Action Administrative

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Université sidi Mohamed Ben Abdallah

Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales

Fès

Cours de l’action administrative

S3 

Droit français

Tronc commun

Fadma Toufik : Professeur en droit public

2020-2021

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Introduction :
Le droit administratif est une branche de droit public interne qui régit
l’administration. Il constitue le prolongement du droit constitutionnel.

M. Délaubadère définit le droit administratif comme étant « l’ensemble


des règles juridiques différentes de celles de droit privé, qui régissent les
relations de l’administration avec les administrés et qui s’appliquent à
l’organisation, à l’action et aux activités administratives ainsi qu’au
contentieux administratif ».

Pour sa part, M. Rivero définit le droit administratif comme


« l’ensemble des règles juridiques dérogatoires au droit privé qui régissent
l’activité administrative des personnes publiques ».

Sur le plan juridique, l’administration obéit à une double signification, la


définition matérielle ou fonctionnelle et la définition organique :

Dans le premier cas, le terme administration signifie une activité, une


tâche ou une fonction. Le but de cette activité administrative est la
satisfaction des besoins d’intérêt général (désignant un certain nombre de
principes et d’attitudes communes à une communauté).

Dans le second cas, le mot Administration désigne une organisation, un


ensemble de personnels, d’agents et d’organes chargés d’exécuter l’activité
administrative. Exemple, X est entré à l’administration des finances.

Il est question des personnes physiques et des personnes morales


publiques dotées de la personnalité juridique. Deux catégories de personnes
sont à distinguer : les personnes publiques ayant une mission large, à savoir,
l’Etat et les Collectivités Territoriales, sous leurs trois composantes (les
régions, les provinces, les préfectures et les communes).

Et les personnes publiques ayant une vocation spéciale et étroite que


sont les Etablissements publiques. Exemple, l’ONCF est un établissement
public qui ne peut intervenir que dans le domaine du transport ferroviaire.

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Il convient, dans ce sens, de préciser le concept de l’administration par
rapport à l’action des particuliers :

Le moteur de l’action de l’administration ou de l’action administrative


est la poursuite de l’intérêt général ou encore l’utilité publique ou, dans une
perspective philosophique, du bien commun. Il est essentiellement
désintéressé au sens de M. Rivero.

Alors que l’action des particuliers a pour but la poursuite d’un avantage
personnel. Il s’agit du profit matériel et de la réussite humaine.

Toutefois, le but poursuivi et le bien de tous peuvent coïncider.


Coïncidence qui ne va pas masquer le caractère personnel de l’entreprise. Par
exemple, le boulanger assure la satisfaction du pain, fondamentale aux
Marocains, mais ce n’est pas le souci désintéressé de nourrir les affamés qui a
dicté sa vocation, c’est plutôt l’intention de gagner sa vie en vendant du pain.

A la différence des buts correspond une différence de moyens.


D’ailleurs, la complexité du droit administratif apparait au niveau du rapport
administration/administré :

L’administration possède des prérogatives ou des privilèges (issus du


mot latin privalex), c'est-à-dire supérieur à autrui. Plus elle a conscience de
défendre l’intérêt général, plus, elle désire accroitre des moyens dont elle
s’arme pour le faire prévaloir.

Malgré l’opposition et la résistance des volontés privées,


l’administration peut poursuivre l’exécution.

En d’autres termes, par cette puissance publique, l’administration


dispose de prérogatives qu’implique la prééminence de l’intérêt général.
Cette idée de puissance a été l’œuvre de la doctrine d’Edouard Lafferière dans
son Traité paru en 1887/1888.

L’administration entretient des relations inégalitaires avec les


administrés, contrairement au droit privé qui est essentiellement égalitaire.

Le droit administratif présente quelques traits fondamentaux :

-Le droit administratif est un droit autoritaire :

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L’administration est une activité par laquelle les autorités publiques
pourvoient, en utilisant les prérogatives de la puissance publique, à la
satisfaction des besoins d’intérêt général.

C’est un droit d’inégalité ou de commandement. Mais, ce droit, conçu


comme un système d’organisation sociale, repose sur l’idée de justice. Sa
traduction technique est le principe de légalité.

Les principes fondamentaux de l’ordre juridique sont consacrés


solennellement par la constitution de 2011 dans ses titres I et II (entre autres,
l’égalité des citoyens, la liberté d’opinion et d’association, l’inviolabilité du
domicile…). De ce fait, les prérogatives de l’administration doivent être
conciliées avec ces principes, et par conséquent, respecter les droits et les
libertés des administrés.

-Le droit administratif est un droit autonome :


Le principe est la soumission de l’administration à un droit particulier,
spécial, appelé droit administratif différent de celui qui régit les activités
privées.

C’est par rapport au droit privé que l’autonomie du droit administratif


et de son caractère dérogatoire au droit commun, a été défini.

C’est le célèbre arrêt Blanco, rendu par le Tribunal des Conflits (TC) le 8
février 1873 qui avait fondé le principe de l’autonomie du droit administratif.

Cette autonomie apparait, aussi, au niveau de la juridiction


compétente. Il existe une juridiction administrative distincte de la juridiction
judiciaire.

Toutefois, le juge administratif peut se référer au droit privé, exemple,


en matière de responsabilité.

-Le droit administratif est un droit jurisprudentiel :


Le droit administratif est l’œuvre du juge. Celui-ci a élaboré ses grands
principes à partir des problèmes qui se sont posés. « Le Maroc est un pays où
le droit jurisprudentiel occupe le devant la scène et où le rôle créateur du juge
plonge ses racines dans les traditions les plus profondes » précise M. Berque.

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A la jurisprudence s’ajoute d’autres sources du droit administratif qui
est le règlement. L’article 72 de la constitution de 2011 dispose que « les
matières autres que celles qui sont du domaine de la loi appartiennent au
domaine réglementaire ».

Mais, la loi peut être, aussi, une source du droit administratif dans la
mesure où l’article 6 de ladite constitution dispose que « la loi est l’expression
suprême de la volonté générale de la nation. Tous, personnes physiques ou
morales, y compris les pouvoirs publics sont … tenus de s’y soumettre… ».
Cet article est d’ajouter que « sont affirmés les principes de
constitutionnalité, de hiérarchie et d’obligation de publication des normes
juridiques … » constituant l’Etat de droit.

La coutume constitue une autre source de droit administratif. C’est


l’usage considéré comme obligatoire. A quoi s’ajoute la doctrine, ensemble de
notions et de théories élaborées par les auteurs, lesquelles peuvent
influencer le législateur et le juge.

-Le droit administratif est en perpétuel changement :


Le droit administratif est un droit évolutif. Il s’adapte aux circonstances,
suite aux changements techniques, au développement des missions de
l’administration, aux besoins des Collectivités Territoriales et à la rapidité de
l’évolution de l’économie.

Actuellement, le droit administratif a gagné d’autres secteurs


importants pour la société. Il s’agit du droit public économique, du droit de
l’urbanisme, du droit de l’environnement, du droit de l’informatique, du droit
de la santé…, en particulier le droit administratif humanitaire qui vise la
protection de l’individu et l’amélioration de ses conditions (c’est ce que M.
Holleaux appelle les lois de la troisième génération des droits de l’Homme).

-Le droit administratif est d’inspiration Française :


Les premiers principes du droit administratif Marocain remontent à
l’acte d’Algésiras du 7 avril 1906 et notamment au protectorat (Traité de Fès
du 30 mars 1912).

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Le Maroc d’avant 1912 était organisé selon les principes de l’Etat
musulman, à la tête de l’Etat, le sultan dirigeait le pays à l’aide de ses
collaborateurs appelés vizirs. La justice était liée à l’autorité la plus élevée de
l’Etat, le califat.

En effet, le protectorat avait opté pour la dualité du droit applicable et


l’unité de la juridiction. Au lendemain de l’indépendance, le Maroc a créé une
Cour Suprême avec une Chambre Administrative en 1957.

Toutefois, la législation marocaine diffère sur un certain nombre de


points. En effet, l’organisation administrative est totalement différente sans
aucune transposition ou assimilation. Par contre les ressemblances sont très
grandes concernant les règles de fond de l’activité de l’administration et
nombreuses théories générales sont transposables.

-Le droit administratif est un droit moderne :


Le droit administratif a pris forme, en France, au XIXème siècle,
notamment à partir de son dernier quart. Puisque il est de création récente,
plusieurs de ses notions fondamentales demeurent encore incertaines.

Même au Maroc, la notion de droit administratif est relativement


récente.

-Le droit administratif est un droit ouvert :


L’ouverture du droit administratif résulte de la mondialisation qui
favorise la circulation des idées, des théories et des pratiques administratives
et la nécessité du respect des principes fondamentaux de l’Etat de droit par
les appareils administratifs.

Cette ouverture est, aussi, favorisée par la circulation des hommes,


entre autres les administrateurs, les étudiants, les magistrats et la rencontre
de leurs homologues à l’étranger.

