Version Corrigée
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De tous les défis dont l’homme fait face, le plus vital et le plus constant est de lutter
pour améliorer ses conditions de vie. La science a permis à l’homme de se faire une place dans
l’univers en valorisant ses potentialités. Telle est sa vocation primordiale qui, au sein de la
nature, donne la première place à l’être humain. L’objectif de la science est de parvenir à des
connaissances utiles à la vie de l’homme. En effet, les recherches scientifiques et
technologiques, contribuent à la réalisation du bien-être des populations couvrant les grands
domaines que sont l’agriculture, la santé en tant que combat contre la maladie, l’éradication de
certaines maladies héréditaires, le transport et l’éducation, etc. Tout compte fait, la convergence
technologique a permis aux aveugles de retrouver la vue, aux sourds d’entendre, les boiteux de
marcher et d’éliminer les cellules souches porteuses de maladie. Mais malheureusement, cette
vue ne fait plus l’unanimité. Car, aujourd’hui nous vivons une crise des valeurs, une crise de
l’être humain lui-même.
De fait, les résultats des progrès scientifiques et techniques qui, dans d’autres conditions,
pourraient apporter plus de bénéfices et de dignité à la vie accentuent plutôt la crise du rapport
entre l’être humain et le reste de la nature. C’est ainsi que nous arrivons aujourd’hui à des
impasses dans lesquelles, l’humanisation, cette volonté d’humanité qui fait de nous des humains
est tombée en désuétude. L’époque dans laquelle nous vivons est dominée par le règne des
nouvelles technologies et des nouvelles idéologies, notamment le transhumanisme, qui se veut
un mouvement philosophique et culturel promouvant l’amélioration humaine, grâce aux
progrès des sciences et en particulier des nanotechnologies et des biotechnologies, avec sa
conviction que l’être humain est modifiable à volonté. Le professeur Njoh Mouelle met l’accent
de manière particulière sur le caractère mercantiliste de ce mouvement.
En effet, Ebénézer Njoh Mouelle est un philosophe camerounais, né le 17 septembre
1938 à Wouri-Bossoua. Il a fait ses études primaires et secondaires de 1944 à 1959. Il poursuit
sa formation intellectuelle à Paris de1960 à19621. Il obtiendra une licence en philosophie, suivie
d’un diplôme d’études supérieures en 1965 et ce parcours sera couronné avec un doctorat à la
Sorbonne en 1967. Par ailleurs sa thèse pour l’obtention du doctorat d’État a porté sur
l’humanité de l’avenir selon le bergsonisme, par ricochet est le courant philosophique auquel il
appartient. Il a assuré de nombreuses responsabilités dans l’administration académique avant
d’être nommé conseiller du président de la République en 1986, élu député en 1997 et nommer
comme membre du gouvernement en 2006 comme ministre de la communication. Depuis 2015,
1
E. NJOH MOUELLE, De la médiocrité à l’excellence. Essai sur la signification humaine du développement,
Yaoundé, 4ème Edition, Clé, 2011, p. 175.
1
il représente le Cameroun pour la deuxième fois au conseil exécutif de L’UNESCO et Président
du conseil scientifique du centre de formation doctorale pour les arts, les langues et la culture à
la faculté des arts, lettres et sciences humaines de l’Université de Yaoundé I. Auteur de
plusieurs ouvrages entre autres, De ma médiocrité à l’excellence en 1969. Cet essai sera suivi
en 1980 d’un autre intitulé Développer la richesse humaine. Au sujet du transhumanisme, après
un premier livre intitulé Transhumanisme, marchands de science et avenir de l’homme, où il
mettait l’accent sur le caractère mercantiliste de ce mouvement à travers les grandes firmes en
occurrence les GAFA ; il insiste sur l’illusion de l’autorégulation. Il publie un second livre
dont le titre est intitulé Quelle éthique pour le transhumanisme ? Il déploie cette fois-ci une
analyse éthique et met en relief la question de la régulation destinée à protéger et sauver l’espèce
humaine de l’exploitation des résultats des recherches convergentes des NBIC et se préoccupe
autant du sort incertain qui pourrait être réservé aux continents ou pays économiquement faibles
face cette idéologie.
Nous sommes dans une guerre entre ceux qui veulent garder la nature telle qu’on l’a
trouvé avec ses imperfections et ceux qui veulent à tout prix modifier la nature humaine en
cherchant l’immortalité de l’homme. C’est pourquoi Laurent Alexandre affirme : « Nous allons
avoir la capacité technique de bricoler la vie, et rien ne nous empêchera d’user ce pouvoir. »2
Nous trouverons aussi une nette justification de ce projet chez Max More lorsqu’il dit : « nous
n’acceptons pas les aspects indésirables de la condition humaine, nous défions les limites
naturelles traditionnelles imposées à nos possibilités… Nous reconnaissons l’absurdité
d’accepter les limites naturelles à notre longévité avec résignation. 3 Dans le même contexte, à
cette quête de l’immortalité, une fois de plus nous trouvons : « S’il est naturel de mourir, alors
débarrassons-nous de la nature. Nous devons nous élever au-dessus de la nature. Nous devons
refuser de mourir. »4 Toutes ces affirmations montrent à suffisance que la nature humaine est
menacée et que le projet mis sur pied par les transhumanistes est de contrôler, de maîtriser et
de saisir le monde à leur fin propre.
Face à ce vaste chantier contre l’humanité innocente, la vie humaine ne nous fait plus
de l’économie du questionnement. Nous sommes dans l’ère de la finitude de l’homme, de la
manipulation du génome humain, de la fabrication du « bébé sur mesure »5, de la
marchandisation du vivant humain ou des embryons humains, des ovules et des spermatozoïdes
qui sont devenus des produits marchands. L’humain cessant d’être le but du progrès
2
L. ALEXANDRE, La Mort de la Mort, Paris, JC Lattès, 201, p.1-2.
3
D. FOLSCHEID, Le transhumanisme, c’est quoi ? Paris, Cerf, 2018, p. 7.
4
C’est l’une des phrases clés du site de FM-2030, http : //fm2030.us, consulté le 08 avril 2021.
5
F. FUKUYAMA, La fin de l’homme…, p. 357.
2
scientifique, il en devient l’instrument, un terrain indéfiniment exploitable. La technomédecine,
l’hybridation de l’homme avec la machine, et tout le reste, condamneraient l’homme et ses
valeurs à disparaître. Il s’agit de la grande ré-initiation de l’humain qui prône l’artificiel.
C’est dans cette dynamique que nous avons formulé notre thème de la manière suivante:
L’humain face au transhumanisme. Il s’agit de réfléchir aux conséquences de la révolution des
nouvelles technologies NBIC sur le plan humain. Le problème philosophique que pose notre
thème de recherche est celui de l’artificialisation de l’humain. Au fond, tout revient à une même
question : s’agit-il de rendre l’humain plus humain ou pour mieux dire, meilleur parce plus
humain, ou veut-on au contraire le déshumaniser, voire engendrer artificiellement une nouvelle
espèce, celle des posthumains ? Au nom de quoi chercher à forger à des hommes un avenir dont
ils seront eux-mêmes absents ? L’homme cessera-t-il d’être humain ou deviendra-t-il inhumain
? Qu’est ce qui se gagne réellement dans le transhumanisme ? Que vous servira-t-il de fabriquer
la vie elle-même si vous avez perdu le sens de la vie ? Comment faire l’humanité, la famille
humaine en appelant par la vie à progresser l’humanité ? Mieux, comment tenir devant un
courant de plus en plus puissant, soutenu par les géants de la technologie et les nouveaux maîtres
du monde aux financements quasi illimités ? Le transhumanisme fait débat. Mais quel est au
juste, l’objet du débat ? Quelles sont les armes que l’homme a pour résister à ce processus déjà
enclenché ? Est-ce que c’est la loi qui fait de nous des êtres humains ? L’homme est-il le dieu
de l’homme ? Que sera l’homme hors de sa source première ou de son moteur ? Et si personne
ne mourait plus jamais ? Comment l’homme qui existe passe de l’homme fonctionne ? Ces
différentes questions mettent à nu une certaine inquiétude de l’homme vis-à-vis des nouvelles
technologies.
Notre travail obéira à une méthode analytico-critique. Pour mener à bien notre réflexion,
nous allons structurer ce travail en trois chapitres. Le premier examinera la question du
transhumanisme en remontant à ses origines et sa présentation comme mouvement
philosophique. Le deuxième chapitre traitera de ses dérives à travers son caractère et
deshumanisant. Et notre troisième chapitre sera une sorte d’évaluation et perspectives en vue
de la réhabilitation de la dignité humaine. Ceci, nous permettra de montrer l’importance d’un
regard plus éthique de l’homme, la nécessité de régulation et les leçons profitables par rapport
à l’entreprise transhumaniste pour l’Afrique.
3
CHAPITRE I : ORIGINE ET PRÉSENTATION DU MOUVEMENT
TRANSHUMANISTE
6
Encyclopédie philosophique universelle, Paris, PUF, 1998, p. 1993.
7
D. FOLSCHEID, Le transhumanisme, c’est quoi ?, Paris, cerf, 2018, p. 97.
4
ailes et des vitesses. Mais dans son empressement, Épiméthée a oublié les hommes ; les voici
dénués, ayant tout épuisé il n’avait plus aucun moyen de réparer son erreur. L’oubli
d’Épiméthée aurait fait que la nature n’a pas été au bout de son travail, et l’homme s’est retrouvé
nu, moins bien doté que les autres animaux.8 Le transhumanisme semble saisir ce manquement,
pour signifier qu’il revient à l’homme lui-même de produire ce que la nature n’a pas réussi à
faire, et donc peupler l’humanité d’artifices. Ce mythe montre que ce qui semblait être une
faiblesse de l’homme, à savoir son dénuement originel est en fait ce qui lui a permis de devenir
la seule espèce libre de se réinventer en permanence. C’est donc, ce rêve prométhéen d’une vie
infinie, d’une puissance infinie que prônent les transhumanistes. Par ricochet, les tenants de ce
mouvement tentent de réaliser ce qui, sans doute, le plus vieux rêve de l’humanité
malicieusement inculqué à Adam et Ève par Satan. De fait, dans la Bible le serpent rassure la
femme en ces termes : « pas du tout! Vous ne mourrez pas de mort. Mais Dieu sait que, le jour
où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, connaissant le bien
et le mal » (Gn 3,4-5).9 Au vue de ce qui vient d’être dit, il n’est plus surprenant de comprendre
l’expression bergsonienne : « une machine à faire des dieux », des dieux qui sont le but de
l’effort, de dépassement de soi, d’engendrement de soi, de recréation perpétuelle de soi de la
vie humaine, écrit Pr. Monique Castillo.10 Le projet n’est donc pas nouveau. Prométhée est cet
« individu révolté », l’homme postmoderne qui en vient à se révolter contre Dieu, ses
semblables et paradoxalement contre lui-même. Il s’agit plutôt d’une contre-fonction. Paul
Lafargue, dira à ce propos que « le feu générateur de force motrice et agent principal de la
production capitaliste est une des premières inventions de la sauvagerie. »11
Le feu volé par Prométhée ne restera impuni : le don de pandore à Épiméthée, cette
femme magnifique et époustouflante de beauté, incarne l’esprit menteur, manipulateur et un
appétit pour les choses jamais satisfaisante. Pandore ouvrira la boite qu’elle a reçu des dieux et
dans cette boite, chaque dieu avait glissé un élément néfaste pernicieux, bref, tous les maux de
l’univers. Une fois cette boite ouverte, aussitôt jaillissent tous les malheurs, les misères du
monde, tout ce qui affligera la vie des humains jusqu’à la fin de temps ; plus grave encore, le
mal se mêle au bienfait. En résumé, Prométhée est la figure des rebelles, du révolté, celui qui
nous dit que la contestation du pouvoir est honorable et nécessaire.
8
Selon la mythologie grecque, Épiméthée, chargé de répartir les qualités et défauts parmi les mortels, les
distribuent toutes aux animaux, si bien qu’il ne reste plus rien à l’homme pauvre et nu.
9
R. SARAH et N. DIAT, Le soir approche et déjà le jour baisse, Espagne, Fayard, 2020, p. 273.
10
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, marchands de science et avenir de l’homme, Paris, l’Harmattan,
2017, p. 7.
11
P. LAFARGUE, "Le mythe de Prométhée", publié dans la Revue des Idées, 15 décembre 1904, p. 1.
5
2. Le gnosticisme
12
D. FOLSCHEID, Le transhumanisme, c’est quoi ?..., pp.73-74.
13
Ibidem.
14
F. BACON, La Nouvelle Atlantide, Paris, GF-Flammarion, 2000, p. 119.
15
LE PIC DE MIRANDOLE (1463-1494), de son vrai nom Giovanni pico della Mirandalo, et qui se faisait aussi
appeler Comte de la Concordia, était un philosophe et théologien humaniste italien de la période de la
Renaissance.
6
sera plus soumis au vieillissement naturel, ce qui lui donnera accès à l’immortalité d’où le
combat contre la finitude l’homme.
La finitude est le caractère de ce qui est fini.16 En d’autres termes, ce qui n’est pas
éternel, c’est-à-dire l’être humain. Il s’agit de la guerre incommensurable de l’homme contre la
mort. Il est inadmissible que l’homme soit soumis à la loi de la nature selon laquelle : tous les
êtres vieillissent, tous les êtres meurent. L’homme peut prendre la place qui lui revient pour
vivre éternellement. Tel est le projet du transhumanisme : un monde à l’abri du temps, à l’abri
de la mort. À quel moment le combat contre la souffrance et la maladie change-t-il de nature
pour devenir un combat contre la finitude humaine ? D’après les tenants de l’immortalité, la
biotechnologie permettra à l’homme de vivre longtemps, voire de s’immortaliser. Quoi qu’il en
soit, le recul de la mort voire la fin de la mort sera effective selon Laurent Alexandre quand il
dit : « L’idée que la mort est un problème à résoudre et non une réalité imposée par la nature
ou par la volonté divine va s’imposer. »17 Nous avons pour preuve le titre de son ouvrage : « la
mort de la mort ». Au fond se cache un rêve d’infini, une vie sans fin sur terre. Or l’homme
n’est pas un être pour la mort, mais sa nature lui impose une fin dans l’histoire et dans le temps,
des hommes sur terre et une éternité avec son créateur. Ne serait-il pas mieux se projeter dans
l’avenir comme mortel, prendre conscience de nos limites, de nos vies ?
