles à notre approche
thérapeutique, voire à notre équipe.
Par ailleurs, très souvent, ces comités de protection des personnes sont
noyautés par des méthodologistes, c’est-à-dire des gens qui ne se posent pas
la question du fond – l’intérêt de la recherche et le risque pour le malade –,
mais qui s’interrogent sur la question de la forme. Les mêmes
méthodologistes, on le sait, publieront ensuite des papiers qui sont
inacceptables sur le plan méthodologique, puisqu’ils ne comportent pas
l’effectif nécessaire (le nombre de patients) pour montrer une différence. En
effet, la seule manière théorique d’interrompre un essai en cours est de
montrer qu’il existe déjà une différence significative entre deux traitements.
Quand il existe une différence mais qu’elle n’est pas significative, le fait de
l’interrompre correspond, purement et simplement, à une manipulation de
l’expérience en cours. L’analyse morale du CPP me semble être de plus en
plus oubliée, au profit de la contrainte à rentrer dans une approche
méthodologique pure.
Le problème, sur le plan thérapeutique, devrait être résolu car, semble-t-
il, ce sera l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui
évaluera les essais thérapeutiques. Sauf que c’est inquiétant, car pour
l’instant l’ANSM a refusé tous les essais thérapeutiques qui faisaient appel à
des produits anciens et sans danger. Le dernier essai pour lequel nous ayons
reçu un avis négatif concernait l’utilisation du traitement de la lèpre,
employé depuis des décennies chez des dizaines de millions de personnes,
pour traiter les tuberculoses, en particulier les résistantes, car l’antibiotique
utilisé pour la lèpre a une activité très significative, probablement la plus
élevée de tous les produits au monde, sur le bacille tuberculeux. Ainsi, sauf à
demander à ceux qui envoient une réponse négative d’avoir une réflexion
documentée sur le plan scientifique, une audition faite par un comité de
protection des personnes de qualité est indispensable. Mais il suffit de
regarder la composition d’un certain nombre de ces CPP pour se rendre
compte que leur capacité à faire une analyse exhaustive de la littérature,
plutôt que de suivre les courants de pensées qui circulent, n’est pas
particulièrement convaincante.
– 18 –
L C
’
Une hostilité sans aucune position scientifique
À la suite de cette réunion, j’ai été invité, alors que je n’en faisais pas
partie, à rejoindre le Conseil scientifique. Ce Conseil scientifique, de mon
point de vue, n’était pas un Conseil scientifique de science des épidémies, et
n’avait pas une connaissance approfondie des stratégies diagnostiques et
thérapeutiques, hormis les équipes incluses dans le traitement des infections
chroniques comme le sida et les hépatites. Dans ces domaines, toutes les
ressources ne viennent que des médicaments nouveaux de l’industrie
pharmaceutique, et les conflits d’intérêts sont la règle. Je l’ai dit, ce Conseil
scientifique n’avait pas du tout la main sur les essais thérapeutiques, il
n’avait pas du tout la main sur les appels d’offres scientifiques, qui étaient
gérés en dehors de lui, par un groupe qui était l’ancien groupe de REACTing
(un groupe de l’INSERM issu de l’Agence française de lutte contre le sida),
lequel a continué à gérer ces appels d’offres scientifiques en l’absence de
toute connexion avec le Conseil scientifique.
Sur l’intervention, je crois, du Président, l’hydroxychloroquine a été
introduite, mais absolument pas aux doses que j’utilise et que j’avais
utilisées dans mes travaux préliminaires, ni en association avec
l’azithromycine, et sans me demander de conseils.