En effet, grâce aux technologies de l’information et de communication,


les expériences et les pratiques sont confrontées de façon permanente, et ce,
afin de favoriser l’innovation dans le monde de l’administration et du droit.

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Par ailleurs, le droit administratif est le droit de l’action administrative.
Il est destiné à permettre à l’administration d’agir. Cette action a pour but la
satisfaction de l’intérêt général.

L’action administrative s’exerce aussi bien dans le cadre de la police


administrative que dans le cadre des services publics. Ce sont les formes ou
les modalités de cette action administrative (1ère partie).

En revanche, il existe deux procédés juridiques de l’action


administrative, qualifiés de grands domaines de cette action (2ème partie).

1èrepartie-Les modalités de l’action administrative :

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L’activité publique se différencie essentiellement de l’activité des
particuliers car elle est consacrée entièrement à satisfaire l’intérêt général,
c’est-à-dire, les services publics.

Cette activité a pour objet une exigence propre qui commande son
régime juridique particulier contrairement à l’activité privée.

Selon M.M. Duguit et Jèse, le droit administratif trouvait son unité dans
la notion de service public. C’est le droit des services publics.

Pour l’école du service public prônée par M. Duguit, le principe


explicatif unique du droit administratif ne pouvait qu’être le service public. En
effet, l’Etat lui-même est une « coopération de services publics organisés et
contrôlés par les gouvernants ».

M. Hauriou est d’ajouter, dans son ouvrage de précis de droit


administratif de 1933, que celui-ci repose sur deux bases essentielles, à savoir,
le service public, œuvre à réaliser par l’administration et la puissance
publique qui en constitue le moyen.

Par la suite, la théorie du service public avait connu un succès, et ce


pour deux raisons : la notion du service public est adaptée à l’époque et elle
se présente comme une explication globale du système administratif.

Toutefois, l’administration ne se borne pas à gérer des services publics,


elle réglemente, aussi, l’activité des particuliers dans le cadre de la police
administrative, qui constitue une partie importante de son action.

Dès lors, l’administration accomplit deux tâches essentielles de la vie de


la collectivité : La première activité a un caractère purement normatif, c’est la
police administrative ayant pour but la protection de l’ordre public.

La seconde activité, en revanche, a pour but de fournir des prestations


d’intérêt général. C’est le service public.

Police administrative et service public se différencient dans leurs buts :


l'ordre public visé par la police est plus étroit que l'intérêt général recherché
par le service public.

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Ils sont aussi distincts dans leurs procédés : le procédé normal de la
police est la prescription. Autrement dit, elle réglemente, voire interdit
certains particuliers pour maintenir l’ordre dans tous les secteurs de la vie
sociale. Tandis que celui du service public est la prestation.

Une autre différence, contrairement à la plupart des services publics, le


service de la police administrative n’a pas besoin d’être crée. Il existe dès que
l’Etat existe. Il est sa première raison d’être et il ne peut pas, non plus, être
supprimé. L’Etat a l’obligation de le faire fonctionner.

Le service de la police administrative n’a pas véritablement d’usagers.


Tous les individus ont droit au fonctionnement de ce service.

Mais, il peut y avoir une certaine ambivalence dans le procédé utilisé


constituant, à la fois, une réglementation et une prestation : le signal limitant
la vitesse pour les automobilistes à l'abord d'un virage dangereux constitue
une interdiction, mais aussi, fournit une prestation en signalant le danger
imminent.

Police et service public peuvent, également, apparaître imbriqués dans


le procédé global d'action de l'administration. Certains auteurs ont pu même
dire que la police est le service public qui tend à satisfaire le besoin d'ordre.

La police administrative est une activité de service public, mais


spécifique dans le sens où les autorités de police, pour assurer leur mission du
maintien de l’ordre public, sont entourées d’une organisation des agents
publics qui en surveillent l’exécution.

La doctrine va dans le même sens. Pour M. Lebreton, « rien ne s’oppose


à ce que la police administrative soit considérée comme un service public. Elle
correspond, en effet, parfaitement à la définition classique du service public :
activité d’intérêt général gérée par une personne publique ».

Pour emprunter la formule de M. Picard, un certain nombre


d’interférences » existe entre la police administrative et le service public. Le
régime de la première peut coïncider avec le second.

Dans un arrêt de la section du Conseil d’Etat CE du 10 mars 2006


commune d’Hougate, il incombe au ministre de l’intérieur, dans la mise en

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œuvre de la police des casinos, d’opérer une conciliation entre les nécessités
de la protection de l’ordre public et les impératifs tenant à la préservation de
l’égalité d’accès dans le secteur en cause, afin de ne pas porter à la libre
concurrence des exploitants de casinos une atteinte excessive au regard du
but poursuivi.

La police administrative peut s’exercer sur les agents d’un service


public, par exemple, pour réglementer l’exercice de droit de grève, qui
interrompe le fonctionnement du service public, laquelle a été considérée
comme génératrice d’un trouble à l’ordre public ou sur ses usagers (par
exemple, en imposant la vaccination des enfants scolarisés).

Police et service public peuvent se rapprocher. La police peut être


amenée à rendre aux particuliers des services. Exemple, secours en cas de
sinistres. De même que le maintien de l’ordre peut être considéré comme
entrant dans une définition large de « mission de service public ».

L’idée de la police administrative (chapitre1er) constituait une catégorie


juridique autonome et la première modalité de l’action administrative, à côté
du service public (chapitre2ème).

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Chapitre 1er- La police administrative
Etymologiquement, le terme « police » vient du terme latin Politicia,
lui-même issu du grec politeia qui désignait l’administration de la cité
« polis ».

A l’origine, la police désigne l’action de gouverner. Cette notion large a


perduré jusqu'à la fin de l’ancien régime en France. Elle a englobé l’ensemble
du droit public et a connu une maturation progressive pour englober la
qualification « administrative », laquelle a connu une évolution depuis la
révolution Française de 1789.

M. PICARD répertorie les multiples qualificatifs conférés à la notion de


police administrative : "activité" ou "ensemble d'activités", "ensembles
d'intervention", "forme d'intervention de certaines autorités", "fonction de
l'administration", "pouvoir", "ensemble de pouvoirs", "de prescription", "de
limitation à la liberté individuelle", "procédé d'action de l'administration",
"régime".

Partant d’une définition simple, la police administrative « peut être


envisagée comme l’activité de l’administration consistant à fixer les
différentes règles que doivent respecter les individus afin que l’exercice de
leur liberté ne nuise pas à l’harmonie de la vie collective, ni à la liberté
d’autrui ».

Pour sa part, M. Teitgen définit la police administrative comme


« l’ensemble des interventions de l’administration qui tendent à imposer à la
libre action des particuliers la discipline exigée par la vie en société ».

Pour sa part, M. Castagné définit le pouvoir de la police administrative


comme « la prérogative reconnue à une autorité administrative d’édicter,
dans le but d’assurer l’ordre public, des actes juridiques exécutoires et
d’effectuer les actes matériels nécessaires à leur exécution ».

La police administrative (Section 1ère) mérite un éclairage à ce propos,

avant de déceler ses composantes (Section 2ème).

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Section 1ère - L’identification de la police administrative 
La police administrative s’identifie, aussi bien, par ses critères (§1), que
par ses éléments traditionnels et modernes (§2).

§1-Les critères de la police administrative


La police administrative obéit à deux acceptions différentes : un sens
organique (A) et un sens matériel (B).

A- Le sens organique de la police administrative 


La police est l’ensemble de personnels chargés du maintien de l’ordre
public (la gendarmerie, les policiers…). Elle désigne, aussi, des autorités
administratives dotées de compétences de police, c'est-à-dire du pouvoir
d’édicter des règles contraignantes que doivent respecter les administrés.

Les personnels de police sont chargés de l’exécution des mesures


adoptées par ces autorités de police.

B- Le sens matériel de la police administrative


La police est une activité consistant pour l’administration, à préserver
l’ordre public par des mesures juridiques et matérielles appropriées. Ce sont
l’ensemble de comportements permettant aux uns d’exercer librement leurs
activités sans nuire à celles des autres.

Au sens matériel du terme, la police reçoit plusieurs qualifications. La


principale distinction est celle qui oppose la police administrative à la police
judiciaire. La première est essentiellement préventive, alors que la seconde
est répressive.

En effet, la police administrative intervient à titre préventif pour


empêcher les troubles à l’ordre public. Par exemple, le président du conseil
communal édicte à l'avance les mesures de police administrative pour éviter
que l'ordre public soit troublé dans les lieux publics, que la circulation ou le

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stationnement des automobilistes portent atteinte à la sécurité et à la
tranquillité publique

La police judiciaire, quant à elle, intervient, a posteriori, pour préparer


la répression des auteurs d’infractions, en identifiant les coupables et en
rassemblant les éléments de preuve afin de permettre l’action de la
juridiction pénale.

En droit, cette distinction entre les deux est importante dans la mesure

où la direction et le contentieux de la police judiciaire relèvent de l'autorité

judiciaire.

