Chiites Et Sunnites
Chiites Et Sunnites
Chiites Et Sunnites
Parler des chiites irakiens nécessite avant tout de rappeler certaines réalités historiques et
démographiques.
Les chiites irakiens sont pour la plupart de nouveaux convertis depuis le XIXème siècle. Les
premiers chiites étaient une population constituée par une minorité urbaine, mais avec l’arrivée
de tribus bédouines venues de la Péninsule Arabique, les conversions sont nombreuses - par
souci d’intégration - et la population chiite devient majoritairement rurale. En effet la plupart
des chefs de tribus se nomadisent et deviennent de grands propriétaires terriens sous l’influence
des clercs des grandes villes saintes qui les convertissent pour barrer la route au wahhabisme.
Très vite, la communauté chiite est - malgré la présence d’une bourgeoisie marchande et d’une
intelligentsia - marquée par un retard économique et social.
Dans les années 30, les chiites n’occupent que 15 % des postes du gouvernement alors qu’ils
étaient déjà majoritaires. Ils sont aussi sous représentés à l’Université et ce phénomène ne
cessera de s’accroître. Dès le départ, il s’agit donc d’une volonté des autorités en place de
marginaliser les chiites en politique.
Une autre raison est à prendre en compte : la suspicion qui pèse et qui a toujours pesé sur les
chiites d’être des instruments manipulés par l’Iran afin de s’ingérer dans les affaires internes
de l’Irak. En effet, l’Iran, voisin de l’Irak, a toujours été considéré comme ennemi de ce dernier
en tant qu’Etat persan à majorité chiite. Et particulièrement depuis 1979, l’Iran est l’ennemi
juré du gouvernement irakien qui a toujours craint une contagion de la révolution islamique en
l’Irak. Cependant les chiites irakiens sont à majorité arabe et la proportion de population
d’origine persane qui s’est établie autour des villes saintes chiites est d’environ 5 %.
La législation mise en place sous le mandat britannique - et qui a perduré jusqu’à la chute de
Saddam Hussein - est particulièrement discriminatoire. Le code de nationalité date de 1924 :
pour être considéré comme véritable Irakien il faut être apte à prouver ses origines ottomanes,
étant entendu que de nombreux chiites arabes ont préféré ne pas avoir la nationalité ottomane
pour échapper à la conscription.
En 1935, certains métiers leur sont interdits entraînant la diminution de cette population.
Sous le régime bassiste, la déportation des populations iraniennes est massive. La première
vague a lieu en 1969, une deuxième cette fois-ci de la minorité kurde chiite, puis dans les
années 75 à 80 un redoublement et une expulsion de 75 000 chiites accusés d’être d’origine
persane et des opposants de Saddam Hussein.
En 1983, en pleine guerre Iran-Irak, une répression féroce s’abat sur les chefs religieux mettant
en doute la loyauté des soldats.
Puis il y a eu les tentatives d’un retour à la politique. Les chiites irakiens sont loin d’avoir subi
cette situation en simples spectateurs. Au contraire, avant l’arrivée des hachémites au pouvoir
en Irak, les britanniques qui avaient un mandat sur cette région, ont dû faire face à une violente
révolte contre leur occupation, organisée et relayée par trois groupes différents :
- Les nationalistes urbains chiites et sunnites impatients de secouer une tutelle trop lourde ;
-Les tribus chiites du Sud en réaction à l’ingérence des britanniques dans les affaires tribales ;
-Les ulémas ou les oulémas, les savants coraniques.
Les chiites sont animés, dès ces années-là, par un esprit de révolte fondé sur un sentiment de
patriotisme qui deviendra par la suite un patriotisme irakien.
L’année 1920 consacra même l’émergence d’un leader politique, l’Ayatollah Shirazi qui
promulgua une fatwa refusant qu’un non musulman puisse gouverner l’Irak.
Aujourd’hui, ces événements du passé sont liés à la situation actuelle des chiites irakiens qui
se révèlent être les promoteurs d’un nationalisme irakien moderne, d’un patriotisme irakien en
opposition avec le nationalisme arabe. C’est en effet dès 1920 que le mythe fondateur de l’Irak
prend sa source dans cette révolte.
Après cette révolte, le pouvoir hachémite décide dès son arrivée de casser le pouvoir religieux
et il expulse une partie de ses dirigeants en les accusant d’être persans.
Les années de l’entre-deux-Guerres laissent place à une série de luttes politiques des chiites en
vue de participer au gouvernement. Au départ, il s’agit d’un mouvement pacifique qui par des
pétitions réclame l’égal accès aux services politiques et publics, mais en 1935, cela se
transforme en révolte armée à base tribale après l’exclusion aux élections de 1934 d’un
candidat chiite.