*
Il est à noter par ailleurs que le choix de faire des séquences génomiques
n’a jamais été pris par le Conseil scientifique. L’exploration du rôle des
élevages de visons dans le rebond épidémique que l’on avait observé en
Hollande à partir de mai 2020 n’a jamais été faite en France par le Conseil
scientifique. En somme, toutes les échéances scientifiques ont été négligées
ou refusées par ce Conseil scientifique. L’interrogation de l’INSERM sur les
raisons de l’interruption de l’usage de l’hydroxychloroquine dans l’essai
Recovery n’a pas été faite non plus par le Conseil scientifique
(effectivement, il y avait une confusion des genres, puisque c’étaient les
mêmes qui faisaient les deux choses). Pourtant, les résultats préliminaires
étaient en faveur de l’hydroxychloroquine, seul médicament montrant une
différence par rapport aux autres médicaments testés. Mais l’interruption
prématurée de cet essai a empêché de confirmer que cette différence était
significative.
Enfin, récemment, il y a eu une fuite de courriels d’Anthony Fauci, en
particulier de ses communications avec Jean-François Delfraissy. Parmi
celles-ci, monsieur Delfraissy expliquait clairement qu’il ne pouvait pas
faire de tests (ce qui n’était pas exact, c’est de l’incompétence ou du
mensonge) alors qu’il y avait des quantités de possibilités de les faire et que
le Conseil scientifique n’avait jamais répondu à l’offre d’un laboratoire
vétérinaire de transmettre de quoi faire 50 000 tests. Jean-François
Delfraissy expliquait aussi que la pression politique aurait été exercée par le
président Macron pour l’hydroxychloroquine, et qu’il était difficile de tenir
mais qu’il y résistait (il jouait ainsi un rôle politique là où il devait jouer un
rôle scientifique). Tout cela permet de comprendre pourquoi je ne pouvais
pas rester dans un tel conseil scientifique.
Je reproduis ici la traduction de toutes ces explications qu’en a données
France Soir, le 3 juin 2021.
« Bonjour,
Je suis à nouveau en service depuis que la crise sanitaire mondiale
COVID-19 a frappé la France, il y a quelques semaines. Je dirige
maintenant le Conseil scientifique du COVID-19, composé de dix
personnes, au service du président français, Emmanuel Macron. Le
Conseil a été créé le 10 mars et nous avons été fortement impliqués dans
des activités de conseil en relation avec le Président, notamment sur sa
décision de mettre en place le confinement généralisé, parce que nous
n’avions pas de meilleur choix.
Tout d’abord, nous disposons d’un nombre limité de tests, ce qui nous
empêche de mettre en place une stratégie de type coréen dans les
prochains jours. Cependant, à la fin du confinement (dans les six semaines
à venir), nous serons en mesure de généraliser l’utilisation des tests et de
développer des applications de type coréen, ainsi qu’une stratégie de
test et de traitement, si nous disposons de médicaments à ce moment-là.
Avant cela, nous allons passer par une phase difficile dans les semaines
qui suivent, car nous n’aurons pas assez de lits dans nos unités de soins
dans certaines régions de France…
Deuxièmement, sur le plan thérapeutique, Yazdan Yazdanpanah a pris
ma place et dirige désormais REACTing. Demain matin va débuter un essai
médical franco-européen, sous le contrôle de l’OMS, avec cinq objets
d’étude (placebo/kalatra/kalatra+interféron bêta/produit de
Gilead/hydroxychloroquine seule ou en combinaison pour la semaine
prochaine). Comme vous le savez peut-être, nous faisons actuellement face
à un buzz médiatique depuis l’annonce faite par le docteur Raoult sur
l’efficacité de l’hydroxychloroquine. Ses données ne sont pas
particulièrement convaincantes. Nous pouvons distinguer un léger signal
positif, mais il doit être confirmé par un essai randomisé de bonne facture.
Nous avons également commencé une étude sur le modèle de cellules de
singes avec l’hydroxychloroquine, et nous devrions avoir les résultats à la
fin de la semaine prochaine. Une cohorte de patients COVID+ sévères a
également été créée et certains seront traités par
hydroxychloroquine : nous analyserons ces résultats avec toute la
conscience nécessaire. Il sera également possible de faire un essai de
prévention pour les professionnels de la santé et les personnes âgées avec
l’hydroxychloroquine. J’ai une énorme pression politique pour libérer
l’accès à l’hydroxychloroquine pour tout le monde, mais je résiste
actuellement.
