Compte Rendu Sur Les Laterites
Compte Rendu Sur Les Laterites
Compte Rendu Sur Les Laterites
unesco,
Publié en 1966
par l'Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, la science et la culture,
place de Fontenoy, Paris-7 e
Imprimé par Vaillant-Cannanne, Liège
(Belgique)
© Unesco 1966
NS.65 1 XIU 1F
Avant-propos
Remerciements. 9
Distribution des latérites dans le monde. Relations avec les facteurs du milieu 54
Distribution des latérites. 54
Afrique 55
Amérique. 56
Asie. 57
Australie . 59
Relations avec les facteurs du milieu 61
Climat 61
Végétation et faune 64
Roches et matériaux originels 66
Modelé 69
~. n
Origine des latérites 79
Origine des composants des latérites 80
Les composants produits d'altération des roches 81
Les composants préexistants dans les roches. 95
Accumulation des constituants des latérites 97
Accumulation dans le profil'sans apport extérieur 97
Accumulation par apports extérieurs aux profils 106
Évolution des horizons d'accumulation. 107
Développement des microstructures 108
Induration des latérites 109
Dégradation des latérites 113
Annexe 141
Bibliographie 143
Remerciements
Je tiens à remercier très vivement ici les chercheurs éminents qui ont hien voulu
m'informer des principales études dont ils avaient connaissance. Qu'ils trouvent
ici l'expression de ma profonde reconnaissance. Sans eux il aurait été impossihle
de mener à hien ce travail.
Dr Charles E. KELLOGG, Deputy Administration for Soil Survey, Soil Conser-
vation Service, United States Department of Agriculture, Washington 25,
D. C. (États-Unis d'Amérique).
Dr Lyle T. ALEXANDER, Chief, Soil Survey Lahoratory, Plant Industry Station,
Beltsville, Maryland (États-Unis d'Amérique).
Dr J. J. FRIPIAT et Dr M. C. GASTUCHE, Laboratoire des colloïdes des sols tro-
picaux de l'INEAC, Institut agronomique de l'Université catholique, Louvain-
Heverlee (Belgique).
Dr C. SyS, Centrum Voor Bodemkartering, Rozier 6, Gand (Belgique).
Dr J. K. TAYLOR, Chief of Division of Soils, Commonwealth Scientific and
Industrial Research Organization, Private Bag no. 1-6, P. O. Adelaide (Aus-
tralie-Méridionale). .
Dr M. J. MULCAHY, CSIRO, Western Australian Regional Laboratory, Private
Bag, P. O. Nedlands (Australie-Occidentale).
Dr R. DUDAL, FAO, via delle Terme di Caracalla, Rome (Italie).
Dr E. V. LOBOVA, Institut Dokouchaiev, Pyjevsky per 7, Moscou (URSS).
Académicien 1. P. GUERASSIMOV, Institut de géographie, Académie des sciences
de l'URSS, Moscou (URSS).
Dr F. FOURNIER, Bureau interafricain des sols, 57, rue Cuvier, Paris-Se (France).
M. B. DABIN, Services scientifiques centraux, ORSTOM, Bondy (Seine).
9
Historique.
Définition et limites du problème
Il Y a un peu plus de cent cinquante ans que le terme «latérite» a fait son appa-
rition dans la littérature scientifique. Malgré des vicissitudes diverses ce terme
est toujours largement employé. On pourrait donc penser qu'il couvre des faits
parfaitement reconnus et définis. Pourtant une étude, même succincte, des mises
au point traitant de ce prohlème montre que sous la hrièveté du terme se cachent
des ohjets parfois fort différents. Avant d'amorcer toute tentative d'expli-
cation, il apparaît donc nécessaire de dresser une liste exhaustive des faits
d'ohservation qui, au cours de ces cent cinquante dernières années ont pu se
réclamer à des titres plus ou moins divers de la dénomination de latérite. Cet
inventaire, en permettant de circonscrire le prohlème, sera une hase solide
pour toutes recherches ultérieures.
Le mot « latérite» a été suggéré par Buchanan (1807) pour désigner un maté-
riau servant à la construction et exploité dans les régions montagneuses de
Malabar (Inde). Ce matériau présente l'aspect d'un dépôt ferruginisé, à mor-
phologie vésiculaire. Il est apparemment non stratifié et se situe à faible pro-
fondeur dans les 5015. Lorsqu'il est frais, il peut être facilement découpé en
hlocs réguliers à l'aide d'un instrument tranchant. Exposé à l'air, il durcit
rapidement et résiste alors remarquahlement aux agents météorologiques.
De ces propriétés résulte son emploi fréquent comme matériau de construction,
emploi comparable à celui des hriques. Dans les dialectes locaux ces formations
sont dénommées «terre à hrique». Le nom «latérite» n'est donc que la tra-
duction latine d'une terminologie vernaculaire. Latérite a pour racine luter
qui signifie hrique en latin, ceci uniquement par référence à l'utilisation de
ces hlocs (Prescott et Pendleton, 1952).
La paternité du terme est un peu controversée, Prescott signale cependant
que Babington (1821) l'aurait utilisé le premier dans une acception scienti-
fique. Buchanan s'est rapidement rendu compte des inconvénients que présen-
tait l'emploi d'un mot trop spécifique pour désigner des matériaux à caracté-
ristiques analytiques mal connues et, entre 1807 et 1814, il a indifféremment
employé les termes «latérite» et « pierre à hrique». En effet, l'originalité de
la formation décrite pour la première fois par Buchanan sous le nom de latérite
réside dans sa consistance molle lorsqu'il est en place et dans sa facilité à s'in-
durer rapidement lorsqu'il est exposé à l'air. Or Buchanan note lui-même que
des formations à morphologie comparable, ohservées à Bihar, sont déjà indurées
directement dans le sol. Ce n'est que vers la fin de sa vie que Buchanan a limité
11
Historique. Définition et limites du problème
12
HiBtorique. Définition et limites du problème
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Historique. Définition et limites du problème
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Historique. Définition et limites du problème
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Historique. Définition et limites du problème
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Historique. Définition et limites da problème
17
Caractéristiques nlorphologiques et analytiques
des latérites
Afin de faciliter l'exposé, seront traités tout à tour les formations indurées, ou
latérites sensu stricto, et les sols dits « latéritiques» dans le sens le plus large.
FORMATIONS INDURÉES
Ces formations ont été reconnues sous des formes extrêmement diverses.
Newbold (1844) donne la description suivante (d'après Prescott et Pendle-
ton, 1952) : « La latérite de Bidar est, de manière générale, une roche poreuse,
pourpre ou rouge brique, passant au brun rougeâtre, perforée par de nombreuses
cavités tubulaires, sinueuses et tortueuses, vides ou remplies ou partiellement
remplies d'une argile blanc grisâtre, passant à une poussière ocrée, rougeâtre
ou marron jaunâtre; ou d'une terre à aspect de lithomarge de couleur violacée.
Les parois des cavités sont habituellement ferrugineuses et souvent de couleur
marron foncé ou chocolat; bien que généralement leur épaisseur ne dépasse
pas une ou deux lignes, la structure lamellaire se détecte fréquemment à l'œil
nu... L'intérieur des cavités présente généralement une surface lisse et polie,
quelquefois faiblement mamelonnée et stalactiforme. Les variétés les plus
indurées ont les couleurs les plus sombres et sont les plus ferrugineuses. Les
masses de surface des variétés les plus tendres ont une apparence bariolée.
L'argile et la lithomarge présentent des taches de couleurs vives: jaune, violet
et blanc strié de rouge, de pourpre ou de marron. Cette roche est si tendre qu'on
peut la couper avec une pelle; comme la latérite de Malabar, elle durcit lors-
qu'elle est exposée au soleil et à l'air. » La longueur de cette description signale
l'extrême hétérogénéité du matériau.
Pour Pendelton et Sharasuvana (1946), il Y a deux formes physiques dis-
tinctes : des formes vésiculaires et des formes pisolithiques avec tous les inter-
médiaires possibles.
Du Preez (1949) définit la latérite comme « une masse vésiculaire, ou concré-
tionnée, ou vermiculaire, ou pisolithique, ou plus ou moins massive, se compo-
sant essentiellement d'oxyde de fer avec ou sans quartz clastique, et contenant
de faibles quantités d'aluminium et de manganèse. Elle est de dureté variable
mais généralement se casse et se façonne facilement au marteau ».
Il serait très facile de multiplier les descriptions. Elles ne feraient que confir-
mer l'extrême diversité de ces formations : ou essentiellement ferrugineuses,
18
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
Induration
Toutes les descriptions et définitions font mention d'une induration en place
ou acquise après exposition à l'air. L'étude des échantillons montre que tous
les degrés d'induration sont observables depuis des produits presque meubles
à peine cohérents, jusqu'aux blocs les plus durs qui se cassent difficilement
au marteau. L'appréciation de l'induration est empirique, car aucune carac-
téristique liée à la mécanique du matériau ne peut être chiffrée. On considère
généralement qu'il y a induration quand le milieu a une consistance dure et
fragile qui se conserve avec l'humidité. On peut distinguer plusieurs degrés
d'induration suivant que le matériau se casse ou non facilement à la main,
se coupe ou non à la bêche, éclate ou non sous le choc du marteau (Maignien, 1958).
L'induration des échantillons dépend de plusieurs facteurs :
1. De la composition et du degré de cristallisation des composants : plus les
teneurs en sesquioxydes sont élevées, plus l'induration est forte; la dureté
croît avec les teneurs en fer; les latérites les plus dures sont aussi les moins
hydratées.
2. De l'assemblage des différents constituants : les cuirasses à assemblage com-
pact sont plus indurées que les cuirasses à assemblage lâche; les matériaux
de composition homogène sont plus durs que ceux à composants ségrégés;
la présence de corps étrangers diminue la résistance de l'ensemble.
3. Du degré de vieillissement : pour un même type de latérite, les plus âgées
sont souvent les plus dures que les formations récentes.
Structure
La structure des latérites est extrêmement vanee. Les modes d'assemblage
" peuvent se réduire à trois: a) les éléments indurés forment un squelette cohérent
et continu; b) les éléments indurés sont des concrétions ou des nodules libres
au milieu d'un matériau terreux; c) les éléments indurés cimentent des maté-
. riaux préexistants.
. Ces types d'assemblage présentent cependant une grande variabilité, corré-
lative de la forme et de la grosseur des éléments qui entrent en jeu, ainsi que
des différents degrés d'induration.
On peut distinguer les formes suivantes :
1. Des structures homogènes ou continues. Il s'agit de roches dont les compo-
sants originels ont été épigénéisés par des sesquioxydes de fer ou d'alumine,
parfois même par du manganèse.
2. Des structures hétérogènes ou discontinues, les plus communes. Elles se
divisent en : a) structures de roches meubles, généralement graveleuses; c'est
le cas fréquent des horizons concrétionnés ou gravillonnaires; b) . structures
de roches cohérentes à aspects variés (conglomératiques, poudingiformes~
vacuolaires, scoraciés ou spongieux).
3. Des structures ordonnées (lamellaires, pisolithiques et oolithiques).
19,
-Caractéristiques morphologiques ct analytiques des latérites
Alexander et Cady (1962) donnent des détails fort instructifs quant à la dis-
position des éléments de la microstructure des latérites. L'examen au micro-
scope montre que, sous des assemblages extrêmement variés, certaines micro-
structures sont communes à de nombreux échantillons. L'étude des lames
minces laisse apparaître des corpuscules spérotdaux ou légèrement allongés
qui sont noyés dans une masse de particules plus fines encore. Cette masse
peut être dense ou spongieuse. Les éléments arrondis constituent des entités
étroitement soudées. Ils peuvent être espacés ou fortement assemblés. Leurs
limites extérieures varient suivant les spécimens : lisses, elles sont bien définies;
irrégulières, elles sont beaucoup moins tranchées. La masse peut présenter
un aspect homogène, sans individualisation d'aucune sorte, ou, au contraire
l'aspect d'un matériau orienté (rectangulé, craticulé ou réticulé). Les matériaux
orientés recouvrent les pores ou forment une fine cuticule sur les nodules. Il
peut s'agir de pseumorphoses de minerais primaires parfois reconnaissables. La
structure rocheuse peut être conservée. Mais elle peut aussi être totalement
absente. On observe parfois des particules de quartz et sur certains échantillons
des minéraux décomposables qui ont été protégés par une pellicule de maté-
riaux décomposés.
Couleur
La couleur des latérites est varIee, mais généralement d'intensité vive. Les
teintes les plus courantes sont : rose, ocre, rouge, brun. Cependant certaines
formations présentent des taches et des trames violettes, d'autres des mar-
brures verdâtres. Un même échantillon peut présenter toute une gamme de
couleurs passant plus ou moins sensiblement de l'une à l'autre, suivant des
dessins et des formes variés.
La pigmentation des latérites est due aux oxydes de fer plus ou moins hydra-
tés et parfois aussi au manganèse. A l'exception des colorations extrêmes qui
répondent à l'hématite rouge lorsqu'il s'agit de 7,5 YR du code de Munsell
et à la goethite ou lépidocrocite jaune qui répond à la coloration 2,5 YR, il
ne semble pas exister de relations entre la coloration et l'indice d'hydratation
(Waegemans et Henry, 1954). En milieu réducteur les composés du fer don-
nent une coloration gris-noir et le manganèse une couleur noire à aspect velouté.
En milieu oxydant, le fer donne une couleur ocre, rouge ou noire, le manganèse
une couleur violette. L'alumine à l'état pur est de couleur blanche. Mais dans
les niveaux indurés elle est souvent en mélange avec le fer pour donner des
teintes roses caractéristiques. La silice, ordinairement blanchâtre, et généra-
lement imprégnée d'hydroxydes de fer, peut donner une couleur rouge ou rouille.
Les kaolinites fixent le fer sur leur surface et prennent une couleur rouge franc
(7,5 YR - 10 R). En bref, c'est le mélange de ces corps, différemment colorés,
qui donne la coloration extrêmement variée des latérites.
L'appréciation des couleurs ne donne qu'une idée grossière de leur compo-
sition. Elle permet cependant d'apprécier le degré d'évolution et le milieu de
formation : les cuirasses ferrugineuses rouges ou ocres dans leurs stades juvé-
niles deviennent plus foncées en vieillissant. Elles sont alors brunes, parfois
presque noires. Au contraire les cuirasses alumineuses deviennent plus claires
avec le temps.
A un autre point de vue, en milieu mal drainé, les cuirasses ferrugineuses
;sont plus foncées (brunes) qu'en milieu oxydant (rouges).
20
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
Densité
La densité réelle qui varie dans d'assez larges proportions (2,5 à 3,6) dépend de la
composition chimique. Elle augmente avec les teneurs en fer et diminue avec les
teneurs en alumine. Les formes oxydées sont plus denses que les formes hydratées.
La comparaison de la densité apparente des latérites est instructive à plu-
sieurs points de vue: elle permet d'apprécier l'intensité de lessivage de certains
matériaux et de déterminer l'ordre de grandeur des surfaces actives. Ainsi
la densité apparente est toujours plus élevée dans les horizons de surface des
latérites qu'en profondeur. Les cuirasses anciennes sont plus denses que les
cuirasses récentes. Plus la structure est lâche, plus la densité est faible pour
une même composition. Les formations cimentées sont plus denses que celles
à structures scoriacées et celles-ci plus denses que celles à structures alvéolaires
(Maignien, 1958).
21
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
22
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
que les formes massives et que leurs teneurs en manganèse étaient plus faibles.
Segalen (1957) constate à Madagascar, en comparant la composition des concré-
tions de celle du sol qui les entoure, que l'on peut distinguer trois modes de
concrétionnement : a) durcissement d'un matériau préexistant avec apport
modéré de fer, mais avec dépôt appréciahle de silice; b) durcissement accom-
pagné d'apport d'oxydes de fer important avec peu ou pas de dépôt de silice;
c) durcissement accompagné d'apport d'oxyde de fer et départ important de
silice.
Alexander, Cady et al. (1956), travaillant sur des échantillons d'Afrique,
indiquent que les nodules étudiés présentent une teneur élevée en sesquioxydes
et faihle en silice. Ils tiennent compte à la fois du fer ct de l'alumine. Pour ma
part, j'ai été amené à étudier des cuirasses pisolithiques (Kindia, Guinée) dans
lesquelles les pisolithes étaient composées indifféremment d'alumine pure ou
d'oxydes de fer. Mais de nomhreuses concrétions peuvent contenir aussi de
la silice lihre et de la silice comhinée en quantité appréciahle (Joachim et Kan-
diah, 1941; Waege~ans, 1954).
Les données exposées illustrent l'étendue des variations de la composition
des concrétions, nodules et cuirasses, comme ceci avait été indiqué par Bennett
et Allison (1928).
CARACTÉRISTIQUES MINÉRALOGIQUES
Les analyses chimiques sont heaucoup trop hrutales pour révéler la compo-
sition, la nature et l'origine des latérites (Camphell, 1917). Des latérites présen-
tant les mêmes propriétés physiques peuvent fortement différer quant à leur
composition chimique et, inversement, des latérites présentant une compo-
sition chimique comparahle peuvent posséder des propriétés physiques très
différentes.
Aussi de nombreux chercheurs ont-ils tenté de compléter les déterminations
chimiques par des études minéralogiques. Harrison (1910), Lacroix (1913)
étudient des lames minces sous microscope polarisant. Les études de Hardy
(1931) portent sur l'ahsorption de colorants. A partir de 1945, les méthodes
d'analyses thermiques différentielles, de thermohalance, l'étude des diagrammes
de rayons X se multiplient et précisent la composition minéralogique des laté·
rites. A ces études sont attachés plus particulièrement les noms de Humbert
(1948), van der Merw (1951), Fripiat (Fripiat et al., 1954), Segalen (1957), Alexan-
der (Alexander et al., 1956), Bonifas (1959), Paquet, Millot et Maignien (1961),
Précot, Gastuche, Delvigne, Vielvoye et Fripiat (Précot et al., 1962).
Les données actuellement recueillies permettent de classer les produits cons-
titutifs des latérites en éléments principaux qui ont un rôle essentiel dans la
formation des horizons indurés et en éléments secondaires indifférents au pro-
cessus lui-même. Les premiers sont représentés par des oxydes et hydroxydes
d'aluminium, de fer, parfois de manganèse et de titane, par de la silice et fré·
quemment aussi par des argiles. Les seconds constituent les éléments texturaux
des sols en place, produits résiduels ou clastiques.
L'alumine libre se présente sous plusieurs formes dont la plus fréquente
est la gibhsite : y Al(OHh. La hoehmite, monohydrate de formule y AIO(OH)
est moins souvent reconnue. Ceci résulte prohahlement des difficultés de recon-
naissance. Les cristaux de hoehmite sont très petits et il est impossible de les
examiner par des méthodes optiques. Le diaspore y AIO(OH) se présente en
23
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
lamelles ou en sections ovales. n est assez rare (Jans les latérites. n a été signalé
en Guinée portugaise (de Wf'isse, 1952). Le corindon ex Al20 a se rencontre uni-
quement dans les latérites cuites par des verres éruptifs. Des formes amorphes
ont été reconnues sous des noms divers, en particulier cliachite (Hanlon, 1945).
Ces produits sont improprement appelés alumogels (Lacroix, 1913). En fait
il s'agit d'agrégats cryptocristallins en assemblages désordonnés, ce qui donne
à l'examen optique l'apparence de J'isotropie. Ils apparaissent plus ou moins
mélangés à des hydroxydes de fer. Les teintes vont du blanc-gris au rouge-
brun. On peut leur attribuer la formule ~Oa' nH20 (n variant de l,54 à l,51).
L'examen aux rayons X de ces pâtes fait souvent apparaître la présence de
boehmite, parfois de gibbsite. Il peut s'agir aussi d'allophane.
Le fer se trouve dans les cuirasses sous des formes également variées dont
les plus fréquentes sont la goethite ex FezO(OH) et J'hématite Fe20 a. Ronifas
(1959) signale sur dunite en Guinée de la maghemite (yFezOa). A côté de ces
minéraux dérivant de l'évolution des latérites s'observent des oxydes de fer
résiduels tels que la magnétite (yFea04) et l'ilménite (FeTi0 2). Comme pour
l'alumine on trouve également des oxydes de fer d'apparence amorphe, diffi-
ciles à déterminer. Ce sont le plus souvent des agrégats cryptocristallins de
goethite qui retiennent de J'eau en quantité variable en donnant des produits
rouges de formule FezOaX H 20 (limonite).
L'examen en plaque mince permet parfois de déceler la présence de titane
sous forme de rutile, d'anatase ou d'ilménite. Ce sont des formes résiduelles
(de Chetelat, 1931); sous forme d'hydrate, il est aussi reconnu, mais les
formes minéralogiques ne sont pas déterminées. Il en est de même pour le man-
ganèse qui se concentre facilement en concrétions et donne des revêtements
minces de bioxyde de manganèse de couleur noir violacé.
La silice est souvent héritée d'un matériau originel. Elle se présente le plus
souvent sous forme de quartz. La présence de quartz secondaire a été signalée
(Harrison, 1933), mais son importance est controversée. Des calcédoines et
des opales ont également été observées ainsi que de la silice colloïdale. La silice
libre se rencontre souvent aussi sous forme de phytolithes (D'Hoore, 1954).
La silice combinée est fréquente dans les latérites sous forme d'argiles. Il
s'agit surtout de kaolinite (OH4) ~SÏz0a' ou d'argiles du même groupe telles
les halloysites. Ces dernières se trouvent sous forme pulvérulente et sont ordi-
nairement associées à de la kaolinite plus ou moins cristallisée.
Bien que de nombreux auteurs nient la présence d'illites en quantité signi-
ficative, ces dernières sont reconnues fréquemment dans les latérites d'Mrique.
On les trouve comme produits hérités de la roche mère, comme produits de
contamination ou comme une étape d'altération, ce qui explique que ces miné-
raux s'observent généralement dans les latérites jeunes ou dans celles formées
près des horizons d'altération (Maignien, 1958; Gastuche et Fripiat, 1962).
Des traces de vermiculite sont parfois signalées.
La répartition et la forme des composants des latérites ont été étudiées en
détail par Alexander (Alexander et al., 1956, Alexander et Cady, 1962). ns
ont montré que la masse finement divisée n'est généralement pas orientée et
par suite difficilement identifiahle par les méthodes pétrographiques. Cependant,
il peut arriver que les parties identifiables couvrent presque tout le matériau.
