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Documents de travail en économie des filières

N° 6

La filière maïs au Cameroun


Quelles perspectives
de développement de la production
de maïs
Contribution à l'étude FAC-CAPP/USAI D

___________________________________
Jean-Louis Fusi 11 ier

Centre de coopération internationale


en recherche agronomique pour le développement
Unité de Recherche
Economie
°
des Filières
N 6

LA FILIÈRE MAIS AU CAMEROUN

QUELLES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT


DE LA PRODUCTION DE MAÏS ?

Contribution à l'étude FAC-CAPP/USAID

Octobre 1993
Jean-Louis FUSILLIER

DEPARTEMENT DES CULTURES ANNUELLES

---
Unité de Recherche
Economie
°
des Filières
N 6

LA FILIÈRE MAIS AU CAMEROUN

QUELLES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT


DE LA PRODUCTION DE MAÏS ?

Contribution à l'étude FAC-CAPP/USAID

Octobre 1993
Jean-Louis FUSILLIER

DEPARTEMENT DES CULTURES ANNUELLES


AVANT PROPOS

Ce document reprend l'une des contributions à l'étude-diagnostic de la filière maïs


au Cameroun réalisée pour le Ministère de I'Agriculture du Cameroun et financée par le FAC
et le projet CAPP de l'USAID. L'équipe mobilisée pour cette étude était composée de MM.
S.CONTE de l'USAID, L.ILOGA de l'Office céréalier, T.NKOUENKEU et P.VOUFO du
Ministère de I' Agricuture, et JL.FUSILLIER du CIRAD. L'orientation de l'étude était
résolument opérationnelle; il s'agissait à partir d'une identification des problèmes de
fonctionnement de la filière maïs, de formuler aux pouvoirs publics des propositions
d'amélioration dans la perspective de la mise en oeuvre de mesures de promotion de la
production de maïs. Cette étude devait également constituer une occasion d'amener des
partenaires commerciaux de la filière à engager une concertation collective sur la base
d'une information mise en commun.

Notre propos est ici seulement d'ordre analytique, la partie "recommandations" est
issue d'une réflexion commune et le lecteur intéressé pourra se reporter au rapport
d'ensemble: "Analyse économique de la filière maïs au Cameroun (Août 1993)".
RESUME

Cette étude s'inscrit dans une réflexion des pouvoirs publics sur les possibilités de
diversification de l'activité des producteurs agricoles confrontés à une crise profonde - la
chute des prix du cacao, café, et coton, produits de rente traditionnels, et le
désengagement de l'Etat en matière d'appui à l'agriculture -. Le maïs, avec une production
actuelle de l'ordre de 550.000 T, figure parmi les principaux produits vivriers et l'on
s'interroge ici sur les perspectives de développement de son marché.

L'examen de la question de la substitution de maïs local au maïs importé a été


privilégié; c'est en effet d'une telle substitution que l'on peut attendre les plus intéressantes
perspectives d'élargissement des débouchés à court terme. Le Cameroun a importé en
1992, 25.000 T de maïs-grain destiné à la maïserie MAISCAM et aux provenderies, et
4000 T de gritz de maïs pour la brasserie. Ces importations représentent une perte de
devises et un manque à gagner pour les producteurs et commerçants de 1,5 milliard de
FCFA. Le déficit en maïs-grain se creuse depuis la fin des années 1980 malgré une
législation restrictive pour les importations. On pourrait d'ailleurs s'attendre à un niveau
d'importation encore plus élevé en l'absence des mesures protectionnistes en vigueur.

La préférence des industriels pour les importations tient à un manque d'organisation


de l'approvisionnement local et à une défaillance des fonctions de séchage et stockage. Le
maïs est produit à un coût compétitif vis à vis du maïs importé, dans les systèmes paysans
à faibles intrants, du fait du bas coût d'opportunité de la main d'oeuvre (ce dernier s'est
effondré avec les prix des produits d'exportation). Pour le critère de qualité, le maïs du Nord
répond pleinement aux exigences de la maïserie MAISCAM. Le maïs de l'Ouest que
reçoivent les provenderies est en revanche confronté à des problèmes de séchage qui
altèrent sa qualité mais la fabrication de provende peut s'accomoder d'une qualité inférieure
(les aflatoxines n'étant pas rencontrées). Le fractionnement excessif des livraisons avec
comme corollaire leur incertitude, la quasi impossibilité de recourir au crédit bancaire pour
financer les achats locaux, et la montée saisonnière du prix du maïs à l'Ouest, sont les
problèmes fondamentaux auxquels se heurtent les industriels.

Les risques encourus sur le marché du maïs (défaillance de fournisseurs, variations


brutales de prix) ont sans doute découragé d'éventuels opérateurs à investir lourdement
dans le négoce et stockage du maïs. L'entrée dans la filière d'organisations de producteurs
de l'Ouest et du Nord, à la recherche d'une diversification de leurs activités de collecte,
devrait contribuer à stabiliser l'approvisionnement des industriels.
SOMMAIRE

INTRODUCTION: CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE.................................... ...2

1. APERCU QUANTITATIF DES FLUX DE MAIS AU CAMEROUN.................................... ... 4

1.1 L'offre de maïs: Production et Importation........................................................ ...4


1.2 Une demande de maïs diversifiée: Alimentation humaine, animale et brasserie
1.2.1 La consommation humaine................................................................ ... 6
1.2.2 L'alimentation animale................................................................... ...6
1.2.3 La brasserie................................................................................. . ..7
1.2.4 Les autres utilisations de produits à base de maïs.................................... ...7
1.2.5 Les exportations............................................................................ ...7
1.3 Récapitulatif: Bilan ressources/ emplois du maïs au Cameroun et schéma de la filière.... ...8
1.4 Les flux de maïs internes au Cameroun.................................................................. ..11

2. LES CONDITIONS DE LA PRODUCTION DE MAIS................................... .' ................... ..13

2.1 Le maïs dans les systèmes de culture......................................................... ..13


2.2 Structures de production et techniques employées en maïsiculture............................. .. 18
2.2.1 Les exploitations paysannes............................................................. ..19
2.2.2 Les exploitations agro-industrielles................................................... ..23
2.3 CoOts de production du maïs et valorisation du travail en maïsiculture
2.3.1 CoOt de production en culture manuelle à l'Ouest.................................... ..24
2.3.2 CoOt de production en culture attelée au Nord........................................... ..27
2.3.3 CoOt de production en culture motorisée................................................. ..28
2.4 L'environnement amont de la production
2.4.1 La Recherche.................................................................................. ..31
2.4.2 La Vulgarisation et l'approvisionnement en intrants................................ ..32
2.5 Conclusion: Les ressorts de la dynamique de la production...................................... ..34

3. LA COMMERCIALISATION DU MAIS-GRAIN LOCAL................................................... ..36

3.1 Le cadre institutionnel : une régulation marchande........................................... ..36


3.2 Les intermédiaires du commerce, fonctions assurées et pratiques commerciales........... ..37
3.3 Prix, coOts et marges de commercialisation................................................... ..38
3.3.1 Les variations saisonnières de prix..................................................... ..39
3.3.2 Différences de prix dans l'espace et coOts de transport.......................... ..40
3.3.3 CoOts et marges des commerçants.................................................. ..41
3.4 Conclusion: Les contraintes à la commercialisation........................................... ..42

4. LES UTILISATIONS DU MAIS ET LES MODES D'APPROVISIONNEMENT DES UTILISATEURS..44

4. 1 La consommation humaine
4.1.1 Formes et déterminants de la consommation de maïs................................. . .44
4.1.2 Modes d'approvisionnement des consommateurs et transformation du grain.. ..46
4.2 L'alimentation animale
4.2.1 Structure du secteur de l'alimentation animale et importance du maïs
dans le coOt de l'aviculture........................................................................ ..47
4.2.2 Les conditions d'approvisionnement en maïs des provenderies industrielles.. ..49
4.3 La brasserie
4.3.1 L'approvisionnement en gritz des brasseurs........................................ ..50
4.3.2 L'approvisionnement en maïs de MAISCAM............................................ ..52
4.4 Conclusion: Les perspectives d'évolution de la demande de maïs et les contraintes
à l'utilisation de maïs local........................................................................ ..54

5 CONCLUSION GENERALE...................................................................................... ..56

,
INTRODUCTION: CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE

Le Cameroun connaît depuis 1987 une crise économique aiguë, avec une baisse du
Produit Intérieur Brut de 5,5% par an en moyenne de 1987 à 1992. Les producteurs
agricoles sont particulièrement affectés par la crise. Ils sont d'abord confrontés à la chute
du prix des produits de rente traditionnels: cacao (-48%), café robusta (-65%), café arabica
(-47%) et coton (-40%), qui accompagne la baisse des cours sur les marchés
internationaux. Ils subissent également les effets du désengagement de l'Etat de l'appui à
l'agriculture: le prix des engrais a doublé avec l'arrêt des subventions, la vulgarisation est
devenue quasiment inopérante, les circuits de commercialisation du cacao et café sont
encore largement désorganisés par la privatisation de la collecte. Dans la zone forestière,
les recettes du cacao et café, principale source de revenu du monde rural, sont ainsi
passées sous l'effet conjugué de la baisse des prix et des productions, de 120 milliards de
FCFA durant les années 1980 à 30 milliards en 1992.

Il importe aujourd'hui de favoriser de nouvelles dynamiques de production qui


puissent offrir des perspectives de diversification aux agriculteurs et contribuer è une
relance de l'activité générale. Cette étude sur la filière maïs s'inscrit dans une telle
préoccupation. La question centrale posée est celle des perspectives de développement de
la production de maïs eu égards aux conditions du marché: besoins des utilisateurs,
conditions de la concurrence avec le maïs importé voire des produits de substitution.

Deux considérations ont motivé un intérêt particulier pour le maïs:

D'une part, le maïs joue un rôle majeur dans la sécurité alimentaire du Cameroun;
il s'agit en effet de la première céréale et du quatrième produit vivrier, par les quantités
consommées, après le manioc, le plantain et le taro. Contrairement au riz, les conditions
de sa production, commercialisation et consommation sont assez mal connues è l'échelle
de l'ensemble du pays.

D'autre part la production de maïs ne parvient pas è satisfaire la demande, on


constate un flux de maïs importé qui, fait inquiétant, suit une tendance fortement
croissante. Cette évolution est d'autant plus paradoxale qu'il est généralement admis que
le Cameroun dispose d'un potentiel de production élevé pour le maïs et que dans le
contexte actuel de pénurie de devises, des substitutions aux importations devraient
s'opérer.

Les questions majeures qu'il convient d'éclairer, sont donc les suivantes:

- Quelles sont les raisons qui conduisent certains opérateurs à recourir aux
importations? Dans quelle mesure le maïs local pourrait être substitué au maïs importé?

- Plus généralement, quelles sont les contraintes qui interviennent sur la filière maïs
et limitent son efficacité? On entend par filière maïs l'ensemble des activités qui concourent
à satisfaire une demande en maïs ou produits dérivés (farine, gritz); la filière recouvre donc
les différents niveaux de: production, commercialisation (collecte, transport, stockage,
commerce de gros et de détail), transformation (en farine ou gritz), consommation.

2
La méthodologie retenue s'inscrit dans une approche fonctionnelle de la filière. Le
cheminement d'analyse est le suivant:

1 / Approche des estimations des flux de maïs au Cameroun, au niveau national


(Bilan ressources/emplois du produit) et régional (flux inter-régionaux)

2/ Examen de la répartition des diverses fonctions de la filière (production,


vulgarisation des techniques, séchage, stockage, collecte, transformation, redistribution)
entre les agents et du mode de coordination entre agents (intégration plus ou moins forte,
rapports marchands, rapports administrés par l'Etat)

3/ Evaluation de l'efficacité de ces fonctions è partir des critères de coûts

4/ Identification des contraintes qui réduisent cette efficacité et formulation de


propositions pour lever ces contraintes.

3
1. APERCU QUANTITATIF DES FLUX DE MAIS AU CAMEROUN

1. 1 L'offre de maïs : Production et Importation

On dispose au Cameroun, de statistiques de production et de commerce extérieur


qui permettent d'appréhender l'offre de produits alimentaires et notamment de maïs. Il
convient d'adopter une démarche critique vis à vis de ces statistiques car leur fiabilité n'est
pas assurée, et d'établir autant que possible des recoupements à partir de diverses sources.

Les productions agricoles vivrières font l'objet d'une enquête statistique annuelle du
MINAGRI, avec une assistance de l'USAID, depuis le Recensement Agricole de 1984.
L'enquête porte sur un large échantillon d'exploitations (de 3000 à 3500) de type familial;
les grandes exploitations qui relèvent généralement du secteur para-public étant exclues.
Les résultats sont disponibles au niveau provincial. Les superficies cultivées sont estimées
à partir de mesures des parcelles, au 1er et 2nd cycle; les estimations des productions et
des ventes sont, quant à elles, issues des seules déclarations des exploitants, mode de
relevé qui leur confère une grande imprécision, notamment du fait de la diversité des unités
de mesure utilisées (sacs, bassines de taille variable...), de l'échelonnement des récoltes
(le maïs peut être consommé en épi frais sur le champs), de la pluralité des responsables
de culture au sein d'une même exploitation (Chef de famille, femmes, cadets). Pour les
ventes de maïs (quantités et prix), il est regrettable que la distinction entre maïs en épi et
maïs-grain n'ait pas été faite.

La production de maïs du secteur "paysannal" estimée par la DEAPA du MINAGRI


est de 513.000 T en 1990/91. C'est la dernière statistique disponible, l'enquête n'ayant
pas été conduite en 1991/92. La production du secteur d'entreprise non couvert par la
DEAPA se situe probablement autour de 20.000 T. Il s'agit surtout de celle de MAISCAM
et de l'UNVDA, les autres grandes exploitations connues totalisant une surface en maïs
inférieure à 1000 ha. On aurait ainsi une production totale de maïs de l'ordre de 530.000
T.
En dynamique (cf.Tableau ci-dessous), on constate une quasi-stagnation de la
production de maïs de 1984 à 1989, aux alentours de 380.000 T. Ce niveau de production
est étonnamment faible au regard de l'estimation de 370.000 T. en 1977, avancée par
l'étude SATEC d'après une extrapolation du résultat du Recensement agricole de 1972. Il
parait peu vraisemblable que la maïsiculture n'aie pas progressé durant toute la décennie
1977-1987, alors que la population rurale a augmenté de 1,5% par an. La production
connaît en 1990, d'après la DEAPA, une croissance spectaculaire de 130.000 T., soit
+ 34% . S'agit-il d'un mouvement de substitution de la culture du maïs à celles du cacao
et café en réaction à la chute des prix de ces spéculations ? Cela reste à confirmer.

La superficie cultivée, composante de la production avec le rendement, est


mentionnée dans les statistiques de la DEAPA, toutefois elle a peu de signification pour une
spéculation comme le maïs qui est essentiellement pratiquée en association, parfois à très
faible densité. Il s'agit en effet d'une superficie théorique dans le calcul de laquelle entrent,
pour une parcelle donnée, les densités observées et les normes de densité en culture pure,
du maïs et des autres éventuelles spéculations associées. L'évaluation du nombre de pieds
de maïs, à partir de la densité mesurée, aurait été plus utile; malheureusement cette
information collectée par la DEAPA n'est pas traitée et diffusée.

4
On peut recourir à plusieurs sources pour évaluer les importations. En ·premier lieu,
les Douanes fournissent les statistiques officielles de commerce extérieur. Ces statistiques
sont considérées comme une base minimale qui peut sous estimer de beaucoup les flux
réels. En effet les sous-déclarations en douane pour minorer les droits à verser, sont
reconnues comme étant une pratique courante; par ailleurs les importations en provenance
du Nigéria, sont très mal cernées notamment dans le Nord où la frontière est d'une grande
perméabilité. L'utilisation d'un système informatisé de saisie des données d'importation
(PAGODE) aurait toutefois permis d'améliorer notablement la qualité des statistiques
douanières à partir de 1989.

Le Syndicat Maritime (ou Syndicat des Acconiers) fournit une évaluation des
importations sur la base des déclarations des manifestes-cargo et des quantités débarquées
sur le port. Enfin, il existe une société privée - la Société Générale de Surveillance - chargée
de contrôler la justesse des déclarations en douane des importateurs. Cette dernière devrait
être en mesure de livrer une information alternative; or il s'avère dans le cas des
importations de maïs, que les données diffusées sont partielles, ce qui nous conduit à
rejeter cette source.
Le maïs est importé sous deux formes: le maïs-grain et le gritz de maïs pour la
brasserie; d'autres produits à base de maïs (semences, farine, amidon, huile, maïs-doux)
· sont mentionnés dans les statistiques douanières mais pour des tonnages infimes. Les
données des Douanes et celles du Syndicat Maritime sont convergentes, l'évaluation des
importations de maïs ne semble donc pas poser problème, contrairement au riz. Les
importations informelles depuis le Nigéria, seraient négligeables d'après les premiers
résultats de l'observatoire OSISCA sur les échanges frontaliers. On peut toutefois suspecter
des importations conséquentes lors des années de grande sécheresse dans !'Extrême-Nord
compte tenu de l'intensité des liens de cette région avec le Nigéria.

Les importations de maïs-grain s'accroissent vivement au cours de la dernière


décennie (cf.Tableau); parties de quelques centaines de tonnes au début des années 1980,
elles atteignent 10.000 T. en 1989 et passent à 25.600 T. en 1992. Les importations de
gritz suivent un mouvement inverse, elles chutent de 13.000 T. en 1989 à 3.700 T. en
1992. On est en présence d'une substitution d'importations de maïs-grain à celles de gritz;
en effet on trouve à l'origine des importations de grain en 1990 et 1991, la Société
MAISCAM engagée dans la prodùction de gritz depuis 1989. En 1992, on assiste à de
nouvelles importations de grain, celles de provenderies industrielles, à hauteur de 9.000 T.;
MAISCAM demeure toutefois le principal importateur avec 16.500 T.
PIODUCTIOI, I1P0RT1TIOI Dl 11IS lV Cl!!ROIJI
eu !illier1 de Tonnes

1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992


Production 1ai1-grain 378 317 396 394 374 383 530
I1portation 1ai1-grain (1) 0,8 1,5 4,3 11,4 0,4 11,1 9,9 15,6 25,6
I1portation 1ai1-grain (2) 4,4 10,9 9,8 15,3 25,4
Iaportation grits (1) 9,7 5,4 3,7
I1portation grits (2) 3,9 12,9 10,4 l,l 6,3
Sources:Production: DEAPA/!IIAGRI, 11ISC1!
I1portation: (1) Douane
(2) Srndicat des lcconiers
5
Nous expliciterons ultérieurement les facteurs qui sous-tendent ces importations,
notre objet se limite pour l'instant à la présentation des composantes de l'offre. Si les
importations ont fortement progressé durant les dernières. années, leur part relative dans
les disponibilités en maïs reste mineure: elles représentent 33.000 T. en équivalent-grain
(compte tenu d'un taux de conversion du grain en gritz de 0,5) en 1992, soit environ 6%
des disponibilités totales et 20 % des disponibilités commercialisées (avec un taux
d'autoconsommation de 75%, conformément au Recensement de 1984). Pour atteindre
un objectif d'autosuffisance en maïs, il suffirait donc d'un accroissement de 6% de la
production et de 25% des excédents commercialisés.

1.2 Une demande de maïs diversifiée: Alimentation humaine. animale et brasserie

1.2.1 La consommation humaine

Il s'agit de la principale utilisation du maïs. En effet le maïs constitue un aliment de


base dans plusieurs provinces du Cameroun: l'Ouest, le Nord-Ouest. I'Adamaoua et depuis
récemment le Nord. Le maïs est présent dans l'alimentation des autres provinces mais
essentiellement sous forme d'épi et sa consommation est alors plus saisonnière.

L'évaluation quantitative de cette demande de maïs pour l'alimentation humaine est


délicate. Les estimations avancées, notamment dans le Plan Alimentaire à long terme de
1986 correspondent en fait à une consommation apparente calculée à partir des
disponibilités (production + importation), déduction faite des utilisations non alimentaires.
La consommation humaine de maïs mentionnée dans le Plan Alimentaire (version additive)
est de 325.000 T.(équivalent-grain) en 1984, soit 33 Kg par habitant. Le maïs est ainsi la
première céréale consommée au Cameroun, loin devant le mil-sorgho (17 Kg), le riz (14 Kg)
et le blé et dérivé (10 Kg).

La seule enquête budget-consommation des ménages, réalisée au Cameroun


remonte à 1983-84. Cette dernière ne permet pas de bien appréhender la consommation
des produits alimentaires. En effet, centrée sur la structure des dépenses des ménages pour
le calcul d'un indice des prix à la consommation, elle ne fournit que des données en valeur.
Les résultats détaillés par produit concernent en fait les seules dépenses monétaires pour
les produits consommés au domicile, ce qui est très restrictif. On sait en effet que
l'autoconsommation et les échanges non-marchands prédominent largement à l'échelle
nationale, et conservent une grande importance en ville même. Enfin, pour le maïs, les
achats de grains et d'épis ne sont pas distingués. Pour l'ensemble du Cameroun, les achats
de maïs durant l'année 1983-84 par les consommateurs s'élèvent à 7,6 Milliards de FCFA,
soit 780 F par habitant, ce qui est étonnamment faible. Le maïs représente un peu moins
de 2% des dépenses monétaires pour l'alimentation prise à domicile, contre 5% pour le riz
et 3, 7% pour le pain. Evidemment d'importantes différences interviennent entre les régions,
cet aspect sera examiné plus loin.

1.2.2 L'alimentation animale

Le maïs constitue la base calorique privilégiée pour l'alimentation du petit élevage,


volailles essentiellement, porcs accessoirement. On peut distinguer deux modes
d'alimentation des volailles élevées en poulaillers: l'utilisation de provende produite de façon
industrielle avec des broyeurs-mélangeurs, la préparation par l'éleveur même d'un aliment
"artisanal" souvent basé sur des sous-produits (issues de mouture, déchets ménagers...).
Les besoins en maïs pour la provende industrielle peuvent être assez aisément cernés; on

6
ne dénombre en effet qu'une dizaine de fabricants dont trois dominants (SPC, EPA et
NUTRICAM) avec une part de marché supérieure à 75% . La production de provende des
7 principaux fabricants s'élèverait à 54.000 T. en 1992-93, d'après leurs déclarations.
Cette production serait en baisse depuis 1990; une réduction de 15.000 T. est en effet
annoncée par les deux premiers fabricants, réduction non compensée semble t-il par une
hausse de la production des concurrents. Le maïs entre dans l'aliment composé à hauteur
de 60 à 70% ; environ 35.000 T.de maïs auraient ainsi été consommées en 1992-93.