L COVID-19
L’urgence a fait tomber toutes les barrières.
Pas de principe de précaution,
plus de responsabilités des laboratoires,
et que les gens prennent les leurs !
Par ailleurs, les vaccins, qui ont été basés sur la Spike – une protéine
majeure du virus – et non sur le virus entier, présentent une grande tendance à
ne plus être efficaces à terme, du fait qu’ils exercent une pression de
sélection sur les virus. Or ces virus mutent assez facilement, et d’ores et
déjà, on sait que plusieurs variants du virus SARS-CoV-2, agent de la
COVID-19, ne sont pas évités par les vaccinations actuelles. Ainsi,
l’AstraZeneca n’est plus utilisé en Afrique du Sud, où le variant qui circule
échappe à ce vaccin. Par ailleurs, certains pays ont interdit maintenant son
usage. Il existe incontestablement une confusion qui résulte, de mon point de
vue, du fait que les décisions prises en très grande urgence, et porteuses d’un
espoir trop important, amènent secondairement des conflits sur la place
réelle que doivent avoir ces vaccinations. Elles sont certainement utiles sur
les populations à risque, mais pas chez 100 % d’entre elles (les sujets âgés
réagissent moins bien au vaccin).
*
Les mois d’été 2021 nous ont donné quelques éléments supplémentaires
concernant la stratégie vaccinale contre la COVID-19. Le vaccin
AstraZeneca a causé des troubles secondaires, et des troubles parfois
mortels de deux types. D’une part des thromboses (les vaisseaux, artères ou
veines sont bouchés) pouvant entraîner la mort. Elles atteignent le cerveau ou
les poumons. Ces thromboses touchent plus particulièrement les femmes de
moins de 50 ans. Compte tenu du fait que cette population, hormis les
patientes porteuses de maladies associées graves, ne souffre que très peu de
la maladie, et qu’il n’y a pas de mortalité détectable quand elle est prise en
charge, le vaccin ne lui apporte pas de bénéfices. D’autre part, certains
patients ont présenté des myélites transverses, c’est-à-dire des atteintes de la
moelle épinière avec paralysies, dont certaines peuvent être mortelles, au
cours de la vaccination par AstraZeneca. Plusieurs pays recommandent,
maintenant, de ne plus utiliser du tout le vaccin AstraZeneca, ou de ne pas
l’utiliser chez les femmes de moins de 60 ans, et de discuter l’indication
chez les femmes qui ont entre 50 et 60 ans quand elles ont des pathologies
associées. Ce vaccin n’est, par ailleurs, pas indiqué chez les enfants mineurs.
U :
Il ne faut pas régner par la panique
*
Cette crise est à placer dans une perspective historique. En effet, Karl
Marx a écrit : « L’Histoire se répète, la première fois comme un drame, la
deuxième fois comme une farce » à propos de Napoléon Ier et de
Napoléon III. Cela s’applique vraiment à notre situation, quand on compare à
la Seconde Guerre mondiale notre manière de vivre cette épidémie.
Dans la Seconde Guerre mondiale, la déroute de notre pays est
incompréhensible si la peur et l’absence de commandement efficace ne
l’expliquent pas. Au moment où nous demandons l’armistice, nous n’avons
pas perdu plus d’hommes que l’Allemagne, nous avons une armée qui est
aussi nombreuse et des blindés qui sont aussi nombreux, la seule différence
technique est l’aviation.
La terreur va pourtant saisir la population, 10 millions de personnes vont
se retrouver sur les routes, sans savoir où elles vont, dont les deux tiers sont
des Parisiens partant avec les enfants, les grands-parents, soit en voiture,
avec très peu d’essence pour aller bien loin, soit à pied, sans avoir de quoi
manger. Au total, on estime que 100 000 personnes sont mortes pendant cette
déroute liée à la panique, alors que seulement 65 000 soldats étaient morts.
