Filiere Mais
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Filiere Mais
N° 6
___________________________________
Jean-Louis Fusi 11 ier
Octobre 1993
Jean-Louis FUSILLIER
---
Unité de Recherche
Economie
°
des Filières
N 6
Octobre 1993
Jean-Louis FUSILLIER
Notre propos est ici seulement d'ordre analytique, la partie "recommandations" est
issue d'une réflexion commune et le lecteur intéressé pourra se reporter au rapport
d'ensemble: "Analyse économique de la filière maïs au Cameroun (Août 1993)".
RESUME
Cette étude s'inscrit dans une réflexion des pouvoirs publics sur les possibilités de
diversification de l'activité des producteurs agricoles confrontés à une crise profonde - la
chute des prix du cacao, café, et coton, produits de rente traditionnels, et le
désengagement de l'Etat en matière d'appui à l'agriculture -. Le maïs, avec une production
actuelle de l'ordre de 550.000 T, figure parmi les principaux produits vivriers et l'on
s'interroge ici sur les perspectives de développement de son marché.
4. 1 La consommation humaine
4.1.1 Formes et déterminants de la consommation de maïs................................. . .44
4.1.2 Modes d'approvisionnement des consommateurs et transformation du grain.. ..46
4.2 L'alimentation animale
4.2.1 Structure du secteur de l'alimentation animale et importance du maïs
dans le coOt de l'aviculture........................................................................ ..47
4.2.2 Les conditions d'approvisionnement en maïs des provenderies industrielles.. ..49
4.3 La brasserie
4.3.1 L'approvisionnement en gritz des brasseurs........................................ ..50
4.3.2 L'approvisionnement en maïs de MAISCAM............................................ ..52
4.4 Conclusion: Les perspectives d'évolution de la demande de maïs et les contraintes
à l'utilisation de maïs local........................................................................ ..54
,
INTRODUCTION: CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
Le Cameroun connaît depuis 1987 une crise économique aiguë, avec une baisse du
Produit Intérieur Brut de 5,5% par an en moyenne de 1987 à 1992. Les producteurs
agricoles sont particulièrement affectés par la crise. Ils sont d'abord confrontés à la chute
du prix des produits de rente traditionnels: cacao (-48%), café robusta (-65%), café arabica
(-47%) et coton (-40%), qui accompagne la baisse des cours sur les marchés
internationaux. Ils subissent également les effets du désengagement de l'Etat de l'appui à
l'agriculture: le prix des engrais a doublé avec l'arrêt des subventions, la vulgarisation est
devenue quasiment inopérante, les circuits de commercialisation du cacao et café sont
encore largement désorganisés par la privatisation de la collecte. Dans la zone forestière,
les recettes du cacao et café, principale source de revenu du monde rural, sont ainsi
passées sous l'effet conjugué de la baisse des prix et des productions, de 120 milliards de
FCFA durant les années 1980 à 30 milliards en 1992.
D'une part, le maïs joue un rôle majeur dans la sécurité alimentaire du Cameroun;
il s'agit en effet de la première céréale et du quatrième produit vivrier, par les quantités
consommées, après le manioc, le plantain et le taro. Contrairement au riz, les conditions
de sa production, commercialisation et consommation sont assez mal connues è l'échelle
de l'ensemble du pays.
Les questions majeures qu'il convient d'éclairer, sont donc les suivantes:
- Quelles sont les raisons qui conduisent certains opérateurs à recourir aux
importations? Dans quelle mesure le maïs local pourrait être substitué au maïs importé?
- Plus généralement, quelles sont les contraintes qui interviennent sur la filière maïs
et limitent son efficacité? On entend par filière maïs l'ensemble des activités qui concourent
à satisfaire une demande en maïs ou produits dérivés (farine, gritz); la filière recouvre donc
les différents niveaux de: production, commercialisation (collecte, transport, stockage,
commerce de gros et de détail), transformation (en farine ou gritz), consommation.
2
La méthodologie retenue s'inscrit dans une approche fonctionnelle de la filière. Le
cheminement d'analyse est le suivant:
3
1. APERCU QUANTITATIF DES FLUX DE MAIS AU CAMEROUN
Les productions agricoles vivrières font l'objet d'une enquête statistique annuelle du
MINAGRI, avec une assistance de l'USAID, depuis le Recensement Agricole de 1984.
L'enquête porte sur un large échantillon d'exploitations (de 3000 à 3500) de type familial;
les grandes exploitations qui relèvent généralement du secteur para-public étant exclues.
Les résultats sont disponibles au niveau provincial. Les superficies cultivées sont estimées
à partir de mesures des parcelles, au 1er et 2nd cycle; les estimations des productions et
des ventes sont, quant à elles, issues des seules déclarations des exploitants, mode de
relevé qui leur confère une grande imprécision, notamment du fait de la diversité des unités
de mesure utilisées (sacs, bassines de taille variable...), de l'échelonnement des récoltes
(le maïs peut être consommé en épi frais sur le champs), de la pluralité des responsables
de culture au sein d'une même exploitation (Chef de famille, femmes, cadets). Pour les
ventes de maïs (quantités et prix), il est regrettable que la distinction entre maïs en épi et
maïs-grain n'ait pas été faite.
4
On peut recourir à plusieurs sources pour évaluer les importations. En ·premier lieu,
les Douanes fournissent les statistiques officielles de commerce extérieur. Ces statistiques
sont considérées comme une base minimale qui peut sous estimer de beaucoup les flux
réels. En effet les sous-déclarations en douane pour minorer les droits à verser, sont
reconnues comme étant une pratique courante; par ailleurs les importations en provenance
du Nigéria, sont très mal cernées notamment dans le Nord où la frontière est d'une grande
perméabilité. L'utilisation d'un système informatisé de saisie des données d'importation
(PAGODE) aurait toutefois permis d'améliorer notablement la qualité des statistiques
douanières à partir de 1989.
Le Syndicat Maritime (ou Syndicat des Acconiers) fournit une évaluation des
importations sur la base des déclarations des manifestes-cargo et des quantités débarquées
sur le port. Enfin, il existe une société privée - la Société Générale de Surveillance - chargée
de contrôler la justesse des déclarations en douane des importateurs. Cette dernière devrait
être en mesure de livrer une information alternative; or il s'avère dans le cas des
importations de maïs, que les données diffusées sont partielles, ce qui nous conduit à
rejeter cette source.
Le maïs est importé sous deux formes: le maïs-grain et le gritz de maïs pour la
brasserie; d'autres produits à base de maïs (semences, farine, amidon, huile, maïs-doux)
· sont mentionnés dans les statistiques douanières mais pour des tonnages infimes. Les
données des Douanes et celles du Syndicat Maritime sont convergentes, l'évaluation des
importations de maïs ne semble donc pas poser problème, contrairement au riz. Les
importations informelles depuis le Nigéria, seraient négligeables d'après les premiers
résultats de l'observatoire OSISCA sur les échanges frontaliers. On peut toutefois suspecter
des importations conséquentes lors des années de grande sécheresse dans !'Extrême-Nord
compte tenu de l'intensité des liens de cette région avec le Nigéria.
6
ne dénombre en effet qu'une dizaine de fabricants dont trois dominants (SPC, EPA et
NUTRICAM) avec une part de marché supérieure à 75% . La production de provende des
7 principaux fabricants s'élèverait à 54.000 T. en 1992-93, d'après leurs déclarations.
Cette production serait en baisse depuis 1990; une réduction de 15.000 T. est en effet
annoncée par les deux premiers fabricants, réduction non compensée semble t-il par une
hausse de la production des concurrents. Le maïs entre dans l'aliment composé à hauteur
de 60 à 70% ; environ 35.000 T.de maïs auraient ainsi été consommées en 1992-93.
L'utilisation directe de maïs par les éleveurs, maïs auto-produit ou acheté, constitue
en revanche une inconnue. La seule donnée trouvée à ce sujet, est issue de l'enquête de
Djoukam et Teguia (1991) sur les élevages de l'Ouest: seuls 5 % des éleveurs enquêtés
ne s'approvisionnaient pas en provende i ndustrielle et pouvaient donc recourir à un maïs
brut. Cette tendance au développement des achats de provende au détriment de la
préparation à la ferme, s'est affirmée dans l'ensemble du pays. Toutefois o n peut
s'attendre à ce que l'aliment "artisanal" tienne une place plus importante qu'à l'Ouest dans
nombre de régions car l'Ouest, avec la présence de SPC, bénéficie d'un remarquable réseau
de distribution de la provende. Il est probable que la quantité de maïs utilisée directement
par les éleveurs ne dépasse pas le niveau de 10.000 T.
1 .2.3 La brasserie
Parmi les 4 sociétés de brasserie, deux, S.A. des Brasseries du Cameroun qui détient
environ les trois quart du marché de la bière industrielle, et International Brasserie, devenue
récemment une filiale de SABC, utilisent largement le gritz de maïs pour la fabrication de
leur bière. Une troisième -Guiness- commence à employer du gritz pour une bière blonde
mais pour l'instant en quantité infime (moins de 100 Tian). Le g ritz est une brisure
débarrassée du germe afin d'être exempte de lipides; le taux d'extraction de g ritz à partir
de maïs-grain est compris entre 40 et 50% . Le gritz est utilisé par ces brasseries à hauteur
de 30% en substitution au malt d'orge, on aurait ainsi de 5 à 5,5 kg de gritz par hectolitre
de bière. L'emploi du gritz présente comme intérêt de réduire la durée du brassage, et
d'obtenir une bière plus claire.
