N° 227 DÉCEMBRE 2008

150 ANS APRÈS,

Le monde
selon
Darwin
in situ
Jean Weissenbach
Le pionnier du génome
reçoit la médaille d’or du CNRS.
dépasser les frontières
 sommaire
SOMMAIRE 3

© J. Young/NHM, London
Le journal du CNRS
1 place Aristide-Briand VIE DES LABOS P. 6.
92195 Meudon Cedex
Téléphone : 01 45 07 53 75
> REPORTAGE
Télécopie : 01 45 07 56 68 Le ciel sous haute surveillance
Mél. : [email protected]
Le journal en ligne : > ACTUALITÉS P. 8
www2.cnrs.fr/presse/journal/ Les derniers résultats
CNRS (siège)
3 rue Michel-Ange de la recherche
75794 Paris Cedex 16
> MISSION P. 13
Directeur
de la publication :
Rodéo à la mexicaine
Arnold Migus
VIE DES LABOS >
Directeur La sexualité sortie INNOVATION P. 14
de la rédaction :
des eaux, p. 11
Arnaud Benedetti « Il faut valoriser nos brevets »
Directeur adjoint
de la rédaction : Entretien avec Marc J. Ledoux
Fabrice Impériali

Rédacteur en chef adjoint : PAROLE D’EXPERT P. 16

Quel droit d’asile

DR
Matthieu Ravaud
Conseillère à la rédaction :
Françoise Harrois-Monin VIE DES LABOS > Le ciel sous haute surveillance, p. 6 pour l’Europe ?
Chefs de rubrique :
Fabrice Demarthon
Entretien avec Catherine Gousseff
Charline Zeitoun
Rédactrice : JEUNES CHERCHEURS P. 17

© Illustration C. Hein ; Clivia - J. Samsonov - DX - StarJumper/Fotolia.com ; The Bridgeman Art Library

Anne Loutrel
Assistante de la rédaction Un chimiste très inspiré
et fabrication :
Laurence Winter
Portrait de Christian Serre
Ont participé à ce numéro :
Kheira Bettayeb
Jean-Philippe Braly L’ENQUÊTE P. 18.
Lætitia Brunet
Patricia Chairopoulos
Denis Delbecq 150 ANS APRÈS,
Laurianne Geffroy
Anne-Solweig Gremillet
Mathieu Grousson
Coralie Hancok
LE MONDE
Camille Lamotte
SELON
Darwin
Virginie Lepetit
Marie Lescroart
Pierre Mira
Aude Olivier
Vahé Ter Minassian
Philippe Testard-Vaillant De l’origine d’une théorie > P. 19
Géraldine Véron
Des recherches
Secrétaire de rédaction :
Olivia Dejean en évolution > P. 23
Conception graphique : Quand la polémique
Céline Hein
Iconographes : s’en mêle > P. 26
Marie Mabrouk
Anne Wirz-Rajon
Couverture :
C. Hein pour le Journal du CNRS ; ZOOM P. 28.
The Bridgeman Art Library ; Une saison à Concordia
Mary Evans/Rue des Archives ;
Rue des Archives ; Le quotidien des chercheurs dans la
C. Lebedinsky/CNRS Photothèque station scientifique de l’Antarctique
Photogravure :
PLB Communication
Impression : RENCONTRE AVEC P. 31.
Québécor World France
6 route de la Ferté-sous-Jouarre Sur les pas des hominidés
77440 Mary-sur-Marne Portrait de Brigitte Senut
ISSN 0994-7647
AIP 0001309

sse/CNRS
Dépôt légal : à parution
Photos CNRS disponibles à :
IN SITU P. 32
[email protected] Le pionnier du génome

© B. Lafo
http://phototheque.cnrs.fr/
Portrait de Jean Weissenbach,
La reproduction intégrale ou partielle Médaille d’or du CNRS 2008

© C. Lebedinsky/CNRS Photothèque
des textes et des illustrations doit
faire obligatoirement l’objet d’une IN SITU > Des palmes
demande auprès de la rédaction.
pour Cinémascience, GUIDE P. 38
p. 36 Le point sur les livres, les expos,
les conférences, les sites web…

IN SITU > Jean Weissenbach, le pionnier du génome, p. 32

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008

 edito
édito
4 ÉCLATS ÉDITO 5

Ô L’ É V È N E M E N T
PLUME,
UN AN DE SUCCÈS L’observatoire Pierre Auger inauguré Françoise Gaill
Un an après son Directrice du département
Le plus vaste détecteur Cet observatoire, fruit d’énergie supérieure au seuil
lancement 1, la plateforme « Environnement et
de rayons cosmiques, d’une collaboration de 17 pays dit de « GZK » 1. Dans
Plume, accessible développement durable » (EDD)
l’observatoire Pierre Auger, dont la France, a pour but la direction de presque chacun
par Internet , est devenue
a été inauguré les 14 de résoudre l’une des plus d’eux, on trouve une galaxie
le carrefour incontournable
et 15 novembre derniers grandes énigmes active située à moins de
en matière de logiciels
en Argentine, en présence de l’astrophysique : l’origine 300 millions d’années-lumière
libres pour la communauté

© P. Dasher/CNRS Photothèque
de Catherine Bréchignac, et la nature des particules de la Terre, dans la « proche
scientifique. Ce projet,
porté par l’Unité réseaux
du CNRS (Urec) et dirigé
par Jean-Luc Archimbaud,
présidente du CNRS. cosmiques de très haute
énergie, capables de dépasser
des centaines de milliards
banlieue » de notre galaxie.
Cela suggère que la plupart
des rayons cosmiques
Comprendre l’évolution :
d’électronvolts (eV). Alors seraient issus de sources
offre une sélection et
une analyse des différents
logiciels libres utilisés ou
que les derniers travaux
d’installation, débutés en 1999,
viennent de s’achever au pied
astronomiques proches et
de ce type. Et dans ce cas, les
particules en question seraient
un défi d’actualité
conçus par la communauté.
© Observatoire Pierre Auger

de la cordillère des Andes, vraisemblablement des

climatique en cours. C’est encore eux qui nous permettront, par

D
Aujourd’hui, Plume, Un des eux mille neuf sera l’année du bicentenaire de la
l’appareillage de pointe a déjà protons ou des noyaux de fer.
qui propose plus télescopes de livré de précieux résultats 1. Seuil de 60.1018 eV, énergie
naissance de Charles Darwin. Père des théories de exemple, d’analyser les réponses des populations et des espèces
de 200 logiciels, reçoit déjà l’Observatoire
associés à publiés dans Science en 2007. que les particules des rayons cosmiques
l’évolution et de la sélection naturelle, le célèbre aux innombrables polluants issus des activités humaines.
800 000 visites par mois ! ne peuvent en théorie dépasser si elles
1 600 détecteurs L’observatoire a en effet voyagent sur plus de 500 millions
1. Lire Le journal du CNRS, n° 214, de surface. détecté 27 évènements d’années-lumière. naturaliste anglais a définitivement modifié notre Les processus évolutifs agissent à tous les niveaux, du génome à
p. 32.
2. www.projet-plume.org vision de l’histoire du vivant. Il est sans aucun doute l’écosystème en passant par l’individu, la population et l’espèce ; ils

Ô
à l’origine du cadre conceptuel le plus important de la biologie sont de nature variée : moléculaires, physiologiques, morpholo-

Une directrice pour l’audit interne

Créée en juillet 2007, la direction de l’audit interne (DAI) du CNRS a une nouvelle
directrice. Il s’agit de Marie-Caroline Beer, qui a été nommée à ce poste par Arnold Migus,
directeur général du CNRS, le 4 novembre dernier.
1 500
C’est le nombre total de citations dans les revues
internationales d’un article de deux scientifiques
moderne basé sur l’immense variabilité du vivant sur la Terre.
Essentielle pour la compréhension du monde auquel nous appar-
tenons, cette notion constitue en effet l’une des grandes énig-
mes de la science moderne : pourquoi tant d’espèces coexistent-
giques, comportementaux, etc. Par ailleurs, ils sont généralement
lents et doivent être étudiés sur des durées allant de quelques
générations à des centaines ou milliers d’années, voire à l’échelle
des temps géologiques. On perçoit ici toute la difficulté de com-
du CNRS publié en 2003 dans la revue Systematic elles ? Comment se forment-elles ? Pourquoi et comment une prendre l’origine des nouveautés évolutives et de reconstruire l’ar-
Appels à projets européens : le CNRS à l’honneur Biology… devenu l’article en environnement telle diversité de formes, de structures, d’organisations, de com- bre du vivant dans son ensemble. Ces défis constituent pourtant
Seize chercheurs du CNRS sont lauréats du premier appel à projets « Chercheurs confirmés » et écologie le plus cité au cours de l’année passée.
Stéphane Guindon et Olivier Gascuel, du Laboratoire plexités ? Toutes ces questions sont au cœur de nombreuses une véritable obsession pour nombre de chercheurs au CNRS et
lancé par le Conseil européen de la recherche (ERC). Parmi eux, douze sont accueillis au CNRS
et quatre dans d’autres institutions en France ou à l’étranger. Le CNRS accueille aussi d’informatique, de robotique et de microélectronique recherches menées au CNRS. ailleurs ; les progrès sont notables mais beaucoup reste à faire. Le
un enseignant-chercheur lauréat. Il se classe ainsi au premier rang des organismes d’accueil de Montpellier (Lirmm) 1 y décrivaient un algorithme
de reconstruction phylogénétique 2 très précis Comprendre l’origine de la biodiversité, son organisation, son CNRS et le département EDD sont par exemple très présents dans
en Europe. L’appel à projets avait pour objectif de soutenir les chercheurs expérimentés
de toutes nationalités, reconnus sur le plan international et accueillis dans des laboratoires et rapide pour reconstituer et représenter l’évolution maintien conduit tout naturellement à travailler sur les mécanis- le domaine des paléoenvironnements et en paléontologie. On rap-
de l’Union européenne ou des États associés. Trois grands domaines étaient couverts : d’un ensemble d’espèces ou d’une famille de gènes.
mes de l’évolution. Depuis la conférence de Rio de Janeiro en pellera les avancées considérables sur l’histoire de l’origine de
les sciences physiques et l’ingénierie, les sciences de la vie et les sciences humaines 1. Laboratoire CNRS / Université Montpellier-II.
et sociales. Des projets « interdisciplinaires » étaient également sélectionnés. Le soutien 1992, la biodiversité, parce qu’elle est un élément important de la l’homme, puisque des découvertes récentes ont permis d’ancrer la
2. Lire Le journal du CNRS, n° 190, nov.-déc. 2005, p. 10
apporté aux lauréats peut aller jusqu’à 3,5 millions d’euros pour une période de cinq ans. – www2.cnrs.fr/presse/journal/2529.htm stabilité des écosystèmes, est aussi devenue une question de société lignée humaine beaucoup plus profondément dans le temps, pas-
et l’un des enjeux majeurs du développement durable. Ainsi, le sant de 3,5 à 7 millions d’années. Le CNRS est notamment à l’ini-

Ô ÉQUIPEMENT SCIENTIFIQUE
département « Environnement et développement durable » (EDD) tiative d’un groupement de recherche international France-Tchad-
du CNRS, créé en 2006, a fait de l’étude de l’histoire et de la dyna- États-Unis en paléontologie.
Arronax s’installe à Nantes mique de la biodiversité une priorité. Dans ce domaine, le CNRS Le CNRS et le département EDD placent donc les sciences de
Le cyclotron Arronax a été demandés en médecine, Arronax est géré par un
est à l’origine de plusieurs groupements de recherche internatio- l’évolution au cœur de nombreuses thématiques de recherche.
inauguré le 7 novembre dernier à physique et chimie nucléaires, groupement d’intérêt public
Saint-Herblain. Doté notamment tels que le strontium-82, dont fait partie l’Institut national naux orientés vers différentes régions du monde, notamment la Pour ce département, l’étude de la biodiversité actuelle et passée
d’une très haute énergie le cuivre-67 ou l’astate-121. de physique nucléaire et de Guyane, les Dom-Tom, l’Afrique australe et l’Asie. est indissociable de la mise en œuvre d’actions de conservation, de
(70 MeV), cet accélérateur La production de radionucléides physique des particules (IN2P3)
de protons et de particules alpha ne se limitera d’ailleurs pas du CNRS. C’est encore aux mécanismes de l’évolution que l’on se réfère gestion et de valorisation. Ses autres priorités sont les relations
constitue une plate-forme unique à la recherche, puisque > http://institut.in2p3.fr/ lorsqu’il s’agit de comprendre les réponses adaptatives des orga- hommes-milieux et l’analyse écologique – qui prend en compte les
au monde pour la production certains d’entre eux seront presse/communiques/2008 Le cyclotron et ses
d’éléments radioactifs très commercialisés. Le projet /15_arronax.htm 6 lignes de faisceaux. nismes vivants, soumis à des conditions extrêmes ou à un envi- liens entre le vivant et son environnement et exige une connaissance
DR

ronnement en mutation. On pense notamment au changement détaillée et prédictive de la dynamique des systèmes écologiques.

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
 6 VIEDESLABOS Reportage VIEDESLABOS 7

AÉRONOMIE

Le ciel sous haute surveillance Réunion. Mais aussi certains avions, comme ce fut le
cas en 2008 dans le cadre de la mission Polarcat, en
Arctique 4. Principal objectif : la surveillance de l’ozone
stratosphérique et troposphérique mondial, dont le
Alors qu’il vient de fêter son cinquantième anniversaire, le Service d’aéronomie (SA) 1 laboratoire coordonne la contribution française. « En
nous a ouvert ses portes. De l’étude de l’atmosphère des corps célestes à la traque combinant ces résultats aux mesures réalisées par des spec-
de la vie extraterrestre, découverte des missions d’un laboratoire renommé qui a bien tromètres au sol et sur ballons et montgolfières, nous avons
mesuré une diminution de 3 % de la quantité mondiale
les pieds sur terre. d’ozone entre 1991 et 2001, annonce Philippe Keckhut,
en charge de la coordination française du réseau d’ob-
servation de la stratosphère. La baisse atteint même
jusqu’à 50 % aux pôles certains hivers ! »

DR

DR
Ces données permettent aussi de valider les mesures
À gauche : à l’observatoire
fournies par les satellites d’observation, au premier de haute Provence, deux lidars
rang desquels Envisat avec l’instrument Gomos. Dans TOUJOURS PLUS LOIN du laboratoire permettent
son bureau ou s’entassent des monticules de dossiers Mais le SA ne s’arrête pas aux atmosphères planétai- d’étudier la teneur en ozone
aux noms évocateurs (Mars Express, Venus, Nasa…), res. Ses chercheurs s’intéressent aussi à celle des de l’atmosphère (faisceau bleu)
Jean-Loup Bertaux nous en explique le fonctionne- comètes, via la participation aux missions embarquées et les composantes du vent (trois
faisceaux verts). À droite : en
ment. « Gomos mesure le spectre de la lumière émise par sur la sonde européenne Rosetta et par des expéri- 2000, gonflage d’un ballon du SA

V
ers quelle planète je vous emmène ? » Ainsi et arriver sur Mercure en… 2020. « Cet instrument per- une étoile. En comparant ce dernier avec celui de la même mentations en laboratoire. Le Service étudie égale- doté d’un spectromètre mesurant
nous accueille Christian Malique, respon- mettra de caractériser la composition et la dynamique de étoile quand elle traverse l’atmosphère terrestre en se cou- ment le Soleil sur le « terrain ». Le labo a ainsi fourni la teneur en ozone et en dioxyde
sable du département technique du Service l’exosphère 3 de Mercure », explique Pierre-Olivier Mine. chant, on en déduit l’absorption de lumière caractéristique un triple spectromètre à la Station spatiale internatio- d’azote stratosphériques.
d’aéronomie, sur le site de Verrières-le- En effet, excités par le rayonnement solaire, les ato- des composants de l’atmosphère terrestre, parmi lesquels nale et participe aussi à la mission Picard, qui sera
CONTACTS
Buisson, dans l’Essonne. Une question mes de l’exosphère émettent des photons, dont le spec- l’ozone. » CQFD. Via cette technique dite d’« occulta- embarquée sur un satellite courant 2009. Toujours plus
Service d’aéronomie
Ô Christian Malique
posée à l’entrée d’un dédale de couloirs souterrains tromètre captera la longueur d’onde caractéristique. tion d’étoiles », Gomos réalise pas moins de 400 pro- loin, l’équipe part même à la découverte du milieu
abritant des salles d’expérimentation aux noms plus À peine sortis de la pièce, nous tombons nez à nez avec fils par jour depuis 2002 : un travail qu’il poursuivra interplanétaire et interstellaire ! « À partir des mesures [email protected]
Ci-dessus et ci-dessous : mystérieux les uns que les autres : « Phébus », « Pam- une tête de fusée soviétique M 100 de la Seconde jusqu’en 2011. Le but est d’établir une cartographie fournies par le satellite Soho, nous avons été les premiers Ô Guy Cernogora
des chercheurs recréent pre », « Moma »… Déjà surpris par l’extérieur du site, Guerre mondiale. Puis, nous enchaînons avec la salle entre 15 et 100 kilomètres d’altitude de la concentration à mettre en évidence une distorsion de l’héliosphère autour [email protected]
l’atmosphère de Titan dans une un ancien fort militaire datant de 1875 au cœur d’une « Moma ». Ici, David Coscia et ses collègues mettent d’ozone et d’autres constituants atmosphériques autour du Soleil, déclare ainsi Rosine Lallement. Une décou- Ô Pierre-Olivier Mine
cuve à plasma pour étudier les [email protected]
forêt luxuriante, nous embarquons pour… Titan ! Der- au point un « chromatographe en phase gazeuse » : de la Terre, pour en tirer une tendance sur dix ans. verte ensuite validée par les sondes américaines Voyager,
fines particules organiques qui
rière la porte, trois jeunes chercheurs – parmi les « Cet appareil traquera les traces de vie sur la planète « Deux autres de nos instruments sont actuellement en les premières à avoir franchi la frontière entre l’hélio- Ô David Coscia, [email protected]
Ô Franck Montmessin
s’y créent. Celles-ci pourraient
donner des indications sur 140 personnes environ qui œuvrent au SA – dans la rouge. Comment ? En analysant les échantillons de sol que orbite pour étudier l’atmosphère de Mars et de Vénus. sphère et le milieu interstellaire. » Ce dernier est
[email protected]
Ô Alain Hauchecorne
l’origine de la vie sur Terre. pénombre. Au centre de la pièce, une lumière rose prélèvera la sonde européenne Exomars, dont le lancement Nous profitons aussi du second pour le pointer vers la aujourd’hui l’objet d’étude de la chercheuse qui en
vient à l’instant d’être repoussé de 2014 à 2016 », nous Terre afin de nous entraîner à mesurer les indicateurs établit la cartographie via des observations par télescope [email protected]
explique-t-il, avant de nous entraîner vers la salle blan- (ozone, chlorophylle…) à rechercher sur les exoplanètes pour au sol, mais aussi par satellite. Ô Philippe Keckhut
che. Celle-ci, complètement vitrée, contient un air fil- y trouver la vie », s’enthousiasme Éric Villard en nous C’est donc la tête dans les étoiles que le visiteur part de [email protected]
tré en permanence pour éviter toute contamination. Au présentant les instruments de rechange. ce lieu fascinant. Un site que les chercheurs de Verrières- Ô Jean-Loup Bertaux
[email protected]
Ô Éric Villard, [email protected]
centre, sur la table : cinq petites bobines. « En cas de le-Buisson quitteront en 2010 pour se regrouper avec
MESURER OU MODÉLISER?
Ô Slimane Bekki, [email protected]
besoin, ces chromatographes sont destinés à remplacer une partie de leurs confrères du Centre d’études des
© Photos : P. Vrignaud/CNRS Photothèque

Ô Rosine Lallement
ceux que nous avons fournis à la Nasa pour la mission On l’aura compris, la force du Service d’aéronomie environnements terrestres et planétaires (CETP) 6, à
américaine MSL, une mission analogue à Exomars, qui vient de son savoir-faire en termes de mise au point Guyancourt (Yvelines), au sein du nouveau Labora- [email protected]
atteindra Mars en 2010. » Durant ces missions, tout l’en- d’instruments de mesure toujours plus sophistiqués et toire « Atmosphères, milieux, observations spatiales »
jeu consistera à analyser correctement un véritable miniaturisés. « Une mesure bien faite […] survivra, les (Latmos). Une page se tourne, mais l’aventure conti-
prélèvement, « ce qui est plus délicat à réaliser que les modèles 5 qui tenteront d’en rendre compte passeront! », lan- nue… vers d’autres cieux.

© ESA (image by AOES Medialab)

mesures par télédétection obtenues par satellite », ajoute çait souvent Jacques Blamont, le créateur du SA, dont Jean-Philippe Braly
Ô À lire
Franck Montmessin, jeune chercheur en charge de les photos ornent les murs et alimentent encore les
l’un des instruments d’Exomars. discussions de couloirs. Mais si les mesures sont les L’École de l’espace, Le Service d’aéronomie 1958-2008, Histoire et science,
« mamelles de la science », comme se plaît à les nommer Marie-Lise Chanin (dir.), CNRS Éditions, octobre 2008, 509 p.
hypnotisante… « Cette couleur provient d’un plasma 2. L’OZONE DANS LA LIGNE DE MIRE Franck Montmessin, « on ne peut plus aujourd’hui lan- Symposium en l’honneur du 70e anniversaire de J.E. Blamont, Marie-Lise
Ci-dessus, à droite : assemblage Chanin (dir.), CNRS Éditions, octobre 2008, 203 p.
du prototype de Phébus, Celui-ci simule la physico-chimie qui se produit dans « Télédétection » : ce terme résume bien ce qui a fait, cer une campagne de mesures sans savoir à l’avance com-
un spectromètre ultraviolet l’atmosphère de ce satellite de Saturne, déclare Guy et fait encore, la renommée mondiale du Service d’aéro- ment leurs résultats seront exploités », prévient Slimane 1. Ce laboratoire commun au CNRS, à l’université Paris-VI et à
destiné à étudier l’atmosphère l’université Versailles St-Quentin a été dirigé par des scientifiques
Cernogora, chercheur en charge du projet Pampre. nomie, notamment grâce aux fameux « lidars ». « Le Bekki, un des modélisateurs du laboratoire. En cause : illustres, dont Gérard Mégie, président du CNRS de 2000 à 2004.
de Mercure. Il sera intégré
à un satellite dont la mise Cette réaction aboutit à la formation de fines particules lidar est un laser pulsé, précise Alain Hauchecorne, l’accumulation de résultats dans des bases de données 2. Un plasma est un quatrième état de la matière : l’état d’un gaz
organiques, telles qu’observées par la sonde spatiale directeur du SA. Lorsqu’il entre en contact avec les diffé- sous-exploitées. Son équipe a donc développé des modè- ionisé qui devient en particulier un très bon conducteur et émet un
en orbite est prévue pour 2020. rayonnement électromagnétique (phénomène visible dans les
Huygens. Nous les étudions de près car elles pourraient rents composants atmosphériques, il est renvoyé à des lon- les assimilant toutes ces données pour simuler le trans- aurores boréales ou la foudre, par exemple).
nous donner des indications sur l’origine de la vie sur gueurs d’onde caractéristiques de ceux-ci. L’analyse de ces port et la chimie de gaz importants dans la stratosphère 3. L’exosphère d’une planète est la dernière couche de son
atmosphère. Dans le cas de Mercure, cette dernière est très ténue :
Terre. » Mais la visite reprend déjà au pas de charge, longueurs d’onde permet de déterminer et de quantifier terrestre (ozone, méthane, oxydes d’azote…). Un d’eux, on l’assimile donc à l’exosphère.
direction… Mercure. Deuxième salle, deuxième ces composants présents sur le parcours du laser. » Des Reprobus, sera utilisé pour la partie « chimie » des 4. Lire « Plongée dans la brume arctique », Le journal du CNRS,
n° 219.
La sonde Venus Express
ambiance. Un jeune ingénieur en gants blancs assem- lidars du laboratoire équipent aujourd’hui les obser- prochaines prévisions du Groupe d’experts intergou- est actuellement en
5. Mathématiques.
ble le prototype de Phébus, un spectromètre ultravio- vatoires de haute Provence, de Dumont d’Urville vernemental sur l’évolution du climat (Giec) et a même 6. Laboratoire CNRS / Université Versailles St-Quentin orbite autour de Venus avec un
let destiné à équiper une sonde qui devrait partir en 2013 (Antarctique), d’Alomar (Norvège) et de l’Île de la été adapté à l’atmosphère de Mars et de Vénus. / Université Paris-VI. spectromètre du SA à son bord.

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
8 VIEDESLABOS Actualités VIEDESLABOS 9

GÉNOMIQUE P H YS I Q U E

Chez le melon, un seul gène contrôle le sexe Un phénomène quantique observé en 3D

© John H. Page, Department of Physics and Astronomy, Univ. of Manitoba, Winnipeg, R3T 2N2, Canada
Q
u’est-ce qui détermine le sexe l’étude publiée dans la revue ducteurs femelles, les carpelles, y largement réparties géographiquement,
d’une plante ? Pour le melon, Science 2. C’est en cherchant l’ori- entraîne la synthèse d’éthylène, indique Abdelhafid Bendahmane.
Une collaboration franco-
il ne s’agit que d’un seul et gine moléculaire de ce caractère répond Abdelhafid Bendahmane, C’est probablement le fait des agro- canadienne vient de démontrer
unique gène, comme viennent de le sexuel avantageux que les biologis- co-auteur de l’étude. Cette hormone nomes, car l’andromonoécie est liée à l’existence de la « localisation
découvrir les chercheurs de l’Unité tes sont tombés sur le fameux gène, inhibe ensuite le développement des la faculté de se reproduire en l’absence
de recherche en génomique végétale baptisé CmACS-7. Il code pour une organes mâles, les étamines, aboutis- d’insectes pollinisateurs, ainsi qu’à un
d’Anderson » à trois dimensions,
(URGV) 1, à Évry. Une première dans enzyme clef de la synthèse de l’éthy- sant ainsi à une fleur femelle. Chez les taux élevé de sucre dans le fruit. » un phénomène quantique décrit
le monde végétal. lène, une molécule impliquée dans plantes mutées, la synthèse de l’éthy- Reste à identifier la variété sur pour la première fois il y a
Chez Cucumis melo, le sexe est un divers processus biologiques de la lène est bloquée et les organes mâles se laquelle est apparue cette mutation,
peu particulier. La majorité des varié- plante et dont on savait déjà qu’elle développent aux côtés des organes et à retracer l’histoire de sa fulgu- exactement cinquante ans.
tés cultivées possède des fleurs pouvait agir sur son sexe (elle est femelles, d’où la présence de fleurs rante dispersion géographique.