L'utilisation directe de maïs par les éleveurs, maïs auto-produit ou acheté, constitue
en revanche une inconnue. La seule donnée trouvée à ce sujet, est issue de l'enquête de
Djoukam et Teguia (1991) sur les élevages de l'Ouest: seuls 5 % des éleveurs enquêtés
ne s'approvisionnaient pas en provende i ndustrielle et pouvaient donc recourir à un maïs
brut. Cette tendance au développement des achats de provende au détriment de la
préparation à la ferme, s'est affirmée dans l'ensemble du pays. Toutefois o n peut
s'attendre à ce que l'aliment "artisanal" tienne une place plus importante qu'à l'Ouest dans
nombre de régions car l'Ouest, avec la présence de SPC, bénéficie d'un remarquable réseau
de distribution de la provende. Il est probable que la quantité de maïs utilisée directement
par les éleveurs ne dépasse pas le niveau de 10.000 T.

1 .2.3 La brasserie

Parmi les 4 sociétés de brasserie, deux, S.A. des Brasseries du Cameroun qui détient
environ les trois quart du marché de la bière industrielle, et International Brasserie, devenue
récemment une filiale de SABC, utilisent largement le gritz de maïs pour la fabrication de
leur bière. Une troisième -Guiness- commence à employer du gritz pour une bière blonde
mais pour l'instant en quantité infime (moins de 100 Tian). Le g ritz est une brisure
débarrassée du germe afin d'être exempte de lipides; le taux d'extraction de g ritz à partir
de maïs-grain est compris entre 40 et 50% . Le gritz est utilisé par ces brasseries à hauteur
de 30% en substitution au malt d'orge, on aurait ainsi de 5 à 5,5 kg de gritz par hectolitre
de bière. L'emploi du gritz présente comme intérêt de réduire la durée du brassage, et
d'obtenir une bière plus claire.

D'après les déclarations des brasseurs, les besoins en gritz s'élèveraient à 15.000
T. en 1992-93 contre 22.000 T. en 1989-90. Cette chute accompagne l'effondrement des
ventes de bière (-40% de 1987 à 1992) consécutif à la baisse du pouvoir d'achat des
Camerounais. La tendance à la baisse persiste actuellement.

1 .2.4 Les autres utilisations de produits à base de maïs

Les i ndustries textile et de l'emballage utilisent de l'amidon de maïs, notamment


pour la colle. Leurs besoins, satisfaits par des importations, portent sur de faibles quantités:
autour de 580 T.

1 .2.5 Les exportations

Les exportations officielles enregistrées par les Douanes sont très faibles: de 100
à 200 T. par an depuis 1987. Elles sous-estiment de beaucoup la réalité. Il existe en effet
des exportations régulières de maïs vers le Gabon par voie terrestre et maritime. D'après
les entretiens avec des grossistes de Douala impliqués dans ce commerce, l'exportation par
bateau aurait concerné 2000 à 5000T. de maïs en 1992. Ce mode d'expédition serait en
expansion par suite des difficultés croissantes rencontrées au passage de la frontière
terrestre Gabonaise.

7
Des exportations occasionnelles sont également réalisées par le Programme
Alimentaire Mondial: 1 .566 T.pour un projet FAO au Tchad en 1 988, 1 250 T.de farine de ,
maïs pour une aide d'urgence au Centrafrique en 1 992.

1 .3 Récapitulatif: Bilan Ressources / Emplois du maïs au Cameroun et ach6ma de la filière

IIL!I IISSOVIC!S / IIPLOIS Il 111S 1D Cl!DOUI


111 lilliera de To11ea
1988 1989 1990 1991 1992
IISSOUIC!S
Production aecteur trad.
Production 11ISC1!
Production totale
,,,
367
374
373
9,9
313
513
11,3
524
9, 5
5,o
10
550
Pertu 37 38 52 55
Produet101 Disponible
l1portation 1111
Iaportation grit1
,,,3,t
337 345
11
ll, 9
'72
9,t
9,7
15,5
5, 4
f95
25, 6
3,7
\ laport totale lquit·grain 12,2 36,8 29,3 26, 3 33
DPLOIS
SUeaees 5 5 5 '
latoco110111tiOJ1 •aaaiae 350
lchata coas.hlaaine 100
Co11. àllaiae totale 450
lle,1ge1 ,olaille 10
Pro,111derie1 i1da1trielle1 37 35
Coaa 11i1al1 totale 45
lrasseriu (grit1) 22 1t 17 15
lzportatio11 co11erci1Ie1 5 5
llportatiODI Pllf 1 , 57 0 0 fariae 1,25

Soarces: Prodactlon: DE1P1/1Il1GRI , IAISCA! propre utiaation pour 1,,1


I1port1tioa: Doaaie , S1ndicat des lcconier1
Cons.pro,eDderies, braaaeries: Déclaratio11 des agents 11qaêtés
IIportation: Déclarations de grossistes , Pl!
Co11011ation h111i1e , ele,ages: propre e1ti11tion d 'apràs
le taDI d '1utoco11ot1atio1 da RA de 1984

8
Opérations techniques sur la filière maïs au Cameroun

1 Marp i 1
Egrenage

i
1 Maïs-grain 1 ---------------,

I i
Maltage Mouture Mouture Mouture
artisanal industrielle industrielle
MAISCAM provenderie
a
rti

(0

r 1

Farine Son Gritz Farine Farine 11


1
Tourteaux 1 1 Farine

13 %
46 % fine zootechnique 15 %
23 %

Huile
1 ,2 %

E pis grillés Bière Couscous ou

V/ w �
ou boui llis artisanale bouillie

Consommation humaine Alimentation


animale
Utilisation
en
Consommation
humaine
j Alimentation animale

brasserie
Les •sous-filières• mais au Cameroun en 1 992

Sous-filière alimentation humaine Sous-filière alimentation animale Sous-filière gritz de brasserie


450 à 500 000 tonnes maïs-grain 45 000 tonnes ma�ain 16 000 tonnes gritz

Production
Importation Producteurs MAISCAM

MAISCAM MAISCAM Grossistes

Huile
de maïs MAISCAM
maïserie
Epis

<l PAM

Provende
54 000

.. .
� 1 Consommateurs 11 Exportation Eleveurs Brasseries

.1. mals-grain farine ..1 gritz .J, divers Q Quantité en tonnes • E!limation l� Incertaine. Source : Enquête CAPP-CIRAD.
D
1 .4 Les flux de mais internes au Cameroun

Production et consommation de maïs sont concentrées dans deux grandes zones:


les hauts plateaux de l'Ouest , I' Adamaoua et bassins de la Bénoué et Vina. Les statistiques
agricoles, d'une plus grande fiabilité si l'on raisonne sur les proportions, permettent de
préciser cette répartition de la production.

Les hauts plateaux (provinces Ouest et Nord-Ouest), rassemblent 60% de la


production nationale (250.000 T./ 41 0.000 T.pour la période 1 988-90). Le maïs y
constitue l'aliment de base avec le haricot, la consommation approcherait les 1 00 Kg par
tête. Première zone de consommation, cette région tient également la première place pour
les excédents de maïs commercialisés. Le Recensement Agricole de 1 984 évalue la
production de maïs commercialisée à 52.000 T.(plus de la moitié du flux commercialisé au
niveau national) dont probablement la majeure partie est expédiée à l'extérieur de la région.
L'Ouest ·et le Nord-Ouest sont ainsi les sources d'approvisionnement privilégiées des deux
grands pôles de consommation que sont Yaoundé et Douala. Une enquête réalisée par la
SODECAO montre qu'en 1 983, 90% de l'approvisionnement de Yaoundé en maïs-grain
vient de l'Ouest.

Les provinces de I' Adamaoua et du Nord constituent l'autre grande zone maïsicole
du pays; elles assurent 20% de la production nationale (80.000 T.en moyenne pour 1 988-
1 990). Le phénomène marquant est la forte progression de la production de maïs dans la
province Nord; celle-ci passerait de 1 3.000 T en 1 984 à 40.000 T. en 1 990. Nous
expliciterons plus loin les conditions de cette expansion, notons simplement ici les deux
facteurs clés que sont l'immigration de populations venant de !'Extrême-Nord et l'action de
la Société d'encadrement du cotonnier. Les flux de maïs commercialisé paraissent surtout
internes à la région; le flux extra-régional doit porter sur les transferts vers l'Extrême-Nord
lors des années de sécheresse et les livraisons sur Yaoundé et Douala en cas de carence
de la production de l'Ouest. Le flux de gritz (1 2.000 T) depuis la maïserie de Ngaoundéré
correspond, pour 60 %, à la réexpédition après traitement, d'un maïs importé.

Les productions de maïs des zones forestières continentale (provinces du Centre,


Sud et Est) et littorale (provinces du Littoral et du Sud-Ouest) ne représentent
respectivement que 1 0% et 8 % de la production nationale en 1 988-90. La DEAPA
enregistre un accroissement remarquable du maïs dans ces zones en 1 990, respectivement
+ 85 % et + 60%. D'après les consultations effectuées lors de la mission, l'expansion du
maïs en zone forestière se confirmerait bien en 1 993. Cette production devrait entrer en
concurrence avec celle de l'Ouest pour l'approvisionnement de Yaoundé et Douala.
L'ordonnancement des flux de maïs présenté sur la carte suivante, pourrait bien être en
pleine recomposition.
PRODDCTIOJ TOTALE i COll!!RCilLISEE DE !AIS Pli Gl!JDE IBGIOI
e11Xillier1 de Tonnes
Production totale Production co11erciali1ée
1977 1984 1989 1990 1977 198'
Centre, Sud, 1st 53 45 39 72 7 9
Sud·Onest , Littoral
ouest, lord·Onest
36 18 28 46 a 5
251 282 210 292 71 53
lda1aoua, lord, 1·1 30 63 96 103 5 29
WERODII 370 408 373 513 91 96
Sources: 1977: ltude SlT!C eitrapolation des données du Il de 1972
1984 : leceaseaent agricole secteur pays1unal
1989 , 1990: Statistiques aanuelles KIIAGRI/DEAPl
,1
FLUX DE MAÏS AU CAMEROUN EN 1 992
(Production nationale 550 000 T.)

(,. : , ==:. -::, '::.-1 Aire de culture du mais ... Flux de maïs local


c::::> Flux de maïs importé
*
� Zone de production majeure

Centre de consommation majeur Provenderie

lit/li!
.l l l / / j / l
..
, J 1 ·1 1 1 I /

12
2. LES CONDITIONS DE LA PRODUCTION DE MAIS

2.1 Le mais dans les systàmes de culture


La presque totalité du Cameroun bénéficie de conditions climatiques qui autorisent
la culture pluviale du mais. Seule la province de l'Extrême-Nord fait exception, avec un
régime pluviométrique qui ne permet pas d'assurer avec suffisamment de certitude, l'apport
minimum des 600 mm d'eau répartis sur trois mois. Toutefois le mais y est également
présent, l'insuffisance et l'irrégularité des précipitations étant compensées par la possibilité
de cultiver en décrue.
L'importance de la maisiculture transparait à travers l'effectif des exploitations
pratiquant cette spéculation: d'après le Recensement Agricole de 1 984, 81 2.000
exploitations seraient concernées, soit 70% de l'effectif total des exploitations au
Cameroun, taux voisin des 67% estimés lors du Recensement de 1 972. La part de la
superficie cultivée, occupée par le mais serait un meilleur indicateur, mais cette estimation
bute sur le problème de l'évaluation de la surface d'une culture conduite principalement en
association. Nous avons souligné précédemment que les surfaces mentionnées dans les
statistiques agricoles depuis 1 984 sont des surfaces non physiques mais théoriques;
procéder à un ratio aurait ainsi peu de sens. L'emploi de conventions différentes en 1 972
et 1 984 pour déterminer la superficie cultivée empêche d'appréhender l'évolution:
l'estimation de 1 972, sur une base physique, donne 492.000 ha de mais (dont 288.000
ha en culture dense et 205.000 ha en culture éparse) tandis que celle de 1 984, sur une
base théorique 1 , avance le chiffre de 206.000 ha.

Le Cameroun présente une grande diversité de situations agro-climatiques qui se


répercute évidemment sur les systèmes de culture. Nous avons déjà abordé, avec l'aperçu
des flux de mais dans le pays, l'inégale répartition régionale de la maisiculture. Cet aspect
peut être précisé avec la fréquence des exploitations cultivant du mais, et les surfaces
cultivées.
IIPOITllCI Dl L1 llISICVLffll Pll DGIOI
1 d'11Ploitatioa1 S1perficie 11 1111
calti,a.nt d, 11i1 11 lilliera d'ba
1972 1984 1972 1984

Sud 10 3
Centre 89 16 f2 12 Sources:
1st 83 Il 18 13
Littoral 71 ac 11 7 lecenseaent Agricole de 1972
Sad-Ouest 56 83 17 7
Ouest 94 95 101 60 -superficie phrsiqae,
lord-Ouest 95 97 79 60 aeais 'dense'-
Aduaoua 63 24
lord 30 38 19 11 lec111eaent Agricole de 1984
l1true-lord 10 10
-111perficie theorique-
WEROUM 67 70 288 206
• Le calc:ul de la Superficie en ..1. Sm, d ' une parcelle de •uperficie S, portant n c:ulture•
•••oci6e• , ••t donn6 par la formule •uivante : Sm • ( (dom/dtm) / ( � doi/dti ) ) • S
avec dom : den.ait6 ob•erv6e en ..1. , dtm : den.a it6 th6orique en mai• en c:ulture pure
doi : den.ait6 ob•erv6e de la c:ulture i , dti : denait6 th6orique de i
La •uperficie th6orique ainai obtenue ne corre•pond pa• 1 la •uperficie en 6quivalent c:ulture pure .

13
Si le maïs est présent dans la plupart des exploitations (plus de 80% de celles de
la zone forestière et la quasi-totalité de celles des hauts plateaux de l'Ouest en 1 984), c'est
seulement dans l'Ouest, le Nord-Ouest, I' Adamaoua et le Nord, qu'il constitue une véritable
base du système de culture . On notera que les données de 1 984 sont très éloignées de la
réalité actuelle pour le Nord; cette région a connu une remarquable expansion du maïs dont
témoignent les statistiques de la SODECOTON: la surface en maïs de la zone cotonnière
serait passée de 1 4. 000 ha en 1 9 8 5 è 33 .000 ha en 1 9 9 1 . La faible i mportance de la
maïsiculture en zone forestière répond de façon logique à la moindre aptitude du milieu
naturel, les conditions d'humidité, d'ensoleillement, de parasitisme étant très
contraignantes.

On peut distinguer schématiquement trois grandes zones écologiques au Cameroun -


les hauts plateaux de l' Ouest, la zone forestière et la zone des savanes- Notre présentation
des systèmes de culture dans lesquels s'insère le maïs s' appuie sur ce zonage:

• Les hauts plateaux de l'Ouest (Provinces de l'Ouest et du Nord-Ouest)

Cette zone présente une situation agricole singulière; on y rencontre en effet des
densités de population très élevées (généralement plus de 1 00 ruraux/Km 2 en pays
bamiléké, et plus de 200 sur certains terroirs) et la rareté de la terre conduit alors è cultiver
en continu. Les systèmes de culture se caractérisent par la grande diversité des plantes
cultivées: maïs, haricots, tubercules, bananiers, arachide, manioc, cultures m araîchères,
caféiers arabica, fruitiers. . . et leurs combinaisons dans de multiples et complexes
associations.

L'étude de Ducret & Grangeret ( 1 986) 2 sur un terroir représentatif du plateau


Bamiléké (Bafou dans la Ménoua) précise l'i mportance du maïs: ce dernier est présent sur
7 7 % des parcelles. C'est ainsi la culture la plus fréquente, avant les haricots ( 6 6 % ) , la
pomme de terre ( 5 4 % ) ou le caféier (46 % ) . Le maïs entre com me culture associée aussi
bien dans les caféières que dans les champs vivriers avec les tubercules et les
légumineuses. Il est généralement présent en assez forte densité: 30.000 tiges/ha en
moyenne 3 ce qui n'est pas très éloigné de la densité normale en culture pure (50.000) .

Au delà de la m ultitude des associations, le système dominant semble être


l'association du maïs au haricot, suivie d'un 2e cycle de haricot; le calendrier cultural est
alors le suivant:

Jan Fev M ars Avr Mai Juin Juil AoOt Sep Oct Nov Dec

Semis-----maïs------ ---Récolte
Semis----haricot- ---Récolte Semis----haricot----- --Récolte

• Enquête portant •ur 5 0 0 parcelles représentatives du plateau de la Chefferie Bafou ( zone


d ' alt itude supérieure à 1 6 0 0 m . exclue )

Fréquence du mais Densité mais e n t iges /ha. Nb de parcelles


caféière 81' 31 . 7 0 0 158
cha.mps d ' arachide 8 6 1' 26 . 0 0 0 96
champs de tubercules 8 5 1- 29.400 103

14
Ce systè me se répète généralement d'une année à l'autre. Selon la disponibilité en
terre et la fertilité du sol, cette succession peut être interrompue après un plus ou moins
grand nombre d'années par une jachère, généralement de courte durée.
La pratique de la culture pure du maïs est encore rare en milieu paysan; on l'a
rencontrée dans les zones moins peuplées (Galim), donc à plus grandes disponibilités en
terre (parcelles fréquemment de plus de 1 ha), où le produit est essentiellement destiné à
la vente .

Le maintien du systè me traditionnel des cultures associées, tient d'abord à ses


avantages en termes de productivité de la terre, ce facteur étant le plus limitant à l'Ouest.
DUCRET & G RANGE RET trouvent en effet, sur un échantillon de 2 1 3 parcelles à Bafou,
pour les trois grands systè mes identifiés (caféiers-vivriers; tubercules-maïs-haricot;
arachide-maïs-haricots-pommes de terre) des rendements supérieurs en culture associée par
rapport à ceux de cultures pures juxtaposées: respectivement + 1 35 %, + 44 % et + 3 7 %
. Ceci indique une forte intensité d'exploitation du sol mais peut être aussi une sous­
esti mation des rendements en culture pure liée à l'emploi de normes. Il aurait été
intéressant de comparer également la productivité du travail dans les deux systèmes mais
nous n'avons malheureusement pas trouvé de telles données. L'exiguïté des parcelles
constitue par ailleurs certainement un frein à la mécanisation, facteur essentiel de passage
à la culture pure. Enfin les producteurs sont soucieux de la préservation de leurs sols et
sont conscients de la meilleure protection à l'égard des pluies apportée par les cultures
associées.

La diversification des cultures est un phénomène ancien dans l'Ouest. Elle est
sti mulée par la crise du café arabica, culture de rente traditionnelle sur le déclin depuis une
quinzaine d'année et qui est maintenant en passe d'être totalement abandonnée . Le maïs,
déjà très présent, ne semble pas profiter particulièrement de cette évolution; les
spéculations connaissant la plus forte expansion sont les cultures maraîchères, notamment
l e haricot vert et les pois.

• La zone forestière (Provinces du Centre, Sud, Littoral, Sud-Ouest et Est)

Le maïs est une composante secondaire des systèmes de culture en zone forestière;
il est le plus souvent associé à faible densité dans les champs vivriers où dominent les
tubercules (manioc, igname, taro, macabo), le plantain ou l 'arachide. En l'absence de
données sur les densités dans le Recensement Agricole de 1 984 et les enquêtes annuelles
de la DEAPA, on ne dispose que de deux sources anciennes: le R.A. de 1 972 et les
enquêtes de Leplaideur & Waguela ( 1 976- 1 979). Ces deux sources convergent pour
souligner la fai blesse des densités. Toutes parcelles avec maïs confondues, la densité serait
de 2000 à 6000 tiges/ha selon les régions. Le R.A. distingue toutefois les parcelles avec
semis "dense" et "épars". Pour les premières, qui ne représentent que 40% de la surface
avec du maïs, la densité demeure fai ble: de 6000 à 8000 tiges/ha, la norme en culture pure
étant de 50. 000. Il est très probable que les densités actuelles soient plus élevées.

Le maïs est intégré à la plupart des associations culturales, ces dernières


rassemblent généralement plus de trois cultures. Pour les provinces du Centre et du Sud,
LEPLAIDEUR ( 1 985) distingue 8 zones homogènes en matière de système de culture . Les
systèmes dominants incluant du maïs sont les suivants:

15
année 1 année 2 année 3 année 4

Sud plantain-courge --- > plantain-arachide --- > abandon en forêt


maïs-manioc-macabo

Mefou arachide-manioc-maïs --- > abandon en forêt


Nyong&Soo -macabo-plantain

Lekié arachide-manioc-maïs --- > idem plusieurs années puis jachère herbacée
macabo-plantain-igname

Nyong manioc-maïs-plantain --- > idem plusieurs années puis jachère arborée
& Kellé -macabo

Sud-Mbam patate douce --- > igname - > igname-maïs - > arachide -> manioc - >jachère

Bafia-Mbam igname --- > mais-macabo ---> maïs-arachide -- > manioc -- > jachère

Le maïs prend de l'importance lorsque l'on se rapproche de la zone de savane; il


figure notamment comme plante dominante dans le Centre du Mbam, zone de transition
entre forêt et savane.

Deux cycles de culture pluviale, voire trois dans la zone littorale avec des variétés
de maïs à cycle court, sont possibles. En premier cycle, les semis ont lieu en mars-avril et
la récolte en juillet-août. Les semis du second cycle interviennent en août et la récolte en
décembre. Le maïs de second cycle occupe une place marginale: 2% de la superficie du
premier cycle dans le Sud et le Littoral, 4% dans le Centre et le Sud-Ouest, 10% dans l' Est
d'après le R.A. de 1984. La culture du maïs en second cycle se heurte è la concurrence
d'autres activités (l'entretien et la récolte du cacao et café), è de moins bonnes conditions
phytosanitaires et climatiques (plus grande virulence des parasites et irrégularité des pluies).

