D. Stremooukhoff, Vladimir Soloviev Et Son Œuvre Messianique

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Revue d'histoire et de philosophie

religieuses

D. Stremooukhoff, Vladimir Soloviev et son œuvre messianique,


(Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de
Strasbourg, n° 69, 1935)
Jean Héring

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Héring Jean. D. Stremooukhoff, Vladimir Soloviev et son œuvre messianique, (Publications de la Faculté des Lettres de
l'Université de Strasbourg, n° 69, 1935). In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 18e année n°5-6, Novembre-
décembre 1938. pp. 539-542;

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REVUE DES LIVRES 539

naissances et d'énumérer les systèmes de pensée d'autrui, mais


« l'esprit vivant » qui a inspiré ces systèmes ne les touchera pas.
L'esprit d'un système ne se révèle qu'à des esprits semblables
rencontres
et de la même
entre
essence.
deux individualités
Et alors il neattachées
se produit
à un
pasmême
une de
ordre
ces

de rêves et d'imaginations, formations essentiellement subjec¬


tives et arbitraires, mais nous assistons au contact entre des
âmes douées d'une même sensibilité pour les mêmes données
idéales et objectives.
Car il s'agit, en l'occurrence, bien de données d'un ordre
particulier et différentes des données dfe la nature. Cette der¬
nière forme le domaine des choses concrètes offertes à la per¬
ception sensorielle qui les saisit du dehors. Mais dans la person¬
nalité humaine, au fur et à mesure qu'elle se hausse vers sa
propre essence, apparaît la réalité de l'esprit, réalité impéné-r
trable à la perception sensorielle et même ignorée d'elle, mais
connaissable à une observation spéciale au bout de laquelle s'éta¬
blit la compréhension et qui présuppose un contact intérieur
avec son objet.
Si nous comprenons bien notre auteur, son intention a été,
en publiant ce petit volume, de donner au lecteur l'occasion
d'un pareil contact avec la pensée de Hegel. Il saura ensuite
s'il possède, par rapport à cette pensée, l'affinité nécessaire pour
y pénétrer ou si, au contraire, il faut, au moins pour le moment,
procéder à d'autres travaux. Une des particularités de ce livre
consiste encore à interpréter le système hégélien à la lumière
des œuvres de jeunesse du grand philosophe.

Charles Hautet.

D. STREMOOUKHOFF : Vladimir Soloviev et son œuvre


messianique. (Publications de la Faculté des Lettres de
l'Université de Strasbourg, n° 69, 1935, 351 pp.)

Le livre de M. S. remplira une grande lacune. Car si on


s'accordait en général à reconnaître l'importance de la pensée
de Vladimir Soloviev, le lecteur français éprouvait de grandes
difficultés à aborder l'étude de sa philosophie, la plupart de
ses ouvrages étant écrits en russe et n'ayant trouvé encore ni
traducteur ni commentateur. M. S. servira de guide et sera d'au¬
tant plus apprécié qu'il unit à une connaissance parfaite de la
langue et de la littérature russes une vaste érudition historique
et philosophique qui le met à même d'apprécier les multiples
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Son intérêt très vif pour les mouvements scientifiqu


sophiques de son époque qu'il étudia avec son esp
et pénétrant, son érudition biblique, patristique, h
voire cabbalistique font de lui un des derniers r
d'une culture
fondément enraciné
européenne
dans quasi
les traditions
universelle,
du encore,
christian
q

M. S. dans la première partie de son étude, intit


mation intellectuelle et la Théosophie, 1853-1881 (p
retracé d'une manière succincte et précise les étu
phiques de son héros qui explora les philosophies
française et anglaise aussi bien que des auteurs g
théosophiques, et c'est évidemment dans le sen
Boehme et non pas dans le sens officiel qu'il ente
les principes d'une théosophie, telle qu'on les trou
pées dans la Critiques des principes abstraits ( 187
apport personnel consistant avant tout dans les dév
sophiologiques qui sont en rapport étroit avec son cu
pour sainte Sophie, entité curieuse, ni humaine n
ni divine au sens d'une quatrième hypostase, encore
une entité céleste et supratemporelle.
C'est également dans cette première partie qu
exposés les rencontres et les conflits de Soloviev
des Slavophiles, ainsi que des indications curieu
rapports avec Dostoïewskij, dont le fameux « Gr
teur » (dans les Frères Karamazof ) pourrait bien
directement par une pensée de Soloviev.
La deuxième partie porte comme titre La Théoc
1890) (y. p. 119-212). C'est l'incarnation progressive d
céleste identifiée partiellement avec la Malkouth (
des Cabbalistes), dans l'Humanité terrestre, par
extérieurs et politiques aussi, qui est l'idée maîtress
ges de cette période. Il s'agit au fond d'une vaste
ayant comme sujet le développement de l'Human
idéal thé-anthropique, déjà entrevu dans certains
première période. L'inspiration en est nettement o
royaumes de ce monde eux-mêmes et notamment les
tiens devant préparer directement l'avènement du
Dieu. Mais c'est surtout l'histoire des églises chr
préoccupe notre penseur qui, curieux précurseur du
oecuménique, rêvait d'une réunion des Eglises
d'Orient permettant au christianisme russe d'insuff
que sorte son âme mystique au corps robuste du
occidental... Il alla même jusqu'à entreprendre des
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de l'évêque croate Strossmayr. « Bella idea, ma fuor d'un mira-


