Hémophilie - Physiopathologie Et Bases Moléculaires

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Hémophilie : physiopathologie et bases


moléculaires
J.-F. Schved

L’hémophilie est une maladie hémorragique liée à un déficit le plus souvent constitutionnel en facteur VIII
(hémophilie A) ou en facteur IX (hémophilie B). Le rôle de ces deux facteurs dans le processus général de
coagulation permet de mieux comprendre les aspects cliniques de cette maladie : les facteurs
antihémophiliques sont indispensables à la phase d’amplification de la coagulation qui permet de
générer de façon explosive des quantités suffisantes de thrombine pour créer le caillot. L’absence ou la
diminution congénitale de l’un de ces deux facteurs dont le gène est situé sur le chromosome X entraîne
une maladie hémorragique dont la principale expression est ostéoarticulaire. La répétition des
hémarthroses provoque une arthropathie chronique dans laquelle interviennent le rôle pathogène des
dépôts de fer, la destruction du cartilage, très sensible au saignement chez le jeune enfant, l’hypertrophie
synoviale et les lésions osseuses. Les hématomes sont les autres grandes complications de l’hémophilie. Ils
peuvent être dangereux par leur taille ou leur localisation et sont parfois à l’origine de séquelles graves.
Enfin, parmi les complications iatrogènes, l’apparition d’inhibiteurs constitue le risque le plus redouté.
Leur prévalence, beaucoup plus importante dans l’hémophilie A que dans l’hémophilie B, est liée en partie
à des facteurs génétiques tels que le type de mutation, mais pourrait aussi être influencée par les
modalités thérapeutiques : type de produit et mode de traitement. Une meilleure connaissance de la
physiopathologie de l’hémophilie pourra permettre de faire les choix thérapeutiques les plus adaptés aux
différents moments de la vie de l’hémophile.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hémophilie ; Facteur VIII ; Facteur IX ; Hémarthroses ; Inhibiteurs ; Hémostase

Plan Nous envisageons successivement la structure biochimique


des facteurs antihémophiliques A et B, leur rôle dans le proces-
¶ Introduction 1 sus de coagulation, les bases génétiques du déficit et les
conséquences du déficit sur le processus normal de coagulation.
¶ Facteurs antihémophiliques 1
Nous abordons ensuite la physiopathologie de la maladie et de
Structure et métabolisme 1
ses complications.
Rôle des facteurs antihémophiliques A et B dans la coagulation 3
Génétique 4
Pathologie moléculaire 5
Conséquences du déficit en facteur antihémophilique
sur l’hémostase 5
■ Facteurs antihémophiliques
¶ Hémophilie 6
Complications hémorragiques de l’hémophilie 6 Structure et métabolisme
Physiopathologie de l’atteinte articulaire 6
¶ Physiopathologie des complications iatrogènes 9 Facteur VIII
Anaphylaxie 9
Anticorps inhibiteurs 10 Structure [1-3]
Anticorps inhibiteurs du FIX 12
Le FVIII est une protéine de 2 332 acides aminés comportant
trois domaines homologues A, un domaine B et deux domaines
C organisés suivant la séquence A1-A2-B-A3-C1-C2 (Fig. 1 à 3).
■ Introduction Entre ces domaines ont été identifiées des régions acides :
L’hémophilie est une maladie hémorragique due à un déficit a1 entre A1 et A2, a2 entre A2 et B, et a3 entre B et A3. Il existe
le plus souvent constitutionnel en l’un des deux facteurs une grande homologie parmi les espèces pour les acides aminés
antihémophiliques : le facteur VIII (FVIII), facteur antihémophi- des trois domaines A et des deux domaines C. Les trois domai-
lique A, ou le facteur IX (FIX), facteur antihémophilique B. Elle nes A, essentiels pour l’activité cofacteur, présentent une
est de transmission récessive liée au sexe, touchant un homologie avec ceux du facteur V de la coagulation et de la
nouveau-né sur 5 000 enfants de sexe masculin, mais il existe céruloplasmine. Une grande partie du domaine B peut être
aussi des hémophilies acquises par auto-immunisation, contre le délétée sans perte de l’activité. Avant sa sécrétion, le FVIII est
FVIII principalement. clivé à la jonction B-A3 puis à l’intérieur du domaine B. Ceci

Hématologie 1
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génère une chaîne lourde comportant A1, A2, et B et une


a1 a2 chaîne légère composée des domaines A3, C1 et C2. L’associa-
tion entre les chaînes lourdes et légères est médiée par un
cation divalent. Immédiatement après sa libération dans la
A1 A2 B
circulation, il forme un complexe non covalent avec le facteur
Ion++ von Willebrand (vWF) pour lequel il a une très forte affinité (kd
< 0,5 nM). Deux régions de la chaîne légère du FVIII sont
a3 impliquées dans la liaison avec le vWF : la région a3, qui
précède le domaine A3, et une ou plusieurs régions des domai-
nes C1 et C2. Dans le complexe [vWF-FVIII], le facteur VIII est
A3 C1 C2 protégé de l’action catalytique de la protéine C activée, du FIXa
A et du facteur X activé (FXa), permettant de maintenir un taux
de FVIII normal dans le plasma avant son activation. Le taux
plasmatique est faible : 0,10 à 0,20 mg/l.
Activation et inactivation du FVIII
A1 a1
La forme active du FVIII, ou FVIIIa, est formée sur le site où
Ion++
se déroule le processus de coagulation par l’action sur le FVIII
A2 a2 de deux enzymes : la thrombine (facteur II activé : FIIa) et le
FXa. Ces deux sérine protéases clivent la molécule FVIII au
niveau des résidus Arg372 et Arg740 dans la chaîne lourde et
A3 C1 C2 Arg1689 dans la chaîne légère. Ceci forme le FVIIIa, hétérotri-
mère A1, A2, A3-C1-C2 dans lequel l’association entre A1 et
A3-C1-C2 reste médiée par un ion divalent.
B L’inactivation du facteur VIII peut se faire par dégradation
protéolytique : clivage du FVIIIa par la protéine C activée (PCa)
Figure 1. Facteur VIII (FVIII) et FVIII activé. Représentation schématique ou par le FXa. En fait, cette voie n’est pas majoritaire : il se
de la structure. produit aussi une inactivation par dissociation spontanée du
A. La molécule FVIII comporte une chaîne lourde de 93 kDa, constituée de domaine A2-a2 du dimère. Le catabolisme du FVIIIa fait
trois sous-unités : A1, A2 et B, et une chaîne légère de 80 kDa constituée intervenir une protéine apparentée aux récepteurs des lipopro-
de trois sous-unités : A3, C1 et C2. Entre ces domaines ont été isolées des téines de faible densité (low density receptor-related protein : LRP),
régions acides. Ces chaînes sont liées par un ion divalent. facilité par des protéoglycanes d’héparine sulfatée. Le FVIII
B. Le FVIII activé est un hétérotrimère, comportant la sous-unité A1 asso- délété du domaine B subirait une inactivation par la PCa deux
ciée à la région acide a1, la sous-unité A2 avec la région acide a2 et les à trois fois plus rapide que celle du FVIII plasmatique ou
sous-unités A3-C1-C2. recombinant [4].

1. 2.3.4.5.6. 7.8. 9.10.11.12.13. 14. 15.16.17.18.19.20.21.22. 23.24.25 26.


5' 3'

NH2 A1 A2 B A3 C1 C2 COOH

a1 a2 a3
Figure 2. Gène du facteur VIII (FVIII). Le gène du FVIII, situé en Xq28, est un long gène de 186 kb comportant 26 exons transcrit en un acide ribonucléique
(ARN) de 9 kb. L’exon 14 est la plus grande séquence exonique. Il code le domaine B.

FX LRP et FIXa PGHS et FIXa FIXa vWF FIXa vWF, PL FXa LRP, vWF, PL

NH2 A1 a1 A2 a2 B a3 A3 C1 C2 COOH
1 2332

IIa
A3 et domaine B
lon métal

A1 a1 A2 a2 A3 C1 C2 COOH

1 372 373 740 1690 2332

LRP PGHS LRP


Figure 3. Facteur VIII. Structure et régions impliquées dans les principales interactions moléculaires. vWF : facteur von Willebrand. LRP : low density receptor
related protein ; PGHS : protéoglycanes d’héparine sulfatée ; PL : phospholipides.

2 Hématologie
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1 2 3 4 5 6 7 8

5' 3'

NH2 Prepropeptide Gla AH EGF-1 EGF-2 Domaine d'activation Domaine catalytique COOH

S-S

Chaîne légère Chaîne lourde


Figure 4. Gène du facteur IX (FIX), FIX et FIX activé. La molécule FIX est monocaténaire, composée de 415 acides aminés. Le peptide signal de 19 acides
aminés est excisé lors de la sécrétion. Le second exon code la région riche en résidus gammacarboxylés (Gla), le 3e pour un petit domaine hydrophone (AH),
les 4e et 5e pour les domaines epidermal growth factor (EGF)-like, le 6e pour le domaine d’activation, les 7e et 8e pour le domaine catalytique.