Ainsi des grains et des grandes plaques d'agrégats allant de la kaolinite légère-
ment teintée d'oxydes de fer et aboutissant à de la goethite ou de l'hématite
presque pure, en passant par de la kaolinite fortement imprégnée de fer, peu-
24
Caractéristiques morphologiques et analytiqucs des latérites
vent être identifiés. La variation de la densité optique dans la masse est condi-
tionnée par le degré d'imprégnation par le fer. De plus il semble que l'induration
de la masse soit en rapport avec le degré de cristallisation et la continuité de
la phase cristalline de fer qui l'imprègne, fer qui se présente le plus souvent
sous forme de goethite. Des corpuscules sphériques ressemblant à des nodules
en voie de formation par enrichissement centripète (Bryan, 1939) ont un degré
d'imprégnation ferrugineuse plus élevé que celui de la masse dans laquelle
ils sont noyés. Certains présentent des pellicules de goethite cristalline sur
leur surface ou à l'intérieur des films concentriques. D'autres corps arrondis,
noyés dans la masse, ont la forme de concrétions ou de pisolithes composées
de gibbsite, boehmite, goethite ou hématite. Des matériaux orientés ont la forme
d'un réseau craticulaire composé principalement de goethite ou d'hématite. Des
pseudomorphoses de gibbsite après feldspaths, de goethite après amphiboles
et pyroxènes, sont fréquentes. Elles conservent la structure des minéraux et
des roches qui leur ont donné naissance. Ces pseudomorphoses semblent plus
fréquentes dans les latérites récentes. Les formes concrétionnées et pisolithiques
sont par contre observées surtout dans les variétés les plus anciennes (Alexander
et al., 1956).
La gibbsite et la boehmite remplissent fréquemment les fissures et les pores
de la masse et des nodules. Ces fissures et ces pores peuvent également être
recouverts d'un revêtement orienté, kaolinitique, plus ou moins imprégné
de fer et, parfois même, de goethite orientée. Dans les faciès les plus indurés
l'hématite qui couvre les pores prend un aspect rubanné.
Les latérites dérivant des matériaux quartzeux montrent des grains de quartz
répartis au hasard à travers la masse et les produits concrétionnés. Du quartz,
apparemment d'origine extérieure, s'observe dans les latérites formées sur roches
non quartzeuses (Alexander et Cady, 1962). MilIot et Bonifas (1955) ont observé
du quartz de néoformation apparaissant à la suite de l'altération de feldspaths.
25
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
26
Caractéristiques morphologiques et analytiques de. latérites
aux relations qui les relient aux niveaux indurés. Ces aspects variés ne peuvent
s'expliquer que par des mécanismes de mise en place différents.
Les formations indurées latéritiques se caractérisent par la prédominance
d'hydrate d'alumine (gibbsite et boehmite), de sesquioxydes de fer (goethite
et hématite) en mélange variable avec des kaolinites plus ou moins cristalli-
sées, le tout plus ou moins contaminé par des produits résiduels ou clastiques
dont le plus important est le quartz.
Voici la répartition des principaux constituants dans 15 échantillons de cui-
rasses (Schaufelberger, 1953) : kaolinite, 15; gibbsite, 6; boehmite, 2; dia-
spore, 1; goethite, 12; hydroxydes de fer non déterminé, 3; minéraux phyl-
liteux, 5.
SOLS « LATÉRITIQUES»
27
1 A1
l-....,v....""J .------..,
, 1 Couche organique peu décomposée (A o'
- 1 1
1
À2 -
1- - 1
, 1
- 1
1 Horizon humifère grumeleux actif
- - - - - - - - - ,..,n-.......TTlIl
1
1
~
BH+t-H++~ ~ Horizon lessivé limoneux
[[]]] Accumulation
(rouge)
de fer ferrique déshyd,ot';'
~ oOO[
°
lfl n3BJi Alumine libre
il
_Zone _ ...
tachetee ~ J=;
~ Roche mère en cours d'altération
l.::!:......::! (par exemple arène granitique)
~
.Lo J. 0 ..L.o.l..O ~ Roche mère siliceuse non altérée
1 4 5
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(s ynthèse .. II -(3~ tachetée
kao linite) .. ~ :,-
}------ - --------- __ ~_+_~_+_+1~'V .1 .1"1 ,----:-:"
Altérotion
Acidification pr~gressive-~
<0 C f1<S5 ~
(hydrolyse iDeShYdratation partielle et. ~ o
lessivage Fe 20
alcaline)
~Ërosion et remontée FeO-
1-<- Stade ~·--Forêt dense Forêt
r- Durcissement...
......Savane_
initial c1aÎriérée à graminées
28
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
29
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
175-650 cm. Horizon non durci, plus compact à la base; rouge brique avec des taches
bien délimitées, beiges, ocres ou grises; encore quelques noyaux durcis, surtout vers
le haut; la masse est tout entière traversée par des canalicules. Les grains de quartz
sont moins pulvérisés dans les horizons supérieurs.
650-840 cm. Passage progressif à une argile tachetée; les taches sont mal délimitées,
de couleur plus claires, beiges ou grises ; grains de quartz plus nombreux; à la base,
quelques éléments blanchis, friables, ont conservé la forme des feldspaths.
840-1100 cm. Horizon ocre-brun, riche en quartz et en éléments blancs, poudreux, avec
noyaux de roches moins décomposées présentant des piroxènes altérés; vers 9 mètres,
arène gneissique; matériaux blancs, friables, feldspathiques, grains de quartz et élé-
ments colorés très altérés.
Vers 1 200 cm. Roche mère gneissique riche en minéraux ferromagnésiens.
0-25 cm. Horizon gris-brun; très graveleux avec concrétions brunes durcies et débris
de cuirasse.
25-250 cm. Horizon cuirassé, fortement induré, de couleur générale rouge-brun; struc-
ture pisolithique bien développée, très compacte; quelques diaclases obliques limitent
de gros blocs qui sont recouverts d'une patine ferrugineuse brune; à la base de l'horizon
l'induration diminue, surtout par le ciment qui englobe les concrétions; il est alors
de couleur plus claire : ocre-rouge.
250-350 cm. Horizon en voie de cuirassement; de couleur rouge, nombreuses concrétions
brun-rouge, bien arrondies déjà fort durcies, au milieu d'argile rouge; par place, il y
a formation d'un squelette ocre-rouge, assez induré de couleur plus foncée.
30
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
350-420 cm. Horizon bariolé où s'individualisent des concrétions qui amorcent l'indu-
ration; grandes traînées diffuses blanches.
420-600 cm. Horizon rouge; argileux; à structure prismatique assez bien développée.
600-650, 700 cm. Horizon d'altération en écailles des dolérites; faciès «pain d'épice»
de couleur ocre-jaune, poreux; faible densité.
700 cm et au-delà. Boules de dolérites altérées et fraîches, avec dépôts manganifères
entre les écailles faiblement altérées.
0-15 cm. Horizon gris; légèrement humifère; très gravillonnaire : gravillons bruns,
très indurés, quelques blocs de cuirasse roulés; texture sablo-argileuse; structure à
tendance grumeleuse; poreux; nombreuses racines herbacées.
15-40 cm. Horizon gris jaunâtre, encore légèrement humifère; paraît lessivé; très gra-
villonnaire, avec de grosses concrétions dont le ciment est en voie de dissolution, de
couleur ocre-beige; les gravillons sont rouges à violets sur leur coupe et très durcis;
les deux premiers horizons paraissent remaniés sur place.
31
Caractéristiqucs morphologiques et analytiques des latérites
40-130 cm. Horizon ocre à ocre-rouille, très concrétionné en place; les concrétions sont
recouvertes d'une patine ferrugineuse ocre-jaune qui indique une certaine intensité
des processus d'hydromorphie; les concrétions sont libres entre elles; leurs cassures
montrent des couleurs variées : rouge, violet, rose; traînées meubles, ocre-blanc à
ocre-rouille.
130-200 cm. Horizon cuirassé; structure alvéolaire avec des noyaux plus ferrugineux,
plus rouges, plus durcis, isolés dans le tout; ces noyaux se retrouvent jusque dans
l'argile rouge sous-jacente; la couleur générale de la cuirasse varie de ocre-rouge à
ocre-rose; le squelette induré est généralement plus clair le long des canalicules.
200. à 500-550 cm. Horizon en voie de cuirassement, beaucoup moins induré que le pré-
cédent; la couleur, assez claire vers le haut, rougit avec la profondeur; quelques noyaux
de concrétions indurées se trouvent individualisés dans la masse argilcuse de couleur
ocre-beige, à structure de pseudo-sable; des matériaux terreux pénètrent de la surface
jusqu'à cet horizon par l'intermédiaire de canalicules et de diaclases.
500-550 à 650 cm. Horizon rouge; argileux; avec traînées jaunâtres et des concrétions
durcies, jaune-brun, s'isolant les unes des autres, très petites, essentiellement ferru-
gineuses et manganifères.
650 à 750-800 cm. Horizon bariolé, légèrement plus rouge, avec des taches plus ou moins
diffuses, de couleur ocre-jaune; texture argileuse; structure de pseudo-sable, avec
quelques canalicules; les traînées suivent ces dernières; quelques taches violettes,
légèrement indurées, marquent les traces de la roche mère.
750-800 à plus de 900 cm. Argile rouge, avec débris de plus en plus nombreux de schistes
sériciteux fortement altérés.
0-6 cm. Brun-gris (Munsell 5 YR 5/3); humifère; texture sableuse; structure finement
32
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
0-5 cm. Gris; sableux; particulaire, structure friable; compacité faible; nombreuses
radicelles, assez riche en matière organique.
5-15 cm. Horizon de transition progressive.
15-30 cm. Beige; sablo-Iégèrement argileux; structure lamellaire; taches rouge vif
peu nombreuses, petites concrétions noires, et d'autres rouges plus dures; compacité
moyenne.
30-50 cm. Beige; sablo-argileux à argilo-sableux; très riche en concrétions de dureté
moyenne, de 0,5 cm d'épaisseur; certaines plus grosses ont le centre très dur; riche
en manganèse.
50-120 cm. Bariolage très important; rouge dominant avec un peu de beige ocre; concré·
tions noires assez grandes; quelques gros quartz, quelques concrétions à centre très
dur.
120-200 cm. Le bariolage s'enrichit en ocre et gris; argilo-limoneux, riche en micas
blancs; des taches noires; cependant la structure de la roche n'est pas reconnaissable;
un lit de pegmatite à 180 cm.
260 cm. Gneiss riche en muscovite verdâtre en décomposition; présence de taches ocres.
320 cm. Comme ci-dessus mais plus gris.
33
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
Bordure de bas plateau dominant la mangrove de 4 à 5 mètres, non atteint par les grandes
marées.
Roche mère : gneiss.
0-45 cm. Gris-noir; assez fortement humifère; texture graveleuse avec nombreuses
concrétions ferrugineuses fortement indurées, de couleur brune; structure à tendance
grumeleuse; assez poreuse; chevelu racinaire abondant.
45-135 cm. Cuirasse alvéolaire, bien indurée; couleur générale très claire, presque blan-
che extérieurement, cette couleur est le fait de dépôts terreux lessivés; sur les cassures
le squelette apparaît assez fortement ferrugineux, de couleur ocre-rose; contient de
nombreux minéraux de quartz non décomposés; les alvéoles, bien développées contien-
nent des produits terreux, friables, presque blancs.
135-235 cm. Horizon d'altération; arène peu argileuse, très claire; les produits d'alté-
ration sont presque blancs; nombreuses plaquettes de muscovite.
235 cm et plus. Gneiss leucocrate; roche en quartz.
0-20 cm. Gris-brun (10 YR 5/2), bien humifère; texture limono-sableuse; structure
grumeleuse, moyennement développée; cohésion faible; nombreuses racines de gra-
minées; poreux.
20-48 cm. Brun (10 YR 5/4), encore humifère; texture limoneuse; structure nuciforme,
moyenne, assez bien développée; cohésion faible.
48-85 cm. Brun plus clair (7,5 YR 8/4); texture limono-sableuse; peu structuré, légère-
ment tassé; cohésion faible, peu porenx.
85-97 cm. Brun (7,5 YR 8/4.); nombreuses concrétions très durcies bien individualisées,
1 à 2 cm de diamètre, non soudées, englobant des grains de quartz grossiers.
97-150 cm. Horizon identique, mais les concrétions toujours très nombreuses et bien
délimitées sont moins indurées; nombreuses taches et traînées rouille, formant Wl
début de squelette peu durci, du type carapace.
150-200 cm. Cuirasse compacte, très durcie, essentiellement ferrugineuse, avec nombreux
grains de quartz angulcux; les parties les plus dures sont de couleur brun-rouge (2,5
YR 5/6) à brun-noir (2,5 YR 3/4) et forment un squelette à structure alvéolaire, englo-
bant des matériaux meubles, terreux, jaunâtre (10 YR 8/3) à ocre-jaune (2,5 YR 6/8).
200-310 cm. Cuirasse beaucoup moins indurée, formée essentiellement de traînées durcies
ocre-rouille à ocre-jaune; faciès alvéolaire légèrement feuilleté; nombreux grains de
quartz dans le squelette.
310 à 450 cm. Horizon bariolé de traînées rouille ou rouges à limites diffuses, faiblement
induré dans une matrice argileuse gris blanchâtre; contenant peu de quartz.
450 à plus de 650 cm. Arène sableuse, peu consolidée; imprégnation ferrugineuse diffuse
de couleur rouille.
Niveau d'étiage du Bafing 600 cm; en période de crue inondation de la plaine.
Tous ces sols peuvent être qualifiés de latérites, soit parce qu'ils possèdent un
au moins de leurs horizons cuirassé, ou concrétionué ou en voie d'induration,
soit parce qu'un au moins de leurs horizons est riche en sesquioxydes de fer
et/ou d'alumine (rapport Si02/~03 .;;; 2) tout en restant meuble, soit parce
qu'ils possèdent à la fois l'un et l'autre de ces caractères.
34
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
b Horizon humifère
80
~XX ~ particuloire
- - --
f- - - Horizon humifère
50 f--
-
- -- -
- tz2d granuleux actif
70 g Accumulation argileuse
1 1 1 1 G Horizon lessivé
150
J....Iil••11i
;111. ."IF: '1[1.
Iii..lil []]] Accumulation de
sesquioxydes ferriques
Sol ferrugineux tropical Sol ferrugineux tropical
non lessivé type Dior lessivé, à concrétions
ferrugineuses
[illlIll Cuirasse ferrugineuse
d
~
1514-f'-+'+"'f--l<.H Précipitations localisées
de sesquioxydes de fer
200
Sol ferrugineux tropical Sol rouge faiblement
lessivé à cuirasses ferroll itique
35
{:aractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
des sols à «lit de pierres» ou stone line, des sols à horizons humifères pro-
fonds, etc.
Il est cependant possible de les grouper en plusieurs catégories d'après un
certain nomhre de caractères communs.
36
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
2. Sols dérivant d'une altération moins poussée et moins profonde avec un niveau
concrétionné ou cuirassé ferrugineux. Ces sols correspondent aux sols ferrugi-
neux tropicaux, aux sols fersiallitiques, aux ultisols et même aux alfisols. Ils
se distinguent nettement des précédents par une épaisseur moindre (rarement
plus de 250 cm) et surtout par des horizons bien tranchés, passant distincte-
ment de l'un à l'autre. Leur couleur est assez variable, mais, dans l'ensemble,
plutôt claire dans le jaune-rouge (7,5 à 10 YR du code Munsell). La valeur
et l'intensité de ces couleurs varient fortement (2 à 3 unités) de l'état sec à
l'état humide. Enfin ces sols présentent souvent un horizon B textural qui
oriente le développement d'un horizon de concrétions ou de cuirasses essen-
tiellement ferrugineuses, parfois manganifères, mais jamais alumineuses. L'épais-
seur de ces cuirasses dépasse rarement le mètre. Les horizons d'altération sur
roches riches en quartz (granites, gneiss, ne sont jamais épais [50 à 100 cm]).
Ce sont les arènes peu argileuses, de couleurs blanchâtres, marbrées de traînées
rouille. Des minéraux primaires, partiellement décomposés, peuvent échapper
à l'altération de type kaolinitique, et se retrouvent à travers tous les profils.
Les néosynthèses argileuses sont moins intenses que dans les sols précédents.
Les tendances au lessivage de l'argile sont marquées dans les horizons de sur-
37
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
Cranites-GneUls Dolérites-Ampbibolites
38
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
face avec formation d'un horizon iHuvial en profondeur. Les structures sont
assez grossières, du type nuciforme à polyédrique, mal défini. Leur drainage
interne est généralement assez mativais et ils sont très sensibles à l'érosion
par l'eau. Ils se développent principalement sur roches acides. Sur roches basi-
ques ils sont intergradés vers les sols bruns eutrophes ou les vertisols et passent
parfois à ces derniers (Maignien, 1963).
Seule la présence d'un horizon concrétionné ou cuirassé, essentiellement
ferrugineux, peut les faire qualifier de latérite. Ils s'en diffèrent cependant
par de nombreuses caractéristiques pédogénétiques.
CARACTÉRISTIQUES ANALYTIQUES
39
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
TABLEAU 3. Altération des syénites nepheliniques des îles de Loos (MiIlot et Bonifas,
1955).
% % % % %
SiO. 57,3 58,02 3,3 0,4 5,4
~O. 17,5 21,7 56,0 58,5 44,3
FesO• 4,9 2,9 7,2 6,4 23,1
FeO 1,5 0,6 0,8 0,5 0,2
CaO 2,6 0,4 0,2 0,4 0,2
MgO 1,1 0,4 Traces Traces Traces
N~O 6,0 4,0
K.O 7,0 8,1
TiO. 0,7 0,6 1,7 2,1 1,4
MnO. 0,4 0,1 0,1 0,1 0,1
H.O 1,3 3,1 29,7 30,9 24,5
% % % % % %
SiO. 33,9 34,60 1,60 1,30 0,65 2,70
~O. 1,60 2,00 1,60 8,20 8,00 9,60
FesO• 8,55 16,80 84,50 76,80 80,00 74,00
FeO 7,40 4,80
CaO 0,50 Traces Traces Traces Traces Traces
MgO 36,70 33,10 0,36 Traces Traces 0,72
Cr.O. 0,09 Traces 0,15 0,23 0,80 0,45
TiO. 0,08 0,08 0,16 0,12 0,40 0,68
H.O 10,60 8,75 11,20 12,85 10,30 12,40
FesO. à
l'état
d'hydroxyde 3,00 7,10 82,50 74,00
40
Caractéristique. morphologique. et analytique. de. latérite.
Quartz +
insoluhle 93,42 90,79 88,08 76,07 58,88 0,51
Si02
Silicates 2,58 4,14 5,10 8,79 17,06 43,48
~O. 0,87 0,77 2,43 6,12 15,63 33,55
Fe.O. 1,00 0,80 0,80 1,10 2,10 6,25
Ti0 2 0,07 0,08 0,07 0,07 0,35 0,62
P.O. 0,11 0,09 0,05 0,05 0,13
CaO 0,05 0,34 0,34 0,36
MgO 0,07 0,08 0,01 0,04
K 20 0,50 0,32 0,28 0,35
Na20 0,50 0,26 0,24 0,20
H.O 0,54 0,85 0,96 3,67 5,07 14,21
Ces caractéristiques sont celles des sols ferrallitiques, des oxisols et des kao-
lisols.
Elles ne sont par contre plus celles des sols ferrugineux tropicaux, des sols
fersiallitiques cuirassés et des sols plus ou moins hydromorphes à cuirasses
de nappes (Maignien, 1954, 1962; Botelho da Costa, 1949).
Quelques faits sont présentés dans les tableaux 3 à 5.
Les exemples des tableaux 3 à 5 sont assez caractéristiques. Ils couvrent
les différentes variations que peut prendre l'altération des roches au milieu
latéritique. Dans le tableau 3, il Y a forte individualisation d'alumine, de fer
dans le tableau 4 et formation d'argile kaolinitique dans le tableau 5.
Si l'on compare l'ensemble des résultats trouvés dans la littérature on cons-
tate que de la roche fraîche à la surface se succèdent un niveau d'hydratation
puis un niveau d'oxydation; une disparition plus ou moins forte de la silice;
une augmentation toujours très marquée des sesquioxydes; une élimination
presque complète des bases.
Silice
Les pertes en silice sont plus ou moins complètes. Elles dépendent du drainage
du milieu. Les formes combinées sont plus fortement éliminées que les formes
libres. Les pertes portent d'abord sur la silice des silicates, puis, plus faiblement,
sur la silice du quartz. On assiste en fait à deux faciès d'altération: a) sur roches
riches en bases et bien drainées, les pertes entre la roche et les produits altérés
sont rapides et définitives; b) sur roches plus siliceuses (granites en particu-
lier), les pertes se poursuivent à travers tout le profil.
41
'Caractéristiques morphologiques et analytiques dcs latéritcs
Quand le drainage est déficient, sur roches acides comme sur roches basiques,
on assiste à une augmentation des teneurs en silice combinée au niveau du
matériau originel sous forme de néosynthèse argileuse.
Bonifas (1959) et Alexander et Cady (1962) indiquent que ce sont essentiel-
lement les minéraux micacés et cWoritiques qui donnent directement naissance
à la kaolinite. Cependant les quantités réduites de ces minéraux ne peuvent
à elles seules expliquer les quantités d'argiles trouvées.
La silice éliminée par altération se retrouve parfois à la base de profils dans
les zones d'altération (Blondel, 1952; Delaire et Renaud, 1955). « Ces formations
semblent provenir d'une précipitation de silice sous forme de gel qui évolue
et cristallise en vieillissant. Les cristaux ainsi formés semblent s'enrichir aux
dépens de la silice des solutions comme le montre la présence de quartz zonés
et encapuchonnés ou bordés de «calcédonite ». (Bonifas, 1959.)
Sesquioxydes
TABLEAU 6.
Ces chiffres permettent de préciser que, sur roche basique et en milieu bien
drainé, pour la silice, la chaux et la magnésie, les résultats sont identiques.
Il s'agit d'une véritable élimination. Pour le fer, la variation a le même sens,
mais l'augmentation est beaucoup plus forte dans le bilan à volume constant.
Pour l'alumine, le chrome, le titane et l'eau, la variation est de sens contraire.
Ainsi l'alumine, qui dans le bilan à poids constant paraît stable, apparaît rela-
tivement mobile dans le bilan à volume constant. La comparaison du compor-
42
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
Base&
Les bases sont rapidement et totalement éliminées, sauf parfois K 20 et Na~p
(Leneuf, 1959).
Cet entraînement est plus intense que pour tout autre type de sol, mais
le lessivage n'est pas différent de celui du lessivage ou de la podzolisation. Il
a pour conséquence des teneurs extrêmement faibles en cations échangeables
et totaux. Le complexe absorbant a une capacité d'échange très basse (lO-
IS mEq %). Le degré de saturation est généralement inférieur à 40 % pour
atteindre parfois des valeurs de l'ordre de 5 à 10 %. Ces données sont valables
pour des horizons minéraux, car il est possible d'observer des enrichissements
de surface'sous l'action de la végétation. Le pH peut alors remonter jusqu'à
. 7,0. Mais dans les horizons profonds les acidités les plus communes varient
de pH 4,5 à 5,5.