culo, è cosa impossibile », déclara finalement Léon XIII.
L'effondrement de ces espérances contribua à porter un
coup mortel à la vision optimiste de l'avenir de l'humanité qui

caractérisait
C'est la notion
la deuxième
de la Théurgie
période duqui
philosophe.
domine les écrits de la
troisième période (1890-1900, p. 215-298), notamment la Justifi¬
cation du Bien (1897) et le Sens de l'Amour (1892-94). Elle
permettra de réaliser dans l'humanité présente, ä défaut d'une
Sophiocratie ou Théocratie extérieure, le maximum d'interpé¬
nétration intérieure du divin et de l'humain, par la reconstitution
de l'homme intégral (androgyne). Les moyens appropriés à ce
but sont les Sacrements chrétiens, et en particulier le mariage
conçu comme un art théurgique.
Mais nous rencontrons de plus dans la dernière époque de
la vie du philosophe, dans laquelle sa pensée philosophique ne
cesse de s'épanouir jusqu'à sa mort prématurée, toute une nou¬
velle substructure épistémologique et morale de ses spéculations.
On trouvera une analyse serrée presque trop condensée, de sa
Philosophie théorique ( 1897-1899) aux pages 256-267 du livre
de M. S. Nous ne pouvons les résumer ici. Notons seulement
que certaines positions épist~émologiques rappellent non seule¬
ment la théorie de la connaissance de N. O. Losski (qui a été
effectivement influencé par Soloviev), mais encore la phénomé¬
nologie absolument indépendante d'un Edmond Husserl.
Dans sa philosophie morale, Soloviev, reprenant, en le limi¬
tant et le dépassant, le principe de Schopenhauer, voit dans la
pitié vis-à-vis des semblables une des trois sources du sentiment
moral, les deux autres étant : la honte — à l'égard de notre
notamment
nature inférieure
les ancêtres.
— et Sila on
piété
voulait
— envers
ramener
les ces
supérieurs
trois senti¬
et

ments à un seul, ce serait la honte qui en serait la racine ultime.


Car la pitié ne se manifeste-t-elle pas en fonction de la honte de
voir l'Humanité déchirée en individus égoïstement séparés (1),
la piété envers les ancêtres ne se ramène-t-elle pas à la honte
de voir les générations anciennes, grâce au jeu brutal de la loi
suivent
de la naissance
? et de la mort, éliminées au profit de celles qui

Nous ne saurions entrer davantage dans les détails de cette


morale. Signalons cependant en passant que le déchirement de
l'Humanité en nations n'a pas moins préoccupé notre philo-
542 REVUE d'histoire et de philosophie religieu

sophe; s'il a perdu sa croyance robuste en la missi

tielle des
insiste d'autant
royaumes
plusqu'il
sur professait
la pitié comme
dans sa
source
deuxièm
d'

collectif («
aime les autres nations comme la tienne
piété comme antérieures.
civilisations source du respect pour les traditions c

Mais à la fin de la troisième période le pessim


losophe s'accentue. Ce n'est qu'une intervention div
tère apocalyptique qui pourra arrêter la déchéance d
et la mener à la perfection. Elle sera précédée de l
Antichrist, curieusement décrit sous le traits d'un
pseudo-théosophique. En face de lui s'affirmero
chrétiens restés fidèles au milieu des tentations et
tions. Et c'est ici que Soloviev s'efforce de rendr
Protestantisme qu'il avait négligé dans ses projet
ecclésiastique, mais dont les particularités l'avai
temps vivement intéressé. C'est en effet sous la
leurs chefs respectifs, le pape Pierre II (Solovie
les prophéties dites de S. Malachie), le patriarche o
et le théologien allemand Paulus que s'uniront fi
« fidèles » des trois Eglises Nomina omina (2).
conception eschatologique, un millenarium, s'inte
la Parousie du Christ et la Résurrection des morts.
dant cette
ment s'exercer.
époque intermédiaire que la Théurgie p

Pour conclure, on reste sous l'impression d'une


souvent réellement puissante, et animée d'une sen
pour les problèmes qui sont à la base de toute phil
tienne. Il est permis de penser qu'une traduction
œuvres les plus importantes de Soloviev serait au
conforme aux exigences des temps actuels que cell
penseurs danois, représentatifs d'une période ult
cri
lité du
qu'on
christianisme.
s'efforcera en vain de nous présenter com

Le livre de M. S. est complété par un appendi


dans leurs langues originales, des lettres, en grand
dites, de Soloviev (dont quelques-unes en français
ques-uns de ses amis (p. e. l'évêque Strossmay
d'autres personnages mêlés aux discussions sur la
Eglises. Une bibliographie est donnée à la fin du
laquelle on eût peut-être aimé retrouver l'énumérat
çais) des principaux ouvrages de Soloviev.

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