D'après les déclarations des brasseurs, les besoins en gritz s'élèveraient à 15.000
T. en 1992-93 contre 22.000 T. en 1989-90. Cette chute accompagne l'effondrement des
ventes de bière (-40% de 1987 à 1992) consécutif à la baisse du pouvoir d'achat des
Camerounais. La tendance à la baisse persiste actuellement.
Les exportations officielles enregistrées par les Douanes sont très faibles: de 100
à 200 T. par an depuis 1987. Elles sous-estiment de beaucoup la réalité. Il existe en effet
des exportations régulières de maïs vers le Gabon par voie terrestre et maritime. D'après
les entretiens avec des grossistes de Douala impliqués dans ce commerce, l'exportation par
bateau aurait concerné 2000 à 5000T. de maïs en 1992. Ce mode d'expédition serait en
expansion par suite des difficultés croissantes rencontrées au passage de la frontière
terrestre Gabonaise.
7
Des exportations occasionnelles sont également réalisées par le Programme
Alimentaire Mondial: 1 .566 T.pour un projet FAO au Tchad en 1 988, 1 250 T.de farine de ,
maïs pour une aide d'urgence au Centrafrique en 1 992.
8
Opérations techniques sur la filière maïs au Cameroun
1 Marp i 1
Egrenage
i
1 Maïs-grain 1 ---------------,
I i
Maltage Mouture Mouture Mouture
artisanal industrielle industrielle
MAISCAM provenderie
a
rti
(0
�
r 1
13 %
46 % fine zootechnique 15 %
23 %
Huile
1 ,2 %
V/ w �
ou boui llis artisanale bouillie
brasserie
Les •sous-filières• mais au Cameroun en 1 992
Production
Importation Producteurs MAISCAM
Huile
de maïs MAISCAM
maïserie
Epis
<l PAM
Provende
54 000
.. .
� 1 Consommateurs 11 Exportation Eleveurs Brasseries
.1. mals-grain farine ..1 gritz .J, divers Q Quantité en tonnes • E!limation l� Incertaine. Source : Enquête CAPP-CIRAD.
D
1 .4 Les flux de mais internes au Cameroun
Les provinces de I' Adamaoua et du Nord constituent l'autre grande zone maïsicole
du pays; elles assurent 20% de la production nationale (80.000 T.en moyenne pour 1 988-
1 990). Le phénomène marquant est la forte progression de la production de maïs dans la
province Nord; celle-ci passerait de 1 3.000 T en 1 984 à 40.000 T. en 1 990. Nous
expliciterons plus loin les conditions de cette expansion, notons simplement ici les deux
facteurs clés que sont l'immigration de populations venant de !'Extrême-Nord et l'action de
la Société d'encadrement du cotonnier. Les flux de maïs commercialisé paraissent surtout
internes à la région; le flux extra-régional doit porter sur les transferts vers l'Extrême-Nord
lors des années de sécheresse et les livraisons sur Yaoundé et Douala en cas de carence
de la production de l'Ouest. Le flux de gritz (1 2.000 T) depuis la maïserie de Ngaoundéré
correspond, pour 60 %, à la réexpédition après traitement, d'un maïs importé.
(,. : , ==:. -::, '::.-1 Aire de culture du mais ... Flux de maïs local
•
c::::> Flux de maïs importé
*
� Zone de production majeure
lit/li!
.l l l / / j / l
..
, J 1 ·1 1 1 I /
12
2. LES CONDITIONS DE LA PRODUCTION DE MAIS
Sud 10 3
Centre 89 16 f2 12 Sources:
1st 83 Il 18 13
Littoral 71 ac 11 7 lecenseaent Agricole de 1972
Sad-Ouest 56 83 17 7
Ouest 94 95 101 60 -superficie phrsiqae,
lord-Ouest 95 97 79 60 aeais 'dense'-
Aduaoua 63 24
lord 30 38 19 11 lec111eaent Agricole de 1984
l1true-lord 10 10
-111perficie theorique-
WEROUM 67 70 288 206
• Le calc:ul de la Superficie en ..1. Sm, d ' une parcelle de •uperficie S, portant n c:ulture•
•••oci6e• , ••t donn6 par la formule •uivante : Sm • ( (dom/dtm) / ( � doi/dti ) ) • S
avec dom : den.ait6 ob•erv6e en ..1. , dtm : den.a it6 th6orique en mai• en c:ulture pure
doi : den.ait6 ob•erv6e de la c:ulture i , dti : denait6 th6orique de i
La •uperficie th6orique ainai obtenue ne corre•pond pa• 1 la •uperficie en 6quivalent c:ulture pure .
13
Si le maïs est présent dans la plupart des exploitations (plus de 80% de celles de
la zone forestière et la quasi-totalité de celles des hauts plateaux de l'Ouest en 1 984), c'est
seulement dans l'Ouest, le Nord-Ouest, I' Adamaoua et le Nord, qu'il constitue une véritable
base du système de culture . On notera que les données de 1 984 sont très éloignées de la
réalité actuelle pour le Nord; cette région a connu une remarquable expansion du maïs dont
témoignent les statistiques de la SODECOTON: la surface en maïs de la zone cotonnière
serait passée de 1 4. 000 ha en 1 9 8 5 è 33 .000 ha en 1 9 9 1 . La faible i mportance de la
maïsiculture en zone forestière répond de façon logique à la moindre aptitude du milieu
naturel, les conditions d'humidité, d'ensoleillement, de parasitisme étant très
contraignantes.
Cette zone présente une situation agricole singulière; on y rencontre en effet des
densités de population très élevées (généralement plus de 1 00 ruraux/Km 2 en pays
bamiléké, et plus de 200 sur certains terroirs) et la rareté de la terre conduit alors è cultiver
en continu. Les systèmes de culture se caractérisent par la grande diversité des plantes
cultivées: maïs, haricots, tubercules, bananiers, arachide, manioc, cultures m araîchères,
caféiers arabica, fruitiers. . . et leurs combinaisons dans de multiples et complexes
associations.
Jan Fev M ars Avr Mai Juin Juil AoOt Sep Oct Nov Dec
Semis-----maïs------ ---Récolte
Semis----haricot- ---Récolte Semis----haricot----- --Récolte
14
Ce systè me se répète généralement d'une année à l'autre. Selon la disponibilité en
terre et la fertilité du sol, cette succession peut être interrompue après un plus ou moins
grand nombre d'années par une jachère, généralement de courte durée.
La pratique de la culture pure du maïs est encore rare en milieu paysan; on l'a
rencontrée dans les zones moins peuplées (Galim), donc à plus grandes disponibilités en
terre (parcelles fréquemment de plus de 1 ha), où le produit est essentiellement destiné à
la vente .
La diversification des cultures est un phénomène ancien dans l'Ouest. Elle est
sti mulée par la crise du café arabica, culture de rente traditionnelle sur le déclin depuis une
quinzaine d'année et qui est maintenant en passe d'être totalement abandonnée . Le maïs,
déjà très présent, ne semble pas profiter particulièrement de cette évolution; les
spéculations connaissant la plus forte expansion sont les cultures maraîchères, notamment
l e haricot vert et les pois.
Le maïs est une composante secondaire des systèmes de culture en zone forestière;
il est le plus souvent associé à faible densité dans les champs vivriers où dominent les
tubercules (manioc, igname, taro, macabo), le plantain ou l 'arachide. En l'absence de
données sur les densités dans le Recensement Agricole de 1 984 et les enquêtes annuelles
de la DEAPA, on ne dispose que de deux sources anciennes: le R.A. de 1 972 et les
enquêtes de Leplaideur & Waguela ( 1 976- 1 979). Ces deux sources convergent pour
souligner la fai blesse des densités. Toutes parcelles avec maïs confondues, la densité serait
de 2000 à 6000 tiges/ha selon les régions. Le R.A. distingue toutefois les parcelles avec
semis "dense" et "épars". Pour les premières, qui ne représentent que 40% de la surface
avec du maïs, la densité demeure fai ble: de 6000 à 8000 tiges/ha, la norme en culture pure
étant de 50. 000. Il est très probable que les densités actuelles soient plus élevées.
15
année 1 année 2 année 3 année 4
Lekié arachide-manioc-maïs --- > idem plusieurs années puis jachère herbacée
macabo-plantain-igname
Nyong manioc-maïs-plantain --- > idem plusieurs années puis jachère arborée
& Kellé -macabo
Sud-Mbam patate douce --- > igname - > igname-maïs - > arachide -> manioc - >jachère
Bafia-Mbam igname --- > mais-macabo ---> maïs-arachide -- > manioc -- > jachère
Deux cycles de culture pluviale, voire trois dans la zone littorale avec des variétés
de maïs à cycle court, sont possibles. En premier cycle, les semis ont lieu en mars-avril et
la récolte en juillet-août. Les semis du second cycle interviennent en août et la récolte en
décembre. Le maïs de second cycle occupe une place marginale: 2% de la superficie du
premier cycle dans le Sud et le Littoral, 4% dans le Centre et le Sud-Ouest, 10% dans l' Est
d'après le R.A. de 1984. La culture du maïs en second cycle se heurte è la concurrence
d'autres activités (l'entretien et la récolte du cacao et café), è de moins bonnes conditions
phytosanitaires et climatiques (plus grande virulence des parasites et irrégularité des pluies).