10 000 personnes auraient disparu pendant cet épisode. Il faut lire le livre de
Bloch sur « l’étrange défaite »46 pour mesurer cette terrible déroute, qui se
terminera par un vote à la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale pour le
général Pétain. Le consensus proposait d’arrêter le cours de l’Histoire.
Comme si on arrêtait le cours de l’Histoire ! Bien entendu, la guerre a
continué. Comme le disait le général de Gaulle, c’est devenu une guerre
mondiale, mais la peur et l’immense majorité des députés voulaient en finir,
se cacher, se terrer chez soi, espérant que le renoncement permettrait, comme
chez les autruches, en ne regardant pas ce qui arrivait, de le faire disparaître.
J’ai eu cette perception très nette parce que l’histoire de ma famille a été
immergée, d’une manière très spécifique, pendant la dernière guerre
mondiale, et que j’ai été bercé par les récits de la peur, de la résistance et de
la collaboration. Effectivement, pour la COVID, comme dans une période de
guerre, un couvre-feu a été imposé, qui a été respecté de manière différente,
en fonction des endroits. À Marseille, le couvre-feu a été respecté avec peu
d’énergie, alors qu’à Paris, plus personne n’était dans les rues. Les
différentes régions de France n’ont pas réagi de la même manière à un
comportement imposé dont on a pu montrer qu’il relevait davantage d’une
croyance que de la réalité démontrée. Personne n’a jamais démontré que le
confinement était efficace. Les Suédois, qui n’ont pas confiné, qui n’ont pas
réellement porté de masque, n’ont pas eu une mortalité supérieure à la nôtre,
et leur mortalité de départ était surtout due à une erreur (comparable à la
nôtre) qui était de ne pas traiter les gens de plus de 70 ans, lesquels étaient
en réalité les seuls qui allaient mourir d’une façon significative.
L’autre élément de l’équivalent de la guerre a été les miliciens de la peur,
ceux qui nous inondent de fausses nouvelles, la fausse information. Il y a
ceux qui nous persécutent quand on ose dire que les choses ne sont pas aussi
graves que ce qu’on a prétendu ou que nous avons des solutions
thérapeutiques. C’est, pour moi, l’équivalent des miliciens. J’ai été conforté
dans cette idée avec le développement du site PubPeer, qui ressemble à ce
qui se voyait pendant la dernière guerre mondiale : un site de délation,
alimenté par des lettres anonymes, qui représentent pour moi le sommet de
l’horreur des relations humaines. Effectivement, la gestion de cette épidémie,
en Europe, a été faite d’une manière terriblement proche de notre gestion de
la Seconde Guerre mondiale. Ce qui est navrant dans cette affaire est que
l’Angleterre, qui avait constitué un barrage à l’effondrement de nos valeurs,
est cette fois-ci devenue le plus mauvais élève de la classe, ajoutant la
tricherie des publications scientifiques à la peur et à la délation.
45. Hideki T , Mark S , “A Cross-Country Analysis of the Determinants of COVID-19
Fatalities”, Center for Economic Studies, 2021, CESifo Working Paper No.9028.