Alors que l'administration et le juge administratif n'ont de pouvoirs que

sur la police administrative (le contrôle routier constitue un acte de police

administrative visant à éviter une atteinte à l'ordre public telle que

l'alcoolémie).

Même si l’action de la police administrative est essentiellement

préventive, elle peut avoir aussi un aspect répressif. Exemple, la dispersion

d’une manifestation.

Par ailleurs, une distinction peut être faite entre la police administrative
générale et la police administrative spéciale :

La première a un champ d’intervention diversifié. Tandis que la seconde


est instituée par une loi particulière et repose sur un texte qui précise son
objet et son but. Exemple, la police de la chasse.

La police administrative est le domaine d'élection des mesures

autoritaires caractéristiques de la puissance publique. Dès lors, le procédé

contractuel se trouve exclu.

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Dans ce sens, M. Moreau affirme que "la police est une modalité

spécifique de l'action administrative, dont les actes ont un caractère

obligatoirement unilatéral, généralement préventif et qui s'exerce dans le

domaine de l'ordre public".

Pour lui, "la compétence unilatérale se manifeste dans la faculté

d'émettre un acte juridiquement obligatoire par l'effet d'une seule volonté".

Dans le même ordre d'idées, les compétences de police sont par nature

inaliénables. Il est " interdit " à l'autorité de police d'utiliser une technique

d'ordre contractuel ".

A l’inverse, le procédé contractuel est, par nature, antinomique au but

poursuivi par la police de l'ordre public dans la mesure où il crée des

obligations réciproques entre les parties.

Par exemple, le service de la police du stationnement, par sa nature, ne

saurait être confié qu'à des agents placés sous l'autorité directe du maire.

M. Moreau est du même avis puisqu'il estime que "tout contrat confirme

aux parties des droits réciproques, or, on ne peut invoquer de droits face à

l'ordre public, donc le procédé contractuel doit être exclu de l'exercice des

compétences de police administrative".

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Dès lors, la police relève des fonctions régaliennes, lesquelles désignent

"des prérogatives qui, caractéristiques de la souveraineté, ne se délèguent en

principe pas" et sont, de ce fait, réservées par nature à l'Etat.

M. PETIT note à juste titre que "l'interdiction de concéder la police

traduit l'idée que le maintien de l'ordre est un devoir exclusif de la puissance

publique". Depuis toujours, l'ordre public était une notion exorbitante du

droit commun, limitant les volontés individuelles.

En cas d’opérations de police mixtes, le juge peut se référer à la nature

juridique de l’opération qui se trouve « essentiellement » à l’origine du

préjudice dont le requérant demande la réparation (Le TC 12 juin 1978,

société le Profil).

L’ordre public recouvre traditionnellement trois composantes, à savoir, la

sécurité publique, la tranquillité publique et la salubrité publique.

§2- La trilogie traditionnelle de l’ordre public


La police administrative est définie par référence à l'ordre public. Celui-ci

constitue le pivot sur lequel repose la police administrative et sans lequel, elle

n'aurait aucune raison d’être.

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"L'ordre suggère l'idée de commandement ou d'ordonnancement…

l'adjonction du caractère "public" indique la primauté de l'intérêt général sur

les intérêts particuliers".

Essence d'une société, l'ordre est tributaire de conditions tenant à la

matière, à l'espace et au temps : Ratione materiæ, l'ordre public dépend de la

nature des situations considérées, ce qui explique son caractère fonctionnel.

Ratione Loci, l'ordre public n'est pas nécessairement insensible à des

données locales tenant éventuellement à des usages anciens, ce qui entraîne

une certaine diversité.

Ratione temporis, l'ordre public subit l'influence d'une évolution

constante des esprits et des comportements, ce qui marque son caractère

évolutif.

De ce fait, l'une des caractéristiques principales de la règle d'ordre public

est son effet d'éviction. L'atteinte à cet ordre public nécessite d'évincer la

norme applicable qui en est porteuse.

De même que la doctrine souligne que l'ordre public ne se confond pas

avec l'intérêt général. Le premier est un démembrement ou une sectorisation

du second et marque, plutôt, l'objet de la police administrative, alors que la

notion plus étendue de l’intérêt général englobe la finalité des activités

administratives.

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L'ordre public intervient pour protéger les intérêts et exprime un principe

simple : l'intérêt général l'emporte sur l'intérêt particulier. Mais, même si la

jurisprudence française se réfère principalement à l'ordre public de la police

administrative, il lui arrive de s'appuyer sur l'intérêt général pour reconnaître

le bien-fondé d'une mesure de police.

M. Benabdellah précise qu'une "localité où les conditions de salubrité

sont satisfaisantes, où tous les membres se conduisent conformément aux

règles de la vie édictée au sein de la société, pas de vol, pas d'agression, peu

d'accident, c'est-à-dire où les conditions de sécurité et de sûreté sont

observées, et enfin, où tout le bon ordre règne, est une localité qui

indéniablement baigne dans l'ordre public".

L’article 100 de la loi organique 113-14 relative aux communes réduit

l'ordre public au triptyque, l'hygiène, la salubrité, la tranquillité publique et la

sûreté des passages.

L’ordre public se ramène à trois ordres d’idées, la sécurité (A), la

tranquillité (B) et la salubrité publiques (C).

A- La sécurité publique 
La sécurité publique ou la sureté consiste à réduire les conséquences des

accidents et des fléaux humains et naturels, incendies…. La sécurité est en

principe celle des autres usagers de la route.

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La sûreté et la sécurité publique sont deux expressions synonymes et

tirent leur origine d'une même racine latine : La sûreté ou la sécurité a trait à

la protection contre l'arbitraire. Elle est rattachée à la liberté et a pour but de

limiter les risques de désordre. Tandis que la sécurité, tout en évoquant l'idée

de protection, conserve celle-ci contre l'agression, les fléaux et les accidents.

B- La tranquillité publique 
La tranquillité ou le bon ordre signifient l'absence de désordre matériel.

Exemple, le déroulement de manifestation sur la voie publique. La tranquillité

se rattache le maintien de l’ordre dans la rue, dans les lieux publics, la lutte

contre le bruit.

Autrement dit, la tranquillité est caractérisée par l’absence de troubles et

de gènes de toute nature pouvant porter atteinte aux repos des individus.

Exemple, les tapages nocturnes. La tranquillité publique concerne le bon

ordre matériel et même l'ordre moral.

C- La salubrité publique 
Le terme salubrité signifie selon le Robert « caractère de ce qui est

favorable à la santé des hommes, état d'un groupe social, caractérisé par

l'absence de maladies endémiques, contagieuses, ensembles des mesures

nécessaires pour obtenir et préserver cet état ». Il s'agit de ce fait, de

prévenir les risques de maladie (hygiène).

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La salubrité a connu une dimension très large avec l'idée d'ordre

sanitaire. Celui-ci a pris une importance particulière à l'émergence de la

notion de sécurité sanitaire.

Au sens large, la jurisprudence a reconnu l’existence d’autres

composantes. De ce fait, l'ordre public doit être compris pour comprendre la

moralité, l'esthétique et tout élément nécessaire à l'harmonie de la société.

Section 2- Les composantes modernes de l’ordre public 


Certains auteurs définissent l'ordre public abstraitement. Ils font appel à

certaines notions qui se ressemblent : "normes fondamentales", Dabin, "le

vouloir vivre collectif" Carbonnier, le "bien commun" Costa, "l'intérêt vital de

la société" Hémard, "une exigence sociale fondamentale" Louis-Lucas, ou

"l'intérêt social" Duguit. Ils refusent parallèlement que la "volonté

particulière" Dabin ou "certaines initiatives individuelles" Carbonnier,

puissent concurrencer l'ordre public.

L’ordre public évolue avec le temps et avec les mœurs et s’adapte


notamment aux évolutions technologiques. C’est ce que M. Chapus appelle la
variabilité « des exigences du maintien de l’ordre public ».

La jurisprudence Française a admis, parmi les composantes de l’ordre

public, des préoccupations étrangères à la sécurité, à la tranquillité et à la

salubrité publiques. Ces valeurs sont importantes pour que les autorités de

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police soient autorisées, en leur nom, à encadrer les activités et les libertés

des particuliers.

Il s’agit de la moralité publique (§I), du respect de la dignité humaine (§II)

et l’esthétique (§III).

§I- La moralité publique 


La moralité publique est conçue comme l’ensemble des « idées morales
communément admises à un moment donné par la moyenne des citoyens ».
Elle constitue un prolongement de la protection de la tranquillité dans la
mesure où elle prévient de purs troubles de conscience.

C’est le cinéma qui avait donné au juge administratif l’occasion de


consacrer le rôle de la moralité publique comme composante à part entière
de l’ordre public avec l’arrêt du CE, société « Les films Lutetia » du 18
décembre 1959.

C’est ainsi que le maire avait interdit la projection sur le territoire de sa


commune de plusieurs films dont « le feu dans la peau » de Marcel Blistène
par un arrêté du 3 décembre 1954.