16
Le plateau de I' Adamaoua bénéficie des conditions les plus humides et les tubercules
(manioc et igname) tiennent ainsi une place importante aux cotés des céréales (maïs et
sorgho) . Le maïs domine largement le sorgho, sauf dans la partie septentrionale -"pays
Dourou" dans la Vina- Un processus de substitution du maïs au sorgho est toujours à
l'oeuvre et l'on peut penser que le sorgho va devenir marginal à moyen terme dans
l'ensemble de I' Adamaoua.
Une Enquête réalisée en 1992 par l'IRA 4 fournit l'assolement-type des exploitations
de deux villages représentatifs de la partie Sud de la Bénoué, en discriminant les
exploitations selon un critère essentiel: la pratique de la culture du cotonnier.
' Echant il l on de 5 0 exploitations des villages de OUrro - l abbo 3 et Boumedg�- Garoua - communicat ion
d ' I . Michel
17
Le maïs est ainsi devenu la plante de rotation privilégiée du cotonnier (la rotation
type est: coton - > maïs - > arachide - > jachère) et la SODECOTON s'est employée à lever
les différentes contraintes à son adoption. La pénibilité de la mouture manuelle étant une
contrainte majeure, la SODECOTON a diffusé des moulins et assuré leur maintenance. Les
potentialités productives du maïs ne s'exprimant vraiment qu'avec l'utilisation d'engrais,
la SODECOTON a fourni le crédit nécessaire à leur achat et, pour s'assurer d'un bon
remboursement, a effectué parfois la collecte de la récolte. La maïsiculture a enfin bénéficié
de l'intervention de la SODECOTON en matière d'équipement des exploitations cotonnières:
diffusion de la culture attelée et de la motorisation légère, qui ont permis d'étendre
considérablement les surfaces.
Le calendrier cultural du maïs se caractérise par des semis de mai à mi-juin et une
récolte de fin aoOt à novembre selon les variétés. Une concurrence avec le coton intervient
pour le semis.
Dans l' Extrême Nord, la culture du maïs est traditionnellement pratiquée en décrue
sur les bords du Logone et du lac Tchad. Elle serait en extension d'après ROUPSARD qui
cite une superficie de 10. 000 à 18.000 ha selon les années, de 1978 à 1986 pour le
département du Logone & Chari. En pluvial, le mil-sorgho demeure omniprésent, les
conditions climatiques (pluviométrie de 300 à 800 m m) sont très contraignantes pour le
maïs et ce dernier reste cantonné à une culture de case.
Les secondes s'apparentent à des entreprises classiques, elles sont animées par une
logique de profit, mettent en oeuvre des techniques intensives en capital (motorisation,
intrants chimiques) et une force de travail salariée.
18
2.2. 1 Les exploitations "paysannes"
Le non recours aux engrais malgré la pauvreté naturelle des sols (carences en azote
et phosphore) , aurait deux origines. D'une part, le manque de trésorerie des planteurs pris
dans l'étau de la baisse des prix de leurs productions et de l'augmentation du prix des
intrants avec la suspension des subventions. D'autre part, une rentabilité trop aléatoire de
la fertilisation minérale du fait des débouchés incertains du maïs. L'épandage d'engrais
selon les normes courantes de l'encadrement (200 Kg/ha de NPK 20. 1 0. 1 0 ou phosphate
d'ammoniaque, et 1 00 Kg d'urée) représenterait en effet un coût important: 30.000 F/ha.
Le désherbage à l'herbicide pourrait présenter un intérêt pour lever la contrainte de main
d'oeuvre considérée comme primordiale dans la plus grande partie de la zone forestière,
mais il bute également sur l'insuffisante trésorerie des producteurs (un désherbage en
préémergence avec "Lasso GD" à 5 1/ha revient à 1 0. 000 F/ha).
• Dans les zones denses des hauts plateaux de l'Ouest, les pratiques culturales
sont très intensives. L'intensification se manifeste d'abord par un lourd investissement en
travail. Kleitz ( 1 9 8 8 ) relève 400 jours de travail par hectare dans les champs de maïs
tubercules-haricot à Bafou. La conduite de cultures en continu implique aussi une utilisation
intensive de fertilisants: outre l'enfouissement des résidus de récolte et des déchets de
cuisine, on note l'épandage des fientes de volailles et porcs dont l'élevage était
19
traditionnellement intégré aux exploitations, et surtout l'utilisation d'engrais chimiques. Le
R.A. signale qu'en 1 984, 48% des exploitations de l'Ouest emploient des engrais
chimiques et 27% des engrais chimiques et organiques. Les engrais chimiques, distribués
par les coopératives de café sont en principe affectés en priorité aux caféières mais dans
les faits sont essentiellement utilisés sur les cultures vivrières et maraîchères. Les pratiques
de fertilisation sont maintenant remises en causes. Les producteurs sont d'abord confrontés
à la disparition d'une grande partie de leurs petits élevages suite aux pestes porcines et
aviaires, endémiques depuis les années 1 980. Ensuite au doublement du prix des engrais
depuis 1 987, avec l'arrêt des subventions, alors que le prix de vente du café arabica chute
de 50%. A l'exception des maraîchers, les producteurs ont fortement réduit leurs apports
d'engrais.
Dans le Nord-Ouest, l'emploi des engrais est beaucoup moins fréquent; la MIDENO
évalue leur diffusion sur les vivriers (donc le maïs) à 20-25% des exploitations en 1 990.
L'explication réside dans la moindre pression démographique qui permet le recours à la
jachère, et le fréquent enclavement des producteurs qui rend la rentabilisation de l'engrais
trop incertaine.
Les insecticides pour la protection des stocks (actellic 2%, deltamétrine) sont
rarement appliqués. Pourtant les pertes post-récolte liées à l'humidité des grains mais aussi
aux attaques de charançons figurent au premier rang des contraintes mentionnées par les
producteurs de l'Ouest et du Nord-Ouest. Le non-recours à cet intrant ne semble pas tenir
à des facteurs économiques, le coût de l'actellic est faible: 1 OOF/sachet de 50 gr
protégeant 1 00 kg de grains. En fait son usage n'est pas adapté au mode de stockage
traditionnel - épis non déspathés engrangés sous le toit des habitations, les spathes étant
laissées pour limiter les attaques de rongeurs et éviter que le feu entretenu sous le grenier
ne noircisse les grains-. L'amélioration du séchage et stockage des grains est l'objet d'un
projet appuyé par la FAO depuis 1 988; la technique promue est le stockage en crib d'épis
déspathés qui permet outre l'application d'insecticide, une économie de bois de feu et une
protection contre les rongeurs. Les cribs connaissent une diffusion encore limitée 8 , celle-ci
se heurte à plusieurs facteurs: un coût non négligeable ( 1 3.000 F/m3 avec des matériaux
neufs), la difficulté de trouver un site bien exposé au vent et proche de l'habitation pour
éviter les vols, la réticence des producteurs à exposer leur stock.
• Le projet FAO a contribué à l ' installation de 63 cribs dans le Nord- Ouest de 1988 à 1 9 92 et 99
dans l ' Ouest en 1 9 9 1 et 1992 . Ces cribs sont bien , dans leur quasi totalité , utilisés . Des cas
d' adoption spontanée eont signalés mais à ce j our non dénombrés .
20
l'université de Dschang évaluent les pertes entre le champ et l'utilisation finale du produit
(consommation ou vente) à Bafou, à 2 5 % de la récolte. L'enquête I RA/NCRE/FAO conduite
en zone d'altitude du Nord-Ouest (Ndop et Bui) trouve, pour la seule opération de stockage,
en moyenne 3,2 % de perte de poids (7 % si la totalité de la récolte était stockée durant 1 O
mois) et un taux de grains endommagés en fin de cycle de stockage de 23%.
Dana une enquête r6alie6e auprès de 2 4 0 0 exploitations cotonnière• (Sigriet , 1 9 91 ) , 27% des
producteurs ont déclaré uti l iser de l ' engrais du Nigéria aur le maie ; ce taux conetitue un minimum
compte tenu du caractère infonnel voire i l l icite de cette eource d ' approvieionnement .
21
à 85 F en 1 984.
en zone forestière (sans intrant) : 1 à 2,5 T/ha, les meilleurs rendements étant
obtenus dans la zone de transition forêt-savane (Mbam, Hte Sanaga, Lom& Djerem). En
station de recherche les rendements avec les variétés améliorées et engrais sont de 4 à 6
T/ha. Toutefois le rendement calculé sur des grains à 1 5 % d'humidité, n'est peut être pas
le premier critère qui intéresse le producteur, le maïs utilisé en épis frais ayant une grande
importance .