P
mâles et des fleurs hermaphrodi- en effet utilisée par les agronomes). hermaphrodites. » Marie Lescroart ourquoi, à basse température, certains
tes (avec les organes des deux sexes) Et c’est une mutation unique qui L’analyse de près de 500 variétés 1. Unité CNRS / Inra / Université Évry. métaux arrêtent-ils de conduire l’élec-
sur un même plant. Un phénomène provoque l’andromonoécie des cultivées de melons en provenance 2. Science, vol. 321, n° 5890, pp. 836-838, tricité ? L’explication théorique a été four-
appelé andromonoécie. « La pré- melons. Ceux dont le gène est nor- du monde entier a démontré que août 2008. nie en 1958 par l’Américain Philip W.
sence de fleurs hermaphrodites per- mal possèdent quant à eux des fleurs la mutation à l’origine de l’andro- Anderson, lauréat du prix Nobel en 1977 : un phé-
met à la plante de s’autoféconder, tan- mâles et femelles. monoécie chez cette espèce est sans CONTACT nomène quantique dit de « localisation » blo-
dis que les fleurs mâles augmentent Comment la mutation génétique doute survenue récemment et sur Ô Abdelhafid Bendahmane que littéralement les électrons dans le matériau.
sa capacité à disséminer ses gènes, en influe-t-elle sur le sexe du melon ? une seule variété. « Aujourd’hui, les Unité de recherche en génomique Aujourd’hui, cinquante ans après qu’elle a été for-
fécondant d’autres plantes », expli- « L’expression du gène CmACS-7 au variétés de melons andromonoïques végétale (URGV), Évry mulée, la théorie de la localisation d’Anderson
[email protected]
que Adnane Boualem, co-auteur de niveau des ébauches des organes repro- issues de cet ancêtre commun sont très vient enfin d’être vérifiée de façon convaincante Pour faire leur expérience, les chercheurs ont envoyé dans
en trois dimensions. Une véritable première réa- un échantillon de billes d’aluminium de 4,11 mm de diamètre
(ci-dessus) des ultrasons… Ci-contre : distribution spatiale
lisée par Bart Van Tiggelen et Sergey Skipetrov, du son transmis à travers l’échantillon. Les pics sont
du Laboratoire de physique et modélisation des caractéristiques de la localisation d’Anderson.
THÉRAPIES milieux condensés (LPM2C) 1, à Grenoble, en
collaboration avec l’équipe du professeur John par le blocage – la localisation – des électrons petites billes d’aluminium. En analysant les

Une piste contre l’ostéoporose Page, de l’université de Manitoba (Canada), et sou-

tenue par un programme international de coo-
dans le matériau, empêchant ainsi le courant de
circuler.
ondes transmises à la sortie du dispositif, ils ont
pu observer, sans qu’aucun doute ne soit per-
pération scientifique (Pics) du CNRS. Les résul- Mais au fil du temps, l’idée géniale d’Anderson mis, plusieurs manifestations de la localisation

U
n nouveau traitement contre les adipeuses », explique Ez Zoubir au-delà d’un certain seuil elle mencer dans les années qui viennent », tats ont été publiés dans la prestigieuse revue est devenue un véritable casse-tête pour les phy- d’Anderson. Point fort de cette réussite, qui vient
l’ostéoporose est peut-être né. Amri, chercheur de l’IBDC. Ainsi, devient une cellule osseuse. Admi- précise le biologiste. L’ocytocine a Nature Physics 2. siciens. Il leur faut développer une théorie s’ajouter à la récente démonstration réalisée à
Des chercheurs niçois de l’Ins- favoriser l’apparition de nouvelles nistrer de l’ocytocine pourrait donc plusieurs avantages : outre son prix Habituellement, les scientifiques se représentent moderne qui couvre l’essentiel des propositions l’aide d’atomes froids par le groupe d’Alain
titut de signalisation, biologie du cellules osseuses pourrait sans doute rétablir la fabrication de cellules peu élevé (elle est facile à produire un métal conducteur comme un matériau où les d’Anderson tout en incluant les possibilités expé- Aspect, du Laboratoire Charles Fabry de l’Institut
développement et cancer 1, en colla- permettre de contrecarrer la mala- osseuses. Pour le vérifier, ils traitent en grandes quantités), elle n’a pas les électrons se déplacent librement à travers le rimentales. Et de ce côté-là, ce n’est pas non plus d’Optique, à Orsay 3 : leur test a été mené en
boration avec l’Inserm, le service de die. Reste à savoir comment. par une injection quotidienne d’hor- effets secondaires néfastes des trai- réseau des atomes. Ils expliquent alors la une sinécure. Concevoir une expérience qui trois dimensions. Et maintenant ? « Notre travail
rhumatologie du CHU de Nice et Rapidement, les biologistes suivent mone des souris malades. Résultat tements hormonaux existants à base résistance électrique par la présence d’impure- puisse mettre en évidence le phénomène, souvent n’est pas pour autant terminé, indique Bart Van
l’université de Graz, en Autriche, la piste de l’ocytocine. Ils décou- concluant : « La maladie a été forte- d’œstrogènes. Une piste pleine de tés qui introduisent du désordre : les électrons caché derrière d’autres effets, s’avère très diffi- Tiggelen. Nous allons adapter notre expérience
viennent en effet de montrer le rôle vrent en effet que ces cellules sou- ment atténuée au bout de huit semai- promesses donc pour les malades. sont déviés de leur course et traversent moins cile. Cependant, ils découvrent dans les années pour mesurer certains paramètres importants de
clé d’une hormone naturelle, l’ocy- ches portent des récepteurs à cette nes », indique Ez Zoubir Amri. Pierre Mira bien le métal. Connu sous le nom de Drude- 1980 que la localisation d’Anderson pourrait ne la localisation d’Anderson qui échappent encore
tocine, pour contrer cette maladie hormone. Par ailleurs, chez la sou- Aujourd’hui, les chercheurs ne 1. Laboratoire CNRS / université de Nice. Sommerfeld, ce modèle est généralement consi- pas se limiter aux électrons mais s’appliquer aux prédictions théoriques. » Au bout de cinquante
qui touche un tiers des femmes de ris modèle, la quantité d’ocytocine cachent pas leur espoir de voir un 2. Travaux publiés dans Stem Cells, vol. 26, déré comme décrivant correctement la réalité. aussi aux ondes « classiques », comme la lumière ans d’âpres travaux, les scientifiques n’en ont
n° 9, septembre 2008.
plus de 50 ans 2 et augmente le risque diminue avec l’apparition de la jour leur découverte profiter aux À une nuance près cependant : la thèse impose ou les ondes acoustiques, un peu plus faciles à semble-t-il pas encore fini avec la localisation
de fracture des os. maladie. Ils montrent alors que malades. « Premier pas : nous avons CONTACT qu’un métal ne peut devenir totalement isolant. manipuler. Même si, comme le rappelle Bart d’Anderson.
Chez les patients atteints d’ostéo- c’est la quantité d’ocytocine que montré que la quantité d’ocytocine Ô Ez Zoubir Amri En effet, il y aurait tellement d’impuretés qu’un Van Tiggelen, directeur du LPMMC, « elle n’est Vahé Ter Minassian
porose, les os se fragilisent à la fois reçoit chaque cellule qui dicte son diminuait aussi chez les femmes Institut de signalisation, biologie tel matériau n’aurait plus rien d’un métal ! pas pour autant aisée à mettre en évidence dans ces Ô À noter
parce que la fabrication de cellules avenir. Avec peu d’hormone elle atteintes d’ostéoporose. Pour le traite- du développement et cancer, Nice Comment expliquer alors l’existence de conduc- derniers domaines. Pour observer le phénomène de À l’occasion du cinquantième anniversaire de la formulation
[email protected] de la théorie de la « localisation d’Anderson », un symposium
osseuses ralentit et parce que la devient une cellule graisseuse, et ment, les tests cliniques devraient com- teurs – des alliages complexes – capables de localisation d’une onde lumineuse par exemple, il
international est organisé à l’Institut Henri Poincaré (Paris)
graisse s’accumule dans la devenir brusquement isolants lorsqu’ils sont faudrait produire un milieu extrêmement désor- les 4 et 5 décembre en présence de Philip Anderson, Prix Nobel
moelle osseuse. Partant de fortement refroidis, en dessous de quelques donné ; une sorte de brouillard de l’ordre d’un mil- de physique en 1977 – www.andersonlocalization.com
© Photos : A. Basillais/INSERM

ce double constat, les bio- kelvins ? En 1958, le physicien américain Philip liard de fois plus épais que celui que l’on trouve en 1. Laboratoire CNRS / Université Grenoble-I.
logistes ont eu l’idée de tra- W. Anderson est le premier à proposer une montagne sur une piste de ski. Le produire est en soi 2. Nature Physics, 19 octobre 2008.
3. Lire Le journal du CNRS, n° 222-223, juillet-août 2008.
vailler sur les cellules sou- réponse. Selon lui, à très basses températures, un challenge technique ! »
ches dites multipotentes, les électrons se comportent plus comme des C’est pourquoi les chercheurs du LPMMC et de
présentes dans le tissu adi- ondes que comme des particules. Dans un l’université de Manitoba ont préféré employer CONTACT
peux (la graisse) et dans la 1 2 3 matériau désordonné, comme un métal conte- des ondes acoustiques à température ambiante. Ô Bart Van Tiggelen
moelle. « Ces cellules sou- nant des impuretés, ces ondes interfèrent entre Il leur aura tout de même fallu trois ans pour pré- Laboratoire de physique et modélisation
ches ont la faculté de se transformer elles de manière destructive. En somme, elles parer l’expérience. Elle a consisté à envoyer des des milieux condensés (LPM2C), à Grenoble
Après un traitement à l’ocytocine, les chercheurs sont parvenus à améliorer l’architecture osseuse de souris modèles atteintes [email protected]
soit en cellules osseuses, soit en cellu- d’ostéoporose. Ici, on voit l’intérieur du fémur avant (2) et après traitement (3). À comparer à la structure de l’os sain (1). s’annulent les unes les autres, ce qui se traduit ultrasons dans un milieu désordonné formé de

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
10 VIEDESLABOS Actualités VIEDESLABOS 11

CHIMIE É VO L U T I O N

Paris sous les tropiques La sexualité sortie des eaux BRÈVES

De l’avantage
I
maginez : notre capitale à l’ombre magnétique nucléaire (RMN) révèle
d’une luxuriante forêt tropicale… vite une composition différente de Des chercheurs du CNRS proposent aujourd’hui une idée étonnante :
Surprenant, mais probablement celle de la mer Baltique. Les inves- la sexualité aurait trouvé son origine dans une stratégie de lutte
d’être gaucher

DR
vrai il y a 55 millions d’années ! C’est tigations se poursuivent, et une l’Oise. L’hy-
à cette conclusion qu’a abouti Akino substance pure est finalement iso- pothèse est confirmée : l’un d’un micro-organisme marin contre une menace biologique.
Jossang, chercheuse au laboratoire lée. En collaboration avec le Labo- d’eux, Hymenaea oblongifolia, sem-
Les gauchers s’en sortiraient-ils
« Chimie et biochimie des subs- ratoire de Chimie inorganique et ble bien être le descendant de celui

E
t si la sexualité était apparue à la suite spermatozoïdes – dans le milieu de culture. » En mieux que les autres sur le plan
tances naturelles » 1, à Paris, en se matériaux moléculaires (CIM2) 3, à dont provient l’ambre en question.
d’une guerre dans les océans? C’est l’éton- y regardant de plus près, les chercheurs ont socio-économique? C’est en tout
penchant sur les échantillons d’un Paris, la chercheuse découvre qu’il Or, il s’avère que cet arbre ne pousse,
nante hypothèse des chercheurs du labo- noté avec surprise que ces cellules inédites cas ce que semblent montrer
gisement d’ambre découvert en s’agit d’une molécule inédite, dès de nos jours, qu’en Amazonie. Ce
ratoire « Adaptation et diversité en milieu possédaient exactement les mêmes gènes que la des travaux de l’équipe de Charlotte
1996 dans l’Oise 2. lors baptisée « quesnoin », du nom qui porte à croire que Paris était
marin » 1, à Roscoff. En se penchant sur la vie forme classique du micro-organisme, mais en Faurie, de l’Institut des sciences
L’ambre ? Cailloux aux reflets or et du hameau (le Quesnoy) où le gise- bien, il y a 55 millions d’années, un
d’Emiliania huxleyi, un organisme marin uni- un seul lot et non en deux. Par ailleurs, ils ont de l’évolution de Montpellier (Isem) 1.
miel prisés des bijoutiers, mais avant ment a été découvert. marécage tropical ! Une hypothèse
cellulaire, Colomban de Vargas et ses collègues observé la présence de virus EhVs (pour Résultat de leur étude statistique
tout gouttes de résine tombées d’ar- Si la substance est sans équivalent corroborée par les données sur la
de l’équipe « Évolution du plancton et paléo- Emiliania huxleyi Viruses), réputés pour décimer menée sur 25850 personnes :
bres voici des millions d’années, aujourd’hui, peut-être peut-on trou- tectonique des plaques qui situent
céans » ont fait une curieuse découverte : les populations gigantesques d’Emiliania hux- en moyenne, les gauchers ont un
puis fossilisées en emprisonnant ver le composé dont elle provient. notre capitale d’alors à une latitude
lorsqu’elle est attaquée par un virus, la bestiole leyi, des masses laiteuses visibles depuis l’es- salaire et des positions hiérarchiques
insectes, fleurs et feuilles du passé. Bingo ! L’intéressé ne tarde pas à d’environ 30° N (contre près de 49°
change littéralement de corps et devient ainsi pace. Un lien de cause à effet ? Oui : les tests au travail plus élevés. Les femmes
Les gisements les plus connus, car être démasqué : il s’agit de l’acide aujourd’hui).
totalement invisible à son ennemi 2. Quel rapport effectués par Miguel Frada montrent clairement gauchères, elles, font des études
les plus importants, proviennent de isoozique, une molécule si res- Lætitia Brunet
avec la sexualité direz-vous ? Eh bien, la trans- que les virus déciment les cellules diploïdes plus poussées. Cet avantage « social »
conifères ayant poussé à l’emplace- semblante qu’il n’aura fallu que
1. Laboratoire CNRS / Muséum national formation la fait passer d’un stade dit diploïde, tout en forçant leur transformation en cellules pourrait constituer un élément
ment de l’actuelle mer Baltique voici quelques remaniements atomiques d’histoire naturelle. c’est-à-dire avec deux lots de chromosomes, haploïdes. « Alors totalement invisibles aux virus d’explication au fait que ce caractère
30 millions d’années. Celui de l’Oise spontanés pour donner la fameuse 2. Travaux publiés dans Journal of Organic
© A. NelLMuséum National d’Histoire Naturelle

Chemistry, vol. 73, n° 2, p. 412. comme la grande majorité de nos cellules, à un – car elles présentent une surface impénétrable –, héritable 2 ait perduré au fil
date de 55 millions d’années. Quel- quesnoin, voici plusieurs millions
3. Laboratoire CNRS / Université Paris-VI. stade haploïde, avec un seul lot de chromoso- ces cellules permettraient à l’espèce de vivre en paix de l’évolution, alors qu’il semble
les espèces végétales l’ont produit ? d’années. Or, les arbres du genre
mes. Tout comme nos spermatozoïdes et nos en attendant la dilution des virus par les courants présenter des inconvénients. Plus
L’analyse des échantillons menée Hymenaea sécrètent justement une
ovules, issus du passage de cellules diploïdes à océaniques », détaille Colomban de Vargas. maigrelets à la naissance, les gauchers
par Akino Jossang et son équipe à résine très riche en acide isoozique. CONTACT un stade haploïde, et qui fusionnent ensuite D’un point de vue évolutif, cette parade, d’où auraient ainsi une santé plus faible
l’aide de la technique de résonance L’équipe se lance donc dans la com- Ô Akino Jossang pour donner un nouvel être humain formé à serait issue la sexualité, aurait permis aux pre- selon de nombreuses études.
Les gisements d’ambre trouvés dans
paraison chimique (toujours par Laboratoire « Chimie et biochimie des
substances naturelles », Paris nouveau de cellules diploïdes. miers êtres vivants d’échapper à une lutte per-
l’Oise sont issus d’un probable ancêtre RMN) de la résine des actuels repré- 1. Institut CNRS / Université Montpellier-II.
[email protected] Les biologistes sont parvenus à cette thèse un peu pétuelle avec les virus et de pouvoir, ainsi, évo- 2. Un enfant a plus de chances d’être gaucher
d’arbre amazonien. sentants du genre avec l’ambre de
accidentellement. « À l’origine, nous nous inté- luer en des organismes plus complexes et si ses parents le sont.
ressions à Emiliana huxleyi, dont l’ancêtre serait performants, formés de plusieurs cellules. Et les
apparu dans les océans il y a environ un milliard chercheurs de la baptiser « stratégie du chat du

© J. Young/NHM, London
d’années, pour mieux comprendre sa physiologie, Cheshire », du nom du célèbre chat d’Alice au
raconte Colomban de Vargas. Mais un jour, un pays des merveilles, capable de disparaître à volonté
SANTÉ
de nos étudiants en thèse, Miguel Frada, a noté la pour échapper à l’ordre de décapitation de la 153 milliards
Un espoir pour une grave maladie de l’œil présence de cellules nageant – un peu comme les Reine de cœur.
Kheira Bettayeb d’euros
1. Laboratoire CNRS /

C
’est une maladie rare mais dans les cellules de l’œil, une version transporteur du gène ND4 normal espérons être aidés financièrement par Université Paris-VI. C’est le poids de l’activité économique
très grave : touchant plus de normale de ce gène », précise Marisol un virus inoffensif, le virus adéno- des associations, en particulier l’Asso- 2. « The “Cheshire des insectes pollinisateurs,
Cat” escape strategy of
6000 personnes en France, la Corral-Debrinski, chargée de recher- associé (AAV). Testée sur des rats ciation française contre les myopa- the coccolithophore qui a pu être chiffré grâce une enquête
neuropathie optique héréditaire de che du CNRS. atteints de l’anomalie génétique thies, initiatrice du célèbre Téléthon », Emiliania huxleyi in franco-allemande dirigée notamment
response to viral
Leber (NOHL) entraîne une perte « En fait, notre stratégie est plus com- responsable de la NOHL, cette thé- indique Marisol Corral-Debrinski. infection », Pnas,
par Jean-Michel Salles, du Laboratoire
de la vision souvent irréversible, plexe que la thérapie génique classique, rapie a permis d’éviter la cécité chez Si tout se passe bien, mais pas avant 14 octobre 2008. montpelliérain d’économie théorique
voire une cécité complète. À ce jour, testée actuellement pour d’autres mala- les animaux soignés avant l’évolu- au moins quatre ans, les chercheurs et appliquée (Lameta) 1, à partir
il n’existe aucun traitement. Marisol dies, comme la myopathie de tion irréversible de la maladie (avant pourront enfin passer à des tests C’est en étudiant de données sur les cultures en 2005.
Corral-Debrinski et ses collègues, à Duchenne. Car le gène ND4 ne se 14 jours). « Débutés en mars 2006 chez des patients. une espèce Ces insectes, et notamment les abeilles,
l’Institut de la vision 1, à Paris, ont trouve pas dans le compartiment de dans le cadre de la thèse de Sami Kheira Bettayeb de coccolithophore accomplissent en effet un travail
particulière, Emiliana
pourtant réussi à traiter des ani- nos cellules qui enferme la plupart de Ellouze, nos travaux ont été de longue 1. Lire Le journal du CNRS, n° 216-217, huxleyi, cousine énorme en contribuant à la reproduction
maux souffrant de cette patholo- nos gènes, le noyau, mais dans un haleine : nous avons d’abord dû géné- janvier-février 2008, p. 33. de celle ci-contre, que sexuée des plantes à fleurs. Or près
gie 2. « Se caractérisant par la mort autre, la mitochondrie, où il est moins rer pas moins de 150 animaux portant 2. Résultats publiés dans The American les chercheurs CNRS de 35 % du tonnage mondial d’aliments
Journal of Human Genetics,
des cellules de la rétine – les cellules aisé de faire entrer des gènes médica- le gène ND4 anormal et tester la thé- septembre 2008.
ont trouvé une origine d’origine végétale proviennent
possible à la sexualité.
ganglionnaires – et l’atrophie du nerf ments », poursuit la chercheuse. Et rapie sur la moitié d’entre deux », de cultures dépendant en partie
optique, la NOHL est due, dans 60 % pour cause, la mitochondrie est précise la chercheuse. CONTACT de cette activité. Ces travaux viennent
des cas, à une anomalie sur un gène entourée de deux membranes, et Les biologistes souhaiteraient main- CONTACT Ô Colomban de Vargas d’être publiés dans Ecological
appelé ND4. Pour la traiter, nous non d’une seule comme le noyau. tenant tester leur stratégie chez un Ô Marisol Corral-Debrinski Laboratoire « Adaptation et diversité en milieu Economics.
avons donc pensé à utiliser la théra- Les scientifiques y sont tout de animal plus proche de l’homme : Institut de la vision, Paris marin », Roscoff
[email protected] [email protected] 1. Laboratoire CNRS / Université Montpellier-I / Inra
pie génique, qui consiste à injecter, même parvenus en utilisant comme le singe. « Pour ces travaux, nous / Ensa Montpellier.

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
12 VIEDESLABOS Actualités Mission VIEDESLABOS 13

VO L C A N O L O G I E ANTHROPOLOGIE

Dans les entrailles du Vésuve Rodéo à la mexicaine

Des chercheurs viennent de reproduire des réactions qui ont eu lieu lors de quatre éruptions historiques Depuis deux ans, l’anthropologue Frédéric Saumade gagne régulièrement les montagnes mexicaines
du volcan italien. Leur conclusion : les éruptions à venir pourraient être moins graves. pour étudier les relations qu’entretiennent les Indiens Huichols avec un animal importé : le bœuf. Lors
de sa prochaine mission, c’est à une forme très locale de rodéo qu’il s’intéressera.