Le combat contre la finitude de l’homme est un processus par lequel l’humanité est
engagée depuis plusieurs siècles. Cette marche vers la finité de l’homme a pris une tournure
nouvelle avec les futurologues optimistes qui prédisent que l’humanité sera modifiée et
transformée grâce à la convergente technologique. Les transhumanistes sont dans la logique de
ce que Bernard Stiegler appelle « l’exosomatisation », c’est-à-dire la projection de soi en dehors
du corps, par le biais des outils qui vont prolonger et agrandir le corps humain.18 C’est
effectivement ce que désigne par le concept d’« augmentations ». La question, la date de cette
transformation importe peu. Les questions les plus importantes sont entre autres : l’homme,
transformé changera-t-il de nature ? L’humanité biologique va-t-elle perdre son pouvoir ? Les
religions seront-elles anéanties ou regonflées par les progrès scientifiques qui sont déjà là et la
prise en main par l’Homme de son destin ? La mort de la mort préfigure-t-elle la mort de Dieu ?
En effet. La seule croyance que partage l’humanité est celle que nous allons tous mourir,
16
A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 2018, p.359.
17
A. LAURENT, La mort de la mort. Comment la technomédecine va bouleverser l’humanité, Paris, Lattès,
2011, p. 5.
18
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, marchands de science et avenir de l’homme …, p. 8.
7
toujours. Pourtant, les transhumanistes nous font comprendre que nous pourrions faire reculer
la mort. Demain, la mort ne sera plus l’aboutissement naturel de toute vie, disent-ils. Elle
deviendra une maladie comme une autre, bien un peu plus complexe à éradiquer… ou un choix
pour les suicidaires.19 Quelles en sont les sources et les motivations intellectuelles d’un tel
projet de lutte contre la nature humaine ?
1. L’humanisme évolutionnaire
La notion de l’humanisme semble devoir trouvée son développement au carrefour de
deux lignes de signification : d’une part, l’humanisme qualifie spécifiquement un mouvement
socio-culturel trouvant son déploiement dans l’Europe au XVIe siècle et constituant une
nouvelle anthropologie qui fait véritablement émerger la catégorie philosophique de l’individu ;
d’autre part, il désigne une prise de parti philosophique concernant le sujet, c’est-à-dire à la fois
sa promotion théorique et sa défense éthique contre les risques d’oppression, d’aliénation.20 Par
contre l’humanisme contemporain conserve essentiellement la foi en l’Homme. Autrement dit,
c’est le retour total de l’homme à lui-même. En effet, pour mieux saisir l’humanisme
évolutionnaire, il faut faire un petit voyage dans le temps. À l’époque antique par exemple,
Protagoras disait que « l’homme est la mesure de toutes choses, de l’être de celles qui sont du
non-être de celles qui ne sont pas. »21 C’est-à-dire que l’homme est le centre de tout, il est
capable de tout et le maître de tout. C’est pourquoi les humanistes évolutionnaires pensent qu’il
revient donc à l’homme de chercher la connaissance et de créer un monde idéal.
Il est important de constater également que l’humanisme n’est pas que le goût de
l’antiquité, il en est le culte de la société moderne surtout de la société contemporaine. Si les
premiers philosophes de l’humanisme moderne, comme Manetti, Valla, Alberti ou Pic de la
19
A. LAURENT, La mort de la mort. Comment la technomédecine va bouleverser l’humanité…, p. 20.
20
Encyclopédie philosophique universelle, Paris, PUF, 1998, p…
21
D. FOSCHEID, Le transhumanisme, c’est quoi ?..., p.49.
8
Mirandole s’efforçaient tout autant de démolir la conception de l’homme et du monde propre à
la chrétienté médiévale, qui avait enfermé l’homme dans l’idée que l’essence humaine est
mauvaise, dégradée par le péché originel. Dans cette condition, l’homme ne peut rien pour lui-
même sinon espérer la grâce.22 Or, Il faut maintenant en construire une image nouvelle ;
l’homme est libre et même, qu’il est un infini au centre de l’univers. C’est l’idée la plus radicale
de l’humanisme de la Renaissance qui nous est transmise. Pour les humanistes de la
Renaissance, l’être humain n’a pas une nature : il n’a pas une essence fixe, déterminée une fois
pour toutes, comme c’est le cas pour les autres êtres naturels. C’est être s’auto-construit, qui est
ce que qu’il a fait de lui-même.23 C’est pourquoi le transhumanisme se revendique être un
humanisme. Nous comprenons donc que, le désir humain d’acquérir des attributs posthumain
est aussi ancien que l’espèce humaine elle-même. Que devient l’humanisme au vu de
l’évolution des sciences et de la technique ? De fait, il est nécessaire de dire que nous vivons
une crise des fondements de la civilisation qui est en train d’épuiser rapidement son
potentiel…Cela peut être interprété, si l’on veut, comme une crise de l’être humain lui-même
disait Salvatore Puledda.24 Nous avons l’impression que tout ou presque tout ce qui arrive
constitue une véritable agression contre l’humain.
2. Le projet des Lumières
22
S. PULEDDA, interprétations de l’humanisme, collection nouvel humanisme, Paris, Références, 2000, p. 19.
23
Ibidem, pp. 19-20.
24
Ibidem, p.8.
25
T. TZVETAN, L’Esprit des Lumières, Paris, Robert Laffont, 2006, p. 9.
26
E. KANT, Qu’est-ce que les Lumières ?, Paris, Flammarion, 1991, pp. 43-44.
9
Deuxièmement, la finalité des actions humaines est libérée ici. Elle ne vise plus Dieu mais les
hommes eux-mêmes. Ici, l’homme prend la place de Dieu en tant que source ; la quête du
bonheur remplace celle du Salut. Ayant donc, rejeté Dieu, les hommes choisissent eux-mêmes
les critères du bien et du mal. Et troisièmement, l’appartenance au genre humain, à l’humanité
universelle est plus fondamentale que celle à telle ou telle société. Les figures des Lumières,
sont notamment Descartes, Francis Bacon, La Mettrie et Feuerbach.
a) Francis Bacon (1561-1626)
Pour Bacon, notre « globe matériel » vient de s’étendre à l’infini : il est grand
temps « que notre globe intellectuel cesse d’être borné, ce qui nous fait piétiner dans les cercles
étroits où nous étions ensorcelés »27 Il s’agit là de reculer les bornes de l’empire humain. Il met
en scène les représentations et les bases qui constitueront l’envol de la technoscience
contemporaine. Pour lui, le livre de la Bible nous dit ce qui a été fait, le livre de la Nature ce
qui est fait. C’est la raison pour laquelle il dira : « C’est à cause du péché originel que nous
avons été déchus de nos droits, mais grâce à la médecine (technoscientifique), nous allons
retrouver notre souveraineté perdue. »28 Le programme de Bacon est clair : retrouver la
souveraineté qui était la sienne dans le premier état où il fut créé, jusqu’à l’immortalité, si
possible. Alors, c’est dire que les transhumanistes n’ont rien inventé.
b) Descartes (1596-1650)
Descartes est bien l’inventeur de ce corps machine dont rêve les transhumanistes. C’est
ce corps machine qui va permettre tant de progrès scientifique et médicaux, car de ce corps, il
y a science possible. Ainsi, les transhumanistes utilisent le concept d’« augmentation » du même
corps de l’homme par les biais de la fabrication des « organes artificiels » que sont les machines
et tous les autres outils prolongeant le corps.29 La médecine dont rêve Descartes, « une
médecine qui soit fondée sur la technoscience.
Pour avoir construit l’abstraction artificielle d’un corps séparé de l’âme, Descartes
reconnaît dans ses lettres à Élisabeth avoir négligé le plus important, leur union. Finalement,
Descartes ne croira pas à une médecine vraiment salvatrice. Son ultime conseil sera plutôt
d’apprendre à ne pas redouter la mort. Pour lui, le fait de ne pas craindre la mort est l’un des
moyens le plus aisé de conserver la vie. Par contre, La Mettrie, médecin ne prend pas la
construction de Descartes pour une abstraction mais pour le réel.
27
D. FOSCHEID, Le transhumanisme c’est quoi ?..., p. 57.
28
Ibidem, p. 58.
29
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, marchands de science et avenir de l’homme …, p. 12.
10
c) Julien Offray de La Mettrie (1709-1751)
Dans l’Homme machine, il refuse une conception spirituelle de l’âme. Pour lui, «l’âme
n’est donc qu’un vain terme dont on a point d’idée, et dont un bon esprit ne soit se servir que
pour nommer la partie qui pense en nous ».30 Voilà pourquoi, la vision machinique de l’homme
et du monde permet de passer à un autre type de machine : le « robot »31. En analysant cela, le
transhumanisme s’inscrit aussi dans « la vision machinique du monde » initiée par La Mettrie.
Dans le transhumanisme, il est question de substituer la machine à l’homme. C’est « le passage
de l’homme-machine à la Machine-post-humaine.» C’est notamment le but des transhumanistes
de faire advenir un nouvel homme, le « posthumain », au sujet duquel une vive discussion est
engagée depuis quelque temps, opposant des « bioconservateurs » aux « techno-
progressistes ».32 Cependant, de l’Homme-machine peut-être, mais de la Machine-Homme est-
ce possible ? Si oui qui le fera ? Si La Mettrie se passait de l’âme, les transhumanistes quant à
eux veulent se débarrasser du corps. Pour eux, l’évolution artificielle prend le relais de
l’évolution naturelle.
3. Le positivisme et le marxisme
Quand l’esprit renonce à expliquer des phénomènes et s’attache uniquement à leurs lois,
alors il réalise un progrès décisif. Cette idée fondamentale d’Auguste Comte va imprégner la
société et la pensée moderne, mais surtout donner naissance à un positivisme très déformé, qui
se transformera en scientisme. Et voulant dépasser l’idée d’une philosophie théorique, Marx de
30
J. OFFRAY de la Mettrie, L’Homme-Machine, Paris, Gallimard, 2010, p.189-190.
31
Dans leur terminologie, ils parlent du « téléversement de la conscience dans l’espace digital ».
32
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, marchands de science et avenir de l’homme …, p. 12.
11
son côté affirme le primat de la pratique et du politique de manière à supprimer les conditions
sociales dans lesquelles l’homme est abandonné et humilié d’où l’appellation « l’humanisme
marxiste », c’est-à-dire un humanisme matérialiste.
a) Le positivisme
33
Encyclopédie philosophique universelle, Paris, PUF, 1998, p. 1993.
34
J. RUSS, Philosophie. Les auteurs et les œuvres, Paris, Bordas, 2003, p. 305.
12
b) Le marxisme
Il sera question pour nous dans de cette dernière partie de notre premier chapitre de
présenter ce qu’est-ce le transhumanisme, identifier sa nature et son projet.
35
J. Russ, Philosophie. Les auteurs, les œuvres…, p. 346.
36
PHILIPPE de Saint Marc, progrès ou déclin de l’homme? Paris, Stock, 1978, p. 171.
13
nature humaine cache une nouvelle face, tout en servant de noble prétexte aux préoccupations
commerciales évidentes du groupe GAFA(Google, Facebook, et Amazon) qui contrôle la très
grande majorité des recherches scientifiques dans le monde aujourd’hui.37 En fait, ce
mouvement est au cœur du débat philosophique qui transparaît derrière la nature humaine
aujourd’hui. Cette nature humaine apparaît comme un travail en cours, comme un chantier à
jamais achevé.
Avant de nous statuer plus précisément sur la nature du transhumanisme, commençons
par un bref parcours historique de ce mouvement. En effet, le transhumanisme verra le jour aux
États-Unis vers les années 1950-1960. C’est Julian Huxley, qui le premier utilisa le terme
« transhumanisme », dans un article de 1951 de la revue Psychiatrie, repris en 1957 dans son
livre New Bottles for a New Wine. « L’espèce humaine peut si elle le souhaite, se transcender
elle-même et dans son ensemble et pour toujours » écrit-il.38 » Son objectif est celui de voir
l’homme prendre en main son évolution, avec les outils de la science et de la technologie. C’est
effectivement en ce sens que le transhumanisme vise aller au-delà de la condition humaine,
d’où renvoie le préfixe « trans » : « aller au-delà ou à travers », « dépasser », grâce la
technoscience.
Le transhumanisme s’est avéré comme un mouvement culturel dû au fait qu’il est
associé au genre de la science-fiction. En effet, au cours des années 1960-1970, le
développement de la pensée transhumaniste suit la voie de la science-fiction. Elle a largement
contribué au développement des sciences robotiques, jusqu’à nous donner le terme « robot ».39
Toujours dans les années 1960, Fereidoun M. Esfandiary, l’un des pionniers du transhumanisme
qui changea symboliquement son nom en FM-2030 pour manifester son espérance qu’à
l’horizon de son centenaire, en 2030, l’humanité aurait atteint l’immoralisme technologique
(qui est contraire à la morale et viole les principes de la morale). Il est l’un des premiers groupes
de « futuristes ».40 En 1965 surgit aussi un nom qui deviendra presque un symbole du
transhumanisme, Ray Kurweil. Il fait partie des inventeurs et des penseurs les plus puissants du
transhumanisme, l’un des piliers technologiques du règne Google.
37
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, marchands de science et avenir de l’homme …, p. 11.
38
J. HUXLEY, Transhumanisme, New Bottles for New Wine, Londres, Chatto & Windus, 1957, p. 17.
39
C’est à l’auteur tchèque Karel Capek que revient le néologisme de « robot », dans sa pièce de théâtre
Rossumovi univerzàlni roboti (Rossum’s Universal Robots), publiée en 1920. Cependant, le terme « robotique »
et certaines intuitions des plus fondamentales reviennent à Isaac Asimov, sans conteste l’un des auteurs de
science-fiction les plus influents du XXe siècle.
40
Y. IMBERT, Le transhumanisme : un défi anthropologique pour le XXIe siècle, p.32, http://www.
ressourceschretiennes.com, consulté le 03 janvier 2022.
