Syndrome de Gougerot-Sjögren
Syndrome de Gougerot-Sjögren
Syndrome de Gougerot-Sjögren
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Syndrome de Gougerot-Sjögren
Encyclopédie Pratique de Médecine
PY Hatron
L e syndrome de Gougerot-Sjögren est une exocrinopathie auto-immune caractérisée par l’association d’une
kératoconjonctivite sèche, d’une xérostomie, et de manifestations systémiques de nature immuno-
inflammatoire.
© Elsevier, Paris.
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La maladie peut survenir à tout âge, mais c’est le plus
Introduction souvent vers 45 ans qu’apparaissent les premiers
symptômes. Elle débute en règle de façon très
insidieuse, souvent de façon monosymptomatique,
Le syndrome sec est la conséquence d’une ce qui conduit à un retard diagnostique qui a été
infiltration par des lymphocytes et des plasmocytes estimé à au moins 8 années [5].
de la plupart des glandes exocrines, affectant
principalement les glandes lacrymales et salivaires, ‚ Circonstances de découverte
responsable d’altérations progressives du
Dans les cas les plus simples, l’attention est
parenchyme glandulaire.
d’emblée attirée vers les glandes exocrines : c’est la
Il faut d’emblée opposer le syndrome de
constitution progressive d’une sécheresse oculaire
Gougerot-Sjögren primitif du syndrome de
et/ou buccale. Il peut s’agir également d’épisodes de
Gougerot-Sjögren secondaire : il s’agit en effet
tuméfactions des glandes salivaires principales ou
probablement de deux maladies différentes
plus rarement des glandes lacrymales.
distinctes par des éléments cliniques, biologiques et
Le début extraglandulaire de la maladie est
immunogénétiques. Dans le syndrome de
beaucoup plus trompeur, et concerne au moins un
Gougerot-Sjögren secondaire, le syndrome sec est
quart des cas. Il peut s’agir d’une polyarthrite non
associé à une autre connectivite achevée et, en
érosive, d’un phénomène de Raynaud d’apparition
pratique, il est souvent au second plan de la
tardive, ou encore de signes de vascularite avec
symptomatologie, derrière les manifestations de la 1 Tuméfaction parotidienne
purpura vasculaire et parfois polyneuropathie. Ces
connectivite principale. Pour autant, le syndrome de
manifestations systémiques peuvent précéder de
Gougerot-Sjögren primitif ne se limite pas à un
plusieurs années les premiers signes fonctionnels de douloureuses. Ces épisodes de fluxion glandulaire
syndrome sec isolé : il s’associe le plus souvent à des
syndrome sec, source de retard diagnostique. sont un témoin d’évolutivité de la maladie.
manifestations « extraglandulaires », parfois graves,
La maladie est parfois totalement latente, et c’est L’expression clinique du syndrome sec prédomine
susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital,
la découverte fortuite d’anomalies biologiques qui au niveau buccal et ophtalmique, cependant
justifiant d’un traitement spécifique et qui font de lui
peut conduire au diagnostic : c’est le cas d’une l’ensemble des glandes exocrines peut être atteint,
une véritable connectivite autonome.
élévation de la vitesse de sédimentation secondaire souvent de façon latente. Ce syndrome sec est
à une hypergammaglobulinémie polyclonale. historiquement le maître-symptôme de la maladie,
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Syndrome de Gougerot-Sjögren
primitif
des glandes salivaires principales (fig 1) : parotide Le patient se plaint d’une sensation de corps
connectivite la plus fréquente après la polyarthrite et/ou sous maxillaire, plus rarement des glandes étranger et de sable intra-oculaire, puis de
rhumatoïde. lacrymales. Ces tuméfactions peuvent être photophobie, de brûlures ophtalmiques. Parfois il
La prépondérance féminine de la maladie est chroniques, ou au contraire évoluer par poussées décrit une baisse de l’acuité visuelle avec une
nette avec un sex-ratio de 9 femmes pour 1 homme. successives. Elles sont parfois très volumineuses et sensation de voile devant les yeux.