46. Marc B , L’Étrange Défaite : témoignage écrit en 1940, Gallimard, 1990.
C
La guerre contre la chloroquine s’est déroulée avec une violence
inattendue, qui a amené un déchaînement contre le produit lui-même, puis
contre moi, avec des atteintes qui sont interdites par la loi, qui relèvent de la
diffamation, du harcèlement. J’ai préféré ne poursuivre qu’un nombre limité
de personnes, de façon à ne pas avoir à y consacrer trop de temps. J’ai porté
plainte contre monsieur Hirsch, le directeur de l’Assistance publique, à
Paris, qui a envoyé un courrier à l’Assemblée nationale disant que j’avais
fait un faux témoignage en prétendant que l’Assistance publique n’avait pas
testé un Chinois venant de la région de Wuhan, qui avait certes 40 de fièvre,
mais qui ne répondait pas aux critères pour être testé (il était chinois, il avait
de la fièvre, il toussait, et il n’était pas de la ville de Wuhan même mais de
la région !). Ce patient est mort, ce qui n’a pas empêché l’équipe de Yazdan
Yazdanpanah de le publier trois fois de suite : dans le Lancet Infectious
Diseases, dans The New England Journal of Medecine, dans
l’International Journal of Infectious Diseases. Ce patient a été traité par le
Remdesivir et est mort. Pour ma part, le cynisme qu’il y a à publier un tel
patient plutôt que d’avoir honte de l’existence d’un tel circuit et d’une telle
évolution reste un des éléments de surprise les plus forts que j’aie eus. Quoi
qu’il en soit, monsieur Hirsch, qui disait que les chiffres de la mortalité
parisienne que je donnais pour l’Assistance publique étaient faux, et que
l’histoire du Chinois était fausse, a été interrogé ensuite publiquement à
l’Assemblée nationale, où les documents, montrant les chiffres très précis
que je citais de l’Assistance publique (issus d’un document interne de
l’Assistance publique que l’on m’avait envoyé), correspondaient exactement
à ce que je disais. Nous avons publié la comparaison Paris-Marseille de la
gestion de la COVID-19 qui confirme cela.47
De la même manière, ce que je disais de la mortalité en réanimation, à
Marseille, dans le même temps, qui était à peu près de la moitié de celle de
Paris, était aussi confirmé par les données de l’Assistance publique de
Marseille. La plainte a été classée sans suites, pour l’instant. Mais nous
portons plainte à titre personnel, car je considère que cela est extrêmement
grave.
Par ailleurs, monsieur Hirsch, après cette accusation, a parlé de « plainte
déposée par plusieurs personnes ». Cette plainte a été reprise par madame
Lacombe, qui est un des médecins de maladies infectieuses les plus financés
par toute l’industrie pharmaceutique (quatrième dans le monde des
infectiologues). Nous avons porté plainte contre elle, et elle est actuellement
mise en examen.
J’ai porté plainte aussi contre monsieur Raffi, pour lequel, dans une
première partie, une composition pénale a été proposée par le juge,
entraînant sa condamnation à quelques centaines d’euros et à quelques
centaines d’euros de dommages et intérêts. Nous avons fait déposer, depuis,
une plainte pour dommages et intérêts, monsieur Raffi ayant reçu, au cours de
ces dernières années, plus de 600 000 euros de l’industrie pharmaceutique.
Bien sûr, ces dommages et intérêts seront versés, s’ils sont obtenus, à
l’institut hospitalo-universitaire de Marseille.
D’autre part, mes collègues ont été accusés de charlatanisme par quatre
personnes, dont monsieur Stahl, un collègue à la retraite, rémunéré par
l’industrie. Une plainte a été déposée pour faits de diffamation publique,
compte tenu du fait que sa plainte au conseil de l’Ordre a été jugée sans
fondement.
J’ai porté plainte contre monsieur Gorincour, un médecin du conseil de
l’Ordre départemental, qui a échangé des SMS avec la SPILF (Société de
pathologies infectieuses de langue française), dirigée par monsieur Tattevin,
afin d’organiser la plainte instruite contre moi, et pour laquelle j’ai été
renvoyé devant la chambre disciplinaire (rappelons que la SPILF est
abondamment financée par Gilead, qui est son premier sponsor). La plainte
contre monsieur Gorincour a été retenue, et renvoyée devant une chambre
disciplinaire.
J’ai porté plainte contre madame Bik et monsieur Barbour pour
harcèlement aggravé, tentative de chantage et tentative d’extorsion, madame
Bik ayant écrit à l’un de mes collaborateurs pour lui demander de l’argent.