1
• Rendements moyens en culture intensive de mais encadrée par la SODECOTON ( concerne 5000 à 6 0 00ha)
85/86 8 6 /87 87/88 88/89 89/90 9 0 / 91 91/92
22
2.2.2 Les exploitations agro-industrielles
Les autres exploitations sont de taille beaucoup plus modeste, de quelques dizaines
à quelques centaines d'hectares. On note une concentration particulière de ces
exploitations dans les régions de Foumbot-Ndop renommée pour la fertilité de ses sols et
de Bafia-Mbangassina. La production de maïs s'inscrit dans deux principales stratégies. A
l'Ouest, une stratégie de diversification pour introduire une rotation culturale. Les
exploitations sont souvent orientées vers la production de légumes destinés au marché
intérieur ou à l'exportation (haricots verts, pois), le maïs est alors intercalé entre deux
cycles de légumes. Avec l'irrigation, des exploitations telles Jardins de Foumbot, Delias
farming, font deux à trois cycles de légumes et un cycle de maïs par an. La seconde
stratégie, qui concerne notamment les exploitations du Centre est l'intégration de la
production de maïs par des fermes avicoles, donc en vue d'un auto-approvisionnement
(exploitations Boto Angon de Bafia, Babalé de Batchenga). Une stratégie de spécialisation
dans la maïsiculture parait problématique, comme le souligne l'échec de la société West
Corn è Foumban et les difficultés de fonctionnement de telles exploitations (Baba agro
industrial farm près de Ndop, lnterlux à Foumbot). Ces exploitations éprouvent
probablement des difficultés à soutenir la concurrence de la production paysanne, nous
verrons cet aspect plus loin.
23
Les rendements en maïs se situent normalement entre 4 et 6 T/ha. MAISCAM
obtient de 4,5 à 5 T/ha durant les années 1984-1991; ce niveau -et sa stabilité- traduit la
réussite technique de cette exploitation. Dans l'Ouest des rendements supérieurs peuvent
être obtenus du fait de la fertilité naturelle des sols. Jardins de Foumbot atteint sur des
terres noires un rendement de 7 T/ha avec les hybrides Pioneer 34. 35 et 5 T/ha avec le
composite Kasaï, ces données doivent toutefois être confirmées sur une série d'années.
Une caractéristique majeure dans cette zone est l'éloignement des champs de maïs
du domicile du planteur. Du fait de la pression démographique (plus de 200 habitants/km 2 ) ,
les planteurs sont contraints d'ouvrir des champs jusqu'à 30 km de leur résidence. Les frais
d'évacuation de la récolte vers le grenier du producteur pèsent donc lourdement dans le
coût de production, ils représentent souvent la moitié des charges monétaires engagées
pour la production de maïs.
24
Les charges en intrants sont minimes: la majorité des producteurs n'utilisent pas
d'engrais sur le mais, en particulier sur les parcelles éloignées dont la mise en valeur
remonte à une époque récente (4 à 8 ans) . Les semences sont presque toujours auto
fournies par la récolte précédente, on peut donc les valoriser à un coOt d'opportunité de
1 00 F/kg (grain de qualité et utilisé en période de soudure). L'intrant le plus fréquemment
utilisé est l'insecticid_e pour protéger le stock de mais (actellic ou lisithiol).
Les planteurs dotés des plus grandes superficies ont recours à une main d'oeuvre
rémunérée pour certaines opérations: la préparation du terrain (contrat de 30.000 F/ha), le
sarclage (20. 000 F/ha). Le semis, la récolte sont réàlisés par la m ain d'oeuvre familiale
notamment les enfants qui sont alors en congé scolaire. Le prix de la main d'oeuvre a
fortement baissé, de 1 000 F/jour en 1 990 , il est passé à 7 00 F voire 500 F dans certaines
zones.
25
Le coOt de transport est ici particulièrement élevé, les 3 ha de maïs sont distants de
30 km. La location d'un véhicule •oyna" d'une capacité de 3 T est de 20.000 F compte
tenu de la mauvaise praticabilité de la piste, la collecte intervenant en pleine saison
pluvieuse (juillet). Le mais est de plus transporté dans son état le plus pondéreux: en épis
avec spathes à un taux d'humidité élevé (25 à 35%); ramené au kg de grain sec, le
transport revient à 1 3 F. La réalisation de deux cycles annuels (maïs puis haricot) permet
de minorer la charge de main d'oeuvre de préparation du champ, cette dernière étant
amortie sur les deux cultures.
Le coOt de production du mais, pour le rendement obtenu en 1 992 de 2,4 T/ha et
une marge brute par journée de travail familial de 750 F, est de 44 F/kg. Le tableau suivant
présente les coOts de production obtenus dans d'autres hypothèses de marge brute/jour et
de rendement (l'hypothèse 3 T/ha est forte en l'absence d'engrais).
. . . . . -- �
26
;.
27
On a évalué pour divers niveaux de rendements, les coOts de prod·uction et les
marges brutes par jour. Un prix au producteur de 40 F/kg parait bien un prix-plancher dans
les conditions de culture actuelles avec des rendements dépassant difficilement 3 T/ha.
large brute 0 19 15 17 13
en F/jour 500 45 35 32 24
750 57 45 39 30
1000 70 55 46 36
WGI IRUTI Pll JOUR Dl tllYAIL SILOI LI IDDDDT ' LI PIII DU DIS ur
leldeat T/ha 1,5 2 3 4
Pri1 h aais 25 109 260 277 526
u f/J.g 30 208 385 '48 738
35 307 510 618 951
40 405 635 789 1164
45 504 760 95g 1377
La méthode utilisée est toujours celle du budget de culture où l'on spécifie pour
chaque facteur de production, la charge afférente pour 1 ha de maïs; le coOt de production
par kg de maïs est e nsuite calculé en rapportant le coOt total/ha au rendement, selon
plusieurs hypothèses de rendement. La ventilation des postes de charges répond à la
distinction classique entre les consommations intermédiaires (intrants), la rémunération du
travail, du capital emprunté (frais financiers), de la terre, et enfin les amortissements. Le
coOt d'opportunité du capital propre de l'exploitant n'est pas pris en compte; quant au
travail, le recours aux salariés étant généralisé jusqu'aux tâches de gestion, il ne se pose
pas de problème de coût d'opportunité du travail de l'exploitant. Les coOts présentés sont
des coûts financiers qui s'apparentent à des coûts économiques dans la mesure où les
facteurs ne sont ni subventionnés, ni taxés (è l'exception peut être du carburant).
28
COUT DB PRODUCTION DU !!AIS BN CULTURE !OTORISEE
CHARGES en !il l iers de FCFA/ha
!IIEPIA Kounden Baba Agro-Ind ldop l!lISCl! Borongo Btats Unis
192 ha aais, 5,7 T/ha 150 ha aais 2000 ha aais ST/ha 7,3 T/ha
realise 1986 previsionnel 1992 realise 1992 1990
Seaences 25,9 15 13, 8
2 5 Kg/ha hybrides R90aSR 52
Engrais 32, 8 24, 5 27,2
200 Kg DAP+l50 Kg uree 250 Kg liPK
+50 Kg phosphate tri cal c. +100 lg nree
Chaulage 0 0 1,4
Herbicide 11, 7 12
15, 2
Insecti cide 2,9 0
Carburants , lubrifiants
pieces detachees 37, 7 70 18, 9
Sechage 9,8 0 7,5
COIISOl!l!ATIONS
IITBR!BDIAIRES 120 , 8 121 , 5 84, 1
Iain d 'oeuvre 32, 3 40 21,3
Frais generauz ) 0 18, l
) 16,6
Frais financiers ) 10 0 11,2
Terre 0 0 0 40, l
CRARGES D'BIPLOITATIOII 48, 9 50 90, 7
TOTAL BORS l!ORTISSE!ENT 169 , 7 171 , 5 220 , 8 1 74 , 8
4 42 43 55 61 81
Rendeaent aais en T/ha 5 34 34 44 49 65
6 28 29 37 29 u 54 33
7 24 25 32 25 35 47 28
29
Ces exploitations supportent des charges de motorisation (carburants-pièces
détachées, amortissement du matériel) très lourdes. Cela tient d'abord au prix élevé d'un
matériel qui doit être importé (le directeur de Kounden cite l'exemple d'une commande de
pièces détachées dont le prix hors-taxes est supérieur de 40 % à Douala par rapport au
niveau européen). L'importance du matériel de travaux publics nécessaire pour les
défrichements, l'entretien des pistes et des aménagements anti-érosifs, est également en
cause. Un sur-équipement peut enfin intervenir, pour se prémunir du risque de rupture de
stock mais aussi parfois du fait d'un investissement initial trop ambitieux. Cela semble être
le cas chez MAISCAM où les investissements réalisés pour l'aménagement des terres sont
mal rentabilisés; en effet seulement 63 % de la surface aménagée est mise en culture en
1 992.
Les postes d e charge occasionnant une sortie de devise sont: les semences, les
engrais, les produits phytosanitaires, les pièces détachées, les carburants, les salaires
d'expatriés, l'amortissement du matériel importé.
30
[.
La valeur de ce contenu en importation du maïs produit par MAISCAM ·est d'environ
1 50.000 F/ha soit 30 F/kg 1 1 • Avec un prix du maïs américain à l'importation de 45 F/kg
(CAF Douala en moyenne en 1 993 d' après des opérateurs bien informés), l'économie de
devise réalisée en ne recourant pas au maïs importé, apparait fai ble : seulement 1 5 F/kg . Si
l'on assi mile au coût en ressources internes 1 2 , le coût de production de MAISCAM (65
F/kg ) diminué du contenu en importation (30 F/kg ), on trouve un ratio coût en ressources
internes / économie de devise réalisée, de 35/1 5 soit 2,3. Ce résultat largement supérieur
à 1 est très défavorable à un investissement dans un système productif comme celui de
MAISCAM. Il signifie qu'il en coûte 2,3 fois plus en ressources internes, à produire du maïs,
que le bénéfice tiré du renoncement à l'importer (économie de devise ) .