C
ertains ont de drôles de recettes de cui- CO 2, dans des gélules d’or ou de platine : mique et la précision des outils de mesure de la
sine. Prenez quelques milligrammes de « Quand on recrée les conditions qui règnent au conductivité électrique du sous-sol. » Aujourd’hui,

I
roche volcanique finement broyée, placez cœur des volcans, l’or est malléable et transmet on ne peut voir dans les entrailles du Vésuve l faut huit heures de route dans les montagnes pour les grandes fêtes. Pour moi, le taureau est suivre des taurillons à cheval et les renverser en
à la cocotte-minute, faites monter un bon coup bien la température et la pression à la roche, qui se des structures de dimensions inférieures à cinq escarpées de la Sierra Madre occidentale pour plutôt venu prendre la place de l’homme dans un leur tirant la queue. Jusqu’à présent, aucun eth-
la pression et donnez un sérieux coup de chaud. transforme en liquide magmatique. » cent mètres. Il faudrait beaucoup mieux pour rejoindre la communauté d’Indiens Huichols quadrant “cerf-peyotl-maïs-homme”, étant entendu nologue n’a étudié cette pratique locale de rodéo
Vous obtenez une passionnante expérience qui Pour chacune des quatre éruptions, plusieurs savoir s’il existe ou non un réservoir de magma de San Andrés Cohamiata. Comme beau- que les Huichols, comme tous les peuples de la car elle a lieu pendant la fête patronale, une fête
lève un coin du voile sur l’histoire du Vésuve. Elle dizaines d’expériences ont été conduites en fai- « froid » profond capable de réveiller les ardeurs coup de peuples indigènes, les Huichols se sont Méso-Amérique, sacrifiaient des êtres humains chrétienne exclue du cycle traditionnel des céré-
a été racontée dans Nature en septembre der- sant varier température et pression. Dans l’en- meurtrières du volcan. installés dans une région reculée du Mexique avant l’arrivée des Espagnols. » 2 monies huicholes. Mais pour Frédéric Saumade,
nier par Bruno Scaillet et Michel Pichavant, de veloppe de métal inerte, la roche a fondu, don- Denis Delbecq pour fuir l’invasion des conquistadors au XVIe siè- elle reste du premier intérêt : « Les com-
l’Institut des sciences de la terre d’Orléans nant naissance à un verre volcanique et à 1. Institut CNRS / Université d’Orléans / Université de cle. Aujourd’hui, le temps de la colonisation est munautés huicholes sont partagées sur la
(ISTO) 1, ainsi que Raffaello Cioni (université de différents types de cristaux. En comparant ces pro- Tours. loin, mais les Indiens ont adopté l’élevage du question : celles qui sont situées à l’ouest du
Cagliari et INGV-Pise). duits expérimentaux aux roches de départ, Bruno bœuf et acquis le goût… du rodéo. C’est justement Rio Chapalagana célèbrent la fête patro-
En dépit des grandes éruptions meurtrières, Scaillet et ses collègues ont retrouvé les conditions CONTACTS à ces pratiques directement importées par les nale avec des rodéos mais à l’est de la
dont celle de Pompéi en l’an 79 qui tua proba- exactes qui régnaient dans le réservoir de magma Institut des sciences de la terre d’Orléans (ISTO) Espagnols puis transformées au contact de la rivière, il n’y a pas de rodéo. Là, les éleveurs
blement des milliers de personnes, la population des quatre éruptions étudiées. Ô Bruno Scaillet, [email protected] civilisation mexicaine que s’intéresse Frédéric que j’ai interrogés me disent que le bœuf est
n’a jamais cessé de se masser sur les flancs du Leur verdict est formel. Le réservoir est remonté Ô Michel Pichavant Saumade, anthropologue à l’Institut d’ethnolo- un animal sacré, qu’il ne faut pas jouer
[email protected]
Vésuve. Et s’il n’a pas connu d’activité depuis de sept mille mètres de profondeur à trois mille gie méditerranéenne, européenne et comparative avec… » En assistant à ces festivités,
1944, le volcan fait l’objet d’une étroite surveil- mètres après l’éruption de Pompéi, faisant baisser (Idemec) 1 d’Aix-en-Provence. Depuis 2006, le Frédéric Saumade espère bien en
lance. D’où l’intérêt des travaux de nos trois cher- la pression. Puis, il a poursuivi sa remontée scientifique a focalisé son attention sur l’intro- apprendre davantage sur ce rite
cheurs : ils viennent de montrer que, depuis au jusqu’en 1944, année de la dernière explosion. Au duction du bœuf chez les Indiens Huichols. Il moderne et voir de quelle façon les indi-
moins huit mille ans, le réservoir de magma a fur et à mesure, la température a grimpé, rendant BRÈVE assistera, lors de sa prochaine mission, au gènes se sont nourris des apports du
grimpé vers la surface, et que la température du le magma moins visqueux, ce qui lui permet de « rodéo » de la fête patronale. monde extérieur, hispanique et métis.
magma a augmenté, fluidifiant la matière. Des perdre plus facilement ses éléments volatils. Des Les premiers Mexicains à approcher le bœuf et Laurianne Geffroy
travaux qui laissent penser que les pires éruptions
sont peut-être derrière nous.
indices qui laissent penser que les prochaines
éruptions du Vésuve libéreront, comme les volcans
Recette pour à appréhender sa domestication furent les
vachers employés dans les haciendas espagno-
1. Institut CNRS / Université Aix-Marseille-I.
2. Lire l’article à paraître prochainement :
« Nous avons récupéré des roches, des ponces, cor-
respondant à quatre éruptions explosives de l’his-
hawaiiens, une roche fluide par effusion et non
plus un magma épais et explosif. « Mais nous ne
digérer équilibré les. Les apprentis éleveurs inventent alors de
nouvelles techniques, comme le piégeage au
F. Saumade, « Taureau, cerf, maïs, peyotl :
le quadrant de la culture wixarika (huichol) »,
L’homme, n° 189, janvier 2009.
toire du Vésuve », explique Bruno Scaillet, direc- pouvons hélas en avoir la certitude, concède Bruno lasso, qui se propagent dans tout le pays et, plus
teur-adjoint de l’ISTO. « Mercato, il y a huit mille Scaillet. Car les géophysiciens observent par tomogra- C’est un résultat qui pourrait permettre tard, jusqu’aux États-Unis. Les Indiens Huichols
ans, Avellino (3 360 ans), Pompéi (en l’an 79) et phie sismique une anomalie entre huit et dix kilo- de rétablir l’équilibre bactérien se convertissent à l’élevage à partir du XVIIe siè-
Pollena (an 472). » La roche a ensuite été fine- mètres de profondeur. » Elle pourrait signaler la pré- du système digestif, rompu dans cle. Pour eux, cependant, le bœuf n’est pas consi-
ment broyée puis placée, avec de l’eau et du sence d’un second réservoir de lave, plus froide plusieurs pathologies graves comme déré comme une réserve de viande mais plutôt
et capable de produire un évènement comme les dysenteries ou la maladie de Crohn : comme un animal sacré. Encore aujourd’hui,

© Photos : F. Saumade
Vue au microscope
© B. Scaillet

électronique d’un Pompéi. Un conditionnel qui signifie que la sur- des chercheurs du CNRS, à Paris, avec « au début de la saison sèche, lors du carnaval ou
matériau élaboré veillance scientifique du Vésuve devra se pour- leurs collègues de l’Institut Pasteur, de la semaine sainte, de nombreux taureaux sont
à partir d’une pierre suivre sans relâche, tant que les hypothèses sur de l’Inserm et du Centre national sacrifiés pour appeler la pluie et la fertilité des À la suite de la colonisation, les Indiens et métis
ponce d’une son évolution n’auront pas été tranchées. de biotechnologies, à Madrid, ont en champs. Sans ces pratiques, les Huichols sont per- mexicains s’inspirèrent d’une autre pratique
éruption du Vésuve.
Il contient Pour Bruno Scaillet, la réponse viendra peut- effet décrypté un mécanisme clef dans suadés qu’il ne pleuvrait pas sur la Terre entière », introduite par les Espagnols, celle de la corrida.
Le bœuf, importé par
des minéraux ferro- être des géophysiciens. « À condition d’améliorer l’équilibre entre le système immunitaire relate Frédéric Saumade. « Ils entretiennent des Là encore, ils développent leurs propres formes les Espagnols lors de
magnésiens (clair), la résolution spatiale des outils de tomographie sis- et la flore intestinale. Publiés dans rapports très ambigus avec le bœuf, à la fois affec- de jeu. Ils décident ainsi d’affronter le taureau la colonisation, est
des feldspaths (gris) Nature, leurs travaux ont mis au jour tueux et violents. Pour eux, c’est un animal exté- non plus du haut d’un cheval ou à renfort de ban- considéré par les
et d’anciennes Indiens Huichols
bulles de gaz (noir).
la reconnaissance d’un constituant rieur et dangereux, qui ne vient pas des Espagnols derilles, mais en montant sur son dos comme
comme un animal
essentiel de la paroi des bactéries mais de l’océan Atlantique. » dans un rodéo. « Quand, au XVIIIe siècle, les sacré. Il est immolé
dites Gram-négatives par une protéine Avant l’arrivée du bœuf, c’est le cerf qui était Espagnols voient les Indiens monter sur les tau- lors des festivités
située dans les cellules épithéliales sacrifié pour maintenir l’équilibre cosmologi- reaux, ça leur paraît quelque chose de très extra- pour appeler la pluie
de l’intestin, appelée Nod1. S’ensuit que. Le cervidé occupait alors une place cen- vagant. À tel point que certains d’entre eux sont et la fertilité des
la formation de tissus lymphoïdes qui trale dans la tradition huichole, à côté du maïs engagés dans les corridas royales de Madrid », sou- champs.
deviendront des cellules immunitaires et du peyotl, un cactus hallucinogène que les ligne Frédéric Saumade. Aujourd’hui, la char-
chargées de réguler les bactéries. Pour Indiens vont récolter une fois par an dans le reada – qui regroupe des exercices de piégeage
© S. Grandadam/Hoa-Qui

CONTACT
Ô Frédéric Saumade
les chercheurs, des molécules capables désert, à plus de 500 kilomètres de leur village. au lasso et de monte du taureau – est même
d’activer la protéine Nod1 pourraient Mais Frédéric Saumade se refuse à croire que le devenue le sport national mexicain. Institut d’ethnologie méditerranéenne,
donc contribuer à rétablir l’équilibre bœuf s’est simplement substitué au cerf : « C’est Les Huichols, eux aussi, s’adonnent aux jeux européenne et comparative (Idemec), Aix-en-
bactérien du système digestif. une vision un peu courte, pour la pure et simple rai- d’arène et organisent, depuis quelques dizaines Provence
Le Vésuve, surplombant la baie de Naples. [email protected]
> www2.cnrs.fr/presse/communique/1452.htm son que les Huichols continuent à chasser le cerf d’années, des « rodéos ». Le but du jeu ? Pour-

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
14 INNOVATION INNOVATION 15

POLITIQUE INDUSTRIELLE FIRE

« Il faut valoriser nos brevets » Onelab2 : l’internet du futur

La direction de la politique industrielle du CNRS vient de publier un prend de la vitesse
rapport sur « la diffusion des découvertes du CNRS vers le monde
A
vec l’arrivée massive des technolo- tifique, a créé en 2006 une plateforme euro-
industriel », qui recense les 284 brevets publiés entre le 1er juillet gies nomades, l’utilisation grandis- péenne Planetlab-Europe, selon un modèle
sante des réseaux sans fil satellites ou développé aux États-Unis. Concrètement,
2007 et le 1er juillet 2008. L’analyse de Marc J. Ledoux, directeur de radio et la montée en puissance des mena- elle interconnecte, via l’Internet standard,
la politique industrielle. ces extérieures (virus, pirates…), l’architec- 800 ordinateurs de laboratoires publics et
ture globale d’Internet doit évoluer. La Com- privés ainsi que d’entreprises. Aujourd’hui,
284 brevets publiés par le CNRS en douze mois, noir sur blanc dans le décret de création du mission européenne vient de réitérer son la deuxième phase du projet, baptisée One-
contre 204 en 2006… Le chiffre impressionne, CNRS. Et cette participation se traduit par une soutien à l’émergence d’un « Internet du lab2, prend de l’ampleur. « Nous travaillons
mais est-ce un bon indicateur de la santé de politique d’innovation forte. futur » à travers l’initiative « Future Inter- désormais avec 26 partenaires 2, et non plus 11,
l’innovation? net Research and Experimentation » (Fire). et notre budget est passé de 1,9 à 9 millions
Marc J. Ledoux : C’est en tout cas la preuve que Vous dites que ces résultats sont le fruit d’une Pas moins de quatorze projets de recherches d’euros pour 27 mois », indique Serge Fdida.

© C. Lebedinsky/CNRS Photothèque
les chercheurs du CNRS ont pris conscience de politique volontariste mise en place depuis deux sont financés pour développer et coordon- L’objectif de la plate-forme Planetlab-Europe
l’importance de protéger leurs découvertes. Et s’il ans et demi. De quelle façon se traduit-elle? ner une nouvelle infrastructure web. Au est d’évaluer les possibilités d’étendre les
faut les protéger, c’est parce qu’elles ont de la M.J.L. : D’abord par le dialogue. Je ne compte cœur de cette dynamique, le laboratoire algorithmes de l’architecture polymorphique
valeur, une valeur scientifique mais aussi une plus les visites sur le terrain, les échanges avec d’informatique de Paris 6 (Lip6) 1 est partie aux réseaux radio (pour le marché du Wi-Fi
valeur pour les industriels. C’est ma conviction : les membres de commissions et les départe- prenante des trois facettes de Fire : la recher- du futur), à la distribution de contenus et à
si l’on ne protège pas nos découvertes, les inves- ments scientifiques. Je ne connais pas de meil- che, la coordination des équipes interna- l’interconnexion d’autres réseaux autono-
tisseurs ne viendront pas vers le CNRS. Mais leur moyen de convaincre les chercheurs. Ensuite, tionales et la gestion quotidienne d’une mes. Pour cela, l’ensemble des partenaires
cet élément – le nombre de brevets déposés – ne à chaque département de traduire cette volonté architecture expérimentale (sécurisation, développe en priorité des outils de mesure
montre pas l’attractivité de ces découvertes aux comme il l’entend, nous n’imposons rien. Mais certes, protègent les découvertes, coûtent de l’ar- Ô Consulter le rapport mise à jour des logiciels…). Si l’équipe est fiables capables d’identifier les besoins qui
www.cnrs.fr/dpi/une/decouvertes07-08.htm
yeux du monde industriel. En revanche, le nom- les choses évoluent. Nous avons convaincu le gent mais ne rapportent rien au CNRS et surtout partenaire des projets Fireworks (un forum émergeront des usages, et établit un cadre
bre de brevets exploités, lui, est un signal fort. Et département Chimie de tenir compte de ces à la société civile en général. 1. Dispositifs au sein desquels est réalisée une réaction collaboratif) et Nanodatacenters (pour le juridique, notamment via des consortiums
biochimique.
ce nombre est éloquent : 116 de ces brevets sont dépôts de brevets dans l’évaluation des cher- 2. Lire « Les brevets, une valeur en hausse », développement de nouveaux centres de de propriété intellectuelle.
déjà exploités, alors qu’ils ont au maximum deux cheurs. L’agence d’évaluation de la recherche et La motivation financière est-elle importante? Le journal du CNRS, n° 224, septembre 2008. stockage de données), elle coordonne sur- L’équipe du Lip6, qui gère la plateforme
ans d’âge. Mais un autre indicateur est aussi très de l’enseignement supérieur (Aeres) l’a d’ail- M.J.L. : Bien sûr. Elle est importante à la fois tout l’une des plus ambitieuses actions de européenne et l’utilise comme outil de recher-
intéressant : sur cette même période, le CNRS a leurs inscrit dans ses critères d’évaluation des pour le CNRS et pour les chercheurs, qui, depuis CONTACT Fire, le projet Onelab. che, met maintenant l’accent sur les dis-
aussi formé entre 600 et 800 ingénieurs du laboratoires et des équipes, au même titre que les la loi de 1999, sont systématiquement intéressés Ô Marc J. Ledoux C’est en 2003 que le Lip6 a commencé à étu- cussions avec les plateformes expérimenta-
monde industriel, venus acquérir des techni- publications dans des revues scientifiques. aux royalties. Pour le CNRS, il s’agit aussi d’équi- Direction de la politique industrielle, dier, en étroite coopération avec l’Inria, la les similaires : Planetlab aux États-Unis, et
ques de pointe. librer les comptes. Comme je le disais, un por- Paris possibilité de réinventer l’Internet autour Planetlab-Japan en Asie. Et s’attelle déjà à
[email protected]
Il s’agit avant tout d’incitations. Que fait la tefeuille de brevets coûte de l’argent (7,1 mil- d’une architecture dite polymorphique, c’est- définir les axes du prochain Onelab3.
Ces relations étroites entre l’industrie et le direction de la politique industrielle de son lions d’euros en 2007) et doit aussi en rapporter. à-dire faite de plusieurs réseaux complé- Aude Olivier
CNRS sont-elles aussi importantes dans toutes côté? C’est le cas : nous avons perçu 58,2 millions mentaires pouvant être fédérés. Afin de tes-
1. Laboratoire CNRS / Université Paris-VI.
les disciplines? Certaines sont-elles plus M.J.L. : Nous avons mis en place des structures d’euros de redevances en 2007, partagées entre BRÈVE ter à grande échelle ce concept nommé 2. Ceux-ci sont européens, suisses, israéliens et
innovantes que d’autres? qui permettent de déposer les brevets le plus les chercheurs, leurs laboratoires et les tutelles. Onelab, Serge Fdida, son coordinateur scien- australiens.
M.J.L. : Le CNRS est un organisme pluridisci-
plinaire, c’est ce qui fait sa richesse. Et toutes les
rapidement possible. Nous nous engageons pour
notre part à examiner les demandes au niveau de
Sur ce total, les chercheurs ont touché 15,4 mil-
lions d’euros. Ils sont 220, soit 2 % des effectifs Des ingénieurs pour
disciplines sont représentées dans ce rapport. Il la délégation régionale, puis de la DPI, en moins de l’organisme, à toucher des redevances. Et pas
n’y a qu’à le parcourir : on passe de brevets por-
tant sur l’imagerie médicale à d’autres sur de
de quinze jours. Certaines sont même exami-
nées en moins d’une semaine. Une fois cette
seulement des petites sommes : quelquefois plu-
sieurs centaines de milliers d’euros par an, et pour
les écosystèmes
nouveaux éclairages avec les diodes électrolu- décision prise, les chercheurs travaillent ensuite une poignée plusieurs millions. Les 11 et 12 décembre prochains,
minescentes ou sur les bioréacteurs 1. Mais il est avec un cabinet pour écrire et déposer la demande à la Cité internationale universitaire de Paris,
vrai que certains secteurs entretiennent des rela- de brevet. En moyenne, l’ensemble des opéra- Quels sont les objectifs de la DPI désormais ? le Groupe d’application de l’ingénierie
tions plus étroites avec le monde industriel : la tions, rédaction comprise, demande deux à trois Augmenter encore le nombre de brevets des écosystèmes (Gaie) va réunir pour la
chimie est le premier secteur en termes de bre- mois. publiés ? troisième année consécutive les entreprises,
vets publiés, suivie par les sciences du vivant et M.J.L. : C’est un phénomène qui est déjà amorcé : les collectivités, les chercheurs et quelque
les sciences et technologies de l’information et de Les chercheurs du CNRS ne sont pas seuls sur le CNRS devrait publier plus de 400 brevets l’an- 300 étudiants pour échanger sur une nouvelle

© PastedGraphic
l’ingénierie (ST2I). ces brevets, les industriels sont souvent née prochaine. L’essentiel maintenant est de les discipline : l’ingénierie des écosystèmes,
présents dès la phase de dépôt… valoriser, de trouver des licencieurs. Le CNRS pos- qui désigne l’application des principes
On ne peut que se réjouir de l’augmentation du M.J.L. : … En effet, la plupart des brevets sont en sède 3 200 brevets, un réservoir énorme d’in- de l’écologie à la gestion de l’environnement,
nombre de brevets déposés, mais est-ce bien la copropriété, avec les universités ou d’autres ins- novations. Sur ces 3 200, un peu plus du tiers comme par exemple la réhabilitation de sols CONTACTS
vocation du CNRS ? tituts. Et un tiers d’entre eux sont en copropriété (1 200) sont exploités. Deux tiers restent à licen- pollués grâce à des plantes accumulatrices Laboratoire d’informatique
M.J.L. : Bien sûr ! Certes, la première mission du avec des entreprises industrielles. Elles gèrent cier. À nous, dans les mois qui viennent, de met- de métaux lourds. Le colloque, dont le CNRS de Paris 6 (Lip6)
CNRS est purement scientifique : contribuer à 30 % du portefeuille environ. Mais pour le reste, tre en valeur ce portefeuille, de l’organiser de est partenaire, aura pour thème principal : Ô Serge Fdida
l’avancement des connaissances. Mais sa c’est notre structure de valorisation Fist 2 qui façon stratégique, et aussi de savoir abandon- « L’agriculture écologiquement intensive [email protected]
deuxième mission est de participer aux progrès gère le portefeuille de brevets. À elle de faire en ner certains de ces brevets. ou intensivement écologique? ». Ô Frédéric Vaissade
Plus de 800 ordinateurs à travers l’Europe sont déjà reliés grâce [email protected]
économiques et industriels du pays. C’est inscrit sorte qu’ils soient exploités. Sinon, ces brevets qui, Propos recueillis par Virginie Lepetit > www.biologie.ens.fr/gaie à l’expérimentale plateforme Internet Planetlab-Europe.

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
16 PAROLED’EXPERT JEUNESCHERCHEURS 17

Catherine Gousseff 1, historienne et chargée de recherche au CNRS

« Ce serait tellement formidable
qu’un de nos matériaux
soit un jour utilisé pour sauver
des vies. »

Quel droit d’asile l’équipe du professeur Gérard Ferey, à l’Institut

Lavoisier. Là, il retrouve ses chers solides
poreux… mais sous leur forme hybride

pour l’Europe? et flexible. « L’ouverture de pores varie

considérablement en présence de solvants. Entre
40 et 230 % en volume selon la nature des espèces
insérées et la charpente ! C’est ce qu’on appelle
D’ici à 2010, l’Union souhaiterait achever et par les autres pour son cadre trop restrictif Le droit d’asile est-il menacé? une “respiration”. Le solide peut ainsi gonfler puis
la mise en place d’une politique d’asile qui ne permet pas, par exemple, de prendre C.G. : L’asile est de plus en plus sacrifié au nom retrouver sa forme originelle, selon la température
européenne. Pour cela, les Vingt-sept multiplient en considération le réfugié humanitaire, de la nécessité proclamée d’une « maîtrise » ambiante, sans cassure de liaisons. »
les démarches : conférence européenne victime des cataclysmes naturels. Ce texte est sélective de l’immigration. A priori, le réfugié Avec de telles capacités d’absorption,
sur l’asile en septembre, adoption du Pacte contraignant dans la mesure où, notamment, est le seul étranger à pouvoir prétendre les solides poreux hybrides suscitent déjà
européen sur l’immigration et l’asile en octobre, le demandeur d’asile doit démontrer qu’il « légitimement » passer une frontière l’intérêt des milieux industriels, notamment
etc. Aujourd’hui, pourtant, de fortes disparités est personnellement visé par une persécution, clandestinement, à être sans papiers, pour le stockage de gaz à effet de serre
demeurent entre les États membres dans fait difficile à prouver pour tous ceux ayant perdu la protection de son État ou la purification des gaz. Et ils commencent
l’octroi de la protection aux réfugiés qui fuient la guerre, par exemple. Malgré d’appartenance. Mais il est, de facto, de plus également à intéresser la sphère médicale…

© J.-F. Dars/CNRS Photothèque

et dans les formes qu’elle revêt… ses imperfections, ce texte a le mérite d’exister en plus assimilé aux immigrants illégaux qu’il Une expérience a récemment permis
Catherine Gousseff : … En effet, depuis le et de donner une définition juridique s’agit de poursuivre… Le drame actuel réside la libération contrôlée de médicaments, grâce
programme de La Haye en 2004, l’Union s’est commune du réfugié. principalement dans les changements à une matrice qui encapsule la molécule
fixé comme objectif de bâtir une de procédures et de pratiques de la demande pharmaceutique et augmente sa durée de vie
Europe de l’asile. Or, face à la
diversité des traditions institu-
«Le droit d’asile est sacrifié d’asile aux frontières, notamment
aéroportuaires, au cours de la dernière
dans le corps. « Cela assure une réduction
des effets secondaires dus à des administrations
tionnelles nationales, il est très
au nom de la nécessité décennie. Le caractère souvent expéditif de répétées. De plus, la libération lente du principe
difficile d’envisager une unifi-
cation politique. Chacun des
États a ainsi inséré le traitement
proclamée d’une “maîtrise”
l’examen des demandes, le raccourcissement
des délais de recevabilité, l’absence ou la
carence de traducteurs et d’avocats mettent
Christian Serre actif limite son processus de biodégradation
in vivo et augmente ainsi son efficacité. »
Avec ces premiers résultats remarquables,
institutionnel des réfugiés dans
son propre système d’adminis-
sélective de l’immigration.» en péril l’accès même au droit d’asile.
C’est donc moins le droit en tant que tel Un chimiste très inspiré Christian s’est fait un nom. Ses travaux,
largement repris par la presse spécialisée
tration des étrangers. Par ail- qui est menacé que l’accès à ce droit d’asile. internationale – quatre de ses 85 publications

C
leurs, en raison de la configuration géopolitique Depuis quelque temps, l’harmonisation se fait hristian Serre a deux cuisines. Celle où le jeu des concours, mais au fond, je ne savais ont été citées plus de 100 fois – viennent d’être
et historique de l’Europe, chaque État dans le sens du durcissement. Les politiques Quelle serait la conception idéale d’un droit il prépare amoureusement les repas de pas encore ce qui m’intéresserait », juge-t-il. récompensés en 2008 par une bourse
est confronté, dans ses sollicitations d’asile, d’accueil sont de plus en plus restrictives, d’asile commun à l’Union européenne? ses deux bambins, et l’autre, à l’Institut En troisième année, le jeune homme opte de l’European Research Council pour son
à des réalités dominantes très variées. et l’accueil des réfugiés se déplace vers C.G. : Parler d’idéal n’est pas vraiment de mise Lavoisier 1, à Versailles, où il concocte finalement pour la chimie. Et commence projet « Biomofs » (applications biologiques
Pendant les guerres de Yougoslavie, les pays pauvres. L’élargissement de l’espace dans la période actuelle… Si on parle du droit d’étranges substances. Polymères, solides à s’enflammer pour les matières condensées. de solides nanoporeux hybrides cristallisés).
par exemple, l’Allemagne a accepté Schengen 2 à des pays comme la Roumanie, d’asile, on peut dire qu’il en existe un, hybrides poreux à flexibilité géante qui Après son DEA, il accepte une proposition « Avec ce programme européen sur cinq ans,
d’accueillir un très grand nombre de réfugiés, souvent considérés comme poreux, peut-il commun aux Vingt-sept, basé sur la validité de pourraient avoir des applications en médecine de thèse chez Rhodia, à Versailles. « Il s’agissait je vais pouvoir recruter deux thésards et cinq
tout en soulignant d’emblée le caractère être l’une des raisons de cette évolution? la Convention de Genève. Aujourd’hui, il faut et pour l’environnement notamment, d’étudier la synthèse et la formation de phosphate postdoctorants, s’enthousiasme-t-il. Nouveau
temporaire de cet accueil. Cette mesure C.G. : Des pays intégrés depuis plus de vingt que ce droit existe au-delà des textes et qu’il et autres curiosités chimiques remplissent de titane micro- et mésoporeux. » Aïe… défi : tester des anticancéreux ! Ce serait tellement
a pris fin au terme du conflit. ans dans la communauté européenne, comme s’impose dans la réalité. Il devrait permettre ses chaudrons. À 38 ans, l’enfant « prodige » « Je m’explique, précise-t-il dans un sourire. formidable qu’un de nos matériaux soit
la Grèce ou l’Espagne, ont été régulièrement à tous les demandeurs d’asile d’avoir les de la chimie, Médaille de bronze du CNRS Les solides poreux constituent une importante un jour utilisé pour sauver des vies ou améliorer
Pourtant, il existe un texte de référence montrés du doigt pour leur manque mêmes chances pour accéder à une protection en 2006 et dont l’une des publications famille de matériaux avec de nombreuses le traitement d’une maladie grave. »
en matière de droit d’asile : la Convention de vigilance dans le contrôle des étrangers. équivalente dans tous les pays de l’Union. a été l’article de sa discipline le plus cité applications dans des domaines stratégiques Souhaitons-lui que la recette soit la bonne.
de Genève de 1951. Son cadre juridique À l’inverse, plusieurs nouveaux pays entrants, Propos recueillis par Géraldine Véron en 2007, aime faire partager sa passion, même tels que la pétrochimie, la chimie fine, la catalyse Camille Lamotte
est-il encore adapté à l’explosion du nombre telle la République tchèque, se sont montrés 1. Juge assesseur du Haut Commissariat aux réfugiés
si comprendre ses travaux n’est pas forcément ou la séparation des gaz et des liquides. Ces solides Ô Retrouvez les « Talents » du CNRS sur :
des demandeurs d’asile de ces trente rapidement déterminés à harmoniser des Nations unies, à la Commission de recours des réfugiés à la portée du premier venu. Alors pour poreux sont constitués d’une charpente www.cnrs.fr/fr/recherche/prix.htm
dernières années? leur politique dans le sens du durcissement. (2000-2005). démêler le fil de ses recherches, on est obligé tridimensionnelle, de pores (cages, tunnels) 1. Laboratoire CNRS / Université Versailles Saint-Quentin.
2. Cet espace est constitué d’états membres de l’UE pour
C.G. : La Convention de Genève est le premier Je ne suis donc pas convaincue la plupart – entre lesquels la libre circulation des personnes de tout reprendre depuis le début. Comme à l’échelle nanométrique, dont les dimensions Lire aussi le reportage à l’Institut Lavoisier : « Les rois
grand texte international à définir le réfugié que l’élargissement joue un rôle si décisif dans pour les belles histoires… peuvent varier. Cela leur confère alors une grande du design », Le journal du CNRS, n° 216-217,
est autorisée et les contrôles des voyageurs sont harmonisés.
janvier-février 2008.
par référence à une persécution politique, cette évolution. Celle-ci s’explique davantage Son parcours scientifique commence capacité d’absorption. »
religieuse ou liée à l’appartenance à un groupe par la radicalisation et la généralisation de CONTACT sans fausse note sur les bancs des classes Après un stage postdoctoral d’un an au sein CONTACT
social stigmatisé. Mais elle est souvent la préoccupation sécuritaire des politiques, qui Ô Catherine Gousseff préparatoires du lycée Saint-Louis à Paris. d’une unité mixte CNRS-Rhodia dans le New Ô Christian Serre
dénoncée par les uns pour l’interprétation se traduit par la construction de la forteresse Centre Marc Bloch, Berlin Christian entre ensuite à l’École supérieure Jersey, aux États-Unis, Christian Serre est Institut Lavoisier, Versailles
[email protected] [email protected]
trop large qui peut être faite du réfugié, Europe pour parer l’immigration. de physique et chimie industrielles. « J’ai joué finalement recruté au CNRS en 2001, dans

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
18 L’ENQUÊTE L’ENQUÊTE 19

> 19
DE L’ORIGINE D’UNE THÉORIE
DES RECHERCHES EN ÉVOLUTION > 23
150 ANS APRÈS, QUAND LA POLÉMIQUE S’EN MÊLE > 26

LE MONDE
selon Darwin constitua
de nombreuses collections

DARWIN
d’insectes, l’occasion
de mener des observations
naturalistes extrêmement
minutieuses.