14
Par ailleurs, dans l’actuelle Silicon Valley, va se developper un mouvement associatif,
la « cryogénisation ».41 Ce groupement va franchir un seuil quand Max O’Connor, philosophe
qui choisit de s’appeler Max More en référence à Thomas More. Puis, en 1992, ils fondent
l’Extropy Institute, dédié à la promotion de la philosophie extropienne définie comme
l’incarnation d’« une vision inspirante et élévatrice de la vie qui demeure ouverte à des
révisions».42 Les militants de l’Extropy changent de nom. Ils revendiquent une « liberté
morphologique ». En 1999, le projet de « Grande Convergence » voit le jour. Et trois ans plus
tard, ce projet technoscientifique change de nom et devient, à la demande de la National Science
Foundation, le sigle « NBIC » (Technologies, biotechnologies, informatique et sciences
cognitives). Côté européen, Nick Bostrom avec David Pearce créent en 1998 ATM (Association
transhumaniste mondiale), afin de fournir une structure organisationnelle aux groupes d’intérêts
transhumanistes et afin d’ouvrir les portes d’une influence politique. Par la suite, il crée le
Future of Humanity Institue en 2005. Avec cette vision futuriste très influente du monde, de
2000-2018, le mouvement n’a cessé de croître et de se diversifier. Ainsi, ce vaste chantier
transhumaniste verra le soutien de figures majeures comme Larry Page (cofondateur de
Google), Bill Gates (cofondateur de Microsoft), Martine Rothblatt (United Therapeutic, Sirius),
ou Peter Thiel (fondateur de paypal et administrateur de Facebook). Aujourd’hui, les
transhumanistes parlent de la convergence technologique et de la technomédecine qui vont
inévitablement bouleverser nos rapports au monde. Bref, toutes ces mobilisations contre la
finitude humaine visent à allonger la vie de l’homme voire à la s’immortaliser.
41
La cryonie ou cryonisation, est un procédé de cryoconservation de cadavres dans l’espoir que de futures
avancées technologiques pourront permettre de les ramener à la vie.
42
M. MORE, « Principes extropiens 3.0 », Hache, mars 2013, http// editions-
hanche.com/essais/more/more1.html, consulté le 28 décembre 2021.
43
L. FERRY, La révolution transhumaniste. Comment la technomédecine et l’uberisation du monde vont
bouleverser nos vies, Paris, Plon, 2016, p. 45.
15
vivre et nous aimons la vie. En ce sens, le projet du transhumanisme ne saurait être remis en
question ou critiquable. Mais il y a derrière cela l’idée que l’être humain est perfectible,
imparfait et inachevé. Par conséquent, l’homme peut prendre son évolution et se transformer,
en se dépassant et en s’augmentant, en modifiant sa conscience, ses perceptions et ses
facultés...44 Mais alors, une vie sans mort et sans corps humain selon les transhumanistes est-
elle une utopie ?
L’un des domaines les plus affectés par les progrès de la biologie moléculaire est la
gérontologie (étude du vieillissement). Plusieurs auteurs et théories s’affrontent sur les raisons
du vieillissement et de la mort : la théorie de la biologie évolutive et la théorie de la biologie
moléculaire. Pour les biologistes de l’école évolutionniste, le grand mystère n’est pas le
pourquoi de la mort « naturelle », mais la prolongation de la vie. Pour eux, les organismes
vieillissent et meurent parce que la sélection naturelle ne favorise pas la survie des individus
une fois que l’âge leur a ôté la capacité de se reproduire.45 Quant aux théoriciens de la biologie
moléculaire, le vieillissement vient des mécanismes cellulaires spécifiques par lesquels le corps
perd sa fonctionnalité et finit par mourir. C’est pourquoi la recherche sur les cellules-souches
représente l’une des grandes « frontières » de la recherche biomédicale aujourd’hui. Mais cette
recherche est extrêmement controversée en raison de l’utilisation des embryons comme source
des cellules permettant ces manipulations. Ces embryons, qui doivent être jetés une fois que la
recherche est faite, viennent généralement des stocks conservés dans les cliniques de
fécondation in vitro.46 L’objectif de ces pratiques expérimentales des espèces humaines dans
les laboratoires est d’anéantie la finitude ou l’immortalité de l’homme. Mais la prolongation de
la vie par la biotechnologie n’aura-t-elle pas des effets nocifs ? À cet effet, plusieurs
interrogations surgissent : Les gens vont-ils rester physiquement et mentalement vigoureux ?
La société ressemblera-elle de plus en plus à une maison de retraite ? Cependant, sans doute de
nous tromper, il est parfaitement évident que la biotechnologie va vraisemblablement nous
proposer à l’avenir une sorte de marché entre une vie plus longue et une vie meilleure.
3. L’individualisme intégral
44
D. FOLSCHEID Le transhumanisme c’est quoi ? …, p. 22.
45
RICK. R. M, « Finding the Fountain of youth », in Technology Review, 95, n°7 (octobre 1992), pp. 64-69.
46
F. FUKUYAMA, La fin de l’homme. Les conséquences de la révolution biotechnologique, New York,
Gallimard, 2002, p. 115.
16
termes, elle est une théorie d’après laquelle on doit approuver et favoriser le développement de
l’individu, en tant qu’il est « une énergie de volonté et d’activité débordante qui se pose devant
autrui avec une indépendance fière, avec un esprit de lutte et de combativité refusant toujours
de céder et prétendant toujours vaincre ».47 Cette théorie marquera profondément la société
moderne et contemporaine en accordant une place privilégiée à l’individu. Cet ayant-droit quasi
absolu qui s’autoproclamerait origine de tout. De fait, l’individualisme serait au cœur de toutes
les crises des repères moraux et culturels, de toutes les inquiétudes de la modernité. C’est la
raison pour laquelle Pierre Manent disait que : « les individus de la société contemporaine
n’acceptent plus que quoique ce soit leur soit dicté. Les contenus de la vie qui leur étaient
auparavant dictés, contenus qu’ils acceptaient par déférence, c’est-à-dire par considération
respectueuse pour l’autorité qui les leur inculquait, ils se les approprient maintenant comme une
partie de leur identité»48 Il s’agit de l’égoïsme, du « moi tout-puissant », narcissique, qui aurait
définitivement envahi la société contemporaine dans toutes ses dimensions (politiques,
économiques, culturelles, morales et religieuses), rendant ainsi, l’homme propriété de son
humanité.
Tout ceci, pour appréhender bien évidemment ce que Derville Tugdual
appelle l’individualisme intégral. Nous ne sommes plus conditionnés par quoique ce soit : ni
49
par notre nature, ni par notre sexe, ni par notre appartenance sociale et ni par la religion.
L’homme perçoit les choses à sa manière ; lorsqu’il est dans le désir, le besoin ou la souffrance,
la fin tend à justifier les moyens. Le transhumanisme sera donc l’aboutissement de cet
individualisme. Tout compte fait, les transhumanistes qui incarnent cet esprit individualiste
veulent recréer l’humanité à leur guide. Pour eux, tout est permis dans la mesure où chacun est
libre de mettre fin à sa vie ou de la préserver, de faire le bien ou le mal, de commercialiser son
corps ou non, de devenir homme ou femme, d’accepter sa nature humaine ou de la nier. Au
demeurant, c’est le projet de l’immortalité de l’homme à tout prix au point de priver l’humanité
de son sens et évolution biologique.
47
A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 2018, p. 500.
48
A. JACQUART et P. MANENT, Une éducation sans autorité ni sanction ?, Paris, Grasset, 2003, p. 26.
49
TUGDUAL Derville, Conférence sur l’individualisme intégral et la bioéthique à l’Université de la vie
d’Alliance VITA le 15 janvier 2018, http://www.universitedelavie.fr, consulté le 06 janvier 2022.
17
CHAPITRE II : LES DÉRIVES TRANSHUMANISTES
Ce deuxième chapitre de notre travail ne prétend pas donner une panoplie de dangers du
transhumanisme ; mais, de façon modeste, à ressortir les limites et les implications plurielles
du transhumanisme, faire une analyse conceptuelle de cette idéologie, qui menace l’espèce
humaine.
I. MERCANTILISME TRANSHUMANISTE
1. La révolution biotechnologie
La convergence des technologies, nous pousse à réfléchir sur les résultats des
recherches scientifiques, et surtout les motifs de l’application de ces résultats qui tendent à
modifier la nature humaine, grâce à la convergence des « NBIC ». Convergence en ce sens que
les découvertes ou les résultats des recherches dans un domaine serviront à d’autres domaines.
On parle des « NBIC », respectivement nanotechnologies, biotechnologies, intelligences
artificielles et sciences cognitives.
De fait, les nanotechnologies opèrent à l’échelle du nanomètre, et peuvent manipuler la
matière au niveau de l’atome et même la recomposer. Ensuite, les biotechnologies concernent
l’ensemble des technologies et applications ayant recours à la modification de matériaux vivants
dans un objectif de recherche ou de procréation. L’informatique, quant à elle, nous donne accès
à une importante connaissance et nous fait entrer dans un monde virtuel. Les sciences
cognitives, enfin, considèrent les phénomènes mentaux comme de simples phénomènes
50
Ce concept est de Bergson et qui a servi à Ebenezer Njoh Mouelle comme titre de son ouvrage consacré à ce
sujet : Henri Bergson et le dépassement de la condition humaine, Paris, l’Harmattan, 2013.
51
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme marchands de science et avenir de l’homme, Paris, l’Harmattan, 2017, p.
12.
18
naturels.52 Il s’agit là, de la grande révolution concomitante qui a pour ambition de modifier
l’espèce humaine, d’allonger considérablement la durée de la vie en donnant un nouveau sens
à l’existence.
Pour Laurent Alexandre, « l’histoire des progrès scientifiques n’a été que la
conséquence d’une capacité nouvelle de maîtriser la matière sur une dimension de plus en plus
petite »53. De fait, la première révolution scientifique et industrielle (à la fin du XXIIIe siècle)
était fondée sur la maîtrise de la matière à l’échelle du millimètre; elle a permis l’émergence de
l’industrie lourde. La deuxième quant à elle (au XXe siècle) reposait sur la maîtrise de la matière
à l’échelle du micromètre, et a conduit au développement des ordinateurs. En ce qui est de la
troisième révolution scientifique, elle s’appuie sur les nanosciences54 qui permettent le contrôle
de la matière à l’échelle moléculaire et atomique. Et le XXIe sera celui de la molécule, qui va
permettre de construire et de réparer les molécules (tissus et organes vivants).
Pour Njoh Mouelle, nous vivons le règne de la GAFA (Google, Apple, Facebook,
Amazon) et de la fabrication des objets espions etc. Aujourd’hui, il n’est pas anodin de voir que
la GAFA exerce une domination illimitée dans le monde du digital. Walter Raleigh affirme à
ce propos : « qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le
monde lui-même ».55 Telle est la principale motivation du groupe GAFA et en particulier
Google. Du point de vue de Njoh Mouelle, il s’agit de l’identification des idées produites pour
soutenir son projet facilitateur de recherche en vue des innovations numériques pour un monde
de plus en plus accessible. Et c’est en 2007 que Google commence à s’intéresser à d’autres
marchés tels que l’intelligence artificielle, la robotique et la biotechnologie.56
En ce qui concerne l’espionnage de la vie privée de personnes, Christine Kerllant
reprend des déclarations effrayantes des dirigeants de Google en ces termes : en 2004, Larry
Page, co-fondateur de Google aurait déclaré : « Google sera inclus dans le cerveau des gens. Et
quand vous penserez à quelque chose, il vous donnera automatiquement la réponse »57. En
2010, le PDG de Google, Éric Schmidt, aurait fait savoir : « nous savons où vous êtes, nous
savons où vous étiez, nous savons plus ou moins ce que vous pensez ».58 Et avec arrogance, un
52
C. DELHEZ, Quel homme pour demain ?, Paris, Fidélité, 2015, p. 87.
53
L. ALEXANDRE, La mort de la mort. Comment la technomédecine va bouleverser l’humanité, Paris, JC
Lattès, 2011, p. 13.
54
Études et procédés de fabrication et de manipulation des structures, de dispositifs de systèmes matériels à
l’échelle du nanomètre, ce qui est de l’ordre de grandeur de la distance entre les atomes.
55
Rapporté par Emmanuel Roy dans son article "Que penser contre le système", publié sur le site
lesakerfrancophone.fr en mars 2017.
56
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, Marchands de Science et Avenir de l’Homme…, p. 22.
57
C. KERLLANT, Dans la Google du loup, Paris, Plon, 2017, p. 12.
58
C. KERLLANT cité par NJOH MOUELLE, in Transhumanisme, marchands de science et
avenir de l’homme…, p. 26.
19
autre co-fondateur de Google, Sergeï Brin, qui, en 2010 aurait aussi touché : « Nous voulons
que Google soit la troisième moitié de votre mémoire ».59 Au regard de toutes ces déclarations,
il est possible que nous organisions notre protection face à cet ennemi de la vie et de la dignité
humaine. Bref, Google tout comme les entreprises nourrit l’humanité des ambitions, en bonne
compagnie des philosophes du mouvement transhumaniste, mû par l’amour du gain et de la
richesse caractérisé par l’ultralibéralisme.
Henri Bergson affirmait que « plus la science avance, plus ses découvertes suggèrent
d’inventions » et que « souvent il n’y a qu’un pas, de la théorie à l’application ; et comme la
science ne saurait s’arrêter, il semble bien en effet qu’il ne doive pas y avoir de fin (…) à la
création de besoins nouveaux ».60 Selon lui, « la vérité est que la science a donné ce qu’on lui
demandait et qu’elle n’a pris l’initiative ; c’est l’esprit d’invention qui ne s’est pas toujours
exercé au mieux des intérêts de l’humanité ». Bergson poursuit : « Il a créé une foule de besoins
nouveaux ;… Plus simplement : sans négliger le nécessaire, il a trop pensé au superflu ».61 Il
inclut ce qu’il a appelé « besoins artificiels » et « besoins de luxe ». De fait, le nécessaire serait
lié à ce qui irait dans le sens du progrès concernant l’ensemble, tandis que le luxe, le superflu
et la vanité, iraient dans le sens de la satisfaction des intérêts individuels. En d’autres termes,
les « besoins réels ou nécessaires » améliorent les conditions de vie de l’homme en société. Et
les « besoins de luxe du superflu », ne fonctionnent que pour la rentabilité ou profit. Enfin, nous
avons les « besoins artificiels » qui consistent à prolonger de la vie, supprimer les maladies et
la mort.