2.4. 1 La Recherche
11 Les coefficients de contenu en importat ion des intrants sont tirés de l ' évaluat ion SEMRY - 1 9 8 3 -
actuali sée e n 1 9 9 2 .
engrais prod . phyto carburant pièces détachées
l d ' import 85 74 18 66
31
Plusieurs problèmes agronomiques cruciaux restent posés à la Recherche:
L'avenir de la recherche sur le maïs, comme pour l'ensemble des céréales, se trouve
gravement hypothéqué par l'arrêt prochain du projet NCRE. La Recherche nationale traverse
actuellement une crise aiguë, la majorité des stations étaient fermées au moment de la
mission par manque de financement.
C'est dans le Nord, terre d'élection des projets, que l'appui aux producteurs est le
plus important. On relève deux structures majeures: le Projet Nord-Est Bénoué (à
l'exceptionnelle longévité puisqu'il remonte à 1 973) et surtout la SODECOTON au large
champ d'intervention (conseil technique, approvisionnement en intrants, prestation de
travaux motorisés, équipement des exploitations en matériel de culture attelée, équipement
de groupements villageois en moulins, crédit agricole). Bien que la préoccupation centrale
de cette structure soit évidemment la promotion du coton, nous avons montré
précédemment que les résultats obtenus en matière de diffusion et d'intensification de la
maïsiculture sont considérables.
32
très faible efficacité est largement reconnue.
33
2.5 Conclusion: Les ressorts de la dynamique de la production
L'intensification est une nécessité dans la principale zone de production du maïs -les
hauts plateaux de l'Ouest- Les réserves foncières y sont pratiquement épuisées et les
possibilités d'émigration vers les zones aux terres abondantes sont limitées, la politique
suivie au Cameroun en matière de migrations internes et d'accès au foncier pour les
allogènes, étant très restrictive malgré la pénurie de main d'oeuvre qui sévit dans nombre
de régions (Sud, Est, Nord). L'intensification se heurte à un contexte économique et
institutionnel extrêmement dégradé: trésorerie des producteurs au plus bas, absence de
crédit agricole formel, augmentation du prix des intrants, dispositif public de vulgarisation
en déliquescence. Un élément toutefois positif est l'émergence de véritables coopératives,
la tutelle de l'Administration sur ces dernières venant d'être levée. Un transfert des
fonctions d'appui aux producteurs, aux coopératives pourrait être une solution dans l'Ouest
34
où l'organisation des coopératives est la plus solide.
Une intensification couplée à la motorisation ne peut s'avérer viable que dans des
conditions bien particulières: une production du maïs à un coût marginal (supportant
seulement les charges variables) dans des exploitations orientées vers des spéculations très
rémunératrices (produits maraîchers d'exportation); une production intégrée à une activité
aval (élevage de volaille, maïserie MAISCAM) et valorisée par un produit final moins soumis
à concurrence (volailles de qualité ou congelées, gritz à un prix administré) .
35
3. LA COMMERCIALISATION DU MAIS-GRAIN LOCAL
- une participation directe au marché par le biais de deux organismes -l' Office
Céréalier et la MIDEVIV-, dans un but de stabilisation des prix et de régulation de
l'approvisionnement des marchés urbains; l' Office céréalier étant en outre investi d'une
mission de sécurité alimentaire pour les provinces du Nord 1 3 • D'une très faible efficacité,
la MIDEVIV a d'abord suspendu son activité de collecte pour se concentrer sur la
production de semences, et est maintenant dissoute. L' Office céréalier a été maintenu mais
ne recevant plus aucune subvention, est actuellement inopérant.
Au delà de cette liberté officielle des échanges, un contrôle collectif des flux est
exercé par le biais des autorités coutumières dans les régions où ces dernières sont
particulièrement influentes. C'est le cas du Nord-Ouest avec les chefferies Banso et surtout
du Nord avec les lamidos Foulbé. Ces autorités traditionnelles peuvent interdire
l'exportation des produits vivriers de base de leur territoire si elles estiment qu'une pénurie
menace. Dans le Nord et en particulier dans la principale zone maïsicole - le Mayo Rey - les
interventions des chefs coutumiers concernent aussi la levée de taxes de marché et
l'exercice même du commerce vivrier. Dans certains cas des situations de véritable
monopole ont été instaurées, les chefs coutumiers imposant les prix et régentant le droit
13
Achats de mais par l ' Office Céréal ier en mil liers de tonnes
80/81 81/82 82/83 83/84 84/85 8 5/86 86/87 87 /88 88/89 8 9/ 9 0 90/91 91/92
36
de collecter. De telles pratiques auraient toutefois pratiquement disparu aujourd'hui compte
tenu de l'affaiblissement du pouvoir des lamibés.
Le maïs ne fait pas l'objet d'un commerce spécifique, il entre dans un négoce de
"grains" assez diversifié (céréales, haricot, arachide). Le degré de spécialisation d'un
collecteur ou grossiste tient à l'importance du maïs dans les systèmes de culture de sa zone
d'intervention. La relative diversité des produits traités répond au souci de répartir l'activité
commerciale dans l'année. Les productions vivrières (et leur mise en marché) ont en effet
une saisonnalité marquée, le maïs est notamment essentiellement collecté d'août à février.
14
Collecte de maie par la SODECOTON et les groupements encadrée AVP en tonnes
37
groupements de producteurs de maïs se lancent actuellement à l'image de ceux existants
pour le maraîchage, leur importance et leur pérennité restent à vérifier. C'est dans l'Ouest
que les projets les plus prometteurs sont annoncés; ainsi la Coopérative des Planteurs de
la Mifi doit s'engager pour la prochaine campagne dans la collecte du maïs. Elle bénéficie
de nombreux atouts: une grande expérience de la collecte; des moyens de transport et
stockage considérables et maintenant sous-utilisés avec la baisse de la collecte du café;
une situation financière excédentaire qui lui permet d'autofinancer un fonds de roulement
pour cette activité et un investissement dans des égreneuses (à hauteur de 25 millions de
FCFA); un débouché sur place avec la principale provenderie camerounaise (SPC à
Bafoussam). L'Union des Coopératives Agricoles du Littoral centrée sur le café, envisage
également de diversifier son activité vers le maïs, sa bonne implantation dans le Moungo
la place en position privilégiée pour approvisionner les provenderies de Douala.
Plusieurs types de circuits coexistent depuis les circuits directs producteurs -- >
consommateurs (échanges de proximité entre ruraux ou dans les villes secondaires),
jusqu'aux circuits longs approvisionnant les grandes villes (producteur -- > collecteur -- >
grossiste-expéditeur -- > demi-grossiste urbain -- > consommateur) en passant par les
circuits courts (producteur -- > collecteur -- > consommateur). Au delà de la distance entre
les deux opérateurs ultimes (producteur et consommateur), le volume et la régularité du
marché joue aussi sur la structuration du circuit, ce dernier se complexifiant avec
l'éloignement du lieu de consommation et l'accroissement de la demande.
Les intermédiaires du commerce peuvent être plus ou moins intégrés par des liens
financiers. Les grossistes détenteurs d'un capital conséquent peuvent s'attacher des
fournisseurs ou des clients en leur octroyant respectivement un crédit pour la collecte ou
une avance du produit. Dans ce cas, un réseau se constitue et le grossiste peut fixer un
barème de prix et exercer une influence déterminante sur le marché. Les liens avec les
producteurs sont généralement plus ténus, le maïs étant cédé au comptant.
Des différences importantes interviennent ici entre les deux principales zones
excédentaires en maïs, l'Ouest et le Nord. Dans le Nord, le commerce parait davantage
structuré en réseaux tandis qu' à l'Ouest, l'activité semble plutôt conduite de manière
indépendante. L'organisation en réseau peut être décriée pour son caractère anti
concurrentiel. Néanmoins elle présente aussi des avantages: une sécurisation de l'activité
des commerçants, une réduction du coût de distribution et une possibilité d'accélérer les
rotations du produit du fait de la confiance établie entre opérateurs . Les commerçants de
l'Ouest enquêtés font souvent allusion au manque de confiance qui règne entre opérateurs
indépendants et aux coûts que cela engendre: vérification de la qualité et quantité du
produit, rupture de stock par non respect des contrats.
38
F/kg de septembre 1 987 è avril 1 989 dans la série de la Direction de la Statistique).
Les séries de prix les plus fiables disponibles sont celles du Projet post-récolte FAO relatives
aux marchés du Nord-Ouest et celles de l'Office Céréalier sur le Nord.
50 JAN. FEV. MAR. AVR. MAI JUIN JUIL AOUT SEPT. OCT. NOV. DEC.
50
4
0 JAN. FEV. MAR. AVR. MAI JUIN JUIL AOUT SEPT. OCT. NOV. DEC.
39
Les deux premières régions pourvoyeuses de maïs du Cameroun -le Nord Ouest et
le Nord- connaissent des variations de prix au profil bien différencié (certes ces courbes de
prix ne se rapportent pas au même stade de commercialisation, néanmoins les différences
sont significatives) .
40
L'importance du coOt de la collecte primaire est remarquable. A l'Ouest le coOt du
transport du producteur au centre d'expédition (pour les principaux -Bafoussam et Mbouda
la collecte s'opère dans un rayon de 40 km) est généralement supérieur à celui du transport
en gros sur Douala (260 km). Cela tient essentiellement à la faiblesse des quantités mises
en marché par les producteurs (la production est essentiellement auto consommée et la mise
en marché est individuelle) et au mauvais état des pistes pendant la saison principale de
collecte du m aïs (cette dernière intervient en saison des pluies).