La société « les films lutetia » et le syndicat Français des producteurs et


des exportateurs de films ont saisi le Tribunal Administratif de Nice afin
d’annuler l’arrêté par un jugement du 11 juillet 1955. Celui-ci a rejeté leurs
requêtes.

Un appel était interjeté devant le CE qui a jugé légale cette interdiction


par un arrêt de sa section du 18 décembre 1959 précité, en se basant sur le
caractère immoral dudit film et l’existence de circonstances locales.

Le CE rejette le recours de la société de production en estimant que « le


maire responsable du maintien de l’ordre dans sa commune, peut (…)
interdire sur le territoire de celle-ci la représentation d’un film auquel le visa
ministériel d’exploitation (ministre de l’information) a été accordé, mais dont
la projection est susceptible d’entraîner des troubles sérieux, ou d’être, à

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raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales,
préjudiciables à l’ordre public ».

Dès lors, cette interdiction du film peut être justifiée par les troubles
sérieux à l’ordre, matériel et extérieur pouvant provoquer, par exemple, des
manifestations par le trouble de conscience risquant de choquer les habitants
par cette immoralité.

Ce film a érigé pour la première fois la moralité publique au rang de la


quatrième composante de l’ordre public, « à raison de son caractère immoral,
il est préjudiciable à l’ordre public ».

Les circonstances locales sont des éléments objectifs permettant au


juge administratif d’exercer son contrôle. Exemple, un film blasphématoire
(qui insulte une religion ou une divinité) permet de choquer les habitants
d’une ville de pèlerinage.

Certains arrêts municipaux dits « de couvre-feu des mineurs »


interdisent la circulation nocturne des mineurs de moins de 13 ans dans
certains quartiers.

Dans son ordonnance du 9 juillet 2001, préfet de Loiret, le CE juge que


la protection d’un public particulier que constituent les mineurs concerne leur
intégrité physique puisqu’ils sont exposés au risque d’agression nocturne et
d’acte de violence dans les quartiers de forte délinquance.

§II-Le respect de la dignité de la personne humaine


Cette composante de l’ordre public général avait surgi à l’occasion de
l’interdiction, de certains maires de la pratique du « lancer de nain ». Celle-ci
est contestable pour son immoralité.

L’assemblée du CE du 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge


admet la légalité de l’interdiction après un considérant de principe énonçant
que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes
de l’ordre public.

21
De même que le CE, par une ordonnance du 5 janvier 2007, a refusé de
suspendre un arrêté de la préfecture de police de Paris interdisant la tenue de
« soupes au cochon » pour des motifs tenant à la dignité humaine.

En effet, une association « solidarité des français » pratiquant une


charité sélective a organisé des soupes populaires où seuls étaient servis des
plats à base de porc dans le but d’en éloigner les sans-abri de confession
musulmane.

La soupe au cochon avait était interdite par le préfet de police de Paris


parce qu’elle porte atteinte à la dignité des personnes privées de secours
(éloigner les sans-abri de confession musulmane) et de causer des troubles à
l’ordre public (les risques de réaction de ces personnes).

Dès lors, le respect de la dignité de la personne humaine constitue l’une


des composantes essentielles de la moralité publique.

§III- La sauvegarde de l’esthétique


La sauvegarde de l’esthétique peut être considérée comme une
composante de l’ordre public général. Quelques décisions anciennes sont
rendues en matière de police municipale, mentionnant d'une manière
expresse l’esthétique comme fondement légitime d'une mesure de police.

D'après M. DUEZ, la protection du beau constituait un but de police au


même titre que la sécurité ou la tranquillité.

L’Assemblée du Conseil d’Etat  du 3 juin 1938, Société des usines de


Renault, confirmé le 14 mars 1941, Compagnie nouvelles des chalets de
commodité, avait considéré que le maire pouvait, dans le cadre de la police
de municipalité, réglementer l’affichage d’enseignes dans sa commune, dans
l’intérêt de l’esthétique.

Depuis cette date, le législateur a décliné l’objectif de sauvegarder


l’esthétique en plusieurs polices administratives spéciales, comme la police de
la protection des monuments historiques, la police de l’urbanisme…

22
Par ailleurs, la jurisprudence a admet que la police administrative
générale puisse encadrer ou interdire des activités humaines qui n’ont de
conséquences nuisibles que pour ceux qui la pratiquent.

En effet, le port de casque pour un motard et le fait de boucler sa


ceinture par un automobiliste ne sont pas à l’origine d’un trouble à l’ordre
public, c’est-à-dire ne menaçant en aucune façon la sécurité des autres
usagers de la route.

Dès lors, la protection des individus contre eux-mêmes peut être


considérée comme une composante de l’ordre public.

Section2- La distinction entre la police générale et la police


spéciale
Se poser la question de l'ordre public dans les domaines les plus divers,

consiste à examiner les fondements et les conditions d'exercice du

commandement social. C'est un primat que doivent respecter toutes les

autorités de l'Etat.

A ce niveau, une question non moins importante mérite d'être posée :

qui décide de l'ordre public et qui le formule ? Il s’agit de la police générale et

de la police spéciale (§I), dont disposent certaines autorités compétentes en

la matière (§II).

Seulement, les exigences de l’ordre public ne sont pas les mêmes en

temps normal et durant les périodes de crise. La mise en œuvre de la police

administrative durant ces périodes troublées obéit à des règles particulières

issues du texte constitutionnel. Il s’agit du régime d’exception (§III).


§I- Le diptyque police générale et police spéciale

23
Même si la police administrative forme un tout homogène, il existe une

diversité de polices générale et spéciale. Cette distinction revient en premier à

M. Hauriou.

La première a pour objet le maintien de l'ordre public au sens large (le

bon ordre, la sûreté et la salubrité) (A). La seconde, quant à elle, vise un ordre

public spécial et soumise à un régime juridique distinct (B). C’est le cas de la

réglementation particulière de la chasse ou de la pêche, des monuments et

des sites…

A- La police générale
La police administrative générale peut être présentée comme une
police de « droit commun », selon l’expression de M. Liet-veaux. Celle-ci doit
disposer des moyens de contrainte afin d’imposer aux administrés les
mesures nécessaires au rétablissement de l’ordre public. L’action de la police
administrative générale porte sur plusieurs objets correspondant à une
grande variété de mesures.

La police générale s’exerce par trois voies de procédés, à savoir, la

réglementation, les décisions individuelles, des procédés matériels et la

coercition :

Les actes de réglementation de la police :


Au Maroc comme en France, l’acte réglementaire est « la mesure de

police par excellence », note MM. Vedel et Delvolve. Il permet aux autorités

24
de police de fixer à l’avance, par des dispositions générales et impersonnelles,

les limites aux libertés des individus au nom de l’ordre public.

De ce fait, l’autorité de police peut imposer, par le pouvoir

réglementaire, des restrictions de liberté, qui sont pénalement sanctionnées.

Cette sanction pénale donne son caractère propre à cette autorité.

L’acte réglementaire de police peut être porteur d’une interdiction.

Exemple, interdiction de fumer dans les espaces publics. (Loi n° 15-91 relative

à l’interdiction de fumer et de faire la publicité et de la propagande en faveur

du tabac dans certains lieux du 29 avril 1991).

Il peut, aussi, s’en tenir pour encadrer une activité, en imposant des

limites, des règles de sécurité, des horaires. Exemple, la détention du permis

de conduire, les limitations de vitesse, des feux de signalisation…

Dès lors, la légalité de ces prescriptions est subordonnée à leur

nécessité. Autrement dit, seules les mesures strictement nécessaires au

maintien de l’ordre public peuvent être imposées aux libertés des particuliers.

Les décisions individuelles :


Les autorités de police peuvent agir par la voie d’actes individuels. Ces

décisions individuelles sont variées :

En effet, pour l’exercice de certaines activités présentant un danger

pour la sécurité, la tranquillité ou la salubrité publiques, les autorités de

25
police délivrent des autorisations exigées par la loi. Ce sont des actes

créateurs de droit.

Ces autorisations obéissent à un régime particulier dans le cadre d’une

police administrative spéciale, qui les distingue des autres décisions

administratives favorables. Par exemple, dans le cadre des foires, des cafés,

des activités commerciales, artisanales et industrielles…

Il appartient à l’autorité de la police administrative de concilier

l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre avec le respect des

libertés garanties par les lois. 

Selon l’arrêt du CE 26 août 2016, aucun trouble à l’ordre public n’a été

constaté sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet en raison du port

du burkini par certaines femmes. Le maire de Nice ne peut légalement

justifier l’arrêté litigieux par la peur des attentats terroristes notamment par

celui qui a eu lieu à cette ville le 14 juillet 2016.

Il a, ainsi, excédé ses pouvoirs de police en édictant les dispositions en

cause alors qu’il n’existe, dans cette commune, aucun risque avéré de

troubles à l’ordre public. Il ne pouvait pas non plus justifier l’arrêté litigieux

par des motifs d’hygiène ou de décence. Il s’ensuit que cet acte administratif

porte une atteinte grave et manifestement illégale à la libertés d’aller et venir,

à la liberté de conscience et à la liberté personnelle.