Le savant anglais n’a publié sa théorie

de la sélection naturelle qu’assez tard,
à cinquante ans, alors qu’il était déjà un

De l’origine d’une théorie naturaliste de renom international.

O
n annonce toujours la mort des célé- dynamique », commente Hervé Le Guyader,
brités, jamais leur naissance », plai- directeur du laboratoire « Systématique, adap-
santait l’écrivain surréaliste Louis tation, évolution » 1.
Scutenaire. Sans réparer cette
injustice, 2009 va permettre de LES GRANDS PRINCIPES
célébrer on ne peut plus dignement le bicente- DE L’ÉVOLUTION
naire de la naissance du géant de la science En ce début de troisième millénaire, l’explication
moderne que fut Charles Robert Darwin, en des mécanismes de l’évolution biologique for-
même temps que, par un heureux hasard du mulée par Darwin et ses successeurs repose sur
calendrier, le 150e anniversaire de la première édi- quatre principes fondamentaux. Premièrement : Darwin représenté en 1840 par
tion de De l’origine des espèces par la voie de la sélec- « Parmi les individus qui se reconnaissent comme George Richmond, non en patriarche
tion naturelle, sa publication majeure. partenaires sexuels potentiels, il existe des variations barbu, tel que la postérité
Une « darwinomania » légitime, puisque la théo- (physiques, génétiques, d’aptitude…). Quelle que soit l’a immortalisé, mais en homme
encore jeune, grand et mince.
rie de l’évolution des espèces, échafaudée par le la cause de cette variation, les espèces vivantes
savant à la barbe blanche et sans cesse enrichie, manifestent par conséquent une capacité naturelle
complétée, complexifiée par des générations de à varier », explique Guillaume Lecointre, chef
2009 sera l’année Darwin. Deux cents ans après sa naissance, cent cinquante ans
© Illustration C. Hein, et Clivia - J. Samsonov - DX - StarJumper/Fotolia.com ; The Bridgeman Art Library

chercheurs au prix d’un nombre incalculable d’équipe au laboratoire « Systématique, adap-

de travaux sur le terrain et en laboratoire, paraît tation, évolution ».
après la parution de son ouvrage De l’origine des espèces, le monde s’apprête indétrônable. Ce que dit Darwin au milieu du Deuxièmement, toute espèce se laisse sélec-
XIXe siècle ? Que les organismes vivants sont en tionner. Les horticulteurs qui créent, par exem-
à célébrer le naturaliste anglais qui a révolutionné l’histoire de la vie, en mettant perpétuelle évolution, grâce notamment au phé- ple, de nouvelles variétés de roses en croisant
nomène de sélection naturelle qui fait qu’au entre elles d’anciennes variétés, et les éleveurs,
sur pied les théories de l’évolution et de la sélection naturelle. Si l’hommage sein d’une même espèce, les individus les plus qui ont fait du loup un teckel en 11 000 ans, le
adaptés à leur milieu se reproduisent davantage savent bien. « Le simple fait que les hommes puis-
est de taille, c’est que ces travaux constituent le socle de recherches capitales que les autres. Et que toutes les espèces (l’homme sent changer à leur guise la morphologie d’une

© Rue des Archives/Lebrecht ; The Bridgeman Art Library ;

n’est pas exclu de ce schéma) descendent d’un espèce montre bien que celle-ci est en quelque sorte
menées pour établir les liens de parenté entre les espèces, et comprendre ou de plusieurs ancêtres communs. Un boule- “plastique”, possède une capacité à être modifiée »,
versement dans la vision traditionnelle chré- dit Guillaume Lecointre.
leur évolution au fil des millénaires. Mais c’est aussi et sûrement pour réaffirmer tienne qui prévaut alors, et pour laquelle les Troisièmement, toutes les espèces se reprodui-
créatures en tout genre qui peuplent la planète sent aussi longtemps qu’elles trouvent des res-
certains faits scientifiques, à l’heure où les détracteurs de Darwin, créationnistes sont des créations divines, immuables et indé- sources alimentaires et des conditions optima-
pendantes les unes des autres. les d’habitat. Leur taux de reproduction est alors
en tête, semblent regagner du terrain. Comment Darwin a-t-il échafaudé ses théories, « La théorie de l’évolution au sens darwinien du tel qu’elles parviennent toujours aux limites de
terme est actuellement le meilleur cadre concep- ces ressources ou trouvent d’autres limites, tel-
et comment celles-ci ont-elles évolué? Que font ses héritiers dans les labos? tuel que nous ayons à notre disposition pour com- les que la prédation qu’elles subissent de la part
prendre rationnellement l’instabilité du vivant, d’autres espèces. « Il existe ainsi une capacité
Le journal du CNRS a enquêté. pour penser un monde naturel essentiellement naturelle de surpeuplement observable lorsque, >
Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
20 L’ENQUÊTE L’ENQUÊTE 21

> par exemple, des espèces allogènes envahissent l’isolement de ces volatiles sur des îles les a puis, en 1831, chez Patrick Matthew, qui accusera LA GÉNÉTIQUE EN RENFORT logie, la botanique et la paléontologie, qui se Niles Eldredge. Leur nouveau modèle, l’« évolu-
brutalement un milieu fermé comme une île », conduits, à partir d’une souche unique d’origine Darwin de plagiat. On sait aussi qu’Alfred Russel Si la théorie de Darwin bouleverse la vision chré- regardaient jusqu’ici en chiens de faïence, et à tion à équilibres ponctués », montre que la trans-
poursuit Guillaume Lecointre. Meilleur exemple : continentale, à présenter des variations liées Wallace en avait conçu une version comparable à tienne traditionnelle du monde, elle souffre la naissance de la « théorie synthétique de l’évo- formation des espèces s’opère par à-coups entre-
les lapins introduits au XIXe siècle en Australie probablement à des différences de mode de vie celle de Darwin en même temps que celui-ci. Sans d’un lourd handicap : les causes et les lois de l’hé- lution ». Ses promoteurs, explique Guillaume coupés de longues plages de stagnation, souvent
s’y sont mis à pulluler, détruisant la végétation et d’habitudes alimentaires. Plus de vingt ans oublier le pasteur, géologue et politologue Joseph rédité, ainsi que la véritable nature de son sup- Lecointre, « cherchent à décortiquer les mécanis- en réponse à des changements dans l’environ-
et les cultures. Pour autant, la planète n’est pas de labeur vont s’ensuivre avant que ne paraisse Townsend, dont Darwin a quasiment recopié les port matériel, sont encore inconnues. Tout en mes engendrant la biodiversité en partant des nement. Pendant la phase «explosive», une petite
dominée par une unique espèce hégémonique, De l’origine des espèces. Deux décennies au cours thèses en ce domaine ». En fait, poursuit André soutenant que la sélection naturelle est le méca- mécanismes décrits par la génétique des populations population de « marginaux » s’isole de sa popu-
« mais bien au contraire peuplée de millions d’es- desquelles Darwin « écrit à des correspondants du Pichot, l’idée de sélection était déjà plus ou nisme principal de l’évolution, il pense aussi et en intégrant les savoirs des naturalistes sur les lation souche en occupant un nouvel environ-
pèces en coexistence et ceci, malgré la capacité monde entier, les questionne, leur demande des moins dans l’air du temps. Et si elle a fait le suc- que les caractères acquis au cours de l’existence variations naturelles géographiques au sein des nement. Après avoir prospéré, elle étend son ter-
naturelle de surpeuplement de chacune d’entre elles. statistiques, se renseigne sur la systématique des cès de Darwin, c’est que le moment était pro- peuvent se transmettre à la descendance. Pour- espèces et sur la spéciation 8 ». ritoire et remplace (éventuellement…) la
Ainsi, chaque espèce constitue une limite pour les espèces qu’il observe et en tient compte pour ses pice. « La seconde moitié du XIXe siècle a vu le tant, les contre-exemples sont faciles à trouver : population souche de départ par compétition
autres soit en occupant leur espace, soit en les interprétations. Comme s’il concevait déjà que le triomphe du libéralisme économique 5, et Darwin ainsi, un mari devenu cul-de-jatte donne à sa LA POSTÉRITÉ interspécifique, comme chez les trilobites (des
exploitant (prédation, parasitisme), soit en par- principe selon lequel les espèces dérivent d’ancêtres a apporté à celui-ci un argument de poids en lui femme des enfants dotés de deux jambes… Autre aménagement apporté à la théorie de l’évo- arthropodes marins) de l’ère primaire. « Ainsi
tageant les mêmes ressources. Bref, les autres espè- communs devait être utilisé pour étudier l’acqui- donnant un fondement naturel. » « La théorie darwinienne de la sélection naturelle lution : le modèle dit «neutraliste», du généticien interprète-t-on pourquoi, dans une série sédimentaire
ces constituent autant de contraintes qui jouent sition des adaptations, comme on le fait Une interprétation qui fait bondir les aficiona- connaît une “éclipse” à partir de la mort de Darwin japonais Motoo Kimura. « Selon ce chercheur, dit continue, une espèce stable durant plusieurs millions
un rôle d’agent sélectif ». aujourd’hui », dit Michel Veuille, du laboratoire dos du grand Charles. « L’idée novatrice de en 1882, intervient Michel Veuille. Après la redé- Michel Veuille, la plupart des changements obser- d’années se trouve brusquement supplantée par une
Quatrièmement, le succès de la croissance et « Génomique des populations et génomique Darwin, plus que la sélection naturelle, c’est la couverte des lois de Mendel sur la transmission héré- vés entre le génome des diverses espèces ne s’expliquent autre espèce qui lui est apparentée », commente
de la reproduction des espèces dépend d’op- évolutive » 3. descendance avec modification, le fait que les espè- ditaire 6 en 1900, une science nouvelle, la “génétique pas par la sélection naturelle, dont il admet cepen- Guillaume Lecointre.
tima physiques (température, humidité, rayon- Alors que de nombreux exégètes de Darwin ces ont une histoire et sont apparentées, intervient des populations”, va retrouver toute l’importance dant l’existence, mais par le hasard, qui modifie Associé, cette fois, à Richard Lewontin, Stephen
nement solaire…) et chimiques (pH, molécules font de 1859 le temps zéro d’un évènement Hervé Le Guyader. La désormais célèbre réunion de la notion de “sélection naturelle”. Les modèles insensiblement la fréquence des variations d’une Jay Gould corrige par la suite la vision trop
odorantes, toxines…). « Ces éléments constituent scientifique hissant la biologie au rang de science organisée en juin 1860 à Oxford par l’évêque mathématiques 7 proposés par Fisher, Haldane et génération à l’autre. » Aux cours des dernières « panglossienne » 9 de la théorie synthétique.
eux aussi des facteurs contraignants, dit Guil- historique, l’épistémologue André Pichot, en Samuel Wilberforce porte d’ailleurs sur ce point. Wright reçoivent la reconnaissance de la commu- décennies, de nombreux autres chercheurs ont Gould et Lewontin font observer que « des variants
laume Lecointre. S’ils changent, les variants 2 poste au Laboratoire de philosophie et d’histoire Wilberforce, apostrophant le darwinien Thomas nauté scientifique en 1932. Ensuite seulement, des apporté de l’eau au moulin de la théorie synthé- désavantagés continuent d’apparaître en per-
avantagés ne seront plus les mêmes. » des sciences-Archives Henri Poincaré 4, mini- Huxley, lui demande si c’est “par son grand-père expérimentateurs feront de la génétique des popu- tique de l’évolution et l’ont affinée. À commen- manence, et amènent les évolutionnistes à relativi-
En définitive, de multiples facteurs, au sein de mise l’importance de Darwin dans l’histoire ou par sa grand-mère qu’[il] descend du singe” lations naturelles une discipline “de terrain”». cer par les paléontologues Stephen Jay Gould et ser leur impression d’“une nature bien faite”, pré-
l’environnement physique, chimique et biolo- des sciences. Selon lui, et s’attire cette réponse Les années 1940 à 1970,
gique dans lequel évolue une espèce, induisent « le darwinisme de 1859 ne non moins célèbre : quant à elles, vont assister
une sélection naturelle à chaque génération, consiste guère qu’en la sélec- mieux vaut un singe au mariage de la génétique
dont le résultat est un « succès reproductif diffé- tion naturelle. Or, celle-ci qu’un imbécile… » des populations avec la zoo-
rentiel ». Traduction : au sein d’une même n’était plus vraiment une
espèce, les individus porteurs d’une variation nouveauté au milieu du
héritable, momentanément avantageuse par XIXe siècle. On trouve par
les conditions du milieu, se reproduiront davan- exemple ce concept en 1813 LE VOYAGE DE DARWIN
tage. « Si ces conditions se maintiennent assez chez William Charles Wells Lors de son escale aux Galapagos, Darwin s’attache
longtemps, ajoute Guillaume Lecointre, le variant à l’étude d’un groupe de moineaux qui deviendront
avantagé finira par avoir une fréquence de 100 % célèbres sous le nom de « pinsons de Darwin ».

© Infographie : C. Hein pour le Journal du CNRS, et The Bridgeman Art Library ; The Granger Collection NYC/Rue des Archives
dans la population. L’espèce aura alors changé. » En septembre 1835,
Conclusion, aucune espèce n’est stable dans le Darwin a l’occasion cise Guillaume Lecointre. D’autre part, ils mettent
temps. de croiser des tortues en évidence que certaines structures qui paraissent
géantes de terre handicapantes (tel l’accouchement par le clitoris
et de mer dans
LES PRÉDÉCESSEURS l’archipel volcanique chez les hyènes tachetées, qui provoque le décès d’une
S’il revient à Darwin d’avoir postulé deux gran- des Galapagos, Plymouth partie des nouveau-nés) sont en fait liées biologi-
départ : 27 déc. 1831
des idées – la descendance avec modification au niveau de l’équateur. retour : 2 oct. 1836 quement à d’autres structures qui
et le rôle essentiel de la sélection naturelle dans Archipel fournissent des avantages détermi-
l’adaptation des formes vivantes, donc dans l’évo- des nants (comme l’agressivité des
Açores
lution –, celles-ci ne lui sont pas venues tout à femelles), d’où leur maintien ».
trac. Le terrain avait été débroussaillé, entre Autre étape-clé dans la sophisti-
autres, par le zoologiste Jean-Baptiste de Monet, cation continue de la théorie syn-
Îles du Cap Vert
chevalier de Lamarck, et le géologue écossais thétique : la méthode mise au
Charles Lyell. C’est d’ailleurs lesté du premier Iles Galapagos point dans les années 1950 par
(16 sept. - 20 oct. 1835)
volume des Principles of Geology, de Lyell, que le l’entomologiste allemand Willi
jeune Darwin quitte Plymouth fin 1831, pour Bahia
Îles Cocos Hennig pour reconstituer l’his-
effectuer un tour du monde à bord du navire Callao
toire évolutive des espèces, c’est-
Tahiti
Beagle. Un très long voyage d’exploration natu- Jean-Baptiste de Monet, Île Maurice Poissons, lézards, iguanes… : Darwin décrit à-dire identifier leurs degrés de
raliste au cours duquel Darwin pose le pied sur chevalier de Lamarck, Rio de Janeiro Île de la Réunion l’histoire naturelle « éminemment curieuse » parenté et construire l’arbre de la
(4 avril - 5 juil. 1832) (29 avril - 9 mai 1836)
les îles Galapagos où s’ébattent des tortues ter- contribua à introduire Valparaiso de la faune peuplant les îles Galapagos. vie, et ses applications informa-
l’idée d’évolution dans la (23 juil. 1834) Montevideo Cap de
restres, des iguanes, des otaries, des pinsons… Bonne-Espérance King George's tisées dès les années 1970. Ce
pensée scientifique du Le voyage autour du monde Port Désiré Sydney
Ces oiseaux, tout en présentant entre eux de début du XIXe siècle. La Sound
(janvier 1836) Baie des Îles remaniement complet de la systématique (la
qu’effectua Darwin à bord du
frappantes ressemblances morphologiques, se filiation intellectuelle science des classifications des organismes), cou-
Beagle dura cinq ans, de Îles Malouines (mars 1833 - mars 1834) Hobart
distinguent par divers détails comme la forme qui le lie à Darwin décembre 1831 à octobre 1836. plée plus tard avec le séquençage massif des
et la taille de leur bec. Darwin comprend que semble une évidence. génomes, va permettre de « mettre sur le
Source : Darwin et la science de l’évolution, P. Tort, Découvertes Gallimard, 2000
>
Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
22 L’ENQUÊTE L’ENQUÊTE 23

Comparer le système nerveux des

méduses à celui, plus complexe,
d’autres animaux, aide à comprendre
comment ce réseau est apparu au fur
et à mesure de l’évolution.
à la base du développement embryonnaire,
l’étude de leur répartition au sein du monde
1 Laboratoire CNRS / Université Paris-VI / Muséum nat.
hist. nat. / IRD / École normale supérieure Paris.
2. Les variants sont des individus porteurs d’un génotype
Des recherches en évolution
animal, et leur comparaison. De quoi mieux différent de celui des autres individus d’une population.
SUR LA PISTE DE LA DIVERSITÉ

Q
interpréter, en particulier, les homologies d’orga- 3. GDR 1928. ue les scientifiques de tous hori-
4. Laboratoire CNRS / Université Nancy-II.
nes entre grands groupes d’animaux. « Darwin 5. Le libéralisme économique qui s’impose au XIXe siècle
zons soient aujourd’hui dans l’im- BIOLOGIQUE
aurait été séduit par la rencontre de l’embryologie, dans l’Angleterre victorienne accrédite l’idée que la libre possibilité d’expliquer la totalité Mettre les mains dans le moteur moléculaire
à laquelle il s’est beaucoup intéressé, avec la géné- concurrence (la compétition entre entreprises) et la liberté des faits évolutifs est bien par- pour comprendre comment émerge et se main-
du travail et des échanges ne doivent pas être entravées.
tique par le biais de l’évo-dévo qui plonge le déve- 6. Formulées par Johann Mendel, en religion Gregor donnable. Comment pourrait-il tient la diversité biologique, Nicolas Galtier en
loppement, et ses gènes associés, dans un cadre évo- Mendel (1822-1884), ces lois stipulent que les gènes (dont en être autrement, alors que cela fait seulement a fait sa spécialité, à l’Isem. « On peut étudier l’évo-
lutif », fait remarquer Hervé Le Guyader. Mendel ignorait l’existence) provenant de chacun des deux quelques dizaines d’années qu’ont été décou- lution à différents niveaux d’organisation, rap-
parents contribuent pour part égale dans la descendance.
Autant d’axes de recherche qui montrent que les 7. Ces modèles démontrent que des gènes dotés de petits verts l’ADN et les mécanismes moléculaires fon- pelle-t-il : à l’échelle des écosystèmes, à l’échelle des
idées pionnières du naturaliste anglais se sont avantages sélectifs peuvent atteindre une fréquence de damentaux du vivant ? Pour autant, loin de ren- espèces, à l’échelle des organismes ou encore à
© R. Chiori

100 % dans la population.

énormément enrichies au cours du XXe siècle. 8. Différenciation des espèces au cours de l’évolution.
dre les armes devant les difficultés rencontrées, l’échelle des génomes, ce que je fais. Je “regarde évo-
« Les spécialistes de l’évolution ont aujourd’hui à 9. Pangloss, dans Candide, de Voltaire, personnifie les chercheurs font flèche de tout bois pour luer” des séquences d’ADN, aussi bien dans des
leur disposition une grande palette de modèles et de l’optimisme. décrypter le scénario d’un film commencé il y a populations actuelles qu’entre des espèces très éloi-
> même “arbre du vivant” tout à la fois des cham- mécanismes avec lesquels jouer pour rendre compte
10. Laboratoire CNRS / École normale supérieure Paris.
2,5 milliards d’années. « Ces questions consti- gnées comme les bactéries et les mammifères,
pignons, des bactéries, des animaux… alors que, des phénomènes évolutifs, résume Michel tuent un des champs scientifiques les plus vastes et sachant que certains gènes (comme ceux régulant
jusqu’ici, on ne pouvait classer entre eux que des Morange, professeur de biologie à l’université stimulants, et ce d’autant plus qu’au-delà de son la transcription de l’ADN en ARN et la traduc-
CONTACTS
Ô Hervé Le Guyader, [email protected]
vertébrés ou des végétaux », dit Hervé Le Guyader. Paris-VI et à l’ENS, membre du laboratoire intérêt académique et pratique, étudier l’évolution tion de l’ARN en protéines) sont communs à l’en-
Ô Guillaume Lecointre, [email protected]
« Régulation de l’expression génétique » 10. Leur fournit des clés de réflexion pour prédire l’impact des semble des organismes vivants. » De l’art de « faire
Ô Michel Veuille, [email protected]
LES APPORTS DE L’EMBRYOLOGIE travail ne consiste pas à tenter de falsifier la théo- changements globaux en cours sur les organismes parler » les gènes pour déchiffrer les relations de
Ô André Pichot, [email protected]
Dernier coup de booster en date donné à la théo- rie darwinienne » mais à mettre à l’épreuve tel ou et les systèmes écologiques », dit Jean-Christophe parenté qui unissent les êtres vivants et recons-
Ô Michel Morange, [email protected]
rie de l’évolution : l’essor de l’« évo-dévo », une tel modèle de la galaxie darwinienne. Auffray, directeur de l’Institut des sciences de truire l’histoire évolutive des espèces.
discipline centrée sur l’identification des gènes Philippe Testard-Vaillant l’évolution de Montpellier (Isem) 1. Mais comment expliquer que certaines d’entre
elles (l’espèce humaine, par exemple) évoluent
moins vite que d’autres (comme la drosophile)

© M. Joron
au niveau de leur génome ? Mystère. Les causes
DANGEREUSE CROISADE de ces différences de vitesse d’évolution molé-
Actinistiens Les phylogénéticiens ont pour culaire entre espèces restent largement inexpli- Ces images montrent
CONTRE DARWIN habitude de classer le vivant quées. « Plusieurs pistes se dessinent, indique le mimétisme entre
en « arbres », dont les branches
« Je ne suis pas que le chevalier blanc qui pourfend révèlent les liens de parenté Nicolas Galtier, impliquant un lien soit avec l’ap- différentes espèces
Dipneustes de papillons, plus ou moins
le créationnisme, bien qu’il faille traiter ce sujet », entre les groupes d’espèces. parition spontanée de changements génétiques d’une
Sarcoptérygiens éloignées génétiquement.
vous répond Pascal Picq, du laboratoire Elles se ramifient génération à l’autre, soit avec l’efficacité de la répa-
« Paléoanthropologie et préhistoire » du Collège de France, et se multiplient au fur ration de l’ADN lésé, soit avec la durée de vie
Gymnophiones et à mesure que les êtres
un brin agacé d’avoir à commenter une nouvelle fois moyenne d’une génération
évoluent et que de nouvelles
les méfaits de la croisade que mènent aux États-Unis espèces apparaissent. d’organismes, soit encore avec

Source : La classification phylogénétique du vivant, G. Lecointre, H. Le Guyader, ill. Dominique Visset, Editions Belin, 2006.
Lissamphibiens
les milieux fondamentalistes protestants contre la théorie Urodèles
La partie de l’arbre du vivant la capacité des différentes espè-
Rhipidistiens
de l’évolution. « Ces Églises, qui professent que l’Univers ces à éliminer les mutations
Batraciens délétères (désavantageuses). »
et la Terre ont été créés par un dieu il y a environ 6000 ans,
ne cessent de gagner du terrain et visent à rien de moins Anoures Travailler sur les modalités et
qu’à installer une théocratie, dit-il en retrouvant tout son les mécanismes de l’évolu-
Primates
punch. L’Europe n’est pas à l’abri. Le regain de créationnisme tion peut aussi consister,
Tétrapodes
auquel on assiste aujourd’hui ne constitue ni plus ni moins Mammifères comme s’y emploie Mathieu
es
Hominines Joron, du laboratoire « Ori-
qu’une menace pour la laïcité et la démocratie. »