Un indicateur global d'efficacité aisé à dégager est le rapport "Prix à l'utilisateur final
/ Prix à la production" qui permet de cerner la part du prix final captée par la fonction
commerciale. Pour l'approvisionnement des provenderies ou des consommateurs de Douala
ou Yaoundé en gros (achat au sac), ce ratio est d'après nos enquêtes concentré dans
l'intervalle 1 ,5 - 2 . La commercialisation sur circuit de longue distance, représenterait donc
33 à 50 % du prix final (le reste allant au producteur). Nous ne sommes pas en mesure de
faire un rapprochement avec une norme de pleine efficacité, mais subjectivement ce ratio
ne parait pas trop élevé, ce qui tendrait à signifier que le marché du maïs est bien soumis
à concurrence. La décomposition de ce coût de commercialisation met en évidence les
contraintes fortes qui pèsent sur la commercialisation.
Les pertes au stockage ne sont pas mentionnées par les grossistes enquêtés comme
une contrainte importante. Les grossistes achètent le maïs déjà sec et rechercheraient pour
la plupart, du moins à l'Ouest, une rotation rapide de leur stock (cet aspect n'a toutefois
pas pu être sérieusement appréhendé par la mission). Pourtant la forte amplitude des
variations saisonnières de prix (à l'exception du Nord) nous rappelle que le stockage est un
problème important.
42
En fait, les pertes au stockage sont supportées par les producteurs. Elles sont liées
à des méthodes de séchage et conservation (par le feu des cuisines) peu efficaces à partir
d'un niveau élevé de production. De nouvelles techniques de séchage doivent être
largement diffusées, au delà du crib qui connaît un succès limité. Un transfert de la fonction
de séchage à d'autres opérateurs que les producteurs individuels (commerçants,
organisations de producteurs), sera nécessaire pour passer à de nouvelles techniques
permettant de réaliser des économies d'échelle. Les techniques peu capitalistiques doivent
être privilégiées compte tenu des fortes contraintes de financement des opérateurs et de
la nécessité d'une maîtrise locale pour réduire les coûts. L'échec de l'expérience de West
corn à Foumban (qui laisse 2 silos et un séchoir à gaz inutilisés) milite en faveur
d'équipements de taille modeste.
Le niveau de risque pour les commerçants de l'Ouest serait assez élevé compte tenu
du grand nombre d'opérateurs sur le marché agissant apparemment sans véritable
coordination par entente. La réticence des grossistes à investir les fonctions de séchage et
stockage (la rotation des stocks est déclarée rapide) tient d'une part à la faiblesse du
capital mais surtout semble t_il à l'importance du risque. Un dispositif d'information sur les
marchés (prix, quantités disponibles) pourrait contribuer à réduire ce risque et par
conséquent la prime que doivent probablement prélever les commerçants pour rémunérer
leur prise de risque. Les bénéfices d'un tel dispositif iraient toutefois moins aux
commerçants qu'aux producteurs grandement sous-informés.
43
4. LES UTILISATIONS DU MAIS ET LES MODES D'APPROVISIONNEMENT DES
UTILISATEURS
4. 1 La consommation humaine
Si le maïs est un produit alimentaire de base dans plusieurs régions (Ouest, Nord
Ouest, Adamaoua et Nord), les formes sous lesquelles il est consommé sont toutefois peu
variées. Ce sont:
44
15
de revenu •
Le maïs ne jouit pas d'une image de marque spécifique associée à des valeurs
positives. L'enquête de Garoua relève que les consommateurs ne manifestent pas le désir
d'augmenter leur consommation de maïs; leurs préférences en matière de diversification
alimentaire portent dans l'ordre sur le sorgho (certaines variétés), les tubercules et le riz.
On peut donc supposer que c'est le facteur prix qui intervient fortement dans le choix des
consommateurs pour le maïs. Il s'agit en effet de la source de calorie la moins chère avec
le manioc en zone forestière et le mil-sorgho en savane 1 6 • Avec la sévère baisse du
pouvoir d'achat dans le pays, l'influence du facteur prix devrait être renforcée et on peut
logiquement s'attendre à regain d'intérêt des consommateurs pour un produit nutritif et bon
marché comme le maïs.
Le pain et les beignets occupent également une grande place dans un mode de
consommation de plus en plus répandu avec l'urbanisation: la restauration à l'extérieur du
domicile (le plus souvent dans la rue). L'enquête de Garoua a trouvé que le pain constituait
,. Fréquences d ' apparition des produits dans les bases ( du midi &soir) consommées à Garoua
selon le niveau de vie en \
Pauvres Moyens Riches
mil - sorgho 57 50 41
mais 13 12 9
riz 26 28 25
blé & pâtes 0 2 6
tubercules & racines 3 9 20
100 100 100
source : Enquête IRA-CIRAD ( j ui llet 1 9 8 9 ) auprès d ' un échanti l l on de 1 0 0 ménages avec relevé des plats
pris sur 2 j ours
45
la base de 32 % des plats (du midi et du soir) pris à l'extérieur et les beignets 23 %, le
maïs étant pratiquement absent.
Dans les repas du midi et du soir pris à domicile (soit l'essentiel de la consommation)
le pain ne réalise pas de percée mais le riz connaît une large diffusion. Cette dernière
semble freinée par des facteurs économiques (prix et revenu); ainsi à Garoua les ménages
des classes "pauvres" et "moyennes" étaient ceux qui souhaitaient le plus augmenter leur
consommation de riz. L'avantage du maïs en matière de prix serait donc bien décisif dans
le choix des consommateurs. La facilité de préparation du riz par rapport au couscous de
maïs n'apparait pas curieusement comme un facteur clé de substitution. En effet dans
l'enquête de Ngaoundéré, ce facteur n'est cité comme important que par 1 2% des
consommateurs; les premiers critères pris en compte par les consommateurs étant les
caractères nourrissant et appétissant.
Deux types de mouture sont pratiqués: Dans la partie méridionale du pays intervient
généralement un broyage direct du grain, la farine est ensuite nettoyée par trempage et
tamisage. Il s'agit en fait d'un mélange de farine, son et germe, riche en lipides donc qui
présente l'inconvénient de rancir après un ou deux jours. L'avantage du broyage direct en
revanche, est que le coût de la mouture est moindre, il n'y a qu'une seule opération et les
pertes de produit sont négligeables. A Yaoundé c'est le type de mouture pratiqué, à partir
quasi-exclusivement de moulins à meules polyvalents utilisés aussi pour le manioc et le riz.
La mouture coûte 1 5 à 20 F/kg de farine.
Dans le Nord, certaines ethnies (Foulbés) préfèrent une farine pure et blanche et un
décorticage préalable à la mouture est alors réalisé. Le matériel utilisé est surtout le moulin
à marteaux fabriqué localement. Les moulins à meule se sont avérés peu adaptés car la
grande dureté du maïs provoque une usure rapide des meules. Le décorticage pose
problème car il nécessite en principe un trempage des grains, or les moulins à marteaux
fonctionnent par voie sèche. Il en résulte de mauvais rendements à la transformation. De
nouvelles techniques de transformation plus efficaces restent à explorer. La conservation
de la farine obtenue après décorticage est possible jusqu'à deux semaines. Le coût de la
transformation à Garoua est de 20 à 30 F/kg et atteint jusqu'à 50 F en milieu rural où
l'énergie n'est pas électrique mais combustible.
La mouture des grains demeure maîtrisée par les consommateurs pour des raisons
de prix de revient et de qualité du produit. Avec la chute de leur pouvoir d'achat, les
consommateurs paraissent moins que jamais prêts à accepter un prix plus élevé pour un
produit fini qui leur apporterait une économie de temps; le coût d'opportunité du travail en
milieu urbain comme rural est rappelons_le, au plus bas dans le contexte de crise actuel.
46
Au delà du facteur prix, les ménagères ont souvent des exigences précises de
qualité (granulométrie, couleur, degré de fermentation de la farine) qui justifient leur souhait
de contrôler les conditions de la mouture.
Une farine industrielle est tout de même diffusée, celle issue de la maïserie
MAISCAM. La maïserie étant orientée vers la fabrication de gritz de brasserie, la farine
con�titue en fait un sous-produit. MAISCAM éprouve des difficulté à écouler les 6000 à
7000 T produites annuellement pour les raisons de qualité évoquées précédemment, la
diversité des préférences selon la région ou l'ethnie étant une contrainte majeure. Fine et
bien blanche, cette farine est surtout adaptée au goût des populations islamisées du Nord.
L'absence de goût fermenté et la plus faible valeur nutritive du fait de l'extraction complète
du germe et du son, la mauvaise texture de la boule issue de cette farine sont les reproches
les plus souvent adressés par les consommateurs.
47
sociétés: SPC, EPA et NUTRICAM. Les autres sont toutefois en croissance rapide,
exploitant probablement l'espace laissé vacant par le démantèlement de l'organisme public
ONDAPB. Sur le marché du maïs, ces trois premières provenderies pèsent un poids très
lourd; leurs besoins respectifs en 1992-93 se situent autour de 12.000 T, 10.000 T et
7000 T. Il en résulte une structure de marché oligopsonique, les grossistes fournisseurs
étant semble-t-il rarement capables de financer plus de quelques centaines de tonnes. Ce
qui place les provenderies en situation de force pour fixer le prix, mais aussi en situation
d'incertitude.