26
Les autorités de police peuvent décider, aussi, par des actes individuels,

d’interdire ou d’imposer des limites à certaines activités. Une décision

individuelle d’interdiction peut être fondée sur une réglementation

préexistante ou sur une loi instituant une loi spéciale et autorisant l’autorité

de police à recourir à l’interdiction. Exemple, l’interdiction d’une

manifestation ou d’une réunion.

En revanche, cette décision d’interdiction peut être prise en dehors d’un

fondement textuel, lorsque l’ordre public l’exige. Exemple, l’interdiction de la

diffusion d’un film cinématographique ou lorsqu’une autorité de police

impose une heure maximale de fermeture à un café, destruction d’un

immeuble menaçant ruine…

Les procédés matériels de la police administrative :


La police administrative ne se limite pas à l’édiction d’actes juridiques.

Sa mission comprend également la réalisation d’un certain nombre

d’opérations matérielles très variées, et ce, pour apporter à des situations de

danger la réponse exigée par le maintien de l’ordre public.

Ces opérations matérielles peuvent consister à des injonctions.

Exemple, les ordres aux manifestants de se disperser.

L’autorité de police peut empêcher par des mesures matérielles

adéquates la divagation d’animaux malfaisants tels que les chiens errants, de

27
prendre des mesures appropriées pour assurer la sécurité des baigneurs sur

une plage en instituant une zone spéciale de surveillance des bains et en

enlevant les objets décelables susceptibles de blesser les baigneurs, de

réquisitionner les moyens humains et matériels nécessaires à

l’accomplissement de sa mission.

La coercition :
L’autorité de police peut mettre en œuvre la force matérielle pour

prévenir un désordre. Cette exécution forcée trouve son champ d’application

en matière de police.

C’est ainsi que l’article 107 de la loi organique 113-14 relative aux

communes précise que «  Le président du conseil se charge d’office de

l’exécution de toutes les mesures susceptibles d’assurer la sûreté des

passages, la tranquillité, la préservation de l’hygiène publiques, ceci aux frais

et dépens des concernés par sa réalisation ou qui ont failli à cette mission ».

« Le président peut demander, le cas échéant, au gouverneur de la

préfecture ou de la province ou son représentant de requérir l’usage de la

force publique conformément à la législation en vigueur, pour assurer le

respect de ses arrêtés et des délibérations du conseil ». (Article 108 de la loi

organique 113-14 précitée).

28
Force est de constater que l’ordre public constitue un facteur de

différenciation entre police générale et police spéciale.

B- La police spéciale
En matière de police administrative spéciale, il est question d'un ordre

public dépassant celui qui est ordinairement reconnu à la police générale,

c'est un ordre public spécial.

Par exemple, la police de la chasse s’exerce en vue de prévenir la


destruction ou favoriser le repeuplement de toutes les espèces du gibier
(Dahir du 15 juin 2006 sur la police de la chasse modifié).

L'organisation du pouvoir de police est, en général, plus poussée, et

permet à l'autorité de police d'agir à l'égard d'une activité déterminée, le plus

souvent, pour atteindre un objectif particulier.

M.M Vedel et Delvolve précisent à ce sujet : « nous appellerons polices

administratives spéciales celles qui se différencient de la police administrative

générale, soit par leur régime particulier, soit parce qu'elles permettent

d'intervenir dans des matières autres que la sûreté, la tranquillité et la

salubrité ».

Certains auteurs ont pu dire à ce propos que : "la police spéciale est une

police d'exception qui n'a pour objet qu'un compartiment de l'ordre public",

(exemple, la police économique, la police de la pêche).

29
Les polices spéciales se différencient des polices générales à un triple
point de vue : les autorités qui en sont titulaires, le régime juridique auquel
elles obéissent ou le but en vue duquel elles s’exercent :

La police administrative est dite spéciale car elle et confiée à une


autorité administrative ne disposant pas de compétence de police
administrative générale, en particulier les ministres.

La police administrative est dite, aussi, spéciale parce qu’elle obéit à un


régime juridique distinct de celui de la police générale qui peut prévoir, de ce
fait, des règles de procédures particulières, visant à protéger les droits des
destinataires des mesures prises sur leur fondement.

Les polices spéciales peuvent se voir confier des textes qui les instituent
des buts extrêmement divers qui excèdent l’ordre public général. Elles n’ont
pas de régime commun : chacune est régie par le texte qui la fonde.

Alors que la police générale ne peut être exercée que dans un but
d’ordre public général, la police spéciale est une activité matérielle de
l’administration qui tend à protéger un ordre social stricto sensu.

Mais, « même si le domaine de la police générale est très étendu en


surface, il est restreint en profondeur », au sens de M. Leroy dans sa Thèse de
1938 sur le concours des polices générales et des polices spéciales.

Dans ce cas, la police spéciale est présentée comme un renforcement de


la police générale dans un domaine considéré. Exemple, la police des édifices
menaçant ruine protège la sécurité publique.

Force est de constater que ces deux polices sont exercées, aussi bien,
par les autorités de police administrative générale que spéciale.

§II- Les autorités compétentes en matière de police


administrative et spéciale
La détermination des autorités de police administrative spéciale ne
pose en principe aucune difficulté, dans la mesure où les textes qui les
instituent désignent l’autorité ou les autorités compétentes pour l’exercer.

30
Ce pouvoir de police ne permet à l’autorité d’agir qu’à l’égard d’une
activité déterminée, le plus souvent pour atteindre un objectif particulier.

Exemple, la police des carrières (loi du 9 juin 2015), la police de


l’environnement organisée par le décret du 19 mai 2015 (loi cadre 99-12 du 6
mars 2014 portant charte de l’environnement), la police de la chasse et de la
pêche (Dahirs du 21 juillet 1923 et du 11 avril 1922), la police des
établissements industriels insalubres, incommodes ou dangereux (Dahir du 28
août 1914 et 13 octobre 1933).

Au Maroc, la police générale se présente sous forme de deux


ensembles, l'un au niveau national (A), l'autre au niveau territorial (B).

Toutefois, cette diversité des autorités de police a pour conséquence


certains conflits entre les multiples décisions qu’elles ont pris. Ces conflits
sont désignés sous le nom de concours des pouvoirs de police (C).

A- Les autorités compétentes au niveau national


Le pouvoir de police administrative générale appartient au chef du

gouvernement du fait que le pouvoir réglementaire lui est expressément

attribué par l’article 90 de la constitution de 2011.

L’article 89 dispose, aussi, que le gouvernement exerce le pouvoir

exécutif sous l’autorité du chef du gouvernement et assure l’exécution des

lois. Il lui appartient, de ce fait, de faire respecter l’ordre public sur l’ensemble

du territoire national.

Mais, l'article 64 de cette constitution permet au chef de gouvernement

de déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. Ceux-ci sont

éventuellement habilités à intervenir en matière de police.

31
Le ministre de l’intérieur n’est pas une autorité de police. Etant le

supérieur hiérarchique de l’ensemble de ces autorités, il peut donner des

directives guidant leur intervention (la Direction Générale de la Sureté

Nationale est une direction rattaché au Ministère de l’intérieur).

B- Les autorités de police compétentes sur le plan local


Les autorités de police, au niveau local, sont nombreuses :

-Les attributions des agents d’autorités en matière de police


administrative :
L’article 145 de la constitution de 2011 stipule dans son alinéa 2 que

« dans les collectivités territoriales, les walis de région et les gouverneurs des

provinces et préfectures représentent le pouvoir central. Au nom du

gouvernement, ils assurent l’application des lois, mettent en œuvre les

règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle

administratif… ».

De même que l'article 3 du Dahir du 15-02-1977 relatif aux attributions

du gouverneur dispose que « le gouverneur est chargé du maintien de l'ordre

public dans la préfecture ou la province. Il  peut utiliser les forces auxiliaires,

les forces de police et faire appel à la Gendarmerie Royale et aux Forces

Armées Royales dans les conditions prévues par  la  loi.

32
Il dirige, notamment, sous l'autorité du ministre de l'intérieur, les

activités des chefs de cercle et des chefs de circonscription urbaine et rurale

(pacha et caïd) ».

De son côté, l'article 31 du Dahir du 1er mars 1963 portant statut des

administrateurs du Ministère de l'Intérieur confie aux chefs de cercle le

maintien de l'ordre, la sécurité et la tranquillité publique dans leur ressort

territorial…

L’agent d’autorité, c’est-à-dire les pachas, les caïds et les gouverneurs

dans les municipalités chef-lieu de province et de préfecture sont investis des

polices en vertu du Dahir du 23 juin 1960.