© Photos : E. Perrin/CNRS Photothèque

Autre courant de pensée qui a le don d’ulcérer gine, structure et évolution
les évolutionnistes : le «Dessein Intelligent», Chéloniens de la biodiversité » 2, à plan-
un «néocréationnisme» qui se présente comme une science Amniotes cher sur le mimétisme, un
et affirme que certains faits de l’évolution (par exemple représentée ici regroupe
phénomène adaptatif
la formation de dispositifs structuraux et fonctionnels Squamates
les sarcoptérygiens, dont font conduisant des espèces très
complexes comme l’œil) seraient à jamais inexplicables Sauropsides Lépidosauriens
partie les mammifères et, éloignées génétiquement les
par la science, et qu’il faut donc rechercher des causes par conséquent, l’homme. C’est unes des autres à se res-
Sphénodontiens Darwin le premier qui proposa sembler morphologique-
non naturelles à leur survenue. « Le Dessein Intelligent
de classer le vivant de manière L’insectarium
invoque l’existence d’une “intelligence supérieure” généalogique. Il y a cependant ment. « J’ai montré que, chez le papillon tropical
Heliconius numata, la variation des couleurs des de l’Isem,
pour expliquer la fabuleuse diversité du vivant », dit Pascal autant d’arbres que
Picq. Comment repousser les assauts du créationnisme
LA PLACE DE Diapsides Oiseaux de méthodes d’analyse ailes est contrôlée par un seul locus (un endroit
où sont
élevés des
et du Dessein Intelligent? En réhabilitant en priorité L’HOMME DANS des caractères communs bien précis sur un chromosome), dit-il, alors que, milliers de

© Illustrations : D. Visset.
aux espèces.
les concepts fondateurs de la théorie de l’évolution L’ARBRE DU VIVANT Archosauriens Crocodiliens
chez d’autres espèces proches, la variation du même moustiques à
différents stades de vie. Un outil
dans les programmes scolaires. trait est contrôlée par 4 ou 5 locus situés sur des chro-
précieux pour étudier, notamment, les
P.T.-V. mosomes différents, et implique plus de gènes. Je mécanismes permettant au moustique commun
CONTACT : Pascal Picq, [email protected] cherche à comprendre le “pourquoi évolutif” de ces d’acquérir sa résistance aux insecticides.
différences d’“architectures génétiques”. » >
Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
24 L’ENQUÊTE L’ENQUÊTE 25

nement peuplé de différentes plantes-hôtes

LA POLLUTION,
(concombre, tomate). « Nous laissons évoluer
Au voisinage
FACTEUR D’ÉVOLUTION ?
chacune des populations tantôt sur un seul et uni- des sources Quel est l’impact des polluants
que substrat, tantôt sur un substrat puis sur un hydrothermales,
atmosphériques issus du trafic routier
autre, tantôt dans un milieu présentant un des organismes
forment sur la fertilité féminine donc, à terme,
mélange de ces substrats », explique Isabelle
un écosystème sur l’évolution de l’espèce humaine?
Olivieri, qui pilote cette expérience. Objectif : tes- totalement inédit. L’étude, baptisée Atmos-Fer (« Pollution
ter les prédictions de modèles mathématiques Les organismes atmosphérique et fertilité humaine »),
décrivant les processus d’adaptation et de spé- y vivent en symbiose
avec des bactéries. à laquelle participe Lyliane Rosetta,
cialisation en fonction de l’hétérogénéité du
du Laboratoire « Dynamique de l’évolution
© Photos : E. Perrin/CNRS Photothèque

milieu, et paramétrer ces modèles pour mieux

humaine : individus, populations, espèces »
comprendre les mécanismes de ce que l’on
du CNRS devrait permettre d’y voir un peu
appelle la « spéciation adaptative », en particu-
plus clair. Mille Françaises de 18 à 44 ans
lier dans un contexte de fragmentation crois-
n’utilisant pas de contraception
sante des habitats. « Les résultats obtenus à ce jour

© J.-L. Cheminée/CNRS Photothèque

et souhaitant mettre en route une grossesse
montrent que même au bout de 400 générations
ont été «recrutées» pour les besoins
d’évolution sur une seule et même plante-hôte, les
de cette enquête. « Nous avons demandé
populations présentent encore une très grande
à ces femmes de nous faire parvenir
diversité génétique leur permettant de vivre sur de
un prélèvement urinaire effectué tous
nouveaux milieux, dit Isabelle Olivieri. Ce poten-
les deux jours d’un cycle menstruel
tiel évolutif leur permet de s’adapter à de nouvel-

© Photos : S. Halary
complet, explique Lyliane Rosetta. Nous
les plantes-hôtes. À terme, nous aimerions mettre
dosons actuellement l’œstradiol (une
en évidence les gènes impliqués dans ces processus.
hormone sécrétée en grande quantité juste
En particulier, nous souhaitons déterminer dans hydrothermales ou recevant des apports éner-
avant l’ovulation) et la progestérone
quelle mesure les mécanismes d’adaptation se répè- gétiques via la chute d’éléments organiques
(sécrétée après l’ovulation) qui se trouvent
En suivant, pendant 500 générations, la diversification tent : un processus de spécialisation donné est-il tou- (comme des carcasses de grands cétacés) depuis Ci-dessus, en bas : filaments de branchie dans ces échantillons biologiques. »
d’une bactérie, Pseudomonas fluorescens, jours réalisé de la même façon, ou bien les gènes la surface. « Nous avons découvert que tous les de moule des sources hydrothermales où l’on
les chercheurs ont mis en évidence un lien entre distingue les cellules contenant les bactéries Objectif : savoir si ces femmes,
recrutés diffèrent-ils d’une population à l’autre organismes présents dans ces écosystèmes profonds
la complexité de l’environnement et la diversité qui vivent en symbiose avec elles. En haut, à qui les chercheurs demandent également
biologique qui peut s’y produire par évolution.
pour un même environnement sélectif ? » vivent en symbiose avec des bactéries, ce qui signi- vue 3D d’un détail de cette image. un échantillon de cheveux pour doser
fie que le couple animal-microbes constitue l’élé-
les polluants qu’ils contiennent, présentent
SUR LE TERRAIN… ment-clé sur lequel porte la sélection. Autrement dit,
un cycle perturbé et, si tel est le cas,
> RÉVÉLATIONS DANS LES LABOS Autre « manip » d’évolution expérimentale : Pour étudier les mécanismes de l’évolution à la sélection porte sur le couple, et pas seulement sur il, soulève beaucoup de questions : la capacité à
comprendre dans quelle mesure cette
Percer les mystères de l’évolution des formes celle conduite sur des acariens phytophages, l’origine de la biodiversité actuelle, Hervé Le un des deux membres du duo, dit-il. Par ailleurs, transmettre des anticorps varie-t-elle entre femel-
anomalie est liée à la mauvaise qualité
vivantes consiste aussi à questionner son impact se nourrissant de végétaux, toujours dans les Guyader écume quant à lui le plancher océa- nous nous sommes rendu compte que les moules de les ? Les petits sont-ils efficacement protégés contre
de l’air dans leur environnement direct.
sur la diversité biologique. Pour ce faire, l’écolo- murs de l’Isem. Principe : installer des popu- nique. Ce dernier offre le gîte et le couvert à une ces milieux sont apparentées avec les moules des les parasites ? L’investissement est-il coûteux pour
En termes évolutifs, dit Lyliane Rosetta, il y
gue Nicolas Mouquet, en poste à l’Isem, a jeté son lations de Tetranychus urticae dans un environ- faune extraordinaire vivant autour des sources côtes. Une des idées que nous formulons est que les la mère ? Ce processus peut-il jouer un rôle dans
a tout lieu de penser que « si la pollution
dévolu sur la bactérie Pseudomonas fluorescens. “bois coulés” (des arbres précipités par les cyclones la dynamique de maladies émergentes ? Nous com-
atmosphérique influe de plus en plus
L’expérience menée avec Patrick Venail, Thierry jusqu’au fond des océans) pourraient servir de binons différentes approches pour aborder ces ques-
sur la probabilité de grossesse, les femmes
Bouvier et Michael Hochberg, dit-il, « a consisté moyen de colonisation à des organismes de surface tions, de la modélisation aux expérimentations
les plus fertiles s’en “sortiront mieux” que
à créer en laboratoire, à l’aide de microplaques en QUAND L’ÉVOLUTION SE BOIT COMME DU PETIT LAIT qui, au fil des millénaires, se sont adaptés, qui à sur le terrain et en laboratoire. »
les femmes moins fertiles qui, elles, auront
plastique, différents environnements constitués de plu- des carcasses de baleine, qui à des sources hydro-
Si un exemple prouve que des différences culturelles induisent des modifications biologiques plus de difficultés à se reproduire ».
sieurs sources de carbone 3 (à base de glucose, de thermales… » Autre volet des travaux du même DES ORGANISMES 100 % VIRTUELS
et se répercutent sur la diversité génétique de sapiens sapiens, c’est bien la lactase, une enzyme Résultats définitifs attendus début 2010.
fructose, d’acides aminés…). Nous avons placé des chercheur, cette fois en « évo-dévo » (lire p. 19) : Mais pourquoi ne pas créer de toutes pièces, à
intestinale permettant de digérer le lactose (un sucre nécessaire à la croissance des enfants) P.T.-V.
bactéries strictement identiques sur le plan génétique comparer des éponges, dépourvues de système coups de programmes informatiques, des orga-
présent dans le lait. « Cette enzyme, rappelle Évelyne Heyer, responsable de l’équipe de génétique Contact : Lyliane Rosetta,
dans chacun de nos 96 puits et nous les avons lais- nerveux, avec des méduses dotées d’un sys- nismes 100 % virtuels et observer « en direct » [email protected]
sées libres d’évoluer pendant plus de 500 générations des populations du laboratoire « Éco-anthropologie et ethnobiologie » 1, est en général inactivée tème nerveux simple et des mammifères équi- tous les événements qui se produisent au cours
(soit une cinquantaine de jours), tout en déplaçant chez les mammifères après le sevrage, ce qui les empêche de digérer le lait au stade adulte. pés d’un système nerveux complexe. Ambition de leur évolution ? Cette séduisante idée,
une petite fraction d’entre elles d’un puits à l’autre ». Or, dans certaines populations humaines, notamment en Europe du Nord (Suède) et en Afrique de l’Est proclamée : comprendre l’origine évolutive et la Guillaume Beslon la met en pratique au Labo-
Et alors ? Ce cocktail mélangeant hétérogénéité (chez les Tutsis), une forte proportion d’adultes (jusqu’à 90 %) présentent une lactase active. » fonction des gènes spécialisés dans la structu- ratoire d’informatique en images et systèmes L’influence de la qualité de l’air
spatiale des ressources disponibles et dispersion Le point commun entre ces groupes? Tous sont constitués d’éleveurs ou de descendants d’éleveurs ration des neurones. d’information (Liris) 5 et à l’Institut Rhône-Alpin sur la reproduction humaine
et accordent au lait une place prépondérante dans leur alimentation depuis plusieurs milliers intéresse de plus en plus les
a eu pour effet d’accélérer la diversification des Pour parler d’écologie évolutive, axée sur les des systèmes complexes (Ixxi). Alors que la scientifiques.
génotypes des communautés de Pseudomonas d’années. « Quand ces populations se sont mises à boire beaucoup de lait frais, poursuit Évelyne interactions entre les gènes, les individus, les phylogénie reconstruit « après coup » les étapes
fluorescens et d’accroître leur efficacité à créer de Heyer, les individus capables de le digérer ont présenté un avantage sélectif (meilleure absorption populations et les variations de leurs milieux, de l’évolution d’espèces réelles qui ont survécu
la biomasse. « Ces travaux prouvent qu’il existe une de calcium, meilleure résistance à la déshydratation…). Les outils de la génétique des populations direction le Centre d’écologie fonctionnelle et jusqu’à aujourd’hui ou qui nous ont légué des
relation positive entre la complexité de l’environne- nous permettent même de dater le moment où cette mutation a commencé à augmenter en fréquence. » évolutive (CEFE) 4. Thierry Boulinier s’y ingénie traces fossiles, « nous faisons exactement l’in-
ment et la diversité biologique qui peut y émerger par Pour la mutation européenne, cet âge est estimé à 8000-9000 ans, des dates cohérentes à comprendre pourquoi, chez un oiseau de la verse, explique-t-il. Au lieu de regarder vers le

© M. Tolstoy/Fotolia.com
évolution », précise Nicolas Mouquet. Et mon- avec ce que l’archéologie nous apprend de la domestication des animaux d’élevage. zone arctique, la mouette tridactyle, les mères passé, nous suivons, sur des dizaines de milliers de
trent indirectement qu’une homogénéisation P.T.-V. transfèrent à leurs petits, via le jaune de leurs générations, l’évolution d’organismes artificiels,
des écosystèmes terrestres, sous la pression des 1. Laboratoire CNRS / Muséum nat. hist. nat. / Université Paris-VII. œufs, des anticorps contre une bactérie trans- chacun doté d’un ADN virtuel simplifié inspiré
activités humaines, pourrait à terme réduire les CONTACT : Évelyne Heyer, [email protected] mise par une tique à laquelle les poussins ris- des bactéries, que nous réunissons en populations.
capacités du vivant à se diversifier. quent d’être exposés. « Ce processus adaptatif, dit- En introduisant des mécanismes de mutation >
Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
26 L’ENQUÊTE L’ENQUÊTE 27

> et de sélection biologiquement plausibles,

nous assistons à la “vraie” évolution de faux
Quand la polémique POUR EN SAVOIR PLUS
organismes ! »
Avantage principal de ce modèle : pouvoir
suivre tous les évènements subis par les orga-
s’en mêle À LIRE
> Qu’est-ce que l’évolution ?,
Dominique Guillo, éd. Ellipses,
2007
> Darwin et la science
de l’évolution, Patrick Tort,
éd. Découvertes Gallimard,
2000
Robert Nardone, produit
par Son et Lumière, CNRS
Images/media et France 5,
http://videotheque.cnrs.fr
nismes au cours d’une expérience, y com- /index.php?urlaction=doc
> Henry de Varigny, darwinien

B
pris ceux dont la phylogénie aurait perdu la ien des théories évolutionnistes se Quoi qu’il en soit, souligne Dominique Guillo, À VOIR &id_doc=1169
convaincu, Yves Carton,
trace. « En fait, nous fabriquons les algorithmes sont évertuées à appliquer le dar- du Groupe d’étude des méthodes de l’analyse > Darwin ou la science
éd. Hermann, 2008 Contact : Véronique Goret
de mutation mais ces dernières se produisent winisme aux sociétés humaines. sociologique (Gemas) 2, les sciences sociales, de l’évolution (2002, 52 min)
> L’autobiographie, Charles (Ventes), CNRS Images –
au hasard. Nous ne décidons pas nous-mêmes Nées du bouillonnement des après avoir été associées de très près à la bio- de Valérie Winckler, produit
Darwin, éd. Seuil, 2008 Vidéothèque _
dans quelle partie du génome elles vont se échanges entre sciences de la vie logie et à ses dérives au moment de leur nais- par Trans Europe Film,
Tél. : 01 45 07 59 69 – video
produire ni à quel moment », précise la bio- et sciences sociales durant la seconde moitié du sance, ont gagné leur autonomie institution- > Darwin viendra-t-il? Luc Gallimard, CNRS
[email protected]
informaticienne Carole Knibbe, qui travaille XIXe siècle, les figures du « darwinisme social » nelle au début du XXe siècle en se désamarrant Perino, éd. Le Pommier, 2008 Images/media et Arte France.
sur le même projet. Lequel a d’ores et déjà – qui assimile la société des hommes à une progressivement des sciences de la vie. Certes, http://videotheque.cnrs.fr
> Dans la lumière /index.php?urlaction=doc&id EN LIGNE
livré des résultats inattendus. Les chercheurs espèce animale, dont la « santé » passe par le darwinisme social, eugéniste, raciste et impé- et les ombres, Darwin et le > Dossier Sagascience –
_doc=1083
ont ainsi eu la surprise de constater que la l’élimination des éléments les plus improduc- rialiste, a continué à proliférer, inspirant direc- bouleversement du monde, Évolution :
taille des génomes de leurs « organismes tifs (criminels, alcooliques, infirmes…) – ne tement, entre autres, les horreurs nazies. Mais Jean-Claude Ameisen, > Bien né, mal né (2003, www.cnrs.fr/cw/dossiers

© Rue des Archives/CCI

artificiels » était directement influencée par cessent de soulever des polémiques. En ques- pendant des décennies, « la sociologie et l’an- éd. Fayard/Seuil, 2008 53 min), de Bernard Favre et /dosevol/accueil.html
leur probabilité de subir certaines mutations tion : le rôle exact de la pensée darwinienne dans thropologie universitaires ont globalement tenu à
au cours de la reproduction. « Nous avons, en l’émergence d’idéologies aux relents nauséa- distance la biologie, s’abritant derrière le prin-
particulier, découvert un lien entre la proportion bonds, comme l’eugénisme, qui prescrit une cipe d’une frontière infranchissable entre nature
de séquences non codantes 6 dans un génome et « sélection artificielle » des êtres humains. et culture », dit Dominique Guillo. Autre rejeton encore plus éloigné, voire aux innovation technique dans un procédé industriel,
le taux de mutation auquel ce dernier est sou- Inlassable exégète de Darwin, le philosophe Un pied de nez à la théorie de l’évolution signé antipodes de la sociobiologie sur certains points : invente un nouveau style vestimentaire… Ces
mis », disent-ils. Un résultat qui pourrait per- Patrick Tort, créateur et directeur de l’Institut DE LA NATURE À LA CULTURE du dessinateur Benjamin Rabier au début la mémétique, issue des travaux de l’étholo- mutants peuvent soit disparaître rapidement
du XXe siècle. Le singe descend de l’homme…
mettre de mieux comprendre le rôle de cet Charles Darwin international 1, dédouane caté- Un découpage contesté, au milieu des années giste anglais Richard Dawkins. Ce courant de (comme dans le cas des modes), soit s’imposer
ADN non codant dans les phénomènes évo- goriquement le naturaliste britannique de toute 1970, par les théories de la culture néodarwi- pensée, vigoureux outre-Atlantique, applique durablement (comme le mème de l’idée de Dieu) ».
lutifs « in vivo ». responsabilité dans l’émergence de ces dérives niennes, sous l’impulsion, principalement, de des gènes qui auraient été sélectionnés chez nos aux sociétés humaines les mécanismes de l’évo- Autrement dit, les mèmes, comme les gènes,
Telles sont quelques-unes des multiples facet- sociologiques (lire l’encadré ci-dessous). l’entomologiste américain Edward O. Wilson ancêtres, tout au long de la préhistoire, pour les lution modélisés par le darwinisme, mais uni- sont soumis à un processus de sélection. Dans
tes des recherches menées aujourd’hui pour Beaucoup moins amène avec Darwin, André dont le pavé de 600 pages, Sociobiology, déclen- avantages qu’ils procuraient. » quement par analogie. Pour Dawkins, explique la mémétique, commente Dominique Guillo,
élucider la mise en place des mécanismes Pichot ne l’entend pas du tout de cette oreille. che de furieuses controverses dans le Lander- Le déterminisme réductionniste formulé par Dominique Guillo, « il existe des idées élémen- « la culture humaine apparaît donc déconnectée
évolutifs. Autant de travaux qui prouvent que « Darwin n’était ni plus ni moins raciste, escla- neau intellectuel occidental. Dans sa version la sociobiologie humaine accouchera d’une ver- taires, qu’il appelle des mèmes, propres à chaque de l’évolution biologique, celle des gènes ».
l’adage du généticien américano-russe Theo- vagiste et sexiste que ses contemporains, dit-il. radicale, l’argumentation des sociobiologistes sion plus « douce », du moins en apparence : la culture : l’idée de Dieu, une chanson, une certaine Au croisement des deux précédentes théories, un
dosius Dobzhansky (1900-1975) a conservé Mais du darwinisme sont sorties toutes sortes de se résume à une proposition simple et très psychologie évolutionniste. Les promoteurs de façon de cuisiner… Ces mèmes fonctionnent comme autre modèle néodarwinien de la culture, la
toute sa pertinence : « Rien n’a de sens en bio- théories sociologiques et politiques qui ont fait de sommaire : beaucoup de comportements cette idéologie admettent que les choses se com- des gènes. Ils sautent d’un cerveau à l’autre, se « coévolution gène/culture », se propose quant
logie, si ce n’est à la lumière de l’évolution. » la concurrence, de la guerre et du massacre les sociaux sont régis par des mécanismes géné- pliquent un peu pour l’espèce humaine, pour répandent dans les populations en se répliquant, à lui de ménager la chèvre et le chou en tentant
Philippe Testard-Vaillant principes explicatifs des sociétés et de leur évolu- tiques et par le principe de la sélection natu- laquelle on ne peut négliger la complexité des se font concurrence pour “coloniser” le maximum d’estimer le poids respectif des facteurs biolo-
1. Institut CNRS / Université de Montpellier-II. tion. Lisez ce qui s’écrivait avant et pendant la relle, chez l’animal comme… chez l’homme. mécanismes cérébraux et l’importance de la de têtes et mutent lorsque quelqu’un introduit une giques et des déterminants culturels dans l’évo-
2. Laboratoire CNRS / Muséum nat. hist. nat. guerre de 14-18, et jusque dans les années 1930 ! « Wilson a cherché à transposer les fondements transmission culturelle et sociale. Mais le prin- lution de l’homme. « Cette tendance passe en
3. Le carbone est à la base du métabolisme des bactéries. Darwin n’a jamais protesté contre les idées eugé- de la logique darwinienne à toute une série de phé- cipe de base reste le même. « Pour ces théoriciens, revue les différents cas de figure, dit Dominique
4. Centre CNRS / Universités Montpellier-I, II et III / À la fin du XIXe siècle, les « zoos humains »,
Ensa Montpellier / Cirad / Éc. pratique des hautes nistes et racistes de son cousin Galton. Et son pro- nomènes sociaux et culturels humains : la morale, assure Dominique Guillo, les comportements des pour les tenants du darwinisme social, Guillo, de la reconnaissance de l’implication de
études Paris. pre fils, le major Leonard Darwin, a été pendant la religion, la division du travail homme/femme… sociétés animales et humaines sont commandés justifient la facteurs génétiques dans certaines pra-
5. Laboratoire CNRS / Insa Lyon / Universités Lyon-I
des années le président de la Fédération interna- dit Dominique Guillo. Pour lui, les normes en dernière instance, plus ou moins directement, distinction tiques humaines à des situations dans
et II / École centrale de Lyon. entre
6. Ces séquences correspondent aux séquences d’ADN tionale des organisations eugénistes. » Le débat n’a sociales, comme l’évitement de l’inceste, sont l’ex- par des gènes spécifiques retenus par la sélection « races lesquelles l’évolution culturelle est tota-
qui ne codent pas pour une protéine. pas fini de faire rage. pression de dispositions biologiques ancrées dans naturelle. » lement indépendante des gènes. » Pour
primitives »
et « races l’anthropologue américain William.
civilisées ». H. Durham, le cannibalisme cultu-
rellement valorisé chez les Fores de
CONTACTS RACISME : DARWIN DISCULPÉ
Ô Jean-Christophe Auffray
Nouvelle-Guinée pour s’approprier
[email protected] Darwin était-il raciste? Peut-on aux conceptions de Darwin, dit-il. qui soutiennent que Darwin “système synthétique de dans la protection de ces derniers les vertus guerrières d’un ennemi tué
Ô Nicolas Galtier, accuser sa théorie de l’évolution Ce dernier l’a combattu à la fois est à l’origine des déviations philosophie” qui débouche sur une l’indice du degré de “civilisation” et au combat illustre ce dernier point. Car
[email protected] d’avoir mis en branle les pires par tradition familiale, par révolte sulfureuses de sa théorie sociologie célébrant le triomphe congédie sans appel l’eugénisme de ces pratiques auraient fini par déclen-
Ô Matthieu Joron, [email protected] dérives inégalitaires personnelle après son passage au que L’Origine des espèces paraît des «méritants» et la non-assistance Galton au chapitre 5 de La filiation cher l’apparition d’une maladie neu-
Ô Nicolas Mouquet

© R. Perrin/The Bridgeman Art Library

que l’humanité ait connues Brésil, et par conviction fin 1859. Pour ne pas nuire aux pauvres ». À la même époque, de l’homme », dit Patrick Tort. rophysiologique mortelle, le kuru,
[email protected]
Ô Isabelle Olivieri
au XXe siècle? Pour le philosophe théorique. » à la réception de ses thèses, le jeune cousin de Darwin, Francis D’où la nécessité, conclut celui-ci, une variante de la vache folle.
[email protected]
Patrick Tort, la réponse tient Le naturaliste britannique « Darwin s’interdira pendant plus Galton, invente l’eugénisme. de mener à bien la traduction Philippe Testard-Vaillant
Ô Thierry Boulinier, en un mot : non. « Le racisme était-il tout aussi clairement d’une décennie toute déclaration Faisant l’une et l’autre référence française intégrale de l’œuvre qui 1. Site Internet : www.darwinisme.org
[email protected] renferme une survalorisation anti-esclavagiste? Il le fut publique sur l’homme. Or, c’est à la théorie darwinienne, est en cours aux éditions Slatkine. 2. Groupe CNRS / Université Paris-IV.
Ô Guillaume Beslon des qualités inhérentes de la « absolument et constamment », précisément au cours de ces dix ces théories « convergent vers le P.T.-V.
[email protected] “race” et une condamnation du assure le même expert années que le philosophe anglais principe de l’élimination nécessaire
Ô Carole Knibbe
CONTACT : Patrick Tort, CONTACT
Ô Dominique Guillo, [email protected]
mélange absolument opposées en rappelant à tous ceux Herbert Spencer développe son des faibles. Darwin, à l’inverse, voit [email protected]
[email protected]

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
28 ZOOM ZOOM 29

© L. Augustin/CNRS Photothèque
1 La station Concordia à l’aube.