Elle a prétendu, ultérieurement, que c’était de l’humour… Elle m’a traité de
néocolonialiste. Je reste extraordinairement curieux de savoir quelles sont
les sources financières qui l’incitent ainsi à passer son temps, avec la société
qu’elle a bâti – qui est une société de délation –, à me harceler. Nous avons
aussi porté plainte, avec constitution de partie civile, contre messieurs
Schneider et Alexander, pour faits d’injure et de diffamation publique. Enfin,
je suis en train de porter plainte contre la SPILF, pour dénonciations
calomnieuses. Je pense en effet que ce n’est pas devant des journalistes, y
compris ceux de Nature et de Science, que la justice se règle, car j’ai trop
l’habitude, maintenant, de la manipulation. Il est clair qu’un journal comme
Nature a des conflits d’intérêts majeurs, compte tenu qu’un numéro sur trois
est entièrement sponsorisé par un industriel. Dans ces conditions, la question
des conflits d’intérêts des journaux se pose d’une manière très aiguë, qui
sera probablement en partie résolue par l’apparition de nouveaux journaux
s’autofinançant.
*
La deuxième partie des manœuvres dirigées contre moi, après ce
harcèlement inouï que j’ai subi et auquel je n’ai pas peur de répondre, a
consisté en une manipulation des données extraordinaire. Ainsi, un groupe
d’étudiants a inventé une méta-analyse ressortie par toutes les instances du
ministère, dite « méta-analyse Fiolet ».48 Cette méta-analyse est fantasque.
J’ai répondu immédiatement, dans le même journal, pour expliquer ce
qu’étaient les essais thérapeutiques, et ce qui peut ou ne peut pas être retenu
dans ces essais.49 Bien sûr, les journaux ont préféré utiliser cette étude
fantasque qui retenait à peu près 10 % des études qui ont été publiées, en
rejetant toutes celles qui n’étaient pas à leur goût. Le CV des cinq personnes
qui ont fait cette méta-analyse est plein d’intérêt…
Les essais mis en place en France, deux essais randomisés, l’un appelé
« l’essai d’Angers » et l’autre Discovery, ont tous les deux été arrêtés
prématurément, alors que les premières données montraient que
l’hydroxychloroquine était supérieure au placebo. Dans ces conditions, le
nombre de patients minimum nécessaire pour démontrer que cette différence
était significative n’a pas pu être atteint. Ce qui permet aux deux auteurs de
dire un mensonge : qu’il n’y a pas de différence, alors que, dans une étude, il
y a 50 % de morts en moins. Cela signifie qu’il y a une différence, mais que
l’échantillon analysé n’a pas la puissance de démontrer si elle est
significative ou non. À cette occasion, j’ai eu la possibilité de voir, compte
tenu de la pression que nous avons mise sur les gens qui sont dans la
situation de conflits d’intérêts, que madame Costagliola (le grand prix de
l’INSERM 2020) avait elle aussi des conflits d’intérêts, ayant reçu des
financements directs de Gilead. Jusqu’à présent, cette donnée n’était pas
accessible, car les données disponibles pour le gouvernement sont celles des
médecins en activité, et non pas celles de ceux qui ne sont pas en activité. Le
site, si facile à utiliser, Euros For Docs est en train de changer cela. Nous
espérons qu’il ne se passera pas ce qu’il s’est passé pour Expertscape, c’est-
à-dire une manipulation empêchant d’avoir un accès direct aux financements
regroupés des investigateurs. Si c’était le cas, il ne serait pas difficile de
reproduire ces données avec un site informatique que nous créerions pour
rendre possible l’accès à ces données, ce qui devrait, en réalité, être fait par
le ministère de la Santé, plutôt que de disperser les sources de financement à
un point tel qu’il devient difficile de savoir qui a touché quoi.