Facteur IX Les facteurs antihémophiliques sont indispensables à la phase


de propagation [8].
Structure
Le FIX est une sérine protéase plasmatique circulante compo- Phase d’initiation de la coagulation
sée de 415 acides aminés [5] . Son poids moléculaire est de
57 kDa. Il comporte certains domaines ou structures caractéris- La coagulation est initiée par le complexe FT-FVII. Le FVII est
tiques : vers la partie N-terminale se trouvent 12 résidus une proenzyme de type sérine estérase, vitamine K-dépendante.
gammacarboxylés (domaine GLA) qui permettent la liaison du Le FT est une glycoprotéine cellulaire de 263 acides aminés, en
FIX aux phospholipides par l’intermédiaire d’ions calcium position transmembranaire, comportant une extrémité intracel-
(Fig. 4). Cette propriété est commune à tous les facteurs lulaire, un portion transmembranaire et une partie externe qui
vitamine K-dépendants : FII, facteur VII (FVII), FIX, FX, protéine lui donne une fonction récepteur [9]. Il appartient à la famille
C et protéine S. Les deux domaines suivants sont de type des récepteurs de cytokines de classe 2, comme les récepteurs
epidermal growth factor (EGF). Le premier domaine, de type B, aux interférons. Certaines cellules (fibroblastes, myocytes,
contient des résidus impliqués dans la liaison de haute affinité cellules adventitielles) l’expriment de façon constitutive,
avec le calcium ; le second domaine, de type A, pourrait jouer d’autres (monocytes, cellules endothéliales) ne l’expriment à
un rôle dans la liaison du FIX avec les plaquettes et dans leur surface qu’après activation. Le FVII se lie au FT et forme un
l’interaction du FIXa avec son cofacteur, le FVIII. Après les complexe [FT-FVII]. La liaison du FVII au FT entraîne une
domaines EGF-like se situe un peptide d’activation de 35 acides modification conformationnelle du FVII, sans libération de
aminés qui précède le domaine sérine protéase, avec la triade peptide d’activation, générant le facteur VII activé (FVIIa). Le
catalytique histidine-aspartate-sérine. complexe [FT-FVIIa] peut activer le FIX et le FX. L’activation
Activation et inactivation du FIX directe du FX est faible car elle est limitée par un inhibiteur
appelé tissue factor pathway inhibitor (TFPI). L’activation du FX
Le FIX circule sous forme monocaténaire à un taux plasma- par le FIXa est faible aussi car elle nécessite la présence d’un
tique de 3 à 5 mg/l. L’excision du peptide d’activation génère cofacteur non présent à cette phase : le FVIIIa. Cette phase
le FIXa, qui comporte une chaîne légère de 145 acides aminés, d’initiation ne génère donc que des traces de thrombine. La
liée par un pont disulfure (C132-C289) à une chaîne lourde de quantité de thrombine générée ne suffit pas pour produire la
234 acides aminés. fibrine nécessaire à la constitution du caillot, mais permet le
L’inactivation plasmatique du FIXa est due à l’antithrombine,
déclenchement de la phase de propagation de la coagulation
qui forme un complexe stœchiométrique 1 : 1 avec le FIXa. Le
(Fig. 5).
mécanisme, bien que plus lent, est identique pour les FXa et
FIIa. Il peut être accéléré par la présence d’héparines ou
d’héparanes sulfates. Phase d’amplification
La thrombine générée sur le site de coagulation clive le FVIII
Rôle des facteurs antihémophiliques A et B et forme l’hétérotrimère FVIIIa. Après que la thrombine, et à un
dans la coagulation moindre degré le FXa, ont activé le FVIII, celui-ci se sépare du
vWF pour se lier aux phospholipides plaquettaires sur lesquels
Schéma général du processus de coagulation il est concentré. C’est donc à la surface des plaquettes que se
La coagulation, qui vise à consolider le caillot formé lors de produit la phase d’amplification : le FIXa généré pendant la
l’hémostase primaire, a pour élément clé une enzyme, la phase d’initiation est fixé de façon diffuse sur les plaquettes, où
thrombine (FIIa). La thrombine est l’enzyme qui clive le il se lie au FVIIIa en présence de calcium. La liaison IX-VIII
fibrinogène en fibrine. La fibrine se polymérise en créant un implique les domaines A2 et A3 du FVIIIa. Le complexe ainsi
réseau qui constitue la trame du caillot fibrinocruorique. Le créé [IXa-VIIIa] s’appelle aussi ténase ou ténase intrinsèque.
processus de coagulation peut se décomposer en trois phases : Dans ce complexe, la présence du FVIIIa augmente la catalyse
une phase d’initiation, qui conduit à la génération de faibles du FX par le FIXa d’un facteur supérieur à 105, induisant la
traces de thrombine à la surface de cellules exprimant du présence de FXa en forte concentration [7]. De plus, la throm-
facteur tissulaire (FT) ; une phase d’amplification, qui aboutit à bine a un autre impact : elle active le facteur V (FV) en facteur
l’accumulation de facteurs activés à la surface des plaquettes ; V activé (FVa) qui se fixe lui aussi à la surface des plaquettes.
puis une phase de propagation comportant l’assemblage de Le complexe [FXa-FVa] s’appelle aussi complexe prothrombi-
larges complexes enzymatiques à la surface des plaquettes, la nase. À la fin de la phase d’amplification se trouvent donc à la
génération « explosive » de fortes concentrations de thrombine surface des plaquettes activées des facteurs de coagulation
induisant la formation d’un caillot stable [6, 7]. activés en concentration importante (Fig. 6).

Hématologie 3
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Domaine
VIIa
catalytique
du FVII

EGF2 EGF2
FT1 FT1

EGF1 EGF1
FT2
FT2

Gla Gla

A B
Figure 5. Phase d’initiation de la coagulation.
A. Le facteur tissulaire (FT) est une protéine transmembranaire. La partie extracellulaire comporte deux sous-unités FT1 et FT2 qui interagissent avec le facteur
VII (FVII) de la coagulation. Le FVII est une proenzyme, comprenant un domaine Gla, deux sous-unités epidermal growth factor (EGF)-like (EGF1 et EGF2) puis
un domaine catalytique.
B. L’interaction avec le FT induit une modification conformationnelle du FVII qui démasque son site catalytique. Il en résulte un complexe [FT-FVIIa] qui activera
le FX.

Facteur tissulaire (FT)

FT-VIIa VII
VII
XI XIa
FT-VIIa

IX IX

VIII VIIIa IXa X


IXa X

Xa V Va Xa
Fibrinogène
Fibrinogène
II IIa II IIa
XIIIa
Fibrine Fibrine

A B
Figure 6. Phase d’amplification de la coagulation.
A. Le complexe [FT-FVIIa] peut activer le FX et le FIX. Le FIXa active lui aussi le FX. Le FXa active la prothrombine (FII) en thrombine (FIIa). La thrombine génère
les premières traces de fibrine, trame du caillot. Cette réaction se déroule à la surface des plaquettes.
B. La thrombine transforme le dimère FVIII en hétérotrimère FVIIIa. Le complexe [FVIIIa-FIXa] ou ténase intrinsèque induit une activation importante du FX. En
outre la thrombine active le FV en FVa et le FXI en FXIa. À la fin de cette phase se concentrent à la surface des plaquettes plusieurs facteurs activés dont le FXa,
le FIIa, le FIXa, le FVIIIa et le FVa.

Phase de propagation fibrinogène en monomères de fibrine (Fig. 7). La polymérisation


spontanée de ces monomères crée la trame du réseau de fibrine
À la surface des plaquettes, le complexe ténase génère des qui structure le caillot. Ce caillot est consolidé par l’action du
quantités importantes de FXa. L’activation du FX en FXa par le FXIII, lui-même activé par la thrombine.
complexe ténase est 50 fois supérieure à celle du FX par le
complexe [FT-FVIIa]. Le complexe prothrombinase clive la
prothrombine en thrombine, mais après la phase d’amplifica- Génétique
tion, la présence à la surface des plaquettes de concentrations
élevées de facteurs activés permet la génération « explosive » de Facteur VIII
quantités importantes de thrombine (thrombin burst) qui aura de Le gène du FVIII est situé sur le bras long du chromosome X
multiples effets : activation en boucle du facteur XI (FXI), du (Xq28). Il s’agit d’un long gène de 186 kb comportant 26 exons
FVIII et du FV, activation des plaquettes et surtout protéolyse du et codant un acide ribonucléique messager (ARNm) de 9 kb [10,