À la suite d’Henri Bergson, dans ses Deux Sources de la Morale et de la religion, Njoh
Mouelle affirme : « l’esprit d’invention suscite-t-il nécessairement des besoins artificiels ou, ce
ne serait-il pas le besoin artificiel qui aurait orienté ici l’esprit d’invention ? »62 La deuxième
hypothèse semble prendre le dessus. Les besoins artificiels, c’est-à-dire supprimer la maladie
dans la vie de l’homme, prolonger la durée de vie humaine sur terre, d’anéantir le processus de
vieillissement. Aujourd’hui, les besoins sont identifiés en termes d’objectifs de recherche. Pour
Njoh Mouelle, entre, les besoins réels, les besoins artificiels et les besoins de lux, lesquels
seraient à l’origine de recherches scientifiques à travers le séquençage du génome humain et de
59
C. KERLLANT cité par NJOH MOUELLE, in Transhumanisme, marchands de science et
avenir de l’homme…, p. 26.
60
H. BERGSON cité par Ebenezer Njoh Mouelle, in Transhumanisme, Marchands de Science et Avenir de
l’Homme…, p. 17.
61
Ibidem, p. 33.
62
Ibidem, p. 18.
20
l’ADN des humains, des extensions de mémoire dans le cerveau de l’homme, de la
reprogrammation des cellules, de la procréation?
Au vue de ce qui précède, le motif de l’esprit d’invention de l’homme, est ce que Njoh
Mouelle appelle vulgairement : « le besoin d’argent et d’enrichissement illimité »63. Dans son
ouvrage intitulé De la médiocrité à l’excellence, essai sur la signification humaine du
développement, Njoh Mouelle disait ceci : « le luxe véritable humain est celui de la qualité ;
car le problème du bien-être et du bonheur concerne, non pas le simple fait mais la manière,
bonne ou mauvaise, humaine ou inhumaine, libre ou soumise, d’exister ».64Et il poursuit plus
loin : « par conséquent, la recherche de la qualité ne serait un luxe que pour un point de vue de
sous-homme pour qui la victoire quotidienne sur la mort, la sécurité élémentaire sont les seuls
et vrais soucis ».65 Nous nous situons au niveau du destin commun de l’humanité pour envisager
cette question du besoin de luxe. Or le besoin de luxe dont il est question dans la logique
transhumaniste n’est pas profitable à l’humanité tout entière, mais à une catégorie des individus,
les détenteurs du pouvoir et du bien matériel. Pourtant le luxe véritablement humain s’inscrit
parfaitement dans la logique de la réalisation du progrès concernant la « sécurité
accomplissement-et-conservation de l’humain »66. À cet effet, la « sécurité accomplissement-
et-conservation de l’humain », nous pousse à lever l’équivoque de ce que les transhumanistes
proposent à l’humanité : « l’homme augmenté » et « transformé », dépouillé de toutes
pesanteurs de la nature humaine.
Si les biotechnologies et les nanotechnologies peuvent et doivent entrer dans la logique
de l’amélioration de manière significative l’espérance de vie de l’homme dans le cadre de la
« sécurité-accomplissement-et-conservation de l’humain », qui ne s’en réjouirait pas ? Par
contre, lorsqu’elles envisagent l’hybridation homme-machine, allongent indéfiniment la durée
de vie humaine et migrent l’homme de son enveloppe biologique vers un univers digital, de
quel humain parlons-nous encore ? Dans cette mouvance, ce n’est plus la notion d’espérance
de vie qui guide les chercheurs, mais l’objectif est de permettre à l’homme de vivre une vie
éternelle, écrit Njoh Mouelle. D’où la raison fondamentale de crier l’urgence de sauvegarder
l’humain dans ce vaste programme de déshumanisation déjà enclenché. Il ne s’agit plus d’une
utopie, mais d’une réalité, puisque les termes utilisés sont clairs : l’immortalité du transhumain
ou du posthumain et non plus de l’humain.
63
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, Marchands de Science et Avenir de l’Homme…, p. 41.
64
IDEM, De la médiocrité à l’excellence, Essai sur la signification humaine du développement, Yaoundé, Clé,
1998, p. 80.
65
Ibidem
66
C’est l’intégration de la nature humaine et de la dignité de l’homme
21
3. Le financement de recherches en NBIC
Le souci de toutes les entreprises privées est en premier lieu la rentabilité de leurs
investissements et que le client peut à leur merci. Les entreprises GAFA ne sont plus limitées
dans leurs investissements ; elles ont des influences quasi illimitées sur les banques, les États
et les organisations internationales. Elles ont pris le dessus sur le reste de l’économie en matière
de collectes de données. Et c’est à partir de cette hégémonie67 que s’ouvre la voie de toutes
manipulations génétiques par les biotechnologues, et en dehors de toute régulation qui fasse
autorité ou qui s’oppose à elle. Njoh Mouelle à ce propos s’interroge en ces termes : ne faudrait-
il pas que les gouvernements des États auxquels incombe la mission de veiller sur les intérêts
des populations aient un droit de regard sur les recherches qui engagent l’avenir de
l’humanité ?68 L’inquiétude que nous avons aujourd’hui, c’est l’exploitation sans déshonneur
du marché ouvert à toutes les nouvelles ingénieries : tissulaire, génétique et de fabrication des
prothèses de toutes sortes. Cependant, comment expliquer le financement de certaines
recherches visant à créer des virus mutants mortels, des recherches présentant d’énormes
risques ; de voir des virus dangereux qui échappent à la sécurité des laboratoires ? En effet,
certaines entreprises font pression et menacent le pouvoir étatique; et du coup la question de la
régulation devient difficile. Car elles sont puissantes et disposent de nombreux lobbyistes.
Par contre, leur puissance est un atout essentiel pour l’Amérique dans la future rivalité
technologique et stratégique avec la chine. Les USA par exemple, préfèrent les réguler peu,
plutôt que de les affaiblir au risque que les géants chinois du numérique ne deviennent leader,
notamment, dans le domaine de l’intelligence artificielle.69 Dans cette concurrence, chacun
continuera à jouer sa carte. En conséquence, les individus seront et resteront des
consommateurs. Ils dépenseront un maximum d’argent afin d’augmenter encore leur trésorerie
et exploiter les résultats de la recherche toujours pour la plus-value.
Pour Ebenezer Njoh Mouelle, il n’est pas étonnant de voir que le développement de la
recherche NBIC est cantonné principalement sur la côte pacifique des États-Unis, la Silicon
Valley qui regarde le côté asiatique où se trouvent ses seuls véritables concurrents, la Chine, la
Corée du Sud, le Japon.70 Il s’agit du rapport de forces au plan financier, non seulement entre
les géants de l’entreprise, et surtout entre les gouvernements des États et le sort des populations.
Allant dans le même sens des enjeux politiques et économiques qui engagent le destin de
l’humanité, il sera intéressant de relever le rapport de forces au plan financier.
67
Hégémonie est une forme de domination, de suprématie politique, économique et sociale.
68
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, Marchands de Science et Avenir de l’Homme…, p. 44.
69
Ibidem, p. 47.
70
Ibidem
22
Parlant des conditions de financement, pour qu’une activité scientifique soit menée, il
faudrait qu’elle soit autorisée et financée par les décideurs politiques et les investisseurs. C’est
ce qu’on appelle : recherche commanditée. Pour la plupart des cas, ces financements viennent
des grandes entreprises, notamment la GAFA, des multinationales, des hommes d’affaires et
politiques. Ces financements sont très souvent conditionnés par ceux qui la financent, car il
faudrait bien que les différentes recherches scientifiques répondent nécessairement à leurs
attentes. Cette poignée d’hommes qui décide du sort de l’humanité, qui, pour eux la population
mondiale augmente si vite qu’il faut des moyens hors commun pour la nourrir, dit-on, et « l’on
ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs! Mais pour une poignée qui se partage
l’omelette, le reste de l’humanité est bien mal en point ».71 Selon Njoh Mouelle, il s’agit du sort
des populations qui risquent d’être abandonnées à l’exploitation par les géants de l’entreprise
dans un contexte des inégalités du pouvoir économique et leur offre de l’homme « amélioré »
et « augmenté ».72
Notre préoccupation demeure ; la grande industrie de la biotechnologie qui n’hésite pas à
mettre en danger l’humanité avec ses modifications génétiques, visant à breveter à son profit
tout ce qui sur terre est notre patrimoine commun. Certes, La technique médicale a eu pour but
d’améliorer les conditions de vie de l’homme, mais aujourd’hui, elle a tourné le dos à son
objectif premier pour emprunter la voie de la déshumanisation.
71
C. SEVERAC, Complot mondial contre la santé, Elie & Mado, Paris, 2011, p. 55.
72
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, Marchands de Science et Avenir de l’Homme…, p. 49.
73
Selon les transhumanistes, ces valeurs renvoient à la capacité de l’homme à définir ce dont il a besoin pour
dominer la nature humaine.
23
1. Valeurs et idéaux du transhumanisme
L’une des valeurs les plus fondamentales prônée par l’humanisme évolutionnaire, par
laquelle l’homme peut sortir de sa minorité est la « Raison ».74 C’est pourquoi Njoh Mouelle
dira : De toutes les valeurs de l’humanisme historique, la valeur « Raison » est celle sur laquelle
le transhumanisme appuie le plus.75 C’est sur cette dernière que les transhumanistes s’appuient
pour faire sortir l’homme de ses limites, de ses faiblesses, de ses insuffisances et de ses
incapacités sur le plan physique, intellectuel, psychologie etc. L’homme en tant qu’être doué
de raison est « maître et possesseur ». Il est responsable et maître de sa vie. En effet, les
transhumanistes font usage des sciences et des techniques au nom de la perfectibilité de
l’humain. Les déclarations des protagonistes de ce mouvement nous le montrent à suffisance.
Max More, philosophe futuriste, dit par exemple que « nous allons au-delà de beaucoup
d’humanistes en ce que nous proposons des modifications fondamentales de la nature humaine
en vue de son amélioration ».76Allant dans le même sillage, Nick Boström, enseignant à Oxford
où il dirige également l’Institut pour le futur de l’humanité, écrit : « un jour nous aurons l’option
d’étendre nos capacités intellectuelles, physiques et spirituelles très au-delà des niveaux qui
sont possibles aujourd’hui. Ce sera la fin de l’enfance de l’humanité et le début d’une ère post-
humaine »77. Et il ajoutera que « l’intelligence artificielle nous aidera peut-être, avec ses
capacités hors normes, à trouver des méthodes pour réparer indéfiniment le corps humain,
jusqu’au niveau cellulaire, et nous faire vivre des millions d’années »78. Laurent Alexandre,
avec le titre de son ouvrage, La mort de la mort, déjà nous en dit plus. En outre, ces trois
affirmations expriment les objectifs des transhumanistes : Max More annonce des modifications
de la nature humaine, Nick Boström parle de l’extension des capacités intellectuelles, physiques
et spirituelles ; et Laurent Alexandre rapporte la modification à l’immortalité de l’humain.
Nous concluons cette partie intitulée vers la déshumanisation, par la classification ou
les différentes étapes de l’évolution de l’humanité, telle que décrites par Joël de Rosnay,
futurologue et spécialiste de la biologie moléculaire, grâce à la convergence NBIC en trois
étapes : l’homme réparé, l’homme transformé et l’homme augmenté. En effet, l’homme réparé,
est l’étape pendant laquelle de personnes bénéficieront de greffes et de prothèses. L’homme
transformé quant à lui, l’homme rempli de puces électroniques, et qui aura un cerveau couplé
74
Renvoie à la « déesse raison ». C’est-à-dire la raison divinisée
75
E. NJOH MOUELLE Transhumanisme, Marchands de Science et Avenir de l’homme…, p. 58.
76
M. MORE, Extropian principles 3.0 : A Transhumanist Declaration. Exl : Extropy institute. Avalaible at
URL : http : www.extropy.org/ideas/principles.html
77
E. NJOH MOUELLE Transhumanisme, Marchands de Science et Avenir de l’homme…, p. 60.
78
N. BOSTRÖM cité par NJOH MOUELLE, in Transhumanisme, marchands de science et avenir de l’homme…, p.
60.
24
avec des disques durs. Enfin l’homme augmenté est fait de pièces détachées à fin de
perfectionner ses capacités naturelles. C’est l’homme qui n’aura plus de défauts génétiques, qui
sera plus intelligent. Bref, il s’agit du « posthumain » ou du « cyborg ». Ainsi, la mort elle-
même, en tant que limite humaine ne s’imposerait plus au « cyborg », qui acquiert la possibilité
de choisir de mourir ou non !
2. L’idée de l’homme-machine
79
R. KURWEIL cité par Njoh Mouelle, in Transhumanisme, Marchands de science et Avenir de l’homme…, pp.
60-61.
80
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, Marchands de science et Avenir de l’homme…, p. 61.
81
Repris de l’article on line de Amélie Charny intitulé « Le www.01net.com/actualités/le-transhumanisme
25
est qu’il y aura un moment dans l’avenir où le progrès technologique deviendra extrêmement
rapide ; et cela découlera de l’émergence d’une intelligence artificielle qui dépassera celle des
humains et qui s’améliorera elle-même.»82 Pour dire que, les capacités des machines seront
tellement supérieures à celles des hommes qu’elles pourront gérer elles-mêmes leurs propres
activités, créer elles-mêmes de nouvelles machines de plus en plus performantes et prendre
elles-mêmes les décisions concernant les humains. C’est pourquoi, pour Gabriel Garnascia « la
survenue annoncée de la machine qui depassera l’homme, dotée d’une volonté et d’une science
autonome » est une castastrophe absurde. Ce n’est plus l’homme qui est à l’œuvre ici, mais les
machines devenues créatrices et inventives. Il s’agit de la création d’une nouvelle espèce, celle
des posthumains. Ne deviendront-elles pas ennemies de leur propre inventeur ?
3. La question de l’eugénisme
L’eugénisme83 fut fondé par Sir Francis Galton en 1883. Elle est une théorie cherchant à
opérer une sélection sur les collectivités humaines à partir des lois de la génétique, dans le but
d’améliorer l’espèce humaine. Certes, ce néologisme fut inventé par Francis Galton, mais l’idée
eugénique s’était manifestée dans les sociétés antiques : chez les hébreux, les grecs et les
romains. Par exemple à Sparte, un comité d’anciens examinait l’enfant nouveau-né et s’il le
jugeait « mal venu et mal constitué, ils faisaient jeter dans ce que l’on appelle les Aphotètes ».84
Avec le christianisme, l’élimination des enfants malformés disparaît. Cependant, qu’est-ce
qui explique sa réapparition aujourd’hui ? Est-ce dû au fait que les valeurs religieuses, morales,
culturelles sont déconstruites et révolues au nom de la liberté, par les nouvelles technologies
qui présentent à l’homme de nouvelles valeurs? En effet, pour Njoh Mouelle, il s’agit d’une
liberté décisionnelle découlant du libre choix personnel en « augmentation »85 que prônent les
transhumanistes. Ce choix personnel s’inscrit dans la logique d’une amélioration, d’un
perfectionnement de l’homme biologique, d’une durée de vie illimitée des cellules, des organes
et d’une éternité de vie!