Le Dôme C est un site exceptionnel

9 pour l’astronomie 2 . Le
6 télescope Cochise 3 , équipé
d’un système de dégivrage 4 ,
5 est notamment dédié à l’étude
7 du rayonnement cosmologique
fossile. Un peu plus loin,
des astronomes construisent un
3 8 socle en béton pour l’installation
12 d’autres instruments 5 .
2 4 11
10 Trois mille mètres de carottes
13 de glace 6 et 9 ont permis
de reconstruire 800000 ans
de l’histoire du climat. Après
extraction, les carottes issues
du forage Epica sont préparées
en atelier 7 , avant de rejoindre
la cave d’archivage 8 .
© E. Aristidi/CNRS Photothèque

A N N É E P O L A I R E I N T E R N AT I O N A L E

V
oir ces deux tours au milieu de nulle part, lors l’histoire du climat sur des échelles de temps ver- casse, pièces de rechange introuvables… De l’autre,
de mon arrivée en avion pour l’hivernage en tigineuses. Quant aux sismologues, ils peuvent y le manque d’oxygène lié à l’altitude rend la moin-

Une saison cours, restera un souvenir inoubliable »,

raconte Érick Bondoux, du Laboratoire
étudier la propagation des ondes sismiques le long
de l’axe de rotation de la Terre 3.
dre tâche plus fatigante. « Lorsque l’on a oublié le bon
tournevis avant de se rendre auprès des instruments,

à Concordia
14
Hippolyte Fizeau 1, à Nice. Ces tours appartien- Pour profiter de ce site exceptionnel, les scientifi- il faut marcher un kilomètre pour retourner à la base »,
nent à la base polaire franco-italienne Concordia, ques doivent néanmoins s’adapter à des conditions explique la scientifique. Ce qui, par – 60 °C, n’a 10 Durant les campagnes
édifiée au cœur de l'Antarctique, de l'Institut polaire de vie radicales. Rien que pour se rendre au Dôme C, rien d’une promenade de santé ! d’été, les deux tours de Concordia
français Paul-Emile Victor2 et de l’institut italien il faut compter une semaine de navigation dans Pour autant, au quotidien, la vie à Concordia est pour accueillent une quarantaine
PNRA. Plus précisément sur le site du Dôme C, à les eaux agitées des mers du Sud. Puis embarquer ainsi dire… normale : « Du fait de la fatigue, on dort de scientifiques.
3 233 mètres d’altitude, dont plus de 3 200 d’épais- à bord d’un petit avion pour un vol de cinq heures. très bien, explique la sismologue. Les repas sont
seur de glace ! Si les bâtiments d’été sont opéra- « Nous sommes une dizaine, assis au beau milieu du copieux, et le soleil brille en permanence. » Quoique Une station mobile 11 , alimentée
L’Année polaire internationale s’achève. Pour autant, la vie tionnels depuis 1997, la construction sur pilotis des matériel. Il fait si froid que cinq minutes après le décol- ce dernier point ne soit vrai que durant les cam-
© Photos : C. Delhaye/CNRS Photothèque

par des panneaux solaires 12 , et

deux tours de trois étages a débuté en 2002. Et lage, les vitres gèlent », décrit Alessia Maggi, à l’Institut pagnes d’été, qui durent de décembre à février. La un observatoire sismologique 13
ne va pas s’arrêter à la station franco-italienne Concordia, depuis 2005, le site est occupé en permanence. Lieu de physique du globe de Strasbourg 4. base est alors une véritable fourmilière où s’affai- permettent l’analyse des ondes
installée en plein Antarctique. Durant les saisons d’été, unique par sa localisation extrême – la température
moyenne du site avoisine les – 50 °C avec des poin-
Et à l’arrivée, rien n’assure que tout se déroulera
comme prévu. « Étant donné les conditions, et vu que
rent une quarantaine de personnes, scientifiques,
techniciens ou cuisinier.
sismiques le long de l’axe
de rotation de la Terre.
jusqu’à une quarantaine de scientifiques, de techniciens tes à – 80 °C, et le soleil disparaît totalement de mai l’on n’a qu’une seule tentative par an, on ne peut Mais à partir de février, tout change. Les estivants
à août –, Concordia est surtout un laboratoire jamais savoir si on aura le temps de tout faire, même quittent la station, laissant une dizaine d’hiver-
ou d’intendants s’y affairent dans des conditions extrêmes. scientifique à nul autre pareil. Son ciel, d’une en travaillant 14 heures par jour », explique la sis- nants dans l’isolement quasi total de la nuit polaire.
14 La liaison avec Concordia
se fait grâce à ce Twin Otter.
Instants de vie de ce « laboratoire du bout du monde ». pureté inégalée, fait le bonheur des astronomes. Les mologue. D’un côté, le matériel est mis à rude « Lorsque le dernier avion s’en va, on a une sensation
climatologues y forent la glace pour reconstituer épreuve : problèmes mécaniques, électronique qui de vide, témoigne Éric Aristidi, du Laboratoire >
Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
 30 ZOOM RENCONTREAVEC 31
15

Brigitte Senut

“
Paléontologue
J’ai pu montrer
que les premiers
hominidés pouvaient

”
grimper aux arbres.
Sur mants ! Toutes ces missions de terrain

16
les pas des nous ont permis de publier, les pre-
miers, sur des formes chimpanzées

17
hominidés datant d’environ 12,5 millions d’années
et gorilles de 6 millions d’années ».
Si elle s’intéresse tant aux grands
singes du Miocène, c’est pour mieux
18
comprendre l’origine des premiers

S
19 ourire et énergie. Voilà ce qui hominidés, ainsi que les variations
caractérise d’emblée Brigitte des environnements et donc des cli-

© Y. Frenot/CNRS Photothèque
© Photos : C. Delhaye/CNRS Photothèque

Senut, paléontologue de mats. En témoignent les travaux du

renom et « Femme scientifi- groupement de recherche interna-
que de l’année » 2008. Niché au dépar- tional (GDRI) qu’elle dirige depuis
tement « Histoire de la Terre » du 1991, intitulé justement : « Origine
Muséum national d’histoire naturelle, des grands singes africains moder-
son bureau abrite une activité débor- nes et des hominidés : rôle des
dante : relire les dernières épreuves paléoenvironnements néogènes afri-
de sa monographie sur la Namibie, cains ». 2000 : année « Orrorin »,
annoter une thèse, rédiger le compte dont l’équipe découvre les premiers

© S. Godefroy/CNRS Photothèque
15 Autre élément du dispositif > Hippolyte Fizeau, qui a participé à l’hivernage à Reims. Programme dont les résultats aideront rendu d’une récente mission en restes au Kenya. Un scoop. Daté
astronomique de Concordia, 2006. Il y a le silence et la base paraît immense. » notamment à préparer de futures missions spatiales Afrique du Sud. Entendez le « quoti- d’environ 6 millions d’années, il
les plateformes de l’expérience Érick Bondoux, actuel hivernant en charge de l’as- vers Mars ! dien » d’une carrière consacrée aux représente le plus ancien hominidé
Concordiastro, sur lesquelles tronomie, ajoute : « Durant l’hivernage, rien n’est Dans ces conditions, on comprend qu’en septem- racines de l’homme et des grands sin- affichant une bipédie permanente.
des télescopes servent aux tests comme ailleurs. Même le temps semble altéré. Pour bre, tout le monde soit ravi de voir réapparaître le ges africains… qui lui vaut aujourd’hui On aurait pourtant tort de croire
du site en vue de l’installation moi, il s’est arrêté le 28 décembre 2007 ! » Soleil. Puis se mette à guetter le premier avion, fin de recevoir le prix Irène Joliot-Curie Brigitte Senut focalisée sur ses fouil-
future d’un observatoire. Passé les premières semaines durant lesquelles novembre. À l’ouverture de la station, les effectifs 2008. De quoi, espère la chercheuse, les. Il suffit de l’entendre évoquer les
chacun cherche ses marques, une sorte de routine montent rapidement à quarante. La nouvelle cam- « booster les jeunes femmes, les inciter à suivre leur En poste au Muséum dès 1982, la paléontologue relations humaines : « Il est vital de communiquer
16 Des conteneurs pour s’installe. « On devient un peu robot, confie Éric pagne d’été peut commencer. « L’année dernière, passion ». conjugue avec bonheur enseignement, travail avec les habitants, d’apprendre les uns des autres et
le stockage du fuel. Aristidi. La vie est rythmée par le travail », comme nous avions dû faire certaines choses à la va-vite, confie Pour elle, tout a commencé avec les cailloux de collection et recherche… de terrain, bien sûr. d’aider à l’éducation, un réel pari sur l’avenir. » Là
le détaille Érick Bondoux : « Ici, le travail d’astronome Alessia Maggi. Je suis donc ravie de retourner à Concor- qu’elle aimait tant, petite, ramasser et observer. Cette « crapahuteuse » passe deux à six mois par en construisant une école de terrain, ici un petit
17 et 18 L’été, une partie des est très différent de ce qui se fait ailleurs. Les horaires dia. » Un contentement d’ordre scientifique, mais Mais au sortir de son bac, la jeune fille rêve de an à sonder les sols africains. En 1985, elle monte, musée sur la culture locale. Et de retour sous
personnels dort dans ces tentes ne sont jamais fixes et certaines expériences demandent aussi humain. Car comme le confirme Éric Aristidi, partir enseigner en Afrique, « car sans le connaî- en étroite collaboration avec son collègue Martin nos cieux, il lui faut s’atteler à ses publications
de six à huit lits. Une température une veille de chaque instant. Plus qu’observateur, il faut « un séjour à Concordia n’est pas une expérience ano- tre, ce continent me fascinait déjà au travers de la Pickford, une première mission en Ouganda. où la rigueur côtoie l’indépendance d’esprit.
de 25 °C y est maintenue, bien que être à la fois mécanicien, électronicien, informaticien dine ». Bien au contraire. Érick Bondoux confie : vie du Dr Schweitzer ». Trop jeune. À défaut des Objectif : tester l’East Side Story d’Yves Coppens « Car dans un domaine comme le nôtre, où nous
la température extérieure atteigne et opticien. Une polyvalence qui vaut pour tous les « Même plusieurs mois après mon arrivée, marchant pistes, elle choisit alors de suivre la voie uni- et rechercher grands singes et hommes fossiles accumulons des données variées mais limitées, les
–30 °C. corps de métier. » L’astronome ajoute : « Durant l’hi- dans la nuit et voyant se découper l’ombre des deux tours versitaire en géologie et paléontologie. En 1976, dans un cadre environnemental et géologique pré- scénarios sont forcément nombreux. »
vernage, il est courant de ne pas avoir une journée de sur la Voie lactée, il m’est arrivé de penser que je rêvais. » elle rencontre Yves Coppens : un brin provoca- cis, celui du rift occidental. Mais prise dans un Et quand le berceau de l’Humanité ne l’occupe
19 La cuisine de la station repos durant plusieurs mois. D’une certaine manière, Mathieu Grousson trice, l’étudiante en DEA constate le manque coup d’État, l’expédition-baptême frise le drame. pas ? Elle adore cuisiner et écouter de la musi-
Concordia. il est impossible de s’ennuyer et la question du man- 1. Laboratoire CNRS / Université de Nice / Observatoire de données sur les squelettes d’australopithè- « Nous sommes tombés dans une embuscade avec que… africaine. Une réelle passion, sans aucun
que de loisirs ou de distractions ne se pose pas. » de la Côte d’Azur. ques. Deux mois plus tard, la voici chargée d’en des tirs nourris ! C’était assez rocambolesque, au doute.
2. Groupement d'Intérêt Public (GIP) constitué par neuf
Pour autant, selon les années, l’ambiance est plus organismes (Ministère de la recherche, Ministère des affaires étudier les membres supérieurs. Son esprit point d’être à deux doigts de renoncer définitive- Patricia Chairopoulos
ou moins bonne. Ainsi, lors du second hivernage, étrangères, CNRS, Ifremer, CEA, TAAF, Météo-France, CNES, rebelle la pousse à explorer des thèmes suppo- ment à l’Afrique », raconte-t-elle avec émotion. Ô À lire
Expéditions Polaires Françaises).
en 2006, l’atmosphère s’est vite dégradée. « Début 3. Lire « Plein feux sur les pôles », Le journal du CNRS,
sés « mineurs ». En témoigne sa première thèse La dame s’obstinera, avec succès. En Ouganda Et le singe se mit debout, de Brigitte Senut avec Michel Devillers,
juillet, on a commencé à s’engueuler, se souvient consacrée à l’humérus des hominidés plio- toujours, le duo retrace l’histoire climatique préface d’Yves Coppens, Albin Michel, 2008
n° 205-206, février-mars 2007.
Éric Aristidi. Les relations deviennent alors plus diplo- 4. Institut CNRS / Université de Strasbourg-I. pléistocènes 1 : « Ce sujet était un choix de ma locale depuis 13 millions d’années 2 puis égrène, 1. Entre 4 et 2 millions d’années environ.

Ô À VOIR matiques qu’amicales. » La façon dont le groupe part : à l’époque, si on parlait de la bipédie, on au fil des missions africaines, des découvertes 2. Cette histoire du climat sera étendue plus tard
CONTACTS
Ô Alessia Maggi, [email protected]
à celles de l’Afrique orientale, puis australe.
s’adapte socialement et psychologiquement aux évoquait très rarement le reste du squelette. Or j’ai capitales. En 1991, c’est la mise au jour de grands
Concordia, sciences australes, conditions de vie en isolement et en confinement Ô Éric Aristidi, [email protected] pu montrer que les premiers hominidés pouvaient singes fossiles en Namibie, « en dehors des gise-
(2008, 34 min) de Marcel Dalaise, produit par régnant à Concordia fait d’ailleurs l’objet d’un pro- Ô Élisabeth Rosnet grimper aux arbres. » Un « point de détail » ments classiques est-africains, là où on ne les connais- CONTACT
Ô Brigitte Senut
CNRS Images et l’Ipev. À visionner en ligne : [email protected]
gramme de recherche dirigé par Élisabeth Rosnet, qu’elle défendra devant des confrères améri- sait pas ». Cinq ans plus tard, Brigitte Senut
http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction
au Laboratoire de psychologie appliquée (LPA), Ô Blog d’Érick Bondoux cains aussi hostiles à cette nouvelle théorie qu’à trouve leur trace en Afrique du Sud, « une chance Muséum national d’histoire naturelle, Paris
=doc&id_doc=1894 www.antarcticaonline.org [email protected]
commun aux universités de Reims et de Picardie, la femme de science. inouïe ! Une demi-dent dans une mine de dia-

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
32 INSITU INSITU 33

M É DA I L L E D ’ O R D U C N R S

Le pionnier du génome Quatre ans plus tard, il réalise la première carte

du chromosome Y, où il localise la région qui
contient le gène 2 responsable de la détermina-
ÉPELER LE GÉNOME
Le chercheur répond ensuite présent quand la
France fait appel à lui en 1996. Il s’agit main-
tion du sexe. Il démontre aussi pour la première tenant de participer à ce qui sera surnommé
Jean Weissenbach figure parmi les meilleurs généticiens mondiaux. En une quinzaine fois que chez l’homme, au cours de la production « le projet Apollo de la biologie » : la lecture de
d’années, ses travaux ont permis de faire des bonds de géant sur la connaissance des cellules sexuelles, a lieu un échange 3 d’ADN la totalité des « lettres » de l’ADN humain. Un

© E. Perrin/CNRS Photothèque
des génomes et ont révolutionné la génétique humaine. Un niveau d’excellence qui lui vaut entre les chromosomes X et Y. C’est le temps vieux rêve revenu à l’ordre du jour depuis que
des premiers succès. Mais il rêve à présent de s’at- la carte génétique a fourni des points de repère
de se voir remettre ce mois-ci la médaille d’or du CNRS. taquer à la totalité de notre matériel génétique : pour se retrouver dans cette inextricable jungle
le génome humain. Et il a une idée… où à peine 2 % des « lettres » correspondent à

I
l est le « Vasco de Gama de la science », général du CNRS. Dans son bureau d’où il « Je voulais utiliser des marqueurs, les microsatel- des gènes ! Pour participer au consortium public
disait de lui feu Jean Bernard, émi- orchestre le Genoscope, Jean Weissenbach revient lites 4, qui permettraient de se repérer précisément international du « Projet Génome humain », la
nent médecin français. Mais la sur son parcours et se souvient de ses premiers le long du génome et d’en établir une carte haute France crée le Genoscope (lire l’encadré ci-contre),
« terre », inconnue et vaste quoique pas en science. résolution », explique le lauréat. Certains de la per- et Jean Weissenbach est nommé à sa tête. Pari LE GENOSCOPE,
microscopique, qu’a contribué à tinence de son idée, Daniel Cohen 5 et Jean gagné : son équipe, chargée du chromosome 14, FLEURON NATIONAL
découvrir Jean Weissenbach est en réa- LES DESSOUS DES CARTES Dausset, du Centre d’étude du polymorphisme s’acquitte de sa tâche haut la main, et la séquence
lité toute proche : ce sont les 3,5 mil- Très jeune, dans l’arrière-boutique de son phar- humain (CEPH), mettent un laboratoire à sa complète de « lettres » est publiée en 2003. Ce Il est le premier « grand équipement »
liards de « lettres » du code génétique macien de père, il respire les flacons, hume les disposition. Prometteurs, ces travaux sont ensuite fut un travail de titan. Et un véritable combat pour français en biologie, à l’image des grands
humain. Le « livre de la vie » en poudres, avant de s’attaquer plus tard à la fabri- financés par l’Association française contre les la science et la liberté. Car « l’Américain Craig télescopes en astronomie ou des
somme. Mais le chercheur de cation de pommades et autres préparations myopathies (AFM), et dès 1992, Jean Weissen- Venter menait au même moment un projet privé accélérateurs de particules en physique.
62 ans, directeur du Genoscope- magistrales. Aucune hésitation donc après le bach obtient une première carte génétique identique mais voulait vendre l’accès aux don- Créé en 1996 à Évry, en banlieue sud de
Centre national de séquençage lycée : il entre en faculté de pharmacie. Mais publiée par la prestigieuse revue Nature. « Le suc- nées », se souvient le médaillé. « Une telle pri- Paris, le Genoscope du CEA a achevé avec
(CEA), à Évry, n’est pas fan de ce l’univers de la recherche semble bien plus exci- cès fut bien plus considérable que je ne le pré- vatisation nous semblait extrêmement dangereuse. succès en 2003 sa mission première au sein
type de formules emphatiques. tant… Surtout en ce début des années 1970, car voyais », commente-t-il. Très vite, les scientifiques Seules les grandes sociétés privées y auraient eu du « Projet Génome humain ». Aujourd’hui,
Mesuré, discret, il accepte tout de la biologie moléculaire vient de connaître une fan- du monde entier piochent en effet dans cette accès : cela aurait été un ralentissement considérable il continue de répondre aux besoins
même de se prêter au jeu médiatique tastique envolée à la suite de la découverte de la carte – améliorée en 1994 et 1996 – et localisent pour la science. » Entre-temps, en 2000, le cher- en séquençage à grande échelle
dont il fait l’objet depuis quelques structure de l’ADN 1, molécule constituant les grâce à elle de nombreux gènes responsables de cheur a aussi été à l’origine de la première esti- de la communauté académique nationale.
semaines. Et pour cause : il vient de chromosomes et support de l’information géné- maladies héréditaires en quelques mois à peine ! mation fiable du nombre de nos gènes : 30 000 6 Microbes, animaux, plantes, humains : tous
recevoir la médaille d’or du CNRS. tique. L’aspirant pharmacien suit donc parallè- L’impact est considérable. Jean Weissenbach, au lieu des 100 000 supposés jusqu’alors. C’est les projets d’analyse de génome en France
« Avec plus de 500 publications dans les lement un cursus en biochimie. Après sa thèse, qui reçoit en 1994 la médaille d’argent du CNRS moins que la paramécie, un micro-organisme qui présentent un intérêt scientifique,
grandes revues internationales, il fait par- et un postdoctorat à l’Institut Weizmann, à pour l’ensemble de ses travaux sur le génome, unicellulaire, fort de 40 000 gènes. Et moins que médical ou économique, passent en effet
tie des deux ou trois meilleurs chercheurs Rehovot en Israël, il poursuit à l’Institut Pasteur, devient alors l’un des chercheurs les plus cités les 37 000 d’un grain de riz ! entre ses murs. Enfin, explique Jean
mondiaux dans sa discipline », a com- à Paris. « À partir de 1982, j’ai travaillé sur les au monde dans la littérature scientifique et ce, « Depuis cette époque, j’ai tourné la page de la Weissenbach, « il permet de se maintenir
menté à ce sujet Arnold Migus, directeur chromosomes sexuels humains », se souvient-il. pendant plusieurs années. génétique humaine », explique le médaillé. Les au niveau de l’état de l’art dans le domaine
découvertes se succèdent encore, mais dans du séquençage et de l’analyse de la
d’autres domaines. Le Genoscope réalise notam- séquence ». Et ce, en grande partie grâce au
ADN, MODE D’EMPLOI développement de méthodes informatiques,
ment, seul ou en partenariat, le séquençage des
CELLULE génomes de l’anophèle (un moustique vecteur nécessaires à l’analyse et à la comparaison
DES AVANCÉES GÉNÉTIQUES IMMENSES CHROMOSOME
du paludisme), de la paramécie, du riz et de la des génomes. Ces travaux de recherche en
vigne, un sujet de choix pour ce grand amateur informatique s’inscrivent en partie dans le
Les travaux du médaillé par des facteurs extérieurs Non, on ne sait pas encore Un chromosome
est fait d’une très de vin. Mais l’homme a besoin de nouveaux cadre de « Génomique métabolique », l’unité
ont modifié de façon décisive (environnementaux, etc.). Ces agir sur les gènes pour cela,
NOYAU longue molécule
défis. Indépendant, visionnaire et pragmatique, de recherche du Genoscope, commune
notre approche des quelque découvertes furent aussi une et la maîtrise des thérapies en forme de
double hélice : il a depuis peu réorienté ses recherches vers au CNRS, au CEA et à l’université d’Évry.
6000 pathologies d’origine première étape indispensable géniques est encore bien loin
l’ADN. des organismes injustement délaissés : les C.Z.
génétique. La séquence pour mettre au point des tests à l’horizon. « Il reste beaucoup
(voir illustration) a offert de diagnostic prénatal. Et face de choses à comprendre », L’ADN est une succession de 3,5 milliards
bactéries. Ces « microbes » qui dégradent les
aux généticiens la possibilité aux nombreuses questions relativise le lauréat. « Il y a de nucléotides (ou « lettres ») de 4 sortes déchets dans la nature sont pourtant essentiels
différentes : A, T, G et C. Leur ordre dans l’écologie de la planète. Mieux les connaî-
de déceler directement d’éthique qu’elles soulèvent, de nombreux gènes dont 1. La découverte de la structure en double hélice
détermine l’information génétique.
tre, gène par gène, pourrait conduire à toutes de la molécule d’ADN, ou acide désoxyribonucléique,
les mutations des gènes Jean Weissenbach s’est on ignore la fonction et, a valu un prix Nobel à James Watson, Francis Crick
responsables de ces maladies. toujours voulu rassurant : en réalité, on ne sait pas encore sortes d’applications, en particulier au service de et Maurice Wilkins en 1962.
l’environnement, notamment pour rendre la 2. Fragment d’ADN correspondant à une instruction

© C. Lebedinsky/CNRS Photothèque
Près de 2700 de ces gènes ont « Les craintes concernant assez bien comment fonctionne
Un gène est un fragment à effectuer par la cellule.
ainsi été identifiés à ce jour. La l’eugénisme sont fondées, une cellule… Se lancer d’ADN qui contient de chimie plus propre ou même pour détruire des 3. À ce moment, les chromosomes se chevauchent. Souvent
quête continue, et elle ne cesse mais à relativiser; un génotype dans des thérapies géniques quelques milliers de « lettres » polluants. « À rebours de la conception habituelle, des morceaux qui se coupent sont alors échangés.
à plus de deux millions. 4. Motifs de une à quatre lettres, par exemple (CA), (TTA),
de progresser. Mieux : elle à risque pour une maladie avec des connaissances je pense que les sciences du vivant peuvent appor-
AT etc., qui se répètent au moins dix fois à la suite au milieu
concerne également d’autres ne garantit pas de tomber aussi fragmentaires me semble G ter beaucoup à la chimie », insiste notre cher- d’une séquence ordinaire.
T
maladies dites multifactorielles, malade, et peut même protéger donc prématuré. » Restent A cheur. « J’espère que le prestige associé à la médaille 5. Fondateur du CEPH en 1982.
G 6. Le chiffre est à présent estimé à 25 000.
telles que le diabète, l’obésité, d’une autre maladie. Il n’y a des avancées en génétique CA d’or du CNRS m’aidera à œuvrer en ce sens et à
Si une ou deux lettres d’un gène Le génome est l’ensemble faire des émules. » On l’aura compris, ce thème

© S. Landel/CNRS
les maladies cardiovasculaires, pas de génome idéal. » absolument capitales sur la
sont différentes par rapport à la du matériel génétique d’un tient à cœur au lauréat. Et il compte bien y bril-
le cancer, etc., causées, Et ensuite? Une fois les gènes connaissance du vivant et de CONTACT
Ô Jean Weissenbach
version « normale », on dit qu’il organisme. Séquencer un génome,
non pas par la seule défaillance identifiés et les malades ses mécanismes complexes. a muté. Il peut alors provoquer c’est « lire » la succession de ler une fois encore avant de tirer sa révérence à
une maladie génétique. toutes ses « lettres ». la science. Génomique métabolique (Genoscope), Évry
d’un gène, mais aussi dépistés, peut-on les guérir? C.Z. [email protected]
Charline Zeitoun

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
34 INSITU INSITU 35

BASE DE DONNÉES

Biface du site de La Noira

(Centre de la France),
daté de – 700 000 à – 600 000 ans.
La sculpture gauloise en deux clics
U
rigoureusement, mais on pense qu’elle ne impressionnante base de « Mine d’informations colossale, aisée plet… Il y avait bien le recueil réalisé du ministère de la Culture et de la
a été orchestrée par Homo erectus. Pour données accessible en ligne, et rapide d’accès pour tous, notre base entre 1907 et 1938 par le conserva- médiathèque de l’Architecture et du
les genres Homo qui ont migré vers avec l’ambition de répertorier de données est appelée à donner à teur des monuments et musées de Patrimoine. »
l’Europe (depuis l’Asie ou directe- l’ensemble des sculptures de la terme une vue d’ensemble sur la tota- Nîmes Émile Espérandieu (« Recueil Dans le cadre du projet Eurydice,
ment depuis l’Afrique), on a trouvé, Gaule romaine, des plus humbles lité des sculptures de la Gaule général des bas-reliefs, statues et lancé en 2001 et réalisé en parte-
à Atapuerca, en Espagne, des osse- aux plus spectaculaires… soit pas romaine », précise Danièle Terrer. bustes de la Gaule »), complété entre nariat avec le Laboratoire d’ingé-
ments d’Homo antecessor ; lequel moins de 15 000 bas-reliefs, statues Il faut savoir ici que si les bas-reliefs, 1947 et 1966 par l’archéologue nierie de la connaissance multimé-
aurait vécu entre – 1,2 et – 0,8 Ma. et bustes ! Voilà ce qu’a développé statues et bustes de la Gaule Raymond Lantier. Mais personne dia multilingue du CEA List, les
Danièle Terrer, ingénieure CNRS romaine représentent des collec- n’y avait ajouté les œuvres décou- chercheurs souhaitent à présent
Lors des migrations humaines, au Centre Camille Jullian à Aix-en- tions exceptionnelles, il n’en exis- vertes après 1966… Jusqu’à la ajouter à leur base des outils infor-
aurait-il pu y avoir simplement Provence 1. Une grande première. tait jusque-là pas d’inventaire com- création de la base de données matiques permettant d’exploiter de

© L. Damelet/CNRS/Centre Camille Jullian Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme

des contacts entre ces différents « Nouvel Espérandieu » (Nesp) 2, différentes façons ses informations,
groupes humains, plutôt que qui regroupe désormais toutes les comme localiser, sur une carte, le
© C. Gaillard

des mouvements de populations? données existantes. lieu où a été trouvée la sculpture.