4 Hématologie
Hémophilie : physiopathologie et bases moléculaires ¶ 13-021-B-10

proximité du télomère, soit en position distale (88 % des cas),


soit en position plus proximale (12 % des cas). Ceci aboutit à
une impossibilité de transcription du gène et à un déficit très
sévère en FVIII. Une autre forme d’inversion a été décrite,
portant sur l’intron 1, liée à une recombinaison avec une zone
télomérique. Elle est à l’origine de 3 % à 5 % des déficits sévères
en FVIII [18].
Va
IX Délétions
IXa Les délétions sont arbitrairement séparées en larges ou
partielles. Les délétions larges sont responsables de déficits
II IIa sévères en FVIII. Les conséquences des délétions de fragments
plus petits sont variables. Une délétion, même minime, d’un
Xa VIIIa nombre de nucléotides non multiple de 3 engendre un décalage
du cadre de lecture (mutation frameshift) à l’origine d’une
X protéine aberrante, voire de l’apparition d’un codon stop
prématuré, responsable d’un déficit très sévère. À l’inverse, la
délétion en phase d’un ou de plusieurs codons triplets pourra
n’entraîner qu’un déficit partiel. À côté de ces délétions, on
relève aussi, parmi les réarrangements importants du gène, de
Figure 7. Phase de propagation de la coagulation. Le complexe ténase rares insertions ou des duplications.
intrinsèque a généré à la surface des plaquettes des quantités importantes
de facteurs activés dont surtout le FXa. Ceci déclenche une génération Mutations ponctuelles
« explosive » de thrombine qui permet la création d’un caillot fibrinocruo- De nombreuses mutations ponctuelles ont été décrites. Un
rique. tiers de ces mutations ponctuelles surviennent dans des zones
à haut risque de mutations (hot spot), au niveau d’un doublet
CpG, du fait de l’instabilité des cytosines méthylées. L’erreur est
11]. Parmi ceux-ci, 24 exons font entre 69 et 262 paires de base,
moins efficacement corrigée par les processus normaux de
alors que l’exon 14 est composé de 3 106 paires de bases et que réparation de l’ADN. Les conséquences des mutations ponctuel-
l’exon 26 en comporte 1 958. Cependant, une grande partie de les sont variables selon leur localisation. Les mutations non-
l’exon 26 est dans l’extrémité 3', non transcrite, ce qui fait de sens sont habituellement sévères, alors que les mutations faux-
l’exon 14 la plus grande séquence exonique. Ceci est important sens peuvent avoir différents degrés de sévérité mais sont le plus
pour la physiologie et surtout les applications thérapeutiques, souvent modérées. Les mutations impliquant les sites d’épissage
en particulier la production de FVIII recombinant : l’exon de l’ARN revêtent des aspects de sévérité variable selon la
14 code le domaine B du FVIII, qui n’intervient pas dans sa position de la mutation par rapport à la jonction exon-intron.
fonction. Un gène délété de cette longue chaîne qu’est l’exon
14 pourra donc coder un FVIII fonctionnel. La Figure 3 montre Facteur IX
le positionnement des 26 exons et les domaines correspondants Les déficits congénitaux en FIX relèvent dans plus de 95 %
de la protéine FVIII [12]. des cas de mutations ponctuelles. Les lésions moléculaires du
gène FIX sont très nombreuses et hétérogènes. Dans de nom-
Facteur IX breux cas, chaque famille possède sa propre mutation.
Le gène codant le FIX est lui aussi situé sur le bras long du Les mutations sont colligées dans une base de données accessi-
chromosome X (Xq29). Il est plus petit que le gène du FVIII ble par internet (http://www.kcl.ac.uk/ip/petergreen/haemBdata
puisqu’il comporte 34 kb, avec neuf exons [13, 14]. Il code un base.html) qui, dans sa dernière édition (version 13), comportait
ARNm de 2,8 kb. Le second exon code le domaine Gla, le 4e et 2 891 entrées patients, 211 délétions courtes (moins de
le 5e les domaines EGF, le 6e le peptide d’activation et les 7e et 30 nucléotides) et/ou insertions, 91 larges délétions et
8e le domaine catalytique. Il existe une homologie de séquence 962 mutations ponctuelles. Ici encore, on trouve des anomalies
avec le FVII, le FX et la protéine C qui fait évoquer un ancêtre récurrentes sur les doublets CpG. Les mutations non-sens ou
commun [15]. décalantes induisent en général des déficits sévères, CRM–. Les
mutations faux-sens représentent deux tiers des mutations
décrites. La responsabilité de ces mutations faux-sens est parfois
Pathologie moléculaire difficile à établir.
Certaines mutations dans la zone du promoteur induisent un
Facteur VIII déficit particulier par son profil évolutif : sévère dans l’enfance, ce
De nombreuses anomalies dans la séquence nucléotidique ont déficit se corrige partiellement ou totalement à la puberté. La
été décrites à l’origine de déficits congénitaux en FVIII. Les forme typique est la mutation Leyden, responsable de l’hémo-
mutations causales sont recensées dans une base de données philie B du même nom. Elle induit une modification des sites de
internationale nommée « Hemophilia A Mutation, Search, Test liaison des facteurs de transcription et une réduction de celle-ci.
and Resource site » (HAMSTeRS) accessible par internet (http:// Après la puberté, le déficit de transcription est corrigé par les
europium.csc.mrc.ac.uk). Ces anomalies génétiques entraînent androgènes, qui seraient capables de réactiver le promoteur
un déficit plus ou moins sévère en FVIII, qui va de la simple muté [19, 20].
diminution du taux de FVIII par diminution de sécrétion ou
présence de FVIII instable jusqu’à l’absence totale de FVIII Conséquences du déficit en facteur
fonctionnel (absence de FVIII ou FVIII tronqué). La présence ou antihémophilique sur l’hémostase
non d’une molécule de FVIII circulant décelable par son
Les deux facteurs antihémophiliques, FVIII et FIX, sont très
antigénicité permet de différencier les déficits dits cross-reacting
différents. Le FIX a une activité enzymatique, forte lorsqu’il est
material positive (CRM+) et les déficits cross reacting material
dans sa forme active FIXa ; il est vitamine K-dépendant et n’a
negative (CRM–).
aucune homologie avec le FVIII. Le FVIII n’a pas d’activité
enzymatique, c’est un cofacteur, non vitamine K-dépendant,
Inversions
labile. Néanmoins, le déficit congénital en l’un de ces deux
La plus fréquente, puisqu’elle représente près de 50 % des cas facteurs crée la même pathologie, l’hémophilie. Les manifesta-
de déficit sévère, est une inversion sur l’intron 22 du gène du tions cliniques de ces deux déficits sont similaires. Ceci conduit
FVIII [16, 17]. Elle résulte d’une recombinaison de séquences à étudier les conséquences d’une anomalie du complexe antihé-
homologues, dont l’une est située sur l’intron 22 et l’autre à mophilique sur la coagulation.

Hématologie 5
13-021-B-10 ¶ Hémophilie : physiopathologie et bases moléculaires

Différents modèles ont été proposés [8, 21]. L’un consiste à intrinsèque fonctionnelle, du fait soit d’un déficit de l’enzyme
étudier dans des plasmas normaux ou issus de patients hémo- FIXa, soit d’un déficit du cofacteur, le FVIIIa ne permet pas
philes la cinétique d’activation de la coagulation in vitro, l’activation de FX à la surface des plaquettes. En outre, l’activa-
d’après la cinétique d’apparition de métabolites liés à la tion du FX par le FVIIa est bloquée par le TFPI, tandis que
génération de thrombine : les complexes thrombine-anti- l’antithrombine circulante inhibe les FXa et FIIa non liés à des
thrombine (TAT) et le fibrinopeptide A. Dans le plasma issu phospholipides. Enfin, l’adhésion des plaquettes au niveau de la
d’hémophilies A, de la thrombine est générée, mais avec retard lésion tend à occulter les sites d’expression du FT [24], empê-
et en quantité moindre. Le retard dans la génération de throm- chant la migration du FXa et des autres facteurs vers la lumière
bine indique un ralentissement de la coagulation. Ce ralentis- vasculaire où il pourrait, grâce au FT natif circulant (blood-borne
sement est corrigé par l’ajout de FVIII recombinant. Il existe TF), participer à la propagation du caillot. En l’absence d’un
aussi chez l’hémophile un ralentissement de la génération du complexe antihémophilique fonctionnel, il ne peut pas y avoir
facteur V activé, alors que l’activation des plaquettes est ralentie cette « explosion de thrombine » nécessaire à la phase de
mais non réduite. Ainsi, dans le plasma déficient en FVIII, propagation et indispensable pour conférer une structure stable
l’activation de la coagulation se fait, mais de façon retardée, au caillot. L’hémophilie apparaît ainsi essentiellement comme
alors que l’activation plaquettaire est pratiquement normale. un défaut de la génération de thrombine à la surface des
L’activation plaquettaire est largement indépendante de la plaquettes [23], conduisant à la génération plus lente d’un caillot
ténase intrinsèque. Ceci confirme les anciennes observations de structure altérée.
faites chez l’hémophile à partir du temps de saignement [22] : la
formation initiale du caillot plaquettaire est normale, permet-
tant à l’hémophile d’avoir un temps de saignement normal ; en ■ Hémophilie
revanche, le caillot hémostatique secondaire, composé norma-
lement en périphérie du caillot plaquettaire et en son centre Complications hémorragiques
d’un caillot riche en fibrine, est anormal chez l’hémophile, ne
contenant que peu de fibrine. Ces données ont été confirmées de l’hémophilie
dans un autre modèle [21] étudiant en vidéomicroscopie la L’étude des conséquences du déficit en FVIII ou en FIX sur la
croissance du caillot à la surface d’une couche monocellulaire coagulation permet de mieux appréhender les complications
de fibroblastes en culture. L’activation de la coagulation est cliniques rencontrées dans les déficits congénitaux correspon-
déclenchée par le FT exprimé à la surface des fibroblastes. Cette dants : hémophilie A et hémophilie B. Toutes les complications
technique permet de visualiser l’existence de deux phases dans non iatrogènes de l’hémophilie sont liées aux hémorragies et à
la croissance du caillot : une phase d’initiation, localisée leurs conséquences, immédiates ou retardées du fait de leur
directement à la surface activatrice et à proximité, et une phase répétition.
d’expansion, qui se fait à partir de ce caillot et diffuse dans le Ces hémorragies ont des caractères communs : elles touchent
plasma. Dans le plasma d’hémophile, cette deuxième phase est peu la peau et les muqueuses, probablement du fait que
très altérée ; la croissance du caillot représente environ 30 % de l’hémostase physiologique de ce type de saignements fait appel
celle mesurée dans un plasma normal. essentiellement aux plaquettes, dont nous avons vu la faible
implication dans le désordre hémostatique induit par les déficits
en FVIII ou IX. Il n’y a donc pas de purpura pétéchial ni
d’ecchymoses spontanées, pas de saignement prolongé pour les
“ À retenir petites coupures ou les piqûres, peu d’épistaxis ou d’hémorragies
muqueuses en dehors des hématuries.
Les saignements sont le plus souvent des hémorragies provo-
FVIII et FIX : deux facteurs que tout oppose quées, touchant préférentiellement l’appareil locomoteur,
• Le facteur IX est une proenzyme qui devient une essentiellement à partir du moment où il est très sollicité, c’est-
enzyme, le FIXa, après activation. Il est de faible poids à-dire à l’apprentissage de la marche. Les symptômes hémorra-
moléculaire (57 kDa), vitamine K-dépendant, de petite giques sont donc en général peu marqués, voire absents dans la
taille (415 acides aminés), en concentration plasmatique période périnatale et jusqu’à la fin de la première année. Les
importante (3 à 5 mg/l). Sa synthèse est sous la caractéristiques du syndrome hémorragique s’accordent bien
avec la physiologie de la coagulation chez l’hémophile : c’est à
dépendance d’un gène de petite taille : 34 kb, neuf exons.
la suite d’une brèche vasculaire, généralement provoquée, que
Les mutations causales sont très diverses, pratiquement le saignement survient, du fait du retard à la formation du
propres à chaque patient. caillot et surtout de sa fragilité liée à l’altération de sa structure.
• Le FVIII est une coenzyme du FIXa, sans activité Certaines complications dominent le tableau clinique et le
catalytique. Il est de grande taille (2 332 acides aminés), pronostic : les hémarthroses et les hématomes.
de poids moléculaire élevé (330 kDa). Il n’est pas vitamine
K-dépendant ; sa concentration plasmatique est faible Physiopathologie de l’atteinte articulaire
(0,10 à 0,20 mg/l). Sa synthèse est sous la dépendance (Fig. 8)
d’un gène de grande taille : 186 kb, 26 exons. Plus de la
moitié des hémophiles sévères portent la même mutation. L’atteinte articulaire constitue à la fois la caractéristique
... mais le déficit de l’un ou l’autre engendre la clinique de l’hémophilie et l’élément clé du pronostic fonction-
même maladie. nel. Les hémarthroses, qui peuvent être révélatrices de la
maladie, surviennent le plus souvent à l’apprentissage de la
marche. Les constatations cliniques déjà anciennes distinguent
trois tableaux. L’hémarthrose aiguë, régressive sous traitement, ne
Ces données permettent de mieux approcher le déroulement laisse aucune séquelle cliniquement décelable. Les hémarthroses
du processus d’hémostase chez l’hémophile [23]. L’adhésion subaiguës surviennent après répétition des épisodes d’hémarth-
plaquettaire se fait normalement sur le site de la lésion vascu- roses sur une même articulation. À cette phase, l’articulation ne
laire, où la présence de FT exprimé à la surface des cellules récupère pas totalement ; des signes cliniques d’atteinte articu-
permet l’initiation de la coagulation, générant des traces de laire sont décelables entre les saignements, avec diminution de
thrombine et de FXa. En présence de quantités réduites de FVIII mobilité et gonflement articulaire dans lequel peuvent interve-
ou de FIX, la phase d’initiation est modérément ralentie [7]. Les nir un épanchement liquidien articulaire chronique, une
plaquettes n’exprimant pas de FT, les faibles quantités de hypertrophie synoviale et des atteintes ligamentaires. Enfin
thrombine et de FXa produites le sont à la surface d’autres survient le stade de l’arthropathie chronique, avec déformations
cellules : fibroblastes, monocytes, cellules périvasculaires, voire articulaires évoluant vers la destruction articulaire. Anatomi-
cellules endothéliales. En revanche, en l’absence d’une ténase quement, deux éléments sont constitutifs et caractéristiques :