Dans les années 1940, le retard du niveau d’éducation des chiites est en passe d’être comblé et
les élites intellectuelles réclament davantage d’égalité. C’est à cette époque que les populations
chiites s’engagent massivement au sein des partis d’opposition tels que le parti national
démocratique ou le parti communiste, mais aussi à l’époque le parti Baa’th. Parallèlement, une
renaissance intellectuelle du clergé chiite s’opère pour récupérer ces âmes perdues.
A partir de 1969, le Baa’th ayant accédé au pouvoir, une répression d’Etat s’organise contre
les centres intellectuels religieux des villes saintes. A cette époque, un religieux chiite voit sa
doctrine s’imposer de plus en plus. Cet ayatollah d’origine iranienne est le fameux Mohammed
Baqr Al Sadr, auteur notamment du livre « Notre économie » où il compare l’économie
capitaliste, communiste et islamiste laissant au lecteur la possibilité de faire son choix.
En 1980, Sadam Hussein tente au travers d’élections, de rallier les opposants à son régime pour
permettre aux chiites d’accéder sous contrôle à certaines fonctions importantes. Durant le
conflit contre l’Iran, les chiites irakiens n’ont de cesse de prouver leur attachement à l’Irak et
leur patriotisme au-delà du chiisme.
Après la guerre du Golfe, qui suit peu de temps la fin du conflit irako-iranien, une révolte
s’organise en Irak contre le régime de Saddam Hussein. Mars 1991 voit la naissance d’une
double révolte kurde et chiite qui traverse le pays. Cette révolte qui devait être soutenue par les
forces américaines laisse place à deux semaines de bombardements intensifs contre Bassorah
et les villes saintes chiites. La répression est sanglante et entraîne l’exode de plus de 100 000
personnes vers l’Arabie Saoudite et le Koweït. Des mesures draconiennes sont prises à
l’encontre de ces populations notamment des arabes des marais qui voient ceux-ci presque
entièrement assechés. Les membres chiites ayant un semblant de pouvoir sont totalement
évincés ou rétrogradés.
A ceux qui parlaient avant la guerre de 2003 d’un soutien volontaire de la population irakienne
à son leader Saddam Hussein, il est intéressant de répondre par l’histoire et de montrer que
certes la majorité de la population irakienne a été cantonnée depuis la création de l’Irak à un
rôle de minorité politique, mais que cet état de fait n’a pas été sans susciter de révoltes de la
part des populations et qu’il a été de plus accentué pour des raisons internes mais aussi
extérieures à l’Irak.
L’après 2003 a donc vu l’apparition sur la scène politique en masse des chiites et leur volonté
réelle de participer à la reconstruction politique de l’Irak. Mais c’est avant tout une réaction à
une histoire trop longue de marginalisation, renforcée par la peur de perdre à nouveau la
possibilité d’accéder au pouvoir. Le phénomène de communautarisation des chiites n’est donc
qu’une réaction ponctuelle à ce passé et les différences entre les partis se creusent au fur et à
mesure prouvant par là-même que l’union du bloc chiite n’est pas une question religieuse mais
davantage un problème de lutte d’accession.
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/irak-les-935-mensonges-de-bush_469564.html
Il est très difficile d’obtenir les chiffres concernant la répartition des populations chiites dans
le monde. Aussi, faute de pouvoir établir des évaluations globales plus justes que les données
présentées dans les ouvrages ou les articles sur le chiisme, tenterons-nous de mettre en évidence
leurs lacunes.
Les chiffres qui y apparaissent ne sont que des estimations, plus ou moins fines, mises à jour à
partir d’anciennes estimations ou de recensements de la population qui remontent le plus
souvent au début du xx e siècle. Dans la plupart des cas, il n’existe pas de statistiques officielles
sur les chiites, l’argument invoqué par les autorités étant que les recensements de la population
ne distinguent pas les individus en fonction de leur religion. En outre, certains gouvernements
réduisent le poids des communautés chiites afin de les présenter comme minoritaires, voire
insignifiantes, car dans de nombreux pays, la taille de la communauté chiite est bien plus qu’un
simple chiffre statistique : elle constitue un réel enjeu politique, ou même l’objet d’une
controverse.