Par ailleurs, les transhumanistes nous proposent une nouvelle forme de reproduction, celle
dite artificielle. Mais alors l’avenir aura-t-elle encore besoin de la maternité ? Car il s’agit de
naître autrement. Njoh Mouelle se posera la question de savoir, comment de femmes choisiront
de séparer sexualité et procréation en ayant recours à l’ectogenèse (fécondation en dehors du
82
N. BOSTRÖM cité par NJOH MOUELLE, in Transhumanisme, marchands de science et avenir de
l’homme…, p. 91.
83
L’eugénisme est un programme de sélection artificielle pour reproduire une race humaine
supérieure par un contrôle des mariages.
84
F. SIR GALTON : le fondateur de l’eugénisme/médecine/sciences. https://.medecinesciences.org...
85
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, Marchands de science et Avenir de l’homme…, p. 73.
26
vendre de la mère) commencée un jour par la procréation in vitro, mais aujourd’hui
volontairement programmée dans la procréation de l’utérus artificiel sous l’inspiration du
transhumanisme ?86 Cependant, ce libre choix individuel ne va pas sans menace sur la nature
humaine.
En outre, l’avenir nous présente deux catégories d’hommes qui vont coexister dans la même
société ou bien ne pourront pas évoluer ensemble. On pourrait assister à une nouvelle repartions
géographique et sociale : les « hommes augmentés » ou les « cyborgs » et ceux restant
biologiques. Cette séparation n’entrainera-t-elle pas des conflits, voire des guerres entre les
deux parties ? De fait, « l’homme augmenté » semble cacher le projet malthusianisme, qui n’est
rien d’autre que la politique de restriction de la natalité suivant le point de vue de Thomas
Malthus. Selon lui, la population croît toujours plus vite que les ressources nécessaires pour son
alimentation. L’humain est donc perdu entre le Nord et le Sud. Et c’est pourquoi, selon Georges
Bernanos, « on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si on n’admet pas
d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ».87 À cet
effet, quel sera donc la gravité de l’impact du transhumanisme sur l’humain?
Le transhumanisme plonge l’humanité dans une impasse. L’homme devient une question
sans réponse pour lui-même. Nous assistons à la modification de ce qui constitue l’humanité de
l’homme ; la destruction du tissu social et l’extraversion de valeurs humaines à travers la
désacralisation de la vie humaine, voire de la dignité humaine.
86
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, Marchands de science et Avenir de l’homme…, p. 74.
87
G. BERNANOS, La France contre les robots, Paris, Le Castor Astral, 1947, p. 53.
88
La Hight tech signifie la haute technologie.
27
De fait, l’histoire des développements technologiques est jalonnée de techniques
nouvelles engendrant des conséquences à long terme qui vont bouleverser nos rapports au
monde. Lorsqu’on regarde aujourd’hui la technoscience dans sa glorification de la modification
de l’ordre de la nature, voire de la nature humaine, tout autant ses conséquences écologiques,
elle nous installe dans une inquiétude sans pareil. C’est cette capacité de la technologie de
vouloir prendre la place de Dieu pour créer la vie, la dépasser et de la remplacer.
Le projet de fusion de la technologie et de la vie consistait d’abord, à la fabrication de
prothèses. Nous pensons à toutes ces greffes, ces électrodes et autres implants ; nous faisons
également allusion aux puces électriques qui sont parfois introduits dans le corps humains pour
pallier telle ou telle insuffisance. Mais le progrès le plus significatif vient des résultats du
séquençage du génome humain qui fait naître l’ « ingénierie génétique »89, par lequel se pratique
toute la reprogrammation des cellules-souches afin d’écarter certaines maladies, et le blocage
des processus de vieillissement aujourd’hui. Il s’agit là des perfectionnements dans la pratique
thérapeutique qui est celle de la guérison des maladies et autres dysfonctionnements des organes
du corps. Mais si la finalité est autre, comme, c’est le cas des surorganes (se faire greffer un
troisième bras, se faire implanter une puce pour ouvrir son portail…), on est plutôt dans la
« performance »90, disait Dominique Folscheid.
Puis, la technologie crée la vie artificielle. Il s’agit de la création des cellules artificielles
à partir de matière chimique. À cet effet, Craig Venter a réussi à créer artificiellement un assez
long chromosome d’environ un million de bases chimiques. En suite ce chromosome artificiel
a été intégré dans une bactérie dont on avait auparavant supprimé l’ADN d’origine. L’équipe a
enfin réussi à faire redémarrer, cet organisme d’un genre nouveau, désormais capable de se
reproduire. Craig Venter possède aujourd’hui la collection des bio-bricks91 qui vont permettre
d’écrire les chromosomes à partir de modules préfabriqués. Ces technologies vont jusqu’à
introduire des gènes provenant des espèces animales ou végétaux dans notre ADN pour
régénérer, modifier et renforcer les cellules souches. De ce point de vue, Craig Venter est à
l’avant-garde d’un programme de transformation radicale de l’humanité, et va peut-être devenir
le savant le plus inquiétant de l’histoire.
Ainsi, la vie, l’homme va être perçue comme infiniment manipulable et subjective. Pour
y parvenir, le transhumanisme s’est construit et s’est donné les moyens d’écarter toutes les
oppositions au progrès de la science vers la « transhumanité » et la « posthumanité », qui n’est
89
E. NJOH MOUELLE, transhumanisme, marchands de science et avenir de l’Homme…, p. 33.
90
Ibidem, p. 99.
91
Le terme bio-bricks ou bio-brique désigne une séquence d’ADN conforme à un assemblage de briques
individuelles pouvant être ensuite intégrés dans des cellules vivantes pour construire de nouveaux systèmes
biologiques.
28
rien d’autre que « l’humain amélioré ».92 C’est dans cette logique que, Luc Ferry dira : « le
transhumanisme est le projet, tandis que le posthumanisme est le but ; l’un est le chemin ou le
processus, l’autre le résultat ou le point d’arrivé. »93 D’où ces batailles des philosophes
transhumanistes contre la valeur sociale, morale et religieuse, dans le but de faire progresser le
projet.
92
L. ALEXANDRE, La mort de la mort. Comment la technomédecine va bouleverser l’humanité…, p. 50.
93
L. FERRY, La révolution transhumaniste. Comment la technoscience et l’uberisation vont bouleverser nos
vies, Paris, Plon, 2016, p. 41.
94
F. FUKUYAMA, La fin de l’homme. Les conséquences de la révolution biotechnologie, collection Folio
Actuel, Paris, Gallimard, 2002, p. 127.
29
que : Les robots pourraient remplacer les humains dans des métiers qu’ils exercent aujourd’hui,
à moins que le chômage massif entraine des ruptures sociales d’une grande violence et
ralentissent l’évolution des technologies.95 De plus, les robots, ces êtres programmés en
deviendront des partenaires idéaux, c’est-à-dire pourront s’aimer et être aimés. Serions-nous
nous devant une nouvelle catégorie d’êtres « vivants » auxquels il faudra même accorder des
droits ?96 L’homme ne risquera-t-il pas de s’attacher aux robots, capables d’une certaine
empathie, plus qu’à d’autres êtres humains et à avoir avec eux une relation affective ? C’est
pourquoi, dans le monde qui vient, l’homme aura-t-il encore sa place ?
95
C. DELHEZ, Quel homme pour demain…, p. 92.
96
Ibidem
97
Principes extropiens 3.0, cité par D. FOLSCHEID, dans Le transhumanisme c’est quoi ?, Paris, Cerf, 2018, p.
76.
98
Ibidem
99
Ibidem, p. 95.
30
devant la perfection des objets que j’ai fabriqués100 ». Il s’agit de sortir de la condition du corps.
C’est pourquoi, Paul Ehrlich, spécialiste de l’environnement, a récemment exprimé l’espoir que
les gens allaient enfin cesser, une fois pour toutes, de parler de la nature humaine parce que
c’était un concept dénué de sens.101 Autrement, la fin du corps est la chose la plus merveilleuse
que l’humanité attendait pour se débarrasser de cette nature qui fait de nous des êtres limités.
Ainsi, nous assistons à la fécondation in vitro ou ad extra (la fabrication des bébés dans
les éprouvettes). En effet, les techniques de procréation médicalement assistée (PMA) tendent
à quitter le terrain du palliatif pour s’implanter dans celui de la planification des naissances dans
la perspective de tri des embryons. On trouve normal d’éliminer les embryons, c’est-à-dire les
tout petits êtres humains qui ne correspondent pas à notre norme ou besoin. Pour les tenants du
monde nouveau, les hommes qui continuent de se référer au passé, de se réclamer des valeurs
de l’ancien monde doivent disparaître de gré ou de force. Les sous-hommes appartiennent à une
race inferieure, il faut les écarter et les éliminer. Aujourd’hui, dans beaucoup de pays, on peut
choisir dans les banques de gamètes le sexe de son enfant, certaines qualités physiques, la
couleur de peau, la couleur de peau, de ses yeux, le niveau intellectuel du donneur. Des
fécondations avec le sperme de donneurs décédés sont pratiquées. Dans ce cas, on assiste aux
naissances « post-morten », la naissance d’un enfant conçu par un père vivant et né après sa
mort, avec la naissance d’un enfant, conçu de son père mort.102
Il convient également de parler de la « mère porteuse » ou du « contenant », c’est-à-dire
de l’utérus. En effet, cette pratique à caractère commercial est très récurrente dans les pays tels
que la France, la Belgique, l’Espagne, Portugal, l’Ukraine etc. Par exemple, la gestation pour
autrui (GPA), qui coûte environ 100000 dollars en Californie pour 25000 dollars en Inde, dont
4000 reviennent à la mère porteuse)103 , est très valorisé socialement. Les mères louant leur
utérus sont considérées comme des « nounous » qui gardent les bébés dans leur ventre.
Nous vivons la plus grande déconstruction de fondements de la socialisation : « la
cellule sociale de base », qui n’est rien d’autre que la famille. C’est cette entité de reproduction
sociale, et la première instance de socialisation qui est menacée. Il est difficile aujourd’hui de
définir la famille pour la simple raison qu’elle se transforme au jour le jour ; elle est comprise
en fonction du temps et des mentalités temporelles. La notion de filiation n’est plus importante,
l’enfant est perpétuel déraciné. Il s’agit ici du refus de la conception traditionnaliste de la
100
A. GÜNTHER, l’obsolescence de l’homme : sur la destruction de la vie à l’époque de la troisième révolution
industrielle, Paris, Fario, 1956, p.173.
101
P. EHRLICH Cité par Francis Fukuyama, in La fin de l’homme. Conséquences de la révolution
biotechnologique, Paris, Collection Folio Actuelle, Gallimard, 2002, p. 231.
102
D. FOLSCHEID, Le transhumanisme, c’est quoi ?…, p. 33.
103
Ibidem, p. 34.
31
familiale, de la démolition de familiale et des valeurs morales et spirituelles. Cela, qui constitue
le suicide de toute l’humanité. Pour Robert Sarah, nous aboutissons à des inégalités incroyables
où l’humanité sera divisée en deux. Les hommes qui seront privés de leurs parents et ceux
seront privés de cette joie, les orphelins perpétuels.104 On réduit la paternité et la maternité à
des rôles à jouer. Or dans la culture africaine, l’homme n’est rien sans la femme, et la femme
n’est rien sans l’homme. Et les deux ne sont rien sans l’enfant.
Nous revenons sur le ressentiment contre la loi imposée contre la nature reçue à travers
la théorie du genre. Elle est une idéologie qui affirme que les notions mêmes de féminité et de
masculinité sont des créations culturelles qu’il faudrait déconstruire pour s’en affranchir. Il
revient donc à chacun de choisir son genre, son identité sexuelle. Cette idéologie vise à
déconstruire la spécificité de l’homme e de la femme. C’est l’abolition de différences
anthropologiques ; elle met en danger les réalités de la paternité et de la maternité. C’est
pourquoi le mot père et mère sont devenus inconvenants. On parle aujourd’hui de « parent1 »
et « parent2 », ou de « geniteur1 » et de « geniteur2 ». D’où la célèbre affirmation de Simone
Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient. » Voilà ce qui fait que la dignité de l’être
humain se dissout aussi.
Au regard de tout ce qui précède dans ce deuxième chapitre, où il était question de
statuer sur les dérives transhumanistes, il en découle que l’humanité de l’homme est en crise ;
elle ne sait plus si son avenir dépend d’elle ou de la convergence technologique. Elle vit sur le
prisme d’un mercantilisme transhumaniste, c’est-à-dire la course au profit, entrainant ainsi son
déclin vers la déshumanisation, aboutissant ainsi à des problématiques très inquiétantes, telles
que la modification de la nature humaine, la destruction de l’harmonie sociale, le relativisme
moral et la perte de valeurs humaines. Cependant, il convient pour nous de présenter maintenant
les enjeux et les perspectives de ce mouvement, qui, sans critères éthiques, sans politique avenir
ni régulation bouleversera nos rapports au monde. C’est la raison pour laquelle nous allons
proposer quelques orientations nouvelles et éthiques pour un transhumanisme humaniste et la
question de la régulation éclairées dans la dernière partie de notre réflexion. Nous terminerons
par une actualisation africaine ou contextuelle en ressortant la plus-value ou l’apport des
africains en ce qui concerne cette nouvelle visions digitalisées de l’homme et du monde.
104
R. SARAH et N. DIAT, Le soir approche et déjà le jour baisse, Espagne, Fayard, 2020, p. 204.
32
CHAPITRE III : ENJEUX ET PERSPECTIVES DU TRANSHUMANISME : VERS LA
RÉHABILITATION DE LA DIGNITÉ HUMAINE
C’est le mur de l’humain, c’est-à-dire le patrimoine génétique qui est franchi et brisé,
dont la préservation de l’espèce humaine est urgemment signalée. Il s’agit de redonner la dignité
à l’humain. Autrement dit, il faut revenir à l’humain, le ré-humaniser, c’est-à-dire à sa dignité
et à sa valeur. Pour ce faire, il est nécessaire de circonscrire la réflexion sur la question
d’éthique, mettre l’accent de façon appuyée sur la régulation visée à protéger et à sauver
l’espèce humaine ; se pencher tout autant sur le sort incertain qui pourrait être réservé à
l’Afrique, qui semble être en marge de la vision du monde digitalisé et du nouvel ordre mondial.