A côté de ces données fondamentales et constantes, s'observent des compo-
sants variés, à savoir des argiles, des minéraux et débris de roches plus ou moins
décomposés.
Argiles
Les données analytiques font apparaître la présence d'argiles dans tous les
types de latérites, particulièrement entre la zone d'altération et le niveau d'ac-
cumulation des sesquioxydes. Il est possible que cet ordre soit inversé. En par-
ticulier, sur roches basiques bien drainées, l'horizon de sesquioxydes fait immé-
diatement suite à l'horizon d'altération, et ceci très brutalement. Lui succèdent
ordinairement un horizon argileux, puis un nouvel horizon de sesquioxydes.
Parfois plusieurs de ces horizons se superposent à travers tout le profil. Sur
roches cristallines riches en quartz et sur roches schisteuses, l'horizon argileux
succède toujours à l'horizon d'altération. Ces successions rendent compte des
conditions du drainage aux différents niveaux d'évolution.
Les argiles reconnues appartiennent principalement au groupe de la kao-
linite (kaolinite et halloysites). Le vermiculite est parfois signalé. Bonifas (1959)
et Leneuf (1959) signalent la présence fugace de montmorillonite dans les
horizons d'altération. Cette phase est difficile à saisir. Elle se réalise en
milieu à drainage déficient lorsque les solutions mères sont riches en alcalino-
terreux.
43
Caraetéristiques morphologiques et analytiques des latérites
Il est fréquent aussi de reconnaître des illites. En Mrique noire, elles sont
reconnues en moyenne une fois sur deux. Ces minéraux, qui ne semblent pas
caractéristiques de la pédogénèse, sont, soit des produits de transition de l'al-
tération plus ou moins poussée des minéraux phylliteux primaires, soit des
produits hérités du matériau originel, en particulier sur roches sédimentaires,
soit enfin des produits de contamination à partir de sources extérieures.
L'observation microscopique montre que le kaolin peut provenir directement
de l'altération des minéraux micacés et chloriteux (Alexander et al., 1956).
Cependant la faible proportion de ces minéraux dans les roches ne peut exp~i
quer les quantités parfois considérables d'argiles des sols qui en dérivent. Il y a
néosynthèses argileuses à partir des éléments individualisés par hydrolyse.
Les principaux facteurs qui déterminent la nature des minéraux d'altération,
pour un type de roche donné, sont essentiellement les conditions du drainage
et le contenu ionique des eaux de percolation. Le rôle du matériel est de déli·
miter les possibilités de transformation. Précot et al. (1962) aboutissent aux
mêmes conclusions. Sur roches acides l'influence de la roche se fait sentir par
une individualisation plus poussée du fer que de l'alumine. Sur roches basiques
c'est généralement le contraire (Maignien, 1958).
Les conditions de désaturation et un pH acide coïncident avec l'apparition
de kaolin (De Kimpe et Gastuche, 1962). Herbillon et Gastuche (1962) montrent
que la cristallisation de l'hydroxyde d'alumine en gibbsite est grandement
favorisée par les conditions de désionisation de la solution mère. Dans les condi-
tions de drainage excessif on voit se former une couche gibbsitique autour de
la roche altérée. Shermann (1952), puis Bates (1960), aux îles Hawaii, remar-
quent qu'une pluviométrie élevée favorise l'apparition de gibbsite. Lorsque
l'eau des percolats reste riche en sels (cas d'un mauvais drainage), la gibbsite
n'apparaît pas.
Les conditions d'un bon drainage qui favorise le transport de la silice et des
éléments dits mobiles limitent les néosynthèses argileuses par déficit en Si02•
Ces processus sont particulièrement bien marqués sur roches basiques. Par
contre, sur roches cristallines riches en quartz, même dans des conditions de
drainage excessives, le déficit en silice est peu sensible et les néosynthèses kao-
linitiques prédominent. Suivant les conditions locales du milieu, les proportions
relatives en silice libre, sesquioxydes et kaolinite peuvent alors être très diffé.
rentes. Ces données limitent l'utilisation du rapport Si02/Al203'
En règle générale, les minéraux primaires sont fortement et même parfois tota-
lement altérés. Le quartz lui-même est partiellement décomposé. L'analyse
mécanique des produits de décomposition fait apparaître l'absence presque
complète de matériaux de la taille des limons (2 à 20fL). Les produits de l'altéra-
tion sont ou de la dimension des argiles (inférieure à 2fL) ou de dimension supé-
rieure à celle des sables très fins (supérieure à 50fL). Encore faut-il signaler que
ces matériaux grossiers sont surtout composés de quartz et de quelques miné-
raux résistants tels que zircon, rutile, ilménite, etc. Cette absence de matériaux
de la taille des limons est souvent considérée comme une caractéristique des
latérites. Le rapport limon/argile est ordinairement inférieur à 10/15 (van
Wambeke, 1962).
Une autre conséquence de l'altération extrême des minéraux primaires est
44
Caractéristiques morphologiques et analytique. de. latérite.
45
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
46
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérite,.
latérites. Les sols qui se déveioppent sur ces formations possèdent ces carac-
téristiques comme héritage, même s'ils sont pédogénétiquement différents.
Ces relations entre pédologie et géologie sont bien explicitées dans la théorie
de la biorhexistasie (Erhart, 1956).
Il est un élément analytique important, car il joue sur la morphologie et
est donc facilement observable, qui pourrait permettre de cerner plus étroite-
ment le problème. Il s'agit de la nature des liaisons entre sesquioxydes et argiles
kaolinitiques. C'est une donnée encore peu étudiée, qui paraît être très impor-
tante, car d'elle dépend le comportement du fer, comportement qui varie sui-
vant les groupes de sols. En sols latéritiques, le fer, fortement individualisé,
est étroitemént lié à la kaolinite (Fripiat et al., 1954; D'Hoore, 1954). Par contre,
en sols ferrugineux tropicaux, le fer libre se présente sous des formes labiles
et se sépare avec facilité des argiles. Il en est de même en sols hydromorphes.
Ces données expliquent en partie la coloration très soutenue des sols latéritiques.
Elles sont à la base des processus de cuirassement par lessivage (D'Hoore, 1954;
Maignien, 1958). Ce sujet de recherche est encore du domaine de l'hypothèse.
Il mériterait d'être étudié en détail.
SOLS LATÉRITIQUES
Les processus d'induration prennent dans les sols latéritiques des aspects variés
qui n'ont pas tous la même origine. On observe ou des horizons concrétionnés
ou des horizons cuirassés, ou les deux ensemble.
47
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
Les horizons indurés, plus ou moins continus, sont égalemcnt de deux types.
Il peut s'agir de la transformation par pseudomorphose d'une roche en voie
d'altération. La structure est alors formée par de fins cristaux de gibbsite qui
moulent la forme de certains minéraux originels (plagioclases). Des imprégna-
tions ferrugineuses et des néosynthèses kaolinitiques colmatent plus ou moins
cet horizon qui se développe au contact avec la roche mère, donc à grande pro-
fondeur. Ultérieurement, des processus de dissolution partielle et de redépôts
donnent un aspect scoracié. C'est typiquement la cuirasse relative de D'Hoore
(1954) qui peut atteindre des épaisseurs assez considérables (parfois 10 mètres).
Mais le faciès le plus fréquent et aussi le plus classique est l'horizon cuirassé
pisolithique ou alvéolaire provenant de la concentration de sesquioxydes à
un niveau donné, généralement situé entre les horizons de surface et les horizons
argileux. Les sesquioxydes, qui cimentent les éléments texturaux préexistants,
proviennent du lessivage des horizons voisins et aussi, et c'est là le cas le plus
48
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
général, des profils voisins (Maignien, 1958). Ces formations indurées sont sou-
vent épaisses de 2 à 3 mètres. Les éléments texturaux sont très variés. Il s'agit
parfois de concrétions qui se sont formées dans un premier stade d'évolution.
Il y a des relations extrêmement étroites entre la position de ces cuirasses
dans les profils et la circulation des eaux. C'est dire que, si la plupart de ces
cuirasses se situent à faible profondeur dans les sols, elles peuvent aussi s'im-
poser à des niveaux beaucoup plus bas. Certaines arènes d'altération sont ainsi
cimentées par des sesquioxydes et transformées en cuirasses (Bachelier et
Laplante, 1953). Parfois la roche elle-même est imprégnée de solutions ferru-
gineuses et se transforme en cuirasses (Maignien, 1958).
Les relations entre ces types de cuirasses et les niveaux de formation sont
plus ou moins étroites. Les horizons jouent comme milieu de réception et d'ac-
cumulation. Les matériaux préexistants sont cimentés par les solutions de
sesquioxydes d'origines diverses. Les liaisons ne se réalisent plus seulement à
travers l'ensemble des profils qui s'individualisent le long d'une pente, mais
le cuirassement est étroitement lié à l'évolution géomorphologique du paysage.
Il s'agit de cuirasses absolues (D'Hoore, 1954).
49
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
SOLS HYDROMORPHES
VERTISOLS
CUIRASSES COLLUVIALES
Enfin on ne saurait terminer cette section sans parler des cuirasses colluviales.
Ces cuirasses, qui s'observent aux pieds des pentes, sont de deux types: il s'agit
ou de débris d'anciennes cuirasses qui sont cimentées secondairement, ou de
matériaux colluviaux ou proluviaux imprégnés et indurés par des solutions
enrichies en sesquioxydes. Ce sont les cuirasses dites de « bas de pente ». Ce
dernier type est fréquent en pays cuirassé. Il se développe sur les pentes infé-
rieures à 7-9 % (D'Hoore, 1954; Maignien, 1958). Ces cuirasses, très dures,
sont peu épaisses (moins d'un mètre), essentiellement ferrugineuses, de couleur
sombre. Elles possèdent une structure feuilletée caractéristique.
Enfin, pour mémoire, on doit signaler les cuirasses de fonds de lacs ou de
mangrove qui sont proches des cuirasses de sols hydromorphes.
50
Caractéristiques eorphologiques et analytiques des latérites
Cimentation
La cimentation se réalise le plus souvent dans des éléments grossiers. Elle s'ob·
serve rarement lorsque les particules du sol ont un diamètre moyen inférieur
à 20 Il' Elle est donc rare en sols argileux. Les granules texturaux sont ou des
matériaux originels tels que des sables, des graviers, des cailloux, ou bien des
matériaux secondaires comme des pseudo-sables, des concrétions, des gravil-
lons, des blocs d'anciennes cuirasses. Il arrive fréquemment qu'un sol primiti-
vement constitué de particules fines se cimente à la suite du concrétionnement
d'un de ses horizons.
Imprégnation
Concrétionnement
51
.caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
Mode de formation
Accumulation relative. La forme la plus fréquente de l'accumulation relative
est la structure scoriacée. Le squelette est hauxitique, de couleur claire (hlanc
à rose). Les cavités, de petite taille, sont partiellement remplies de matériaux
fins, rouges, avec imprégnation ferrugineuse secondaire. On y ohserve des pseu-
domorphoses et la structure originelle est partiellement conservée. Le départ
des matériaux les plus soluhles, qui précisent l'origine relative de ces cuirasses,
est confirmé par des tassements, des cisaillements, parfois des aspects pseudo-
colluvionnés.
Propriétés physico-chimiques
Degré de saturation en bases. En sols acides, les formes indurées sont diffuses
et d'imprégnation. On ohserve les types suivants : cimentation plus ou moins
complète d'un matériau meuhle, imprégnation avec formation de cuirasses à
structure alvéolaire, cuirasses feuilletées dans le cas d'apports importants de
sesquioxydes par lessivage ohlique.
En sols plus riches en cations alcalino-terreux les oxydes de fer et de man-
ganèse tendent à se concentrer en concrétions arrondies (Castagnol et Shan-
Gia-Tu, 1940). Parfois les sesquioxydes se déposent autour d'un noyau de roche
en voie d'altération qui crée dans son voisinage immédiat une concentration
en alcalino-terreux suffisante pour provoquer la précipitation. Ces phénomènes
sont plus nets encore sur roches calcaires.
En conclusion les différentes données concernant les niveaux indurés des sols
tropicaux permettent de dresser le tahleau suivant (Maignien, 1958):
52
Caractéristiques morphologiques et analytiques des latérites
SOLS LATÉRITIQUES
Accumulation relative
Milieu bien drainé. Cuirasse riche en alumine; structure scoriacée dominante; horizon
proche de la surface; induration moyenne; faciès « pain d'épice ».
Milieu à drainage déficient. Cuirassement très peu prononcé; sols généralement argileux ;
quand elle existe : cuirasse alumino-ferrugineuse; structure pisolithique à finement
alvéolaire, généralement aplatie, ou concrétions et nodules; horizon proche de la sur-
face du 501; induration faible à moyenne; argile bariolée.
Accumulation absolue
Accumulation absolue
Milieu bien drainé. Cuirasse alumino.ferrugineuse; dépôts de films ferrugineux sur sque-
lette originel; nombreux matériaux clastiques; cuirasse parfois afHeurante, poreuse;
induration élevée.
Milieu à drainage déficient. Blanchiment; cuirasses pisolithiques, parfois alumineuses,
assez rares sur les plateaux.
Accumulation absolue
Milieu bien drainé. Sols très lessivés, à cuirasse ou concrétions au niveau d'une nappe
phréatique profonde; cuirasse alvéolaire, essentiellement ferrugineuse; induration torte.
Milieu à drainage déficient. Sols lessivés à concrétions ou cuirasses ferrugineuses; struc-
ture pisolithique ou/et légèrement feuilletée; profondeur 50 à 150 mètres.
Accumulation absolue
Lessivage oblique. Cuirasse de bordure de plateau et cuirasse de bas de pente, essentiel-
lement ferrugineuse; nombreux matériaux clastiques; structure feuilletée, souvent
afHeurante; induration très forte.
Action d'un niveau hydrostatique suspendu, temporaire, cuirasse pisolithique, parfois
légèrement feuilletée; profondeur faible (50-150 cm); induration forte.
53
"Distribution des latérites dans le monde
Relations avec les facteurs du milieu
Les latérites sont largement répandues à travers le monde, mais plus particu-
lièrement dans les régions intertropicales d'Afrique, d'Australie, de t'Inde, du
Sud-Est asiatique et d'Amérique du Sud. Toutefois la répartition de ces sols
ne correspond pas nécessairement aux conditions actuelles de genèse. Beau·
coup de ces formations sont subactuelles ou fossiles, même en régions inter-
tropicales. Leur extension montre qu'à un moment ou l'autre de l'histoire du
globe les conditions de formation ont pu se trouver réunies, conditions qui
n'ont pas été nécessairement contemporaines en tous les points de la terre.
Sans parler de formations sédimentaires rouges très anciennes (permo-carbo-
nifères) que l'on soupçonne d'origine tropicale, les niveaux du sidérolithique
et des matériaux plus récents présentent les caractéristiques des latérites.
Muckenhausen (1962) signale des latosols en Allemagne méridionale. Les red
yellow podzolic soils des États-Unis peuvent plus ou moins être assimilés à des
oxisols. Certains sols enterrés sous les limons du Condroz (Belgique) possèdent
toutes les caractéristiques de sols ferrugineux tropicaux à concrétions. De tels
exemples sont extrêmement fréquents.
Il est maintenant universellement admis que les sols latéritiques n'ont pu
s'individualiser qu'à travers des périodes d'évolution extrêmement longues
(Leneuf, 1959), de l'ordre de dizaines et parfois même de centaines de millé·
naires. De nombreuses études tendent à montrer que l'ère tertiaire a présenté
des conditions particulièrement favorables à la latéritisation, aussi bien en
régions intertropicales que dans le monde entier. Pourquoi ces formations sont·
elles plus abondantes sous les tropiques? Les conditions actuelles de formation
ne sont certainement pas les seules en cause. Il est probable que ces différences
sont liées à l'action des glaciers quaternaires qui, en régions boréales, ont arasé
les croûtes d'altération, effaçant les influences anciennes. Ces glaciations n'ayant
pas joué en régions intertropicales, les formations latéritiques tertiaires viennent
s'ajouter aux formations quaternaires.
Prescott et Pendleton (1952) ont tenté les premiers une synthèse mondiale
sur la répartition des latérites, ces dernières étant prises au sens anglo-saxon
du terme. Depuis cette étude, de nombreuses prospections ont été effectuées,
particulièrement en Afrique et en Amérique du Sud. Pour l'Mrique, il faut
citer la carte des sols du Service pédologique interafricain (de la Commission
54
DiBtribution des latérite. dans le monde
55
Di.tributiou de. latérites dans le moude
On distingue :
1. Les sols à couleur dominante jaune-beige (7,5 YR ou plus jaune) sur : sédiments
meubles sableux (La); sédiments plus ou moins argileux (Lb); non différenciés
(Le).
2. Les sols à couleur dominante rouge (5 YR et plus rouge) : sédiments meubles (LI) ;
roches riches en minéraux ferro-magnésiens (Lm); non différenciés (Lu).
3. Les sols ferrallitiques humifères, non différenciés (Ls).
4. Les sols ferrallitiques « à horizon sombre », non différenciés (Lt).
5. Les sols ferrallitiques jaunes et rouges sur matériaux originels divers, non di/ré·
renciés (Lx).
Les sols minéraux bruts et les sols peu évolués de cuirasses s'observent dans
toute l'Mrique intertropicale. Ils sont particulièrement fréquents sur les vieux
plateaux et les buttes témoins du tertiaire et du début du quaternaire. Ces
cuirasses anciennes sont largement représentées sur les formations sédimentaires
argilo-sableuses du miopliocène. On peut les observer au nord vers le Sahara
où elles sont ennoyées par des dépôts éoliens.
Les cuirasses ferrugineuses actuelles ou subactuelles semblent se limiter aux
sols ferrugineux tropicaux qui sont largement représentés en Mrique où ils
forment, dans l'hémisphère nord, une bande qui prend le continent en écharpe
d'ouest en est; approximativement entre les isohyètes 750 et 1200 mm, et,
dans l'hémisphère sud, à des taches importantes en Angola, dans le sud du
Congo et en Mozambique. Ces sols cuirassés, souvent érodés, se distribuent
principalement sur des matériaux originels pauvres en minéraux alcalino-
terreux. Le modelé subhorizontal, en « marches d'escalier» est caractéristique.
Ils supportent une végétation de savane caractérisée.
Entre ces deux bandes de sols ferrugineux se situe la zone des sols latéritiques
qui, sous climats tropicaux, sont fréquemment cuirassés. Sous climats équa-
toriaux, sans saison sèche marquée, si le concrétionnement est parfois bien
marqué, le cuirassement est plus rare. Ces sols se développent sur les matériaux
les plus divers.
Le modelé est celui de collines, plus ou moins accusé. La végétation naturelle
est une forêt, d'aspect varié, souvent dégradée par l'homme.
AMÉRIQUE
« Red yellow latosols» et «red yellow podzolic' soils ». Cette unité comprend les
red yellow latosols, les hydrol humic latosols, les red yellow podzolic soils et les
regolatosols du Brésil; les sols latéritiques du Pérou, les red yellow latosols et
hydrol humic latasols de l'Équateur; les red yellow latosols et sols associés, les
red yellow podzolîc soîls et sols associés de Colombie; les sols latéritiques, les
56
Distribution des latérites dans le monde
Latosols arénassés. Cette unité comprend les latosols sableux, les latosols jaune-
rouge du Brésil, les latosols sableux du Paraguay; les regosols sableux, les
latosols jaune-rouge, les latosols rouge terreux du Venezuela.
« Low humic latosols », « terra roxa ». Cette unité comprend la terra roxa lege-
tima et parana du Brésil et du Paraguay.
ASIE
Inde
Les latérites ont été reconnues depuis fort longtemps en Inde où elles occupent
des surfaces importantes sur le Deccan. Oldham (1893) signale que les latérites
de « haute altitude» recouvrent les sommets des collines et des plateaux des
massifs montagneux de l'Inde centrale et occidentale. La latérite de « basse
1. Voir p. 130.
57
Distribution des latérites dans le monde
altitude» forme des bandes extrêmement longues en bordure des deux côtes
de la péninsule du Deccan.
Sur la côte occidentale, ces deux types de latérites se distinguent difficilement.
Par contre, sur la côte orientale, l'origine détritique est plus nette et ce faciès
peut être suivi du cap Comorin jusqu'à Orissa et, de là, vers le nord, en passant
par Midnapur, Bardwan et Birbhum jusque sur les flancs des Rajmahal Hills.
On doit à Raychaudhuri (1941) la compilation de la plupart des informations
relatives à l'Inde. Dans le dernier dessin de la carte pédologique de l'Inde,
cet auteur rattache les formations de latérites aux classes suivantes : sols rouges
gravelleux, latérites et sols latéritiques. Les premiers peuvent être également
appelés sols rouges ferrugineux gravelleux, la mise à l'affleurement des graviers
étant indiquée par un symbole sur la carte.
Les sols latérites peuvent aussi être appelés ferrallitiques et sont subdivisés
suivant leur position topographique en latérites de haute altitude, et de collines,
et latérites de basse altitude.
Les latérites et sols latéritiqu"es sont ferrugineux et faiblement latéritisés
(latosols).
Sud-Est asiatique
Les principaux résultats ont été regroupés par Dudal et Moormann (1962).
Ils distinguent :
1. Les sols jaune-rouge podzoliques (red yellow podzolic soils) qui dominent
dans les parties les plus humides du Sud-Est asiatique, sur matériau non basi-
que, sur les formes matures et séniles du modelé. Au Viêt-nam, ils occupent
plus de 50 % de la surface du territoire. En Indonésie, ils constitucnt un groupe
important des régions non volcaniques et sont représentés à l'ouest de Java,
de Sumatra et de Bornéo. On observe une distribution comparable en Malaisie
et dans les régions voisines. Ces sols se développent sous des pluviométries
supérieures à 1 500 mm/an, mais sous des climats à saison sèche marquée et
à température supérieure à 10 oC. Ils portent des peuplements de forêt tropicale
de régions basses ou de savanes herbeuses.