6 Hématologie
Hémophilie : physiopathologie et bases moléculaires ¶ 13-021-B-10

Saignement intra-articulaire

Dépôt de fer Arrêt de la synthèse de


matrice cartilagineuse

Inflammation c-myc, mdm2


de la synoviale

VEGF Blocage apoptose


Synoviocyte/prolifération Nécrose des chondrocytes

Néovascularisation

Altération de la Pannus synovial Destruction


structure des os hypervascularisé du cartilage

Figure 8. Physiopathologie de l’arthropathie hémophilique. La répétition des saignements articulaires induit un dépôt de fer, responsable d’une synovite
hypervascularisée. Le fer pourrait aussi favoriser l’activation d’oncogènes (c-myc et mdm2) qui, par prolifération et/ou blocage de l’apoptose des synoviocytes,
participeraient au processus pathologique. La conséquence de ces hémarthroses répétées est le développement d’un pannus synovial hypervascularisé, source
de récidive de saignements intra-articulaires et d’altération de la structure osseuse. En parallèle, les saignements intra-articulaires ont une toxicité propre sur
les chondrocytes, qui aboutit à la destruction du cartilage. VEGF : vascular endothelial growth factor.

chevilles – peuvent s’expliquer par les contraintes et microtrau-

“ À retenir
matismes que subissent ces articulations à cette période.
Cependant, la constatation dans les formes sévères d’hémarth-
roses survenues avant l’apprentissage de la marche, ou localisées
L’hémophilie : une maladie hémorragique dont au coude, amène à chercher des explications physiopathologi-
les saignements sont peu visibles ques complémentaires.
• L’hémophilie est une maladie hémorragique, mais les Facteurs anatomiques
hémorragies les plus fréquentes sont en général non
L’anatomie de la synoviale normale apporte de premiers
extériorisées. Les principales localisations des hémorragies
éléments de compréhension. La membrane synoviale comprend
sont en effet :
deux couches distinctes [25] : une couche fine et une couche
C les hémarthroses, responsables d’arthropathies profonde. La couche fine, contiguë à la cavité synoviale, est
chroniques invalidantes ; composée d’une à quatre assises de cellules. Ces cellules,
C les hématomes musculaires ou sous-cutanés dont la appelées synoviocytes, sont de deux types : synoviocytes de type
gravité potentielle est liée à la taille et la localisation ; A, macrophagiques, dérivant des monocytes sanguins, et
C les hématomes rétropéritonéaux, les hématomes synoviocytes de type B, riches en ergastoplasme granuleux,
intracérébraux ; responsables de la synthèse des constituants du liquide synovial,
C les complications immunologiques : anaphylaxie et dont l’acide hyaluronique. La couche fine repose directement
surtout apparition d’inhibiteurs. sur la couche profonde, faite surtout de tissu fibreux, de cellules
• Les hémorragies digestives ou urinaires sont rares. Les de type fibroblastique, de cellules macrophagiques et d’adipocy-
saignements cutanés sont habituellement consécutifs à tes. Dans cette couche profonde, fusionnée à la capsule, les
capillaires se concentrent en un espace très étroit situé 6 à
des coupures ou effractions.
11 mm sous la surface. Ce nœud capillaire, essentiel pour les
échanges liquidiens, est à l’origine des premiers saignements. Il
est intéressant de relever qu’il n’y a pas de terminaison nerveuse
l’atteinte synoviale avec synovite hypertrophique, constituant dans la membrane synoviale.
un pannus hypervascularisé favorisant la répétition des saigne-
ments et la destruction cartilagineuse. En pratique, si la Facteurs physiologiques
physiopathologie de l’atteinte articulaire chez l’hémophile est La physiologie articulaire apporte d’autres éléments de
de mieux en mieux connue, de nombreuses questions restent réponse. Il a été montré [26, 27] que le liquide synovial contenait
non élucidées. des microparticules ayant une activité procoagulante, d’origine
monocytaire ou granulocytaire. Ces microparticules sont
Pourquoi l’articulation hémophilique pauvres en annexine V, mais riches en FT, et sont capables de
saigne-t-elle ? générer de la thrombine selon un mécanisme dépendant du
S’il est aisé de comprendre pourquoi une articulation dans FVII. Dans l’articulation normale, le complexe FT-FVIIa active la
laquelle s’est développé un pannus synovial hypervascularisé coagulation, probablement par un mécanisme dépendant de la
subit des saignements répétés, la raison pour laquelle les ténase intrinsèque. L’absence chez l’hémophile de FVIII ou de
saignements surviennent préférentiellement dans l’articulation, FIX ne permet pas la formation intra-articulaire de cette ténase.
même saine, n’est pas totalement expliquée. L’âge de survenue La faible quantité de thrombine générée ne permet pas
des premières hémarthroses, qui correspond à l’apprentissage de l’hémostase, ce qui favorise la poursuite du saignement
la marche le plus souvent, et les localisations – genoux et intra-articulaire.