La culture du maïs semble être actuellement en forte expansion dans la zone


forestière, en particulier dans le Centre. Ainsi il n'est plus rare, d'après les structures
d'encadrement et de Recherche de rencontrer des parcelles de maïs en pur, notamment
dans les bas-fonds. Du fait des nouveaux rapports de prix des productions, un
désengagement relatif des paysans vis è vis des cultures pérennes au profit des cultures
vivrières est è !'oeuvre; c'est certain pour le café robusta, moins net pour le cacao dont la
culture demeure dynamique dans certaines zones (Mbam, Sud-Ouest). Une Enquête de l' IRA
réalisée sur un échantillon de 59 villages dans l'ensemble de la zone forestière montre que
le maïs représente en 1992 la troisième source de recette vivrière, après le manioc et le
plantain mais devant l'arachide.

• La zone de savane (Provinces de I' Adamaoua, du Nord et de l' Extrême-Nord)

Cette zone se caractérise par une pluviométrie inférieure à 1800 mm et la présence


d'un seul cycle annuel de culture pluviale. Les céréales constituent la base des systèmes
de culture. La réduction de la pluviosité en remontant vers le Nord induit évidemment une
différenciation de ces systèmes. Il convient de distinguer trois ensembles géographiques:
I' Adamaoua, le Nord et l' Extrême-Nord.

16
Le plateau de I' Adamaoua bénéficie des conditions les plus humides et les tubercules
(manioc et igname) tiennent ainsi une place importante aux cotés des céréales (maïs et
sorgho) . Le maïs domine largement le sorgho, sauf dans la partie septentrionale -"pays
Dourou" dans la Vina- Un processus de substitution du maïs au sorgho est toujours à
l'oeuvre et l'on peut penser que le sorgho va devenir marginal à moyen terme dans
l'ensemble de I' Adamaoua.

Dans le Nord (Bassins de la Bénoué et de la Vina), la progression du maïs est récente


et très rapide. D'après Roupsard (1987 ) la surface en maïs de la Province ne dépasse pas
3000 ha vers 1970, et se situe autour de 7000 ha en 1980. Sa progression s'accélère
alors; la SODECOTON enregistre en effet 14.000 ha en 1985 et 33.000 en 1992, dont
6000 en culture associée avec le mil-sorgho (pour l'ensemble de sa zone d'intervention
mais on sait que le maïs est marginal dans les secteurs rattachés à . l'Extrême-Nord) .
Marginal en 1970, le maïs devance maintenant le sorgho, dans la majeure partie du Nord.
La plupart des exploitations l'ont adopté. Si il y a mutation du système de culture, il faut
toutefois préciser qu'intervient aussi une extension générale des surf aces cultivées dans
la province à la faveur d'un fort mouvement d'im migration en provenance de l'Extrême­
Nord.

Une Enquête réalisée en 1992 par l'IRA 4 fournit l'assolement-type des exploitations
de deux villages représentatifs de la partie Sud de la Bénoué, en discriminant les
exploitations selon un critère essentiel: la pratique de la culture du cotonnier.

Superficie cultivée par exploitation en ha


exploitations
avec coton sans coton moyenne

arachide 1,6 1 1,3


maïs 1,4 1 1,2
sorgho 0,7 0,8 0,7
coton 0,8 0 0,5
divers 0,2 0,2 0,2

L'arachide est probablement sur-représentée dans cette zone par rapport à la


moyenne provinciale . Un enseignement majeur est la supériorité de la surface cultivée, et
notamment en maïs, dans les exploitations cotonnières. L'action de la SODECOTON a été
décisive dans le développement du maïs et l'on constate d'ailleurs jusqu'en 1988 une
diffusion simultanée du coton et du maïs.

En effet, parallèlement à la promotion de la culture cotonnière, la SODECOTON est


chargée de l'intensification des cultures vivrières, et parmi ces dernières, c'est sur le maïs
que son action a porté de façon prioritaire. Le maïs présente en effet plusieurs avantages:
c'est une céréale davantage productive que les mil et sorgho et des gains de rendements
supplémentaires pouvaient facilement être obtenus en introduisant de nouvelles variétés
améliorées; des variétés à cycle court permettent de réduire les contraintes de soudure
alimentaire et surtout -du point de vu de la SODECOTON- assurent une meilleure
complémentarité avec le coton au niveau du calendrier cultural.

' Echant il l on de 5 0 exploitations des villages de OUrro - l abbo 3 et Boumedg�- Garoua - communicat ion
d ' I . Michel

17
Le maïs est ainsi devenu la plante de rotation privilégiée du cotonnier (la rotation
type est: coton - > maïs - > arachide - > jachère) et la SODECOTON s'est employée à lever
les différentes contraintes à son adoption. La pénibilité de la mouture manuelle étant une
contrainte majeure, la SODECOTON a diffusé des moulins et assuré leur maintenance. Les
potentialités productives du maïs ne s'exprimant vraiment qu'avec l'utilisation d'engrais,
la SODECOTON a fourni le crédit nécessaire à leur achat et, pour s'assurer d'un bon
remboursement, a effectué parfois la collecte de la récolte. La maïsiculture a enfin bénéficié
de l'intervention de la SODECOTON en matière d'équipement des exploitations cotonnières:
diffusion de la culture attelée et de la motorisation légère, qui ont permis d'étendre
considérablement les surfaces.

Le mouvement d'expansion du maïs, ne semble pas à l'heure actuelle remis en cause


par la crise cotonnière, l'allégement du dispositif d'encadrement de la SODECOTON et le
recentrage de l'activité de cette dernière sur la seule filière coton. Avec la baisse du prix
du coton au producteur de-puis 1988, une concurrence entre maïs et coton semble plutôt
apparaître. Des cas d'abandon du coton au profit du maïs sont signalés par l' IRA; certes
ces réactions sont encore isolées ( 5 exploitations sur un échantillon de 182) mais elles
pourraient s'étendre si les débouchés commerciaux du maïs s'élargissent et un crédit aux
intrants devient possible.

Le calendrier cultural du maïs se caractérise par des semis de mai à mi-juin et une
récolte de fin aoOt à novembre selon les variétés. Une concurrence avec le coton intervient
pour le semis.

Dans l' Extrême Nord, la culture du maïs est traditionnellement pratiquée en décrue
sur les bords du Logone et du lac Tchad. Elle serait en extension d'après ROUPSARD qui
cite une superficie de 10. 000 à 18.000 ha selon les années, de 1978 à 1986 pour le
département du Logone & Chari. En pluvial, le mil-sorgho demeure omniprésent, les
conditions climatiques (pluviométrie de 300 à 800 m m) sont très contraignantes pour le
maïs et ce dernier reste cantonné à une culture de case.

2.2 Structures de production et techniques employées en maïsiculture

On distingue classiquement au Cameroun deux types de structures agricoles: les


exploitations familiales ou "paysannes" et les exploitations agro-industrielles relevant du
secteur privé ou public. Les premières sont encore imprégnées par une logique
d'autosubsistance, même si les besoins en numéraire ont fortement augmenté. Ainsi le
dégagement d'une production vivrière pour couvrir les besoins de base du groupe familial
demeure une priorité, renforcée depuis l'effondrement du pouvoir d'achat des cultures de
rente traditionnelles. Elles ont recours à une main d'oeuvre essentiellement familiale et des
équipements rudimentaires, pour la plupart de culture manuelle, la zone cotonnière faisant
exception avec une diffusion assez large de la culture attelée.

Les secondes s'apparentent à des entreprises classiques, elles sont animées par une
logique de profit, mettent en oeuvre des techniques intensives en capital (motorisation,
intrants chimiques) et une force de travail salariée.

18
2.2. 1 Les exploitations "paysannes"

La production de maïs, comme pour la plupart des produits agricoles camerounais


(l'huile de palme, le caoutchouc, la banane, le riz étant des exceptions) est presque
exclusivement le fait des exploitations "paysannes" . La caractérisation de leur mode de
production du maïs est un exercice délicat compte tenu de la grande diversité des situations
agricoles au Cameroun, notre propos sera donc inévitablement réducteur. Deux traits
majeurs de la maïsiculture paysanne ressortent néanmoins:

- L'importance des femmes dans le processus de production. La division sexuelle


du travail traditionnelle selon laquelle les femmes sont en charge des cultures dites vivrières
(céréales et tubercules) et les hommes, des cultures de rente (cultures d'exportation et
maraîchères), est atténuée avec l'élargissement des possibilités de commercialisation des
vivriers mais elle reste globalement d'actualité. Au delà de l'exécution des façons
culturales, les femmes ont également souvent la maîtrise de parcelles de maïs dont elles
gèrent le produit indépendamment du chef d'exploitation.

- Le faible niveau d'utilisation des intrants: L'emploi de semences améliorées,


engrais, herbicides ou insecticides pour le maïs demeure globalement peu répandu. Les
normes techniques préconisées par la vulgarisation agricole sont rarement appliquées par
les producteurs. Toutefois les différences régionales doivent être ici prises en compte.
• En zone forestière, l'utilisation d'intrants sur le maïs relève de l'exception. Les
cultures vivrières sont traditionnellement conduites de manière extensive compte tenu de
l'abondance des terres (sauf Lékié et Moungo). Le maintien de la fertilité et la lutte contre
l'enherbement sont ainsi assurés par une mise en jachère après quelques années de culture.
L'emploi de semences améliorées est très ponctuel, bien que les producteurs manifestent
un grand intérêt pour cet intrant, notamment la variété composite CMS 8704 de l'IRA
appréciée pour sa productivité et son goût légèrement sucré. Il semble que ce soit l'absence
de disponibilité des semences qui limite leur emploi, en témoigne l'afflux de demandes
auprès des sélectionneurs de l'IRA qui se trouvent dans l'impossibilité d'y faire face, même
en vendant leurs semences à bon prix (300 F/Kg contre 1 00 F pour la semence locale
traditionnelle).

Le non recours aux engrais malgré la pauvreté naturelle des sols (carences en azote
et phosphore) , aurait deux origines. D'une part, le manque de trésorerie des planteurs pris
dans l'étau de la baisse des prix de leurs productions et de l'augmentation du prix des
intrants avec la suspension des subventions. D'autre part, une rentabilité trop aléatoire de
la fertilisation minérale du fait des débouchés incertains du maïs. L'épandage d'engrais
selon les normes courantes de l'encadrement (200 Kg/ha de NPK 20. 1 0. 1 0 ou phosphate
d'ammoniaque, et 1 00 Kg d'urée) représenterait en effet un coût important: 30.000 F/ha.
Le désherbage à l'herbicide pourrait présenter un intérêt pour lever la contrainte de main
d'oeuvre considérée comme primordiale dans la plus grande partie de la zone forestière,
mais il bute également sur l'insuffisante trésorerie des producteurs (un désherbage en
préémergence avec "Lasso GD" à 5 1/ha revient à 1 0. 000 F/ha).
• Dans les zones denses des hauts plateaux de l'Ouest, les pratiques culturales
sont très intensives. L'intensification se manifeste d'abord par un lourd investissement en
travail. Kleitz ( 1 9 8 8 ) relève 400 jours de travail par hectare dans les champs de maïs­
tubercules-haricot à Bafou. La conduite de cultures en continu implique aussi une utilisation
intensive de fertilisants: outre l'enfouissement des résidus de récolte et des déchets de
cuisine, on note l'épandage des fientes de volailles et porcs dont l'élevage était

19
traditionnellement intégré aux exploitations, et surtout l'utilisation d'engrais chimiques. Le
R.A. signale qu'en 1 984, 48% des exploitations de l'Ouest emploient des engrais
chimiques et 27% des engrais chimiques et organiques. Les engrais chimiques, distribués
par les coopératives de café sont en principe affectés en priorité aux caféières mais dans
les faits sont essentiellement utilisés sur les cultures vivrières et maraîchères. Les pratiques
de fertilisation sont maintenant remises en causes. Les producteurs sont d'abord confrontés
à la disparition d'une grande partie de leurs petits élevages suite aux pestes porcines et
aviaires, endémiques depuis les années 1 980. Ensuite au doublement du prix des engrais
depuis 1 987, avec l'arrêt des subventions, alors que le prix de vente du café arabica chute
de 50%. A l'exception des maraîchers, les producteurs ont fortement réduit leurs apports
d'engrais.

Dans le Nord-Ouest, l'emploi des engrais est beaucoup moins fréquent; la MIDENO
évalue leur diffusion sur les vivriers (donc le maïs) à 20-25% des exploitations en 1 990.
L'explication réside dans la moindre pression démographique qui permet le recours à la
jachère, et le fréquent enclavement des producteurs qui rend la rentabilisation de l'engrais
trop incertaine.

Les variétés améliorées (Coca et Kasaï essentiellement) seraient assez largement


diffusées notamment suite à l'action des projets de développement PDRPO et M IDENO.
L'enquête d'évaluation de la M IDENO de 1 989 estime que 46% des producteurs du Nord­
Ouest utilisent des variétés de maïs sélectionnées, chiffre qui parait toutefois optimiste au
regard de la production régionale de semences 5 • La production cumulée de semences de
1 983 à 1 988 permettrait en effet d'emblaver seulement 25 à 30% de la surface régionale
en maïs selon l' IRA.

Les insecticides pour la protection des stocks (actellic 2%, deltamétrine) sont
rarement appliqués. Pourtant les pertes post-récolte liées à l'humidité des grains mais aussi
aux attaques de charançons figurent au premier rang des contraintes mentionnées par les
producteurs de l'Ouest et du Nord-Ouest. Le non-recours à cet intrant ne semble pas tenir
à des facteurs économiques, le coût de l'actellic est faible: 1 OOF/sachet de 50 gr
protégeant 1 00 kg de grains. En fait son usage n'est pas adapté au mode de stockage
traditionnel - épis non déspathés engrangés sous le toit des habitations, les spathes étant
laissées pour limiter les attaques de rongeurs et éviter que le feu entretenu sous le grenier
ne noircisse les grains-. L'amélioration du séchage et stockage des grains est l'objet d'un
projet appuyé par la FAO depuis 1 988; la technique promue est le stockage en crib d'épis
déspathés qui permet outre l'application d'insecticide, une économie de bois de feu et une
protection contre les rongeurs. Les cribs connaissent une diffusion encore limitée 8 , celle-ci
se heurte à plusieurs facteurs: un coût non négligeable ( 1 3.000 F/m3 avec des matériaux
neufs), la difficulté de trouver un site bien exposé au vent et proche de l'habitation pour
éviter les vols, la réticence des producteurs à exposer leur stock.

Une nuance s'impose toutefois, l'importance des pertes au stockage en milieu


paysan serait fortement variable selon les producteurs et les zones: des travaux de

8 3 /84 84/85 85/86 86/87 87/88 88/89


Production de eemences
améliorées de maie
par la MIDENO en Tonnes 20 36 76 91 42 29

• Le projet FAO a contribué à l ' installation de 63 cribs dans le Nord- Ouest de 1988 à 1 9 92 et 99
dans l ' Ouest en 1 9 9 1 et 1992 . Ces cribs sont bien , dans leur quasi totalité , utilisés . Des cas
d' adoption spontanée eont signalés mais à ce j our non dénombrés .

20
l'université de Dschang évaluent les pertes entre le champ et l'utilisation finale du produit
(consommation ou vente) à Bafou, à 2 5 % de la récolte. L'enquête I RA/NCRE/FAO conduite
en zone d'altitude du Nord-Ouest (Ndop et Bui) trouve, pour la seule opération de stockage,
en moyenne 3,2 % de perte de poids (7 % si la totalité de la récolte était stockée durant 1 O
mois) et un taux de grains endommagés en fin de cycle de stockage de 23%.

* E n zone d e savane, une intensification de la maïsiculture est intervenue


essentiellement dans les exploitations cotonnières. Les statistiques de la SODECOTON en
donnent un aperçu en considérant, pour les seules exploitations encadrées (soit environ
70% de l'ensemble des exploitations du Nord) les surfaces en "maïs intensif" (avec
semences améliorées, engrais et parfois herbicide) et en "maïs traditionnel" (sans intrant).
Avec environ 5 000 ha au début des années 1 990, le "maïs intensif" ne représente que
1 5 % de la surface totale en maïs. Après avoir connu un développement rapide de 1 978 à
1 986, la surface en culture intensive stagne voire régresse légèrement tandis que le maïs
traditionnel demeure en forte expansion 7 • Cette inflexion est liée à la crise cotonnière. La
baisse des recettes des producteurs avec la diminution de 40% du prix du coton
compromet l'achat d'intrants pour les vivriers. Par ailleurs la SODECOTON confrontée à un
déficit, réduit ses interventions dans le domaine vivrier notamment en matière de crédit aux
intrants. Ainsi il n'est normalement plus question de faire supporter les charges
d'intensification du maïs à la culture cotonnière. Ces statistiques ne reflètent toutefois pas
fidèlement la réalité. Une partie probablement importante de la maïsiculture intensive n'est
pas comptabilisée comme telle, il s'agit du maïs qui bénéficie d'un engrais détourné du
coton ou provenant d'une source alternative à la SODECOTON, le réseau privé informel qui
importe du Nigéria 8 •

La diffusion des semences améliorées (composites TZPB, 8501 et 8704)


d'importance notable dans les années 1 980, avec plus d'une centaine de tonnes distribuées
annuellement 9, se serait effondrée d'après les dernières prévisions de la SODECOTON:
autour de 1 0 T en 1 993. Cette chute n'est certainement pas compensée par l'intervention
de l'autre structure d'encadrement du Nord -le projet Nord Est Bénoué- Comme explication,
la SODE COTON avance le manque de trésorerie des producteurs et le renchérissement trop
important du prix des semences. La firme Pioneer qui a repris le complexe semencier de
Garoua commercialise en effet actuellement les composites à 200 F/Kg (après une tentative
à 250 F), la société publique précédente les vendait à 1 65 F en 1 99 1 et la SODECOTON

Superficie en maie de• exploitation• encadr6ee par la SODECOTON


en Millier• d ' ha
85/86 86/87 87/88 88/89 89/90 90/91 9 1 / 92
maie • traditionnel " 8,5 9,4 8,8 12 , 7 20 20 27 , 6
mai• • intens i f " avec
eemences améliorée• 5,5 5,3 3,8 5,4 6,4 4,7
engrais 5,5 5,3 3,8 5,4 6,4 4,7 5
herbicide 3,4 2,6 2,6 2,9 3,8 2,2 2
prépar . du eol attel6e 2,4 2,7 1,9 2,6
motorisée 2,6 1,9 1,6 1,4
eource : SODECOTON , Rapporte d ' activité

Dana une enquête r6alie6e auprès de 2 4 0 0 exploitations cotonnière• (Sigriet , 1 9 91 ) , 27% des
producteurs ont déclaré uti l iser de l ' engrais du Nigéria aur le maie ; ce taux conetitue un minimum
compte tenu du caractère infonnel voire i l l icite de cette eource d ' approvieionnement .

• Distribution de eemences de mais par la SODECOTON


82/83 8 3 /8 4 84/85 85/86 86/87 87/88 88/89
e n Tonnes 71 71 99 166 159 115 163

21
à 85 F en 1 984.

La zone cotonnière se distingue par le niveau avancé de la mécanisation de


l'agriculture. La SODECOTON esti me que les trois quarts des exploitations encadrées
pratiquent la culture attelée et 2 % (mais 1 4 % dans le Sud-Est Bénoué) la culture motorisée
avec les tracteurs légers TE. Une extension considérable de la surface en maïs a été rendue
possible par la promotion de la mécanisation sous l'égide de la SODECOTON, le maïs étant
la plante de rotation privilégiée du cotonnier. La mécanisation (mais également l'utilisation
de l'herbicide) a permis de réduire la contrainte de m ain d'oeuvre, prédominante dans le
Nord où la densité de population reste faible ( 1 4 habitants/Km 2 ) malgré les migrations
organisées. Si la culture motorisée est remise en cause par la crise cotonnière et la
suspension de l' appui de la SODECOTON (l'effectif des tracteurs en service passe de 300
en 1 988 à 1 80 en 1 990), la culture attelée semble en revanche se maintenir. Enfin, la
mécanisation de l'égrenage a été lancée par la SODECOTON en 1 980, mais demeure
actuellement peu développée . La SODE COTON fournit en prestations de services seulement
une dizaine d'égreneuses fonctionnant sur prise de force de tracteur. Sa tentative de
commercialisation d'égreneuses manuelles s'est soldée par un é chec m algré un prix
abordable ( 1 0.000 F).

Compte tenu de la diversité des systèmes de production et des techniques


appliquées, les rendements en maïs obtenus dans les exploitations paysannes sont
évidemment très variables. Un premier obstacle à l'utilisation du critère de rendement est
la prédominance des cultures associées en zone forestière et d'altitude, le rendement
n'ayant de sens que pour une culture pure. La variabilité extrême des rendements tient en
grande partie à celle de la densité du semis qui peut aller de quelques milliers de plants à
50.000 plants/ ha, elle-même liée au degré d'abondance des terres et à la qualité du
défrichement de la parcelle. Un rendement moyen en conditions paysannes aurait donc peu
de signification.
On peut seulement donner une fourchette dans laquelle se situent les rendements
courants en culture pure:

en zone forestière (sans intrant) : 1 à 2,5 T/ha, les meilleurs rendements étant
obtenus dans la zone de transition forêt-savane (Mbam, Hte Sanaga, Lom& Djerem). En
station de recherche les rendements avec les variétés améliorées et engrais sont de 4 à 6
T/ha. Toutefois le rendement calculé sur des grains à 1 5 % d'humidité, n'est peut être pas
le premier critère qui intéresse le producteur, le maïs utilisé en épis frais ayant une grande
importance .

en zone d'altitude de l'Ouest: 1 ,5 à 3 T/ha avec u n niveau d e fumure nul à


faible. Les sols, d'origine volcanique, présentent généralement une plus grande fertilité mais
cette dernière n'est pas toujours bien maintenue, les sols étant intensément utilisés. Le
rendement (et sa stabilité) est un critère fondamental pour le producteur compte tenu de
la rareté des terres et du statut d'aliment de base du maïs.

dans le Nord, en l'absence d'engrais: 1 à 2 T/ha, avec engrais ( 1 00 kg/ha de


NPK et 1 50 kg d'urée est le cas le plus fréquent): 2 à 3 T/ha 1 0 ; avec une dose renforcée
de NPK (200 kg) et des variétés améliorées: jusqu'à 4 T/ha.