2. Les sols gris podzoliques (gray podzolic soils) sont souvent associés à des
latérites de nappe. On les observe sur les alluvions anciennes, acides, de texture
légère à moyenne. Ils se distribuent essentiellement sous climat tropical de mous-
son. On en observe cependant quelques taches à Bornéo et au Sarawak, sous
climat équatorial; la pluviométrie est alors généralement supérieure à 1 500 mm
et bien répartie dans l'année. Cependant, dans les régions nord-est de Thaïlande,
le climat est plus sec. Ces sols se développent sur des modelés plans à faihlement
ondulés, sous forêts ouvertes à diptorocarpées et, pour les régions les plus
humides, sous forêt dense ombrophile. Les gray podzolic soils se distribuent
principalement sur les immenses terrasses du Mékong au nord-est de la Thaï-
lande, au sud-ouest du Laos, au Cambodge, au Viêt-nam. Ils ont aussi été obser-
vés sur les terrasses des vieilles rivières comme la Chao Phya et la Ta Chin, en
Thaïlande centrale, sur celles du bas Irrawaddy, en Birmanie. Quelques petites
surfaces sont signalées dans les parties les plus humides du Viêt-nam centrai, au
sud de la Thaïlande, au Sarawak et en Indonésie (Bornéo, Bangka et BiHiton).
3. Les latosols brun-rouge (dark red et reddish brown latosols). Ces sols se déve-
loppent sur des matériaux basiques (basaltes, diabases, diorites, andesites,
granites et gneiss à mica noir). Ils se situent en position de bon drainage, en
58
Distribution des latérites dans le monde
AUSTRALIE
Comme en Inde, les latérites sont reconnues depuis fort longtemps en Aus-
tralie (Darwin, 1844). C'est pourtant Edgeworth qui, en 1887, a le premier
reconnu la latérite en tant que telle. Depuis, de nombreuses études ont traité
de leur répartition et de leur interprétation, souvent dans un esprit géologique.
C'est ainsi que de nombreux «grès du désert», grès ferrugineux, dans la pénin-
sule du cap York, dans les Northern Territories, sont des latérites indurées
(Davidson, 1905; Woolnough, 1918).
L'importance des latérites de l'Australie-Occidentale a été relevée par Simp- ,
son (1912). On en a également reconnu dans la région d'Adélaïde, dans les Blue
Mountains de Nouvelle-Galles du Sud, près de Brisbane et dâns le voisinage
de Darwin (Walther, 1915).
59
Distribution des latérites dans le monde
Dans les régions nord du continent (Jensen et al., 1915), dans le Queensland
(Saint-Smith, 1921); Jensen, 1926), les latérites sont fréquentes.
La plupart de ces formations indurées de surface sont portées comme telles
sur les cartes géologiques de nomhreuses régions. Il s'agit le plus souvent de
formations anciennes, dont la genèse ne présente aucune relation avec les con-
ditions climatiques actuelles. Elles soulignent les traces d'une ancienne péné-
plaine mise en relief. Ainsi les latérites du Queensland seraient prohahlement
pliocènes (Bryan, 1939). Pour Hanlon (1945), les hauxites ferrugineuses de
Nouvelle-Galles du Sud seraient miocènes.
Le manuel des sols australiens (Stephens, 1962) signale plusieurs grands
groupes de sols qui peuvent être rattachés aux latérites au sens large.
1. Les sols latéritiques podzoliques (lateritic podzolic soils). Ce sont généra-
lement des sols fossiles, d'âge pliocène, qui se distrihuent sur les "ieilles surfaces
tahulaires. Leur horizon induré, souvent affieurant dans les régions arides,
a le faciès d'une latérite nodulaire, pisolithique ou massive qui se serait formée
sous l'influence de la fluctuation d'une nappe phréatique actuellement disparue.
Ces sols s'ohservent dans tous les États de l'Australie et plus couramment dans
les régions les plus humides, mais aussi, sous leurs formes fossiles, dans les régions
les plus arides. Ils supportent des peuplements végétaux variés de forêts, de
savanes forestières et de hruyères.
2. Les terres jaunes (yellow earths). Ces sols se caractérisent fréquemment par
la présence de nodules ferrugineux en quantité variahle dans leur horizon B.
Ils peuvent donc, dans une certaine mesure, être rattachés aux latérites. Ils se
développent sur des roches variées, des grès jusqu'aux roches ignées. Ils ont
été identifiés dans le district côtier de Nouvelle-Galles du Sud et dans les régions
plus humides du Queensland, de Brishane au golf de Carpentaria.
3. Krasnozems. Ces sols s'ohservent dans les États de l'est de l'Australie,
de la Tasmanie au Queensland. Ils sont heaucoup plus fréquents dans les zones
côtières tropicales. Ils forment aussi quelques petites taches dans les parties
plus humides du Sud australien, en Australie-Occidentale et dans l'île de Norfolk.
4. Krasnozems latéritiques. Ils forment des petits périmètres en complexe
avec les krasnozems typiques dans les districts côtiers et suhcôtiers du Queens-
land.
5. Terres rouges latéritiques (lateritic red earths). Ces sols se limitent aux
régions tropicales et suhtropicales australiennes. Ils ne sont pas ohservés dans
les régions tempérées plus humides de l'Australie-Méridionale, où ils sont rem·
placés dans le paysage par des sols latéritiques podzoliques. Ces terres rouges
sont largement associées aux surfaces anciennes d'âge prohahle pliocène.
6. Enfin, il est possible de rattacher aux latérites les sols calcaires latéritiques,
anciens sols latéritiques envahis par du carhonate de calcium à la suite d'une
nouvelle pédogenèse. Ces sols sont ohservés sporadiquement dans les territoires
du nord de la frange sud de Barkly Tahleland, aux approches nord des Macdonnell
Ranges, également en Australie-Occidentale entre Kalgoorlie et Coolgardie
et, en Australie-Méridionale, sur la péninsule Eyre.
60
Distribution des latérites dans le monde
CLIMAT
61
Distribution des latérites dans le monde
Température
Pluviométrie
Les valeurs que l'on peut trouver dans la littérature sont extrêmement varia.
hIes, pour la même raison que l'on rapproche des sols qui ne sont pas compa.
rables. La plupart des études portent sur les relations entre le rapport Si02/
~Oa et les précipitations (Segalen, 1957). Mohr et Van Baren (1954) en font la
critique et rapportent qu'il est permis d'aboutir aux conclusions contradictoires
suivantes : a) corrélation négative .entre les précipitations et le rapport Si0s!
62
Distribution des latérites dllllB le monde
63
Distribution des latérites dans le monde
en pays accidenté, le tout en relation avcc la nature des roches en voie d'alté·
ration, certaines structures favorisant plus le drainage que d'autres, et certaines
ro.ches étant plus pauvres en silice que d'autres.
Par contre, sous climat équatorial, à humidité quasi permanente, les néo-
synthèses argileuses sont favorisées. Les cuirasses alumineuses actuelles sont
rares et réduites à quelques faciès de roches particulières.
En résumé : suivant le rythme des précipitations, suivant la quantité d'eau
arrivant au sol, s'individualisent en dessous de l'isohyète 1 200 des sols ferralli·
tiques à cuirasses (ferrugineuses ou ferro-alumineuses, ou alumineuses) ou des
sols non cuirassés suivant la composition des solutions de percolation et
les conditions du drainage et, entre l'isohyète 750-1 200, des sols divers, diffé·
rents des sols latéritiques, à cuirasses ou à concrétions ferrugineuses parfois
manganifères.
VÉGÉTATION ET FAUNE
64
Distribution des latérites dans le monde
65
Distribution de. latérite. dan. le mond~
Les latérites indurées et les sols latéritiques s'ohservent sur tous les types de
roches, sauf, peut-être, sur certaines quartzites particulièrement pures. Pour-
66
Distributio'n des latérites dans le monde
67
.Distribution des latérites dans le monde
à montrer que ce minéral est extrêmement stable quand les conditions d'acidité
et de désaturation du milieu tropical humide sont marquées. Les seules données
positives de cette altération sont fournies par des photographies prises au micro-
scope électronique qui montrent une certaine attaque des cristaux de kaolinite,
sous l'action de peuplcments herbacés postforestiers (D'Hoore, 1954). Mais
ces processus paraissent réduits et sans commune mesure avec les masses énormes
de gibbsite que l'on retrouve dans certains sols latéritiques.
Des études déjà anciennes tendent à montrer que les proportions relatives
de kaolinite et de gibbsite sont liées à la nature des roches. Mais des données
plus récentes prouvent qu'il n'en est rien et que ces proportions sont essentiel-
lement fonction des conditions du drainage et du contenu ionique des eaux
de percolation. Le rôle de la roche est de délimiter les possibilités de transfor-
mation (Pecrot et al., 1962).
L'altération latéritique d'une roche définit-elle les sols ferrallitiques? Il
existe de nombreux sols tropicaux qui présentent la morphologie et les carac-
téristiques analytiques des sols latéritiques, mais qui se développent sur des
matériaux anciennement latéritisés et plus ou moins remaniés. Il s'agit en
particulier des sols sur nappeS' de recouvrement de l'Afrique noire. Le matériau
originel est en équilibre climatique avec le milieu naturel. Aucune altération,
ni aucune transformation, n'est visible. Ceci prouve que la composition miné-
ralogique du matériau originel n'a qu'une importance limitée sur la compo-
sition des latérites. Les caractéristiques spécifiques des matériaux s'effacent
devant la latéritisation.
Lorsqu'on considère les sols à cuirasses alumineuses, on constate que si les
formations indurées sont étroitement liées au processus de latéritisation tel
qu'il a été traité précédemment, elles correspondent aussi à des conditions
particulières du milieu, à savoir drainage accéléré, désionisation du milieu et
conditions sévères de désilicification. A ces seules conditions s'individualise
la gibbsite, qui est l'élément le plus constant des cuirasses alumineuses. Ceci
se réalise ordinairement sur des roches basiques (norites, diabases, etc.) en
position de relief assez accusé, sous un climat tropical très humide. Cependant
des périodes de sécheresse, même de faible durée, ne sont pas indispensables
à l'individualisation de la gibbsite (Herbillon et Gastuche, 1962). D'une façon
générale, il y a des relations étroites entre la composition des roches sous-jacentes
et lcs cuirasses alumineuses. En particulier, ce sont les roches riches en plagio-
clases qui donnent le plus facilement de la gibbsite.
Il est possible d'observer des enrichissements en alumine sous forme de bœh-
mite. Dans ce cas particulier, les relations avec le matériau sous-jacent parais-
sent moins nettes. La cristallisation n'a pas lieu sur place comme pour la gibbsite,
mais se réalise après un transport plus ou moins long, ce qui rapproche ce type
de cuirasse des cuirasses ferrugineuses.
Les conditions de formation de ces dernières, en relation avec la nature des
roches, sont encore beaucoup plus larges que celles de l'altération latéritique.
On les observe sur les matériaux les plus variés et, si souvent il semble y avoir
certaines relations entre les horizons d'un même profil et l'horizon cuirassé,
plus souvent encore il n'y a que des relations lointaines. Le sol en place ne cons-
titue qu'un matériau de réception où viennent s'accumuler des solutions qui
se sont enrichies en fer au contact de formations voisines. Donc, si les sols qui
se développent sur des roches riches en minéraux ferrugineux peuvent donner
de très belles cuirasses ferrugineuses, des sols formés à partir de matériaux
68
Distribution des latérites dans le monde
MODELÉ
Dans l'étude dcs relations entre latérite et modelé se posent deux questions
principales : Quelles sont les relations avec les différentes formes du modelé?
Quelles sont les positions relatives entre les différentes formes du modelé?
Ces questions sont à résoudre en distinguant d'une part, les sols d'altération
latéritique, à cuirasses alumineuses ou non, et d'autre part l'ensemhle des sols
à cuirasses ferrugineuses.
69
Distribution des latérites dans le monde
~ \'{P ~~
portiellement
+7m effondrée
~ Ploine
olluviole Milo
~~. ~~~;d.L--ULl..-
Fe +Mn
Fe +Mn
Niveau o~tuel
d'hydromorphie
70
Distribution de. latérites dans le monde
71
A
r"
Source ~
B Mare
asséchée
Sols
argileux
Cuirasse Gravillons Horizon
rouge
Horizon
humifère
1%
72
Distribution des latérites dans le monde
indurées recouvrant les sommets des plateaux et des collines des régions mon-
tagneuses du centre et de l'ouest du pays de celles se développant à hasse alti·
tude en hordure de la côte. II a rapidement été signalé qu'à ces différences de
positions topographiques correspondaient des différences morphologiques.
Ainsi les cuirasses de hasses altitudes sont généralement plus ferrugineuses
et moins épaisses que celles des reliefs plus élevés. D'autre part les cuirasses
des niveaux inférieurs présentent fréquemment des matériaux alloctones (sahles,
galets) qui signalent une origine polycyclique ou détritique (Oldham, 1893).
S'appuyant sur le rôle important de la nappe phréatique dans la gcnèse des
latérites, Camphell (1917) considère les cuirasses de hasses altitudes comme
des cuirasses «vives », car elles suhissent encore l'influence de ces nappes.
Les cuirasses de hautes altitudes sont considérées comme des cuirasses
«éteintes », les nappes ayant disparu avec l'approfondissement des niveaux
de hase.
En fait, ces données ne signalent que des tendances générales et, dans le
détail, il est possible d'ohserver des données contradictoires. Harrison (1933)
signale des latérites vives sur les hauts reliefs; Ruhe (1954) constate que des
cuirasses de hautes altitudes ont un aspect conglomératique (présence de pierres
et de galets).
L'épaisseur des cuirasses n'est pas toujours fonction de la position topogra-
phique. Ceci résulte, en particulier, de l'importance des accumulations latérales
par les eaux qui drainent en hordure des décrochements de relief. En ces empla-
cements, les cuirasses sont toujours beaucoup plus épaisses (parfois plus de
10 mètres) qu'au centre des plateaux. Une coupe en travers fait apparaître
une forme biseautée caractéristique (Maignien, 1958). II n'en est pas moins
vrai que l'ahaissement du niveau de base tend à approfondir le front d'altéra-
tion des sols latéritiques, d'où il résulte une augmentation de l'épaisseur des
cuirasses qui s'y développent. Ces phénomènes ne sont pas en relation avec
l'altitude ahsolue des cuirasses, mais avec leur position relative par rapport
aux axes de drainage. Ces différences sont accusées par le fait que les cuirasses
des niveaux inférieurs sont toujours plus riches en fer et que, d'une façon géné-
rale, les cuirasses ferrugineuses sont toujours moins épaisses que les cuirasses
d'altération latéritique. Donc on ne peut comparer que l'épaisseur de cuirasses
résultant d'une même pédogenèse.
A côté des cuirasses de hautes et de hasses altitudes, on distingue fréquem-
ment des cuirasses de has de pente. Ce sont théoriquement des cuirasses détri-
tiques formées par la consolidation de fragments de latérites provenant de
l'éhoulement de niveaux plus élevés. Elles se distribuent aux pieds de collines
anciennement cuirassées.
II semhle que ce type de cuirasses soit heaucoup moins développé que ne
le laisse supposer la littérature. En effet, le prohlème du démantèlement des
cuirasses et du transport des matériaux résiduels peut être controversé. Si
ces processus sont bien marqués en régions arides, où ils amènent à la formation
de «sols de chaussées» et de regs, par contre, dès que la pluviométrie dépasse
500 mm/an, les phénomènes de dissolution dcs sesquioxydes l'emportent sur
les phénomènes mécaniques. Les faits d'observation montrent que, dans ces
conditions, le transport latéral des matériaux cuirassés qui s'éboulent le long
des pentes, à la suite du soutirage des formations meubles sous-jacentes, n'est
jamais très long, de l'ordre de quelques centaines de mètres. Le classement
des produits de plus en plus fins se limite à une frange étroite aux pieds des
73
A Terre
meuble
Pente
2% Ërosion
Pente 5~
70 Cm
;
•••.•.• :~;: .•:\;.... -k •...
~ ......_-" .
3
Cuirasse ~~ place
Cuirasse ~n voie
dl effondremen t
B Tassements
~--
c Corniche
,/
Cuirasse en place
, ::: :..:,
Traces de l'ancienne
corniche
·.. ~i . 9;~.~i.~o;n:r~ .. ~:.--- -~-n;~~~\"
Bowol
i
~
Voilée
t
Cuirasse alumineuse Colluvions
l-J
Cuirasse ferrugineuse
relative obsolue
74
Distribution des latérites dans le monde
ÂGE
75
Distribution des latérites dans le monde
Zone marécageuse
1 et CUirOSrment
."
'l Abaissement
des niveaux
de bose
Cuirasse
3
---~
Fe .... '-"~''':''''4y
.•.•.... ~~SOurce
Cuirasse ~
Grotte
76
Distribution des latérites dans le eonde
77
Distribution des latérites dans le monde
78
Origine des latérites
79
Origine des latérites
80
Paysage typique d'un sol ferralJitique avec inselbergs (centre de l'île de Madagascar)
Photo: O. Fri:i.n'l.Jt:"
Sols ferralli tiques érosion accélérée (celltre de l'île de Madagascar)
Photo: O. Franzie
Sols ferrallitiques lessivés sous peuplement de bruyère (Madagascar)
Photo: R. 'Maignien
Photo : R. Maignicn
Sol colluvionnaire avec débris de cuirasse (Guinée) [voir ci-contre]
."
PhOlo: R. Mnignien
Affleurement de cuirasse au milieu d'une clairière (<< bowal)))
Photo: R. Maignien
Butte témoin cuirassée (Tchad) [voir ci-dessous]
-.
Pholo: R. i\:laiguien
Photo; O. Frii=le
Origine des latérites
81
Origine des latérite.
82
Origine des latériteS"
Pour Allen (1948a, b; 1952) la plupart des mmeraux des basaltes s'altèrent
directement en minéraux argileux : halloysite, kaolinite, nontronite, qui se
transforment à leur tour en gibbsite, oxydes et hydroxydes de fer, par perte
de silice. De même pour Harrison (1933) et Eyles (1952), les oxydes et hy-
droxydes de fer et d'aluminium des bauxites proviendraient de la désilicmcation
de la kaolinite des argiles latéritiques ou de la lithomarge. Mead (1915), Camp-
bell (1917), Fox (1923, 1936) et Sherman (1949, 1950, 1952) prouvent ou admet-
tent également la destruction de la kaolinite. D'Hoore (1954) a pu photographier
au microscope électronique des cristaux altérés de kaolinite. Pour Bonifas
(1959) la gibbsite peut prendre naissance aux dépens de la kaolinite. Le méca-
nisme de transformation de la kaolinite en fireclay en milieu acide a été démontré
(Oberlin et al., 1961).
Il semble donc que la kaolinite puisse s'altérer ou se transformer. Cependant,
ces processus paraissent assez limités et sans commune mesure avec les quantités
de gibbsite individualisée.
83
Origine des latérites
Gibbsite. Si l'on possède quelques renseignements sur le rôle joué par les
hydroxydes de fer (Betremieux, 1951; Fripiat et Gastuche, 1952), l'évolution
des hydroxydes d'aluminium dans les sols est par contre peu connue. Certains,
dont Mackenzie (1957), pensent que ceux-ci s'y transforment rapidement en
une forme cristalline stable. Au laboratoire, cependant, la cristallisation des
trihydrates, et plus particulièremcnt de la gibbsite, exige des conditions d'al-
calinité sévères, rarement rencontrées en milieu naturel. De nombreux autres
facteurs interviennent dans le milieu du sol. Certains voient dans la kaolinite
le germe de cristallisation par excellence. D'autres attribuent aux humates
ou autres dérivés organiques un rôle orientatif dans l'édification de ces structures.
Deux milieux naturels très différents peuvent donner naissance à de la
gibbsite :
Un milieu alcalin. Au contact de la roche mère, la gibbsite se forme dans un
milieu d'hydrolyse. Stevens et Carron (1948) ont mesuré des pH « d'abrasion»
variant entre 7 et 10 pour la plupart des minéraux. Pedro (1961) rappelle que
le pH des solutions d'hydrolyse des roches, mêmes dites « acides », est toujours
légèrement alcalin. Jenny (1950) propose, pour expliquer l'altération d'un
feldspath, un pH de l'ordre de 9.
Un milieu acide. Il cst courant d'observer dans les sols tropicaux l'existence
d'importantes quantités de gibbsite dans des profils souvent développés
sur 30 à 40 mètres au-dessus de la nappe phréatique ou de la roche mère.
Il devient dès lors difficile d'invoquer, pour expliquer sa formation, une alca-
linité due à l'hydrolyse, le pH de l'eau dc drainage variant entrc 4 et 5.
Certains auteurs ont pensé que la synthèse du minéral serait produite à une
époque antérieure à pH élevé. Pourtant ceci est difficile à admettre pour un
phénomène aussi général ct les faits viennent fréquemment le contredire (Boni-
fas, 1959).
On doit à Herbillon et Gastuche (1962) la résolution de ce problème. Dans
les conditions habituelles de tcmpérature et de pression, la présence d'ions
étrangers dans l'enveloppe hydratée du cation entraîne une distorsion percep-
tible déjà en solution. La cristallisation ne se produira que dans la mesure où
une désionisation sera réalisée.
« A bas pH, le gel chargé positivement s'entoure d'anions étrangers fortement
retenus dans la structure, et la cristallisation est inhibée. Le séchage entraîne
la formation d'un gel fortement hydraté et désordonné où une proportion impor-
tante de l'aluminium est à l'état de coordinence IV suite à la perturbation
due aux anions. A pH élevé le gel, chargé négativement, repousse les rares
anions étrangers; les cations étrangers peu polarisables (Na et K) ne dérangent
pas appréciablement la structure. Ces gels possèdent une structure où dominent
les formes hexacoordonnées de l'alumine; leur vieillissement entraînera l'appa-
84
Origine des latérites
Bœhmite. Ce minéral est parfois associé à la gibbsite dans les horizons cui-
rassés. Alexander et al. (1956) la signalent dans les cuirasses africaines. Son
absence de nombreuses déterminations résulte de moyens analytiques trop
grossiers. Le développement de détermination aux rayons X montre qu'il s'agit
d'un sesquioxyde commun dans la nature. Harder (194.9) et Frederickson (1952)
admettent que la bœhmite peut se fonner à partir de la gibbsite par action
de la pression et de la température : entre 120 et 400 oC la gibbsite se transfor-
merait en bœhmite et diaspore (Weiser et Milligan, 1934). On est bien loin des
conditions naturelles, bien que des températures de 80 oC ont été mesurées
sur des surfaces cuirassées (Mohr, 1954).