L’article 110 de la loi organique 113-14 relative aux communes dispose

que « Le président du conseil communal exerce les compétences de la police

administrative communale, à l'exception des matières suivantes qui sont

dévolues, en vertu de la présente loi organique, au gouverneur de la

préfecture ou de la province ou son intérimaire :

- Le maintien de l'ordre et de la sécurité publics sur le territoire

communal ;

- La constitution des associations, les rassemblements publics et la

presse ;

- Les élections et les referendums;

33
- Les syndicats professionnels ;

- La législation du travail, notamment les conflits sociaux ;

- Les professions libérales et les permis de confiance des conducteurs de

taxis ;

- Le contrôle de l'occupation du domaine public communal ;

- La réglementation et le contrôle de l'importation, la circulation, le

port, le dépôt, la vente et l'emploi des armes, des munitions et des explosifs ;

- Le contrôle du contenu de la publicité par affiches,

panneaux-réclames et enseignes ;

- La police de la chasse ;

- Les passeports ;

- Le contrôle des prix ;

- La réglementation du commerce des boissons alcooliques ou

alcoolisées ;

- Le contrôle des disques et autres enregistrements audiovisuels ;

- La réquisition des personnes et des biens ;

- L'organisation générale du pays en temps de guerre ».

-Les attributions des Collectivités Territoriales  en matière


de police administrative :
34
L’article 140 de la constitution de 2011 affirme que « sur la base du

principe de subsidiarité, les Collectivités Territoriales ont des compétences

propres, des compétences partagées avec l’Etat et celles qui leur sont

transférables par ce dernier.

Les régions et les autres Collectivités Territoriales disposent, dans leurs

domaines de compétences respectifs et dans leur ressort territorial, d’un

pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs attributions ».

Au niveau des régions :


Les régions disposent des attributions en matière de la police

administrative. C’est ainsi que l’article 102 dispose qu’ « En application des

dispositions du deuxième alinéa de l’article 140 de la constitution, le

président du conseil de la région exerce, après délibérations du conseil, le

pouvoir réglementaire à travers des arrêtés publiés dans le Bulletin officiel

des Collectivités Territoriales…».

Au niveau des provinces et des préfectures :


En vertu de l’article 96 de la loi organique 112-14 relative aux provinces

et aux préfectures, le président du conseil de la préfecture ou de la province

exerce, après délibération du conseil, le pouvoir réglementaire à travers des

arrêtés publiés au Bulletin Officiel des Collectivités Territoriales. De ce fait, Ce

35
président est doté du pouvoir de la police administrative, et ce,

conformément à cette loi organique.

Au niveau des communes :


L’article 95 de la loi organique 113-14 relative aux communes précise

qu’« En application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 140 de la

constitution, le président du conseil de la commune exerce, après

délibérations du conseil, le pouvoir réglementaire à travers des arrêtés

publiés dans le « Bulletin officiel » des Collectivités Territoriales,

conformément aux dispositions de l'article 277 de la présente loi organique ».

A l’exception de des matières dévolues au gouverneur de la préfecture

ou de la province, le président du conseil de la commune exerce également,

en vertu de l’article 100 de ladite loi organique, la police administrative, par

voie d'arrêtés réglementaires et de mesures de police individuelles, portant

autorisation, injonction ou interdiction, dans les domaines de l'hygiène, la

salubrité, la tranquillité publique et la sûreté des passages. II exerce

notamment les attributions suivantes :

- Délivre les autorisations d'occupation du domaine public sans

emprises conformément aux conditions et procédures prescrites par les lois et

règlements en vigueur ;

36
- Veille au respect des conditions d'hygiène des habitations et de la

voirie, à l'assainissement des égouts et à la répression de l'entreposage

d'ordures en milieu habite et à leur élimination ;

- Contrôle les édifices abandonnés, désertes ou menaçant ruine et

prend les mesures nécessaires à cet effet par des arrêtés individuels ou

réglementaires et ce, dans la limite de ses attributions et en conformité avec

les lois et les règlements en vigueur ;

- Contribue à la sauvegarde et à la protection des sites naturels et du

patrimoine historique et culturel en prenant les mesures nécessaires à cet

effet conformément aux lois et règlements en vigueur ;

- Délivre les autorisations d'exploitation des établissements insalubres,

incommodes ou dangereux relevant de ses attributions et en assure le

contrôle conformément aux lois et règlements en vigueur ;

- Organise et participe au contrôle des activités commerciales,

artisanales et industrielles non règlementées susceptibles de porter atteinte à

l'hygiène, la salubrité, la sûreté des passages et la tranquillité publique ou

néfastes pour l’environnement ;

- Contrôle les magasins de droguistes, épiciers, coiffeurs, parfumeurs, et

généralement tous les lieux ou peuvent être fabriques, entreposes ou mis en

vente des produits dangereux ;

37
- Veille au respect des normes d'hygiène et de salubrité des lieux

ouverts au public, notamment les restaurants, cafés, salles de jeux, salles de

spectacles, théâtres, lieux de baignade et tous les autres lieux ouverts au

public et fixe leurs horaires d'ouverture et de clôture ;

- Prend les mesures nécessaires à la sûreté des passages dans les voies à

usage public, à leur nettoiement, éclairage et enlèvement des

encombrements, à la démolition ou réparation des édifices menaçant ruine, à

l'interdiction d'exposer aux fenêtres et autres parties des édifices ou de jeter

sur la voie publique tous les objets dont le jet peut être dangereux pour les

passants ou causer des exhalations nuisibles ;

- Organise la circulation, le roulage et le stationnement sur les voies

publiques et assure la commodité du passage dans lesdites voies ;

- Participe au contrôle de la qualité des aliments, boissons et

condiments exposes a la vente ou à la consommation publique ;

- Veille à la salubrité des cours d'eau et de l'eau potable et assure la

protection et le contrôle des points d'eau destinés à la consommation

publique et des eaux de baignade ;

- Prend les mesures nécessaires pour prévenir ou lutter contre les

maladies endémiques ou dangereuses, conformément aux lois et règlements

en vigueur ;

38
- Prend les mesures propres à assurer la tranquillité publique, en

particulier dans les lieux publics ou se font des rassemblements de personnes

tels que foires, marchés, salles de spectacles ou de jeux, terrains de sports,

cafés, piscines, plages ... ;

- Prend les mesures nécessaires pour empêcher la divagation des

animaux malfaisants et nuisibles, contrôle les animaux domestiques et

procède aux opérations de ramassage des chiens errants et de lutte contre la

rage et toute autre maladie menaçant les animaux domestiques,

conformément aux lois et règlements en vigueur ;

- Organise et contrôle les gares et stations de cars de voyageurs,

d'autobus, de taxis et de véhicules de transport de marchandises ainsi que

tous les parcs de stationnement des véhicules ;

- Prend des arrêtes réglementaires, dans le cadre du pouvoir

réglementaire prévu à l'article 95 ci-dessus, pour organiser les conditions de

stationnement payant des véhicules sur les voies et places publiques et sur les

lieux réservés à cet effet par la commune ;

- Prend les mesures nécessaires à la prévention des incendies, des

sinistres, des inondations et toutes autres calamites publiques ; -

Réglemente l'usage du feu en vue de prévenir les incendies menaçant les

39
habitations, les plantations et les cultures, conformément à la législation et la

réglementation en vigueur ;

- Réglemente et organise la signalisation des voies publiques à

l'intérieur du territoire communal ;

- Organise et contrôle l'implantation et l'exploitation du mobilier urbain

publicitaire : panneaux-réclames, enseignes sur la voie publique, sur ses

dépendances et ses annexes ;

- Organise l'exploitation des carrières dans la limite des dispositions

législatives et réglementaires en vigueur et veille à l'application de la

législation et la réglementation dans ce domaine ;

- Assure la protection des plantations et végétaux contre les parasites et

le bétail, conformément aux lois et règlements en vigueur ;

- Exerce la police des funérailles et des cimetières, prend les mesures

d'urgence pour que toute personne décédée soit inhumée décemment,

organise le service public de transport de corps et contrôle les inhumations et

les exhumations, selon les modalités fixées par les lois et règlements en

vigueur ».

En outre, l’article 101 de cette loi organique ajoute que « le président

du conseil de la commune exerce dans le domaine de l'urbanisme les missions

suivantes :

40
- Veille à l'application des lois et règlements d'urbanisme

conformément aux lois et règlements en vigueur et au respect des

prescriptions des schémas d'aménagement du territoire et des documents

d'urbanisme ;

- Délivre les autorisations de construction, de lotissement, de

morcellement et de création des groupements d'habitations. Le président est

tenu Ii cet effet, sous peine de nullité, de se conformer avec tous les avis

obligatoires prévus par la législation en vigueur et notamment celui de

l'agence urbaine concernée ;

- Délivre les permis d'habiter et les certificats de conformité

conformément aux lois et règlements en vigueur et ce, sous réserve des

dispositions de l'article 237 de la présente loi organique ».

Le président du conseil d’arrondissement peut présenter des

propositions sur toutes les questions intéressant l’arrondissement, entre

autres, les mesures à prendre pour préserver l’hygiène et la salubrité

publiques, les dénominations des voies et places publiques… », (Article 235

de la loi organique 113-14 précitée relative aux communes).