1
• Rendements moyens en culture intensive de mais encadrée par la SODECOTON ( concerne 5000 à 6 0 00ha)
85/86 8 6 /87 87/88 88/89 89/90 9 0 / 91 91/92

Tonnes /ha 2,3 3 2,1 2,3 2 2,4 2,3

22
2.2.2 Les exploitations agro-industrielles

Les exploitations de grande dimension investies dans la maïsiculture ne sont pas à


ce jour recensées par les statistiques agricoles. Leur effectif est probablement inférieur à
une ou deux centaines; si de nombreux projets sont actuellement affichés par des
investisseurs, peu sont entrés en phase de réalisation. Contrairement aux plantations agro­
industrielles qui sont essentiellement sous la tutelle publique, les exploitations "maïsicoles"
relèvent du secteur privé, les exploitations du MINEPIA de Kounden et de l'UNVDA de Ndop
faisant exception. La plupart appartiennent à des "notables", souvent cadres supérieurs
d'entreprises publiques ou de l'Administration encore en activité ou reconvertis dans
l'agriculture.

L'exploitation intégrée à la maïserie MAISCAM de Borongo dans I' Adamaoua se


distingue par sa dimension. Etablie sur un domaine de 4000 ha, elle compte une surface
cultivée de 2350 ha dont 2000 en maïs et 350 en soja, après une dizaine d'années de
fonctionnement. Sa production de maïs est actuellement autour de 1 0.000 T ce qui permet
de satisfaire environ 40% des besoins de la maïserie orientée vers la fabrication de gritz de
brasserie. Bien que seulement 60% de la surface aménagée soit cultivée, on note un arrêt
de l'expansion de la surface mise en culture, en 1 99 1 . L'origine probable de cette inflexion
est la réduction du m arché du gritz et des problèmes de trésorerie de MAISCAM liés à une
gestion financière peu rigoureuse. La tentative de diversification avec le soja ne serait pas
couronnée de succès.

Les autres exploitations sont de taille beaucoup plus modeste, de quelques dizaines
à quelques centaines d'hectares. On note une concentration particulière de ces
exploitations dans les régions de Foumbot-Ndop renommée pour la fertilité de ses sols et
de Bafia-Mbangassina. La production de maïs s'inscrit dans deux principales stratégies. A
l'Ouest, une stratégie de diversification pour introduire une rotation culturale. Les
exploitations sont souvent orientées vers la production de légumes destinés au marché
intérieur ou à l'exportation (haricots verts, pois), le maïs est alors intercalé entre deux
cycles de légumes. Avec l'irrigation, des exploitations telles Jardins de Foumbot, Delias
farming, font deux à trois cycles de légumes et un cycle de maïs par an. La seconde
stratégie, qui concerne notamment les exploitations du Centre est l'intégration de la
production de maïs par des fermes avicoles, donc en vue d'un auto-approvisionnement
(exploitations Boto Angon de Bafia, Babalé de Batchenga). Une stratégie de spécialisation
dans la maïsiculture parait problématique, comme le souligne l'échec de la société West
Corn è Foumban et les difficultés de fonctionnement de telles exploitations (Baba agro­
industrial farm près de Ndop, lnterlux à Foumbot). Ces exploitations éprouvent
probablement des difficultés à soutenir la concurrence de la production paysanne, nous
verrons cet aspect plus loin.

Le processus de production repose sur une motorisation presque intégrale, seule la


récolte peut être partiellement manuelle. Chez MAISCAM, 30% de la production est
récoltée manuellement en raison de problèmes de verse. Le niveau d'utilisation des intrants
est en principe élevé : semences hybrides (ZS 206 et SR 52 importées du Zimbabwé pour
MAISCAM), engrais à forte dose (700 kg d'engrais + 500 kg/ha de chaux chez MAISCAM;
200 kg de DAP + 1 50 kg d'urée + 50 kg/ha de phosphate tricalcique, en plus de
l'épandage de lisier, à la ferme MINEPIA de Kounden). En réalité, nombre d'exploitations
ne suivent pas des normes techniques "optimales" à cause de difficultés de trésorerie ou
d'organisation.

23
Les rendements en maïs se situent normalement entre 4 et 6 T/ha. MAISCAM
obtient de 4,5 à 5 T/ha durant les années 1984-1991; ce niveau -et sa stabilité- traduit la
réussite technique de cette exploitation. Dans l'Ouest des rendements supérieurs peuvent
être obtenus du fait de la fertilité naturelle des sols. Jardins de Foumbot atteint sur des
terres noires un rendement de 7 T/ha avec les hybrides Pioneer 34. 35 et 5 T/ha avec le
composite Kasaï, ces données doivent toutefois être confirmées sur une série d'années.

2.3 CoOts de production du maïs et valorisation du travail en maïsiculture

On s'attachera ici à dégager les coûts de production du maïs et la rémunération


apportée au producteur par cette spéculation, pour chacun des trois grands types de
systèmes de production:
• Les systèmes avec culture manuelle et peu ou pas d'intrants
• Les systèmes avec culture attelée et un début d'intensification avec les
intrants
• Les systèmes avec . culture motorisée et haut niveau d'utilisation des
intrants

2.3.1 CoOt de production en culture manuelle à l'Ouest

L'évaluation économique est ici confrontée au problème de la prédominance des


facteurs non monétisés, dans le processus de production: le travail est essentiellement
fourni par la main d'oeuvre familiale, la terre est exploitée en faire valoir direct, et son
accès est généralement gratuit (héritage ou droit de défrichement accordé par le chef
coutumier). Les intrants (semences améliorées, engrais, produits phytosanitaires) ne sont
pratiquement pas employés et le capital d'exploitation se réduit à un outillage sommaire
(houes, machettes, haches) d'où le faible niveau de charges monétaires. La solution
classique est d'utiliser pour la main-d'oeuvre un coût d'opportunité évalué sur la base des
prix pratiqués sur le marché local du travail; le coût de la terre, quant à lui, n'étant pas
comptabilisé du fait de l'importance marginale du marché foncier. On préfèrera à cette
approche normative, raisonner sur la marge brute, qui a une signification bien claire pour
l'agriculteur - c'est l'expression de son revenu monétaire - On calculera alors un coût de
production selon plusieurs hypothèses de rendement en maïs et de valorisation de la
journée de travail pour la main d'oeuvre familiale (la main d'oeuvre féminine ou celle des
enfants est en effet souvent valorisée intuitivement par le chef d'exploitation à un très bas
coût). Par extension, on sera en mesure de déterminer le prix au producteur du maïs qui
permet de valoriser à un niveau donné le travail paysan.

Notre évaluation se réfère à l'Ouest où l'on trouve des exploitations davantage


spécialisées dans la maïsiculture, et dont la production est orientée vers la vente en grains.
Nous avons procédé à une étude de cas avec le délégué des planteurs de Bamokoumbo,
village représentatif sur l'axe Bafoussam-Mbouda.

Une caractéristique majeure dans cette zone est l'éloignement des champs de maïs
du domicile du planteur. Du fait de la pression démographique (plus de 200 habitants/km 2 ) ,
les planteurs sont contraints d'ouvrir des champs jusqu'à 30 km de leur résidence. Les frais
d'évacuation de la récolte vers le grenier du producteur pèsent donc lourdement dans le
coût de production, ils représentent souvent la moitié des charges monétaires engagées
pour la production de maïs.

24
Les charges en intrants sont minimes: la majorité des producteurs n'utilisent pas
d'engrais sur le mais, en particulier sur les parcelles éloignées dont la mise en valeur
remonte à une époque récente (4 à 8 ans) . Les semences sont presque toujours auto­
fournies par la récolte précédente, on peut donc les valoriser à un coOt d'opportunité de
1 00 F/kg (grain de qualité et utilisé en période de soudure). L'intrant le plus fréquemment
utilisé est l'insecticid_e pour protéger le stock de mais (actellic ou lisithiol).

Les planteurs dotés des plus grandes superficies ont recours à une main d'oeuvre
rémunérée pour certaines opérations: la préparation du terrain (contrat de 30.000 F/ha), le
sarclage (20. 000 F/ha). Le semis, la récolte sont réàlisés par la m ain d'oeuvre familiale
notamment les enfants qui sont alors en congé scolaire. Le prix de la main d'oeuvre a
fortement baissé, de 1 000 F/jour en 1 990 , il est passé à 7 00 F voire 500 F dans certaines
zones.

A titre d'illustration le budget de culture du mais du Délégué des planteurs pour


1 992, sur une parcelle en culture pure, pratique qui n'est certes pas courante, est le
suivant:

COUT Dl PIODUCTIOI Dl 11IS Il CILTIRI lllUILLI


ltleg;e des pl1at1ur1 lalokolllbo
3 ba 11i1 2,, T/ha
3 ha haricot tu le cycle
I1tr11t Qlaatitl Pri1 Cout/ha
/ ha aaitaire en
lg ou 1 en r lilliers de r
8uence1 locales 20 100 2
llgrais 0 0
I11ecticide lisithiol 3,33 520 1,7
trait .1tock
fr111port lécolte 32
1111 f'oe1,re 11terieure 35
Preparat'chup 30000/2 15
1 11rclage 20
CWGIS IOIIT.URBS 70, 7

!l!PS DES !RAV!Vl jours/ha


1111 D'OIUVII Fl!IILI1LI
ltlil 12
récolte 24
tgrenage 10
Total C6

25
Le coOt de transport est ici particulièrement élevé, les 3 ha de maïs sont distants de
30 km. La location d'un véhicule •oyna" d'une capacité de 3 T est de 20.000 F compte
tenu de la mauvaise praticabilité de la piste, la collecte intervenant en pleine saison
pluvieuse (juillet). Le mais est de plus transporté dans son état le plus pondéreux: en épis
avec spathes à un taux d'humidité élevé (25 à 35%); ramené au kg de grain sec, le
transport revient à 1 3 F. La réalisation de deux cycles annuels (maïs puis haricot) permet
de minorer la charge de main d'oeuvre de préparation du champ, cette dernière étant
amortie sur les deux cultures.
Le coOt de production du mais, pour le rendement obtenu en 1 992 de 2,4 T/ha et
une marge brute par journée de travail familial de 750 F, est de 44 F/kg. Le tableau suivant
présente les coOts de production obtenus dans d'autres hypothèses de marge brute/jour et
de rendement (l'hypothèse 3 T/ha est forte en l'absence d'engrais).

con Dl PIODUCTIOI DV llIS SILOI LI uemn ft L1 YlLORISlTIOI Dl L1 llII D'Omu 11!ILI1LI


u 1/lg
tudut T/u 1, 5 2 2,5 3
Qargea aoaetliru I de P/'41
lb jours/ha tra,all f11ili1l
58
31
65
'2 ,71, 71
50
large bnte 0 39 32 28 26
u 1/jour 500 51 '3 38 34
u
750
1000 "
58
53
42
47
38
43

lllGI IRVTI Pli JODi Dl fl1V1IL SILOI LI IIIDl!!IT , LI PRII DU llIS


ur
ludut f /'41 1 ,5 2 2, 5 3
Prl1 du aais 25 -5'6 -351 -190 - 55
u 1/lg 30 -348 -113 12 245
35 -151 125 35, 545
CO 47 36' us 145
45 24' 602 197 1145

. . . . . -- �

En considérant un rendement de 2 T/ha, réaliste en l'absence d'engrais, le


producteur devrait obtenir un prix de 45 F/Kg pour valoriser le travail de sa main d'oeuvre
familiale è 600 F/jour; précisons que ce prix s'applique au cas d'un producteur situé sur un
axe routier important et ayant lui même assuré un premier transport du produit. On
constate une marge négative pour un prix inférieur è 35 F/kg et un rendement inférieur è
2 T/ha; il s'agit d'une situation théorique car le producteur n'emploierait surement pas de
manoeuvres dont le travail est valorisé au moins à 500 F/jour, si il s'attendait à rencontrer
de tels paramètres.

26
;.

2.3.2 CoOt de production en culture attelée au Nord

Les comptes d'exploitation types établis par les structures de Développement et de


Recherche ont été utilisés ici. L'estimation du Projet Nord-Est Bénoué porte sur une culture
relativement intensive suivant les normes techniques vulgarisées; celle du volet Recherche­
Développement de l' IRA-Garoua concerne une culture conduite selon les pratiques
paysannes courantes.
CODT Dl PRODDCTIOI DV l!IS CILTIRI lTTILil IORD
Projet lord-lat Bellou{ Ollest-Benoaê (IR1, I .lichel )
conduite pl11 inteusi,e conduite aoins inteasi,e
Intrant Ouantite Pri1 Coat/ha Intrant Oaantite Pri1 Cout/ha
/ ha 11itaire en / ha 11itaire en
lg 011 1 en r I de r lg ou I en r I de r

Suences coaposite 20 210 4 , 2 tra4it. 20 100 2


IDgrail 34 22.
IPI 200 120 24 IPI 100 120 12
urie 100 100 10 uee 100 100 10
Insecticide traitu.1e1ences 2
TOTAL IHWTS 40,2
Transport Récolte 4 2
!grenage 6,4 3,2
TOTAL SIRVICIS 10, 4 5,2
TOTlL IORS 1111 D'OllJ'iiE , l!ORTISS!!IITS 50, 6 29, 2
jours/ha
OIi D 'OffliB 88
Préparat'cbup 12
Labours atteli 4
Suis 1anuel 12
Sarclage aanuel •2 20
lpandage engrais 4
Buttage attelé 12
Récolte 24
O n a considéré ici que les travaux culturaux sont réalisés sans appel à une main
d'oeuvre ou des équipements de culture attelée extérieurs à l'exploitation. La marge brute
doit donc couvrir à la fois la rémunération du travail, l'entretien et l'amortissement des
animaux et du matériel de culture attelée, les éventuels frais financiers en cas d'achat des
intrants à crédit. Il convient d'avoir conscience de ces divers éléments inclus avant de
déterminer un objectif de niveau de marge brute. Une production destinée au marché doit
être financièrement motivante pour le producteur, dans cette perspective, on peut retenir
une marge brute de 750 F/jour. Le coût de production s'établit alors à 50 F/kg en culture
à faible intrant ( 1, 75 T/ha) et 40 F/kg en système plus intensif (3 T/ha). Ces coûts
s'apparentent à des coûts économiques puisque les intrants ne sont plus subventionnés.
L'intensification apparait bien ici rentable. Le facteur décisif de l'adoption par le producteur
de techniques intensives est l'accès au crédit, or celui ci devient problématique avec le
désengagement de la SODECOTON.

27
On a évalué pour divers niveaux de rendements, les coOts de prod·uction et les
marges brutes par jour. Un prix au producteur de 40 F/kg parait bien un prix-plancher dans
les conditions de culture actuelles avec des rendements dépassant difficilement 3 T/ha.

con Dl PRODUCTIOI DU DIS 11101 LI UIDDDT 1T L1 Y1LORIS1Tl0I Dl L1 1111 D'OfflU


u f/J.g
ludeat T/ha 1,5 2 3 4
Clargea aonetairea I de F/ha
lb jours de tra,ail/ha
29, 2
76
29,2
80
50, 6
88 "
50, 6

large brute 0 19 15 17 13
en F/jour 500 45 35 32 24
750 57 45 39 30
1000 70 55 46 36

WGI IRUTI Pll JOUR Dl tllYAIL SILOI LI IDDDDT ' LI PIII DU DIS ur
leldeat T/ha 1,5 2 3 4
Pri1 h aais 25 109 260 277 526
u f/J.g 30 208 385 '48 738
35 307 510 618 951
40 405 635 789 1164
45 504 760 95g 1377

2.3.3 CoOt de production en culture motorisée

La méthode utilisée est toujours celle du budget de culture où l'on spécifie pour
chaque facteur de production, la charge afférente pour 1 ha de maïs; le coOt de production
par kg de maïs est e nsuite calculé en rapportant le coOt total/ha au rendement, selon
plusieurs hypothèses de rendement. La ventilation des postes de charges répond à la
distinction classique entre les consommations intermédiaires (intrants), la rémunération du
travail, du capital emprunté (frais financiers), de la terre, et enfin les amortissements. Le
coOt d'opportunité du capital propre de l'exploitant n'est pas pris en compte; quant au
travail, le recours aux salariés étant généralisé jusqu'aux tâches de gestion, il ne se pose
pas de problème de coût d'opportunité du travail de l'exploitant. Les coOts présentés sont
des coûts financiers qui s'apparentent à des coûts économiques dans la mesure où les
facteurs ne sont ni subventionnés, ni taxés (è l'exception peut être du carburant).

Trois exploitations ont pu être appréhendées: MINEPIA-Kounden dont l'évaluation


constitue une référence, il s'agit des charges réelles supportées pour 1 92 ha de maïs, elle
est toutefois ancienne, remontant è 1 986; Baba Agro-Industriel farm (Plaine de Ndop) qui
apporte une information purement indicative, les charges étant prévisionnelles et peut être
sous-estimées; MAISCAM-Borongo pour les charges effectives totales en 1 992, exception
faite des frais financiers. La comparaison avec le compte d'une exploitation maïsicole-type
des Etats-Unis fait apparaître les sources de compétitivité du maïs américain, principal maïs
importé au Cameroun.

28
COUT DB PRODUCTION DU !!AIS BN CULTURE !OTORISEE
CHARGES en !il l iers de FCFA/ha
!IIEPIA Kounden Baba Agro-Ind ldop l!lISCl! Borongo Btats Unis
192 ha aais, 5,7 T/ha 150 ha aais 2000 ha aais ST/ha 7,3 T/ha
realise 1986 previsionnel 1992 realise 1992 1990
Seaences 25,9 15 13, 8
2 5 Kg/ha hybrides R90aSR 52
Engrais 32, 8 24, 5 27,2
200 Kg DAP+l50 Kg uree 250 Kg liPK
+50 Kg phosphate tri cal c. +100 lg nree
Chaulage 0 0 1,4
Herbicide 11, 7 12
15, 2
Insecti cide 2,9 0
Carburants , lubrifiants
pieces detachees 37, 7 70 18, 9
Sechage 9,8 0 7,5
COIISOl!l!ATIONS
IITBR!BDIAIRES 120 , 8 121 , 5 84, 1
Iain d 'oeuvre 32, 3 40 21,3
Frais generauz ) 0 18, l
) 16,6
Frais financiers ) 10 0 11,2
Terre 0 0 0 40, l
CRARGES D'BIPLOITATIOII 48, 9 50 90, 7
TOTAL BORS l!ORTISSE!ENT 169 , 7 171 , 5 220 , 8 1 74 , 8

llorti sseaent aateriel 73,4 83,2 24, 0


llort.batiaents, aaen . fonciers 21,7
l!ORTISSEMENTS 73, 4 104 , 9 24,0
TOTAL 243, 1 325 , 7 198 , 8

COUT DE PRODUCTION UIITAIRE DU !!AIS SELON L E RENDE!ŒNT en FCFA/Kg


BORS l!ORTISSEMENT AVEC l!ORTISSEMENTS
!INEPIA Baba Agro l!AISCA! EtatsUnis !INEPIA l!AISCA! EtatsUnis
Kounden lldop Borongo lounden Borongo
1986 1992 1992 1990 1986 1992 1990

4 42 43 55 61 81
Rendeaent aais en T/ha 5 34 34 44 49 65
6 28 29 37 29 u 54 33
7 24 25 32 25 35 47 28

Sources : MINEPIA Kounden : Rapport J.De Clercq 1987


Etats-Unis : USDA·ERS · tauz de change FMI : 272 FCFA/$
sans frais financiers pour !AISCAM

29
Ces exploitations supportent des charges de motorisation (carburants-pièces
détachées, amortissement du matériel) très lourdes. Cela tient d'abord au prix élevé d'un
matériel qui doit être importé (le directeur de Kounden cite l'exemple d'une commande de
pièces détachées dont le prix hors-taxes est supérieur de 40 % à Douala par rapport au
niveau européen). L'importance du matériel de travaux publics nécessaire pour les
défrichements, l'entretien des pistes et des aménagements anti-érosifs, est également en
cause. Un sur-équipement peut enfin intervenir, pour se prémunir du risque de rupture de
stock mais aussi parfois du fait d'un investissement initial trop ambitieux. Cela semble être
le cas chez MAISCAM où les investissements réalisés pour l'aménagement des terres sont
mal rentabilisés; en effet seulement 63 % de la surface aménagée est mise en culture en
1 992.

Le coût de production du maïs pour MAISCAM, y compris les amortissements mais


sans frais financiers est de 65 F/kg avec le rendement de 5 T/ha couramment obtenu.
L'évaluation pour la ferme MINEPIA-Kounden n'est pas vraiment comparable puisqu'elle
remonte à 1 986 - 43 F/kg cette année là- on peut cependant penser que le coût de
production du maïs y demeure moindre compte tenu de la supériorité du rendement (5, 7
T/ha). L'Ouest jouirait donc bien d'une rente différentielle liée à la fertilité de ses sols. Une
maïsiculture motorisée pourrait être compétitive par rapport à la production paysanne dans
l'Ouest, à condition d'être sur les bons sols or ces derniers sont largement occupés
(seulement quelques milliers d'ha seraient encore disponibles sur les meilleures terres vers
Foumbot) et des usages alternatifs au maïs peuvent s'y avérer plus intéressants
(maraîchage).

Hors amortissement et frais financiers, le coût de production de MAISCAM serait


de 44 F/Kg, niveau équivalent au coût de production estimé en culture attelée dans le Nord
(avec une marge brute autour de 800 F/jour). MAISCAM aurait donc intérêt à poursuivre
la culture du maïs pour valoriser les investissements réalisés; outre la considération du coût,
l'aspect de sécurité d'approvisionnement justifie cette production. Par contre, la réalisation
de nouveaux investissements ne parait pas souhaitable.

L'origine de la compétitivité du maïs américain (coût de production de 27 F/kg en


1 990) apparait clairement. C'est la faiblesse du coût de la motorisation jointe à un niveau
de rendement beaucoup plus élevé (couramment 7 T/ha). Les écarts de coûts avec
MAISCAM sont en effet éloquents: -75 % pour les charges en carburant-pièces détachées,
-70 % pour l'amortissement du matériel. Les charges d'infrastructures (pistes,
électrification) que supportent MAISCAM incombent il est vrai, aux Etats Unis, aux
pouvoirs publics et non aux producteurs.

