Le Scepticisme

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Le scepticisme

Comme les adjectifs épicurien et stoïcien, le mot sceptique est passé dans le
langage courant et, dans ce cas comme dans les deux autres, en a été
dénaturé. Le sceptique en réalité n'est pas celui qui refuse
systématiquement de trancher ou qui dénigre, mais il est d'abord celui qui
cherche, qui, certes ne croit guère en la connaissance théorique, mais qui
en revanche reconnaît une valeur à l'expérience et à la vie.

Histoire du scepticisme antique.


→ L'école sceptique fut fondée par Pyrrhon d'Élis (fin du IV° s av. J. C.). Contemporain des
fondateurs du stoïcisme et de l'épicurisme, comme Socrate il n'a rien écrit. Né à Élis dans le
Péloponnèse, il fut d'abord peintre avant de devenir philosophe sous l'influence d'Anaxarque
(un disciple de Démocrite) qu'il accompagna lors de l'expédition en Asie d'Alexandre le
Grand. Pyrrhon subit sans doute l'influence, sinon de la pensée, au moins de l'attitude de
détachement des sages hindous. Il aurait notamment assisté à l'immolation par le feu d'un
bonze. De retour à Élis, il fut nommé grand prêtre et fonda une école de philosophie qui le
rendit célèbre. Il vivait dans la pauvreté avec sa sœur, la sage-femme Philista.

→ Son disciple, Timon de Phlionte, mit sa doctrine par écrit. Elle se caractérise par le
détachement et la maîtrise de soi. Nos sensations ne sont ni vraies, ni fausses, les doctrines se
contredisent et donc il faut suspendre son jugement. Ainsi nous pouvons parvenir à la paix de
l'âme et mériter l'ataraxie (absence de trouble de l'âme). L'inquiétude provient en effet des
jugements téméraires que nous portons sur les choses.

→ La nouvelle académie : les néo-académiciens, Arcésilas (première moitié du III° s.) et


Carnéade (fin III° s., début II° s.) pratiquèrent un scepticisme radical.

→ L'école sceptique renaîtra grâce à l'œuvre d'Ænésidème, d'Agrippa et surtout de Sextus


Empiricus qui fut l'historien du stoïcisme. Sextus Empiricus vécut entre le début du II° s. et la
seconde moitié du III° s. apr. J. C., sans doute en Grèce. Son œuvre constitue une de nos
sources principales sur le scepticisme.

La philosophie sceptique.
Le scepticisme est une philosophie dont le critère repose sur la vie, l'expérience, le
phénomène. Le phénomène est d'abord, pour les Grecs de l'époque de Pyrrhon, une réalité
physique et renvoie à la conception qu'on se fait de la sensation. L'objet émet (ou réfléchit) de
la lumière. L'œil émet un rayonnement. La rencontre de ces deux flux crée une espèce de
corps, un objet matériel qui constitue le phénomène. La principale conséquence est que l'objet
n'est jamais vu tel qu'il est en lui-même. Ce que nous voyons est une sorte d'écran, de masque
qui contient, d'ailleurs, quelque chose du sujet (par exemple, l'œil injecté de sang voit un
phénomène rouge). La perception est donc relative. Quand Platon en conclut qu'il faut se

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méfier de la vision et connaître par les Idées, Pyrrhon, lui, en déduit qu'on ne peut pas
connaître du tout. Les sceptiques ne nient pas l'existence de l'apparence mais seulement celle
de l'être, de la vérité. Ainsi je peux affirmer, non que le miel soit doux, mais qu'il me semble
tel. Il faut donc demeurer sans opinion.

Ænésidème développera une série d'arguments visant à montrer que l'on ne peut percevoir
l'essence des choses. Ce sont les tropes. Par exemple, les organes des sens ne sont pas les
mêmes selon les espèces animales qui vont donc avoir des sensations différentes. On peut en
conclure que la sensation est relative au sujet (premier trope). Selon les circonstances un
même homme ne voit pas nécessairement le même objet de la même manière. Ainsi, selon
qu'un homme est jeune ou vieux, en bonne santé ou malade, en mouvement ou au repos etc.,
la sensation va varier. Mais elle varie aussi selon le lieu, la position de l'objet, sa distance
(deuxième, troisième et quatrième tropes). Un autre argument rappelle que les coutumes, les
lois, les croyances sont variables. Tous ces arguments montrent que la connaissance sensible
est relative et qu'il faut donc suspendre son jugement.

Les nouveaux sceptiques (Agrippa, Sextus Empiricus) inventent une nouvelle logique pour
empêcher l'âme de dogmatiser qui repose sur cinq arguments :

 Les opinions s'opposent, sont en désaccord.


 Tout argument exige une preuve qui, elle-même, doit être prouvée et ainsi de
suite, de sorte qu'on ne peut jamais arriver au bout (régression à l'infini).
 Les objets sont relatifs entre eux et toute représentation est relative à un sujet.
Par exemple, la gauche est relative à la droite, le père au fils etc. et donc
aucune universalité n'est possible.

Le scepticisme « moderne ».
→ Les écrits de Montaigne sont marqués par pessimisme et un scepticisme rares du temps de
la Renaissance. Il pense que l'humanité ne peut atteindre la certitude et il rejette les
propositions absolues et générales. Pour lui nous ne pouvons pas croire nos raisonnements car
nous ne contrôlons pas nos pensées. De plus, nos yeux ne perçoivent qu'à travers nos
connaissances.

→ Descartes : on ne peut prouver que notre perception actuelle soit fiable, qu'on ne soit pas
par exemple en train de rêver, sinon par la certitude de l'existence de Dieu (mais pas de
preuve pour cela selon les sceptiques !!!). Le scepticisme de Descartes s'inspire fortement de
celui de Montaigne (les Essais).

→ David Hume : nous n'avons aucune preuve que la représentation du monde que nous
fournissent les données des sens constitue une connaissance fiable de ce monde, notre
connaissance s'arrêtant aux données des sens.

→ Kant : nous ne pouvons jamais « connaître » le monde en soi, mais nous pouvons
néanmoins penser des objets transcendant l'expérience.

→ Théorème de Cox-Jaynes : selon ce théorème, il est nécessaire d'accorder un crédit


provisoire à quelques idées non vérifiées (éventuellement fausses, donc), en vue de créer les
expériences qui les infirmeront ou non (cette idée étant aussi ancienne que le scepticisme). Le
nouveau scepticisme.

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Quelques citations :

« À cause de la faiblesse de nos sens, nous sommes impuissants à distinguer la vérité. »
Anaxagore
« La vérité est au fond du puits. » Démocrite
« Il n'y a jamais eu, il n'y aura jamais un homme qui connaisse avec certitude ce que je dis
des dieux et de l'univers. Quand même il rencontrerait la vérité sur ces sujets, il ne serait pas
sûr de la posséder : l'opinion règne en toutes choses. » Xénophane de Colophon

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