105
Éthique est l’étude théorique des principes qui guident l’action humaine dans les contextes où le choix est
possible. Autrement dit, c’est l’ensemble de principes gouvernant l’action des individus pour autant qu’ils
agissent en fonction des règles de conduite.
106
J. M. BESNIER, Demain les posthumains. Le futur -a- il encore besoin de nous ? Paris, Pluriel, 2012, p. 205.
33
termes, la pratique de l’éthique dans un cadre non moraliste est capitale pour notre monde
déconcerté et déconcertant. En outre, Ebenezer Njoh Mouelle pense que l’autre manière de
procéder consisterait à produire une sorte de « code éthique universel »107 régissant
l’exploitation des résultats de la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de
l’intelligence artificielle et des sciences cognitives. De fait, les critères éthiques dont nous
parlons ici sont entre autres : le respect du libre choix individuel, sauvegarder la dignité humaine
face aux manipulations du génome humain et la formation des comités d’éthique.
En ce qui concerne le libre choix individuel, il s’agit du principe bien connu selon lequel
notre liberté s’arrête là où commence celle d’autrui. Pourquoi en vouloir à des êtres innocents,
pourquoi augmenter la capacité des humains sans tenir compte des plus faibles ni de leur
sécurité sociale ? Cette interrogation fait intervenir la notion de la dignité humaine, se trouver
tout autant dans le respect de l’intimité de chacun, que dans l’aptitude à la liberté et à la
responsabilité, à l’autonomie et à cet « instinct divin » que Jean-Jacques Rousseau
appelait « Conscience ».108 La tradition religieuse y ajoute ce qui distingue définitivement
l’homme des autres vivants, c’est-à-dire le fait d’être une âme qui survit à la destruction du
corps physique.
La véritable question éthique qui se posera aussi un jour est l’avènement massif de
cyborgs. Pourquoi l’homme d’aujourd’hui se sent-il permis à faire advenir un être qui devrait
le détruire lui-même ? Avec Njoh Mouelle, nous nous sentons chaque fois pousser à dire qu’il
faudrait opposer une résistance légale à la production des cyborgs et des posthumains. Pour ce
faire, il faut former des comités d’éthique, et il faut relever d’emblée qu’ils ont un rôle
consultatif. C’est notamment le cas du CCNE (Comité Consultatif National d’Éthique) pour les
sciences de la vie et de la santé créé en 1983 en France. Son rôle consiste à donner son avis sur
les sujets tels que les prélèvements de tissus d’embryons et de fœtus humains morts à des fins
diagnostiques et scientifiques, le statut des embryons, les diagnostics prénataux, les conditions
de dons d’organes, l’obtention et l’utilisation des cellules souches, le droit à la fin de vie et le
recours aux techniques biomédicales.109 Par contre, selon Njoh Mouelle, faire recours à des
implants cochléaires ou rétiniens, parce qu’on est un malentendant ou malvoyant, pour ne pas
dire sourd et aveugle, ne nuit à personne, bien au contraire ré-harmonise notre vie en société.110
Cependant, il faut dire que ces avis du CCNE ne sont pas nécessairement suivis ou pris
en compte par le législateur ; il y a « certaines associations qui exercent un lobbying très fort
107
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, Marchands de Science et Avenir de l’Homme, Paris, l’Harmattan,
2017, p. 118.
108
J. J. ROUSSEAU cité par Njoh Mouelle, In Quelle éthique pour le transhumanisme ? …, p. 50.
109
Ibidem, p. 56.
110
Ibidem, p. 44.
34
par rapport à certains sujets… » 111
Par exemple, la législation est plus ouverte en Grande-
Bretagne quand il s’agit de la recherche sur les embryons. Ici, la fermeté contre toute atteinte
au patrimoine génétique est atténuée par le fait que des autorisations sont contrôlées et
encadrées par une association appelée « Human Fertilisation and Embryology Authority »
(HFEA) qui semble jouer un rôle de comité d’éthique. Par contre, aux États-Unis d’Amérique,
la gouvernance de l’éthique et de la législation conséquente de la recherche scientifique est
décentralisée. Les États-Unis vont plus loin que la Grande-Bretagne ; ils ouvrent toutes les
orientations à la recherche scientifique surtout dans les disciplines en NBIC. Certes le
financement public des recherches sur les cellules souches embryonnaires avait été interdit par
le Président Bush, mais en 2011, une cour d’appel a réfuté cette décision, et considère qu’une
cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon, contrairement à ce qui a été décidé par le
Président Bush.112 On peut voir dans ce va-et-vient des décisions contradictoires que l’efficacité
des comités d’éthique ne peut s’affirmer. La Chine, contrairement, à la différence des États-
Unis, au lieu de la dispersion des centres de décision en matière d’éthique des recherches
scientifiques, la question d’éthique de la recherche se tranche plutôt en fonction de
l’idéologique du parti au pouvoir. Ainsi donc, la véritable question éthique que posera la
posthumanité est donc, de ramener au niveau de la seule responsabilité de l’homme développeur
de ces nouveaux êtres, qui d’ailleurs n’ont pas voulu exister.
Avec Hans Jonas, nous assistons à une nouvelle éthique kantienne, qui consiste à
construire une éthique rationnelle de responsabilité113, cherchant à respecter la vie des
générations futures et à définir des principes susceptibles d’être acceptables par tous : « Agis
de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie
authentiquement humaine sur la terre. Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas
destructeurs pour la possibilité future, d’une telle vie. »114 C’est pourquoi, l’humanité actuelle
doit être responsable à l’égard de l’humanité future. D’où le souci de transmettre l’héritage
humain, en menant une vie purement humaine avec toute la condition de l’existence de
l’homme, c’est que l’homme soit convaincu de sa propre légitimité, sans nier la réalité de ses
limites, de sa faillibilité, de son expérience du néant et du vide et de sa finitude. C’est dire que
111
E. NJOH MOUELLE, Quelle éthique pour le transhumanisme…, p. 57.
112
S. CABUT, États-Unis : "Feu vert sur les recherches publiques sur l’embryon." https://www.lefigaro.fr
2011/05/04, consulté le 02 avril 2022.
113
La responsabilité une ampleur nouvelle, dès lors que la loi formulée par un sujet est aussi celle de l’humanité
tout entière : c’est aussi bien devant cette dernière que devant ma propre conscience que je suis responsable. (cf.
G. DUROZOL et A. ROUSSEL, Dictionnaire de philosophie, Paris, Nathan, 1997, p. 332.)
114
D. FOSCHEID, Le transhumanisme c’est quoi ?, Paris, Cerf, 2018, p. 112.
35
sans condition forte et fondée de sa propre dignité, l’humanisme est un mot vide. Tout ceci, afin
« que l’humanité soit »115. Il s’agit de préserver la nature humaine. C’est dans cette logique que
l’idée du bioéthicien EngelHardt trouve toute sa justification lors qu’il affirme: « Il n’y a aucune
raison pour que cette nature (humaine), avec de bonnes raisons et de bonnes précautions, ne
puissent être radicalement changée.»116 Ainsi, se pose un double problème philosophique et
éthique : le respect de la nature humaine et la responsabilité de l’humanité future. Certes, il est
naturel pour l’homme d’améliorer ses conditions de vie, mais pas au point d’en modifier son
être et son devenir. Sans l’humanité, que serait le monde ? Sans autrui, que serait le monde ? À
travers ces interrogations, la réponse fait appel à la responsabilité, non seulement par rapport à
soi-même et à ses actes, mais aussi pour autrui ; il s’agit de mieux cerner à l’égard de qui la
responsabilité peut être établie. Ainsi, il est question d’une prise de conscience sérieuse et
impérative d’une reconsidération de la dignité humaine, qui invite à une écologie humaine et
un retour à l’humanisme chrétien.
Le terme écologie humaine apparaît pour la première fois sous le plume de Robert Park,
professeur de sociologie à l’Université de Chicago, dans l’article publié en 1916 sur « La ville »,
dont l’objectif était de mesurer ensemble le social et le biologique, et de tenir compte des
conditions d’autonomie nécessaires au développement de l’homme vis-à-vis de son
environnement naturel et le social.117 Selon Claude Rivière, l’écologie est l’étude scientifique
des rapports de l’homme et des sociétés avec leur environnement naturel...118 En effet,
L’homme, en dépit d’une extraordinaire puissance technique et d’un spectaculaire
enrichissement matériel, est en très grave déclin. Pour le sauver, il faut rompre avec les deux
matérialismes (le capitalisme et le marxisme), le technologisme (ériger la technologie en Dieu,
un sauveur) et inventer « un humanisme écologique » seul capable d’assurer le bonheur collectif
par la création d’un cadre de vie épanouissant. En effet, l’homme possède une nature qu’il doit
respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. Mais la question du transhumanisme nous place
en face d’un choix de civilisation et nous pousse à renoncer à notre nature humaine, et nous
projette dans le vide. De fait, en produisant des êtres humains modifiés ou augmentés, il nous
conduirait à abolir la frontière entre objet et sujet. Mais qui dira demain la frontière de l’humain
115
J. HANS, Le principe de Responsabilité, Paris, Flammarion, 2005, p. 40.
116
TRISTRAM ENGELHARDT Hugo, Foundations of Bioethics, New-York, Oxford University Press, 1986, p.
377.
117
N. VERNAZZA LICHT et B. BRUN, La société d’écologie humaine, Douze ans de réflexion et de
valorisation autour de l’écologie humaine, NSS, 2000, Vol. 8, No1, Éditions scientifiques et médicales, Elsevier
SAS. p. 1.
118
C. RIVIERE, Introduction à l’anthropologie, Paris, Hachette, 2007, pp. 77-78.
36
et d’avec le non humain ? Si l’être humain devient un produit de fabrication, qui pourra mesurer
sa dignité ? Il ne s’agit plus de soin, de réparer une nature abîmée, mais de « créer, d’inventer
une race nouvelle »119.
Concomitamment, la dégradation de l’environnement est en effet étroitement liée à la
culture qui façonne la communauté humaine. C’est dans ce sens que Robert Sarah
affirme : « Quand l’écologie humaine est respectée dans la société, l’écologie proprement dite
en tire aussi avantage.»120 Et il ajoute : « De même que les vertus humaines sont connexes, si
bien que l’affaiblissement de l’une met en danger les autres, ainsi le système écologique
s’appuie sur le respect d’un projet qui concerne aussi bien la saine coexistence dans la société
que le bon rapport avec la nature. »121 Ainsi, pour préserver la nature, le point déterminant est
la tenue morale de la société dans son ensemble. C’est pourquoi, si le droit à la vie et à la mort
naturelle n’est pas respecté, si la conception, la gestation et la naissance de l’homme sont
rendues artificielles, si des embryons humains sont sacrifiés pour la recherche, la conscience
commune finit par perdre le concept d’écologie humaine et, avec lui, celui d’écologie
environnementale. Il s’agit là d’une descente en humanité pour un développement intégral de
l’humain, dans sa dignité, sa souveraineté et sa chrétienté.
Concernant l’humanisme chrétien, nous disons que c’est au XXe siècle, avec les auteurs
comme Jacques Maritain et le Cardinal de Lubac que se fonde un humanisme qui rétablit la
relation entre l’homme et le Transcendant. En effet, à partir de la Renaissance122, l’autorité
spirituelle de l’Église, qui avait été pendant un millénaire le dépositaire de la vision du monde,
a subi un déclin : tout d’abord l’humanisme anthropocentrique123 a renversé l’image de
l’homme, de la nature et de l’histoire que le christianisme médiéval avait construit ; puis au
XVIIIe siècle, les philosophies rationalistes qui s’étaient développées, ont remis en question
l’essence même du christianisme. Quant au XIXe siècle, la révolution industrielle laisse éclater
les idéologies libérales. Enfin, au XXe siècle, nous assistons à la diffusion rapide de l’athéisme,
et qui remettra en question la survie même de l’Église en tant qu’institution porteuse d’une
vision, d’une foi et d’une morale capables d’apporter une réponse aux besoins les plus profonds
de l’homme moderne.124
119
R. SARAH et N. DIAT, Le soir approche et déjà le jour baisse, Espagne, Pluriel, 2020, p. 223.
120
Ibidem, p. 340.
121
Ibidem
122
Renaissance est la période qui marque la fin du Moyen âge et le début des temps moderne. Avec la
Renaissance, l’homme commence à avoir son propre destin et sa propre liberté délivrés de liens du plan divin.
123
Humanisme anthropocentrique qui stipule que l’homme lui-même est le centre de l’homme, et donc de toutes
choses.
124
S. PULEDDA, Interprétations de l’humanisme, Paris, collection nouvel humanisme, Références, 2000, pp.
120-121.
37
De tout ce qui précède, il est important de ré-proposer au monde actuel les valeurs du
christianisme, que se situe le développement de l’humanisme chrétien face à l’homme moderne,
rebelle contre Dieu comme Prométhée. C’est l’image de l’homme « bon par essence » qui est
défigurée voire détruite par les affres de la guerre entre les humains et les gadgets de la
biotechnologie. Il s’agit maintenant de remettre la personne humaine au centre de la vie.
Maritain suggère de revenir à un humanisme intégral « qui représenterait… une nouvelle
chrétienté non plus sacrale, mais profane »125. Il veut dans ce sens encourager les chrétiens à
répandre dans le monde les valeurs évangéliques. Car ce nouvel humanisme doit
s’incarner « vers l’idéal d’une communauté fraternelle»126 C’est cela qui peut grandir l’homme,
la vie vertueuse, comme jadis Aristote l’avait dit. Et aussi, dans Le Drame de l’humanisme
athée publié en 1944, Henri de Lubac, met l’accent sur les fondements de la vision chrétienne
de l’homme, qui se résume en ces termes : la grandeur dans la petitesse. C’est bien dans le geste
fraternel, qui peut aller jusqu’à l’oubli de soi, non pas recherché mais assumé, que la grandeur
de l’homme se déploie.127 Mais la tragédie transhumaniste traverse le monde et écrase l’homme.
De ce fait, la nécessité de régulation s’impose face à un défi que nous impose cette idéologie
inhumain.