*
Par ailleurs, aucune étude n’a été lancée en France, en parallèle de la
nôtre, pour montrer que notre approche était ou non reproductible. En fait,
partout où cela a été fait, on a trouvé les mêmes résultats. La seule étude qui
ait été publiée en France est une étude dirigée par Mahévas50, qui a retrouvé
le même effet que la nôtre sur la prévention en passage en réanimation et sur
la mort. Mais les auteurs ont refusé d’analyser cette donnée dans le texte, et
de la mentionner dans le résumé. Quant aux publications qui ont été faites
dans le monde à ce sujet, ce sont les plus fantaisistes qu’il m’ait été donné de
voir de ma vie : des patients inclus sans le moindre critère diagnostique
objectif (pas de PCR), des déclarations faites à distance par Internet, des
médecins qui pensaient que le diagnostic était la COVID et qui disaient avoir
prescrit un traitement… Aucun contrôle, aucune donnée vérifiable. Et ces
publications sont sorties dans les plus grands journaux ! Elles étaient toutes
orientées vers l’absence d’efficacité de l’hydroxychloroquine. Il faut dire
que, aux États-Unis et au Brésil, l’adoption du principe de
l’hydroxychloroquine respectivement par monsieur Trump et monsieur
Bolsonaro a aussi ajouté une difficulté pour ce traitement, du fait de
l’hostilité très significative qui existe ou qui existait à leur encontre. C’est
d’ailleurs là un très bon exemple de la dérive de l’usage de la médecine à
des fins politiques, dans un sens comme dans un autre : monsieur Bolsonaro
prenant de l’hydroxychloroquine en public, et monsieur Trump déclarant
successivement qu’il prenait de l’hydroxychloroquine, qu’il n’en prenait
plus, qu’il se faisait faire une perfusion de Remdesivir au milieu de la
campagne électorale… Sans compter les ministres et les présidents qui se
vaccinent en public. On voit bien que l’enjeu n’est plus seulement de soigner
et de prévenir les infections, mais que c’est un enjeu symbolique et électoral
qui dépasse de très loin la médecine.
*
Cette déconnexion de la médecine pratique et de la médecine par
ordinateur, dont les recommandations sont basées sur les évidences
théoriques, est un des exemples qui montrent qu’en médecine, deux mondes
coexistent : ceux qui s’en tiennent aux nouvelles technologies, et ceux qui
croient, comme le disait Canguilhem, que la médecine est un art à
composantes multiples, la science étant une de ces composantes, et la
compassion, la force de conviction, l’attention aux anomalies, la
persévérance dans les soins en sont d’autres, qui ne peuvent pas s’obtenir sur
des fichiers anonymes. Je redoute que cela empire, d’une manière
dramatique, avec l’analyse des Big Data. Dans cette situation, un certain
nombre d’hôpitaux, en particulier américains, vendent toutes les données
anonymisées des patients qu’ils ont eus, avec des dossiers qui sont remplis
d’une façon plus ou moins correcte, des diagnostics validés d’une manière
plus ou moins approximative, comme on l’a vu dans la COVID-19. Tout cela
est mouliné, et à partir de ça, on fait des statistiques dont la signification est
approximative et qui, en tout cas, ne permettent pas une prise en charge
directe et fonctionnelle. Par exemple, depuis des années, nous avons ici, à
Marseille, un taux de mortalité concernant une infection du cœur
(l’endocardite) qui est probablement le plus bas du monde. La raison en est
que, depuis trente ans, nous avons une équipe multipartite avec des
infectiologues, des microbiologistes, des cardiologues, des chirurgiens
cardiaques, des radiologues et des biophysiciens. Dans ces conditions, nous
sommes actuellement ceux qui ont le plus publié dans ce domaine. Si notre
mortalité est si faible, en réalité, une des raisons majeures en est que les
endocardites sont souvent guéries grâce à la précocité de l’intervention
chirurgicale, et que notre chirurgien spécialisé dans les endocardites a une
adresse incroyable et une mortalité péri-opératoire qui est une des plus
basses du monde. Cela se conclut par le fait que toutes les autres séries sont
profondément dépendantes de l’efficacité du chirurgien. La chirurgie est
d’ailleurs, pour l’instant encore, un des éléments les plus convaincants
montrant la différence entre la médecine théorique et la médecine réelle. Le
pourcentage de succès des chirurgiens, dans telle ou telle intervention
thérapeutique, est humain-dépendant, et pour l’instant, sauf à attendre la mise
en place des outils extraordinaires qu’est en train de faire Marescaux dans
son IHU à Strasbourg, cette variabilité interhumaine chirurgicale restera un
élément-clé du succès thérapeutique.
ISBN : 9782749949406