L'altération des feldspaths à température relativement élevée (280 à 450 oC)
et sous pression peut donner de la gibbsite (Morey et Chen, 1955 ; Brindley et
Rodoslovich, 1956). Il en est de même dans les expériences de synthèse à
100 oC des minéraux argileux (Henin et Robichet, 1953). A des températures
très basses (à 0 oC) Havestadt et Frike (1930) ont obtenu de la bœhmite par
85
{)rigine des latérites
Gœthite. Ce minéral est très répandu dans les formations latéritiques. Il s'oh·
serve le plus souvent sous dcs formes terreuses pulvérulentes, hrunes ou rouges,
d'enduits ou de concrétions. Les cristaux définis sont très rares, même sous
microscope. Mais l'état de cristallisation est hien précisé par l'examen au micro-
scope électronique. Bonifas (1959) signale que la gœthite commence à «cris-
talliser» à partir des suhstances ferrugineuses isotropes que l'on ohscrve dans
les tout premiers stades d'altération des minéraux (pyroxène, olivine, pla-
gioclase). Il s'agit prohahlement de gels amorphes, mais la composition et l'état
de ces suhstances restent à définir.
Au lahoratoire, la précipitation par l'ammoniaque de l'hydroxyde ferrique
à partir d'un sol ferrique conduit à un produit amorphe qui, par vieillissement,
donne de la gœthite. Toutefois, ce processus ne s'accuse qu'au hout de plusieurs
mois. Il ne paraît donc pas y avoir de difficultés particulières à la transformation
d'un gel d'hydroxyde ferrique en gœthite dans les conditions du milieu latéri-
tique.
86
Origine des latéritea
Quartz. Les grains de quartz observés dans les sols d'altération latéritique sont
le plus souvent des matériaux résiduels ou des matériaux détritiques. Mais il
peut également se produire des accumulations siliceuses. De Craene (1954)
a le premier attiré l'attention sur les possibilités de « néoformations de quartz»
par diagénèse, soit aux dépens des silicates, soit sous l'effet d'apports et d'éli-
minations par les eaux de percolation. Des bancs siliceux signalés dans les pro-
duits d'altération de la dunite de Conakry sont des produits formés au cours
de l'altération latéritique (Bonifas, 1959). L'aspect et la composition de ces
bancs suggèrent la précipitation d'un gel de silice souillé d'oxydes de fer et qui
cristallise en quartz en vieillissant. Ces observations, qui pourraient être mul-
tipliées, s'éclairent d'un jour nouveau à la vue des données récentes sur le dyna-
nisme de la silice. Les eaux naturelles contenant de la silice sont des solutions
vraies de silice monomoléculaire Si(OH)4. Ces solutions sont insellbibles aux
variations de pH et à la présence de cations divers, sauf d'alumine. De plus,
ces solutions de silice moléculaire sont sous-saturées vis-à-vis de la silice amorphe,
car elles contiennent des teneurs inférieures à 120-140 ppm de silice à 25 oC.
Par contre, dès qu'elles contiennent 20, 30 ou 40 ppm elles sont sursaturées
vis·à-vis du quartz et des autres formes minérales de la silice et sont donc capa-
bles d'en assurer la croissance (Krauskopf, 1959). Partant de ces données, Millot
(1961) indique que « le rôle des solutions colloïdales est impossible à envisager:
d'abord parce que les silicifications nécessitent une épigénie que les colloïdes
ne peuvent assurer, mais aussi et surtout parce que les solutions colloïdales natu-
relles n'existent pas». Si les solutions sont propres, peu chargées en cations,
comme peu chargées en silice, il y a quartzification. C'est le cas de surfaces
où l'histoire des eaux est brève. Chaque grain de quartz grandit pour son compte:
c'est le domaine de la croissance régulière des macrocristaux. Si les solutions
sont impures, chargées en cations, plus chargées en silice, le désordre com-
mence. C'est le cas des solutions qui se rassemblent dans les fonds ou qui pro-
viennent des nappes. Dans les calcaires, il y aura formation de cette forme déjà
perturbée du quartz qu'on appelle la calcédoine, c'est le domaine de la croissance
cryptocristalline très contrariée et très imparfaite.
Le premier cas paraît compatible avec les sols latéritiques bien draînés de
climats tropicaux humides. Il est donc fort possible qu'il s'y réalise des néo-
formations de quartz, bien que ces phénomènes ne puissent être matériellement
87
Origine des latérites
prouvés par des méthodes analytiques. La preuve des bancs siliceux au contact
de produits d'altération correspond au second cas. A ces processus doivent
être rattachés les bancs siliceux qui se trouvent stratifiés dans les formations
marneuses sous-jacentes aux cuirasses des phosphates d'alumine de Thiès,
au Sénégal. Le fait capital sur lequel il convient d'insister est la teneur en silice
des eaux de circulation dans les nappes latéritiques. Des teneurs de 15 à 30 ppm
ont été fréquemment notées.
Anatase. Ce minéral est assez souvent reconnu dans les produits d'altération
latéritique. L'anatase est considérée comme la forme de Ti0 2 stable à basse
température et elle est, par conséquent, le minéral de titane le plus probable
des produits de la latéritisation (Eyles, 1952). Il peut provenir aussi bien de
l'altération des siiicates titanifères (sphène, biotite, angite) que de l'ilménite
ou des titanomagnétites (Bramlette, 1936).
Chlorite. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un constituant des cuirasses latéritiques,
la chlorite est fréquemment présentée comme produit transitoire d'altération.
C'est à la fois un minéral de transformation métamorphique et un minéral
d'altération. Bonifas (1959) indique que, dans le cas des dolérites, certains exem-
ples permettent d'affirmer que la chlorite s'est formée au cours des premiers
stades d'altération de la roche. Dans la partie la moins altérée de la roche, on
observe une transformation partielle de la biotite en chlorite. Il est pourtant
difficile d'attribuer toute la chlorite de l'écorce d'altération à la transformation
de la biotite, qui est peu abondante. D'après Harrison (1933), les pyroxènes
pourraient également se transformer en chlorite. La chlorite prendrait naissance
au sein des pyroxènes en voie de décomposition. Le pH d'hydrolyse de ces
minéraux, qui est élevé (9 à Il), est compatible avec nos connaissances actuelles
de la genèse de la chlorite (Millot, 1949, 1953; Grim, 1954). Bonifas précise
qu'il ne fait aucun doute que la chlorite soit due à l'altération latéritique et
que la zone d'hydrolyse des minéraux de la dolérite réunisse les conditions
du milieu favorable à son élaboration. Mais il est difficile de définir ces conditions.
On peut cependant remarquer que la roche semble isolée dans un environne-
ment de terres argileuses kaolinitiques et en déduire que la genèse de la chlorite
a lieu avec celle de la kaolinite.
Halloysite. Ce minéral est souvent signalé dans les produits d'altération. Lacroix
(1913) la reconnaît comme une altération de la néphéline. Bonifas (1959) la
détermine dans les premiers stades d'altération des syénites des îles de Loos
(Guinée) sans qu'elle puisse affirmer de l'altération de quel minéral elle provient.
Dans l'État d'Oregon, Allen (1948) signale de l'halloysite dans les produits
d'altération des roches basaltiques. Segalen (1956) l'a mise en évidence à la base
d'un profil ferrallitique sur roches volcaniques à Madagascar.
88
Origine des latérites
Bates (1952) constate que l'halloysite 4 H 20 ne peut se former que dans des
conditons de très grande humidité. Des variations d'humidité peuvent avoir
pour résultat le mélange intime d'halloysite et de kaolinite sans qu'il soit néces-
saire d'envisager une transformation d'halloysite en kaolinite par déshydrata-
tion. Pour effectuer cette transformation, il faut faire intervenir une remise
en solution et une recristallisation plutôt qu'une simple croissance de l'ordre
des particules, ce qui n'est pas l'avis de Hauser (1953) qui considère l'halloysite
comme un terme intermédiaire entre un gel de silice et d'alumine et la structure
d'un minéral argileux.
89
Origine des latérites
de celle des minéraux argileux. Il faut donc qu'il y ait une destruction complète
des premiers. Hauser (1952), Lovering (1952), Oberlin, Henin et Pedro (1958),
Gastuche, Fripiat et de Kimpe (1962) concluent à la formation de gels ou de
composés amorphes qui fourniraient les matériaux nécessaires à la cristallisation
de la kaolinite. Bates (1952), Siffert (1962) penchent pour une réorganisation
à partir des ions. Pour ce dernier,« les silicates argileux peuvent prendre
naissance à partir de particules en solutions : molécules Si(OH)4 et cations
métalliques ».
Les argiles dioctaédriques essentiellement alumineuses (kaolinite) s'obtien-
nent assez facilement à la température et à la pression ordinaire par simple
mélange des composés à l'état de dilution extrême à condition que le pH du
milieu soit favorable. Le problème primordial est de maintenir la coordinence 6
de l'alumine à des pH où normalement elle a la coordinence 4, c'est-à-dire
entre pH 4,1 et 6,7. Siffert arrive à ce résultat en introduisant l'aluminium
sous forme d'un ion complexe (anion complexe oxalique de l'aluminium [Al
(C 20 4hP-. Il devient ainsi maître du pH de précipitation. Il semble ainsi prouvé
que les ions qui participent à l'édification de la kaolinite soient des ions basiques
du type Al(OH)++. Les argiles ne seraient rien d'autre que des sels basiques
(du type Feitknecht) mais silicatés de certains cations. Les réactions de formation
se font en plusieurs étapes. Il se forme d'abord un ion monomère du type (0
Si 0 ROH), R étant un cation. Dans une étape ultérieure interviendrait alors
la polymérisation, phénomène qui n'est pas encore élucidé.
Herbillon et Gastuche (1962) signalent que la prédominance de coordinence
4 entre pH 4,1 et 6,7 est liée à la présence d'anions fortement polarisables
(comme le chlorure), le rayon de l'anion s'opposant à la distribution régulière
des six ligands. En milieu acide, si un processus de désionisation rapide est
déclenché, par dialyse par exemple, on obtiendra, dès le début, un gel se trou-
vant du côté positif du point iso-électrique (Van Schuylenhorgh, 1950) où malgré
l'imperfection momentanée des caractères cristallins, la coordinence 6 de
l'aluminium est déjà assurée. Dans la zone basique, le gel se trouve du côté
négatif du point iso-électrique : les anions sont repoussés de la micelle en voie
de formation et les seules impuretés sont cationiques, donc peu polarisables.
Il y a d'abord passage par un stade «prégibbsique» laiteux, puis somatoide,
puis passage au stade gibbsite. Cette évolution permet d'éliminer une difficulté
signalée par Hénin et Caillère qui indiquent que ce qui rend la synthèse à des
kaolins particulièrement ardue provient du fait qu'en milieu acide, un gel d'alu-
mine se transforme spontanément en bœhmite et non en gibbsite.
Comment s'opère l'interréaction silice/alumine? Wey et Siffert montrent
que la silice monomère n'offre aucune affinité pour les hydroxydes cristallisés
et les phyllites. Ceci est très important, car cela prouve qu'une gibbsite cris-
tallisée ne peut fixer de la silice pour donner de la kaolinite. Il faut dès lors
que le greffage de la silice sur la couche octaédrique s'effectue au moment même
de la formation ou de la désorganisation de celle-ci. L'ensemble de ces résultats
montre l'importance que l'on doit accorder aux cations dans l'édification des
cristaux phylliteux (Millot, 1962). Il est possible que le passage par un stade
montmorillonitique, même fugace, soit un élément important de la synthèse
des kaolinitiques. La montmorillonite, en se détruisant, fournirait les tétraèdres
de silice qui se grefferaient sur la couche octaédrique en formation.
On peut donc énoncer les conditions de la genèse de la kaolinite : a) au dépens
de gels précipités: milieu acide, moyennement riches en silice mais très désionisés,
90
Origine des latérites
Influence du drainage. Harrison (1933) distingue, pour une même roche, deux
types de latérites, les latérites de hauts plateaux composées presque unique-
ment d'oxydes hydratés d'alumine et de fer, formées sous l'action de pluies
fortes plus ou moins constantes et dans des conditions de drainage parfait,
et les latérites de bas plateaux contenant des silicates d'alumine hydratée
secondaires et, occasionnellement, du quartz secondaire, formées sous l'action
de pluies peu intense et moins constantes, dans des conditions de drainage
imparfait. Dans les latérites de bas plateaux la latéritisation primaire est carac-
térisée par l'élimination de la silice et des bases de la roche mère et laisse un
résidu de gibbsite et de limonite. Elle est suivie d'une résilicification donnant
graduellement une vaste masse de latérite argileuse.
Gordon et Tracey (1952) accordent une grande importance aux influences
de la nappe phré~tique qui détermine soit l'altération kaolinitique, soit l'alté-
ration gibbsitique de la syénite de l'Arkansas.
Hardler (1952) met en cause la porosité de la roche, la libre circulation des
eaux, des pluies abondantes et alternant avec des saisons sèches, la topographie,
les mouvements de la nappe aquifère et le temps.
Allen (1952b) attire l'attention sur le fait que l'importance n'est pas que
les minéraux se forment au-dessus ou au-dessous du niveau de la nappe, mais
est de définir les conditions et l'intensité du drainage ou du lessivage, le pH,
l'activité chimique du milieu et toutes les autres conditions susceptibles de
favoriscr la formation de l'un plutôt que l'autre des minéraux.
Bonifas (1959) remarque que les couches dures et intermédiaires des latérites
sont alternativement sèches et gorgées d'eau, ce qui favorise les phénomènes
de dissolution et de réprécipitation. Ceci peut expliquer, pour une part, l'accu-
mulation relative de l'alumine dans les cuirasses, par solubilisation d'une partie
du fer. Le fer, partiellement entraîné quand les eaux percolent suffisamment,
passe également en partie dans les eaux de la nappe. Dans la région du Kon-
kouré (Guinée), la couche argileuse à kaolinite est située en permanence dans
la nappe, alors qu'au-dessus du niveau hydrostatique, on observe une couche
de « pain d'épice », c'est-à-dire de gibbsite ferruginisée.
Précot et al. (1962) indiquent que, dans des conditions de drainage excessif,
on voit se former une couche de gibbsite autour de la roche altérée. Aux îles
Hawaii, Sherman (1952), puis Bates (1960), constatent qu'une pluviosité élevée
favorise l'apparition de cette espèce minérale. Au contraire, lorsque l'eau de
percolation reste riche en sels (cas d'un mauvais drainage), la gibbsite n'appa-
raît pas. Les conditions de bon drainage favorisent également le transport de
la silice et des éléments dits mobiles.
91
Origine des latérites
Influence du contenu ionique des eaux de percolation. Pour une même roche,
sous un même climat, la genèse de minéraux de néoformation est fonction de
la circulation des eaux. Cette dernière entraîne des modifications de pH, de
concentrations d'ions et, finalement, de milicu. L'influence de la roche est
déterminante dans la mcsure où elle fournit les éléments constitutifs des miné-
raux secondaires et les éléments qui induisent le milieu de formation. Ceci a
fréquemment amené les pédologues qui traitent de l'altération latéritique
à tenir compte des différents groupcs de roches.
Tant que les produits résiduels conservent la structure de la roche mère,
Lacroix (1913), en Guinée, distingue : a) l'altération des gabbros, des syénites
et des diahases, brusque et sans transition, qui est caractérisée par la trans-
formation des feldspaths en gibbsite et des fcrro-magnésiens en produits ferru-
gineux colloïdaux, plus ou moins riches en silicate d'alumine, et l'altération
des péridotites constituées et ferro-magnésiens qui aboutissent à des produits
colloïdaux ferriques et à un peu d'alumine; b) l'altération des micaschistes, des
gneiss, et des granites, progressive, où il se produit de la kaolinite et des silicates
d'alumine colloïdaux qui se transforment progressivement en argiles latéritiques.
Harrison (1933), en Guyane, tire les conclusions suivantes dans les conditions
tropicales : la destruction des roches basiques et intermédiaires, au niveau ou
près de la nappc aquifère, dans dcs conditions dc plus ou moins bon drainage,
est accompagnée d'une élimination presque complète de la silice, des oxydes
de calcium, de magnésium, de potassium et de sodium. Ellc laisse un résidu
terreux de trihydrate d'alumine (gibbsite), de limonite, quelques fragments
de feldspaths non altérés, dans quelques cas du quartz secondaire et divers
minéraux résistants présents à l'origine dans la roche. Les roches acides telles
que les aplitcs, les pegmatites, les granites, les gneiss se changcnt graduelle-
ment en pot clay ou en kaolin plus ou moins quartzeux. Dans le premier cas,
il peut y avoir résilicification avec transformation en latérites argileuses; dans
le sccond on peut observer parfois une désilicification avec formation de masses
de bauxites concrétionnées superficielles. Harder (1952) étudie également les
dépôts de bauxites en relation avec différentes roches mères.
Si ces liaisons sont fréquentes, elles ne sont cependant pas spécifiques. A
Madagascar, Lacroix (1923) constate que si les gabbros, les diabases, les syénites
se latéritisent comme en Guinée, par contre les granites et les gneiss peuvcnt
montrer soit une altération kaolinitique, soit une altération gibbsitique. Mohr
(1954) et de Lapparent (1939) font les mêmcs remarques. Personnellement,
il m'a été possible d'observer des altérations kaolinitiques de diahascs en Guinée,
mais dans des niveaux humidifiés en permanence et moyennement drainés, et,
inversement, des altérations pseudomorphiques de granites en gibbsite en
milieu très bien drainé.
Étudiant l'altération de roches volcaniques du Kivu, Précot et al. (1962)
constatent que dans le cas de minéraux riches en alumine les premiers stades
d'altération sont généralement des gels alumino-siliciques hautement chargés
ou allophanes. On observe ensuite leur évolution vers le stade kaolin. Dans ce
cas précis, le pH et le degré de saturation en calcium des eaux de percolation
diminuent au fur et à mesure que l'on s'éloigne du volcan. Les conditions de
désaturation ct un pH acide coïncident avec l'apparition de kaolin du type
halloysite. Bates (1960), observant des formations analogues dans les premières
zones d'altération des roches aux îles Hawaii, pense que l'absence de kaolinite
est reliée à l'absence de mica. Précot et al. (1962) obscrvent que l'apparition
92
Origine des latérites
des micas dans les cendrées coïncide avec le passage de l'halloysite au fire clay.
Dans les sols dérivant des basaltes, on remarque des quantités importantes de
kaolinite qui accompagnent la muscovite. Dans des conditions de drainage
excessif, il y a apparition de gibbsite autour de la roche altérée. Par contre,
on note l'absence de ce minéral lors de l'altération des trachytes, où la lente
dissolution de feldspaths sodico-potassiques assure une certaine concentration
en cations dans les eaux de percolation.
Dans les horizons profonds d'altération, malgré des variations importantes
des teneurs en matière organique dans les horizons de surface, on ne note aucune
modification dans la nature de la fraction colloïdale qui reste toujours déter-
minée par la nature des eaux de percolation et l'intensité du drainage.
Il apparaît ainsi que la nature des produits résiduels de l'altération latéritique
est avant tout fonction d'un milieu. Ce milieu découle des relations qui se réa-
lisent entre la nature des roches, les processus d'hydrolyse et le régime hydrique:
a) les roches basiques facilement hydrolysables, présentant un déficit de silice,
donnent facilement de la gihbsite, si le milieu est hein drainé; si le drainage
est modéré et l'humidité permanente, ces roches donnent de la kanlinite ; si
enfin le drainage est déficient les néosynthèses s'orientent vers des phyllites
du type 2/1; b) les roches, dites acides, s'hydrolysent plus progressivement;
l'excès de silice favorise la kaolinisation pour des drainages normaux; des drai-
nages excessifs provoquent l'apparition de gibbsite (cas de Madagascar); pour
des drainages déficients, la pauvreté en cations de ces roches favorise la kaoli-
nisation après un stade montmorillonitique fugace.
Nous ne dirons rien des conditions de l'hydrolyse latéritique qui ont été
indiquées plus haut. Mais le problème du régime hydrique des sols latéritiques
demande à être précisé. Ce régime est conditionné, en premier lieu, par le cli-
mat et, à ce point de vue, il faut distinguer les climats tropicaux des climats
équatoriaux, c'est-à-dire considérer le rythme des saisons. Les premiers pro-
voquent une alternance de périodes de forte humidité et de fort dessèchement
dans les sols, ce qui favorise la création d'un milieu favorable aux néosynthèses
gibbsitiques. Les seconds maintiennent une certaine humidité dans les sols
pendant toute l'année. Cette humidité permanente, en milieu acide, favorise
la kaolinisation.
Ce contraste est accusé par le couvert végétal. La forêt, caractéristique des
climats les plus humides, amortissant les fluctuations climatiques annuelles
et interannuelles.
Mais le régime hydrique peut être aussi conditionné par d'autres facteurs.
Certaines roches, où plutôt certaines structures de roches, favorisent le drainage.
C'est le cas de la structure des dolérites par exemple. D'une façon générale
il s'avère que les roches cristallines basiques sont plus perméables que les roches
cristallines acides, ce qui, lié au déficit en .Ilice des premières, facilite l'individua-
lisation de la gibbsite.
Il peut être aussi conditionné par un niveau imperméable en profondeur
qui freine le drainage (illuviations argileuses, roches résistantes à l'altération).
Ce peut être une nappe phréatique permanente ou temporaire. On sait en parti-
culier que des nappes suspendues et basculantes (Rougerie, 1958), ayant une
vie plus ou moins brève, se mettent en place dans les sols forestiers. Toutes
ces conditions favorisent la formation d'argile du type III si le milieu est désaturé
et acide, du type 2/1 si, pour une cause ou l'autre, les eaux de percolation sont
enrichies en cations.
93
Origine de. latérite.
Ce sont, en définitive, les interférences entre tous ces facteurs qui définissent
la composition des produits d'altération des milieux latéritiques. Un sol conte-
nant de la gibbsite n'est pas plus latéritique qu'un sol contenant de la kaolinite
si on lie la latéritisation à des processus d'hydrolyse. Seul l'intensité de cette
hydrolyse est à considérer. Mais, là encore, deux données se confondent fréquem-
ment, à savoir: l'agressivité et la durée des réactions qui conditionnent la nature
des matériaux résiduels.
94
Origine des latérites
95
Origine de. latérite.
Quand la lihération des sesquioxydes est supeneure aux pertes par drainage
vers les océans, il y a extension du cuirassement. Si les phénomènes de mohi·
lisation et de lessivage prédominent, ou hien il n'y a pas formation de cuirasses,
ou hien l'on assiste à la disparition d'anciens niveaux cuirassés. Lorsque les
processus de lessivage sur les reliefs sont accusés, mais que le drainage des zones
de réception est déficient, il se produit 1Ul glissement du cuirassement vers les
niveaux inférieurs.
96
Origine des latérites
En résumé ce sont les équilibres entre les facteurs de l'évolution des sesqui-
oxydes qui règlent les possibilités de cuirassement des sols tropicaux. Mais
le cuirassement des sols n'est pas lié spécifiquement aux processus d'altération
latéritique.