On peut examiner du point de vue, non pas de la société MAISCAM mais de la


balance des paiements camerounaise, l'intérêt d'un approvisionnement en maïs à partir de
la ferme motorisée de Borongo par rapport à l'alternative de l'importation, en examinant le
contenu en importation de la production .

Les postes d e charge occasionnant une sortie de devise sont: les semences, les
engrais, les produits phytosanitaires, les pièces détachées, les carburants, les salaires
d'expatriés, l'amortissement du matériel importé.

30
[.
La valeur de ce contenu en importation du maïs produit par MAISCAM ·est d'environ
1 50.000 F/ha soit 30 F/kg 1 1 • Avec un prix du maïs américain à l'importation de 45 F/kg
(CAF Douala en moyenne en 1 993 d' après des opérateurs bien informés), l'économie de
devise réalisée en ne recourant pas au maïs importé, apparait fai ble : seulement 1 5 F/kg . Si
l'on assi mile au coût en ressources internes 1 2 , le coût de production de MAISCAM (65
F/kg ) diminué du contenu en importation (30 F/kg ), on trouve un ratio coût en ressources
internes / économie de devise réalisée, de 35/1 5 soit 2,3. Ce résultat largement supérieur
à 1 est très défavorable à un investissement dans un système productif comme celui de
MAISCAM. Il signifie qu'il en coûte 2,3 fois plus en ressources internes, à produire du maïs,
que le bénéfice tiré du renoncement à l'importer (économie de devise ) .

2.4 L'environnement amont de la production

2.4. 1 La Recherche

Le maïs a bénéficié d'un important effort de recherche avec le Projet National de


Recherche et Vulgarisation des Céréales -NCRE- lancé au sein de l ' I RA en 1 98 1 avec
l' assistance scientifique de l ' I ITA et un financement de l'USAID. L'accent a été mis sur
l'amélioration variétale, on dénom bre en effet 1 2 sélectionneurs (3 I ITA et 9 nationaux)
spécialisés sur le maïs durant la seconde phase du projet ( 1 9 8 6- 1 992) . On peut relever
comme principaux acquis: la création de variétés composites productives (gain de
rendement en conditions paysannes d'au moins 500 kg par rapport aux variétés
traditionnelles) avec diverses qualités de grain et durées de cycle (CMS 8 5 0 1 et 8704 sont
les plus diffusées) ; l'introduction de variétés originaires du Zaïre ( Kasaï et shaba);
l'introduction de la résistance au streak sur les variétés améliorées existantes.

En matière d'agronomie du maïs, les réalisations portent sur l'opti misation de la


fertilisation minérale et l'évaluation des pratiques culturales paysannes. Ces dernières se
sont généralement révélées valides. Dans l'Ouest, l'intérêt du billonnage a notamment été
confirmé; les pratiques d'écobuage en revanche ne seraient guère justifiées. Ces résultats
viennent en fait seulement confirmer des travaux antérieurs menés à l' IRA. Des recherches
novatrices ont été l ancées au début des années 1 990 sur le maintien de la fertilité par des
rotations et jachères améliorées avec des légumineuses mais n'ont pas encore abouti .

On note enfin l'absence de recherches significatives dans le domaine de la


conservation et la valorisation des récoltes.

11 Les coefficients de contenu en importat ion des intrants sont tirés de l ' évaluat ion SEMRY - 1 9 8 3 -
actuali sée e n 1 9 9 2 .
engrais prod . phyto carburant pièces détachées
l d ' import 85 74 18 66

12 Le ratio du coüt e n ressources internes dans l a théorie économique standard e s t u n indicateur


d' avantages comparatifs rapportant le coüt des facteurs non échangeables ( travail , terre et capital )
à la valeur ajoutée aux prix mondiaux ( Prix à l ' importation - coüt des facteurs échangeables ) . Facteurs
et taux de change sont normalement évalués à des prix de références qui seraient obtenus dans une
situation de concurrence parfaite . Compte tenu des problèmes pratiques que pose la mise en oeuvre de
cette méthode (estimat ions des distorsions sur les marchés ) et des controverses qui entourent le
postulat central de la référence à la concurrence parfaite , nous avons ut il isé une notion dérivée . Les
coüts mentionnés sont évalués sur une base financière qui est toutefois en principe , exempte de
distorsions de l ' Etat ( ni taxes , ni subvent ions ) ; ensuite on a considéré les facteurs échangés
( occasionnant une sort ie réelle de devises) au lieu des facteurs échangeables .

31
Plusieurs problèmes agronomiques cruciaux restent posés à la Recherche:

- Le haut niveau d'acidité des sols particulièrement dans la zone forestière.


- La déficience en phosphore dans I' Adamaoua et l'Ouest.
- La baisse de la fertilité dans les zones denses de l'Ouest avec la généralisation de
l'occupation permanente des terres et la remise en cause des pratiques habituelles de
fertilisation minérale par le nouveau contexte économique. Des techniques productives à
faibles intrants monétaires sont à trouver.
L'infestation de la zone de savane par le striga (40 % des terres seraient
touchées). La lutte actuelle par épandage d' urée à forte dose est coûteuse et d'efficacité
limitée.
- La maîtrise de l'érosion sur les parcelles de grandes dimensions.

Au delà de la résolution de ces contraintes majeures, la recherche doit encore


approfondir l'adaptation des variétés aux différents contextes écologiques. Les variétés de
basse altitude comme CMS 850 1 et 8704 sont en effet employées indifféremment dans
la zone forestière et celle de savane.

L'avenir de la recherche sur le maïs, comme pour l'ensemble des céréales, se trouve
gravement hypothéqué par l'arrêt prochain du projet NCRE. La Recherche nationale traverse
actuellement une crise aiguë, la majorité des stations étaient fermées au moment de la
mission par manque de financement.

2.4.2 La Vulgarisation et la distribution des intrants

La vulgarisation en maïsiculture, à l'image de l 'encadrement agricole général est


fortement différenciée selon les régions, dans sa portée comme dans son support. Des
structures aussi diverses que les services du Ministère de I' Agriculture, des sociétés para­
publiques, des Projets autonomes financés par l'aide publique étrangère, des "coopératives"
de producteurs (sous tutelle publique jusqu'en 1 993), des missions religieuses, assurent
cette fonction.

C'est dans le Nord, terre d'élection des projets, que l'appui aux producteurs est le
plus important. On relève deux structures majeures: le Projet Nord-Est Bénoué (à
l'exceptionnelle longévité puisqu'il remonte à 1 973) et surtout la SODECOTON au large
champ d'intervention (conseil technique, approvisionnement en intrants, prestation de
travaux motorisés, équipement des exploitations en matériel de culture attelée, équipement
de groupements villageois en moulins, crédit agricole). Bien que la préoccupation centrale
de cette structure soit évidemment la promotion du coton, nous avons montré
précédemment que les résultats obtenus en matière de diffusion et d'intensification de la
maïsiculture sont considérables.

L'Ouest et le Nord-Ouest ont bénéficié de projets dans les années 1 980;


respectivement le PDRPO géré par la pseudo-coopérative UCCAO et la MIDENO insérée
dans les services du Ministère de I' Agriculture. Ces derniers ont surtout permis un début
de diffusion des variétés améliorées. L'impact du PDRPO serait toutefois très limité, le
mauvais fonctionnement de la ferme semencière illustre les défaillances de ce projet.

Dans le Centre et le Sud, la SODECAO, structure parapublique régionale chargée


d'encadrer la cacaoculture a également conduit des actions d'intensification de la
maïsiculture, mais semble t-il à un niveau très modeste. Globalement les autres régions
reçoivent comme seule assistance celle des services décentralisés de I' Agriculture dont la

32
très faible efficacité est largement reconnue.

Le désengagement de l'Etat des fonctions d'appui à la production, entamé avec


l'avènement de la crise économique à la fin des années 1 980, se poursuit. Les subventions
aux intrants sont maintenant ramenées à zéro; la SODECAO après bien d'autres organismes
publics, doit être dissoute prochainement; les services de I' Agriculture vont encore
connaître une réduction de leurs moyens et devenir probablement totalement inopérants.
La SODECOTON elle-même est confrontée à un grave déficit et doit recentrer son activité
sur le coton en délaissant le soutien aux vivriers, notamment le crédit aux intrants. Dans
un tel contexte, le maintien d'un appui à l'intensification sur le maïs va dépendre de la
capacité des producteurs et de leurs organisations à prendre en charge cette fonction. Deux
facteurs vont être décisifs pour relever ce défi: la rémunération de la production qui devra
être suffisante pour assurer le financement des activités d'appui; le degré de cohésion et
d'organisation des producteurs. Les coopératives de l'Ouest qui recherchent une
diversification par rapport au café et sont solidement structurées, paraissent les plus aptes
à s'investir dans la vulgarisation.

La distribution des semences améliorées mérite un examen particulier car il s'agit


d'une fonction essentielle. De telles semences sont encore globalement peu diffusées et
leur adoption devrait être la principale source de croissance des rendements à l'avenir.
Conformément à la vague de libéralisation qui touche l'économie camerounaise, le secteur
semencier a été privatisé. La firme Pioneer a repris le complexe de production et
conditionnement de semences de Garoua et se trouve en position dominante sur le marché.
La stratégie actuellement suivie, conforme à la spécialité de cette entreprise internationale
est la diffusion d'hybrides crées dans ses diverses stations de recherche (Egypte,
Zimbabwé, Côte d'Ivoire pour les hybrides diffusés au Cameroun, principalement Yog 66,
Yog 64, 34.35). Après deux campagnes de commercialisation, les résultats sont loin d'être
à la hauteur des espérances. Les stocks d'invendus étant considérables (2 1 0 T d'hybrides
lors de la mission) la production est arrêtée en 1 993. Pioneer se heurte à plusieurs
difficultés: un coût de production des semences élevé du fait de l'inadaptation de l'unité
de conditionnement trop sophistiquée; un coût de distribution également trop lourd pour
un marché naissant (3 expatriés sont employés pour moins de 50 T distribuées en 1 993);
une faible réceptivité des producteurs qui manquent généralement de trésorerie pour
financer le "paquet technique hybrides" (semences à 6 60 F/kg et engrais indispensable à
l'expression de la potentialité productive de l'hybride). On rappelera qu'il n'existe plus au
Cameroun de véritable structure de crédit agricole.

D'autres firmes privées se lancent dans la production de semences à partir des


variétés de l'IRA (SOCASEM à Bafoussam), leur compétence dans ce métier qui exige une
grande technicité est loin d'être assurée et le problème de la certification se pose alors de
façon cruciale. En effet il n'y a pas à l'heure actuelle de dispositif de certification de
semences opérationnel au Cameroun.

33
2.5 Conclusion: Les ressorts de la dynamique de la production

Il n'est pas aisé de dresser un bilan des facteurs de la croissance de la production


de maïs au Cameroun. L'estimation des rendements et surfaces est rendue particulièrement
complexe par la prépondérance des systèmes de cultures associées et les statistiques
existantes sur ces variables sont déficientes. Une appréciation qualitative peut toutefois
être formulée: les principales sources de croissance ont été, et demeurent selon toute
vraisemblance, l'extension de la surface cultivée et la densification du semis.

La grande disponibilité des terres qui prévaut globalement au Cameroun (avec


actuellement moins de 60 ruraux/km 2 sur la plupart du territoire, le " pays Bamiléké" ,la
Lékié,l'Extrême-Nord étant les principales exceptions) a permis une dynamique extensive
couplée à l'accroissement démographique. La maïsiculture s'est notamment étendue à la
faveur des mouvements de colonisation agricole, dans l'ensemble de la région du Nord,
dans le Mbam, dans le Noun pour ne citer que les principales zones d'immigration .

Des processus d e substitution d u maïs à d'autres cultures interviennent également,


certes jusqu'ici de façon plus secondaire. On note ainsi une substitution du maïs au sorgho
dans I' Adamaoua, le Nord voire depuis peu dans certaines zones de !'Extrême-Nord. Par
rapport aux cultures de rente traditionnelles (cacao, cafés, coton) un début de substitution
du maïs semble également à ! 'oeuvre, s'inscrivant dans une dynamique vivrière générale
consécutive à l 'effondrement des prix de ces produits d'exportation . La situation est
toutefois nuancée selon les cultures et les régions. Par rapport au café robusta, la
substitution du maïs est largement engagée, ainsi dans la zone du Moungo
traditionnellement spécialisée dans la caféiculture, les caféiers sont sévèrement "recépés"
pour laisser place, entre autres cultures vivrières, au maïs. On n'observe pas encore de
véritable substitution au cacaoyer, toutefois dans le Centre, les initiatives en matière de
maraîchage et de maïsiculture sont nombreuses, notamment de la part des jeunes. La
substitution du maïs au cotonnier ne serait pas encore manifeste.

En général, les producteurs paraissent prêts à saisir toutes les opportunités de


diversification leur permettant de compenser la chute d'un revenu encore largement
dépendant du cacao, café ou coton. La limite de la substitution du maïs ou de n'importe
quel autre vivrier à ces cultures d'exportation tient à l'incertitude du débouché commercial.
La production de maïs pourrait ainsi s'élever rapidement en substitution au café, coton et
dans une moindre mesure au cacao, en cas d'élargissement du marché du maïs et de
l'assurance de l'obtention d'un prix même modique, compte tenu de la très basse
rémunération apportée par les cultures d'exportation . Ainsi dans le Nord, au prix courant
du marché, le maïs rémunérerait déjà la main d' oeuvre à un niveau plus élevé que le coton.
Mais le risque de mévente est considérable, c'est la contrainte majeure.

L'intensification est une nécessité dans la principale zone de production du maïs -les
hauts plateaux de l'Ouest- Les réserves foncières y sont pratiquement épuisées et les
possibilités d'émigration vers les zones aux terres abondantes sont limitées, la politique
suivie au Cameroun en matière de migrations internes et d'accès au foncier pour les
allogènes, étant très restrictive malgré la pénurie de main d'oeuvre qui sévit dans nombre
de régions (Sud, Est, Nord). L'intensification se heurte à un contexte économique et
institutionnel extrêmement dégradé: trésorerie des producteurs au plus bas, absence de
crédit agricole formel, augmentation du prix des intrants, dispositif public de vulgarisation
en déliquescence. Un élément toutefois positif est l'émergence de véritables coopératives,
la tutelle de l'Administration sur ces dernières venant d'être levée. Un transfert des
fonctions d'appui aux producteurs, aux coopératives pourrait être une solution dans l'Ouest

34
où l'organisation des coopératives est la plus solide.

De façon générale, l'intensification est invoquée pour abaisser les coûts de


production . A l'échelle de l'ensemble du pays, une intensification classique par les intrants
(semences améliorées, engrais, herbicides) sera difficile à mettre en oeuvre. l'abondance
des terres au Cameroun donne un potentiel élevé de croissance de la production de maïs
par simple extension de la surface cultivée, la main d'oeuvre pouvant facilement être
prélevée des cultures de rente traditionnelles. le coût de production en culture extensive
devient particulièrement bas avec la crise économique, le coût d'opportunité du travail
paysan tend en effet vers des niveaux très faibles (500 F/jour voire moins) du fait de la
rareté des activités alternatives. Pour aboutir à une production concurrentielle,
l'intensification envisagée doit donc être économe en intrants monétaires, en portant par
exemple sur la diffusion de variétés améliorées s'accommodant de faibles doses d'engrais.

Une intensification couplée à la motorisation ne peut s'avérer viable que dans des
conditions bien particulières: une production du maïs à un coût marginal (supportant
seulement les charges variables) dans des exploitations orientées vers des spéculations très
rémunératrices (produits maraîchers d'exportation); une production intégrée à une activité
aval (élevage de volaille, maïserie MAISCAM) et valorisée par un produit final moins soumis
à concurrence (volailles de qualité ou congelées, gritz à un prix administré) .

35
3. LA COMMERCIALISATION DU MAIS-GRAIN LOCAL

3 . 1 Le cadre institutionnel: une régulation marchande

La commercialisation intérieure du maïs, comme celle de l'ensemble des produits


vivriers issus du secteur paysannal, est soumise à un principe général de liberté des
échanges: les opérateurs privés peuvent librement intervenir sur le marché, à l'achat
comme à la vente, et les prix s'établissent par confrontation de l'offre et la demande.

Cette optique libérale a été confortée récemment avec l'assouplissement des


mesures réglementaires et le désengagement de l'Etat des fonctions économiques
conditionné par les mesures d'ajustement structurel. L'intervention de l'Etat dans la
commercialisation des vivriers a auparavant revêtu plusieurs formes:

- des mesures réglementaires: dans les années 1970, un contrôle et un


plafonnement des prix de marché à partir de valeurs mercuriales moyennes a été tenté mais
rapidement abandonné du fait de l'importance des moyens qu'aurait exigée son application
effective, et de sa rigidité excessive. L'autorisation administrative de transport des vivres,
entrave sérieuse au commerce, a été suspendue en 1990. Demeurent les taxes de marché
et les patentes, mesures d'autant mieux acceptées par les commerçants qu'elles assurent
une petite barrière à l'entrée dans la profession.

- une participation directe au marché par le biais de deux organismes -l' Office
Céréalier et la MIDEVIV-, dans un but de stabilisation des prix et de régulation de
l'approvisionnement des marchés urbains; l' Office céréalier étant en outre investi d'une
mission de sécurité alimentaire pour les provinces du Nord 1 3 • D'une très faible efficacité,
la MIDEVIV a d'abord suspendu son activité de collecte pour se concentrer sur la
production de semences, et est maintenant dissoute. L' Office céréalier a été maintenu mais
ne recevant plus aucune subvention, est actuellement inopérant.

Un opérateur particulier intervient occasionnellement sur le marché du maïs: la


délégation du Programme Alimentaire Mondial. Les acquisitions de maïs, généralement sous
forme de farine, sont ponctuelles (trois transactions depuis 1988 représentant 3300 T) car
elles n'interviennent que dans le cadre d'opérations d'urgence. Le PAM a recours au riz,
essentiellement d'importation, pour l'aide programmée (cantines scolaires, appui aux projets
forestiers).

Au delà de cette liberté officielle des échanges, un contrôle collectif des flux est
exercé par le biais des autorités coutumières dans les régions où ces dernières sont
particulièrement influentes. C'est le cas du Nord-Ouest avec les chefferies Banso et surtout
du Nord avec les lamidos Foulbé. Ces autorités traditionnelles peuvent interdire
l'exportation des produits vivriers de base de leur territoire si elles estiment qu'une pénurie
menace. Dans le Nord et en particulier dans la principale zone maïsicole - le Mayo Rey - les
interventions des chefs coutumiers concernent aussi la levée de taxes de marché et
l'exercice même du commerce vivrier. Dans certains cas des situations de véritable
monopole ont été instaurées, les chefs coutumiers imposant les prix et régentant le droit

13
Achats de mais par l ' Office Céréal ier en mil liers de tonnes

80/81 81/82 82/83 83/84 84/85 8 5/86 86/87 87 /88 88/89 8 9/ 9 0 90/91 91/92

2,5 2 , 75 2 , 86 2 , 54 1,49 0 , 93 3 , 72 0 , 47 0,7 0 , 79 3 , 02 1,7

36
de collecter. De telles pratiques auraient toutefois pratiquement disparu aujourd'hui compte
tenu de l'affaiblissement du pouvoir des lamibés.

3.2 Les intermédiaires du commerce, fonctions assurées et pratiques commerciales

Le maïs ne fait pas l'objet d'un commerce spécifique, il entre dans un négoce de
"grains" assez diversifié (céréales, haricot, arachide). Le degré de spécialisation d'un
collecteur ou grossiste tient à l'importance du maïs dans les systèmes de culture de sa zone
d'intervention. La relative diversité des produits traités répond au souci de répartir l'activité
commerciale dans l'année. Les productions vivrières (et leur mise en marché) ont en effet
une saisonnalité marquée, le maïs est notamment essentiellement collecté d'août à février.

On peut conformément à l'organisation classique du commerce, distinguer les


agents par fonction: collecteurs, grossistes-expéditeurs (en zone de production), grossistes­
redistributeurs (dans les centres de consommation), demi grossiste-détaillant. L'agent le
plus fréquemment rencontré est le "buyam sellam" (contraction de buy them, sell them)
grossiste assurant généralement lui-même la collecte.

Parmi les fonctions d'intermédiation (stockage, transport, allotissement et


conditionnement du produit) assurées par les grossistes, le stockage est essentiel compte
tenu de la concentration temporelle de la récolte (juillet à octobre et accessoirement
décembre-janvier pour le second cycle). Pour l'ensemble de la filière maïs, cette fonction
est surtout partagée entre les deux opérateurs que sont les producteurs et les grossistes.
Le stockage paysan correspond au délai entre récolte et mise en marché (ou auto­
consommation), il concerne probablement les plus gros volumes car la mise en marché est
progressive. Elle s'étale souvent sur au moins 6 mois en fonction des besoins de trésorerie
du producteur; à l'Ouest un délai d'au moins deux mois après la récolte intervient pour
assurer le séchage du produit. Chez les producteurs comme chez les grossistes, le stockage
est réalisé dans des conditions "rustiques" : greniers des habitations pour les producteurs,
magasins souvent inadaptés (sans aération) pour les grossistes, emploi marginal d'un
insecticide de protection. Les pertes au stockage sont essentiellement subies par les
producteurs (nous avons vu leur importance) en raison des problèmes de séchage, les
grossistes s'efforçant d'obtenir un maïs déjà sec. Depuis la mise en veilleuse de l'Office
Céréalier, il ne reste qu'un seul opérateur sur le marché du maïs disposant d'une grande
capacité technique et financière de stockage: MAISCAM-SCTC avec des silos de 10.000
T à Ngaoundéré et 2200 T à Foumbot.