Hématologie 7
13-021-B-10 ¶ Hémophilie : physiopathologie et bases moléculaires

Conséquences de la répétition des saignements tendrait à prouver que les dégâts articulaires irréversibles
sur le cartilage : rôle du fer seraient dus à des facteurs additionnels. Parmi ceux-ci, deux
éléments complémentaires issus de l’expérimentation animale
On sait depuis longtemps que la répétition des saignements (chien) valent d’être soulignés. D’une part, la réparation
sur une même articulation entraîne des anomalies synoviales et cartilagineuse s’effectue mieux chez le chien âgé [38] : en d’autres
cartilagineuses [28-30]. Dans un modèle d’hémarthroses expéri- termes, le cartilage articulaire du jeune chien est beaucoup plus
mentales répétées, il a été démontré que 6 mois après l’arrêt des sensible à la présence de sang que celui du chien adulte. D’autre
hémarthroses, les cellules de la zone synoviale fine et les part, toujours chez le chien, la mise en charge d’une articula-
macrophages de la zone profonde contiennent encore de tion dans laquelle du sang a été injecté induit une inflamma-
l’hémosidérine [31], ce qui témoigne des capacités très limitées tion synoviale et réduit considérablement sa capacité de
de la synoviale à éliminer le fer. La présence de dépôts d’hémo- réparation cartilagineuse [39]. Ceci tendrait à prouver qu’après
sidérine dans la synoviale de l’articulation hémophile a fait saignement intra-articulaire, la dégénérescence cartilagineuse est
suspecter le rôle pathogène du fer dans la genèse de l’arthropa- aggravée par la mise en charge de l’articulation.
thie [32]. Le fer d’origine érythrocytaire est épuré de la cavité Toutes ces données ne sont pour le moment pas applicables
articulaire par les macrophages synoviaux, son accumulation à l’arthropathie hémophile chez l’homme. Néanmoins, elles
donnant à la synoviale une teinte brune caractéristique. Le rôle vont dans le sens de certaines constatations cliniques : plus
délétère du fer pourrait être dû à plusieurs facteurs : le fer serait grande sensibilité du cartilage chez le jeune enfant, possibilité
responsable d’une inflammation de la membrane synoviale qui d’atteinte articulaire avec dégénérescence cartilagineuse alors
entraîne son hypertrophie et crée une néovascularisation. Il a même que peu d’hémarthroses cliniques ont été constatées
été montré [33] que les zones de dépôts de fer sont le siège d’une – ceci est particulièrement vrai pour la cheville, soumise à des
production accrue de cytokines pro-inflammatoires : interleuki- contraintes mécaniques majeures. Elles constituent un argument
nes (IL)1, IL6 et tumor necrosis factor (TNF). Il est peu probable pour la prévention très précoce de l’arthropathie hémophilique.
que ce soit l’hémosidérine elle-même qui induise la production
de cytokines. Celle-ci serait liée à la phagocytose de l’hémosi- Hypertrophie synoviale, néovascularisation
dérine par les cellules synoviales et les macrophages. Il faut
et lésions osseuses
malgré tout souligner que l’articulation hémophilique est peu
inflammatoire, comparée à celle de la polyarthrite rhumatoïde, Les premières hémarthroses sont souvent modérées et peu
considérée parfois comme un modèle de l’arthropathie hémo- douloureuses. L’examen histologique de la synoviale 4 jours
philique. Récemment, une autre hypothèse a été avancée sur le après une simple hémarthrose montre déjà de petites aires de
rôle du fer, impliquant deux oncogènes : c-myc [34] et formations villeuses et un petit infiltrat périvasculaire, sans
mdm2 [35] : il a été montré que le fer induit une prolifération de fibrose [40]. Ces lésions aiguës sont réversibles. La répétition des
cellules fibroblastiques en culture, associée à une augmentation hémarthroses et l’accumulation conséquente d’hémosidérine
d’expression du proto-oncogène c-myc. L’oncogène mdm2 induisent une hypertrophie synoviale chronique avec de grosses
intervient dans la régulation de la protéine suppresseur de villosités, le développement d’une fibrose et une néovasculari-
tumeur p53, qu’il inactive. Le fer induit une augmentation sation, peut-être liée à l’action du vascular endothelial growth
d’expression de mdm2 d’environ 8 fois dans les cellules syno- factor (VEGF) [30]. La néovascularisation agit comme une fistule
viales humaines en culture. En outre, une expression augmentée artérioveineuse sur la plaque épiphysaire de croissance, indui-
de mdm2 est observée après une hémarthrose chez la souris sant une hypertrophie épiphysaire responsable d’une accéléra-
hémophile A. L’oncogène mdm2 pourrait donc intervenir dans tion de l’ossification, mais aussi d’altérations de structure de
la genèse de l’arthropathie hémophile en bloquant l’apoptose l’os. Les lésions osseuses constituent un stade évolutif sévère de
des cellules synoviales et/ou en bloquant leur prolifération. l’arthropathie hémophilique, avec ostéopénie et apparition de
kystes sous-chondraux remplis de liquide hématique, dont la
Destruction du cartilage dans l’articulation survenue est favorisée par la surcharge. Malgré toutes ces
hémophile données, le mécanisme des lésions osseuses reste incomplète-
ment compris. La polyarthrite rhumatoïde a été prise comme
Si la synovite et l’hypertrophie synoviale engendrées ou au modèle de l’arthropathie hémophilique [30] en raison de grandes
moins favorisées par les dépôts de fer jouent un rôle indiscuta- similarités cliniques, biochimiques et histologiques. De grandes
ble dans l’aggravation de l’arthropathie hémophilique, elles différences existent pourtant. L’articulation de l’hémophile est
n’expliquent probablement pas l’atteinte cartilagineuse consta- peu inflammatoire comparée à celle de la polyarthrite rhuma-
tée après saignements intra-articulaires. De nombreux argu- toïde, alors que le rôle des suffusions hémorragiques est
ments expérimentaux montrent que le saignement articulaire certainement minime dans la polyarthrite rhumatoïde. Néan-
lui-même est responsable d’une atteinte cartilagineuse avant moins, certains parallèles sont intéressants : ainsi, par assimila-
même l’apparition d’une synovite. Le cartilage humain est tion avec les lésions de la polyarthrite rhumatoïde a été suspecté
constitué d’un nombre assez faible de chondrocytes au milieu le rôle du récepteur receptor activator of nuclear factor kappa B
d’une abondante matrice extracellulaire faite principalement de (RANK) et de son ligand RANKL, qui active les récepteurs
collagène et de protéoglycanes. La solidité, voire la viabilité du ostéoclastiques. L’ostéoprotégérine (OPG) est une substance
cartilage nécessite un équilibre permanent entre synthèse et soluble produite par les ostéoblastes, capable elle aussi de se
destruction de cette matrice. Lorsque des cellules cartilagineuses fixer sur RANKL, ce qui aboutit à l’arrêt de l’ostéoclastogenèse.
en culture sont mises en présence de sang pendant 4 jours, il Le ratio OPG/RANKL peut être modulé par l’IL1, l’IL6 ou le
apparaît une inhibition dose-dépendante de la synthèse de TNF-a présents en quantité dans le liquide synovial [40]. Enfin,
protéoglycanes, témoignant d’un arrêt de la synthèse de la la participation d’enzymes hydrolytiques telles que la cathepsine
matrice cartilagineuse. Cet effet est irréversible et suivi d’une D et les phosphatases acides, présentes elles aussi dans la cavité
mort cellulaire des chondrocytes [36]. Ceci est lié à la présence articulaire de l’hémophile, a été suspectée dans les destructions
de cellules mononucléées et de globules rouges et pourrait être tissulaires synoviales, cartilagineuses et osseuses.
dû à la toxicité de métabolites oxygénés et d’autres médiateurs.
L’effet délétère du sang sur le cartilage est retrouvé pour des Physiopathologie des hématomes
durées plus courtes d’exposition [37] : ainsi, après 2 jours
et de leurs complications
d’exposition en sang fortement dilué (1 volume pour 10), il est
possible de mettre en évidence une réduction de la synthèse de Les hématomes constituent l’autre grande complication de
protéoglycanes. Cet effet serait donc largement indépendant du l’hémophilie. Leur mode de survenue et leur histoire clinique
temps d’exposition. Ceci est retrouvé en expérimentation s’expliquent assez bien par les données physiopathologiques
animale, mais avec une différence importante : l’injection intra- présentées ci-dessus : ces hématomes ne sont pas spontanés
articulaire de sang autologue induit rapidement une diminution mais succèdent à un traumatisme, parfois minime. L’impossibi-
de synthèse de protéoglycanes, mais 10 semaines après la lité de générer rapidement une quantité suffisante de thrombine
dernière injection, le cartilage retrouve son intégrité, ce qui empêche la réalisation du processus d’hémostase normal. La

8 Hématologie
Hémophilie : physiopathologie et bases moléculaires ¶ 13-021-B-10

conséquence est donc la prolongation du saignement : l’hémo- bilan étiologique est souvent négatif. Elles peuvent se compli-
philie n’induit généralement pas, à la différence des pathologies quer de colique néphrétique, surtout si elles sont traitées par du
plaquettaires graves, de saignement spontané ou d’hémorragie facteur antihémophilique, qui favorise la génération de caillots.
massive. La constitution de l’hématome se fait progressivement Ces traitements sont donc contre-indiqués.
et son diagnostic est souvent retardé, parfois à l’occasion d’une Les hémorragies digestives sont le plus souvent liées à une
complication locale. cause organique et nécessitent un bilan étiologique.
La gravité de l’hématome peut venir de sa taille ou de sa
localisation.