L’article 236 de la loi organique 113-14 précitée relative aux communes

ajoute que « Le président du conseil d'arrondissement exerce également des

attributions dans le domaine des mesures individuelles relatives à la police

41
administrative, à l’intérieur des limites de l’arrondissement dans les domaines

de la réception des déclarations relatives à l'exercice des activités

commerciales et artisanales non réglementés, la réception des déclarations

relatives à l'ouverture des établissements insalubres, incommodes ou

dangereux classés conformément à la législation en vigueur, en troisième

catégorie.

Le président du conseil de la commune peut, en outre, déléguer au

président d'arrondissement, certaines de ses attributions relatives aux

mesures individuelles de police administrative… ».

Le président du conseil d'arrondissement, ou ses vice- présidents sur

délégation du président, sont compétents, dans le ressort territorial de

l'arrondissement, en matière… d'octroi des permis de construire, des permis

d'habiter et des certificats de conformité concernant les petits projets prévus

dans le règlement général de construction. Le président doit, sous peine de

nul lite, se conformer, Ii cet effet, avec tous les avis obligatoires prévus par la

législation en vigueur, notamment celui de l'agence urbaine concernée.

(Article 237 de ladite loi organique 113-14 précitée).

Selon l’article 111 de ladite loi organique 113-14, le gouverneur de la

préfecture de Rabat exerce les pouvoirs de la police dans un certain nombre

42
de domaines dans un ressort territorial déterminé par décret pris sur

proposition du ministre de l’intérieur.

De même que les attributions attribuées par les présidents des conseils

communaux sont exercées par le pacha dans les communes de Méchouar

(article 113 de la loi organique relative aux communes).

C- Le concours des pouvoirs de police


S’agissant des autorités de police générale, elles exercent dans des
circonscriptions géographiques différentes, territoire national, provinces et
préfectures, cercles, communes. Ces pouvoirs relèvent des autorités
hiérarchisées.

En effet, le chef du gouvernement est seul juge des impératifs de l’ordre


public sur l’ensemble du territoire national, mais, cela ne peut pas être
suffisant pour assurer cet ordre.

Dans ce sens, l’autorité locale de police dispose de la liberté d’accroitre


les prescriptions de police pour faire face aux exigences particulières de
l’ordre public dans la circonscription. Exemple, la réglementation de la
circulation localement plus sévère.

En ce qui concerne le concours des autorités de police spéciale, le


principe est le même que celui qui permet de résoudre les difficultés nées du
concours des autorités de police générale.

En effet, certaines interférences peuvent naître dans certains cas, tels


que celui de la police des monuments historiques et des sites, de la police de
l’urbanisme et de l’hygiène.

Par ailleurs, même si les textes attribuent des compétences à des


autorités de police spéciale expressément désignés, les autorités de police
43
générale ne peuvent, en aucun cas, exercer leur compétence. Exemple, elles
ne peuvent pas agir dans le domaine des chemins de fer attribué au ministre
chargé des transports.

Certes, Il peut y avoir concours des autorités de police générale et des


autorités de police spéciale, notamment lorsqu’il est question de
compromettre l’ordre public.

En effet, un film dont le visa est accordé par l’autorité compétente en


matière de police cinématographique permet son exploitation sur l’ensemble
du territoire national. Mais, sa projection peut être interdite par le
gouverneur s’il est de nature à porter atteinte à l’ordre public.

§III-Les régimes exceptionnels en matière de police 


Le Roi peut exercer en vertu de l’article 42, alinéa 3 des compétences

dans le domaine de la police.

Le Roi peut exercer le pouvoir de police soit par le biais de la présidence

du conseil des ministres ou à travers la mise en œuvre de l'état d'exception en

vertu de l'article 59 de la constitution précitée de 2011 (la théorie des

pouvoirs exceptionnels).

Dans le même sens, l’état de siège peut être déclaré par Dahir

contresigné par le chef du gouvernement pour une durée de 30 jours

prorogée par la loi. Le but est le transfert aux autorités militaires des pouvoirs

détenus par les autorités civiles en matière du maintien de l’ordre public et de

la paix publics.

44
Ce sont les juridictions militaires qui sont compétentes pour juger les

auteurs d’infractions contre la sureté intérieure et extérieure de l’Etat ou qui

mettent en péril la défense nationale (loi du 10 décembre 2014).

De même que les autorités militaires reçoivent compétence pour

opérer des perquisitions, de jour comme de nuit, pour ordonner la remise des

armes et les rechercher, saisir les publications ou interdire les réunions qui

sont de nature à causer les désordres.

En somme, comme toute l’action de l’administration, l’exercice du


pouvoir de police est soumis au principe de légalité et au contrôle
juridictionnel.

La police administrative s’exerce par voie de prescriptions générales ou


individuelles, alors que la seconde modalité de l’action administrative qui est
le service public prend la forme de gestion.

Chapitre 2ème-Le service public


Le service public constitue une notion centrale du droit administratif
marocain. Il constitue une forme de l’action administrative. Il est mentionné
dans certains articles de la constitution de 2011.

Le service public est définit comme une activité assumée par une
collectivité publique en vue de donner satisfaction à un besoin d’intérêt
général.

Certes, cette collectivité ne peut pas assumer nécessairement l’activité


elle-même directement car l’exécution du service public peut être confiée à

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un organisme privé. Autrement dit, le service public est une activité d’intérêt
général assurée par une collectivité publique ou privée.

M. BRAIBANT présente à ce sujet une définition en affirmant « …on se


trouve en présence d’un service public lorsqu’il existe une mission d’intérêt
général assurée par une personne publique, soit lorsqu’il existe une mission
d’intérêt général confiée à une personne privée qui est à cette fin dotée de
prérogatives et soumises à des obligations ».

La mission du service public est une notion dégagée par la


jurisprudence du Conseil d’Etat dans la première moitié du 19ème siècle.

La constitution de 2011 n’a pas donné une définition précise au service


public, mais elle a utilisé l’expression générique de ce service (Section 1ère).
Elle dispose, de ce fait, dans son article 155 que : « Les agents des services
publics exercent leurs fonctions selon les principes de respect de la loi, de
neutralité, de transparence, de probité, et d’intérêt général ».

L’article 154 de la constitution de 2011 sus-indiquée stipule que « Les


services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et
des citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la
continuité des prestations. Ils sont soumis aux normes de qualité, de
transparence, de reddition des comptes et de responsabilité, et sont régis par
les principes et valeurs démocratiques consacrés par la constitution ». Ce sont
les principes fondamentaux qui gouvernent le service (section 2ème).

Section 1ère- L’acception du service public


Par service public, doctrine et jurisprudence entendent deux réalités
différentes. Une définition matérielle (§1) et organique (§2).

§1-Le service public : Une activité d’intérêt général 


Le service public assure la réalisation d’une mission d’intérêt général.
De ce fait, il répond aux besoins généraux de la collectivité. Cet élément
matériel est une condition sine qua non du service public.

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Cette activité doit être rattachée directement ou indirectement à une
personne publique. Certains auteurs avancent, à ce propos, que «la
satisfaction de l’intérêt général est la fin exclusive du service public ».

La reconnaissance du caractère d’activité de service public se base sur


quelques critères :

Elle repose avant tout sur l’intervention d’une collectivité publique,


c’est-à-dire l’Etat ou une Collectivité Locale. Une activité de service public.

Une activité exercée par une personne morale de droit privé, quant à
elle, revêt un caractère de service public si elle est exercée sous le contrôle et
la direction d’une personne publique, qui lui impose, à cet effet, des
contraintes de service public (exemple, l’expropriation, la taxation des prix…).

A l’inverse, s’il n’existe pas de lien entre une collectivité publique et une
entreprise privée, celle-ci ne pourra pas prétendre exercer une activité de
service public.

Les activités de service public peuvent être classées en trois grandes


catégories :

Il en est d’abord des grandes fonctions Etatiques dont l’Etat s’est assuré
le monopole notamment la défense du territoire, la fiscalité, la justice,…

Ensuite, il s’agit des fonctions qui découlent d’une sorte d’impératif de


solidarité nationale, telles que l’assistance, la lutte contre les calamités, …

Enfin, il est question des fonctions nécessaires à la satisfaction des


besoins élémentaires de la vie sociale : hygiène, communication,
enseignement, ...

Ces activités sont limitées, puisque n’est intérêt général que ce qui est
indispensable à la vie sociale.

§2-La conception organique du service public 


Au sens formel, le service public désigne un ensemble organisé de
moyens matériels et humains mis en œuvre par l’Etat ou une autre

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collectivité publique, en vue de l’exécution de ses tâches. Dans cette
acception, les termes de service public sont synonymes d’Administration.

Dès lors, l’expression service public est employée pour désigner non
plus une activité, une tâche mais une organisation, à savoir l’appareil
administratif du service, l’organisme qui le gère.

Par ailleurs, le service public n’a pas un régime uniforme dans la mesure
où la nature de l’activité gérée par ce service diffère. (Exemple,
l’enseignement, le transport…). C’est l’ensemble de procédés dérogatoires au
droit commun. « Dire d’une activité qu’elle est un service public, c’est dire
qu’elle est soumise au régime du service public », écrit M. Chenot.