17
Le maïs représente 60 à 70 % de l'aliment pour volaille selon le type d'élevage
et le stade des volailles (la gamme compte cinq formules d'aliments 1 8 ) .
17
Compos i t ion des aliments pour volaille à l ' ONDAPB en t
mais tourteau de coton son coquillage Concentré minéraux &vitamines
Poulet de chair 67 23 10
Pondeuse 60 14 10 8 8
18
Types d ' al iments pour volaille
S tade Consommation Prix de détail Douala
en semaines en kg/ sujet en F/kg 1 9 9 2 / 9 3
Poulet de chair démarrage 0-4 1,5 148
Poulet de chair finition 5-7 3 138
Début ponte 0-10 2,5 128
Poulette ponte 11-21 5,3 113
Pondeuse 22-80 42 , 2 123
source : Batimba 1 9 9 2
48
4.2.2 Les conditions de l'approvisionnement en maïs des provenderies industrielles
Les provenderies n'ont pas établi jusqu'à présent de véritable planification de leurs
achats de maïs avec une contractualisation des rapports aux fournisseurs, fixant pour
l'ensemble d'une campagne des engagements réciproques de prix et de quantités. Elles
s'accommodant d'un approvisionnement ponctuel avec négociation permanente des prix;
tout au plus délivrent-elles des bons de commande après un premier achat à un grossiste
pour entretenir le cycle de livraison de ce dernier. Elles sont donc soumises aux conditions
de prix du marché: les achats débutent en octobre lorsque le maïs est déjà sec (descendu
à 14% d'humidité), au prix de 45_50 F/kg, et se raréfient à partir de mai lorsque le maïs
peut dépasser 75 F/kg. Les raisons invoquées à cette absence de contractualisation de
l'approvisionnement sont:
. l'absence d'opérateurs pouvant s'engager sur plusieurs centaines de tonnes;
. le manque de confiance dans les fournisseurs suspectés d'avoir des
comportements spéculatifs et versatiles;
. un coût acceptable, sauf en cas d'accident sur le marché comme ce fut le cas en
1 992 avec un prix du maïs dépassant les 90 F/kg dès janvier.
49
Au delà de la protection tarifaire, les importations de maïs par les provenderies sont
réglementées selon un système de restriction quantitative. Elles sont soumises à
autorisation préalable du Ministère de I' Agriculture et du Ministère du Commerce, octroyée
en fonction de l'appréciation de l'état du marché local. Une restriction supplémentaire est
introduite: la demande d'importation est subordonnée à la présentation d'un "certificat de
carence" délivré par MAISCAM attestant que MAISCAM n'est pas en mesure de fournir des
produits à base de maïs. Ce certificat aurait constitué une véritable barrière à l'importation
dans le passé, MAISCAM disposant en abondance de sous-produits du gritz difficiles à
valoriser. En 1992, les provenderies ont obtenu gain de cause du fait de la tension sur le
marché local et du recours massif de MAISCAM lui-même aux importations de maïs.
Au delà du facteur"prix", les importations des provenderies sont motivées par les
facilités de paiement octroyées par les fournisseurs étrangers. En revanche les aspects de
qualité du maïs ne jouent guère. Les provendiers ne déclarent pas avoir été confrontés au
problème des aflatoxines. Leurs griefs à l'égard du maïs local portent sur la présence
fréquente de charançons et la prépondérance du maïs blanc sur le jaune. Ces problèmes
apparaissent mineurs, la coloration du maïs blanc à l'aide de carophyl est peu onéreuse et
l'emploi de produits naturels locaux pourrait encore réduire ce coût.
4.3 La brasserie
Cette sous-filière met aux prises deux opérateurs: S.A. des Brasseries du Cameroun
(et sa filiale International Brasserie) appartenant au groupe français Castel, et MAISCAM
détenu à hauteur de 70% par le groupe Abbo et 30% par deux organismes publics (SNI et
CNPS).
La péréquation sur le gritz n'a toutefois jamais été appliquée; elle a été ramenée à
zéro suite à la passation d'un contrat pour 5 ans, entre SABC et MAISCAM. Selon les
termes de ce dernier, SABC doit s'approvisionner en gritz à hauteur de 70% auprès de
MAISCAM au prix de 206 F/kg (rendu gare de Ngaoundéré), les 30 % restants pouvant être
importés en franchise de péréquation soit actuellement à un prix CAF de 84 F/kg (109 F
rendu magasin à Douala). Avec cet accord, on est en fait passé à "un dispositif de contrôle
50
des importations de type "jumelage" .
MAISCAM dispose selon toute vraisem blance d'une certaine latitude pour baisser
le prix du gritz. Le coût de production du maïs de sa ferme est estimé à 65 F/kg
(amortissements compris mais hors frais financiers) selon des sources dignes de foi; l'achat
de maïs local peut également revenir à ce prix de 65 F/kg . Le différentiel e ntre le prix de
vente pondéré des produits MAISCAM 19 ( 1 20 F/kg) et le coOt d'approvisionnement en
maïs (65F/kg) est de 5 5 F/kg ce qui doit laisser une marge, déduction faite des charges de
transformation, confortable. A titre indicatif, les maïseries françaises, dont l'activité n'est
pas subventionnée, achètent en 1 992/93 le maïs-grain à 5 8 F/kg et vendent le gritz à 1 00
F/kg (dans le cas d'un contrat portant sur des quantités équivalentes à celles traitées par
MAISCAM, les économies d'échelle étant très i mportantes) . Il faut toutefois noter que
MAISCAM obtient un taux d'extraction de gritz plus faible (autour de 47 % ) du fait d'un
procédé de transformation par voie sèche, les maïseries françaises étant à 5 6 % avec un
procédé par voie humide.
19
Produits iaaua de la maiaerie MAISCAM
Proportion en 1 Prix en F/kg
gritz 46 2 06
farine alimentaire 23 50
farine zootechnique 13 20
tourteaux 15 40
huile raffin�e 1,2 400
51
4.3.2 L'approvisionnement en maïs de MAISCAM
La faiblesse des achats de maïs local est notable. Les importations n'apparaissent
pas conjoncturelles mais bien structurelles couvrant plus de 40 % des besoins. Ces
importations ont généralement pour origine les Etats-Unis.
Deux facteurs conduisent MAISCAM à préférer les importations aux achats de maïs
local: le défaut d'organisation de la filière locale et des problèmes de trésorerie.
Prix et qualité n'apparaissent pas en revanche comme des facteurs du choix pour
l'importation.
52
Le maïs local revient à 60-65 F/kg rendu à l'usine de Borongo (le contrat avec le
Projet NEB est à 55 F/kg départ Garoua + 5,5 F de transport). Le coût du maïs importé
serait sensiblement supérieur, se situant entre 65 et 76 F/kg. Ce coût se décompose de la
façon suivante:
Prix CAF Douala 40 à 50 F/kg
Transitaire, débarquement, ensachage 8
Droits de douane 6 à 7, 5
Transport & manutention Port-Gare Douala 1 ,6
Transport par train Douala-Ngaoundéré 7, 5
Transport Ngaoundéré-Borongo 1 ,5
Prix de revient Borongo 65 à 76
Au niveau de la qualité, le maïs local donne satisfaction. Pour le principal critère -le
taux d'extraction de gritz- le maïs local serait même supérieur au maïs importé. Le climat
sec du Nord est en outre propice à un séchage naturel du grain en amont. MAISCAM
déclare par contre, enregistrer des pertes par freinte avec le maïs importé (jusqu'à 5%).
Le fait que la trésorerie de MAISCAM ne soit pas disponible pour acheter du maïs
local est finalement coûteux pour la société elle-même et surtout pour la collectivité
camerounaise dans son ensemble. En retenant un niveau d'importations structurelles de
12.000 T ( les 17 .000 T de 1991/92 étant un niveau record peut être exceptionnel), et des
prix moyens de 70 F/kg pour le maïs importé (rendu usine) et 6 3 F pour le maïs local, la
perte encourue par MAISCAM s'élève à 84 millions de F. Le manque à gagner des
producteurs (en considérant un prix de 45 F/kg) atteint quant à lui, 540 millions de F. Le
solde pour les opérateurs intermédiaires est quasiment nul, le bénéfice tiré par les
intermédiaires du circuit d'importation (transitaire, Régie de chemin de fer . . . ) équilibrant le
manque à gagner des intermédiaires du circuit local (grossistes ou groupements de
producteurs, transporteurs).
D'une part en considérant que les seules régions Nord et Adamaoua répondent à la
demande de MAISCAM, l'accroissement de production nécessaire (12.000 T) ne représente
que 12 % de la production existante.
D'autre part la rémunération apportée aux agents parait motivante. Nous avons vu
précédemment qu'un prix au producteur de 45 F/kg (réaliste compte tenu d'un coût
d'intermédiation confortable de 15 à 20 F/kg) apporte une marge brute de 750 à 1000
F/jour. A ce niveau de marge, la maïsiculture se présente certainement comme l'une des
meilleures opportunités d'activité au Nord, le coton, principale alternative étant loin derrière
avec une marge brute de 500 à 600 F/jour.