Les accumulations des constituants des latérites peuvent résulter soit du départ
de matériaux plus solubles (accumulations relatives), soit de l'apport de maté-
riaux constitutifs (accumulations absolues). Ces mouvements différentiels peu-
vent se réaliser à l'échelle des profils sans apport extérieur; ils font alors inter-
venir les seuls mouvements verticaux des solutions du sol. Ils peuvent se pro-
duire aussi avec apports extérieurs par mouvements latéraux. En fait ces dis-
tinctions sont trop académiques, car il y a peu d'exemples où un seul de ces
processus soit en cause. Généralement, ils interfèrent mais à des degrés et des
intensités variés.
Pour Newbold (1844), Glinka (1899) et d'autres, il ne fait aucun doute que
les latérites indurées, se formant à partir des matériaux d'altération des roches,
peuvent évoluer sans apport extérieur. Hanlon (1944) confirme cette façon de
voir et constate que certaines latérites possèdent les mêmes quantités de fer
et d'aluminium que la roche sous-jacente. Des proportions aussi comparables
ne peuvent se concevoir s'il y a apports extérieurs au profil, car les deux prin-
cipaux constituants possèdent des caractéristiques chimiques très divergentes.
Alexander et al. (1962) signalent un cas identique en Guinée, le produit induré
résultant d'une accumulation relative de sesquioxydes après départ de silice
et de bases. Il y a réorganisation sur place des constituants principaux qui
forment un squelette. Le fait que les propriétés d'induration sont souvent fai-
blement exprimées quand la roche mère est pauvre en fer milite en faveur de
cette hypothèse. Cependant, il faut une fois encore distinguer les accumulations
alumineuses des accumulations ferrugineuses ou manganifères.
Latérites alumineuses -
97
Origine de. latérites
qu'en petite quantité au cours de l'altération des dolérites, par contre, une
arrivée importante se produit au cours de l'altération des syénites et des cor-
néennes. Au cours de l'altération des dunites l'aluminium est partiellement
éliminé.
Il est certain que l'alumine migre plus ou moins intensément suivant les
conditions du milieu. Il est certain aussi que cet élément, lorsqu'il migre, est
véhiculé par les eaux. Mais il est difficile d'admettrc que la gibbsite qui se trouve
en contact avec les roches fraîches puisse provenir du lessivage des parties
supérieures des profils. Il s'agit d'une transformation sur place suivie d'une
accumulation relative.
Les cas de remplissage de fentes, de petites diaclases par du trihydrate d'alu-
mine, les pisolithes alumineuses, ne s'observent pratiquement que dans les
horizons supérieurs des profils. Cette concentration superficielle ne pourrait
se réaliser que par remontée capillaire, ou par apport extérieur par le canal
des eaux de lessivage oblique. L'étude du bilan hydrique des sols tropicaux
semble exclure la première hypothèse. De telles concentrations ne peuvent
se réaliser que dans une nappe phréatique à fluctuations faibies ou à proximité.
Par contre, il cst beaucoup plus facile d'expliquer les accumulations de surface
par les mouvements latéraux des solutions du sol. Néanmoins, ces types d'accu-
mulation restent relativement réduits en regard des accumulations alumineuses
relatives qui sont de beaucoup les plus fréquemment observées.
A utres latérites
Les autres niveaux indurés sont liés aux mouvements du fer et/ou du man-
ganèse dans les sols. Une partie du fer de ces latérites durcies provient directe-
ment de l'altération en place des minéraux des roches. Ainsi Ronifas (1959)
signale que le fer augmente considérablement au cours de l'altération des dunites
et des serpentines. Cependant, dans les autres cas, il est en partie évacué. Sauf
dans certains exemples mal expliqués (sols rouges latéritiques), le fer se mobi-
lise avec une extrême facilité et migre fort loin avec les solutions du sol.
A l'échelle des profils, il est possible d'expliquer la formation d'horizons enri-
chis en fer et/ou en manganèse par les seuls mouvements verticaux: mouvements
per descensum quand il y a lessivage du fer des horizons supérieurs et accumu-
lation en profondeur; mouvements per ascensum par remontées capillaires des
solutions enrichies en fer dans les zones d'altération; ségrégation et redistri-
bution sur place ou à travers plusieurs horizons par action d'une nappe phréa-
tique fluctuante, plus ou moins temporaire.
98
Origine des latérites
99
Origine des latérites
moléculaire peu élevé; ceux à haut poids moléculaire seraient plutôt inhibiteurs
(Bromfield, 1956).
Une fois la réduction complète ou partielle du fer réalisée, ainsi que sa mise
en solution, cet élément peut migrer dans le profil. La forme sous laquelle le
fer migre est sujette à des interprétations variées. Il semble, du moins en ce qui
concerne les sols latéritiques, que la forme ionique soit de moins en moins retenue
par les pédologues. Par contre de nombreux auteurs envisagent l'existence de
complexes analogues aux complexes de coordination (Bremer et al., 1946; Betre-
mieux, 1951; Bromfield, 1954; Schnitzer, 1954; Beckwith, 1955), d'autres comme
Atrinson et Wright (1957), Kawaguchi et Matsuo (1959) pensent que le composé
fondamental est un chelate.
Lossaint (1959), faisant le point de la question, estime que diverses actions
entrent en jeu et sont possibles telles que : pouvoir réducteur, pouvoir com-
plexant, chelatant, possibilité de sol protecteur, etc. Suivant les conditions du
milieu c'est tantôt l'un, tantôt l'autre qui prédomine.
En résumé le fer est d'autant plus labile dans les sols que le milieu présente
des conditions réductives. Ces dernières peuvent être temporaires ou perma-
nentes. Elles sont liées au pédoclimat. Cependant, la mobilisation du fer peut
être très variable suivant le type de sol. Les sols ferrugineux tropicaux pré-
sentent des conditions extrêmement favorables à cette mobilisation (Maignien,
1962). Par contre les sols rouges latéritiques semblent le retenir assez forte-
ment. Il forme avec la kaolinite des liaisons rehtivement stables qui ont été'
étudiées par Fripiat et al. (1954). Ces auteurs arrivent aux .:onclusions sui-
vantes : a) l'oxyde de fer qui recouvre les surfaces de kaolinite naturelle se
présente sous deux formes fonctionnant de façon différente; b) il existe deux
genres de combinaison kaolinite-oxyde de fer, de structure et de propriétés
distinctes; c) la formation de l'un ou de l'autre type dépend de la kaolinite
de départ; d) la nature des bords des feuillets de kaolinite est probablement
la cause de ces différences.
Ils distinguent des complexes ordonnés et des complexes désordonnés. Les
premiers possèdent une structure résultant de l'empilement partiel des pseudo-
hexagones de kaolinite suivant l'axe C et leur coordination par l'intermédi?ire
de l'oxyde. La courbe reliant la surface spécifique de ces combinaisons passe
par un maximum vers 12 % de FezOs' Pour les teneurs supérieures, un phéno-
mène de saturation des surfaces se produit avec formation de particules extrê-
mement petites d'oxyde pur. Les seconds sont formés d'agrégats désordonnés
de particules de kaolinite soudées par l'intermédiaire de l'oxyde de fer. La sur-
face spécifique de ces combinaisons croît linéairement en fonction de la teneur
en FezOs' sans qu'aucun phénomène de saturation n'apparaisse.
Les complexes ordonnés se forment à partir de kaolinite ayant subit un trai-
tement neutre; les complexes désordonnés à partir de kaolinite ayant subit
un traitement acide.
D'Hoore (1954) a constaté que la valeur de 12 % de Fez03semble correspondre
à la saturation en oxydes de la surface des argiles des sols congolais. Au-dessus
de ces pourcentages, il se forme des concrétions.
Ainsi l'intensité de fixation des hydroxydes de fer sur les argiles tropicales
dépend du milieu pédogénétique. Si celui-ci est fortement altéré et lessivé,
les argiles sont du type kaolinite H. Le point iso-électrique des hydroxydes
individualisés est abaissé, d'où une tendance au concrétionnement. Lorsque
les processus de lessivage ne l'emportent pas sur l'hydrolyse des minéraux à
100
Origine des latérites
101
Origine des latérites
Enrichissement par capillarité. Pendant fort longtemps il a été admis que les
latérites indurées se formaient par remontées sous l'effet de l'évaporation.
Ceci est l'opinion de MacLaren (1906) qui conclut que les latérites supérieures
sont enrichies par capillarité à partir de la pallid zone inférieure qui est une zone
de réduction et de solubilisation pour le fer. Les données fournies par Hanas-
sowitz (1926) montrent que les teneurs en fer augmentent de la zone de départ
à la cuirasse supérieure, ce qui pourrait confirmer l'hypothèse précédente. Simp-
son (1912) considère que les cuirasses latéritiques sont à assimiler à des effio-
rescences de surface, le fer se concentrant par remontée capillaire à la suite de
l'évaporation.
Cependant, de nombreuses études ont montré que les remontées capillaires
étaient beaucoup moins importantes que l'on pouvait le supposer et limitées
seulement à des matériaux et des sites favorables. Ces remontées atteignent
au maximum 2 à 2,5 mètres dans les conditions les meilleures (Baver, 1956;
102
Origine des latérites
Mohr et Van Baren, 1954). Elles ne sont significatives qu'au contact des zones
à saturation temporaire ou permanente.
En fait, deux problèmes se posent : possibilités de remontées capillaires de
l'eau et succion par évaporation d'une part, et d'autre part mobilisation des
sesquioxydes dans les milieux aqueux.
Si l'on étudie le régime hydrique des sols tropicaux, on constate, en saison
des pluies, la mise en place de niveaux saturés en eau. Par contre, pendant la
saison sèche, les profils se dessèchent fortement en surface, du moins ceux qui
ne sont pas sous forêt et qui se situent en rlimat tropical humide. Dans ces
conditions les facteurs qui régissent les mouvements de l'eau du sol sont: en
saison des pluies, ceux qui règlent l'écoulement en sols saturés, c'est-à-dire
la percolation de haut en bas; en saison sèche, ceux qui influencent les mouve-
ments en sols non saturés qui sont essentiellement des mouvements de remontées.
Les périodes de transition, souvent très brèves, peuvent être négligées. Lors-
que le sol n'est plus saturé en eau, le potentiel capillaire agit seul. Hallaire (1953)
a montré que lors des cycles de dessèchement-réhumectation, le débit des mou-
vements de l'eau est donné par l'évaporation. Il y a remontée, mais le débit
ne peut dépasser une certaine valeur, sinon il se forme une croûte en surface
qui tend à se mettre en équilibre d'hygroscopicité avec l'atmosphère et où
l'eau ne diffuse qu'à l'état de vapeur. Or le débit est étroitement lié à l'intensité
de l'évaporation et le gradient de cette dernière est beaucoup plus élevé que
celui de la remontée capillaire. Il s'ensuit que les sols se dessèchent rapidement
en surface limitant ainsi les remontées des solutions du sol.
De plus, les cuirasses présentent une discontinuité qui réduit le débit, car
celui-ci tend vers une valeur telle qu'à chaque niveau l'évaporation maximale
est égale à la diffusion maximale de l'horizon inférieur, et la diffusion capillaire
des horizons cuirassés est toujours très faihle, par suite de leur texture grossière.
Il en résulte que les mouvements de l'eau par remontée capillaire sont réduits
et n'intéressent qu'une frange étroite directement en contact avec un niveau
de saturation. Les bilan hydrique constaté en case lysimétrique confirme cette
interprétation. Les périodes d'évaporation maximale de l'eau en surface se
situent en saison humide. Le bilan annuel pour des pluviométries de l'ordre de
650 mm fait apparaître une percolation de haut en bas qui, au Sénégal, suivant
les types de sols, porte sur un tiers à un quart des eaux précipitées.
Mais ces eaux de remontées capillaires aussi réduites soient-elles transpor-
tent-elles des sesquioxydes? Il a déjà été indiqué que le fer ne peut entrepren-
dre de déplacement court ou long à l'intérieur du sol que s'il est engagé dans
une combinaison particulière (complexe, chelate ou sol protecteur) qui lui assure
une protection suffisamment efficace contre les variations des milieux qu'il lui
faut traverser. Or la plupart de ces combinaisons sont liées à l'activité biolo-
gique et, en particulier, à la décomposition de la matière organique, tous ces
phénomènes ne pouvant se réaliser que dans les horizons de surface des sols.
On conçoit alors difficilement comment le phénomène peut prendre sa source
en profondeur, hors d'atteinte de ces influences biologiques.
D'autre part, en saison sèche, époque où l'évaporation atmosphérique est
la plus intense, la restitution organique aux sols est réduite ainsi que l'activité
biologique. Les processus d'oxydation prédominent et on voit mal comment
les conditions de mobilisation peuvent se maintenir.
Enfin, il semble maintenant bien prouvé que les niveaux indurés s'imposent
en profondeur dans les sols et si l'hypothèse de la remontée capillaire devait
103
Origine des latérites
être retenue, on peut se demander pourquoi elle s'arrête à de tels niveaux pro-
fonds et ne remonte pas en surface, comme les premières explications semhlaient
l'indiquer. Il est cependant important de constater que l'accumulation du fer
par remontée capillaire peut jouer un certain rôle, réduit aux franges des nappes
phréatiques, et enrichit partiellement certaines latérites et certains nodules
(cuirasses de nappes ou de galeries). Mais ce processus n'est pas essentiel dans
la mise en place et le développement des cuirasses, même si l'on considère l'effet
cumulé au cours de plusieurs décennies. Dans la majorité des cas, l'action d'une
nappe phréatique joue sur la ségrégation des produits, phénomène qui sera
traité un peu plus loin.
La présence en surface de latérites n'est qu'une conséquence des phénomènes
d'érosion qui ont déhlayé les horizons meuhles superficiels.
104
Origine des latérit...
105
Origine de. latérites
clay). Dans ce cas particulier, souvent généralisé, il ne s'agit pas d'une verI-
table nappe phréatique mais d'un niveau d'engorgement quasi permanent. Le
bariolage caractéristique de ces formations résulte des mêmcs mécanismes
de ségrégation portant sur le fer et le manganèse. A ces derniers s'ajoutent
des phénomènes d'hydrolyse intense qui contribuent à des néosynthèses kao-
linitiques. Lorsque le niveau de base s'abaisse, les taches peuvent durcir pour
donner dcs concrétions, parfois même une véritable cuirasse, mais qui présen-
tent rarement l'aspect alvéolaire caractéristique des cuirasses de nappes. L'évo-
lution des argiles bariolées a été particulièrement bien suivie dans la République
démocratique du Congo par Waegemans (1949, 1950, 1951, 1952, 1954) et par
Waegemans et Vanderstoppen (1950).
Le développement des niveaux d'argiles tachetées est étroitement associé
aux climats équatoriaux humides sous forêt. Ces formations sont beaucoup
plus rares sous climats tropicaux. Elles sont pratiquement absentes des sols
d'altération latéritique de Madagascar.
Il est rare que le cuirassement se réalise à l'échelle d'un simple profil. Les faits
d'observation montrent qu'il existe d'étroites relations entre la mise en place
d'un horizon induré et les sols qui se succèdent le long des pentes. Lcs éléments
latéritiques solubilisés sont mobilisés et lessivés dans les formations les plus
élevées et, par le canal des eaux de percolation, viennent s'accumuler dans
les sols situés en contrebas.
D'autre part, l'étude du bilan des sesquioxydes constitutifs montre que les
matériaux latéritiques ne peuvent provenir de l'évolution du seul matériau
originel en place. Ces éléments proviennent pour la plus grande partie des sols
voisins, par translation latérale. Le mouvement des sesquioxydes à travers
le paysage est lié au lessivage oblique des solutions du sol. Pour cette raison,
la notion de chaîne de sol (catcna) est d'un intérêt primordial pour l'étude des
mécanismes du cuirassement.
Les conditions théoriques et pratiques de la migration et de la concentration
des sesquioxydes sont conditionnées par le modelé grnéral du pays. On assiste
à un équilibre entre le modelé normal et l'extension des phénomènes de cuiras-
sement. Ces derniers sont liés, aussi bien à l'échelle du profil qu'à celui du paysage,
à la présence d'une source d'hydroxydes, d'un moyen de translation et d'un
niveau de réception. Ces différentes données, qui ont été développées plus haut,
permettent d'interpréter la répartition géographique des latérites. D'Hoore
(1954) et Maignien (1958) ont étudié de nombreux exemples matérialisant
ces phénomènes. Il apparaît que, très souvent, les cuirasses actuelles ou sub-
actuelles doivent leur origine plus au démantèlement de cuirasses fossiles situées
par inversion du relief sur les niveaux les plus élevés qu'à l'individualisation
sur place par altération des matériaux constitutifs.
La migration des sesquioxydes par mouvements verticaux et obliques pro-
voque le cuirassement aussi bien dans des sols en place que dans des matériaux
allochtones. Dans le cas où le matériau d'évolution est constitué de produits
peu altérables (galets et sables quartzeux) on n'observe aucun horizon de pas-
sage entre la cuirasse et l'horizon inférieur. Le fer qui cimente la formation
a été apporté de l'extérieur par les eaux soit par lessivage oblique, soit par une
nappe basculante.
106
Origine de. latérites
L'importance des apports obliques par l'eau qui circule latéralement dans
les sols est matérialisée par la forme et la répartition des bancs cuirassés. Si
l'on étudie une coupe en travers, celle-ci présente une forme en biseau carac-
téristique. Les cuirasses qui bordent les reliefs sous forme de corniche sont
toujours plus épaisses que les cuirasses qui se développent sur des plateaux.
Parfois les cuirasses peuvent être absentes au centre de ces derniers. Feuer
(1956) en a donné de bons exemples au Brfsil.
Il est intéressant de signaler l'importance des migrations par lessivage oblique.
Maignien (1958), signale, en Guinée, que la distance des translations est limitée
par le maintien des conditions de solubilisation des sesquioxydes. Sur les pla-
teaux du Fouta-Djallon (Guinée) sur grès et schistes siliceux, le cuirassement
est effectif au bout de 500 à 3 000 mètres suivant l'importance des apports
latéraux.
Lorsque le cuirassement a envahi tout le paysage, il est difficile d'apprécier
la longueur des translations, car aux apports obliques se superpose une indi·
vidualisation poussée des sesquioxydes par hydrolyse des roches en place, par-
ticulièrement en région d'altération latéritique. Par contre ces phénomènes
sont beaucoup mieux dissociés en régions plus sèches et particulièrement en
sols ferrugineux tropicaux. Les cuirasses de bas de pentes, les cuirasses de gale-
ries, les cuirasses de nappes doivent leur origine surtout à des apports extérieurs.
Les mouvements latéraux et obliques portent principalement sur le fer et
sur le manganèse. L'aluminium, beaucoup moins mobilisable, migre beaucoup
plus lentement. La concentration des constituants latéritiques à différents
niveaux dans le paysage et à différentes profondeurs dans les sols dé.::oule donc
de leur vitesse différentielle de mobilisation et de migration. Le manganèse,
élément qui se mobilise avec une extrême facilité, est pour la plus grande part
exporté hors des profils. Le fer mobilisé a une vie plus brève qui le fait se déposer
avec facilité. L'aluminium se comporte comme un produit résiduel. Il en résulte
que les latérites alumineuses sont presque constamment ou type «accumula-
tion relative », alors que les latérites ferrugineuses et manganifères sont surtout
du type «accumulation absolue ».
En fait, les objets naturels sont souvent beaucoup plus complexes et il est
possible d'observer des imprégnations ferrugineuses (donc absolues) dans des
cuirasses alumineuses relatives. Il est alors extrêmement difficile de préciser
ce qui revient à l'altération en place et ce qui revient aux apports extérieurs.
Il est possible de calculer approximativement la vitesse de mise en place
d'une cuirasse ferrugineuse formée à partir (j'apports exotiques. Maignien
(1958) signale qu'en un siècle un bassin versant de 1 km 2 offre la possibilité
de formation d'une cuirasse de 1000 m 2 ayant 1 mètre d'épaisseur. Ces chiffres
sont à rapprocher de ceux signalés pour la vitesse de l'altération latéritique
qui sont de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers d'années et qui montrent
dans quelles mesures les premiers peuvent masquer les seconds.
107
Origine des latérites
108
Origine de. latérite.
L'induration des latérites est supposée liée, depuis déjà fort longtemps, à l'évo-
lution des sesquioxydes constitutifs. Ces derniers se précipiteraient, se concen-
treraient et se cristalliseraient sous l'action de la dessiccation. La faible valeur
de ces hypothèses a déjà été signalée.
Les faits analytiques prouvent qu'une simple concentration de ces matériaux
n'assure pas, à elle seule, les possibilités d'induration. De nombreux sols d'al-
tération latéritique ne présentant pas d'horizon induré contiennent des quan-
tités importantes de fer et/ou d'alumine, alors que d'autres sols cuirassés peu-
vent en contenir des quantités beaucoup moindres. D'un autre côté, les pro-
portions relatives de sesquioxydes dans les niveaux indurés peuvent être variées.
Dans certains cas les teneurs en fer dépassent 80 % avec moins de 5 % (l'alumine,
alors que dans d'autres les teneurs en Al20 3 peuvent atteindre 60 % pour moins
de 4 % de Fe 20 3 • Les teneurs en kaolinite ne sont pas liées non plus au degré
d'induration. Beaucoup de cuirasses guinéennes contiennent plus de 20 % de
silice comhinée dans les argiles.
Cependant, il semble bien que le fer joue un rôle clé dans les processus d'in-
duration (D'Hoore, 1954; Alexander et al., 1956; Maignien, 1958). Le fer ne
joue pas par ses teneurs en valeur absolue, mais par ses arrangements dans
le profil, en relation d'ailleurs avec les autres matériaux constitutifs. C'est ainsi
que dans des cuirasses à induration à peu près comparables les teneurs en Fe20 3
sont approximativement inversement proportionnelles aux teneurs en insolubles.
Par ailleurs, il existe de nombreux degrés d'induration, des produits presque
meubles, à peine cohérents, jusqu'aux blocs les plus durcis qui se cassent diffi-
cilement au marteau. Il est difficile de définir ces degrés d'induration par des
méthodes physiques parce que les niveaux indurés ne sont pas souvent homo-
gènes et que l'induration ne touche que certaines parties des horizons (squelette
109
Origine des latérites
110
Origine des latérite..
III
Origine des latérites
des raisons naturelles (érosion), soit pour des raisons artificielles (ouverture
de routes, de carrières, etc.). Dans le premier cas l'induration est liée soit à cer-
tains faciès d'altération (cuirasses gibbsitiques à faciès « pain d'épice »), soit
plus souvent à des accumulations absolues ferrugineuses, et semble peu sensihle
aux fluctuations climatiques extérieures. Par contre ces dernières semhlent
importantes dans la formation des cuirasses qui durcissent après mise à l'affleu-
rement. Sous l'action des agents atmosphériques, les sesquioxydes sont remo-
bilisés et se redistribuent sur les canalicules et les pores pour former des films
continus qui vont peu à peu cimenter et rendre cohérents les niveaux mis à
l'exposition.