Jusqu'à aujourd'hui, les expériences d'organisation des producteurs dans le domaine


de la collecte et du stockage du maïs, ont été rares. Les principales ont été conduites dans
le Nord dans un souci de sécurité alimentaire régionale plutôt que d'approvisionnement des
marchés solvables, avec un lourd appui et une initiative extérieurs. Il s'agit des associations
villageoises encadrées par la SODECOTON 14 et des greniers villageois du Projet Nord-Est
Bénoué (du type "banques de céréales"). Le degré de maîtrise de ces structures par les
producteurs eux-même apparait encore faible et l'on peut se demander si ces dernières
survivraient à un désengagement des organismes d'encadrement. Dans le Centre, des

14
Collecte de maie par la SODECOTON et les groupements encadrée AVP en tonnes

82/83 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88 88/89 89/90 9 0/ 9 1

SODECOTON 190 250 140 230 260 0 0 950 330


AVP 350 610 640 770 1270 240 0 0 120

37
groupements de producteurs de maïs se lancent actuellement à l'image de ceux existants
pour le maraîchage, leur importance et leur pérennité restent à vérifier. C'est dans l'Ouest
que les projets les plus prometteurs sont annoncés; ainsi la Coopérative des Planteurs de
la Mifi doit s'engager pour la prochaine campagne dans la collecte du maïs. Elle bénéficie
de nombreux atouts: une grande expérience de la collecte; des moyens de transport et
stockage considérables et maintenant sous-utilisés avec la baisse de la collecte du café;
une situation financière excédentaire qui lui permet d'autofinancer un fonds de roulement
pour cette activité et un investissement dans des égreneuses (à hauteur de 25 millions de
FCFA); un débouché sur place avec la principale provenderie camerounaise (SPC à
Bafoussam). L'Union des Coopératives Agricoles du Littoral centrée sur le café, envisage
également de diversifier son activité vers le maïs, sa bonne implantation dans le Moungo
la place en position privilégiée pour approvisionner les provenderies de Douala.

Plusieurs types de circuits coexistent depuis les circuits directs producteurs -- >
consommateurs (échanges de proximité entre ruraux ou dans les villes secondaires),
jusqu'aux circuits longs approvisionnant les grandes villes (producteur -- > collecteur -- >
grossiste-expéditeur -- > demi-grossiste urbain -- > consommateur) en passant par les
circuits courts (producteur -- > collecteur -- > consommateur). Au delà de la distance entre
les deux opérateurs ultimes (producteur et consommateur), le volume et la régularité du
marché joue aussi sur la structuration du circuit, ce dernier se complexifiant avec
l'éloignement du lieu de consommation et l'accroissement de la demande.

Les intermédiaires du commerce peuvent être plus ou moins intégrés par des liens
financiers. Les grossistes détenteurs d'un capital conséquent peuvent s'attacher des
fournisseurs ou des clients en leur octroyant respectivement un crédit pour la collecte ou
une avance du produit. Dans ce cas, un réseau se constitue et le grossiste peut fixer un
barème de prix et exercer une influence déterminante sur le marché. Les liens avec les
producteurs sont généralement plus ténus, le maïs étant cédé au comptant.

Des différences importantes interviennent ici entre les deux principales zones
excédentaires en maïs, l'Ouest et le Nord. Dans le Nord, le commerce parait davantage
structuré en réseaux tandis qu' à l'Ouest, l'activité semble plutôt conduite de manière
indépendante. L'organisation en réseau peut être décriée pour son caractère anti­
concurrentiel. Néanmoins elle présente aussi des avantages: une sécurisation de l'activité
des commerçants, une réduction du coût de distribution et une possibilité d'accélérer les
rotations du produit du fait de la confiance établie entre opérateurs . Les commerçants de
l'Ouest enquêtés font souvent allusion au manque de confiance qui règne entre opérateurs
indépendants et aux coûts que cela engendre: vérification de la qualité et quantité du
produit, rupture de stock par non respect des contrats.

3.3 Prix, coûts et marges de commercialisation

Les données de prix et coûts permettent de dégager des indicateurs d'efficacité du


fonctionnement du marché : efficacité de la répartition temporelle du produit avec les
variations saisonnières de prix; efficacité de la répartition spatiale avec les différences de
prix inter-régionales; efficacité globale d'un opérateur à partir de sa marge nette.

On ne dispose pas des séries statistiques de prix suffisantes pour formuler un


diagnostic fiable. Les relevés de prix sur les marchés des centres urbains régionaux ont été
pour la plupart interrompus en 1 990 et il ne semble pas que la collecte ait été effectuée
avec la rigueur nécessaire, en témoigne la fréquente absence de prise en compte des
variations saisonnières (par exemple le prix du maïs-grain à Yaoundé est constant à 1 7 2

38
F/kg de septembre 1 987 è avril 1 989 dans la série de la Direction de la Statistique).
Les séries de prix les plus fiables disponibles sont celles du Projet post-récolte FAO relatives
aux marchés du Nord-Ouest et celles de l'Office Céréalier sur le Nord.

3.3.1 Les variations saisonnières de prix

200 ,----------------'- -----------�


PRIX AU DETAIL DU MAIS-G RAI N SUR LES MARCHES DU NORD-OUEST

50 JAN. FEV. MAR. AVR. MAI JUIN JUIL AOUT SEPT. OCT. NOV. DEC.

__ 1 989 __ 1990 _._ 1991


-&- 19?2
8ource : Projet po•t-r6colte PAO . llelev6• bebdoaadain• •ur le• -rcb6• de Bal i ,
aa-nda , •••illbi , OUzang, Jalti ri , ltullbo , lldop, Ndu , aanta, Tad e t Wua .

PRIX DE G ROS DU MAIS-G RAIN DANS LE NORD


llU ,---------------------------.

50

4
0 JAN. FEV. MAR. AVR. MAI JUIN JUIL AOUT SEPT. OCT. NOV. DEC.

__ 1 988 __ 1989 _._ 1991


-&- 1992
Source : Office c6r6al iar . Ralev6a de prix principale-nt l Garoua, Na:roua e t Ngaoundir6

39
Les deux premières régions pourvoyeuses de maïs du Cameroun -le Nord Ouest et
le Nord- connaissent des variations de prix au profil bien différencié (certes ces courbes de
prix ne se rapportent pas au même stade de commercialisation, néanmoins les différences
sont significatives) .

Dans l e Nord-Ouest interviennent des fluctuations saisonnières d e forte amplitude


(le prix de détail est générale ment multiplié par plus de deux de la récolte à la soudure) et
des différences inter-annuelles i mportantes, pourtant cette région ne subit pas de gros aléas
climatiques. En 1 9 9 2 , le niveau particulièrement élevé des prix serait dû d'après plusieurs
avis convergents, aux difficultés de circulation des produits en raison des troubles sociaux
(phénomène des "villes mortes" ) . Dans le Nord, la montée du prix à la soudure s'inscrit
dans une fourchette de + 50 à + 6 0 % . Ces graphes soulignent le manque d'efficience du
stockage dans le Nord-Ouest. Les problèmes de conservation du maïs avec l'humidité
élevée qui prévaut à la récolte, renchérissent considérablement le coût du stockage.

3.3.2 Différences de prix dans l'espace et coûts de transport

L'absence de séries de prix fiables pour Yaoundé et Douala empêche de cerner le


différentiel de prix entre zones de production et zones de consommation, différentiel qu'il
aurait été intéressant de rapporter au coût de transport. Une comparaison des séries
précédentes du Nord-Ouest et du Nord montre que les marchés du maïs de ces deux zones
excédentaires sont peu intégrés, les prix n'évoluant pas de façon concordante . La
discordance est flagrante en 1 99 2 , l'écart de prix atteint un niveau remarquable de 1 00
F/kg de mars à juin. Le transport représente une charge importante, comme le montrent les
données suivantes:

Coûts de transport recueillis pendant la mission


F/kg
lieu de production - centre de collecte
Ouest à destination Mbouda ou Bafoussam (véhicule 2 à 3 T) 2,5 à 1 0
Nord à destination de Garoua (d'après NES) veh 5 à 1 0 T 2à6

Bafoussam (ou Mbouda) - Douala (véhicule 1 0 à 20 T) 5


Bafoussam - Douala (SPC) 3,5 à 4
Douala - Bafoussam (SPC) 8
Bafoussam - Yaoundé 8

Garoua - Ngaoundere (40 T) 5


Ngaoundéré - Yaoundé 20
Ngaoundéré - Douala 25

par REGI FERCAM


Ngaoundéré - Douala (grossiste de Douala) 6, 5
Ngaoundéré - Douala (gritz) 8, 7 5
Douala - Ngaoundéré (MAISCAM) 7,5

coût de la manutention (chargement ou déchargement des camions)


Ouest 0,5 à 1
Douala, Yaoundé 1
Nord 0,25

prélèvements de agents routiers (à la charge du transporteur)


Bafoussam - Douala ( 1 2 T) 0,5
Garoua - Ngaoundéré (40 T) 0,25

40
L'importance du coOt de la collecte primaire est remarquable. A l'Ouest le coOt du
transport du producteur au centre d'expédition (pour les principaux -Bafoussam et Mbouda­
la collecte s'opère dans un rayon de 40 km) est généralement supérieur à celui du transport
en gros sur Douala (260 km). Cela tient essentiellement à la faiblesse des quantités mises
en marché par les producteurs (la production est essentiellement auto consommée et la mise
en marché est individuelle) et au mauvais état des pistes pendant la saison principale de
collecte du m aïs (cette dernière intervient en saison des pluies).

Le coOt du transport entre le Nord et l'Ouest (de 1 5 à 2 5 F/kg selon la saison)


entrave une circulation du produit qui pourrait tempérer les variations saisonnières de prix.
A_titre indicatif, le coOt de l'acheminement du maïs américain d'une ferme du Middle-West
à la mise à FOB (taxe portuaire et subvention inclues) est de 5 à 6 F/kg. L'importance des
divergences d'évolution et des écarts de prix entre le Nord et le Nord-Ouest donne à penser
que la circulation de l'information présente aussi des défaillances.

3.3.3 CoOts et marges des commerçants

Le coOt global de commercialisation (coOt de stockage + coOt de transport + taxes


+ marge nette rémunérant le travail, le capital i nvesti et les risques pris par le
commerçant), est particulièrement difficile à cerner compte tenu de la grande variabilité
dans le temps des prix à l'achat et à la vente, et des quantités traitées. Au delà des
variations saisonnières de prix au mouvement cyclique bien connu, il existe des variations
erratiques à très court terme qui rendent l'activité commerciale risquée. On a ainsi préféré
présenter des intervalles de prix dans lesquels se situent le plus couramment les
transactions. La m arge sur coOt variable peut être approchée de la sorte mais l'évaluation
de la marge nette (déduction faite des charges fixes) pose problème en l'absence
d'information sur les quantités réelles de maïs et autres produits, traitées (car la
spécialisation n'est jamais absolue) .
COUTS Dl CO!!KRCI1LIS1TI01 DU 11IS Il 1992/93
recaeillia pendant la liasion
Collecteur Gro11i1te Gro11ilte Gro11i1te Gro11ilte
4e l 'Olest de lafODIIU de Douala de faoUDde de Garoaa
(3 CH ) ( 5 CH) (4 CH) (5 cas) {2 CIi}
Lieu de prod. Bafo11su Bafouau Bafoauu Prodoct. Tcbollirf
-> lboada -> Pronnderie -> aarche -> taoonde ·> Garoaa
Doaala de Douala
CllRGIS VARIABLES en F/kg
lchat 25 l 50 30 à 60 35 à 60 35 à 60 30 à 50
Traaaport 4à8 s 5 8 5
laDotution 1,5 2 2 2 0 , 75
Sacs 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2
Location place de atockage 1
Tue (locale) 1
CllRGES FIIES en F/aois
Location aagasin 20000 35000 30000
Gardiennage 1000 3000 3000
Tues 3000 4000 4000 4000
PRODUIT en P/kg 35 à 60 45 à 75 45 à 70 50 à 80 45 à 70
lliGE S/COUTS VARIABLES F/k9 1à5 3 à 10 3à7 5 à 10 3 à 12
41
Sur le principal circuit de commercialisation du maïs (marchés de l'Ouest - > Douala),
la marge brute du grossiste se situe le plus souvent autour de 1 0 à 1 2 F/kg, ce qui laisse
à ce dernier une marge sur coût variable de 3 à 5 F/kg. Une appréciation objective du
caractère normal ou excessif de cette rémunération doit en principe reposer sur des
paramètres complexes: coût d'opportunité du capital et du travail du grossiste, degré de
risque de son activité. Ne disposant pas de tels indicateurs, on se bornera au ratio "marge
du grossiste sur coûts variables / prix de vente final" ; ce ratio évolue essentiellement entre
5 et 1 5 % ,niveau qui ne parait pas (certes de façon subjective) exagérément élevé.

3.4 Conclusion: Les contraintes à la commercialisation

L'évaluation de l'efficacité de la fonction commerciale (transport, stockage,


allotissement) bute classiquement sur la grande variabilité des prix et des quantités traitées,
sur les problèmes de mesure du coût pour le commerçant inhérent aux risques encourus
(pertes de produit et surtout chute du prix) et du coût pour le consommateur d'un
approvisionnement erratique.

Un indicateur global d'efficacité aisé à dégager est le rapport "Prix à l'utilisateur final
/ Prix à la production" qui permet de cerner la part du prix final captée par la fonction
commerciale. Pour l'approvisionnement des provenderies ou des consommateurs de Douala
ou Yaoundé en gros (achat au sac), ce ratio est d'après nos enquêtes concentré dans
l'intervalle 1 ,5 - 2 . La commercialisation sur circuit de longue distance, représenterait donc
33 à 50 % du prix final (le reste allant au producteur). Nous ne sommes pas en mesure de
faire un rapprochement avec une norme de pleine efficacité, mais subjectivement ce ratio
ne parait pas trop élevé, ce qui tendrait à signifier que le marché du maïs est bien soumis
à concurrence. La décomposition de ce coût de commercialisation met en évidence les
contraintes fortes qui pèsent sur la commercialisation.

Pour l'Ouest, le transport lors de la collecte primaire est particulièrement coûteux.


L'état des pistes aggravé par l'ambiance pluvieuse de la saison principale de collecte, et le
fractionnement de l'offre (la mise en marché est individuelle et porte sur de faibles
quantités) sont en causes mais peut être également l'organisation des transporteurs (à
étudier). Le coût total du transport ( 1 0 à 1 8 F/kg) doit ainsi représenter 20 à 30 % du prix
du maïs livré aux provenderies de Douala en période d'abondance du maïs (septembre­
octobre). Un élément non négligeable qui alourdit le coût de transport est le prélèvement
informel opéré par les agents routiers; il intervient aussi bien à la collecte sur les pistes
secondaires que sur le transport longue distance. On peut l'évaluer pour un flux Ouest - >
Douala à 1 à 2 F/kg.

La taxation formelle des grossistes ne parait pas excessive (généralement moins de


0,5 F/kg). On note toutefois dans certaines zones du Nord un cumul de taxes locales levées
par les autorités coutumières: la taxe de marché ( 1 00 F/sac d'environ 1 00 kg) est acquittée
à la fois par le commerçant et par le producteur vendeur (soit 2 F/kg).

Les pertes au stockage ne sont pas mentionnées par les grossistes enquêtés comme
une contrainte importante. Les grossistes achètent le maïs déjà sec et rechercheraient pour
la plupart, du moins à l'Ouest, une rotation rapide de leur stock (cet aspect n'a toutefois
pas pu être sérieusement appréhendé par la mission). Pourtant la forte amplitude des
variations saisonnières de prix (à l'exception du Nord) nous rappelle que le stockage est un
problème important.

42
En fait, les pertes au stockage sont supportées par les producteurs. Elles sont liées
à des méthodes de séchage et conservation (par le feu des cuisines) peu efficaces à partir
d'un niveau élevé de production. De nouvelles techniques de séchage doivent être
largement diffusées, au delà du crib qui connaît un succès limité. Un transfert de la fonction
de séchage à d'autres opérateurs que les producteurs individuels (commerçants,
organisations de producteurs), sera nécessaire pour passer à de nouvelles techniques
permettant de réaliser des économies d'échelle. Les techniques peu capitalistiques doivent
être privilégiées compte tenu des fortes contraintes de financement des opérateurs et de
la nécessité d'une maîtrise locale pour réduire les coûts. L'échec de l'expérience de West
corn à Foumban (qui laisse 2 silos et un séchoir à gaz inutilisés) milite en faveur
d'équipements de taille modeste.

Le niveau de risque pour les commerçants de l'Ouest serait assez élevé compte tenu
du grand nombre d'opérateurs sur le marché agissant apparemment sans véritable
coordination par entente. La réticence des grossistes à investir les fonctions de séchage et
stockage (la rotation des stocks est déclarée rapide) tient d'une part à la faiblesse du
capital mais surtout semble t_il à l'importance du risque. Un dispositif d'information sur les
marchés (prix, quantités disponibles) pourrait contribuer à réduire ce risque et par
conséquent la prime que doivent probablement prélever les commerçants pour rémunérer
leur prise de risque. Les bénéfices d'un tel dispositif iraient toutefois moins aux
commerçants qu'aux producteurs grandement sous-informés.

L'organisation des commerçants en réseau, avec des liens de quasi-exclusivité


permet de réduire le risque commercial et les coûts de transaction (recherche d'un
partenaire, vérification de la marchandise). Il convient de s'interroger sur le niveau
d'efficacité de ce mode de coordination par rapport à une coordination purement
marchande (négociation de gré à gré entre opérateurs anonymes). Pour les opérateurs
périphériques (producteurs et consommateurs), l'avantage tiré de l'existence de réseaux
- stabilisation du marché - l'emporte t_il sur l'inconvénient que représente la confrontation
avec des opérateurs très structurés pouvant élever exagérément leur marge? Une
comparaison des circuits commerciaux de l'Ouest (opérateurs indépendants) et du Nord
(structurés davantage en réseaux) pourrait éclairer cette question cruciale.

43
4. LES UTILISATIONS DU MAIS ET LES MODES D'APPROVISIONNEMENT DES
UTILISATEURS

4. 1 La consommation humaine

4. 1 . 1 Formes et déterminants de la consommation de maïs

Si le maïs est un produit alimentaire de base dans plusieurs régions (Ouest, Nord­
Ouest, Adamaoua et Nord), les formes sous lesquelles il est consommé sont toutefois peu
variées. Ce sont:

- le couscous, pâte préparée à partir de farine et d'eau, agglomérée en boule; c'est


la principale préparation
- la bouillie, semoule de maïs à l'eau; comme pour le couscous, le maïs est
fréquemment mélangé au mil, sorgho ou manioc
- la bière traditionnelle dans le Nord et l'alcool (arki) au Sud
- les épis grillés ou bouillis, principal mode de consommation du maïs en zone
forestière.

La grande diversité socio-culturelle du pays s'exprime évidemment dans les


habitudes alimentaires et rend très complexe la question des préférences qualitatives des
consommateurs. Seules des enquêtes approfondies permettraient de préciser la hiérarchie
des critères de qualité pris en compte en matière de consommation de maïs (couleur,
dureté, goût du grain, granulométrie de la farine). Il faut rappeler que l'approvisionnement
à partir d'une production domestique reste prépondérant et que les critères de productivité
et de facilité de conservation peuvent dominer les critères liés aux aspects de
consommation et transformation.

La différenciation des régimes alimentaires selon l'appartenance ethnique ne signifie


nullement que les habitudes alimentaires sont figées. Dans le Nord, la farine de maïs est
de plus en plus substituée à celle de mil et sorgho pour la préparation des boules et
bouillies. L'enquête de consommation réalisée à Garoua, rejoignant d'autres travaux en
Afrique (Requier Desjardins, 1 992) montre que la diffusion du maïs s'inscrit dans une
tendance à la diversification des plats consommés, qui concerne aussi les tubercules. Il
reste à vérifier dans quelle mesure, à la faveur de cette tendance, interviendra une diffusion
de plats à base de farine de maïs dans l'alimentation des populations de la zone forestière.
Une telle diffusion constituerait le plus important levier de croissance de la demande de
maïs.

L'enquête de Garoua précise certaines caractéristiques de la consommation de maïs


probablement valables pour l'ensemble du milieu urbain du Nord: le maïs est un produit de
consommation quotidienne "banal" en ce sens que sa consommation n'est pas un élément
de valorisation symbolique ou sociale. Il entre dans les couscous et bouillies comme une
céréale "vulgaire" et n'apparait pas dans les plats de fête sauf pour quelques groupes
ethniques (Logones, Sud-Tchadiens) contrairement au riz. Le maïs est le produit de base
dont la consommation est la moins culturellement et socialement marquée. Ainsi les
niveaux de consommation de maïs ne sont pas significativement différents selon les classes

44
15
de revenu •

Le maïs ne jouit pas d'une image de marque spécifique associée à des valeurs
positives. L'enquête de Garoua relève que les consommateurs ne manifestent pas le désir
d'augmenter leur consommation de maïs; leurs préférences en matière de diversification
alimentaire portent dans l'ordre sur le sorgho (certaines variétés), les tubercules et le riz.
On peut donc supposer que c'est le facteur prix qui intervient fortement dans le choix des
consommateurs pour le maïs. Il s'agit en effet de la source de calorie la moins chère avec
le manioc en zone forestière et le mil-sorgho en savane 1 6 • Avec la sévère baisse du
pouvoir d'achat dans le pays, l'influence du facteur prix devrait être renforcée et on peut
logiquement s'attendre à regain d'intérêt des consommateurs pour un produit nutritif et bon
marché comme le maïs.

Les enquêtes de consommation de Garoua et Ngaoundéré (ENSIAAC) réalisées en


1989 - à notre connaissance les seules au Cameroun- montrent l'importance de la
substitution du riz et de la farine de blé aux céréales locales dont le maïs. Les résultats
demanderaient toutefois à être actualisés car l'accentuation de la crise économique depuis
1989, a certainement eu des effets notables sur la structure de la consommation.

L'enquête de Ngaoundéré fait apparaître une ampleur remarquable de la diffusion du


pain pour le repas du matin: 70% des consommateurs l'ont adopté comme base. Le
caractère pratique (prêt à l'emploi) du pain est le premier facteur d'adoption, les
consommateurs de Ngaoundéré accordent en effet peu de temps à la préparation du petit
déjeuner (moins de 30 mn pour 80% de l'échantillon contre 2 heures pour le repas du midi).
En revanche le critère de goût apparait peu déterminant (cité par 25%), ce qui donne à
penser que les consommateurs pourraient être réceptifs à de nouveaux produits tels des
galettes de maïs. A Garoua, ce sont surtout les beignets (souvent aussi à base de farine
de blé) qui sont consommés le matin (par 55 % des ménages), le pain n'apparait comme
base que pour 10% .