Hématomes de grande taille


■ Physiopathologie
La taille de l’hématome dépend souvent de la région anato- des complications iatrogènes
mique dans laquelle il se développe : ainsi, un hématome sous-
Nous n’abordons pas ici les complications liées aux agents
cutané atteint rarement une taille importante puisqu’il est
transmissibles : virus de l’immunodéficience humaine (VIH),
diagnostiqué et traité rapidement. De plus, lorsqu’il se déve-
virus des hépatites et parvovirus essentiellement. Les autres
loppe dans un espace limité, par exemple entre la peau et une
complications iatrogènes liées au produit se résument à l’ana-
surface osseuse dure, sa mise en tension progressive favorise,
phylaxie et au développement d’inhibiteurs.
indépendamment des gestes thérapeutiques, la réduction du
saignement. À l’inverse, un hématome du psoas ou d’une loge
musculaire large (fessier, crural, mollet) peut atteindre une taille Anaphylaxie
importante car le saignement se produit dans un espace exten- Des réactions anaphylactiques ont été décrites dès l’utilisation
sible, qui tolère de fortes augmentations de volume avant de de produits antihémophiliques, tant chez l’hémophile A que
donner des signes cliniques. En outre, et c’est particulièrement chez l’hémophile B. Mais si la littérature comporte encore des
le cas pour les hématomes du psoas, les signes cliniques peuvent rapports et données sur l’anaphylaxie au FIX, il semble que ces
être trompeurs, ajoutant au retard diagnostique. C’est la raison réactions aient pratiquement disparu pour le FVIII. La physio-
pour laquelle le diagnostic n’est souvent fait qu’au stade de pathologie en est probablement différente.
complication : atteinte neurologique par compression ou
anémie sévère. En outre, il faut savoir que même sous traite- Dans l’hémophilie A
ment substitutif, la résorption des hématomes est extrêmement
longue, nécessitant la prolongation de ce traitement. Les premières descriptions d’anaphylaxie dans l’hémophilie A
ont été faites après injection de cryoprécipité [44]. Leur fréquence
Hématomes de localisation dangereuse était alors estimée à 19 % [45, 46]. Ces produits contenaient en
Certains hématomes peuvent être dangereux par leur locali- fait de nombreuses protéines et il est probable que les réactions
sation et engager le pronostic vital : il en va ainsi des hémato- constatées ne relevaient pas d’une intolérance au FVIII lui-
mes (et hémorragies) du système nerveux central, en général même. Avec l’apparition de produits hautement purifiés, puis
post-traumatiques, en particulier chez l’enfant. Les hémorragies recombinants, les réactions anaphylactiques sont devenues très
intracrâniennes représentaient 25 % des causes de décès chez rares, mais restent décrites, qu’ils s’agisse de concentrés immu-
l’hémophile avant l’épidémie de sida [41]. Les autres localisations nopurifiés [47] ou de recombinants issus de cellules CHO [48] ou
à risque vital sont le cou, le plancher de la bouche, voire la BHK [49], voire de réaction à ces trois types de produits [50]. Les
langue. allergènes en cause sont, dans tous ces cas, hypothétiques [45] :
La localisation d’un hématome à proximité d’une racine ou protéines de souris, car l’immunopurification utilise des anti-
d’une terminaison nerveuse ou d’un paquet vasculaire peut corps de souris anti-VIII, ou albumine, qui servait à stabiliser le
compromettre le pronostic fonctionnel. Il en va ainsi des FVIII, ou FVIII lui-même. De même, il n’existe aucun élément
hématomes péri- ou rétro-orbitaires, avec risque de cécité ; des suffisamment solide pour impliquer une réaction d’hypersensi-
hématomes périrachidiens, avec risque de paraplégie ; des bilité médiée par IgE, IgG2 ou IgG4 [45].
hématomes du creux axillaire, exposant le plexus brachial ; de
la fesse ou du creux poplité, avec une possible atteinte sciatique. Dans l’hémophilie B
Les hématomes de la loge antérieure de l’avant-bras sont Les réactions anaphylactiques chez l’hémophile B sont rares,
dangereux aussi, soit du fait d’une atteinte du nerf médian ou assez curieusement de description plus récentes [51], mais restent
cubital, soit parce qu’ils peuvent constituer un syndrome de d’actualité. Elles sont souvent associées au développement
Volkmann avec rétraction tendineuse particulièrement gênante d’anticorps inhibiteurs [45], complication rare de l’hémophilie B
et de traitement difficile. puisqu’elle touche 1 % à 2 % des patients seulement, contre
15 % à 25 % dans l’hémophilie A. La raison de l’« apparition »
Hématomes avec séquelles évolutives : de réactions anaphylactiques chez l’hémophile B n’est pas
pseudotumeurs hémophiliques connue : sont-elles passées inaperçues auparavant, ou bien la
Les pseudotumeurs sont des complications assez spécifiques meilleure disponibilité de FIX a-t-elle permis d’exposer plus de
de l’hémophilie, rencontrées chez 1 % à 2 % des patients [42, 43]. patients à ce risque ? Le fait que ces réactions puissent se voir
Elles peuvent siéger dans les os longs ou, assez fréquemment, avec le FIX recombinant pourrait aussi s’expliquer par une
dans la région pelvienne, en particulier le long des crêtes immunogénicité accrue du FIX recombinant, en raison de
iliaques. Elles se constituent à la suite d’hématomes musculaires différences de glycosylation ou d’autres modifications post-
qui ne se résorbent pas ou incomplètement. Il se crée alors traductionnelles. Une donnée importante ressort de la littéra-
autour de l’hématome une coque fibreuse, adhérant aux tissus ture : la nature de la mutation causale influe fortement sur le
environnants. Le centre de la pseudotumeur comporte du sang, risque de réaction anaphylactique. En particulier, il semble que
ou un liquide hématique fait de débris nécrotiques et de les réactions anaphylactiques soient beaucoup plus fréquem-
caillots. La répétition des hémorragies, voire le saignement ment associées aux délétions larges, dans lesquelles le risque
continu à l’intérieur de ces pseudotumeurs en fait la gravité atteindrait 26 % [52]. Dans ces cas, il est possible que l’absence
évolutive, car elles sont en croissance permanente, envahissant d’expression de la protéine, même partielle, puisse prédisposer
les tissus adjacents et érodant les structures osseuses. Certains se à l’anaphylaxie. Une autre explication pourrait être que la
fistulisent à la peau et s’infectent. Le traitement, le plus souvent délétion entraîne l’absence d’un autre gène proche. L’effet de ce
chirurgical, est difficile, souvent incomplet et délabrant. gène codélété serait d’augmenter la réponse immune anaphy-
lactique [52]. Une autre hypothèse avancée pour expliquer ces
Autres complications hémorragiques réactions anaphylactiques serait la plus grande distribution
Les autres complications hémorragiques rencontrées dans extravasculaire du FIX, liée à sa petite taille. La encore, la nature
l’hémophilie n’ont rien de caractéristique quant à leur physio- de l’anticorps causal n’est pas connue. Elle n’est peut-être pas
pathologie. Les plus fréquentes sont les hématuries, dont le univoque : IgG1 [53] ou IgE [54].

Hématologie 9
13-021-B-10 ¶ Hémophilie : physiopathologie et bases moléculaires

Histoire familiale L’hémophilie n’est pas le seul domaine où une activité cataly-
Ethnie tique d’anticorps a été retrouvée : cette propriété peut exister
Mutations FVIII dans l’asthme, le lupus érythémateux disséminé, ou la maladie
HLA; IL10; TNF-α de Hashimoto [55].
Des anticorps anti-FVIII non inhibiteurs peuvent être retrou-
vés chez l’hémophile [65]. Ils peuvent être dirigés contre des
Génétique
épitopes dits « non fonctionnels » des domaines A1 ou C1, voire
Âge à la première injection Glycosylation B [66]. Ils pourraient être responsables d’une augmentation de la
Mode d'administration Polymorphismes clairance du FVIII en formant des complexes immuns phagocy-
Chirurgie Facteur von Willebrand tés par le système réticuloendothélial [67] . Un autre mode
Inflammation Anticorps Procédé d'inactivation d’action possible de ces anticorps serait de favoriser l’interaction
inhibiteurs Contaminants
avec la LRP, protéine apparentée aux récepteurs des lipoprotéi-
anti-VIII
nes de faible densité, puisque les domaines A2, A1 et C2 sont
Modalités Thérapeutique les domaines d’interaction avec la LRP. Ceci reste une
du traitement hypothèse.
À ce jour, la signification et les conséquences cliniques des
Figure 9. Facteurs de risque de l’apparition d’inhibiteurs anti-VIII. Deux anticorps non inhibiteurs restent inconnues.
types de facteurs paraissent influencer la prévalence des inhibiteurs anti-
VIII : des facteurs de susceptibilité individuelle, essentiellement d’origine Mécanisme d’apparition des anticorps anti-FVIII
génétique, et des facteurs liés aux choix thérapeutiques : âge au premier
traitement, modalités d’administration du produit, pathologies associées L’apparition d’anticorps inhibiteurs est la conséquence d’une
lors de l’administration et type de produit, recombinant ou plasmatique. réponse immune impliquant trois types cellulaires : les cellules
HLA : human leukocyte antigen ; IL : interleukine ; TNF : tumor necrosis présentatrices de l’antigène (CPA), les lymphocytes T CD4+ et
factor (TNF). les lymphocytes B [55, 68, 69]. La synthèse des anticorps nécessite
l’action initiale des CPA qui, après endocytose, interagissent
avec une cellule T CD4+. Cette interaction comporte la présen-
tation de l’antigène grâce aux molécules du complexe majeur
Anticorps inhibiteurs d’histocompatibilité, reconnues par le récepteur T CD4+. En
même temps surviennent deux interactions essentielles : l’une
La complication iatrogène la plus redoutée actuellement est
entre un récepteur B7 de la CPA et un récepteur CD28 du
l’apparition chez l’hémophile traité par facteur antihémophili- lymphocyte T CD4+ , l’autre entre un CD40 de la CPA et le
que d’un anticorps qui inhibe l’activité procoagulante du CD40-ligand (CD154) de la cellule CD4+. L’activation T qui en
facteur antihémophilique, le rendant inefficace (Fig. 9). Sa résulte induit une expansion clonale importante des CD4+ mais
présence chez un hémophile nécessite le recours à des théra- aussi une production de cytokines par les cellules T CD4+ :
peutiques lourdes, de maniement difficile, et coûteuses. Cette interféron gamma, TNF, IL2 secrétés par la sous-classe Th1,
complication se voit principalement au cours de l’hémophilie A, tandis que la sous-classe Th2 sécrète l’IL4 et l’IL10. Ces cytoki-
pathologie où elle a été le plus étudiée. Les anticorps sont nes et les interactions CD40/CD40-ligand induisent une activa-
considérés comme des alloanticorps, très différents des autoan- tion des lymphocytes B, qui synthétisent les anticorps anti-
ticorps, anti-FVIII essentiellement, responsables de l’hémophilie FVIII. Des données récentes suggèrent que le vWF réduit
acquise, qui ne sont pas étudiés ici. Nous envisageons surtout l’endocytose du FVIII par les CPA, ce qui pourrait réduire
les anticorps anti-FVIII, beaucoup plus fréquents que les l’immunogénicité du FVIII [70].
anti-FIX.
Facteurs de risque d’apparition des anti-FVIII
Mode d’action des alloanticorps anti-FVIII
La prévalence des inhibiteurs anti-FVIII chez l’hémophile est
Les anticorps anti-FVIII ne reconnaissent pas un épitope estimée diversement : 4 % à 20 % selon les travaux. Cette
spécifique, mais sont le plus souvent dirigés contre les domaines diversité tient en partie aux caractéristiques des patients étudiés
A2 ou C2 [55, 56]. Ceux dirigés contre le domaine C2 ont été les – les hémophiles sévères ayant un risque 4 fois plus élevé que
plus étudiés : ils empêchent la liaison du FVIII aux phospholi- les hémophiles modérés – mais aussi à l’évolution de l’inhibi-
pides par encombrement stérique [57]. Certains anticorps dirigés teur : les inhibiteurs sont transitoires dans la moitié des cas. Les
contre le domaine C2 empêchent la liaison au vWF. Théorique- 5 % à 10 % d’inhibiteurs persistants constituent un problème
ment, ceci n’a pas d’effet inhibiteur, mais en empêchant la thérapeutique difficile. C’est la raison pour laquelle les facteurs
protection du FVIII par le vWF, ces anticorps rendent le FVIII de risque de leur apparition ont été particulièrement étudiés.
plus sensible aux protéases qui l’inactivent, en particulier la Deux groupes de facteurs peuvent être distingués : un risque
PCa, le FXa et le FIXa. Des anticorps dirigés contre le domaine individuel, lié aux caractéristiques génétiques de l’hémophile, et
a3 ont aussi la capacité d’empêcher la fixation du vWF au un risque lié aux modalités thérapeutiques.
FVIII [58].
Les anticorps anti-FVIII peuvent, par encombrement stérique, Facteurs génétiques de risque
empêcher l’interaction du FVIII avec le FIXa : c’est le cas de Il a été constaté très tôt que l’existence d’antécédents
certains anticorps anti-A2 ou anti-A3 qui bloquent l’interaction familiaux d’inhibiteurs multiplie par 2 le risque de développer
entre le FVIIIa et le domaine EGF-like du FIXa, bloquant ainsi un inhibiteur [71, 72] . En outre, le risque est d’autant plus
la constitution de la ténase intrinsèque [59]. Certains autres important que la parenté est proche, ceci étant particulièrement
anticorps pourraient aussi empêcher l’activation du FVIII en net chez les jumeaux monozygotes. Plusieurs facteurs ont été
bloquant le site de liaison avec la thrombine [60] ou avec le mis en évidence. Le plus important est le type d’anomalie
FXa [61]. causale. Les formes avec délétion étendue ou mutation non-
Certains anticorps auraient une activité catalytique [62-64]. Il a sens sont les plus exposées, avec 40 % à 60 % d’inhibiteurs, puis
été montré que l’incubation de FVIII avec des IgG purifiées ou vient l’inversion de l’intron 22, où la fréquence des inhibiteurs
des anticorps anti-FVIII issus de patients hémophiles avec est de 25 % à 30 %, puis viennent les petites délétions, les
inhibiteur induit une dégradation du FVIII. Ces mêmes IgG ne mutations faux-sens et les anomalies d’épissage (database
dégradent ni le FIX, ni l’albumine. En revanche, les IgG HAMSTeRS). Le lien entre développement d’inhibiteurs et le
humaines non issues de patients hémophiles avec inhibiteurs système HLA a aussi été étudié, en particulier pour les antigènes
n’ont pas cette activité protéolytique sur le FVIII. Une activité de classe II. Ces études sont rendues difficiles par la variabilité
catalytique serait retrouvée chez 50 % des patients hémophiles des fréquences alléliques dans les populations et la diversité des
avec inhibiteurs alors qu’elle n’est présente ni chez les sujets mutations causales. Quelques travaux incluant des patients
sains, ni chez les patients hémophiles sans inhibiteurs [63]. ayant tous la même anomalie génétique, l’inversion de