Marie-Hélène Moncel. M.-H. M. : Oui. En fait, il y a trois « Concrètement, nous avons recensé Kheira Bettayeb
possibilités : soit il y a eu un dépla- toutes les œuvres existantes, puis 1. Centre CNRS / Université Aix-Marseille-I.
COLLOQUE cement de personnes ; soit « juste » numérisé et indexé leurs images col- La base est consultable sur le site du Centre
un déplacement des traditions (façon lectées dans tous les grands musées Camille Jullian : http://sites.univ-provence
.fr/ccj/ – sur la page d’accueil, cliquer

La route de l’homme de travailler les pierres, etc.) entre des

groupes différents vivant dans des régions
du Sud de la France, détaille notre
ingénieure. La base contient aussi
sur « sculpture romaine ».
2. Cet outil a été réalisé au Centre Camille

© Département de préhistoire du MNHN

Jullian en accompagnement du programme
différentes ; soit un développement de traditions des fiches, une pour chaque œuvre, de publication « Nouveau Recueil
similaires dans différents groupes isolés les uns renseignant sur la provenance de la
Du 26 au 28 novembre, un colloque international sur les premières des autres (c’est le phénomène de convergence). sculpture, son histoire, sur celui ou
d’Espérandieu » initié en 2001 par
l’Académie des inscriptions et Belles-Lettres
migrations des hommes préhistoriques de l’Afrique vers l’Eurasie s’est Et dans une même région, il peut même y avoir ce qu’elle représente, etc. Ce travail
sous la direction d’Henri Lavagne.

tenu à Paris. Retour, avec Marie-Hélène Moncel, préhistorienne au eu ces trois possibilités en même temps. Voilà n’aurait pas pu être fait sans l’aide
CONTACT
Ô Danièle Terrer
pourquoi il est complexe de retracer avec préci-
CNRS et organisatrice du colloque, sur 2 millions d’années d’histoire. sion les migrations humaines préhistoriques…
Au musée de Vaison-la-Romaine, Centre Camille Jullian - Archéologie
et pourquoi nous devons encore répondre à nom- les photographes du Centre Camille méditerranéenne et africaine (CCJ),
Comment les préhistoriens arrivent-ils de l’Asie ont été retrouvées à Dmanisi en Géorgie bre de questions. Aix-en-Provence
Jullian immortalisent des effigies [email protected]
à étudier des déplacements humains survenus… et remontaient à 1,8 million d’années. Et ces impériales colossales.
il y a plusieurs millions d’années ? dernières années, une équipe russe – invitée à Lesquelles?
Marie-Hélène Moncel : En comparant tout ce que notre colloque – a découvert, au bord de la Mer M.-H. M. : Pourquoi les hommes ont-ils quitté
l’on trouve sur les sites préhistoriques d’Afrique d’Azov dans le Caucase du Nord, du matériel l’Afrique ? Par quels chemins sont-ils parvenus
et d’Eurasie : l’outillage, la faune, etc. En identi- presque aussi ancien, datant de – 1,1 à – 1,6 Ma. en Europe ? Se sont-ils déplacés de l’Asie vers INSTRUMENT
fiant les types d’outils, d’animaux chassés, etc., Des découvertes qui suggèrent que l’homme a l’Europe ou y a-t-il eu de multiples vagues de colo-
on peut définir les traditions et, par conséquent,
les différents groupes humains, que l’on peut
colonisé rapidement l’Eurasie !
Quant à la seconde migration humaine, plus
nisation humaine à partir de l’Afrique, en pas-
sant par le détroit de Gibraltar ou par le couloir Du renfort pour l’imagerie médicale UNE PLATE-FORME
situer dans l’espace et dans le temps en datant les récente et plus hypothétique, dont une partie a levantin (Méditerranée orientale) ? Quels fac- AU SERVICE DE LA MÉDECINE

N
objets trouvés (par exemple, les restes osseux). On sûrement été en partance de l’Afrique et l’autre teurs environnementaux et autres ont favorisé om de code : Discovery VCT lée : en cancérologie, le temps d’ac- mettre d’intensifier
peut donc tracer le déplacement de ces individus. en partance de l’Asie, elle est matérialisée par ou limité les déplacements ? Etc. Lors de ce col- HD. L’appareil, construit par quisition d’une image fonctionnelle et de développer de Créé en 1985 pour être l’un des trois premiers
Certes, les restes humains fossiles sont très rares. l’apparition de groupes employant un nouvel loque, qui a uni pas moins d’une centaine de cli- la société américaine General de l’ensemble du corps humain ne nouveaux program- centres français à mettre en œuvre la tomographie
Mais on trouve aussi des objets en pierre très pré- outil : le biface, réalisé en détachant progressi- matologues, spécialistes des fossiles humains, Electric, a rejoint les locaux de la prend que dix minutes. Quant au mes scientifiques par émission de positons (TEP), la plate-forme
cieux pour nous, transformés intentionnelle- vement des éclats sur les deux faces d’un bloc de de la faune, des outils, etc., de différents pays plate-forme d’imagerie biomédi- mode scanner, il est encore plus en neurologie et en Cyceron est un groupement d’intérêt public (GIP)
ment par les humains, en fait des outils et l’en- pierre. Au Proche-Orient, cet outil est présent vers (France, Espagne, Chine, Russie…), nous avons cale Cyceron, à Caen (lire l’encadré). rapide, avec un temps d’acquisition cancérologie. Avec placé sous la tutelle des grands organismes
semble des sous-produits liés à leur fabrication : –1,4 Ma. En Asie, il apparaît vers –1,2 Ma en Inde fait un état des lieux des connaissances acqui- Pour le plus grand plaisir des cher- de seulement vingt secondes. lui, Cyceron va aussi nationaux de recherche : le CNRS, le CEA et l’Inserm.
ce sont les « assemblages lithiques ». (Isampur). En Europe, les tout premiers sites à ses ces quelques dernières années pour for- cheurs qui y travaillent : la machine « La simultanéité des examens est à investir un nouveau Elle est spécialisée en neurosciences mais met
biface, en France (vallée du Cher), ne datent que muler de nouvelles hypothèses afin de répondre hybride, première de ce type ins- la fois un avantage pour le patient, domaine, la cardio- aussi ses installations d’imagerie au service
Et qu’est-ce que ces objets nous ont appris? de – 700 000 à – 600 000 ans. à ces questions cruciales. tallée en Europe, comporte à la fois qui gagne en confort et en temps, logie. « Avec Disco- de la recherche clinique, en cancérologie notamment,
M.-H. M. : L’étude de ces assemblages suggère Propos recueillis par Kheira Bettayeb un scanner à rayons X ultrarapide mais aussi pour les chercheurs. very VCT HD, on dans le cadre d’une convention avec l’Agence
l’existence d’au moins deux phases d’expansion Quels étaient les représentants du genre humain et de très haute résolution (VCD) et Coupler les deux images permet peut voir l’ensemble régionale d’hospitalisation de Basse-Normandie.
humaine, allant de l’Afrique – le berceau de l’hu- concernés? une caméra à émission de positons d’aborder les problèmes différem- du cœur et des artères C.H.
manité selon la plupart des chercheurs – vers M.-H. M. : On considère que le premier membre à haute sensibilité et haute résolu- ment », explique Bernard Mazoyer, et obtenir une image
l’Eurasie. La première, effectuée de l’Afrique vers du genre Homo était Homo ergaster, qui vivait en tion (HD). Ainsi, le Discovery VCH directeur du groupement d’intérêt en seulement 300 millisecondes. On
CONTACT CONTACT
Ô Marie-Hélène Moncel Ô Bernard Mazoyer
l’Asie, remonterait au moins à 1,9 million d’an- Afrique, entre – 2,2 Ma et – 1 Ma. La première HD fournit quasi simultanément public Cyceron. L’appareil, cofi- accède ainsi à ce qui nécessitait
nées (Ma), comme en témoignent les plus vieil- vague de migration a sûrement été réalisée par cet Laboratoire « Les hominidés au quaternaire :
une image anatomique des orga- nancé par le CNRS, l’Inserm, la jusqu’alors une angiographie ou une Centre d’imagerie - neurosciences
les traces d’outils trouvées à ce jour, en Chine. Par Homo ergaster puis par Homo erectus. Concer- milieux et comportements » (CNRS / MNHN), nes et une image fonctionnelle ren- Région Basse-Normandie et le radiographie », explique Bernard et d’applications aux pathologies
ailleurs, les plus anciennes traces attestant de la nant la seconde vague de peuplement, on n’a pas Institut de paléontologie humaine, Paris seignant sur leur métabolisme. Tout ministère de l’Enseignement supé- Mazoyer. (Ci-Naps), Caen
[email protected] [email protected]
présence de l’homme au carrefour de l’Europe et trouvé beaucoup de restes humains pour trancher ceci à une vitesse jusque-là inéga- rieur et de la Recherche, va per- Coralie Hancok

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
36 INSITU INSITU 37
Projections nocturnes
au cinéma Jean Vigo pour
la Nuit des savants fous. BRÈVES

sur les approximations scientifiques de certains

films que n’ont pas manqué de pointer certains
spectateurs vigilants : « L’histoire est-elle crédi-
Les instruments
Jean-Jacques
Beineix, parrain
du festival, invité
ble ? », « Le cinéaste a-t-il consulté des scientifiques
pour réaliser le film ? »… Les questions amenées
européens sous
Faire aimer à la fois la science
de la Tête au carré
sur France Inter.
par le public ont permis de mettre en évidence que
« cinéastes et chercheurs ne travaillent pas sur le
les projecteurs
et le cinéma : tel était le pari même rythme », note la chercheuse Hélène
Près de 600 participants en provenance
Budzinski. « Un film démontre un fait en très peu
audacieux mais largement de temps, il est parfois obligé de faire des approxi-
d’une trentaine de pays se réuniront
les 9 et 10 décembre prochains,
réussi de la première édition mations et d’opérer des raccourcis. Ce que ne peut pas
à Versailles, pour la 5e Conférence
du festival international se permettre la science, qui ne détient pas de vérité
européenne sur les infrastructures
absolue. » Une fois n’est pas coutume dans ces
du film Cinémascience pages, laissons la conclusion à l’acteur José Garcia,
de recherche (ECRI). Elle est organisée
dans le cadre de la présidence
qui s’est tenu à Bordeaux à qui ce festival a offert « un regard différent sur les
française de l’Union européenne
films et un formidable vivier de connaissances ». Et
du 18 au 26 octobre 2008. de souhaiter longue vie à ce festival.
par le ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche
Marighetto 4, a tout autant jugé les films sur leurs Fabrice Impériali
et la Commission européenne,
Ô Tout sur le festival
F E S T I VA L qualités cinématographiques que sur la perti-
en partenariat avec le Forum européen
nence scientifique de leur propos. Ce jury a aussi www.cnrs.fr/cinemascience/

Des palmes pour Cinémascience particulièrement apprécié le film australien The

black balloon, d’Elissa Down, qui traite avec déli-
1. La scienza in mostra – manuela di museologia, Bruno
Mandadori Editore, 2007.
2. Directeur de recherche CNRS, directeur de l’Institut
pour les infrastructures de recherche
(ESFRI). Après avoir démontré
sa détermination dans de grands projets
catesse du douloureux problème de l’autisme.
des sciences moléculaires (CNRS / ENSCPB / Universités internationaux comme Iter en parlant

J
ean-Jacques Beineix, parrain de Ciné- sés par le cinéma à des fins dramatiques », poursuit- Les autres films de ce festival ont été présentés Bordeaux-I et IV).
3. Directeur de recherche CNRS à l’Observatoire de Meudon
d’une seule et même voix, l’Europe
mascience, espérait une « réaction chi- il. Bien plus, pour Catherine Bréchignac, prési- dans la sélection « Nouveau regard ». Soit pour
(CNRS / Observatoire de Paris / Université Paris-VII). a en effet lancé à travers l’ESFRI une
mique » pour la première édition de ce dente du CNRS, depuis que le septième art est né, Marie-Hélène Beauvais, déléguée générale du 4. Chargée de recherche CNRS, universités Bordeaux-I et II.
Benjamin Ross, réalisateur de Poppy démarche de mutualisation des grands
festival. Et elle a bien eu lieu, avec à la fin du XIXe siècle, « des progrès des sciences et Shakespeare, grand vainqueur du festival. festival, « une invitation à découvrir ou à redé-
instruments de la recherche, tant au
6 000 spectateurs tout au long de la des techniques », cinéastes et chercheurs pour- couvrir des films internationaux récents qui mettent
niveau des processus décisionnels que
semaine, 60 films projetés, plus de 30 débats, des suivent le même objectif : la compréhension du UN CASTING VARIÉ en lumière de manière novatrice et singulière des pro-
de leur financement. Cette conférence,
échanges féconds entre scientifiques et cinéas- monde et de la société des hommes. Ils façonnent Une tâche hautement délicate à accomplir que de blématiques précises comme le fichage génétique,
dont le CNRS est partenaire, sera
tes et un final en apothéose avec un grand film deux univers – la recherche et le cinéma – qui for- réunir une soixantaine de films ayant une les rapports à la nourriture, ou encore les méandres
l’occasion pour les décideurs politiques
vainqueur, Poppy Shakespeare, de Benjamin Ross. cément « se croisent, s’interpénètrent et se nourris- connexion évidente avec les sciences et pour la plu- de l’introspection psychanalytique ». Parallèlement,
et les responsables scientifiques
« C’est un bon succès populaire, a commenté, sent l’un et l’autre pour stimuler notre imaginaire, part inédits en France. Et un pari là aussi large- des avant-premières de films très grand public ont
de débattre des stratégies à mener
enthousiaste, Arnaud Benedetti, directeur de la nous apprendre et nous faire comprendre », pour- ment tenu avec au total une soixantaine de films témoigné de la riche interaction de la science et
dans ce domaine.
communication du CNRS, d’autant que la fré- suit-elle. Pour Dominique Wolton, directeur de en projection, dont onze en compétition officielle. du cinéma, notamment dans le domaine de l’ani-
quentation a augmenté au fil des jours. » l’Institut des sciences de la communication du Ces derniers, produits durant les deux dernières mation. Parmi eux, citons les très remarqués Fly > www.ecri2008.fr
CNRS, le chercheur et le cinéaste « combinent années et inédits en France, ont illustré les diver- me to the moon, le premier film européen tourné LE PALMARÈS
LES DÉBUTS D’UN FESTIVAL tous deux imaginaire et rationalité », et pour Arnold ses possibilités de rencontre entre science et en 3D, ou Les ailes pourpres : le mystère des fla-
Poppy Shakespeare, du réalisateur britannique
Le pari n’était cependant pas gagné. Faire ren- Migus, directeur général du CNRS, « le chercheur cinéma. « Ils ont été sélectionnés car leurs sujets mants, film projeté en clôture et premier docu-
contrer la science et le cinéma autour d’un évè- a avec l’artiste de nombreux points communs : ils ali- rentrent en correspondance avec les différents champs mentaire animalier labellisé Disney Nature.
Benjamin Ross, a reçu le prix du jury du premier
festival international du film Cinémascience
Un jour de science
nement ludique, pédagogique et populaire porté
par le CNRS, voilà une initiative qui sur le papier
mentent leur travail de réflexion, d’intuition et d’ob-
servation et savent prendre des risques ».
de recherche du CNRS », explique Denise
Anderson, programmatrice du festival. On y
Enfin, la sélection « Rétrospective » a démontré
que depuis sa naissance, le septième art s’est
à Bordeaux. Ce film, qui raconte l’histoire d’une amitié
improbable dans l’univers psychiatrique, s’est
pour la planète
pouvait laisser perplexe. Pour autant, ces deux Malgré cette proximité évidente, personne n’avait croise des rêves de conquête spatiale chiliens toujours inspiré de la science. Les cinéastes ont vu décerner également le prix du jury Jeune.
Le 18 décembre prochain, l’association
univers ont toujours eu des liens très étroits. encore eu l’idée d’apparier la science et le cinéma (Chili puede), on y évoque des relations senti- en effet très vite fait de la planète l’un de leurs La très très grande entreprise, du cinéaste Pierre
Jolivet, a obtenu le prix du public.
Technion France organise sa grande
« Indiana Jones, après tout, est un archéologue », rap- autour d’un grand rendez-vous festivalier. Et mentales complexes entre humain et robot (Cyborg sujets favoris et ils se sont également hissés avec
journée scientifique annuelle sur
pelle Arnaud Benedetti. D’ailleurs, le chercheur Jean-Jacques Beineix d’enfoncer le clou : « Ce she), on y retrace des épopées historiques (Korolev), aisance et force imagination dans l’infiniment
le thème de la préservation de la planète,
se révèle être un personnage parfait pour le festival, il fallait le créer ! » Le CNRS et ses parte- on y aborde le problème du clonage (Proyecto grand et l’infiniment petit, des confins de l’Uni-
à la Maison de l’Unesco à Paris. Deux
cinéma. « On le présente souvent comme un incom- naires – dont la Région Aquitaine, la Mairie de dos), de la place des pathologies mentales dans nos vers jusqu’aux méandres profonds du cerveau. Les
sessions sont au programme de ce grand
pris qui lutte contre un système. Il a un savoir mais Bordeaux et la Communauté urbaine de Bordeaux sociétés (Poppy Shakespeare) ou de la pollution grands maîtres, Hitchcock, Cronenberg, Lang,
évènement, dont le CNRS est partenaire :
n’arrive pas à se faire entendre et à communiquer », (lire l’encadré ci-dessous) – ont su relever le industrielle (La très très grande entreprise). Bref, Resnais…, se sont ainsi croisés dans cette sélec-
« Viabilité et mobilité des transports pour
nous dit Matteo Merzagora, auteur d’un ouvrage défi et captiver des scolaires, le grand public, les chaque film a offert un regard singulier et per- tion où ont été proposés des classiques comme
les villes de demain » et « Eau,
sur les rapports entre sciences et cinéma 1. « Par professionnels du cinéma et la communauté cutant sur des sujets de société souvent graves. Tel La mouche, La planète des singes, Métropolis ou
environnement, énergie, les nouveaux
ailleurs, les thèmes scientifiques comme le clonage ou scientifique autour d’une programmation de le grand gagnant de cette compétition, Poppy encore Mon oncle d’Amérique.
défis de demain ». Parmi les intervenants
le réchauffement climatique sont très souvent utili- films internationaux de qualité. Shakespeare, du britannique Benjamin Ross, qui
spécialistes de renommée internationale
a reçu le prix du jury jeune, composé de lycéens LES CHERCHEURS EN HAUT DE L’AFFICHE Le jury du festival, présidé par Régis Wargnier, et des sur ces questions, citons Dominique Le
© Photos : B. Lafosse/CNRS

LE FESTIVAL CINÉMASCIENCE TIENT À REMERCIER SES PARTENAIRES : de la région Aquitaine et le prix du jury, présidé Côté débats, une trentaine de scientifiques sont membres du jury Jeunes.
Quéau, directeur de l’Insu du CNRS. Le
par Régis Wargnier (lire l’encadré « Le palma- intervenus à l’issue des projections pour prolon-
Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la Région Aquitaine, la Mairie, le Rectorat et la Technion – Israël Institute of Technology
rès »). Ce dernier, composé également de l’ac- ger la réflexion et répondre aux inévitables ques- CONTACT
Ô Marie-Hélène Beauvais
Communauté urbaine de Bordeaux, Cap sciences, CMC, Filminger, Eutelsat, la Commission nationale française est la première université technologique
pour l’Unesco, France 3 Aquitaine, Terre TV, Scifi, France Bleu Gironde, Le mouv’, Athena web, Science&vie, teur José Garcia, du physico-chimiste Philippe tions soulevées par les films. Des échanges sou-
Déléguée générale du festival et scientifique israélienne.
Sud-Ouest, Télérama et la librairie Mollat. Garrigues 2, de l’astrophysicien Jean-Pierre Lumi- vent d’une très grande richesse, et l’occasion pour
[email protected]
net 3 et de la spécialiste en neurosciences Aline les scientifiques de mettre les pendules à l’heure > Inscriptions : www.technionfrance.org/

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
38 GUIDE Livres GUIDE 39

3 questions à… Du vrai, du beau, du bien Bien manger : vrais et faux dangers

Une nouvelle approche neuronale Dr Jean-Marie Bourre, éd. Odile Jacob, septembre 2008, 336 p. – 22,50€

Michèle Petit exemple, aux anciens guérilleros, on

ne lit pas de récits de rapts perpétrés
par la guérilla, mais plutôt la légende
Jean-Pierre Changeux, éd. Odile Jacob, novembre 2008, 543 p. – 29 €