Certains auteurs indiquent que les chiffres qu’ils avancent ne sont que des estimations
approximatives, tandis que d’autres ne le mentionnent pas. Parfois, ils ne précisent pas la
branche du chiisme concernée ou bien confondent allègrement duodécimains, zaydites,
ismaéliens, alévis, alaouites, druzes, etc. Les chiffres avancés reprennent souvent des
estimations fournies dans un ouvrage précédent – lui-même s’appuyant sur un autre, plus
ancien : c’est ainsi que se publient des chiffres caducs… En outre, la population chiite est
souvent calculée à partir de pourcentages par rapport à la population totale du pays…
Une chose reste clair, le fameux calcul d’une majorité Chiite en Irak qui est en mesure de
gouverner n’est qu’une construction idéologique qui ne réponds pas à la réalité.
Il n’y a pas une majorité chiite en Irak. Tout au plus il y a un ensemble d'innombrables petits
partis politiques, dont certains sont très lourdement armés. Bien qu'ils relèvent tous d'un
dénominateur chiite, ils sont à la fois des opposants politiques et militaires. De nombreuses
personnes ont été tuées, notamment lors de manifestations. Les manifestants arrêtés
disparaissent sans laisser de trace. Et puis du coup on voit des milliers de partisans de Moqtada
Al-Sadr occuper, le Parlement. L'armée étant impuissante de faire face à cette intrusion.
En réaction, ses rivaux du Cadre de coordination, une alliance composée notamment de partis-
milices proches de l’Iran, devenue la première force au sein de l’assemblée, ont appelé à des
contre-manifestations et il y a encore d’innombrables parties dans le jeu.
Le Premier ministre par intérim, Mustafa al-Kazimi, multiple les appels au dialogue mais pour
le moment les parlementaires ont une tendance à démissionner ce qui provoqueras la chute du
gouvernement et très probablement une guerre civile. Les tensions se sont accrues après qu’une
coalition de plusieurs autres partis dites chiites, le Cadre de coordination, a nommé Mohamed
al-Soudani, vétéran de la politique aligné avec l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki, pour
diriger le prochain gouvernement. Il y a maintenant trois catégories de forces armées et
paramilitaires ainsi que l'armée régulière.
Les Kurdes sont à leur tour en train de consolider leur intention de se séparer de l’Irak.
À côté de cela il y a l’intention du bloc homogène et solide des Sunnites pour créer un état à
eux. Le projet est soutenu par les « parrains » sunnites dans la région : l’Arabie saoudite, les
Émirats arabes unis, et même la Jordanie.
« Pour les Kurdes, la création d’un État sunnite serait une revanche de l’histoire, le moyen
d’obtenir enfin l’indépendance pour eux-mêmes »
Les Kurdes sont tout de même une population de trente millions à vivre sur un territoire à
cheval sur l'Irak, la Syrie, la Turquie et l'Iran. Leur rêve politique renaît, de former un jour un
pays uni et indépendant. À cause de la situation en Syrie et l’Irak ce rêve pourra (peut-être) se
réaliser prochainement.
Politiquement on compte une grande partie des habitants de Basra (Bassora) comme étant
Chiites ce qui est une généralisation et un mélange de religions (chiites, sunnites et d’autres),
de la politique et d’ethnicité (Arabes, Kurdes, Iraniens et Turkmènes).
Ensuite on voit que la présence des groupes divers n’est pas hétérogène mais au contraire très
homogène formant le grand groupement des Sunnites au nord et celui des Chiites en dessus de
Bagdad et surtout Basra qui en fait appartient historiquement à la Perse (Iran). L’Irak
traditionnel a toujours été Sunnite.
Une grande majorité des chiites en Irak sont des convertis Sunnites d’une date récente (pour
s’opposer à Sadam). Puis il faut tenir compte du fait que l’Irak Chiite parle persan et que plus
d’un million de Chiites Iraniens, souvent des théologiens se sont installés en Irak et occupent
les lieux saints et y construisent des écoles. Cela implique que la zone de Basra fort peuplée
par des Chiites a une tendance à s’expandre direction nord (Bagdad). La majorité du territoire
Irakiens plus au nord reste occupée par les Sunnites et Kurdes. Les Arabes de la région de
Basra se sont convertit d’antan au Chiisme en refusant en partie d’employer la langue Perse.
Ce mouvement de conversion s’est poursuivi jusqu’au début du XXe siècle et se reprenait dans
la période post-guerre du Golfe. Il exprimait l’adéquation des sentiments de tribus
anciennement sunnites confrontées à la déchéance au regard des valeurs bédouines liée à leur
sédentarisation. Au début du XXe siècle, un pays chiite quasi homogène s’était constitué,
depuis le sud de Bagdad jusqu’au Golfe. Ce phénomène démontre qu’être Chiite ou Sunnite
est devenu plutôt un aspect politique qu’ethnique ou religieux. On voit donc qu’un groupe
énorme se convertît soudainement de Sunnite en Chiite comme s’il s’agissait des partis
politiques. Ce serait plus correct de les appeler les groupes du Hachd au lieu de Chiites. On ne
change pas de confession du jour au lendemain mais changer d’un point de vue politique à un
autre se fait plus facilement.