53
4.4 Conclusion: Les perspectives d'évolution de la demande de· maïs et les
contraintes à l'utilisation de maïs local
La sévère baisse du pouvoir d'achat des ménages a sans aucun doute des effets
importants sur la structure de la consommation alimentaire, du moins en ville. Il est fort
probable que la récession économique stimule la consom mation de maïs. Le maïs est en
effet un produit nutritif et bon marché vraisemblablement partiellement substitué aux
sources de calories plus appréciées mais chères (banane plantain, macabo, sorgho
mouskwari). Le riz constitue le principal produit concurrent et le rapport des prix à la
consommation entre maïs et riz apparait un facteur clé. On peut raisonnablement tabler sur
une progression de la demande de maïs pour l'alimentation humaine sensiblement
supérieure à la croissance démographique, dans le contexte actuel de crise.
Si l'on raisonne sur la seule consommation donnant lieu à dépense monétaire (le
marché stricto sensu), la tendance d'évolution est moins claire. Il faut d'abord rappeler que
ce marché ne représente qu'une faible part de la demande pour l'alimentation humaine
(peut être moins de 25%). La chute des revenus des ménages contribue à renforcer le
recours à une production domestique pour s'alimenter, en milieu rural bien sur (c'est
particulièrement net dans des zones autrefois spécialisées dans les cultures d'exportation,
comme le Moungo où la demande locale de vivriers chute) mais également en ville où
d'importants espaces restent occupés par l'agriculture. Parmi les facteurs qui vont au
contraire jouer en faveur d'un accroissement de ce marché se trouvent:
- la croissance démographique en ville: cette dernière reste forte sous le simple effet
du croit naturel de la population. Le solde migratoire est en revanche incertain. Il est admis
que le mouvement d'urbanisation du pays s'est ralenti depuis 1 987 avec la crise
économique et la raréfaction des opportunités d'emplois en ville.
- la substitution du maïs aux aliments "chers". Cette dernière reste toutefois à
confirmer.
54
L'évolution de la demande en maïs est évidemment liée à celle de la demande finale
en produits avicoles. Les professionnels des filières d'élevage intensif enregistrent
globalement une baisse d'activité depuis 1 990, la crise les aurait donc affecté plus
tardivement que d'autres secteurs. L'application effective d'une restriction des importations
de volaille à la fin des années 1 980 aurait même permis un maintien de la croissance de
l'activité à contre-conjoncture jusqu'en 1 990. La baisse considérable des prix des produits
avicoles (de 1 991 à 1 993 les prix moyens sont passés pour le poulet de 650 à 500 F/kg
vif et pour l'oeuf de 30 à 22 F/unité) a entraîné la faillite de nombreux petits élevages et
ne semble pas avoir entraîné une reprise de la consommation. Le marché de l'oeuf devrait
pourtant redevenir porteur car l'oeuf constitue la source de protéine animale la moins chère
et des substitutions devraient s'opérer au détriment des viandes. Ainsi, il parait
vraisemblable que le marché du maïs pour la provenderie renoue avec la croissance à brève
échéance.
55
5. CONCLUSION GENERALE
- une grande abondance de ressources en terre dans des zones aux conditions agro
climatiques adaptées à une maïsiculture productive: il s'agit principalement des
départements du Maya-Rey, du Mbam et du Noun.
- un coût d'opportunité du travail en milieu rural descendu à un bas niveau (500
F/jour dans la plus grande partie du pays); et de façon fréquente, une main d'oeuvre sous
employée donc susceptible de s'investir dans la maïsiculture. Le maïs est en effet répandu
dans l'ensemble du pays et sa culture est connue de la plupart des ruraux.
- un coût de production du maïs dans les structures paysannes, compétitif vis à vis
du maïs importé, précisément du fait du bas coût de la main d'oeuvre .
- une large gamme de variétés de maïs améliorées, disponible suite à l'important
effort de recherche réalisé au cours des 20 dernières années. Cet investissement dans la
sélection reste à valoriser par une diffusion effective des semences.
- l'existence d'une industrie du maïs techniquement au point (cas rarissime en
Afrique francophone) et pouvant satisfaire une demande particulière en produits de qualité
(gritz, farine stabilisée) .
Du coté d e la demande, on peut penser que l e marché d u maïs devrait rester porteur
malgré la forte récession générale. Le maïs constitue d'abord un aliment de base pour une
grande partie de la population (populations de l'Ouest, du Nord-Ouest, du Nord). Sa
diffusion dans l'ensemble de la population devrait être facilitée, d'une part, par la tendance
des consom mateurs notamment urbains à rechercher une diversification de leur
alimentation. D'autre part, par le fait que le maïs constitue une des sources de calorie la
moins chère, élément décisif en période de récession. Le maïs entre par ailleurs comme
matière première principale dans l'alimentation des volailles. Compte tenu de la forte
aspiration des consommateurs à augmenter leur ration de protéines animales (le niveau
actuel de consommation de produits avicoles est très faible) on peut s'attendre au maintien
du dynamisme du secteur avicole .
L'existence d'un flux structurel de maïs importé qui, de surcroît suit une tendance
à la hausse, révèle une défaillance de la filière locale. En 1 992, les importations de maïs
grain ont entraîné une perte de devises, et en corollaire un manque à gagner pour les
producteurs et commerçants d'environ 1 , 2 milliard de F. Cette défaillance tient à un
problème d'organisation et au manque d'efficacité des fonctions de séchage et stockage.
Les industriels sont confrontés à une offre très atomisée et de ce fait, relativement
incertaine. Ils ne souhaitent pas s'investir dans les activités de collecte ou même supporter
les charges inhérentes à un approvisionnement par petits lots de qualité hétérogène . Par
ailleurs les banques ne sont pas disposées à financer des crédits de campagne en l'absence
de certitude sur la disponibilité du produit. Le négoce du maïs apparait peu attractif pour
les détenteurs de capitaux en raison des risques encourus. La structure du marché - une
production représentant 3 à 4 fois la demande " marchande "- contribue en effet selon toute
vraisemblance, à renforcer l'instabilité des prix.
56
Un nouveau type d'opérateur pourrait prendre en charge cette centralisation de
l'approvisionnement des industriels, il s'agit des organisations de producteurs qui
recherchent actuellement une diversification de leurs activités par rapport au café dans
l'Ouest, et au coton dans le Nord. Le succès de l'expérience d'approvisionnement de
MAISCAM par les groupements villageois du Projet NEB montre le réalisme d'une telle
formule.
57
BIBLIOGRAPHIE
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conséquences sur les exploitations agricoles. Les cahiers de la
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Zangue Cheuka JB., Kenfack P., 1 992: Fiche technique de la culture du maïs en zone de
forêt. I RA/ SODECAO.
60
LISTE DES SIGLES
CAPP Cameroon Agricultural Policy & Planning (Projet USAID à la DEAPA du MINAGRI)
CIRAD Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le
Développement
DEAPA Direction des Enquêtes Agro-économiques et de la Planification Agricole
ENSIAAC Ecole Nationale Supérieure des Industries Agro-Alimentaires du Cameroun
EPA Elevage Promotion Afrique
F Franc CFA
FAC Fonds d' Aide et de Coopération
FAO Food & Agriculture Organization
FED Fonds Européen de Développement
IITA I nternational lnstitute for Tropical Agriculture
IRA Institut de la Recherche Agronomique
MAISCAM Société de Culture et de Transformation du Mais au Cameroun
MIDENO M ission de Développement du Nord-Ouest
MIDEVIV Mission de Développement des Vivriers
MINAGRI Ministère de I' Agriculture
M INEPIA Ministère de !' Elevage, des Pêches et des Industries Animales
NCRE National Cereals Research and Extension (Projet USAID à l'IRA)
NEB Nord-Est Bénoué (Projet régional de développement rural du FED)
ONDAPB Office National de Développement de I' Aviculture et du Petit Bétail
OSISCA Observatoire Sur l'innovation Sociale et la crise au Cameroun
PAM Programme Alimentaire Mondial
PDRPO Projet de Développement Régional de la Province de l'Ouest
REGIFERCAM Régie des Chemins de fer du Cameroun
SABC Société Anonyme des Brasseries du Cameroun
SATEC Société d' Aide Technique et de Coopération
SCTC Société Camerounaise de Transformation de Céréales
SNI Société Nationale d'investissement
SOCASEM Société Camerounaise de Semences
SODECAO Société de Développement du Cacao
SODE COTON Société de Développement du Cotonnier
SOFAL Société de la Ferme Avicole du Littoral
UCB Union Camerounaise de Brasserie
UCCAO Union des Coopératives de Café Arabica de l'Ouest
UNVDA Upper Noun Valley Development Authority
USAID United States Agency for International Development
61
Documents de travail en économie des filières
Déjà parus
1. BENZ H., MENDEZ DEL VILLAR P. Le marché international du riz. Facteurs d'instabilité et
politiques des exportateurs. Avril 1993.
2. FREUD C., HANAK FREUD E. Les cafés robusta africains : peuvent-ils encore être compétitifs ?
Août 1993. Article à paraître.
3. GouvoN A., SuPRIONO A. De la forêt à hévéas aux usines d'Akron : une production
paysanne pour un marché industriel. Avril 1993.
4. LEPLAIDEUR A. Innovations récentes dans les réseaux commerciaux et de transformation du
riz à Madagascar. Résultat d'une enquête 1991 dans la filière sur Antananarivo, Antsirabé,
lac Alaotra. Septembre 1933.
5. MOUSTIER P. Etat d'avancement du programme Filmar, phase Ill (CIRAD-CNAgricongo).
Octobre 1993.
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