La régulation est le moyen, artificiel ou naturel, par lequel sont corrigés les écarts par
rapport aux normes intérieures d’un système, provoqués par le contact de ce système avec les
variations aléatoires du monde extérieur.128 De fait, quand nous parlons de régulation, nous
faisons allusion à la réglementation des exploitations de l’humain dans les recherches
scientifiques d’une part, nous pensons également à la question de la transformation de la nature
humaine qui est plus préoccupante aujourd’hui d’autre part. Car elle engage toute l’humanité
sur tous les plans : politique, économique, socioreligieux, épistémologiques.
125
D. FOSCHEID, Le transhumanisme c’est quoi ?…, p. 121.
126
Ibidem
127
Ibidem, p. 123.
128
Encyclopédie philosophique universelle, T.2, Paris, PUF, 1998, p. 2217.
38
1. La règlementation politique et économique
129
Hybris est le sentiment violent inspiré par la passion et l’orgueil qui entraine un désir de vengeance.
130
L. FERRY, La Révolution transhumanisme, Paris, Plon, 2016, p. 201.
131
E. NJOH MOUELLE, Transhumanisme, Marchands de Science et Avenir de l’Homme…, p. 115.
132
Ibidem, p. 125.
39
les embryons et surtout le corps humain sont désormais la source d’une nouvelle plus-value
économique portée par le développement de la technomédecine. De là, le vivant devient une
« matière première »133, écrit Dominique Foscheid. Il s’agit de capitaliser ou de commercialiser
sur son propre corps. Aujourd’hui, on choisit dans les banques le niveau intellectuel de son
enfant, le sexe de son enfant, les gamètes et certaines qualités physiques, qui coutent
extrêmement cher. Plus nous avancerons dans la transhumanité à travers les nanotechnologies,
la technomédecine, qui gagnent du terrain et impose un nouveau modèle économique, plus nos
rapports à la vie et au travail change. De fait, le monde a compris que l’avenir dépend de la
grande convergence technologique. C’est pourquoi la Chine et les États-Unis utilisent les
technologies NBIC pour asseoir leur hégémonie économique et leur pouvoir géostratégique. Il
s’agit là des enjeux politiques, économiques dans le digital.
Cette fameuse idéologie, le transhumanisme, nous présente une nouvelle donnée
économique que Luc Ferry appelle l’ « économie collaborative »134, c’est-à-dire celle qui
symbolise désormais les GAFA, et qui, de toute évidence ont une relation aussi profonde et
bien installée avec l’infrastructure du monde qu’est l’internet. Les mêmes idéologies politiques
reposent sur l’ultralibéralisme.135 Car tout vise la rentabilité. Ceci se justifie par cette
déclaration du directeur des laboratoires Merck, il y a de cela plus de trente ans, lorsqu’il
affirme : « C’est embêtant de ne vendre des médicaments qu’à des gens qui sont malades. Si on
pouvait agrandir notre marché auprès des gens en bonne santé, il est évident que ça arrangerait
nos affaires! »136 Pour eux, un homme en bonne santé n’est pas rentable. De ce fait, il n’est pas
surprenant de voir les nouvelles maladies dont souffrent les hommes qui ne sont rien d’autre
que la résultante de la politique des recherches scientifiques commandées dans le seul but de
tirer profit. Cependant, face à cette problématique, la voix qui semble la plus plausible est celle
de la régulation que nous avons largement développée en amont. Il est primordial que nos États,
nos institutions internationales et les comités d’éthiques ne soient pas dépassés par l’avancée
inquiétante de ces révolutions technologiques. Les instances nationales et mondiales doivent
prendre de mesures fermes afin de réguler le monde de demain.
133
D. FOSCHEID, Le transhumanisme c’est quoi ?…, p. 29.
134
« L’économie collaborative » :c’est dire que les deux révolutions, transhumanisme et économie s’appuient sur
les mêmes infrastructures techniques, les mêmes fondements philosophiques, les mêmes idéologies politiques et
sont financées par les mêmes multinationales.
135
Ultralibéralisme, système économique, politique prônant le libéralisme absolu, encourageant l’économie de
marché, l’entreprise privée, le désengagement de l’État.
136
C. SEVERAC, Complot mondial contre la santé…, p. 65.
40
2. Retour au Transcendant et à la dignité humaine
L’homme augmenté du transhumanisme semble ne plus être limité, il est un dieu. Il peut
tout de lui-même et n’a pas besoin d’un agir providentiel transcendant en sa faveur. Sans faire
de la théologie, que sera une vie sans Dieu ? Elle est comparable à un corps sans âme. Rappelons
que l’homme a été créé à l’image de Dieu. Cela revient à dire que, l’homme est le fruit de
l’amour de Dieu. Autrement dit, Il faut revenir à l’homme comme personne, comme valeur
sacrée, comme ouverture à l’Être. Mais les transhumanistes considèrent l’être humain non plus
comme un acte miraculeux de la création divine, mais plutôt comme le produit d’une série de
causes matérielles qui peuvent être comprises et manipulées par les humains. Tout cela manque
par trop au respect de la personne humaine et viole donc la volonté de Dieu. Il s’agit en fait du
refus de la transcendance et du mépris de la nature humaine. C’est la raison pour laquelle, Jean
Paul II disait : « À la racine de la perte de l’Esperance se trouve la tentative de faire prévaloir
une anthropologie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de penser a conduit à considérer
l’homme comme le centre absolu de la réalité, lui faisant occuper faussement la place de Dieu.
On oublie alors que ce n’est pas l’homme qui fait Dieu mais Dieu qui fait l’homme. L’oubli de
Dieu a conduit à l’abandon de l’homme. »137Si la religion fournit les motifs les plus clairement
définis pour s’opposer à certain types de biotechnologies, les arguments religieux resteront sans
effets sur ceux qui n’acceptent pas les présupposés de cette religion. D’où l’affirmation de
Charles Krauthammer, qui, selon lui, les religieux conservateurs se sont focalisés sur un faux
problème à propos de ces cellules-souches. Ils ne devraient pas se soucier de l’origine de ces
cellules, mais de leur destination : « …ce sont plutôt les monstres que nous serons bientôt
capables de créer. »138 Ceci, aboutira certainement à la fracture sociale de l’humain.
Pour ce qui est de la dignité humaine, il s’agit de reconnaître le statut de l’être humain. Car
ce n’est pas la loi qui fait de nous des êtres humains. Les êtres humains demandent aux autres
de reconnaître leur dignité, aussi bien comme individus que comme membres d’une
communauté ethnique, raciale ou autres. « L’individu humain ne saurait être subordonné, en
tant que pur moyen ou pur instrument, il a une valeur par lui-même. Il est une personne. C’est
par la vertu de son âme spirituelle que la personne entière possède une telle dignité, même dans
son corps. »139 Les êtres humains ont leur dignité parce qu’eux seuls ont le libre arbitre, C’est
l’existence de ce libre arbitre qui conduit Kant à la conclusion bien connue selon laquelle les
137
J. Paul II, L’Exhortation Ecclésia in Europa, Rome, 2003, cité par Robert SARAH et Nicolas DIAT, In Le
soir approche et déjà le jour baisse, Espagne, Pluriel, 2020, pp. 252-253.
138
C. KRAUTHAMMER, “Why Pro-Lifers Are Missing the Point: The Debate Over Fetal-Tissue Research
Overlooks the Big Issue”, in Time, 2001, p. 60.
139
J. PAUL II, Message to the Pontifical Academy of Science, 22 october 1996.
41
êtres humains doivent toujours être traités comme fins et non comme moyens. Pour dire qu’il
nous faut retrouver le sens de l’humanité en retrouvant le réel.
La force de la nature humaine est dans son aspect social, car nous sommes faits pour nous
relier, pour nous aimer, pour hériter, pour transmettre ; nous sommes faits pour le lien les uns
entre les autres, acceptant bien sûr nos limites. C’est pourquoi l’être humain est un réparateur,
faire preuve d’humanité, c’est prendre soin du plus fragile, du plus faible. Si le transhumanisme
déchire ou déconstruit le tissu social, nous sommes des réparateurs ; nous sommes portés par
l’anthropologie de la vulnérabilité, nous devons prendre soin de la vie et non la détruire. En
résumé, il nous faut nous réconcilier avec la nature, tout en nous réconciliant avec notre nature
humaine afin de préserver l’espèce humaine ; c’est le grand défi à relever. Pour ce faire, la
NBIC (Nanotechnologie, Biotechnologie, Intelligence artificielle, Science cognitive) doit
connaître une régulation épistémologique rigoureuse et sévère.
Il est question ici d’être en attentif sur ce que les nouvelles technologies nous propose.
De même il s’agit de parler de débordements de la science à travers la déformation de la nature
et ses effets néfastes dans la vie de l’homme. Il revient à l’homme le devoir de la produire et de
la gérer avec intelligence et sagesse. Car elle nous permet d’être à la hauteur de notre temps.
Cependant, on ne saurait laisser cette idéologie déshumaniser l’humanité au nom des progrès
scientifiques sans faire usage de notre raison. De fait, l’amélioration des conditions de vie de
l’homme peut se réaliser par des méthodes objectives et raisonnables qui tiennent compte de la
dignité humaine à l’instar de l’éducation et de l’instruction. Il faut l’aborder en regardant du
point de vue humain et du point de vue de la nécessité. Et non en y mettant des puces électriques
dans le psychisme humain. Quel avenir pour l’homme ? En quoi et comment le fait de vivre
éternellement serait intéressant, et pour quelle sorte d’être nous nous demandons à la suite du
professeur Njoh Mouelle.
En effet, il est important de rappeler les deux formes principales du transhumanisme à
savoir, le transhumanisme biologique et le transhumanisme cybernétique. Ainsi le
transhumanisme biologique est inspiré de la tradition humaniste rousseauiste avec l’idée de
perfectibilité de l’être humain. Perfectibilité comme progrès dans l’ordre de nature que dans
l’ordre humaine. Condorcet affirme à ce sujet que dans l’esquisse s’un tableau historique des
progrès de l’esprit humain que nos espérances sur les destinées de l’espèce humaine peuvent se
réduire à ces trois questions : la destruction de l’inégalité entre les nations ; les progrès de
42
l’égalité dans un même peuple ; enfin le perfectionnement réel de l’homme.140 La question liée
au transhumanisme apparait véritablement dans le troisième moment de la problématique de
Condorcet concernant le perfectionnement de l’homme. Ceci étant, le second est celui dit
cybernétique. Cette seconde forme est proposée par Ray de Kurzweil patron de l’université de
la singularité. Ici, il est préférable de parler de posthumanisme. Car, il est question pour cette
forme de créer une espèce nouvelle radicalement différente de celle humaine actuelle, de
milliers de fois plus intelligente et plus puissante qu’elle. Ce dont rêve Kurzweil, c’est d’un
homme « interfacé » avec un ordinateur, avec tous les réseaux du Net, grâce à des implants
cérébraux, et qui serait alors « posthumain ».141 Conséquence, on pourrait donc séparer
l’intelligence et les émotions du corps biologique, stocker sa mémoire comme sa conscience
sur des machines, grâce à l’intelligence artificielle.
Comme le constate Luc ferry, cette seconde forme de transhumanisme est un fondement
d’un nouvel type d’homme nommé cyborg qui risque ne rien à y voir avec l’homme et sa
limitation. Au demeurant, ce second transhumanisme est véritablement un posthumanisme,
puisqu’il plaide, non pour une simple amélioration de l’humanité actuelle, mais pour la
fabrication d’une tout autre espèce ; d’une espèce qui, à la limite, n’aura plus grand-chose à
voir avec la nôtre. Tout ceci, pour nous dire à quel point la personne humaine est en train d’être
déconstruite et refaite, voire en route vers l’inconnu. Certes la science doit être ouverte et
dynamique. Mais, avec pour premier but la préservation de l’humain. C’est une invitation pour
la science de ne pas quitter son cadre épistémologique pour devenir objet politique et, recherche
de profits. Charles Delhez dit que « l’homme sera toujours plus qu’un objet de science, car il
est aussi celui qui fait de la science et qui fait la science et qui est pour lui-même ».142 Peut-on
dès lors faire de l’humanité n’importe quoi ? Et surtout que pensons-nous de l’Afrique dans
cette course vers la transhumanité, voire vers la posthumanité? De toutes les manières, l’Afrique
ne doit pas négliger et sous-estimer cette idéologie qui est menace pour l’humanité tout entière.
140
L. FERRY, La Révolution transhumanisme, Paris, Plon, 2016, p. 49
141
Ibidem, p. 51.
142
C. DELHEZ, Quel homme pour demain ?, Paris, Fidélité, 2015, p. 95.
43
s’impose à Elle. Doit-elle se renfermer sur elle-même ou bien entrer dans « la danse
technologique » ?
143
A. KABOU, Et si l’Afrique refusait le développement ?, Paris, l’Harmattan, 1991, p. 181.
144
J. F. BAYART, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 2006, p. 288.
145
G. NDUMBA, in "Sociétés Africaines et Nouvelles Technologies", Vol. XIII no 23-24 janvier-décembre
1999, Facultés catholiques de Kinshasa, p. 35.
44
elle doit essayer de se projeter dans l’avenir. Pour ce faire, d’aucuns optent pour le transfert de
technologies et d’autres non.
Aujourd’hui, l’Afrique est bel et bien prise dans un engrenage d’où il est difficile d’être
pour ou contre le transfert de technologie surtout avec le projet transhumaniste. Mais la vraie
question est celle-ci : quel serait pour l’Afrique le modèle qui lui permettrait d’assurer et de
promouvoir son développement tout en gardant son authenticité et son éthique de vie ?
En effet, la technologie qui se développe en Afrique est celle qui vient d’ailleurs ; elle
est « en crise, précisément parce qu’elle se donne comme un produit d’importation dont les
africains n’ont aucune maîtrise autonome »146, disait le professeur Alexandre Mbandi Esongi.
De fait, le transfert de technologies se fait entre les parties inégales : d’un côté, les sociétés qui
transfèrent les technologies, et de l’autre, celles qui les reçoivent. Le plus grand souci posé par
le transfert des technologies est celui du développement du récepteur. Car les sociétés qui
transfèrent les technologies visent d’abord à accroître leur propre rentabilité économique. D’où
le rapport de dépendance qui s’installe entre les producteurs et les consommateurs. À cet effet,
nous proposons la création des véritables centres de recherches scientifiques et technologiques.
C’est un appel à une synergie inventive pour pouvoir matérialiser les recherches scientifiques
locales, afin d’aboutir à la création des nouvelles possibilités d’invention technologique en
Afrique visant le développement intégral de l’homme. Dans ce contexte, les projets de
recherche et leurs résultats doivent être, adaptables, utilisables et raisonnables en tenant compte
de certains critères d’éthiques, préservant ainsi la dignité et l’identité africaine.