10 Hématologie
Hémophilie : physiopathologie et bases moléculaires ¶ 13-021-B-10

l’intron 22 [73, 74], ont permis d’éviter certains biais. Ces études rétrospectives issues d’études observationnelles. Un groupe
mettent en évidence une augmentation de fréquence de certains d’experts réunis à l’Agence française de sécurité sanitaire des
haplotypes HLA, mais les différences ne sont que rarement produits de santé (AFSSAPS) a tenté de faire le point sur cette
significatives. question. Une argumentation détaillée et une large bibliogra-
Un élément très intrigant et retrouvé de façon constante est phie figurent dans le rapport disponible sur le site de l’AFSSAPS
l’influence de l’origine ethnique. La fréquence des inhibiteurs (www.afssaps.sante.fr). Seuls sont abordés ici les aspects
dans les populations noires américaines est le double de celle fondamentaux.
observée dans les populations caucasiennes [75]. La fréquence est Les facteurs VIII d’origine plasmatique ne sont pas identiques
également augmentée, à un moindre degré, dans les populations aux recombinants. Il est donc possible qu’ils aient une immu-
latino-américaines [76] . La seule explication proposée est la nogénicité différente. Les principales différences au niveau du
présence de variations génétiques et de polymorphismes du produit fini portent sur le niveau de la glycosylation, la diversité
FVIII [77]. polymorphique du FVIII plasmatique, la présence ou non de
Deux autres facteurs de risque génétiques ont été décrits. Le vWF, et les altérations moléculaires pouvant être générées par
polymorphisme –388G>A sur le gène du TNF-a est plus fré- les méthodes d’inactivation virale.
quemment associé au développement d’inhibiteurs, mais Influence de la glycosylation. Le niveau et les sites de
l’augmentation de fréquence est faible et les intervalles de glycosylation peuvent avoir une influence sur l’immunogénicité.
confiance très larges [78]. Une constatation identique a été faite Or il est bien établi que les protéines recombinantes comportent
avec un allèle situé dans la région du promoteur du gène de des degrés de glycosylation différents des molécules naturelles.
l’interleukine 10 [79]. Ceci a été vérifié pour les concentrés de FVIII [87]. Les sites de
glycosylation du FVIII sont situés sur le domaine B. Il n’existe
Risques liés aux modalités thérapeutiques
cependant aucune donnée expérimentale confirmant l’influence
Le type de traitement utilisé et ses modalités d’application de la glycosylation sur l’immunogénicité des différentes prépa-
pourraient entraîner des risques différents. Dans les modalités rations de FVIII.
d’application, les deux facteurs qui paraissent ressortir le plus Polymorphismes du FVIII. Le FVIII humain est réputé peu
souvent sont l’âge précoce de début des injections et le traite- polymorphe, mais l’on sait maintenant que des polymorphis-
ment « à la demande ». mes existent, en particulier dans les domaines A2 et C2 [77], les
Âge de première exposition. Une étude rétrospective dans plus immunogènes. On peut donc envisager que dans les
une cohorte de jeunes hémophiles espagnols [80] a mis en concentrés issus du plasma existent des formes moléculaires
évidence une incidence d’inhibiteurs d’autant plus élevée que le différentes de FVIII, ce qui n’est pas le cas pour les recombi-
traitement a été commencé tôt : 41 % d’inhibiteurs en cas de nants. Les recombinants pourraient, théoriquement, en ame-
début avant 6 mois, 29 % entre 6 et 12 mois, 12 % entre 12 et nant une quantité suffisante d’une seule forme moléculaire,
18 mois. Une étude rétrospective néerlandaise a corroboré ces atteindre plus facilement le seuil nécessaire à l’activation du
observations, avec des incidences assez proches [81]. Ces faits système immunitaire. Là encore, il s’agit de spéculations
n’ont pas été confirmés par deux plus larges études rétrospecti- théoriques.
ves, menées chez des hémophiles britanniques [82] et cana- Rôle de vWF. L’existence de vWF dans les préparations de
diens [83], ni par une étude cas-témoin italienne [84]. Un élément FVIII plasmatique pourrait avoir des conséquences à la fois sur
doit être pris en considération pour analyser ces résultats : un l’effet biologique de l’inhibiteur et sur l’immunogénicité du
enfant a d’autant plus de probabilité d’être traité tôt qu’il a une produit. Il semble en effet que le vWF présent dans les concen-
anomalie génétique induisant un phénotype sévère (grande trés plasmatiques puisse avoir un certain effet protecteur sur la
délétion, mutation non-sens, inversion de l’intron 22). Nous neutralisation du FVIII par les anticorps inhibiteurs. Ces
avons vu que ces anomalies prédisposent au développement constatations anciennes [88] ont été confirmées récemment [89,
d’inhibiteurs. La prévalence pourrait donc être liée à la muta- 90]. Les conséquences cliniques sont difficiles à évaluer. Il est