Sous l'action des agents naturels, la mise à nu des horizons enrichis en ses-
quioxydes va provoquer une induration souvent assez poussée et prononcée.
En effet, l'affleurement des niveaux où les sesquioxydes se sont accumulés
fait suite à des phénomènes d'érosion qui décapent les horizons meubles super-
ficiels. Cet affleurement ne se fait pas brutalement. Il est progressif. Des peuples
ments végétaux vont partiellement se maintenir, en particulier des peuplement-
herbacés, ce qui provoque en saison des pluies une mobilisation intense des
sesquioxydes déjà individualisés (réduction, complexation, chelatation). Cette
mobilisation, suivie de lessivage, va amener une imprégnation des horizons
sous-jacents et le dépôt de films sur les alvéoles, films plus ou moins continus
qui donneront la rigidité à l'ensemble. Il s'agit donc, en fait, cl'une redistri-
bution progressive liée au rythme des précipitations de matériaux préalablement
individualisés. Il faut que ces conditions provoquent successivement des condi-
tions de mobilisation, puis d'immobilisation et de cristallisation, les premières
étant prépondérantes en saisons des pluies, les secondes en saisons sèches. Les
climats tropicaux seront donc plus aptes que les climats équatoriaux à favoriser
la formation des cuirasses.
Alexander et al. (1962) ont étudié en détail l'induration d'une latérite molle,
artificiellement exposée aux conditions atmosphériques. Ils constatent une
augmentation très sensible de l'induration : l'échantillon original se coupe à
l'ongle. Au bout de quinze ans, l'échantillon exposé à l'air se brise sous un choc
léger de marteau. Cette faible induration correspond à une migration du fer
de l'intérieur de l'échantillon vers les canalicules et les cortex externes.
Dans le cas cité, la matière organique n'a pas pu être un facteur de mobi-
lisation et de ségrégation du fer. L'échantillon a seulement été soumis aux alter-
nances de précipitations et de dessèchement inter et pluri-annuelles. Ceci amène
les auteurs à penser que la succession de périodes d'humidification et de dessè-
chement, et non le dessèchement seul, est essentielle pour provoquer l'induration,
succession qui se réalise non seulement d'une année à l'autre, mais d'une pluie
à l'autre. Ils pensent également que ceci implique que la zone de ségrégation
soit à une humidité voisine ou supérieure à celle de la capacité au champ pen-
dant des tcmps appréciables. La présence d'une nappe phréatique véritable
n'est donc pas nécessaire, bien qu'elle puisse contribuer au cycle humectation-
dessèchement.
En résumé, l'induration des latérites paraît être sous la dépendance: a) d'un
arrangement plus ou moins continu des matériaux constitutifs, ce qui implique
une certaine migration; b) de leur état de cristallisation.
Le degré d'induration dépend fortement du mode d'immobilisation des ses-
quioxydes : quand l'immobilisation se fait par précipitation, l'induration est
presque immédiate, sans que l'on observe un stade de dessiccation. Il y a tout
112
Origine des latérites
Étant donné que les latérites se développent à plus ou moins grande profondeur
dans les sols, est-il possible que ces niveaux puissent disparaître? L'étude de
la formation de néosols sur les cuirasses mises à l'aflleurement, celle de l'évolu-
tion du modelé en régions cuirassées, montrent que ces niveaux peuvent être
repris par les agents de la décomposition des roches et participer à un nouveau
cycle d'évolution. Au même titre que toute autre formation lithologique super-
ficielle, les cuirasses sont appelées à disparaître un jour ou l'autre. :Même si
l'on se place à l'échelle des temps pédologiques, la notion d'irréversibilité des
cuirasses ne peut être admise (Greene, 1950). A l'échelle humaine, les horizons
latéritiques peuvent paraître relativement stables. Cependant, des études détail-
lées montrent que les ciments ferrugineux, qui constituent le plus souvent le
squelette interne des cuirasses, peuvent évoluer rapidement si les conditions
du milieu le permettent. Des formations végétales peuvent s'établir sur les
cuirasses où elles contribuent à l'ameublissement plus ou moins profond des
matériaux durcis. Les agents de l'érosion déblaient avec plus ou moins d'inten-
sité les formations en voie de démantèlement. Tous ces faits contribuent à
une évolution très sensible du modelé.
La disparition des latérites résulte soit de la mise à l'affleurement, soit d'un
changement dans la pédogenèse.
Dans la grande majorité des cas la mise à l'affleurement des niveaux indurés
est une conséquence des effets de l'érosion hydrique sous ses différentes formes.
Les matériaux meubles superficiels sont déblayés plus ou moins rapidement,
ce qui fait apparaître les horizons durcis.
Ces processus doivent être considérés sous deux aspects: a) l'érosion géolo-
gique qui contribue à l'évolution normale du modelé; b) l'érosion accélérée
qui découlc d'actions anthropiques.
113
Origine des latérites
Évolution régressive
114
Origine des latérites.
forme un sol juvénile, souvent enrichi de matériaux terreux apportés par les
termites, qui permet l'implantation de peuplements arbustifs, puis arborés.
Les racines ligneuses complètent le démantèlement et le sol s'approfondit.
Les nouvelles conditions écologiques, en particulier la plus grande humidité,
accusent l'altération chimique. Cette dernière est d'autant plus active que'
les débris de cuirasses sont plus fins et plus intimement mélangés à la masse
meuble et humifère. Les solutions du sol participent à la dissolution des ses-
quioxydes de fer d'abord, de l'alumine ensuite. La disparition des ciments pro-
voque la formation de sols gravillonnaires.
, L'évolution régressive des latérites libère ainsi des quantités de sesquioxydes
parfois importantes qui, migrant avec les eaux de percolation, ont la possibilité
de participer à la formation de nouvelles cuirasses à des niveaux inférieurs.
Suivant les conditions écologiques du milieu de dégradation, les produits
du démantèlement et de la dissolution participeront à des processus variés :
a) accumulation d'éboulis de pente ou effondrement sur place; b) développe-
ment sur les glacis proches, de plages de gravillons résiduels; c) formation de
cuirasses de bas de pente et de cuirasses de nappes, essentiellement ferrugineuses;
d) exportation par drainage jusqu'aux océans ou dans les dépressions.
Le cuirassement des sols participe ainsi à une succession de cycles qui tou-
chent les éléments constitutifs des latérites. Il en résulte la mise en place dans
le paysage de différents faciès cuirassés dont l'étude permet la reconstitution
historique de leur mise en place et, par suite, de tenter des essais stratigra-
phiques.
US,
Classification des latérites
Corrélation
116
Classification des latérites
117
,ClllSsification des latérites
SYSTÈME DE L'URSS
Ce système est hasé sur des facteurs génétiques. D'après Guerassinov (1962),
qui utilise le terme « latérite» dans son sens large en y incluant tous les sols
tropicaux, il faut en premier lieu distinguer les latérites tropicales des sols laté-
ritiqucs subtropicaux. Ces différences, qui n'ont pas un caractère qualificatif,
sont liées à des facteurs thermiques d'érosion et de formation des sols; elles
ne portent que sur le degré de développement du processus et la puissance des
produits formés. Les limites entre ces deux grandes catégories sont graduelles
et, par suite, conventionnelles.
Une autre importante division des formations latéritiques s'appuie sur le
facteur d'humidification. Sont ainsi distingués : les extra-latérites et les sols
latéritiques ou allites propres aux contrées tropicales constamment humides
et aux contrées subtropicales; les latérites mixtes ou latéritiques typiques
et sols latéritiques qui sont des allito-ferrites ou des ferrito-allites propres aux
régions tropicales et subtropicales avec humidité alternée (semi-humide).
Une grande importance doit être attachée aux particularités pétrographiques
des roches mères qui subisssent un processus latéritique. En particulier l'in-
fluence des roches liasiques amène à la formation de sols particuliers, très riches
en minéraux nouvellement formés (allophanes). Ce sont les allophanites.
Suivant les conditions hiochimiques, elles se subdivisent en aIlophanites
118
Classification des latérites
o SYSTÈME FRANÇAIS
Dans le système français, il est fait une nette discrimination entre les sols
d'altération latéritique appelés sols ferrallitiques, terme proposé par G. W.
Robinson (1922), et les processus de cuirassement, ces derniers pouvant appa-
raître dans des sols génétiquement différents tels que les sols ferrugineux tro-
picaux, les sols ferrallitiques et les sols hydromorphes. Il en résulte que la pré-
sence d'horizons à matériaux indurés riches en sesquioxydes (latérite) n'appa-
raît qu'au niveau du sous-groupe.
Les caractères généraux des sols ferrallitiques sont, dans leur ensemble,
ceux qui ont été indiqués par les auteurs, en particulier par Kellogg (1949)
pour les latosols :
Très faibles tcneurs cn minéraux de la roche mère, sauf certains très stables.
Grande richesse en hydroxydes métalliques, de fer, d'alumine, de manganèse,
de titane, d'où une valeur basse des rapports silice/sesquioxyde et silice/
alumine dans les éléments colloïdaux et, abstraction faite du quartz primor-
dial, dans le sol total. En général, ce dernier rapport descend en dessous de 2,
à la limite il peut être égal à 2. L'un, au moins, des horizons du sol contient
de l'alumine individualisée. 0
Éléments colloïdaux constitués, au moins dans les horizons les plus évolués,
d'hydrates et hydroxydes de fer, d'alumine et de titane, associés à plua ou
moins de kaolinite, parfois à un peu d'illite.
119
Classification des latérites
SoIs dans les conditions dima- Sols dans les conditions clima- Sols dans les conditions climati-
tiques avec une période sèche, tiques avec une période sèche ques sans période sèche ou avec
fortement prononcée moyennement prononcée une période sèche mal prononcée
Regurs (sols noirs) gru- Sols tropicaux rouges et Sols latéritiques jaunes for-
muleux, black collon soi/s. jaunes (argileux), à concré- tement latéritisés des forêts
tions ferrugineuses, sous humides équatoriales (lato-
Sols margalitiques sous forêts de moussons et sols).
végétation herbeuse et savanes secondaires.
arbustive. Sols latéritiques rouges
Sols tropicaux rouge brun moyennement latéritisés
Sols noirs, pauvres en des forêts sèches et des des forêts tropicales (fer-
humus, compacts et argi- savanes secondaires. risols).
leux sous végétation de
savane, associés au relief Sols bruns faiblement laté-
gilgai. ritisés (relativement récents)
«rubrosol!ill et «hrunosolsll.
Sols rouge-brun des savanes
à concrétions carbonatées.
Sols latéritiques podzolisés
Sols rouges des déserts des forêts très humides
tropicaux sous buissons équatoriales.
épineux.
Latosols des savanes seCOll-
daires (ground water lato-
(sols.
Les sols ferrallitiques typiques. La structure dominante de ces sols est souvent
polyédrique et ils sont suhdivisés en sous-groupes d'après la couleur des hori-
zons A et B : sols rouges; sols jaunes ou beiges; sols jaunes sur horizons rouges;
sols indurés à cuirasses.
120
Classification des latérites
Les sols ferrallitiques lessivés. Ces sols sont presque entièrement désaturés et
leurs réserves minérales sont inexistantes. Ils présentent souvent une structure
dégradée, du moins dans leurs horizons de surface. Ils se divisent en : a) sols
fortement lessivés en bases, en surface, mais peu lessivés en colloïdes minéraux;
b) sols lessivés en bases, en sesquioxydes et en argiles; c) sols lessivés à horizon
cuirassé. .
Les sols ferrallitiques humifères. Ces sols se caractérisent par une forte teneur
en matière organique (plus de 6 % sur 20 cm). D'après les caractéristiques de
l'horizon humifère, on distingue les sous-groupes suivants : sols noirs, souvent
proches des andosols; sols bruns, souvent proches des sols bruns eutrophes
tropicaux; sols brun-rouge; sols ferrallitiques humifères lessivés très acides,
avec souvent un B texturaI; sols ferrallitiques humifères d'altitude.
Si l'on considère maintenant les sols cuirassés, on constate que ceux-ci sont
également signalés parmi les sols ferrugineux tropicaux et plus spécifiquement
dans le groupe des sols ferrugineux tropicaux lessivés qui présentent un B tex-
tural et qui se divisent eux-mêmes en quatre sous-groupes, suivant l'intensité
de l'accumulation du fer en profondeur, en relation avec des processus d'en-
gorgement temporaire liés à l'illuviation argileuse : les sols ferrugineux tropi-
caux lessivés sans concrétion, à concrétions, à cuirasses et à pseudo-gley de
profondeur.
Enfin, il faut signaler aussi des cuirasses essentiellement ferrugineuses dans
les sols hydromorphes moyennement ou peu humifiés, à pseudo-gley de pro-
fondeur (cuirasses de nappe).
Les niveaux indurés mis à l'afHeurement sont considérés comme matériau ori-
ginel de sols hruts d'érosion; les accumulations d'éboulis de cuirasses anciennes
comme sols minéraux bruts d'apport.
SYSTÈME PORTUGAIS
121
Classifiration des Jatr,rites
SYSTÈME BRITANNIQUE
122
CI""sifieation des latérites
L'ensemble des sols latéritiques, cuirassés ou non, est groupé dans l'ordre des
oxisols qui est défini comme suit : « G. Autres sols minéraux à horizon oxique
ou ayant, à moins de 30 cm de la surface, de la plinthite qui forme une phase
continue et qui n'est pas indurée.»
Cette définition reposc donc sur deux concepts : horizon oxique et plinthite.
Le premier est donné à titre expérimental et n'est pas définitif.
Un horizon oxique est un horizon se situant au-dessous d'un épipedon dans
les sols vierges, ou à la surface de certains sols.
Il possède en outre les caractéristiques suivantes :
1. Une structure polyédrique ou massive avec de nombreux pores visibles.
2. Les traces de la structure originelle de la roche mère sont peu marquées
ou ont entièrement disparu.
3. Les teneurs en matériaux inférieures à 2f.L sont au plus égales à 15%, dont
90 % sont constitués d'un mélange de sesquioxydes libres et d'argiles à
réseau 1/1 difficile à disperser.
4. Il contient au moins 12 % de sesquioxydes libres par rapport aux argiles 1/1.
5. Il ne contient pas plus de 1 % de micas, feldspaths, ou minéraux ferro-
magnésiens dans les fractions sableuses et limoneuses. La fraction argileuse
ne doit pas présenter de traces de montmorillonite, d'illite, d'allophane
ou de vermiculite.
6. La capacité d'échange est inférieure à 20 mÉq pour 100 grammes d'argile
(mesure faite à l'acétate d'ammonium).
Le plinthite est un mélange riche en sesquioxydes, pauvre en humus et fortement
altéré d'argile, de quartz et d'autres composants, habituellement en forme de
taches rouges, formant généralement un réseau feuilleté, polygonal ou réticulé.
La plinthite se transforme, à la suite de successions répétées de conditions
humides et sèches. Ce peut être aussi les restes indurés de taches rouges fria-
bles. Les limites inférieures de cette formation sont souvent diffuses et gra-
duelles; mais elles peuvent être abruptes au contact d'une discontinuité litho-
logique. Elle donne naissance soit à des concré~ions isolées, soit à des carapaces
ou cuirasses plus ou moins poreuses et scoriacées, par durcissement différen·
123
Classification des latérites
tiel des zones les plus riches en Fe2 0 a ,souvent dans des horizons qui sont gorgés
d'eau en certaines saisons.
Les oxisols peuvent présenter un horizon argilique sous l'horizon maque
à condition que celui-ci soit assez épais (1 mètre au moins). En général, il n'y
a cependant pas de lessivage d'argile, à la différence des ultisols.
Acrox. Autres oxisols qui ont dans les 125 cm superIeurs un horizon oxique
présentant un pH Kcl plus élevé que le pH eau. Ces sols sont des sols à altéra-
tion maximale, pauvres en silice; le rapport Si 02/AI20a est très bas.
Udox. Autres oxisols qui sont humides en permanence et oxisols dont, en cer-
tain niveau, le dessèchement ne dépasse pas trente jours. Ils ont une satura-
tion en base inférieure à 25 % entre 50 et 125 cm. Ce sont les sols ferrallitiques
les plus humides sous forêt ombrophile. En altitude, ils s'enrichissent en ma-
tière organique; ils sont de couleur foncée (brun ou noir). Ce sont les umbrudox.
Ustox. Autres oxisols qui ont, par période, certains horizons secs et qui, entre
50 et 125 cm, ont une saturation en base inférieure à 50 %dans l'horizon oxique.
Ils supportent une végétation de forêt tropophile ou de savane secondarisée.
Idox. Autres oxisols qui sont habituellement secs ou qui, entre 50 et 125 cm,
présentent une saturation en base supérieure à 50% dans l'horizon oxique.
Ces sols se seraient formés sous climat plus humide, mais auraient évolué en
climat sec.
124
ClllSsification des latérites
sec. C'est le cas particulier du groupe des ultustalfs qui possède les caractéris·
tiques suivantes : a) capacité d'échange T de la fraction argileuse inférieure
à 40 mÉq/l00 g; b) plinthite généralement présente; c) kaolinite dominante;
d) S/T assez élevé. Ils peuvent être assimilés aux sols ferrugineux tropicaux
lessivés à concrétions ou à cuirasse.
Ultisols. Ce sont des sols à horizon argilique, très fortement désaturés en bases
(S/T inférieur à 35 %); en outre ils présentent fréquemment de la linthite.
Ils n'ont pas d'horizon oxique et ont de très faihles teneurs en minéraux alté·
rables.
Les sols suivants peuvent être assimilés aux latérites :
Les plintaquults. Sols à plinthite (non durcie) à une profondeur inférieure à
1,25 mètre. Ils sont de couleur grise, à petites taches rouges, passant en pro-
fondeur à une argile tachetée. Le durcissement se produit si cet horizon est
exposé à l'air. Ils peuvent être assimilés aux sols ferrugineux tropicaux et
aux sols ferrallitiques hydromorphes ou aux femsols hydromorphes.
Les plintochrults. Plinthite à moins de 1,25 mètre de profondeur; sols plus
colorés en surface que les plintaquults. La plinthite présente la forme d'une
argile tachetée. Ce groupe paraît correspondre aux sols faiblement ferralli-
tiques à hydromorphie de profondeur.
Les rhodochrults. Couleur générale brun-rouge; teneur en Fe 20 a de l'ordre
de 12 à 30 % de la teneur en argile (comme pour l'horizon oxique). Ils sont
très proches des oxisols. Ils caractérisent les roches basiques, malgré leur
acidification superficielle. Ils peuvent correspondre aux sols rouges tropicaux
acides (fersiallitiques) ou aux femsols acides.
Les typochrults (red and yellow podzolic soils des États-Unis d'Amérique). Faible
valeur de T des argiles (inférieure à 40 mÉq/l00 g) ; roche mère non basique;
faible proportion d'argile 2/1; très faibles teneurs en limon; présence de
taches rouges riches en fer, rappelant la plinthite, donnant des concrétions
durcies par exposition à l'air. Ils peuvent être comparés aux sols ferrugineux
tropicaux ou faiblement ferrallitiques lessivés et désaturés, ou aux ferrisols
et sols fersiallitiques désaturés.
Enfin le sous-ordre des umbrults semble correspondre aux sols ferrallitiques
humifères, en particulier à certains sols bruns ferrallitiques.
Il s'agit ici aussi d'un système morphologique. Les critères utilisés pour les
différenciations des différentes catégories sont les suivantes :
Ordre. Différences majeures dans le type d'altération, dans le type et le déve-
loppement des horizons du profil.
Sous-ordres. Différences majeures dans le degré de gleyification, d'humidité et
dans la température du sol.
Grand groupe. Type et séquence d'horizon diagnostique et succession des hori·
zons dans le profil.
Petit groupe. Différences mineures dans le degré de développement des hori-
zons diagnostiques et caractéristiques de transition entre les grandes unités.
La classification des sols latéritiques s'appuie essentiellement sur la définition
de l'horizon diagnostique (horizon B ferrallitique). C'est un horizon de sol tro-
125
Classification des latérites
126
ClaBBification deB latérites
Ferrisols
Définition. Les ferrisols présentent un profil très voisin de celui des sols ferral-
litiques sensu stricto, souvent avec B structural (parfois absent dans les maté-
riaux grossiers), avec des agrégats à surfaces brillantes. Celles-l'i ne sont pas
nécessairement des revêtements argileux : on ne les observe d'ailleurs pas tou-
jours sur des profils à l'état sec. Ces revêtements pourraient être liés à la pré-
sence de gels mixtes alumino-siliceux. La réserve en minéraux altérables est
généralement faible, mais peut dépasscr 10 % dans la fraction comprise entre
50 et 250 microns. Le rapport limon/argile (20/2 microns 1) est générale-
ment supérieur à 0,20 sur alluvions et roches sédimentaires, supérieur à 0,15
sur roches ignées et métamorphiques.
La fraction argileuse est constituée dans sa presque totalité de kaolinite,
d'oxydcs de fer libres et de gels amorphes, parfois avec de petites quantités
d'argiles à réseau 2/1 et de gibbsite. Le rapport Si 02/A~03 est voisin ou infé-
rieur à 2. La capacité d'échange cationique de la fraction argileuse (granulo-
métrique) de l'horizon B, généralement supérieure à 15 mÉ q /l00 g, est inter-
médiaire entre celle des sols ferrugineux tropicaux et celle des sols ferrallitiques
sensu stricto. Le taux de saturation dans les horizons B et C est inférieur à 50 %
(acétate d'ammonium N, pH 7). .
Les ferrisols sont à considérer comme proches des sols ferrallitiques sensu
stricto. Dans cette liste d'éléments d'unités cartographiques, ils ont été mis à
part, d'abord parce qu'ils représentent un stade de l'évolution vers les sols fer-
rallitiques sensu stricto, mais aussi à cause de leurs meilleures qualités agrono-
miques et de leur large distribution.
Kc 1. Non différenciés.
Kb 2. Sur roches riches en minéraux ferromagnésiens.
Ka 3. Humifères.
Ce sont des ferrisols dont les horizons de surface se distinguent par des teneurs
en matières organiques plus élevées. A l'état naturel, l'horizon Al a plus de
25 cm d'épaisseur avec une teneur moyenne en C organique d'au moins 2 %.
Le taux de saturation en Ca est inférieur à 40 %. La structure est finement
127
CllI5sification de. latériteo
Définition. Sols souvent profonds dont les horizons sont peu différenciés avec
des transitions diffuses ou graduelles, parfois avec un A2 ou un B texturaI.