Njoh Mouelle nous interpelle, nous africains à ne pas être indifférent en ce qui concerne
le transhumanisme en nous disant que c’est l’affaire de l’Europe, de l’Asie et des USA. Car,
des risques sont prévisibles parmi lesquels : l’aggravation de sa marginalisation de toujours,
mais surtout sa soumission à un nouvel esclavage. L’intitulé du chapitre IV : Pas « de nouvel
apartheid pour l’Afrique »147 de son ouvrage : Quelle éthique pour le transhumanisme ? Des
« hommes augmentés » et des « posthumains », demain, en Afrique ?
De tout ce qui précède, nous disons que notre réflexion, notre critique transhumaniste
ne porte pas sur son rejet, mais sur certains aspects, notamment sa prétention de modifier la
146
G. NDUMBA, in "Sociétés Africaines et Nouvelles Technologies"…, p. 58.
147
E. NJOH MOUELLE, Quelle éthique pour le transhumanisme ?..., p. 66.
45
nature humaine pour en faire des hommes augmentés, des posthumains ou des cyborgs. Pour
ce qui relève de l’Afrique et des africains, il faut bien que nous nous approprions cette culture
avec beaucoup du discernement. On n’a donc pas besoin : de vivre éternellement sur terre, ni
supprimer la mort dans la vie de l’homme, ni faire éliminer les êtres humains pour faire
fonctionner d’autres, ni commercialiser les embryons, les ovocytes et le corps humain. Nous
n’avons non plus besoin des posthumains ni des cyborgs en Afrique. Mais nous avons besoin
d’améliorer notre condition de vie tout en restant naturel et ouvert au changement « humain ».
D’après Njoh Mouelle, il s’agit de s’initier, soi-même-Afrique, à toutes ces nouvelles
ingénieries en train d’être développées, tout cela devrait faire l’objet d’une volonté
d’appropriation par les Africains.148 On ne peut donc plus nous défaire de cette préoccupation
en Afrique sous prétexte que nous avons des problèmes plus utiles comme si celui-ci n’en
n’était pas un si non, le plus inquiétant puisqu’il touche non seulement notre être-au-monde,
mais notre structure fondamentale qui risque subir des modifications irréversibles. Ceci étant,
si nous ne faisons rien comme cela semble se manifester, les autres le feront à notre place, sans
nous et pour leur intérêt. Pour Njoh Mouelle, l’Afrique compte une jeunesse éparpillée en
Europe et aux États-Unis et solidement initiée en matière d’Intelligence artificielle. Face aux
orientations utilitaristes de Google, il faut créer des centres d’excellence sur le sol africain pour
y ramener nos brillants cerveaux travaillant dans ces domaines à l’étranger, et commencer à
maintenir sur place les génies identifiés et identifiables.149 Nous pensons donc que les avis et
les intérêts ne sont pas les mêmes au sujet de la question transhumaniste en Afrique, mais ça ne
devrait pas nous laisser indiffèrent, car il est curieux de voir que les européens en l’occurrence
Google s’intéresse déjà à l’Afrique et aux africains. Ceci, depuis 2018 concernant les NBIC.
C’est le cas de l’annonce en 2018, de l’ouverture d’un centre de recherche permettant des
utilisations potentielles de l’intelligence artificielle dans les secteurs de l’agriculture, de la santé
et de l’éducation par Google.150 Et la même année, soit le 23 mai, c’était le tour de Facebook
d’inaugurer à Lagos, au Nigeria, son tout premier centre africain de technologie. 151 Au-delà
d’une prétendue concurrence entre ces géants du web, nous pensons à la suite de Njoh Mouelle
qu’ils veulent s’approprier et se répartir les zones d’influence sur l’Afrique tout entière.
En fait, l’Afrique, ne doit plus se limiter aux questions politiques, économiques et
sociales, elle doit aller approprier la technologie occidentale pour nous exprimer comme
Marcien Towa qui l’avait compris en son temps critiquant l’ethnophilosophie et donnant une
148
E. NJOH MOUELLE, Quelle éthique pour le transhumanisme ?..., p. 66.
149
Ibidem, p. 68.
150
Ibidem
151
https://www.numerama.com/techn/385445-google.
46
nouvelle orientation à la philosophie africaine. Et nous en avons pour preuve la Chine152, qui
n’est plus en reste et fait partie désormais des pays à considérer en matière des avancées de la
technoscience. Elle, qui venait prêter de l’argent au Cameroun en 1970. Ce que nous voulons
également pour le continent africain : repartir sur de nouveaux paradigmes. L’Afrique ne doit
plus être en marge des questions mondiales. Elle ne doit plus vivre en dépendance et en attente
comme si elle était maudite. C’est une occasion pour elle loin d’une rivalité ou d’une auto
affirmation continentale, de pouvoir apporter sa contribution scientifique et sa vision. Avec
cette perspective ou orientation, l’Afrique restera ouverte à l’Europe et elle pourrait faire
intervenir des européens quand c’est nécessaire. Mais, nous voulons pour l’Afrique et même
pour le monde entier, une humanité épanouissante, meilleure actuelle et demain.
152
La Chine avait mis sur pied une véritable politique volontaire, le communisme qui est un système politique
prônant la mise en commun des moyens de production, adapté à une économie socialiste de marché. Elle est
allée apprendre la technologie pour venir chez les autres pour en faire sienne, et aujourd’hui, elle fait partie
des pays les technologiquement développés au monde.
47
CONCLUSION
Rendu au terme de notre travail où il était question pour nous de statuer sur
l’artificialisation de l’humain. Notre réflexion portait ou s’accentuait sur cette conviction
volontaire des transhumanistes de modifier la nature humaine grâce aux progrès scientifiques,
notamment les nanotechnologies et les biotechnologies. Il s’agissait pour nous de montrer à
quel point ce combat contre la finitude humaine conduit à déshumaniser, à banaliser et à
chosifier la nature humaine, et comment l’homme est en route vers la posthumanité. De fait,
suivant une méthodologie analytico-critique, nous avons structuré notre raisonnement en trois
chapitres.
Ainsi, dans le premier chapitre intitulé : origine et présentation du mouvement, nous
avons situé ses origines lointaines et son contexte d’émergence comme mouvement
philosophico-scientifique et culturel, ses fondements intellectuels et le projet qui se cache
réellement dernière cette idéologie. Il ressort que le transhumanisme est l’aboutissement de ce
combat contre les limites humaines. C’est le projet de prolonger la vie l’homme sur terre au
point d’artificialiser ou déshumaniser ce dernier.
Cela nous a conduits au second chapitre formulé : les dérives transhumanistes. Ici, nous
avons montré le caractère mercantiliste, son orientation vers la déshumanisation et ses impacts
sur la nature humaine. À cet effet, nous nous sommes s’attardés sur cette collaboration à but
lucratif entre les transhumanistes et les entreprises à l’instar des GAFA, qui font du vivant une
source la plus-value. Il s’est agi surtout de parler la fusion de l’homme-machine et de
l’intelligence artificielle et la question de l’eugénisme. Nous aboutissons alors les impacts de
ce mouvement sur la nature humaine. Il est question de la modification de la nature humaine,
la fracture sociale et la permissivité morale ou des valeurs humaines.
Enfin, nous arrivions au troisième chapitre titré : évaluation et perspectives du
transhumanisme : vers la réhabilitation de la dignité humaine. Nous avons effectué une
évaluation du transhumanisme dans son rapport avec l’humain. Ainsi, nous avons mis en
lumière les bienfaits de ces nouvelles technologies ; nous avons insisté sur le regard plus éthique
de la personne humaine, la nécessité de la régulation et les dispositions et les enseignements
profitables vis-à-vis de l’entreprise transhumaniste pour l’Afrique. Nous retenons que c’est ce
qui fait de nous des humains qui est touché, c’est-à-dire notre patrimoine génétique. De ce fait,
il est donc important de revenir à l’humain. Autrement dit, il faut revêtir l’humain de sa dignité
et de son caractère sacré. Pour ce faire nous avons abordé la question d’éthique et de régulation
au niveau national et international. Nous avons également opté pour la voie de l’écologie
humaine, de la responsabilité et du retour au Transcendant.
48
Toutefois, nous ne saurions nier quelques bienfaits du transhumanisme tels que la
biomédicale, la thérapie médicale grâce à la convergence des NBIC. Cependant, au lieu de cette
prétention de vouloir détruire l’humanité sous prétexte qu’elle est imparfaite, au point d’en faire
des cyborg ou des posthumains. Nous proposons plutôt des valeurs humaines qui permettent le
développement intégral de l’homme. Pour Njoh Mouelle, les chefs d’États africains ne doivent
pas sous-estimer cette idéologie qui veut détruire les valeurs spirituelles humaines africaines.
En ce qui concerne l’Afrique, nous avons proposé la voie de l’ouverture au monde
digital tout en gardant son authenticité. En d’autres termes, il s’approprier et intégrer la
technologie. Ceci, passe par les élites intellectuelles qui ont déjà fait preuve de l’esprit de
créativité. L’Afrique ne doit plus continuer à contempler en spectatrice la danse technologique.
Pour Njoh Mouelle, nos. L’humanité est acte de l’histoire, chaque être humain est une page
d’histoire.
En effet, le monde de demain c’est nous qui la construisons. Mais paradoxalement, c’est
la vie de l’homme et l’avenir de l’humanité qui sont menacés. En d’autres termes c’est
l’humanité qui court inévitablement vers la fin de son histoire si rien n’est fait. Cela se trouve
avérer lorsqu’Engelhardt affirme : « il n’y a aucune raison pour que cette nature humaine, avec
de bonnes raisons et de précautions, ne puissent être radicalement changée. »153 De ce fait, la
valeur de la personne humaine et son développement intégral ne sont plus ce qui donne sens au
progrès, mais plutôt ce qui subit le sens dicté par l’exigence idéologique du transhumanisme.
L’homme ne semble plus être l’heureux bénéficiaire de ses productions, mais la victime.
Nous aurons besoin de guide pratique pour pouvoir gérer les futurs développements,
afin que la technologie reste la servante de l’homme et ne devient pas sa maîtresse. Ce qui
importe de reconnaître, c’est que ce défi n’est pas simplement d’ordre éthique, mais aussi
d’ordre politique. Car ce sont les décisions politiques que nous allons prendre dans les années
qui viennent, concernant nos relations avec cette technologie, qui détermineront si nous entrons
ou non dans un avenir posthumain.
Face au défi que nous pose aujourd’hui les technologies, plus précisément le
transhumanisme, où le bien et le mal sont intimement mêlés, il y a également le transgenre,
cette perdition mortelle à vouloir opposer les deux sexes. L’homme et la femme sont
complémentaires. Ils ont un besoin vital l’un de l’autre. Ils doivent chercher et cultiver cette
différence pour que chacun se réalise pleinement.154 C’est-à-dire qu’il y a de la joie lorsque
nous réalisions pleinement notre être. Voilà pourquoi, il faut se rapprocher des plus fragiles et
s’offrir au fond de faire preuve d’humanité. Il faut se projeter dans l’avenir comme mortel.
153
H. TRISTRAM ENGELHARDT, Foundations of bioethics, New-York, Oxford University press, 1986, p. 377.
154
R. SARAH et N. DIAT, Le soir approche et déjà le jour baisse, Espagne, Pluriel, 2020, p. 214.
49
Prendre conscience de nos limites. Car la conscience de la mort nous rend responsable de notre
vie, de l’existence qui nous appelle à aimer notre vie, à nous sentir responsable de nos vies,
maître de notre propre histoire. La science seule ne fait pas la vie. Ce que l’on doit faire ici n’est
pas interdire le procédé, mais le réglementer strictement, en traçant des lignes rouges non autour
du procédé lui-même, mais à l’intérieur de la gamme des usages possibles, afin de distinguer
ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas. Ce sont donc la philosophie, l’anthropologie, la
sociologie, la politique et la théologie qui peuvent établir la finalité de la science et de la
technologie en tenant compte de la dignité inaliénable de l’homme.
L’intérêt de ce travail se situe également dans une nouvelle anthropologie qui s’ouvre à
nous, celle qui tient compte de toutes les caractéristiques de la personne humaine dans toutes
ses dimensions. Il s’agit en fait du combat pour la préservation de l’humanité de l’homme dans
son rapport au transhumanisme. C’est le défi anthropologique qui consiste à exalter la dignité
humaine, car l’homme n’est pas un être pour la mort, mais sa nature lui impose une fin dans
l’histoire en vue d’une éternité bienheureuse. C’est pourquoi nous proposons de revenir sur la
caractéristique fondamentale de l’humanisme intégral comme un humanisme théocentrique,
c’est-à-dire qu’il faut repartir de la liberté de la création dans sa relation à son créateur. La
dignité de l’homme doit assumer la dimension spirituelle de chaque personne humaine, laquelle
se déploie dans l’Amour et le Don, dont le créateur est la source. De fait, cette nouvelle forme
d’humanisme montre que la société humaine est tendue vers l’idéal d’une communauté
fraternelle des humains dont la réalisation effective ne peut être qu’eschatologique, tout en se
construisant maintenant. Si nous voulons rester humain, nous devons accepter notre nature
humaine, telle que voulue par Celui qui l’a créé.
50
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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NJOH MOUELLE Ebénézer, Transhumanisme, marchands de science et avenir de
l’homme, Paris, l’Harmattan, 2017.
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Fayard, 2006.
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1947.
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51
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1991,
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l’embryon." https://www.lefigaro.fr 2011/05/04, consulté le 02 avril 2022.
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52
E. Source électronique
C’est l’une des phrases clés du site de FM-2030, http : //fm2030.us, consulté le 08 avril 2021.
F. Dictionnaires et encyclopédiques
G. Documents du Magister
JEAN PAUL II, Message to the Pontifical Academy of Science, 22 october 1996.
JEAN Paul II, L’Exhortation Ecclésia in Europa, Rome, 2003.
53
TABLE DES MATIÈRES
ÉPIGRAPHE………………………………………………………………………………….i
DÉDICACE……………………………………………………………………………………ii
REMERCIEMENTS………………………………………………………………………….iii
2. Le gnosticisme .................................................................................................................... 6
54
III. IMPACTS DU TRANSHUMANISME SUR LA NATURE HUMAINE ......................... 27
CONCLUSION ........................................................................................................................ 48
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