Rappelant qu’« il y a encore quelques années, il n’était pas

Spécialisé dans la chimie du cerveau et ses rapports à la nutrition (La dié-
tétique du cerveau, 1989) et l’un des découvreurs des effets des oméga-3,
L’art de lire du Mohán, un ogre séducteur enle-
vant les jeunes lavandières. Voilà
acceptable pour un chercheur en neuroscience d’utiliser
le mot “conscience” dans son travail expérimental sous
Jean-Marie Bourre remet ici énergiquement en cause le principe de pré-
caution et ses « étranges » effets dans le domaine de l’alimentation, car
ou comment résister à l’adversité l’un des processus par lesquels la peine de perdre l’estime de ses collègues », Jean-Pierre « aujourd’hui, surtout depuis la crise de la vache folle, manger semble ter-
rendue possible par l’attitude cha- lecture est réparatrice. Changeux résume ici plusieurs décennies d’enseigne- riblement risqué! ». À l’aide de nombreux exemples, il montre comment la
Éd. Belin, coll. « Nouveaux mondes », octobre 2008, 272 p. – 19 €
leureuse, subtile, discrète, des ment au Collège de France en menant, hors de toute mise en pratique de ce sacro-saint principe (que l’on confond avec la pré-
médiateurs, leur disponibilité pro- Ces processus peuvent-ils être aussi chronologie conventionnelle, une réflexion profondément vention) non seulement n’évite pas les dangers, mais en crée de nouveaux…
Michèle Petit est anthropologue, membre du Laboratoire « Dynamiques socia- fonde, leur écoute. N’étant pas per- salvateurs dans nos démocraties optimiste reliant librement des phénomènes humains Une utile réflexion pour en finir avec l’obsession anxiogène du «sûr» et
les et recompositions des espaces » (Ladyss, CNRS / Université Paris-I). çus comme quelque chose d’imposé, européennes? (culture, art, conscience et cognition, langage, mémoire regarder son assiette avec un « plaisir sans mélange! ».
les textes lus à haute voix vont ouvrir Bien sûr! Car ici aussi, beaucoup de et apprentissage) à leurs conditions neuronales, cellu-
Chaleureux éloge de la lecture, votre femmes avec des bébés en situation un espace en rupture avec la situa- gens sont aux prises avec des adver- laires et moléculaires, génétiques et épigénétiques – dont la sophistica-
livre, qui se situe à la croisée de de grande pauvreté, des enfants mal- tion des participants et relancer leur sités multiples, et tout être humain, tion étonne le biologiste lui-même. Avec cette transdisciplinarité, des voies
l’anthropologie et de la psychana- traités ou des victimes de catastro- activité psychique, leur pensée, leurs où qu’il vive, a, de façon vitale, besoin novatrices apparaissent, comme celles de la neuro-
lyse, fait état d’expériences singu- phes naturelles. Dans le cadre de nos paroles, en leur envoyant des échos de trouver des échos symbolisés de éthique et de la neuroesthétique « pour un accès à
Célébrant l’anniversaire du traité
lières de cette pratique : pouvez- expériences, un médiateur culturel du plus profond d’eux-mêmes. Non sa propre expérience. Il serait dan- une vie plus solidaire et plus heureuse ».
d’amitié franco-japonais (9 octobre
vous nous en parler? propose des supports écrits qu’il lit à pas que les textes lus évoqueraient gereux de laisser le monopole du
1858), signalons ces trois
De très longue date, on a observé haute voix aux participants assis en des situations proches de ce qu’ils sens et des récits aux seuls pouvoirs
publications dans la collection
que lire aidait à résister aux adversi- cercle, puis des récits surgissent ont vécu! Ceux qui ont un effet répa- politiques, économiques, religieux,
tés, même dans les contextes les plus parmi ces participants, qui leur per- rateur sont même souvent très sur- ou à l’« ordre de fer télévisuel », pour Mon premier voyage « Réseau Asie » de CNRS Éditions :
terribles. Cependant, la plupart de
ceux qui en ont témoigné avaient bai-
mettent de symboliser peu à peu ce
qu’ils ont vécu. Toutefois, ces média-
prenants. Un conte ou une poésie
quelquefois écrits à l’autre bout de la
parler comme l’historien italien
Armando Petrucci. Il est essentiel
dans l’espace Dialogues politiques
gné dès leur plus jeune âge dans la
culture écrite. Les expériences litté-
teurs ne font pas de la « bibliothé-
rapie » : leur démarche est d’ordre
terre permettent de lire les pages
douloureuses de sa vie de façon indi-
de préserver des espaces de liberté,
de rêverie et de pensée non assu-
Charline Zeitoun, ill. Patrick Chenot, éd. Millepages,
coll. « Bulles de savant », octobre 2008, 32 p. – 11,50 €
entre trois ivrognes
raires auxquelles je me suis intéres- culturel, éducatif, social et politique. recte, de parler de sa propre histoire jettis à une rentabilité immédiate, où Nakae Chômin, traduit, présenté et annoté par Christine Lévy et Eddy
Deux nouveautés du même auteur pour les fêtes, destinées
sée en Amérique latine rassemblent, C’est à tous ces niveaux que la lec- autrement, de l’objectiver et de la puisse surgir de l’imprévu, de l’inat- Dufourmont, CNRS Éditions, coll. « Réseau Asie », octobre 2008, 173 p. – 25 €
aux lecteurs entre cinq et six ans : Mes premières décou-
elles, des personnes qui ont grandi au ture est « réparatrice ». partager. C’est lorsque le texte per- tendu, du « jeu ». Et c’est bien ce que
vertes sur l’eau et ce Premier voyage dans l’espace. Dans Première traduction d’un texte qui anticipe les débats politiques du Japon moderne, cette
plus loin des livres : en Colombie, des met un tel déplacement dans le font les médiateurs de lecture
ce dernier, Aurel et Nathan veulent partir pour l’espace afin satire du philosophe Nakae Chômin (1841-1909), publiée en 1887, s’affirme comme un
jeunes sortis de la guérilla ou des Et en quoi? temps ou dans l’espace qu’il « tra- aujourd’hui, en Europe et ailleurs :
de rencontrer des extraterrestres… Leur grande sœur leur modèle de dialectique en mettant en scène l’affrontement entre le mouvement démo-
groupes paramilitaires, des toxicoma- D’abord, une lecture est réparatrice vaille» le plus son lecteur. Cette force œuvre de résistance.
explique que l’affaire n’est pas gagnée. Puis s’adresse au cratique et le camp nationaliste à travers trois personnages : le Gentleman occidenta-
nes, des soldats blessés, des popu- uniquement s’il y a une véritable du détour, de la métaphore, les Propos recueillis par
lecteur : « Suis nos drôles d’aventu- lisé, le Vaillant Guerrier champion de l’expansionnisme et le Professeur, arbitre du doute.
lations déplacées; en Argentine, des appropriation du texte. Celle-ci est médiateurs la connaissent bien : par Léa Monteverdi
res en bandes dessinées dans les
pages de gauche; découvre les expli-
cations dans celles de droite, et tu Plaidoyer pour la modernité
sauras tout sur l’espace! »
La voie du imari L’invention de l’alpinisme Introduction aux Œuvres complètes
Fukuzawa Yukichi, traduit, présenté et annoté par Marion Saucier,
L’aventure des porcelaines à l’époque Edo Olivier Hoibian (dir.), éd. Belin, coll. « Histoire et société »,
CNRS Éditions, coll. « Réseau Asie », octobre 2008, 143 p. – 25 €
Yvan Trousselle, préf. Catherine Bréchignac,
octobre 2008, 367 p. – 22 €
Toi, moi et la politique Ce Plaidoyer, introduction aux Œuvres complètes de Fukuzawa Yukichi (1835-1901) est
CNRS Éditions, coll. « Réseau Asie »,
novembre 2008, 227 p. – 85 €
Inspirée par le savant genevois Horace Bénédict de Saussure, l’as- Amour et convictions un texte essentiel pour comprendre l’œuvre de celui qui fut, pour le Japon, le grand avo-
cension du mont Blanc par Balmat et Paccard en 1786 est considérée cat du changement. Fils d’un pauvre samouraï, Fukuzawa, dont l’effigie orne les billets
Anne Muxel, éd. Seuil, coll.
Présenté par un universitaire collectionneur installé au symboliquement comme l’acte de naissance de l’alpinisme. La de 10000 yens, devint journaliste, essayiste, pédagogue et bête noire des xénophobes.
« Essai », octobre 2008, 244 p. – 17 €
Japon, richement illustré de documents photographiques « contemplation des glaciers suisses et de Chamonix » se trouve lit-
issus des plus grands musées internationaux et notam- téralement absorbée par le romantisme ambiant et pose les pré- Nous savons peu de choses de la
ment japonais, ce somptueux ouvrage retrace toute l’his- misses du tourisme en montagne auquel s’in- façon dont la politique « habite l’inti- L’impérialisme, le spectre du XXe siècle
toire des imari. Au Japon, « imari » désigne la porcelaine téressent les milieux bourgeois. Contrairement mité des individus, s’invite dans les
Kôtoku Shûsui, traduit, présenté et annoté par Christine Lévy, CNRS Éditions,
par excellence. « Jouant avec le vide et la forme », la à l’aristocratie, qui pratique l’oisiveté, la bour- conversations ou affecte les liens
coll. « Réseau Asie », octobre 2008, 188 p. – 25 €
première mention du mot imari apparaît dans un recueil geoisie «éclairée» s’empare de ces nouveaux amoureux ». Anne Muxel, chercheuse
de poésie haïku en 1638. Digne héritière de ses sœurs territoires. Elle construit des refuges, définit les au Cevipof, a mené une enquête Œuvre visionnaire devenue un classique de l’histoire des idées politiques, ce pamphlet
chinoise et coréenne, la porcelaine japonaise fut source d’inspiration pour tous les usages des sentiers, crée des «clubs» et inau- auprès d’une cinquantaine d’individus, hommes et femmes, de Kôtoku Shûsui (1871-1911), figure emblématique du mouvement socialiste et anar-
porcelainiers d’Europe dès le début du XVIIIe siècle dans un contexte d’échanges his- gure sanatoriums et solariums sur les cimes choisis en fonction de leurs différences (générationnelle, chiste au Japon, exécuté en 1911 comme chef de file d’un complot visant l’empereur,
toriques, artistiques et technologiques de haut rang. L’histoire commence sur les enneigées. Cet ouvrage raconte cette «inven- sociale, politique) et propose ici, au travers de ces entre- sera interdit jusqu’en 1952. Hymne à la fraternité, il anticipe les dérives du militarisme
collines d’Arita, près du port d’Imari, sur l’île méridionale de Kyûshû, jouxtant une car- tion» de l’alpinisme à travers l’étude des us et tiens, une réflexion originale sur le lien entre politique et japonais, la guerre contre la Russie et l’annexion de Taiwan et de la Corée.
rière de kaolin, une petite ville où les bornes kilométriques sont en porcelaine bleue… coutumes des clubs alpins européens. sentiments dans le couple.

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
40 GUIDE Livres GUIDE 41

Les expressions Miroirs et tiroirs de l’âme AUTRES EXPOSITIONS Rubrique réalisée par Olivia Dejean
qui ont fait l’histoire Le cerveau affectif PARUTIONS
Bernard Klein, éd. Librio, série « Mémo », Rémy Lestienne, CNRS Éditions, septembre 2008,
NOTRE-DAME DE REIMS
septembre 2008, 95 p. – 3 € 200 p. – 25 €

Après La cuisse de Jupiter, qui recensait les expres- Spécialiste des neurosciences,
Sanctuaire de la royauté sacrée
Patrick Demouy, ill. Pascal Etchecopar, De l’inventeur à l’entrepreneur :
sions imageant l’histoire antique, Bernard Klein pro- Rémy Lestienne poursuit sa
CNRS Éditions, coll. « Patrimoine
au présent », novembre 2008, 157 p. – 19 €
Histoires de brevets « Upside Down »

© National Museum of the American Indian, New York

pose un ludique petit dictionnaire des expressions réflexion sur le temps en mettant
viscéralement inscrites dans la mémoire collective ici en évidence et dans un langage THÉÂTRES EN CAPITALES
Jusqu’au 18 janvier 2009, musée des Arts et Métiers, Paris (III ). e Les Arctiques
Tél. : 01 53 01 82 00 – www.arts-et-metiers.net
française, montrant combien se non clair les relations entre temps et Naissance de la société du spectacle Jusqu’au 11 janvier 2009, musée du Quai Branly,
è vero, è bene trovato (« Si ce n’est mémoire, mémoire et affectivité, à Paris, Berlin, Londres et Vienne En 1909, deux Américains, les frères Wright, intentent des procès en contrefaçon aux Paris (VIIe). Tél. : 01 56 61 72 72 – www.quaibranly.fr
pas vrai, c’est bien trouvé! ») : « Per- questions réservées encore récem- Christophe Charle, éd. Albin Michel, principaux constructeurs d’avions européens. Ils revendiquent la paternité de certains dis-
coll. « Bibliothèque Histoire », Près de 500 pièces de la culture esquimau ancienne
fide Albion », « Après moi le déluge », ment à la psychologie et à la philo- positifs. Heureusement, le brevet déposé par Ader vingt ans plus tôt, le 8 avril 1890, atteste
octobre 2008, 572 p. – 29 € (jusqu’à 1000 ans av. J.-C.), représentatives d’époques,
« Vous pouvez attendre cent ans! », sophie et désormais entrées dans de l’antériorité de ces inventions, ce qui met fin aux poursuites et permet l’essor de l’indus-
de cultures et de sites majeurs, témoignent de la rela-
« Faut-il mourir pour Dantzig », ou le domaine des sciences biologiques grâce aux nou- LÉVI-STRAUSS MUSICIEN trie aéronautique française. Cet exemple illustre l’intérêt du brevet, outil juridique protégeant
tion entre la nature hostile et la culture visuelle des
« Faire le zouave ». velles techniques (telle l’imagerie à résonance magné- Essai sur la tentation homologique une invention, et impliquant la divulgation des informations, source de la diffusion de
peuples. À noter, le parti pris de privilégier une appro-
tique) permettant l’exploration tranche par tranche Jean-Jacques Nattiez, éd. Actes Sud, l’innovation. C’est pourquoi le Cnam et l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi)
coll. « Musique », octobre 2008, 240 p. che artistique et sensorielle : aucun commentaire n’est
du cerveau. En expliquant comment ce dernier entre- proposent un parcours « fil rouge »
Le futurisme tient, à chaque seconde, ce subtil dosage entre le – 23 € au sein des collections permanen-
proposé avec les œuvres, les questions en suspens
devront attendre la consultation du catalogue en
nouveau et le connu, entre l’ancien et l’anticipation et tes du musée des Arts et Métiers, à
Une philosophie du devenir pourquoi nous sommes faits pour une vie sociale, il
LA RELIGION EST-ELLE ENCORE
la découverte de quinze inventions
fin de parcours.
L’OPIUM DU PEUPLE?
Giovanni Lista, éd. Gallimard, montre qu’en effet, « si le temps construit le monde, Marcel Gauchet, Olivier Roy, ayant connu un succès remarqua-
coll. « Découvertes », série Arts, n° 533, seul le dialogue avec l’autre nous accomplit ». Paul Thibaud et Alain Houziaux, ble, de la presse de Philippe Mari-
octobre 2008, 144 p. – 13,50 € éd. De L’Atelier, coll. « Question de vie », noni (photo) au cinématographe des
octobre 2008, 120 p. – 10 € frères Lumière en passant par le
Alors que le fauvisme et le cubisme étaient des écoles
de peinture apportant de nouvelles formes d’art, le
Encyclopédie historique ALGUES DE ROSCOFF
moteur de Diesel. Bref, un petit
futurisme, fondé par le poète italien Filippo Tommaso des neurosciences Susan Loiseaux-de Goer et Marie-Claude
de Nolailles, éd. De la Station biologique
inventaire de grandes inventions!
Svalbard
Marinetti, s’est voulu d’emblée un mouvement d’avant-
garde du XXe siècle projetant de « repenser l’homme
François Clarac et Jean-Pierre de Roscoff, novembre 2008, 215 p. Escales en terre arctique
Ternaux (dir.), préf. Pierre Buser – 29,50 €
confronté au monde moderne, celui de la machine, de
la vitesse et de la technologie et lui indiquer une nou-
et Dominique Wolton,
ENSEIGNER, COMMUNIQUER
Énergies et habitat Jusqu’au 4 janvier 2009, palais de la Découverte,
Paris (VIIIe). Tél. : 01 56 43 20 21
éd. De Boeck, coll.
velle manière de vivre ». Aboutissement historique du Yves Quéré, éd. Le Pommier, octobre 2008, Jusqu’au 17 mai 2009, Espace Pierre Mendès-France, Poitiers (86). Tél. : 05 49 50 33 08 – www.palais-decouverte.fr
« Neurosciences et cognition », 190 p. – 19,90 €
Risorgimento italien, le mouvement aura trois pério- – http://maison-des-sciences.org
novembre 2008, 1 010 p. – 69 € À l’occasion de l’Année polaire internationale et après
des (art dynamique dans les années 1910, art mécani-
D’OÙ NOUS VIENT LA PAROLE? Après l’alimentation et avant le climat, l’Espace Mendès-France poursuit l’exploration du déve- un séjour d’étude, l’association Garef océanographique
que en 1920, et l’aéropeinture, Première encyclopédie consacrée
Jean-Luc Schwartz, éd. Le Pommier, loppement durable dans le quotidien avec le thème « énergies et habitat ». L’exposition pour- présente l’Arctique à l’aide de films, de cartes, d’objets,
dont le Manifeste est lancé en aux neurosciences, cet ouvrage coll. « Les Petites Pommes du savoir », suit deux objectifs : dévoiler les grands principes de l’énergie et leurs utilisations d’hier et de maquettes, de documents – lithographies, carnets
1929. Pendant trente ans, il s’adresse aux spécialistes et à tout public s’intéressant n° 109, octobre 2008, 64 p. – 4,60 € d’aujourd’hui, mais aussi, dans une démarche résolument pratique, fournir tous les éléments de bord, photographies – et d’animations faites par les
engendrera sur un mode obsti- à un domaine qui se situe aujourd’hui à la pointe de la
d’appréciation et de décision pour mieux construire ou réhabiliter, chauffer et éclairer son jeunes adhérents. Trois missions scientifiques sont mises
nato des œuvres réjouissantes recherche. Il est structuré en trois parties : histoire des LE CRÉPUSCULE DE PROMÉTHÉE
Contribution à l’histoire de la démesure habitat… et se concocter un « home green home ». en parallèle pour explorer ces terres lointaines, témoins
(théâtre aérien, art postal, voire grandes avancées scientifiques et des noms qui ont
humaine de changements climatiques si proches…
comestible…), montrant « com- donné naissance à la discipline actuelle ; glossaire
François Flahault, éd. Fayard, coll.
ment l’artiste peut désormais qui définit les grands concepts et les replace dans
jouer un rôle actif dans la leur contexte d’émergence; annexes (lexique anglais-
« Essais », novembre 2008, 300 p. – 16,00 €
E T AU S S I …
société ». français, index…). L’histoire d’une discipline née au LES GUERRES DE MÉMOIRES
milieu du XXe siècle, chaotique et passionnée. DANS LE MONDE SUR LES TRACES DU SERPENT des collections du musée Le commerce entre 04 72 84 81 12 – www.univ-lyon2.fr
Pascal Blanchard, Marc Ferro et Isabelle Jusqu’au 20 décembre 2008, des Confluences et du musée du la Méditerranée /1226053891402/0/fiche_actualite/
Veyrat-Masson (dir.), Hermès, n° 52, muséum-musée des Confluences, Quai Branly à la problématique : et l’Atlantique remonte Proposée par l’université Lumière
Arbres et forêts CNRS Éditions, octobre 2008, 223 p. – 25 € Lyon (69). Entrée libre sur
rendez-vous : 04 72 69 05 05 ou
« comprendre et exposer
les arts extraoccidentaux ». À
à l’Antiquité. D’abord
l’étain, puis le vin,
Lyon-II et la Maison de l’Orient et de
la Méditerranée Jean Pouilloux (Mom),
Philippe Bourseiller, préf. Francis Hallé, légendes de Catherine L’INTÉRIORITÉ D’EXIL reservations.museedesconfluences la clé : une belle exposition, un l’huile et les saumures, cette exposition aborde l’organisation
Guigon, éd. La Martinière, septembre 2008, 253 p. – 49 € Le soi au risque de l’altérité @rhone.fr important programme culturel, produits de la vie religieuse dans les églises
© Janaka Samarakoon

Emmanuel Housset, éd. Du Cerf, – www.museedesconfluences.fr un livre et un site internet – méditerranéens et les bâtiments conventuels entre les Xe
Spécialiste de l’architecture des arbres et de l’écologie des forêts tropi- coll. « La nuit surveillée », septembre 2008, Une exposition originale, conçue http://tracesduserpent.ens-lsh.fr introduits en Gaule : les et XIIIe siècles. S’appuyant sur les études
cales humides, Françis Hallé commente ici 240 photographies témoignant 384 p. – 38 € par des étudiants en muséologie objets présentés (amphores, lampes…), récentes d’édifices de Rhône-Alpes,
des différents écosystèmes que réussissent encore à développer les et histoire de l’art LA VOIE DE ROME dont les deux tiers sont inédits, Auvergne et Bourgogne, elle prend en
arbres de la planète, ces «poumons de la terre». Il dit « l’étonnante éco- LE SEXE DE LA SOLLICITUDE avec le concours ENTRE MÉDITERRANÉE racontent tout un pan de l’histoire compte les sources archéologiques,
nomie de moyens de ces arbres qui sont, pourtant, les plus grands et les Fabienne Brugère, éd. Seuil, coll. « Non de chercheurs. ET ATLANTIQUE économique et témoignent d’échanges textuelles et iconographiques pour
conforme », octobre 2008, 192 p. – 16 € Ils ont répondu Jusqu’au 30 mars 2008, Ausonius- toujours vivaces. Tous les chemins… éclairer l’organisation de l’espace
plus lourds des êtres vivants de la planète » face à l’« âpre réalité des puis- autour Archéopôle d’Aquitaine, Pessac (33). et les aménagements liturgiques,
santes compagnies d’exploitation qui bénéficient de l’aide des gouvernements et refusent tout débat public, s’ins- du thème Tél. : 05 57 12 15 00 – www-ausonius ESPACE ET LITURGIE AU MOYEN ÂGE les circulations liées aux rituels,
tallant dans le même temps dans de luxueuses résidences de l’avenue des Champs-Élysées ou de la promenade Retrouvez les publications de CNRS Éditions du serpent .u-bordeaux3.fr/archeopole/ Du 2 au 19 décembre 2008, au musée la fonction du décor ou encore
des Anglais à Nice, sourds à tout impact écologique mondial de la déforestation des tropiques ». sur le site : www.cnrseditions.fr et à partir Bordeaux, Narbonne, Rome… des moulages de Lyon (69). Tél. : la place des morts dans le bâti.

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008 Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008
42 GUIDE

DV D FILMS ÉTONNANTES IMAGES

Traces de mémoire Regards critiques II
De Marcel Dalaise (2008, 16 min), produit par CNRS Histoires d’archives :

© CNRS Images
Images. Prix : 25 € / 35 € (usage privé / institutionnel)
+ frais d’expédition. Vente : videotheque.vente
lire les images du passé
@cnrs-bellevue.fr – 01 45 07 59 69. Bibliothèque publique d’information (BPI), Centre
Pompidou, Paris (IVe). Tél. : 01 44 78 45 16 – www.bpi.fr
Le cerveau recrée, reconfigure, remodèle en permanence Une synapse, zone de contact
entre deux neurones.
ses propres circuits lors de nouveaux apprentissages. Du La BPI présente jusqu’en janvier 2009 un cycle de projec-
comportement de la souris jusqu’au niveau moléculaire, les chercheurs de l’Institut des tions/conférences confié à l’historienne Sylvie Lindeperg,
neurosciences de Bordeaux décryptent les traces de la mémoire. À l’horizon : des pis- professeure à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne. Les
tes pour, un jour, lutter plus efficacement contre certains effets du vieillissement. projections portent aussi bien sur des œuvres majeures du
cinéma documentaire que sur des films de propagande ou
documents d’archives. La séance du 8 décembre, consacrée
à l’enregistrement filmé du procès Eichmann, sera assurée en
RENCONTRES collaboration avec l’historienne Annette Wieviorka (CNRS).

Les mystères du XXième siècle

Vivre vieux, vieillir jeune CONFÉRENCES

© C. Lebedinsky/CNRS Photothèque
Du 12 au 14 décembre 2008, espace des Lices, Saint-Tropez.
Entrée gratuite. Renseignements : mairie de Saint-Tropez au Spintronique
04 94 55 90 56.
Le spin des électrons
Chaque année depuis décembre 2000, la ville de Saint-Tropez organise un grand colloque
autour d’un thème scientifique d’actualité, « Les mystères du XXIème siècle ». Cet évène-
s’invite dans nos ordinateurs
ment permet à de nombreux spécialistes, notamment du CNRS, de venir présenter leurs tra- et nos téléphones! Albert Fert
vaux et surtout de dialoguer avec le public. Après des thématiques telles que « l’espace »,
Lundi 15 décembre 2008, à 17 h, salle de conférences,
« le cerveau », ou « le climat », cette édition aborde un sujet actuel : « Vivre vieux, vieillir
palais de la Découverte, Paris (VIIIe). Entrée libre, dans
jeune ». Au programme, 4 tables rondes sur 3 jours : le vendredi, de 18 h à 21 h : « Nous som-
la limite des places disponibles. Inscription obligatoire :
mes tous les seniors de demain »; le samedi de 10 h à 13 h : « Qu’est-ce que le vieillisse-
[email protected], fax : 01 40 74 81 50 /
ment? » et de 15 h à 18 h « 3ème âge : Conséquences économiques et sociales »; enfin le
01 40 74 86 00 ou courrier.
dimanche, de 10 h à 13 h : « Vieillir jeune ».
Par Albert Fert, Prix Nobel de physique en 2007 pour la décou-
verte de la magnétorésistance géante.
JEUNESSE
Centre de la mer Le cancer en questions
Mardi 9 décembre à 20 h 30, Les Champs Libres,
Paris (Ve). Tél. : 01 44 32 10 70/71/90 – www.oceano.org/cme
Rennes (35). Réservation conseillée au 02 23 40 66 00
Pendant tout le mois de décembre et les vacances de Noël, le Centre de la mer pro- – www.espace-sciences.org
pose des animations au jeune public selon les âges, comme « Coquillages et crus-
Par Patrick Mehlen, chercheur au centre de lutte contre le
tacés » ou « Les détectives de la mer », mais aussi des projections de films : Ours
cancer Léon Bérard à Lyon (Université de Lyon-I / CNRS). (En
blancs en famille, Des manchots et des hommes… Pour que les petits Parisiens res-
partenariat avec l’Arc, interprétation en langue des signes
pirent un peu d’air marin…
française.)
Vous avez dit volcan?
Ninioq et Sila Le géosystème et la prose, Plongée au cœur d’un volcan? Pas du tout! Il s’agit d’une carte des reliefs de la Patagonie, à l’extrême sud de l’Amérique,
à cheval sur l’Argentine et le Chili. Ce carré, qui couvre une région de 190 km de côté, montre en fausses couleurs le relief :
Spectacle et installation. Du 26 au
31 décembre 2008, au musée du Quai
vous connaissez? en noir les surfaces plates, en rouge, les pentes moyennes proches de 20°, et en jaune, les pentes les plus raides, supérieures à 40°.
Branly, Paris (VIIe). Réservations : Mardi 16 décembre à 18 h 30, Espace culture-Université Et les tout petits cercles rouges au centre? Cette fois ce sont bien des volcans! On reconnaît aussi la morphologie caractéristique
01 56 61 71 72 – www.quaibranly.fr des Sciences et Technologies de Lille, de la grosse « langue » noire (en haut à l’horizontale) qui correspond à l’empreinte topographique laissée par d’anciens glaciers.
© S. Dominguez/CNRS Photothèque

Pendant les vacances de Noël, le jeune public est

Villeneuve d’Ascq (59). Tél. : 03 20 43 69 09 Grâce à cette vue générale, réalisée 1 au laboratoire Géosciences Montpellier 2, les chercheurs préparent leurs futures missions
– http://ustl1.univ-lille1.fr/culture/ sur le terrain où ils vont étudier et dater ces phénomènes (volcanisme, fonte de glaciers, etc.). Le but est ensuite de reconstituer
© Compagnie Par les villages

invité à plonger dans l’univers du Grand Nord au

musée du Quai Branly, avec les spectacles Ninioq Conférence sur l’histoire de la Terre par Francis Meilliez, pro- les changements morphologiques et géodynamiques de la Patagonie sur les dix derniers millions d’années, pour mieux comprendre
(théâtre d’ombres, à partir de 8 ans) et Sila (ins- fesseur en sciences de la terre à l’université Lille-I, et animée son évolution actuelle. C.Z.
tallation à partir de 4 ans, en accès libre) qui pro- par Alain Blieck, secrétaire géné- 1. À partir de données topographiques récoltées par la navette spatiale de la Nasa.
25 km
longent l’exposition « Upside down ». ral du Comité national français de 2. Laboratoire CNRS / Université Montpellier-II.
géologie (CNFG).

Le journal du CNRS n° 227 décembre 2008