tion causale plutôt qu’à l’âge de première exposition. peu probable que ces propriétés soient de nature à influer sur
Prophylaxie versus traitement à la demande. Deux des l’immunogénicité. En revanche, des données d’expérimentation
études citées précédemment évoquent un rôle protecteur de la animale suggèrent une plus forte immunogénicité des composés
prophylaxie [83, 84]. La prophylaxie commencée tôt réduirait le ne contenant pas de vWF, qu’il s’agisse de FVIII d’origine
risque d’inhibiteur de 60 % [83], voire 80 % [84]. Elle induirait plasmatique déplété en vWF ou de FVIII recombinant [91]. En
une sorte de tolérance immune en délivrant très tôt des doses outre, les épitopes reconnus par les anticorps inhibiteurs sont
importantes de FVIII et empêcherait le développement différents selon que le produit contienne ou non du vWF. Une
d’inhibiteurs. des explications possibles serait l’effet du vWF sur la réponse
Autres facteurs thérapeutiques. L’une des circonstances immune. Il a été montré que le vWF réduit l’endocytose du
d’immunisation est l’apport massif de facteurs antihémophili- FVIII par les CPA [70]. L’endocytose étant la première étape dans
ques, tel qu’il est réalisé lors des interventions chirurgicales ou le déroulement de la réponse immunitaire anti-FVIII, cette
en cas d’hémorragie grave engageant le pronostic vital. Ceci a propriété pourrait réduire l’immunogénicité des concentrés de
été particulièrement bien mis en évidence chez les hémophiles FVIII comportant du vWF.
modérés [85, 86]. Les raisons peuvent être la présence de cofac- Modification d’antigénicité par les procédés d’inactivation
teurs stimulant l’immunité, comme l’inflammation ou l’infec- virale. Les procédés d’inactivation virale auxquels sont soumis
tion, ou l’existence de grandes lésions tissulaires qui pourraient les dérivés plasmatiques peuvent entraîner des modifications de
aussi libérer des substances immunogènes. La pratique de la l’antigénicité. On en connaît deux exemples. Le premier
perfusion continue de FVIII a aussi été incriminée [86], du fait concerne des patients belges et néerlandais qui ont reçu, en
d’une possible altération du FVIII dans le liquide de perfusion, 1990, un dérivé FVIII plasmatique pasteurisé à 60 °C. Un
ou du risque plus grand de diffusion sous-cutanée, voie réputée inhibiteur est apparu chez 19 patients, dont 15 avaient plus de
la plus immunogène pour la plupart des antigènes. 200 jours d’exposition à l’antigène. Après changement de
produit, l’inhibiteur a disparu chez 18 patients, ce qui confirme
Risque lié au type de produits
le rôle du nouveau produit dans l’immunisation [92, 93]. Le
La question de l’influence du type de produits – plasmatique second exemple a été l’apparition d’inhibiteurs chez 8 hémo-
ou recombinant – sur le risque de développer un inhibiteur a philes belges parmi 140 multitransfusés [94] et 12 hémophiles
été posée dès l’apparition des recombinants sur le marché. En allemands parmi 109 antérieurement traités, tous après intro-
l’absence d’étude contrôlée prospective, il n’y a pas, à l’heure duction d’un même concentré de FVIII purifié par chromato-
actuelle, de réponse définitive. Des éléments de réponse peuvent graphie échangeuse d’ions, puis traité par double inactivation :
venir de travaux fondamentaux ou du croisement de données solvant-détergent puis pasteurisation. Il est intéressant de

Hématologie 11
13-021-B-10 ¶ Hémophilie : physiopathologie et bases moléculaires

relever que dans les deux cas, l’anticorps était dirigé unique- [8] Cawthern KM, van’t Veer C, Lock JB, DiLorenzo ME, Branda RF,
ment contre la chaîne légère du FVIII (domaine A3-C1-C2). En Mann KG. Blood coagulation in hemophiliaAand hemophilia C. Blood
outre, l’anticorps d’un patient fort répondeur était neutralisé in 1998;91:4581-92.
vitro à plus de 95 % par le domaine C2. Dans les deux cas, [9] Schved JF, Giansily-Blaizot M. Tissue factor and tissue factor pathway
l’inhibiteur a disparu après l’arrêt du concentré incriminé et son inhibitor: from fundamental to clinic. In: Pathophysiological, clinical
remplacement par un autre produit [94, 95]. and laboratory aspects of thromboembolic disease. Proceedings of the
8th Advanced Teaching Course of the European Thrombosis Research
Contaminants des produits. Les procédés d’extraction des
Organization (ETRO), 2001. p. 81-6.
dérivés plasmatiques ont évolué pour permettre l’obtention de [10] Gitschier J, Wood WI, Goralka TM, Wion KL, Chen EY, Eaton DH,
produits très hautement purifiés et sécurisés. En fonction des et al. Characterization of the human factor VIII gene. Nature 1984;312:
périodes, voire des lieux de production dans les différents pays 326-30.
où ils sont préparés, les dérivés plasmatiques contiennent des [11] Toole JJ, Knopf JL, Wozney JM, Sultzman LA, Buecker JL,
contaminants divers en quantité variable. Certains de ces Pittman DD, et al. Molecular cloning of a cDNA encoding human
contaminants peuvent avoir une influence sur la réponse antihaemophilic factor. Nature 1984;312:342-7.
immune. Le contaminant le plus souvent cité est le transforming [12] Lee CL, Berntorp EE, Hoots WK. Textbook of hemophilia. Malden:
growth factor b (TGF-b) [96, 97], qui pourrait moduler la réponse Blackwell Publishing; 2005.
immune en diminuant la réponse lymphocytaire T aux mitogè- [13] Anson DS, Choo KH, Rees DJ, Giannelli F, Gould K, Huddleston JA,
nes et en augmentant l’apoptose de sous-classes cellulaires T. En et al. The gene structure of human anti-hemophilic factor IX. EMBO J
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fait, le rôle du TGF-b a été mis en doute du fait des très faibles
[14] Yoshitake S, Schach BG, Foster DC, Davie EW, Kurachi K. Nucleotide
concentrations de cytokine dans les dérivés plasmatiques [98].
sequence of the gene for human factor IX (antihemophilic factor B).
Le rôle d’autres contaminants possibles tels que le fibrinogène Biochemistry 1985;24:3736-50.
ou la fibronectine a été évoqué, mais sans arguments précis. [15] Leytus SP, Foster DC, Kurachi K, Davie EW. Gene for human factor X:
Pour les produits recombinants, un contaminant a été a blood coagulation factor whose gene organisation is essentially
particulièrement suspecté de modifier la réponse immune : les identical with that of factor IX and protein C. Biochemistry 1986;25:
anticorps d’origine murine, présents sur les colonnes utilisées 5098-102.
pour purifier le composé initial par chromatographie d’affinité. [16] Lakich D, Kazazian HH, Antonarakis SE, Gitschier J. Inversion
Ici encore, il n’existe aucun argument expérimental à l’appui de disrupting the factor VIII gene are a common cause of severe
cette hypothèse. hemophilia A. Nat Genet 1993;5:236-41.
[17] Antonarakis SE, Rossiter JP, Young M, Horst J, de Moerloose P, Som-
mer SS, et al. Factor VIII gene inversions in severe hemophilia A:
Anticorps inhibiteurs du FIX results of an international consortium study. Blood 1985;86:2206-12.
[18] Bagnall RD, Waseem N, Green PM, Giannelli F. Recurrent inversion
Si le développement d’anti-IX est possible dans l’hémophilie breaking intron 1 of the factor VIII gene is a frequent cause of severe
B, la plupart des études cliniques montrent une prévalence hemophilia A. Blood 2002;99:168-74.
faible, chiffrée entre 1 % et 3 % [99]. Seule une étude suédoise a [19] Briet E, Bertina RM, Van Tilburg NH, Veltkamp JJ. A sex linked
montré une prévalence d’anti-IX plus élevée, estimée à hereditary disorder that improves after puberty. N Engl J Med 1982;
23 % [100]. L’une des raisons avancées pour cette faible préva- 306:788-92.
lence est la moindre fréquence des mutations non-sens dans [20] Morgan GE, Rowley G, Green PM, Crisholm M, Giannelli F,
l’hémophilie B, mutations qui, tout comme les grandes délé- Brownlee GG. Further evidence for an the importance of an androgen
tions, induisent l’absence de traces de FIX circulant. response element in the factor IX promoter. Br J Haematol 1997;98:
79-85.
D’autres facteurs ont été évoqués. On constate en effet que [21] Ovanesov MV, Lopatina EG, Saenko EL,Ananyeva NM, Ul’yanova LI,
dans les formes liées à une mutation non-sens, la prévalence Plyushch OP, et al. Effect of factor VIII on tissue factor-initiated spatial
d’inhibiteurs est moindre dans l’hémophilie B : 6 % contre clot growth. Thromb Haemost 2003;89:235-42.
30 % dans l’hémophilie A. D’autre part, la grande homologie du [22] Sixma JJ, van den Berg A. The haemostatic plug in haemophilia A: a
FIX avec les autres facteurs vitamine K-dépendants et la plus morphological study of haemostatic plug formation in bleeding time
large distribution extravasculaire du FIX, du fait de son faible skin wounds of patients with severe haemophilia A. Br J Haematol
poids moléculaire, pourraient aussi être des facteurs de protec- 1984;58:741-53.
tion contre la réponse immune. L’origine ethnique ou le type [23] Monroe DM, Hoffman M. What does it take to make the perfect clot?
de produit, plasmatique ou recombinant, ne semblent pas Arterioscler Thromb Vasc Biol 2006;26:41-8.
modifier la prévalence des anti-IX chez l’hémophile B. Enfin, [24] Hathcock JJ, Nemerson Y. Platelet deposition inhibits tissue factor
. cliniquement, la réponse immune anti-IX s’accompagne fré- activity: in vitro clot are impermeable to factor Xa. Blood 2004;104:
123-7.
quemment de réactions allergiques sévères, témoignant proba-
[25] Rosendaal G, Mauser-Bunschoten EP, De Kleijn P, Heijnen L, Van Den
blement d’une réponse immune particulière. Berg HM, Van RinsumAC, et al. Synovium in haemophilic arthropathy.
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J.-F. Schved, Professeur des Universités, praticien des Hôpitaux ([email protected]).


Centre régional de traitement des hémophiles, Laboratoire d’hématologie, Centre hospitalier universitaire de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche,
34295 Montpellier, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Schved J.-F. Hémophilie : physiopathologie et bases moléculaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Hématologie, 13-021-B-10, 2008.

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