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2 Xérostomie
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Indication de la corticothérapie
Syndrome de Gougerot-Sjögren Traitements
secondaire Une corticothérapie à dose dégressive est parfois
nécessaire en cas de tuméfaction volumineuse
récidivante et douloureuse des glandes salivaires. La
Le syndrome de Gougerot-Sjögren peut être
corticothérapie est également indiquée au cours des
associé à diverses connectivites ou maladies ‚ Traitement symptomatique
auto-immunes d’organe (tableau III). La fréquence manifestations extraglandulaires graves : vascula-
du syndrome sec
réelle du syndrome de Gougerot-Sjögren au cours de rite, pneumopathie interstitielle, néphropathie
ces différentes connectivites est très diversement symptomatique.
Les traitements locaux par larmes artificielles
appréciée en fonction des critères diagnostiques En cas de vascularite grave liée à une cryo-
(solution de méthylcellulose à 0,5 ou 1 %), par
retenus. Par exemple, au cours de la sclérodermie, le globulinémie mixte, des protocoles thérapeutiques
implants solubles (Lacrisertt) sont toujours indiqués
syndrome sec est un symptôme propre de la associant corticothérapie-échanges plasmatiques,
en cas de xérophtalmie symptomatique. Dans les
maladie lié à la fibrose des glandes salivaires. immunosuppresseurs (cyclophosphamide) sont
formes plus sévères, l’obturation des points
L’association à un authentique syndrome de indiqués. Les immunosuppresseurs ne sont utilisés
lacrymaux par la pose de clous méatiques améliore
Gougerot-Sjögren est beaucoup plus rare. cependant qu’en cas d’absolue nécessité, car ils
plus d’une fois sur deux les patients.
risquent de favoriser la survenue d’un lymphome.
La xérostomie est plus difficile à traiter : des
Tableau III. – Connectivites et maladies auto- substituts salivaires en spray ont été commercialisés
immunes associées au syndrome de (Artisialt), les bonbons acidulés ou les chewing-gums
Gougerot-Sjögren.
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à la condition qu’ils soient sans sucre peuvent être
Connectivites conseillés. L’hygiène dentaire est de première Conclusion
— polyarthrite rhumatoïde importance.
— lupus érythémateux disséminé (avec anti- Il faut bien sûr contre-indiquer toute drogue à
SSa/Ro)
action atropinique ou parasympathicolytique.
— sclérodermie Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une
— syndrome de Sharp Les médicaments secrétagogues sont d’efficacité
connectivite fréquente de diagnostic souvent difficile
— dermatomyosite (rare) inconstante et limitée : Sulfarlem S25t, teinture de
par le caractère insidieux de ses manifestations, et sa
Maladies auto-immunes Jaborandi (comportant de la pilocarpine) à la dose
lente évolutivité. Ses complications sont cependant
— cirrhose biliaire primitive de trois fois 10 à trois fois 30 gouttes/j. La
parfois redoutables. Le rôle du médecin est d’abord
— hépatites chroniques actives bromhexine (Bisolvont) a également été proposée à
— thyropathie auto-immune de tenter de soulager les patients de leurs
la posologie de 40 à 50 mg/j.
— anémie de Biermer symptômes souvent pénibles, ensuite de repérer les
— purpura thrombopénique et anémie hémolyti- Les antipaludéens de synthèse (Plaquenilt : 2 formes évolutives et chez ces dernières l’apparition
que auto-immune (rare) comprimés 5 jours sur 7) sont indiqués et souvent d’éventuelles complications.
efficaces en cas de polyarthrite non érosive.
Toute référence à cet article doit porter la mention : PY Hatron. Syndrome de Gougerot-Sjögren.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0280, 1998, 4 p
Références
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