Par leur poids démographique comme par leur enracinement historique, les chiites d’Irak sont
aussi la minorité la plus importante à l’échelle du monde arabe, largement sunnite. La
communauté, essentiellement arabe, compte cependant également des Persans, des Kurdes et
des Turkmènes (environ 40 % des Turkmènes d’Irak). Les Kurdes chiites (appelés Kurdes
Faylis) ont payé au prix fort le fait d’être à la fois kurdes et chiites : le régime Baa’th les a en
effet déportés en masse vers l’Iran dans les années 1970 et 1980. Ensuite il faut tenir compte
du fait que presque 10 millions d’Irakiens ont fuit leur région et sont à l’étranger et n’ont pas
les papiers nécessaires pour voter dans un pays qui est terrorisé par les Iraniens et Daesh. Un
grand nombre de la population n’ose pas avouer à quelle branche de l’Islam il ou elle appartient.
Basra est du coup devenu chiite et même une partie des Kurdes s’est convertie à la branche
Chiite de l’Islam… question de survivre. C’est aussi la région où vivent les descendants
d’esclaves Africains, les Zanj, au nombre de 250.000. La raison pour laquelle le Koweït ne fait
pas partie de l’Arabie Saoudite ou l’Irak, depuis 1913, est dû au fait qu’on a à faire avec encore
une autre tendance Islamique : Le wahhabisme (Wahhābiya(h)) ou la Dawa Wahhabite :
https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/Koweit.htm : En fait, le British War Office avait
délibérément choisi de refuser à l'Irak un accès à la mer afin de limiter son influence dans le
Golfe et de le maintenir sous la dépendance de la Grande-Bretagne. En même temps l’Iran
réclamait les territoires à l’Est du Tigris comme étant historiquement Perse.Voir aussi :
https://watson.brown.edu/costsofwar/costs/human/refugees/iraqi
Ces chiffres sont sans compter les morts qu’ont couté la guerre du Gulf qui furent estimés à
80.699 et 88.126 (en grande partie des Sunnites). Un mensonge qui a tenu le coup pendant
vingt ans. Le nombre réel des morts se situe entre au moins neuf cent cinquante mille et un
million cent vingt mille. Personne n’a une idée exacte de la démographie Irakienne et les
élections, avec une participation très faible, ne donne qu’une image déformée de la composition
réelle de la population des dix-huit provinces, qu’on classe en deux groupes : chiites et Sunnites,
comme si on parlait des partis politiques. On voit donc encore une fois que la démographie
Irakienne n’est pas hétérogène du tout, mais que chaque groupe ethnique et /ou religieux
occupent des vastes zones à eux et ne vivent nullement en harmonie.
Basra, le Sud de l’Irak, territoire des multiples groupes Chiites et tribus ex-Sunnites.
Lentement l’expansion Chiite va vers Bagdad après la chute de Saddam.
Basra, Ammara, Nadjaf, Karbala et de nombreuses autres villes ressemblent à un champ de
ruine, à une terre brulée. C’est la région où les Sheikh traditionnels Sunnites se sont convertis
au Chiisme pour échapper à la violence de la révolte chiite contre Saddam Hussein. Un certain
nombre de Sunnites Kurdes avaient fait la même chose dans le Nord.
Toute cette nouvelle génération de chiites, marginalisée, abandonnée, frustré, livrée à la rue,
se trouve face à des injustices sociales, à l’absence totale de perspective d’emploi, de salaire,
d’inclusion sociale et politique. La seule perspective durable et garantie qui s’offre à cette
génération, c’est le marché des milices où le jeune défavorisé, qu’importe sa nationalité peut,
sans grande difficulté, trouver une place et donc un salaire et ils seront forcé de voter en
temps voulu…
Notes :
https://www.irsem.fr/data/files/irsem/documents/document/file/1533/Les%20diffé%3Brent
es%20branches%20du%20chiisme%20-%202006.pdf
https://www.franceculture.fr/religion-et-spiritualite/les-mondes-de-lislam-210-sunnites-chiites-etc
https://www.iss.europa.eu/sites/default/files/EUISSFiles/Brief%2026%20Iraq%27s%20Sunnis_0.pdf
https://www.icrc.org/en/doc/assets/files/other/irrc-869_harper.pdf
https://ccrweb.ca/sites/ccrweb.ca/files/static-files/documents/refirakiensinfo.htm
https://sgp.fas.org/crs/mideast/RL33936.pdf