Le pain et les beignets occupent également une grande place dans un mode de
consommation de plus en plus répandu avec l'urbanisation: la restauration à l'extérieur du
domicile (le plus souvent dans la rue). L'enquête de Garoua a trouvé que le pain constituait

,. Fréquences d ' apparition des produits dans les bases ( du midi &soir) consommées à Garoua
selon le niveau de vie en \
Pauvres Moyens Riches
mil - sorgho 57 50 41
mais 13 12 9
riz 26 28 25
blé & pâtes 0 2 6
tubercules & racines 3 9 20
100 100 100
source : Enquête IRA-CIRAD ( j ui llet 1 9 8 9 ) auprès d ' un échanti l l on de 1 0 0 ménages avec relevé des plats
pris sur 2 j ours

.. Prix de revient des produits à la consommation à Garoua en 1 9 8 9


e n F/kg
Prix de détail Cofit de mouture Prix de revient du produit final
mil - sorgho 105 20 155
riz décortiqué 200 0 200
mais 95 30 165
farine de blé 200 0 200
source : Enquête S ilvestre

45
la base de 32 % des plats (du midi et du soir) pris à l'extérieur et les beignets 23 %, le
maïs étant pratiquement absent.

Dans les repas du midi et du soir pris à domicile (soit l'essentiel de la consommation)
le pain ne réalise pas de percée mais le riz connaît une large diffusion. Cette dernière
semble freinée par des facteurs économiques (prix et revenu); ainsi à Garoua les ménages
des classes "pauvres" et "moyennes" étaient ceux qui souhaitaient le plus augmenter leur
consommation de riz. L'avantage du maïs en matière de prix serait donc bien décisif dans
le choix des consommateurs. La facilité de préparation du riz par rapport au couscous de
maïs n'apparait pas curieusement comme un facteur clé de substitution. En effet dans
l'enquête de Ngaoundéré, ce facteur n'est cité comme important que par 1 2% des
consommateurs; les premiers critères pris en compte par les consommateurs étant les
caractères nourrissant et appétissant.

4. 1 .2 Modes d'approvisionnement des consommateurs et transformation du maïs-grain

La fonction de transformation (mouture du grain) est essentiellement contrôlée par


les consommateurs. En milieu rural évidemment, puisqu'on est surtout en présence d'une
autoconsommation. En milieu urbain également, le maïs est acheté par les consommateurs
sous forme de grains. Même des villes comme Yaoundé ou Douala ne comptent
pratiquement pas de commerce de détail de farine, situation qui contraste avec celle
d'autres métropoles de la région (Abidjan, Cotonou). Les consommateurs urbains ont
recours à des artisans meuniers prestataires de service, pour s'affranchir du pilage manuel
très pénible.

Deux types de mouture sont pratiqués: Dans la partie méridionale du pays intervient
généralement un broyage direct du grain, la farine est ensuite nettoyée par trempage et
tamisage. Il s'agit en fait d'un mélange de farine, son et germe, riche en lipides donc qui
présente l'inconvénient de rancir après un ou deux jours. L'avantage du broyage direct en
revanche, est que le coût de la mouture est moindre, il n'y a qu'une seule opération et les
pertes de produit sont négligeables. A Yaoundé c'est le type de mouture pratiqué, à partir
quasi-exclusivement de moulins à meules polyvalents utilisés aussi pour le manioc et le riz.
La mouture coûte 1 5 à 20 F/kg de farine.

Dans le Nord, certaines ethnies (Foulbés) préfèrent une farine pure et blanche et un
décorticage préalable à la mouture est alors réalisé. Le matériel utilisé est surtout le moulin
à marteaux fabriqué localement. Les moulins à meule se sont avérés peu adaptés car la
grande dureté du maïs provoque une usure rapide des meules. Le décorticage pose
problème car il nécessite en principe un trempage des grains, or les moulins à marteaux
fonctionnent par voie sèche. Il en résulte de mauvais rendements à la transformation. De
nouvelles techniques de transformation plus efficaces restent à explorer. La conservation
de la farine obtenue après décorticage est possible jusqu'à deux semaines. Le coût de la
transformation à Garoua est de 20 à 30 F/kg et atteint jusqu'à 50 F en milieu rural où
l'énergie n'est pas électrique mais combustible.

La mouture des grains demeure maîtrisée par les consommateurs pour des raisons
de prix de revient et de qualité du produit. Avec la chute de leur pouvoir d'achat, les
consommateurs paraissent moins que jamais prêts à accepter un prix plus élevé pour un
produit fini qui leur apporterait une économie de temps; le coût d'opportunité du travail en
milieu urbain comme rural est rappelons_le, au plus bas dans le contexte de crise actuel.

46
Au delà du facteur prix, les ménagères ont souvent des exigences précises de
qualité (granulométrie, couleur, degré de fermentation de la farine) qui justifient leur souhait
de contrôler les conditions de la mouture.

Une farine industrielle est tout de même diffusée, celle issue de la maïserie
MAISCAM. La maïserie étant orientée vers la fabrication de gritz de brasserie, la farine
con�titue en fait un sous-produit. MAISCAM éprouve des difficulté à écouler les 6000 à
7000 T produites annuellement pour les raisons de qualité évoquées précédemment, la
diversité des préférences selon la région ou l'ethnie étant une contrainte majeure. Fine et
bien blanche, cette farine est surtout adaptée au goût des populations islamisées du Nord.
L'absence de goût fermenté et la plus faible valeur nutritive du fait de l'extraction complète
du germe et du son, la mauvaise texture de la boule issue de cette farine sont les reproches
les plus souvent adressés par les consommateurs.

MAISCAM a été amené en 1 993 à réduire considérablement le prix pour faciliter la


vente: ce dernier est passé dans le Nord de 70 à 50 F/kg, soit pratiquement la moitié du
prix de revient moyen d'une farine obtenue artisanalement. Pour élargir les débouchés, un
accord vient d'être passé avec PANZANI selon les termes duquel PANZANI conditionnera
une farine de granulométrie correspondant mieux aux goûts des consommateurs du Sud
et de l'Ouest, dans des emballages adaptés (sachets de 500 g alors que MAISCAM
commercialise en sacs de 50 kg). Cette expérience de diffusion d'un nouveau produit
mérite d'être suivie; on peut notamment s'interroger sur l'importance du marché qui sera
capté au prix de détail prévu de 220 F/kg (plus du double du prix du maïs-grain en période
moyenne). PANZANI a également testé avec succès des pâtes à base de maïs qui
présentent l'avantage d'être nettement moins onéreuses que les pâtes à base de semoule
de blé dur. Le stade de la commercialisation n'est pas envisagé pour le moment par crainte
d'un impact négatif sur l'image de marque de la société.

La voie de la transformation à une échelle intermédiaire (mini-minoteries) envisagée


par l'IRA parait encore bien incertaine et aucun opérateur ne s'est décidé à y investir. Elle
se trouve confrontée à la double concurrence du secteur artisanal doté d'une grande
souplesse de fonctionnement (prestation de service) et de la maïserie industrielle qui peut
valoriser la farine comme un sous-produit à très bas coût.

4.2 L'alimentation animale

4.2.1 Structure du secteur de l'alimentation animale et importance du maïs dans le coût


de l'aviculture

L'alimentation animale concerne essentiellement les volailles (poulets de chair et


pondeuses). Les aliments pour porcs, lapins, poissons et chevaux ne représentent que 1 0
à 1 5 % de la production d'aliments pour la principale provenderie du pays.
Ce secteur est largement industrialisé et les provenderies relèvent de sociétés qui ont
intégré certaines des autres fonctions de la filière avicole {importation d'équipements et
d'intrants, multiplication des volailles, accouvage, élevage, abattage . . . ). Six provenderies
majeures se dégagent actuellement, avec une production d'aliments supérieure à 500 T;
ce sont les sociétés SPC, EPA, NUTRICAM, GILANN, Lapinière et SOFAL. Toutes sont
situées à Douala à l'exception de SPC installée à Bafoussam.

On note une concentration importante de l'activité, classique dans un tel secteur,


avec plus de 75 % du marché des aliments composés contrôlé par les trois principales

47
sociétés: SPC, EPA et NUTRICAM. Les autres sont toutefois en croissance rapide,
exploitant probablement l'espace laissé vacant par le démantèlement de l'organisme public
ONDAPB. Sur le marché du maïs, ces trois premières provenderies pèsent un poids très
lourd; leurs besoins respectifs en 1992-93 se situent autour de 12.000 T, 10.000 T et
7000 T. Il en résulte une structure de marché oligopsonique, les grossistes fournisseurs
étant semble-t-il rarement capables de financer plus de quelques centaines de tonnes. Ce
qui place les provenderies en situation de force pour fixer le prix, mais aussi en situation
d'incertitude.

17
Le maïs représente 60 à 70 % de l'aliment pour volaille selon le type d'élevage
et le stade des volailles (la gamme compte cinq formules d'aliments 1 8 ) .

En termes de coût, on se limitera en l'absence d'évaluation du prix de revient de


l'aliment composé, au rapport du prix d'achat du maïs sur le prix de vente de l'aliment: ce
ratio varie de 25% (avec un maïs à 50 F/kg) à 35% (maïs à 70 F/kg). Les provendiers
estiment que leur activité atteint la limite de la rentabilité avec un prix du maïs supérieur
à 70 F/kg. Lorsque le maïs-grain dépasse 65 F/kg, les provendiers opèrent ainsi des
substitutions de matières premières (recours à des tourteaux, des sous-produits céréaliers
notamment la farine zootechnique et les germes de maïs de MAISCAM).

Tous les opérateurs de la filière avicole s'accordent pour reconnaître qu'un


abaissement du coût des produits avicoles, condition indispensable à un décollage de la
consommation pour l'instant très faible (moins de 2 kg de viande et un vingtaine d'oeufs
/habitant/an selon ! 'Enquête budget-consommation de 1 983) passe par une réduction du
prix des aliments. Cette dernière est surtout envisagée par une diminution du prix du maïs,
base calorique des aliments. Le maïs ne devrait toutefois pas avoir l'exclusive; le concentré
en minéraux et vitamines est aussi un poste de charge essentiel qui mérite examen, son
prix unitaire étant très élevé - 150 à 250 F/kg selon la formule-. Deux estimations du coût
de production du poulet soulignent l'importance de la part représentée par l'aliment. Dans
des élevages intensifs du Littoral (bande de 8000 poulets) cette part atteint 6 6 % du coût
du poulet vif hors amortissement et 56 % avec amortissements selon Batimba (1992).
Njamen (1987) avance une part de 78 % (hors amortissement) pour les élevages du Centre.

17
Compos i t ion des aliments pour volaille à l ' ONDAPB en t
mais tourteau de coton son coquillage Concentré minéraux &vitamines
Poulet de chair 67 23 10
Pondeuse 60 14 10 8 8

18
Types d ' al iments pour volaille
S tade Consommation Prix de détail Douala
en semaines en kg/ sujet en F/kg 1 9 9 2 / 9 3
Poulet de chair démarrage 0-4 1,5 148
Poulet de chair finition 5-7 3 138
Début ponte 0-10 2,5 128
Poulette ponte 11-21 5,3 113
Pondeuse 22-80 42 , 2 123

source : Batimba 1 9 9 2

48
4.2.2 Les conditions de l'approvisionnement en maïs des provenderies industrielles

Les provenderies n'ont pas établi jusqu'à présent de véritable planification de leurs
achats de maïs avec une contractualisation des rapports aux fournisseurs, fixant pour
l'ensemble d'une campagne des engagements réciproques de prix et de quantités. Elles
s'accommodant d'un approvisionnement ponctuel avec négociation permanente des prix;
tout au plus délivrent-elles des bons de commande après un premier achat à un grossiste
pour entretenir le cycle de livraison de ce dernier. Elles sont donc soumises aux conditions
de prix du marché: les achats débutent en octobre lorsque le maïs est déjà sec (descendu
à 14% d'humidité), au prix de 45_50 F/kg, et se raréfient à partir de mai lorsque le maïs
peut dépasser 75 F/kg. Les raisons invoquées à cette absence de contractualisation de
l'approvisionnement sont:
. l'absence d'opérateurs pouvant s'engager sur plusieurs centaines de tonnes;
. le manque de confiance dans les fournisseurs suspectés d'avoir des
comportements spéculatifs et versatiles;
. un coût acceptable, sauf en cas d'accident sur le marché comme ce fut le cas en
1 992 avec un prix du maïs dépassant les 90 F/kg dès janvier.

Il est paradoxal que, face à un approvisionnement aléatoire et des variations


saisonnières de prix du maïs considérables, les provendiers n'aient pratiquement pas
investis dans des équipements de stockage. SPC de Bafoussam est le seul à disposer d'un
silo. La capacité de ce dernier est de 3200 T, ce qui couvre seulement trois mois de
consommation. Les autres provendiers stockent le maïs en sac, or avec le niveau élevé
d'humidité ambiante de Douala, un risque de remontée d'humidité des grains existe et la
durée de stockage doit être limitée au plus à quelques mois. Les provendiers justifient leur
absence d'investissement dans le stockage par l'insuffisance de trésorerie pour financer un
stock. Les trois principaux déclarent connaître maintenant des difficultés de trésorerie du
fait d'un ralentissement d'activité consécutif à l'aggravation de la crise économique
générale. Ainsi ils ne règleraient plus comptant leurs achats de maïs mais feraient supporter
aux fournisseurs un délai de paiement. Le coût très élevé du crédit bancaire à court terme
(taux d'intérêt de 22%) les conduit à renoncer à cette source de financement; par ailleurs
l'escompte de traites auprès des banques est également problématique. Malgré cet
environnement économique défavorable, EPA manifeste tout de même le souhait de
s'équiper dans un proche avenir, de silos d'une capacité de 6000 T et d'un séchoir
représentant des investissements respectifs de 1 00 et 40 millions de F.

Les provenderies peuvent pallier les défaillances conjoncturelles de


l'approvisionnement local par des importations. En 1 992, 9000 T de maïs ont ainsi été
importées par les deux premières provenderies, ce qui représentait le quart de leurs besoins.
La montée exceptionnelle du prix du maïs local début 1992 (au delà de 100 F/kg) liée
semble t-il aux perturbations du commerce engendrées par le phénomène des "villes
mortes", rend alors l'importation avantageuse: les provendiers déclarent un prix à
l'importation CAF-Douala autour de 60 F/kg. Ce niveau parait toutefois exceptionnellement
élevé, le prix du maïs à l'importation est redescendu à 40 F/kg en 1 993, ce qui donnerait
un prix rendu usine de 60 F/kg à Douala et 65 F/kg à Bafoussam. Pour la provenderie de
Bafoussam, le coût d'approvisionnement en maïs importé en 1992 est le suivant:

Prix C&F (maïs d'origine Croate) 62 F/kg


Droits de Douane (15 %) + Taxe exceptionnelle (2%) 10,5
Assurance, déchargement, inspection phyto, mise en magasin 11,5
Transport & manutention Douala-Bafoussam 8
Prix rendu usine 92

49
Au delà de la protection tarifaire, les importations de maïs par les provenderies sont
réglementées selon un système de restriction quantitative. Elles sont soumises à
autorisation préalable du Ministère de I' Agriculture et du Ministère du Commerce, octroyée
en fonction de l'appréciation de l'état du marché local. Une restriction supplémentaire est
introduite: la demande d'importation est subordonnée à la présentation d'un "certificat de
carence" délivré par MAISCAM attestant que MAISCAM n'est pas en mesure de fournir des
produits à base de maïs. Ce certificat aurait constitué une véritable barrière à l'importation
dans le passé, MAISCAM disposant en abondance de sous-produits du gritz difficiles à
valoriser. En 1992, les provenderies ont obtenu gain de cause du fait de la tension sur le
marché local et du recours massif de MAISCAM lui-même aux importations de maïs.

En 1993, les provenderies contournent le dispositif de protection en substituant au


maïs du sorgho. Une importation de 9000 T de sorgho était en cours au moment de la
mission, à un prix très attractif (moins de 50 F/kg rendu usine d'après un provendier).

Au delà du facteur"prix", les importations des provenderies sont motivées par les
facilités de paiement octroyées par les fournisseurs étrangers. En revanche les aspects de
qualité du maïs ne jouent guère. Les provendiers ne déclarent pas avoir été confrontés au
problème des aflatoxines. Leurs griefs à l'égard du maïs local portent sur la présence
fréquente de charançons et la prépondérance du maïs blanc sur le jaune. Ces problèmes
apparaissent mineurs, la coloration du maïs blanc à l'aide de carophyl est peu onéreuse et
l'emploi de produits naturels locaux pourrait encore réduire ce coût.

4.3 La brasserie

4.3.1 L'approvisionnement en gritz des brasseurs

Cette sous-filière met aux prises deux opérateurs: S.A. des Brasseries du Cameroun
(et sa filiale International Brasserie) appartenant au groupe français Castel, et MAISCAM
détenu à hauteur de 70% par le groupe Abbo et 30% par deux organismes publics (SNI et
CNPS).

Leurs rapports sont contractualisés dans un cadre de forte contrainte


administrative. En effet il a été instauré en 1990 une péréquation de 110 F/kg sur le gritz
importé par les brasseurs, dans le but de protéger l'industrie naissante de transformation
du maïs. Cette protection concerne en fait la seule société MAISCAM créée en 1983 et
dotée en 1988 d'une maïserie d'une capacité de 34.000 Tian. Le niveau d'investissement
requis est une sérieuse barrière à l'entrée dans le secteur, le dégermage du maïs à une
échelle artisanale ou semi-industrielle n'étant pas au point. L'ouverture d'une seconde usine
en 1991 près de Foumbot avec une ligne mixte blé-maïs (d'une capacité de traitement de
26.000 T de maïs ou 20.000 T de blé par an), par le groupe ABBO à travers une nouvelle
filiale, la SCTC, vient conforter cette situation de monopole. A la date de la mission, cette
usine n'avait encore jamais traité de maïs, elle fonctionne à pleine capacité comme
minoterie de blé.

La péréquation sur le gritz n'a toutefois jamais été appliquée; elle a été ramenée à
zéro suite à la passation d'un contrat pour 5 ans, entre SABC et MAISCAM. Selon les
termes de ce dernier, SABC doit s'approvisionner en gritz à hauteur de 70% auprès de
MAISCAM au prix de 206 F/kg (rendu gare de Ngaoundéré), les 30 % restants pouvant être
importés en franchise de péréquation soit actuellement à un prix CAF de 84 F/kg (109 F
rendu magasin à Douala). Avec cet accord, on est en fait passé à "un dispositif de contrôle

50
des importations de type "jumelage" .

L a protection du marché d u gritz a entraîné u n surcoût considérable pour SABC.


SABC déclare ne pas en tirer d'avantage sur le plan de la sûreté de l'approvisionnement,
elle doit conserver un stock de sécurité de 2 à 3 mois de consommation, équivalent à celui
entretenu lorsque le gritz était i mporté. Sur le plan de la qualité, l'exigence d'absence de
lipide dans le gritz est bien satisfaite. SABC se plaint néanmoins de fréquentes livraisons
à un taux d'humidité excessif (jusqu'à 1 3, 5 %), 200 T de gritz ont ainsi été retournées à
MAISCAM en 1 992. Dans une perspective de renégociation de cet accord en 1 994, SABC
conteste évidemment surtout le niveau de coût de production déclaré par MAISCAM à
partir duquel est calculé le niveau de protection nécessaire pour le gritz local .

Une donnée fondamentale a changé par rapport à l'époque de conclusion de l'accord


et pèsera sans doute dans sa renégociation: les quantités en jeu. SABC-18 connaît une
chute de ses ventes de bière (- 2 5 % de 1 9 90 à 1 992) avec la crise économique, répercutée
directement sur les besoins en gritz: 9000 T com mandées à MAISCAM en 1 9 93/94 contre
1 2000 T en 1 9 9 1 /92. Pour conserver son volume d'activité, MAISCAM devrait être tentée
par une stratégie d'accroissement de sa part de m arché au détriment du gritz importé,
moyennant une réduction significative du prix de son gritz. Une substitution complète du
gritz local au gritz i mporté ne renchérirait pas le coût d'approvisionnement de SABC si le
prix du gritz local passe de 206 à 1 7 5 F/kg . Une réduction du prix du gritz local pourrait
également encourager les autres brasseurs à substituer du gritz au m alt importé. UCB
notamment, n'exclut pas d'utiliser du gritz pour la bière fabriquée sous sa propre marque
(la marque sous licence autrichienne i mpose le malt pur), en première approximation 2000
T pourraient être absorbées. La brasserie du Centrafrique constitue aussi un marché
potentiel d'environ 1 000 T, actuellement i mportées d' Europe; MAISCAM bénéficie d'une
localisation avantageuse pour capter ce marché .

MAISCAM dispose selon toute vraisem blance d'une certaine latitude pour baisser
le prix du gritz. Le coût de production du maïs de sa ferme est estimé à 65 F/kg
(amortissements compris mais hors frais financiers) selon des sources dignes de foi; l'achat
de maïs local peut également revenir à ce prix de 65 F/kg . Le différentiel e ntre le prix de
vente pondéré des produits MAISCAM 19 ( 1 20 F/kg) et le coOt d'approvisionnement en
maïs (65F/kg) est de 5 5 F/kg ce qui doit laisser une marge, déduction faite des charges de
transformation, confortable. A titre indicatif, les maïseries françaises, dont l'activité n'est
pas subventionnée, achètent en 1 992/93 le maïs-grain à 5 8 F/kg et vendent le gritz à 1 00
F/kg (dans le cas d'un contrat portant sur des quantités équivalentes à celles traitées par
MAISCAM, les économies d'échelle étant très i mportantes) . Il faut toutefois noter que
MAISCAM obtient un taux d'extraction de gritz plus faible (autour de 47 % ) du fait d'un
procédé de transformation par voie sèche, les maïseries françaises étant à 5 6 % avec un
procédé par voie humide.