Cet horizon B peut être légèrement structuré dans les profils plus argileux,
mais les agrégats ne présentent pas les surfaces brillantes bien développées
décrites pour les ferrisols : lcs éléments structuraux sont souvent très finement
polyédriques subangulaires, plus ou moins cohérents, et forment une masse
poreuse très friable.
La réserve en minéraux altérables est faible ou inexistante, le rapport limon/
argile de 20/2 microns!) dans les horizons B et C est, en général, inférieur à
0,25 et les minéraux argileux, en très grande majorité, du type à réseau 1/1,
sont le plus souvent associés à des quantités importantes d'oxydes de fer. Quoi-
qu'ils contiennent généralement des oxydes hydratés d'aluminium, la présence
de gibbsite, qui est une de leurs formes cristallines, est fréquente mais non
essentielle. Le rapport Si 02/Al203 est parfois voisin de 2 mais généralement
inférieur. La capacité d'échange cationique de la fraction argileuse (granulo-
métrique) est généralement inférieure à 20 mÉqj100 g, et le taux de saturation
dans les horizons A et B est généralement inférieur à 40 % (acétate d'ammo-
nium N, pH 7).
Couleur dominante: jaune-beige (7,5 YR ou plus jaune).
La 1. Sur sédiments meubles sableux.
Lb 2. Sur sédiments plus ou moins argileux.
Lc 3. Non différenciés.
Couleur dominante : rouge (5 YR ou plus rouge).
LI 1. Sur sédiments meubles.
Lm 2. Sur roches riches en minéraux ferro magnésiens.
Ln 3. Non différenciés.
Sols ferrallitiques humifères.
Sols ferrallitiques qui, dans leur état naturel, ont des horizons A riches en
matières organiques, semblables à ceux décrits pour les ferrisols humifères.
Ls 1. Non différenciés.
Définition. Sols ferrallitiqucs qui, en dessous de l'horizon B (qui peut être tex-
turaI ou de consistance), présentent un horizon de couleur plus foncée que les
horizons sus et sous-jacents. Cette couleur est souvent celle des horizons humi-
fères de surface. Cet «horizon sombre» peut avoir une structure polyédrique
moyenne à grossière bien développée, à revêtements épais souvent noirs et
luisants, mais il peut aussi être sans structure et farineux. Son apparition dans
le profil va souvent de pair avec une augmentation de la valeur du rapport
128
Classification des latérites
CjN d'au moins une unité et y atteint généralement la valeur de 15. La teneur
moyenne en carbone organique de cet horizon est de l'ordre de 0,7 %.
Lt 1. Non différenciés.
Lx 1. Non différenciés.
SYSTÈME FAO
Sud-Est asiatique
Dudal et Moormann (1962) décrivent les sols suivants qui peuvent couvrir
les latérites sensu lato, cette liste n'étant pas exhaustive. La différenciation
se fait au niveau du groupe.
« Red yellow podzolic soils ». Ils sont similaires aux sols définis dans le sud-est
des États-Unis. Cette nomenclature a été utilisée en Indonésie (Dudal et Soe-
praptohardjo, 1957), au Viêt-nam (Moormann, 1961) et à Ceylan (Moormann
et Panadokke, 1962). Une part importante de ces sols est appelée latosols jaunes
en Malaisie (Owen, 1951).
Dans le Sud-Est asiatique, ces sols ont été rattachés aux sols latéritiques,
généralement avec un adjectif de couleur (rouge, jaune, brun-jaunâtre) [Mohr
et van Baren (1954); Fridland (1961b); Joachim (1935)]. Le terme «latérite»
n'indique pas la présence de matériaux indurés, mais fait référence à des rap-
ports Si 02jF203 et Si 02j~03 très bas, ou simplement à cause de la couleur
rouge. Il faut cependant noter que tous les sols anciennement appelés latéri-
tiques ne doivent pas être rattachés aux red yellow podzolic soils.
Dans le cadre de la 7e approximation, ces sols sont à classer parmi les ultisols,
sous-ordre des ochrults. Cependant, certains d'entre eux peuvent tomber dans
les alfisols, grand groupe des ultustalfs.
Sols podzoliques gris (<< gray podzolic soils »J. Ce nom a été introduit lors de
l'étude des sols du bas Mékong (Dudal, 1960; Moormann, 1961). En Indochine,
ils sont dénommés «terres grises ». En ThaIlande, les séries korat (Pendleton,
1953) sont comparables. Ces sols peuvent être rattachés aux ground-water late-
rites. Ils sont comparables à certains sols podzoliques latéritiques d'Australie
(Stephen, 1962). Il est difficile de leur trouver une place satisfaisante dans la
7e approximation.
Latosols rouge foncé et brun-rouge (<< dark red and reddish-brown latosols »J. A l'ori-
gine, ces sols étaient classés comme sols latéritiques. Le terme «latosol» est
largement utilisé par Dudal et Moormann pour désigner les sols anciennement
connus sous les noms de red earth (Mohr, 1948), rotlehm (Vageler, 1938), sols
latéritiques (Dames, 1955), terres rouges (Henry, 1931). L'adjectif de couleur
129
C!8ll8ÎfieatioD des latérites
Latosols jaune-rouge (<< red-yellow latosols »J. Ce sont les équivalents plus clairs
des latosols précédents. Ils semblent correspondre assez typiquement aux udox.
Mais ces différenciations portant sur la couleur n'ont pas leur équivalent dans
la 7 e approximation.
Sols gleyieux faiblement humifères et sols hydromorphes gris (<< low humic gley
soils » et « gray hydromorphic soils »J. Ce sont des sols hydromorphes à B textural
et sans horizon humifère bien développé. Ils présentent souvent à la partie
inférieure de l'horizon B, ou dans les horizons sous-jacents, des formations
de latérites indurées soit sous forme d'agrégats irréguliers, soit sous forme d'un
horizon continu (ground-water laterites); généralement entre 100 et 200 cm de
profondeur. Ils peuvent, pour la plupart, être assimilés au groupe des ochra-
quults (7 e approximation USDA), parfois au sous-ordre des aqualts. Ce sont
les équivalents de certains sols hydromorphes à cuirasse de nappe ou de sols
ferrugineux tropicaux lessivés à pseudo-gley de profondeur de la classification
française.
Amérique du Sud
130
C1a88ification des latérites
En résumé, il apparait que les corrélations sont dans l'ensemble assez bonnes
aux niveaux des groupes et que le terme «latérite» est de plus en plus utilisé
comme adjectif pour signaler des formations indurées riches en sesquioxydes
ou, plus souvent encore, remplacé par un autre terme qui ne fait pas confusion.
Cependant, beaucoup de travail reste à faire, en particulier en ce qui concerne
les sols latéritiques jaunes ou rouges sans horizons bien différenciés. Les tra-
vaux abordés et développés par Van Wamhecke (1962) sur la structure de ces
sols paraissent ouvrir une voie intéressante. Il s'agit de définir des critères sim-
ples, facilement observables sur le terrain, critères correspondant à des pro-
priétés et pédogénèses bien définies, qui permettent une discrimination objective
des latérites.
131
Utilisation des latérites
Le problème de l'utilisation des latérites a été souvent traité sous son aspect
agronomique. Cependant, à l'origine, le développement des études chimiques
et minéralogiques a été associé à des recherches minières (fer et aluminium).
Ces spéculations ont pris une grande importance au cours des dernières décennies
pour la recherche de gisements de bauxite, de fer, de manganèse. Le côté génie
civil a aussi fait l'objet de nombreuses études en liaison avec la construction
de routes et l'aménagement de réservoirs. Enfin, l'importance des latérites dans
les études hydrologiques sous climats tropicaux est soulignée chaque jour davan-
tage.
En résumé, les latérites contribuent à l'économie générale des régions chaudes
et humides du globe. Sous quelque aspect que l'on se place, on se heurte, à
un moment ou à un autre, aux latérites. C'est donc un problème extrêmement
vaste qui ne peut être développé en quelques lignes. Aussi n'en soulignera-t-on
ici que les principaux aspects.
Le problème de la fertilité des latérites n'est pas strictement lié aux seules carac-
téristiques intrinsèques du sol. Tous les facteurs de l'environnement géogra-
phique jouent. Il faut distinguer, en premier lieu, le rôle du climat, celui de la
végétation, enfin les données propres aux profils.
CLIMAT
132
Utilisation dea latérite.
VÉGÉTATION
133
Utili.. tion des latérites
Facteurs défavorables. Dans les latérites, la matière organique est limitée à une
couche très peu épaisse qui se dégrade ra{>idement par la culture. Cette matière
organique est la source de nombreux parasites animaux et végétaux. D'un
autre point de vue, une végétation trop dense élève le prix du défrichement
indispensahle avant culture. II faut aussi pouvoir recouvrir rapidement le sol
après défrichement pour éviter un trop grand dessèchement, une trop forte
minéralisation et le développement du processus d'érosion. Enfin, cette matière
organique est souvent détruite par le feu.
Horizon supérieur
HorizonB
Facteurs défavorables. Ces horizons sont très altérés. Leurs réservcs en bases
sont faibles, celles-ci étant généralement lessivées. L'acidité pH est très basse,
souvent inférieure à 5,5. Ils sont pratiquement dépourvus de matière organique
et, comme corollaire, d'azote. Leur capacité d'échange est très faible.
Ce sont des horizons riches en sesquioxydes (fer et/ou alumine) contenant
parfois des concrétions, parfois des cuirasses, parfois cl es stone lines qui limitent
la pénétration des racines et créent une discontinuité qui influence toute la
genèse du profil et plus particulièrement son régime hydrique.
Dans certains cas, on observe à la base de cet horizon un pseudo-gley qui
matérialise des conditions réductrices. C'est donc un horizon pratiquement
stérile, surtout lorsque l'érosion l'amène en surface. Il offre alors la possibilité
de se durcir et limite toute production végétale. Enfin, la richesse en sesquioxydes
provoque parfois l'apparition des phénomènes de toxicité alumineuse (Cas-
tagnol et Shan-Gia-Tu, 1940) ou manganifère (Martin, 1961).
134
UtiIiBation des latérites
Facteurs favorables. En sol hien drainé, lorsque la zone (le départ est proche
de la surface du sol, la lihération intense des cations par hydromyse favorise
l'alimentation minérale des plantes.
FACTEURS PHYSIQUES
FACTEURS CHIMIQUES
135
Utilisation dei latérites
Lorsque les sols sont très lessivés, ce qui correspond le plus souvent à des plu-
viométries supérieures à 1 500-1 800 mm/an, on constate toujours de très fortes
carences en Ca++, Mg++ et K +. Dans le cas des sols latéritiques typiques, moins
appauvris, la carence la plus commune et la plus marquée concerne le potas-
sium. Sur roches acides, il s'agit d'une carence absolue, les teneurs en potassium
étant extrêmement faibles. Sur roches basiques, il s'agit plutôt d'un désé-
quilibre par rapport au calcium et au magnésium.
Les carences en acide phosphorique sont surtout marquées sur les roches
granitiques. Naturellement, ces carences sont fonction des besoins de la plante.
Ainsi le bananier, le palmier à huile, les ananas ont de faibles besoins, au con-
traire le cacaoyer, le caféier, les plantes vivrières ont des besoins importants.
136
1JtilUation dei latérit~
L'acide phosphorique se trouve dans les sols latéritiques sous des formes diffé-
rentes de solubilité et d'assimilabilité: phosphore organique, phosphates de
chaux, phosphates d'aluminium, phosphates de fer d'inclusion ou de rétrogra.
dation. Ces différentes formes peuvent passer de l'une à l'autre suivant l'état
de dégradation du sol, et suivant son pH. Le phosphore organique n'est pas
directement assimilable, ainsi que le phosphate de fer d'inclusion. Par contre
les teneurs en phosphates de chaux étant très faibles en milieu acide, il semble
bien que le phosphate d'aluminium contribue pour une part importante à l'ali-
mentation des plantes (Dabin, 1963). Il s'établit un véritable cycle du phosphore
qui le fait passer par des formes plus ou moins assimilahles suivant l'état du
sol, ce qui rend son interprétation très délicate.
Les carences en azote sont aussi fréquentes par suite d'un très fort lessivage
des nitrates et de la minéralisation rapide de l'azote organique. Ces carences
sont d'autant plus marquées que le milieu est plus acide, aux teneurs en matière
organique comparables.
D'une façon générale, en milieu naturel, les carences en certains macro-élé·
ments, et surtout en micro-éléments, sont peu prononcé~s. Par contre ces der-
nières deviennent nettes lorsqu'on «force» la production par application d'en-
grais minéraux. Il s'agit plutôt de déséquilibre que de véritables carences.
Ainsi, par exemple, un excès de potasse par rapport au magnésium fait apparaître,
sur les bananiers, la maladie dite «du bleu ».
Concernant les oligo-éléments, les teneurs limites des carences peuvent être
variables suivant les plantes considérées. En dehors des travaux australiens
et américains, en particulier ceux de Sherman aux îles Hawaii, la littérature
fournit peu de données. Cependant les conclusions suivantes semblent pouvoir
être avancées.
Manganèse. Deux aspects sont à considérer, les carences et les toxicités.
Les carences seraient surtout sensibles sur des sols très acides. Des chiffres
inférieurs à 10 ppm peuvent être avancés. Les carences sont surtout sensibles
sur les ananas et le coton. A l'opposé, les phénomènes de toxicité sont plus
spectaculaires. Ils se produisent surtout sur des roches basiques. Les teneurs
en matière organique sont généralement élevées et les valeurs du pH presque
toujours supérieures à 6. La toxicité apparaît si un abaissement important
du pH intervient à la suite d'excès culturaux. Un simple chaulage suffit à remé-
dier à cet état (Martin, 1963). Aux îles Hawaii, Harmer et Sherman (1944)
préconisent le mulching qui, en empêchant le dessèchement du sol, limite la
libération d'oxyde divalent toxique.
Fer. Les teneurs les plus faihles « 5ppm) sont observées dans les sols à
pH relativement élevé (pH > à 6).
Cuivre. Les teneurs supérieures à 2 ppm peuvent être considérées comme
relativement bonnes. Les carences apparaîtraient pour des valeurs obtenues
surtout dans des sols hydromorphes.
Zinc. Les teneurs sont considérées comme correctes entre 3 et 15 ppm, faibles
et susceptibles de provoquer des carences à moins de 3 ppm et surtout moins
de 1 ppm. Pour la Côte-d'Ivoire, les valeurs trouvées sont groupées entre 1
et 2 ppm, ce qui amène à penser que la plupart des sols latéritiques sont carencés.
Molybdène. Les carences en molybdène croissent lorsque le pH s'abaisse;
l'assimilabilité étant plus facile à pH élevé. Or les teneurs trouvées sont souvent
extrêmement faibles (0,01 à 0,06 ppm en Côte-d'Ivoire), ce qui, lié aux pH
acides, traduit des carences nettes.
137
Utilillation des latérites
138
Utilisation des latérites
Il n'est pas nécessaire d'insister sur l'importance de ces matériaux dans les
constructions diverses. A l'origine, les <'uirasses ont été largement utilisées dans
la construction de monuments et d'habitations. Certains mégalithes africains
sont d'origine latéritique. Il semble que l'emploi des latérites indurées comme
matériau de construction ait été, et soit encore, très généralisé en Inde et en
Thaïlande. Le temple d'Angkor Vat est construit en latérites bien que l'art
d'exploiter des carrières soit perdu au Cambodge.
Actuellement les études de génie civil portent sur les limites d'Altenherg
de ces matériaux en vue de la construction de routes et de barrages en terre.
La majorité des routes des tropiques sont en latérites concrétionnées, ce qui
provoque l'apparition d'ondes régulières appelées «tôle ondulée », phéno-
mènes liés à des processus vibratoires. JI semble que l'on ait mis au point des
méthodes pratiques pour limiter cet inconvénient.
Un des avantages essentiels du matériau latéritique est sa faible possibilité
de gonflement à l'eau, ce' qui en fait un excellent produit de compactage, surtout
quand il n'est pas trop sableux.
139
Utilisation de. latérites
140
Annexe
A côté du rapport général du colloque sur les latérites qui s'est tenu à Tananarive
(Madagascar) du 21 au 29 septembre 1964, un certain nombre de notes ont été présentées.
On en trouvera ci-dessous un résumé succinct'.
1. Formation, classification et utilisation de certaines cuirasses de bas-de-pente, par le Dr
C. SYS, Université de Gand, Belgique.
Cette note a pour but d'expliquer la genèse des horizons cuirassés qui s'individualisent
dans les sols en bordure des vallées.
Le sol est un ferralisollessivé en argile qui subit, en profondeur, les fluctuations d'une
nappe phréatique. Sous ces conditions on assiste à la décomplexation du fer entraîné
par l'argile. Les oxydes de fer s'individualisent et se concentrent en un horizon illuvial.
L'induration suit l'enlèvement des horizons illuviaux par érosion. Il apparaît ainsi que
les cuirasses ferrugineuses et manganifères formées par lcssivage vertical peuvent avoir
une origine variée. Le matériel de réception peut être ferrallitique ou fersialitique. Dans
le premier cas l'aluminium est un matériau résiduel, et le fer a une origine extérieure
à la zone d'accumulation. Pour ces raisons, il semble que la classification des cuirasses
devrait être basée davantage sur les caractéristiques morphologiques et minéralogiques.
2. Laterite in Indian geology (A sketch on the concepts of origin), par M. K. Roy CHow-
DHURY, V. VENKATESH, M. A. ANAN DALWAR et D. K. PAUL, Geological Survey of
India.
Il s'agit d'une étude bibliographique des latérites de l'Inde, dans l'acception suivante:
les roches principalement riches en alumine ou en silice combinée (kaolin) et associées
soit à un profil latéritique soit à une altération latéritique sont respectivement appelées
« bauxite n et « lithomarge n. De même, une roche très riche en manganèse ou en fer
est désignée « manganèse latéritique)) ou « minerai de fer)) si elle se trouve dans une
cuirasse latéritique.
3. Laterite as a source of industrial minerais in India, par M. K. Roy CHOWDHURY, V.
VENKATESH, M. A. ANAN DALWAR et D. K. PAUL, Geological Survey of India.
Étude des gisements des principaux minerais d'origine latéritique en Inde : bauxite,
manganèse, fer, nickel.
4. The occurence of laterite in Amazona, par F. C. CAMARGO.
Ce rapport est divisé en deux parties: Types et âge des latérites des régions amazoniennes
et Écosystème sol/végétation forestière en régions tropicales humides.
Dans le premier chapitre une latérite actuelle est comparée à une latérite fossile, toutes
deux développées dans des alluvions. L'auteur précise qu'il s'agit de deux exemples
typiques de formation de latérite (cuirasse) par déplacement latéral de fer et d'alumine
141
Annexe
par le canal de nappes phréatiques. Par contre, il ne semble pas que ces phénomènes
puissent se réaliser par simples mouvements verticaux, car on n'observe pas de laté-
rites au centre des plateaux et des pénéplaines.
Au Brésil, les types les plus fréquents sont fossiles.
D'un point de vue pédologique, le terme laterite-sail devrait être abandonné, car il
ne peut être correctement appliqué aux sols lessivés concrétionnés et aux sols résultant
de la décomposition de latérites fossiles.
La deuxième partie traite du problème du tum ot'er en milieu latéritique sous forêt
amazonienne.
5. Genesis of the laterite, par G. D. SHERMAN, F. S. SCHULTZ et J. L. WALKER, Univer-
sité d'Hawaii.
La genèse des horizons de latérite est liée aux caractéristiques chimiques et minéralo-
giques des oxydes de fer. L'induration résulte de la déshydratation des hydrates de fer
colloïdaux. L'induration des horizons ainsi formés est relativement stable. Par contre,
les oxydes d'aluminium et de titane sous des conditions similaires ne donnent pas nais-
sance à des niveaux continus indurés. La ségrégation de la gibbsite se produit rarement
à la surface.
On peut classer les latérites de la façon suivante :
a) Latérites résiduelles formées en place sous de bonnes conditions de drainage. Les
produits de l'altération des roches sont lessivés de façon différentielle. Seul le fer,
sous ces conditions d'extrême oxydation, reste en surface. L'alumine est également
entraînée en profondeur.
b) Latérites formées par accumulation d'oxydes de fer. Ces latérites peuvent également
se former par lessivage oblique. Les matériaux lessivés en fer s'enrichissent en gibbsite.
c) Latérites transportées. Ce sont des produits remaniés d'anciennes cuirasses démantelées.
d) Latérites de nappe qui se développent sous l'influence d'une nappe phréatique près
de la surface du sol.
e) Latérites fossiles qui peuvent être transformées secondairement, en particulier par
apport de silice ou de carbonate.
6. Histoire des sols ferrallitiques de Madagascar, par J. RIQUIER et F. BOURGEAT, Centre
ORSTOM, Tananarive.
Les sols ferrallitiques de Madagascar sont des sols complexes très anciens. Le profil est
hérité d'un profil ancien, mais, depuis, plusieurs climats ont surimposé des phases succes-
sives de pédogénèse. Quatre phases sont ainsi reconnues :
a) Phase d'altération hydrothermale de la roche en climat très chaud et très humide
(miocène, pliocène).
b) Phase principale de formation de l'horizon rouge superficiel en climat à saisons alter-
nantes plus sec (pliocène supérieur quaternaire ancien).
c) Phase de ferrallitisation plus intense due à une période plus humide (quaternaire
moyen) et évolution des horizons supérieurs sous l'influence de la végétation.
d) Phase de dégradation due à une dessiccation lente et à l'apparition de l'homme (qua-
ternaire récent).
Enfin, pour illustrer les études sur le terrain qui ont eu lieu pendant le colloque, le Centre
ORSTOM de Tananarive a rédigé un rapport de 87 pages traitant de la «Présentation
de quelques profils de sols ferrallitiques et de l'étude du milieu pédogénétique dans les
environs de Tananarive»; 21 profils sont décrits avec leurs données analytiques et miné-
ralogiques.
142
Bibliographie
La liste bibliographique ci-après n'est pas exhaustive. Elle fait uniquement référence
aux auteurs cités dans le texte. Cependant, beaucoup d'autres ouvrages ont été consultés.
Il fallait pourtant faire un choix parmi plus de deux mille fiches bibliographiques trai-
tant plus ou moins du problème des latérites'. Concernant les études les plus anciennes,
n'ont été cités que les travaux synthétiques ou ceux qui introduisaient des idées nouvelles.
Concernant les travaux plus récents, n'ont été signalés que ceux ayant trait aux connais-
sances de base dans un contexte général. Les études à caractère local ont été éliminées.
Comme tout choix celui-ci n'est pas parfait. Que l'on excuse les omissions involontaires
et que l'on n'y voit aucun parti pris de notre part.
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