De même qu’il existe un nombre de principes et de règles qui régissent


les services publics.

Section 2ème-Les principes fondamentaux du service public


Toutes les activités du service public, exercées par des personnes
publiques ou par des organismes de droit privé, sont dominées par certains
grands principes spécifiques.

Ces principes expriment significativement l’essence même du régime de


service public et gouvernent l’ensemble de ces activités.

Connues sous le nom de « lois de Rolland » et systématisées dans la


période de l’entre-deux guerres par le juriste M. Rolland, ces règles sont les
véritables lois au sens où Montesquieu les entendait dans son ouvrage
célèbre de « l’esprit des lois ».

Ces règles générales communes à tous les services publics se rattachent


aux trois idées de continuité (§1), d’égalité (§2) et d’adaptabilité (§3) aux
circonstances nouvelles.

§1- La continuité du service public


Par définition, le service public répond à un besoin d’intérêt général. Or
sa satisfaction ne peut être discontinue. Toute interruption risque d’entrainer
des troubles les plus graves dans la société.

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Ce principe est fondamental dans la mesure où il est associé aux
exigences de sécurité du service public (A). Mais, certaines atténuations
limitent sa portée (B).

A- Le principe de continuité du service public


Le principe de continuité du service public doit fonctionner de manière
ininterrompue quelles que soient les difficultés rencontrées (difficultés
financières, détérioration du matériel…).

Ces difficultés ne représentent aucun argument valable pour


interrompre le fonctionnement du service. De ce fait, l’administration est
tenue de réorganiser le service. Par exemple, la fermeture d’une ligne de
transport, dont l’exploitation est déficitaire, n’est justifiée qu’à condition que
soient mis à la disposition des usagers des moyens de transport de
remplacement.

B- Les atténuations au principe de continuité de service


public
L’obligation de continuité du service public peut disparaître en cas de
force majeure qui comprend, entres autres, les guerres, les tremblements de
terre, les tempêtes, les inondations et les actions revendicatives….

Le principe de continuité a des incidences directes sur les agents du


service public. La pratique qui méconnaît la continuité est constituée par
l’absentéisme.

La démission est aussi une conséquence du principe de la continuité. Le


fonctionnaire ne peut démissionner que si sa démission est acceptée. Ce qui
laisse à l’autorité hiérarchique la possibilité d’éviter une interruption en le
remplaçant. Si non, il est question d’un abandon de poste.

La question délicate s’articule à propos du droit de grève. Pour certaines


activités dont la fourniture est indispensable, des restrictions doivent être
apportées au droit de grève. Même reconnu par la constitution, ce droit est
difficile à concilier avec le principe de continuité.

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En effet, la constitution de 2011 dispose dans son article 29 que : « …Le
droit de grève est garanti. Une loi organique fixe les conditions et les
modalités de son exercice ».

Il ressort de ces termes, que la reconnaissance de la grève est ferme par


le législateur. Ce droit est garanti, mais doit être réglementé. Or, la
réglementation peut déboucher sur une interdiction, comme il est le cas pour
le personnel chargé de l’ordre public et de la sécurité.

Ce qui a abouti à la définition d’obligations de service minimum. Ce sont


des fournitures nécessaires à la vie sociale et ne peuvent en aucun cas être
interrompues.

Le refus de faire fonctionner le service peut être contesté devant le juge


de l’excès de pouvoir. L’administration est contrainte d’agir. Si elle n’agit pas
ou agit mal, elle entraîne sa responsabilité.

§2-Le principe d’égalité des usagers devant le service public


Dès qu’un particulier remplit les conditions légales, il a droit d’obtenir
les prestations que le service lui fournit, sans aucun avantage particulier (A).
Mais, ce principe peut être aménagé en pratique, d’où une différenciation
entre les usagers (B).

A- La portée du principe d’égalité du service public


L’article 31 de la constitution de 2011 précise que « L’Etat, les
Etablissements publics et les Collectivités Territoriales œuvrent à la
mobilisation de tous les moyens disponibles pour faciliter l’égal accès des
citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits :

aux soins de santé, à la protection sociale, à la couverture médicale et à


la solidarité mutualiste ou organisée par l’Etat, à une éducation moderne,
accessible et de qualité, à l’éducation sur l’attachement à l’identité marocaine
et aux constantes nationales immuables, à la formation professionnelle et à
l’éducation physique et artistique, à un logement décent, au travail et à
l’appui des pouvoirs publics en matière de recherche d’emploi ou
d’auto-emploi, à l’accès à l’eau et un environnement sain et au
développement durable ».

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Il ressort de cet article que le service public ne vise un intérêt général
que lorsque l’opérateur est dans l’obligation d’assurer une mission au profit
de tous les usagers, à des tarifs uniformes et à des conditions de qualité
similaires, sans égard aux situations particulières et au degré de rentabilité
économique de chaque opération individuelle.

Le service public doit présenter toutes les garanties de neutralité et


écarter tout signe de favoritisme et de discrimination à l’égard d’un individu
ou d’une certaine catégorie d’usagers. Seulement, ces usagers doivent se
trouver dans des situations objectives analogues.

B- Les pratiques possibles de différenciation :


En matière tarifaire, Il est possible de tenir compte des différences de
situations des usagers par rapport au service. Ces pratiques de différenciation
sont possibles.

Elles sont basées sur l’importance de l’usager ou la détermination de


catégories différentes d’usagers. Ces catégories sont définies par le juge
administratif comme des « situations identiques » ou des « situations
comparables ».

Dans l’affaire Syndicat National Professionnel des Agents d’Assurance


du 3 juillet 1968, la Cour Suprême affirme « … Attendu que le principe
d’égalité des citoyens devant les charges publiques n’est applicable qu’à des
personnes se trouvant dans des situations identiques. Que l’administration a
le droit d’instaurer des régimes différents pour des catégories de personnes et
d’activités différentes sans pour cela violer le principe d’égalité ».

§3-Le principe d’adaptation au service public 


Le principe d’adaptation du service public est mentionné par la doctrine
sous des appellations diverses : adaptation, évolution, fonctionnement
efficace, mutabilité.

Le service public doit toujours être adapté et s’adapter aux


changements d’exigence de l’intérêt général, aux circonstances, au progrès
technique, à la modernisation des méthodes, aux contraintes financières,
suite aux demandes de ses utilisateurs,…

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Le principe d’adaptation, dit encore de flexibilité, exige que
l’administration puisse mettre fin à tout moment au fonctionnement du
service lorsqu’elle l’estime nécessaire. C’est ainsi que les clauses des contrats
peuvent être modifiées unilatéralement par l’administration pour tenir
compte des besoins du service. Mais, dans ce cas, cette modification ouvre
droit à une contrepartie pécuniaire (théorie du fait du prince).

Les usagers et les agents du service public n’ont pas de droit acquis au
maintien du statut en vigueur au moment où ils sont entrés en relation avec
le service. Les hausses des tarifs peuvent être applicables aux usagers.

De leur côté, les agents peuvent subir tous les changements apportés à
leur statut. A la limite, Ils peuvent être licenciés en cas de suppression ou de
réorganisation de service public faisant disparaître leur emploi.

L’important est que le principe de mutabilité, de plasticité permet au


cocontractant de modifier les conditions d’exécution du contrat (conditions
d’accès, horaires d’ouverture, structures de la prestation, tarifs, …), mais non
l’objet du contrat. C’est veiller à l’amélioration du service public et contribuer
à sa régularité.

C’est ainsi que l’article 156 de la constitution précitée de 2011


dispose que « les services publics sont à l’écoute de leurs usagers et assurent
le suivi de leurs observations, propositions et doléances… ».

Par ailleurs, il existe plusieurs catégories des services publics, il est


question des Services Publics Administratifs (SPA) et des Services Industriels
et Commerciaux (SPIC) :

Les SPA se caractérisent par le fait qu’ils ne se livrent à aucune activité


industrielle et commerciale en vue d’obtenir un profit. Ils relèvent de la
compétence administrative et sont soumis à un régime de droit administratif
et par voie de conséquence font l’objet d’une gestion publique.

Les SPIC sont soumis au droit des activités commerciales, c’est-à-dire le


droit commun et à un régime de gestion privée. Mais, si certains SPIC font de
larges bénéfices, leur but principal ne peut être que la satisfaction de l’intérêt
général par le biais d’une activité commerciale.

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C’est dire que l’interventionnisme a conduit l’Etat à développer des
activités de même nature : des SPIC, puis des services sociaux. Elles relèvent,
par leur objet, du droit privé, civil et commercial et de la compétence
judiciaire.

En somme, le service public n’appelle pas nécessairement, pour sa


gestion, le droit administratif. Il utilise, selon sa nature et son objet, à la fois
les procédés de la gestion privée et ceux de la gestion publique.

Ces deux procédés juridiques classiques utilisés par l’administration


sont l’acte unilatéral et le contrat.

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