19
Produits iaaua de la maiaerie MAISCAM
Proportion en 1 Prix en F/kg
gritz 46 2 06
farine alimentaire 23 50
farine zootechnique 13 20
tourteaux 15 40
huile raffin�e 1,2 400

51
4.3.2 L'approvisionnement en maïs de MAISCAM

MAISCAM a recours à trois sources d'approvisionnement: la production de sa propre


exploitation, l'achat local et l'importation. Leur importance respective est la suivante:

en Tonnes 1990/9 1 199 1 /92 2e sem 1992

auto-approvisionnement 1 1 300 9460


achat maïs local 4 100 620 1000
importation 9300 17200 7000

La faiblesse des achats de maïs local est notable. Les importations n'apparaissent
pas conjoncturelles mais bien structurelles couvrant plus de 40 % des besoins. Ces
importations ont généralement pour origine les Etats-Unis.

Deux facteurs conduisent MAISCAM à préférer les importations aux achats de maïs
local: le défaut d'organisation de la filière locale et des problèmes de trésorerie.

MAISCAM insiste sur le manque d'opérateurs locaux dignes de confiance capables


de livrer de gros tonnages, justifiant ainsi l'investissement réalisé dans l'exploitation
agricole. Les fournisseurs extérieurs traditionnels de MAISCAM étaient des structures para­
publiques: la SODECOTON et l'Office Céréalier. Ces dernières, confrontées à des déficits,
ont dû abandonner la collecte du maïs et une seule structure reste en mesure d'organiser
une collecte à grande échelle: le Projet Nord-Est Bénoué. Ce Projet avec l'appui du FED qui
a financé un fonds de roulement de 35 millions de F, a passé son premier contrat avec
MAISCAM début 1993 pour une livraison de 1200 T. L'opération étant un succès, sa
reconduction est prévue en 1993/94 sur 5000 T. La question qui se pose est de savoir si
les groupements de producteurs organisés par le Projet seraient capables de s'affranchir de
cette tutelle et de supporter l'intégralité des coûts de collecte. A court terme, cela parait
fort improbable compte tenu notamment du faible niveau de formation des gestionnaires
des groupements. Le rôle marginal tenu par les grossistes est paradoxal dans une région
où le négoce vivrier est fortement structuré. Une contrainte qui doit peser est l'exigence
de MAISCAM en matière de volume des lots. MAISCAM souhaite en effet réceptionner des
lots de 100 T au minimum pour réduire les charges d'organisation de l'approvisionnement
et de traitement du grain. Ainsi au moment de la mission, un lot de 60 T disponible dans
un village de I' Adamaoua ne parvenait pas à être écoulé auprès de MAISCAM.

Un facteur essentiel est le défaut de trésorerie de MAISCAM qui résulte des


prélèvements opérés par l'actionnaire principal. Ainsi, alors que MAISCAM apparait comme
une entreprise très profitable compte tenu du prix de vente élevé du gritz, la situation
financière de la société serait extrêmement précaire. Contrairement aux achats locaux qui
doivent être réglés au comptant, les importations présentent l'avantage de pouvoir être
financées par lettre de crédit à 180 jours, le crédit devant être adossé à un stock existant.
Les banques sont réticentes à accorder un crédit de campagne à MAISCAM pour l'achat
de maïs local compte tenu du risque financier encouru avec notamment l'incertitude sur la
disponibilité du produit. A court de liquidités, MAISCAM tente de recourir au troc en
échangeant sa farine contre du maïs-grain mais les grossistes ne sont pas satisfaits de
cette formule en raison de la désaffection des consommateurs pour cette farine industrielle .

Prix et qualité n'apparaissent pas en revanche comme des facteurs du choix pour
l'importation.

52
Le maïs local revient à 60-65 F/kg rendu à l'usine de Borongo (le contrat avec le
Projet NEB est à 55 F/kg départ Garoua + 5,5 F de transport). Le coût du maïs importé
serait sensiblement supérieur, se situant entre 65 et 76 F/kg. Ce coût se décompose de la
façon suivante:
Prix CAF Douala 40 à 50 F/kg
Transitaire, débarquement, ensachage 8
Droits de douane 6 à 7, 5
Transport & manutention Port-Gare Douala 1 ,6
Transport par train Douala-Ngaoundéré 7, 5
Transport Ngaoundéré-Borongo 1 ,5
Prix de revient Borongo 65 à 76

Le coût d'acheminement de Douala à Borongo (environ 1000 km) atteint 18 F/kg


soit un tiers à la moitié du prix CAF, c'est ce qui grève la compétitivité du maïs importé.

Au niveau de la qualité, le maïs local donne satisfaction. Pour le principal critère -le
taux d'extraction de gritz- le maïs local serait même supérieur au maïs importé. Le climat
sec du Nord est en outre propice à un séchage naturel du grain en amont. MAISCAM
déclare par contre, enregistrer des pertes par freinte avec le maïs importé (jusqu'à 5%).

Le fait que la trésorerie de MAISCAM ne soit pas disponible pour acheter du maïs
local est finalement coûteux pour la société elle-même et surtout pour la collectivité
camerounaise dans son ensemble. En retenant un niveau d'importations structurelles de
12.000 T ( les 17 .000 T de 1991/92 étant un niveau record peut être exceptionnel), et des
prix moyens de 70 F/kg pour le maïs importé (rendu usine) et 6 3 F pour le maïs local, la
perte encourue par MAISCAM s'élève à 84 millions de F. Le manque à gagner des
producteurs (en considérant un prix de 45 F/kg) atteint quant à lui, 540 millions de F. Le
solde pour les opérateurs intermédiaires est quasiment nul, le bénéfice tiré par les
intermédiaires du circuit d'importation (transitaire, Régie de chemin de fer . . . ) équilibrant le
manque à gagner des intermédiaires du circuit local (grossistes ou groupements de
producteurs, transporteurs).

Le coOt brut en devises est de 540 millions de F. Au niveau de la balance des


paiements la perte nette en devises est de 408 millions de F, compte tenu des intrants
importés nécessaires à la production (en système paysan il s'agit essentiellement des
engrais d'un coût estimé à 11 F/kg).

Cette évaluation des effets de l'importation de MAISCAM repose sur l'hypothèse


d'une capacité du système productif local à satisfaire les besoins quantitatifs de MAISCAM,
au prix de 60 voire 65 F/kg maximum. Dans le contexte actuel de crise des revenus ruraux,
cette hypothèse parait tout à fait valable.

D'une part en considérant que les seules régions Nord et Adamaoua répondent à la
demande de MAISCAM, l'accroissement de production nécessaire (12.000 T) ne représente
que 12 % de la production existante.

D'autre part la rémunération apportée aux agents parait motivante. Nous avons vu
précédemment qu'un prix au producteur de 45 F/kg (réaliste compte tenu d'un coût
d'intermédiation confortable de 15 à 20 F/kg) apporte une marge brute de 750 à 1000
F/jour. A ce niveau de marge, la maïsiculture se présente certainement comme l'une des
meilleures opportunités d'activité au Nord, le coton, principale alternative étant loin derrière
avec une marge brute de 500 à 600 F/jour.

53
4.4 Conclusion: Les perspectives d'évolution de la demande de· maïs et les
contraintes à l'utilisation de maïs local

Parmi les trois composantes de la demande de maïs (humaine/ animale/ brasserie),


la première est largement prépondérante (probablement de 80 à 90 %) et son évolution
dirige donc la demande globale.

La consommation humaine est évidemment tirée en premier lieu par la croissance


démographique qui reste forte (estimée à 2,9 % par an). L'évolution de la consommation
par tête devrait être différenciée selon les régions. Si l'on admet la tendance générale à la
diversification de l'alimentation non seulement en ville mais aussi en milieu rural, il devrait
y avoir une baisse de la consommation de maïs par tête à l'Ouest et au Nord-Ouest, et une
augmentation dans la zone forestière, en substitution aux tubercules, et dans la zone de
savane, en substitution au mil-sorgho. La diffusion récente du maïs, de façon relativement
uniforme, dans la consommation des différentes catégories socio-culturelles de Garoua (y
compris les originaires du Sud-Cameroun) permet de penser que le maïs (en couscous ou
bouillie) peut bien acquérir le statut d'aliment courant pour l'ensemble de la population
camerounaise, comme le riz, et dépasser son i mage d'"aliment des gens de l'Ouest et du
Nord".

La sévère baisse du pouvoir d'achat des ménages a sans aucun doute des effets
importants sur la structure de la consommation alimentaire, du moins en ville. Il est fort
probable que la récession économique stimule la consom mation de maïs. Le maïs est en
effet un produit nutritif et bon marché vraisemblablement partiellement substitué aux
sources de calories plus appréciées mais chères (banane plantain, macabo, sorgho­
mouskwari). Le riz constitue le principal produit concurrent et le rapport des prix à la
consommation entre maïs et riz apparait un facteur clé. On peut raisonnablement tabler sur
une progression de la demande de maïs pour l'alimentation humaine sensiblement
supérieure à la croissance démographique, dans le contexte actuel de crise.

Si l'on raisonne sur la seule consommation donnant lieu à dépense monétaire (le
marché stricto sensu), la tendance d'évolution est moins claire. Il faut d'abord rappeler que
ce marché ne représente qu'une faible part de la demande pour l'alimentation humaine
(peut être moins de 25%). La chute des revenus des ménages contribue à renforcer le
recours à une production domestique pour s'alimenter, en milieu rural bien sur (c'est
particulièrement net dans des zones autrefois spécialisées dans les cultures d'exportation,
comme le Moungo où la demande locale de vivriers chute) mais également en ville où
d'importants espaces restent occupés par l'agriculture. Parmi les facteurs qui vont au
contraire jouer en faveur d'un accroissement de ce marché se trouvent:
- la croissance démographique en ville: cette dernière reste forte sous le simple effet
du croit naturel de la population. Le solde migratoire est en revanche incertain. Il est admis
que le mouvement d'urbanisation du pays s'est ralenti depuis 1 987 avec la crise
économique et la raréfaction des opportunités d'emplois en ville.
- la substitution du maïs aux aliments "chers". Cette dernière reste toutefois à
confirmer.

En matière d'alimentation animale (essentiellement volailles), le maïs constitue la


base calorique des aliments composés. Les provendiers pourraient utiliser indifféremment
d'autres produits amylacés (riz, sorgho, manioc .. ); la place privilégiée accordée au maïs
tient au fait que c'est la matière première la plus abondamment disponible sur le marché
local et la moins chère.

54
L'évolution de la demande en maïs est évidemment liée à celle de la demande finale
en produits avicoles. Les professionnels des filières d'élevage intensif enregistrent
globalement une baisse d'activité depuis 1 990, la crise les aurait donc affecté plus
tardivement que d'autres secteurs. L'application effective d'une restriction des importations
de volaille à la fin des années 1 980 aurait même permis un maintien de la croissance de
l'activité à contre-conjoncture jusqu'en 1 990. La baisse considérable des prix des produits
avicoles (de 1 991 à 1 993 les prix moyens sont passés pour le poulet de 650 à 500 F/kg
vif et pour l'oeuf de 30 à 22 F/unité) a entraîné la faillite de nombreux petits élevages et
ne semble pas avoir entraîné une reprise de la consommation. Le marché de l'oeuf devrait
pourtant redevenir porteur car l'oeuf constitue la source de protéine animale la moins chère
et des substitutions devraient s'opérer au détriment des viandes. Ainsi, il parait
vraisemblable que le marché du maïs pour la provenderie renoue avec la croissance à brève
échéance.

Le marché du gritz de brasserie connaît un véritable effondrement: -7 % par an en


moyenne de 1 987 à 1 992 et on enregistre pas de ralentissement de cette récession, au
contraire. La bière industrielle est en effet largement substituée par les boissons locales
traditionnelles: vin de palme dans le Sud et bière traditionnelle à base de sorgho et dans
une moindre mesure de maïs, dans le Nord . Les seules perspectives de limitation de cette
perte de débouché sont la substitution de gritz local au gritz importé, dans le cadre de la
renégociation de l'accord entre MAISCAM et SABC-IB, et l'introduction du gritz dans les
formules des autres brasseurs. Cela suppose une baisse significative du prix du gritz local.

De 1 5 à 20 % du marché du maïs est actuellement approvisionné par des


importations et l'on peut penser que le niveau d'importation serait bien plus élevé en
l'absence de protection du marché par restriction quantitative. Une substitution complète
de maïs local pourrait être envisagée à partir d'une prise en compte des contraintes qui
conduisent les industriels à donner la préférence aux importations. Deux contraintes sont
communes aux provenderies et à MAISCAM:

. La difficulté de financer l'achat de maïs local. Ces sociétés ne disposent pas de la


trésorerie suffisante pour des raisons diverses (difficultés commerciales pour les
provenderies, problèmes de gestion pour MAISCAM) et l'accès à un crédit de campagne
auprès des banques est particulièrement coOteux. L'importation permet en revanche
d'obtenir des facilités de paiement .

. la confrontation à une offre locale très fractionnée et incertaine; les grossistes


fournisseurs seraient peu enclins à entrer dans une relation contractuelle durable compte
tenu de l'incertitude quant à leur propre approvisionnement auprès de producteurs ou
collecteurs, et des opportunités qui peuvent se présenter sur le marché pour la
consommation humaine très actif dans l'Ouest. L'importation apporte la sécurité et, réalisée
par lots de plusieurs milliers de tonnes de qualité homogène, simplifie la réception du
produit.

Les provenderies sont en outre, confrontées à un problème de montée saisonnière


du prix du maïs consécutive aux difficultés de séchage et conservation du maïs en zone
forestière et d'altitude. D'avril à aoOt, le maïs importé est ainsi généralement moins coOteux
que le maïs local. Les provenderies ont encore peu investi en moyens de séchage et
stockage. Pour MAISCAM, le prix n'est pas un facteur de préférence du maïs importé au
contraire; le maïs local est toujours moins coOteux que le maïs importé du fait de
l'importance du coOt d'acheminement de Douala à Ngaoundéré.

55
5. CONCLUSION GENERALE

La filière maïs présente incontestablement de fortes potentialités de développement


et pourrait donc apporter une contribution i mportante à une diversification de l'activité
agricole.

Du coté de l'offre de maïs local, on peut relever comme principaux atouts:

- une grande abondance de ressources en terre dans des zones aux conditions agro­
climatiques adaptées à une maïsiculture productive: il s'agit principalement des
départements du Maya-Rey, du Mbam et du Noun.
- un coût d'opportunité du travail en milieu rural descendu à un bas niveau (500
F/jour dans la plus grande partie du pays); et de façon fréquente, une main d'oeuvre sous
employée donc susceptible de s'investir dans la maïsiculture. Le maïs est en effet répandu
dans l'ensemble du pays et sa culture est connue de la plupart des ruraux.
- un coût de production du maïs dans les structures paysannes, compétitif vis à vis
du maïs importé, précisément du fait du bas coût de la main d'oeuvre .
- une large gamme de variétés de maïs améliorées, disponible suite à l'important
effort de recherche réalisé au cours des 20 dernières années. Cet investissement dans la
sélection reste à valoriser par une diffusion effective des semences.
- l'existence d'une industrie du maïs techniquement au point (cas rarissime en
Afrique francophone) et pouvant satisfaire une demande particulière en produits de qualité
(gritz, farine stabilisée) .

Du coté d e la demande, on peut penser que l e marché d u maïs devrait rester porteur
malgré la forte récession générale. Le maïs constitue d'abord un aliment de base pour une
grande partie de la population (populations de l'Ouest, du Nord-Ouest, du Nord). Sa
diffusion dans l'ensemble de la population devrait être facilitée, d'une part, par la tendance
des consom mateurs notamment urbains à rechercher une diversification de leur
alimentation. D'autre part, par le fait que le maïs constitue une des sources de calorie la
moins chère, élément décisif en période de récession. Le maïs entre par ailleurs comme
matière première principale dans l'alimentation des volailles. Compte tenu de la forte
aspiration des consommateurs à augmenter leur ration de protéines animales (le niveau
actuel de consommation de produits avicoles est très faible) on peut s'attendre au maintien
du dynamisme du secteur avicole .

L'existence d'un flux structurel de maïs importé qui, de surcroît suit une tendance
à la hausse, révèle une défaillance de la filière locale. En 1 992, les importations de maïs­
grain ont entraîné une perte de devises, et en corollaire un manque à gagner pour les
producteurs et commerçants d'environ 1 , 2 milliard de F. Cette défaillance tient à un
problème d'organisation et au manque d'efficacité des fonctions de séchage et stockage.

Les industriels sont confrontés à une offre très atomisée et de ce fait, relativement
incertaine. Ils ne souhaitent pas s'investir dans les activités de collecte ou même supporter
les charges inhérentes à un approvisionnement par petits lots de qualité hétérogène . Par
ailleurs les banques ne sont pas disposées à financer des crédits de campagne en l'absence
de certitude sur la disponibilité du produit. Le négoce du maïs apparait peu attractif pour
les détenteurs de capitaux en raison des risques encourus. La structure du marché - une
production représentant 3 à 4 fois la demande " marchande "- contribue en effet selon toute
vraisemblance, à renforcer l'instabilité des prix.

56
Un nouveau type d'opérateur pourrait prendre en charge cette centralisation de
l'approvisionnement des industriels, il s'agit des organisations de producteurs qui
recherchent actuellement une diversification de leurs activités par rapport au café dans
l'Ouest, et au coton dans le Nord. Le succès de l'expérience d'approvisionnement de
MAISCAM par les groupements villageois du Projet NEB montre le réalisme d'une telle
formule.

L'assurance d'une pérennité du débouché industriel est un facteur essentiel pour


stimuler la production, or cette pérennité peut être remise en cause par la variabilité du prix
du maïs à l'importation, les industriels étant logiquement à l'affût des meilleures
opportunités. Il importe que les pouvoirs publics exercent un droit de regard sur les
importations de maïs (et produits substituables pour l'alimentation animale tel le sorgho)
de tous les industriels. Compte tenu des subventions dont bénéficient les céréales mises
sur le marché mondial, le maintien d'une protection tarifaire significative du marché local
avec un droit de douane de 15 à 20% se justifie.

La question de la substitution aux importations de maïs devrait pouvoir se résoudre


dans un terme assez proche. Au delà, se pose un défi dont l'enjeu est beaucoup plus
important: la valorisation du maïs comme produit de grande consommation dans les villes.
La consommation de céréales importées (riz et blé) est en effet en pleine expansion et le
maïs, compte tenu de ses potentialités de production élevées, apparait comme le principal
substitut pouvant enrayer cette tendance. Cette question est particulièrement complexe.
Elle a souvent été examinée sous l'angle de l'introduction de farine de maïs en panification.
Au cameroun où les importations de blé et farine de froment atteignent 300.000 T, une
telle introduction constituerait un levier puissant d'accroissement du marché du maïs. Des
enquêtes de l'ENSIAAC ont montré une bonne acceptation par les consommateurs de pain
à base de farine composée avec une teneur en maïs allant jusqu'à 10%, toutefois les
échecs des diverses expériences engagées dans ce domaine en Afrique de l'Ouest invitent
à la prudence. Des voies plus originales de valorisation, comme la diffusion de produits à
base de maïs consommés dans d'autres pays, devraient être explorées. Les pouvoirs
publics pourraient également promouvoir la consommation de maïs dans le secteur de la
restauration collective sous leur tutelle: écoles, casernes, prisons, projets bénéficiant d'une
aide alimentaire du PAM (cette dernière donne notamment presque l'exclusive au riz
actuellement).

57
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Zangue Cheuka JB., Kenfack P., 1 992: Fiche technique de la culture du maïs en zone de
forêt. I RA/ SODECAO.

60
LISTE DES SIGLES

CAPP Cameroon Agricultural Policy & Planning (Projet USAID à la DEAPA du MINAGRI)
CIRAD Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le
Développement
DEAPA Direction des Enquêtes Agro-économiques et de la Planification Agricole
ENSIAAC Ecole Nationale Supérieure des Industries Agro-Alimentaires du Cameroun
EPA Elevage Promotion Afrique
F Franc CFA
FAC Fonds d' Aide et de Coopération
FAO Food & Agriculture Organization
FED Fonds Européen de Développement
IITA I nternational lnstitute for Tropical Agriculture
IRA Institut de la Recherche Agronomique
MAISCAM Société de Culture et de Transformation du Mais au Cameroun
MIDENO M ission de Développement du Nord-Ouest
MIDEVIV Mission de Développement des Vivriers
MINAGRI Ministère de I' Agriculture
M INEPIA Ministère de !' Elevage, des Pêches et des Industries Animales
NCRE National Cereals Research and Extension (Projet USAID à l'IRA)
NEB Nord-Est Bénoué (Projet régional de développement rural du FED)
ONDAPB Office National de Développement de I' Aviculture et du Petit Bétail
OSISCA Observatoire Sur l'innovation Sociale et la crise au Cameroun
PAM Programme Alimentaire Mondial
PDRPO Projet de Développement Régional de la Province de l'Ouest
REGIFERCAM Régie des Chemins de fer du Cameroun
SABC Société Anonyme des Brasseries du Cameroun
SATEC Société d' Aide Technique et de Coopération
SCTC Société Camerounaise de Transformation de Céréales
SNI Société Nationale d'investissement
SOCASEM Société Camerounaise de Semences
SODECAO Société de Développement du Cacao
SODE COTON Société de Développement du Cotonnier
SOFAL Société de la Ferme Avicole du Littoral
UCB Union Camerounaise de Brasserie
UCCAO Union des Coopératives de Café Arabica de l'Ouest
UNVDA Upper Noun Valley Development Authority
USAID United States Agency for International Development

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Documents de travail en économie des filières

Déjà parus
1. BENZ H., MENDEZ DEL VILLAR P. Le marché international du riz. Facteurs d'instabilité et
politiques des exportateurs. Avril 1993.
2. FREUD C., HANAK FREUD E. Les cafés robusta africains : peuvent-ils encore être compétitifs ?
Août 1993. Article à paraître.
3. GouvoN A., SuPRIONO A. De la forêt à hévéas aux usines d'Akron : une production
paysanne pour un marché industriel. Avril 1993.
4. LEPLAIDEUR A. Innovations récentes dans les réseaux commerciaux et de transformation du
riz à Madagascar. Résultat d'une enquête 1991 dans la filière sur Antananarivo, Antsirabé,
lac Alaotra. Septembre 1933.
5. MOUSTIER P. Etat d'avancement du programme Filmar, phase Ill (CIRAD-CNAgricongo).
Octobre 1993.

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